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une pratique
réflexive
Pédagogies en développement
Yann Vacher
2e édition actualisée
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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris: mai 2022 ISSN 0777-5245
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles: 2022/13647/061 ISBN 978-2-8073-3537-0
S O M M A I R E
INTRODUCTION .............................................................................................. 13
CHAPITRE 1
Définir la pratique réflexive ..................................................... 21
CHAPITRE 2
Vers la conception de dispositifs de développement
de la pratique réflexive :
conditions et variables de mise en œuvre......................... 61
CHAPITRE 3
Concevoir des dispositifs de développement
de la pratique réflexive : principes et cadre général .... 81
CHAPITRE 4
Illustration de la conception d’un dispositif
de formation : ARPPEGE........................................................... 109
6 Construire une pratique réflexive
CHAPITRE 5
Former un praticien réflexif :
effets du dispositif ARPPEGE ................................................. 141
CHAPITRE 6
Former un praticien réflexif : synthèse et limites ........ 219
POUR NE PAS CONCLURE… .......................................................................... 231
Mais la grande force de cet ouvrage, qui arrive à point nommé, tant
pour les chercheurs que pour les formateurs, c’est qu’il articule la clarifi-
cation des concepts clefs autour de la réflexivité et l’opérationnalisation
des conditions de mise en œuvre de la pratique réflexive : du concept à la
mise en œuvre pratique, c’est ce cheminement que nous fait partager Yann
Vacher à travers la présentation des conditions nécessaires à des dispositifs
de formation favorisant la réflexivité, qu’il a testées et évaluées, pour per-
mettre à des enseignants débutants de construire des stratégies d’analyse
des pratiques et de développer la pratique réflexive. La pratique réflexive,
qui nécessite un recul par rapport à l’action, n’est pas donnée d’emblée et
l’auteur va montrer le rôle d’un ensemble d’exigences, de conditions et de
variables nécessaires à sa construction : l’engagement personnel de l’acteur,
un contrat de formation clarifié, mais aussi sécurisé, un entraînement, du
temps, une médiation de la réflexion sous différentes formes, écrits, entre-
tiens, analyses en groupes de pairs, c’est-à-dire la mise en œuvre d’autres
pratiques de formation.
Dans ce livre, l’auteur va articuler le cadre conceptuel du « praticien
réflexif » à la conception de dispositifs de formation à partir de la mise en
œuvre d’un dispositif inédit qu’il a théorisé, testé et évalué : ARPPEGE. La
description fine de ce dispositif, de son fonctionnement va lui permettre
d’expliciter en quoi ce dernier peut favoriser le développement d’une pra-
tique réflexive chez des enseignants en formation à partir d’une démarche
dans laquelle les étudiants parviennent à investir la pratique réflexive.
Si le terme de « praticien réflexif » recouvre, comme le rappelle fort
justement Yann Vacher, « une multitude d’options et de sens », la diffusion
du concept par D. Schön dans le domaine de l’éducation, a participé à « un
grand virage réflexif » (Tardif, 2012) et en a fait un paradigme clef de la for-
mation contemporaine des enseignants en montrant l’intérêt d’une construc-
tion des savoirs professionnels d’un métier par l’action et la réflexion dans et
sur l’action. La tendance internationale du courant de la professionnalisation
des enseignants pour répondre à la prise en compte de la complexité de
plus en plus grande du métier a impliqué le choix de l’option constructi-
viste et développé l’importance du rapport actif du sujet au monde et du
couple « faire ET comprendre ». L’auteur va préciser la distinction essentielle
entre activité réflexive, posture et pratique, démarche intentionnelle à visée
praxique englobant l’activité réflexive.
Yann Vacher montre que par rapport à un modèle de formation
applicationniste, qui se contente de faire appliquer des règles préétablies,
une formation centrée sur le développement d’une pratique réflexive vise
non seulement « une action plus efficace parce que réfléchie », mais aussi
« Une meilleure validité du cadre interprétatif professionnel ». La réflexion
sur les pratiques conduit à la transformation des pratiques par un détour
Préface à la première édition 11
Pratique déstabilisante pour les formés autant que pour les forma-
teurs ou les institutions, pratique revendiquée, pratique invoquée, pratique
recommandée… Le concept de pratique réflexive fait désormais partie du
paysage de la formation des adultes.
Le présent ouvrage participe, avec d’autres, à la tentative d’éclairage
de ce paradigme riche, parfois confus, mais bien réel dans les textes, dis-
cours et pratiques. S’il aborde le concept de réflexivité de façon générale,
ce livre propose aussi dans son chapitre 5 une analyse centrée sur le déve-
loppement de cette pratique lors de la formation initiale des enseignants.
Moment « crucial » de la construction du socle de l’identité professionnelle,
la formation initiale est aussi l’espace critique de la rencontre entre des
paradigmes souvent contradictoires et sur laquelle une pratique réflexive
pourrait offrir une prise de recul.
S’il est devenu courant d’évoquer le praticien réflexif lorsque l’on
qualifie le professionnel expert, il n’en est pas pour autant facile d’imagi-
ner les chemins qui mènent à cette forme d’expertise. Cette imagination
bute sur le fait que la pratique réflexive est à la fois la caractéristique d’un
état (une forme d’expertise) tout autant qu’un processus (développement
professionnel). Imaginer un chemin pour parvenir à développer cette pra-
tique, c’est interroger la possibilité de former le praticien à cette démarche,
posture, attitude, capacité réflexive.
Trop souvent, l’expertise se cache derrière le silence de l’expert. Avec
le concept de praticien réflexif, Schön tente de démasquer les savoirs cachés
derrière cette forme d’expertise. L’occasion était trop belle pour ne pas saisir
14 Construire une pratique réflexive
cohérence avec les objectifs de formation, pour que l’efficacité soit systé-
matiquement au rendez-vous. Notre ouvrage témoignera d’un processus
mis en œuvre et de l’analyse de sa pertinence et de son efficacité. Sans
ces analyses et mises en cohérence, beaucoup de formations ont abouti à
un dénigrement virulent de la part des formés. En France, la récupération
médiatique de ces « dérives » a participé à une stigmatisation et à une cri-
tique générale de l’efficacité des formations. À la décharge des institutions
de formation et de leurs acteurs, la nouveauté du paradigme ne permet pas
actuellement de cerner une homogénéité de contenu et l’accompagnement
des institutions centrales, en France notamment, demeure très marginal en
la matière. Du côté de la recherche, le foisonnement, les directions multiples
et la pluralité (parfois polysémie) des concepts ne sont pas pour faciliter
l’usage concret des apports de ces travaux.
Si cette richesse d’un domaine en mutation peut effrayer par sa
complexité et se traduire par une frilosité des acteurs et institutions à
s’engager, l’un des enjeux du présent ouvrage est de favoriser l’élan des
professionnels soucieux de s’engager dans cette voie du changement. Ainsi,
comme d’autres avant lui (Perrenoud, 2001 ; Altet, Paquay et Perrenoud,
2002 ; Donnay et Charlier, 2006 ; Étienne, Altet, Lessard, Paquay et Perrenoud,
2009 ; Robin et Vinatier, 2011 ; Charlier et Biemar, 2012), l’ouvrage tente de
répondre à l’enjeu de clarification et d’accompagnement de l’entrée dans ce
paradigme de l’incertitude qui donne vie et matière au développement de la
pratique réflexive et au processus de professionnalisation. Ce changement de
paradigme résonne parfois comme une véritable révolution culturelle (Fabre,
2009 ; Vacher, 2016) pour les structures de formation, aussi nous apparaît-il
nécessaire de sécuriser cette transition par un étayage systématique des fon-
dements de cette « révolution ». Cet étayage tente aussi de prendre en compte
et de répondre en partie aux critiques du concept et de ses développements
en formation, notamment celles qui affirment que la pratique réflexive est un
formalisme potentiellement stérile, car « la réflexion se suffit en quelque
sorte à elle-même ; elle est valeur en soi […]. Elle permet paradoxalement
de ne pas réfléchir à ce sur quoi elle porte, puisque précisément elle est
pure forme » (Schneuwly, 2012, pp. 83-84). Si le champ d’illustration de cet
écrit est celui de la formation initiale des enseignants, l’intérêt du texte se
situe aussi probablement dans la possibilité de fournir des outils et réflexions
qui dépassent ce champ d’études et pourraient participer à l’enrichissement
de l’entrée dans le changement en formation continue tout autant que dans
les secteurs du travail social ou de la santé.
Enfin, nous terminerons en précisant deux éclairages sur le contexte
de formation qui est plus particulièrement étudié. Nous avons fait le choix
de travailler sur la formation initiale, car, en l’absence actuelle d’une poli-
tique forte de formation continue en France, les études montrent que le
profil professionnel de l’acteur est très largement dépendant de ce qui a été
18 Construire une pratique réflexive
cas particulier » (Schön, 1994, p. 97). Cette pratique réflexive se fonde alors
sur une capacité à enclencher spontanément une métaréflexion simultanée
ou « micro-juxtaposée » à l’analyse.
Calderhead propose cinq critères pour analyser la pratique réflexive
dans les dispositifs de formation initiale (Calderhead, 1992) :
2. OBJECTIFS ET FONCTIONS
DU DÉVELOPPEMENT
DE LA PRATIQUE RÉFLEXIVE
Le premier des critères de Calderhead est la justification du proces-
sus ou les raisons invoquées pour justifier la réflexion dans les formations
(Calderhead, 1992). L’ensemble des auteurs proposant d’entrer dans une
logique accrue de professionnalisation du métier (et des acteurs en forma-
tion) s’accordait sur la place centrale de la réflexion dans ce processus. Cette
justification globale s’incarne à travers la déclinaison des objectifs qui sont
attribués à la pratique réflexive et qui concourent à la professionnalisation.
Dans le cas des formations d’adultes en alternance, la profession-
nalisation se traduit par une augmentation de la prise en compte de la
complexité du métier et une autonomisation du sujet en formation dans
cette prise en compte. Ces deux mécanismes se font au profit d’une amé-
lioration de sa capacité à agir et transformer ses pratiques professionnelles.
Face à des systèmes traditionnels qui ont montré leur limite dans la prise
en compte de la complexité et l’implication du sujet dans son apprentis-
sage, le recours à la pratique réflexive, en tant que médiation, apparaît
comme susceptible de participer à l’amélioration de la professionnalisation
et au développement professionnel (Wittorski, 2007 ; Goyette et Martineau,
2018). Cette médiation se réalise entre l’expérience non verbalisée, par-
fois non conscientisée, les apports théoriques et les dynamiques sociales
de la formation. Geay et Salaberry affirment que « cette explicitation par
Définir la pratique réflexive 25
Instrumentale
Permettre de faire face
Heuristique
Affronter à la complexité croissante des tâches
Délibération Problématisation
la complexité
Encourager et affronter l’irréductible
altérité de l’apprenant
Accroître les capacités d’innovation
Accumuler des savoirs d’expérience
Se transformer
et transformer Critique Changement Ouvrir à la coopération
le monde avec les collègues
Préparer à assumer une responsabilité
politique et éthique
Aider à vivre un métier impossible
Accréditer une évolution
Aider le sujet vers la professionnalisation
à être
et accepter Donner les moyens de travailler
la complexité sur SOl
Compenser la légèreté
de la formation professionnelle
1992, p. 51). Perrenoud synthétise ces différents registres lorsqu’il affirme
que les raisons « de former les enseignants à réfléchir sur leur pratique
pourraient se résumer en une idée force : c’est un atout pour construire
du sens » (Perrenoud, 2001, p. 59). Mais, notons que dans les propositions
de Perrenoud, la pratique réflexive ne se limite pas à soi puisqu’elle est
entrevue comme un moyen d’amélioration de la composante collective du
métier (coopération, coresponsabilité). L’étude menée par Beauchamp sur
la réflexion en enseignement, et portant sur vingt années de production en
langue anglaise (1985-2005), permet d’éclairer cette dimension qu’évoque
Perrenoud. L’auteure distingue en effet deux orientations des fonctions de la
pratique réflexive. La première est tournée vers soi, elle la qualifie d’interne.
Cette orientation s’incarne dans les catégories suivantes de fonction : « penser
différemment ou plus clairement », « justifier sa position », « réfléchir à des
actions ou décisions », « changer la façon de penser ou de savoir » (Beau-
champ, 2012, p. 29). La seconde orientation est qualifiée d’externe, elle
traduit une orientation vers l’environnement et les autres. Elle s’incarne
dans les trois catégories suivantes : « agir ou améliorer l’action », améliorer
l’apprentissage des élèves », « faire évoluer le moi ou la société » (Beauchamp,
2012, p. 30). Dans la littérature étudiée, ces occurrences apparaissaient
séparément ou en combinaison, les deux fonctions pouvant être poursuivies
de façon simultanée. Ces dimensions de la pratique réflexive mentionnées
par Perrenoud et présentes dans les données de Beauchamp peuvent être
complétées par les travaux de Bourdieu (2011). Ce dernier affirme en effet
que la réflexivité est aussi au service du collectif qui trouve dans ce proces-
sus un soutien à son développement. Ce soutien se traduit notamment par
des dynamiques de responsabilité commune mais aussi par la mise en place
de rapports de force collectif en résistance à l’individualisme professionnel.
En résumé de ces différents éclairages, nous proposons la synthèse
suivante des fonctions de la pratique réflexive. S’inscrivant dans une logique
de développement professionnel, elle se développe selon quatre visées :
3. CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉFLEXION
Saussez, Ewen et Girard identifient quatre processus composant
la pratique réflexive dans la formation des enseignants (Saussez, Ewen et
Girard, 2001). Ils classent ainsi les auteurs5 et les diverses conceptualisations
existantes de la pratique réflexive en fonction de ces processus.
Nature Auteurs
Processus d’expérimentation Schön, 1983
en contexte pratique
Processus de résolution de problème Copeland, Birmingham, La Cruz et Lewin, 1993
Cruikshand, 1987
Processus métacognitif d’autorégulation Saussez et Paquay, 1996
de l’action Mc Alpine, Weston, Beauchamp, Wiseman
et Beauchamp, 1999
Processus d’apprentissage Schön, 1987
Korthagen, 1993
Saussez et Allal, 2007
5. Nous ne préciserons en bibliographie que certaines de ses références pour ne pas alour-
dir l’ouvrage. Les références reprises correspondent à celles sur lesquelles s’appuient
d’autres parties de l’étude.
30 Construire une pratique réflexive
6. « Les praticiens peuvent aussi réfléchir à ce qu’ils font pendant qu’ils sont en
pleine action. Alors ils réfléchissent sur l’action » (Schön, 1994, p. 90).
7. Y. Saint-Arnaud propose le terme de praticien-chercheur plutôt que celui de praticien
réflexif (Saint-Arnaud 2001, 2003). Cette réflexion est développée dans l’ouvrage de M.
Bru et J. Donnay de 2002. Mais, pour Albarello, il n’y a pas recoupement entre les deux
notions, car le praticien réflexif se centre sur la transformation de son action alors que
le praticien-chercheur « s’engage dans l’étude scientifique d’un phénomène » qui a
été vécu (Albarello, 2004, p. 22).
Définir la pratique réflexive 31
l’on se situe dans la réflexion sur l’action ou dans l’action. Ils justifient leur
position par le fait que la réflexion dans l’action est nécessairement sur
l’action. Le deuxième argument est extrait des travaux de Schön qui pré
sente des exemples de métiers dans lequel la pression temporelle est faible
et permet que la réflexion sur l’action soit aussi celle dans l’action. Pour
Saint-Arnaud au contraire, la réflexion sur l’action ne porte en effet que sur
les facteurs généraux du métier et les processus cognitifs se limitent alors à
cette dimension générale (Facteurs Généraux G), qui ne sont pas utilisables
dans les cas particuliers (Facteurs Particuliers P) (Saint-Arnaud, 1999).
La réflexion dans l’action porte sur une situation particulière et
elle est limitée dans le temps, elle est située. Si l’on peut penser, comme
Saint-Arnaud (1999) l’affirme, qu’elle constitue un entraînement pour son
propre développement, il n’en demeure pas moins que son objectif se situe
dans l’évolution de l’action située.
La réflexion sur l’action a aussi pour visée cette dimension d’entraî-
nement et la dépasse, puisqu’elle vise aussi le développement de capacités
plus transversales et mobilisables dans une variété large de situations et de
projets. En ce sens, la réflexion dans l’action serait constituée de l’analyse
(parfois non inconsciente) des facteurs P alors que la réflexion sur l’action
serait essentiellement composée de l’étude des facteurs G (invariants).
Si en complément nous considérons la réflexion comme une action, la
réflexion sur l’action devient aussi réflexion au cours de l’action de réfléchir.
Il existerait alors deux processus en parallèle, réflexion/action et réflexion
sur la réflexion/action. Cette perspective serait de nature à rapprocher les
deux processus et à faciliter ainsi éventuellement leur développement.
Cette première distinction pose la question de la dimension tempo-
relle de l’action des professionnels dans les métiers de l’humain. Il est inté-
ressant de s’interroger sur le fait que la réflexion sur l’action puisse participer
à la capacité à agir dans l’urgence, mais aussi de ne pas négliger l’hypothèse
de processus cognitifs différents. Considérant que, comme pour d’autres,
le métier d’enseignant comporte des ensembles de moments et d’activités se
situant « hors » de la pression de l’urgence (planification, réunion, bilan, ou
même élèves en [semi –] autonomie…), il semble alors pertinent de former
l’acteur à la réflexion sur l’action. Cette formation permettrait potentielle-
ment au professionnel de choisir de stopper une action (non urgente) pour
réfléchir ou de mener une réflexion en parallèle lorsque le niveau de pres-
sion le permet. Schön précise à ce sujet que la réflexion sur l’action peut se
faire en cours d’action et, si elle ne peut temporairement être assez rapide
pour réorienter l’action présente, elle pourrait servir pour les futures actions
à venir et constituer une expérience/ apprentissage exploitable.
À l’instar des théories développées dans le champ de la motricité,
nous pourrions distinguer deux approches du rapport entre réflexion et
32 Construire une pratique réflexive
Réactivité verbalisée
Réflexivité
face à la situation
Métaréflexion =
Réaction à la réflexion
Réflexion = Analyse
= émergence
Réfléchissement = Analyse de la réflexion
Processus de processus
mise en mot réactive rationnelle du et des processus
involontaires lors
réfléchissement complémentaires
de la réflexion
vécus
8. Nous inscrivant dans le projet d’une bascule vers le paradigme de l’incertitude, nous
relativiserons cette affirmation du contrôle de la situation en utilisant les termes de
situation « acceptée, affrontée et analysée ».
Définir la pratique réflexive 39
une classification des objets et des auteurs9 qui sont relatifs à ce thème. Pour
illustrer cette richesse potentielle des objets, nous reprendrons dans le tableau
suivant le contenu de leur analyse dans le domaine de la formation des ensei-
gnants (en le complétant).
Objet
Hollingsworth, 1989
Korthagen, 1993
Croyances et autres conceptions du futur enseignant
Calderhead, 1996
Vermersch, 1994
Matière à enseigner Shulman, 1986
Processus enseignement-apprentissage Altet, 1994
Relation pédagogique Tom, 1984
Modèle d’intervention Saint-Arnaud, 1992
Théories de l’action Argyris, 1995
Valeurs et principes éthiques Zeichner, 1993
Communication et capacité à travailler en équipe Perrenoud, 2001
Donnay et Charlier, 2006
Processus d’analyse réflexive Perrenoud, 2001
Robo, 2003
Belair, 2001
Processus de développement professionnel
Donnay et Charlier, 2006
N.B. Ce recensement n’est pas exhaustif, mais vise simplement à montrer la richesse existante en la matière. Une grande
partie peut d’ailleurs aisément être transposée à l’ensemble des métiers de l’humain.
Perrenoud, dans son ouvrage de 2001, dresse encore une fois un pano-
rama très large des possibles objets de réflexion du praticien10 (Perrenoud,
2001). L’auteur nous amène à penser les objets de la pratique réflexive, comme
auparavant sa structuration, à travers une approche éclectique.
La diversité des objets ne doit pas contenir le risque de perdre de
vue l’objectif général de transformation des pratiques à échéances diverses.
Pour cela l’ancrage dans les pratiques effectives est une garantie théorique
d’orientation de la réflexive vers la transformation de ces dernières (Altet,
2008). Ce principe n’aboutit cependant pas à l’évacuation des registres
qui ne sont pas en lien direct, matériellement visible, avec la pratique. Par
exemple, les réflexions portant sur les croyances et conceptions de l’ensei-
gnant peuvent n’avoir en première « lecture » qu’un lien quasi invisible avec
les pratiques pour le praticien et s’avérer au final tout autant décisives que
les réflexions didactiques ou pédagogiques dans la mise en œuvre. L’enjeu
de la pratique réflexive est bien ici, d’ouvrir les champs d’analyse pour
donner une « lisibilité partielle » à la complexité.
10. Selon l’auteur le praticien réflexif s’interroge ainsi entre autres « sur sa tâche », « ses
stratégies », « les moyens », « le timing », « la légitimité de son action », « la part de négo-
ciation », « la nature des risques », « la division du travail », « la culture de l’institution »,
« l’éthique », « les savoirs ». (Perrenoud, 2001, p. 61).
Définir la pratique réflexive 43
11. On notera que ces approches peuvent être conçues à des fins de recherche sur les pra-
tiques professionnelles et non forcément pour nourrir la démarche du praticien réflexif.
44 Construire une pratique réflexive
Situation
réfléchie
Institution Temps
Parents Groupement
Ou
Élève… Savoir…
Situation Situation
réfléchie réfléchie
Temps
Groupement
Savoir …
Situation
réfléchie
Psychologie
Sociologie
Philosophie
Situation réfléchie
Psychologie
Sociologie
Philosophie
Situation
réfléchie
Temps Psychologie
Groupement
Sociologie
Savoir
Situation Philosophie
réfléchie
Situation
réfléchie
angles de vue, des références d’analyse. Le second niveau est celui relatif à
l’analyse de cette analyse14. Ce niveau est intéressant, et ce pour deux rai-
sons principales. Tout d’abord il permet de pondérer les analyses en évaluant
leur pertinence et ainsi de produire un avis « éclairé » permettant potentielle-
ment l’engagement dans l’action et qui tienne compte du caractère subjectif
de ce dernier. La seconde raison est liée à la perspective d’autonomie et de
transformation dont est porteuse la pratique métacognitive. En analysant
sa méthode d’analyse, le sujet l’évalue, la régule et s’inscrit dans
une transformation, que l’on peut qualifier ici d’autoformation si le
sujet lui confère une portée didactique en plus de la portée opéra-
tionnelle. À ce titre, elle peut contribuer de façon objectivable ou
diffuse au développement professionnel du praticien.
Dans notre situation initiale de référence, cette approche multi-
réfléchie porterait sur la relativisation, la pondération, la mise en tension
des niveaux d’analyses précédents. Il s’agirait par exemple de mettre en
perspective deux réflexions à partir de leur logique et pertinence dans le
cas concret : la lecture didactique de la situation est-elle plus porteuse que
la lecture psychologique et affective de la situation, si oui (non) pourquoi,
quelle complémentarité, etc. Ou encore de voir pourquoi dans le récit et
les échanges les informations relatives à un domaine particulier sont peu
nombreuses, celui de l’image de l’élève en classe pour ses camarades par
exemple. D’autres objets d’analyse d’un autre niveau sont aussi possibles.
Par exemple, le professionnel pourrait s’interroger pour savoir pourquoi il
a analysé prioritairement avec le registre psychologique ou encore quelle
est la cause de l’émotion ressentie ou de la résonance vécue ?
On le perçoit, il ne s’agit pas à ce stade de produire une compré-
hension juste ou un éclairage exhaustif de sa façon d’analyser, mais plutôt
une compréhension située et consciente de ce caractère. La déformation des
lectures, ou plutôt la subjectivisation des analyses peut avoir pour source les
résonances de la situation évoquée avec sa propre expérience. Dans notre
situation initiale par exemple, le fait d’avoir soi-même un enfant dans cette
situation ou au contraire de n’avoir jamais connu « d’échec » dans son propre
parcours, constituent des filtres subjectifs de l’analyse, car dépendants du
sujet qui produit l’analyse. Encore une fois une structure collective d’analyse
est un facteur de multiplication de ces filtres qui deviennent chacun des
objets d’analyse potentielle. Les métaréflexions porteraient dans ce cas sur
les cadres de lectures des différents acteurs. L’un d’eux explore la dimen-
sion psychologique alors qu’un autre s’interroge en priorité sur le rapport
entre temps et savoir par exemple. Chaque angle subjectif de vue constitue
un projecteur éclairant la situation (figure 1.7) que l’acteur tente, lors de
14. On retrouve ici l’interrogation du cadre interprétatif personnel que propose Kelchtermans
(2001).
Définir la pratique réflexive 53
15. Dans le contexte initial de notre travail avant extension à d’autres contextes.
54 Construire une pratique réflexive
chologie
psych temps
sociologie discipline
discipline
disc
Physiologie… Savoir…
réfléch
Situation réfléchie
5. LA POSITION DU SUJET
DANS LA RÉFLEXIVITÉ :
ENTRE EXPLICATION ET IMPLICATION
Comme nous venons de le voir, la construction d’une analyse multi-
réfléchie nécessite un engagement important du sujet, car elle implique
d’importants déplacements des points de vue. Elle est de ce fait potentiel-
lement génératrice de tensions, l’acteur étant à la fois objet et sujet actif de
l’analyse. Ce passage à l’action/réflexion sur soi est qualifié d’« autorisation »
par Ardoino (Ardoino, 1990)16 Cette dernière nécessite le dépassement de
tensions liées au risque de transformation profonde du sujet. Ainsi, la pra-
tique réflexive et plus particulièrement l’une de ses déclinaisons formelles
possibles, l’analyse de pratiques, « exige de chacun un véritable travail
sur soi […] elle expose au regard d’autrui, elle invite à la remise en
question, elle peut s’accompagner d’une crise ou d’un changement
identitaire » (Perrenoud, 2001, p. 113). Face à ce risque de déstabilisation,
les études montrent que le désengagement de l’analyse réflexive17 est le plus
souvent privilégié chez les enseignants débutants et qu’ils adoptent alors
des stratégies de contournement ou d’évitement (Jorro, 2005).
Si le sujet s’autorise, au sens d’Ardoino, il peut alors s’engager dans
une pratique réflexive qui articule deux éléments en apparence contradic-
toires : l’explication et l’implication. L’analyse étymologique (plicare = plier)
nous permet de cerner ce qu’Ardoino appelle le « sens de la pliure » (Ardoino,
1983). Nous utiliserons ce sens pour construire une schématisation de la
nature des processus d’explication et d’implication. Dans la définition de
l’explication, le sens de la pliure est extérieur à l’objet analysé alors que dans
la définition de l’implication ce sens est intérieur. Illustrons cette image :
pour parvenir à s’engager dans le processus réflexif, tel que nous l’avons
défini dans l’approche multiréfléchie, le sujet doit à la fois se proposer une
relecture de l’expérience qui soit faite « de l’intérieur » (implication, c’est-à-
dire qui laisse s’exprimer un maximum de la subjectivité de la perception)
et une lecture « de l’extérieur » (explication) qui mette à distance cette
subjectivité pour en faire un objet d’analyse.
16. Dans cet article, Ardoino définit de multiples sens au terme d’« autorisation » dont celui
qu’il rapproche d’« auteurisation » qu’il développera par la suite et qui traduit l’idée
d’avoir autorité sur soi.
17. Au sens physique défini, c’est-à-dire sur soi.
56 Construire une pratique réflexive
Figure 1.8. Implication
Figure 1.9. Explication
Définir la pratique réflexive 57
1 Explication
2 Implication
58 Construire une pratique réflexive
À retenir sur…
la pratique réflexive
18. Dans le modèle français, les enseignants débutants ont réussi ou préparent un concours
académique après une formation universitaire disciplinaire et sont placés après cette
réussite en formation en alternance durant un an.
64 Construire une pratique réflexive
développent ainsi plutôt l’idée d’un référentiel qui serve de base pour réfléchir
l’action et non la prescrire (Paquay et Wagner, 1996) ou alors l’entrevoient
comme une incitation ouverte et non stricte (Le Boterf, 2004). Lessard
synthétise cette idée lorsqu’il affirme qu’un référentiel est « un instrument
pour penser et impulser le mouvement » du travail réel vers le travail
prescrit (Lessard, 2009, p. 136). Idée que l’on retrouve dans le sous-titre
de l’ouvrage de Perrenoud lorsqu’il précise qu’il s’agit d’une « invitation au
voyage » (Perrenoud, 1999a). Ce type de référentiel constituerait un élément
de contractualisation de la formation.
Mais si le contrat de formation précise effectivement les objectifs
par l’intermédiaire des compétences à acquérir, il décline aussi les disposi-
tifs et interlocuteurs chargés plus spécifiquement de tel ou tel contenu, les
modalités de mises en œuvre retenues et enfin l’articulation en complémen-
tarité de ces éléments. Mais cette connaissance d’un cadre commun et de
ses acteurs et modules opérationnels n’est pas suffisante car elle n’engage
que l’institution et les formateurs (Zinguinian et André, 2017). Du côté
du formé, Donnay précise trois conditions pour accepter d’entrer dans le
processus réflexif :
les principes suivants à travers une étude systématique des règles de fonc-
tionnement de ces dispositifs :
20. Hypothèses émises à partir des échanges formels et informels réalisés avec les forma-
teurs, mais aussi les professeurs stagiaires dans nos différentes fonctions.
72 Construire une pratique réflexive
Tiré de Robo P. (2002) « L’analyse des pratiques professionnelles : éclairages ». Le nouvel éducateur, n° 136, p 28-34
NB : l’auteur précise que ce panorama n’est pas exhaustif et que d’autres variables peuvent exister.
2.2.2. L’entretien
L’entretien est une modalité que l’on rencontre de façon quasi
systématique dans les institutions de formation puisqu’elle accompagne
la plupart du temps la visite sur le terrain des formés. De ce fait, son
contenu porte sur l’analyse de pratiques, cependant le développement de
la pratique réflexive n’y est pas pour autant une finalité « naturelle ». Ainsi,
les logiques conseil/prescription sans analyse préalable peuvent y trouver
leur place et dénaturer la notion même d’entretien. Dans la majorité des
cas, l’entretien est cependant orienté vers une réelle analyse de l’expérience
et non la résolution extérieure des problèmes rencontrés et non analysés.
Les modalités sont diverses et peuvent porter sur l’émergence d’un incons-
cient pratique, d’un savoir caché selon l’expression de Schön (Schön, 1994 ;
entretien d’explicitation, Vermersch, 1994), l’interrogation des processus
mis en jeu dans l’action (autoscopie, Faingold, 1993 ; instruction au sosie,
Clot, 1999) ou sur une analyse plus simple et objective du décalage entre
le prévu et le réalisé. Une fois encore, les modalités combinatoires sont
explorées par exemple à travers le couplage de l’usage de la vidéo et de
l’entretien d’explicitation qui permet la double approche du réalisé et de
la « pensée privée » (Vermersch, 1994).
23. Même s’ils n’utilisent pas explicitement ce terme qui est plus récent mais parle des prin-
cipes qui le sous-tendent.
Vers la conception de dispositifs de développement de la pratique réflexive 77
qui fait la force des concepts scientifiques fait la faiblesse des concepts
quotidiens et inversement » (Vygotsky, 1997, p. 292). L’accompagnement
de la mise en tension de ces concepts constitue ainsi un enjeu essentiel
dans les processus de formation du professionnel. La pratique réflexive
serait le pivot de la construction d’un lien entre théorie et pratique qui
permettrait d’éviter « l’enfermement des concepts quotidiens dans une
logique narrative et des concepts scientifiques dans une logique para-
digmatique »24 (Saussez, Ewen et Girard, 2001, p. 85).
Cette nécessité de mise en perspective des différents types de savoir
semble d’autant plus importante que les métiers de l’humain opposent une
résistance vive à une lecture simpliste de leur contenu. Ainsi, la diversité
des situations d’enseignement, des profils d’enseignants, des conceptions du
métier d’enseignant atteste à la fois de la richesse du métier, mais aussi de
l’impossibilité de définir de façon exhaustive ou absolue le contenu de l’exer-
cice. L’hétérogénéité des descriptions du métier d’enseignant (référentiels
de compétences, ouvrages de référence sur le sujet) est à la fois un obstacle
à la conception intangible et donc définitive d’une définition des contenus
de formation et en même temps révélatrice et porteuse de la dynamique
des pratiques et des réflexions engendrées. Croisant les connaissances aca-
démiques, les compétences et capacités professionnelles, les composantes
émotionnelles, les notions d’éthique et les exigences institutionnelles, les
métiers de l’humain se caractérisent avant tout par leur complexité. Par
effet de miroir, nous pourrions aisément, et sans le dénaturer, qualifier de
la même façon le métier de formateur d’enseignant.
Une approche complexe des métiers de l’humain nous incite à les
penser comme des objets dynamiques et ouverts. Pour viser une intervention
« efficiente », le professionnel articule les différents savoirs relatifs au métier
(savoirs savants, experts, référentiels…) à l’analyse de l’unicité des situa-
tions. L’analyse de cette différence (« universalité » /singularité) s’effectue à
travers des schèmes qui permettent in fine de choisir une stratégie et en
conséquence de mobiliser l’ensemble des ressources adéquates pour agir. Le
processus complexe de la construction de ces ressources de l’intervention
correspond à la professionnalisation du formé.
Cependant, si l’action qui découle de ce processus complexe d’arti-
culation des ressources est singulière, la conséquence n’est pas pour autant
l’impossibilité de produire une formation. La professionnalisation relève bien
en partie d’un processus de formation instituée, mais dont les contours,
objectifs et principes doivent tenir compte de cette complexité (constituée
de l’incertitude de l’action liée à l’émergence de phénomènes inattendus).
L’espace de formation n’est pas en conséquence un espace clos dans lequel
24. Nous retrouvons ici la complémentarité des angles de vues de l’approche multiréfléchie.
78 Construire une pratique réflexive
À retenir sur…
Le praticien réflexif et les conditions de développement
de la pratique réflexive
26. Qu’ils soient relatifs à une séquence de formation ou à la totalité d’un dispositif se
déroulant sur toute l’année de formation.
90 Construire une pratique réflexive
27. Si ces objectifs peuvent être différenciés par des objets spécifiques, la logique systé-
mique de la professionnalité les associe de façon complexe dans chacune des actions
du professionnel.
Concevoir des dispositifs de développement de la pratique réflexive 91
ces deux contenus qui sont de natures différentes. Pour cela, le développe-
ment de la pratique réflexive en tant que capacité d’analyse systématique et
reproductible de l’expérience pratique, mobilisant des savoirs scientifiques
et de l’expérience, finalisée par la transformation de l’intervention (acti-
vité productive) et le développement professionnel (activité constructive)
constitue la visée centrale des dispositifs.
Cette pratique réflexive se décline en plusieurs éléments distincts
et s’accompagne de façon indissociable du développement de capacités,
conditions de l’amélioration, de l’apparition ou de l’entretien de la pratique
réflexive. Ainsi, si le savoir-analyser se situe bien au cœur de la pratique
réflexive, cette dernière est constituée, du fait de sa logique praxique, d’un
système unissant de façon intangible des éléments divers appartenant aussi
bien au champ cognitif qu’affectif, relationnel ou communicationnel. Des
liens de récursion et de rétroaction unissent ces éléments et aboutissent à
la formalisation d’un espace d’objectifs en système. Les visées de formation
sont issues de trois registres qui feront chacun l’objet d’un développement
dans les points suivants du chapitre :
28. Cette simultanéité est réelle ou « fausse » lorsqu’elle s’effectue par juxtaposition de
temps très courts. Ces microjuxtapositions courtes aboutissent cependant dans une
unité d’écoute (phase « muette » de l’échange) à une macro-simultanéité des fonctions.
Concevoir des dispositifs de développement de la pratique réflexive 99
La formalisation écrite
La formalisation écrite reprend en effet deux des fonctions de la
prise de parole en les singularisant. On retrouvera ainsi la mise en pers-
pective avec le contenu des différentes interventions et la recherche de
formulations explicites (structure du propos, choix des concepts…). Ce
dernier point est d’autant plus fondamental que contrairement à l’échange
oral, le retour de l’éventuel lecteur n’est pas direct et nécessite donc une
précision « définitive » dans les formulations. La capacité à écrire ses inter-
rogations, ses interprétations, ses conceptions constitue donc en ce sens
un moyen d’amélioration de la pratique réflexive29.
La co-construction
La co-construction est littéralement un processus de construction
en commun, un processus qui aboutit à un produit conforme au principe
de la théorie de la forme qui stipule que le tout est différent de la somme
de ses parties (Vacher 2018c). Ce travail de co-construction nécessite d’avoir
conçu et mis en place un environnement favorable à l’acceptation de l’autre
en tant que partenaire nécessaire de formation, acteur essentiel de la trans-
formation de ses propres pratiques.
La co-construction peut apparaître au niveau d’étapes intermédiaires
de la séquence ou comme dernière étape de l’échange. Dans ce dernier cas,
elle est le moment de construction commune d’une synthèse des échanges
(modèle de compréhension, analyse de l’analyse…). Cette étape peut être
intermédiaire lorsqu’une nécessité apparaît face à la complexité et l’ampleur
des apports lors de l’échange ou pour démultiplier cette forme de travail.
Nous répétons à cette occasion que ces synthèses (intermédiaires ou finales)
ne visent pas un consensus et peuvent aussi bien comporter un ensemble
de convergences que de divergences.
Lors de la co-construction finale, l’objectif est de tenter de clarifier
et d’arrêter temporairement la compréhension des éléments de l’échange
(Thiébaud et Vacher, 2018). Pour la décrire, une image pourrait être utilisée
dans ce cas, il s’agirait d’une photographie de la formalisation de l’approche
multiréfléchie commune. Elle permet en outre de mettre en perspective ces
contenus avec la suite de la formation et les autres éléments de formation. Dans
ces cas, la co-construction prend la forme d’une planification de la formation.
Le contenu de la formalisation en commun est conçu à partir de
l’évaluation du poids de chacun des apports (légitimité, rationalité, vali-
dité…) et de la mise en perspective temporelle de ces apports (adaptabi-
lité, programmatique…). Cette étape constitue la phase métaréflexive de
l’approche multiréfléchie. Les produits de cette co-construction peuvent être
multiples : hypothèse ou modèle de compréhension, cadre problématique,
interrogation, échéancier de formation, proposition de solution. Ces éléments
issus de la co-construction sont au fondement du développement de la
pratique réflexive (moyen) et en tant que processus social ils participent à
l’amélioration de la capacité à travailler en équipe (fin).
Concevoir des dispositifs de développement de la pratique réflexive 101
2.1.4. Synthèse
En résumé, la construction de stratégies d’analyse de pratiques,
le développement de la capacité à travailler en équipe et le développe-
ment d’un confort professionnel s’articulent en système autour et au cœur
de la pratique réflexive, et participent ainsi d’une dynamique globale de
professionnalisation ; chacun d’eux participe de façon complémentaire à la
construction d’une identité professionnelle choisie, assumée et nécessaire-
ment évolutive.
La compréhension, l’acceptation et la confrontation en acte (et non
la réduction) à la complexité du métier sont, selon nous, de nature à per-
mettre la maîtrise de sa propre « dé-maîtrise » professionnelle et d’engendrer
ainsi une évaluation et une transformation non anxiogène de sa pratique
(Blanchard-Laville et Nadot, 2001). Dans ce cadre la pratique réflexive
agit comme moyen d’acceptation du réel professionnel tout autant
que comme moteur de la dynamique d’évolution de la « professionna-
lité » et finalement des pratiques professionnelles. L’acteur conscient
des enjeux du système auquel il participe, auteur de ses compétences et
collaborateur du projet collectif devient ainsi, légitimement et efficacement,
l’élément central du dispositif de formation.
– Émergence de décalages
Processus – Prise de conscience
cognitifs – Décentration
– Recul
Concevoir des dispositifs de développement de la pratique réflexive 107
À retenir sur…
… former et se former à la pratique réflexive
32. Une autre modélisation des principes est proposée dans Vacher 2021, elle comporte
6 principes : Sécuriser le cadre, favoriser les dissonances, favoriser les résonances,
utiliser des détours formels, outiller l’analyse, accompagner/provoquer l’analyse et son
analyse.
112 Construire une pratique réflexive
37. Les travaux de Kember corroborent ces résultats, ce dernier note en effet le passage
d’une centration sur le professeur et le contenu, « Teacher-centered/content oriented »,
à une centration sur l’apprenant et ses apprentissages, « Student-centered/ learning-
oriented » (Kember, 1997).
Illustration de la conception d’un dispositif de formation : ARPPEGE 115
Temps
de formation 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
(En mois)
1
« self »
2
« task »
3
« impact »
4
réflexive
39. L’animateur peut poser des questions, aider à reformuler des questions lors de la
phase 3 ou présenter des modèles alternatifs non hiérarchisés lors de la phase 6.
118 Construire une pratique réflexive
Phase 1 : récit/réfléchissement
La phase 1 constitue le « réel » point de départ de la pratique
réflexive instituée41.
La consigne de lancement de cette phase est la suivante :
Qui souhaite présenter le récit d’une situation qu’il a vécue et qui l’interroge,
voire lui pose problème ?
– le récit est non structuré à partir d’un cadre imposé. Nous optons
pour le choix d’un récit sans contrainte, c’est-à-dire ne s’organisant
pas autour de cadres préconçus. Les participants peuvent sponta-
nément mobiliser ce type de cadre, et ce de plus en plus au cours
de l’avancée du module, mais cela ne constitue pas une contrainte.
Cette possibilité est en cohérence avec le principe de travail à niveau
de ressources qui fonde l’approche multiréfléchie. Ce choix présente
selon nous, trois intérêts :
• il permet d’éviter la normalisation des récits et la définition
a priori des éléments importants dans la compréhension de la
120 Construire une pratique réflexive
Phase 2 : décentration/recentration
Cette phase permet au participant de recentrer son analyse sur
sa propre expérience. L’objectif est de prendre en compte la logique égo-
centrique majoritairement présente chez les participants, mais aussi la
demande prioritaire de pistes d’action. Elle permet aussi de créer un sup-
port d’émergence des décalages. Pour cela, la consigne de la phase est :
42. Pour ce faire, l’animateur procède à une observation des postures des participants en
tentant de déceler les indices de la réflexion en cours. L’animateur peut poser la ques-
tion pour s’assurer de la fin perçue des productions.
43. Par exemple une question qui serait formulée de la façon suivante « as-tu demandé au
CPE d’intervenir ? » pourrait selon le contexte être un conseil implicite, la dépersonnalisa-
tion aboutirait à la formulation suivante « le CPE est-il intervenu ? » ou par l’identification
d’un domaine « quelles sont les personnes qui sont intervenues dans la situation ? ».
122 Construire une pratique réflexive
produisent se fondent sur des éléments déjà présents, mais non avancés en
tant qu’éléments de rupture.
La durée de cette phase est importante en volume (jusqu’à trente
minutes), car elle doit permettre la prise de parole éventuelle de tous, mais
aussi l’approfondissement de la compréhension individuelle. Les différentes
postures d’écoute et de prise de parole que nous avons détaillées précé-
demment peuvent se construire lors de cette phase. Durant cette phase,
l’approche multiréfléchie se décline sous une forme sociale.
Phase 4 : Décentration/recentration
Cette phase reprend l’intégralité de la phase 2. En conséquence la
consigne de lancement de la phase est la même que celle de la phase 2.
Par contre, son contenu s’enrichit des apports réalisés lors de la phase 3
et de la nouvelle compréhension qui en découle.
L’écriture conserve les mêmes fonctions que lors de la phase 2.
Comme lors de cette même phase, le risque de bascule vers le mode du
jugement/conseil public est évité par le statut individuel et non partagé
du contenu de ces écrits.
La durée de la phase peut être de dix minutes et s’interrompt de la
même façon que lors de la phase 2. Elle augmente par rapport à la phase 2
du fait d’une démultiplication des possibles liée à l’augmentation du volume
des informations (phase 3).
Phase 5
La phase 5 a pour objectif de faire apparaître un premier niveau
de décalage. Ce dernier, dans notre objectif d’accompagnement de la
transition, se situe au niveau interne. Il s’agit en effet pour le participant
de comparer le contenu écrit des phases 2 et 4. Chaque participant est
amené à s’interroger sur les éléments du récit et du questionnement qui
ont guidé son choix d’orientation de l’intervention. Ce positionnement
individuel44 est selon nous, de nature à produire une prise de conscience
par le participant de ses cadres d’analyse et d’intervention. La consigne
de départ est :
Phase 5bis
Pour éviter les jugements/conseils publics, cette phase d’échange
porte sur l’analyse de la différence entre les phases 2 et 4, l’identification
de son origine, mais pas sur le contenu des interventions imaginées.
La durée totale des phases 5 et 5 bis est de vingt minutes et se
base encore une fois sur le dernier participant en train de produire pour
la phase 5 et sur l’arrêt des échanges lors de la phase 5 bis.
La phase 5 bis clôt la première étape qui avait pour objectif le déve-
loppement d’une analyse centrée sur ses propres réflexions et niveaux de
compréhension. La première étape se déroule sur un maximum horaire d’une
heure trente et se termine par une pause d’une dizaine de minutes. Durant la
pause il est demandé aux participants de ne pas échanger sur le contenu des
phases 2 et 4, une fois encore pour éviter les dynamiques de jugement/conseil.
Phase 6
L’objectif de cette phase est de parvenir, en groupe restreint
(3 ou 4), à produire une modélisation de la situation qui traduise la
compréhension qu’en ont les participants du groupe. Cette phase de co-
construction aboutit à la production écrite du modèle de compréhension.
L’écriture a ici aussi deux fonctions. La première est relative à l’aspect
visuel du modèle écrit puisqu’il est présenté à l’ensemble du groupe dans
la phase suivante. Ainsi, le schéma doit être susceptible de « donner à
voir » la compréhension et il se crée ici un langage de la modélisation.
La deuxième fonction est de créer un langage commun permettant la co-
construction de la modélisation. Le passage par l’écrit et la formalisation
d’un modèle peut permettre l’apparition d’une phase préalable de défini-
tion des concepts par les participants. Une fois encore, l’écriture est un
moyen de « formaliser/figer temporairement » la pensée pour la rendre
critiquable dans le temps45. La durée limitée de la phase et son placement
dans la séquence obligent les participants à faire des choix de contenus
et de modélisation (hypothèse de compréhension) à partir de la matière
et des réflexions développées lors des phases précédentes. En ce sens, la
phase 6 peut être définie comme un temps de réflexion simultanée dans
et sur l’action et la séquence serait ainsi un entraînement à la prise de
décision, aux choix en situation de contrainte temporelle46.
L’objectif de la phase est double, elle vise tout autant la produc-
tion d’un modèle de compréhension que l’exercice de co-construction.
Ainsi, il ne s’agit pas de parvenir à une conclusion de l’analyse qui forma-
liserait la « bonne » compréhension de la situation, mais bien de pratiquer
l’exercice réflexif jusqu’à la formalisation d’un modèle temporairement
fonctionnel de compréhension. Le développement d’un savoir-analyser en
équipe est ici l’un des enjeux. On le perçoit, ce travail de co-construction
interroge en permanence les conceptions, compréhensions et représen-
tations individuelles et permet ainsi en parallèle d’enrichir l’approche
multiréfléchie.
Lors de cette phase, l’animateur peut intervenir pour relancer une
réflexion ou faciliter la mise en perspective des réflexions produites. Ici
encore, l’observation de l’animateur est à l’origine de ses interventions éven-
tuelles et si la complexité des phénomènes qui apparaissent lors de cette
phase ne permet pas de prétendre à une objectivité de l’observation, sa
rationalisation s’organise autour des principes de décalage optimal et de
45. Le modèle de compréhension produit lors de cette phase traduit en effet un processus
temporaire de réduction de la complexité.
46. On ne prétendra cependant pas que le système de contraintes qui se développe lors
de cette phase soit le même que celui d’une séquence d’enseignement, notamment par
rapport à l’urgence et aux enjeux qui s’y développent.
126 Construire une pratique réflexive
Au cours de cette phase, vous allez produire en petit groupe de trois ou quatre,
une formalisation collective de votre compréhension de fa situation exposée.
Dans le cas de l’apparition de divergences de compréhension, vous tenterez
de modéliser les éléments consensuels ainsi que les différentes variations du
modèle qui matérialisent ces divergences.
Phase 7
Elle se constitue de la présentation par chaque groupe de son
modèle de compréhension de la situation exposée et d’échanges (éventuel-
lement en cours de présentation) que font naître ces apports. Cette phase
permet de travailler sur plusieurs fonctions de la dynamique du groupe.
Il s’agit pour l’un ou plusieurs des participants d’exposer le modèle. Cela
nécessite de développer une prise de parole compréhensive et compréhen-
sible. Il s’agit ensuite de développer pour les autres une écoute constructive
qui peut aboutir à une prise de parole constructive par l’interrogation ou
la critique. Enfin, les échanges peuvent avoir pour objet la reformulation
d’affirmations ou d’hypothèses à partir de phases de redéfinition commune
de la terminologie employée. Ici encore, le travail produit lors de la phase
est tout autant relatif au contenu de la présentation qu’à la forme utilisée
pour l’échange. Les capacités à travailler en équipe sont donc fortement
sollicitées et construites lors de ces deux phases 6 et 747.
La diversité d’analyse intragroupe (phase précédente) et inter-
-groupe qui apparaît lors de cette phase doit permettre de ne pas figer
la complexité dans un « simple » compliqué. Ainsi, la différence entre les
modélisations peut faire l’objet d’un échange portant sur les arguments
47. Par exemple, la possibilité d’intervention offerte, pour les participants qui ne présentent
pas, vise le développement de la capacité à prendre la parole pour co-construire et est
sous-tendue par la capacité à analyser de façon individuelle et prospective l’intérêt de
son intervention pour le groupe.
Illustration de la conception d’un dispositif de formation : ARPPEGE 127
Phase 8
La dernière phase du dispositif est commune à de nombreux dispo-
sitifs d’analyse de pratique en groupe (GEASE, GFAPP…). Elle se constitue
d’une analyse du protocole, elle est très souvent de ce fait qualifiée de phase
« méta ». L’enjeu de cette phase est de procéder à une analyse, non plus du
contenu, mais de l’accompagnement ou du déclenchement de l’émergence
de ce contenu et de ces effets. Ainsi, les prises de parole, et les échanges
qui s’ensuivent parfois, peuvent porter sur une appréciation générale de la
séquence (bénéfice, inconvénient, intérêt, usage ou prise de conscience de
références et cadres nouveaux d’analyse, émotions et freins ressentis…)
ou sur une analyse plus microscopique (difficulté dans une phase, prise de
conscience d’un élément, évolution possible, mise en relation de la capacité
d’analyse développée avec la logique d’une phase…).
Dans le cas de la proposition d’évolutions du dispositif lors de cette
phase, il est précisé que celles-ci peuvent être retenues à la condition d’être
compatibles avec le maintien des autres principes d’élaboration du dispo-
sitif (cf. phase 5 bis). L’animateur intervient ici pour réguler le contenu de
l’échange, et ce notamment pour éviter de repartir sur un contenu relatif
48. Cette possibilité est offerte dans l’éventualité de groupes qui ne seraient pas parvenus
à produire un modèle, du fait de divergences trop importantes et non mises en pers-
pective ou d’un niveau de complexité de la tâche temporairement trop important.
128 Construire une pratique réflexive
Chaque participant est invité au cours de cette phase à prendre la parole pour
s’exprimer sur ses impressions, ses émotions ou faire part de son analyse de
la séance vécue. Ces échanges ne portent pas sur le contenu relatif à la situa-
tion exposée, mais sur le protocole vécu.
Cette séance vous a-t-elle permis de vous transformer ? Si oui, de quel point
de vue, quel (s) processus et quelle(s) phase(s) du dispositif pourraient en être
à l’origine ?
Sinon pourquoi ?
49. L’animateur peut aussi intervenir pour rappeler les objectifs et éventuellement
réexpliquer leur principe d’élaboration ou chercher à interroger les fondements « ration-
nels » des impressions et émotions ressenties.
Illustration de la conception d’un dispositif de formation : ARPPEGE 129
Durée Forme
phase en objet de consignes
minutes groupement
Durée Forme
phase en objet de consignes
minutes groupement
Durée Forme
phase en objet de consignes
minutes groupement
Favoriser
la décentration de cette dernière
et la prise Phase de confrontation aux contenus • Phase 3
de recul des autres participants • Phase 5 bis
• Phase 6
• Phase 7
• Phase 8
3. RÉGULATIONS ET VARIATIONS
POTENTIELLEMENT RÉALISÉES
PAR L’ANIMATEUR AU COURS
DES SÉANCES ET AUTOUR D’ELLES.
Le point qui suit aura pour objet la présentation des régulations que
l’animateur est susceptible de réaliser au cours d’une séance.
Chaque régulation produite par l’animateur répond à l’objectif de
maintenir la cohérence et la congruence entre les objectifs et le dérou-
lement de la séance. Contrairement à certains éléments qui vous seront
présentés dans le sixième chapitre de cet ouvrage, les régulations propo-
sées ici se limitent au cadre d’ARPPEGE et à la recherche d’atteinte des
objectifs initiaux. Ces propositions ne concernent donc pas la possibilité
de la réorientation des buts, dont l’opportunité ou le besoin émergerait
au cours de la séance. De même, ne seront pas traitées les possibilités de
134 Construire une pratique réflexive
50. Pour un approfondissement de ces questions, voir Boucenna, Thiébaud et Vacher, 2022.
Tableau 4.3. Régulations possibles dans chacune des phases
Origine
Phase Régulation
des régulations
Lors de cette phase, En fonction de la maturité du groupe dans le dispositif, l’animateur peut moduler le volume de présentation
les régulations sont de chacun des points.
principalement liées Les régulations peuvent aussi viser à attirer l’attention du groupe sur des éléments s’étant déroulés lors
au besoin de précision des séances précédentes, par exemple si certaines règles n’ont pas été strictement respectées
que seraient susceptibles
Phase 0
Présentation
de demander
les participants.
La régulation principale Plusieurs options sont possibles. En reprécisant que dans ARPPEGE le récit est une matière « prêtée »
de cette phase est liée au groupe et que son traitement n’est pas la finalité principale, l’animateur est susceptible d’enlever
au choix de l’exposant. une pression aux participants qui jugeraient que leur situation ou récit potentiel n’est pas intéressant.
Premier cas de figure, Le silence peut aussi être la conséquence d’une absence de sécurité ressentie (visible par exemple lors
aucun participant des premières séances). Dans ce cas, l’animateur peut rappeler les règles de sécurisation de l’échange
ne souhaite exposer. mais aussi éventuellement utiliser des détours par des séquences (hors protocole du dispositif)
Selon les hypothèses de construction de la confiance dans le groupe.
réalisées par l’animateur
quant aux causes
de cette absence.
Phase 1
La régulation principale Afin de faciliter le choix collectif du récit, l’animateur peut proposer que chaque exposant potentiel présente
de cette phase est liée en deux phrases la pratique à laquelle il pense. Ensuite, plusieurs critères peuvent être utilisés pour réaliser
au choix de l’exposant. le choix de l’exposant du jour. Par exemple : l’urgence ou non pour les exposants potentiels de traiter
souhaitent exposer. (dans le dispositif est en matière de réflexivité) ou les contraintes temporelles, le choix peut être plus
ou moins laissé au groupe de décider.
135
Origine
136
Phase Régulation
des régulations
Les régulations sont Cette phase est au cœur de la stratégie de conception du dispositif. C’est principalement en rappelant
nécessaires lors que les productions écrites demeurent personnelles et non communiquées que les incompréhensions
des premières séances et réticences éventuelles sont levées. Ce rappel permet aux participants de comprendre que la consigne
face à l’étonnement n’est pas en contravention avec l’éthique générale de bienveillance par l’absence de jugement et de conseil.
des participants quant Dans cette situation, l’animateur reprécise que la position de l’exposant est symétrique par rapport
à la consigne du travail à celle des autres dans le dispositif. Parfois, lors de la première séance, l’exposant n’écrit pas durant
à réaliser cette phase. Du fait de la durée courte de cette dernière, il est possible de faire quelques régulations
De façon plus spécifique, individuelles pour rassurer sur le caractère normal de cette absence. C’est rarement le cas par la suite car,
il arrive que l’exposant avec l’expérience, l’exposant perçoit dès son récit initial de nouvelles perspectives d’action.
Phase 2
Proposition 1
interroge l’animateur L’animateur peut se baser sur le dernier participant qui écrit pour stopper la phase. Il annonce ainsi avant
pour savoir s’il doit aussi la fin du temps dédié, qu’il reste deux à trois minutes pour écrire. Comme pour toutes les autres phases,
réaliser la phase. les silences font partie intégrante du recul réflexif. Une absence d’écriture temporaire n’est donc pas
Construire une pratique réflexive
Des disparités mécaniquement un signe de désengagement. Cependant, une vigilance sur les signaux de décrochage
des temps d’écriture permet de proposer quelques régulations notamment en proposant aux personnes concernées une pause
peuvent apparaître méta au sujet de ce qu’ils vivent dans ces moments.
Bien que présente dans beaucoup de dispositifs d’analyse de pratiques professionnelles, cette phase possède
quelques spécificités dans ARPPEGE qui nécessitent des régulations de l’animateur (notamment du fait
que cette phase succède à une phase de jugement et projection). La règle de non jugement ou conseils
implicites impose en effet une vigilance accrue lors des phases de questionnement. Je régule en général
La régulation principale
cela en interrompant toute formulation qui s’inscrirait dans cette logique de jugement, de conseil. Je précise
de cette phase
ici que par précaution, j’ai tendance à intervenir assez vite lors de la formulation de la question, afin que
est liée à l’apparition
l’exposant ne se sente pas jugé. De ce fait, les régulations peuvent être nombreuses lorsque les participants
de questions pouvant
ne sont pas familiers du dispositif et il faut alors faire attention à ne pas trop hacher le rythme pour ne pas
exprimer même
casser la dynamique globale de recherche collective de compréhension. Lorsque j’interviens pour interrompre
implicitement
Phase 3
la formulation de questions, Je propose immédiatement un exercice de neutralisation des questions. Chaque
ou involontairement
Questionnement
participant est invité à réaliser cet exercice collectif, puisque chacun partage ses propositions de reformulation.
des jugements
Cet exercice est assez déstabilisant car il confronte les participants à leur modèle souvent dominant qui est
ou conseils.
celui du jugement comme base de la compréhension. Des régulations de réassurance sont donc parfois
nécessaires pour accompagner cette déstabilisation.
Avec la maturité du groupe dans le dispositif, ces régulations sont de moins en moins nombreuses
et les participants témoignent du fait que la neutralisation a constitué pour eux un apprentissage essentiel.
Origine
Phase Régulation
des régulations
Comme la phase 4 est On retiendra les propositions liées au temps d’écriture pour maintenir les dynamiques du groupe.
identique à la phase 2,
les régulations
sont en général
Phase 4
peu nombreuses
Proposition 2
Ces consignes sont en effet assez inhabituelles et nécessitent en général d’être illustrées pour devenir
fonctionnelles lors des premières séances. Ces régulations peuvent être collectives mais aussi individuelles
Les régulations produites pour ne pas freiner l’engagement de ceux qui ont saisi le sens du travail.
lors de la phase 5 Lors de premières séances, il n’est pas rare que les participants demandent à l’animateur des grilles
sont en général liées de lecture leur permettant de cibler les domaines. Dans les régulations que je réalise, je choisis la plupart
à la clarification des du temps de ne pas donner de grilles de lecture mais renvoie chaque participant à ce qui fonde ses propres
Phase 5
consignes. analyses. Ces éléments peuvent être liés à l’expérience professionnelle ou à des formations par exemple.
L’enjeu de la régulation est ici de ne pas orienter le travail de conceptualisation sachant que la phase
phase 2 et phase 4
Analyse du décalage
suivante permettra une mutualisation de ces domaines et donc l’enrichissement de chacun.
Il arrive que lors L’animateur intervient pour rappeler que les participants ne doivent pas dévoiler le contenu de leurs parties 2
des premières séances et 4 mais seulement l’analyse neutralisée qu’ils en font (processus, domaines et éléments déclencheurs).
certains participants Il peut éventuellement aider à reformuler pour neutraliser le contenu des prises de parole.
souhaitent partager
leur piste d’action
et l’exposant
Phase 5 bis
les entendre
Présentation et
échange sur décalage
Illustration de la conception d’un dispositif de formation : ARPPEGE
137
Origine
138
Phase Régulation
des régulations
Les régulations peuvent L’animateur cherche par ses régulations à favoriser l’implication de tous pour des raisons à la fois
ponctuellement permettre de dynamique psychosociale mais aussi d’enrichissement de la pluralité des angles de vue. L’observation
de clarifier les consignes des leaderships dans les petits groupes est de ce point de vue souvent nécessaire.
mais elles visent La nature des interventions est souvent polymorphe. En circulant parmi les groupes, l’animateur repère par
prioritairement l’entretien exemple le(s) type(s) de frein que rencontrent les participants et propose (sous la forme de questionnement
des dynamiques cognitives la plupart du temps) des éléments pour tenter de les dépasser ou en faire des objets de réflexivité. Ainsi,
et psychosociales il pourrait interroger un groupe sur la méthode de formalisation retenue, pour un autre il demandera
des sous-groupes. quelles sont les questions qu’ils auraient pu poser à l’exposant pour aller plus loin dans leur compréhension.
L’animateur produit Face à des groupes qui auraient beaucoup de difficultés à rentrer dans la formalisation, l’animateur peut
ces régulations proposer des types de modélisation : schéma, carte mentale, dessins, récit métaphorique, etc.
notamment lorsqu’il Si l’animateur perçoit des décalages dans les degrés d’avancement et un éventuel arrêt du travail pour un
perçoit des décalages groupe, il peut relancer la dynamique par 2 stratégies. D’une part en interrogeant ce qui pourrait apparaître
Construire une pratique réflexive
dans les vitesses comme des zones blanches, des zones d’ombres dans la modélisation produite de la compréhension
Phase 6
de progression. ou encore le repérage de domaines structurant leur modèle, d’autre part il pourrait amener le groupe
Une vigilance à avoir un échange réflexif sur la forme de travail adopté, les arbitrages réalisés, l’interrogation de la vitesse
supplémentaire peut être de réalisation, la présence de consensus ou divergences, leurs origines, etc.
développée quant La durée de la phase peut varier du simple au double d’une séance à l’autre mais de l’hétérogénéité est
à l’apparition « masquée » aussi visible entre les groupes. Deux principes viennent alors structurer les régulations : gérer la durée totale
de pistes d’action de la séance et maintenir les dynamiques de groupe.
Cette phase Une vigilance sera tout de même apportée à ce que les questions posées à un groupe lors de sa présentation
de mutualisation ne relèvent pas non plus des jugements ou des conseils implicites.
et d’échange ne nécessite
pas en général
Phase 7
Présentation
modélisation
beaucoup de régulations.
Origine
Phase Régulation
des régulations
La principale régulation Parfois, l’animateur reprécise le périmètre possible des réponses lorsque celles-ci se focalisent uniquement
à réaliser vise à recadrer sur un registre, par exemple celui des émotions vécues, délaissant totalement la question des apprentissages
les échanges lorsque ou des dynamiques d’analyse.
certains participants
repartent dans l’analyse
Phase 8
de la pratique exposée
Méta-analyse
et ne se situent pas
dans le registre méta.
Illustration de la conception d’un dispositif de formation : ARPPEGE
139
Chapitre
Former un praticien réflexif :
5
effets du dispositif ARPPEGE
1. MÉTHODOLOGIE D’ANALYSE
ET D’ÉTUDE DES EFFETS
Pour évaluer ces effets de formation, nous avons choisi de procéder
à des analyses quantitatives et qualitatives qui portent tout autant sur le
contenu de l’outil que sur sa forme. Ce choix visait à permettre à la fois
l’évaluation des effets de professionnalisation (par le développement de la
pratique réflexive), l’évaluation de l’adéquation de l’outil à l’atteinte de ce
but et enfin la mise en lien de ces deux paramètres, c’est-à-dire la mise en
perspective entre les éléments de fond et de forme.
De plus, la stratégie générale reposait sur la structuration d’une
évaluation de l’usage et des effets de l’outil à deux niveaux. Le premier est
142 Construire une pratique réflexive
52. Seuls l’analyse qualitative des séances ARPPEGE et le questionnaire d’après visionnage
ne sont pas traités avec le logiciel MODALISA.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 143
Outils d’analyse
des effets d’ARPPEGE
Nombre
Nombre d’acteurs
Dispositif Type d’analyse Outil d’analyse d’entités
concernés
analysées
9
Observation directe 10 (5 pour N1 et 4
Usage réel pour N2)
Observation filmée 2 4
Questionnaire
27 9
après séance
ARPPEGE
8
Questionnaire final 8
Avis, représentations sur 9
et impressions
3
Questionnaire (sur 4 concernés
3
après visionnage par les séances
filmées)
55. Ces transformations du mode de questionnement sont aussi visibles lors des échanges
des phases 6 et 7.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 147
tous les participants. On peut y lire à travers son déroulement aussi bien le
type d’analyse que les dynamiques psychosociales. Globalement, les profils
de questionnement sont assez similaires au cours des deux années comme
le montre le tableau 5.2. Dans les tableaux suivants, il est fait référence aux
registres ou domaines (nous utiliserons indifféremment ces deux termes par
la suite) qui correspondent aux éléments d’analyse que nous avons évoqués
comme étant à la base de l’analyse multidimensionnelle qui apparaît dans les
premiers niveaux de l’approche multiréfléchie. Pour mémoire, nous avons
par exemple évoqué dans cette partie (figures 1.3 et 1.5) les registres tels
que le savoir ou le temps et les domaines tels que la psychologie ou la
physiologie. Comme nous l’avons illustré, il pouvait s’agir de registres usuels
ou de domaines scientifiques.
Le contenu de ce tableau traduit une évolution significative du mode
de questionnement au fur et à mesure du déroulement du dispositif dans
l’année. Ainsi, le profil initial et le premier palier se caractérisent par une
approche égocentrique. La référence est en effet limitée à soi et à une ana-
lyse réactive. Cette réaction est produite à partir de plusieurs déclencheurs.
En premier lieu, le contenu du récit ou d’une réponse peut entrer en réso-
nance avec le vécu d’un participant qui évoque, par le biais d’une question,
sa propre expérience. En second lieu, la réaction peut être liée à l’actualité
d’un thème ou à la présence d’un thème « évident » sur lequel le partici-
pant à « quelque chose à dire ». Enfin il peut s’agir d’une réaction qui vise
simplement à prendre la parole pour « trouver une place » dans le groupe.
Ces trois processus se fondent sur une autoréférence de l’intervention, il
n’y a donc pas à ce stade de prise en compte de l’autre ni d’émergence
d’une analyse approfondie. Concrètement, cela se traduit par des prises
de paroles coupées lorsque la réponse ne correspond pas à ce qui était
attendu par le participant auteur de la question. On peut parler de stade
autoréférencé et réactif et la pratique réflexive n’est pas enclenchée à ce
premier palier, car les interventions ne relèvent pas encore d’une intention
consciente d’affronter la complexité. L’approche n’est pas multiréfléchie ni
au niveau personnel ni par la mise en perspective du contenu de l’analyse
des autres. Nous constatons lors de la mise en œuvre du dispositif que ce
stade dure deux séances en moyenne.
La situation est différente lorsque l’on étudie le contenu du deu-
xième palier (et en partie palier 1 année 2). En effet, un premier stade de
prise en compte de l’autre apparaît et se traduit par la prise en compte
de l’intervention d’autrui pour soi-même intervenir. Les rebonds se font
ainsi par rapport à la réponse précédente obtenue et des mini-relances non
réactives apparaissent.
Année 07-08 (N1) Séance d’apparition Année 08-09 (N2) Séance d’apparition
Profils – Questionnement réactif, – Questionnement factuel
148
initiaux centré sur les préoccupations organisé par la question
S1 S1
du moment ou sur un point précédente ou la réponse
unique et « évident » du récit précédente
– Nombre de registres limité – Registres limités et épuisement
mais épuisement des domaines rapide du questionnement
Palier par les participants – Rebond sur d’autres
S2-S3 S2
n° 1 domaines après ouverture
des champs de questionnement
par l’animateur
– Questionnent en fonction – Questionnent en fonction
des réponses précédentes des réponses précédentes
apportées par l’exposant apportées par l’exposant
Palier ou ou
S3-S4 S3
n° 2 – Suivent une progression – Suivent une progression
Construire une pratique réflexive
56. Nous entendons par « mini relance » des interventions courtes permettant de poursuivre un questionnement tout en rebondissant sur les réponses
obtenues.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 149
Puis
Puis
sion et pas forcément celle d’autrui pour lui ou le groupe. Les stratégies de
questionnement ne sont pas révélatrices de la composante métaréflexive
de l’approche multiréfléchie. En effet, si l’on constate la mise en système
des contenus à l’intérieur des registres et domaines, l’interaction avec les
autres domaines qui constitue un niveau de l’approche de la complexité
[figure 1.7] n’est pas lisible dans les questionnements. De ce point de vue,
le questionnement demeure multidimensionnel et non encore multiréfléchi.
L’évolution du mode de questionnement traduit donc l’entrée dans
la pratique réflexive du fait de la participation au module, cependant l’en-
semble des caractéristiques de cette pratique ne sont pas encore réunies
ici, notamment les cadres temporaires d’analyse qui ne semblent pas issus
de la structuration de connaissances préexistantes ni mobilisables de façon
systématique ou durable.
L’analyse du mode de questionnement permet donc d’affirmer que
le déclenchement de la pratique réflexive semble réalisé, mais qu’il ne s’agit
que d’un stade initial c’est-à-dire d’un premier niveau de décentration, de
prise de recul et de co-construction et l’ensemble des éléments de l’approche
multiréfléchie n’apparaît pas dans le registre du questionnement.
L’analyse des transformations des stratégies d’analyse et de modé-
lisation qui suit renforcera en grande partie cette interprétation.
57. L’enrichissement des modes d’analyse est aussi visible dans la phase 5 lors de la pré-
sentation du décalage entre les phases 2 et 4.
152 Construire une pratique réflexive
et rétroactives et rétroactives
– Choix d’évaluation – Choix d’évaluation
de l’importance des influences de l’importance des influences
permettant la conception permettant la conception
Palier n° 3 S5 S4-S5
de plusieurs modèles d’analyse de plusieurs modèles d’analyse
systémique, comparés, systémique, comparé, critiqué.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE
– Centration prioritaire
de l’analyse sur l’enseignant.
153
154 Construire une pratique réflexive
Abandon du soutien
En 4ème test hebdomadaire
de l’Institution
En 5ème travail supplémentaire
Complémentarité
Groupe
Remise en cause de contenu
autorité maison/classe
du professeur
Constat de départ :
Manque de travail
personnel à la maison
Effet miroir
Réunion
parents/professeurs Différence de comportement
renforce l’hypothèse maison/classe et des résultats
qui en découlent
N.B. : Les variations de gris reprennent les variations de couleur (bleu, noir, vert et rouge à l’origine) proposées
par les participants.
Manque de suivi
et de motivation
à la maison « Remédiation »
terme proposé par l’animateur
Manque de travail
Plus de travail
à la maison
Situation initiale :
Participation positive P2 bilan général
Mini-contrôle Échec
en cours, mais échec en fin de séance
à l’évaluation
Ou =
divergence P1-P2
P1 Un cours
de préparation pour
réussir l’évaluation
NB : Les variations de gris reprennent les variations de couleur (b1eu, noir, vert et rouge à l’origine) proposées
par les participants.
Ce n’est que dans le palier suivant (2) que cette amorce se matéria-
lise par une transformation nette des productions. Ainsi, l’augmentation du
nombre des registres intégrés au modèle (4 ou 5) s’effectue à la fois à partir
d’un processus de mutualisation des analyses et du positionnement éventuel
de nouveaux registres à partir de l’échange. Il s’agit dans ce cas d’un réel
processus de co-construction dans lequel les échanges et les questionnements
entre membres du groupe sont relancés au profit d’un approfondissement
collectif de la compréhension. La transformation du mode d’analyse est aussi
visible dans le modèle final qui inclut désormais à ce stade des éléments de
l’approche complexe. L’apparition systématique, dans l’ensemble des modélisa-
tions réalisées lors des séances 3 et 4 des deux années, de boucles d’influence
de type rétroactif ou de réciprocité traduit cette entrée dans la complexité.
Cette apparition est la conséquence d’une amplification des processus de prise
de recul (approfondissement) et de décentration (approche multiréfléchie).
Cependant à ce stade les structures chronologiques restent très présentes
(la moitié des liens) et constituent l’ossature centrale du modèle de compré-
hension c’est-à-dire sont conçues en premier et l’enrichissement complexe
est ajouté à la suite des échanges. Dans ce palier, un équilibre s’établit entre
les structures chronologiques et synchroniques.
Le dernier palier que l’on constate laisse apparaître une évolution
complémentaire qui se traduit par la présence majoritaire des liens de type
complexe (rétroaction, réciprocité). Les perspectives multiples qu’offre
l’échange en groupe sont débattues et le modèle final traduit l’évaluation
de la pondération de chacun des apports et de la pertinence des synthèses
produites. Ce niveau d’analyse constitue un processus collectif d’approche
multiréfléchie dans laquelle les décentrations sont tout autant liées aux déca-
lages internes qu’à ceux de nature externe. Pour parvenir à ces modèles
coconstruits, les participants passent par des activités de redéfinition des
termes employés, parfois les divergences de définition et de compréhen-
sion sont telles que plusieurs options de modélisation sont alors produites.
L’apparition de ces divergences est parfois accompagnée de la justification
des références qui les fondent. Cette analyse de la logique de construction
de la compréhension correspond au processus même de l’approche multiré-
fléchie. Cependant, cette analyse qui met en perspective la réflexion et ses
références n’est pas systématique. Nous avons donc une trace d’approche
multiréfléchie, mais qui reste à ce stade encore partielle ou tout du moins non
systématique et non partagée par tous. Ce caractère systématique faisait partie
de notre définition du praticien réflexif et les modélisations traduisent donc
une entrée encore inachevée dans cette pratique. De plus, on constate que
la présentation des modèles de chaque groupe lors de la phase 7 donne lieu
à des échanges constructifs qui permettent parfois de faire évoluer les pro-
positions. Cette nouvelle perspective qui apparaît seulement dans le palier 3,
valide l’entrée dans le paradigme de l’incertitude par l’acceptation de la perti-
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 157
nence de modèles d’explication différents des siens pour une même situation.
L’intervention suivante de l’exposante témoigne de ce processus : « c’est pour
ça que la dernière fois que vous avez fait votre schéma avec [nom d’un
autre participant] (phase 6) quand on l’a complété (phase 7), pour moi
c’était tout, et un schéma aussi valable ». Cette acceptation de la complexité
et de l’incertitude qui en découle traduite aussi un élément de l’approche
multiréfléchie, car la dimension subjective de l’analyse (analyse référencée)
est acceptée et permet de reconnaître la validité potentielle de deux propo-
sitions qui pourtant ne sont pas porteuses du même contenu. L’appropriation
du langage de l’analyse systémique et complexe est aussi manifeste et se
traduit par l’usage spontané dans les modélisations des termes propres à cette
approche58. Cependant, les analyses produites prennent toutes pour point de
référence l’enseignant acteur de la situation exposée. Les références multiples
n’apparaissent que comme des déclinaisons de la référence de l’enseignant.
À titre d’illustration, les participants construisent leurs analyses à partir de
leur point de vue d’enseignant, ces points de vue s’enrichissent lors des
échanges, car les participants n’ont pas les mêmes conceptions de leur pro-
fession. Mais jamais n’apparaît dans la réflexion de manifestation explicite
du passage au point de vue des autres acteurs. Dans notre situation initiale,
cela pourrait se traduire par une exploration des motifs de l’élève dans une
perspective subjective d’élève ou encore de celle des parents. L’investigation
demeure limitée à ou par la focale de l’enseignant. Cette limite temporaire
de la perspective multiréfléchie sera étudiée par la suite.
Enfin, nous constatons à ce stade l’apparition spontanée de réflexions
de type méta-analyse59. Ces dernières ne sont pas systématiques et leur
contenu est à ce stade réactif, seule la phase 8 est censée permettre l’ex-
pression de ce type de contenu. Les participants, par leurs interventions
de type méta, témoignent d’un niveau supérieur de décentration et réflé-
chissent cette fois non plus la compréhension du récit, mais leur propre
démarche d’analyse. Ce type d’intervention, bien que visible chez seulement
la moitié des participants, est une trace d’une forme explicite d’approche
multiréfléchie puisque concevant l’analyse comme objet d’analyse.
Le modèle suivant (figure 5.4) illustre le palier n° 3, il est extrait
de la dernière séance de la deuxième année de mise en place du dispositif.
Ce modèle est en deux parties, le calque (figure 5.5) ayant été ajouté, à
l’issue de la construction du premier modèle, et en réponse à la difficulté
de traduire un certain nombre d’éléments d’analyse. Il est à noter que ce
calque a été produit lors d’un dépassement de la durée théorique de la
phase (30 minutes) à la demande des stagiaires.
Groupe classe
Modèle
de l’élève élève – élève enseignant
en rupture
Élève en
Défaut rupture Exclusion
Construire une pratique réflexive
d’autorité
culturelles
Influences
Suivi social
Défaut d’autorité
Difficultés
produit lors de la phase 6 (séance 5)
linguistiques
Figure 5.4. Modèle complexe de compréhension
CPE
Collège prof –équipe
Falep, éducateur, assistante sociale dispositifs d’aide
INSTITUT
enseignant
Différenciation didactique
Maintien des efforts pédagogique
reconnaissance
Mise en confiance
Élève en réussite
participation
Légende des deux schémas :
Conséquences =
Changement d’attitude
Influence =
produit lors de la phase 6 (séance 5)
Influence réciproque =
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE
Fait appel =
159
N.B. : calque rajouté après discussion avec l’animateur sur la difficulté à placer une dimension supplémentaire au modèle précédent
160 Construire une pratique réflexive
visionnage, sur le fait que ces prises de conscience ne sont pas l’objet d’une
rationalisation de l’analyse, mais plutôt une émergence incontrôlée. Une partici-
pante affirme ainsi lors de l’entretien après visionnage que « c’est plus un flash
que de la réflexion aboutie ». Les participants soulignent aussi que le travail
de modélisation et la variation des formes de supports de réflexion favorisent
ce type d’émergence. Ainsi, ils affirment par exemple que lors des phases 6
et 7 le passage au tableau pour présenter son modèle permet une mise à dis-
tance constructive. Les témoignages suivants attestent de cette analyse. Par
exemple, pour une exposante, la formalisation au tableau a permis une « prise
de recul accélérée », une autre participante affirme qu’« une fois le schéma
global vu au tableau, d’autres pistes se sont imposées » et enfin pour une
dernière participante « le fait d’utiliser un autre support […] pour expli-
citer mon point de vue a déclenché la modification ». Un autre témoignage
renforce notre interprétation de l’existence de ce processus parallèle lors de
la variation des supports. Lors d’une tâche d’écriture (phase 4)60, une partici-
pante demande soudainement si elle peut poser une question supplémentaire
à l’exposante. Dans ce cas de figure, les deux processus peuvent apparaître
soit de façon simultanée soit dans une alternance très courte permettant un
effet macroscopique de simultanéité. Interrogée lors de la séance d’entretien
après visionnage sur l’origine de sa demande de précision, la participante
déclare qu’elle a pris « conscience d’un fait en particulier : le problème
de sanction ». Ces témoignages et les séquences que nous avons analysées
nous permettent d’affirmer que le double processus se met en place lorsque
les acteurs se livrent à une activité formalisée par un support (écriture, for-
malisation de modèle) ou à partir d’un contenu préétabli (présentation de
synthèse) d’une analyse. Nous ne constatons en effet pas ce processus de prise
de conscience soudaine lors des échanges de type réactif, ils n’apparaissent
que lorsque l’activité n’est pas sous pression temporelle. Cette limite est de
nature à nous inciter à relativiser l’interprétation de la possible existence de ces
processus dans des situations de fortes pressions et d’urgence. Cependant,
l’ensemble de l’intervention professionnelle ne se résume pas à ces situations
sous forte pression temporelle et il nous semble alors possible que ce processus
soit présent dans les autres situations. Compte tenu de l’absence de traces
de ces processus lors des premières séances, nous pouvons penser que le
dispositif est à l’origine du développement de ces schèmes cognitifs61. Dans ce
cas, la situation d’analyse en groupe, présente dans ARPPEGE, constituerait
un entraînement (Altet, 1996 ; Tardif, Lessard et Gauthier, 1998 ; Perrenoud,
60. Les séquences d’écriture lors des phases 2 et 4 évoluent sensiblement sur la forme alors
que les premières séances laissent apparaître une écriture continue, on constate en fin
de module que l’écriture est entrecoupée de phases de réflexion qui peuvent durer
jusqu’à 1 minute.
61. Une autre piste d’interprétation serait que la nouveauté du dispositif inhibe lors des pre-
mières séances, ces schèmes déjà présents chez les participants.
164 Construire une pratique réflexive
1998a, 2001 ; Lamy, 2002 ; Fumat, Vincens et Étienne, 2003) ou une reproduc-
tion de la situation d’intervention de type de jeu de rôle faisant apparaître le
même système de contraintes (Saint-Arnaud, 2003).
L’existence potentielle de ces processus est aussi à mettre en lien
avec l’approche multiréfléchie. Les résultats que nous obtenons montrent
que le contenu de ce processus est relatif à un autre domaine que celui
qui est au cœur de la tâche prioritaire consciente. Ce processus parallèle
s’exerce donc à propos d’un contenu porteur d’une dimension autre, il s’agi-
rait par exemple de présenter un élément relatif aux dynamiques psycho-
sociales de la classe et de voir apparaître un élément soudain relatif au rôle
de l’institution ou de la famille. Cette possibilité de penser le multiple autour
d’une situation pourtant unique et à terme réunifiée dans la complexité,
cette perspective d’émergence du différent sans dissonance est au cœur de
la logique systémique et critique de l’approche multiréfléchie.
62. Nous avons opté pour la diffusion d’un document simple (hors protocole et dans le
cadre d’autres modules de formation) illustrant un type d’approche algorithmique de
l’analyse. Ce document était volontairement réduit pour ne pas offrir de cadre « réfé-
rence unique » ou idéalisé. De plus, nous avions pris la précaution de préciser aux parti-
cipants que l’usage de ce cadre n’avait de pertinence qu’en regard des savoirs théoriques
et professionnels que nous maîtrisions nous-mêmes.
166 Construire une pratique réflexive
Synthèse
Nous avons pu mettre en évidence que la participation des profes-
seurs stagiaires au dispositif ARPPEGE a pour conséquence la modification de
l’analyse qu’ils font de leurs pratiques (4 participants sur 9 au palier n° 3 et
9 sur 9 au palier n° 2). Ces modifications portent sur plusieurs dimensions des
stratégies de l’analyse. Ainsi, les interrogations, les modélisations de la compré-
hension, les champs de références utilisés évoluent tout au long du module.
Cette évolution témoigne d’un rapport nouveau à la complexité de
l’expérience. Les décalages produits et constatés semblent à la base
de processus de prise de recul et de décentration. Si le nouvel équilibre
entre l’implication et l’explication qui se construit apparaît comme porteur de
développement de la professionnalisation, nous ne pouvons, à partir de nos
résultats, inférer de transformations des pratiques effectives. Ce potentiel de
développement sera étudié à travers les données recueillies dans nos enquêtes.
64. Inorganisation, mais attitude systématique que l’on constate aussi lors des séquences
méta non planifiées qui apparaissent au cours des phases 5 ou 6 par exemple.
168 Construire une pratique réflexive
250
200
150 année 1
année 2
100
total
50
0
Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5
Séance
N.B. 1 Les durées de la première et de la deuxième séance sont « artificiellement » augmentées du fait de la comptabilisation
du temps de présentation de la phase par l’animateur qui est importante en début de dispositif et qui disparait presque
totalement lors des séances 3,4 et 5.
N.B. 2 La baisse notable de la séance 3 est liée à la présence d’un seul groupe (3 participants) et en conséquence à la non
réalisation de la phase 7.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 171
250
200
150 année 1
année 2
100
total
50
0
Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5
Séance
NB 1 : Les durées de la première et de la deuxième séance sont « artificiellement » augmentées du fait de la comptabilisation
du temps de présentation de la phase par l’animateur qui est importante en début de dispositif et qui diminue presque
totalement lors des séances 3,4 et 5.
NB 2 : La baisse notable de la séance 3 est liée à la présence d’un seul groupe (3 participants) et en conséquence à la non-
réalisation de la phase 7.
NB 3 : À la demande des candidats la phase 6 de S5 année 2 a été hors cadre puisque les limites de durée ont été
supprimées.
65. Une analyse plus précise par phase ne nous montre pas de différences significatives
entre les évolutions de durée des différentes phases.
172 Construire une pratique réflexive
Cet élément apparaît clairement pour les participants qui en font part lors
des phases 8 des séances 3 et 4 les deux années. Ce constat est un indica-
teur de l’atteinte des objectifs que nous nous étions fixés. Nous avions en
effet conditionné la possibilité du développement de la pratique réflexive à
la mise en place d’un confort de formation passant par la conception d’un
cadre sécurisant. L’engagement dans les phases collectives témoigne de la
pertinence des choix de conception de ce cadre, car seule la compréhension
du dispositif ne pourrait suffire à déclencher l’engagement. Le sentiment de
sécurité constitue une condition nécessaire à l’engagement dans la réflexion
et ce d’autant plus face aux déstabilisations qu’elle peut produire comme nous
l’avons vu chez de nombreux auteurs (Bourgeois et Nizet, 1997 ; Perrenoud,
2001 ; Donnay, 2002 ; Dubois, Gasparini et Petit, 2005). À ce stade, nous
n’avons pas d’outils d’analyse pour le valider, mais nous pouvons penser
que la forte augmentation de la durée globale de la séance s’inscrit dans la
logique d’un système exponentiel liant sécurisation et engagement.
35
30
25
année 1
20
année 2
15
total
10
5
0
Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Séance 5
Séance
NB 1 : Les durées de la première et de la deuxième séance sont « artificiellement » augmentées du fait de la comptabilisation
du temps de présentation de la phase par l’animateur qui est importante en début de dispositif et qui diminue presque
totalement lors des séances 3, 4 et 5.
66. En moyenne pour les deux années, 4 minutes pour la phase 2 et 5 minutes pour la
phase 4.
67. On relève ainsi dans les dernières séances des interpellations du type « et toi qu’en
penses-tu ? » (phase 6) ou des formules moins personnelles telles que « est-ce que
quelqu’un d’autre a ressenti la même chose » (phase 8) ou encore lors du choix col-
lectif de l’exposante en S4 année N2.
174 Construire une pratique réflexive
Année S1 S2 S3 S4 S5
Somme N1 26 24 32 52 57
des questions N2 10 19 13 14 38
Durée totale N1 30 30 22 26 20
de la phase N2 14 30 20 28 27
8,11 et 11 et
N1 18e minute 19e minute 16e minute
Nombre 23e minutes 16e minutes
de relances
de l’animateur 9 et 12 et
N2 9e minute 0 0
16e minutes 17e minutes
Lors des phases 8 des deux premières séances, une moitié des participants
s’interroge encore sur le bien-fondé du module et de la limitation à la
compréhension et non la résolution. Ces interventions disparaissent ou s’in-
versent (justification de la nécessité de ce principe) et, lors des séances 4
et 5 de N1 et N2, des demandes de poursuite du module apparaissent.
Les participants justifient leur demande par l’efficacité du dispositif dans
l’accompagnement de leur expérience. Ces témoignages dépassent d’ail-
leurs la structure de formation de l’année de stage. Ainsi, les participants
de N2 vont proposer de trouver une procédure d’ARPPEGE à distance en
vue de leurs affectations géographiques distantes à venir. Cette idée ne
sera pas suivie formellement dans les faits, mais atteste de l’adhésion et
de l’émulation créées par le dispositif.
Le second indicateur de ce fort engagement s’est traduit par le
dépassement du cadre temporel lors de la dernière séance de N2. À la
demande des participants, nous avons opté, compte tenu de la présence
d’un seul groupe (3 participants) pour le fait de ne pas limiter la durée de
la phase 6. Initialement prévue pour ne durer que 40 minutes, la séquence
s’est déroulée sur 70 minutes et a permis d’aboutir à une modélisation
en deux étapes que nous avons reproduites précédemment (figures 5.4 et
5.5). Cette demande traduisait selon les participants leur souhait d’appro-
fondir la compréhension de la situation exposée, mais aussi de trouver des
modélisations qui traduisent la richesse de cette compréhension. Le temps
supplémentaire alloué portera d’ailleurs principalement sur cette dimension
de formalisation (figure 5.5).
Synthèse
Nous pouvons affirmer, compte tenu de nos résultats, que le module
ARPPEGE produit des effets dans le domaine des modes de commu-
nication. Ces effets ne semblent pas dissociés des principes éthiques du
dispositif. Ainsi, nous avons vu qu’à la fonction d’outil de l’analyse
s’ajoute de façon synchrone la fonction d’implication de tous et de
respect de la communication. Il semble que les participants reprennent à
leur compte ces principes éthiques (respect de l’autre, empathie, séparation
du personnel et du professionnel…) qui sont ceux du module et agissent en
fonction de ces derniers. Les outils mis en œuvre ne permettent pas à ce
stade de valider l’hypothèse d’une contamination hors protocole de ce type
d’attitude ou d’adhésion. L’analyse des effets perçus et déclarés permettra
de répondre en partie à cette interrogation.
Globalement, le profil des participants a évolué pour tous, même
si des différences subsistent, allant d’une approche réactive de l’interven-
tion dans le groupe à une approche pour soi et le groupe. Dans le profil
de départ, les objectifs de l’intervention sont égocentrés (se justifier ou
prendre une place dans le réseau de communication) alors que dans le
176 Construire une pratique réflexive
Sentiment
de sécurité
Engagement
éthique
et fonctionnel
dans le dispositif
Implication
2.1.3. Synthèse
Les résultats obtenus ont permis de mettre en évidence que les par-
ticipants au dispositif ARPPEGE transforment leur mode de réflexion. Ces
modifications s’orientent dans deux domaines qui constituent les objectifs
de formation. Ainsi, les participants développent de nouveaux rapports
à leur expérience par le biais d’une acceptation et de la prise en
compte de la complexité. Ceci se traduit par le développement d’une
nouvelle capacité d’analyse se fondant sur des processus de décen-
tration et de prise de recul. Dans le domaine psychosocial, nous avons
mis en lumière l’adoption de modes de communication compréhensifs et
constructifs qui sont à la base de l’amélioration des capacités au travail en
équipe. Le passage au mode coconstructif témoigne de cette trans-
formation des profils.
Les nouveaux rapports à la complexité du vécu sont le produit
de l’entrée dans une démarche réflexive. Celle-ci semble à un stade
initial, mais se traduit déjà par une adhésion consciente à son principe. Les
indicateurs du dépassement du paradigme de l’expertise sont nombreux
et permettent d’en identifier l’origine dans la participation au dispositif
ARPPEGE. Les tableaux 5.5 et 5.6 synthétisent les données précises obte-
nues et traduisent cette trajectoire de transformation des participants.
Cependant, l’observation en séance n’a pas permis d’identifier ou non
la présence de toutes les caractéristiques de la pratique réflexive telles que
nous les avons définies à savoir la systématicité hors protocole (réinvestis-
sement réflexe de l’analyse dans la transformation des pratiques effectives)
ou la durabilité dans le temps. L’analyse des effets perçus et déclarés qui
fait l’objet des points suivants permettra de répondre en partie à cet enjeu
de mise en lumière des effets de formation.
178
Comportements
Étape Attentes Stratégies Stratégie Acquis Séance
et attitudes
d’évolution stagiaires d’analyse de questionnement professionnel d’apparition
observables
– Questionnement
inorganisé
– Compréhension – Adhésion au dispositif – Systémique mais – Registres limités – Acceptation
des causes (remarque, détente S3) nombre de registre mais épuisement des difficultés
complexes – Acceptation de l’intérêt limité (2 ou 3) d’un champ dans professionnelles
année 2007-2008
approfondi mais
dans un seul registre
– Compréhension – Recherche – Systémique, – Questionnent – Relativisation
des causes de l’échange nombre de registre en fonction des difficultés
complexes pour construire en augmentation des réponses professionnelles
– Construction – Demande de cadres (4 ou 5) précédentes – Acceptation
d’un cadre d’analyse – Systémique, apportées de la démaîtrise
d’analyse – Respect de la parole équilibre entre par l’exposant – Augmentation des
2e palier de référence – Prise de parole les microstructures ou capacités à travailler
Arppege le temps partagée chronologiques – Suivent en groupe (écoute,
de la séance – Questionnement et les boucles une progression prise de parole, S3-S4
approfondi d’influences dans la précision mutualisation dans
de plusieurs registres rétroactives de leurs l’échange)
ou réciproques interrogations – Analyse multiréfléchie
et systémique mais
ampleur limitée
– Demande – Expérimentation – Dominante – Le questionnement – Impulsion
d’échange et de différents cadres des influences se structure de stratégies
de mutualisation de compréhension : réciproques autour de séries collectives
pour mise questionnement, et rétroactives cohérentes de 4 de travail type
en perspective critique (interpellation – Choix d’évaluation à 5 questions (selon APP, perspective
critique constructive) de l’importance les 2 stratégies d’innovation.
des différents – Prise de parole des influences du palier précédent) – Régulation des
cadres d’analyse encouragée permettant puis lorsque échanges collectifs
3e palier – Développement – Relance et la conception le participant et individuels
Arppege des capacités approfondissement de plusieurs semble avoir (classes, parent,
d’écoute des interrogations modèles d’analyse les informations élève, équipe S5
et de prise – Gestion systémique, pour comprendre disciplinaire,
de parole du questionnement comparés, il change inter catégoriel,
en fonction d’une critiqués. changement transdisciplinaire…)
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE
Arppege
d’un cadre – Régression sur les modes ou 5) apportées par de la démaîtrise
d’analyse d’échanges du fait de l’exposant
de référence l’ouverture de la réflexion – ou
– Verbalisation sur la diversité – Systémique, – Suivent une – Amélioration
des profils mais pas de équilibre progression dans du contenu
recherche de compréhension entre les la précision de de l’écoute
du profil de l’autre. Seule microstructures leurs interrogations – Analyse S3
2e palier la phase 6 oblige chronologiques quelques mini multiréfléchie
Arppege à ce comportement qui et les boucles relances non et systémique
est au départ absent puis d’influences réactives. mais ampleur
désorganisé et enfin construit. rétroactives limitée
– Apparition de prises ou réciproques
de conscience soudaines
– Demande – Questionnement, critique – Dominante – Le questionnement – Impulsion S4-S5
d’échanges et (interpellation constructive) des influences se structure de stratégies
de mutualisation – Prise de parole encouragée réciproques autour de séries collectives
pour mise – Relance et approfondissement et rétroactives cohérentes dont de travail type
en perspective des interrogations – Choix l’approfondissement APP, perspective
critique – Gestion du questionnement d’évaluation par mini-relances. d’innovation
des différents en fonction d’une stratégie de l’importance Lorsque le participant (mémoire
cadres globale de compréhension des influences semble avoir les professionnel 2
d’analyse – La richesse du réseau permettant informations pour sur 4).
– -Demande témoigne du changement la conception comprendre il change – Analyse
de volume pour de statut de l’autre qui est de plusieurs alors de domaine multiréfléchie
3e palier s’approprier désormais conçu comme modèles de questionnement. et systémique
Arppege la méthode un moyen d’enrichissement d’analyse – Différents niveaux systématique
et approfondir potentiel mais ce dans systémique, à l’intérieur – Augmentation
les cadres le respect de cet autrui = comparés, d’un registre sont du bien-être
d’analyse acteur Co constructeur critiqués. envisagés professionnel par
– Augmentation du nombre – Capacité le biais de l’entrée
des prises de conscience spontanée mais raisonnée dans
soudaines inorganisée à la la complexité
méta-analyse
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE
– Centration
prioritaire
de l’analyse
sur l’enseignant.
181
NB 1 : Comme pour l’année précédente, la lecture par ligne n’est pas toujours significative de tous les profils de participants, certains pouvant connaître des décalages entre les demandes, les comportements
et les stratégies mises en œuvre.
NB 2 : Le niveau 3 semble avoir été atteint par trois des quatre participantes et le niveau initial était globalement celui des quatre participantes.
182 Construire une pratique réflexive
68. Les questions fermées sont majoritaires pour diminuer le temps de remplissage et ainsi
favoriser les taux de retour.
69. L’intervention réalisée par l’une des participantes lors de la phase 8 de S3 N2 atteste de
cette pertinence des formes de groupement intraséance : « En fait ce schéma il naît
de la discussion, confrontation, suscitée par l’exposé de la situation. Après si on
est trop nombreux, non ça ne doit pas être possible, ça peut être la cacophonie. »
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 183
NB : Les calculs sont réalisés à partir des pourcentages cumulés des phases individuelles (1, 2,4 et 5) et des phases
collectives (3,5 bis, 6, 7 et 8).
70. Modes de socialisation que nous avions constatés dans notre expérience et qui étaient
corroborés par des travaux de recherche (Dubar, 1991 ; Dubois, Gasparini et Petit,
2005).
186 Construire une pratique réflexive
NB : Le corpus est de 56 occurrences pour les effets immédiats, 34 et 39 respectivement pour les effets à moyen et long
terme. Ces occurrences sont réparties équitablement entre les différents participants.
NB : Le corpus est de 14 occurrences pour les effets immédiats, 14 et 13 respectivement pour les effets à moyen et long
terme. Compte tenu de ce faible effectif, nous nous en tiendrons à l’analyse des tendances lourdes. Ces occurrences sont
réparties équitablement entre les différents participants.
Amélioration de l’analyse
Le premier point notable dans les graphiques précédents est relatif
à la déclaration d’effets dominants dans le domaine des capacités d’ana-
lyse des pratiques. Cette perception des effets par les participants porte
aussi bien sur le court terme que sur le long terme (respectivement 50 %
et 76,9 % dans le questionnaire final). Si l’analyse (dont la méta-analyse/
métaréflexion) est l’objet central de notre dispositif, c’est aussi l’un des trois
objectifs de notre module, et en ce sens l’outil ARPPEGE répond pour les
participants aux objectifs à atteindre. La terminologie employée pour définir
ces transformations est, de plus, en cohérence avec les processus visés. Ainsi,
on relèvera de façon prédominante la présence des termes « réfléchir »,
« prendre conscience » ou « prendre du recul ». Si le premier terme est
assez général, il est la plupart du temps accompagné de la notion de « plus »
d’« approfondissement ». Le second terme « prendre conscience » renvoie
par inférence à la notion de décalage (que nous ne relevons cependant pas
ici explicitement) à l’origine de cette prise de conscience et dont nous avions
fait l’un des processus visés. Le dernier terme « prendre du recul » faisait
littéralement partie des processus visés. L’un des participants résume cette
nouvelle approche par la formule suivante : « développer une vision d’en
haut sur toutes les dimensions jusque-là inaperçues ». Cette formulation
du positionnement d’en haut traduit les déplacements qu’opère une approche
multiréfléchie. S’il n’est pas question de donner une valeur supérieure à
certains éclairages, le recul produit permet de pondérer, de mettre en pers-
pective les différentes références et se traduit dans cette affirmation par ce
positionnement « haut » du participant qui regarde/surplombe ses analyses.
Lors du travail d’enquête après visionnage les participants précisent
la nature des processus mis en place et qui traduisent cette amélioration
de la capacité d’analyse. Ainsi en séance 3 de N2 la stratégie déclarée est :
72. Nous produisons cette formule pour pondérer la notion de bien-être professionnel que
Lafortune (2007) définit en citant Fahey, Insel et Roth (1999), « sensation agréable
procurée par la possibilité de satisfaire, sans stresser ou surmener l’organisme
ses besoins sur les plans physique, émotif, intellectuel, spirituel, interpersonnel
et social, et environnemental ». Cependant, nous ne reprenons pas à notre compte la
définition du « mieux-être » que les mêmes auteurs définissent comme une amélioration
du bien-être.
190 Construire une pratique réflexive
73. Nous obtenons ces résultats à partir de l’analyse du contenu de ces rubriques par
séance.
74. Idem, cf. note précédente.
75. « Oui totalement » 62,5 % et 37,5 % « Oui probablement ».
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 191
pouvons opter prioritairement pour l’une de ces trois raisons qui gardent
en conséquence chacune leur validité. Dans les deux premières raisons
que nous avons évoquées, la perception de réinvestissements possibles ou
effectifs dans les domaines pédagogique et de gestion du climat atteste de
la pertinence du module par rapport aux préoccupations des professeurs
stagiaires, et ce mécanisme est peut-être à l’origine de la forte adhésion
des participants. Mais si ces deux domaines sont largement dominants,
nous constatons aussi que c’est l’ensemble des domaines dans lesquels
une majorité des participants affirment réinvestir ou réinvestissent déjà
les acquis de la formation. En d’autres termes, le module correspond pour
les participants à un outil de transformation des pratiques, et ce dans
tous les domaines.
78. Bien que les chiffres soient moins importants, ils demeurent au-dessus de la moyenne.
194 Construire une pratique réflexive
Continuité Complémentarité
Après Après
finale finale
séance séance
Formation didactique
74,1 62,5 77,8 75
et disciplinaire
Chacun de ces éléments fera l’objet d’une analyse dans les points
suivants qui aboutira ensuite à une synthèse de cette mise en perspective
des données recueillies.
80. Effets anxiogènes que mettaient en évidence Blanchard-Laville et Nadot dans leur
ouvrage de 2001.
198 Construire une pratique réflexive
nous a révélé le stade initial de cette pratique et nous incite à penser que
le « mieux-être » professionnel développé lors de la participation au module
est de ce fait un acquis fragile.
Dans cette logique, il serait sans fondement de croire que ces cadres
personnels soient créés ex nihilo et leur contenu est par force issu de
champs de connaissances et de savoirs de l’expérience ou théorique sur
l’expérience81. Mais à ce stade, l’usage de ces ressources préalables n’est
pas conscientisé et cette absence de conscience ne semble pas permettre
une structuration systématique ou reproductible de ces usages, d’un savoir
analyser. Il se produit donc dans ce domaine un effet de formation relatif
à la clarification des cadres d’analyse, mais qui n’accède pas encore
dans nos résultats au rang d’objet de la réflexivité.
81. Affirmation en cohérence avec les travaux de Deaudelin, Brodeur et Bru (2005).
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 201
En d’autres termes il nous semble que notre dispositif est fonctionnel dans
une logique de transition et qu’en ce sens il ouvre les perspectives de déve-
loppement de la pratique réflexive. Mais ces perspectives ne semblent pas
accessibles de façon autonome à ce stade et les demandes de poursuite de
ce protocole matérialisent cette nécessité d’un accompagnement. Un temps
long de formation nous apparaît comme une nécessité pour passer
d’une posture réflexive encore conjoncturelle à cet habitus, cette
habitude quotidienne dont parle Perrenoud en 2001.
Ce paramètre temporel essentiel n’est cependant pas dépendant
des principes de conception ou de construction des outils de formation, il
est, dans sa forme macroscopique, déterminé par les moyens institutionnels
globaux et leur répartition à l’intérieur des plans de formation tout au long
du continuum de formation initiale et continuée.
– L’option constructiviste
La prédominance de la fonction d’accompagnement, d’étayage,
semble, à la vue de nos résultats, être une condition de l’engagement
constructif des participants. Dans le dispositif, le placement de l’apprenant
au centre des processus de formation a pour conséquence l’enclenchement,
par le sens puis la motivation, de l’engagement. Cet engagement se traduit
par les processus d’implication et d’explication. Ces deux processus sont
présents dans tous les résultats et montrent la validité de la recherche
d’une approche multiréfléchie qui permette de comprendre de l’intérieur
(acteur ayant vécu la situation), mais aussi de l’extérieur (acteur pre-
nant du recul) l’expérience professionnelle. Le rapport du formateur aux
savoirs semble de ce point de vue essentiel. Dans les résultats obtenus,
cet engagement constructif s’est traduit par une diversité importante des
productions, visible tout autant dans les productions (phases 5bis et 7)
que dans les déclarations.
– L’option socioconstructiviste
Si l’engagement de l’acteur apparaît comme essentiel, la forme
sociale de l’apprentissage apparaît dans les résultats comme tout aussi
importante. Ainsi, les organisations collectives d’échange ont permis d’accé-
der à de réelles phases de co-construction qui sont perçues comme telles
par les participants dans leur déclaration. Les processus sociaux enclen-
chés sont au cœur du système qui lie les objectifs. Ils participent ainsi à
l’amélioration des capacités d’analyse (dépassement de la mutualisation
par la co-construction), au développement des capacités à travailler en
équipe (écoute, prise de parole, respect) et contribuent au développement
d’un « mieux-être » (sécurisation, motivation). La perspective multiréfléchie
apparaît dans les témoignages comme fortement enrichie par les structures
sociales du travail d’analyse.
204 Construire une pratique réflexive
82. L’émergence de solutions est limitée aux phases 2 et 4 qui sont individuelles, placées
assez tôt dans la séance pour être dépassées et objet d’analyse de la phase 5. Cette
triple stratégie (individuel, proche du début et objet d’analyse) permet un accompa-
gnement et donc une progressivité dans la démarche de dépassement.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 205
– L’option de transition
Cette option se fondait sur le principe de la nécessité de prendre en
compte la spécificité du public en formation. Nos observations nous montrent
que les choix de progressivité des formes de travail83 ont favorisé l’entrée
dans la pratique réflexive. Cependant les participants n’ont pas conscience
de ces éléments de structuration du dispositif. Aucun d’eux en effet ne
formule de traces de perception de cette stratégie d’organisation. Dans nos
observations nous ne relevons pas de blocages ou de phases de freinage
dans le déroulement des séances ou l’évolution des profils. Les phases
5bis84 marquent, par exemple, nettement cette transition entre les diffé-
rentes formes de rapport aux contenus de formation qu’entretiennent les
– La production de décalages
Nous ne relevons pas de traces importantes dans les réponses aux
enquêtes de la perception de l’importance des décalages dans le processus
de formation. Pourtant nous constatons que les éléments reconnus comme
constructifs (décentration, prise de recul) sont presque tous le produit d’un
décalage préalable. Ces derniers sont présents entre les phases individuelles
(2 et 4) entre les formes et contenus de questionnement (phase 3) ou les
phases collectives de production et d’échanges (phases 6 à 8). La valo-
risation de la conscience du décalage est pour nous le processus central
de l’approche multiréfléchie et participe au déclenchement des prises de
conscience soudaines que nous avons observées.
85. Nous avons recueilli avant la première séance de N1 des témoignages de défiance envers
le dispositif et son formateur qui témoignaient de ce type de posture. Ces traces étaient
infimes à l’issue de la première séance et avaient totalement disparu à l’issue de la
seconde.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 207
Nous pouvons penser que ce stade n’est pas encore propice à la création
systématique ou consciente de passerelles réflexives vers les autres contenus
de formation. La référence explicite est à ce stade la pratique (prioritairement
la sienne et, de façon minoritaire, celle d’autrui, un pair ou un ex-pair/expert)
qui se traduit par une convergence perçue avec l’expérience de stage. Les
savoirs théoriques pour leur part ne semblent pas encore constituer des
ressources directement et consciemment mobilisables. Cependant nous ne
pouvons que supposer la mobilisation réelle, mais inconsciente de ces savoirs
et pensons que l’allongement du temps de formation dans le dispositif serait
probablement de nature à permettre l’émergence de ces savoirs.
Nous avons aussi constaté dans les résultats que la constitution
de cadres personnels d’analyse (définition, regroupement d’indicateurs par
registre) semblait être préalable à la mise en commun et à la constitution
de cadres extérieurs à soi. Il en va peut-être de même pour le rapport aux
cadres théoriques existants.
Cependant pour Perrenoud, la construction de passerelles entre
modules de formation ne peut être liée aux seuls contenus des dispositifs
d’analyses de pratiques et seul un travail global d’orientation vers ce type
d’habitus, une entrée massive dans le paradigme de l’incertitude « accroîtra
les chances des étudiants d’accrocher à l’une ou l’autre et enrichira leur
palette » (Perrenoud, 2001, p. 63). Il serait naïf que d’espérer transformer
les pratiques d’une institution en ne transformant qu’une petite partie de
ses pratiques et le regard de quelques-uns de ses acteurs. Si Bourgeois et
Nizet précisaient que l’apprentissage était possible lorsqu’il se fondait sur
la rencontre/convergence entre le projet des apprenants, celui des forma-
teurs et celui de l’institution (Bourgeois et Nizet, 1997), il nous semble,
en accord avec Perrenoud (2001), que la convergence doit aussi s’établir
entre les formateurs et notamment par l’intégration de la logique réflexive
dans l’ensemble des modules de formation. Ce processus ne présage par
contre pas de la transformation des modalités pédagogiques de chacun des
modules, mais intègre la perspective de construction de passerelles entre ces
modalités à partir d’une posture réflexive des apprenants et des formateurs.
Les conditions d’efficacité décrite par Bourgeois et Nizet (1997) reposent
aussi sur l’engagement de l’acteur au travers d’un projet.
Le volontariat
Ainsi, une deuxième limite semble très importante dans le disposi-
tif proposé : la participation au module ARPPEGE s’effectue à partir d’un
choix entre deux modalités d’analyse de pratiques. Cette possibilité aboutit
à un « volontariat relatif » et nous avons constaté qu’une grande majorité
des professeurs stagiaires qui choisissaient l’autre modalité le faisaient dans
le souhait d’éviter un dispositif trop impliquant ou en rupture avec les
approches classiques de l’apprentissage et de l’enseignement. Dans ce cadre
208 Construire une pratique réflexive
on peut s’interroger sur les effets que nous aurions obtenus avec un public
qui ne fasse pas ce choix initial, mais qui serait contraint à la participation86.
L’analyse de la demande et l’adhésion aux propositions qui en découle
font partie des éléments de réflexion des acteurs du domaine de l’analyse
de pratiques et pour beaucoup ils conditionnent l’efficacité des dispositifs.
Perrenoud traduit cette interrogation et affirme ainsi que « former des étu-
diants à une pratique réflexive alors qu’ils attendent des réponses caté-
goriques, des recettes et des routines, est une entreprise sans espoir »
(Perrenoud, 2001, p. 60). Lorsque l’on interroge les participants sur leurs
motivations à s’inscrire dans ce module, ils évoquent la curiosité, la nouveauté,
l’orientation vers la compréhension et non la résolution, et enfin l’écoute et
l’investissement du formateur lors de la présentation du module. Ces élé-
ments semblent attester d’une sensibilité particulière qui, si elle ne traduit
pas encore une posture réflexive, révèle une éventuelle affinité avec elle.
Jorro propose une classification en trois types d’attitudes d’appre-
nant et d’engagement dans les dispositifs qui recoupent nos constats (Jorro,
1999, 2005) :
86. On notera que la totalité des étudiants des nouveaux masters choisira ce module lors
des années qui ont suivi la recherche, témoignant d’un impact des modifications de
maquettes, mais aussi du crédit acquis.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 209
pourrait traduire une conscience claire lors des échanges « méta » et une
approche multiréfléchie totale ne semblent pas totalement ouvertes. Comme
nous l’avions visé dans notre stratégie générale de conception, les participants
semblent dans une transition entre le paradigme classique de l’expertise et
celui de l’incertitude. Ainsi, si la mobilisation de nouvelles capacités d’analyse,
constatée lors des dernières séances des deux années et dans les réponses
aux différents questionnaires, atteste par sa spontanéité des processus de
transformation en cours, on peut s’interroger sur la largeur des champs
d’utilisation et de réinvestissement (travail en équipe, phase de bilan après
intervention, situation d’enseignement). De la définition que donne Altet du
« savoir analyser », les professeurs stagiaires s’approprient, à ce stade, les
dimensions heuristiques et de problématisation (Altet, 2000, 2009), mais
en les limitant principalement au cadre du protocole. La capacité de méta-
réflexion demeure limitée à un travail « réactif » (non enclenché et structuré
volontairement) qui n’ouvre pas de perspective systématique d’autorégulation
(Tillema, 2005) ou encore de transformation en profondeur du « cadre inter-
prétatif personnel » (Kelchtermans, 2001). Si le caractère systématique appa-
raît dans la situation de formation du protocole, la reproductibilité et la
durabilité des capacités nouvelles sont en question. Conformément à notre
définition de la pratique réflexive, nous pouvons considérer que les partici-
pants sont à un stade initial de développement qui, s’il est nécessaire, est
insuffisant pour offrir une stabilité à la nouvelle posture.
Les perspectives d’autonomie du sujet dans les modèles de l’alter-
nance87, au service d’une amélioration de la professionnalisation, ne paraissent
pas comme opérationnalisables chez les formés observés dans la recherche.
Cette limite du dispositif nous renvoie directement à la question du temps
de formation et nous avons entrevu deux pistes pour analyser ce paramètre.
La première est relative au développement de la pratique réflexive. Nous
avons en effet constaté que le dispositif permettait aux participants d’accé-
der à un stade initial de réflexivité, mais qu’il serait nécessaire de leur
proposer un entraînement pour stabiliser et structurer de façon consciente
cette nouvelle posture. Cette analyse recoupe les nombreux travaux sur la
question qui stipulent la nécessité de cet entraînement (Altet, 1996 ; Tardif,
Lessard et Gauthier, 1998 ; Perrenoud, 1998a, 2001 ; Lamy, 2002 ; Fumat,
Vincens et Étienne, 2003). La deuxième piste est relative non plus à l’en-
clenchement et à l’entraînement, mais au développement professionnel et à
l’évolution de la posture réflexive. Cette démarche s’inscrit dans une visée à
long terme, mais aussi dans la perspective maximaliste de Perrenoud d’une
pratique réflexive fonctionnant comme un habitus en œuvre au quotidien.
Pour intervenir dans ce domaine, il s’agirait de développer à la fois des
87. Modèle de la « reversabilité » chez Lerbet (1995) par exemple ou « paradoxes construc-
tifs » chez Vialle (2005).
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 211
88. Notamment Robo, Donnay dans des articles sur le site http://probo.free.fr/, ou en ce
qui concerne les formateurs de façon générale Alin (2006), Poisson (2008), Thiébaud
(2019b-2021) ou Vacher (2013, 2014a).
212 Construire une pratique réflexive
tion ouverte » (Carette, Defrance, Kahn et Rey, 2006). Mais, selon Le Boterf,
la compétence n’est pas un acquis de formation, mais une mobilisation in situ
de ressources construites en formation (Le Boterf, 1994). Les situations de
réflexion sur l’action seraient alors de nature à faciliter l’expression de cette
compétence par la mobilisation des ressources acquises et développées en
formation dans le dispositif ARPPEGE. Comme nous l’avons vu, les réponses
aux questionnaires témoignent de cette construction, mais en révèlent aussi
quelques limites (situation de stress, contraintes temporelles…).
En ce qui concerne la réflexion dans l’action, nous affirmons que
les composantes de la situation en interaction sont différentes de celles
du dispositif ARPPEGE. En effet, comme nous l’avons défini et en accord
avec les travaux de Saint-Arnaud, le système de contraintes particulières de
l’interaction (facteur P chez Saint-Arnaud, 1999) confronte à l’incertitude
déstabilisante alors que celui de la formation est lui « relativement confor-
table » et sécurisé par un ensemble de règles conçues à cet effet. Dans ce
cadre, les acquisitions du dispositif relèveraient de ce que Carette, Defrance,
Kahn et Rey (2006) nomment les capacités générales.
Face à la complexité des définitions des termes de compétences et
de capacités, nous résumerons en précisant :
90. Réduite pour les années N1 et N2, mais montant jusqu’à 20 participants par session pour
les années suivantes et ne conduisant pas à la modification des résultats constatés.
Former un praticien réflexif : effets du dispositif ARPPEGE 217
91. Nous gardons ici à l’esprit la remarque de Malglaive (1994) relative à l’immédiateté du
sens de l’usage de certains contenus pour lesquels l’enjeu est la clarification de cette
nature singulière.
Former un praticien réflexif : synthèse et limites 221
92. Et ce, probablement encore plus dans une formation d’enseignant pour la valeur d’ob-
jet à analyser que prennent les dispositifs de formation.
222 Construire une pratique réflexive
Évoluer,
se transformer
Agir
Accepter
et affronter
Pratique la complexité
Appréhender réflexive
et comprendre
la complexité
La pratique réflexive, telle que définie ici, est porteuse d’une multi-
tude de perspectives pour la construction des formations et l’analyse de
pratiques peut ainsi tout aussi bien être un support déclencheur du sens
pour l’apport de connaissances générales que pour la construction de capa-
cités d’analyse ou de travail en équipe. Dans cette option, les référentiels
de compétence ont un statut double. Ils sont la référence de l’exigible et
constituent donc le point d’ancrage institutionnel des objectifs opérationnels
de formation. Mais compte tenu des risques de fixation et d’entretien du
paradigme de l’expertise que l’usage de ces référentiels comporte, il semble
nécessaire d’attribuer au référentiel de compétences une deuxième fonc-
tion qui leur confère le rôle de support ou d’objet de la réflexivité. Cette
fonction offre une perspective d’enrichissement de l’approche multiréfléchie
pour sortir d’une analyse uniquement autoréférencée et devient « un ins-
trument pour penser et impulser le mouvement » du travail réel vers le
travail prescrit et réciproquement (Lessard, 2009, p. 136). Cette approche
se retrouve chez de nombreux auteurs et pourrait être synthétisée par le
sous-titre de l’ouvrage de Perrenoud de 1999 lorsqu’il qualifie sa démarche
relative au référentiel d’« invitation au voyage » (Paquay et Wagner, 1996 ;
Perrenoud, 1999a ; Lessard, 2009).
Pour synthétiser l’ensemble de ces éléments relatifs aux dynamiques
rendues possibles ou amplifiées par la pratique réflexive dans les processus
de formation, nous proposons la modélisation suivante (Figure 6.2). Elle
se constitue de l’identification de trois registres de formation que sont la
transformation des pratiques professionnelles (expérience sur le terrain),
la transmission d’apports théoriques (formation théorique en centre) et
le développement de la pratique réflexive (en tant que médiation entre
Former un praticien réflexif : synthèse et limites 225
Développement
de la pratique
Construction réflexive
Construction
d’un « savoir analysé » d’un « savoir
exploratoire analyser »
E A
Acceptation
de la complexité
G Demande
de connaissances
Transformation
institutionnelle,
de l’activité cognitive
scientifiques,
en cours d’action Enrichissement méthodologiques…
F des objets analysés B
I
Transformation
du rapport affectif Construction
à la pratique de nouveaux savoirs
H J
Transformations Transmission
Mobilisation Construction
des pratiques d’apports
de nouveaux de nouveaux
professionnelles théoriques
savoirs pour agir savoirs
D C
de leurs pratiques de formation. Dans la plupart des cas pour les formateurs
intervenants, Pelpel précise qu’il ne s’agira pas d’une « formation continue
(d’enseignant) », mais bien d’une « formation initiale (de formateur) »
(Pelpel, 2002, p. 187).
Cette transformation profonde des pratiques des formateurs, du
fait d’un ancrage fort de la différenciation des approches de l’enseigne-
ment et de l’apprentissage chez les formateurs (Kember et Kwan, 2000 ;
Tillema, 2005 ; Grandtner, 2007 ; Rayou, 2008), nécessite un haut niveau
de changement et ainsi une « rupture paradigmatique » dans la formation.
Cette rupture porte, nous l’avons vu, sur le rapport au savoir et la nature
de la mobilisation de ce dernier, face à la complexité. Ainsi, la prise en
compte consciente et l’intégration de la part de l’autorégulation des
apprentissages par l’apprenant ainsi que les apports du codéveloppe-
ment constituent des leviers essentiels de la transformation des pratiques
des formateurs en vue d’une professionnalisation accrue (Butler, 2005 ;
Deaudelin, Brodeur et Bru, 2005 ; Boucenna, Chartier et Donnay, 2007).
Le constat du besoin de l’accompagnement des formateurs dans ce chan-
gement n’est pas récent et de nombreux ouvrages attestaient déjà de
cette « urgence » de transformation des pratiques par la formation des
formateurs (Bouvier et Obin, 1998 ; Altet, Paquay et Perrenoud, 2002).
Plusieurs pistes sont abordées dans ces ouvrages, mais, comme le note
Pelpel, les temps consacrés à cette formation doivent être conséquents
pour permettre un véritable changement, et l’auteur d’affirmer que
les temps courts de formation qui dominent actuellement l’offre sont
« largement suffisant [s] pour les déstabiliser, mais radicalement
insuffisant [s] pour reconstruire des compétences opératoires »
(Pelpel, 2002, p. 190).
La professionnalisation des formateurs demeure un enjeu central de
la réforme des pratiques de formation d’enseignants et s’inscrit dans une
dynamique d’innovation (mise en œuvre des outils et analyse des effets pro-
duits) qui se fonde dans notre travail sur la conception d’un cadre concep-
tuel susceptible de contribuer à enclencher des changements de pratique et
qui favorisera la génération d’autres outils par l’appropriation éventuelle par
d’autres acteurs de ce cadre. La création de ce système conceptuel vise à
proposer un cadre organisateur de la construction d’outils de formation tout
en clarifiant les enjeux de la manipulation des variables de construction93.
Ceci est en cohérence avec le positionnement constructiviste, l’inscription
dans le paradigme de l’incertitude et l’engagement pour que la formation
de formateurs soit un territoire de co-construction et éviter ainsi de recons-
truire un nouvel espace d’expertise prescriptrice.
93. Cette étape de la construction ne peut être dissociée, sous peine de risque d’ineffica-
cité, de la maîtrise des concepts fondateurs du nouveau paradigme.
Former un praticien réflexif : synthèse et limites 229
94. Nos résultats ne nous permettent en effet pas d’espérer une autodidaxie quant à la valo-
risation des paradoxes (Vialle, 2005)
234 Construire une pratique réflexive
mais aussi des moyens qui lui sont attribués. Cette option se fonde
sur le pari d’une « conversion » des cultures et lobbies.
– « Une partie des formateurs n’investit guère dans la formation
à une pratique réflexive. » Perrenoud propose plusieurs raisons :
elles seraient relatives au manque d’adhésion idéologique ou intel-
lectuelle, à la non-pratique réflexive par ces formateurs qui sou-
haitent maintenir en priorité leur modèle pédagogique transmissif ou
encore qui estiment que cette pratique est déjà présente « en creux »
notamment dans les formations à la recherche ou dans les capacités
d’abstraction en général. La formation des formateurs semble ici
un levier actionnable pour viser la vulgarisation des paradigmes qui
fondent la pratique réflexive.
– « Tous les formateurs ne s’identifient pas à la figure du praticien
réflexif », ils réfutent l’utilité de l’approche « intellectualisante »
universitaire, ou bien ils pensent que la formation doit se composer
essentiellement de l’observation des experts en situation. Ici encore
des « conversions » des acteurs sont ambitieuses et ne semblent pou-
voir s’appuyer que sur la formation déclinée sous toutes ses formes :
instituée, informelle en équipe, autodidaxique.
– « Une partie des étudiants n’aime pas réfléchir, ils préfèrent
absorber et restituer des savoirs », reproduisant ainsi leur mode de
socialisation scolaire. La construction d’outils de formation, suscep-
tibles de favoriser cette bascule des représentations et demandes,
était au cœur de cet ouvrage. L’adhésion est complexe, mais le prin-
cipe du volontariat et de l’accompagnement de la transition semble
de ce point de vue un facteur discriminant.
que confèrent le savoir et les contours des statuts classiques attribués aux
acteurs, la mise en action du paradigme de l’incertitude semble demeurer
partiellement incompatible avec les cadres institutionnels de formation (et
plus particulièrement ceux des professeurs débutants, Altet, Desjardins,
Étienne, Paquay et Perrenoud, 2013). L’atteinte partielle des visées de for-
mation est liée non à leurs légitimités, mais plutôt aux moyens d’accompa-
gnement de la passation des outils et modules de formation. Les résultats
obtenus ont en effet permis de montrer que lorsqu’il y avait un contrôle du
dispositif (ARPPEGE avec compétence nécessaire présente, standardisation
du protocole) les effets de formation répondaient aux objectifs fixés.
Nous espérons également que cet ouvrage soit une contribution
modeste à l’inscription du modèle du praticien réflexif dans l’analyse des
postures et des compétences des acteurs des systèmes enseignement
apprentissage-institution que sont ici les futurs professionnels des métiers
de l’humain, les professionnels formateurs institutionnels, les accompagna-
teurs et les chercheurs. Nous souhaitons avoir rendu perceptible le désir de
placer le concept d’analyse dans une perspective de « production de sens,
une ouverture à l’agir » (Ferry, 1987, p. 58) dans le système complexe
qu’est l’intervention de l’acteur. Enfin, souhaitons que cet ouvrage permette
d’éviter un peu plus au « mille-pattes de Schön » ses récurrentes « sorties
de route » (Schön, 1983).
Les chemins de l’innovation ont cette qualité et cette exigence de
nous projeter dans l’espace inconnu et incertain dans lequel il nous faut
bien « commencer » sans avoir appris à commencer…
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Bibliographie 241
GRAPHIQUES
Graphique 5.1. Évolution de la durée totale des séances 170
Graphique 5.2. Évolution de la durée des phases collectives
en fonction des séances 171
Graphique 5.3. Évolution de la durée des phases individuelles
en fonction des séances et des années 172
Graphique 5.4. Part des phases individuelles et collectives
dans l’origine des effets de formation
(en pourcentage) 185
Graphique 5.5. Effets perçus et déclarés dans les questionnaires
« après séance » (en pourcentage) 186
Graphique 5.6. Effets perçus et déclarés dans les questionnaires
finaux (en pourcentage) 186
FIGURES
Figure 1.1. Approche juxtaposée ou unidimensionnelle,
lecture simple et/ou réactive 47
Figure 1.2. Approche multidimensionnelle pragmatique,
mobilisation juxtaposée des registres usuels 48
Figure 1.3. Approche multidimensionnelle pragmatique
globale, interactions entre les registres usuels 49
Figure 1.4. Approche savante analytique,
juxtaposition des analyses 50
Figure 1.5. Approche savante globale,
interactions entre les analyses 50
Liste des graphiques, figures et tableaux 249
TABLEAUX
Tableau 1.1. Objectifs et fonctions du développement
de la pratique réflexive (selon Zeichner,
Altet et Perrenoud) 27
Tableau 1.2. Processus potentiellement présents dans la pratique
réflexive Basé sur (Saussez, Ewen et Girard, 2001) 29
Tableau 1.3. Articulation des processus rationnels de réflexion
dans la pratique réflexive 33
250 Construire une pratique réflexive
Sommaire 5
Introduction 13
Bibliographie 237