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Licence 3 Gestion et Economie Appliquée

ECONOMIE DE LA CROISSANCE
En s'appuyant sur les programmes antérieurs, on s'interrogera sur l'intérêt et les limites du
PIB comme mesure de l'activité économique. On montrera que le PIB ne reflète pas l'évolution
du niveau de vie des populations et qu'il convient de se référer à d'autres indicateurs. L'étude
de séries longues permettra de procéder à des comparaisons internationales. À partir d'une
présentation simple de la fonction de production, on exposera la manière dont la théorie
économique analyse le processus de croissance. On fera le lien entre la productivité globale
des facteurs et le progrès technique. On introduira également la notion de croissance endogène
en montrant que l'accumulation du capital, sous ses différentes formes (physique,
technologique et immatériel, humain et public) participe à l'entretien de la croissance. On
soulignera que la croissance économique, loin d'être harmonieuse et continue, est le plus
souvent la résultante d'un processus de destruction créatrice. En liaison avec l'innovation, on
mettra également l'accent sur le rôle des institutions et des droits de propriété.

Chargé de Cours :

Dr Ulrich KAMWA, PHD Economie Appliquée ;


Enseignant-chercheur des Universités ;
Consultant et Analyste économique auprès des Institutions Internationales
BEAC, CEEAC, Banque Mondiale.

1
Introduction
La croissance économique n’est pas régulière. A une période d’expansion, succède une période
de récession voire même de dépression comme lors de la crise de 1929. Ces fluctuations
semblent être une caractéristique fondamentale de la croissance économique. Les cycles
économiques ont été observés par les économistes depuis le XIX° siècle. En effet, durant ces
20 dernières années, les crises se sont succédées et, en 2008, les Etats Unis et sur tout la zone
euro sont entrés en récession à cause de la crise des « subprimes ». Les crises financières,
bancaires, économiques, et la crise de la dette souveraine, conséquences de la pandémie
COVID-19, menacent aujourd’hui de plonger le monde, dans la dépression. On peut donc
s’interroger sur les causes des variations du rythme de la croissance. Certains mettent en avant
le rôle des chocs, c’est-à-dire des modifications imprévues, positives ou négatives, qui
s’exercent sur la demande. Quel est l’impact de la croissance des pays développés sur la hausse
des exportations des pays en développement ? Quel est l’impact de la hausse des prix du pétrole
sur la demande globale ?...
D’autres mettent l’accent sur le rôle des chocs d’offre. Quels sont les effets des innovations sur
la hausse ou la baisse de la croissance ? Une baisse des coûts salariaux unitaires peut-elle
provoquer un choc de compétitivité et augmenter la croissance potentielle d’un pays ? Une
hausse des coûts énergétiques peut-elle compromettre, temporairement ou durablement, la
croissance ?
D’autres, enfin, souligne le rôle des cycles du crédit dans une économie qui s’est largement
financiarisée. L’expansion du crédit bancaire et des liquidités est-elle favorable à la croissance
? Ne risque-telle pas de provoquer une hausse excessive des prix et des bulles financières et
immobilières ? A contrario, un rationnement du crédit ne conduit-il pas à une baisse excessive
de la production qui engendre chômage, baisse des salaires réels et déflation ?
Après avoir mis en évidence les fluctuations et les crises, nous essaierons de les expliquer puis
nous nous interrogerons sur les politiques économiques de lutte contre l’instabilité et sur leur
efficacité, notamment dans la zone BEAC.
A cet effet, ce cours s’articulera autour de trois principales leçons :
Leçon 1 : Quelles sont les sources de la croissance économique ?
Leçon 2 : Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
Leçon 3 : Le rôle des politiques macroéconomiques dans la gestion des fluctuations
conjoncturelles.

Leçon 1 : Quelles sont les sources de la croissance économique ?

On soulignera que la croissance économique, loin d'être harmonieuse et continue, est le plus
souvent la résultante d'un processus de destruction créatrice. L'observation des fluctuations
économiques permettra de mettre l'accent sur la variabilité de la croissance et sur l'existence
de périodes de crise. On présentera les idées directrices des principaux schémas explicatifs
des fluctuations (chocs d'offre et de demande, cycle du crédit), en insistant notamment sur les
liens avec la demande globale. En faisant référence au prérequis, on rappellera le rôle des
politiques macro-économiques (nationales et régionales) dans la gestion des fluctuations

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conjoncturelles. On analysera les mécanismes cumulatifs susceptibles d'engendrer déflation
et dépression économique et leurs conséquences sur le chômage de masse. »
Notions obligatoires : Fluctuations économiques, crise économique, désinflation, croissance
potentielle, dépression, déflation.

1.1 Régulations et déséquilibres macroéconomiques


Dans une économie, on peut craindre trois déséquilibres macroéconomiques majeurs : le
chômage, l'inflation et le déséquilibre extérieur.
Un déséquilibre, au sens physique du terme, est une situation instable, à l'inverse d'un
équilibre, qui par le jeu de forces contraires, peut avoir une certaine pérennité dans le temps.
En économie, un déséquilibre est une situation non souhaitable, notamment car elle signifie
un décalage, un désaccord entre les parties à l'échange. Si l'on se situe au niveau
macroéconomique, cela implique que cet état problématique est global, pour un pays, une
région, un groupe de pays. On peut citer notamment trois déséquilibres majeurs : Le chômage,
l'inflation, le déséquilibre extérieur. Le carré « magique » de l'économiste Nicholas Kaldor
identifie d'ailleurs à l'aide de ces mêmes grandeurs une croissance économique équilibrée ou
souhaitable : Celle-ci (un sommet du carré) doit être compatible avec une inflation faible ou
une stabilité des prix, le plein emploi, l'équilibre extérieur (les trois autres sommets du carré,
dit « magique »). Le chômage correspond à un décalage entre la quantité d'emplois offerte ou
force de travail demandée et la quantité d'emplois demandée ou force de travail offerte sur le
marché du travail. L'inflation ou hausse continue, cumulative, du niveau général des prix,
résulte d'un excès de la quantité de monnaie offerte par les autorités monétaires par rapport à
la quantité demandée de liquidités par les agents économiques sur le marché de la monnaie.
Dans une telle situation, la monnaie se déprécie, il en faut donc davantage pour acquérir le
même bien ou service : le prix de ce dernier s'accroît. Enfin, le déséquilibre extérieur est la
différence entre les biens et services achetés et vendus par les résidents d'un Etat. Un déficit
survient lorsque les résidents achètent plus à l'étranger qu'ils ne vendent. La situation inverse
est appelée excédent.
Cependant, la mesure du niveau de ces déséquilibres pose des difficultés spécifiques, il est
donc nécessaire d'adopter au niveau national comme international des conventions.
Il peut sembler simple de mesurer la différence entre offre et demande de travail. Dans les
faits, de nombreuses situations ambivalentes entre emploi, inactivité et chômage rendent
délicat, source de débat, ce calcul. Les économistes parlent d'ailleurs de « halo du chômage ».
Il est alors nécessaire d'établir des conventions statistiques, au plan national comme
international. En France, L'INSEE grâce à son « enquête emploi » propose une mesure du
chômage conforme à celle du BIT (Bureau international du travail). En effet, le pôle emploi
publie chaque mois un indicateur alternatif totalisant les demandeurs d'emplois inscrits auprès
de lui. D'autres organismes établissent des statistiques dans le but de mieux rendre compte de
l'ampleur du sous-emploi ou du « mal-emploi ».
La hausse des prix est habituellement mesurée en France par l'INSEE, qui calcule à partir
d'un panier de biens et services type un indice synthétique, pondéré, des prix à la

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consommation (IPC, indice des prix à la consommation). Il existe une version harmonisée au
niveau européen de cet indice (IPCH : indice des prix à la consommation harmonisé). Le débat
est important autour des choix effectués par l'INSEE : Quel panier de biens considérer ? Faut-
il le faire évoluer souvent, alors au détriment de la comparabilité des indices dans le temps ?
Faut-il en envisager plusieurs en fonction des types de ménages ? Faut-il intégrer d'autres
dépenses contraintes ressortant de l'investissement ? TAF. Construire un tableau présentant
l’évolution du niveau général des prix au GABON de 2009 à ce jour.
Le déséquilibre extérieur d'un pays est généralement mesuré par le solde de sa balance
courante. La balance courante intègre entrées et sorties de biens, de services, de revenus et
de transferts entre un pays et les autres. La partie « biens » de ce compte est appelée balance
commerciale. La balance courante s'intègre dans la balance des paiements.
Ces trois déséquilibres sont liés entre eux, d'abord sur le plan interne, ensuite sur le plan
externe.
En effet, une faiblesse du chômage, ou situation proche du plein emploi est une contrainte
pour les producteurs souhaitant servir la demande. Cette situation peut engendrer de l'inflation
par deux voies : les salaires souhaités par les employés potentiels peuvent être plus élevés
(inflation par les coûts), les producteurs peuvent choisir d'augmenter les prix dans la difficulté
de répondre à la demande en quantité. A l'inverse, un chômage élevé peut donner lieu à une
stabilité ou une baisse des salaires propice à l'absence d'inflation, voir à la déflation.
Au niveau international, l'équilibre macroéconomique entre emplois et ressources d'un pays,
résumé de façon simple par l'égalité Y+M=C+I+G+X+variation des stocks peut fournir une
première piste de réflexion : Cette équation peut se lire comme suit : les ressources en biens
et services proviennent de la production locale (Y) ou externe (M). L'autre côté de l'équation
correspond à l'emploi de ces biens et services, la demande globale. Les biens et services sont
rapidement usés ou détruits (consommation C), servent à transformer d'autres biens et services
(Investissement I) ou sont stockés. L'Etat (dépenses publiques G) ou les agents économiques
non résidents (exportations X) peuvent aussi utiliser ces ressources. In fine, cette relation est
toujours vérifiée, car une ressource est toujours utilisée d'une manière ou d'une autre, de même
qu'un emploi correspond forcément à une ressource produite un jour. Cette égalité comptable
peut nous montrer que déséquilibres internes et externes se répondent. En effet, l'insuffisance
des ressources internes (Y) du fait d'une demande interne importante de biens et services (C,
I ou G élevés) ou d'une demande externe forte (X), sans que celle-ci soit comblée par un stock
préalable, devra être satisfaite par l'importation de biens et services (M). Il en découlera un
déficit extérieur. A l'inverse, un emploi faible de ressources au niveau interne (faibles
consommation (C) ou investissement intérieurs (I) par exemple) pourra combler une demande
externe forte (X), si la production interne (Y) est suffisante. Il en découlera alors un excédent
extérieur. Ainsi les conjonctures des pays partenaires commerciaux sont liées : le dynamisme
de la demande d'un pays peut avoir un effet favorable sur ses fournisseurs. Par conséquent, les
politiques conjoncturelles d'un pays ont un impact sur les pays partenaires (on parle également
de contrainte extérieure). Ce constat peut être vu comme un encouragement à mener des
politiques communes, aux effets cumulatifs positifs, en particulier pour les pays de la
CEMAC, étroitement interdépendants. Sur le plan dynamique enfin, ces déséquilibres sont

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liés. Par exemple, si la production de ressources au niveau interne (croissance économique)
augmente moins que la demande, le pays devra tôt ou tard faire appel à la production étrangère,
ce qui conduira à un déséquilibre extérieur. Cette faible croissance de la production donnera
sans doute également lieu à du chômage, et donc à des déséquilibres internes.

1.2 Croissance potentielle et chocs

L’analyse récente des fluctuations économiques repose de plus en plus sur l’étude des
différences entre la croissance effective (celle qui est mesurée au cours d’une période donnée)
et la croissance potentielle. La croissance économique potentielle est évaluée par le taux de
croissance du PIB potentiel, c’est-à-dire du PIB maximal qui pourrait être réalisé grâce à la
pleine utilisation des facteurs de production disponibles. Le PIB potentiel est donc une
évaluation de la production maximale qu’il serait possible de réaliser sans tension
inflationniste ; c’est une mesure des capacités d’offre de l’économie. Lorsque la croissance
effective est supérieure à la croissance potentielle, cela conduit à des tensions inflationnistes
(on parle de « surchauffe ») ; lorsque la croissance effective est inférieure à la croissance
potentielle, on assiste à une montée du chômage. L’écart (« gap » en anglais) entre croissance
effective et croissance potentielle permet donc d’appréhender l’instabilité de la croissance.
Face à une situation où la croissance est insuffisante pour assurer le plein emploi, il convient
de déterminer si cela résulte d’une croissance effective inférieure à la croissance potentielle (ce
qui relève de la politique économique conjoncturelle) ou d’une croissance potentielle
insuffisante (ce qui relève d’une politique économique structurelle).

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APPLICATION 1 : les sources de la croissance économique

Document 1 - Pourquoi étudier la croissance économique ?

La croissance économique est généralement mesurée par le taux d’accroissement annuel du


produit intérieur brut (PIB) d’un pays. Pourquoi quelqu’un devrait-il s’intéresser à cette
statistique aride au lieu de s’intéresser à des indicateurs plus explicites comme des indicateurs
de bien-être, de consommation ou de bonheur ? L’argument le plus convaincant est peut-être
que le bien-être matériel de milliards de gens est principalement déterminé par la croissance
économique. Dans les pays économiquement avancés, la croissance économique a permis,
depuis la révolution industrielle, à presque toute la population de vivre selon un style de vie
qui était celui d’une poignée de quelques privilégiés il y a une centaine d’années, lorsque le
PIB/tête ne représentait alors qu’une faible part de ce qu’il est aujourd’hui. En effet, la
croissance de certains secteurs de l’économie, en particulier les secteurs médicaux et
pharmaceutiques, a permis à presque tout le monde de vivre une vie plus longue et en
meilleure santé que n’importe quel individu au XIXème siècle, et ce peu importe la position
qu’il occupait dans l’échelle économique. Au contraire, le manque de croissance économique
dans les pays les plus pauvres du monde implique que les conditions de vie pour des centaines
de millions de personnes sont épouvantables comparées aux niveaux de vie des pays riches.
En effet, les niveaux de revenu par tête dans plusieurs pays au XXIème siècle sont beaucoup
plus faibles qu’ils ne l’étaient au XIXème siècle en Europe. Afin de comprendre pourquoi la
race humaine est devenue tellement plus riche et pourquoi notre richesse est si inéquitablement
partagée parmi les habitants du monde, nous avons besoin de comprendre ce qui détermine la
croissance économique.
Philippe Aghion, Peter Howitt, L’économie de la croissance, Economica, 2010.
1) Pourquoi doit-on distinguer la croissance économique du progrès du bien-être de la
population ?
2) Expliquez la phrase soulignée dans le texte.

Document 2 - Les quatre roues de la croissance économique

Quelle est l’origine de la croissance ? D’abord, tous les pays n’ont pas suivi le même chemin.
La Grande Bretagne, par exemple, était devenue le leader mondial dans les années 1800 grâce
à la révolution industrielle, en inventant des machines à vapeur et le chemin de fer, et en
développant le libre-échange. Le Japon, au contraire, vint plus tard à la course à la croissance
économique. Il fit ses classes en commençant par limiter les technologies étrangères et en
protégeant les industries locales des importations, puis en développant une formidable
compétence en fabrication et en électronique. Bien que les chemins spécifiques puissent
différer, tous les pays à croissance rapide partagent certains traits communs. Le même
processus fondamental de croissance économique et de développement qui a permis de former
la Grande Bretagne et le Japon est à l’œuvre aujourd’hui dans des pays autrefois émergents
comme l’Inde et la Chine. Par conséquent, les économistes qui ont étudié la croissance ont
trouvé que le moteur du progrès économique repose sur les quatre mêmes roues, quelle que
soit la richesse ou la pauvreté du pays. Ces quatre roues, ou facteur de croissance, sont :
- Les ressources humaines (offre de travail, éducation, discipline, motivation) ;
- Les ressources naturelles (terre, ressources minières, pétrole, qualité de l’environnement) ;
- La formation du capital (machines, usines, routes) ;

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- La technologie (science, technique de l’ingénieur, gestion, esprit d’entreprise).

1) Quelles sont les différentes sources de croissance identifiées par l'auteur ?


2) Quel acteur peut également contribuer à la croissance à long terme ?

Document 3 - Les facteurs de croissance sur longue période

La croissance économique est l’augmentation de la production qui, entièrement distribuée


sous forme de revenus, permettra d’améliorer le niveau de vie des habitants d’un pays. A court
terme (de quelques mois à quelques années), la croissance économique peut être influencée
par les politiques conjoncturelles de régulation. Mais à long terme (au-delà de quelques
années), la croissance apparaît peu dépendante de la politique conjoncturelle. Les éléments
qui influencent la croissance sur le long terme peuvent être donnés en décrivant la fonction de
production d’une entreprise : Production = F (travail, capital). Cette équation signifie que la
production d’une entreprise est obtenue en combinant du travail (les salariés) et du capital (les
machines, les matières premières…) dans une proportion donnée par l’état de la technologie.
Une entreprise peut donc augmenter sa production en embauchant davantage de salariés, en
achetant davantage de machines ou de matières premières, ou en faisant appel à des
technologies plus élaborées. Cette même fonction de production s’applique à l’échelle du pays.
L’ampleur des augmentations de production (c’est-à-dire le niveau de la croissance
économique) dépendra alors :

- du rythme d’augmentation de la population active et du volume de travail de chacun. Le


premier est surtout fonction du dynamisme démographique mais aussi des taux d’activité, de
la durée des études, de l’âge de cessation d’activité et des flux migratoires ; le second des
dispositions et incitations relatives au temps de travail.

- du rythme d’augmentation du stock de capital, qui dépend à son tour de la disponibilité des
moyens de financement. Ceux-ci sont fonction de l’accumulation d’une épargne par les agents
économiques du pays et de la mise à disposition par les étrangers de leur propre épargne.

- du degré d’innovation de l’économie, qui a pour nom le progrès technique. Ce dernier permet
une amélioration de l’efficacité générale de l’économie, mesurée par la productivité globale
des facteurs (efficacité combinée du travail et du capital). Ainsi il y a trois sources de
croissance sur longue période : la croissance démographique, l’accumulation d’épargne et le
progrès technique. Des études montrent que ce dernier élément explique à lui seul plus de 50%
de la croissance économique des pays développés à long terme. C’est par ces trois mêmes
facteurs que l’extraordinaire croissance des pays du Sud-Est asiatique ces trente dernières
années a été expliquée : explosion démographique, forte propension à épargner des ménages,
arrivée massive de capitaux extérieurs et capacité à valoriser les innovations industrielles des
autres pays.
Pascal Monier, Economie générale, 5ème édition, éditions, 2009
1) Récapitulez dans un tableau les facteurs qui favorisent la croissance à court terme et à long
terme.

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Document 4- La croissance : une pluralité de sources

Nous avons bien décrit la croissance, mais sans répondre à une question importante : quelles
sont donc les sources de la croissance ? Les principaux déterminants sont les suivants :
- Les ressources naturelles : elles sont bien entendu indispensables même si l’analyse
économique les a longtemps oubliées lorsqu’elle bâtissait des théories.
- Le progrès technique : on pense bien entendu à la machine à vapeur ou à l’électricité qui
furent des technologies motrices de la Révolution industrielle.
- L’accumulation de capital fixe : c’est aussi une condition sine qua non pour assurer une
croissance durable, les machines et les équipements permettent en effet des gains de
productivité et donc une croissance soutenue.
- L’accumulation de capital humain : les connaissances et le savoir-faire permettent eux aussi
des gains de productivité et donc de la croissance. Le capital humain a fait l’objet d’une étude
approfondie par Gary Becker, ce qui lui valut le Prix Nobel d’économie en 1992. De nos jours,
le modèle de croissance endogène de Robert Barro s’appuie spécifiquement sur ce critère pour
expliquer que les pays qui disposent d’un stock initial élevé de capital humain convergent plus
rapidement que les autres vers leur sentier de croissance économique. Mais de nombreux
autres facteurs peuvent influencer la croissance économique. On peut citer par exemple la
mondialisation, les économies d’échelle, les dotations en ressources naturelles, les institutions.
On obtient ainsi de nombreuses théories de la croissance selon les facteurs et les combinaisons
que l’on considère comme étant à l’origine de ce phénomène.
Raphaël Didier, Les grands mécanismes de l’économie en clair, Ellipses, 2011.
1) Réalisez un schéma pour synthétiser tous les facteurs de croissance inclus dans le texte.

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Leçon 2 : Comment expliquer l'instabilité de la croissance ?

L'observation des fluctuations économiques permet de mettre l'accent sur la variabilité de la


croissance et sur l'existence de périodes de crise. On présentera les idées directrices des
principaux schémas explicatifs des fluctuations (chocs d'offre et de demande, cycle du crédit),
en insistant notamment sur les liens avec la demande globale. En faisant référence au
programmes antérieurs, on rappellera le rôle des politiques macro-économiques (nationales et
sous-régionales) dans la gestion des fluctuations conjoncturelles. On analysera les mécanismes
cumulatifs susceptibles d'engendrer la déflation, la dépression économique et leurs
conséquences sur le chômage de masse.

2.1 La croissance, un phénomène irrégulier

La croissance économique n’est pas un processus stable et continu mais elle s’accompagne de
crises ; durant lesquelles il y a alors un ralentissement de la production et une montée du
chômage. À l’inverse, si la croissance économique est trop forte, l’inflation s’accélère et le
déficit de la balance commerciale se creuse. La crise correspond au retournement brutal de la
conjoncture économique qui marque la fin d’une période d’expansion au cours d’un cycle
économique : il s’agit d’une phase de contraction durable et de dépression de l’activité
économique. Les fluctuations économiques sont l’ensemble des mouvements de baisse ou de
hausse de l’activité économique. Ces fluctuations économiques peuvent être mesurées à l’aide
de différents indicateurs, comme le niveau de la production ou le niveau général des prix.
Lorsque ces fluctuations ont une certaine régularité, on parle de cycle économique, soit une
période plus ou moins longue, caractérisée par une succession de phases de hausse et de baisse
de la production. Les fluctuations économiques comportent une phase d’expansion, une phase
de crise, et une phase de dépression. On décompose généralement l’évolution de l’activité
économique en une tendance de long terme (appelée « trend »), fondée sur le niveau de la
croissance potentielle ; et une composante cyclique liée à l’écart existant entre le niveau du
PIB effectif et le PIB potentiel (déterminé par les capacités de production maximales de
l’économie). L’irrégularité de la croissance s’explique en particulier par les variations de la
demande globale : lorsqu’une des composantes de la demande globale (consommation,
investissement) adressée aux producteurs varie, les économistes parlent de « choc de demande
». L’activité économique peut également être affectée par des « chocs d’offre » en raison des
modifications de certaines variables importantes comme la productivité ou les prix des
facteurs de production (hausse du coût de certaines matières premières, hausses de salaires
supérieures aux gains de productivité, hausse de la fiscalité ou bien au contraire introduction
du progrès technique qui élève la productivité et réduit les coûts unitaires de production). Dans
les économies contemporaines où le crédit bancaire joue un rôle important, Les phases de
boom économique s’accompagnent inévitablement d’une montée de l’endettement.
L’économiste américain Hyman Minsky y voit l’expression d’un « paradoxe de la tranquillité
». C’est en effet pendant la phase d’optimisme que l’instabilité financière s’accroît. En
adoptant souvent un comportement prudent au début du boom, les entreprises proportionnent
d’abord leur demande de crédit aux anticipations de profit qui permettent de rembourser le
capital emprunté et les intérêts. Puis, poussées par leur confiance dans l’expansion, elles

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acceptent un plus fort taux d’endettement en misant sur un crédit facile et sur le fait qu’elles
n’auront à rembourser que les intérêts, les prêts se renouvelant facilement. Cette fragilisation
financière croissante et ce « cycle du crédit » sont favorisés par le comportement des acteurs
du système financier : au fur et à mesure de l’éloignement de la crise boursière précédente, les
banques tendent à relâcher leur vigilance dans l’octroi des prêts et à pêcher par excès
d’optimisme dans les garanties demandées aux emprunteurs.

a) L’instabilité de la croissance
L’économie est tout d’abord marqué par des tendances longues (« Trend »). Cela peut être des
tendances irréversibles : ce sont les mouvements lourds que l'évolution économique et sociale
ne peut contrer que ponctuellement. Il s'agit de mouvements quantitatifs (augmentation de la
population, augmentation de la production) et structurels (urbanisation). Mais cela peut être
aussi des mouvements réversibles : il s'agit de mouvements récurrents d'expansion et de déclin
comme l'évolution des prix, de l'emploi, des sources d'énergie et des productions dominantes.

L’évolution du trend de croissance de l’économie française (Taux de croissance annuel


moyen en %)

De ce point de vue, la croissance correspond à une augmentation durable et à long terme du


volume de la production. Le trend de croissance correspond à la pente ou à la tendance à long
terme de la croissance. Entre 1960 et 1974, le PIB français a augmenté de 5,5% par an en
moyenne. Depuis 1974, il n’a plus augmenté que de 2% par an en moyenne. On peut donc
observer deux grandes tendances pour la croissance française que l’on retrouve dans la plupart
des pays avancés :
ü La croissance baisse au cours du temps, ce qui ne veut pas dire que le PIB baisse mais
qu’il augmente de moins en moins rapidement : 5,2% par an en moyenne pendant la
période 1960-1974, + 2,2% par an en moyenne pour les vingt années suivantes et +
1,5% par an en moyenne pour la période 1994-2011.
ü La croissance du PIB varie à court terme de façon plus ou moins cycliques avec des
phases :
§ D'expansion : phase du cycle caractérisée par une accélération du rythme de la
croissance qui se traduit par une hausse du taux de croissance. La production

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augmente de plus en plus vite (exemple : + 4,5% en 1961, + 6,9% en 1962) et
dépasse le sentier de croissance (trend).
§ De ralentissement : le rythme de croissance décélère et le taux de croissance
diminue. La production continue d’augmenter mais de moins en moins vite
(exemple : + 4% en 1978, + 3,2% en 1979, + 1,8% en 1980 en France). Il y a
une baisse de la croissance mais pas de la production.
§ De récession qui se définit par une contraction de la production d'un pays
pendant au moins deux trimestres consécutifs (exemple : en 1974, en 1993 et
en 2009 en France). Le taux de croissance est négatif et la production recule.
La dépression suppose une chute de la production forte et durable (la crise de
1929 par exemple) qui s’accompagne d’une déflation (baisse des prix et des
salaires).

La croissance effective est instable : à des périodes de croissance soutenue (expansion),


succèdent des périodes de forts ralentissements, voire de recul de l’activité productive pendant
une période plus ou moins longue (récession ou dépression). Au sens strict, le terme de « crise
» désigne le point de retournement à la baisse de l’activité économique. La récession survient
lorsque la croissance économique est négative pendant au moins 6 mois consécutifs ou deux
trimestres. Lorsque la baisse de la production se prolonge, par exemple sur plusieurs années,
on assiste à un phénomène de dépression économique (La crise de 1929, la crise de 2009). Au
sens large, il désigne l’ensemble de la période au cours de laquelle l’activité est déprimée, le
chômage élevé, etc. La crise se termine alors grâce à la « reprise ». On appelle fluctuations
économiques l’ensemble des mouvements de ralentissement ou d’accélération du rythme de la
croissance économique. Le repérage des fluctuations s’opère grâce à des séries statistiques
(annuelles, trimestrielles, mensuelles) qui portent sur le volume de la production, les prix, le
chômage, le niveau des stocks, les carnets de commande des entreprises, etc. (par exemple en
France les enquêtes de conjoncture réalisées par l’Insee).
Les phases des fluctuations économiques

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Document : Contribution des principaux agrégats à la croissance du PIB français

Entre 2005 et 2007, l'économie française est en expansion. Le PIB augmente de plus en plus
vite en passant de 1,9% en 2005 à 2,4% en 2007. Cette croissance effective est soutenue
principalement par les dépenses de consommation des ménages qui représentent 1,3 point de
croissance en 2007 soit 55% de l'augmentation du PIB et par la FBCF dont l'augmentation
explique l’autre moitié de la croissance. Cependant, le déficit du commerce extérieur freine
cette expansion de près d'un point. A partir de 2007, l'économie française subit un net
ralentissement en 2008 et une forte récession en 2009. Le PIB n'augmente pratiquement pas en
2008 et baisse de 3% en 2009. La crise des « subprimes », apparue aux Etats-Unis en 2008, se
traduit pour la France par une diminution des exportations et une diminution du crédit des
banques. En conséquence, les entreprises investissent moins et diminuent leurs stocks. La chute
de la FBCF de 10,6% en 2009 explique plus des deux-tiers de la baisse du PIB et le déstockage
en est responsable, quant à lui, de près d’un tiers. Seule la croissance des dépenses publiques
(plan de relance) empêche la production de s'effondrer davantage. Cependant, la baisse du PIB
en 2009 se traduit par une montée du chômage qui va accentuer le ralentissement de la
consommation des ménages et prolonger la crise.
En 2011, la croissance de l’économie française se maintient : le PIB en euros constants
progresse de 1,7% en moyenne annuelle, au même rythme qu’en 2010. La croissance est
soutenue par la demande des entreprises : leurs dépenses d’investissement accélèrent et, après

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deux années de déstockage, elles reconstituent leurs stocks. Ces deux éléments expliquent la
totalité de la croissance effective.
Importations et exportations augmentent au même rythme, si bien que les échanges extérieurs
sont neutres sur la croissance. En revanche, les dépenses de consommation des ménages
progressent d’à peine 0,6%, après l’accélération de 2010. Le pouvoir d’achat du revenu
disponible brut des ménages croît à un rythme ralenti : l’accélération des prix l’emporte sur
celle des revenus d’activité.
La demande globale peut être affectée par des chocs positifs, qui conduisent à une phase
d’expansion. Ces chocs de demande peuvent concerner une ou plusieurs composantes de la
demande globale : la demande interne (de consommation et/ou d’investissement) et/ou la
demande externe (exportations – importations). Ainsi, une brusque augmentation de la
consommation des ménages peut être alimentée par une forte hausse du pouvoir d’achat ou par
une baisse des taux d’intérêt qui les incite à recourir au crédit.
De même, les anticipations positives des entrepreneurs sur la croissance de la demande et des
capacités de productions proche de la saturation peuvent les conduire à augmenter leurs
investissements. Enfin, la forte croissance des pays émergents peut provoquer une hausse
rapide des exportations en direction de ces pays.
Ainsi, à court terme, l’investissement agit sur l’expansion. Les keynésiens font de
l’investissement la variable stratégique pour relancer la croissance de la production à court
terme. Une augmentation autonome de l'investissement va provoquer une hausse de la demande
ce qui va pousser les entreprises à produire davantage. Or, toute augmentation de la production
se traduit par une augmentation des revenus dont une partie va être consommée. Il va donc y
avoir une « multiplication » des dépenses jusqu’au moment où toutes les machines seront
utilisées ce qui conduira les entreprises à accélérer leurs investissements (cf. TD sur le
multiplicateur et l’accélérateur).

b) Peut-on parler de cycles économiques ?


Au XIXème siècle et au début du XXème, les économistes s’intéressent beaucoup aux cycles
économiques, car l’économie est rythmée à cette époque, de façon perceptible par une
alternance assez régulière de phases d’expansion et de phases de ralentissement ponctuées par
des crises qui reviennent à intervalle assez régulier. « Les cycles économiques sont des
fluctuations plus ou moins régulières, de fréquences relativement périodiques et d'amplitude
plus ou moins fixes de l'activité économique ». Les fluctuations cycliques sont, théoriquement,
telles que le graphique des indicateurs retenus (Taux de croissance du PIB, taux d’inflation,
courbe du chômage etc.) en fonction du temps ait une allure sinusoïdale.

Les fluctuations de la croissance française (en % - échelle de droite)

13
Schumpeter dans « Business cycles » (Les cycles des affaires - 1939) a abouti à une
classification des cycles. Il prétend que 3 cycles se superposent et expliquent pour l'essentiel
l'évolution de la conjoncture : les cycles courts, les cycles moyens, dits cycles Juglar, les cycles
longs, ou cycles kondratiev :
ü Les cycles courts mineurs, dits aussi cycles de Kitchin, du nom du statisticien Joseph
Kitchin, durent 3 à 4 ans (environ 40 mois). Ils sont dus aux variations des stocks des
entreprises. En période de croissance, les entreprises augmentent leur production pour
répondre à la demande mais elles constituent aussi des stocks. En période de récession,
elles réduisent leur production et déstockent, ce qui accentue le ralentissement de
l'activité.
ü Les cycles moyens, également appelés cycles des affaires ou cycles Juglar, ont été mis
en évidence par l'économiste français Clément Juglar. Essentiellement liés aux
variations de l’investissement, ils ont une durée de sept à huit ans et comportent quatre
phases : expansion, crise, récession et/ou dépression et reprise.

ü Les cycles longs ou cycles Kondratiev, d'une périodicité de 40 à 60 ans, présentent une
phase ascendante pendant laquelle les prix, la production, et l'emploi augmentent et une
phase descendante pendant laquelle ces indicateurs baissent. Pour Schumpeter, chaque
cycle s'explique par l'introduction d'innovations majeures (machine à vapeur,
automobile....) qui apparaissent par « grappes » entraînant dans un premier temps une

14
phase d'expansion. Une fois ces innovations diffusées dans l’ensemble de l’économie,
leur effet dynamique s’épuise et on entre dans une phase de ralentissement prolongé
jusqu’à que de nouvelles innovations provoquent le phénomène de « destruction
créatrice » et la reprise de la croissance.

Schumpeter considérait que ces cycles étaient liés entre eux et que leur superposition
provoquait les crises les plus graves (un Kondratiev était égal à 6 Juglar et à 12 Kitchin). Ainsi,
la crise de 1929, retournement d’un cycle de kondratiev et d’un cycle de Juglar, fut la crise la
plus profonde connue. Après une période d’expansion sans précédent, la crise éclate aux Etats-
Unis (krach boursier, crise bancaire, crise économique) et se répand en occident. Les
productions baissent de 30 à 40%, le taux de chômage atteint 27% de la population active aux
USA ! La dépression est accentuée par le recours au protectionnisme et par des politiques
déflationnistes. Pour sortir de la crise, le capitalisme devra être totalement modifié après la
guerre (développement de l’Etat Providence).
Cependant, la période des Trente glorieuses, a pu faire croire à la disparition des cycles.
L’économie des pays développés étant de plus en plus tertiaire, elle serait moins soumise aux
cycles industriels des stocks, des investissements et des innovations. Pourtant, avec la
succession des crises financières de 1987 (Krach des marchés financiers), de 1994 (Crise
mexicaine), de 1997 (Crise des économies asiatiques), de 2001 (Krach boursier) et de 2008
(Crise des « subprimes »), l’idée du retour des cycles est devenue un sujet d’étude pour les
économistes. Les cycles économiques seraient plus liés aux crises financières.
c) Fluctuations, croissance effective et croissance potentielle
La croissance potentielle se définit comme la croissance qui résulte de la combinaison de
l'offre des facteurs de production : capital, travail et progrès technique. Autrement dit, il s’agit
de la croissance maximale que peut obtenir un pays lorsqu’il mobilise tous ses facteurs de
production (population active, équipement, productivité) sans déclencher de l’inflation. Les
projections de croissance potentielle reposent sur des hypothèses qui reflètent les tendances
passées observées (elles ne constituent donc pas des prévisions) de 3 dimensions :
• La croissance de la population active occupée qui dépend de la croissance
démographique, c’est-à-dire de la croissance naturelle de la population (naissance –
décès) et du solde migratoire (immigration – émigration), et du taux d’emploi de la
population en âge de travailler.
• La croissance du stock de capital fixe dépend du rythme des investissements (achat de
nouveaux équipements durables, de nouveaux bâtiments et de nouveaux logiciels) et du

15
rythme de l’usure et de l’obsolescence du capital fixe (dépréciation ou consommation
du capital fixe).
• L’évolution du progrès technique, mesurée par celle de la productivité globale des
facteurs, dépend principalement du rythme des innovations.
Compte tenu de l’évolution passée de ces trois dimensions, la croissance potentielle de la
France ne devrait pas dépasser les 1,5% par an entre 2008 et 2015.
La croissance effective correspond à la croissance réellement obtenue par le pays. Elle dépend
essentiellement des variations de la demande globale qui comprend :
ü La consommation finale des ménages, c’est-à-dire tous les achats de biens et de services
opérés par les ménages à l’exception du logement, qui dépend de l’évolution du pouvoir
d’achat des ménages et de leur propension à consommer (part du revenu disponible
qu’ils consacrent à la consommation).
ü La consommation finale des administrations, c’est-à-dire tous les achats de l’Etat qui
ne sont pas considérés comme des investissements, qui dépend des décisions de l’Etat
en matière d’évolution des dépenses publiques.
ü L’investissement en capital fixe des entreprises, des ménages et des administrations
publiques, c’est-àdire l’achat de biens d’équipement durables, de bâtiments et de
logiciels, qui dépend de l’évolution de la demande, des profits réalisés et anticipés et
de leur capacité à les financer.
ü Les exportations qui correspondent à la demande adressée aux pays par des non-
résidents et qui dépendent de la compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des
produits étrangers et de la croissance du pouvoir d’achat des non-résidents.
ü De la variation des stocks : un stockage profite à l’augmentation de la production, un
déstockage contribue à son ralentissement.

16
L’analyse des fluctuations économiques repose notamment sur l’étude des différences entre la
croissance effective (celle qui est mesurée au cours d’une période donnée) et la croissance
potentielle (celle qui peut être obtenue en mobilisant tous les facteurs de production). La
croissance économique potentielle est évaluée par le taux de croissance du PIB potentiel, c’est-
à-dire du PIB maximal qui pourrait être réalisé grâce à la pleine utilisation des facteurs de
production disponibles. Le PIB potentiel est donc une évaluation de la production maximale
qu’il serait possible de réaliser sans tensions inflationnistes ; c’est une mesure des capacités
d’offre de l’économie.

Lorsque la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, cela conduit à des
tensions inflationnistes (on parle de « surchauffe ») car la demande, alimentée par une
expansion des crédits, et donc de la création monétaire, augmente plus vite que l’offre (les
capacités de production mettent du temps à se mettre en place, les travailleurs qualifiés peuvent
être en nombre insuffisant…). La demande étant supérieure à l’offre de produits, les prix
augmentent de façon durable et cumulative, ce qui est la définition de l’inflation. Lorsque la
croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, on assiste à une montée du
chômage car le niveau de production est insuffisant pour employer tous ceux qui recherchent
activement un emploi. Les capacités de production sont alors sous-employées. L’offre de
produits étant supérieure à la demande, les prix vont diminuer (déflation) ou augmenter moins
vite (désinflation). En 1958, A.W. Phillips présente sa courbe qui décrit une relation inverse
entre inflation et chômage. Il observe une corrélation négative entre chômage et croissance des
salaires nominaux au Royaume-Uni de 1861 à 1957. Si l’on considère la croissance des salaires
comme l’inflation, l’on peut dire que quand le chômage était faible, l’inflation était forte et
quand le chômage était élevé, l’inflation était faible.

17
L’écart (« gap » en anglais) entre croissance effective et croissance potentielle permet donc
d’appréhender l’instabilité de la croissance. A court terme, la croissance effective oscille autour
de la croissance potentielle à la faveur des cycles économiques. À long terme, on suppose dans
l’analyse néo-classique que le PIB revient vers son niveau potentiel du fait de l’ajustement des
différents marchés. Ainsi, en France, Le PIB a fluctué autour de son potentiel de 1999 à 2007.
La récession se traduit par un décrochage assez fort entre le PIB potentiel et le PIB effectif,
engendrant un gap négatif ou un « déficit d’activité » (ou écart de production négatif) élevé.
Ce déficit se réduirait, autour de 3,0 points en 2015 (à titre de comparaison, après la récession
de 1993, l’écart de production s’était surtout réduit à partir de 1998, avec une croissance
moyenne du PIB de 3,5 % entre 1998 et 2000).

Face à une situation où la croissance est insuffisante pour assurer le plein emploi, il convient
de déterminer si cela résulte d’une croissance effective inférieure à la croissance potentielle (ce

18
qui relève de la politique économique conjoncturelle) ou d’une croissance potentielle
insuffisante (ce qui relève d’une politique économique structurelle).
Ø Dans le premier cas, l’Etat doit pratiquer des plans de relance de la croissance s’il faut
lutter contre le chômage ou des plans de rigueur qui freinent la croissance et diminuent
l’inflation. En stimulant la demande globale, les responsables politiques peuvent choisir
un point de la courbe de Phillips caractérisé par une inflation supérieure et un chômage
inférieur ou inversement, en contractant la demande globale, choisir un point caractérisé
par une inflation inférieure et un chômage supérieur. La politique conjoncturelle
arbitrerait entre une croissance forte pour diminuer le chômage au risque de créer des
tensions inflationnistes nuisibles pour l’équilibre du commerce extérieur et une
croissance plus faible provoquant du chômage pour ralentir la hausse des salaires réels
et des prix afin de retrouver un équilibre extérieur.
Ø Dans le second cas, l’Etat doit favoriser l’augmentation des facteurs d’offre :
• La hausse de la population active occupée tout d’abord : hausse du taux d’emploi
des séniors, politique favorable à la croissance démographique...Mais cet impact
ne saurait qu'être transitoire. En effet, le taux d'emploi ne peut augmenter
indéfiniment, de même que la durée du travail. Concrètement, le tassement de
l'augmentation de la population active pèse aujourd'hui sur l'évolution de la
croissance potentielle, malgré les réformes structurelles tendant, notamment, à
l'allongement de la durée d'activité. Dans ses projections à l'horizon 2030, l'OFCE
se base sur une progression annuelle de la population active limitée à 0,1 % en
moyenne.
• La hausse des investissements matériels et des investissements dans la R&D pour
accélérer le progrès technique qui augmentera la productivité globale des facteurs.
Un investissement soutenu est indispensable pour préparer la croissance de
demain, aussi bien en termes de capacités de production que de gains de
productivité dans le contexte stratégique d'une « économie de la connaissance ».
L'investissement en recherche et développement permettrait de réaliser
durablement « le point de croissance » (celui qui rapprocherait la croissance en
France à moyen terme de 3 % au lieu de 2 %) qui, avant la crise, avait manqué à
la France pour concilier le reflux du chômage avec celui de la dette publique et du
déficit extérieur.
De manière générale, cet écart à la croissance potentielle est alors un indicateur de la phase
du cycle dans laquelle l’économie se trouve. Selon l’économiste autrichien Joseph
Schumpeter, les fluctuations économiques sont inhérentes à la dynamique du capitalisme : le
processus d’apparition du progrès technique et des innovations est irrégulier dans le temps, ce
qui explique les fluctuations de l’activité économique (car il est source de croissance). Les
innovations, portées par les entrepreneurs, apparaissent en grappes et se généralisent dans le
système économique : les entreprises innovantes, en position de monopole, dégagent
temporairement un surprofit, tandis que les secteurs de l’économie liés à ces entreprises sont
incités à développer à leur tour de nouveaux produits, de nouveaux procédés, de nouvelles
formes d’organisation des entreprises, à conquérir de nouveaux marchés ou de nouvelles
sources de matières premières (phase d’expansion). Cependant, la généralisation des

19
innovations et l’imitation de celles-ci par d’autres entrepreneurs réduisent les profits, ce qui
conduit à l’essoufflement de l’activité économique et à la phase de dépression.

Document 6 - Le cycle économique

Tout le monde connait ces phénomènes physiques très courants que sont les cycles. Le passage
quotidien du jour à la nuit et de la nuit au jour, le va-et-vient de la balle de tennis sur le court,
les hauts et les bas de la balançoire ; à laquelle l’enfant donne une impulsion en sont autant
d’exemples familiers. Dans les trois cas, il y a fluctuation, c’est-à-dire alternance de
mouvements en sens contraire. Bien qu’aucune de ces trois comparaisons ne soit parfaite,
chacun de ces phénomènes cycliques comporte un aspect qui nous aide à comprendre ce que
sont les cycles économiques. Comme les cycles jour-nuit, ils peuvent se reproduire
indéfiniment. Comme la balle de tennis, l’économie reçoit des impulsions qui la propulsent
dans une direction ou l’autre. Enfin, comme pour la balançoire, une impulsion lui imprime un
mouvement dont l’intensité diminue peu à peu jusqu’à ce qu’une nouvelle impulsion la relance.
On appelle cycle économique la fluctuation périodique mais irrégulière de l’activité
économique. Le cycle économique comporte deux phases, une d’expansion et une de
récession, et deux points de retournement, un sommet (le plus fort niveau d’activité
économique atteint durant le cycle). Le niveau d’activité économique se mesure
principalement par le niveau du PIB réel par habitant et de l’emploi. La phase d’expansion du
cycle débute à un creux et prend fin à un sommet ; elle se caractérise par une accélération
soutenue de l’activité économique, laquelle se traduit par une augmentation du PIB réel par
habitant et de l’emploi. Toute phase d’expansion commence par une période de reprise, qui
part du creux et dure jusqu’à ce que l’activité économique soit revenue au niveau du sommet
précédent. La phase de récession se caractérise par un ralentissement soutenu de l’activité
économique, lequel se traduit par la diminution du PIB réel par habitant et de l’emploi ; elle
débute à un sommet et prend fin à un creux. La durée des phases d’expansion et de récession
varie d’un cycle à l’autre, de même que leur ampleur, c’est-à-dire l’importance des variations
de la production par habitant et de l’emploi.

Robin Bade, Michael Parkin, Brian Lyons, Raymond Bienvenu, Initiation à l’économie, ERPI, 2008.

1) Récapitulez les différentes phases du cycle économique.

Document 7 - Les étapes du cycle économique

Comme nous l’avons dit plus haut, l’économie connait des hauts et des bas, c’est-à-dire des
fluctuations (…) Certaines années, la production augmente de façon soutenue. Comme les
produits se vendent bien les entreprises se mettent à embaucher : le chômage diminue, et le
revenu global des ménages augmente. Du coup, les produits se vendent encore mieux. De leur
côté, les entreprises voient leurs profits grimper. Non seulement elles ont de bonnes raisons
d’investir (pour accroître leur capacité de production), mais elles en ont les moyens. On est en
pleine expansion. L’optimisme et la prospérité se renforcent mutuellement. Après quelques
années de croissance, il se peut que les entreprises commencent à manquer de certains biens
essentiels à la production : matières premières, pièces détachées et équipements. La situation
de l’emploi s’est améliorée, et c’est tant mieux, mais à la longue, l’expansion peut provoquer
20
une pénurie de main d’oeuvre dans certains domaines. Les coûts de production et les prix se
mettent alors à monter ; l’expansion tourne à la surchauffe. Pendant la phase d’expansion
rapide de l’économie, les ménages et les entreprises n’ont pas hésité à dépenser, quitte à
s’endetter plus que d’habitude. Une fois bien équipés, ces agents économiques ralentissent
leurs achats, d’autant plus que leur endettement réduit leur marge de manœuvre. La croissance
ralentit. Certaines entreprises font des mises à pied ; d’autres ferment. Le chômage augmente,
le revenu global des ménages diminue, les dépenses de consommation ralentissent de plus
belle. La récession s’installe et s’amplifie d’elle-même (…) Le vocabulaire qui décrit les hauts
et les bas de l’économie est particulièrement varié. Comme nous l’avons noté, le cycle
économique est la succession de deux phases : l’expansion et la récession. Lorsque la
croissance est au plus bas, on parle de creux. La période où s’amorce la remontée est la reprise.
Puis on s’approche du sommet, qui est suivi d’un retournement de tendance. Parfois cette
redescente se termine par un atterrissage en douceur. D’autres fois, le ralentissement
économique est plus violent. Selon certains économistes, il faut que le PIB diminue pendant
au moins deux trimestres consécutifs pour qu’on puisse techniquement parler de récession.
Toutefois, nous avons constaté que les critères varient d’un pays à l’autre. C’est pourquoi
d’autres économistes définissent la récession comme un « ralentissement sensible, prolongé
et généralisé de la production ».

Renaud Bouret, Alain Dumas, Economie globale à l’heure de la mondialisation, ERPI, 2009.

1) Expliquez le passage souligné dans le texte

2) En quoi les anticipations (optimistes ou pessimistes) des agents économiques jouent-elles


un rôle important ?

Exercice 1 (**)

1) Décrivez l’évolution de la croissance des Etats-Unis et de la zone euro depuis 2008.

2) Comparez les perspectives de croissance de la production pour les Etats-Unis et pour la


zone euro par rapport à la croissance de la production mondiale.

Remplissez le texte à l’aide des expressions suivantes : vite, solde, expansion, croissance,
déficit, consommation, crédit, chômage, ralentissement, totalité, baisse, stocks, PIB,
investissement, demande, administrations, récession, investissent, dépenses, rythme.

Au niveau macroéconomique, le PIB est égal à la …………………globale. La croissance


effective du PIB dépend donc des variations des dépenses de……………………………..des
ménages et des……………………………..., des variations de l’……………………….., des
21
variations des stocks et de l’évolution du …………….extérieur. Entre 2005 et 2007,
l'économie française est en...................................Le PIB augmente de plus en plus.............. en
passant de ............% en 2005 à .............% en 2007. Cette.............................effective est
soutenue principalement par les dépenses de consommation des ménages qui
représentent...........point de croissance en 2007 soit..............% de l'augmentation du PIB et par
la FBCF dont l'augmentation explique la.....................de la croissance. Cependant,
le........................du commerce extérieur freine cette expansion de près d'...........point. A partir
de 2007, l'économie française subit un net................................................en 2008 et une
forte..................... en 2009. Le PIB n'augmente pratiquement pas en 2008
et .......................de............% en 2009. La crise des « subprimes », apparue aux Etats-Unis en
2008, se traduit pour la France par une diminution des exportations et une diminution
du...................des banques. En conséquence, les entreprises.............................moins et
diminuent leurs ............. La chute de la FBCF de.........% en 2009 expliquent plus
des......................de la baisse du PIB et le déstockage en est responsable, quant à lui, de près
d’un tiers. Seule la croissance des ...............................publiques empêche la production de
s'effondrer davantage. Cependant, la baisse du................en 2009 se traduit par une montée
du.............................qui va accentuer le ralentissement de la consommation des ménages et
prolonger la crise. En 2011, la croissance de l’économie française se maintient : le PIB en
euros constants progresse de ………..% en moyenne annuelle, au même rythme qu’en 2010.
La croissance est soutenue par la demande des entreprises : leurs dépenses
d’………………………. accélèrent et, après deux années de déstockage, elles reconstituent
leurs stocks. Ces deux éléments expliquent la………………….de la croissance effective.
Importations et exportations augmentent au même……………., si bien que les échanges
extérieurs sont neutres sur la croissance. En revanche, les dépenses de consommation des
ménages progressent d’à peine ……...%, après l’accélération de 2010. Le pouvoir d’achat du
revenu disponible brut des ménages croît à un rythme ralenti : l’accélération des prix l’emporte
sur celle des revenus d’activité.

2.2 Les chocs d’offre et les chocs de demande


a. Qu’est-ce qu’un choc économique ?
On peut définir un choc économique comme une modification imprévue de l’offre et/ou de la
demande agrégées. Les chocs sont, dans une large mesure, imprévus et non anticipés sur les
marchés. De nombreux économistes utilisent le modèle d’offre et demande agrégées pour
expliquer les fluctuations économiques de court et moyen terme.
Ø La courbe d’offre agrégée montre la quantité de biens et services que les entreprises
produisent et vendent à chaque niveau de prix. L’offre agrégée repose sur un
raisonnement comparable à celui qui conduit à la courbe de Phillips. La croissance de
la production entraîne des tensions sur les marchés des facteurs (travail et capital) parce
que l’économie se rapproche des limites d’utilisation des facteurs, donc l’inflation
s’élève. L’offre agrégée est une fonction croissante du taux d’inflation.
Ø La courbe de demande agrégée montre la quantité de biens et services que les ménages,
les entreprises et l’État désirent acheter à chaque niveau de prix. La demande agrégée
est une fonction décroissante du niveau des prix. La diminution du taux d’inflation
augmente la demande en économie ouverte parce qu’elle améliore la compétitivité prix,
22
et sur le plan intérieur parce qu’elle augmente le pouvoir d’achat des ménages et leur
richesse réelle (effet Pigou).

Selon ce modèle le niveau des prix et des quantités s’ajustent de façon à équilibrer, au niveau
macroéconomique, l’offre et la demande. Lorsqu’une des composantes de la demande globale
adressée aux producteurs se modifie, on parle de « choc de demande ». Les « chocs d’offre »
sont des variations des conditions de la production. Ils découlent notamment de la productivité
ou des coûts de production. Parfois, ils ont une incidence sur l’offre et la demande en même
temps. Les chocs sont positifs lorsqu’ils se traduisent par une accélération de la croissance à
court ou long terme. Ils peuvent être négatifs lorsqu’ils provoquent un ralentissement de la
croissance voire une récession. Les chocs conjoncturels ont des conséquences sur la
production, les prix et l’emploi. Les économistes considèrent que ces conséquences
disparaissent plus ou moins rapidement en fonction du degré de flexibilité des marchés. Pour
certains cependant ils peuvent laisser des traces durables (effet d’hystérèse). Ainsi, la crise de
2009 a durablement affecté la croissance potentielle car elle s’est traduite par un net recul des
investissements et des dépenses de recherche ainsi qu’une hausse du chômage structurel qui
vont handicaper la croissance future. Les prévisionnistes pensent que la croissance effective ne
rejoindra la croissance potentielle qu’en 2017. Les chocs peuvent avoir une origine endogène
(une dévaluation de la monnaie, par exemple) ou exogène (une guerre, un tremblement de terre,
par exemple) à un pays. Les chocs sont symétriques lorsqu’ils s’exercent en même temps sur
plusieurs pays à la fois. Ils sont asymétriques lorsque leur incidence ne s’exerce que sur un
certain nombre de pays d’une zone économique.
b. Les chocs d’offre
Les chocs d’offre sont des variations des conditions de la production ; ils découlent notamment
de la productivité ou du prix des facteurs. Les chocs d’offre négatifs sont causés généralement
par une hausse du coût des matières premières (chocs pétroliers de 1973 et 1979 par exemple),
23
par des augmentations de salaires supérieures aux gains de productivité (comme au cours des
années 1970) ou par un alourdissement de la fiscalité sur les entreprises. En cas de choc d’offre
négatif, l’activité économique devient plus coûteuse et les entreprises les moins productives et
compétitives risquent d’être acculées à la faillite. Inversement, lorsque des innovations
permettent des gains de productivité et abaissent les coûts unitaires de production, elles
produisent un choc d’offre positif : en abaissant les prix des produits, elles favorisent leur
diffusion auprès des consommateurs et donc l’augmentation de la production. En cas de choc
d’offre positif, la situation des producteurs s’améliore par la diminution de leurs coûts de
production ; ils peuvent dès lors éventuellement produire davantage et tirer la croissance
économique.

Un choc d’offre est une perturbation imprévue de l’activité économique liée à une variation
brutale de la situation économique des offreurs, notamment de leurs coûts de production ou de
leur niveau de productivité. Les chocs d’offre peuvent être négatifs ou positifs. Les chocs
d’offre négatifs sont causés généralement par une hausse du coût des matières premières (les
chocs pétroliers de 1973-1975 et de 1979-1981), par des augmentations de salaires supérieures
aux gains de productivité (milieu des années 1970) ou par un alourdissement de la fiscalité des
entreprises. Une guerre, un tremblement de terre, un accident nucléaire, etc. peuvent également
causer des chocs d’offre exogènes.

Un choc d’offre négatif se traduit par une augmentation des coûts de production des entreprises,
ce qui conduit, sur un marché concurrentiel, à l’élimination des entreprises marginales (celles
dont le coût de production est supérieur au prix du marché), à une baisse de la rentabilité des
autres entreprises qui vont moins investir ce qui va provoquer une diminution de la production
et de l’emploi (montée du chômage). Ainsi, le prix du baril de pétrole est passé de 3,5 dollars
début 1973 à 140 dollars en juillet 2008 et a ainsi été multiplié par 40. En termes réels, sa
hausse a été beaucoup plus faible, son prix pour un ménage américain n’a été multiplié que par
7,5 et par moins de 6 pour un ménage français qui a bénéficié de l’appréciation récente de

24
l’euro et pour lequel le niveau réel maximum atteint en 2008 était à peine supérieur à celui
atteint au début des années quatre-vingt.

Sur un marché de concurrence imparfaite, la hausse du coût de production va être répercutée


sur les prix et provoquer de l’inflation. D’où la stagflation qui correspond à une coexistence de
l’inflation et du chômage. Cela a été le cas pour le premier choc pétrolier (1973-1975) et pour
le second (1979-1981). La multiplication par 2,5 puis par 2 des prix du pétrole ont provoqué
en France une « inflation à deux chiffres » et un net ralentissement de la croissance qui s’est
traduit par une montée progressive du chômage de masse. La courbe de Phillips semble donc
infirmée à cette époque.

TAF : construire un graphique mettant en évidence l’évolution des variables macroéconomiques ci-
dessus sur la période 1973-2009.

25
Un choc d’offre négatif peut avoir des effets plus ou moins durables. Ainsi, le Tsunami au
Japon en 2011, a détruit des capacités de production dans les régions sinistrées et a occasionné
un déficit d'offre en matière d'électricité. Il a également perturbé l'économie nationale et plus
largement internationale, par la rupture de chaînes de production mais ce choc a eu des effets
limités à l’année pour la croissance japonaise. En revanche, les chocs pétroliers ont eu des
effets durables sur les économies des pays développés. Ils se sont traduits par un compromis
moins favorable entre inflation et chômage. C’est-à-dire qu’à l’issue des chocs, il faut vivre
avec une inflation supérieure pour un taux de chômage donné, ou un chômage supérieur pour
un taux d’inflation donné. La courbe de Phillips s’est déplacée.
Les chocs d’offre positifs correspondent notamment aux chocs technologiques ou chocs de
productivité : une ou plusieurs innovations de procédé (Le Fordisme, les nouvelles technologies
de l’information et de la communication (NTIC)…) permettent de réaliser des gains de
productivité et d’abaisser les coûts de production car il faut moins de travail et de capital pour
réaliser la même quantité de produits. Cette diminution des coûts de production a plusieurs
effets positifs :
ü D’une part, si les prix restent inchangés, les entreprises vont augmenter leurs profits ce
qui va leur permettre d’accroître leurs investissements matériels et immatériels. L’offre
de produit va augmenter en quantité et en qualité.
ü D’autre part, si les entreprises décident de diminuer leurs prix, elles vont augmenter
leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents et accroître leurs parts de marché.
Enfin, la baisse des prix devrait entraîner une hausse de la demande. Dans tous les cas,
la croissance va s’accélérer.
Le Fordisme est un bon exemple d’un choc d’offre positif. Henry Ford (1863-1947), industriel
américain, au début du XXe siècle, va prolonger et dépasser le taylorisme en imposant, à partir
de l'exemple des abattoirs de Chicago, le travail à la chaîne qui présente les caractéristiques
suivantes :

26
ü Les pièces et le produit à faire sont amenés par un convoyeur qui élimine les temps
morts dus au déplacement ;
ü La productivité des ouvriers de l’usine est unifiée par la cadence du convoyeur qui relie
tous les postes de travail. Il suffit d’augmenter la cadence de la chaîne pour réduire le
temps de fabrication ;
ü La parcellisation des tâches est ramenée à un seul geste répété des milliers de fois. Le
fordisme est donc un prolongement du taylorisme ;
ü Les pièces et le produit sont standardisés (le modèle unique de la Ford T de couleur
noire) de telle façon que les ouvriers spécialisés ne perdent pas de temps dans leur
adaptation aux outils et aux tâches à accomplir.
Il s’en suit une hausse considérable de la productivité qui va permettre la mise en place d’une
production de masse dans les années 1920 aux Etats-Unis et pendant les Trente glorieuses en
Europe et au Japon.

c. Les chocs de demande


Un choc de demande est une perturbation de l’activité économique liée à une hausse ou à une
baisse brutale de la demande. L’irrégularité de la croissance effective trouve sa source
principale dans les variations de la demande globale entraînées par les chocs de demande. Selon
Mankiw et Taylor, la courbe de demande agrégée est décroissante pour plusieurs raisons :
ü L'effet de richesse : un niveau de prix plus bas fait augmenter la richesse réelle, ce qui
encourage les dépenses de consommation.
ü L'effet de taux d'intérêt : un niveau de prix plus bas fait baisser le taux d'intérêt, ce qui
encourage les dépenses d'investissement.

27
ü L'effet de taux de change : un niveau de prix plus bas conduit à une dépréciation du
taux de change réel, ce qui encourage les dépenses d'exportations nettes.

Qu'est-ce qui pourrait être à l'origine d'un déplacement de la courbe de demande ?


ü Des déplacements dus à la consommation : un événement qui conduit à une
augmentation de la demande des consommateurs à un niveau de prix donné (une baisse
des taxes, une expansion du marché financier) engendre un déplacement vers la droite
de la courbe de demande agrégée. Un événement qui conduit à une diminution de la
demande des consommateurs à un niveau de prix donné (une hausse des taxes, une
contraction du marché financier) engendre un déplacement vers la gauche de la courbe
de demande agrégée.
ü Des déplacements dus à l'investissement : un événement qui conduit les firmes à
investir plus à un niveau de prix donné (une vague d'optimisme, une baisse des taux
d'intérêt résultant d'une expansion monétaire) engendre un déplacement vers la droite
de la courbe de demande agrégée. Un événement qui conduit les firmes à investir moins
à un niveau de prix donné (une vague de pessimisme, une augmentation des taux
d'intérêt résultant d'une contraction monétaire) engendre un déplacement vers la gauche
de la courbe de demande agrégée.
ü Des déplacements dus aux dépenses publiques : une augmentation des dépenses
publiques de biens et services à un niveau de prix donné (défense nationale ou
construction d'autoroutes) engendre un déplacement vers la droite de la courbe de
demande agrégée. Une diminution des dépenses publiques de biens et services à un
niveau de prix donné (une réduction du budget de la défense nationale ou moins
d'autoroutes construites) engendre un déplacement vers la gauche de la courbe de
demande agrégée.
ü Des déplacements dus aux exportations nettes : un événement qui conduit à
l'augmentation des exportations nettes à un niveau de prix donné (une expansion

28
économique à l'étranger ou une dépréciation du taux de change) engendre un
déplacement vers la droite de la courbe de demande agrégée. Un événement qui conduit
à la diminution des exportations nettes à un niveau de prix donné (une récession à
l’étranger, une augmentation des taux de change…) entraîne un déplacement vers la
gauche.
Au niveau macroéconomique, la demande globale est donc égale au PIB.

Si la consommation effective des ménages et des administrations représentent plus de 80% du total
des dépenses ou du PIB, c’est l’investissement qui joue un rôle essentiel dans les fluctuations
économiques même s’il ne pèse qu’un cinquième de la demande totale. En effet, les fluctuations de
l’investissement sont beaucoup plus amples que celles de la consommation :

On peut mesurer la contribution de l’investissement à la croissance à partir de la formule


suivante :

En effet, la FBCF est une composante de la demande au même titre que la consommation
finale, les exportations et la variation des stocks. Toute hausse de la FBCF a un effet sur
l’augmentation du PIB qui est mesurée en points. La somme de ces points (ceux de la FBCF,
ceux de la consommation…) nous donne le taux de croissance du PIB.

Contributions de la FBCF à la croissance du PIB depuis 1950, aux prix de l'année


précédente
(En points de PIB)

29
Lecture : Ainsi, en 2011, le 0,08 exprime la contribution à la croissance du PIB. Cela se lit en
points de PIB. Si on considère que le PIB a augmenté de 1,7 points, alors 0,08 signifie que
l'augmentation de l'investissement (FBCF) explique 0,08 point sur les 1,7 points de croissance
du PIB, soit 47% de la croissance du PIB en 2011 [(0,08/1,7) x 100) = 47%].

Le principe du multiplicateur repose sur le principe d’un effet revenu : la dépense d’un agent
engendre un revenu pour un autre agent qui va lui-même dépenser, et ainsi de suite. Le
supplément de revenu peut être soit consommé soit épargné et c’est cette répartition donnée
par la propension marginale à consommer, qui détermine le niveau du multiplicateur
d’investissement. Ainsi, si un ménage dispose d’un revenu de 4000€ par mois et consomme
3000€ par mois, sa propension moyenne à consommer est de 75% (3000/4000 x 100) et sa
propension moyenne à épargner de 25% (1000/4000 x 100). Si ce revenu augmente de 10% et
si ce ménage décide de consacrer 200€ supplémentaire à la consommation et 200€ à l’épargne,
la propension marginale à consommer sera de 50% (200/400 x 100) et la propension marginale
à épargner également. La propension est dite marginale parce que l’on raisonne sur
l’augmentation du revenu et non sur le revenu total.

30
Le principe de l’accélérateur fonctionne lorsque les capacités de production sont en plein-
emploi (taux d'utilisation voisin de 90% compte-tenu du taux de pannes, durée d’utilisation
maximale ce qui suppose le développement du travail posté : 3 x 8…) et si le progrès technique
ne modifie pas la productivité du capital, une augmentation de la demande finale va provoquer
une accélération de l'investissement, c'est à dire une augmentation de la demande de biens
d'équipement très supérieure à l'augmentation de la demande globale (cf. TD sur
l’accélérateur).
De même, le Fordisme a provoqué un choc de demande positif. Pour stabiliser les effectifs
salariés, Henry Ford va utiliser les gains de productivité dégagés par sa méthode de trois façons
différentes :
• En augmentant les salaires, moins vite cependant, que les gains de productivité. Le «
Five dollars day » fait passer le salaire de deux dollars par jours à 5 $ en 1914, 6 $ en
1919 et è $ en 1929 ;
• En diminuant la durée du travail (de 9 h par jour à 8 h en 1914) ;
• En diminuant le prix de sa Ford T afin de la rendre accessible aux classes populaires.
Le temps d’assemblage de la Ford T est divisé par 6 ce qui permet une baisse des coûts
de production répercutée dans de vente qui passe de 850 dollars à 260 dollars et
d’augmenter les ventes de 200 000 avant 1914 à plus d’un million en 1920 et à 5
millions en 1929.

31
Les chocs de demande négatifs diminuent ou ralentissent la demande globale et peuvent
conduire à la récession. Ainsi, la hausse des prix du pétrole, en ponctionnant le pouvoir d’achat
des ménages et en transférant des revenus aux pays pétroliers qui ont une faible propension à
importer, s’est traduite par une moindre croissance de la demande et du PIB. De même, la forte
hausse des taux d’intérêts réels qui a suivi la désinflation des années 1990 a rendu le crédit plus
cher et à conduit les entrepreneurs à diminuer leurs Investissements.
Un choc de demande peut avoir des causes internes au système économique ou externe :
• Il peut s’agir de chocs exogènes. Ainsi, la seconde guerre mondiale a créé pour les
Etats-Unis un choc de demande positif. De même, les politiques de relance, adoptées
par la plupart des pays, à la suite de la crise de 2008-2009, en augmentant les dépenses
publiques ont eu un effet puissant sur la hausse de la demande.
• Il peut s’agir de chocs endogènes. Ainsi, les variations de l’investissement constituent
une des origines essentielles des chocs de demande du fait de la combinaison des
mécanismes de l’accélérateur et de celui du multiplicateur qui amplifient les variations
de la demande.
Les chocs de demande risquent d’avoir un impact important sur l’activité économique, du fait
des mécanismes cumulatifs qu’ils peuvent entraîner. Ces effets à court terme sur la croissance
sont d’autant plus réduits que la propension à épargner et à importer des agents économiques
sont élevées.
Lorsque la demande ralentit, la production peut s’effondrer car les entreprises préfèreront
entamer leurs stocks plutôt que de produire afin de prévenir un ralentissement plus marqué,
voire une baisse de la demande. La hausse du chômage, la baisse du nombre d’heures
travaillées en général risquent alors de contribuer à ce ralentissement.
• Inversement, lorsque la hausse de la demande s’accélère, les entreprises produiront
d’autant plus qu’elles devront reconstituer leurs stocks et que nombre d’entre-elles

32
engageront des investissements pour étendre leurs capacités de production. La baisse
du chômage et l’augmentation du nombre d’heures travaillées peuvent alors contribuer
à entretenir l’augmentation de la demande.
Enfin, chocs d’offre et chocs de demande peuvent être liés et s’enchainer car un certain nombre
d’éléments agissent à la fois sur l’offre et sur la demande. C’est le cas de l’investissement qui
représente à la fois une hausse des capacités de production (offre) et des achats de biens
d’équipement durables (demande). C’est le cas des prix pétroliers qui agissent sur les coûts de
production (offre) et sur le pouvoir d’achat des agents économiques (demande).

Exercice 2 : La crise et les chocs d’offre et de demande


1) Enumérez quelques évènements qui peuvent provoquer un recul de la demande globale dans
l’économie. Même question pour l’offre globale.
2) La phrase suivante décrit-elle une récession ou une surchauffe ? « L’offre et la demande
globale s’équilibrent à un niveau de production inférieur à celui du plein emploi ».
3) Réalisez un schéma pour expliquer par quel mécanisme l’économie revient
automatiquement à l’équilibre de plein emploi après une crise de la demande.
4) Même question pour montrer que l’intervention de l’Etat peut s’avérer nécessaire si les
mécanismes du marché n’opèrent pas.

2.3 Le cycle du crédit et la déflation par la dette


A. Le mécanisme du cycle du crédit
Le cycle des affaires est fortement lié au comportement des banques qui relâchent leurs
conditions d'octroi de crédit en période d'expansion et qui les restreignent en période de
récession : c'est le cycle du crédit. Il contribue à expliquer le caractère endogène, c’est-à-dire
propre au système capitaliste, de l’instabilité de la croissance. Il existe traditionnellement une
synchronisation entre cycle d’activité et cycle du crédit. La très forte progression du crédit lors
des phases ascendantes du cycle ainsi que son retournement brutal lors des phases de
contraction alimente et amplifie les fluctuations de l’activité. Nous pouvons observer ainsi pour
les États-Unis que les phases hautes du cycle du crédit à la fin des années 1980 et des années

33
1990 coïncident avec des périodes de forte croissance de l’activité économique et de
progression rapide des prix des actifs financiers et/ou immobiliers. De même, la récession du
début des années 1990 aux États- Unis, marquée par un krach immobilier, correspond à une
période où les volumes de crédits sont sensiblement en dessous de leur niveau normal. Des
écarts durables des agrégats de crédit par rapport à leur tendance de long terme peuvent
également être identifiés pour la zone euro et pour la Chine.
Le recours au crédit dépend en grande partie du taux d’intérêt. Le taux d’intérêt peut se définir
comme le prix de la monnaie ou des fonds prêtables. Il est fixé à la rencontre de l’offre et de la
demande de monnaie sur le marché monétaire (taux d’intérêt à court terme) et de l’offre et de
la demande de capitaux sur le marché financier (taux d’intérêt à long terme). Il présente
plusieurs facettes :
ü Le taux d’intérêt représente une charge pour l’emprunteur. C’est le coût de
l’endettement. Ainsi, 100 millions d’euros empruntés sur 10 ans à un taux d’intérêt de
10% l’an va provoquer un remboursement de (100 x 1,110 = 259) 259 millions d’€ sur
10 ans.
ü Le taux d’intérêt représente un revenu pour le prêteur. Une somme laissée pendant un
certain nombre d’année à un emprunteur (banque, entreprise) va rapporter des intérêts
composés. Elle va être capitalisée. C’est donc l’un des revenus de la banque. C’est aussi
un revenu financier pour les placements en obligation, livret d’épargne…
Le taux d’intérêt est une mesure approximative de l’inflation future estimée par le prêteur qui
renonce à l’utilisation de ses capitaux pour un profit dans le futur. Il va donc réclamer un taux
d’intérêt qui couvre au moins l’inflation anticipée. On y ajoute une prime de risque pour
connaître ce que vaut maintenant une somme dans le futur.
Pour connaître le pouvoir d’achat des revenus procurés par l’intérêt, il faut éliminer l’inflation.
On va donc enlever aux intérêts affichés (taux nominal) la hausse des prix pour savoir ce que
le prêteur a réellement gagné (taux réel). Ainsi, si le taux d’intérêt nominal est de 5% et que
l’inflation est de 2%, le prêteur s’est réellement enrichi de 3% sur les sommes placées.

34
La baisse des taux d’intérêt nominaux peut être due à trois facteurs :
ü Tout d’abord, elle peut résulter d’une démarche volontaire de la Banque centrale qui
diminue ses taux d’intérêt directeurs afin de faciliter le refinancement des banques et
de les encourager à réduire leurs taux d’intérêt. Ceci va permettre de rouvrir « le robinet
» de crédit et de soutenir la croissance de la demande et de la production. Ainsi, la
politique de la Banque centrale américaine, la FED, menée par Alan Greenspan, dans
les années 1990 et au début des années 2000, a favorisé la croissance américaine et la
formation de bulles financières.
ü Ensuite, la baisse des taux d’intérêts sur le marché monétaire et sur le marché
obligataire peut résulter d’un excès de liquidités. Si au niveau mondial, l’offre de
capitaux excède la demande, les taux d’intérêt à court terme et à long terme diminuent.
Ainsi, l’excédent des balances des paiements chinoise et japonaise se traduit par une
offre de capitaux qui finance à bas prix les déficits du commerce extérieur et du budget
de l’Etat américain. Les Etats-Unis ont pu ainsi vivre à crédit dans les années 1990 et
au début des années 2000.
ü Enfin, la baisse de l’inflation a favorisé la baisse des taux nominaux. En effet, si les
prêteurs anticipent une faible augmentation des prix dans les années futures, ils sont
prêts à consentir des taux d’intérêts faibles puisque le risque de perte de pouvoir d’achat
de la monnaie est faible. La désinflation amorcée dans les années 1990 a donc favorisé
la baisse des taux d’inflation. En revanche, la légère repise de l’inflation dans les années
2000 a provoqué une baisse des taux d’intérêt réels.
En conséquence, les entreprises, les ménages et l’Etat sont incités à s’endetter pour financer
leurs dépenses d’investissement et de consommation. Ils le sont d’autant plus que la croissance
est forte (leurs revenus et leurs profits vont augmenter) et que leurs actifs immobiliers et
financiers prennent de la valeur. En période d’expansion économique, surtout si la situation
économique est saine (faible taux d’intérêt, faible inflation), le « paradoxe de la tranquillité »
(H. Minsky) joue : les agents, qui ont confiance dans l’avenir et des perspectives
d’enrichissement, s’endettent, financent des investissements ou une consommation à crédit, ce
qui dynamise la demande et renforce la croissance donc l’optimisme général. Les Banques
centrales peuvent alimenter cette tendance en fixant des taux d’intérêt trop bas dans le but de
soutenir la croissance, tout comme les banques commerciales lorsqu’elles prêtent à des agents
économiques ayant des projets trop risqués (les projets immobiliers en Espagne) ou n’étant pas
solvables (les pauvres aux Etats-Unis dans le cas des « subprimes »). Cette forte croissance des
crédits a plusieurs effets :
ü Les agents économiques vont spéculer à la hausse sur le prix des actifs financiers et
immobiliers. Les prix des actions, des obligations et des maisons vont fortement
augmenter. Les agents vont donc profiter de cet « effet richesse positif » pour s’endetter
davantage provoquant le phénomène de « l’accélérateur financier ».

35
Une bulle financière va se former. On parle de bulle spéculative quand le prix d'un actif
s'éloigne de sa valeur « fondamentale », définie comme la somme des revenus que cet actif peut
rapporter dans le futur. Au plus fort de la bulle japonaise de la fin des années 1980, la valeur
foncière théorique de Tokyo dépassait celle… des Etats-Unis. Lorsque les agents réalisent que
les actifs concernés sont surévalués, leur réévaluation fait apparaître la situation de
surendettement des agents concernés (entreprises ou ménages) car la valeur de leurs actifs ne
leur permet pas d’assurer le paiement des intérêts et les remboursements.

36
Leçon 3 : Le rôle des politiques macroéconomiques dans la gestion des
fluctuations conjoncturelles.

La politique macroéconomique est constituée par l’ensemble des décisions prises par les
pouvoirs publics afin d’atteindre, grâce à l’utilisation de divers instruments, des objectifs
concernant la situation économique d’un territoire donné (région, nation, union monétaire).
Les politiques économiques conjoncturelles visent à atteindre des objectifs de court terme (les
effets se sont sentir de quelques mois à une ou deux années) et sont liées à la fonction de
37
stabilisation de l’Etat. Les politiques conjoncturelles visent soit à accroître la demande globale
par la hausse des dépenses publiques, la redistribution des revenus, ou la baisse des taux
d’intérêt directeurs afin de stimuler la production et l’emploi (on parle alors de politique de
relance), soit à freiner la demande globale par une baisse des dépenses publiques, une hausse
des impôts, des mesures de limitation de la progression des salaires, pour lutter contre
l’inflation qui détériore le pouvoir d’achat des ménages et réduit la compétitivité-prix des
entreprises (on parle alors de politique de rigueur). Dans une économie mondialisée, les
politiques conjoncturelles de relance se heurtent à deux types de contraintes : la contrainte
commerciale, puisque la stimulation des revenus des ménages peut se traduire par un
accroissement des importations de biens étrangers et limiter l’impact positif sur la production
nationale ; et la contrainte financière puisque les Etats empruntent des capitaux sur les marchés
financiers qui surveillent les politiques conjoncturelles mises en oeuvre, ainsi que les capacités
de remboursement des Etats et les risques de défaut de paiement qui pourraient survenir. Si
les politiques conjoncturelles ont été massivement utilisées à partir de 2008-2009 afin
d’empêcher l’amplification de la récession économique (création monétaire et baisse des taux
d’intérêt par les banques centrales, plans de relance budgétaire aux Etats-Unis, en Europe et
en Chine) et lutter contre le chômage de masse, elles se heurtent désormais à la contrainte de
la maîtrise de l’endettement public et posent désormais la question de futures politiques de
rigueur. La crise apparaît particulièrement aiguë dans la zone euro où la politique monétaire
est unique mais où les Etats ont conservé l’autonomie de leur politique budgétaire (même si
celle-ci est encadrée par des textes limitant les déficits publics).

3) Que faire face aux crises ? : Des récessions aux dépressions


Document 22 : 2009, plus fort recul de l’activité depuis l’après-guerre et repli historique
de l’emploi
La récession entamée au printemps 2008, s’est accentuée fin 2008 et début 2009. L’activité se
contracte de 2,6 % en moyenne annuelle en 2009. C’est le plus fort recul du PIB depuis l’après-
guerre : lors des récessions de 1975 et 1993, le PIB avait baissé de l’ordre de 1 %. Dès le 2e
trimestre 2009, l’activité repart à la hausse : en moyenne, la croissance est de 0,3 % par
trimestre depuis. Suite au retournement conjoncturel survenu mi-2008, le marché du travail
connaît en 2009 le plus fort recul de l’emploi salarié depuis l’origine des séries d’emploi en
1954 : entre le début et la fin de l’année, on compte 257 000 emplois en moins. La plupart de
ces destructions ont cependant lieu au 1er semestre (– 219 000 emplois) et la dégradation de
l’emploi s’atténue au fil de l’année 2009. Le solde des créations redevient même légèrement
positif au 4ème trimestre. Cette amélioration de la situation du marché du travail se confirme
début 2010. (…) Cette dégradation du marché de l’emploi entraîne une hausse du taux de
chômage de 2,4 points entre le 1er trimestre 2008 et le 4e trimestre 2009. Cette augmentation
est beaucoup plus rapide que celle qu’avait connue la France lors de la crise de 1993. Avec le
début de reprise, le taux de chômage repart à la baisse début 2010.
Vue d’ensemble - Premier bilan 2009-2010 - France, portrait social - Édition 2010, INSEE
1. Quels sont les signes de crise économique en France en 2009 ?
2. Explicitez le lien entre baisse du PIB et augmentation du chômage.

38
3.2) Les politiques de relance et de rigueur pour réguler la conjoncture

Document 23 : Que faire face à la récession ?


Il y a aujourd'hui beaucoup de gens bien intentionnés, attachés à leur pays, qui s'imaginent que
la chose la plus utile qu'ils puissent faire et que puissent faire leurs semblables pour remédier
à la situation, c'est d'économiser plus que d'habitude (…) Or, dans d'autres conditions, tout ceci
pourrait être fort bien, mais malheureusement dans les conditions actuelles, (…) c'est
exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire. Car le but de l'épargne doit être de rendre de
la main-d'oeuvre disponible pour pouvoir l'employer à exécuter des travaux de rapport tels que
la construction de maisons, d'usines, de routes, de machines, etc. Mais s'il se trouve déjà un
excédent important de main-d'œuvre disponible pour pareil emploi, alors le résultat de
l'épargne est d'accroître cet excédent, et par conséquent de grossir les rangs des chômeurs. De
plus, lorsqu'un homme est privé de travail, d'une façon ou d'une autre, la diminution de son
pouvoir d'achat a pour effet de réduire au chômage ceux qui produisaient ce qu'il ne peut plus
acheter. Et ainsi la situation s'aggrave de plus en plus, et l'on ne sort plus d'un véritable cercle
vicieux (…) Par conséquent, ô ménagères patriotiques, sortez dès demain matin dans les rues,
et dirigez-vous vers ces ventes réclames miraculeuses qui se trouvent annoncées à tous les
coins. Vous vous ferez du bien à vous-mêmes car jamais les choses ne furent aussi bon marché,
(…) Et réjouissez-vous par surcroît à la pensée que vous favorisez la main-d'oeuvre, que vous
enrichissez le pays, car vous redonnez de la vie à de grands centres d'activités et l'espoir au
Lancashire, au Yorkshire et à Belfast.
Source originale : Allocution radio-diffusée de l’économiste John Maynard Keynes, 1931.
1) Pourquoi l’épargne est-elle nuisible en période de chômage selon Keynes ?
2) Quels sont les effets attendus de la consommation ?
3) En quoi doivent consister les politiques conjoncturelles en cas de récession ?
4) Quelles conditions doivent être réunies pour que se produisent les effets prévus par
Keynes ?

Document 24 : Les dépenses publiques prises dans le circuit économique

L'idée que l'Etat peut stimuler l'activité économique en jouant sur la demande est ancienne. Les
politiques de grands travaux ont par exemple été très utilisées lors de la crise de 1929,
notamment aux Etats-Unis avec la Tennessee Valley Authority de Roosevelt. En effet, en

39
commandant des travaux à des entreprises désoeuvrées, l'Etat injecte du pouvoir d'achat dans
l'économie et les entreprises sont amenées à recruter des salariés qui, à leur tour, dépenseront
plus. […] Cette demande supplémentaire des pouvoirs publics a donc un effet puissant sur la
production, grâce au mécanisme du multiplicateur : les dépenses publiques engendrent des
revenus pour les entreprises ou les ménages qui sont en grande partie dépensés ; ces dépenses
entraînent une nouvelle production, d'où une nouvelle distribution de revenus. […] Cet
enchaînement dépenses-production-revenus n'est évidemment pas sans limites. D'abord, tous
les revenus nouveaux ne sont pas dépensés, ce qui fait que l'impact des dépenses publiques
s'affaiblit peu à peu. La question cruciale est donc de savoir ce que vaut la propension marginale
à consommer, c'est-à-dire quelle part d'un revenu supplémentaire les ménages vont dépenser.
A. Parienty, « A quoi sert la politique budgétaire ? », Alternatives Economiques Poche n°46, 2010

• Le graphique ci-dessus valide-t-il le propos du document 24 ? Justifiez.


Document 26 : Le taux de refinancement et la politique monétaire d'une banque centrale
La banque centrale européenne (BCE) est la banque centrale de l'Union Européenne. Créée
en 1998. Elle a pour mission de déterminer la politique monétaire à adopter au sein de la zone
euro. Pour cela, elle augmente/diminue les taux d’intérêt qu’elle exige, appelés taux
directeurs. Le principal est le taux de refinancement, qui détermine à quel coût les banques
pourront emprunter. C’est donc un taux plancher qui sert de référence sur le marché monétaire
: les banques sont amenées à fixer leurs propres taux en fonction de ce que va leur coûter le
refinancement éventuel. Il permet de réguler l'activité économique en facilitant/freinant le
crédit. En temps de crise, les taux seront baissés afin de relancer l'activité économique. A
l'inverse, en cas de trop forte inflation, les taux seront augmentés afin de réduire la pression
inflationniste. Au contraire de la banque centrale américaine, la Fed, dont les missions sont à
la fois de prévenir l’inflation et de faciliter la croissance et l’emploi, les statuts de la BCE lui
fixent un objectif prioritaire : la lutte contre l’inflation. Elle doit veiller à maintenir le taux
annuel d’inflation à un niveau inférieur mais proche de 2% (appelé cible d’inflation).
Ø Pourquoi faut-il des politiques conjoncturelles ?
Les politiques conjoncturelles assurent la régulation des fluctuations économiques.
L’observation du fonctionnement des économies de marché fait apparaître des déséquilibres
macro-économiques : des crises se produisent, le niveau des prix s’envole, le déficit extérieur
se creuse, le chômage croit etc… En particulier, la production et l’emploi sont souvent
40
inférieurs à ce qu’ils pourraient être. C’est particulièrement le cas depuis la crise de 2008. Le
taux de chômage s’élève ainsi en France à 10% de la population active aujourd’hui. Le Produit
Intérieur Brut (qui mesure le volume de la production totale sur le territoire pendant 1 an) a,
quant à lui, reculé de 2,7% en 2009 par rapport à 2008. L’analyse de l’équilibre emplois-
ressources nous apprend que ce repli s’explique principalement par une forte baisse de
l’investissement ainsi qu’un ralentissement de la consommation, les anticipations des ménages
et des entreprises étant pessimistes, ils reportent les dépenses qui peuvent l’être et augmentent
leur épargne par précaution, participant ainsi à l’aggravation de la récession (cercle vicieux).
Le premier objectif de la politique conjoncturelle doit donc être que les ressources en travail
et en capital disponibles soient entièrement utilisées, ce qui veut dire la production la plus
forte possible et l’absence de chômage (le plein emploi se situant aux alentours de 4% compte
tenu du chômage frictionnel). Mais il faut aussi que cette croissance ne soit pas menacée par
des déséquilibres tels que l’inflation ou le déficit du commerce extérieur (croissance
potentielle). La difficulté est que ces objectifs sont souvent contradictoires. Ainsi, une
accélération de la croissance du PIB oblige à recruter. Elle est donc bonne pour réduire le
chômage. Mais il se peut que les entreprises aient du mal à répondre à la demande à court
terme et en profitent pour augmenter leurs prix, ce qui accroit l’inflation. De manière générale,
une croissance lente s’accompagne souvent de chômage et de prix stables, alors qu’une
croissance rapide va de pair avec l’inflation et la baisse du chômage. Face à ce dilemme de
politique économique, l’Europe, depuis l’€, a privilégié la stabilité des prix au détriment de
l’emploi alors que les Etats-Unis privilégient davantage l’emploi quitte à connaître de
l’inflation.

Ø Complétez le tableau :
Objectifs : « Stimuler la croissance et l’emploi », « Freiner la dépense globale (à cause de
tensions inflationnistes) », « Réduire le déficit budgétaire », « Stimuler la croissance et
l’emploi », « Ralentir l’inflation pour restaurer la compétitivité », « ä compétitivité ».
Moyens : « Hausse des impôts », « BC accroît son taux directeur », « Réduction des dépenses
publiques », « Equilibre voire excédent budgétaire » ; « BC baisse son taux directeur » ; «
Baisses d’impôts » ; « Hausse des dépenses publiques ».

41
(a) « L’Etat va supprimer 15 000 postes de fonctionnaires. C’est à ce prix-là que le
gouvernement pourra tenter de ramener le déficit entre 2,2 et 2,5 % du PIB l’an prochain,
réduire la dette à long terme d’ici à 2010 et revenir à l’équilibre des finances publiques à
l’horizon 2009-2010.
(b) La banque centrale européenne (BCE) a décidé sans surprise, jeudi 7 décembre
d’augmenter d’un quart de point à 3,5 %, son principal taux directeur, le hissant à son plus
haut niveau depuis cinq ans. (…) Le président de la BCE, Jean Claude Trichet, avait largement
préparé le terrain à cette sixième hausse en l’espace d’un an, multipliant les mises en garde
contre le risque de surchauffe inflationniste.
(c) 16 juin 1982 : Plan de Pierre Mauroy. Celui-ci consiste en une dévaluation du Franc une
deuxième fois et assorti d’un blocage des prix et des salaires. Pour réduire le déficit budgétaire,
la TVA est relevée et des économies sont faites sur les dépenses.
(d) « Pour l'instant, Barak Obama n'a pas donné de détails sur son plan. Mais l'on sait déjà qu'il
s'agira d'un plan national sur deux ans. Le président élu espère créer des emplois en faisant
construire des routes et des ponts, en modernisant les écoles, ou en construisant des éoliennes,
des panneaux solaires et des voitures à faible consommation d'essence.
(e) La Banque Centrale Européenne a annoncé ce jeudi une baisse de 25 points de base de son
taux directeur à 1,25%, moins que prévu. C'est la sixième baisse depuis octobre. En l'espace
de quelques mois les taux d'intérêts de la BCE sont passés de 4,25% à 1,25%. En effet, lors de
sa réunion de ce jeudi, elle a annoncé une nouvelle baisse de 25 points de base de son taux
directeur. Ce dernier atteint ainsi un plus bas historique.

Document 5 - Le rôle des institutions et de l'intervention de l'Etat

Les institutions jouent un rôle déterminant dans cette capacité de croissance. L’échec des
politiques de développement des économies administrées qui ont fini par s’effondrer a signé la
formation d’un consensus autour de principes institutionnels censés garantir la croissance : la
protection des droits de propriété, le respect des contrats, la libre concurrence et la prééminence
des incitations de marché. Ces principes généraux ne font que décrire les propriétés d’une
économie de marché. Ils sont souvent couplés avec ce qui s’apparente à des résultats propres à
une économie de croissance régulière : une monnaie solide et une dette publique soutenable
(…) Il est (pourtant) difficile, en effet, d’établir une correspondance stricte entre les
performances réalisées et les règles (ou institutions) effectivement retenues. Les pays du Sud-
Est et de l’Est asiatiques, qui sont ceux qui ont expérimenté les performances de croissance les
plus impressionnantes, n’ont pas procédé à une dérégulation et une libéralisation de leurs
marchés et de leur système de financement et se sont appuyés sur l’activité d’entreprises
publiques plutôt que de privatiser la totalité de leurs entreprises. Les expériences de passage de
l’économie administrée à l’économie de marché mettent en lumière le décalage entre la réussite
de la Chine, qui s’y est engagée en promouvant des réformes institutionnelles marquées par le
gradualisme, et l’échec relatif de pays comme la Russie qui ont choisi une thérapie de choc.

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C’est dire l’importance des institutions, mais aussi le fait qu’il n’y a pas de correspondance
entre les fonctions que l’on attend des institutions et la forme qu’elles peuvent prendre. Ce
n’est pas là une donnée récente. L’histoire économique enseigne que les changements
institutionnels comptent davantage que les changements technologiques et souvent les
précèdent.
Jean-Luc Gaffard, La croissance économique, Armand Colin, 2011.
1) En quoi une "monnaie stable" et une "dette publique soutenable" peuvent-elles contibuer à
la coissance (passage souligné).
2) Existe-t-il un seul modèle d'institutions efficaces pour promouvoir la croissance ? Expliquez.

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