Vous êtes sur la page 1sur 49

Université International de Libreville (UIL)

Par

Dr François Firmin NLEME AMVENE


Docteur en Droit Privé
Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université Omar Bongo
Chercheur au CERDIP

Introduction

1- Définition de la société commerciale

Selon l’article 4 de l’acte uniforme l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et
du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE), « La société commerciale est créée par
deux (2) ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter, à une activité des
biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui peut en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes
dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme.

La société commerciale doit être créée dans l’intérêt commun des associés. ».
L’acte uniforme innove en créant un type nouveau de société commerciale constituée par une
seule personne : c’est la société unipersonnelle (art.6 de l’AUDSCGIE) qui ne peut être créée
que sous forme de SARL ou SA (art. 309 et 385) SAS.

2- Pourquoi créer une société ?


Les nécessités de l’économie moderne dépassent les capacités ou les moyens dont dispose un
individu isolé. Pour faire des affaires, il est devenu indispensable de se regrouper afin d’avoir
non seulement les capitaux nécessaires, mais également la confiance des prêteurs, d’où la
création des sociétés. Mais la création de la société ne se justifie pas uniquement par le besoin
de réunir des capitaux. Cela est certainement vrai pour les entreprises de grande taille.
Pour les entreprises de petites ou moyennes tailles, la recherche de capitaux seule ne peut
justifier leur création. D’autres raisons expliquent ce regroupement. Les plus importantes sont
certainement d’ordre juridique. On peut citer par exemple la séparation du patrimoine de
l’entreprise avec celui des associés ou de façon beaucoup plus générale, les opportunités
d’organisation juridique ou fiscale qu’offre la société.

3- Le droit positif des sociétés commerciales


Le droit positif doit être entendu comme le droit applicable dans un espace géographique à un
moment donné. Cet espace peut correspondre à un pays, en tant qu’Etat souverain, ou une sous-
1
région, comme la CEMAC ou à un ensemble plus grand, c’est-à-dire les régions. Au Gabon, le
droit des sociétés commerciales est régie par l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés
Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique (AUDSCGIE) du 30 janvier 2014. Ce
dernier a abrogé celui du 17 avril 1997 ainsi que toute législation antérieure contraire. Ainsi,
aux termes de l’article 919 de l’AUDSCGIE (nouveau), « Est abrogé, sous réserve de son
application transitoire pendant une période de deux (2) ans à compter de la date d’entrée en
vigueur du présent Acte uniforme, aux associés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de
leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, l’Acte uniforme du 17 avril 1997
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ».

En vertu de l’article 1er de l’AUDSCGIE, toute société commerciale, y compris celle dans
laquelle un Etat ou une personne morale de droit public est associée, dont le siège social est
situé sur le territoire de l’un des Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique (ci-après désignés « les Etats parties ») est soumise aux dispositions du
présent Acte uniforme. C’est ainsi qu’il a été décidé par la Cour d’Appel d’Abidjan que les
juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour statuer sur tout litige concernant les
sociétés commerciales dans lesquelles une personne morale de droit public est associée (C.A
Abidjan, Arr. n° 615, 20 mai 2003, Aff. Port Autonome d’Abidjan (PAA) C/ Entreprise
Graviers et Sables (EGS).

L’acte uniforme s’applique également aux sociétés commerciales à statut particulier mais
constituées sous une forme commerciale. C’est notamment le cas des banques et des sociétés
d’assurances (article 916 de l’AUDSCGIE).
L’AUDSCGIE comporte 920 articles. Il régit la constitution des sociétés, leur organisation et
fonctionnement.

2
PREMIERE PARTIE :

LES REGLES DE CONSTITUTION DES SOCIETES COMMERCIALES


Le processus de création de la société connaît deux grandes étapes pendant lesquelles les
volontés individuelles s’expriment. En effet, il y a, d’une part, la société en formation (Chapitre
1) et la société constituée mais non encore immatriculée au RCCM (Chapitre 2), d’autre part.
Durant a la constitution de la société, les fondateurs sont assujettis à un formalisme certain
(Chapitre 3).

Chapitre 1

LA SOCIETE EN FORMATION

« La société est en formation lorsqu’elle n’est pas encore constituée » (Article 100 de
l’AUDSCGIE). « Toute société est constituée à compter de la signature de ses statuts » (Article
101 de l’AUDSCGIE). Autrement dit, avant la signature du pacte social, la société est
simplement en formation. D’ailleurs, l’article 102 de l’AUSCGIE qualifie de « futurs associés »
toutes les personnes qui participent à la constitution de la société. Ces personnes sont libres de
signer ou non le contrat de société (Section 1) et jouissent d’une certaine liberté dans
l’élaboration de celui-ci (Section 2).

Section I : Les préalables au contrat de société


Les futurs associés disposent d’une entière liberté dans la phase des pourparlers (§I). Ils sont
ainsi libres de donner ou non une suite à la promesse de société (§II).
§I- Les pourparlers

Les pourparlers sont une phase de négociations précontractuelles pendant laquelle les
fondateurs de la société essaient de s’entendre soit sur l’élaboration d’un projet de société soit
sur la constitution de la société elle-même. Il s’agit ici de transposer les principes du droit
commun de la formation des contrats à ce contrat spécial qu’est la société.

Aussi, les pourparlers peuvent être contractuels ou non. Ils sont conventionnels lorsque les
fondateurs concluent certaines conventions durant le déroulement des négociations. Ainsi en
est-il des clauses de confidentialité, ou des accords de principe. Ils sont non conventionnels en
l’absence de telles conventions.

Les pourparlers se révèlent souvent nécessaire avant la conclusion d’un contrat de société. La
création d’une société suppose beaucoup de risques pour les personnes en négociation.
Rappelons que chaque associé s’engage à contribuer aux pertes. On peut très vite souscrire aux
statuts d’une société lorsqu’on participe dans son capital que très faiblement. Tel est le cas, par

3
exemple, des participations intempestives du public dans les sociétés anonymes faisant appel
public à l’épargne (APE). Il en va autrement dans la SNC, prototype des sociétés de personnes,
dans laquelle les associés encourent une responsabilité solidaire et illimitée à l’égard des
créanciers.

Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’une étape obligatoire, comme c’est le cas en droit des
obligations. En effet, les pourparlers supposent la liberté de rentrer en négociation et la liberté
d’en ressortir, la société en formation signifiant que les statuts ne sont pas encore signés.
Cependant, les personnes qui rentrent en discussion au sujet d’un projet de société doivent se
comporter loyalement. Les négociateurs doivent donc agir de bonne foi. C’est dire qu’ils ne
doivent pas interrompre brutalement leurs négociations sous peine d’engager leur responsabilité
précontractuelle. Cette responsabilité est de nature délictuelle dont le fondement légal est
l’article 1382 du Code civil ancien. Il en est ainsi lorsque cette rupture révèle une volonté de
nuire ou une légèreté blâmable de l’une des parties.

En l’absence d’un accord ferme, chacun conserve le droit de ne pas s’engager. Il revient aux
juges du fond d’apprécier la portée des actes éventuellement accomplis dans le cadre d’un projet
de société, et de distinguer le simple projet, qui ne lie pas, d’une promesse ou d’un contrat
ferme. Autrement dit, les personnes en pourparlers sont soumises aux règles régissant la
responsabilité civile délictuelle. Cependant, il existe d’autres mécanismes, développés par la
pratique contractuelle, liant un peu plus les protagonistes.

§II- La promesse de société

Le plus souvent, ce sont tous les futurs associés qui s’engagent dans la promesse de société,
qui, dès lors, peut être qualifiée de synallagmatique. La conclusion du contrat de société est
alors seulement retardée. Il se peut néanmoins qu’une seule partie promette, et que les autres se
bornent à bénéficier de cet engagement, se réservant la possibilité de conclure ou non le contrat
de société. La promesse est dans ce cas unilatérale.

Ces deux mécanismes ne sont pas propres au droit des sociétés. En effet, les promesses
unilatérales ou synallagmatiques sont récurrentes en matière de vente ou de bail. Ainsi
s’interroge-t-on sur les éléments permettant de reconnaître une promesse de société quelle
qu’elle soit. A cet effet, la jurisprudence utilise les techniques de qualification de la société,
même si celle-ci n’existe qu’en projection au travers d’une promesse. Notamment, elle vérifie
si le promettant accepte de s’engager à faire un apport, à participer aux bénéfices et aux pertes,
et à collaborer de manière active et égalitaire aux affaires de la société.

De plus, en raison du caractère progressif du consentement dans certains projets de société, les
tribunaux cherchent à établir si les accords déjà obtenus portent sur des points essentiels ou
seulement sur des questions accessoires. L’accord déjà exprimé sur l’objet de la future société,
sur la forme de la société a pu ainsi être considéré comme une véritable promesse de société,
dont la rupture ou l’inexécution engendre une obligation de réparation. Les promesses de
société rejoignent de ce fait les promesses de vente dont la rupture est sanctionnée par
l’allocation des dommages et intérêts. Cette responsabilité est fondée sur l’article 1142 du Code

4
civil gabonais ancien. Les parties peuvent cependant écarter cette responsabilité par une
stipulation.

Les pourparlers et les promesses de société restent deux préalables à la constitution de la société.
Ces procédés sont révélateurs de la liberté contractuelle en droit des sociétés dans la mesure où
ils permettent aux futurs associés de prendre leurs précautions avant de conclure le pacte social.
En ce sens, être libre c’est avoir la latitude de faire des projections vers la constitution d’une
société. C’est avoir également la latitude d’y renoncer. Cependant, lorsque les négociateurs ou
les auteurs des promesses sont habités par une volonté réelle de s’engager dans un pacte social,
le législateur leur exige de respecter certaines conditions mais dont ils déterminent eux-mêmes
les contours.

Pendant la période de pourparlers ou de promesses de société, les fondateurs négocient


précisément sur le contenu qu’il faut donner aux éléments fondamentaux de la société. Durant
cet exercice, les futurs associés bénéficient de la liberté nécessaire.

Section II : L’élaboration des statuts

Lors de l’élaboration du pacte social, les fondateurs jouissent d’une liberté certaine aussi bien
dans l’identification de la société (§I) que dans ses caractéristiques (§II).
§I- L’identification de la société

L’identification de la société commerciale se rapporte à l’individualisation de la personne


morale. Il s’agit, en d’autres termes, de l’analyse des éléments permettant de reconnaître une
société commerciale à côté d’une autre corporation. L’identification englobe généralement trois
aspects : la dénomination, le siège et la nationalité des sociétés.
La dénomination, c’est l’appellation de la société. En d’autres termes, il s’agit du nom de la
société. La dénomination est un élément d’identification et d’individualisation la société
commerciale au même titre que le siège social ou la nationalité. Avant l’entrée en vigueur de
l’AUDSCGIE, les sociétés de personnes étaient dotées « d’une raison sociale » qui faisait
apparaître le nom d’un ou plusieurs associés indéfiniment responsables. Depuis l’entrée en
vigueur de l’Acte uniforme, toutes les sociétés ont une dénomination sociale. C’est ce qui
ressort de l’article 14 de l’AUDSCGIE selon lequel «Toute société est désignée par une
dénomination sociale qui est mentionnée dans les statuts». Selon certains auteurs, la
« dénomination est très librement choisie par les associés ». D’autres affirment que « le choix
de l’appellation est librement fait par les associés et les limites de cette liberté sont minimes ».
Cela dit, les parties au contrat de société peuvent au nom de la liberté contractuelle attribuer à
leur société commerciale la désignation de leur choix, sous réserve de quelques restrictions
découlant de l’application de l’article 15 de l’AUDSCGIE, qui dispose que : « Sauf disposition
contraire du présent Acte uniforme, le nom d’un ou plusieurs associés ou anciens associés peut
être inclus dans la dénomination sociale ». Ainsi, le signe retenu peut comprendre un ou
plusieurs noms patronymiques, ou à une appellation de fantaisie.
Le siège social n’est pas défini par l’AUDSCGIE. En effet, son article 23 dispose simplement
que : « Toute société a un siège qui doit être mentionné dans les statuts ». On peut simplement
5
retenir que le siège social est à la personne morale ce que le domicile est à la personne physique :
c’est le domicile de la société. Ce dernier doit être cependant distinct de celui des associés.
L’article 24 de l’AUDSCGIE reconnaît aux associés la liberté de choisir le siège social qui peut
être le lieu du principal établissement de la société ou le centre de sa direction administrative et
financière. Le siège social est nécessaire pour des formalités administratives. Ainsi en est-il par
exemple pour la détermination de la juridiction compétente en cas d’assignation de la société
en justice, du lieu où doivent être accomplies les formalités de publicité, de la nationalité de la
société, du lieu d’imposition de la société, de la déclaration de la cessation des paiements, des
déclarations sociales, de la loi applicable pendant la constitution et le fonctionnement de la
société etc.
Les associés bénéficient, en pratique, de la liberté de fixer le siège social où ils le souhaitent.
Cela dit, le siège statutaire peut ne pas correspondre à la réalité. On parle alors de siège réel par
opposition au siège statutaire. Le second n’étant que « présumé » être le premier. Cette liberté
se confirme dans la mesure où le législateur consacre implicitement « la notion de siège réel »
à l’article 26 de l’AUDSCGIE. La possibilité d’avoir plusieurs sièges est donc offerte aux
associés.
Enfin, l’AUDSCGIE offre aux associés, à la lecture son article 1er, la possibilité de choisir son
siège social dans l’Etat membre au traité de l’OHADA de leur choix. Et, une fois dans un Etat,
les associés ont le droit de situer le siège social dans la circonscription administrative ou la
localité de leur choix. Les instruments concourants à l’individualisation de la société sont
communs à toutes les personnes morales. Ainsi, pour distinguer la société des autres personnes
morales, la loi lui a conféré des caractères qui lui sont propres.

§II- La définition des éléments caractéristiques de la société


Les éléments caractéristiques de la société sont ceux qui permettent de la spécifier par rapport
aux autres contrats. Il s’agit également des conditions de validité propres à la société. Aussi,
quatre éléments peuvent-ils être mis en relief à partir de l’article 4 de l’AUDSCGIE : les
associés, les apports, l’entreprise commune que l’on peut rapprocher de l’objet social
(entreprise au sens de projet) et la participation aux résultats.

L’AUDSCGIE exige un minimum d’associés. En effet, au regard de la définition générale de


la société commerciale OHADA donnée par l’alinéa 1 er de l’article 4 de l’Acte uniforme précité,
la société commerciale doit nécessairement être créée par deux ou plusieurs personnes. La
pluralité d’associés confirme la thèse contractuelle de la société. « On ne contracte pas avec
soi-même », affirme ainsi P. MIMBE. Ce n’est qu’exceptionnellement que le droit OHADA des
sociétés commerciales permet la création d’une société unipersonnelle.

En dehors du minimum exigé, le nombre des associés est librement déterminé par les associés.
Il faut ajouter que tous les sujets de droit et d’obligation restent libres d’être associés ou non
dans la société commerciale OHADA. Ainsi, la qualité d’associé n’est acquise que lorsque le
candidat a, en principe, librement consenti à adhérer au pacte social. L’associé peut être une
personne physique ou morale (Article 7 de l’AUDSCGIE). Les personnes physiques de toute
sorte (c'est-à-dire les adultes, les mineurs, les hommes, les femmes, les commerçants, les civils,

6
les artisans et les entreprenants) sont donc libres d’être parties au contrat de société. Toutefois,
les mineurs et les majeurs incapables ne peuvent être associés d’une société dans laquelle ils
seraient tenus des dettes sociales indéfiniment ou solidairement. Des époux ne peuvent non plus
être associés d’une société dans laquelle ils seraient tenus des dettes sociales indéfiniment et
solidairement.

De même, chez les personnes morales, les sujets de droit public sont aussi libres que les sujets
de droit privé de participer au capital d’une société commerciale.

Les apports représentent la contribution de chaque associé dans le capital de la société.


L’évaluation des apports se fait en principe librement par les parties.

En principe, aucun problème ne se pose, en droit OHADA des sociétés commerciales, quand il
s’agit d’apports en numéraire puisque par définition il s’agit d’apport de somme d’argent dont
le montant peut être connu avec exactitude. L’évaluation des apports en nature telle que le
conçoit l’AUDSCGIE peut se faire selon deux modalités : d’une part, par les associés et par un
ou plusieurs commissaires aux apports, d’autre part.
L’évaluation faite par les associés est beaucoup plus révélatrice de la liberté contractuelle dans
les sociétés en nom collectif, en commandite simple. En effet, il n’y existe ni un montant
minimum du capital social ni une procédure de contrôle faite par un commissaire aux apports.
Il y a cependant un gros risque de surévaluation des apports en nature. Les tiers n’ont toutefois
pas à s’en inquiéter dans la mesure où les associés des SNC et SCS sont en principe tenus des
dettes sociales sur leur patrimoine propre.

Dans la SARL, les associés sont en principe libres d’évaluer les apports en nature. Cette liberté
connaît néanmoins une limite toutes les fois que le montant de l’apport ou l’avantage considéré
est d’une valeur supérieure à cinq millions (5.000.000) de franc CFA. La liberté ne disparaît
pas pour autant lorsqu’il est prévu qu’un ou plusieurs commissaires aux apports doivent évaluer
à leur tour les apports. En effet, les associés ne sont pas liés par la valeur de l’apport telle qu’elle
a été retenue par le commissaire. Dans la SARL, ils peuvent passer outre l’évaluation faite par
ce dernier. L’évaluation des apports en nature est donc facultative dans cette forme sociale. En
revanche, dans la SA l’évaluation des apports est obligatoire. Mais, comme dans la SARL, elle
ne lie pas les associés.
Il faut dire, en outre, que la liberté reconnue aux associés dans l’évaluation des apports découle
de la liberté qui leur est également accordée dans la fixation du montant du capital social. Cette
liberté varie cependant en fonction des formes sociales. Ainsi, des minimas sont imposés dans
les sociétés à risque limité alors qu’il n’en est rien dans les autres.
L’objet social est l’activité que les associés entendent exercer dans le cadre de la société. Selon
l’AUDSCGIE, « Toute société a un objet qui est constitué par l’activité qu’elle entreprend ».
Les fondateurs de la société disposent en principe d’une grande liberté dans la détermination de
l’objet social. Ils peuvent, en effet, choisir de faire exercer à la personne morale par eux créée
aussi bien une activité civile qu’une activité commerciale. Une activité précise n’est donc pas
imposée aux associés par le législateur. En effet, l’article 19 in fine de l’AUDSCGIE précise
que l’activité entreprise par la société commerciale « doit être déterminée dans ses statuts ».

7
Les parties déterminent donc librement l’objet social d’autant plus qu’aucune mention n’est
rendue obligatoire par l’Acte uniforme. Un seul bémol apparaît dans ce cas, c’est le respect du
principe de spécialité statutaire.

Enfin, le partage des résultats. Ce dernier englobe à la fois la vocation aux bénéfices et aux
pertes. La liberté contractuelle touche aussi ce domaine. En effet, sous réserve des clauses
léonines, les parties peuvent prévoir des clauses de répartition inégalitaire des bénéfices et des
clauses de dispense partielle des pertes. Dès lors, on peut imaginer que les futurs associés, c'est-
à-dire les fondateurs, choisissent librement la manière dont ils prennent les décisions. Ainsi,
peuvent-ils choisir de statuer tantôt à l’unanimité tantôt à une majorité librement voulue.

La liberté contractuelle s’affirme donc très nettement dans la société en formation. Cette
souplesse existe également entre la signature des statuts par les associés et l’immatriculation de
la société au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM). Sauf que, durant cette
période, les règles contractuelles connaissent une application controversée dans les rapports
entre associés.

Chapitre 2

LA SOCIETE CONSTITUEE MAIS NON IMMATRICULEE

La société est constituée à compter de la signature des statuts. Dès cet instant, l’on peut parler
d’associés ou d’actionnaires dans la mesure où la société existe bien que non opposable aux
tiers avant son immatriculation au RCCM. Les associés bénéficient d’une marge de liberté
pendant cette phase de constitution de la société. L’analyse de la liberté accordée aux associés
apparaît plus clairement dans les rapports entre associés ou actionnaires (Section I) et dans ceux
liant ces derniers aux dirigeants ainsi qu’aux tiers (Section II).

Section I : Les rapports entre associés


Parler des rapports entre associés revient à examiner les relations qu’entretiennent les parties
au pacte social. Une question anime la doctrine à cet effet. Celle de savoir, quelle est la nature
des règles qui gouvernent ces rapports ? Les règles issues du contrat ou les règles impératives ?
D’où la nécessité de déterminer le régime juridique qui s’y applique (§I) avant d’envisager ses
conséquences (§II).

§I- La détermination du régime juridique applicable


Selon l’article 105 de l’AUDSCGIE : « Entre la constitution de la société et celle de son
immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, les rapports entre les associés
sont régis par le contrat de société et par les règles générales du droit applicable aux contrats
et aux obligations ». Cette règle n’est pas propre au droit OHADA des sociétés commerciales.
Le législateur communautaire s’est en effet inspirée de l’article 1842, alinéa 2, du Code civil
français.

8
Certains auteurs pensent que l’article 1842, alinéa 2, précité n’est pas assez claire. Ce sentiment
est partagé par les auteurs africains, qui n’osent même pas parfois se prononcer de façon précise
sur l’interprétation à donner à l’article 105 de l’Acte uniforme et se contentent simplement de
soulever des interrogations.
La question est en fait de savoir si les rapports internes de la société constituée mais non
immatriculée sont exclusivement règlementés par la liberté contractuelle et, par voie de
conséquence, par son corollaire qui est l’autonomie de la volonté.

La réponse à cette interrogation n’est pas aisée. L’illustration parfaite est la divergence de points
de vue donnés par la doctrine. Le problème vient de la référence par la loi à la fois au contrat
de société et aux règles générales applicables au droit des contrats et des obligations.
Selon certains auteurs, le renvoi au contrat de société subordonne les rapports entre les
nouveaux associés aux règles applicables à la société après son immatriculation. D’autres
auteurs, en revanche, défendent l’idée selon laquelle les règles régissant la société
antérieurement à son immatriculation au RCCM ne peuvent être imposées aux associés dès la
signature des statuts. Dans cette dernière hypothèse, le contrat de société ne peut être modifié
qu’avec le consentement unanime des associés, sauf clause contraire acceptée par tous. C’est la
voie que semble suivre la jurisprudence.
Dans tous les cas, les rapports entre les associés d’une société constituée mais non immatriculée
sont régis, au moins pour partie, par les règles contractuelles, dans la mesure où le législateur y
a expressément recours. Il s’agira, par exemple, du consentement libre et éclairé au moment de
la prise de certaines décisions, de la règle de l’unanimité en cours de réalisation du pacte social
ou de la bonne foi. De plus, la doctrine semble être unanime sur le fait que le recours aux règles
générales applicables aux contrat et obligations est inévitable en cas de nullité et de résiliation
du contrat de société, par exemple. En ce sens, Paul LE CANNU et Bruno DONDERO
affirment que l’« on ne voit pas bien à quoi servirait l’article 1842, alinéa 2, du Code civil s’il
ne faisait que rappeler le droit commun ».

L’existence des règles contractuelles dans le régime juridique de la société constituée mais non
immatriculée ne fait donc plus de doute. Il convient dès lors d’en éluder les applications. Les
décisions collectives et la cession des droits sociaux seront prises à titre d’illustration.
§II- Les conséquences

L’examen du régime juridique applicable aux rapports internes de la société constituée mais
non immatriculée a révélé l’absence de clarté de l’article 105 de l’AUDSCG. L’absence de
décision de la CCJA sur cette question conduit, une fois de plus, à recourir à la jurisprudence
française.

L’on dira en ce qui concerne les décisions collectives, que toute modification des statuts
(existants mais non encore applicables) constitue un avenant au contrat de société et est, par
conséquent, subordonnée à l’accord unanime des associés. C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel
de Paris le 6 novembre 1980 en considérant qu’un associé ne pouvait unilatéralement modifier
la répartition des parts sociales. Elle en avait déduit que l’associé avait mis fin sans juste motif
au contrat de société et, devait réparation à son coassocié du préjudice subi par ce dernier du
9
fait de la rupture. La loi de la majorité ne saurait jouer. Il en serait autrement que si les
partenaires, en vertu du principe de la liberté contractuelle, prévoyaient une telle possibilité et
en fixaient les conditions.

L’on pourrait donc affirmer que les décisions collectives, notamment celles portant sur la
modification du capital et la répartition des droits sociaux, se font, conformément à l’article
1134 du Code civil ancien, tant que la société n’a pas été immatriculée au RCCM. En d’autres
termes, si les règles institutionnelles, telle que la loi de la majorité, s’appliquent pendant cette
période, ce serait parce que les associés l’auraient voulu. Le montant du capital social reste
alors fixe et invariable en attendant que les associés n’en décident autrement. Et, le cas échéant,
une telle modification se ferait selon les modalités déterminées par les contractants, c'est-à-dire
les associés.

Il en sera de même en cas de cession de droits sociaux qui sera nécessairement soumise à
l’accord de tous les associés. Une cession effectuée sans recueillir le consentement de ses
coassociés pourrait s’analyser en droit commun des contrats comme une sortie du contrat. Or,
en droit commun, l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ancien exige qu’une telle opération soit
réalisée avec le consentement unanime des parties, conformément au principe de l’autonomie
de la volonté.
Ainsi, on pourrait retenir que l’article 105 de l’Acte uniforme renvoie nécessairement à la
liberté contractuelle. Car, soumettre la société constituée mais non encore immatriculée à la
théorie de la personnalité morale reviendrait à dire que ce texte n’a pas d’utilité. En ce qui
concerne les rapports liant les associés aux dirigeants et aux tiers, l’on retrouve encore de la
liberté contractuelle. Mais elle se resserre. Cela est certainement dû au fait que l’on se rapproche
de plus de la création de la personne morale.
Section II : Les rapports externes

L’AUDSCG n’impose pas un modèle de direction de la société constituée mais non


immatriculée. C’est là un indice de liberté. En effet, il précise simplement que les dirigeants se
substituent aux fondateurs à compter de la signature des statuts et agissent au nom de la société.
Le législateur détermine certains de leurs pouvoirs. Les associés peuvent toutefois leur en
conférer d’autres dans les statuts ou dans un acte séparé (§I). Par ailleurs, il revient
exclusivement aux associés de définir les actes qui seront repris par la société après son
immatriculation (§II).
§I- Les pouvoirs des dirigeants

L’article 111 de l’AUDSCGIE dispose que : « Les associés peuvent, dans les statuts ou par
acte séparé ou le cas échéant en assemblée générale constitutive, donner mandat à un ou
plusieurs dirigeants sociaux, selon le cas, de prendre des engagements pour le compte de la
société constitué et non encore immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier ».
Le texte précité peut être mis au compte des dispositions de l’AUDSCGIE qui ne sont pas
d’ordre public. En ce sens, ce texte confère plusieurs possibilités aux associés. En effet, les
associés ont la liberté de donner ou non mandat à un ou plusieurs dirigeants de prendre des
engagements pour le compte de la société commerciale non immatriculée.

10
De plus, une fois la décision de donner un tel mandat prise, les associés disposent d’une très
grande liberté en ce qui concerne les engagements à prendre dans la mesure où le législateur ne
précise ni leur nature ni leur nombre.

En outre, l’article 111 de l’Acte uniforme n’est pas exigeant en ce qui concerne l’acte sur lequel
reposerait le mandat. Il laisse, en effet, aux associés la possibilité de le faire soit dans les statuts
soit dans un acte séparé. La liberté contractuelle apparaît clairement d’autant plus que le
législateur n’impose pas la forme écrite et, le cas échéant, n’exige pas de mentions obligatoires.
Dans le cas d’un acte séparé, il peut s’agir soit d’un acte sous seing privé ou d’un acte
authentique. Il convient en effet de rappeler que l’Acte uniforme consacre parfois la liberté
contractuelle mais tout en précisant que les associés doivent l’organiser uniquement dans les
statuts.

Le mandat emporte ici une organisation abandonnée aux volontés individuelles des associés et
des dirigeants. Autrement dit, soit ils concluent un mandat indéterminé et la révocation des
dirigeants sociaux se fait ad nutum ; soit ils concluent un mandat déterminé qui empêcherait les
premiers de mettre fin au contrat avant l’arrivée de son terme. Dans tous les cas, les parties
bénéficient d’une grande liberté dans la mesure où elles sont soumises au droit des contrats. Le
législateur se contentant simplement de renvoyer au mandat.
Les dirigeants de la société commerciale constituée mais non immatriculée ne disposent donc
pas de pouvoirs légaux, c'est-à-dire des pouvoirs prévus par la loi. Dès lors, la société
commerciale mais non immatriculée apparaît comme une période pendant laquelle les idées
issues de la théorie du gouvernement de l’entreprise seraient tout à fait admises. Selon cette
théorie, en effet, inspiré par la théorie de l’agence, les dirigeants sociaux sont les mandataires
des associés.
La liberté dont bénéficient les associés dans la fixation des pouvoirs des dirigeants de la société
commerciale constituée non immatriculée est également visible en ce qui concerne la
détermination des actes devant être repris par la société à compter de son immatriculation au
RCCM.
§II- La reprise des engagements souscrits par les dirigeants

L’article 111 de l’AUSCGIE est une disposition importante pour la liberté contractuelle. Il
dispose, in fine, que : « Sous réserve qu’ils soient déterminés et que leurs modalités soient
précisées dans le mandat, l’immatriculation de la société au registre du commerce et du crédit
mobilier emporte reprise par la société de ces engagements ».

Une lecture peu attentive de ce texte peut nous conduire à ne remarquer que son aspect d’ordre
public. En effet, il impose que les engagements devant être repris soient déterminés dans le
mandat ainsi que leurs modalités y soient précisées.
Mais, un autre regard nous permet de percevoir dans le texte précité un autre domaine de la
liberté contractuelle dans le droit OHADA des sociétés commerciales. En effet, l’article 111
précité laisse aux associés la liberté de déterminer les engagements devant être repris par la
société postérieurement à son immatriculation. Le nombre des engagements devant être repris
dépend ainsi de la volonté des associés.
11
L’article 111 ne précise pas la nature des engagements à reprendre par la société une fois
immatriculée. Or, il existe des engagements juridiques qui naissent d’un fait juridique et non
d’un acte. L’Acte uniforme autoriserait-il la reprise d’obligations juridiques générées par un
délit, un quasi-délit ou un quasi-contrat. Il serait sans doute intéressant d’attendre la position de
la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) sur cette question. En attendant que la
CCJA se prononce sur cette question, on peut s’inspirer de la position du juge français qui
considère que les délits ne sont pas susceptibles d’être repris.

En ce qui concerne les actes juridiques, aucune restriction n’est émise par l’Acte uniforme. Là
aussi, on pourrait penser que tous les actes juridiques sont concernés. Naturellement, on pense
aux contrats, mais aussi aux actes unilatéraux à l’instar des reconnaissances de dette. En
revanche, les actes à titre gratuit, qui ne peuvent pas être accomplis par une société, dont le but
est lucratif, ne peuvent pour cette raison être repris.
En outre, l’article 111 est imprécis sur la notion de modalités des engagements pris par les
dirigeants. De toutes les façons, l’immatriculation de la société constituée non immatriculée au
RCCM n’emporte pas reprise des engagements si les associés n’en ont pas précisé les modalités.
D’autres libertés sont conférées aux associés de la société constituée mais non immatriculée.
Ainsi en est-t-il de la faculté dont ils disposent de décider de la reprise par la société des
engagements excédant les pouvoirs des dirigeants. Il s’agit de la reprise de l’article 1998, alinéa
2, du Code civil ancien, aux termes duquel le mandant « n’est tenu de ce qui a pu être fait au-
delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement ». Il en résulte que les associés
décident librement de la reprise ou non de tels engagements.
La liberté s’affirme donc très nettement durant le processus de création de la société, surtout
lorsque les fondateurs n’ont pas pour objectif de constituer une société commerciale avec
personnalité morale. Or, si la théorie de la personnalité morale connaît son application la plus
manifeste durant la vie sociale, il n’en demeure pas moins que le processus d’acquisition de la
personnalité juridique produit des effets restrictifs de liberté avant même l’immatriculation de
la société au RCCM. C’est notamment en ce sens qu’il faut comprendre l’analyse
institutionnelle de la société.

Chapitre III

LES REGLES DE FORME


Tout contrat de société ne donne pas naissance à une personne juridique, c’est-à-dire à une
personnalité morale. Certaines sociétés restent purement contractuelles. C’est le cas de la
société en participation et de la société créée de fait. La société en participation est celle dans
laquelle les associés conviennent qu’elle ne sera pas immatriculée au RCCM, et qu’elle n’aura
pas de personnalité morale. En effet, il ressort de l’article 114 de l’AUDSCGIE que « Par
exception aux dispositions qui précédent, les associés peuvent convenir que la société n’est pas
immatriculée. La société est dénommée alors ‘’société en participation’’. Elle n’a pas de
personnalité juridique ».

12
Quant à la société créée de fait, que l’AUDSCGIE appelle maladroitement société de fait, il
peut s’agir d’une société dont l’acte créateur n’est pas établi par écrit. Il peut également s’agir
d’une société issue de la déduction faite du comportement de deux ou plusieurs personnes
physiques ou morales leur conférant la qualité d’associés. On parle enfin de société créée de
fait en présence d’une société qui correspond ou non aux formes sociales prévues par
l’AUDSCG en son article 6, mais dont les associés n’ont pas accompli les formalités légales
constitutives.

Il en résulte clairement que les associés en participation ou de fait disposent d’une liberté totale
durant tout le processus de création de la société. Autrement dit, les fondateurs, puis les
associés, ne sont pas soumis à la rigueur du formalisme sociétaire.
La situation est tout à fait différente lorsque les parties au pacte social entendent créer l’une des
formes sociales prévues à l’article 6 de l’Acte uniforme. C'est-à-dire la société anonyme, la
société à responsabilité limitée, la société en nom collectif et la société en commandite simple.
En effet, si ces sociétés sont constituées dès la signature des statuts, il n’en demeure pas moins
que la jouissance de prérogatives liées à la personnalité juridique et, surtout leur opposabilité
aux tiers, restent soumises à certaines règles impératives d’ordre formel et publicitaire (Section
I). Il s’agit, en effet, d’un formalisme lourd dont la transgression est fortement sanctionnée par
le législateur communautaire OHADA (Section II).

Section I : Les conditions de forme et formalités de publicité

Selon le principe du consensualisme, la seule rencontre des volontés suffit à former le contrat.
Ce principe s’applique, par exemple, en matière de vente civile qui est parfaite dès la rencontre
des volontés bien que la chose n’ait pas été livrée ni le prix payé. Le contrat de vente se conclut
donc sans forme particulière et produit des effets de façon solo consensus. Il en est de même de
la vente internationale réglementée par la Convention de Vienne du 11 avril 1980. Cette
dernière n’exige pas que le contrat soit passé par écrit. « La conclusion peut donc résulter de
lettres, de conversations téléphoniques, de télex, télécopies, de moyens informatiques, etc ».
Ainsi, comme le Code civil gabonais ancien, la Convention de Vienne consacre le principe de
l’autonomie de la volonté.
Cependant, le législateur OHADA exige des conditions de forme toutes les fois que les associés
auront choisi d’immatriculer au RCCM l’une des sociétés prévues à l’article 6 de l’AUDSCGIE.
C’est donc le choix de faire accéder la société à la personnalité juridique qui soumet les associés
à des conditions de formes. Certaines conditions sont relatives à l’établissement du contrat de
société (§I), alors que d’autres se rapportent à la publicité (§II).

§I- L’établissement du contrat de société


L’article 10 de l’AUSCGIE dispose que : « Sauf dispositions nationales contraires, les statuts
sont établis par acte notarié ou par tout acte offrant des garanties d’authenticité dans l’Etat du
siège de la société déposé avec reconnaissance d’écritures et de signatures par toutes les
parties au rang des minutes d’un notaire. Ils ne peuvent être modifiés qu’en la même forme ».
Il en résulte que les statuts d’une société prennent soit la forme d’un acte notarié.
13
Les statuts peuvent aussi prendre la forme d’un acte sous seing privé (Article 11 de
l’AUDSCGIE).

L’écrit est donc une exigence légale. Déjà présente dans le Code civil de 1804, l’exigence de
l’écrit par l’article 1835 dudit Code a suscité un débat au sein de la doctrine française. En effet,
la question s’est posée de savoir si la société était devenue un contrat solennel ou si elle
demeurait un contrat consensuel.

Selon certains auteurs, la société demeure un contrat consensuel et non solennel. Plusieurs
raisons expliquent cette thèse. D’abord, les sociétés en participation ne nécessite pas d’écrit.
Ensuite, l’écrit poursuit un autre but que celui de constituer une condition de validité de la
société. En ce sens, les rédacteurs du Code civil ont cherché à éradiquer les sociétés tacites qui
naissaient du seul fait de la cohabitation des parties pendant un an et un jour, nonobstant une
convention expresse, verbale ou écrite. Il s’agissait donc d’abroger cette coutume, source d’un
important contentieux. « Notre article 1834 n’a pas voulu laisser de vestiges des sociétés
tacites : c’est dans le but de les proscrire entièrement qu’il a rappelé par une disposition qui
pourrait paraître redondante, le principe général d’après lequel toute convention dont l’objet
excède cent cinquante franc doit être prouvée par écrit », remarquait ainsi TROPLONG. De
même, pour une partie de la doctrine, l’écrit n’est pas exigé comme condition de validité mais
comme condition de preuve et surtout comme préalable à la formalité de l’immatriculation.

Ensuite, la violation de l’article 1835 du Code civil français n’entraîne pas la nullité de la
société. Ce qui a conduit T. FAVARIO à affirmer avec fermeté que « la société est donc belle
et bien un contrat consensuel ». L’auteur poursuit en disant que « la transgression aux
dispositions précitées empêche simplement l’attribution ultérieure de la personnalité morale à
la société car l’immatriculation au RCS suppose la présentation de statuts écrits. Si l’exigence
d’un écrit est davantage qu’une règle de preuve, elle n’est pas une condition de validité de la
société. Elle doit donc être entendue dans la logique d’un contrat ayant pour finalité principale,
mais non inéluctable, de favoriser la création d’une personne morale. Autrement dit, le
législateur n’a pas conçu l’écrit comme une condition de validité de la société mais comme une
exigence supplémentaire destinée à développer son efficacité, en la dotant des éléments
nécessaires à l’épanouissement d’une activité économique : d’une part, le patrimoine, le droit
d’ester en justice, droit de protéger les créanciers sociaux ; d’autre part, le droit de priorité
sur les biens de leur débiteur ».

Tous ces arguments sont séduisants. Mais on peut leur reprocher d’envisager la société
uniquement dans son ensemble. Autrement dit, en faisant une analyse individuelle des
différentes formes sociales, l’on se rendrait bien compte que la naissance de certaines sociétés
est subordonnée à l’écrit. On ne saurait par exemple avoir une SA sans statuts authentifiés. Plus
précisément, le fait de la requalifier en société créée de fait ne justifie pas le caractère
consensuel de la société dans la mesure où ce n’est pas le type de société que les associés
auraient souhaité constituer.

14
La loi définit le contenu des statuts, un contenu auquel les associés ne peuvent déroger. Ainsi,
l’article 13 de l’AUSCGIE prescrit-il que les statuts doivent comporter les mentions suivantes :

1°) la forme de la société ;

2°) la dénomination sociale et, le cas échéant, le sigle ;

3°) la nature et le domaine de son activité, qui forment son objet social ;

4°) son siège social ;

5°) sa durée ;

6°) l’identité des apporteurs en numéraire avec, pour chacun d’eux, le montant des apports, le
nombre et la valeur des titres sociaux remis en contrepartie de chaque apport ;

7°) l’identité des apporteurs en nature, la nature et l’évaluation de l’apport effectué par chacun
d’eux, le nombre et la valeur des titres sociaux remis en contrepartie de chaque apport ;

8°) l’identité des apporteurs en industrie, la nature et la durée des prestations fournies par
chacun d’eux, le nombre et la valeur des titres sociaux remis en contrepartie de chaque apport ;

9°) l’identité des bénéficiaires d’avantages particuliers et la nature de ceux-ci ;

10°) le montant du capital social ;

11°) le nombre et la valeur des titres sociaux émis, en distinguant, le cas échéant, les différentes
catégories de titres créées ;

12°) les clauses relatives à la répartition du résultat, à la constitution des réserves et à la


répartition du boni de liquidation ;

13°) les modalités de son fonctionnement.

En principe, compte tenu du fait que la loi impose que les statuts soient rédigés par des
professionnels du droit, il est peu probable que ces mentions obligatoires fassent défaut.

Dès lors que les statuts sont rédigés, les associés scellent leur engagement par la signature des
statuts. Ils peuvent le faire personnellement ou par l’intermédiaire d’un mandataire muni d’une
pouvoir spécial. La société est constituée au jour de la signature des statuts. Mais, pour être
opposables aux tiers les statuts doivent faire l’objet de publicité et, la société elle-même doit
être immatriculée au RCCM.

15
Avant l’avènement du droit uniforme africain, nombre de pays appliquaient les textes antérieurs
aux réformes françaises du 24 juillet 1966 et du 4 janvier 1978. Sous l’emprise de la législation
antérieure, la société acquérait la personnalité morale, au moment où le contrat était conclu
entre associés pour les sociétés de personnes et la SARL, et au moment de l’approbation des
statuts et de la désignation des premiers mandataires sociaux par l’assemblée générale des
actionnaires. La reconnaissance de la personnalité morale des sociétés découlait de la formation
du contrat et bien avant l’accomplissement des formalités de publicités. Or, depuis l’adoption
de l’AUDSCGIE, l’acquisition de la personnalité morale est soumise à l’immatriculation de la
société au RCCM. Dès lors, l’acquisition de la personnalité morale résulte de la loi. C’est l’une
des manifestations de la thèse institutionnelle de la société, tout comme la publicité.

§II- La publicité

La publicité des actes juridiques obéit à de procédés divers (affichage, annonces dans les
journaux spécialisés ou non, tenue de registres) afin d’assurer la sécurité des transactions et la
justice par l’égalité de tous en présence d’une situation donnée. Ainsi, la publicité du contrat de
société s’effectue dans un journal d’annonces légales. Selon l’article 257 de l’AUDSCGIE, sont
habilités à recevoir les annonces légales, d’une part, le journal officiel, les journaux habilités à
cet effet par les autorités compétentes, le Bulletin national des registres du commerce et du
crédit mobilier, d’autre part, les quotidiens nationaux d’information générale de l’Etat partie du
siège social justifiant une vente effective par abonnement, dépositaires ou vendeurs, sous les
conditions supplémentaires suivantes :
1°) paraître pus de six (06) mois ;

2°) justifier d’une diffusion à l’échelle nationale.


La publicité se fait par dépôt d’actes ou de pièces au greffe du tribunal chargé des affaires
commerciales du lieu du siège social (Article 258). Ces formalités sont effectuées à la diligence
et sous la responsabilité des représentants légaux de la société (Article 259 de l’AUDSCGIE).

Dans les 15 jours qui suivent l’immatriculation au RCCM, les représentants de la société
doivent insérer un autre avis dans un journal d’annonce légale. Cet avis est signé par les
fondateurs ou par le notaire qui a reçu les fonds. Pour toutes les sociétés, cet avis contient des
mentions suivantes :
- la dénomination sociale ;
- la forme, le capital social, l’adresse du siège social, la durée de la société ainsi que le montant
des apports en numéraire ;
- la description sommaire et l’évaluation des apports en nature ;

- l’identification des associés indéfiniment tenus des dettes sociales ;


- les références du dépôt des pièces de constitution et de l’immatriculation au RCCM ;
-le cas échéant, la date effective ou prévue du début des activités.

16
Il faut toutefois signaler que, pour la SA, l’avis uniquement :

- le nombre et la valeur nominale des actions souscrites en numéraire ainsi que des actions
attribuées en rémunération de chaque apport en nature :

- le montant du capital social libéré ;


- les stipulations statutaires relatives à la constitution des réserves, à la répartition des
bénéfices, du boni de liquidation ainsi que les avantages particuliers stipulées ;
- les conditions d’admission aux AG et d’exercice du droit de vote ;

- l’existence de clauses d’agrément et la désignation de l’organe habilité à statuer sur ces


demandes.

L’immatriculation de la société doit intervenir au plus tard dans un délai de six mois suivant la
signature des statuts. Si elle n’intervient pas dans cette intervalle, les associés sont fondés à
demander au juge la restitution de leurs apports. Elle confère à la société le statut de personne
morale avec tous les attributs qui y sont attachés. Il s’agit donc d’une formalité importante que
les dirigeants sociaux doivent accomplir au plus vite et qui conditionne la reprise des actes
accomplis au nom de la société en formation ou de la société constituée mais non immatriculée.
Cependant, d’autres conditions compressant encore plus la liberté des associés, doivent être
accomplies spécialement lorsque les associés ont entendu créer une société anonyme faisant
appel public à l’épargne.

Section II : Le contrôle de l’acquisition de la personnalité morale

Lorsque les fondateurs et les premiers organes de gestion, d’administration et de direction


omettent d’accomplir certaines règles de forme, la société est théoriquement nulle. Cette
sanction est grave, d’autant que la société affectée du vice vit normalement. A cause de
nombreux inconvénients de cet être vivant qu’est la société, le législateur a fait le choix de
réduire les cas de nullité et a organisé pour cette sanction un régime juridique relativement
souple.
Aussi, le droit uniformisé prévoit deux mécanismes visant à éviter la disparition de la société
pour cause d’irrégularité formelle. Ces deux mécanismes peuvent être désignés sous le sigle de
contrôlé préventif (§1), dans la mesure où ils interviennent avant l’acquisition de la personnalité
morale. La méconnaissance des formalités de constitution limite largement la liberté des
fondateurs. En ce sens, la transgression auxdites formalités est lourdement sanctionnée par la
loi (§2).

§1- La prévention des irrégularités de constitution

Comme son nom l’indique, le contrôle préventif vise à empêcher toute irrégularité au moment
de l’immatriculation de la société au RCCM. Son objet est celui d’éviter la disparition de la
personnalité morale créée pour cause de nullité. Par ce mécanisme, le législateur veut éviter les
17
conséquences perturbatrices d’un contrôle curatif. Dans ce sens, le droit communautaire
africain prévoit, d’une part, la déclaration de conformité et de régularité (A) et le contrôle
effectué par le Greffier au moment de l’immatriculation (B), d’autre part.

A- La déclaration de régularité et de conformité

La déclaration de conformité et de régularité est réglementée par les articles 73 et suivants de


l’AUDSCGIE. L’article 73 susvisé dispose comme suit :

« Les fondateurs et les premiers membres des organes de gestion, d’administration et de


direction doivent déposer au registre du commerce et du crédit mobilier une déclaration dans
laquelle ils indiquent toutes les opérations effectuées en vue de constituer régulièrement la
société et par laquelle ils attestent que cette constitution a été réalisée en conformité avec la
présent Acte uniforme.

Cette déclaration est dénommée ‘‘déclaration de régularité et de conformité’’. Elle est


exigée à peine de rejet de la demande d’immatriculation de la société au registre du commerce
et du crédit mobilier.
La déclaration est signée par ses auteurs. Toutefois, elle peut être signée par l’une de
ces personnes ou plusieurs d’entre elles si ces dernières ont reçu mandat à cet effet ».
La déclaration de régularité et de conformité s’apparente à une règle déontologique. Elle exige
la bonne foi de ses auteurs. Elle s’apparente en effet à une déclaration sur honneur. Il s’agit
d’une déclaration unilatérale sans contrôle administratif. D’où sa fragilité. S’il elle eut été
efficace, il n’existerait pas d’irrégularité. La crainte est de voir les auteurs de cette déclaration
en user comme un moyen expéditif de création d’une personne morale.

De plus, l’on n’est pas certain que les auteurs d’un tel acte aient la maitrise parfaite des règles
du droit des sociétés. D’ailleurs, la rédaction des statuts par un professionnel ne constitue pas
un gage absolu contre les irrégularités. C’est pourtant ce que semble affirmer le législateur à
l’article 74 de l’AUDSCGIE.

L’article 74 de l’AUDSCGIE dispense les fondateurs et les premiers organes de gestion,


d’administration et de direction de la déclaration de régularité et de conformité lorsqu’une
déclaration notariée de souscription et de versement des fonds a été déposée conformément à
la loi. C’est notamment le cas pour la SARL et la SA. Lorsque ces opérations sont effectuées,
la société doit être immatriculée au RCCM.

Le droit OHADA des sociétés commerciales se démarque sur ce point du droit français. En
effet, la déclaration de régularité et de conformité fut exclue de l’ordonnancement juridique
français avec la loi du 11 février 1994. Cependant, comme le droit OHADA, cette dernière a
retenue le contrôle effectué par le Greffe du tribunal compétent.

B- Le contrôle effectué par le Greffe

18
L’article 256-2 de l’AUDSCGE dispose que : « Les formalités de publicité par dépôt d’actes
ou de pièces prévues par le présent Acte uniforme sont effectuées au greffe de la juridiction
compétente ou de l’organe compétent dans l’Etat Partie du lieu du siège social ». Il ressort ce
texte que le Greffier doit exiger du demandeur, lors de l’immatriculation, des déclarations
omises et les pièces non produites pour la constitution de la société.

C’est dans l’Acte uniforme relatif au droit commercial général qu’il aller chercher le contrôle
effectué par le Greffe. Plus précisément dans les articles 41 et suivants dudit Acte uniforme.

Aux termes de l’article 41 « Le Greffe en charge du Registre du Commerce et du Crédit


Mobilier s’assure, sous sa responsabilité, que les demandes sont complètes et vérifie la
conformité de leurs énonciations aux pièces justificatives produites. S’il constate ou s’il
rencontre des difficultés dans l’accomplissement de sa mission, il en saisit la juridiction
compétente. Les contestations entre le requérant et le Greffe peuvent également portées devant
cette juridiction ». Le Greffier ne peut cependant se livrer à un contrôle de fond. En effet, le
Greffier est chargé d’un contrôle de régularité et non d’opportunité. Il peut refuser un dossier
incomplet. En revanche, il est plus difficile pour lui de s’opposer à une demande
d’immatriculation en raison de risques qu’il estime exister, par exemple parce qu’une société
identique existe déjà entre les mêmes associés, ou parce que la société lui semble sous-
capitalisée, etc. Le contrôle effectué par le Greffier présente donc des limites, en raison de sa
formation peu profonde. Ainsi, le Greffier laissera passer des montages frauduleux dont les
formes sont parfaitement présentées.

En outre, si une société commerciale n’a pas pu requérir son immatriculation dans les délais
requis par la loi, le Greffe en charge du registre du commerce et du crédit mobilier peut saisir
la juridiction compétente aux fins de rendre une décision enjoignant à l’intéressé de faire
procéder à son immatriculation.

Cependant, on peut regretter l’absence d’un véritable contrôle administratif dans l’ensemble
des Etats membres au traité de Port-Louis. Seuls quelques Etats, dont le GABON, ont mis en
place une autorité dans ce sens avec l’institution du Centre de Développement des Entreprises
le 21 juin 2011. Cette possibilité est offerte aux Etats membres de l’OHADA par l’article 1 er,
alinéa 3, de l’AUDSCGIE qui admet, de manière générale, que les sociétés commerciales
restent soumises aux lois non contraires à cet Acte uniforme qui sont applicables dans l’Etat
partie de leur siège social.
Le contrôle préventif vise à prohiber toute irrégularité et, plus particulièrement toute
transgression aux conditions de forme de la société. Toutefois, il arrive que des irrégularités
échappent aussi bien aux fondateurs qu’au Greffe ainsi qu’à toute autre personne. D’où la
nécessité de procéder à un contrôle curatif.
§2- Le traitement des irrégularités de constitution

Le contrôle curatif implique la sanction des irrégularités de forme par la nullité. Mais, le régime
juridique de cette sanction est très assoupli par le législateur. Ce qui a pour conséquence sa
raréfaction (A). Cette raréfaction est contrebalancée par la régularisation (B).

19
A- La raréfaction des nullités tenant aux conditions de forme

En général, les causes de nullité en droit OHADA des sociétés commerciales sont rares. Et ce,
qu’il s’agisse des nullités tenant aux conditions de fond ou à la forme. La disparition de la
société pour cause d’irrégularité de forme est cependant beaucoup plus raréfiée. Plusieurs
raisons peuvent justifier cette situation.
D’abord, le droit OHADA des sociétés commerciales, à l’instar du législateur français, opte
pour le principe selon lequel « pas de nullité sans texte ». En effet, aux termes de l’article 242
de l’AUDSCGIE, « La nullité d’une société ne peut résulter que d’une disposition du présent
Acte uniforme la prévoyant expressément ou, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant,
des textes régissant la nullité des contrats.
La nullité de la société emporte sa dissolution suivie de sa liquidation conformément aux
dispositions du présent Acte uniforme.
Dans les sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés par actions, la nullité de la société
ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni l’incapacité d’un associé à moins que celle-ci
n’atteigne tous les associés fondateurs ».

De plus le droit OHADA, ayant pour objectif de favoriser l’investissement, pourrait se


contredire en multipliant les causes de nullité.

Il faut ajouter que, même lorsque la nullité est encourue, l’AUDSCGIE consacre des délais de
prescription très courts. En effet, la prescription de l’action en nullité est de trois ans
conformément à l’article 251.
Au surplus, comme le précise l’article 246 de l’AUDSCGIE, l’action en nullité est éteinte
lorsque la cause de nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première
instance, sauf si cette nullité est fondée sur le caractère illicite de l’objet social.

En parcourant l’AUDSCGIE, un seul cas de nullité pour irrégularité de forme y est prévu en ce
qui concerne les sociétés de personnes. C’est celui qui ressort de l’article 245 concernant les
sociétés en commandite simple et en nom collectif. Selon ce texte, en effet, l’accomplissement
des formalités de publicité est requis à peine de nullité. Ainsi, toutes les autres transgressions
ou omissions aux règles de forme ne peuvent entraîner la nullité du contrat de société.
D’ailleurs, il est indispensable de noter que, dans ce dernier cas, le tribunal a la faculté de ne
pas prononcer la nullité encourue si aucune fraude n’est constatée. Or, la notion de fraude
n’étant pas définie par le législateur, il revient aux juges du fond de lui donner un contenu. Il
est évident que si le juge se conforme à l’esprit du législateur il prononcera difficilement la
nullité. Ce qui intensifie la raréfaction de la nullité fondée sur les vices de forme.
Un seul cas de nullité est également prévu en ce qui concerne les sociétés à risque limité. Il
s’agit de celui prévu à l’article 315 de l’AUDSCGIE pour la SARL. Ce texte dispose en effet
que : « L’associé ou les associés doivent tous intervenir à l’acte instituant la société, en
personne ou par mandataire justifiant d’un pouvoir spécial. A défaut, la société est nule ». Il
en résulte que l’intervention des associés à l’acte est sanctionnée par la nullité absolue. Elle a

20
pour but la garantie de l’existence du consentement de chaque associé. De fait, la nullité
consolide la thèse selon laquelle la société est un contrat solennel.
La raréfaction des causes de nullité textuelles a pour conséquence la difficulté qu’ont les juges
à prononcer la dissolution de la société. Il ne faut toutefois pas penser que les associés restent
libres de ne pas respecter les conditions de forme et de publicité qui ne sont pas sanctionnées
par la nullité. La loi a en effet substitué la nullité par la régularisation.
B- La régularisation

L’article 75 de l’AUDSCGIE est explicite sur la volonté des rédacteurs de la loi de supprimer
toutes les causes de nullité fondées sur un vice de forme. D’après ce texte, « Si les statuts ne
contiennent pas toutes les mentions exigées par le présent Acte uniforme ou si une formalité
prescrite par celui-ci pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement
accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente, dans le ressort de laquelle
est situé le siège social, que soit ordonné, sous astreinte, la régularisation de la constitution.
Le ministère public peut également agir aux mêmes fins ». La régularisation est donc la purge
de la société du vice qui l’affecte. Autrement dit, il fait obstacle à l’action en annulation. Il faut
dire que, pour éviter la suppression d’une structure indispensable à la bonne marche de
l’économie et pourvue d’effets importants sur des intérêts extérieurs, le législateur a réduit
autant que possible les cas d’annulation de la société.
C’est ainsi que le tribunal saisi d’une action en nullité peut, même d’office, fixer un délai pour
permettre de couvrir la nullité. Il ne peut prononcer la nullité moins de deux mois après la date
de l’exploit introductif d’instance.

Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s’il est justifié d’une
convocation régulière de cette assemblée, le tribunal accorde, par un jugement, le délai
nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision. Si, à l’expiration du délai ci-
dessus prévu, aucune décision n’a été prise, le tribunal statue à la demande de la partie la plus
diligente.
On peut cependant s’interroger sur le sort de la société si aucune régularisation n’est faite. En
d’autres termes, doit-on estimer que la société est nulle si les irrégularités de constitution
subsistent au-delà du temps prévu par la loi pour les éradiquer ?
Une telle société fonctionnerait dans l’illégalité et pourrait être englobée dans les hypothèses
de sociétés de fait reconnues par l’AUDSCGIE. En effet, l’article 865 dudit Acte uniforme
dispose que : « Lorsque deux (2) ou plusieurs personnes physiques ou morales ont constitué
entre elles une société reconnue par le présent par le présent Acte uniforme mais qui comporte
un vice de formation non régularisé ou ont constitué entre elles une société non reconnue par
le Présent Acte uniforme, il y a société de fait ». n’ont pas accompli les formalités légales
constitutives ou ont constitué entre elles une société non reconnue par le présent Acte uniforme,
il y a également société de fait ». Il semble bien que dans le cas mentionné, il y a société
constituée au mépris de la loi. C’est à dire société créée de fait.

21
Dès lors, la régularisation ne signifie pas que les fondateurs sont libres de passer outre les
conditions de formes et de publicité. Ils auraient effectivement créé une société, mais pas celle
dont ils auraient voulue. C'est-à-dire une société sans personnalité morale et non une société en
nom collectif, en commandite simple ou une SARL. Il s’agit là d’une limite réelle à leur liberté,
dans la mesure où les personnes qui croyaient avoir créé une SARL seront en réalité soumises
à une responsabilité infinie et solidaire.

DEUXIEME PARTIE :

LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIETE

TITRE I :

LES SOCIETES DE CAPITAUX

Les sociétés de capitaux sont celles qui se focalisent sur les apports des associés en capital
social de l’entreprise. C’est une démarche totalement à l’opposé des sociétés de personnes, qui
elles, accordent une plus grande importance à la personne de l’associé plutôt qu’à son apport.
Comme sociétés de capitaux, il faut compter la société anonyme (Chapitre 1) et la société par
actions simplifiées (Chapitre 2). La doctrine classique a également tendance à y conclure une
autre forme de société commerciale aux allures plutôt hybride : la société à responsabilité
limitée (Chapitre 3).

Chapitre 1

LA SOCIETE ANONYME OU SA

La Société Anonyme ou SA est la société commerciale par excellence. Elle est définie dans
l’espace OHADA par l’article 385 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales
et du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE). Selon ce texte, la SA est « une société
dans laquelle les actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de
leurs apports et dont les droits des actionnaires sont représentés par des actions. La société
anonyme peut ne comprendre qu’un seul actionnaire ». L’AUDSCGIE lui consacre
spécialement 469 articles constituant le livre IV de la partie II, soit de l’article 385 à l’article
853. Les SA permettent de drainer des masses importantes de capitaux. De plus, le « carcan de
règles impératives » ou l’ « ordre public sociétaire », caractéristique des SA, contribue
fortement à promouvoir la bonne gouvernance en leur sein, et partant la protection des tiers.
Mais, il existe plusieurs catégories de SA. En se fondant sur le mode de gestion ou
d’administration, l’article 414 fait la distinction entre la SA avec conseil d’administration
(Section 1) et la SA avec administrateur général (Section 2). Traditionnellement, la société
anonyme est marquée par du sceau des règles dites impératives ou d’ordre public, de sorte

22
que les actionnaires ont très peu de liberté contractuelle. Pour contourner ce manque de
souplesse, la pratique des affaires a développé le mécanisme d’accords secrets dont la validité
a, pendant vingt ans environ, été juridiquement contestable : les pactes d’actionnaires (Section
3).

Section 1 : Société anonyme avec conseil d’administration


Il y a lieu d’examiner successivement les organes de gestion (§1) et les organes de contrôle de
la société anonyme avec conseil d’administration (§2).
§1- Les organes de gestion
Les organes de gestion ou de direction varient en fonction des différents types de sociétés. En
effet, dans la société anonyme, il faut distinguer selon que la société a ou non un conseil
d’administration. Ainsi, dans la SA avec conseil d’administration, ont la qualité de dirigeants
le Président Directeur-général et le Directeur général adjoint. Dans la SA avec Président du
conseil d’administration, seul le Directeur général a la qualité de dirigeant.
A- Le statut des organes de gestion
Parler de statut des organes de gestion revient à revisiter la manière dont ces derniers sont
désignés, rémunérés et révoqués. On n’envisagera pas ici les statuts fiscal et pénal qui relèvent
absolument de la loi et donc de l’institution.
Le législateur réglemente strictement le statut des organes de gestion, notamment dans la société
anonyme. En effet, l’on peut constater que la nomination, la rémunération, l’empêchement et
la révocation du Président Directeur-général, du Directeur général adjoint ainsi que celui du
Directeur général sont strictement réglementés par l’AUDSCGIE. Ce dernier ne laissant qu’une
place subsidiaire aux statuts.
Par ailleurs, l’existence des organes de direction dépend aussi de la loi. Les associés ne
disposent d’aucune liberté en la matière. En ce sens, les parties au pacte social ne peuvent
supprimer un organe. Ils ne peuvent également en créer. C’est ce qu’a décidé la CCJA dans un
Avis du 26 avril 2000. En effet, la haute juridiction avait été soumise à la question suivante :
est-il possible, dans le cadre de la mise en harmonie des statuts des SA avec les dispositions de
l’AUSCG, d’instituer un poste de vice-président dans les organes dirigeants des banques et des
établissements financiers ?
La Cour y a répondu en affirmant, d’une part, que l’AUDSCGIE s’applique à toutes les sociétés
commerciales, y compris aux banques et aux établissements financiers entrant dans cette
définition juridique. Et que, d’autre part, les dispositions dudit Acte uniforme étant d’ordre
public et ne prévoyant pas la possibilité de créer un poste de vice-président pour
l’administration d’une SA, la création d’un tel poste pour les banques et les établissements
financiers constitués sous cette forme est impossible, fût-ce à l’occasion d’une harmonisation
des statuts en application de l’article 909 de l’Acte uniforme concerné.
Il ressort de l’Avis précité que les actionnaires n’ont pas la possibilité de créer des organes
supplémentaires pour quelque motif que ce soit si la loi ne le prévoit pas. Ainsi, en proclamant

23
le caractère d’ordre public des dispositions de l’AUDSCGIE, la Cour semble évincer de façon
absolue la liberté contractuelle. Dès lors, on peut imaginer que les hauts magistrats ne se
déjugeront pas en cas de contentieux sur cette même question, étant donné qu’ils ont conforté
leur position dans un Avis du 30 avril 2001.
L’Avis du 26 avril 2000 a été accueilli avec réserve par la doctrine africaine, notamment par le
Professeur J. ISSA-SAYEGH. En effet, selon cet auteur, il faut distinguer les rapports de la
société avec les tiers et ceux qui lui sont internes. Dans les rapports avec les tiers, la société ne
peut opposer à ces derniers l’existence d’un tel poste pour échapper à ses obligations ou les
atténuer, le caractère législatif et institutionnel de l’organisation de la SA devant prévaloir à cet
égard.
En revanche, sur le plan interne, si une meilleure organisation commande ou recommande la
création d’un tel poste à travers les dispositions statutaires, le caractère essentiellement
contractuel de celles-ci ne s’y oppose pas. Ainsi, observe-t-on souvent dans les statuts de
certaines sociétés des structures non prévues par l’AUDSCGIE, à savoir les censeurs, les
comités de direction, les vice-présidents. Pour Monsieur P. NGUIHE KANTE, cela est tout à
fait possible, même en dehors de toute invitation expresse de la loi, à condition que les
stipulations conventionnelles ne soient pas contraires à une disposition impérative de l’Acte
uniforme. D’ailleurs, l’auteur ne manque pas de rappeler que la décision de la CCJA est
largement critiquable dans la mesure où elle ne dit pas en quoi est ce que la création d’un poste
de vice-président dans une SA est contraire à l’AUDSCGIE.
Dans tous les cas, la CCJA donne un écho favorable à la théorie de la société-institution selon
laquelle les dirigeants sociaux sont des « organes sociaux » et non des mandataires. Autrement
dit, les dirigeants sont des « organes institués » par la loi. Pour mieux justifier cette
qualification, la thèse institutionnelle ajoute que les pouvoirs des dirigeants ont une source
légale et non conventionnelle. Des pouvoirs que les associés ne peuvent soustraire ni
restreindre. Le législateur OHADA semble conforter cette théorie en conférant aux organes de
gestion des pouvoirs propres.
B- Les pouvoirs des organes de gestion
L’Acte uniforme utilise certes le terme « attributions », mais c’est bien du « pouvoir » dont il
s’agit. Le pouvoir désigne les compétences attribuées aux dirigeants pour agir au nom et pour
le compte de la société. Ainsi, les dirigeants sociaux exécutent à la fois des actes de gestion
internes et les actes de gestion externes. Mais, au regard de l’histoire, c’est autour des actes de
gestion externe que la thèse institutionnelle de la société a été le plus développée. Les associés
pouvant limiter lesdits pouvoirs dans les rapports internes de la société.
Aussi, « Au XIXème le modèle contractuel fondait une organisation qui donnait aux associés
tous les pouvoirs. Ces derniers étaient cependant bien obligés d’en déléguer une partie
(importante !) à des mandataires, et le modèle avait tendance à s’inverser. Pourtant, les
mandataires n’avaient de pouvoirs propres, et les associés pouvaient à volonté déterminer
l’étendue de ces pouvoirs, et les modifier ou les retirer. Les tiers devaient donc
systématiquement exiger un procès-verbal de conseil, voire d’assemblée, dès que l’acte
dépassait le simple acte d’administration ». Mais, « la théorie institutionnelle qui s’est
développée au XXème siècle… donne un autre sens à cette hiérarchie ». Il résulte de ce qui
précède que, dans les rapports avec les tiers, ce n’est plus le contrat mais la loi qui est le

24
fondement des pouvoirs des dirigeants. L’Acte uniforme fortifie cette analyse des pouvoirs des
dirigeants dans les rapports de la société avec les tiers aussi bien dans le droit commun que dans
le droit spécial des sociétés commerciales.
Dans le droit commun, l’article 121 de l’AUDSCGIE constitue le texte de base parmi ceux qui
confèrent des pouvoirs propres aux organes dirigeants. Il dispose en effet que : « A l’égard des
tiers, les organes de gestion, de direction et d’administration ont, dans les limites fixées par le
présent Acte uniforme pour chaque type de société, tout pouvoir pour engager la société, sans
avoir à justifier d’un mandat spécial ». Il en ressort que les dirigeants sociaux peuvent accomplir
aussi bien les actes d’administration que les actes de disposition (s) à l’égard des tiers. La
situation serait certainement différente si les associés avaient la possibilité de se défaire d’une
telle exigence. En effet, ils auraient peut-être choisi des modes de fonctionnement leur
conservant d’avantage de pouvoir.
La liberté des associés est d’autant plus limitée que les clauses statutaires ayant pour objet la
limitation de ces pouvoirs sont inopposables aux tiers de bonne foi. Ainsi que le prévoit
expressément l’article 121 précité in fine.
De plus, l’on peut observer le renforcement de la thèse institutionnelle en ce que les tiers n’ont
pas l’obligation de consulter systématiquement le procès-verbal de conseil ou d’assemblée.
C’est ainsi que la seule publication des statuts ne suffit pas à justifier la mauvaise foi des tiers,
même lorsque l’acte accompli par le dirigeant dépassent l’objet social.
Dans le droit spécial des sociétés, les dirigeants de la SA et de la SARL disposent de pouvoirs
les plus étendus. Ils peuvent en effet engager la société au-delà de l’objet social. Dans les
sociétés de personnes, enfin, le gérant ne peut engager la société au-delà de l’objet social.
Il faut préciser que les pouvoirs propres des dirigeants sociaux ont pour fondement la protection
des tiers. Dans le même temps, le législateur OHADA semble consacrer par-là la théorie selon
laquelle l’intérêt social est l’intérêt de l’entreprise : thèse selon laquelle il faut prendre en
compte les intérêts catégoriels de l’entreprise, parmi lesquels l’intérêt des tiers.
Il s’agit d’une théorie qui met en relief les différents enjeux économiques au sein de la société.
La conséquence est la réglementation stricte des rapports internes de la société par le législateur.
Ainsi que l’on peut également
§2- Les organes de contrôle
.En structurant les sociétés commerciales, le législateur transpose au sein de celles-ci le modèle
étatique et partant, d’une institution. En effet, il y a, d’une part, les dirigeants sociaux qui
constituent le pouvoir exécutif et les organes de contrôle jouant plus ou moins le rôle du pouvoir
législatif, d’autre part. L’AUDSCGIE distingue les organes de contrôle interne (le conseil
d’administration, le Président du conseil d’administration et les associés) du commissaire aux
comptes (CAC), organe externe chargé de vérifier la régularité, la fidélité et la sincérité des
comptes sociaux.
Comme les dirigeants, la présence des organes de contrôle est rendue obligatoire par la loi.
Mais, il ne s’agit pas de la seule restriction de la liberté contractuelle en la matière. On assiste
entre autres à un formalisme rigoureux dans l’organisation des assemblées d’associés (A). Par
ailleurs, l’égalité prononcée par l’article 1134 du Code civil ancien durant l’exécution de tout
contrat est rompue à travers les règles de majorité (B).
25
A- Le formalisme et les organes de contrôle
Le formalisme auquel sont soumis les organes de contrôle dans l’exercice de leurs prérogatives
limite largement la liberté contractuelle. Ledit formalisme a pour terrain privilégié la SA. En
effet, l’AG est convoquée que dans des cas limitativement énumérés par la loi. Ainsi,
concernant la convocation des assemblées générales de la SA, la loi désigne impérativement les
personnes susceptibles d’en être les auteurs. Il peut s’agir soit du commissaire aux comptes soit
d’un mandataire désigné par le Président de la juridiction compétente, statuant à bref délai, à la
demande de tout intéressé en cas d’urgence ou d’un ou plusieurs actionnaires et, enfin, soit par
le liquidateur .
La convocation des assemblées est faite par un avis de convocation qui est inséré dans un
journal habilité à recevoir des annonces légales. Le contenu de l’avis de convocation est
strictement défini par la loi. L’ordre du jour doit être arrêté. En ce sens, l’assemblée ne peut, en
principe, délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour qui est invariable.
On observe le même formalisme en ce qui concerne les règles de tenue de l’AG.
L’AG est présidée, selon le cas, par le Président Directeur-Général, le Président du conseil
d’administration ou par l’Administrateur général. En cas d’empêchement, l’AG est présidée par
l’associé ayant ou représentant le plus grand nombre d’actions ou, en cas d’égalité, par le doyen
en âge.
D’autres obligations formelles sont imposées aux actionnaires lors de la tenue d’assemblée
générale. Ainsi en est-il de la nomination des scrutateurs, d’un secrétaire pour établir le procès-
verbal des débats, de la tenue d’une feuille de présence dont la forme et le contenu sont fixés
par le législateur.
La représentation des actionnaires aux assemblées générales n’échappe pas non plus aux
exigences du formalisme sociétaire. Certes, un actionnaire peut se faire représenter par tout
mandataire de son choix, mais la loi décrit elle-même le contenu de la procuration. En effet,
selon l’article 538 de l’AUDSCGIE, la procuration doit comporter : d’une part, les noms,
prénoms et le domicile ainsi que le nombre d’actions et de droit de vote du mandant ; d’autre
part, l’indication de la nature de l’assemblée pour laquelle la procuration est donnée ; enfin, la
signature du mandant précédée de la mention ‘’Bon pour pouvoir’’ et la date du mandat.
Le formalisme n’est pas le propre des assemblées d’associés. En effet, il s’immisce également
dans la mission du commissaire aux comptes. Aussi, dans les rapports qu’il adresse soit à
l’assemblée générale ordinaire soit à l’assemblée générale annuelle ou au conseil
d’administration et, le cas échéant, à l’Administrateur général. En outre, l’AUDSCGIE définit
unilatéralement sa forme ainsi que son contenu.
Certes, l’exigence du formalisme dans l’activité des organes de contrôle constitue un frein à la
liberté contractuelle, mais l’application du principe majoritaire aussi. Le seul point de
divergence étant que la règle de la majorité ne s’applique pas au CAC, car il exerce sa mission
en principe seul. Et, même en cas de nomination de deux CAC, ils exercent leurs missions
séparément.
B- La détermination légale des règles de quorum et de majorité
En droit OHADA des sociétés commerciales, ce n’est qu’exceptionnellement que la règle de
l’unanimité est exigée. Citons à titre d’illustration le principe d’intangibilité des engagements
26
des associés dont le texte de base est l’article 72, alinéa 2, de l’AUDSCGIE. En effet, ce texte
dispose que : « En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le
consentement de celui-ci ». Ainsi, les engagements financiers ne peuvent être augmentés
qu’avec l’accord de tous les associés. Il en est de même en cas d’aggravation de la responsabilité
des associés, notamment lorsque ces derniers passent d’une responsabilité limité aux apports à
une responsabilité solidaire et indéfinie. C’est ainsi que l’Acte uniforme subordonne à
l’unanimité toute décision de transformation d’une société à risque limité (la SA et la SARL)
en une société en nom collectif.
Mais, en dehors des cas limitativement énumérés par le législateur, toutes les autres décisions
sont soumises à la loi de la majorité. Or, il est difficile d’admettre que cette règle figure parmi
celles qui ont conduit à penser que la société n’était pas un pur produit de la volonté égoïste de
ses membres. Ainsi, Monsieur R. NJEUFACK TEMGWA affirme que « l’existence des
assemblées de sociétés permet de détacher le droit des sociétés de celui des contrats en
consacrant l’application du principe majoritaire et en posant les conditions de quorum ».
La règle de la majorité est la règle pour la prise des décisions collectives dans les sociétés
commerciales. Comme les autres règles issues de la société-institution, les règles de majorité
trouvent leur domaine d’élection dans la SA. En effet, l’AG ordinaire statue à la majorité des
voix exprimées. Quant à l’AG extraordinaire, elle statue à la majorité des deux tiers des voix
exprimées, majorité avec laquelle elle modifie les statuts. L’Assemblée spéciale statue à la
majorité des deux tiers des voix exprimées.
C’est dire que le formalisme et la règle de la majorité dominent le fonctionnement de la société.
Une éviction de principe de la liberté contractuelle dans le fonctionnement de la société tend à
se dégager. Ce sentiment s’accentue à travers la prise en compte de l’intérêt social par le
législateur qui est bien aidé par la jurisprudence.

Section 2 : La société anonyme avec administrateur général


Annoncé par l’article 414, la société anonyme avec administrateur général est réglementée par
les articles 494 à 515 de l’AUDSCGIE. Il s’agit du second mode d’administration et de direction
de la société anonyme offert aux actionnaires à côté du premier, à savoir la société anonyme
avec conseil d’administration.
Le législateur OHADA pose des règles spécifiques à l’administration et à la direction de la
société anonyme avec administrateur général (§1). C’est dire qu’il faudra adapter à ce type
particulier de société anonyme les autres règles de fonctionnement applicables aux sociétés
anonymes en particulier et aux sociétés commerciales en général (§2).
§1- La consécration d règles spécifiques à la société anonyme avec administrateur général
Ces règles concernent l’administration et la direction de la société. A cet effet, l’AUDSCGIE
prévoit que l’administration et la direction de la société échoient à un administrateur général
(A). Celui-ci peut être assisté par un administrateur général adjoint (B).
A- L’administrateur général
L’AUDSCGIE définit son statut (1) et ses pouvoirs (2).

27
1- Le statut de l’administrateur général
L’administrateur général est désigné soit par les statuts, soit par l’assemblée générale
constitutive, soit par l’assemblée générale ordinaire en cours de vie sociale.
Nul ne peut cependant exercer simultanément plus de trois mandats d’administrateur général
de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire d’un même Etat partie. Pareillement, le
mandat de l’administrateur général n’est pas cumulable avec plus de deux mandats de président-
directeur-général de sociétés anonymes ayant leur siège social sur le territoire d’un même Etat
partie. L’administrateur général qui se retrouverait dans l’une ou l’autre de ces deux situations
doit, dans les trois mois, se démettre de l’un de ses mandats. A défaut, il est réputé s’être démis
de son dernier mandat et doit rembourser les rémunérations perçues à ce titre sous quelque
forme que ce soit. Dans tous les cas, les décisions qu’il a pu prendre, dans cette situation de
cumul non autorisé, demeurent valables.
La durée des fonctions de l’administrateur général est librement fixée par l’acte de nomination.
Cependant, cette durée ne peut excéder deux ans en cas de désignation par les statuts ou
l’assemblée générale constitutive et six ans en cas de nomination en cours de vie sociale. Cette
durée est renouvelable.
L’administrateur général peut être actionnaire ou non de la société. L’article 499 de
l’AUDSCGIE laisse entendre qu’il peut être lié à la société par un contrat de travail à la
condition que celui-ci corresponde à un travail effectif. Cette disposition peut surprendre dans
la mesure où la fonction d’administrateur général ne saurait être une personne sinécure ! Mais
il faut la mettre en parallèle avec l’article 501 qui prévoit que « l’assemblée générale ordinaire
peut allouer à l’administrateur général, en rémunération de ses activités, une somme fixe
annuelle à d’indemnité de fonction ». On comprend alors que dans ce cas, il n’aura pas été établi
un contrat de travail entre la société et l’administrateur général, des rémunérations
exceptionnelle pour les missions exceptionnelles pour les missions et mandats qui lui sont
confiés ou autoriser le remboursement des frais de voyage, déplacements et dépenses engagées
dans l’intérêt de la société. Il peut même recevoir des avantages en nature fixés par l’assemblée
générale des actionnaires.
Dans l’hypothèse où l’administrateur général est salarié, son contrat de travail est soumis à
l’autorisation préalable de l’assemblée générale.
Le mandat de l’administrateur général prend normalement fin à l’expiration de la période
prévue par les statuts ou la résolution de l’assemblée l’ayant désigné. En cas d’empêchement
temporaire, l’administrateur général est remplacée dans ses fonctions par l’administrateur
général adjoint jusqu’à la nomination, par la plus prochaine assemblée générale ordinaire, d’un
nouvel administrateur. L’administrateur général peut être révoqué à tout moment par
l’assemblée générale. Cette disposition est d’ordre public puisque toute clause ou résolution
contraires serait réputée non écrite. Il s’agit de la révocation ad nutum.

2- Les pouvoirs de l’administrateur général


L’administrateur général assume, sous sa responsabilité, l’administration et la direction de la
société. A cet effet, il exerce un faisceau de pouvoirs à la fois sur le plan interne et sur le plan
externe à la société.
28
Sur le plan interne, il assure la gestion quotidienne de la société. L’AUDSCGIE le dit investi
des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société. Il doit
cependant exercer ces pouvoirs dans la limite de l’objet social et sous réserve des pouvoirs
expressément attribués aux assemblées d’actionnaires. Concrètement, il s’agira de recruter le
personnel, d’attribuer à chacun des tâches précises, d’assurer éventuellement leur formation
continue, de superviser l’ensemble des activités et de la société en donnant des directives et des
instructions. De manière plus ponctuelle, il convoque et préside les assemblées générales
d’actionnaires.
Sur le plan externe, l’administrateur général représente la société dans ses rapports avec les
tiers. Il engage la société par ses actes relevant de l’objet social mais aussi par ceux qui ne s’y
rattacheraient pas. La société ne sera cependant pas engagée dans ce dernier cas si elle prouve
que le tiers savait que l’acte de l’administrateur général dépassait le cadre de l’objet social ou
alors que le tiers ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances (article 122). Il est à noter
que la seule publication des statuts ne suffit pas pour constituer cette preuve, pas plus d’ailleurs
que les résolutions de l’assemblée générale des actionnaires. L’article 498, alinéa 4, de
l’AUDSCGIE prévoit clairement que « les clauses des statuts ou les résolutions de l’assemblée
générale des actionnaires limitant les pouvoirs de l’administrateur général ne sont pas
opposables aux tiers de bonne foi ». Il faut donc que la société utilise d’autres modes de preuve :
témoignages, correspondances ou autres.
L’administrateur général représente la société dans ses rapports avec les tiers notamment en
concluant avec ceux-ci des conventions de toutes sortes de conventions.
B- L’administrateur général adjoint
Sur la proposition de l’administrateur général, l’assemblée générale des actionnaires peut
donner mandat à une ou plusieurs personnes physiques d’assister l’administrateur à titre
d’administrateur général adjoint. Pareillement, c’est sur sa proposition qu’il peut être mis fin à
tout moment par l’assemblée générale des actionnaires à ces fonctions.
L’administrateur général adjoint assiste l’administrateur général, comme le directeur général
adjoint le directeur général assiste le directeur général. L’assemblée générale qui le désigne fixe
librement la durée de ses fonctions. Cette durée est renouvelable.
En accord avec l’administrateur général, l’assemblée générale détermine les pouvoirs qui sont
délégués à l’administrateur général adjoint. En cas de pluralité d’administrateurs généraux
adjoints, l’assemblée générale détermine la marge des pouvoirs de chacun d’entre eux. Les
clauses statutaires ou les décisions de l’assemblée générale limitant ces pouvoirs ne sont pas
opposables aux tiers. Il faut encore que ces tiers soient

§2- Adaptation à la société anonyme avec administrateur général des autres règles
régissant la société anonyme

La société anonyme avec administrateur général peut être soit une société anonyme
unipersonnelle. Dans l’un et l’autre cas, les règles de fonctionnement applicables en général à
toute société anonyme doivent être adaptées à ce type particulier de structure.
A- Société anonyme pluripersonnelle avec administrateur général

29
Cette société anonyme comprend nécessairement au minimum deux et au maximum trois
actionnaires. L’administrateur général peut être choisi par les actionnaires, tout comme les
actionnaires peuvent faire recours à un tiers.
Lorsque l’administrateur général est choisi parmi les actionnaires, il sera en même temps
membre de l’assemblée générale des actionnaires. S’il se trouve être l’actionnaire majoritaire,
il pourra très facilement faire passer en assemblée générale ses décisions prises en qualité
d’administrateur général. Si en revanche et il est actionnaire minoritaire, l’assemblée générale
assumera plus effectivement son rôle de contrôle et de critique de sa gestion.
Lorsque la société comprend trois actionnaires, l’assemblée générale jouera sereinement son
rôle de définition de la politique générale et de critique des actes de l’administrateur général.
B- Société anonyme unipersonnelle avec administrateur général
Lorsque la société anonyme avec administrateur général n’a qu’un seul actionnaire, celui-ci
peut décider d’assumer en même temps les fonctions d’administrateur général. Il convoquera
donc lui-même dans les six mois suivant la clôture de l’exercice, l’assemblée générale ordinaire,
siégera seul et prendra les décisions conséquences relatives à sa gestion. De même prendra-t-il
seul les décisions relevant de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire qu’il aura
préalablement convoquée.
Mais il peut aussi décider de confier les fonctions d’administrateur général à tiers qu’il choisira.
C’est cet administrateur général qui convoquera l’assemblée générale constituée de l’unique
actionnaire. Il en sera probablement le rapporteur et l’actionnaire unique prendra seul toutes les
décisions relevant de la compétence de l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire.
Dans tous les cas, les décisions prises par l’actionnaire unique revêtent la forme de procès-
verbaux qui sont versés aux archives de la société (article 560).

Section 3 : Les pactes d’actionnaires


Les praticiens ont développé plusieurs mécanismes d’ordre contractuel afin de contourner la
rigidité de la SA. Ainsi, la pratique contractuelle a notamment donné naissance aux comptes
courants d’associés, aux clauses de garantie du passif, aux clauses de reprise d’apports en
prévention de la dissolution de la société etc.
Mais, les conventions les plus importantes demeurent les pactes d’actionnaires. A ce propos,
un auteur affirme que : « Les pactes d’actionnaires,… ce n’est pas un sujet, c’est un océan. S’il
s’agit de l’Atlantique, le sujet ce pourrait être non pas le Cap Vert, non pas l’une des îles du
Cap Vert, mais l’une des plages de l’une de ces îles… ».
L’utilisation du terme pacte au lieu de contrat renvoie à l’idée d’une alliance occulte entre
certains ou tous les actionnaires. Il s’agit d’un moyen d’offrir une plus grande flexibilité dans
l’organisation et le fonctionnement des sociétés, d’une inventivité sans limite, d’une évolution
permanente et de plus en plus complexe. Ces conventions, qui découlent du droit commun des
contrats, sont applicables en droit OHADA des sociétés commerciales pourvu qu’elles ne soient
pas contraires aux règles impératives de l’AUDSCGIE. Aussi peut-on lire à l’article 2-1 de
l’AUDSGIE que « Sous réserve du respect des dispositions du présent Acte uniforme
auxquelles il ne peut être dérogé et des clauses statutaires, les associés peuvent conclure des
30
conventions extrastatutaires en vue notamment d’organiser, selon les modalités qu’ils ont
librement arrêtées :
- les relations entre associés ;
- la composition des organes sociaux ;
- la conduite des affaires de la société ;
- l’accès au capital social ;
- la transmission des titres sociaux ».
Inspiré par Caroline LEROY qui affirme que « Les pactes d’actionnaires ont tout en commun,
malgré leur variété quasi-infinie résultant de la créativité et du souci des praticiens de répondre
aux mieux aux multiples attentes de leurs clients, de porter soit alternativement soit
cumulativement sur les deux éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de la
société. Les pactes d’actionnaires ont en effet toujours pour objet, entendu dans le sens matériel
de la notion, le capital, élément structurel de la société, et le pouvoir, levier du fonctionnement
de l’organisation sociales et donc de la gestion de la société », l’analyse des pactes
d’actionnaires se fera autour de deux articulations principales : d’une part, le contrôle de la
société (§1) et la détention du capital social (§2), d’autre part.
§1 - Les pactes d’actionnaires ayant pour objet le contrôle de la société
L’AUDSCGIE définit le contrôle d’une société comme étant la détention effective du pouvoir
de décision au sein de la société. Cependant, l’accession d’un ou plusieurs associés au contrôle
de la société peut se faire par différents moyens. En effet, dans la recherche d’un pouvoir de
décision, les actionnaires ont pris l’habitude de conclure des accords dont les plus courants sont
les conventions de vote.
Ces conventions sont consacrées par l’article 175, 2°, de l’AUDSCGIE aux termes duquel «
Une personne physique ou morale est présumée détenir le contrôle d’une société (…)
lorsqu’elle dispose de plus de la moitié des droits de vote d’une société en vertu d’un accord
ou d’accords conclus avec d’autres associés de cette société ».
Le texte précité est fortement inspiré de l’article 356-2, alinéa 1er, de la loi française du 24
juillet 1966, devenu article L.233-3 du Code de commerce, qui prévoit qu’une société est
considérée comme en contrôlant une autre « lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits
de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires
et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ». Dans un arrêt du 20 février 1998, la Cour
d’appel de Paris en a déduit que la convention de vote est le seul accord visé par le législateur.
On est donc tenté de penser que le droit uniforme africain consacre, par la même occasion et
ce, de façon exclusive, les conventions de vote. Toutefois, une attitude de prudence s’impose à
nous dans la mesure où le droit français ne s’applique plus systématiquement dans les Etats
parties au traité de l’OHADA. Dès lors, seule une décision de la CCJA, plus haute juridiction
en matière commerciale dans l’espace juridique OHADA, pourra mettre fin à cette incertitude.
Une chose semble cependant évidente, c’est la prise en compte des conventions de vote par
l’article 175, 2° précité.
Si les conventions de vote trouvent aujourd’hui un fondement dans la loi, il reste qu’il s’agit
d’une pratique contractuelle précédant aussi bien la loi de 1966 précitée que l’AUDSCGIE. Les
conventions de vote sont des « engagements ponctuels, occasionnels, ou durables, la pratique

31
les connaît depuis longtemps », affirme ainsi le Professeur G. PARLEANI. Le support légal de
ces contrats ne doit donc pas induire en erreur. Il s’agit bien d’une liberté conquise par la
pratique.
Les conventions de vote sont des pactes par lesquels un ou plusieurs associés aliènent la liberté
dont ils disposent en vertu de la loi dans l’exercice de leur droit de vote s’engageant par avance
envers un autre à voter dans un sens déterminé. Toutefois, ils ne doivent pas renoncer
irrévocablement à ce droit et de telle sortes qu’ils en demeurent personnellement titulaires. Un
auteur ajoute à cet effet que « tout actionnaire dispose de la liberté de se soumettre à l’influence
de son choix pour l’exercice de son droit de vote et déterminer contractuellement le sens de son
vote avant la tenue de l’assemblée ».
Si les conventions de vote trouvent actuellement un fondement dans la loi, il reste que leurs
modalités et leurs variétés demeurent soumises à l’imagination des praticiens. Ainsi que le
témoignent leurs différents objets.
L’objet des conventions de vote peut porter, plus précisément, sur l’attribution des droits de
vote et ou sur l’exercice de ce dernier. Les pactes d’actionnaire portant sur l’exercice du droit
de vote sont les plus fréquents en pratique. C’est le cas, notamment, dans les filiales communes
ou dans les sociétés dont l’actionnariat est éclaté en plusieurs groupes. Ils permettent d’assurer
une conduite cohérente de la société et d’éviter que le bon fonctionnement de cette dernière ne
soit contrarié par des divergences de politiques sociales. En recourant à la conclusion des
conventions de vote, les partenaires bénéficiaires d’un tel pacte peuvent contrôler soit
directement la société (en AG) soit indirectement la société (au sein du CA).
Le contrôle direct de la société revient, pour un actionnaire ou un groupe d’actionnaires, de
détenir de façon effective le pouvoir de décision au sein de cette société sans qu’aucun
intermédiaire n’intervienne. Ainsi en est-il lorsque les parties à une convention de vote
disposent de la majorité des droits de vote dans les AG. Il s’ensuit que le principe selon lequel
les droits de vote correspondent à la participation d’un actionnaire dans le capital social peut
être aménagé si les partenaires le souhaitent. Autrement dit, le contrôle direct d’une société peut
s’acquérir par l’obtention d’un droit de vote majoritaire bien que ne correspondant pas à
l’intervention de l’associé dans le capital social. Le pacte peut aller plus loin. En effet, un
actionnaire peut encore mieux dominer la société grâce à un pacte lui permettant d’être élu
Président-Directeur Général de la société. Nul n’est besoin de rappeler que ce dernier dispose,
par exemple, du pouvoir d’engager la société même au-delà des actes dépassant l’objet social.
En revanche, le contrôle indirect permet à un actionnaire ou un groupe d’actionnaires
majoritaires en droits de vote d’orienter les délibérations d’un organe social sans y être membre.
C’est le cas notamment lorsqu’un actionnaire oriente les décisions du CA. Les membres du
conseil peuvent donc s’engager à voter dans le sens qui leur aurait été proposé avant la
délibération. Dans cette hypothèse, c’est la crainte de la révocation qui influerait le vote des
membres du CA.
A côté des conventions de vote, il faut ajouter d’autres pactes extrastatutaires portant sur la
gestion de la société. Sans prétendre à l’exhaustivité, on notera la présence non négligeable des
pactes sur l’information et des clauses financières. A la différence des conventions de vote, ces
derniers ont plutôt pour objet le maintien du contrôle. En effet, une fois le contrôle acquis,

32
l’actionnaire majoritaire en droit de vote peut ressentir le besoin de fidéliser certains
actionnaires minoritaires.
Aussi, il peut arriver que l’actionnaire majoritaire ait envie de maintenir son pouvoir au sein de
la société. Ainsi, en échange des votes prononcés en faveur de l’actionnaire majoritaire dans les
AG par l’actionnaire minoritaire ce dernier bénéficiera des informations que l’on ne peut
acquérir par les moyens par l’AUDSCGIE. Le but de l’actionnaire minoritaire étant de mieux
surveiller son investissement. Ce sont les clauses d’informations. Le pacte peut aller plus loin.
En effet, l’actionnaire majoritaire peut s’engager à donner un poste à l’actionnaire minoritaire
au sein du CA. A ce titre, ce dernier contrôlera mieux l’action des organes de direction.
Par ailleurs, l’actionnaire majoritaire peut également envisager d’accroître les activités de la
société. Pour cela, il aura besoin d’une aide financière. Ainsi, il aura recours aux clauses
financières. On parle plus précisément d’opérations de capital-investissement. Le capital
investisseur est souvent un tiers qui accepte de participer minoritairement dans le capital de la
société. Il s’agit simplement d’opérations visant à renforcer les capitaux propres de la société.
Ainsi, l’actionnaire majoritaire va s’engager à verser un capital minimum au capital-
investisseur un dividende minimum au bout de chaque exercice et ce, même en l’absence de
bénéfices. Dans cette dernière hypothèse, on parle de clauses financières.
Les conventions de vote sont donc des mécanismes qui permettent de dissocier le capital du
pouvoir. Grâce à la liberté contractuelle, un actionnaire ne détenant pas la majeure partie du
capital peut accéder au contrôle de la société. Il s’agit là d’un accroissement de pouvoirs permis
par le contrat. De même, l’imagination des praticiens conduit à conférer aux actionnaires,
notamment les minoritaires, plus de prérogatives qu’ils n’en ont au regard de l’AUSCG. A
l’inverse, la liberté contractuelle peut consister à restreindre certains droits conférés aux
actionnaires par le législateur.
§2 - Les pactes d’actionnaires ayant pour objet la détention du capital
En principe, les actionnaires ont le droit de céder librement leurs actions. C’est le principe de
libre négociabilité des actions selon lequel, les actions doivent pouvoir être cédées par leur
titulaire, sans la moindre entrave, au cessionnaire librement choisi par lui, dès l’instant où il
souhaite quitter la société ou réduire sa participation .
Cependant, il arrive que la libre négociabilité soit altérée par la signature de certaines
conventions entre les actionnaires. Comme les pactes relatifs à la gestion du pouvoir, les
conventions sur le capital social marquent un retour à l’autonomie de la volonté dans
l’organisation des rapports sociétaires.
Généralement, ces clauses poursuivent un but de fermeture. En effet, les actionnaires visent à
se préserver de toute surprise en verrouillant le capital en introduisant, par exemple, des limites
à la négociabilité des actions de la société, des règles de contrôle de la qualité des actionnaires,
ainsi qu’en assurant, si possible, la conservation du contrôle de la société et en aménageant
l’exercice de ce contrôle. Quand ce but est poursuivi, les accords relatifs à la négociabilité des
actions deviennent un accessoire nécessaire des accords sur l’exercice du contrôle au sein de la
société.

33
Cependant, dans d’autres cas, les accords entre actionnaires répondent à une logique plus
dynamique, qui est celle de l’ouverture. Ils ont alors pour but d’organiser les modalités de sortie
de certains actionnaires dans le cadre d’une opération plus grande.
Pour mettre en forme ces différents objectifs, l’imagination des praticiens est débordante.
Heureusement, il est possible de classer ces clauses en diverses grandes catégories.
Généralement, on rencontre la clause d’agrément, la clause de préemption, la clause de non-
agression, les options d’achat ou de vente, les clauses organisant un droit de suite ou clauses de
sortie communes.
Concernant la clause d’agrément, il s’agit d’une stipulation qui soumet la cession des titres à la
décision (à l’agrément) d’un organe ou d’une personne prédéterminée, tel que le CA (le cas le
plus fréquent), un autre organe de la société, un groupe d’actionnaires, ou même un tiers. Certes,
la clause d’agrément est une possibilité offerte aux actionnaires par la loi, mais elle reste
constante dans les pactes extrastatutaires. Elle permet de s’assurer que la société ne passe sous
le contrôle de personnes indésirables (concurrents, personnes insolvables acquérant des actions
non entièrement libérées). Compte tenu de son effet limité dans le temps, la clause d’agrément
est souvent accompagnée d’une clause de préemption.
La clause de préemption ou de préférence est celle en vertu de laquelle, en cas de cession, les
actions doivent d’abord être proposées aux bénéficiaires désignés dans la clause, qui seront
généralement certains ou tous les actionnaires de la société, mais pourront également être des
tiers. Cette clause constitue une promesse de vente éventuelle et non-conditionnelle, au motif
que la condition ne peut porter sur un élément essentiel de la convention mais doit être constitué
par un évènement incertain extérieur à celle-ci. Comme les clauses d’agrément, cette clause
vise à assurer le contrôle de l’actionnariat, tout en offrant à l’actionnariat désireux de se retirer
une solution de sortie.
La clause d’inaliénabilité (de blocage ou encore d’incessibilité) interdit, quant à elle, aux
actionnaires ou à certains d’entre eux de céder leur participation pendant un délai fixé
contractuellement. Elle est classique lors de la constitution d’une entreprise commune lorsque
les signataires entendent geler leurs relations ou s’assurer de la durée de leur investissement
réciproque durant un certain temps. On la prévoit régulièrement lors d’opérations ou il est
nécessaire d’assurer à un tiers (une banque par exemple) qu’un actionnaire ou un groupe
d’actionnaires maintiendra sa participation pendant la durée de l’opération (un financement par
exemple), cette présence représentant une garantie contre l’insolvabilité de la société. Ce type
de clause est à distinguer des clauses de non-agression ou ‘’standstill agreements’’.
Les clauses de non-agression constituent des clauses d’inaliénabilité ‘’à l’envers’’, chaque
signataire s’interdisant d’acquérir les titres émis par l’autre. Il faut également distinguer les
clauses d’inaliénabilité des clauses dites options d’achat ou ‘’call option’’, et les options de
vente ou ‘’put options’’.
Les options d’achat entraînent toujours des restrictions à la libre cessibilité titres sur lesquels
elle porte. Cette restriction n’est pas toujours la conséquence des options de vente.
Outre les clauses précitées, d’autres clauses fréquemment rencontrées en rapport avec les
cessions de titres sont les clauses organisant un droit de suite ou clauses de sortie communes,
encore appelées clauses de remorquage ou de ‘’tag along’’. Ces clauses prévoient qu’en cas de

34
cession de ses titres par un actionnaire déterminé (le promettant), le bénéficiaire de la clause
recevra également la possibilité de céder les siens.
Parmi les clauses de sortie, mentionnons encore les clauses dites de ‘’sortie simultanée’’ , dont
le libellé peut s’avérer complexe, en vertu desquelles si la somme des titres que le promettant
et le bénéficiaire désirent céder est supérieure au nombre de titres que l’offrant est disposé à
acquérir, chacun des cédants verra la qualité de titres qu’il cède réduite au prorata de sa
participation respective ou selon une proportion fixée contractuellement ; la répartition
proportionnelle du capital entre eux sera ainsi préservée.
La multiplication sans cesse de pactes extrastatutaires met en relief le souci qu’ont les
actionnaires d’assouplir la rigidité que connaît le fonctionnement de la SA. Ainsi, le
développement de ces différentes clauses marque un retour à l’autonomie de la volonté en droit
des sociétés et partant, à la liberté contractuelle qu’elle induit. C’est dans cette dynamique que
le Professeur J. MESTRE a affirmé que la société est bien encore un contrat.
Cette souplesse est une revendication des milieux économiques qui réclament une
déréglementation du droit des sociétés, notamment de la SA. Revendication qui fut prise en
compte par le législateur français en consacrant la SAS. Sous la même pression, le législateur
OHADA annonce de nouveaux espaces de liberté dans les sociétés par actions.

Chapitre 2
LA SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEES OU SAS

La société par actions simplifiée est une société instituée par un ou plusieurs associés et dont
les statuts prévoient librement l’organisation et le fonctionnement de la société sous réserve des
règles impératives de l’AUDSCGIE. Les associés de la société par actions simplifiées ne sont
responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et leurs droits sont
représentés par des actions (Article 853-1 de l’AUDSCGIE).

Section 1- L’actionnariat
Avec l’introduction de la SAS, l’intuitus personae se verra renforcé dans les sociétés par
actions. Cela se justifie par la liberté laissée aux rédacteurs des statuts de la SAS de dessiner les
contours de l’actionnariat de la structure (I) et par sa protection (II).
§1- La liberté de dessiner les contours de l’actionnariat
Dessiner les contours de l’actionnariat reviendrait, pour les rédacteurs des statuts, de s’assurer
d’une part de la stabilité de l’actionnariat et de prévoir l’évolution de sa géométrie, d’autre part.
La stabilité de l’actionnariat sera assurée à travers la possibilité de stipuler dans les statuts une
clause d’inaliénabilité. Cette dernière se définit comme « la technique juridique qui, grevant un
bien ou un droit, interdit à son propriétaire où son titulaire d’en disposer (à titre gratuit ou

35
onéreux), afin d’assurer la protection d’intérêts particuliers ou généraux ». Cette clause aura
une durée maximale de dix (10) ans. C’est du moins ce qui ressort de l’article 853-17 de
l’AUDSCGIE aux termes duquel « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des
actions ou des valeurs mobilières pour une durée n’excédant pas dix ans ». Les associés sont
seuls maîtres du contrôle de l’actionnariat de la société, sans que l’intérêt social ne puisse
justifier la remise en cause de la clause. En effet, la modification de la stipulation statutaire ne
pourra intervenir qu’à l’unanimité des associés. L’esprit contractuel règne ici en maître. Aucun
motif légitime n’est exigé. On présume qu’elle aurait été déterminante de leur volonté et la
référence à l’intérêt social ne permettra pas de la censurer. Ainsi, la clause d’inaliénabilité
permet-elle la constitution de noyaux durs d’associés.
Quant à la maitrise de la géométrie de l’actionnariat, elle sera assurée grâce la possibilité
qu’auront les fondateurs d’insérer dans les statuts les clauses d’agrément et de préemption.
L’agrément, est une technique juridique qui visera à contrôler l’entrée de nouveaux associés en
cours de vie sociale. L’agrément est prévu par l’article 853-18 de l’AUDSCGIE aux termes
duquel : « les statuts peuvent dans les conditions qu’ils déterminent, soumettre toute cession
d’actions à l’agrément préalable de la société et à un droit de préemption ». La brièveté de la
formule ne doit pas masquer son originalité. Ainsi, la liberté offerte aux rédacteurs des statuts
de la SAS concerne-t-elle aussi bien le domaine de l’agrément que sa procédure, autorisant une
protection efficace de la composition de l’actionnariat.
En premier lieu, en visant « toute cession », l’article 853-18 précité écarte toutes les restrictions
imposées à l’agrément de la SA. Des auteurs parlent ainsi de clauses d’agrément pour toute
cession. En effet, d’une part, la clause d’agrément peut jouer entre associés , permettant de se
prémunir non seulement contre l’entrée de tiers indésirables dans la société, mais également de
subversions internes , assurant ainsi l’équilibre comme la stabilité du pouvoir . D’autre part,
sont levées les restrictions relatives aux cessions entre proches parents et aux transferts de titre
en cas de succession ou de liquidation des biens entre époux connues par la SA.
En second lieu, le terme « cession » utilisé par le texte doit être entendu dans son acception la
plus large. Il permet également de viser toute mutation de titres à titre particulier, à titre gratuit
ou onéreux, amiable ou forcé, ainsi que tout transfert, notamment en cas de fusion ou de
scission.
Concernant la procédure d’agrément, toute liberté est de même laissée aux fondateurs du pacte
social, les dispositions de l’article 853-18 précité laissant aux statuts la latitude de déterminer
les conditions de l’agrément. C’est d’abord l’organe social compétent pour statuer sur la
demande d’agrément qui doit être prévu. Alors que dans la SA, le choix des actionnaires est
limité entre l’AG ordinaire et le CA, il est tout à fait possible que les associés de la SAS
prévoient que l’agrément sera soumis à la règle de l’unanimité.
C’est ensuite la procédure concernant le refus d’agrément qui doit être organisée. Un doute
subsiste quant à la possibilité de supprimer ou non l’obligation de rachat imposée par l’article
769 de l’AUDSCGIE pour la SA. Si le principe de libre négociabilité des actions a conduit
certains auteurs à considérer qu’une obligation de rachat pesait sur la société en cas de refus
d’agrément, il semble pourtant que la liberté statutaire de mise dans la SAS comme la possibilité
d’y prévoir des clauses d’inaliénabilité conduisent à soutenir la thèse inverse. Ainsi, l’associé
qui se verrait refuser l’agrément nécessaire à la cession de ses titres pourrait-il rester prisonnier
de ses derniers ; même si d’aucuns estiment que la structure risque d’être décevante pour lui.

36
Sur ce dernier point, la SAS n’est en rien différente de la SNC, archétype des sociétés de
personnes, fondée sur l’intuitus personae, dont elle tend à se rapprocher.
En tout état de cause, la doctrine s’accorde à considérer que les statuts pourront librement
s’affranchir de la procédure à mettre en œuvre suite au refus de l’agrément sollicité. Par
exemple, le prix de rachat pourrait-il être déterminé par les statuts, stipulation qui peut être
redoutable en cas d’écart important avec la valeur vénale des titres. De même, le droit de
repentir peut-il être supprimé et la clause d’agrément se voir complétée par une clause
d’agrément.
Le droit de préemption est consacré par l’article 853-18, in fine. Il consisterait, pour un associé
de la SAS, à proposer de préférence la cession de ses actions aux parties au pacte social. Dans
la SAS, le droit de préemption est l’image de l’agrément en ce sens que la brièveté de la formule
employée par le droit prospectif laisse toute liberté aux associés. Ainsi, les parties au pacte
social pourront définir librement aussi bien son domaine que sa procédure.
Les clauses d’inaliénabilité, d’agrément et de préemption font de la future structure sociale
OHADA une société teintée d’un fort intuitus personae. Cette considération de la personne de
l’associé justifie le souci de préservation efficace de la cohésion sociale. Cependant, il peut
arriver que des vicissitudes inhérentes à la personne des associés bouleversent la stabilité ou la
sérénité des rapports sociaux, de façon à menacer aussi bien le fonctionnement normal que la
pérennité de la société. Heureusement pour les futurs créateurs de SAS OHADA, le droit
prospectif consacre des dispositions supplétives visant à renforcer davantage la protection de la
société.
§II - La protection de l’actionnariat
Protéger l’actionnariat, garantir l’équilibre contractuel initial, préserver l’intuitus personae,
assurer la pérennité de la société …, ces exigences impliquent nécessairement la capacité de
prévenir et de sanctionner toute atteinte au pacte social. La mesure préventive la plus efficace
à laquelle il est possible de songer est celle qui consiste à exclure l’associé qui ne se
conformerait pas au cadre statutaire.
Aussi, les associés de la SAS pourront inclure dans le pacte social une clause d’exclusion des
associés devenus nuisibles pour la SAS. Ainsi, l’article 853-19, alinéa 1er, de l’AUDSCGIE
dispose que : « Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé
puisse être tenu de céder ses actions ». L’innovation serait de taille, la clause d’exclusion
n’ayant jusque-là pas trouvé droit de cité en droit des sociétés.
L’article 853-20, alinéas 1er et 2, de l’AUDSCGIE poursuit en prévoyant le cas particulier d’un
changement de contrôle intervenant dans le capital d’un associé personne morale. En effet,
selon ce texte, « Les statuts peuvent prévoir que la société associée dont le contrôle est modifié
doit, dès cette modification, en informer la société. Celle-ci peut décider, dans les conditions
fixées par les statuts, de suspendre l’exercice des droits non pécuniaires de cet associé et de
l’exclure. Les dispositions de l’alinéa précédent peuvent s’appliquer, dans les mêmes
conditions à l’associé qui a acquis cette qualité à la suite d’une opération de fusion, de scission
ou de dissolution ».
Dans le cas général comme dans le cas particulier, le droit prospectif prévoit non seulement
l’exclusion, mais s’intéresse également à la période de transition qui court de l’origine des

37
troubles à la réalisation de la cession forcée. Pour le reste, l’AUDSCGIE est laconique et laisse
aux statuts le soin de déterminer les conditions dans lesquelles va intervenir cette exclusion.
Pour autant, le domaine s’annonçant sensible et source d’un contentieux presque certain, des
précisions s’imposeront tant concernant les motifs de l’exclusion que concernant la procédure
à mettre en œuvre.
La faculté d’exclure un associé de SAS ne sera soumise pratiquement à aucune restriction. A
tout le moins, les statuts devront-ils viser des motifs graves que les tribunaux auront la
possibilité d’examiner. Ils pourront également lister avec précision les événements et situations
donnant lieu à exclusion. La procédure est également laissée à la discrétion des statuts. Ces
derniers devront donc déterminer l’organe compétent pour statuer sur le sort de l’associé visé,
préciser le jeu d’une clause d’agrément au cas où l’exclu choisirait son cessionnaire, le délai de
mise en œuvre, les modalités de fixation du prix des titres.
La clause d’exclusion et la clause d’inaliénabilité sont deux moyens inverses d’aboutir au même
but : l’intégrité du pacte social. Elles pourront être complétées par de nombreuses autres clauses
(agrément, préemption) qui visent toutes à dessiner l’actionnariat le plus adapté à la volonté des
fondateurs. Encore faut-il que leur sanction soit assurée efficacement.
C’est dans cette optique que l’article 853-19-1 de l’AUDSCGIE prévoit que : « Toute cession
effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». La loi sanctionne donc de manière
sévère, claire et nette les infractions aux clauses restrictives de la libre cessibilité des titres
sociaux. C’est une sanction particulièrement efficace en comparaison de l’inopposabilité, de
mise concernant les pactes extrastatutaires. En droit français, l’article L227-15 du Code de
commerce la même sanction que l’article 853-19-1 précité. Ce texte a suscité, au sein de la
doctrine française, l’interrogation suivante : la nullité concerne-t-elle le non-respect de toutes
les clauses ou seulement celles prévues par les textes ?
Une partie importante de la doctrine a opté une interprétation extensive de l’article L227-15
susvisé. En effet, pour ces auteurs, la loi ne distinguant pas au sein des clauses statutaires, il n’y
a pas lieu de distinguer selon que les clauses figurent parmi celles prévues par les textes ou non.
Ainsi, toute clause, dès lors qu’elle sera insérée dans les statuts de la SAS et concernera la
cessibilité des actions bénéficiera de la sanction prévue à l’article L227-15 du Code de
commerce. Cette solution est séduisante. Mais, il sied d’attendre non seulement l’adoption de
l’Avant-projet par le Conseil des Ministres de l’OHADA, mais également le sens que donnera
la CCJA à l’article 853-19 susmentionné.
Vaste dans l’organisation de la répartition du capital et efficacement protégée par l’Avant-
projet, la liberté des fondateurs de la SAS trouvera également à s’exprimer dans l’organisation
du pouvoir, faisant de la future structure un outil très performant de la dissociation du capital et
du pouvoir.
Section 2- L’organisation du pouvoir
L’article 853-3 de l’AUDSCGIE dispose que : « Dans la mesure où elles sont compatibles avec
les dispositions particulières prévues par le présent livre, les règles concernant les sociétés
anonymes, à l’exception des articles 387 alinéa 1 er, 414 à 561, 690, 751 à 753, sont applicables
à la société par actions simplifiée. Pour l’application de ces règles et à défaut de stipulations
statutaires spécifiques, les attributions du conseil d’administration ou de son président sont
exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants

38
que les statuts désignent à cet effet ». Il en résulte que les rédacteurs des statuts de la SAS
disposeront de toute liberté dans la détermination son organisation. En effet, l’Avant-projet
offre aux rédacteurs des statuts une immense liberté dans l’organisation de la direction sociale
(§I). Ainsi, ne sont-ils tenus par le principe de hiérarchie et de spécialité des organes sociaux,
ni par le formalisme des procédures d’information et de décision et ce, d’autant plus que le
législateur annonce une grande souplesse dans l’organisation des décisions collectives (§II).
§I - La liberté dans l’organisation de la direction sociale
Selon l’article 853-7 de l’AUDSCGIE, « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la
société est dirigée ». Le législateur OHADA compte donc opter pour une véritable
déréglementation de l’organisation de la direction sociale.
Néanmoins, une obligation légale incombera aux associés de la SAS, celle relative à l’existence
d’un président. C’est ce qui ressort de l’article 853-8 de l’AUDSCGIE aux termes duquel « La
société est représentée à l’égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues
par les statuts ».
Pour le reste, la direction de la SAS demeurera soumise à la liberté contractuelle. En effet, ce
président pourrait être une personne physique ou morale, ce qui reviendrait à attribuer à une
structure autonome la gestion de la SAS, éventuellement découplée de la détention du capital.
En outre, les statuts pourront prévoir une présidence « tournante » et/ou héréditaire.
Par ailleurs, la désignation du président, figure essentielle de la direction sociale, sera librement
prévue par les statuts. En effet, cette désignation ne relèvera pas de la catégorie des décisions
collectives que définies par l’article 853-11 de l’AUDSCGIE. Si la désignation du président
pourra être du ressort des associés, elle pourra également revenir à l’un seulement d’entre eux,
mais aussi à un comité, voire à un tiers ; ou bien être fixée par les statuts qui auront également
prévu, s’agissant d’un président personne physique, une suppléante.
Quant à la pérennité du Président dans ses fonctions, les statuts seront libres de donner à ce
dernier le degré de stabilité qu’ils désirent. Cela pourra aller de l’instabilité absolue (révocation
ad nutum), à une forte stabilité (dirigeant irrévocable ou nommé dans les statuts), en passant
par divers degrés (révocation soumise à condition, préavis ou indemnité). La stabilité totale
permettra de dissocier le capital du pouvoir de gestion.
Les rédacteurs du pacte social devront alors s’assurer qu’une révocation judiciaire ne puisse
remettre en cause cette irrévocabilité en l’excluant explicitement dans les statuts. De même,
devront-ils prévoir la nullité de toute révocation irrégulière. Ainsi, devront-ils prévoir la nullité
de toute révocation irrégulière. Enfin, les statuts détermineront la durée du mandat, qui pourra
être de la durée de la société si une présidence irrévocable est souhaitée, en particulier
lorsqu’elle sera assurée par une personne morale, la rémunération du président ainsi que ses
obligations.
Pour ce qui est de la rémunération du Président de la SAS, sa fixation sera libre, tant au regard
de l’organe compétent que pour les formes de rémunération.
Concernant les attributions du Président de la SAS, l’Avant-projet distingue classiquement
l’ordre interne et l’ordre externe. Dans l’ordre interne, les attributions du président seront
largement sous l’influence du pacte social. En effet, les clauses limitant les pouvoirs
(autorisation, avis ou informations préalables, notamment) seront parfaitement valables.
39
Malheureusement pour les associés, elles seront inopposables aux tiers. Ainsi que le prévoit
l’article 853-8, alinéa 4, de l’Avant-projet aux termes duquel « les clauses des statuts, les
décisions des organes sociaux limitant les pouvoirs du président, du directeur général ou
directeur général adjoint sont inopposables aux tiers ».
En revanche, dans l’ordre externe, le texte précité attribue au Président un pouvoir général de
représentation de la société auquel les statuts ne pourront porter atteinte, sans pour autant que
ce pouvoir soit attentatoire à l’organisation prévue par les fondateurs dans l’ordre interne. En
effet, le Président de la SAS peut engager la société au-delà de l’objet social. C’est le souci pour
le droit prospectif de protéger les tiers qui justifie cet encadrement des fonctions du Président
de la SAS. Sur ce dernier point, la SAS sera proche de la SA et de la SARL. Cela se comprend
aisément dans la mesure où la SAS sera elle-même une société à risque limité.
L’article 853-3, alinéa 3 de l’AUDSCGIE évoque, à côté du Président, la présence d’un DG ou
d’un DGA dont l’existence est abandonnée à la discrétion des statuts. Le texte précité n’a donc
qu’un caractère facultatif, tous les pouvoirs revenant dans cette hypothèse au seul président. Et,
dans le cas où les associés décideraient de la présence d’un DG ou d’un DGA, le pacte social
aura tout aussi une infinie liberté dans la détermination de leur statut. Ainsi, le DG et le DGA
ne connaitront-ils pas la limitation du nombre de mandats et pourront cumuler leurs fonctions
sociales avec un contrat de travail dès lors qu’ils pourront faire état d’un lien de subordination.
L’essentiel de la direction de la SAS relèvera donc du domaine contractuel. Cette souplesse
aura pour conséquence la dissociation du capital du pouvoir, étant donné que les détenteurs du
capital ne seront pas forcément ceux qui dirigeront la société. Cette dissociation du capital du
pouvoir sera également permise dans les décisions collectives des associés. Le principe de
proportionnalité du droit de vote à la quotité du capital étant en cours d’abandon.
§II - L’organisation des décisions collectives
Par décisions collectives, il convient d’entendre celles qui doivent être prises par la collectivité
des associés. Les fondateurs de la SAS bénéficieront d’une grande liberté dans la détermination
des conditions dans lesquelles seront prises les décisions collectives. Ainsi, les associés de la
SAS ne seront pas tenus par le formalisme des procédures d’information et décisions accrues
au sein de la SA. A cet effet, l’article 853-11, alinéa 1er, de l’AUDSCGIE dispose que : « Les
statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les
formes et conditions qu’ils stipulent ». L’alinéa 2 de ce texte précise : « Toutefois, les
attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés
anonymes, en matière d’augmentation, d’amortissement ou de réduction de capital, de fusion,
de scission, de dissolution, de transformation en une société d’une autre forme, de nomination
de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions
prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés ».
La liberté dans la définition des décisions collectives sera donc bien affirmée. La loi constituera
des points d’appui, sur lesquels viendra s’ancrer une construction contractuelle. Deux voies
opposées sont alors envisageables. En premier lieu, les statuts pourront priver les associés de
toutes les décisions autres que celles que la loi leur attribue expressément, pour les confier à
toutes personnes choisies par les statuts, y compris des tiers. En second lieu, les statuts peuvent
au contraire prévoir un large renforcement de prérogatives des associés, toute liberté leur étant
laissée par ailleurs, tant dans la forme que dans l’organisation de la prise de décision au fond.

40
Sur la forme des décisions collectives, les statuts devront organiser d’une part l’information
préalable des associés et d’autre part les modalités du vote. Si la loi garde le silence quant à
l’information préalable au vote dont doivent bénéficier les associés, il revient aux statuts de la
prévoir. De même, il appartiendra aux statuts de prévoir, hors de toute contrainte tenant à la
tenue d’assemblées générales, les modalités de cette consultation. Ainsi pourrait-elle consister
en un vote en assemblée traditionnel, y compris par les moyens modernes de télécommunication
tels que le vote par correspondance ou la vidéo conférence. Par ailleurs, cette consultation
pourra être écrite, tout comme elle peut consister en des actes signés par les associés. Les statuts
devront prévoir en outre les modes et délais de convocation.
Quant au fond, les statuts seront également compétents pour fixer les règles de quorum et de
majorité. De même, ils pourront déterminer si le vote se fera par tête, par référence aux titres
détenus, ou opteront pour le vote plural. La liberté envisagée par le droit prospectif en matière
de décisions collectives ne fait pas de doute. Cette prédominance clauses statutaires est
d’ailleurs confortée par l’article 853-11 in fine de l’Avant-projet selon lequel « les décisions
prises en violation des stipulations statutaires sont nulles ».
Si l’Avant-projet venait à rentrer en vigueur, les associés de la SAS n’auront quasiment pas
besoin de conclure des pactes extrastatutaires. Le législateur étant prêt à leur donner la
possibilité de les inclure directement dans les statuts. Cette immense liberté envisagée au profit
des associés de la SAS a conduit le Professeur J. HONARAT à parler de la résurgence de la
l’élément contractuel en droit français des sociétés. Le Professeur Y. GUYON affirme, quant à
lui, que la SAS est « îlot de liberté dans un océan de réglementation ».

Chapitre 3

LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE OU SARL

Définie par l’article 309, alinéa 1er, de l’AUSCGIE comme « (…) une société dans laquelle les
associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les
droits sont représentés par des parts sociales », la SARL pluripersonnelle dispose en principe
d’un capital social minimum d’un million (1.000.000) de F CFA. Le capital de la SARL peut
cependant être dérisoire dans la mesure où les législateurs nationaux ont la liberté de fixer un
seuil moins contraignant. En effet, l’article 311, alinéa 1er, de l’AUSCGIE dispose que : « Sauf
dispositions nationales contraires, le capital social doit être d’un million (1.000.000) de francs
CFA au moins. Il est divisé en parts sociales égales dont la valeur nominale ne peut être
inférieure à cinq mille (5.000) francs CFA ». Le Gabon a par exemple fixé, par la Loi n°
013/2016 du 5 septembre 2016 relative à la simplification de la création des sociétés à
responsabilité limité en République gabonaise, le capital minimum des SARL à cent mille
(100.000) F CFA au moins. Ce montant est à l’évidence dérisoire au regard des ressources
importantes à mobiliser pour l’émission de monnaie électronique. Ce qui fait théoriquement de
la SARL une entité moins importante financièrement que la SA, qui doit justifier d’un capital
social de dix millions (10.000.000) de F CFA au moins selon les termes de l’article 387, alinéa
1er, de l’AUDSCGIE. Cela amène surtout à conclure que l’habilitation des SARL à être

41
établissement de monnaie électronique doit être réexaminée par le législateur UEMOA, bien
qu’en pratique certaines SARL pluripersonnelles réalisent d’excellents chiffres d’affaires.

La SARL peut aussi être unipersonnelle, c’est-à-dire constituée par une seule personne
physique ou morale, qui ne peut prétendre au statut d’établissement de monnaie électronique,
alors qu’elle est soumise aux mêmes exigences en termes de capital minimum. Cela peut
s’expliquer par le fait que la SARL unipersonnelle est plus souvent exposée au phénomène de
société dite de façade ou fictive, dont le patrimoine est confondu à celui d’une société civile
immobilière tenue par la même personne : le maître de l’affaire. En cas d’ouverture d’une
procédure collective d’apurement du passif à l’encontre de l’une des sociétés, la procédure est
systématiquement étendue à l’autre pour confusion de patrimoine.

TITRE II :
LES SOCIETES DE PERSONNES

Les sociétés désignées comme des sociétés de personnes sont des structures dans lesquelles il
existe un lien fort entre les associés, on parle d’intuitu personae.
Les sociétés de personnes se distinguent des sociétés de capitaux. Ces dernières sont axées sur
les apports des associés au capital de la société. Dans les sociétés de capitaux, l’identité des
associés n’est pas aussi importante que dans les sociétés de personnes et la responsabilité des
associés est limitée à leur apport.
Comme sociétés de personnes, il faut distinguer la société en nom collectif de la société en
commandite simple.

Chapitre 1
LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF OU SNC

Le fonctionnement de la SNC est dominé par la liberté contractuelle. En effet, les associés en
nom jouissent d’une grande liberté dans l’organisation de la gérance (Section I). De même, les
associés déterminent librement les conditions de transmission des parts sociales (Section II).
Section 1 : L’organisation de la gérance
La gérance de la SNC concerne essentiellement les règles relatives au statut du gérant, son
organe de gestion.
L’AUDSCGIE contient un ensemble de règles assez précises sur le statut du gérant de la SNC,
mais elles sont pour la plupart simplement supplétives. C’est dire que les associés en nom
disposent d’une grande liberté pour organiser la gérance à leur convenance. C’est ce qui ressort

42
de l’article 276, alinéa 1, de l’AUDSCGIE aux termes duquel « Les statuts organisent la
gérance de la société ». C’est surtout vrai pour la désignation et la détermination des pouvoirs
internes du gérant, un peu moins pour ses pouvoirs externes et encore moins pour sa
responsabilité ainsi que sa révocation. C’est la protection des tiers qui justifie cette dose d’ordre
public.
Aussi, la SNC offre une grande souplesse aux associés dans la désignation du gérant. En effet,
les parties au pacte social « peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non,
personnes physiques ou morales, ou en prévoir la désignation dans un acte ultérieur ». Cette
règle n’est pas d’ogre public. C’est dire que les associés décident librement des modalités de
nomination du gérant. Ils peuvent le faire soit à l’unanimité soit à la majorité prévue par les
statuts, si tel est leur volonté. Ils peuvent également le faire dans les statuts ou dans un acte
séparé.
Concernant la personne du gérant, rien n’est imposé aux associés en nom. Dès lors, ils ont le
choix entre désigner une personne physique ou désigner une personne morale. Le gérant peut
être ressortissant ou non des Etats parties au Traité de l’OHADA. De même, le gérant peut être
un associé ou un tiers. Dans le silence des textes, rien n’interdit à un gérant non associé d’être
titulaire d’un contrat de travail sous réserve que les fonctions salariées soient affectives et, qu’il
soit dans un état de subordination à l’égard de la société.
Le caractère supplétif des règles relatives à la désignation du gérant est clairement affirmé par
l’alinéa 3 de l’article 276 précité. En effet, selon ce texte, tous les associés ne sont réputés
gérants qu’en l’absence d’organisation de la gérance par les statuts.
De même, le législateur n’impose aucune contrainte aux associés dans la détermination des
pouvoirs internes du gérant. En effet, c’est seulement dans le silence des statuts que le gérant
fera tous les actes de gestion entrant dans l’intérêt de la société. L’AUSCG donne alors au pacte
social la liberté de fixer les pouvoirs du gérant. Il peut donc être stipulé que le gérant ne pourra
accomplir que certains actes importants ou ne pourra les accomplir qu’avec l’autorisation
préalable des associés. Cette liberté laissée aux associés dans la définition des pouvoirs internes
du gérant parait moins évidente en ce qui concerne les pouvoirs externes de celui-ci.
Force est pourtant de constater que les pouvoirs externes du gérant ne sont pas absolument hors
de portées de la volonté des associés. Si les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants
sont inopposables aux tiers, il reste que le gérant ne peut engager la SNC au-delà des actes
entrant dans l’objet social. C’est dire que les associés déterminent librement l’étendue des
pouvoirs du gérant à l’égard des tiers en même temps qu’ils définissent l’objet social. C’est la
responsabilité indéfinie et solidaire qu’encourent les associés en nom qui justifie cette règle.
Les associés doivent donc veiller particulièrement à la détermination de l’objet social dans les
statuts. Une formule vague pour fixer l’objet peut se révéler catastrophique pour les associés en
nom. De plus, si le gérant outrepasse les clauses limitatives de ses pouvoirs externes, sa
responsabilité civile peut être engagée en cas de préjudice causé aux associés. Il s’ensuit que
l’analyse traditionnelle selon laquelle le gérant est un mandataire social peut, en certaines
circonstances, être maintenue.
La seule disposition de l’AUSCG consacrée à la rémunération du gérant est l’article 278. Selon
ce texte, la rémunération est fixée à la majorité en nombre et en capital des associés. Les
associés peuvent cependant écarter cette règle. En effet, ils peuvent prévoir une majorité

43
différente soit dans les statuts soit dans une délibération ultérieure. D’ailleurs, l’expression
« sauf clause contraire des statuts ou d’une délibération » utilisée par le texte précité montre
que la règle n’est pas d’ordre public.
Le silence observé en ce qui concerne les modes d’attribution de la rémunération signifie que
les rédacteurs de l’AUSCG entendent laisser une totale liberté aux associés en nom sur ce point.
Ils peuvent donc opter pour une rémunération fixe et indépendante des résultats de
l’exploitation, pour une rémunération calculée sur la base du chiffre d’affaires ou des bénéfices
réalisés ou pour une rémunération fixe à laquelle s’ajouterait une fraction des bénéfices.
Il ressort de ce qui précède que la gestion de la SNC est un espace important de la liberté
contractuelle en droit uniforme africain. Mais, cette souplesse trouve d’autres domaines
d’élection dans le fonctionnement de cette forme sociale. Ainsi, en est-il de la transmission des
parts sociales. Sauf que, dans ce cas, c’est la prise en compte de l’intuitus personae qui justifie
les libertés individuelles.
Section II- La transmission des parts sociales
Le fonctionnement de la SNC est marqué par la considération de la personne de l’associé aussi
bien en matière de cession qu’en ce qui concerne la transmission des parts sociales. Cependant,
l’AUDSCGIE établit une différence entre ces deux notions. En effet, le législateur
communautaire soumet la cession des parts sociales à la règle de l’unanimité. Il s’agit d’une
règle d’ordre public qui ne peut être écartée par les parties au pacte social : c’est l’agrément
légal. La SNC est donc une société fermée aux tiers. De plus, la cession des parts sociales
intervient uniquement dans le fonctionnement courant de la société.
Or, l’AUDSCGIE n’a recours à la notion de transmission des parts sociales qu’en cas
d’évènement grave affectant la vie de l’associé et partant, le fonctionnement de la SCN. En ce
sens, tout changement dans la condition juridique de l’associé doit être considéré. Il en est ainsi
du décès d’un associé, d’un jugement de liquidation de biens contre un associé, de la faillite
frappant un associé, ou de l’incapacité ou de l’interdiction qui l’atteindrait. Lorsque ces
évènements se produisent, la société est en principe dissoute. Mais, pour tenir compte de la vie
des affaires, le législateur permet aux associés d’éviter de telles causes de dissolution.
Aussi, l’AUSCG donne aux associés la possibilité d’introduire, dans les statuts, des clauses de
continuation de la société, soit entre associés survivants, soit entre ces derniers et les héritiers
de l’associé décédé, avec ou sans agrément des associés survivants. Ces clauses de continuation
sont prévues par l’article 290, alinéa 1, de l’Acte uniforme. L’agrément prévu dans les statuts
peut concerner tous les héritiers ou seulement certains d’entre eux.
Par ailleurs, la SNC est également dissoute en cas de liquidation des biens ou de faillite
personnelle d’un associé. Mais là aussi, les associés peuvent prévoir une clause de continuation.
En l’absence d’une telle stipulation, les parties au pacte social peuvent décider de la
continuation à l’unanimité. En cas de continuation, l’associé déchu quitte la société. Il aura droit
au remboursement de ses droits sociaux dont la valeur sera déterminée conformément aux
dispositions de l’article 59 de l’AUSCG.
Cette liberté laissée aux associés en nom par le législateur est également présente dans les autres
sociétés de personnes que sont la SCS et la Société en participation, mais avec une proportion
moins importante. La liberté contractuelle est encore moins importante (voire quasi-inexistante)

44
dans les sociétés à risque limité, notamment dans la SA. Toutefois, l’infiltration de cette
dernière par des techniques contractuelles tend à relativiser cette assertion.

Chapitre 2

LA SOCIETE EN COMMANDITE SIMPLE

Il résulte de l’article 293 de l’AUSCGIE que la société en commandite simple est la société qui
comporte deux types d’associés, les uns dénommés « associés commandités » et les autres
dénommées « associés commanditaires » ou « associés en commandite », et dont le capital est
divisé en parts sociales.
C’est la coexistence de deux types d’associés qui fait la particularité de la société en
commandite, cette forme société caractérisée par la volonté « de faire partager le risque et les
profits de l’entreprise, de façon différenciée entre des partenaires-gestionnaires qui engagent la
totalité de leurs biens personnels, leur nom et leur réputation et des bailleurs de fonds anonymes,
intéressés mais relativement impuissants à influer sur la gestion des affaires sociales communes.
Le caractère composite de la commandite constitue un avantage considérable par rapport à la
société en nom collectif, l’autre type de société de personnes consacré par le droit OHADA ; il
permet en effet, non seulement, d’avoir comme associés dans la même structure, « des mineurs
et des époux, des commerçants et des non-commerçants », mais aussi de réaliser l’alliance des
investisseurs et des entrepreneurs.
C’est certainement cette possibilité de mettre ensemble les épargnants et les entrepreneurs qui
fait encore, sous d’autres cieux, l’attrait de cette forme de sociétés qui, même si à un moment
donné, s’est trouvé dans un état qualifié de comateux, a connu un véritable renouveau.
Section 1 : La constitution de la société en commandite simple
Les règles de constitution sont composées des conditions de fond (§1), d’une part, et des
conditions de forme (§2), d’autre part.
§1- Les conditions de fond
Elles sont relatives aux associés, au capital et à l’objet social.
A- Les associés
Le nombre, le consentement et la capacité des associés seront examinés.
1- Le nombre d’associés
La forme unipersonnelle n’est pas admise lorsqu’il s’agit de société en commandite simple. En
raison de la nécessaire coexistence des deux catégories d’associés, la création d’une société en
commandite simple ne peut être le résultat d’une manifestation unilatérale de volonté.
Il ne suffit pas qu’il y ait plusieurs associés. Il faut aussi qu’il y ait au moins un associé dans
chaque catégorie.

45
Deux époux peuvent être simultanément, seuls ou avec d’autres personnes, membres d’une
société en commandite simple, à la condition de ne pas être tous les deux commandités. La
participation simultanée des époux est autorisée dès lors que l’un d’eux est commanditaire.
2- Le consentement des associés
Il doit y avoir échange de consentements ; en raison du caractère formaliste de l’acte de société,
cet échange résulte de la signature de l’acte de société.
Le consentement ne doit pas être vicié. Dans les sociétés de personnes, les vices de
consentement, à la différence de ce qui se passe dans les sociétés à risque limité, sont des causes
de nullité de l’acte de société. Les vices de consentement les plus courants sont l’erreur et le
dol ; ils se présentent rarement sous la forme de violence.
3- La capacité
Il faut tenir compte de la dualité des catégories d’associés, les règles applicables n’étant pas les
mêmes.
Les commandités sont, rappelons-le, dans la même situation que les associés en nom. Ils ont
donc, du seul fait de leur entrée dans la société, la qualité de commerçant et doivent, en tant que
tels, remplir les conditions d’accès à la profession commerciale. Pour cette raison, ils doivent
avoir la capacité nécessaire pour faire le commerce. Par ailleurs, ils ne doivent pas être frappés
d’interdiction ou de déchéance.
Le statut de commandité est incompatible avec l’exercice de certaines professions, notamment
celle qui sont visées par l’article 9 de l’AUDCG, à savoir :
- Agent de collectivités publiques ou des entreprises publiques ;
- Auxiliaires de justice (avocat, huissier de justice, notaires) ;
- Professions comptables ;
- Professions dont le cumul avec l’exercice d’une activité commerciale est interdit par un
texte spécial.
Les commanditaires n’ont pas la qualité de commerçant. Ils sont en conséquence soumis à des
règles moins contraignantes. Ils ne sont pas tenus de remplir les conditions nécessaires pour
faire le commerce. Rien ne s’oppose donc à ce qu’un incapable entre, même au moment de la
constitution, dans une société en commandite. Cette hypothèse est d’ailleurs expressément
prévue par l’article 290 de l’AUDSCGIE qui règle les conséquences du décès d’un membre
d’une société en nom collectif dont les statuts comportent une clause de continuation avec les
héritiers, il y a un ou plusieurs mineurs non émancipés cette société devra, dans le délai d’un
an, être transformée en société en commandite simple dans laquelle ces mineurs seront
commanditaires.
B- Le capital social
Autant la réglementation est abondante en matière de capital social des sociétés à risque limité,
autant elle est discrète pour ce qui concerne les sociétés de personnes.
Aucun minimum n’est exigé pour le capital de la société en commandite, comme d’ailleurs pour
celui de la société en nom collectif. Cette souplesse s’explique par la règle de la responsabilité

46
solidaire et indéfinie des commandités qui constitue une sérieuse garantie pour les créanciers
sociaux.
Le capital social, qui peut être purement symbolique, est divisé en parts sociales qui peuvent
également être symboliques puisqu’aucun minimum n’est exigé. Les parts sont émises en
rémunération des apports effectués par les associés.
C- L’objet social
Défini comme la nature et le domaine de l’activité de la société, l’objet social joue un rôle
capital en matière de sociétés commerciales. L’objet social conditionne à certains égards
l’existence de la société. En effet, si l’objet social est illicite, la nullité de l’acte de société est
encourue. En tout état de cause, les associés doivent faire figurer l’objet social dans les statuts.

§2- Les formalités constitutives


Elles concernent l’établissement des statuts et les mesures de publicité.
A- L’établissement des statuts
L’expression de la volonté doit être constatée par la rédaction d’un écrit dénommé statuts ou
contrat de société. On retrouve ici les règles applicables à toutes les sociétés notamment en ce
qui concerne le mode d’établissement des statuts et les mentions qui doivent y figurer ; ces
règles sont parfois complétées par des dispositions propres.
B- Les mesures de publicité
Il faut porter la création de la société à la connaissance des tiers. C’est ce qui explique l’intérêt
que le législateur attache aux mesures de publicité destinées à assurer cette information.
D’ailleurs, la société ne peut véritablement accéder à la vie juridique qu’après
l’accomplissement de l’une de ces mesures, à savoir l’immatriculation au registre du commerce
et du crédit mobilier.
Lorsque la société est constituée, les dirigeants doivent, dans le mois, requérir l’immatriculation
au registre du commerce et du crédit mobilier (article 27, alinéa 1er, de l’AUDCG).
La formalité de l’immatriculation est suivie d’une publicité sous forme d’insertion d’un avis
dans un journal habilité à recevoir des annonces légales dans l’Etat partie du siège social.
Section 2 : Le fonctionnement
Il faut étudier la situation des gérants et celle des associés. L’AUDSGIE n’impose pas la
désignation d’un commissaire aux comptes dans la SCS. Il n’est d’ailleurs fait référence aux
commissaires aux comptes que de manière incidente à propos des documents qui doivent être
fournis par les dirigeants avant l’assemblée générale annuelle. L’article 306, alinéa 2, de
l’AUDSCGIE prévoit que les documents comptables, le texte des résolutions proposées ainsi
que, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes sont communiqués aux associés au
moins quinze jours avant la tenue de ladite assemblée.
§1- La gérance
Evoquons le statut (A) et les pouvoirs du gérant (B).

47
A- Le statut du gérant
Désigné pour représenter la société, les fonctions du gérant finiront bien par prendre fin.
1- La nomination du gérant
La société en commandite simple et, sauf stipulation contraire, gérée par tous les associés
commandités. Mais la situation la plus courante correspond à celle où les associés, comme les
y autorise l’article 128 de l’AUDSCGIE, désignent un ou plusieurs gérants, parmi les associés
commandités, ou prévoient les modalités de leur désignation par un acte ultérieur, dans les
mêmes conditions que dans une société en nom collectif. Ce renvoi aux dispositions de la
société en nom collectif signifie qu’en l’absence de désignation dans les statuts, les gérants sont
nommés aux conditions de majorité fixées par les statuts ou, à défaut, à l’unanimité.
Compte tenu de la rédaction de l’article 298 de l’AUDSCGIE, il semble que le choix ne puisse
porter que sur les commandités. Dans tous les cas, l’exclusion des commanditaires de la
catégorie de ceux qui peuvent être nommés gérants résulte clairement de l’article 299 de
l’AUDSCGIE. Ce texte prévoit que les associés commanditaires ne peuvent faire aucun acte de
gestion externe, même en vertu d’une procuration. Cette règle traditionnellement dénommée
« défense d’immixtion du commanditaire » repose sur deux idées :
- Il faut préserver « l’indépendance des commandités qui répondent seuls sur leurs biens
personnels du passif social et qui doivent conserver le pouvoir d’agir ;
- Il faut par ailleurs « protéger les tiers qui pourraient se méprendre sur la position du
commanditaire et qui, traitant avec lui, pourraient croire être en présence d’un obligé au
passif social.
La sanction de la violation de la règle de la défense d’immixtion est prévue par l’article 300 de
l’AUDSCGIE. Il résulte de l’alinéa 1er de ce texte que si les commanditaires accomplissent un
acte de gestion en violation de cette règle, ils sont obligés indéfiniment et solidairement avec
les associés commandités pour les dettes et engagements de la société qui résultent de l’acte de
gestion qu’ils ont posé.
2- La fin des fonctions
L’AUDSCGIE ne comporte aucune disposition relative à la fin des fonctions des gérants des
sociétés en commandite simple. Même l’article 298 qui renvoie aux dispositions régissant le
statut des gérants des sociétés en nom collectif ne déclare applicables aux gérants de la société
en commandite simple que les règles relatives à la nomination et aux pouvoirs des gérants.
B- Les pouvoirs du gérant
Les gérants des sociétés en commandite simple, comme tous les dirigeants sociaux, ont les
pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la personne morale conformément aux
dispositions des articles 121 à 123 de l’AUDSCGIE qu’il faut combiner avec l’article 277 du
même Acte uniforme consacré à la société en nom collectif mais déclaré applicable à la société
en commandite simple.
§2- Les obligations des associés
L’associé de la société en commandite simple est tenu du passif social et des pertes.
A- L’obligation de répondre des dettes sociales
48
C’est à ce niveau qu’apparaît véritablement la différence de statut entre commandités et
commanditaires.
Les premiers sont dans la même situation que les associés en nom, puisqu’ils sont tenus
indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Ils peuvent donc être poursuivis par les
créanciers toutes les fois que la société ne veut pas ou ne peut pas payer. Même si les
dispositions de l’AUDSCGIE consacrées à la société en commandite simple ne renvoient pas,
en la matière, aux règles sur les sociétés en nom collectif, on doit considérer que les
commandités ne peuvent être poursuivis qu’après une mise en demeure restée infructueuse.
Lorsque les conditions prévues pour les poursuites sont réunies, les commandités qui en font
l’objet sont tenus sur l’ensemble de leurs biens saisissables.
Les seconds sont tenus des dettes sociales dans la limite de leurs apports. Il existe cependant
des cas dans lesquels le commanditaire est tenu, solidairement avec les commandités, sur
l’ensemble de ses biens personnels. Ainsi, lorsque les circonstances de son immixtion dans la
gestion des affaires lui donnent les apparences d’un véritable gérant, il est soumis à la règle de
la responsabilité solidaire et indéfinie (Rappelons que selon l’article 300, al 1er, de
l’AUDSCGIE, en cas de contravention à la prohibition de l’immixtion dans la gestion, l’associé
ou les associés commanditaires sont obligés indéfiniment et solidairement avec les associés
commandités pour les dettes et engagements de la société qui dérivent des actes de gestion
qu’ils ont faits).
De même, lorsque le nom d’un commanditaire est incorporé dans la dénomination sociale, il
répond indéfiniment et solidairement avec les commandités des dettes sociales.
B- La contribution aux pertes
Les associés créent la société pour rechercher des bénéfices destinés à être partagés. Mais il
arrive parfois que l’exploitation sociale débouche sur des pertes. Dans ce cas, tous les associés,
qu’ils soient commandités ou commanditaires, doivent contribuer à ces pertes. La part
contributive de chacun dépend, non pas de sa qualité, mais de la qualité du capital détenue, à
moins que les statuts écartent la règle de la proportionnalité.

49

Vous aimerez peut-être aussi