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Dépôt légal
DY 2.02506-57698
8
Henoc MANOKA
Gradué en Droit
L'Étudiant en Droit
Kinshasa, 2024
10
11
ÉPIGRAPHE
DÉDICACE
A l'étudiant en Droit
REMERCIEMENTS
C’est sans doute lorsque le voyageur arrive à son terme qu’il apprécie
le plus ces instants qui ont compté lors du périple. Il se rend alors vraiment
compte que le voyage n’aurait pas eu lieu sans aides et sans guides. Il sait
aussi que ce voyage ne constitue qu’une modeste étape. Une parmi d’autres,
une qui conditionne d’autres qui seront sans doute aussi stimulantes et enri-
chissantes. Il sait enfin que s’il est parvenu là, c’est qu’il ne savait pas que
c’était impossible.
L'auteur
15
16
AVANT PROPOS
Aussi vrai qu'un bon croquis vaut mieux qu'un long discours, un procès
simulé fera sans doute naître plus de carrières juridiques que des longues
explications sur papier glacé. Il y a, somme toute, peu de différences entre
procès simulé et une cause réelle, hormis une plus grande légèreté dans les
propos.
Dans le cadre de cet essai, même s'il n'a rien de nouveau, le procès si-
mulé à un objectif bouillantissime. Rappelons que le Droit est une matière
en mouvement, loin des préjugés sans sa prétendue austérité. D'où, le procès
simulé demeure indiscutablement un atout professionnalisant pour l'étudiant
en Droit. De plus, la simulation d'un procès se languit être une occasion ri-
chissime pour les étudiants de tous les niveaux de devenir acteurs et pas seu-
lement spectateurs de leurs études de Droit ; l'étudiant, grâce à cet exercice,
se dépassera de ses idées limitantes, mais aussi et surtout avoir un aperçu de
sa future pratique professionnelle.
PRÉSENTATION ET OBSERVATIONS
MÉTHODOLOGIQUES
1. Présentation du travail
1
C. DE VISSCHER, Les effectivités du Droit international public, Paris, éd. A. Pedore, 1967,
p.13.
2
J. CHEVALLIER, l'enseignement supérieur, 1° édition, Paris, PUF, 1971, p. 31.
3
P. DUPONT et M. OSSANDON, la pédagogie Universitaire, Paris, PUF, 1994, p. 3.
4
I. HILL, l'Université d'Oxford, Paris, L'Harmattan, 2003, p. 11.
20
En effet, le Droit loin d'être une simple théorie, il est une pratique. La-
quelle pratique pour être exercée, nécessite une mise en exergue de certains
prérequis, répondant ainsi aux us et coutumes du palais mieux aux habitudes
du palais. Il en résulte que l'apprentissage du Droit est en califourchon entre
la théorie et la pratique, un bon juriste est celui qui maîtrise la théorie et la
pratique dit-on.
Mais il est curieux de constater que cet exercice loin de remplir sa mis-
sion intrinsèque, celle de permettre à l'étudiant en Droit de concilier la théo-
rie à la praxis prétorienne, s'est transformé dorénavant à un théâtre, où l'ob-
jectif serait d'épater le public par un discours ponctué d'aporie et en prolifé-
ration des longs mots dépourvu de toute pertinence.
21
2. Observations méthodologiques
5
J.M. MBOKO DJ'ANDIMA, Abrégé de Droit administratif, Kinshasa, MédiasPaul, 2022, p. 31
; D. KALUBA DIBWA, La justice constitutionnelle en République Démocratique du Congo,
Kinshasa, édition Eucalyptus, p. 83 ; L.C CAMPENHOUDT, R. QUI Y, Manuel de recherche
en sciences sociales, Kinshasa, 4éme édition, DUNOD, p. 61 ; S. SHOMBA KINYAMBA,
Méthodologie de la recherche scientifique. Parcours et les moyens d’y parvenir, Kinshasa,
Éditions MES, 2005, p. 19 ; P. HURT, Les hypothèses juridiques : une étude du raisonnement
judiciaire, Thèse pour le doctorat en Droit, Université Panthéon Sorbonne (Paris I), 2007, p.50
; P.G. NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Introduction générale au Droit, Partie II :
Droit Public, Notes polycopiées, UNIKIN, 2018-2019, p. 11 ; B. OMEONGA TONGOMO,
Droit administratif général, Notes polycopiées, URKIM, 2016-2017, p. 14 ; A. KAMUKUNY
MUKINAY, Droit constitutionnel Congolais, Notes polycopiées, UNIKIN, 2011-2012, p.9 ;
N. Bernard, I. HACHEZ, et alii, Méthodologie juridique, Notes polycopiées, Université Saint-
Louis Bruxelles, 2014-2015, p. 3 ; E. MWANZO Idin'AMINYE, Méthodologie juridique. Ins-
trument de recherche. Réaction scientifique. Dissertation scientifique, Notes polycopiées,
UNIKIN, 2015, p. 52 ; R. PINTO et M. GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, 4e
édition, Dalloz, 1971, p. 289 ; M. A. COHENDET, Droit Public. Méthodes de travail, 3e édi-
tion, Paris, Montchrestien, 1998, p. 13 ; Y. CHEROT, Livre blanc sur la recherche juridique,
Paris, LGDJ, 1996, p. 6 ; M. GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 10e édition, Paris,
Dalloz, 1996, p. 319, n° 267 ; C. PERELMAN, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2e
édition, Paris, Dalloz, 1999, pp. 51-96 ; L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, tome I,
3e édition, 5 volumes, 1923- 1927, p. 177.
23
liée au fait que, nous étions encore à nos tous premiers jours dans la re-
cherche scientifique, et après avoir un petit peu grandi et compris la bourde,
il était pragmatiquement très compliqué de rattraper tout le retard. Il y a lieu
d'admettre ensuite la multitude de fautes de grammaire, de syntaxe et d'or-
thographe contenues dans le travail, qui, en droit, peuvent être déterminantes
dans la compréhension correcte ou erronée d'une matière.
Après cette constatation lugubre, nous appelons tous les étudiants lec-
teurs à participer au travail, en nous faisant parvenir des corrections, des ap-
profondissements et tous autres développements utiles à l'amélioration du
travail.
25
ACRONYMES
Al. : Alinéa
Alii. : Autres
Art. : Articles
Cfr : Confère
Coq. : Coquilhatville
Cost. : Costermansville
Décis. : Décision
Ed. : Edition
Élis. : Elisabethville
Eq. : Equateur
ex. : Exemple
Jadot. : Jadotville
Kin. : Kinshasa
Kis. : Kisangani
L’shi. : Lubumbashi
Léo. : Léopoldville
N° : Numéro
Ord : Ordonnance
P. : Page
Pp : Pages
Pp. : Parquet
PLAN SOMMAIRE
PARTIE 1
1. La parole
« La parole est action ou n’est rien. Parler, ce n’est pas jongler avec
des idées, ni polir des sentences, roucouler, faire des effets de manche, poser
pour le profil. Parler, c’est convertir. Au moins convaincre ; ou raffermir
des convictions chancelantes », disait Jacques Charpentier.
6
E. CERDAN, la parole libre de l'avocat (1789-1830), Thèse de doctorat en Droit, Université de
Bordeaux, 2016, p. 9.
7
R. AMOSSY, L'argumentation dans le discours, Paris, Armand Colin, 2016, p. 1.
32
« Verba volant, scripta manent », dit un proverbe latin pour nous rap-
peler que les écrits restent, tandis que les mots s’envolent. Et pourtant, lequel
d’entre nous oserait dire aujourd’hui que certains mots qui lui ont été adres-
sés, certains discours dont il a été le témoin, certaines répliques dont il a été
l’auteur ou la victime, ne l’ont pas marqué, parfois durablement, voire à vie
?8
8
A. BLANCKAERT, Votre parole vaut de l'or, Paris, Plon, 2022, p. 8.
9
B. PÉRIER, la parole est un sport de combat, Paris, édition JC Lattès, p. 3.
33
ceux qui bavardent à tort et à travers, souvent pour ne rien dire. Mais j’ai
compris par l’expérience, dans les épreuves orales que j’ai passées au cours
de mes études, devant les juridictions puis par la suite en enseignant l’art
oratoire, à quel point la parole, si elle est utilisée à bon escient, est une arme
exceptionnelle, une force redoutable qu’il ne faut jamais sous-estimer ».
10
B. PÉRIER, op. cit, p. 3.
34
vous, l’orateur en coulisse, autant que nous autres, spectateurs encore igno-
rants de ce que vous allez nous révéler.
Ce livre est ainsi le fruit d’une expérience personnelle issue de mes dif-
férentes prestations dans le cadre des procès simulés. Mes plus grands suc-
cès, je les ai vécus en parlant et ma plus grande humiliation aussi. Parler fait
partie de mes moments le plus émouvant, ainsi ma vie est parole, je vis pour
la parole.
35
TITRE 1
SOUS TITRE 1
11
A. BLANCKAERT, op. cit, p. 6.
37
Dans ce brouhaha général, savoir trouver les mots pour nommer les
choses et le monde est d’une valeur inestimable. La parole consciente et
choisie, cet art de parler qui se travaille et se cultive nous aide à décrire, à
nous souvenir, à analyser, à penser, à comprendre, à nous projeter, à formuler
nos idées et, surtout, à interagir, sans quoi l’on n’existe pas au sens étymo-
logique du terme : du latin ex + sistere : « sortir de soi ». Car, ne nous y
trompons pas. C’est pour aller à la rencontre de l’autre que l’on parle. C’est
pour obtenir une réponse, une approbation, une action, un sentiment, une
reconnaissance, une contestation parfois aussi, que l’on parle.
C’est un fait : nous sommes tous censés parler… mais bien souvent
nous ne savons pas, nous ne pouvons pas. Les mots nous résistent, comme
une langue étrangère. Nous cherchons nos mots et non les mots, quelle drôle
d’expression quand on y réfléchit ! Comme si chacun devait trouver sa
langue, faire sien des mots universels. C’est dire combien la parole exige une
quête, une appropriation, un apprivoisement.
12
Idem.
38
Maintenant que faire si cela se passe mal ? Mon conseil est de jouer
cartes sur table. Quel que soit le type de prise de parole, parole profession-
nelle, discours, entretien, je ne vois aucun inconvénient à ce que l’on fasse
part au public de ses émotions.
SOUS TITRE 2
1. Le non verbal
L’« énonciation » d’un discours est très souvent appelée « action ora-
toire », mais le premier terme fait apparemment référence à la voix et le se-
cond au geste : Cicéron dit ainsi quelque part que l’action est « une sorte de
langage du corps », et ailleurs qu’elle en est comme « l’éloquence » ; mais
il ne la divise pas moins en deux parties, voix et mouvement, qui sont ainsi
les deux divisions de l’énonciation, ce qui montre bien qu’on peut employer
indifféremment l’un ou l’autre terme14.
Quant à l’élément désigné par ces termes, il a dans les discours une
efficacité et un pouvoir extraordinaires, car ce qui compte n’est pas tant la
qualité de ce qu’on a composé dans son for intérieur que la manière dont on
le traduit extérieurement, l’impression de chacun n’étant fonction que de ce
qu’il entend. Voilà pourquoi une démonstration de type oratoire reste ineffi-
cace, quelle que soit sa solidité, si elle n’est pas étayée par la conviction du
ton ; de ce fait les émotions les plus vives retombent forcément, si la voix, la
physionomie et, en somme, toute l’allure générale ne leur communique pas
leur flamme15.
13
Concept emprunter de l'auteur Fils ANGELESI BAYENGA dans son syllabus de Droit et
VIH/SIDA, Notes polycopiées, UNIKIN, 2009.
14
C. DELHAY, L'art de la parole, 2° édition, Paris, Dalloz, 2020, p. 25.
15
Idem.
41
et rien qu’en observant son attitude, ses gestes, ses mimiques, vous aurez une
idée assez précise de la tonalité de son propos. Mettez le son en écoutant un
discours dans une langue que vous ne connaissez pas, et l’impression sera
encore plus frappante. C’est dire que les mots ne font pas tout. Des études
très sérieuses ont été menées sur cette question, et ont conclu que la force de
conviction d’un discours passait à 60 % par le langage du corps, à 30 % par
les inflexions de la voix (ce que l’on appelle la prosodie) et à 10 % seulement
par les mots eux-mêmes. En somme, un orateur est d’abord vu, ensuite en-
tendu, et enfin seulement compris. Le discours, au sens le plus large, com-
mence donc dès que l’orateur apparaît aux yeux de l’auditoire.
Aussi le lieu d’arrivée. D’où vais-je parler : d’une scène surélevée (ce
qui me distingue du public) ou du niveau du sol ? Derrière un pupitre ou sans
pupitre (donc sans notes) ? Avec micro ou sans micro ? Assis ou debout ?
Comment vais-je me positionner par rapport au public : va-t-il me faire face,
m’entourer, sera-t-il dans la lumière ou dans la pénombre ? Et dans une réu-
nion de travail, où vais-je m’installer ? Ce n’est pas pour rien que, dans les
assemblées parlementaires, les élus se regroupent « géographiquement » par
affinités : dis-moi d’où tu parles, et je te dirai qui tu es !
42
Faites de même lorsque vous prenez la parole. Ne vous laissez pas im-
poser une mise en scène qui ne correspond pas à ce que vous voulez dire. Et
une règle d’or : quel que soit votre message, montrez que vous exprimez
n’est pas pour vous une contrainte ou une épreuve. Le public n’a pas en-
vie d’écouter quelqu’un qui a l’air d’aller à l’échafaud.
2. La posture
Pour ma part, j’irai bien jusqu’à dire qu’un discours médiocre, mis en
valeur par une action énergique, produira plus d’effet qu’un excellent
discours qui n’en bénéficie pas. C’est bien ce que signifie la réponse de
Démosthène à qui l’on demandait ce qui venait en premier dans tout l’art
oratoire, et qui donnait la palme à l’énonciation, puis aussi la deuxième
place, et encore la troisième, point où l’on renonça à le questionner davan-
tage ce qui autorise à croire qu’il n’y voyait pas le plus important de l’art
oratoire, mais bien le tout. Et c’est du reste pourquoi il s’était lui-même en-
traîné auprès de l’acteur Andronicos, avec assez d’acharnement pour justifier
le mot d’Eschine aux Rhodiens enthousiasmés par un de ses discours : « Et
si vous l’aviez entendu lui-même ! »16.
16
QUINTILIEN, Institution oratoire, XI, trad. Jean Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 1979 ; Cité
par C. DELHAY, Op-cit, p. 27.
44
franc ! Ne pas se tripoter les mains, ne pas regarder ses pieds. Si on est der-
rière un pupitre, le plus simple est de poser ses mains aux angles inférieurs.
3. Le regard
On a parfois tendance à fuir le public, soit pour fixer le sol, soit pour
trouver l’inspiration au plafond. C’est un mauvais réflexe : tout regard qui
n’est pas porté sur l’auditoire est perdu. De trois choses l’une, alors. Soit
on parle à un petit groupe de personnes, et il faut regarder chacun alternati-
vement, dans un ordre évidemment aléatoire et sans jamais privilégier
quelqu’un. Soit on parle devant une assemblée nombreuse qui nous fait face,
et le plus simple est de fixer un point au fond de la salle. Soit on parle devant
un amphithéâtre qui nous entoure, et il faut que le regard se pose de droite à
gauche et de haut en bas, comme en décrivant sur l’auditoire le tracé des
lettres M et W, un peu comme y aident de nos jours les prompteurs dispersés
dans les salles, par exemple dans les réunions publiques au cours de la cam-
pagne de Barack Obama.
4. La gestuelle
Dès qu’il s’agit de l’usage du corps dans la prise de parole, il n’est pas
rare d’entendre cette injonction, « sois authentique et naturel », aussitôt suivi
du commentaire, « la gestuelle, ça ne s’apprend pas, il suffit d’être soi-
même... ». Ce serait aussi pertinent de dire à un enfant qui se mettrait au
46
Une athlète entre en jeu, sur le ring, le terrain ou la piste, avec ce corps
préparé, en alerte, tout comme l’artiste de scène. C’est encore Obama dans
une Église de Charleston, lorsqu’il vient célébrer les funérailles des neuf vic-
times assassinées par Dylann Roof. Un même, faisant usage du contraste et
de la concentration. De façon analogue à Ulysse, il baisse la tête, garde le
silence pendant douze secondes d’introspection au cours desquelles l’assis-
tance se demande ce qui va advenir, puis se redresse et à la surprise de tous,
chante. Amazing Grace... Comme on n’avait jamais entendu un président des
États-Unis exerçant ses fonctions, chanter17.
Le geste est ce que l’on contrôle le moins. C’est d’ailleurs pourquoi des
spécialistes, les synegologues, analysent ce que les gestes révèlent des ora-
teurs. Pourtant, chacun peut essayer de lutter contre les gestes parasites (se
gratter, se passer la main dans les cheveux, etc) qui n’apportent rien et per-
turbent l’attention plus qu’ils ne la favorisent.
17
C. DELHAY, Op-cit, p. 33.
47
Pour le reste, privilégiez au maximum les gestes ronds, qui partent des
épaules et font avancer les mains vers le public en décollant très légèrement
les bras du tronc. C’est une position confortable, ouverte, neutre, qui évite
les bras ballants et les mains dans le dos, qui ne sont jamais bons…
pensée. Si l’on parle trop vite, et que l’on n’a pas le temps d’élaborer la pen-
sée suivante lorsqu’on exprime la pensée précédente, la rupture survient.
Adaptez donc le rythme de votre parole au rythme auquel les idées vous
viennent, et anticipez : lorsque vous sentez que l’idée suivante n’est pas en-
core là, n’attendez pas d’être en difficulté et de buter, anticipez et ralentissez
en amont.
Et si vous lisez un texte, ne soyez pas non plus trop rapide : laissez à
votre auditoire le temps de comprendre ce que vous dites, et là encore, mé-
nagez des silences.
6. EXERCICES
● Le ventriloque
● Le marionnettiste
● L’imitateur
Pour voir tous ses défauts en termes de langage non verbal, l’exercice
le plus cruel est évidemment de se filmer. Mais si vous ne pouvez pas le faire,
demandez à quelqu’un de vous imiter après lui avoir fait un petit discours.
En exagérant vos tics, vos gestes parasites, il vous en fera prendre cons-
cience.
● Le « Face à l’écran »
Vous verrez que ces gestes guident votre propos et que n’importe quel
mot ne peut pas être dit sur n’importe quel geste. Vous pouvez aussi faire cet
exercice en traduisant un discours en langue étrangère – que vous la parliez
ou non – pour faire « coller » votre traduction aux gestes et à l’intonation de
la voix de l’orateur.
51
PARTIE 2
L'ARGUMENTATION JURIDIQUE À
L'ÉPREUVE DU PROCÈS SIMULÉ
52
1. Le procès
Le lexique des termes juridiques défini le procès comme étant une dif-
ficulté de fait ou de droit soumise à l’examen d’un juge ou d’un arbitre18.
Le mot « procès » pose d'emblée une difficulté, surtout dans une pers-
pective comparative. Que doit-on entendre par ce terme ? En common law,
c'est un sens étroit qui est généralement retenu : le procès (trial) est seule-
ment l'aboutissement du processus pénal, sa phase terminale, c'est-à-dire
l'audience et ses suites. Au contraire, dans les pays romano-germaniques, le
terme procès est le plus souvent entendu de façon bien plus large : il inclut
pour certains auteurs tous les actes procéduraux, depuis ceux qui sont réali-
sés dès le début de l'enquête jusqu'à l'ultime décision judiciaire. C'est le sens
qui sera retenu ici19.
18
S. GUINCHARD, T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2017-2018, p.
1305.
19
J. PRADEL, Droit pénal comparé, 4° édition, Paris, Dalloz, 2016, p. 229.
53
20
E-J LUZOLO BAMBI LESSA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, PUC, 2011, p. 5.
21
Idem.
22
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 14ème éd., Cujas, 2008, p. 154.
54
Comment expliquer cette profusion dans les pays de common law. Elle
provient de l'utilisation intensive du jury en Angleterre, et cela depuis plu-
sieurs siècles, alors qu'en Europe continentale le jury n'apparaît pratiquement
qu'au début du XIXe siècle et ne sera jamais beaucoup utilisé. Or les jurés
anglais, surtout au début, étaient des gens simples, ignorant et sans expé-
rience qu'il fallait « encadrer » par un système probatoire n'autorisant la con-
damnation qu'à coup sûr. Dès lors les juges ont été conduits à établir des
règles précises, mais ces règles ne jouant que pour des cas déterminés ne
pouvaient s'appliquer ultérieurement que dans ces cas (par application du
principe du précédent) de sorte que si d'autres cas se présentaient, ces juges
devaient élaborer d'autres règles. Ainsi s'explique la profusion des règles.
23
Idem.
55
24
Ibidem.
25
A. MALOBA MPIANA, Notes des cours de l'étudiant en Droit, Kinshasa, Ed. Essaie, 2022,
p. 805.
26
MATADI NENGA GAMANDA, Droit Judiciaire Privé, Kinshasa, Droit et idées nouvelles,
2006, p. 17.
56
2. Argumentation juridique
La vérité judiciaire, non pas celle ontologique, née du contradictoire, il
appert pour tout étudiant en Droit, de surcroît a tout juriste, de mieux maîtri-
ser cette technique pour bien exercé son domaine de prédilection (magistra-
ture, avocature). L'argumentation est un véhicule principal du langage écrit
ou parlé. Le langage y est à la fois matière et instrument d'intervention.
27
J-L BERGEI, Théorie générale du Droit, « Méthode du Droit », 4° édition, Paris, Dalloz, 2003,
p. 209.
57
28
C. PERELMAN et L. OLBRECHTS TYPECA, La nouvelle rhétorique. Traité de l'argumen-
tation, Bruxelles, Éd. de l'Université de Bruxelles, 1992, p. 25.
58
C'est une technique d'influence, qui laisse l'auditeur libre de son choix
final, de son adhésion aux propos qu'il entend. En ce sens, l'argumentation
se distingue de la contrainte qui résulterait par exemple d'un ordre militaire,
59
Cette distinction est d'ailleurs reprise par PERELMAN, pour qui serait
persuasive toute argumentation qui ne prétendrait valoir que pour un audi-
toire particulier, et convaincre celle qui serait censée obtenir l'adhésion de
tout être de raison30. Une telle nuance, comme le confesse PERELMAN lui-
même, est assez proche de celle que propose KANT quand il dit, « la
croyance est valable pour chacun en tant du moins qu'il a de la raison, son
principe est objectivement suffisant et la croyance se nomme conviction. Si
elle n'a son fondement que dans la nature particulière du sujet, elle se
nomme persuasion31 ».
29
B. PASCAL, La Pléiade, Gallimard, p. 252.
30
C. PERELMAN et L. OLBRECHTS TYPECA, Op-cit, p. 37.
31
E. KANT, Critique de la raison pure, 4° édition, Paris, Bibliothèque de la philosophie contem-
poraine, PUF, 1965.
60
● Conclusions controversables
Cela signifie non seulement que l'auditoire est libre de rejeter ou d'ac-
cepter la thèse qui lui est proposée, mais aussi et surtout que l'argumentation
judiciaire est énoncée dans un cadre qui en prévoit, institutionnellement,
l'immédiate contradiction par argumentation adverse, la vérité juridique née
du contradictoire dit-on.
TITRE 1
LE PROCÈS
Il s'agit de l'exposition dans la présente partie, de la théorie générale du
procès, a la lumière de la pratique du procès simulé de l'étudiant en
Droit.
65
a. Divergences
b. Convergences
32
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 20ème éd., Dalloz, 2006, p. 2 ; Cité par J-M TASOKI
MANZELE, op. cit, p. 34.
33
F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle ou théorie du code d’instruction criminelle, T.I,
Paris, 2ème éd., Henri Plon, 1866, p. 7 ; SAAS Claire, L’ajournement du prononcé de la peine.
Césure et recomposition du procès pénal, Thèse pour le doctorat en droit, Paris, Dalloz, 2004,
p. 1 ; Cité par J-M TASOKI MANZELE, Procédure Pénale Congolaise, Paris, Harmattan,
2016, p. 21.
67
34
M. DELMAS-MARTY, Serge LAVIGNES et al., La mise en état des affaires pénales, Rapport,
Commission justice pénale et droits de l’homme, Documentation française, Paris, 1991, p. 11
; Cité par J-M TASOKI MANZELE, op. cit, p. 21.
68
35
J. BORRICAND et A-N SIMON, Droit pénal et Procédure pénale, 6° édition, Paris, Dalloz,
2008, p. 246.
36
B. BOULOC, H. MATSOPOULOU, Droit pénale général et Procédure pénale, 21° édition,
Paris, Dalloz, 2022, p. 239
37
S . GUINCHARD et Th. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2012,
p. 31.
38
E-J LUZOLO BAMBI LESSA, op. cit, p. 163.
39
Idem.
69
Une action à fins civiles est une action de droit civil qui a l’infraction
pour cause mais dont le but ne tend pas, comme l’action civile, à la réparation
du préjudice entraîné par cette infraction. Tel est le cas de l’action en divorce
initiée à la suite d’un adultère ou des violences volontaires commis par un
conjoint. L’action à fins civiles n’a pas pour objet la réparation du dommage
40
J-M TASOKI MANZELE, Op-cit, p. 24.
71
41
J-M TASOKI MANZELE, op. cit, p. 32.
72
Conduire un procès est à la fois un art et un rite sans oublier les exi-
gences du Droit processuel auxquelles doit satisfaire le juge au risque de voir
son œuvre être annulée. La pratique de l'instance a été moins étudiée que la
théorie de l'action ou de la compétence juridictionnelle. L'instance est une
pure technique procédurale révélée par l'expérience, comme le processus
permettant à une action mise en œuvre, d'aboutir à une décision judiciaire.
Juger ses compatriotes est une mission sacrée. Ceux qui en sont chargés
en qualité de magistrats ne doivent pas ignorer cette vérité. Ils doivent réflé-
chir sur les conséquences graves de l'ignorance du Droit processuel dans l'ac-
complissement de leurs tâches42.
42
L. NGANDA FUMABO, Audience Judiciaire, Kinshasa, Éd. Rivages Africains, 2016, p. 13.
73
La défense est orale : L’avocat peut rédiger à l’intention des juges pour
leur délibération une note de plaidoirie rappelant les moyens de défense dé-
veloppés oralement à l’audience. En principe, la note de plaidoirie ne peut
contenir rien de nouveau par rapport à ce qui a été dit à l’audience. Toutefois,
si elle contient un moyen fondé non développé à l’audience, le tribunal doit
rouvrir les débats afin de permettre aux autres parties d’y répondre43.
43
E-J LUZOLO BAMBI LESSA, Op-cit, p. 406.
44
Idem.
74
Le juge dans le cadre d'un procès simulé est ténu de mieux maîtriser
l'affaire qui fera l'objet du procès, s'imprégner des faits tout en prenant le
soin de noté les difficultés ou vices de procédure qu'il découvre et y réserver
une réponse appropriée le jour de l'audience.
En lisant l'affaire une attention particulière sera portée sur les dates du
déroulement des faits, pour savoir ce qu'il en est par rapport à la prescription
de l'action publique et de l'infraction.
Toutefois, le délai de huit jours francs peut être abrégé lorsque la peine
prévue ne dépasse pas cinq ans de servitude pénale ou ne consiste qu'en une
amende (article 63 du code de procédure pénale).
Bien que tous les citoyens soient égaux devant la justice, le législateur,
sans déroger véritablement à ce principe, a institué dans l'intérêt même d'une
meilleure justice pénale, des juridictions spéciales en raison de la qualité de
l'auteur de l'infraction.
Une fois que le problème de procédure résolu, le juge passe aux élé-
ments du dossier en rapport avec le fond de l'affaire pour en saisir ou dégager
l'objet de la citation.
Une fois que la lecture de l'extrait du rôle est terminée, le président re-
prend la parole et procède à l'appel des causes.
Le juge répressif est généralement saisi par une citation à prévenu ré-
gulière, ou par une citation directe46 (art 58 du code de procédure pénale) ou
encore la comparution volontaire du prévenu47.
Par ailleurs, en instance d'appel, il faut noter que le délai pour interjeter
appel est de 10 jours. Ce délai est couvert du jour du prononcé ou de la si-
gnification du jugement selon qu'il est contradictoire ou par défaut (art. 97
du CPP).
45
La maxime nul ne plaide par procureur oblige le mandataire seulement à préciser dans les actes
de procédure, le nom de la personne qu'il représente et qui est véritable partie au procès. (CSJ,
545, 16|06|1982, in Dibunda Kabuinji Mpumbuambuji, Répertoire général de la jurisprudence
de la cour suprême de justice 1960-1985, C.P.D.Z, Kinshasa 1990, p. 203).
46
Lorsque la citation directe n'a pas été signifiée conformément aux prescriptions de l'article 59
du code de procédure pénale, elle ne saisit la juridiction de premier degré que si le vice est
couvert par la comparution personnelle des cités à l'audience d'introduction. CSJ, RPA 5,
22|06|1972, in Dibunda, Op-cit, p.33.
47
Ne constituepas une comparution volontaire du prévenu, le fait d'avoir été interpellé sur certains
faits et d'avoir répondu, si les formalités légales exigées par l'article 55 du code de procédure
pénale n'ont pas été respectées. (CSJ, RPA 27, 25|05|1974, idem, p. 35).
80
Retenons que seul l'acte appel saisit le Tribunal48 tandis que les exploits
de notification d'appel et de citation à comparaître donnés aux parties ont
pour but de permettre au Tribunal de procéder (à l'instruction) ; en d'autres
termes, de mettre la cause en état de recevoir instruction. Par conséquent,
lorsque les parties n'auront pas été atteintes par lesdites notifications, le juge
ne devra pas se déclarer non saisi mais tout simplement, il renverra la cause
à une date ultérieure pour l'accomplissement de ce devoir.
La durée des débats doit être compatible avec le droit à un procès équi-
table c'est-à-dire les accusés et leurs conseils ne doivent pas suivre les débats,
répondre aux questions et plaider dans un état de fatigue excessif. De même
les juges ne doivent pas perdre leurs pleines capacités de concentration et
d'attention pour suivre les débats et pouvoir rendre un jugement éclairé.
48
La juridiction d'appel est saisie par l'acte d'appel et non par la citation donnée au prévenu. CSJ,
RP 211, 26|02|1977, ibid.
81
Le juge pénal procède à une recherche active portant sur tous les élé-
ments matériels et moraux requis par la loi pour déterminer si les faits dont
il est saisi sont constitutifs d'infraction et quelle est leur gravité49. Ce qui
importe, c'est que les juges acquièrent une connaissance suffisante des faits
infractionnels et des circonstances objectives et subjectives de leur commis-
sion. L'instruction doit être menée avec cet objectif, sans entraves forma-
listes50.
49
A. RUBBENS, Droit Judiciaire Congolais, TOME III : l'instruction criminelle et la procédure
pénale, Kinshasa, PUC, 2010, N°147, p. 125.
50
A RUBBENS, Op-cit, p. 125.
82
● Clôture de l'instruction
Faisant suite au fait que la matière civile ne pas la plus usitée dans le
cadre des procès simulés dans nos différents clubs juridiques, nous n'expo-
serons ici que l'essentiel de la matière sans prétendre à une quelconque ex-
haustivité.
Le rôle du juge civil dans l'instruction d'une cause en matière civile est
de diligenter, d'orienter, et de diriger la mise en état de la cause.
On notera qu'en matière civile, bien que les parties puissent prendre des
conclusions écrites, l'article 15 du code de procédure civile prévoit que les
parties sont entendues contradictoirement.
C'est un principe naturel de l'instance qui veut que chaque partie soit en
mesure de discuter les prétentions, les arguments et les preuves de son ad-
versaire. Ce principe peur se confondre avec le droit de la défense51.
Le principe dispositif veut dire tout simplement que le juge ne peut dire
le droit que dans la stricte mesure où les parties le lui demandent. L'action
civile appartient aux parties sous réserve du rôle accru du juge.
51
J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure Civile, 24° édition, Paris, Dalloz, n° 611, p. 431.
87
PARTIE 3
1. Plaidoirie
La plaidoirie constitue un cas particulier de prise de parole. Il
s’agit d’une prise de parole qui s’inscrit dans un lieu donné avec la recherche
d’un objectif précis : la plaidoirie est une prise de parole dans une instance
judiciaire (devant un juge donc), pour défendre une cause. Bien évidemment,
la plaidoirie renvoie elle-même, implicitement, à la notion plus large de rhé-
torique qui vient du latin rhetorica, terme issu lui-même du grec ancien (rhê-
torikê tekhnê), qui se traduit par « technique, art oratoire ».
52
MATADI NENGA GAMANDA, op-cit, n°372, p. 355.
93
S'il est vrai que la plaidoirie explique mieux ce qui est écrit, il faut
avouer qu'avec le développement technique du Droit, les juges modernes
n'ont que faire d'envolées oratoires avec effets des manches qui ne prouvent
rien. Les avocats Congolais ont encore la charge de la réflexion sur la lon-
gueur de leurs plaidoiries53. Un bon résumé technique l'emporte toujours sur
la succession pédante des verbes qui sonnent bien au subjonctif !
53
Op-cit, p. 356.
94
- L'exode ou introduction
- La narration
- La péroraison
Trois parties :
● RELATION FACTUELLE
Consiste à raconter les faits. Elle porte sur quelques éléments indispen-
sables :
- Point culminant
96
Il est à noter qu'il ne faut jamais rien dire qui puisse nuire au client.
Ex : Dans une affaire de vol, il n'est pas question de dire que le client a
volé.
Ainsi donc doit-on se taire sur la faute du client. Il ne s'agit pas d'un
mensonge, mais d'un silence.
● MOYENS DE DROIT
Ici, on a devant nous les faits dont on doit créer l'interaction avec le
droit. Il s'agit de démontrer les théories de droit constituant le substratum
juridique de ce fait-là.
- Interrogation de la loi
- Jurisprudence
- Doctrine
Et ainsi de suite à la
- Coutume
Puis à l’
- Équité
Le procédé de conciliation des moyens des droits et des faits se fait sous
forme de syllogisme et se présente de la manière suivante :
● DEMANDE DE RÉPARATION
Ce sont les articles 258 et 259 du Code civil, livre III, qui constituent le
siège de cette matière. Aux termes de l’article 258, « tout fait quelconque de
l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il
est arrivé, à le réparer ». De son côté, l’article 259 édicte que « chacun est
responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou par son imprudence ».
54
C. KALOMBO LUKUSA, Vers la requalification conceptuelle du préjudice en Droit Congolais
des obligations, in la réforme du Droit des obligations en RDC, Mélanges à la mémoire du
Doyen Bonaventure Olivier KALONGO MBIKAYI, Paris, Harmattan, 2020, p. 369.
55
Idem.
56
KALONGO MBIKAYI, Droit civil, Tome 1 : les obligations, Kinshasa, Éditions Universitaires
Africaines, 2012, p. 203.
99
Suivant cette théorie, tous les événements lointains ou proches qui ont
conditionné le dommage sont équivalents, tous sont à égal titre la cause. Pour
bien déceler ces diverses causes, la théorie estime qui sera retenue comme
cause « tout fait du défendeur sans lequel le dommage ne se serait pas produit
tel qu’il s’est produit ». Et dès lors qu’on retient cette faute du défendeur
comme cause, il peut être obligé à la réparation de l’entièreté du dommage.
● Critique
57
Cette théorie a été développée en Allemagne avec le criminaliste Van Burn en 1885 pour ex-
pliquer que le complice puisse être rendu responsable de l’infraction commise par l’auteur
principal. La doctrine belge dans sa majorité a retenu cette théorie malgré les critiques. La
jurisprudence dans ce pays avec l’arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 1988, a néanmoins
assoupli cette tendance. Voir à ce sujet, David-Constant (S), Propos sur le problème de la
causalité dans la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, JT, n° 5482 pp. 645-648. La
Cour aborde la fameuse question de la rupture du lien de causalité ; Cité par KALONGO
MBIKAYI, Op-cit, p. 203.
100
Elle écarte de toutes les causes, celles qui normalement ne peuvent pas
adéquatement produire le dommage du genre de celui qui a été causé. Dans
l’hypothèse ci-dessus, on écarte par exemple le fait que le patron ait libéré la
victime à une heure de pointe, la tardiveté dans les premiers soins car en eux-
mêmes, ces faits ne peuvent pas entraîner le dommage du genre de celui qui
s’est produit à savoir la mort d’homme.
On ne retient comme cause dans une telle théorie que « la cause qui
normalement entraîne toujours un dommage de l’espèce considérée par op-
position aux causes qui n’entraînent un tel dommage que par suite de cir-
constances extraordinaires ». On introduit ainsi dans la recherche de la cause
le critère « de raisonnabilité » qui a été pratiqué en Angleterre. Toutes ces
théories démontrent les difficultés de définir les liens de causalité sur le plan
théorique. Aucune d’entre elles ne s’est d’ailleurs imposée en jurisprudence
58
KALONGO MBIKAYI, op. cit, p. 204.
101
car, nous l’avons dit : « cette dernière paraissait décider surtout empirique-
ment »59.
- Contre faits
Il est ici question de contraindre les faits établis par l'autre partie en
connaissance de la pièce remise. On utilise ici le mobile de l'infraction, afin
de disqualifier les faits relatés par l'autre partie. Il s'agit d'une justification de
la faute.
Il est à noter qu'il ne faut jamais rien dire qui puisse nuire au client. Ex
: Dans une affaire de vol, il n'est pas question de dire que le client a volé.
59
Idem.
102
Ici, on cherche à contredire le droit tel qu'il a été exposé par la première
partie. Il sied de connaître le droit. Le principe et son exception, éventuelle-
ment l'exception de l'exception.
● DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Est la demande intervenant parce qu'on a été blessé. Elle est introduite
pour propos téméraires et vexatoires. Ici, on démontre que le client n'a pas
commis l'infraction en démontrant qu'un élément constitutif de l'infraction
manque (en matière pénale cette demande ne peut être introduite que lorsque
la juridiction est saisie par citation directe, en vertu du principe de l'irres-
ponsabilité du ministère public, lorsque la juridiction est saisie par cita-
tion a prévenu il n'y a pas lieu de faire une demande reconventionnelle).
60
V. PINATEL, « L’élément légal de l’infraction devant la criminologie et les sciences de
l’homme », RSC 1967. 683 ; Cité par B. BOULOC, Droit pénal général, 25 édition, Paris,
Dalloz, 2017, p. 94.
104
de sociologues (pour qui l’infraction est toute agression dirigée par un indi-
vidu, membre d’un groupe social, contre toute valeur commune à ce groupe).
61
Comp. la définition adoptée par Dana, « Essai sur la notion d’infraction pénale », LGDJ 1982
et l’article de Marchal et Scheers au sujet de cet ouvrage (« Une borne franchie ; une nouvelle
théorie conceptuelle de l’infraction », RSC 1983. 433). Pour A. C. Dana, l’infraction se carac-
térise par deux traits essentiels : c’est une action humaine imputable et une action humaine
coupable ; Cité par B. BOULOC, Op-cit, p. 94.
62
La plupart des criminalistes distinguent des éléments constitutifs spéciaux de l’infraction, ce
qu’ils appellent la « condition préalable ». Elle consiste en un état de fait ou de droit, antérieur
à l’activité proprement délictueuse et sans lequel le comportement ne serait pas punissable.
C’était le cas d’un contrat préalable pour l’abus de confiance ou de l’infraction qui a procuré
la chose recelée pour le recel. V. : Rassat, Droit pénal spécial 7e éd., no 2-1o, 59, 100 ; Dou-
cet, La condition préalable à l’infraction, Gaz. Pal. 1972. 2. Doctr. 726 ; Decocq, Droit pénal
général, p. 88. À vrai dire, il s’agit d’un des éléments requis pour constituer le délit ; Cité par
B. BOULOC, Op-cit, p. 219.
105
● ÉLÉMENT MATÉRIEL
63
Merle et Vitu, 7e éd., I, no 435. Mme Rassat rassemble sous le titre de l’élément injuste les
faits justificatifs de l’ordre de la loi, de la légitime défense et de l’état de nécessité, nos 316 s
; Cité B. BOULOC, Op-cit, p. 220.
64
B. BOULOC, Op-cit, p. 220.
106
65
P. K. LAURENCE LETURMY, Cours de Droit pénal général, 5° édition, Paris, Qualino, 2019-
2020, p. 139.
66
P. K. LAURENCE LETURMY, Op-cit, p. 142.
107
Le plus souvent, l’élément matériel réside dans un acte positif qui con-
siste à faire ce que la loi prohibe (tuer, blesser, voler). Le délit est alors un
délit d’action ou de commission. Parfois, mais plus rarement, l’élément ma-
tériel réside dans un acte négatif qui consiste à ne pas accomplir ce que la loi
commande de faire dans l’intérêt général (porté secours à une personne en
péril, faire telle déclaration). C’est alors le délit d’inaction ou d’omission67.
Dans l’Ancien Droit, l’auteur d’une omission pouvait parfois être puni
comme s’il avait accompli le fait de commission. « Qui peut et n’empêche,
pèche », disait Loysel, mais cette maxime était loin d’être observée de façon
générale. En l’absence d’une disposition dans le Code pénal, la jurisprudence
67
B. BOULOC, Op-cit, p. 222.
108
conduite sous l’empire d’un état alcoolique répondent par exemple assuré-
ment de cette logique.
● ÉLÉMENT MORAL
68
Pour quelques auteurs, l’élément moral n’est pas un élément constitutif de l’infraction, mais
une condition psychologique de la culpabilité de l’auteur d’une infraction, objectivement cons-
tituée (Merle et Vitu Traité de droit criminel, 7e éd., nos 572 s. ; Comp. G. Levasseur « Étude
de l’élément moral de l’infraction », Annales de la Faculté de droit de Toulouse, t. XVIII,
fac. 1, p. 81 s.). Pour d’autres, une fois l’imputabilité établie, il faut rechercher si la société
reproche une « réaction hostile aux règles sociales », (A. C. Dana, Essai sur la notion d’in-
fraction pénale, p. 343). Quelques auteurs estiment qu’il y a essentiellement l’acte et que les
aspects psychologiques intéressent la responsabilité de l’agent (Pradel, 14e éd., no 461). À vrai
dire, l’élément moral est bien une composante de l’infraction puisque, en son absence, le juge
d’instruction est en droit de rendre une décision de non-lieu, et le juge de jugement une déci-
sion de relaxe ou d’acquittement ; Cité B. BOULOC, Op-cit, p. 249.
69
Dans les comportements qui se poursuivent dans le temps, et constituent des infractions suc-
cessives, la mala fides superviens pouvait rendre délictueux à partir d’un certain moment un
comportement qui jusque-là était licite. Tel était le cas pour le recel, par exemple, lorsque le
détenteur apprend l’origine de la chose (Crim. 22 juin 1972, Bull. crim. no 220 ; Gaz. Pal.
1972. 1. 842 et la note ; 15 juin 1973, D. 1973. IR 158). Mais un revirement de jurisprudence
s’est produit : Crim. 24 nov. 1977, D. 1978. 42, note Kehrig « L’acquéreur d’un bien mobilier
ne saurait être déclaré coupable de recel, lorsque la régularité de la possession et la bonne foi
impliquent la réunion des conditions d’application de l’art. 2279 C. civ. », c’est-à-dire
lorsqu’il est propriétaire de ce bien ; on ne peut être receleur de sa propre chose. V. aussi Crim.
24 janv. 1978, Bull. crim. no 27 ; 3 déc. 1984, Bull. crim. no 381 ; Cité par B. BOULOC, Op-
cit, p. 249.
110
exemple, il n’y a pas d’infraction. Cela est vrai non seulement pour les in-
fractions dites intentionnelles, telles que les crimes et la majorité des délits,
mais encore pour les infractions appelées non intentionnelles comme par
exemple les délits d’imprudence.
70
P. K. LAURENCE LETURMY, Op-cit, p. 139.
71
Cf. Bernardini, L’intention coupable en droit pénal, thèse Nice, 1976, 2 vol. (ronéo) ; A. Hau-
teville, « La gradation des fautes pénales », in Réflexions sur le nouveau Code pénal, Pédone
1995, p. 31 ; Cité par B. BOULOC, p. 259.
111
plus de la volonté consciente de violer la loi pénale, elle exige, en outre, soit
l’intention de donner la mort pour toutes les atteintes volontaires à la vie
d’autrui, y compris l’empoisonnement, soit la volonté de s’approprier la
chose d’autrui (en cas de vol), soit la volonté de causer un préjudice indivi-
duel ou social (en cas de faux documentaire).
● ÉLÉMENT INJUSTE
Cet élément sera analysé dans la présente étude qu'à titre d'information. Le
vocable vise à souligner qu’en certaines situations l’infraction ne mérite pas
d’être poursuivie soit que l’acte n’apparaisse pas antisocial, soit qu’il pa-
raisse favorable à la société. On dit alors que l’infraction bénéficie d’un fait
justificatif.
A. Structure du réquisitoire
● Le timbre et en-tête
● Motivation
● Motivation en fait
● Motivation en Droit
Il s'agit dans cette étape de soumettre les prétentions de Droit (du par-
quet) au Tribunal. C'est en d'autres termes, le développement des motifs.
● Dispositif
● Contenu du réquisitoire
B) La présomption d’innocence
72
R. LONGENDJA ELAMBO, Administration de la preuve pénale théorie générale et évolutions
juridiques, Bukavu, Ed. CRUKI, 2017, p. 5.
116
Et l’article 14, alinéa 2, du Pacte international relatif aux droits civils et po-
litiques (PIDCP) renchérit en disposant que toute personne accusée d’une
infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie.
● Équitablement ;
● Dans un délai raisonnable ;
● Publiquement ;
● Avec toutes les garanties nécessaires à sa libre défense.
Chaque personne, peu importe son sexe, son âge ou encore sa religion,
a droit à un traitement égal et pourra, par exemple, au même titre qu’un autre
détenu en garde à vue, arrêté, ou détenu, entrer en contact avec sa famille ou
avec son conseil. Et par cet article, il est possible de comprendre qu’ainsi
chaque personne est au même titre qu’une autre personne informée de ses
droits et des motifs de son arrestation. C’est un droit commun.
Ainsi, le fait d’arrêter une personne pour le fait d’autrui est constitutif
de l’infraction d’arrestation arbitraire prévue et punie par l’article 67 du
Code pénal disposant qu’« est puni d'une servitude pénale d'un à cinq ans
celui qui, par violences, ruses ou menaces, a enlevé ou fait enlever, arrêté
ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quel-
conque ».
120
La logique veut même qu’ils aient droit à une copie de la procédure qui
doit être gratuite pour garantir l’égalité des citoyens devant la justice. Ceci
est la traduction pratique du droit à un procès équitable imposé par l’article
19 de la Constitution de la RD Congo. C’est aussi l’application des droits de
la défense, issues de ce même article. Pour rappel, le respect du contradic-
toire s’impose également à la défense qui ne saurait produire au Tribunal une
125
3) Le droit de correspondance
73
En droit congolais, cette obligation vaut beaucoup plus en matière civile ; au pénal, les pièces
et les autres éléments du procès sont communiquées aux parties durant l’instruction à l’au-
dience. Il est à noter, par ailleurs, que ces pièces et éléments peuvent être communiqués au
Ministère public ou à l’Officier de police judiciaire durant la phase pré-juridictionnelle. Ici,
elles ne peuvent être accessibles à l’autre partie que moyennant l’autorisation du Procureur
Général, répondant sur une demande de levée copie lui adressée par celle-ci.
126
● Obligation de défense ;
● Devoir de diligence : soin appliqué dans l’exécution d’une
tâche, elle s’entend encore de « la célérité et de l’exactitude
dans l’exécution d’une tâche » ;
● le devoir de compétence : l’avocat ou le défenseur judiciaire ne
doit pas accepter de se charger d’une affaire s’il sait qu’il n’a
pas la compétence nécessaire et adéquate pour la traiter ;
● le devoir de formation continue : l’avocat ou le défenseur judi-
ciaire réalise sa formation continue par l’étude individuelle et la
participation active aux initiatives culturelles en matière juri-
dique et de la profession d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
● le devoir de loyauté : implique la correction de comportement.
Le devoir de vérité ;
● le devoir de délicatesse : elle est relative au sens élevé de juge-
ment de l’avocat ou défenseur judiciaire qui consiste à décider
de la meilleure conduite à adopter face à des faits ou circons-
tances déterminées. « Elle pousse la probité jusqu’au scrupule,
fût-il exagéré, et de vouloir, dans la pratique du bien, observer
127
1) Pour l’audience
Tenue : Les avocats portent à l’audience la robe noire avec chausse garnie
de fourrure de léopard et le rabat blanc ; ils ne peuvent y porter aucun insigne
ni bijou marquant leur appartenance à un Ordre national ou étranger ou à une
institution de droit public ou privé. Ils sont appelés « Maître ». Ils plaident
debout et à découverts.
● Les avocats doivent conduire jusqu’à leur terme les affaires dont
ils s’occupent (exception que le client les en déchargent) ;
● L’avocat doit conduire chaque affaire avec célérité et compé-
tences ;
129
A) Vis-à-vis du prévenu
La règle d’or est que l’on ne tire rien de profitable en « tapant » sur les
autres. L’atténuation de la règle est qu’il ne doit pas y avoir pour autant de
partage des responsabilités par confraternité. Le résultat est que l’on doit être
direct et franc lorsque l’on pose des questions au co-prévenu : il ne doit pas
s’agir de faire le travail du Parquet, on ne cherche pas à l’« enfoncer », mais
à dédouaner ou atténuer la responsabilité de son client.
Il faut enfin et surtout se rappeler des règles relatives à son propre client:
un doute se plaide, une certitude venue d’une réponse catastrophique à une
question ne se rattrape pas. Donc, il est inutile d’insister au-delà de ce que
peut renseigner le Tribunal.
Une autre règle d’or est que le dernier à qui il faut s’en prendre c’est la
victime. Il faut toujours s’adresser avec courtoisie, doucement et calmement
à la victime. Il faut donner au Tribunal le sentiment que l’on comprend sa
position, même si on ne la partage pas.
Ça veut dire que face à une victime qui ment, on doit parvenir à le lui
faire admettre ou l’amener à se contredire tout en montrant qu’en tant
qu’Avocat ou défenseur judiciaire on comprend pourquoi elle a pu mentir.
134
a. Il est trop courant de voir lors des audiences les Avocats ou dé-
fenseurs judiciaires de prévenus agresser les parties civiles, ac-
centuant ainsi leur caractère de victime et compliquant la tâche
de la défense ;
b. A l’inverse, on voit également trop de défenseurs totalement
muets face aux victimes et oubliant d’assurer le minimum de
leur rôle de contradicteur à l’audience.
La personne poursuivie doit être informée des faits qui lui sont repro-
chés ainsi que de leur qualification juridique. Si le juge modifie la qualifica-
tion précédemment retenue, il doit alors permettre au prévenu de présenter
une défense adaptée à la nouvelle qualification. Le droit à l'assistance d'un
avocat s'applique à l'enquête comme au jugement.
Un prévenu qui refuse de comparaître ne peut être privé pour cette rai-
son de son droit à être défendu car une telle conséquence présenterait un
caractère disproportionné.
● passé irréprochable ;
● bon citoyen ;
● bon père de famille ;
● vie difficile et agitée durant l’enfance ; etc.
136
Elle peut aussi contester l’applicabilité du texte légal invoqué aux faits
pour lesquels il est poursuivi. Le prévenu aura aussi à se défendre contre la
partie civile au cas où il y a eu constitution de partie civile ou citation directe.
Dans ce cas, la défense du prévenu peut porter sur divers éléments :
On appelle défense de rupture celle qui repose par principe sur la con-
testation de la légitimité du Tribunal. Elle signifie donc la remise en cause
de l’autorité de l’état et de son pouvoir judiciaire. Cette stratégie de défense
est apparue dans les années 60 au cours des guerres de libération (notamment
le conflit algérien) et il est difficile de savoir si les avocats ou les défenseurs
judiciaires l’ont choisi ou si elle leur a été imposée par la position intangible
des personnes qu’ils défendaient.
Le résultat est souvent le même: le prévenu, s’il est cohérent doit de-
mander à son Avocat ou son défenseur judiciaire de ne pas plaider pour lui
puisque cela reviendrait à admettre le système judiciaire. L’Avocat ou le dé-
fenseur judiciaire ne peut toutefois servir de pure « conscience de louage »
et demeurer assis et silencieux bien que présent. Il doit soit renoncer, en au-
dience, à la défense du prévenu (mais il arrive alors souvent qu’il soit com-
mis d’office par le Président du Tribunal), soit expliquer, en préalable, cette
position contestataire du prévenu et justifier ainsi son absence de plaidoirie
et de défense. A noter que le client peut lui interdire de s’exprimer en son
nom, ce qui pose un réel problème.
139
Dans tous les cas, il faut agir avec énormément de prudence. Se faire
expliquer très précisément la position du client et ses souhaits en terme de
défense. Il faut également, et c’est fondamental, l’informer très précisément
sur les conséquences d’une telle défense en terme de peine (en l’occurrence
souvent maximale). En outre, il sera nécessaire d’expliquer au tribunal dans
quelle situation on se trouve en tant qu’Avocat ou défenseur judiciaire, tenu
par ses obligations déontologiques et professionnelles tant vis-à-vis du pré-
venu que du Tribunal.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raison-
nable par le juge compétent. Le droit de la défense est organisé et garanti”.
La loi organique N° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonc-
tionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, en ses ar-
ticles 49 à 62 dispose de la procédure à suivre.
Il faut être très clair à ce sujet dans le but de produire une défense effi-
cace. Nos systèmes civils ne connaissent pas en principe la pratique du
plaidé-coupable, courante en droit anglo-saxon. On pourrait donc en déduire
qu’il est inopérant de se positionner sur ce point dans nos procès. A savoir,
le client doit-il reconnaître les faits ou non ? Au quotidien, on constate pour-
tant que c’est en général la première question qui est posée au prévenu ou à
l’accusé. Et cela semble logique.
Attention toutefois :
Dès lors, il vaut souvent mieux, si l’on ne parvient pas à faire admettre
à une personne qui nie l’évidence que son mode de défense est suicidaire,
142
renoncer à l’assister plutôt que plaider des aberrations en trahissant son ser-
ment et en entamant sa propre crédibilité vis-à-vis des juges. En résumé, il
est primordial de fixer sa position dès le début de l’audience et, si l’on est
persuadé que cela peut aider le prévenu, inviter celui-ci à reconnaître ce qui
n’est pas contestable (attention à ne jamais l’amener à reconnaître des faits
qu’il n’aurait pas commis).
Il faut :
L’avenir des individus peut en partie se lire dans leur passé qui l’in-
fluence. Encore faut-il connaître ce passé. Dans l’hypothèse où les faits se-
raient contestés, il demeure nécessaire de se fixer une position de défense et
d’y axer son argumentaire.
Une fois que le tribunal estime que l’instruction à l’audience est termi-
née, la parole est accordée à la partie civile qui aura :
146
74
GARNIER, ‘Quelques réflexions sur l’action civile’, in JCP, 1957, I, p. 1386 ; Cité par E-J
LUZOLO BAMBI LESSA, op-cit, p. 422.
147
1.7. Les expressions latines les plus usitées lors des procès
Nullum crimen, nulla poena sine lege Pas de crime, pas de peine sans la loi
De cujus Defunt
A priori Au préalable
Casus Cas
Causa Cause
Ad gustum A la dégustation
A domino Du propriétaire
Culpa Faute
Debitum Dette
De facto De fait
De jure De droit
Gratis Gratuitement
In factum En fait
In fine A la fin
In globo Globalement
Interim Entre-temps
Lex Loi
Carré de Malberg.
« Si le dire du dire de celui qui dit, n'était que le dire du dire de celui
qui as dit, donc mon dire ne sera que le dire du dire de celui qui avait dit ».
Augustin BAKAMBE
Henoc MANOKA
160
Dan MORDEKAY
Michée MANKUBU
Michée MANKUBU
Shadrack BOKEFELE
Henoc MANOKA
Henoc MANOKA
Jean GRAVEN
« La justice est rendue par des hommes et pour des hommes. Le besoin
de justice existe dans tout homme. En tant que fonction immanente, elle met
en avant-plan autant l’humanité de celui qui la rend que celle de celui qui la
reçoit. D’où la nécessité du traitement en humanité tant du magistrat que du
justiciable ».
Vincent LAMANDA
Antoine RUBBENS
163
Heloche LUTIKU.
Daniel MBAU
Dan MORDEKAY
Henoc MANOKA
CICÉRON
CICÉRON
CICÉRON
MONTESQUIEU
MONTESQUIEU
165
Après avoir ajouté que l’Histoire jugerait les juges eux-mêmes, il dé-
clare les débats ouverts. La Haute Cour de justice chargée de juger Philippe
Pétain est composée de vingt-quatre jurés : douze parlementaires tirés au sort
dans l’Assemblée, douze membres d’organisations de la Résistance et trois
magistrats professionnels. Philippe Pétain, après avoir entendu la lecture de
l’acte d’accusation, demande la parole pour lire une déclaration : « La Haute
Cour, telle qu’elle est constituée, ne représente pas le peuple français et c’est
à lui seul que s’adresse le maréchal de France, chef de l’État. Je ne répon-
drai à aucune question… J’ai passé ma vie au service de la France… L’oc-
cupation m’obligeait à ménager l’ennemi, mais je ne le ménageais que pour
vous ménager vous- mêmes… Pendant que le général de Gaulle, hors de nos
frontières, poursuivait sa lutte, j’ai préparé les voies à la Libération, en con-
servant une France douloureuse mais vivante. À quoi, en ef et, eût-il servi de
libérer des ruines et des cimetières ? Si vous deviez me condamner, vous
condamneriez un innocent et c’est un innocent qui en porterait le poids, car
un maréchal de France ne demande de grâce à personne ».
au visage juvénile, balayé par une large mèche de cheveux noirs, est tétanisé
par l’enjeu. « Afalé sur une chaise de velours, a-t-il écrit plus tard, je devais
être d’une pâleur touchant au vert. Pour me soutenir, la maréchale ne m’of-
frait complaisamment que de l’eau de Vittel dans le verre du maréchal… ».
Isorni se lève, pétrifié, un brouillard devant les yeux. Peu à peu, sa voix
de cuivre porte. Vingt ans après, l’écrivain Jules Roy, ancien aviateur, qui
servit Pétain avant de rejoindre la RAF, fit revivre cet instant unique : « Qui
pouvait résister au romantisme d’Isorni ? Un dieu le possédait. Il tendait des
bras implorants. La foi qui le brûlait gagnait comme un incendie que le vent
attise. Tassé par l’émotion, l’accusé disparaissait au fond de son fauteuil.
On n’en respirait plus. Des larmes commençaient à couler sur les joues. Au-
jourd’hui encore, il arrive que des hommes qui, pourtant, n’ont pas assisté
à cette plaidoirie, en citent des passages par cœur, tant ils furent bouleversés
par les extraits qu’en publièrent les journaux d’alors ».
168
Au seuil de mes explications, je voudrais vous livrer, non pas une con-
ception mais l’idée qui sans doute a présidé à la politique du maréchal pen-
dant quatre années. La politique du maréchal était la suivante : sauvegarder,
défendre, acquérir des avantages matériels, mais souvent au prix de conces-
sions morales. La Résistance a eu une conception contraire : elle ne cherchait
point à éviter les sacrifices immédiats. Dans la continuation du combat, elle
voyait, d’abord, des avantages moraux. Peut- être trouverez-vous, dans l’an-
tinomie de ces deux thèses, une raison du drame français auquel je reviendrai
tout à l’heure. Mais la vie des États n’est pas la vie des individus. S’il est
grave qu’un individu acquière des avantages matériels ou défende ces avan-
tages matériels au prix de concessions morales, dans la vie de l’État, il en va
autrement.
Sous quelle forme le maréchal Pétain est-il accusé d’avoir aidé l’Alle-
magne ? Je retiendrai les deux principaux griefs : la Légion des volontaires
français et le Service du travail obligatoire. En ce qui concerne le Service du
travail obligatoire, je veux dire que, loin d’apporter une aide à l’Allemagne,
c’est là que l’action du Gouvernement français a été la plus efficace et la plus
protectrice. Veut-on prétendre que sans le Gouvernement du maréchal Pé-
tain, il n’y aurait jamais eu de travailleurs français en Allemagne ?
Lorsque les Allemands ont exigé que des travailleurs français partent
pour l’Allemagne, il y avait deux solutions. La première consistait à refuser
d’une manière brutale, et les Allemands « se servaient » comme ils voulaient.
La deuxième c’était d’entrer, en apparence, dans le jeu des Allemands et de
chercher, par tous les moyens, à freiner leurs efforts, et puis, étant entré dans
170
Quelles ont été les exigences allemandes ? Il y a eu, entre le 5 juin 1942
et le 1er août 1944, cinq demandes. On a demandé cinq tranches de travail-
leurs :
Or, entre le 5 juin 1942 et le 1er août 1944, il n’est parti pour l’Alle-
magne que 641 000 – il n’est parti que… vous me comprenez – que 641 000
hommes, c’est-à-dire un peu plus du quart des demandes allemandes et, en
contrepartie, le Gouvernement a obtenu, par la Relève – je ne discute pas le
mot – mais pendant cette même période où 641 000 travailleurs sont partis,
la France a obtenu le retour de 110 000 prisonniers et la transformation en
travailleurs libres de 250 000 prisonniers de guerre.
Or, il est un fait important qui ne s’est produit dans aucun autre pays
que la France : pas une femme – et sur l’intervention personnelle du maréchal
– pas une femme n’a quitté le territoire français pour le travail obligatoire.
D’autre part, par le Service du travail, le Gouvernement obtenait que de telles
charges ne pèsent pas exclusivement sur la classe ouvrière. Un certain
171
nombre de jeunes bourgeois sont allés partager avec les ouvriers la dureté du
travail des usines, peut-être d’une manière insuffisante. Mais croyez-vous
que si les Allemands avaient pris eux-mêmes les ouvriers dont ils avaient
besoin, ils se seraient adressés à des hommes qui, par leur formation, étaient
incapables de rendre les services qu’ils attendaient d’eux ?
N’est-ce point un résultat que vous devez conserver graver dans votre
esprit au moment de votre délibéré ? Est-ce que vous ne devez pas penser
que par l’action du maréchal, alors qu’on réclamait 2 millions de Français,
600 000 seulement sont partis ? Est-ce que vous ne devez pas penser qu’alors
qu’on demandait des femmes, toutes les femmes de France qui l’ont voulu
sont restées à leurs foyers ?
celui-là devait leur adresser un appel : « Mais nous pensons à vous, vous
n’êtes pas abandonnés » ? Devait-il leur dire pour les accabler davantage
dans leur solitude et dans leurs durs travaux : « Vous travaillez pour l’en-
nemi » ? Il leur disait : « Vous travaillez pour la France ». Ce n’était qu’un
encouragement moral.
Quelle était la politique allemande dans les pays occupés ? Éliminer les
juifs de toute espèce d’activité, quelle qu’elle fût. Allait-il y avoir, en France,
une politique différente ? Vous savez qu’elle en était la cruauté. Ai-je besoin
de le rappeler ? Quelle devait être la politique du maréchal vis-à-vis des juifs
? Ce qu’il avait fait pour d’autres : essayer de dresser une espèce d’écran
entre les exigences du vainqueur provisoire, et ceux que ces exigences de-
vaient atteindre.
Est-ce que cela veut dire que les antisémites qui existaient dans tous les
pays n’ont pas profité des circonstances pour esquisser une danse sauvage
du scalp autour de ceux qui allaient souffrir ? Je le sais. Mais le maréchal en
était-il responsable ? En matière de lois raciales, puisque vous êtes chargés
de juger le maréchal Pétain, seul, il n’y a qu’une seule chose qui compte : ce
que fut son action personnelle. Il a promulgué une loi qui a interdit à un
certain nombre de juifs des activités qu’ils exerçaient normalement. Il a pro-
mulgué une loi qui a défini le juif, c’est incontestable. Mais c’est lui qui, en
173
Conseil des ministres, a imposé la disposition légale qui prévoyait les excep-
tions en faveur des Anciens combattants et de leurs familles.
C’est lui qui a empêché le port de l’étoile jaune en zone libre. C’est lui,
et c’est lui seul, qui a empêché que la loi dont a parlé M. Roussel, et qui allait
dénaturaliser tous les juifs ayant acquis la nationalité française depuis 1927
fût promulguée. C’est lui, pour vous montrer son état d’esprit, qui traitait
Darquier de Pellepoix de tortionnaire. Et, comme je n’ai qu’un souci, celui
d’être véridique, c’est lui aussi qui avouait devant le pasteur Boegner, son
impuissance désolée devant des atrocités dont il n’était pas responsable…
Je m’adresse, au-dessus de vous, à tous les juifs qui ont souffert qui
accablent aujourd’hui le maréchal. Je leur demande : Ce serait à refaire ?
Voudriez-vous qu’il n’y ait pas une zone libre où vous aviez trouvé un abri
provisoire, alors pourtant que le statut du maréchal Pétain y était appliqué ?
Renonceriez-vous à cette zone libre sans le maréchal Pétain ? Voudriez-vous
que dans cette autre partie de France vous eussiez été obligés également de
porter l’étoile jaune ? Je ne le crois pas.
Il aurait peut-être mieux valu, mais pour lui seul, laisser agir les Alle-
mands. Là encore, on a fait des concessions morales pour tâcher de sauve-
garder, dans la mesure du possible, des avantages matériels dont bénéfi-
ciaient les juifs. Je me rappelle que, lorsque la loi française venait frapper un
juif, nous nous servions tous ensemble de cette loi pour le soustraire aux
Allemands. Vous connaissez bien, Messieurs, les magistrats, certains de vos
collègues qui, avec nous, avec l’aide des parquets, ont fait ce métier sauveur.
Mais si nous n’avions pas disposé de la loi française invoquée devant les
Allemands, ceux-ci eussent été livrés à eux-mêmes, et les juifs entièrement
livrés aux Allemands.
Je sais, Messieurs, que les comparaisons avec des pays que nous ne
connaissons pas ont quelque chose, parfois, de fallacieux et d’arbitraire, mais
je ne puis m’empêcher de donner ces chiffres, recueillis dans la presse : Sur
5 500 000 juifs qui résidaient en Pologne en 1939, 3 400 000 ont été massa-
crés par les nazis. À Varsovie, 5 000 seulement, sur les 400 000 ont survécu.
Quelles que soient les souffrances des juifs français – je ne parle pas
des souffrances individuelles mais des souffrances collectives – est-ce que la
175
proportion de leurs malheurs est aussi grande que pour les juifs de Pologne
? Je ne le pense pas. C’est la seule l’action du gouvernement du maréchal qui
les a, peut-être faiblement, mais protégés quand même.
Pourquoi voudriez-vous que celui qui fut un des plus glorieux soldats
français ait été hostile à cette Résistance ? Paul Valéry disait à l’Académie,
s’adressant au maréchal Pétain : « Monsieur, vous avez, à Verdun, assumé,
ordonné, incarné cette Résistance immortelle ! »… Ah ! Je sais bien quel est
le cri de vos consciences : vous vous rappelez la police qui vous a traqués,
vous vous rappelez la milice qui vous a combattus, et si vous, qui êtes des
juges, vous ne criez pas vengeance, je sais des vôtres qui ont atrocement
souffert et qui, eux, crient vengeance.
l’armée. Je crois très sincèrement que ses pensées intimes allaient à l’armée
secrète. Je crois très sincèrement qu’il n’était peut-être pas, par ses disposi-
tions intellectuelles, accessible à ce mouvement qui a été un jaillissement
populaire venu des profondeurs de la Nation. Il pensait aux armements clan-
destins, il pensait à l’armée d’Afrique. Il n’avait peut-être pas l’état d’esprit
nécessaire à vous comprendre dans votre action. Il y a surtout une considé-
ration de fait : à partir du moment où la Résistance est devenue active, où
elle est entrée au combat avec plus de force, passant du réseau de préparation
à l’activité combattante, alors, déjà, vous le savez, le maréchal ne gouvernait
plus : il avait délégué ses pouvoirs au chef du gouvernement et il vivait dans
une espèce de zone de silence dont le caractère tragique ne nous échappe pas
lorsqu’on pense que cette zone de silence entourait celui qui avait, en nom,
la responsabilité suprême… Je sais que des membres de son cabinet étaient
en contact avec vos organisations mais c’est, néanmoins, déformé que venait
jusqu’à lui l’écho de votre action. Je plaide avec une loyauté totale, je plaide
sincèrement ; ne doutez pas de ce que je dis. Au fort de Montrouge, j’ai sou-
vent parlé au maréchal de la Résistance.
est tardive, je le sais, je ne vous cache rien. Mais elle fait suite à de nom-
breuses protestations.
Mais d’autres Français sont morts, eux aussi, sous les balles allemandes
et qui, au moment de mourir ont crié : « Vive le maréchal ! »
J’ai une lettre touchante, écrite à son père par un jeune homme, presque
un enfant, la veille de sa mort, la veille du supplice qu’allaient lui infliger les
Allemands.
VERDICT
Tout ce que ce métier m’a appris, c’est que les êtres sont tous d’une
extrême fragilité. Même s’il mesure 1,91 m et même s’il pèse 115 kg et
même si le seul film qu’il soit allé voir dans sa vie, c’est L’Ours. Alors, je
voudrais que lui et moi nous descendions de l’Olympe des dieux du stade
pour vous présenter ce dossier à hauteur d’homme et que vous puissiez le
juger à hauteur d’homme. Mesdames et Messieurs les jurés, j’ai besoin de
vous, non pas comme des Saint-Just, mais comme des hommes et des
femmes qui sont venus avec leurs défauts et leurs qualités. Vos défauts, ils
m’intéressent. Aussi.
On s’invente les héros que l’on peut. Zidane, ce n’est pas Jean Moulin
ou Cécillon. Et dans la société qui est la nôtre, on leur pardonne tout. Leurs
frasques, c’est ce qui nourrit notre appétence collective pour la presse de
caniveau. Mais attention ! Le héros a une obligation, celle de ne pas tomber.
Parce que, s’il tombe, il prend des coups de pied. Cécillon n’a pas su préparer
185
Rongé par la dépression, il s’est réfugié dans l’alcool. Moi, Marc, quand
je regarde votre vie, j’ai envie de dire : putain, que c’est triste ! Que c’est
illusoire ! Mais c’est comme ça. Il y a eu la notoriété, les faux amis, ces
promesses de la nuit qui ne voient pas le jour, l’argent facile, les filles. C’est
peut-être moralement contestable, mais c’est humain, très humain. Et puis, il
y a l’alcool, la fameuse « troisième mi-temps ». Mais comme dit Blondin : «
On boit à plusieurs mais on est saoul tout seul ». Alors lui, ce gros lourdaud,
il ne sait pas parler à sa femme, il ne l’écoute pas, sa belle-mère. Il préfère
les copains. Et il va au bistrot. Et c’est un pastaga, deux pastaga, trois pastaga
et après, il rentre tout seul chez lui comme un connaud. Oui, il traite sa
femme de « merde » mais parce qu’il pense qu’il est devenu une merde lui-
même. Quand on ne se respecte plus, on ne peut pas respecter les autres.
Évidemment que Chantal a peur de lui. Évidemment aussi, qu’il ne s’en est
pas rendu compte parce que, pour Cécillon, à moins d’un coup de boule, il
n’y a pas de violence.
Mais il n’y a pas de hasard si le drame s’est noué ce soir-là, dans cet
endroit-là. Ce soir-là, Marc Cécillon, il est, comme dit son ami Béjuy – vous
vous en souviendrez longtemps de celui-là – « dans le fond du sac ». Et com-
ment imaginer, comment penser un seul instant à un geste prémédité ? Ce
que je veux dire aux parties civiles, c’est que l’assassinat, c’est une espèce
de projet froid, déterminé, médité d’avance.
Qui peut dire que, ce soir-là, avec 3 grammes d’alcool dans le sang,
Marc Cécillon n’est pas sous l’empire d’une passion quand il repart chez lui
et qu’il prend l’arme ? Les deux experts psychologue et psychiatre ont tous
186
Marc Cécillon, il faut qu’il comprenne qu’il a été jugé comme un type
ordinaire, descendu de l’Olympe, qui nous ressemble. La semaine prochaine,
son nom, ce n’est pas à la une de L’Équipe qu’il va le lire, mais à celle de
Détective . Nous avons assisté à un réquisitoire de caricature, à une mala-
dresse judiciaire considérable. La peine de 20 ans réclamée par M. l’avocat
général, c’est la peine à laquelle Mesrine a été condamné. Si vous le con-
damnez à 20 ans, vous aurez jugé mais vous n’aurez pas rendu la justice. Je
vous demande de rendre justice.
187
VERDICT
C’est une page singulière de l’Histoire de France qui a été jugée à Paris
devant le Haut tribunal militaire en avril 1962. Certes, le « putsch des géné-
raux d’Alger » avait été rapidement jugulé, la sédition militaire ne dura que
cinq jours. Il n’empêche, les quatre généraux, (Challe, Salan, Zeller et Jou-
haud) ont bien perpétué un « vrai » coup d’État. Au moment où il comparaît
devant ses juges, Edmond Jouhaud, qui est poursuivi pour « crime contre la
sûreté de l’État », risque donc la peine de mort.
Messieurs, il est tard ; tout vous a été dit, et je voudrais ne pas vous
fatiguer. Je ne vous parlerai pas de Jouhaud ; vous le connaissez. Je ne vous
parlerai pas beaucoup de l’Algérie française ; vous avez entendu tout à
l’heure une voix plus éloquente et plus qualifiée que la mienne pour exprimer
ses douleurs, son désespoir et ses rancœurs. Mais je voudrais vous parler
d’une troisième personne dont il n’a pas encore été question dans ce débat et
qui, cependant, place au-dessus de cette audience, qui est la plus intéressée,
celle qui serait vraiment poignardée par la sentence qu’on vous demande : je
veux vous parler de la France.
La France les abandonna et, pendant un siècle et demi, elle les oublia.
Ils furent durement persécutés ; on leur interdisait de parler français ; l’usage,
l’enseignement de la langue française étaient interdits sous les peines les plus
sévères ; et puis, au bout de 150 ans, les 60 000 étant devenus 3 millions, la
192
France s’est rappelé leur existence, et elle est allée leur rendre visite. Comme
ils étaient restés Français de cœur et d’esprit, parce que, quand on a été Fran-
çais, il est difficile de ne plus l’être, ils ne nous en voulurent pas ; ils revinrent
même défendre leur patrie ingrate le jour où elle fut envahie ; mais, tout de
même, ils ne l’ont pas oubliée, et quand on est reçu dans les petites villes de
la province de Québec, on entend encore parler – et je vous assure que ce
n’est pas agréable –, des « arpents de neige » de Voltaire.
Seulement, la France eut bientôt des remords et, aux générations sui-
vantes, on apprit que leur mission en ce monde était de reconquérir les pro-
vinces perdues ; et nous l’avons fait. En 1962, la France vient d’abandonner
son deuxième empire colonial, ou du moins ce qui en restait ; mais ce qui
différencie cette opération chirurgicale des précédentes, c’est qu’elle semble
ne causer à la métropole aucun remords ; la France avait perdu la guerre de
Sept Ans au moment de l’abandon du Canada, au moins dans les territoires
d’outre-mer ; en 1871, elle avait été envahie par l’ennemi ; la capitale était
prise ; on ne pouvait plus faire autrement.
Il faut avouer que c’est un peu mieux. Seulement, c’est le danger des
métaphores : le vent est un élément instable ; le vent fait tourner les gi-
rouettes. On prétend qu’il y en a jusque dans le sein du gouvernement. Oui,
le grand vent de l’histoire soufflait en effet de l’ouest au XVIIIe siècle,
lorsqu’il ramena vers la France les frégates qui revenaient du Canada ; oui,
mais ensuite, et pendant tout le XIXe siècle, le grand vent de l’histoire a
tourné en sens contraire ; il venait de la France ; il allait dans toutes les parties
du monde ; il allait porter le nom français, les principes de la Révolution
française, et nos deux principaux auxiliaires, le médecin et le juge, dans
toutes les parties du monde et, dans ce temps-là, nous en étions fiers. Oui,
que voulez-vous, c’était ce que l’on nous apprenait dans les lycées, et nous
nous réjouissions chaque fois que sur nos atlas on voyait s’élargir les taches
rouges qui signifiaient la domination française.
194
eux ce sont moins ces abominables brimades, ces cruautés auxquelles parti-
cipe maintenant l’ordre français, que le sentiment affreux dans lequel ils se
trouvent qu’ils sont abandonnés par la patrie française. J’ai reçu à cet égard
des confidences bouleversantes.
Mais il est aussi autre chose. C’est un général. Il est parvenu à l’un des
plus hauts gradés de l’armée française ; il y est parvenu, non pas en écrivant,
non pas dans son cabinet, mais dans les combats et dans sa carrière militaire,
il a conçu comme beaucoup de ses pareils, l’orgueil de la France. Il s’est
figuré, surtout après nos deux dernières guerres, que la France était imbat-
table ; qu’elle survivrait à toutes ses humiliations, à toutes ses défaites, et il
ne peut pas supporter les capitulations successives auxquelles elle se résigne
depuis quelques années. Là aussi, son sang se révolte ; il ne peut pas, il le
pouvait tellement moins qu’il avait démissionné de l’armée.
et vous savez tout ; je n’ai plus rien à vous dire ; vous allez tout à l’heure
prendre une décision qui est attendue avec angoisse dans certaines parties du
monde. En ce moment, dans toute l’Afrique du Nord, tous les postes d’écoute
vous attendent, et en France aussi il y en a pas mal, et même à l’étranger, par
curiosité, peut-être, ou par intérêt.
Vous allez donc prendre une décision très grave ; vous êtes tous des
hommes considérables ; des hommes qui ont atteint l’échelon le plus élevé
de leur profession, sauf pour les plus jeunes d’entre vous ; vous n’avez plus
rien à attendre ; vous êtes affranchis des désirs ; affranchis de la peur ; vous
êtes arrivés à ce moment de la vie où l’homme est seul en face de sa cons-
cience, et c’est pour cela que j’ai confiance et que je vous confie le sort de
Jouhaud, du général Edmond Jouhaud ; pour cela que je suis sûr que vous ne
commettrez pas la faute irréparable que l’histoire ne vous pardonnerait ja-
mais, pas plus qu’elle n’a pas pardonné à Napoléon l’exécution du duc
d’Enghien, pas plus que la Restauration ne s’est relevée de l’assassinat du
maréchal Ney.
Je vous le demande pour lui, mais je vous le demande surtout pour notre
pays ; je vous demande pour la France pour laquelle vous pouvez jeter le
premier jalon qui conduira sur la route de l’amnistie qui, en tout cas, nous
ramènera la France que nous connaissons, celle qui avait fait l’admiration du
monde ; la France de la vérité, de la liberté et de la justice.
198
VERDICT
LA PLAIDOIRIE
DE ROBERT BADINTER
200
1976, Robert Badinter est de retour à Troyes. Il défend cette fois Patrick
Henry, l’assassin du jeune Philippe Bertrand. Ce fait divers a traumatisé les
Français. L’opinion publique, chauffée à blanc, exige une peine exemplaire
: la mort du criminel qui, seule, semble pouvoir réparer la douleur des pa-
rents. À l’audience, l’avocat se bat comme un enragé, tentant de faire parta-
ger cette conviction profonde qui le porte : la mort ne dissuade pas, ne libère
pas. À la barre, il convoque des experts en criminologie, des personnalités
201
Certes, les Français dans leur majorité – tous les sondages réalisés à
cette époque le démontrent – restent partisans de la guillotine. Mais devant
la cour d’assises de Troyes, Robert Badinter a prouvé que l’inimaginable
était désormais possible. 1981. La gauche remporte les élections. Durant la
campagne électorale, François Mitterrand a fait connaître son opposition à la
peine de mort. Robert Badinter devient ministre de la Justice. Et ce 17 sep-
tembre 1981, dans l’hémicycle, il se lance dans son ultime bataille contre sa
vieille ennemie.
202
Près de deux siècles se sont écoulés depuis que, dans la première as-
semblée parlementaire qu’ait connue la France, Le Pelletier de Saint-Fargeau
demandait l’abolition de la peine capitale. C’était en 1791. Je regarde la
marche de la France. La France est grande, non seulement par sa puissance,
mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la généro-
sité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire.
Je vous dirai pourquoi, plus qu’aucun autre, je puis affirmer qu’il n’y
a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive : sachez bien que, dans la
foule qui, autour du Palais de justice de Troyes, criait au passage de Buffet
et de Bontems : « À mort Buf et ! À mort Bontems ! », se trouvait un jeune
homme qui s’appelait Patrick Henry. Croyez-moi, à ma stupéfaction, quand
je l’ai appris, j’ai compris ce que pouvait signifier, ce jour-là, la valeur dis-
suasive de la peine de mort !
pays de liberté, l’abolition est presque partout la règle ; dans les pays où
règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée.
Cette sorte de loterie judiciaire, quelle que soit la peine qu’on éprouve
à prononcer ce mot quand il y va de la vie d’une femme ou d’un homme, est
intolérable. Le choix qui s’offre à vos consciences est donc clair : ou notre
société refuse une justice qui tue et accepte d’assumer, au nom de ses valeurs
fondamentales – celles qui l’ont faite grande et respectée entre toutes – la vie
de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c’est
211
Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui
tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune,
d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises.
Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. À cet instant
plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens
ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de « service
». Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateurs fran-
çais, de tout mon cœur, je vous en remercie.
212
VERDICT
LE PROCÈS DE L ’ADOPTION
Mécary collectionne les records qui, s’ils n’ont pas toujours fait la une des
journaux, ont semé les germes d’une petite révolution.
En 1979, votre cour, dans une affaire qui concernait la Belgique, a pro-
tégé une jeune fille, Alexandra Marckx, dont la mère célibataire se trouvait
dans une situation inimaginable aujourd’hui : elle devait, selon le droit belge,
adopter sa propre fille pour améliorer ses droits successoraux, car cette
Alexandra était considérée comme une enfant illégitime.
En 2004, Mme Joubert et Mme Merle ont souhaité que Mme Merle
puisse adopter Alexandra Joubert dans le cadre d’une adoption simple car
c’est ce qui permet d’instituer un lien de filiation, c’est-à-dire la plus grande
sécurité juridique pour un enfant. L’adoption simple permet d’établir un lien
qui s’ajoute à la filiation d’origine. À la différence de l’adoption plénière,
dont il n’est pas question dans cette affaire, et qui, elle, l’efface. Une adop-
tion simple permet la transmission du nom, du patrimoine et l’exercice de
l’autorité parentale durant la minorité de l’enfant.
Mme Merle qui l’élève depuis sa naissance. La question dont est saisie
la cour vise l’ensemble de la législation française. Elle concerne l’adoption
simple et l’insémination avec donneur anonyme. Le droit français empêche
en effet d’établir un lien de filiation adoptif entre Mme Merle et Alexandra
Joubert, alors que cela serait possible si Mme Merle était un homme. L’ap-
plication de cette législation à la situation familiale de Mme Merle, Mme
Joubert et leur fille Alexandra constitue une discrimination fondée directe-
ment et indirectement sur l’orientation sexuelle. Il s’agit d’une différence de
traitement incontestable et illégitime et donc d’une violation de la conven-
tion de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
aussi, née en France en 2000. Elle a, elle aussi, été conçue par insémination
artificielle avec un donneur anonyme. La seule différence, c’est que sa mère,
Mme Dupond, vit en concubinage, non pas avec une femme, mais avec un
homme, M. Durand. Alexandra Dupond, conformément à la législation fran-
çaise, a juridiquement deux parents : sa mère, Mme Dupond qui a accouché,
et le compagnon de sa mère, M. Durand qui, par application de l’article 311-
20 du Code civil, est le père juridique de l’enfant, sans être en le père géné-
tique. Il n’est même pas obligé de demander l’adoption simple de l’enfant.
En France, un enfant peut donc déjà, dans certains cas, avoir juridique-
ment deux parents de même sexe par adoption. Dès lors, la position du gou-
vernement français n’est pas tenable. En réalité, la France propose à Alexan-
dra Joubert deux voies pour avoir juridiquement deux parents. Première voie
: Mme Joubert doit rompre avec Mme Merle et se marier avec un homme qui
pourrait adopter Alexandra dans le cadre d’une adoption simple. Deuxième
voie : Mme Joubert et Mme Merle doivent, dans un premier temps, fuir la
222
Ce qui est clair, c’est que le refus de la France de permettre, par quelque
moyen que ce soit, l’établissement d’un lien de filiation entre Alexandra Jou-
bert et Mme Merle, est une violation de l’article 14, combiné avec l’article 8
de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans l’une de vos pré-
cédentes décisions [l’arrêt Karner], vous aviez estimé que « lorsque la
marge d’appréciation laissée aux États est étroite, dans le cas par exemple
223
ARRÊT
DE CHARLIE HEBDO
Lorsque le procès s’ouvre, trois dessins sont visés. L’un, extrait du jour-
nal danois, montre le prophète coiffé d’un turban cachant une bombe.
L’autre, toujours tiré du Jyllands-Posten , met en scène Mahomet accueillant
des kamikazes au paradis aux cris de : « Arrêtez, arrêtez, nous n’avons plus
de vierges ! » Le troisième est une œuvre originale de Cabu, que l’hebdo de
Philippe Val a publié en une de son numéro de combat : on y voit un Maho-
met consterné qui soupire : « C’est dur d’être aimé par des cons ! » Depuis
des décennies, Charlie passe à la sulfateuse du rire « bête et méchant » curés,
bonnes sœurs, papes, rabbins ou imams. Ces caricatures de Mahomet, dit-il,
s’inscrivent dans la tradition du journal. Doit-il s’autocensurer parce que les
« intégristes » ont de moins en moins le sens de l’humour ? L’UOIF, lui,
dénonce une « islamophobie » rampante et l’offense faite aux croyants.
Quant à Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, il déve-
loppe une argumentation plus subtile. Ses conseils, Francis Szpiner et Chris-
tophe Bigot, ne réclament pas la condamnation de Charlie Hebdo pour «
blasphème » (une incrimination qui, de toute façon, n’existe pas en France).
Ils attaquent le journal parce que « les images qu’il a publiées risquent de
véhiculer un amalgame entre musulman et terroriste, et que cet amalgame
n’est pas acceptable ».
La missive est lue par Georges Kiejman, l’un des avocats de Philippe
Val. Le célèbre ténor est aux anges, ferraillant, comme à son habitude, dans
le prétoire avec autant de gourmandise que de férocité. Pour l’occasion, il
s’est fait le « collaborateur » de son ancien stagiaire, Richard Malka, l’avo-
cat historique de Charlie Hebdo. Auteur de bandes dessinées à ses heures
(notamment du best-seller La Face karchée de Sarkozy), ce quadragénaire
est un habitué de la 17e chambre correctionnelle spécialisée dans les affaires
de presse, de diffamation, de droit à l’image ou d’atteinte à la vie privée.
Avocat de plusieurs journaux, maisons d’édition, journalistes, auteurs, Ri-
chard Malka n’aime rien tant que ces disputes intellectuelles, éthiques ou
politiques. Sa ligne de conduite ?
Ce n’est pas Charlie Hebdo qui parle, ce n’est pas une islamophobe, pas
une raciste, c’est une musulmane, une croyante, et manifestement une
croyante que les parties civiles ne représentent pas. Mme Ben Slama nous
rappelle que « le blasphème fut l’acte d’accusation de tous ces penseurs, de
tous ces intellectuels de l’islam, de tous ces intellectuels et écrivains qui ont
été assassinés et tués parce qu’ils avaient blessé la foi de certains, parce
qu’ils avaient porté atteinte à des sentiments religieux ».
Mais, malgré tout le respect que je lui dois, ce n’est pas une injure de
dire qu’il n’est pas une autorité théologique du monde musulman. Il est mé-
decin, pas théologien. Les parties civiles ne peuvent pas dire qu’elles repré-
sentent tous les musulmans du monde, elles ne représentent pas le milliard
300 millions de musulmans du monde. Mohamed Talby, une institution dans
le monde arabe, reconnaît aux caricaturistes le droit de brocarder le Prophète,
le droit de dire et d’écrire que l’islam est la religion la plus con du monde. Il
dit ceci : « La religion, quelle qu’elle soit, ne doit pas être une contrainte. Je
veux décrisper les gens, je veux le faire au nom du Coran. La foi est un choix.
Je ne cesserai jamais de dire que l’islam nous donne la liberté, y compris
celle d’insulter Dieu ».
notre Dieu est mis en cause, cela nous blesse. On leur reconnaît cette légiti-
mité de la blessure, bien sûr que cette blessure est légitime. Est-ce qu’on va
chercher à interdire ce qui nous blesse dans la mesure où la blessure est une
notion subjective ? Il ne resterait plus rien dans le débat et plus rien dans la
liberté d’expression si chacun cherchait à interdire ce qui le blesse. Que ces
choses soient blessantes, évidemment il faut le reconnaître, mais de là à vou-
loir interdire… Je ne veux pas interdire tout ce qui me blesse.
Alors que nous dites-vous aujourd’hui ? Nous sommes des racistes, des
islamophobes, qui plus est animés d’intentions malfaisantes, puisque ce que
nous avons voulu faire dans le cadre d’une opération mûrement réfléchie,
c’est gagner de l’argent. Ce grief est évidemment indigne de la qualité des
232
Pourquoi cet argument ? Parce que vous n’admettez pas que l’autre
puisse être animé d’une conviction sincère. Vous n’admettez pas que votre
opposant ne soit pas un ennemi avec lequel aucun débat n’est possible. Du
coup, vous n’avez pas à vous remettre en question puisque l’autre est animé
d’intentions mercantiles. C’est une rhétorique, c’est une sémantique qui est
au cœur de ce procès. C’est continuellement ainsi : vous êtes dans le déni de
l’autre alors que nous ne demandons qu’à discuter, que nous ne cherchons
qu’à dédramatiser. Si on nous enlève le rire contre ce qui nous fait peur,
contre la terreur, qu’est-ce que vous allez nous laisser pour dédramatiser,
pour nous défendre contre ces actes de terreur ?
C’est quand même une réalité qui existe, il faut bien en parler. Dans vos
citations, vous le dites clairement noir sur blanc, on nous interdit d’associer
l’islam et le terrorisme. Comment fait-on pour parler de l’actualité ? Com-
ment cela serait-il possible ? Évidemment, c’est une minorité infime qui a
agi au nom de l’islam. Mais quand ils égorgent, il y a les versets du Coran
derrière eux. On ne peut pas faire abstraction de la réalité, autrement on serait
dans le déni.
la foi ». C’est le recteur Boubakeur qui écrit cela. On nous dit, s’agissant de
la couverture : vous avez employé le mot intégriste, vous auriez dû employer
d’autres mots : « fanatisme », « terrorisme ». On nous dit ensuite – c’est
l’argument d’après – que le mot « intégrisme dans le contexte », cela ren-
voyait à tous les musulmans qui s’étaient émus. Mais alors, si on avait em-
ployé les mots « fanatisme ou terrorisme », on aurait donc qualifié de fana-
tiques et de terroristes tous les musulmans qui s’étaient émus.
franchement nous soutenir cela ? Ce que je peux vous dire, c’est que, même
à Charlie Hebdo, on n’oserait pas faire le dixième de cela à l’égard du pro-
phète Mahomet. Personne dans ce pays n’oserait faire le dixième de cela à
l’égard du prophète Mahomet !
Charlie Hebdo n’aurait plus de raison d’être si on n’avait pas publié ces
caricatures. Nous n’aurions pas pu nous regarder dans la glace, on nous aurait
dit : vous faites dans la facilité ; pour les chrétiens ou les juifs, vous ne ris-
quez rien ; quand il s’agit des musulmans, il n’y a plus personne. Nous au-
rions été face à une contradiction. Tout cela a un sens, le sens de tout cela,
c’est le combat de Charlie Hebdo pour la laïcité depuis toujours. On ne s’est
pas réveillé avec ces caricatures de Mahomet. Ce que l’on vous demande
aujourd’hui, c’est la plus formidable des restrictions à la liberté d’expression
qu’on ait jamais demandées à un tribunal, pas seulement sous l’angle du blas-
phème, de la religion, des caricatures et de l’humour mais parce que le monde
entier était à feu et à sang, le monde entier parlait de ces caricatures, on en
entendait parler du matin au soir par tout le monde. Et le peuple n’aurait pas
eu le droit de les voir ? Qui peut décider de cela ?
Je finirai par une seule phrase, celle d’un des plus prestigieux universi-
taires tunisiens, professeur à l’Université de Tunis, M. Hamadi Redissi. Au
moment où la caricature de Mahomet avec la bombe dans le turban a été
publiée, il s’est adressé à l’Occident depuis Tunis, et il l’a fait avec courage
pour nous dire ceci : « Vous ne devez pas renoncer à la libre critique. Si vous
cédez, ce sera fini ».
236
JUGEMENT
L’AFFAIRE BOBIGNY
Surtout, elle ne s’imagine pas mettre au monde un enfant à son âge. Elle
n’imagine pas non plus aller porter plainte. Dans ces années 1970, le viol,
encore tabou, est peu réprimé. Sa mère part donc en quête d’un gynécologue
et finit par trouver un médecin qui accepte de pratiquer un avortement clan-
destin sur sa fille pour 4 500 francs. Comment trouver une telle somme ?
Michèle Chevalier appelle à l’aide une collègue de travail, qui la renvoie vers
239
Et c’est Gisèle Halimi qui défend Michèle Chevalier. L’avocate est de-
puis longtemps de toutes les luttes : l’indépendance de la Tunisie et de l’Al-
gérie, la dénonciation des tortures pratiquées par l’armée française, la révé-
lation des crimes de guerre commis par l’armée américaine au Vietnam. En
1971, avec son amie Simone de Beauvoir, elle a fondé le mouvement « Choi-
sir la cause des femmes » et milite activement en faveur de la dépénalisation
de l’avortement en France. Avec l’accord des inculpées, elle fera de ce pro-
cès une magistrale tribune pour plaider la cause de millions de femmes et
dénoncer une loi aussi archaïque qu’injuste (les Françaises qui en ont les
moyens vont à l’étranger pour se faire avorter).
240
Le procès suscite des débats dans tout le pays. Les personnalités défilent
à la barre pour soutenir les accusées, l’académicien Jean Rostand, le biolo-
giste Jacques Monod, les comédiennes Delphine Seyrig ou Françoise Fabian,
Michel Rocard ou Aimé Césaire. Et le professeur Paul Milliez, médecin et
catholique… « Gisèle Halimi a voulu s’adresser, par-dessus la tête des ma-
gistrats, à l’opinion publique tout entière ». Elle y a parfaitement réussi. Au-
jourd’hui à plus de 80 ans, elle n’a pas changé, toujours aussi engagée, bat-
tante, même rebelle, forte de ses convictions. Quand on lui demande, quelle
est sa définition de la plaidoirie, la réponse fuse : « Quand je plaide, je pars
au combat ! »
241
Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique
quotidienne. Et si je ne parle aujourd’hui, Messieurs, que de l’avortement et
de la condition faite à la femme par une loi répressive, une loi d’un autre âge,
c’est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi est
la pierre de touche de l’oppression qui frappe la femme. C’est toujours la
même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et so-
cialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée.
Voilà vingt ans que je plaide, Messieurs, et je pose chaque fois la ques-
tion, et j’autorise le tribunal à m’interrompre s’il peut me contredire. Je n’ai
encore jamais plaidé pour la femme d’un haut commis de l’État, ou pour la
femme d’un médecin célèbre, ou d’un grand avocat, ou d’un PDG de société,
ou pour la maîtresse de ces mêmes messieurs. Je pose la question. Cela s’est-
242
– 5 ouvrières ;
– 3 étudiantes.
Autre exemple de cette justice de classe qui joue, sans la moindre ex-
ception concernant les femmes : le manifeste des « 343 ». Vous avez entendu
à cette barre trois de ses signataires. J’en suis une moi-même. 343 femmes
(aujourd’hui, 3 000) ont dénoncé le scandale de l’avortement clandestin, le
scandale de la répression et le scandale de ce silence que l’on faisait sur cet
243
Retournons aux sources. Pour que Marie-Claire, qui s’est trouvée en-
ceinte à 16 ans, puisse être poursuivie pour délit d’avortement, il eût fallu
prouver qu’elle avait tous les moyens de savoir comment ne pas être en-
ceinte, et tous les moyens de prévoir. Ici, Messieurs, j’aborde le problème de
l’éducation sexuelle. Vous avez entendu les réponses des témoins. Je ne crois
pas que, sur ce point, nous ayons appris quelque chose au tribunal. Ce que je
voudrais savoir, c’est combien de Marie-Claire en France ont appris qu’elles
avaient un corps, comment il était fait, ses limites, ses possibilités, ses pièges,
le plaisir qu’elles pouvaient en prendre et en donner ? Combien ?
Très peu, j’en ai peur. Il y a dans mon dossier une attestation de Mme
Anne Pério, professeur dans un lycée technique, qui indique que, durant l’an-
née scolaire 1971-1972, il y a eu treize jeunes filles entre 17 ans et 20 ans en
état de grossesse dans ce lycée. Vous avez entendu, à l’audience, Simone Iff,
vice-présidente du Planning familial. Elle est venue vous dire quel sabotage
délibéré les pouvoirs publics faisaient précisément de cet organisme qui était
là pour informer, pour prévenir, puisque c’est de cela qu’il s’agit.
quel point l’éducation sexuelle avait été inexistante pendant leurs études.
L’un est dans un lycée et l’autre est étudiant. Ils voulaient faire – il faut le
dire – mon procès. Mon procès, c’est-à-dire le procès de tous les parents. Car
l’alibi de l’éducation sexuelle à la maison, il nous faut le rejeter comme
quelque chose de malhonnête.
Parce que nous restons fidèles à un tabou hérité de nos civilisations ju-
déo-chrétiennes qui s’oppose à la dissociation de l’acte sexuel et de l’acte de
procréation. Ils sont pourtant deux choses différentes. Ils peuvent être tous
245
les deux acte d’amour, mais le crime des pouvoirs publics et des adultes est
d’empêcher les enfants de savoir qu’ils peuvent être dissociés.
J’ai eu en face de moi des hommes d’Église : même eux n’avaient pas
pris cette position. La contraception, à l’heure actuelle, c’est peut-être 6 %
ou 8 % des femmes qui l’utilisent. Dans quelles couches de la population ?
Dans les milieux populaires, 1 % !
l’on peut donner la vie par échec. Et il n’y a pas que l’échec. Il y a l’oubli.
Supposez que l’on oublie sa pilule. Oui. On oublie sa pilule. Je ne sais plus
qui trouvait cela absolument criminel. On peut oublier sa pilule. Supposez
l’erreur. L’erreur dans le choix du contraceptif, dans la pose du diaphragme.
L’échec, l’erreur, l’oubli…
Voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par er-
reur, par oubli ? Est-ce que le progrès de la science n’est pas précisément de
barrer la route à l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer l’oubli, de répa-
rer l’erreur ? C’est cela, me semble-t-il, le progrès. C’est barrer la route à la
fatalité et, par conséquent, à la fatalité physiologique. J’ai tenu à ce que vous
entendiez ici une mère célibataire. Le tribunal, je l’espère, aura été ému par
ce témoignage. Il y a ici des filles, des jeunes filles qui, elles, vont jusqu’au
bout de leur grossesse pour des raisons complexes mais disons, parce
qu’elles respectent la loi, ce fameux article 317. Elles vont jusqu’au bout.
Quand la femme, avec l’ère industrielle, devient travailleur, elle est bien
sûr – nous n’oublions pas cette analyse fondamentale – exploitée comme les
autres travailleurs. Mais à l’exploitation dont souffre le travailleur, s’ajoute
un coefficient de surexploitation de la femme par l’homme, et cela dans
toutes les classes. La femme est plus qu’exploitée. Elle est surexploitée. Et
l’oppression – Simone de Beauvoir le disait tout à l’heure à cette barre –
n’est pas seulement celle de l’économie.
Elle n’est pas seulement celle de l’économie, parce que les choses se-
raient trop simples, et on aurait tendance à schématiser, à rendre plus globale
une lutte qui se doit, à un certain moment, d’être fractionnée. L’oppression
est dans la décision vieille de plusieurs siècles de soumettre la femme à
l’homme. « Ménagère 91 ou courtisane », disait d’ailleurs Proudhon qui
n’aimait ni les Juifs, ni les femmes. Pour trouver le moyen de cette soumis-
sion, Messieurs, comment faire ? Simone de Beauvoir vous l’a très bien ex-
pliqué. On fabrique à la femme un destin : un destin biologique, un destin
auquel aucune d’entre nous ne peut ou n’a le droit d’échapper. Notre destin
à toutes, ici, c’est la maternité. Un homme se définit, existe, se réalise par
son travail, par sa création, par l’insertion qu’il a dans le monde social. Une
248
femme, elle, ne se définit que par l’homme qu’elle a épousé et les enfants
qu’elle a eus.
elles en parlent à quatre hommes qui vont tout à l’heure les juger. Cette re-
vendication élémentaire, physique, première, disposer de nous-mêmes, dis-
poser de notre corps, quand nous la formulons, nous la formulons auprès de
qui ? Auprès d’hommes. C’est à vous que nous nous adressons.
Nous vous disons : « Nous, les femmes, nous ne voulons plus être des
serves ». Est-ce que vous accepteriez, vous, Messieurs, de comparaître de-
vant des tribunaux de femmes parce que vous auriez disposé de votre corps
? … Cela est démentiel !
JUGEMENT
Depuis vingt-six ans, Georges Ibrahim Abdallah est incarcéré dans une
prison française. Le terroriste libanais membre du FPLP (Front populaire
pour la libération de la Palestine) purge une peine de réclusion criminelle à
perpétuité pour avoir assassiné en 1982, à Paris, un diplomate israélien et un
attaché militaire américain. En avril 2007, son avocat, Jacques Vergès, plaide
pour la septième fois consécutive une remise en liberté qui lui a toujours été
refusée. Ce farouche partisan de la « défense de rupture » instruit alors un
véritable « procès du procès ». Il met en accusation l’État américain, en s’ap-
puyant notamment sur une note de la DST (le service du contre-espionnage)
qui qualifie Ibrahim Abdallah de « menace pour la sécurité du territoire ».
Selon Vergès, cette note est un non-sens, elle ne peut s’expliquer que
d’une seule manière : la DST veut faire plaisir aux Américains qui s’oppo-
sent à la libération du terroriste. Dans sa plaidoirie, l’avocat dénonce donc
les errements de la politique américaine de l’après 11 septembre et stigmatise
la lutte antiterroriste menée par Georges Bush. Jacques Vergès est un habitué
de ce genre de « contre-pied procédural ». Il en a fait sa marque de fabrique.
Mais après tout, la vulgarité n’est soumise qu’au seul tribunal du mau-
vais goût. Le gouvernement américain y a sa place réservée. Pour autant, rien
ne l’autorise, et ce n’est plus ici une question de civilité, à notifier à la justice
française, sur un ton impérieux « sa ferme opposition » à une mesure de li-
berté éventuelle qu’elle pourrait prononcer. Il y a dans cette prétention des
255
Les autorités américaines n’ont pas besoin que les services français leur
tiennent la main. Elles l’ont bien assez longue comme ça. D’autant qu’elles
n’en sont pas, en ce qui concerne Georges Ibrahim Abdallah, à leur coup
d’essai. Déjà, William Casey, alors patron de la CIA, était venu, il y a plus
de 25 ans, en France, avec l’arrogance que semble conférer ce type de fonc-
tion, exercer, en prévision de la comparution de Georges Ibrahim Abdallah
devant les assises, une pression sur le gouvernement français, en la personne
de M. Robert Pandraud, ministre de la Sécurité. MM. de Meritens et Ville-
neuve rapportent ainsi leur entrevue dans un livre intitulé Les Masques du
terrorisme.
À vrai dire, on n’est surpris qu’à moitié, tant est grande la tentation en
Occident d’assimiler tout musulman à un criminel. L’imputation de terro-
risme faite à l’islam est insultante. Elle est malheureusement courante. C’est
cela que le rapport de la DST suggère, dans un racisme qui ne prend même
plus la peine de se voiler. Georges Ibrahim Abdallah a droit à la liberté con-
ditionnelle. Je vous rappelle que le 19 novembre 2003, la juridiction régio-
nale de libération conditionnelle de la cour d’appel de Pau rendait la décision
suivante :
À travers lui, on veut faire un exemple pour des faits et des événements
qui se sont déroulés longtemps après son incarcération, dans un contexte ra-
dicalement différent et avec d’autres acteurs. Derrière les barreaux et à vingt-
cinq ans de distance, G.I. Abdallah court le risque de devenir une nouvelle
victime collatérale de la guerre menée par l’administration américaine contre
l’« islam radical ». L’accusation grossière de sa conversion à l’islam ne se
comprend que sous cet angle-là. Elle montre bien la contamination du dos-
sier par des éléments qui lui sont extérieurs et postérieurs. Il n’y a eu en effet
aucune dimension religieuse notable dans le procès de G.I. Abdallah. Les
pressions américaines ne sont donc pas seulement injustifiables au regard de
l’indépendance de la France et de sa justice, elles comportent encore une
erreur volontaire de perspective qui repose sur une fausse symétrie et des
confusions en tout genre. C’est l’Amérique d’après le 11 septembre qui parle
ici, rétroactivement, par la voix de son avocat. Il ne sert à rien de dire seule-
ment que l’ingérence américaine est indue. Elle est encore, indépendamment
de cela, anachronique.
C’est de Georges Ibrahim Abdallah dont il est question ici, pas des en-
jeux de la politique étrangère américaine ; pour des faits qui datent de 1982,
et non de l’après 11 septembre 2001. C’est pourquoi nous demandons à la
justice française de signifier à nos condescendants amis américains que la
France n’est pas une fille soumise, en un mot une putain.
264
JUGEMENT
ET DU FMI
combats menés, jour après jour, dans leurs cabinets ou à la barre. Le Malien
Mamadou Konaté et le français Roland Rappaport plaide, à rebours de leurs
convictions, pour la Banque mondiale et le FMI. William Bourdon, dont
nous publions l’intervention, vole au secours du Sud. Tout sauf un rôle de
composition pour cet éternel jeune homme.
Des « biens mal acquis » des potentats africains aux « travailleurs forcés
» de Total en Birmanie, il s’est fait connaître dans plusieurs dossiers où la «
raison d’État » sert bien souvent d’alibi au cynisme et à l’impunité des élites.
Il ne conçoit pas son métier sans « éthique ni morale » et fait souvent la leçon
à ceux qu’il appelle les « mercenaires », capables de défendre n’importe
quelles causes. « Le droit, dit-il, est un instrument de la cité et du monde. Et
à cet égard, les avocats ont une vraie responsabilité citoyenne ». Il a milité
à la Fédération internationale des droits de l’homme, siège au Conseil d’ad-
ministration de France Liberté, l’association créée par Danielle Mitterrand.
Il est l’avocat de Transparency International (une ONG qui traque la corrup-
tion des États) et de Survie (très active dans la dénonciation de la Fran-
çafrique et des organisateurs et complices du génocide rwandais).
Votre cour doit déclarer coupable la Banque mondiale et les autres, ses
complices, d’association de malfaiteurs. Le bilan est bien effrayant, les
chiffres sont meurtriers et les statistiques assassines ! Les statistiques parlent
et sont éloquentes sur la tragédie qui se déroule devant nous : ces vingt der-
nières années, des plans de destruction, des plans d’appauvrissement struc-
turel se sont mis en place alors que le taux moyen d’espérance de vie baissait
tragiquement : 46 ans.
La dette est comme une pierre au cou de l’Afrique. La dette est comme
le signe de l’allégeance, de l’esclave à son maître. Ses chiffres parlent d’eux-
mêmes : 220 milliards de dollars en 2003 ! On sait par les dernières statis-
tiques, Monsieur le président, que si 4 dollars par tête d’habitant étaient rem-
boursés, 4 dollars resteraient encore à payer. Cette dette, elle a mis à genoux
et elle met à genoux l’Afrique ! Elle a mis à genoux l’Afrique parce qu’elle
lui vole sa souveraineté financière et son indépendance économique. Elle a
mis à genoux l’Afrique parce qu’elle a démantelé sa fonction publique. Elle
a mis à genoux l’Afrique parce qu’elle l’a obligée à brader ses services pu-
blics au mieux des intérêts des prédateurs financiers.
Elle a mis à genoux l’Afrique parce qu’elle a mis par terre certains de
ses hôpitaux publics. Elle a mis à genoux l’Afrique parce qu’elle a privatisé
l’école par la faiblesse des revenus conférés aux fonctionnaires publics. Elle
a mis à genoux l’Afrique et l’Afrique devient ainsi le miroir sinistre de ce
que le monde est en train d’écrire, c’est-à-dire un monde privatisé. Et dans
ce monde qui se privatise devant nous, la Banque mondiale, qui devrait être
la banque de l’Humanité, est devenue la banque de l’inhumanité !
Une guerre dont le coût est supérieur au coût qu’il faudrait mettre pour
organiser la distribution de l’eau potable et sauver tous les malades du sida
en leur offrant des génériques. C’est lui, Paul Wolfowitz ! C’est lui qui a fait
semblant de pleurer dans une tribune à Paris, il y a quelques semaines. Alors
cessons ce bal des hypocrites, cessons ce bal maudit des prédateurs !
pas ! La peine qu’il faut prononcer, et c’est ce que nous vous demandons…,
ce sont des travaux d’intérêt général pour l’Humanité, à perpétuité.
272
- à la requête n°2004/RMPI/000/PG.COUR.CONST/MOP/2021
aux fins de fixation d’audience signée par l’Officier du mi-
nistère public près la Cour constitutionnelle le 27 août 2021,
et ;
Préambule de la Constitution
1) Cela veut dire qu’à commencer par les juges, jusqu’au public,
en passant par les parties à la procédure, nous tous, sommes
portés par une volonté commune, celle de bâtir un Etat de
droit.
2) Cette volonté commune est d’une importance telle que l’Etat
de droit fait partie et est le premier élément de la définition
constitutionnelle de la République démocratique du Congo :
275
Avec déférence, nous ne pouvons perdre de vue que votre haute Cour
est à son premier dossier R.P., et qu’elle ne perdra point de vue qu’elle com-
mence à écrire une nouvelle page de l’histoire, une nouvelle page de son
histoire pénale, qui sera glorieuse car elle aura été écrite sous le sceaux de
l’équité, de la justice et de la vérité, piliers essentiels de tout Etat de droit.
276
On peut dire de votre Cour que, dans cette affaire, elle est incompétente,
sans que cela vous offense.
C’est dire qu’à son égard, cette disposition est sans pertinence. Il ne
s’agit pas ici de s’engager dans des interprétations stériles d’un texte qui ne
reflète que des évidences : la déchéance ne concerne que le Président ou le
Premier ministre en fonction, et l’ancien Premier ministre MATATA PO-
NYO ne rentre pas dans cette hypothèse.
Une autre preuve irréfutable que l’article 164, al. 1er de la Constitution
concerne un Président de la République ou un Premier ministre en fonction
est la loi n° 18/021 du 26 juillet 2018 portant Statut des anciens Présidents
de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de
corps constitués.
Bien plus, l’article 7 de la même loi concerne le statut pénal d’un ancien
Président de la République :
Il n’est pas tard de combler une telle omission, soit par une législation
nouvelle, soit par votre audace de faire évoluer les institutions en étendant,
par analogie favorable à l’accusé, le statut pénal d’un ancien Président de la
République à un ancien Premier Ministre.
Il en est ainsi, à plus forte raison, lorsque les règles de compétence sont
posées par la Constitution. La sanction de toute violation des règles consti-
tutionnelles, c’est la nullité.
Votre Cour ne saurait recevoir des actions dont la base réside dans la
violation de la Constitution.
Bien plus, en tant que moyen d’ordre public et impératif, votre haute
Cour, à l’instar de tout autre juge, a l’obligation de le soulever d’office, c’est-
à-dire de sa propre initiative, sans qu’il soit besoin de statuer sur d’autres
moyens, et d’annuler notamment l’action publique vantée devant elle, en
violation de la Constitution.
Il nous est difficile de comprendre que, face à une telle clarté des textes,
l’officier du ministère public cherche à créer la confusion, et notre devoir est
de dénoncer son audace d’engager l’action publique sans texte, sans aucun
respect des textes, c’est-à-dire, en violation de la Constitution et des lois de
285
En effet, notre Constitution, en son article 17, al. 2 dispose comme suit
« Nul n’est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter
la Constitution et de se conformer aux lois de la République ».
Par contre, lorsqu’il s’agit d’un professionnel de la loi, et, à plus forte
raison, de l’organe de la loi, la présomption devient irréfragable, et toute er-
reur de droit dans son chef est une faute professionnelle grave, un dol ou une
intention délibérée de violer la loi.
A CES CAUSES,
Plaise à la Cour ;
Et ce sera justice.
BIBLIOGRAPHIE
I. Textes Juridiques
● Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février
2006 telleque modifiée par la loi N°11|002:du 20 janvier 2011 portant
révision de certainsarticles de la Constitution du 18 février 2006, in
J.O.R.D.C, 52ème année, N°spécial, 05 février 2011.
● Loi organique N°13|011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
in J.O.R.D.C, 54ème année, 04 mai 2013.
● Décret du 06 août 1959 portant code de procédure pénale, in
J.O.R.D.C, 52ème année, N° spécial, 01 août 2006.
● Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal Congolais, modifié et
complété par les loi N°06|018 du 20 juillet 2006, in J.O.R.D.C, 47ème
année, N° spécial, 01 août 2006, N°15.
II. Doctrine
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293
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● OMEONGA TONGOMO B, Droit administratif général, Notes poly-
copiées, URKIM, 2016-2017.
296
INDEX ALPHABÉTIQUE
audience foraine, 89
A audience itinérante, 89
audience pénale, 78
A domino, 152 audiencer, 77
A posteriori, 151 Avocat, 115, 119, 132, 133, 134, 135,
A priori, 151 137, 138, 139, 140, 141, 142, 228
Ab initio, 150 avocat simulé, 158
Actio in personem, 151 avocature, 57
Actio in rem, 152
Actio redhibitoria, 152 B
action publique, 69, 70, 71, 75, 136,
281, 285, 287, 291, 292 bâtonnier, 130, 190
actori incumbit probatio, 145 Bonus pater familia, 151
Actori incumbit probatio, 148
actus reus, 110 C
Ad agendum, 152
Ad exhibendum, 152 Casus, 75, 151
Ad gustum, 152 Causa, 151
Ad litem, 148 causa proxima, 101
Ad nutum, 148 citation directe, 80, 103, 137
Ad probationem, 152 co-auteur, 71
Alger, 189, 255 Code civil, 99, 219, 250
Algérie, 189, 190, 192, 193, 195, 196, Code de Procédure Pénale, 118
241, 254 Code Pénal, 118, 141
Animus domini, 150 common law, 53, 55
Animus donandi, 150 complice, 71, 100, 201
Animus juris, 151 Constitution, 115, 116, 118, 119, 120,
Animus novandi, 151 121, 122, 125, 126, 145, 276, 277,
Animus possidendi, 151 279, 280, 281, 282, 283, 285, 286,
appel, 25, 27, 36, 70, 79, 80, 81, 84, 88, 287, 288, 290, 291, 292, 294
90, 113, 144, 173, 181, 183, 188, 190, Contra legem, 152
218, 222, 238, 253, 263, 264 Corpus certum, 152
argumentation, 8, 29, 31, 57, 58, 59, 60, Corpus delicti, 152
61, 62, 63, 64, 92, 93, 227, 260, 294, coup d’État, 189
296 coups et blessures, 109, 112
Aristote, 61 Culpa, 153
audience civile, 79
299
L P
Q T
R U