Vous êtes sur la page 1sur 94

Chapitre 2

Les indicateurs macroéconomiques

2.1 Introduction

Dans ce chapitre, on propose une introduction générale aux concepts de base de l’analyse
macroéconomique. Nous verrons comment l’on construit le produit intérieur brut, le déflateur
du produit intérieur brut, l’indice de prix à la consommation, et comment on mesure le taux de
croissance d’une économie, l’inflation, et le chômage. Le choix de ces indicateurs est simple :
ce sont les indicateurs sur lesquels se fondent les économistes pour établir un diagnostic
de la situation économique du pays. L’objectif pour un pays sera triple : avoir un taux de
croissance du PIB en volume élevé (pour atteindre le niveau de vie le plus élevé possible),
un taux d’inflation faible (pour éviter les coûts liés à l’inflation), et un taux de chômage peu
important (qui traduit un gaspillage de ressources, ici le capital humain). Par exemple, ces
trois objectifs ont été atteints par les Etats-Unis au cours des années 1990 qui ont constitué
une décennie exceptionnelle pour ce pays (gY = 3.3%, u = 5.5%)). Les résultats ont été
mitigés pour la France dans les années 1990 car bien qu’elle connaisse une inflation faible,
elle enregistre un fort ralentissement de l’activité économique (gY = 2.1%) et un chômage
moyen égal à u = 10.5%. Ces indicateurs vont donc permettre d’apprécier la façon dont se
situe le pays par rapport à ses objectifs et par rapport aux autres pays industrialisés.

Le cadre de référence que l’on utilise pour définir ces indicateurs macroéconomiques est
issu de la comptabilité nationale qui définit un certain nombre de concepts à l’aide desquels
elle construit des statistiques économiques. Cette comptabilité nationale est particulièrement
utile car tous les pays élaborent, selon des procédures harmonisées, les indicateurs de PIB,
d’inflation et de chômage si bien qu’elle permet des comparaisons internationales. En France,
l’INSEE réalise à intervalles réguliers des enquêtes auprès des ménages et des entreprises
dans le but d’évaluer leur activité économique et à partir des résultats de ces enquêtes, des
statistiques sont élaborées et permettent une vue d’ensemble de l’économie.

Il est important de souligner que dans ce chapitre, nous utilisons des identités comptables
qui décrivent des relations entres les variables économiques et qui sont vraies par définition

1
Macroéconomie L1

(les relations comptables décrivent l’économie mais ne l’expliquent pas). En d’autres termes,
ces relations ne sont pas des relations de comportement comme peuvent l’être les fonctions
de consommation, d’investissement ou d’exportations qui expliquent le comportement d’une
variable en fonction d’autres variables (elles sont basées sur des hypothèses, leur spécification
peut donc être restrictive). Ce chapitre n’est donc pas destiné à expliquer les évolutions des
variables et les relations entre elles. Cette analyse sera réalisée dans les chapitres ultérieurs.

Nous verrons dans quelle mesure le PIB par habitant constitue une mesure adéquate du
bien-être d’une économie. Nous poursuivons ce chapitre en expliquant de quelle façon on
compare les niveaux de vie entre pays et en avançant les explications principales de ces écarts
de niveau de vie. Le point de départ de cette analyse est la fonction de production qui permet
de mettre en relation le niveau de vie avec le ratio capital-travail d’un pays. En raison de
l’existence de rendements décroissants dans l’accumulation du capital physique, il apparaı̂tra
un phénomène de convergence des niveaux de vie car chaque unité de capital supplémentaire
contribue fortement à l’accroissement de la production. Toutefois, ce phénomène de conver-
gence peut être long car il faut qu’il s’accompagne d’un accroissement de l’épargne domestique
pour financer l’accumulation du capital. Une solution pour accélérer la croissance économique
serait de recevoir des capitaux étrangers. Et cet afflux de capitaux étrangers sera d’autant
plus grand que la productivité du capital est grande. Alors que la théorie économique prédit
que les pays ayant une productivité élevée recevront davantage de capitaux étrangers, nous
verrons que les résultats empiriques tendent à démontrer l’inverse. L’explication est que les
pays dotés d’une forte productivité tendent à subventionner l’épargne.

Nous montrerons également qu’en présence de rendements décroissants dans l’accumula-


tion du capital, seul le progrès technique permet de soutenir la croissance économique à long
terme. Nous terminerons ce chapitre en présentant les régularités observées en matière de
fluctuations économiques dans les pays de l’OCDE. La première régularité a trait à la théorie
des déficits jumeaux selon laquelle un déficit budgétaire est associé à un déficit commercial.
La deuxième régularité appelée courbe de Phillips a trait à la relation inverse entre inflation
et chômage : une accélération de l’inflation tend à réduire le taux de chômage à court terme.
Pour montrer cette régularité, nous combinerons la relation d’Okun selon laquelle il existe
une relation inverse entre la croissance économique et le chômage, et la courbe d’offre agrégée
de court terme selon laquelle une accélération de l’inflation stimule la croissance économique
à court terme.

2.2 Les indicateurs les plus souvent utilisés par la macroéconomie

La macroéconomie cherche à expliquer le fonctionnement de l’économie du point de vue


de l’ensemble des individus qui la composent et doit disposer d’indicateurs de façon à porter
un diagnostic sur la situation économique d’un pays et éventuellement de préconiser des
politiques économiques appropriées à la situation du pays. Les trois indicateurs les plus
couramment utilisés sont les suivants :

2
Les indicateurs macroéconomiques

1. Le taux de croissance du PIB (produit intérieur brut) mesure le taux d’augmentation


de l’activité économique ou le taux de croissance du revenu généré dans une économie ;
lorsque ce taux de croissance annuel est positif, cela signifie qu’une nation a créé une
quantité plus grande de biens et services que l’année précédente ; la vitesse avec laquelle
une nation augmente son revenu est d’autant plus grande que le taux de croissance du
PIB est élevé. Si le taux de croissance du PIB est égal à 3%, il faut 25 années pour
que le revenu national double, mais il faudra 45 années environ pour atteindre le même
résultat avec un taux de croissance de 1.5%.
2. Le taux de chômage mesure la fraction de la population active qui est inemployée et
qui est à la recherche d’un emploi. Les actifs rassemblent les individus ayant un emploi
ou en cherchant un. Par élément de comparaison, sur la période 1990-2008, le taux de
chômage moyen français est égal à environ 9% ce qui signifie qu’en moyenne, environ
un travailleur sur 10 est inemployé et est à la recherche d’un emploi. En revanche, aux
Etats-Unis, le taux de chômage moyen tombe à 5% (5.5%) ce qui signifie qu’en moyenne,
un travailleur sur 20 est à la recherche d’un emploi.
3. Le taux d’inflation mesure le taux d’augmentation des prix. Une valeur plus élevée du
taux d’inflation par rapport à l’année précédente signifie que la vitesse avec laquelle
les prix augmentent s’est accrue : on parle alors d’accélération de l’inflation. Lorsque le
taux d’inflation est plus faible par rapport à l’année précédente, on parle de désinflation.
Et lorsque le taux d’inflation est négatif, on parle de déflation. Nous verrons les coûts
liés à une trop forte inflation lorsque nous aborderons le système monétaire.

Les trois indicateurs sont présentés dans le Tableau 2.1 : le Tableau rassemble les chiffres
de taux de croissance du PIB, de taux d’inflation et de chômage pour l’Union Européenne,
la France, les Etats-Unis et le Japon qui constituent les principales puissances économiques
mondiales. Les données du tableau montrent plusieurs faits intéressants :

1. La croissance de l’Union Européenne au début des années 1970 est très forte : elle
s’établit à 4.7% alors qu’en moyenne, le taux de croissance n’est que de 2.6% en moyenne
entre 1970 et 1994. La croissance de l’Union Européenne s’est fortement ralentie à
partir du début des années 1970 lors du premier choc pétrolier de 1973-1974 (guerre du
Kippour) et lors du second choc pétrolier 1979-1981. En élevant le coût de production
des firmes, la forte hausse du prix du pétrole a détérioré la rentabilité des firmes ce
qui s’est traduit pas une contraction de l’offre de biens et services. Cette croissance
s’est à nouveau ralentie au début des années 1990 lors de la réunification allemande qui
s’est traduite par une hausse généralisée des taux d’intérêt et une diminution du taux
d’investissement.
2. Le Tableau montre également que la situation de la France ressemble à celle de l’Eu-
rope dans son ensemble. De la même façon, le ralentissement économique de la France
a débuté dès le premier choc pétrolier a fait suite aux trente glorieuses (1947-1973). La
phase des trentes glorieuses désigne les 26 années d’expansion économique où le PIB
réel a progressé à un rythme moyen de 5.6% (1947-1973) contre 2.2% sur la période
1973-2008. Cette expansion économique s’explique par le développement industriel qui

3
Macroéconomie L1

Paysa Taux de croissance Taux d’inflation Taux de chômage


du PIB (en %) (en %) (en %)
1970-1994 1994-2008 2008-2012 1970-1994 1994-2008 2008-2012 1970-1994 1994-2008 2008-2012
UE-15 2.6 2.3 -0.4 8.2 2.4 2.1 7.1 8.7 9.2
FRA 2.7 2.0 0.1 7.0 1.7 1.7 6.5 9.0 8.6

4
USA 3.1 2.9 1.1 5.8 2.7 2.1 6.7 5.1 8.3
JPN 4.0 1.1 -0.6 5.0 0.1 -0.2 2.1 4.2 4.6
a
Source : OCDE. Calculs de l’auteur.
Tab. 2.1 – Taux de croissance du PIB, taux d’inflation et taux de chômage
Les indicateurs macroéconomiques

Pays Taux de chômage Taux de croissance


Pays/Période 94-08 08-12 94-08 08-12
UE-15 8.7 9.2 2.3 -0.4
Austria 4.2 4.3 2.5 0.4
Belgium 9.4 7.6 2.2 0.3
Denmark 5.4 6.2 2.0 -0.9
Finland 10.4 7.7 3.6 -0.9
France 9.0 8.6 2.0 0.1
Germany 9.0 6.8 1.6 0.7
Greece 9.8 13.6 3.4 -5.4
Ireland 7.0 12.3 6.7 -1.0
Italy 9.6 8.5 1.4 -1.5
Luxembourg 2.5 3.8 4.3 0.2
Netherlands 4.3 4.1 2.8 -0.6
Portugal 6.3 11.3 2.4 -1.4
Spain 14.7 19.3 3.4 -1.4
Sweden 7.4 7.8 3.0 1.4
United Kingdom 6.1 7.3 3.0 -0.6
United States 5.1 8.3 2.9 1.1
Japan 4.2 4.6 1.1 -0.6

Tab. 2.2 – Taux de chômage et taux de croissance du PIB réel dans les pauys de l’OCDE
(1994-2012)

5
Macroéconomie L1

s’accompagne d’une modernisation de l’outil productif et des infrastructures publiques


(30% du capital avait été détruit pendant la guerre) et d’une amélioration de la technolo-
gie (la France opère un rattrapage technologique avec les Etats-Unis sur cette période).1
Cette croissance forte a été tirée en particulier par une très forte accumulation de ca-
pital physique puisque le taux de croissance annnuel moyen s’établissait à 6.6% sur la
période 1947-1973 contre 2% sur la période 1973-2008. Au cours de la période 1947-
1973, l’emploi progresse au rythme de 0.42% et sur la période 1973-2006, il progresse
au rythme de 0.66%.
3. Le rythme de croissance de l’Union Européenne peut sembler faible par rapport à la
croissance américaine au cours de la période récente. Néanmoins, ce chiffre est une
moyenne des taux de croissance des 15 pays composant l’Union Européenne et le ta-
bleau 2.2 fait apparaı̂tre des disparités importantes sur la période 1990-2008. En par-
ticulier, on observe un processus de rattrapage des pays de l’Europe du Sud comme la
Grèce (3.4%) et l’Espagne (3.4%), une très forte croissance de l’Irlande (6.7%) et du
Luxembourg (4.3%) spécialisés dans des secteurs en forte croissance et une croissance
relativement élevée en Suède (3% légèrement > moy européenne =2%) qui concilie in-
terventionnisme de l’Etat (couverture et accès universels aux soins, pensions minimales
de retraite, longs congés parentaux, nombre important des crèches) puisque son taux
de prélèvement obligatoire est le plus élevé des pays européens et activité économique
soutenue (automobile, poids lourds, aéronautique, industrie papetière). La très forte
croissance de l’Irlande s’explique par l’introduction d’une fiscalité attractive, par la
présence d’un niveau d’éducation élevé et par une spécialisation dans des secteurs en
forte croissance. Ce pays a mené une réforme fiscale qui a conduit à une diminution
progressive des prélèvements obligatoires à partir de la fin des années 1980, dont le
taux d’imposition sur les sociétés qui est passé de 50% à 12.5%. Cette réforme fiscale
combinée à l’ouverture au libre échange a favorisé l’implantation de milliers d’entre-
prises en biotechnologies et entreprises pharmaceutiques ainsi que des entreprises en
électronique (Google, Intel). Ces implantations s’expliquent également par le fait que
la main d’oeuvre est qualifiée. La hausse du taux d’emploi (de 51% à 70%) et la baisse
du taux de chômage (de 17% à 5%) de 1988 à 2008 s’expliquent par la modération
salariale.
4. Les chiffres de l’Union Européennes masquent des différences importantes entre les pays
tant au niveau de la croissance qu’au niveau des taux de chômage. En termes de taux
de chômage, sur la période 1994-2008, l’Allemagne (9%), la Belgique (9.4%), l’Espagne
(14.7%), la France (9%), la Finlande (10.4%), la Grèce (9.8%), l’Italie (9.6%), ont un
taux de chômage supérieur à 8.7% sur la période 1994-2008 alors que les Pays-Bas
(4.3%), l’Autriche (4.2%), le Royaume-Uni (6.1%), le Danemark (5.4%), enregistrent
un taux de chômage faible proche de 5%. Néanmoins, dans tous les pays sans excep-
tion, la tendance est à la baisse du taux de chômage naturel depuis le milieu des années
1990 grâce à la phase d’expansion économique de la fin des années 1990 et l’adoption
généralisée de politiques favorisant l’emploi (baisse des charges sociales, incitations à
1
Le PIB français représente en 1945 environ 40% de son niveau prévalant avant la seconde guerre mondiale.

6
Les indicateurs macroéconomiques

l’embauche de travailleurs âgés, subventions des emplois faiblement rémunérés, contrôle


et accompagnement de l’activité de recherche d’emploi, la législation en matière de pro-
tection de l’emploi a été adoucie). La mise en place de politiques de l’emploi appropriées
nécessite de bien connaı̂tre le fonctionnement du marché du travail. En particulier, on
distingue trois types de chômage, chaque type de chômage ayant ses propres causes.
(a) Le premier type de chômage est le chômage structurel. Le chômage structurel
apparaı̂t pour des raisons liées à la réglementation et à l’organisation du marché du
travail qui entraı̂nent des rigidités sur le marché du travail. Ces rigidités entraı̂nent
un écart persistant entre la demande et l’offre de travail et donc un rationnement
des emplois.
Les rigidités peuvent résulter d’un salaire minimum trop important ou de reven-
dications salariales des syndicats qui élèvent le salaire réel au-dessus du salaire
réel d’équilibre. La Figure 2.1 prend l’exemple d’un salaire minimum réel dont le
niveau est fixé au-dessus du salaire réel qui équilibrerait l’offre et la demande de
travail au point E. Un chômage involontaire apparaı̂t correspondant au segment
AB. Ce segment sera d’autant plus élevé que la demande de travail est faible.
Quels sont les déterminants de la demande de travail ? La demande de travail
représente le prix maximum que les firmes sont prêtes à payer pour embaucher un
travailleur. Ce prix maximum est indiqué par la productivité marginale du travail.
Tant que le prix que les firmes sont prêtes à payer est supérieur au coût du travail
reflété par le salaire réel, les firmes continuent à embaucher puis arrêtent lorsque
le prix maximum coı̈ncide avec le coût du travail. Ce coût du travail peut s’élever
en raison de la présence de cotisations sociales employeurs τ F :
W ¡ ¢ PmL W
PmL = . 1 + τF , F
= . (2.1)
P (1 + τ ) P
La demande de travail sera d’autant plus faible que la productivité du travailleur
est basse et/ou que les cotisations sociales employeurs sont élevées. Le Tableau
2.3 montre que le taux de cotisations sociales employeurs τ F est bien plus élevé
dans les pays d’Europe continentale (FRA, DEU, BEL, ITA) que les pays anglo-
saxons ce qui tend à contracter la demande de travail. Pour comprendre comment
la demande de travail sera affectée par le taux de cotisations sociales, il faut diviser
¡ ¢
les membres de gauche et de droite par 1 + τ F : les cotisations sociales diminuent
le prix maximum que les firmes sont prêtes à payer et donc déplacent la demande
de travail evrs la gauche.
Quels sont les déterminants de l’offre de travail ? Le taux d’imposition des revenus
y compris les cotisations sociales employés ainsi que les taxes sur la consommation :
µ ¶
W 1 − τH
Coût marginal travail = . ,
P 1 + τC
1 + τC W
Coût marginal travail . = . (2.2)
1 − τH P
La solution serait de rendre le marché du travail plus flexible en réduisant le coût
du travail par une baisse des cotisations sociales employeurs et en favorisant la
formation continue et un niveau d’éducation plus élevé.

7
Macroéconomie L1

Salaire
réel, W/P

6
Demande Offre
de travail NS de travail
Excès d’offre
de travail
= Chômage involontaire
Salaire réel A
¾ -B
minimum

Salaire réel
d’équilibre E

C
ND

- Quantité de
travail, N
N1D N? N1S

Fig. 2.1 – Rigidité du salaire réel et chômage structurel : l’impact du salaire minimum

Pays tauF tauH tauC


AUT 0.23 0.36 0.17
BEL 0.20 0.42 0.14
DEU 0.15 0.33 0.14
DNK 0.01 0.50 0.24
FIN 0.23 0.40 0.21
FRA 0.31 0.28 0.15
GBR 0.07 0.24 0.14
ITA 0.27 0.39 0.12
JPN 0.09 0.20 0.06
NLD 0.08 0.35 0.16
SPA 0.21 0.22 0.12
SWE 0.32 0.44 0.19
USA 0.06 0.23 0.04
Average 0.14 0.33 0.17

Tab. 2.3 – Taux de cotisations sociales employeurs et employés en % de la masse salariale et


taux de taxe sur la consommation

8
Les indicateurs macroéconomiques

(b) Le chômage frictionnel constitue le deuxième type de chômage. Ce chômage


représente la fraction du taux de chômage naturel expliquée par la durée nécessaire
à un chômeur pour trouver un emploi. Cela signifie qu’il y aura en permanence
du chômage dans une économie car certains travailleurs perdent leur emploi et
il leur faut une durée plus ou moins longue pour trouver un nouvel emploi. En
France, en moyenne sur la période 1990-2012, 39% des chômeurs sont des chômeurs
longue durée alors qu’aux Etats-Unis, ce chiffre tombe à 12%. Les facteurs avancés
pour expliquer une durée plus longue pour trouver un emploi sont notamment des
allocations chômage trop généreuses (ce qui rend les chômeurs plus exigeants pour
trouver un emploi qui leur convient, moins de motivation pour trouver rapidement
un travail) qui allonge la durée du chômage, le manque d’adéquation entre les
qualifications des demandeurs d’emplois et les compétences requises pour occuper
les postes vacants (programme de formation dans le cadre du SIFE pour permettre
à l’individu d’acquérir des compétences), insuffisance de la mobilité géographique
des travailleurs (exemple : bien que la Flandre ait un chômage deux voire trois
fois plus faible, les wallons ne vont pas chercher de travail dans la région du nord
de la Belgique. L’Allemagne a mis en place des mesures contraignant un individu
célibataire à accepter un travail sur l’ensemble du territoire allemand), manque de
mesures d’accompagnement de l’individu à la recherche d’un emploi (en Suisse :
système de contrôle et d’accompagnement individualisé). Le chômage frictionnel
s’explique également par une trop grande protection des travailleurs (coûts de
licenciement importants) ce qui contribuent à réduire le taux de sorties du chômage
(augmente la durée du chômage) qui est très faible en France ; elle rend le taux de
chômage plus persistant et moins enclin à baisser en phase d’expansion économique
(moins d’individus se retrouvent au chômage mais ils y restent plus longtemps).
Une protection de l’emploi plus forte amène les entreprises à éviter des embauches
qu’elles jugent temporaires.
(c) Parallèlement aux rigidités et aux frictions qui s’exercent sur le marché de l’emploi,
les changements de la demande agrégée peuvent provoquer des hausses ou des
baisses transitoires du taux de chômage. Le chômage dû à l’insuffisance de la
demande est appelé chômage kéynésien ou chômage conjoncturel. Lorsque la
demande agrégée se contracte et les salaires s’ajustent lentement (demande globale
insuffisante et rigidité des salaires nominaux), le chômage courant va excéder le
chômage naturel et du chômage conjoncturel va apparaı̂tre à court terme. Par
exemple, les politiques monétaires restrictives menées à partir du début des années
1980 ont fait augmenter le taux de chômage de manière substantielle, en particulier
en France. Puis la hausse généralisée des taux d’intérêt qui a suivi la réunification
allemande ce qui a conduit le taux de chômage à un niveau très élevé au milieu
des années 1990. En Espagne, il atteint presque 20% en 1994. La solution serait
une meilleure coordination des politiques budgétaire et monétaire.
5. Le Tableau 2.1 montre une baisse du taux de croissance des prix dans l’ensemble des pays
industrialisés. Cette diminution du taux d’inflation s’explique par l’adoption généralisée
de politiques de désinflation à partir du début des années 1980 : politique de désinflation

9
Macroéconomie L1

de 1979 à 1982 aux Etats-Unis et politique d’austérité monétaire à partir de 1983 en


France. Ces politiques monétaires restrictives ont engendré un fort ralentissement de
l’activité économique et ont favorisé l’apparition d’un chômage.
6. Le Tableau 2.1 indique un ralentissement très léger de la croissance du PIB américain
sur la période 1994-2008 par rapport à la période 1970-1994. Mais bien que la production
en volume ait ralenti à partir du premier choc pétrolier aux Etats-Unis, le pays a connu
une période de très forte croissance au cours des années 1990 (3.3%) alors que la France
enregistrait une croissance de 2% ce qui explique un ralentissement moins marqué.
Cette croissance soutenue qui a fait suite à la Guerre du Golfe et aux faillites des
Caisses d’Epargne (qui a coûté 2% du PIB) a été rendue possible grâce à l’accélération
du progrès technique et la forte hausse du taux d’investissement.
7. Si les performances économiques du Japon de 1950 jusqu’à la fin des années 1980
sont impressionnantes, il n’en va pas de même pour les années 1990 et le début des
années 2000. Le Japon a enregistré une forte baisse de son taux de croissance dans
les années 1990 (1.2%) alors qu’en moyenne le taux de croissance était de 3.9% dans
les années 1980. Ce n’est que depuis 2004 que la situation économique du Japon s’est
redressée grâce notamment à la croissance de la demande intérieure et la croissance des
exportations. Le Japon a également connu une forte hausse de son taux de chômage qui
reste néanmoins à un niveau faible comparé à celui de l’Europe (les licenciements sont
très peu nombreux, les japonais changent peu d’emploi). C’est l’éclatement des bulles
immobilière et boursière en 1990 qui ont d’abord entraı̂né une forte baisse de la demande
(baisse de la richesse des ménages, baisse de la rentabilité du capital et ralentissement
de l’accumulation de capital) conduisant à un ralentissement de l’activité économique,
puis une dégradation des conditions d’offre qui a plongé le pays dans une dépression
économique à la fin des années 1990 (baisse du crédit bancaire qui s’explique par la
fragilité du système bancaire). Bien que d’autres pays comme la Suède ont connu une
crise financière qui a détérioré la situation financière des banques, le gouvernement
suédois est intervenu très rapidement pour recapitaliser les banques. A l’inverse, le
Japon a connu un effondrement du crédit engrendré par la mauvaise situation financière
des banques (lorsque les bilans bancaires font apparaı̂tre un montant important de
créances douteuses et/ou lorsque leurs portefeuilles d’actifs sont dévalorisés) car l’Etat
n’est pas intervenu trop tardivement pour recapitaliser les banques. Cette chute du
crédit bancaire a contracté l’investissement conduisant à une baisse de la production
en 1998 et en 1999. Les prix ont commencé à diminuer ce qui constitue le signe d’une
phase de dépression économique (forte contraction de la demande). Le taux d’inflation
est resté en moyenne négatif sur la période 1999-2004 puis à nouveau lors de la crise
financière.
8. Les chiffres du taux de croissance du PIB réel font apparaı̂tre un ralentissement économique
généralisé dans tous les pays industrialisés. Certains économistes expliquent ce ralentis-
sement par la diminution de la productivité du secteur de la recherche et l’insuffisance de
l’investissement en activité de recherche-développement conduisant à un ralentissement
du progrès technique. Par exemple, Jones (1995) met en avant que l’innovation devient

10
Les indicateurs macroéconomiques

7
$

6
4
4
.

3
&
!
"
#
!

'
(

'

'
*

!
/
*
(
'
-

5




                                   
















































de plus en plus coûteuse : comme le montre la Figure 2.2, le nombre de chercheurs et


d’ingénieurs augmente mais le progrès technique croit au même rythme sur la période
1950-1990. Les données suggèrent donc que les pays riches doivent sans cesse inves-
tir davantage pour maintenir constante l’innovation. En d’autres termes, s’il faut plus
de ressources pour atteindre le même progrès technique, cela signifie que l’innovation
devient une activité de plus en plus coûteuse.
9. De manière formelle, l’évolution du nombre de nouvelles découvertes scientifiques GA =
Ȧ(t) = dA(t)
dt est fonction du nombre de scientifiques LA et de la productivité des
chercheurs :
GA = Ȧ = δ̄ .LαA , 0 < α < 1, (2.3)

où le paramètre α < 1 indique qu’une hausse du nombre de chercheurs fait augmenter
le nombre de découvertes mais de moins en moins :

δ̄ . (2 .LA )α = 2α .δ̄ . (LA )α < 2 .GA . (2.4)

Parallèlement, la productivité de la recherche devrait dépendre positivement du stock


de connaissances :
δ̄ = Aφ , φ < 1. (2.5)

Le paramètre φ < 1 indique qu’une hausse du stock de connaissances fait augmenter


la productivité de la recherche mais moins que proportionnellement. D’un côté, l’aug-
mentation du stock de connaissances permet aux chercheurs d’être de plus en plus
productifs (δ̄ augmente avec A), mais d’un autre côté, comme la productivité augmente
de moins en moins, cela signifie qu’il va être de plus en plus difficile de faire de nouvelles
∂ δ̄
découvertes ∂A = φ .Aφ−1 diminue avec A). En d’autres termes, à mesure que le stock

11
Macroéconomie L1

de connaissance augmente, la producttivité augmente de moins en moins mais elle fait


augmenter le nombre de nouvelles découvertes, GA . Toutefois, le progrès technique n’est
pas mesuré par le nombre total de nouvelles découvertes mais par le nombre de nou-
velles découvertes par découverte déjà réalisée. Pour mesurer ce progrès technique, il
faut donc diviser le nombre de nouvelles découvertes, GA , par le stock de connaissance.
On aura ainsi une mesure de la capacité moyenne de l’économie à innover qui dépend
de la productivité moyenne du secteur de la recherche, Aδ̄ .
En substituant (2.5) dans (2.3), et en divisant les membres de gauche et de droite par le
stock de connaissances, on obtient une expression du progrès technique gA en fonction
du nombre de chercheurs LA et du stock de connaissances A :
Ȧ Aφ
gA = = LαA . ,
A A
LαA
= . (2.6)
A1−φ
Comme le montre la Figure 2.2, le progrès technique gA = Ȧ A (ou taux de croissance
du nombre de découvertes) est constant. Cette constance dans le temps implique que
le terme gA doit rester constant et donc que le numérateur de (2.6) croı̂t au même
rythme que le dénominateur. En d’autres termes, pour seulement maintenir constant
la progression de l’innovation, on doit compenser la diminution de la productivité de
1
la recherche reflétée par le terme au dénominateur A1−φ en augmentant le nombre de
chercheurs.
En appliquant le logarithme à (2.6), on obtient :

ln gA = α . ln LA − (1 − φ) . ln A. (2.7)

En différentiant (2.7), et en utilisant le fait que :


d ln x ∂ ln x ∂x 1
= . = .ẋ.
dt ∂x ∂t x
on obtient :
d ln gA d ln LA d ln A
=0=α. − (1 − φ) . ,
dt dt dt
d ln gA L̇A Ȧ
=0=α. − (1 − φ) . . (2.8)
dt LA A
|{z}
|{z}
=nA =n =gA

Comme Ȧ A = gA , et en supposant que le nombre de chercheurs croı̂t au même rythme


n que la population (ce qui implique que leur part dans la population reste constante),
L̇A
c’est-à-dire L A
= n, en résolvant (2.8) par rapport à gA , on obtient une expression du
progrès technique (constant) à long terme :
α .n
gA = = constant. (2.9)
1−φ
En posant α = 2/3, φ = 1/3 (les chercheurs participent au 2/3 d’une nouvelle découverte
et le stock de connaissance à hauteur d’un 1/3), et n = 1%, on obtient :
2
3 .1%
gA = = 1%.
1 − 13

12
Les indicateurs macroéconomiques

L’expression (2.9) fait apparaı̂tre qu’un progrès technique constant est compatible avec
une augmentation au cours du temps du nombre de chercheurs. En d’autres termes,
pour seulement maintenir constante la progression de l’innovation, il faut davantage
de ressources. Ce phénomène reprose principalement sur l’hypothèse selon laquelle la
productivité de la recherche présente des rendements décroissants par rapport au stock
de connaissance : cette hypothèse est reflétée par φ < 1. Ces rendements décroissants
signifient qu’il est de plus en plus difficile de faire de nouvelles découvertes.
En revanche, si on avait supposé des rendements d’échelle constants dans la production
de connaissances par rapport au nombre de chercheurs (α = 1 dans (2.3)) et dans la
productivité de la recherche par rapport au stock de connaissance (φ = 1 dans (2.5)),
alors la fonction de production de connaissances s’écrirait :

Ȧ = δ̄ .LA = A .LA . (2.10)

En divisant les membres de gauche et de droite de (2.10) par rapport à A, on obtient


que le progrès technique ne dépend pas du taux de croissance du nombre de chercheurs
mais du niveau du nombre de chercheurs :


gA = = LA . (2.11)
A
L’expression (2.11) va à l’encontre du fait empirique présenté sur la Figure 2.2 puisque
si (2.11) était vrai, alors on devrait observer une hausse de gA similaire à celle de
l’accroissement de LA ce qui n’est pas le cas.
10. La période 2008-2009 correspond à une phase de dépression économique pour l’ensemble
des pays industrialisés entraı̂née par l’éclatement de la bulle immobilière et la crise ban-
caire qui a suivi. Nous reviendrons sur les causes et le déroulement des crises bancaires
bancaires au cours des 30 dernières années dans le chapitre consacré à la monnaie et au
financement de l’économie. Après une courte phase d’expansion économique 2010-2011,
les pays de la zone euro ont connu à nouveau une phase de contraction économique sur
la période 2012-2014.

Nous allons maintenant définir plus précisément les indicateurs macroéconomiques prin-
cipaux. Les trois statistiques les plus utilisées sont le : produit intérieur brut (PIB) qui
reflète le flux de revenu total généré par une économie. On verra que cet indicateur permet-
tra de mesurer le niveau de vie d’un pays une fois corrigé de la population car ce revenu va
en définitif déterminer notre capacité de dépense. Un deuxième indicateur macroéconomique
que l’on définira est l’indice de prix à la consommation qui mesure le niveau général des
prix du panier de biens et services d’un consommateur moyen (ou représentatif), le taux de
chômage qui mesure la fraction de la population active qui n’a pas emploi et en cherche un.

13
Macroéconomie L1

Fig. 2.2 – Nombre de chercheurs et d’ingénieurs et progrès technique (TFP) aux Etats-Unis -
Source : Jones (1995) R&D-Based Models of Economic Growth. Journal of Political Economy,
103(4), 759-184.

2.3 La mesure de l’activité économique

2.3.1 Les différentes mesures du PIB

Le produit intérieur brut est calculé pour une zone géographique délimitée (pays,
région, ou ensemble de pays comme l’Union Européenne regroupant habituellement 15 pays).
Le PIB va mesurer le flux de revenu dans une économie au cours d’une période qui est
habituellement l’annnée (et même le trimestre). Il existe trois façons de concevoir le PIB :

1. Le PIB dans l’optique des biens finals correspond à la valeur des biens et services finals
produits dans l’économie durant une période donnée. Dans cette optique, le PIB donne
la valeur de la production finale et sa mesure consiste à additionner les ventes finales
de biens et services, c’est-à-dire les ventes de biens et services à des utilisateurs finals :
X
PIB = ventes finales de biens et services. (2.12)

La mesure de la production finale nécessite donc de distinguer vente finale et vente


intermédiaire. Une vente finale représente la vente d’un bien ou d’un service faite
à un consommateur (dépense de consommation finale) ou à une entreprise (dépenses
d’investissement) qui en est le dernier utilisateur. Par contre, la vente d’acier par une
entreprise sidérurgique à un fabricant d’automobiles est une vente intermédiaire car

14
Les indicateurs macroéconomiques

le constructeur utilise ce produit pour produire une voiture qui sera vendue à un utili-
sateur final.5 L’utilisation de l’acier pour produire une voiture représente une consom-
mation intermédiaire qui est définie comme la valeur des produits consommés dans les
différents processus de production. Les ventes intermédiaires portent sur des biens et
services acquis pour produire d’autres biens et services. Les ventes intermédiaires sont
exclues du calcul du PIB afin d’éviter tout double comptage : la vente de la farine à une
boulangerie (car elle est incorporée au pain), la vente de pain à un restaurant (car la
valeur du menu contient la valeur du pain), ou encore la vente de pneus à un fabricant
d’automobiles sont des exemples de ventes intermédiaires.2
La plupart des entreprises achètent des matières premières ou des produits semi-finis
pour produire des biens et des services. Par exemple, les équipementiers automobiles
fournissent désormais 70% du prix de revient d’un véhicule (en 2000), en moyenne,
contre 55%, il y a une vingtaine d’années. Donc la production des équipementiers n’est
pas inclue dans le PIB, seulement celle du constructeur autombile. La valeur de l’au-
tomobile qui est vendue par le constructeur doit être comptabilisée dans le PIB puis-
qu’elle représente une vente finale d’un bien à ménage. En revanche, commme l’acier
et les matières plastiques sont utilisés pour fabriquer l’automobile et ne sont pas ven-
dus à un utilisateur final, la production d’acier et de matières plastiques ne seront pas
comptabilisés dans le calcul du PIB.
Pour entrevoir plus facilement la notion de production finale, il suffit se considérer le cas
où les entreprises fusionnent : la vente d’acier, de matière plastique ou de caoutchouc
devient interne à l’entreprise et ne constitue qu’une simple consommation destinée à
produire un bien final qui sera acheté par un ménage ou une entreprise. Cela implique
que la construction du PIB en tant que production finale nécessite d’additionner les
valeurs des ventes finales de biens et services.
Nous allons voir maintenant que la notion de consommation intermédiaire permet de
définir le PIB d’une deuxième façon : si on soustraie la consommation intermédiaire de
la production, on pourra alors considérer l’ensemble des productions, et pas seulement
les ventes finales.
2. Le PIB est la somme des valeurs ajoutées créées dans l’économie au cours d’une
certaine période :
X
PIB = valeurs ajoutées créées dans l’économie. (2.13)

L’idée est que la production se déroule en plusieurs étapes : une première étape où
une entreprise d’extraction vend le minerai de fer à une entreprise sidérurugique qui
2
On peut établir une nomenclature par produits ou par branches (à l’exception du commerce qui est une
branche mais pas un produit). On distingue l’agriculture, l’industrie (agro-alimentaire, biens de consommation,
automobile, biens d’équipement, biens intermédiaires, énergie), la construction, les services marchands (com-
merce, transports, activités financières, activités immobilières, services aux entreprises, services aux particu-
liers), services non marchands. Les services de commerce comme par exemple la vente d’une voiture d’occasion
sont mesurés par les marges commerciales (prix de vente moins prix d’achat). L’activité commerciale est donc
productive, mais il n’existe pas de produit du commerce en tant que tel puisque celui-ci est indissociablement
lié à un autre produit.

15
Macroéconomie L1

dans une deuxième étape fabrique de l’acier qui est vendu à un fabricant d’automobiles
qui utilise cet acier et d’autres consommations intermédiaires comme le plastique et le
caoutchouc pour produire une voiture. La valeur ajoutée de l’entreprise sidérurgique sera
représentée par la différence entre ce qu’elle paie pour acquérir du minerai de fer et ce
qu’elle reçoit en vendant l’acier. C’est le surplus de valeur générée par la transformation
du minerai de fer en acier. La valeur ajoutée du constructeur automobile est représentée
par la différence entre ce qu’il paie pour acquérir l’acier et ce qu’il reçoit en échange de
produits finis qu’il vend est appelée valeur ajoutée de l’entreprise.
La valeur ajoutée d’une entreprise est donc définie comme le surplus de valeur créée
par la production d’un bien ou d’un service par rapport à la valeur des biens et services
consommés pour produire c’est-à-dire elle correspond à la différence entre la valeur de
sa production et la valeur des consommations intermédiaires.
Selon les deux définitions que nous venons de voir, le PIB est soit égal à la production
de l’entreprise au bout de la chaı̂ne de production et correspond à la production finale
de biens et services (production finale du fabricant d’automobiles), soit égal à la somme
des valeurs ajoutées créées par les entreprises le long de la chaı̂ne de production (la
somme des valeurs ajoutées de l’entreprise sidérurgique et du fabricant d’automobiles).
3. Dans les deux premières définitions, nous avons envisagé le PIB du côté production.
Une troisième façon de le concevoir est du côté des revenus. Dans cette optique, le PIB
est égal à la somme des revenus distribués dans l’économie au cours d’une période
donnée :
X
PIB = revenus distribués. (2.14)

En économie, on distingue trois groupes d’agents économiques : les entreprises, l’Etat


et les ménages. Comme les ménages possèdent les facteurs de production, c’est-à-dire
le travail et le capital nécessaires au processus productif, les entreprises vont utiliser
le produit de leurs ventes pour rémunérer le travail et le capital (puisque l’investisse-
ment des entreprises est financé par l’épargne des ménages), et également pour payer
les taxes sur les produits à l’Etat. Ce qui reste, c’est-à-dire le résidu égal au produit
des ventes de biens et services et les paiements effectués pour rémunérer les services
de travail offerts par les ménages (les économistes désignent la totalité des paiements
faits aux salariés sous le terme de masse salariale) ainsi que les services du capital (sous
la forme d’intérêts), est défini comme les profits qui représentent la rémunération des
propriétaires de l’entreprise : une partie sera distribuée aux actionnaires, une autre
consacrée au paiement de l’impôt sur les sociétés et le reste constituera l’épargne brute
de l’entreprise. Pour simplifier, on utilise généralement une mesure du PIB qui ne
contient pas les impôts indirects (comme la TVA, les taxes sur les produits pétroliers
ou la cigarette). On dit alors que le PIB est évalué aux prix de base une fois que l’on a
déduit du montant reçu par le vendeur le montant des taxses sur les produits.
Lorsque la VA est évaluée aux prix de marché, les taxes indirectes sont inclues. Si on les
déduit, la VA est évaluée aux prix de base. C’est l’Etat qui reçoit les taxes indirectes
payées par les consommateurs. Lorsque l’on retranche la rémunération du travail, on
obtient l’EBE. Lorsque l’on soustrait la rémunération du capital, on obtient le profit

16
Les indicateurs macroéconomiques

économique. Lorsque l’on soustrait l’impôt sur les sociétés, on obtient le résultat net
des entreprises ; si l’on enlève les dividendes distribués, on obtient l’épargne brute qui
peut servir à l’autofinancement. La répartition de la VA au prix de marché entre les
différentes rubriques peut être résumée de la manière suivante :

VA aux prix de marché


− Taxes indirectes = VA aux prix de base
− Rémunération du travail = EBE
− Rémunération du capital = Profit économique
− Impôt sociétés = Résultat net
− Dividendes = Epargne brute.

Cette approche en termes de revenu est particulièrement utile car elle permet d’évaluer
la fraction de la valeur ajoutée consacrée à la rémunération du travail (66% en 2009
en France) et la part de l’excédent brut d’exploitation dans la valeur ajoutée (34% en
2006 en France) comme le montre le Tableau 2.5.3
En résumé, si l’on soustraie la valeur des consommations intermédiaires de la produc-
tion, on obtient la valeur ajoutée générée par l’entreprise qui est affectée aux paiements
des salariés (revenus du travail), aux paiements des impôts (indirects) qui correspondent
prélèvements de l’Etat sur les produits vendus, à la rémunération du capital et le reste va
dans les caisses de l’entreprise. De manière comptable, le profit correspond à l’excédent
brut d’exploitation (EBE) qui est égal à la somme des revenus du capital et du profit
économique. Du point de vue du revenu, la valeur ajoutée est égale à la somme des
impôts indirects, des revenus du travail, de la rémunération du capital et des profits.
L’approche qui consiste à calculer le PIB dans l’optique du revenu implique que la
production totale est égale au revenu total. La production d’une économie génère un
revenu équivalent.

Pour résumer notre discussion à propos du calcul du PIB, nous allons prendre un exemple.
Le tableau 2.1 rassemble les données de deux firmes. L’entreprise sidérurgique vend de l’acier
à un constructeur d’automobiles.

1. Dans l’optique de la production finale, le PIB est égal à la production du constructeur


d’automobiles qui est la seule production vendue à des utilisateurs finals. Le PIB est
donc égal à 1200.
2. Dans l’optique de la valeur ajoutée, le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées. On
fait donc la somme de toutes les productions en retranchant la valeur des consommations
intermédiaires. Un bien intermédiaire est un bien qui est utilisé pour produire d’autres
3
Alors que le PIB mesure le revenu total gagné sur le territoire d’un pays, le PNB mesure le revenu total
gagné par les résidents d’un pays. Le PNB = PIB + revenus des facteurs en provenance du monde - revenus
des facteurs versés au reste du monde. PNN = PNB - amortissement. Revenu national = PNN - impôts
indirects liés à la production. Le revenu national = rémunération des salariés + revenu des indépendants et
des professions libérales + intérêt nets + bénéfices réservés et impôts.

17
Macroéconomie L1

Entreprise sidérurgique

Chiffre d’affaires 300


Salaires 150
Profit 150

Constructeur automobile
Chiffre d’affaires 1200
Salaires 600
Achat d’acier 300
Profit 300

Tab. 2.4 – Chiffre d’affaires et dépenses de deux entreprises

biens. Dans l’exercice, le bien intermédiaire est représenté par l’achat d’acier. La valeur
de la consommation intermédiaire est donc égale à 300. Le PIB est donc égal à : 300 +
(1200 - 300) = 1200.
3. Dans l’optique des revenus, le PIB est égal à la somme des revenus distribués par les
entreprises, c’est-à-dire la somme des revenus du travail et des profits (rémunération
du capital et rémunération des propriétaires de l’entreprise) car l’entreprise consacre la
valeur ajoutée à la rémunération des facteurs de production. Le PIB est donc égal à :
(150+150) + (600+300) = 1200.

2.3.2 Quelques chiffres sur les entreprises fançaises

Au 1er janvier 2005, la France comptait 2.6 millions d’entreprises (hors agriculture et
finance) dont 93% de très petites entreprises (TPE, entre 0 et 9 employés), et 6.7% de PME
(entre 10 et 249 employés), comme le montre le Tableau 2.3. Le Tableau indique également
que 58% des entreprises n’emploient aucun salarié. Seulement 0.2% des entreprises emploient
250 salariés ou davantage. Les 0.2% des entreprises les plus grandes assurent : 33% de l’emploi
total, 57% de la valeur ajoutée nationale, 48% des exportations.

Le Tableau 2.5 montre plusieurs ratios pour les sociétés non financières. La part de la
rémunération des travailleurs dans la VA a augmenté de manière continue de 1950 à 1982
puis a diminué jusqu’en 1994. Cette part se stabilise à 2/3 de la VA. Le taux de marge
s’est considérablement réduit au cours de cette période en raison de l’accroissement du coût
du travail et du ralentissement des gains de productivité. Le taux d’investissement décroı̂t
fortement de 1974 à 1994 puis augmente jusqu’en 2008. A noter une baisse marquée au début
des années 1990 sous l’effet du niveau élevé des taux d’intérêts réels qui ont élevé le coût du
capital alors que le taux de marge avait atteint un niveau élevé. Sous l’effet de la baisse de
l’EBE, le taux d’épargne et le taux d’autofinancement ont été divisés par deux entre 1950

18
Les indicateurs macroéconomiques

TPE PME de 10 à 249 salariés


100 à > 250 Total
1 à 9 10 à 49 50 à 99
0 salarié 249 salariés.
salariés salariés salariés
salariés
58,4% 34,7% 5,8% 0,6% 0,3% 0,2% 100,0%
93,1% 6,7%
Total 1 530,11 908,18 151,01 15,05 8,60 4,91 2 617,87

Fig. 2.3 – Répartition des entreprises selon le nombre de salariés - 01/01/2005 - en milliers
- Source : Insee, répertoire des entreprises et des établissements (Sirene)

Rubriques 1950 1974 1982 1994 2007 2008 2009


Rémunération des salariés / valeur ajoutée (VA) 66.2 70.5 74.2 65.7 64.4 64.8 66.4
Taux de marge (excédent brut d’exploitation / VA brute) 32.0 29.2 23.9 30.9 31.9 31.6 29.8
Taux d’investissement (FBCF / VA brute) 26.0 22.7 20.2 17.8 20.6 21.1 20.1
Taux d’épargne (épargne brute / VA brute) 18.2 11.6 7.3 15.6 15.5 13.6 12.8
Taux d’autofinancement (épargne brute / FBCF) 70.0 50.9 36.2 87.3 75.3 64.4 63.6

Tab. 2.5 – Principaux ratios des entreprises non financières - Source : INSEE

et 1982. A noter qu’en 1994, le taux d’autofinancement est particulièrement élevé, car les
entreprises ont cherché à se désendetter.

2.3.3 Mode de calcul du PIB nominal et du PIB réel

Le PIB constitue une mesure de la production finale de biens et services produits dans
l’économie. Pour bien comprendre sa signification, nous allons voir comment on calcule le
PIB d’un pays. Une économie produit des millions de biens et services différents mais pour
simplifier l’exposé, nous allons supposer que l’économie produit seulement deux biens, des
ordinateurs et du vin. Pour calculer le PIB nominal de cette économie en 2004 et en 2005,
il suffit d’additionner la valeur monétaire de tous les biens finals (biens qui ne sont
pas utilisés pour fabriquer d’autres biens) afin d’obtenir un unique chiffre synthétisant la
production finale de l’économie. Cette mesure résume donc la valeur monétaire totale des
biens et services finals produits dans l’économie.

Le Tableau 2.6 rasssemble les données d’une économie fictive produisant deux biens, les
ordinateurs notés P C et le vin noté V . Ce tableau indique les prix de ces deux biens et leurs
quantités produites. Pour l’année 2004, on obtient le PIB en multipliant la quantité de chaque
bien vendue avec son prix. On obtient alors la valeur monétaire totale de la production de
PC et de vin. On effectue la même opération pour 2005.

On sait maintenant que le PIB nominal est égal à la production finale de biens et services
et que l’on calcule cette production finale en multipliant le volume de production finale . par
le prix de cette production finale. Cette définition fait apparaı̂tre que le PIB nominal peut
augmenter pour deux raisons : soit en raison de l’augmentation du volume de production

19
Macroéconomie L1

A.Prix et quantités pro-


duites
Année 2004 Année 2005
Prix d’un ordinateur (PP C ) 1200 euros 1300 euros
Prix du vin (PV ) 20 euros 22 euros
Quantité de PC (QP C ) 1.0 million 1.2 million
Quantité de vin (QV ) 20 millions 25 millions
B.Calcul du PIB nominal
P
P IB = ni=1 Pi .Qi PP04C .Q04 04
P C + PV .QV
04 PP05C .Q05 05
P C + PV .QV
05

= (1200 .1.0 + 20 .20) = (1300 .1.2 + 25 .22)


P IB 04 = 1600 millions euros P IB 05 = 2110 millions euros

Tab. 2.6 – Mode de calcul du PIB nominal

A.Calcul du PIB réel


04
P IBR = 1600 millions d’euros

05
P IBR PP04C .Q05 04 05
P C + PV .QV
= (1200 .1.2 + 20 .25)
= 1940 millions d’euros
B.Déflateur du PIB
PP04IB = 100

05
PP05IB = 100 . PP IB
IB 05
R
2110
= 100 . 1940 ' 108.8

Tab. 2.7 – Mode de calcul du PIB réel et du déflateur du PIB

finale, soit en raison de l’accroissement du prix de la production finale. Le PIB nominal n’est
donc pas une mesure précise du bien-être économique. Si le PIB nominal augmente de 10%
par rapport à l’année précédente, et si cette hausse est due à la seule augmentation des prix,
cela signifie que la capacité de l’économie à satisfaire la demande ne s’est pas modifiée. Or
le niveau de vie d’une économie dépend de sa capacité de production et de cette capacité de
production dépend la capacité de dépense des individus.

Le PIB réel

Pour isoler la seule hausse du PIB due à l’augmentation des quantités produites, il est
donc nécessaire de neutraliser l’effet induit par la hausse des prix. De cette façon, nous aurons
une mesure du PIB réel. La notion de PIB réel constitue donc une mesure de la production
finale corrigée de l’inflation. Pour comprendre cette notion de PIB réel, il faut se poser la
question suivante : quelle serait la valeur du PIB si tous les prix étaient restés identiques ? Le
PIB réel généré au cours d’une année est donc obtenu en multipliant les quantités produites
par le prix de l’année de base choisie.

20
Les indicateurs macroéconomiques

Le tableau 2.7 montre le mode de calcul du PIB réel à partir des données de l’économie
fictive que nous avons considérée dans le tableau 2.6. Puisque le PIB réel mesure la valeur de
la production finale si les prix étaient restés constants, il faut choisir une année de référence
(qui est arbitrairement choisie) dont le prix constituera le prix de référence. Dans le tableau
2.7, on a choisi l’année 2004 comme année de référence. Pour calculer le PIB réel en 2005,
on se pose alors la question suivante : quelle aurait été la valeur du PIB en 2005 si les
prix étaient restés au niveau de ceux de 2004 ? Le tableau 2.7 nous apporte la réponse à
cette question. Pour calculer le PIB corrigé de l’inflation, il suffit de multiplier les quantités
produites de chaque bien en 2005 par leurs prix de 2004. On obtient alors le PIB réel à
prix constants 2004 en euros ce qui signifie que l’année de base est 2004 et que pour
cette année seulement, le PIB réel est égal au PIB nominal. En d’autres termes, l’évolution
du PIB réel reflètera l’évolution du volume de la production exprimée en termes des prix de
2004. Cela revient à supposer que les prix ont été constants depuis 2004 et sa mesure ne tient
compte que de l’évolution des quantités produites évaluées aux prix de 2004.

Maintenant, il s’agit de préciser la relation entre le PIB nominal et le PIB réel. Le PIB
nominal de 2005 est égal aux prix de 2005 fois les quantités produites en 2005. On peut
réécrire le PIB nominal d’une deuxième façon de façon à le mettre en relation avec le PIB
réel. Le PIB nominal de l’année 2005 est égal aux prix de l’année 2005 rapportés aux prix de
2004 multipliés par le volume de production de l’année 2005 calculé aux prix de 2004 :
P 2005
P IB 2005 = P 2005 .Q2005 = . P 2004 .Q2005 . (2.15)
2004
|P {z } | {z }
PIB réel aux prix de 2004
Déflateur du PIB 2005

D’après cette relation, le PIB nominal de 2005 est égal au PIB réel de 2005 multiplié par un
facteur indiquant la proportion dans laquelle s’accroissent les prix. Si les prix de la production
finale de 2005 sont identiques à ceux de la production finale de 2004, le PIB nominal est égal
égal au PIB réel. Si les prix ont augmenté, le PIB nominal de 2005 sera plus élevé que le PIB
réel de 2005.

Ce résultat apparaı̂t clairement sur la figure 2.4 où nous avons tracé l’évolution du PIB
nominal et du PIB réel en France sur la période 1949-2010. Puisque le PIB nominal et le
PIB réel sont égaux en 2000, cela signifie que 2000 est l’année de référence ou l’année de
base) qui a été retenue part la comptabilité nationale. Comme nous venons de le souligner,
le PIB nominal français en 2010 est plus élevé que le PIB réel français en 2010 car les prix
ont augmenté entre 2000 et 2010.

2.3.4 Le déflateur du PIB et son mode de calcul

La relation existant entre le PIB nominal et le PIB réel fait apparaı̂tre un troisième
concept : le déflateur du PIB. En économie, lorsque l’on corrige le PIB nominal de l’in-
flation, cela signifie que l’on déflate le PIB nominal à l’aide d’une mesure du niveau moyen
des prix appelé indice de prix. L’indice de prix pour le PIB est appelé déflateur du PIB (prix
moyen de la production finale).

21
Macroéconomie L1

PIB réel et nominal en France (1949-2010)

2500000

2000000
En millions d'euros

1500000

1000000

500000

0
1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009

PIB réel PIB nominal

Fig. 2.4 – PIB nominal et PIB réel en France (1949-2010)

Comme nous l’avons déjà dit, le PIB nominal reflète à la fois les changements dans les prix
et les changements dans les quantités. Si l’on se reporte à la relation (2.15), le changement
de prix est reflété par le premier terme du membre de droite qui représente le déflateur du
PIB. Pour le calculer, il suffit alors de faire le rapport entre le PIB nominal et le PIB réel :
PIB nominal
Déflateur du PIB = . (2.16)
PIB réel
Le tableau 2.7 montre le mode de calcul du déflateur du PIB nominal 2005. Pour le calculer,
il suffit de rapporter le PIB nominal de 2005 au PIB réel de 2005. On obtient un déflateur
égal à 108.8 ce qui signifie que le prix moyen de la production finale a augmenté environ de
9% par rapport à l’année 2004. Comme le PIB nominal a augmenté de 30%, cela signifie que
le PIB réel s’est accru de 21%. On pourra remarquer que pour l’année 1995 qui représente
l’année de référence sur la figure 2.4, c’est-à-dire pour l’année où le PIB nominal et le PIB
réel sont égaux, le déflateur est égal à 100.

Les données pour la France sur la période 2000-2010 indiquent que le PIB nominal s’est
élevé de 3.1% dont 1.2% provient de l’accroissement des quantités produites et 1.9% a pour
origine l’augmentation des prix.

2.3.5 Des méthodes alternatives pour évaluer le niveau de vie des pays

Puisque le PIB par habitant constitue une mesure du revenu par habitant et comme la
consommation est liée au revenu, le PIB devrait constituer une mesure correcte du bien-

22
Les indicateurs macroéconomiques

être d’une économie. La mesure du PIB a été récemment critiquée car d’autres facteurs sont
susceptibles d’affecter le bien-être comme : i) la durée de vie des individus (consommation sur
un plus grand nombre de périodes), ii) l’inégalité de consommation (pour un niveau donné
de consommation, le bien-être sera plus faible si la consommation de notre voisin est plus
élevée est que la nôtre), iii) le temps de loisir (car cette consommation affecte également
notre bien-être), iv) la part de la consommation dans notre revenu (pour un niveau donné du
revenu, le bien-être sera d’autant plus grand qu’une grande part du revenu est consommée).

La Figure 2.5 montre à la fois la part de la population en âge de travailler (nombre


de personnes de plus de 18 ans) qui rentre sur le marché du travail et le nombre d’heures
travaillées de chaque individu. L’offre de travail à la marge extensive correspond à la part
de l’emploi dans la population en âge de travailler et l’offre de travail à la marge intensive
représente la durée moyenne du travail. Les pays riches ont un temps de travail de 1600-1800
heures environ et une part de la population qui travaille d’environ 60%. Jones et Klenow
calculent le temps de loisir en utilisant le fait que la nombre d’heures totales disponibles dans
l’économie est égale à la population fois le nombre d’heures disponibles par individu :

POP .H = Loisir + N .h.

Ces heures disponibles peuvent être allouées au loisir ou au travail N .h. En divisant les
membres de gauche par POP .H, et en notant l la fraction moyenne du temps disponible
alloué au loisir par habitant, on obtient :
h N
l = 1− . ,
H P OP>18
1831
lU SA = 1− .65%,
16 .365
= 1 − 31% .65% ' 1 − 20% = 80%.

Aux Etats-Unis, le taux d’emploi est de 65% et le nombre moyen annuel d’heures travaillées
est de 1831. Comme le nombre d’heures total disponibles est de 16 .365 = 5840 heures par
an, un américain consacre 80% de son temps disponible au loisir. L’un des pays où la part
du loisir est grande est l’Allemagne avec un taux de 86% (le nombre d’heures travaillées est
de 1473 en raison d’une forte proportion d’emplois à temps partiel) :
1473
lDEU = 1− .56%,
5840
= 1 − 25% .56% ' 1 − 14% = 86%.

On observe notamment qu’en Chine, le taux d’emploi est proche de 80% et que le temps
de travail de chaque individu dépasse 2000H par an (environ 0.34 .0.8 = 27% du temps
disponible est consacré au travail). La Figure 2.6 montre que les pays qui ont un revenu par
habitant plus important ont également un loisir plus élevé.

La Figure 2.7 compare le niveau des inégalités entre pays qui indique l’ampleur avec
laquelle les écarts de consommation à la moyenne du pays sont importants : alors que les
pays riches ont plutôt un niveau d’inégalité faible, les pays pauvres ont un niveau d’inégalité
plus élevée.

23
Macroéconomie L1

La Figure 2.8 trace le PIB par habitant contre la mesure de bien-être. Le graphique
montre que la relation est étroite entre les deux mesures et donc que le PIB constitue une
bonne approximation du bien-être pour comparer les pays. On observe également qu’un grand
nombre de pays se situent sous la bissectrice ce qui signifie que pour ces pays, le PIB par
habitant sur-estime le bien-être. La Figure 2.9 met en relation le rapport du bien-être avec
le PIB par habitant. La Figure 2.9 montre que le PIB par habitant tend à sur-estimer le
bien-être lorsque les pays sont pauvres en raison d’une espérance de vie bien moins élevée,
un loisir moins important et des inégalités plus fortes que celle des pays riches. On observe
également que la mesure du PIB par habitant a tendance à sous-estimer le bien-être dans les
pays européens. Les Tableaux 2.10 et 2.11 permettent de comprendre pourquoi.

Le Tableau 2.10 compare les niveaux de bien-être et de PIB par habitant entre diverses
régions du monde en normalisant le niveau de bien-être à 100 pour les Etats-Unis (qui ont
le bien-être le plus élevé). On observe en particulier que l’Europe a un niveau de PIB par
habitant 30% en-dessous de celui des Etats-Unis et un bien-être seulement 10% plus faible
en raison d’une espérance de vie plus longue, d’un temps de loisir plus important, d’une
inégalité moins forte, bien que la part de la consommation dans le revenu soit relativement
plus faible. Le Tableau 2.11 compare les niveaux de bien-être et de PIB par habitant entre
les pays. La troisième colonne indique la part du bien-être qui n’est pas expliquée par le
revenu et cette part est expliquée par les 4 facteurs décrits dans les quatre colonne suivantes.
On peut noter que la France a un bien-être inférieur de seulement de 2 à 3% de celui des
Etats-Unis. Finalement, même si le niveau de revenu est moins élevé en France qu’aux Etats-
Unis, le système de santé (permettant une espérance de vie plus longue), la mise en place de
lois réduisant le temps de travail et favorisant le loisir (les 35 heures), l’existence de revenus
de remplacement fournis par l’Etat (réduisant donc l’incitation à participer au marché du
travail), un système fiscal plus progressif (réduisant ainsi les inégalités) permet à la France
d’avoir un bien-être presque égal à celui des Etats-Unis bien que le revenu est moindre.

La Figure 2.12 trace le taux de croissance du PIB par habitant contre le taux de croissance
du bien-être. Une grande partie des pays se situe au-dessus de la bissectrice ce qui indique que
la croissance du bien-être (2.5% par an en moyenne) a été plus grande que la croissance du
PIB par habitant (1.8%) sur la période 1980-2000. Cette croissance plus élevée du bien-être
est due notamment à la forte amélioration du système de santé dans les pays émergents ce qui
a permis une espérance de vie plus longue, bien que les inégalités augmentent. En d’autres
termes, le processus de croissance amplifie la croissance du bien-être en augmentant à la fois
la consommation et l’espérance de vie. Est-ce que les pays qui ont une croissance plus élevée
consacrent une part plus importante de cette croissance à l’augmentation du bien-être ? La
Figure 2.13 montre que l’écart entre le taux de croissance du bien-être et du revenu n’est pas
corrélé avec la croissance du niveau de vie ce qui peut suggérer que les facteurs influençant le
bien-être reflètent davantage le choix politique des pays plutôt que de la croissance du revenu
des pays : à croissance égale, certains pays souhaiteront consacrer davantage de ressources
pour élever le niveau de santé des habitants, réduire les inégalités, ou augmenter le temps de
loisir.

24
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.5 – Travail à la marge intensive et extensive - Source : Charles J J. Jones et Peter
J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for
Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

Le Tableau 2.14 décompose la part de l’écart en taux de croissance entre la mesure du


bien-être et le PIB par habitant. On remarque que la zone géographique où l’écart entre la
croissance du bien-être et la croissance du revenu par habitant est la plus élevée est l’Europe
car cette région tend à utiliser les fruits de la croissance pour améliorer le système de santé,
réduire le temps de travail et diminuer les inégalités ; dans l’ensemble des pays, l’amélioration
du bien-être s’explique principalement par l’allongement de la durée de vie ; à noter que les
inégalités augmentent dans toutes les zones géographiques sauf en Europe.

25
Macroéconomie L1

Fig. 2.6 – Loisir et revenu par habitant - Source : Charles J J. Jones et Peter J. Klenow
(2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for Economic
Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

Fig. 2.7 – Inégalité dans les pays - Source : Charles J J. Jones et Peter J. Klenow (2011)
Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for Economic Policy
Research. Discussion Paper No 10-001.

26
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.8 – Bien-être et revenu entre les pays, 2000 - Source : Charles J J. Jones et Peter
J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for
Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

Fig. 2.9 – Le ratio du bien-être au revenu - Source : Charles J J. Jones et Peter J. Klenow
(2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for Economic
Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

27
Macroéconomie L1

Fig. 2.10 – Bien-être et revenu : Statistiques descriptives - Source : Charles J J. Jones et


Peter J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute
for Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

28
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.11 – Bien-être et revenu entre les pays, 2000 - Source : Charles J J. Jones et Peter
J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for
Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

29
Macroéconomie L1

Fig. 2.12 – Bien-être et croissance du revenu, 1980-2000 - Source : Charles J J. Jones et Peter
J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for
Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

Fig. 2.13 – Différence entre bien-être et croissance du revenu - Source : Charles J J. Jones et
Peter J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute
for Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

30
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.14 – Bien-être et croissance du revenu, 1980-2000 - Source : Charles J J. Jones et Peter
J. Klenow (2011) Beyond GDP ? Welfare across Countries and Time. Stanford Institute for
Economic Policy Research. Discussion Paper No 10-001.

31
Macroéconomie L1

2.3.6 Le PIB potentiel

Nous venons de voir que le PIB réel mesure la quantité réellement produite par l’économie.
Cette mesure de la production correspond à celle observée. Mais il arrive que les économies
soient parfois capables de produire plus, c’est-à-dire n’utilisent pas pleinement leurs res-
sources. Par exemple, lorsque la demande est insuffisante, les firmes vont décider de produire
moins alors que le capital et le travail dont dispose l’économie permettrait de produire plus.
La mesure de la production qu’une économie serait en mesure d’atteindre si la quantité de ca-
pital et le volume de travail dont elles disposent étaient utilisées dans des conditions normales
est appelé PIB réel potentiel. Ces conditions normales correspondent à un taux d’utilisation
des capacités de production égal à environ 80%. Lors de certaines périodes, le PIB réel va se
situer en-dessous de son niveau potentiel ou au-dessus. Le PIB réel observé se situera donc
en-dessous du PIB potentiel quand l’économie sous-emploiera ses capacités de production.
Par exemple, les entreprises vont demander à leurs employés de faire moins d’heures, ne vont
pas renouveler les CDD ou ne vont pas utiliser tous leurs biens d’équipement. A d’autres
moments, les économies peuvent produire davantage, par exemple en demandant à leurs em-
ployés de faire des heures supplémentaires ou en utilisant des biens d’équipement qui sont
habituellement peu utilisés. On considère qu’en période de récession, le taux d’utilisation des
capacités de production s’élève à 70% et en période d’expansion (fort accroissement du PIB),
le taux d’utilisation s’élève à 90%.6 De la même manière que le chômage, la faible utilisation
des capacités de production va consituer un gaspillage de ressources.

Le PIB réel potentiel est un indicateur important puisqu’il va constituer la production


de référence par rapport à laquelle on sera en mesure de dire si l’économie est en contraction
ou en expansion. Les économies ne se situent pas toujours à leur niveau potentiel car à court
terme, la demande de biens et services n’est pas en permanence à un niveau compatible avec
le plein emploi. Donc la production ne croı̂t pas de manière régulière. Sur la Figure 2.15,
nous avons représenté le PIB réel français et le PIB potentiel sur la période 2000-2010. La
figure montre que le PIB réel observé croı̂t en dents de scie ce qui témoigne des fluctuations
autour d’une tendance moyenne de croissance (ou de long terme).Par exemple, en 2009-
2010, il apparaı̂t clairement que la France aurait été en mesure de produire davantage car la
production réelle observée est inférieure à la production potentielle. La Figure 2.15 montre
également que le PIB réel peut être scindé en deux composantes, une composante tendancielle
et une composante cyclique. La courbe en trait plein correspond à la composante tendancielle.
La composante cyclique est définie comme la différence entre le PIB réel observé (ou effectif)
et le PIB réel potentiel et correspond à l’écart de production. On note Yt le PIB réel observé,
Y ? le PIB réel potentiel, et (1 + e) l’écart entre le PIB réel observé et le PIB réel potentiel :

Yt
= (1 + e) ,
Y?
ou en appliquant le logarithme :
µ ¶
Yt
ln = ln (1 + e) ' e,
Y?

32
Les indicateurs macroéconomiques

où e représente l’écart de production qui mesure la part de la production du PIB réel qui
n’est pas expliquée par le PIB réel potentiel. La courbe de tendance qui passe au milieu de
la courbe de PIB réel observé indique le sentier hypothétique que l’économie aurait eu les
chances de suivre si la croissance avait été régulière au cours des 10 dernières années. La
pente de cette tendance de long terme ou trend est une estimation du rythme de croissance
du PIB potentiel, c’est-à-dire du rythme de croissance que l’économie aurait été capable de
soutenir si elle avait été en permanence au plein emploi.

Mais l’économie se situe parfois en-dessous (écart de production négatif), parfois au-dessus
(écart de production positif) du PIB potentiel. Pour illustrer les fluctuations de l’économie,
nous avons représenté l’évolution du PIB réel effectif et du PIB réel potentiel d’une économie
fictive sur le quadrant de gauche de la Figure 2.16. Les périodes d’expansion correspondent
à des phases où le taux de croissance du PIB réel observé est supérieur au taux de croissance
du PIB réel potentiel. Les périodes de contraction (récession si le taux de croissance du
PIB réel diminue) correspondent à des phases où le taux de croissance du PIB réel observé
est inférieur au taux de croissance du PIB réel potentiel. La période au cours de laquelle
l’activité économique augmente plus vite que la moyenne est appelée phase d’expansion. La
période au cours de laquelle l’activité économique augmente moins vite que la moyenne est
appelée phase de contraction. Lorsque le taux de croissance est négatif, on parle de phase de
récession. Lorsque cette récession est durable, on parle de période de dépression économique.
Les macroéconomistes n’emploient le mot de dépression que si l’économie connaı̂t au moins
deux trimestres consécutifs de croissance négative.

Les économies développées comme la France peuvent connaı̂tre des périodes de ralentis-
sement ou des phases d’accélération mais néanmoins, le taux de croissance du PIB réel reste
habituellement positif. Cependant, il peut arriver que les économies soient confrontées à des
taux de croissance du PIB réel négatifs. Heureusement, ces périodes sont rares. Les périodes
de croissance négative du PIB réel sont appelées dépressions (ou récession profonde). Cela
fut le cas par exemple au moment du Krach boursier de 1929 et en 2009 dans l’ensemble des
pays riches, et au Japon à la fin des années 1990 (en 1998 et 1999). La France a connu quatre
années de croissance négative du PIB réel au cours des 60 dernières années : -1.1% en 1975,
-0.7% en 1993, -0.1% en 2008, -3.2% en 2009.

Les économistes appellent pic ou sommet le moment où l’économie passe d’une expansion
à une contraction-récession et nomment creux le moment où elle passe d’une contraction-
récession à une expansion. Les fluctuations de l’économie reflétées par des écarts de produc-
tion positifs ou négatifs s’appellent des cycles économiques. L’enchaı̂nement d’une phase de
contraction-récession et d’une phase d’expansion constitue un cycle complet. Bien qu’on ap-
pelle ces successions de phases de récession et d’expansion des cycles qui sont des phénomènes
récurrents, ils sont souvent très différents les uns des autres tant du point de vue de leur
régularité que de leur ampleur. La durée d’un cycle varie entre 2 ans et 8 ans.

Pour illustrer ce que nous venons de dire, nous avons représenté l’évolution de la com-
posante cyclique du PIB réel français au cours de la période 1949-2010 sur la Figure 2.17.

33
Macroéconomie L1

Production réelle observée et production réelle potentielle en France (2000-


2010)

14,32

14,3

14,28
En logarithme

14,26

14,24

14,22

14,2

14,18

14,16
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

PIB réel observé PIB réel potentiel

Fig. 2.15 – Production réelle observée et production réelle potentielle en France (2000-2010)

Taux de
PIB réel, croissance
du PIB réel,
Yt gYt
6 Pic 6
PIB réel observé Taux de croissance
du PIB réel observé
Ecart de production 6
?
Pic

Creux gȲ Pic Creux Pic


-
Temps, t
PIB réel
potentiel Taux de
croissance
du PIB réel
- ¾ -¾potentiel -
¾ -¾ -
Temps, t Phase de Phase d’
Phase de Phase d’ expansion
expansion récession
récession

Fig. 2.16 – PIB réel et taux de croissance du PIB réel : détermination graphique des cycles

34
Les indicateurs macroéconomiques

En laissant de côté la période des trente glorieuses, la première récession de 1974-1975 dure
seulement 1 an alors que la quatrième récession de 1990-1996 dure six ans. Par ailleurs, on
observe que la cinquième récession (2000-2003) est de moins grande ampleur que la quatrième
récession (1990-1996).

On va maintenant identifier les cycles économiques qu’a connu la France au cours des
40 dernières années. La courbe 4.9 montre en particulier six principales phases de contrac-
tion/récession pour la France entre 1968 et 2009 :
1. La première période 1968-1973 correspond à une phase d’expansion économique où
les pouvoirs publics ont mis en place une politique destinée à soutenir la demande en
desserrant la contrainte de crédit. Cette politique monétaire accomodante a entraı̂né
une croissance soutenue de l’activité économique en favorisant l’accumulation de capital
et la consommation des ménages. Au cours de cette période, l’investissement augmente
au rythme moyen de 6.8% par an et de 5.3% pour la consommation et le PIB réel au
rythme de 5.7% par an.
2. La deuxième période (1974-1975) correspond au premier choc pétrolier 1973-1974 qui
a affecté négativement la production de l’ensemble des pays industrialisés. Au cours
de cette période, le taux d’inflation augmente (1973 : π = 7.7%, 1975 : π = 13.6%),
l’activité économique ralentit (1973 : gY = 6.6%, 1975 : gY = −1.1%) et le chômage
augmente (1973 : u = 2.4%, 1975 : 3.7%). La relation positive entre chômage et inflation
au cours de cette période indique clairement que la France est confrontée à un choc
d’offre négatif.
En 1975, le gouvernement décide de soutenir la demande (investissement et consomma-
tion) en desserrant la contrainte de crédit : le taux de croissance de la masse monétaire
atteint presque 25% et le taux d’inflation 13.6%. Puis en 1976, abandon de la politique
de relance et le gouvernement resserre la contrainte de crédit : le taux de croissance de
la masse monétaire est nul (puis augmente progressivement à 12% en 1979). Le taux
d’inflation élevé pendant la période 1975-1979 (10% environ) engendre un taux d’intérêt
réel est très faible ce qui permet de soutenir l’accumulation du capital physique même
si sa rentabilité est en baisse.
3. La troisième période (1979-1981) correspond à la seconde récession économique
qui fait suite au deuxième choc pétrolier et s’inscrit dans un contexte de ralentissement
des gains de productivité. A cette période, le taux d’inflation est de 12% en France.
Le gouvernement mène une politique restrictive en 1980 ce qui amplifie la récession
économique en faisant chuter l’investissement de 1.9% en 1981, notamment en élevant
fortement les taux d’intérêt.
4. La quatrième période 1981-1982 qui a suivi est une phase très courte d’expansion
économique où le gouvernement socialiste a mis en oeuvre un programme visant à
augmenter la demande par des politiques sociales plus généreuses (augmentation des
retraites, augmentation du salaire minimum, cinquième semaine de congés payés) et par
des subventions de création à l’emploi (baisse de la durée légale du travail de 40 heures
à 39 heures, pré-retraites). Bien que la baisse de l’investissement se poursuit entre 1981

35
Macroéconomie L1

et 1984, la politique de relance stimule l’activité économique en suscitant une hausse


de la consommation de 3.2% en 1982.
Cette politique d’expansion budgétaire est abandonnée en 1983 sous l’effet des attaques
répétées contre le franc car les marchés financiers pensaient que la France allait dévaluer
sa monnaie (déficit commercial marqué et récurrent 0.1% en 1979, -2.1% en 1980, -2.3%
en 1981, -3.3% en 1982 : et déficit budgétaire : -0.10% en 1980, -2.20% du PIB en 1981
et -2.90% du PIB en 1982 - la France a subi trois dévaluations entre mai 1981 et
mars 1983). Le gouvernement a alors mis en place une politique d’austérité visant à :
i) réduire l’inflation, ii) à rééquilibrer le solde budgétaire et la balance commerciale
dont le déficit se creusait au début des années 1980, et iii) à rétablir les conditions de
croissance économique en restaurant les profits des firmes. Cette politique d’austérité a
conduit à une troisième récession de 1982 à 1985 sous l’effet de la contraction de la
demande mais également sous l’effet de taux d’intérêt réels qui ne cessaient d’augmenter
et freinaient l’accumulation de capital physique.
Cette politique de désinflation compétitive visait à maı̂triser l’inflation par des
taux d’intérêt élevés et un resserrement du crédit, et à restaurer les profits des firmes
en bloquant la progression des salaires (ce qui permet d’éviter la boucle prix-salaires).
L’objectif de la diminution du taux d’inflation est de déprécier le taux de change réel
sans modifier le taux de change nominal. Mais comme il faut un certain délai pour les
prix s’ajustent et que la compétitivité-prix des produits français s’améliore, les entre-
prises ont été contraintes de procéder à une restructuration. A court terme, à défaut
d’une amélioration de la compétitivité-prix, les entreprises ont dû se restructurer en
réalisant des gains de productivité par la maı̂trise des coûts (compétitivité-coût) et à
améliorer la qualité de leur produits et élargir leur gamme (compétitivité hors-coût)
pour faire face à la concurrence internationale.
5. La politique de désinflation compétitive menée par la France à partir de 1983 a eu des
effets négatifs à court terme mais des effets positifs à moyen terme (à partir de 1985).
Après une diminution du taux d’investissement qui est passé de 24.5% du PIB en 1974
à 18.5% du PIB en 1985, la période 1985-1990 correspond à une phase d’expansion
économique tirée notamment par l’augmentation du taux d’investissement qui remonte
dès 1985. Sur cette période, le PIB réel augmente de 3% en moyenne par an et l’inves-
tissement de 5.4% (le taux d’investissement passe de 18.5% du PIB à 20.5% du PIB
enb 1990). En restaurant les profits des firmes, la désinflation compétitive a fait aug-
menter la rentabilité du capital et favoriser l’investissement. Par ailleurs, l’amélioration
de la compétitivité-coût a rendu possible cette nette progression des exportations et
un rétablissement du solde de la balance commerciale à partir de 1990 jusqu’en 1997.
Toutefois, bien que le taux de chômage diminue en passant de 9.5% à 7.9%, il s’établit
en moyenne à 9% sur cette période.
6. La période (1990-1996) correspond à une période de contraction sous l’effet
de taux d’intérêt réels très élevés (supérieurs à 6%) qui ont entraı̂né une chute du
taux d’investissement. L’explication est la suivante. En 1990, la réunification allemande
s’accompagne d’un boom de l’investissement (modernisation de l’appareil productif

36
Les indicateurs macroéconomiques

des entreprises est-allemandes) qui augmente la demande en Allemagne. La crainte


de la Bundesbank que cette expansion économique ne génère de trop fortes tensions
inflationnistes l’a amené à engager une politique monétaire restrictive en élevant les
taux d’intérêt. Pour rester dans le système de changes fixes instauré par le Système
Monétaire Européen7 (1979-1998), les pays voisins doivent également augmenter leurs
taux d’intérêt ce qui a un effet récessionniste sur l’activité. Comme les taux d’intérêt no-
minaux augmentent fortement et l’inflation ralentit, les taux d’intérêt réels s’établissent
à des niveaux élevés et dépriment l’activité économique. Cette période est associée à
un accroissement du taux de chômage en France (10.6% en 1994) et en Belgique. L’in-
vestissement a chuté de 6% en 1993 (le taux d’investissement passe de 20.5% du PIB
en 1990 à 17% du PIB en 1996) et le PIB réel à baissé de 0.7% cette même année.
En revanche, la période 1996-2000 est une phase d’expansion économique qui s’est ac-
compagnée d’un accroissement de la demande intérieure. C’est une période de baisse
des taux longs ce qui a permis de faire augmenter le taux d’investissement. L’investisse-
ment croı̂t en moyenne de 4.8% avec un pic de 8.5% en 1999 et le PIB s’élève au rythme
annuel moyen de 2.7%. Pendant toute cette période, l’emploi augmente fortement ce
qui réduit le taux de chômage à presque 8% au début des années 2000.
7. La période (2000-2003) correspond à la cinquième phase de récession de l’économie
française qui peut s’expliquer par l’éclatement de la bulle technologique en 2000 qui a
eu un effet dépressionniste sur l’investissement et par suite sur la croissance du PIB
réel.
8. La période 2003-2007 est une phase d’expansion économique tirée par l’investissement
en raison du niveau faible des taux d’intérêt réels. La période 2007-2009 est une phase de
dépression économique (-3.2% pour le PIB réel en 2009) provoquée par la crise bancaire
et le resserrement du crédit qui a suivi ce qui a entraı̂né une chute de l’investissement
(-9% en 2009). Toutefois, les politiques budgétaires expansionnistes ont atténué l’effet
dépressioniste de la crise en atténuant la chute de la demande.

2.3.7 La croissance économique : mesure et faits

2.3.7.1 Croissance et cycles économiques

Mesure de l’activité économique

La progression de l’activité économique d’un pays est habituellement mesurée à l’aide du


taux de croissance du PIB réel du pays considéré. Le taux de croissance d’un pays noté gYt
pour l’année t est défini de la façon suivante :
PIB réel en t − PIB réel en t-1
Taux de croissance PIB réel en t = ,
PIB réel en t-1
Yt − Yt−1 ∆Yt
gYt = = . (2.17)
Yt−1 Yt−1

37
Macroéconomie L1

Evolution de la composante cyclique du PIB réel en France (1949-2010)

4
1974
1990
Ecart à la tendance (en % du PIB réel potentiel)
3
1964 2007
1979 2000
2

1982
0 2003
49
51
53
55
57
59
61
63
65
67
69
71
73
75
77
79
81
83
85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
07
09
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
20
20
-1
1975
-2 1968
1985 1996
2009
-3

1959
-4

cycl_ln_pib_r_fr

Fig. 2.17 – Evolution de la composante cylique du PIB réel en France (1949-2010)

En utilisant les données françaises de 2012 et 2013, le taux de croissance du PIB réel français
en 2013 exprimé en pourcentage est égal à :
Y2013 − Y2012 1812 − 1808
gY2013 = .100 = .100 = 0.22%.
Y2012 1808
Cela signifie que la quantité produite de biens et services de 2013 s’est élevée de 0.22%
par rapport à celle de 2012. En d’autres termes, le PIB réel de 2013 est égal au PIB réel
2012 multiplié par un facteur indiquant la proportion dans laquelle s’est accrue l’activité
économique par rapport à l’année précédente ;

2013 2012
P IBR = (1 + gY ) .P IBR .

Pour calculer le taux de croissance moyen annuel en France sur la période 2000-2013, on
utilise l’expression ci-dessus mais en prenant en compte 13 périodes :

2013
P IBR = (1 + gY )13 .P IBR
2000
(2.18)

et en résolvant par rapport à gY , on obtient :


µ 2013 ¶1/13
P IBR
gY00−13 = 2000 − 1 ' 1.0%. (2.19)
P IBR

Souvent, dans le cadre des modèles théoriques de croissance ou de cycle réel, on aura
recours à une approximation du taux de croissance en utilisant le logarithme des ratios de
PIB réels. Plus précisément, à condition que gY soit suffisamment petit, le taux de croissance

38
Les indicateurs macroéconomiques

d’une économie peut également être mesuré par le logarithme du rapport entre le PIB à la
date t et le pays à la date t − 1. Plus précisément, le taux de croissance d’une économie est
égal à :
Yt
gY = − 1,
Yt−1
ou encore
Yt
1 + gY = , (2.20)
Yt−1
et en appliquant le logarithme à gauche et à droite :
µ ¶
Yt
gY ' ln (1 + gY ) = ln . (2.21)
Yt−1

Pour des valeurs faibles de x, une expansion du Taylor au premier ordre au voisinage de x ' 0
implique que ln (1 + x) ' x. Le développement limité d’ordre un utilise le fait qu’on peut
obtenir une approximation de la distance verticale f (x) − f (x? ) en utilisant la dérivée de la
fonction au point x? ce qui revient à utiliser le principe de l’approximation linéaire puisque
l’on ’glisse’ le long de la tangente au point f (x? ) (voir Figure 2.18).

Première étape. On calcule la pente de l’arc BC sur la Figure 2.3.7.1 en traçant la corde
reliant ces deux points et en calculant la pente de cette corde :

f (x) − f (x? )
' f 0 (x? ) . (2.22)
x − x?

Deuxième étape. A condition que C soit suffisamment proche de B, la pente de la corde


reliant B à C va constituer une approximation raisonnable de la pente de la fonction au
point x? . Pour obtenir ce résultat, on utilise le principe de la dérivée. On pose x = x? + dx.
Le principe de la dérivée établit que si la variation dx est suffisamment faible, alors une
approximation au premier ordre de la pente de la courbe f (x) entre les deux points x et x?
est décrite par la pente de la courbe en x? :

f (x) − f (x? )
lim? ,
x→x x − x?
f (x? + dx) − f (x? )
= lim = f 0 (x? ) . (2.23)
dx→0 dx
Sur la Figure 2.18, l’approximation linéaire nous situe au point D au lieu du point C ; si x
est proche de x? l’erreur diminue car on se rapproche du point C.

Troisième étape. L’expansion de Taylor au premier ordre utilise le principe de l’approxima-


tion linéaire décrite par (2.22) qui indique que l’on peut calculer l’écart vertical f (x) − f (x? )
en ’glissant’ de x? à x le long de la pente de la fonction au point x? :

∂f (x) ¯¯
f (x) − f (x? ) = . (x − x? ) . (2.24)
∂x x=x?
ou encore
∂f (x) ¯¯
f (x) = f (x? ) + . (x − x? ) . (2.25)
∂x x=x?

39
Macroéconomie L1

40
Les indicateurs macroéconomiques

y = f (x)
6

˜ o
f (x) D
erreur
f (x) C

f (x? ) B

-
x? x x

Fig. 2.18 – Approximation linéaire

La relation (2.24) indique que la distance verticale f (x) est égale à la distance verticale f (x? )
plus un supplément plus ou moins grand indiqué par la pente de la courbe au voisinage de
x? que l’on ’étire’ d’un monant dx.

On pose x = 1 + gY et x? = 1 de telle sorte que dx = gY . En appliquant la formule (2.25)


à l’équation (2.20), on obtient :
1 ¯¯
ln (1 + gY ) ' ln(1) + .(1 + gY − 1),
1 + gY gY =0
µ ¶
Yt
= gY ' ln .
Yt−1

Application : Courbe de Laffer

On note τ le taux d’imposition et Y (τ ) l’activité économique qui dépend négativement


du taux d’imposition, Y 0 (t) = ∂Y ∂τ < 0. On cherche à calculer la variation des recettes fiscales
τ1 .Y (τ1 ) − τ0 .Y (τ0 ) après une hausse du taux d’imposition dt = τ1 − τ0 . On peut appliquer
le principe de la dérivée à condition que dτ n’est pas trop grand :
τ1 .Y (τ1 ) − τ0 .Y (τ0 )
lim ,
τ1 →τ0 τ1 − τ0
[(τ0 + dτ ) .Y (τ0 + dτ )] − τ0 .Y (τ0 )
= lim ,
dτ →0 dτ
∂τ .Y (τ ) ¯¯ ∂Y (τ ) ¯¯
= ¯ = Y (τ 0 ) + τ 0 . ¯ . (2.26)
∂τ τ =τ0 ∂τ τ =τ0
Le résultat (2.26) représente la pente de la courbe de Laffer lorsque le taux d’imposition est
fixé à τ0 : cette pente est une approximation de l’effet d’une hausse du taux d’imposition sur
les recettes fiscales. Si on se situe le long de la portion croissante de la courbe de Laffer, cad

41
Macroéconomie L1

si (2.26) est positif, alors une hausse du taux d’imposition va élever les recettes fiscales. Pour
calculer cet effet, on se situe au taux d’imposition initial lorsque l’on applique la principe de
la dérivée.

Nombre d’années pour faire augmenter la production

On suppose que le PIB réel initiel est Y0 et le PIB réel dans T années est YT . Etant donné
le taux de croissance annuel moyen gY du PIB réel, le PIB réel YT après T années sera égal
au PIB réel initial plus un supplément indiqué par la proportion dans laquelle s’accroı̂t le
PIB réel :
YT = Y0 . (1 + gY )T . (2.27)

On cherche à calculer le nombre d’années nécessaire T pour faire augmenter le PIB réel. Pour
calculer le nombre d’années T , on applique le logarithme à gauche et à droite et en utilisant
une approximation de Taylor a premier ordre :
µ ¶
YT
ln = T . ln (1 + gY ) ' T .gY ,
Y0

ce qui donne en résolvant par rapport à T :


µ ¶
YT 1
T = ln . . (2.28)
Y0 gY

On suppose que le croissance annuel moyen est égal à gY = 3.4% (France de 1960 à 2000).
Quel est le nombre d’années pour faire

ln (4)
T = ' 40ans. (2.29)
0.034
D’après cette expression, il faut 40 ans pour qu’un pays qui croı̂t au rythme moyen de 3.4%
multiplie par 4 sa production finale. On voit que le taux de croissance du PIB va déterminer en
fait l’évolution des niveaux de vie entre les pays. Si le taux de croissance passe de 3.4% à 1%,
le PIB réel ne va doubler tous les 20 ans mais seulement tous les 70 ans. Les ralentissements
de la croissance économique vont donc avoir des conséquences considérables sur l’évolution
du niveau de vie moyen d’un pays.

Note technique : Facultatif

Le taux de croissance mesure la vitesse avec laquelle la production d’un pays s’accroı̂t.
Jusqu’à présent, on mesurait le taux de croissance d’une économie en calculant le rapport
de la variation du PIB réel entre les dates t + 1 et t au PIB réel à la date t. Au lieu de
considérer que le temps s’accroı̂t d’une unité à chaque date, on suppose maintenant que le
temps s’accroı̂t d’un montant dt qui peut être la journée, l’heure, le trimestre. La variation
du PIB réel lorsque le temps augmente d’un montant dt est mesurée par :

Y (t + dt) − Y (t)
. (2.30)
dt
En faisant tendre dt vers zéro et en appliquant le principe de la dérivée, on obtient que la
variation du PIB réel entre deux dates suffisamment proches est égale à l’accroissement du

42
Les indicateurs macroéconomiques

PIB réel observée à la date t :


Y (t + dt) − Y (t)
lim ,
dt→0 dt
dY (t)
= = Ẏ (t). (2.31)
dt
Le taux de croissance est égal à la variation du PIB réel entre les dates t et t + dt mesurée
par la Ẏ (t) rapportée au PIB initial Y (t) :

Ẏ (t) dY (t) 1
gYt = = . .
Y (t) Y (t) dt
∂ ln Y (t) dY (t)
En utilisant le fait que d ln Y (t) = ∂Y (t) .Y (t) = Y (t) , le taux de croissance peut être
réécrit :
d ln Y (t)
gYt = . (2.32)
dt
La Figure 2.15 trace le logarithme du PIB réel en fonction du temps ; le taux de croissance
du PIB réel entre les dates t et t + dt est donc mesuré par la pente de la courbe à la date t :

ln Y (t + dt) − ln Y (t) d ln Y (t)


= = gYt . (2.33)
dt dt

Identifier les cycles à l’aide du taux de croissance de l’activité économique

Les phases d’expansion et de contraction-récession peuvent être identifiées de manière gra-


phique à partir du taux de croissance de la même façon que nous avons identifié précédemment
les phases d’expansion et de récession à l’aide de l’évolution fictive du PIB réel. L’analyse des
cycles à l’aide du taux de croissance du PIB réel est très simple. Il suffit de disposer du taux
de croissance du PIB réel potentiel, noté gY ? , que l’on suppose constant dans le temps, et du
taux de croissance du PIB réel observé, noté gYt , qui lui en revanche est variable au cours du
temps. Les périodes d’expansion sont caractérisées par un taux de croissance du PIB réel
supérieur au taux de croissance du PIB potentiel, gYt > gY ? . Les périodes de contraction
sont caractérisées par un taux de croissance du PIB réel inférieur au taux de croissance du
PIB potentiel, gYt < gY ? .

Le taux de croissance du PIB réel potentiel est variable dans le temps

Sur la Figure 2.16, nous avons supposé que le taux de croissance du PIB réel potentiel
est constant sur la période considérée. Dans la réalité, le taux de croissance du PIB potentiel
n’est pas constant et peut également varier au cours du temps. Par exemple, en France, on
observe trois périodes distinctes en termes de croissance potentielle sur la figure 2.19. Plus
précisément, on peut identifier qu’il s’opère à la fin des années 1970 une rupture très nette
en termes de croissance économique : gY ? = 5% sur la période 1947-1973 et gY ? = 2.3% sur
la période 1973-1994. La croissance potentielle continue de ralentir puisque gY ? = 1.7% sur
la période 1994-2010.

43
Macroéconomie L1

Taux de croissance du PIB réel et croissance potentielle en France (1950-2010)

10%

8%

6%
Taux de croissance (en %)

4%

2%

0%
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

-2%

-4%

Taux de croissance du PIB réel observé Taux de croissance potentielle

Fig. 2.19 – Taux de croissance du PIB réel et croissance potentielle en France (1950-2010)

2.3.8 La croissance économique et le phénomène de convergence

Jusqu’à maintenant, nous nous sommes intéressés exclusivement à l’évolution du PIB


réel français. Maintenant, nous allons comparer les évolutions des niveaux de vie entre les
pays. Nous avons rassemblé des données pour trois pays européens, ainsi que pour les Etats-
Unis et le Japon. Ces pays ont été choisis parce qu’ils constituent les principales puissances
économiques et qu’ils sont représentatifs de l’évolution des pays industrialisés (les pays de
l’OCDE).8 Pour comparer les pays entre eux en termes d’évolution de l’activité économique,
les chiffres de la production doivent être ajustés en tenant compte des différences de taille
de population. Puis les chiffres doivent être exprimés en termes de parité de pouvoir d’achat
(PPA) qui est une méthode qui neutralise les effets des fluctuations du taux de change et de
différences de pouvoir d’achat entre les pays. Si le PIB réel par habitant du Japon n’était pas
corrigé des différences de pouvoir d’achat, alors on constaterait que le PIB réel par habitant
du Japon serait de 30% supérieur à celui des Etats-Unis en 2005. Corrigé des différences de
pouvoir d’achat, le niveau de vie du Japon ne représente que moins de 80% du niveau de vie
américain.9 On remarque que le PIB réel par habitant des Etats-Unis exprimés en termes de
parité de pouvoir d’achat est le plus élevé du monde. Il est en moyenne 30% supérieur à celui
des autres pays riches.

Calcul du taux de change en parité de pouvoir d’achat

On considère un panier de consommation X identique dans tous les pays. Supposons que
ce panier de bien soit constitué seulement d’un Big Mac. Le prix d’un Big Mac en 2008 aux

44
Les indicateurs macroéconomiques

Etats-Unis est de PU$ S = 3.57$ et le prix de ce même Big Mac dans la zone euro est de
=C = 3.37=
PEuro C. Pour exprimer en dollar le prix en monnaie locale, on a besoin du taux de
change qui donne le nombre de dollars contre un euro. Pour calculer ce taux de change en
PPA noté eP P A , il suffit d’utiliser l’égalité entre le prix en dollar d’un Big Mac aux Etats-
Unis avec le prix en dollar d’un Big Mac dans la zone euro : PU$ S = PEuro =C .e
P P A ou encore
P$
eP P A = = US
= 3.57
3.37 = 1.06. C’est le taux de change qui assure que 1 euro permet d’acheter la
C
PEuro
même quantité de Big Mac aux Etats-Unis et dans la zone euro : dans la zone euro, il permet
1
d’achter 3.37 Big Mac et aux USA, il permet d’acheter 1.06 .1 1
3.57 = 3.37 . Le pouvoir d’achat de
l’euro est identique.

Pourquoi doit-on utiliser le taux de change PPA ? Car les monnaies peuvent être durable-
ment sur- ou sous-évaluées. Cette même année, le taux de change que l’on pouvait observer
sur le marché des changes était de 1.59 dollar contre 1 euro. Par conséquent, si l’on considère
que le taux de change PPA eP P A constitue la valeur à long terme du taux de change, l’euro
apparaı̂t comme sur-évalué car le taux de change de l’euro devrait diminuer d’un montant :
µ ¶ µ ¶
eP P A 1.06
∆e = − 1 .100 = − 1 = −33%.
ecourant 1.59
Avec le taux de change observé, on obtient que le Big Mac coûte en dollar (dans la zone euro
3.37 .1.59 = 5.36 dollars ce qui est bien supérieur à 3.57 dollars. En d’autres termes, 3.37
euros permet d’acheter 1 Big Mac dans la zone euro et 3.37 .1.59/3.57 = 5.36/3.57 = 1.5
Big Mac aux Etats-Unis. Et si l’on utilisait le taux de change observé plutôt que le taux de
change PPA, on aurait tendance à considérablement sur-évaluer le niveau de vie dans la zone
euro par rapport à celui des Etats-Unis.

Trois conclusions peuvent être tirées à partir du tableau 2.8 :

1. La croissance forte du PIB réel dans les pays de l’Union Européenne, aux Etats-Unis et
au Japon a permis d’élever leur niveau de vie de manière substantielle. La croissance
du PIB réel de 1950 à 2000 a permis de multiplier la production par habitant par 2.9
aux Etats-Unis, par 4.8 en Allemagne et par 11 au Japon.
2. On voit également que la croissance au cours des trente glorieuses a été bien plus forte
en France, au Japon et en Allemagne qu’aux Etats-Unis. Leur taux de croissance sont en
moyenne deux fois plus élevé que celui des Etats-Unis. Néanmoins, à partir du premier
choc pétrolier, la croissance ralentit dans l’ensemble des pays industrialisés et converge
en moyenne vers une valeur de 1.8%.
3. Les niveaux de production par habitant de l’Union Européenne, des Etats-Unis et du
Japon ont convergé au cours du temps. En d’autres termes, les pays qui avaient un
niveau de production par habitant plus faible en 1950 ont connu un taux de croissance
plus élevé. Les pays ont ainsi réduit l’écart qui les séparait des Etats-Unis.

Cette convergence des produits par tête entre les pays peut être observée graphiquement
en reportant sur l’axe horizontal le niveau de la production initiale des pays en 1960 et le
taux de croissance annuel moyen des pays sur l’axe vertical. La figure 2.21 indique clairement

45
Macroéconomie L1

Pays taux de croissance PIB réel par tête


annuel moyen (en %)
1950-1973 1974-2000 1950 2000 2000/1950
France 3.9 1.6 5271 21092 4.0
Allemagne 4.8 1.6 3881 18677 4.8

46
Royaume-Uni 2.3 1.9 6939 20127 2.9
Etats-Unis 2.3 1.9 9561 27948 2.9
Japon 7.7 2.2 1921 20683 10.8
Moyenne 3.8 1.8 5515 21705 3.9
Tab. 2.8 – PIB réel par tête dans 5 pays de l’OCDE : quelques chiffres
Les indicateurs macroéconomiques

Evolution du PIB par habitant : le phénomène de convergence entre pays riches

100 000

PIB réel par habitant (échelle logarithmique)

10 000

1 000
1950 1960 1970 1980 1990 2000

France Germany - Allemagne United Kingdom - Royaume-Uni United States - États-Unis Japan - Japon

Fig. 2.20 – Taux de croissance et convergence (1950-2001)

Le phénomène de convergence dans les pays de l'OCDE (1960-2000)

7%
KOR

TWN
Taux de croissance annuel moyen du PIB réel par

6%
SGN

5% HKG
habitant (1960-2000)

JPN
IRL
ESP
4%
PRT

GRC
FIN NOR
3%
ITA BEL
AUT FRA DNK
NDL CAN
USA
GER GBR SWE
2% AUS

CHE
NZL
1%

0%
0 2,000 4,000 6,000 8,000 10,000 12,000 14,000
PIB réel par habitant initial (année 1960, en dollars)

Fig. 2.21 – Le phénomène de convergence dans les pays industrialisés et les nouveaux pays
industrialisés (1960-2000)

47
Macroéconomie L1

que les pays qui étaient moins riches en 1960 ont généralement connu (en moyenne) un taux
de croissance annuel plus élevé sur la période considérée.

En 1960, le produit par tête aux Etats-Unis était environ 50% plus élevé qu’au Royaume-
Uni, en France, et en Allemagne et trois fois plus élevé qu’au Japon. Cet écart très important
de niveau de vie s’est amoindri au cours des dernières cinquante années. Exprimée en termes
de parité de pouvoir d’achat, la production américaine est toujours la plus élevée en 2000,
mais elle n’est supérieure que de 30% à celle des autres pays.

2.3.9 Eléments d’explication du phénomène de convergence

Nous allons maintenant tenter de répondre à trois questions :

1. Quels sont les facteurs explicatifs des écarts internationaux de niveau de vie ?
2. Quelle est l’explication du phénomène de convergence ?
3. Quels sont les déterminants de la croissance économique à long terme ?

Fonction de production

Le point de départ de toute théorie de la croissance est la fonction de production qui tra-
duit la relation entre le niveau de production ou PIB réel et volumes de facteurs de production
utilisés qui sont le travail et le capital. Cette fonction de production s’écrit habituellement
sous la forme suivante :
Y = F (K, N ) , (2.34)

où Y est la production, K le stock de capital physique et N le nombre de travailleurs. La


fonction de production (2.34) indique la quantité de biens et services qui sera produite pour
des niveaux donnés de capital et de travail.

Rendements d’échelle constants

Supposons maintenant que l’on double le volume de capital (nombre d’usines, par exemple,
ou le nombre d’ordinateurs) et le volume de travail utilisé (nombre de travailleurs) pour
produire. Les études empiriques montrent que si on double les facteurs de production uti-
lisés, la production double également (à peu près). Cette propriété est appellée rendements
d’échelle constants. De manière formelle, cela se traduit de la façon suivante. Si on aug-
mente les facteurs de production par un facteur λ, la production sera également multipliée
par un facteur λ :
λ .Y = F (λ .K, λ .N ) . (2.35)

Principe de rendements décroissants

Maintenant, nous allons nous demander ce qui se passe lorsque l’on augmente le capital
sans augmenter le travail. Par exemple, on considère un restaurant avec un cuisinier, un four et
une serveuse. Si le retaurant achète un deuxième four, la capacité du restaurant va augmenter

48
Les indicateurs macroéconomiques

fortement puisque le cuisinier pourra faire cuire deux plats en même temps. S’il achète un
troisième et un quatrième four, la capacité de production de plats chauds augmente mais
moins que lors de l’achat du deuxième four. La raison est que comme il y a un seul cuisinier,
il assure le même nombre de tâches qu’auparavant, c’est-à-dire il doit à la fois préparer les
légumes, cuire certains aliments, préparer les sauces, surveiller la cuisson, préparer les desserts
donc finalement le doublement du nombre de fours en maintenant fixe l’emploi ne permet
pas de faire doubler la production car il faudrait doubler le nombre de cuisiniers pour que
chacun se spécialise dans une tâche particulière et assure à chaque fois un doublement de
la production de plats chauds à mesure que l’on double le nombre de fours. Cette situation
vient du fait qu’un seul cuisinier ne peut pas s’occuper à la fois de la préparation des légumes,
de la cuisson des aliments, et de la préparation des desserts. Pour utiliser pleinement tous
les fours, il faudrait augmenter le nombre de cusiniers pour garantir une division des tâches
efficace.

En conclusion, si le nombre d’employés est maintenu constant, les derniers achats de


machine contribuent alors très peu à la production. On dit alors que le produit marginal
du capital est positif mais décroissant. La propriété de décroissance du produit marginal
du capital signifie que l’accroissement de la production généré par l’achat d’un machine
supplémentaire devient de moins en moins élevée à mesure que l’on élève le stock de biens
d’équipement. Ou encore la contribution de chaque unité supplémentaire de capital à la
production diminue à mesure que l’on augmente le stock de capital physique.

La diminution du produit marginal du capital reflète le fait que si l’on achète de plus
en plus de machines, la contribution de chaque machine supplémentaire à la production de
l’entreprise sera plus élevée lorsque le stock de capital est faible que lorsque le nombre de
travailleurs dans l’entreprise est important. Sur le graphique, cette diminution du produit
marginal est reflétée par une baisse de la pente de la fonction de production, c’est-à-dire la
courbe devient de plus en plus plate. Le principe selon lequel le produit marginal du facteur
de production diminue lorsque la quantité utilisée du facteur de production s’élève est appelé
principe de rendements décroissants. En d’autres termes, la hausse de la production est
moins que proportionnelle à celle du facteur de production ; cela signifie que si l’on double la
quantité du facteur de production, la production augmente dans une proportion moindre (elle
est moins que doublée). Cette propriété de productivité décroissante s’applique au capital et
également au travail. Si on double les travailleurs sans augmenter le nombre de machines, il
est raisonnable de s’attendre à ce que la production soit moins que doublée. Plus on augmente
le nombre de travailleurs, moins la division des tâches devient efficace car plus les travailleurs
sont nombreux, plus ils doivent partager les équipements et moins ils ont de place pour
effectuer leurs tâches.

Le principe de décroissance du produit marginal du capital peut être illustré de la façon


suivante :
∆F (K, N )
PmK = . (2.36)
∆K
A mesure que K augmente, une machine supplémentaire contribue de moins en moins à la
production ce qui est reflété par un surplus de production de plus en plus faible. En appliquant

49
Macroéconomie L1

Productivité
marginale du
Production, Y capital, P mK
Fonction de
6 production 6

Productivité marginale
∆Y1
du capital
P mK0 décroissante

Achat
∆Y0 de capital
supplémentaire
? ? P mK1
∆K ∆K
¾ - ¾ -
- -
Stock de Stock de
K0 K1 K2 K3 capital, K K0 K1 capital, K

Fig. 2.22 – Fonction de production et produit marginal : la Loi des rendements décroissants

le principe de la dérivée, à condition que l’augmentation du capital physique notée dK ne soit


pas trop importante, cad dK prend des valeurs très faibles, l’accroissement de la production
engendrée par une hausse du capital est mesurée par la productivité marginale du capital
pour le niveau de capital initial :
F (K0 + dK, N0 ) − F (K0 , N0 ) ∂F (K0 , N0 )
lim = = FK (K0 , N0 ) . (2.37)
dK→0 dK0 ∂K0
A mesure que K0 devient de plus en plus élevé, la productivité marginale du capital devient
de plus en plus faible, cad FK (K0 , N0 ) diminue.

Le principe de rendements décroissants est illustré sur la Figure 2.22. Pour un emploi
donné, le surplus de production généré par l’achat de nouvelles marchines est plus élevé
lorsque l’on part d’un de stock de capital initialement faible que lorsque l’on part d’un stock
de capital élevé.

Production et capital par travailleur

Puisque pour réaliser des comparaisons de niveau de vie entre les pays, on rapporte le
PIB réel de chaque pays à sa population, nous allons maintenant rapporter la production au
volume de travail (il suffit de poser λ = 1/N ) :
µ ¶ µ ¶
Y K N K
y= =F , =F , 1 = f (k) . (2.38)
N N N N

50
Les indicateurs macroéconomiques

Revenu par habitant et taux d'investissement (1960-2000) (55 pays)

100000

PIB réel par habitant (moyenne sur la


période 1960-2000), échelle
DNK
LUX
CAN GER AUST ISL CHE
AUT JPN
10000 GBR BEL FIN

logarithmique
IRL NLD ITA HKG
ISR
FR ESP GRC
GAB
MEX
CHL BRA
CRI NAM
COL
GTM
EGY ECU
GIN NIC
CIV BOL IDN
CMR GNQ
CHN COG
1000 CAF IND
MRT GHA
MOZ GMB
NER KEN
MDG BEN NGA
BDI MLI BFA GNB
ETH

100
0 5 10 15 20 25 30 35

Taux d'investissement (rapport de la FBCF au PIB courant, en %) (moyenne


sur la période 1960-2000)

Fig. 2.23 – Revenu par habitant et taux d’investissement dans le monde (1960-2000) (55
pays)

Les lettres en minuscule signifient que les grandeurs macroéconomiques sont exprimées par
travailleur. On parle alors de produit par travailleur noté y et de capital par travailleur noté
k. L’équation (2.38) décrit simplement une relation entre la production par travailleur et le
capital par travailleur. Elle indique la capacité de production d’un travailleur étant donné
que chaque travailleur est doté d’un certain volume de biens d’équipement.

La formulation de la fonction de production nous permet de répondre en partie à la


première question concernant les facteurs explicatifs de la croissance économique (en partie
car il existe d’autres facteurs). L’une des explications des différences internationales de niveau
de vie tient au fait que certains pays ont un ratio capital-travail élevé alors que d’autres pays
ont un ratio capital-travail plus faible. Puisque pour élever le stock de capital par travailleur,
il a fallu investir beaucoup, les écarts internationaux de niveau de vie s’expliquent donc en
partie par les différences de taux d’investissement entre les pays.

Ce résultat apparaı̂t nettement sur la Figure 2.23 qui montre qu’un pays qui a un taux
d’investissement relativement plus élevé a également un niveau de vie relativement plus im-
portant. Le nuage de points situé dans le nord-est est constitué des pays de l’OCDE (pays
européens, Japon, Etats-Unis, Canada, Australie, Hong-Kong, Singapour). Les pays situés au
milieu sont composés principalement des pays d’Amérique Latine, de la Chine et de l’Inde,
de certains pays du Moyen-Orient comme l’Egypte et représentent les économies à revenus
intermédiaires. Le nuage de points situé dans le sud-ouest est composé exclusivement de pays
africains, l’un des pays le plus pauvre du monde étant l’Ethiopie.

51
Macroéconomie L1

Pour montrer ce résultat de manière formelle, il est nécessaire de débuter avec l’équilibre
sur le marché des capitaux en supposant que l’épargne représente une proportion s du revenu
Y :
St = s .Yt = It . (2.39)

L’investissement noté I a deux composantes :

It = Kt+1 − Kt + δ .Kt . (2.40)

En divisant les membres de gauche et de droite par le nombre de travailleur, on obtient


l’investissement par tête :
It Kt+1 Kt Kt
= − +δ . . (2.41)
N N N N
Comme le PIB par habitant dépend du stock de capital par habitant, la croissance économique
est entraı̂née par la variation du capital par travail que l’on isole :
Kt+1 Kt It Kt
− = −δ . ,
N N N N
Yt Kt
= s. −δ . . (2.42)
N N
La relation (2.42) indique que tant que l’investissement est supérieur à la part du capital qui
devient obsolète, l’accumulation du capital se poursuit. Comme nous sommes en économie
fermée, l’investissement est financé par l’épargne et par conséquent, un pays ayant un taux
d’épargne plus élevé aura une croissance plus forte en accumulant davantage de capital.

A long terme, l’accumulation de capital cesse car au bout d’un moment, la rentabilité du
capital devient si faible qu’il n’est plus rentable d’investir ; par conséquent, le stock de capital
par travailleur reste constant :
Kt+1 Kt K
= = . (2.43)
N N N
Comme l’accumulation du capital cesse à long terme, d’après (2.42), on obtient que l’économie
continue d’investir un montant juste suffisant pour remplacer le capital obsolète :
I Y K
=s. =δ. . (2.44)
N N N
On note y = Y /N le niveau de vie, k = K/N le capital par travailleur, et on suppose que
la technologie de production est à rendements décroissants par rapport à l’accumulation du
capital (α < 1) : µ ¶ µ ¶α
Y K K
=F = = (k)α , 0 < α < 1. (2.45)
N N N
En résolvant (2.44), on trouve que le capital par travailleur k est une fonction croissante du
taux d’épargne :
³s´ 1
s . (k)α = δ .k, ⇒ k =
1−α
. (2.46)
δ
Comme y = (k)α , on trouve que le niveau de vie est une fonction croissante du taux d’épargne
s qui est égal au taux d’investissement, s = YI (voir eq. (2.39)) :
³s´ α

y = (k)α =
1−α
. (2.47)
δ

52
Les indicateurs macroéconomiques

En supposant que l’élasticité de production, α = 1/3, est la même pour les deux pays et
que le taux d’épargne varie, l’écart de PIB habitant est égal à :
µ ¶ α µ ¶1
yi si 1−α si 2
= = . (2.48)
yj sj sj
Si un pays à un taux d’investissement s 4 fois plus élevé, l’écart de PIB habitant sera deux
fois plus faible :
µ ¶1
yi 4 .sj 2
= = 2. (2.49)
yj sj
Le revenu par habitant de l’Ethiopie est de 720 dollars en 2000 et celui des USA de 35620
dollars : il est donc 50 fois plus élevé alors que le modèle prédit seulement un écart de 2.

2.3.9.1 Explication du phénomène de convergence

Sur le graphique de la Figure 2.25, nous avons représenté la fonction de production en


portant sur l’axe horizontal le stock de capital par travailleur, K/N , et sur l’axe vertical la
production par travailleur, Y /N . La relation entre les deux grandeurs est représentée par
la courbe croissante dont la pente devient de plus en plus faible. Cet applatissement de la
courbe traduit le caractère décroissant du produit marginal du capital physique. Pour un
volume de travail donné, lorsque l’on augmente le stock de capital physique, la production
par travailleur augmente mais moins que proportionnellement.

Sur la Figure 2.26, nous avons représenté la fonction de production de la France exprimée
sous forme intensive en portant sur l’axe horizontal le stock de capital par travailleur et sur
l’axe vertical le PIB réel par travailleur. Le graphique fait apparaı̂tre que la croissance forte de
l’intensité capitalistique sur la période 1947-1973 a contribué fortement à l’accroissement de
la production. En revanche, dès 1974, la contribution de l’intensité capitalistique à l’accrois-
sement de la production par travailleur diminue ce qui est reflété par un applatissement de
la pente de la courbe. Par ailleurs, la Figure fait apparaı̂tre que le progrès technique ralentit
ce qui est reflété par un déplacement de la fonction de production vers le bas.

Sur la Figure 2.25, au point E0 où le stock de capital par travailleur est faible, un ac-
croissement de l’intensité capitalistique d’un montant ∆k va se traduire par un accroissement
important de la production par travailleur. Le niveau de vie s’élève d’un montant égal à ∆y0 .
l’économie va alors se situer en E1 . Si maintenant on se situe au point F0 , où le stock de capital
par travailleur est élevé, un accroissement de l’intensité capitalistique d’un montant identique
∆k va élever la production par travailleur mais d’un montant moins important qu’un pays fai-
blement doté en capital. Ce montant est égal à ∆y1 sur la Figure 2.25. Ce résultat s’explique
par la propriété des rendements décroissants et nous permet de répondre à notre deuxième
question concernant l’explication économique du phénomène de convergence.

Toutefois, pour faire augmenter le capital, il faut que les conditions soient favorables à
l’investissement. L’exemple typique du phénomène de convergence des pays asiatiques suggère
que ces conditions sont au nombre de 4. Les économies asiatiques à forte croissance ont

53
Macroéconomie L1

en commun un taux d’épargne élevé (il atteint 34% en 1990) ce qui permet de garantir
un taux d’investissement très élevé. L’éducation a également joué un rôle essentiel dans
tous les pays asiatiques. Le taux de scolarisation est déjà élevé en 1965 : même un pays
très pauvre comme l’Indonésie a un taux de scolarisation de 70% (en 1965). Enfin, deux
autres éléments ont contribué à la réussite des économies de l’Asie du Sud-Est : d’une part,
un environnement macroéconomique stable (inflation maı̂trisée, solde budgétaire équilibré,
solde courant stable) et d’autre part un degré d’ouverture internationale élevé. Finalement,
contrairement à l’Amérique Latine, tous les éléments contribuent à créer un cadre favorable
à l’investissement (épargne importante pour financer les projets d’investissement, la stabilité
macroéconomique ce qui limite l’incertitude, des travailleurs éduqués ce qui permet d’assurer
une productivité élevée, et une ouverture internationale permettant d’assurer des débouchés
aux produits des industries locales).

Toutefois, il existe des différences entre les pays asiatiques. En Corée du Sud (et à Sin-
gapour), l’Etat a joué un rôle important dans l’allocation du capital vers certaines indus-
tries comme l’électronique, la construction navale, la construction automobile et la sidérurgie
(crédit dirigé, relation étroite entre compagnies financières et responsables politiques), alors
que Honk-Kong ou Taı̈wan n’ont pas mené une politique industrielle aussi volontariste.
Taı̈wan et Singapour ont largement bénéficié de l’implantation de firmes multinationales,
alors que le développement industriel en Corée du Sud et Hong-Kong repose sur les entrepre-
neurs nationaux.

En 1960, la Corée du Sud est un pays très pauvre avec une industrie très peu développée
et de faibles perspectives économiques. En 1963, le pays lance une série de réformes qui
consistent à associer le développement industriel à l’ouverture internationale. La raison est que
face à la concurrence étrangère, les firmes domestiques doivent innover et réduire leur coût de
production pour exporter. Mais il faut un certain temps pour que les firmes domestiques soient
en mesure de fabriquer des produits de qualité à un coût faible c’est pourquoi la Corée a adopté
l’argument de l’industrie naissante. La théorie de l’industrie naissante recommande la mise
en place de barrières douanières temporaires afin de permettre à certaines industries d’avoir
le temps de grandir, de se développer, d’acquérir un avantage comparatif pour faire face à la
concurrence étrangère. Cette stratégie d’essor des exportations et d’ouverture internationale
s’accompagne donc de subventions ciblées vers les secteurs jugés prioritaires par l’Etat de
façon à permettre à ces industries de faire face à la concurrence des pays industrialisés :
industrie navale, industrie sidérurgique, puis industrie électronique.

Le pays débute alors à partir de cette période une phase de croissance (tirée par l’investis-
sement et les exportations) et en l’espace de 40 ans, il multiplie son niveau de vie par 10. Cette
forte croissance économique s’observe également dans les autres économies d’Asie du Sud-Est.
On peut distinguer un premier groupe de pays avec Honk-Kong, Taı̈wan et Singapour, qui
commence à croı̂tre très rapidement à partir du début des années 1960. Le cercle s’élargit au
cours des années 1970 et 1980 à la Malaisie, la Thaı̈lande, l’Indonésie et la Chine. C’est la
première fois depuis l’émergence du Japon à la fin du 19ième siècle, que les pays asiatiques
entrent dans une phase de transition qui leur permet de sortir du sous-développement. Com-

54
Les indicateurs macroéconomiques

Taux d'investissement dans quatre Nouveaux Pays industrialisés (1960-


2000)

Taux d'investissement (rapport de la FBCF au PIB courant) (en


70

60

50

40
%)

30

20

10

0
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Taux d'investissement de Hong-Kong Taux d'investissement de la Corée du Sud


Taux d'investissement de Singapour Taux d'investissement de Taiwan

Fig. 2.24 – Taux d’investissement dans quatre Nouveaux Pays industrialisés (1960-2000)

ment expliquer un tel succès ? Dans ce chapitre, nous allons fournir une explication commune
à cette forte croissance mais il est important de souligner que d’autres facteurs de croissance
peuvent intervenir et que ces facteurs sont différents selon les pays.

Les pays asiatiques comme Hong-Kong, Taiwan, la Corée du Sud ou encore la Chine
étaient dotés en 1978 d’un stock de capital par travailleur bien plus faible que les Etats-Unis
et avaientt donc un revenu par travailleur bien moins important. A partir des années 1960,
on a assisté à une croissance exceptionnelle de ces pays où les taux de croissance du revenu
par habitant sont devenus bien plus élevés que celui des Etats-Unis. Par exemple, la Corée
du Sud avait un niveau de vie 10 fois plus faible que celui des Etats-Unis en 1960 et en
2000, il est seulement deux fois plus faible. L’explication est simple. Comme la productivité
marginale du capital est plus élevée lorsque le stock de capital par travailleur est faible, c’est-
à-dire une unité de capital par travailleur supplémentaire contribue fortement la production,
les pays asiatiques ont élévé considérablement leur production par travailleur en élevant leur
stock de capital par travailleur au moyen d’un flux investissement important. Ce flux d’in-
vestissement s’est traduit par une croissance économique très forte pendant les 40 dernières
années. Evidemment, comme on le voit sur le graphique, les Etats-Unis ont toujours le niveau
de vie plus élevé. Cependant, le phénomène de convergence indique que les pays asiatiques
réduisent l’écart de niveau de vie avec celui des Etats-Unis au cours du temps grâce à des
taux de croissance de la production par travailleur plus élevés.

55
Macroéconomie L1

Production
par travailleur,
y = Y /N

6 y = A × f (k)
y2us
Fonction de production

6
¾ y = f (k)
y1us
y0us

Amélioration
y1Chine de l’état de la
technologie

y0Chine
¾ - ¾ -
∆k ∆k
-
Capital
k0Chine k1Chine k0us k1us par travailleur,
k = K/N

Fig. 2.25 – Loi des rendements décroissants, phénomène de convergence et progrès technique

Relation entre le stock de capital par travailleur et la


production par travailleur en France (1955-2011)

70
PIB à prix constants par travailleur

60

50

40

30

20

10
29 49 69 89 109 129 149 169 189
Stock de capital à prix constants par travailleur

Fig. 2.26 – Relation entre production par travailleur et stock de capital par travailleur en
France (1955-2011)

56
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.27 – Rendement du capital à Singapour Source : David Miles, Andrew Scott, Francis
Breedon (2015) Macroeconomics Understanding the Global Economy, 3rd Edition

2.3.9.2 Les facteurs explicatifs de la croissance à long terme

A mesure qu’une économie accumule du capital, la rentabilité du capital diminue comme le


montre la Figure 2.27 pour Singapour entre 1966 et 1987. Le problème qui va surgir est qu’au
bout d’un moment, on le voit sur le graphique de la Figure 2.25, la productivité marginale
du capital devient si faible que l’investissement en capital physique ne devient plus assez
rentable et le stock de capital par travailleur va cesser d’augmenter et se stabiliser à une
valeur qu’on appelle de long terme ou stationnaire dans le sens où le capital par travailleur
reste constant. Le stock de capital ne va augmenter que pour doter les nouveaux travailleurs
en biens d’équipement et remplacer le capital devenu obsolète. Les firmes vont juste investir
un montant suffisant pour maintenir l’intensité capitalistique à un niveau constant. Pour le
montrer, il faut utiliser le fait que le capital par travailleur reste constant :
Kt+1 Kt Lt+1
= ⇒ Kt+1 = .Kt . (2.50)
Lt+1 Lt Lt
En utilisant le fait que Lt+1 = (1 + n) .Lt , et la définition de l’investissement :

It = (1 + n) .Kt − Kt + δ .Kt ,
= (n + δ) .Kt , (2.51)

où obtient que l’investissement I à long terme permet de remplacer le capital obsolète δ .Kt et
de doter les nouveaux travailleurs en capital n .Kt . Et finalement, comme le stock de capital
par travailleur, k = K/N , est constant, la production par travailleur, y = f (k), est également
constante.

Alors comment expliquer que les pays de l’OCDE ont eu des taux de croissance annuels
moyens de l’ordre de 1.5%-2% au cours des deux derniers siècles (1820-2000), c’est-à-dire ont

57
Macroéconomie L1

connu une croissance ininterrompue. Cette croissance durable s’explique tout simplement par
un facteur que nous avons ignoré jusqu’à présent, le progrès technique. Dans la mesure où
les seuls facteurs susceptibles d’accroı̂tre la production par travailleur d’un pays sont le stock
de capital par travailleur et le progrès technique, et puisque l’accumulation de capital ne
peut permettre d’augmenter durablement le niveau de vie moyen d’un pays, c’est le progrès
technique qui est l’élément clef de la croissance à long terme. A long terme, le niveau de vie
d’un pays, c’est-à-dire la production par travailleur, croı̂t exactement au rythme du progrès
technique. Finalement, un pays ne pourra maintenir une croissance persistante au cours du
temps qu’en innovant, c’est-à-dire en créant de nouveaux produits, ou en réduisant le coût
de production par le biais de la mise en place de nouvelles méthodes de production ou de
nouvelles méthodes de gestion du personnel. Ce progrès technique permet de contrebalancer
la propriété de rendements décroissants dans l’accumulation des facteurs de production. Les
Etats-Unis ne cessent d’investir en capital physique et en capital humain d’une part et d’autre
part, ils améliorent sans cesse l’efficience avec laquelle ils combinent le travail et le capital.

Le progrès technique peut recouvrir des formes diverses comme une meilleure organisation
du processus de production (spécialisation des tâches, méthodes de gestion du personnel), une
innovation de procédé de production (par exemple le Japon où les usines sont très robotisées
ou les nouvelles compagnies aériennes à bas coûts), ou la création de nouveaux produits
(pouvant prendre la forme d’une variété plus grande de produits ou une qualité plus élevée
des produits comme pour les ordinateurs). De manière graphique, ce progrès technique se
traduit par un déplacement vers le haut de la fonction de production. Cela signifie que si
deux pays sont dotés d’un stock de capital par travailleur identique, le pays bénéficiant d’une
technologie plus avancée aura un niveau de vie plus élevé et une croissance plus forte à
long terme. Prenons l’exemple de la Chine et des Etats-Unis. Le PIB par travailleur est
presque 50 fois plus élevé aux Etats-Unis qu’en Chine en 1978. Entre 1978 et 2008, le taux
d’investissement moyen en capital physique s’établit à 37% du PIB alors que celui des Etats-
Unis était de 20%. Bien que le capital par travailleur augmente plus vite en Chine qu’aux
Etats-Unis et le niveau de vie chinois converge vers le niveau de vie américain, en 2008, il reste
7 fois inférieur à celui des Etats-Unis. Même si la Chine disposait du même stock de capital
par travailleur que les Etats-Unis, son revenu représenterait toujours une petite fraction de la
production par travailleur des Etats-Unis en raison de l’avance technologique des Etats-Unis.
Par ailleurs, le pays le plus productif a une rentabilié du capital plus élevée ce qui aboutit à
une situation où le pays ayant une avance technologique a également un stock de capital par
travailleur plus important :
³ ´
y us = Aus . (k us ) > y ch = Ach . k ch ,

avec Aus > Ach et k us > k ch . La conclusion est que les différences de niveaux de vie
entre les pays vont être expliquées à la fois par les écarts d’intensité capitalistique
et de technologie.

58
Les indicateurs macroéconomiques

2.3.9.3 Processus de convergence et ouverture au marché mondial des capitaux

Jusqu’à présent, nous avons supposé que les économies étaient en économie fermée. Que
se passe-t-il lorsque les économies s’ouvrent au marché mondial des capitaux ? Pour le com-
prendre, il faut d’abord comprendre le processus d’ajustement en économie fermée.

L’un des points clefs du phénomène de convergence repose sur la productivité marginale
du capital qui est très élevée lorsque le pays détient un stock de capital par travailleur
initialement faible. Pour rendre compte du phénomène de convergence, on se place sur le
marché des capitaux. La Figure 2.28 montre la demande de capital représentée par la courbe
décroissante P mK − δ. Cette demande de capital représente le prix maximum que les firmes
sont prêtes à payer pour chaque unité de capital supplémentaire :
∂yt
P mKt − δ = − δ,
∂kt
= α .ktα−1 − δ. (2.52)

On déduit le taux de dépréciation, δ, de la productivité marginale du capital car une machine


supplémentaire permet d’augmenter la production mais comme elle devient moins perfor-
mante à mesure que le temps passe, il faut prendre en compte cette obsolescence qui réduit
sa contribution à la production.

Les firmes achètent du capital jusqu’à ce que le prix maximum qu’elles sont prêtes à payer
est égale au prix à payer représenté par le taux d’intérêt réel rt :

P mKt − δ = rt . (2.53)

Le taux d’intérêt réel représente la somme que l’on doit débourser pour chaque unité de
capital. Le prix à payer rt pour chaque unité de capital est déterminé par la rencontre entre la
demande de capital et l’offre de capital. La droite verticale ktS représente l’offre de capital par
le biais de l’épargne nationale : Au cours du temps, l’offre de capital se déplace vers la droite ce
qui aboutit à une baisse du taux d’intérêt rt jusqu’à r puis lorsque la productivité marginale
du capital devient trop faible, l’épargne cesse d’augmenter et le processus de convergence
s’arrête : le capital par travailleur s’établit (et se maintient) au niveau k.

Le processus de convergence peut durer plusieurs dizaines d’années. Comme le montre la


Figure 2.29, le processus de convergence peut être très rapide lorsque l’éocnomie s’ouvre au
marché mondial des capitaux. Il suffit à l’économie d’emprunter au reste du monde l’écart
k − ktS pour amener le stock de capital au niveau k qui est maintenant déterminé par l’égalité
entre la productivité marginale du capital nette du taux de dépréciation et le taux d’intérêt
mondial r? :
P mK − δ = r? . (2.54)

Introduisons maintenant le paramètre de productivité Ac dans le pays c = X, Z :

ytc = Ac .f (ktc ) = Ac . (ktc )α . (2.55)

59
Macroéconomie L1

Si un pays Z est plus productif que le pays X, alors la courbe de demande de capital du
pays Z sera plus haute et décrite par la relation suivante :

∂ytZ
P mKtZ − δ = − δ,
∂kt
= α .AZ .(k Z )α−1
t − δ. (2.56)

Comme la demande de capital dans le pays Z est plus forte, on devrait observer une plus
forte entrée de capitaux dans le pays Z que dans le pays X.

La Figure 2.31 trace la relation entre le taux de croissance annuel moyen de la productivité
entre 1980 et 2000 (axe horizontal) et les entrées nettes de capitaux étrangers rapportées au
pays pour 68 pays émergents. On observe que des pays reçoivent plus de 10% de leur pays
en capital étranger (Mozambique, Tanzania) alors que d’autres exportent 7% de leur PIB
(Taiwan). D’après (2.56), on devrait observer que les pays ayant une productivité plus grande
reçoivent davantage de capitaux. Non seulement, les pays plus productifs ne reçoivent pas
plus de capitaux mais ils en exportent davantae. Par exemple, la Corée qui a une productivité
qui croı̂t au rythme annuel moyen de 4.1% par an et a taux d’investissement annuel moyen
de 34% entre 1980 et 2000 ne reçoit pas de capitaux étrangers alors que Madagascar dont la
productivité diminue au rythme de 1.5% par an et a un taux d’investissement de 3% reçoit
7% de son PIB en capitaux étrangers. La raison de cette contradiction est que les pays du
sud-est asitique tendent à subventionner l’épargne et à décourager une consommation trop
élevée. Pour encourager l’épargne et décourager une consommation trop élevée, la Chine en
particulier, a mis en place un contrôle des capitaux étrangers ce qui reflète l’impossiblité
pour les banques d’emprunter des capitaux à l’étranger pour financer le crédit domestique.
Comme les ménages connaissent une croissance forte de leur revenu et doivent constituer une
épargne élevée pour financer leur retraite, les dépenses de santé et les périodes de chômage,
l’épargne accumulée y est très élevée. Et l’Etat dirige l’épargne nationale vers l’achat de titres
étrangers.

60
Les indicateurs macroéconomiques

P mk − δ, r
P mKt − δ
6

rt E0

E1
r

-k
ktS kS

Fig. 2.28 – Processus de convergence vers le capital de long terme k

P mk − δ, r
P mKt − δ
6

rt E0

E1
r? | {z }
Entrée de capitaux
étrangers
-k
ktS k

Fig. 2.29 – Processus de convergence avec ouverture au marché mondial des capitaux

61
Macroéconomie L1

P mk − δ, r
P mKt − δ
6

rt E0

E1 F1
r? | {z }
Entrée de capitaux
étrangers plus forte
-k
ktS kX kZ

Fig. 2.30 – Processus de convergence avec ouverture au marché mondial des capitaux lorsque
le pays Z est plus productif que le pays X

Fig. 2.31 – Average productivity growth and capital in flows between 1980 and 2000. Source :
Gourinchas and Rey (2014) External Adjustment, Global Imbalances, Valuation Effects,
Handbook of International Economics, vol IV

62
Les indicateurs macroéconomiques

P mk − δ, r
P mKt − δ
6

rt E0

E1 F1
r? | {z }
Sortie de
capı̂taux
-k
S
ktS kX kZ kZ

Fig. 2.32 – Processus de convergence avec ouverture au marché mondial des capitaux lorsque
le pays Z est plus productif que le pays X et subventionne l’épargne nationale

63
Macroéconomie L1

2.3.10 Les composantes du PIB : la dépense globale

On a indiqué les différentes façons de calculer le PIB du côté de la production et du


côté des revenus. Nous allons voir maintenant que l’on peut calculer le PIB à partir de sa
destination. La production finale des entreprises est égale à la dépense finale, c’est-à-dire à la
somme des achats finals réalisés par les ménages, les entreprises, le gouvernement et le reste
du monde :

Y S = Y = Y D = C + I + G + EX − IM + ∆S = C + I + G + T B + ∆S. (2.57)

En d’autres termes, tout ce qui est produit est consommé. Le tableau 2.9 présente la décomposition
du PIB nominal français en 2006 :
– La composante de la demande C représente les dépenses de consommation finale des
ménages constituées de l’ensemble des biens et services achetés par les ménages (com-
posante la plus importante du PIB) ; elle est constituée des biens non durables (biens
dont la durée de vie est relativement courte : nourriture et vêtements), biens durables
(biens dont la durée de vie est relativement longue : voitures, appareils audiovisuels,
appareils électroménagers), et services (prestations dont bénéficient les ménages comme
le conseil juridique et financier, visite médicale, services de logement). A noter que la
part des loyers dans l’IPC est de 7% en 2009 et conduit à sous-estimer l’impact d’une
hausse des loyers sur la hausse du coût de la vie. La dépense de consommation finale
des ménages est la composante la plus importante des achats finals de biens et services
puisqu’elle représente 55.4% du PIB nominal français en 2006.
– La composante de la demande I représente l’investissement qui représente une compo-
sante de la demande de biens et services dont le but est d’offrir une certaine quantité de
biens et services dans le futur. On distingue deux composantes : i) achats de nouveaux
terrains ou de nouveaux biens d’équipement par les entreprises : formation brute de
capital fixe (ou FBCF) et ii) achats par les ménages de nouveaux logements (ne sont
recensés que les achats de biens immobiliers qui augmentent la capacité de logement :
investissement résidentiel). L’investissement représente 20.4% du PIB en 2006.
– G désigne les dépenses de consommation finale des administrations publiques ou dépenses
publiques constituées des biens et services achetés par les pouvoirs publics. La dépense
publique se compose principalement de dépenses de personnel (rémunération des agents),
de dépenses d’investissement (construction d’infrastructures publiques comme les auto-
routes ou les universités ou les hopitaux), de dépenses de fonctionnement. La dépense de
consommation finale des administrations publiques représente 23.6% du PIB en 2006.
Mais les administrations publiques dépensent aussi de l’argent pour financer des trans-
ferts ou prestations sociales comme les aides au logement, les allocations chômage,
des subventions à des entreprises privées. Lorsque l’on prend en compte ces transferts,
la dépense publique représente 53% du PIB en 2006 (56.6% du PIB en 2012). Mais
ces transferts sont des paiements sans contrepartie de fourniture de biens ou services.
Par conséquent, ces transferts ne contribuent pas à augmenter le revenu national et ne
doivent pas être inclus dans le calcul du PIB. Les impôts et les transferts ne font que re-
distribuer le revenu existant et consistent à prélever une fraction du revenu des ménages

64
Les indicateurs macroéconomiques

et des entreprises soumis aux prélèvements et à resdistribuer ces recettes fiscales sous
la forme de subventions à d’autres ménages et d’autres entreprises.
En revanche, une fois que l’on retranche les transferts des dépenses publiques, la de-
mande de biens et services de l’Etat a bien pour contrepartie une fourniture de biens et
services et doit donc être comptabilisée dans le calcul du PIB car elle donne naissance à
des revenus aux entreprises dont l’Etat achète les produits ou les services à des ménages
qui offrent des services de travail.
– La composante TB de la dépense finale représente les exportations nettes de biens
et services qui sont définies comme la différence entre les exportations, EX, et les
importations, IM. Les exportations représentent les achats de biens et services par
le reste du monde au pays domestique. La contribution des exportations à l’activité
économique est loin d’être négligeable puisqu’elle représente environ 27% du PIB. Sa
contribution a doublé en 50 ans. Parallèlement, les importations recensent les achats en
biens et services par les résidents au reste du monde. Si les exportations sont supérieures
(resp. inférieures) aux importations, le pays connaı̂t un excédent commercial (resp.
déficit commercial).
La Figure 2.33 montre l’évolution du solde commercial en % du PIB. On peut distinguer
trois phases : une phase de dégradation dans les années 1980 notamment due au déficit
budgétaire (théorie des déficits jumeaux), une phase d’amélioration dans les années
1990 et on observe que cette phase d’excédent commercial est associée à une phase de
réduction du déficit budgétaire, puis la période 2000-2011 où le solde commercial se
dégrade avec un déficit qui apparaı̂t en 2005 ; on peut observer que la dégradation du
solde commercial s’accompagne d’un déficit budgétaire accru. Cette relation positive
entre épargne publique (égale aux recettes fiscales moins les dépenses publiques) et
solde commercial est appélée hypothèse des déficits jumeaux.
Pour mettre en évidence l’hypothèse des déficits jumeaux, on utilise le fait que :

Y = C + I + G + TB
(Y − T − C) + (T − G) − I = T B,
S priv + S publ − I = T B.

En économie fermée, les importations et exportations sont nulles, cad EX = IM = 0 ;


donc l’épargne doit être égale à l’investissement :

priv
S
| S publ − I} = |{z}
+{z TB S = I.
=0 =0

Cela signifie que la production des entreprises qui est égale au revenu distribué (Y S =
C + S priv + T ) leur revient sous la forme d’une demande (Y D = C + I + G). Si les
firmes produisent trop, elles versent des revenus trop élevés, donc l’épargne sera forte
et suéprieure à l’investissement. Les firmes vont alors réduire leur production, ce qui
diminue les revenus et ramène l’épargne au niveau de l’investissement.
En économie ouverte, une part des revenus peut être dépensée en biens et services
produits par le reste du monde et une part de la producion peut être vendue au reste du

65
Macroéconomie L1

monde. Si le pays importe beaucoup plus qu’il n’exporte, alors la balance commerciale
sera déficitaire :

priv
|S S publ − I} = |{z}
+{z TB ,
entrée nette de capx <0

= Y − (C + I + G)

Si la balance commerciale est en déficit, T B < 0, cela signifie que les importations
excèdent les exportations ce qui est le reflet d’une consommation élevée par rapport à
la production et donc au revenu ; le corollaire est que l’épargne est faible et va être insuf-
fisante pour financer les dépenses d’investissement : l’économie pourra alors emprunter
à l’étranger S − I < 0 : on dit que le pays connaı̂t une entrée nette de capitaux.
Si l’Etat mène une politique de relance en réduisant les impôts T tout en maintenant
inchangées les dépenses publiques, les recettes fiscales diminuent ce qui en retour réduit
l’épargne nationale. Comme cette baisse d’impôt devrait avoir pour contrepartie une
consommation supplémentaire des ménages, les importations vont augmenter et les
exportations vont diminuer car une part plus grande du PIB est consommée sur le
territoire ce qui réduit d’autant les exportations vers le reste du monde.
– ∆S désigne la variation de stocks et représente la différence entre les biens produits et
les biens achetés pour une année donnée. Si la production est supérieure aux ventes, les
firmes accumulent leur production qui n’est pas vendue sous forme de stocks (investis-
sement en stocks). En raison de la part négligeable des variations de stocks, on omet
habituellement cette variable. Toutefois, on verra qu’elle joue un rôle important dans
l’explication keynésienne des fluctuations économiques.
En notant Y D la demande globale qui s’adresse à la production domestique, on distingue
deux composantes : i) une demande des résidents, notée E, égale à E = C + I + G − IM ,
et ii) une demande des non résidents, notée EX, égale aux exportations. La somme de ces
deux composantes est égale au PIB du pays. On doit soustraire les importations des achats
de biens et services par les résidents de façon à isoler la demande des seuls résidents qui
s’adresse à la production finale domestique.

En exprimant la relation comptable (2.57) sous forme de taux de croissance puis en


pondérant les taux de variation de chaque composante de la demande par sa part dans le
PIB nominal, on peut mesurer la contribution respective de la croissance de la demande
intérieure et de la demande extérieure à la croissance de la production finale domestique :

∆Y = ∆E + ∆EX,
∆Y ∆E ∆EX
Y . = E. + EX . ,
Y E EX
∆Y E ∆E EX ∆EX
= + . (2.58)
Y Y E Y EX
On constate à partir du tableau 2.10 que la composante extérieure a joué un rôle important
dans la croissance de l’activité économique car sa contribution s’élève en moyenne au cours
des 10 dernières années à environ 40%. On observe également que cette contribution est
particulièrement élevée au cours des années 1990 avec un pic en 2000. En revanche, depuis

66
Les indicateurs macroéconomiques

Agrégats Milliards d’euros, Part du PIB


2006 prix courants (en %)
Produit intérieur brut (Y ) 1792 100%
Dépenses de consommation finale des 993.2 55.4%
ménages (C)
Dépenses de consommation finale des 423.7 23.6%
administrations publiques (G)
Dép. de conso. finale des Instit. ss but 23.3 1.3%
lucr. au serv. des ménages
Formation brute de capital fixe (I) 366.4 20.4%
Variation de stocks (∆S) 10.3 0.6%
Solde commercial (N X) -25.8 -1.4%
Exportations (EX) 481.2 26.9%
Importations (IM ) 507.0 28.3%

Tab. 2.9 – Composantes du PIB nominal français (2006)

2001, la contribution de la croissance des exportations à la croissance du PIB nominal s’est


fortement réduite.

2.4 Le taux d’inflation

Le taux d’inflation est le taux d’accroissement du niveau général des prix. Quand l’inflation
est positive, c’est-à-dire quand le niveau moyen des prix augmente, l’unité monétaire, par
exemple un euro, permet d’acheter une quantité plus faible de biens et services. Cela signifie
qu’il faut plus d’euros pour acheter la même quantité de biens et services.

Se pose maintenant la question du choix l’indice de prix à partir duquel on calcule le taux
de croissance des prix. Les macroéconomistes calculent le taux d’inflation à partir de deux
indices de prix : le déflateur du PIB10 et l’indice des prix à la consommation.

2.4.1 Le déflateur du PIB

Le déflateur du PIB, noté P, est un indicateur du prix moyen de la production finale


de biens et services au cours d’une période donnée. Il peut être envisagé comme le prix de
vente moyen des biens et services produits sur le territoire et à ce titre ce sont surtout les
producteurs qui sont concernés par ce prix. Comme ce prix de vente est exprimé en termes
des prix de l’année de référence, il indique la proportion dans laquelle le prix de la production
finale s’est accrue entre la date t et la période de référence. Le taux de croissance du déflateur
du PIB constitue donc une mesure de l’inflation fondée sur ce que reçoit une entreprise
moyenne en vendant ses produits.

67
Macroéconomie L1

E v o l u t i o n d e l a b a l a n c e c o m m e r c i a l e e n F r a n c e ( 1 9 7 8 - 2 0 1 3 )

3 - 1

2 - 2

d u
1 - 3

& s

- 4

8 8 8 8 8 0 0 0 0 8 0

( 1 9 7 1 9 3 1 9 1 9 9 3 1 9 9 2 3 2 2 1 3

i a

- 1 - 5
me

c
o

d e

- 2 - 6
l

S o

- 3 - 7

- 4 -

a n n é e s

S o dl e c o m m e r c i l e n % d u P I B S o d l e b u d g é t i re e n % d u P I B

a a

Fig. 2.33 – Evolution de la balance commerciale en France (1978-2013)

68
Les indicateurs macroéconomiques

Agrégatsa Moyenne 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
PIB nominal 3.7% 3.5% 2.7% 3.3% 4.4% 3.3% 5.4% 3.9% 3.4% 3.0% 4.1% 3.5% 4.3%
Demande intérieureb 2.3% 1.7% 1.7% -0.1% 2.7% 2.6% 1.4% 3.2% 3.6% 3.9% 2.9% 2.2% 2.3%
Demande extérieurec 1.5% 1.8% 1.1% 3.7% 1.7% 0.8% 4.3% 0.6% -0.1% -0.7% 1.2% 1.2% 2.0%

69
a
Source : Eurostat. Calculs de l’auteur. Agrégats macroéconomiques à prix courants (millions d’euros) exprimés en taux de
croissance. Source : INSEE. Comptes Nationaux Annuels.
b
Demande des résidents s’adressant à la production domestique = C + I + G − M .
c
Demande des non résidents s’adressant à la production domestique = Exportations de biens et services.

Tab. 2.10 – Contribution des composantes extérieure et intérieure de la la demande globale à la croissance du PIB nominal de la France (1995-2006)
Macroéconomie L1

Le taux de variation du déflateur du PIB va indiquer la proportion dans laquelle le prix


moyen de la production finale s’élève au cours du temps :
Pt − Pt−1
πt = . (2.59)
Pt−1
En prenant les données françaises, le taux d’inflation en 2013 est égal au taux de variation
des prix entre 2013 et 2012 :
P2013 − P2012 1.136 − 1.123
π2013 = = .100 ' 1.1%.
P2012 1.123
Un taux d’accroissement du déflateur positif signifie une augmentation des prix au cours de
l’année 2013. Si on revient 30 ans en arrière, le taux d’inflation en 1982 atteint en France un
sommet :
π1982 = 12.1%, π1987 = 2.6%,

puis diminue à 2.6% en 1987 ; on parle alors de désinflation ce qui signifie que les prix se
sont accrus dans une proportion moindre en 1987 qu’en 1982. Si le taux d’inflation avait été
négatif, comme cela fut le cas au Japon à la fin des années 1990 et début des années 2000,
on parle de déflation ce qui signifie que le niveau général des prix diminue.

2.4.2 L’indice des prix à la consommation

Définition et mesure

Il existe une deuxième mesure du taux d’inflation. Pour mesurer l’évolution du coût des
biens et services consommés sur le territoire, les macroéconomistes ont recours
à l’indice de prix à la consommation (IPC). Pour calculer le coût moyen des biens
et services consommés sur le territoire, les organismes de statistique recensent la liste des
biens et services achetés par un consommateur moyen et évaluent leur part respective dans le
budget moyen du consommateur représentatif. Certains postes de dépenses pèsent beaucoup
plus que d’autres dans le budget du consommateur moyen. Une variation du prix des loyers va
avoir une influence beaucoup plus importante sur le niveau général des prix qu’une hausse des
stylos car le consommateur moyen consacre une part importante de son budget au paiement
du loyer. Dans l’indice des prix à la consommation en France, le coût du logement pèse au
total 13.5%. Cela inclut les loyers - des résidences principales et de vacances - (6.1%), l’énergie
domestique (4.3%) et les autres “charges” (eau, concierge, travaux et maintenance. . . ), pour
leur poids dans la consommation d’ensemble des ménages. Celui des loyers peut de prime
abord paraı̂tre faible, dans la mesure où l’on observe par ailleurs que les loyers représentent
environ 34% environ du revenu des ménages locataires. Mais les dépenses de loyers des 40%
de ménages locataires sont rapportées à l’ensemble des ménages et non aux seuls locataires,
en conséquence, le poids dans l’indice est de 13.5%.

Le calcul de l’indice de prix à la consommation s’effectue en trois étapes :


1. Dans un premier temps, il faut calculer le coût du panier de biens et services à l’année de
base. En prenant les chiffres du tableau 2.6, le coût d’achat du panier de biens et services

70
Les indicateurs macroéconomiques

du consomateur moyen en 2004 est égal à PP04C .Q04 04 04


P C + PV .QV = 1200 .1.0 + 20 .20 =
1600.
2. Puisque l’IPC est un indicateur qui mesure l’évolution du coût des biens et services
consommés, il faut ensuite évaluer le coût d’un panier identique en 2005 : PP05C .Q04
PC +
05 04
PV .QV = 1300 .1.0 + 22 .20 = 1740.
3. Pour estimer l’indice de prix à la consommation en 2005, il suffit de rapporter le coût
d’achat du panier de biens et services consommés en 2005 au coût d’un panier identique
en 2004 :
P 05 .Q04 + PV05 .Q04 1740
IPC05 = P04C P04C 04
V
04 .100 = .100 = 108.75
PP C .QP C + PV .QV 1600
Le coût des biens et services consommés a donc augmenté d’environ 9%. Même si la
valeur de l’indice de prix à la consommation et de l’indice de prix moyen de production
finale ont habituellement des valeurs très proches comme le montre cette exemple, les
deux indices de prix vont différer sensiblement.
4. L’IPC peut être exprimé comme une moyenne pondérée des prix des biens des biens et
services achetés et où les pondérations correspondent à la part de la dépense consacrée
à ce bien dans le budget du consommateur moyen.
PP05C .Q04 05
P C + PV .QV
04
IPC05 = .100,
Dépense04
PP05C PP04C .Q04
PC PV05 PV04 .Q04
V
= . + . .
PP04C Dépense04 PV04 Dépense04
Différences entre déflateur du PIB et IPC

L’IPC et P présentent de fortes similitudes car ce sont des indices de prix qui comparent
la valeur des quantités de biens et services produites ou consommées l’année courante par
rapport à l’année de base. Donc ils comparent le coût d’un panier de biens aujourd’hui
par rapport au coût de ce même panier à l’année de base. Mais nous pouvons relever deux
différences fondamentales entre ces deux indices des prix moyens :

1. Le mode de calcul de l’IPC est différent du mode de calcul de P car la mesure de l’IPC
utilise un panier de bien constant (il retient la quantité de l’année de base) alors que la
mesure du déflateur du PIB utilise un panier variable (il retient la quantité de l’année
courante). Si l’on choisit 2004 comme année de base et si l’on veut mesurer l’IPC en
2005, on fait le rapport entre le coût du panier en 2005 et le coût de ce même panier
en 2004 (les quantités consommées sont supposées constantes et donc égales en 2005 à
celles de 2004) :4
PP05C .Q04 05 04
P C + PV .QV PP05C .Q05 05 05
P C + PV .QV
IPC05 = P 05 = 05 . (2.60)
PP04C .Q04 04 04
P C + PV .QV PP04C .Q05 04
P C + PV .QV
4
Un indice de prix calculé sur le base d’un panier constant est un indice de Laspeyres et s’il est calculé
sur la base d’un panier évolutif, c’est un indice de Paasche. Quand les prix des biens et services augmentent,
l’indice de Laspeyres (panier constant) a tendance à surestimer la hausse du coût de la vie et l’indice de
Paasche à le sous-estimer. L’idée est que l’indice de Laspeyres ne prend pas en compte la possibilité pour les
consommateurs de substituer un bien à un autre lorsqu’un bien ou un service coûte plus cher. Le problème
de l’indice de Paasche est qu’il intègre cette possibilité de substitution mais ne prend pas pas en compte la
perte de bien-être. Prenons un exemple. Supposons que le gel détuise la récole de café de 2005. L’explosion du

71
Macroéconomie L1

Alors que l’IPC est défini comme une moyenne des hausses de prix entre 2005 et 2004 de
chaque bien, chaque hausse de prix étant pondérée par la part du bien dans la dépense
en 2004, le déflateur du PIB est défini comme une moyenne des hausses de prix de
chaque bien où chaque bien est pondéré par la part des quantités produites du bien en
2005 dans la quantité produite en 2005 :
PP05C .Q05 05
P C + PV .QV
05
P05 = .100,
PIB réel05
PP05C PP04C .Q05
PC PV05 PV04 .Q05
V
= . + . .
PP04C PIB réel05 PV04 PIB réel05
2. Le déflateur du PIB et l’indice des prix à la consommation vont différer pour deux autres
raisons : [i] certains des biens inclus dans le PIB ne sont pas vendus aux consommateurs
(comme les avions ou les trains, par exemple) et sont achetés par les entreprises, le gou-
vernement, ou le reste du monde, et [ii] certains des biens achetés par les consommateurs
ne sont pas produits par les entreprises locales mais par le reste du monde (biens de
consommation durables ou non durables importés de l’extérieur). Les consommateurs
vont donc être plutôt intéressés par le prix des biens qu’ils consomment, c’est-à-dire
par l’IPC que par le déflateur du PIB.

Pour résumer, la principale différence entre les mesures du taux d’inflation est que le
déflateur du PIB reflète les prix de tous les biens et services finals produits à l’intérieur des
frontières, tandis que l’indice de prix à la consommation reflète les prix des biens et services
qui sont achetés par les consommateurs sur le territoire. Par conséquent, si les prix des Airbus
augmentent, cette hausse ne va pas apparaı̂tre dans l’indice de prix à la consommation car
ils ne sont pas achetés par les ménages. A l’inverse, l’augmentation des prix des biens de
consommation importés va apparaı̂tre dans l’indice de prix à la consommation, comme les
prix des voitures étrangères ou du pétrole. Comme la France ne produit pas de pétrole, lorsque
son prix s’élève sur les marchés mondiaux, l’indice des prix à la consommation s’élève plus
vite que le déflateur du PIB.

La figure 2.34 indique une légère différence entre les deux mesures du taux d’inflation
pour la France depuis le milieu des années 1980. En revanche, on observe une différence plus
marquée lors du deuxième choc pétrolier en 1979-1981. Pour conclure, l’écart entre les deux
mesures du taux d’inflation va plus marqué pour les petits pays qui exportent la majorité de
leur production et importent une gande proportion de leurs biens de consommations.

Les victimes de l’inflation

On peut se demander pourquoi est-ce si important de mesurer le taux d’inflation. Tout


simplement par ce que le taux d’inflation va affecter les pouvoirs d’achat des salariés et
prix du café fait que l’IPC augmente fortement alors que le déflateur du PIB n’est que très peu influencé par
cette hausse du prix du café car les quantités produites de café sont quasiment nulles. Le problème de l’IPC
est q’il ne prend pas en compte le fait que face à la hausse du prix du café, la majorité des consommateurs
boivent maintenant du thé. L’indice de Paasche intègre bien cette possibilité de substitution entre les biens
mais sous-estime la perte de bien-être pour les consommateurs qui aiment le café mais ont dû renoncer à sa
consommation.

72
Les indicateurs macroéconomiques

Indice de prix à la consommation et déflateur du PIB en France


(1961-2012)

16,0%

14,0%
Taux d'inflation
12,0%

10,0%

8,0%

6,0%

4,0%

2,0%

0,0%
1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011

Indice de prix à la consommation Déflateur du PIB

Fig. 2.34 – Taux d’inflation : déflateur du PIB et indice de prix à la consommation (1961-
2012)

des prêteurs (redistribution de la richesse en faveur des entreprises et des emprunteurs) qui
sont les deux groupes de population qui risquent d’être affectés par une accélération de la
croissance des prix :
1. Les salariés sont les premières victimes de l’inflation puisque l’augmentation de l’indice
de prix à la consommation va réduire leur pouvoir d’achat si leur salaire nominal est
inchangé. Le pouvoir d’achat d’un salarié qui reçoit un salaire mensuel W peut être
exprimé comme le rapport du salaire nominal à l’indice des prix à la consommation,
PC :
W
Pouvoir d’achat d’un travailleur = C , (2.61)
P
Ce rapport indique simplement la quantité de biens et services que le salarié peut acheter
avec le salaire W versé par l’employeur. Si ce salaire n’était pas indexé sur le coût de la
vie, alors cela signifierait pour l’employé une diminution de son pouvoir d’achat et une
détérioration de son bien-être. Par exemple, dans certains pays, les retraités reçoivent
des revenus qui ne sont pas indexés sur le niveau des prix de sorte qu’ils s’appauvrissent
par rapport aux autres groupes sociaux lors des périodes de forte croissance des prix.
C’est le cas de la Russie depuis la très forte inflation que connaı̂t le pays depuis le milieu
des années quatre-vingt-dix.
Mais afin d’éviter que la hausse des prix n’érode le niveau de vie des bénéficiaires des
revenus, des réglementations imposent aux employeurs d’adapter les revenus des salariés
sur la base de l’évolution de l’IPC. En France et dans les autres pays industrialisés, les
accords salariaux conclus entre patronat et syndicats prévoient une certaine indexation

73
Macroéconomie L1

des salaires sur l’inflation. Evidemment, comme ils ne connaissant pas le taux d’inflation
qui prévaudra dans le futur, ils doivent l’anticiper.
2. Les prêteurs sont également des victimes de l’inflation. Le pouvoir d’achat d’un prêteur
est égal à la valeur en euros qu’il obtient au terme de son placement rapportée à l’indice
de prix à la fin du placement :

(1 + i) .S0 S1
Pouvoir d’achat d’un prêteur = = . (2.62)
(1 + π) .P0 P1

Cela signifie pour eux que la quantité de biens et services qu’ils pourront recevoir au
terme de leur placement sera plus faible que prévu si les prix augmentent pendant la
période de prêt.
Sur la Figure 2.35, nous avons représenté trois indicateurs macroéconomiques : les salaires
bruts, le revenu disponible brut et l’indice de prix à la consommation. Le revenu disponible
brut permet d’avoir une vision plus large des revenus des ménages puisqu’il est défini comme
les revenus d’activité et du patrimoine des ménages (revenus de la propriété plus intérêts
et dividendes) auxquels s’ajoutent les prestations sociales et l’on déduit les impôts et les
prélèvements sociaux. D’abord, on observe que la courbe en gras représente la progression des
salaires qui est très proche de la courbe représentative de la progression du revenu disponible
brut. Par ailleurs, comme nous l’avons fait remarquer précédemment, on observe une relation
étroite entre la croissance des revenus du travail et l’inflation jusqu’au début des années 1980
car les salaires étaient indexés sur l’inflation courante. A partir du début des années 1980,
le gouvernement mène une politique de désinflation compétitive dont l’un des volets consiste
à rompre avec la spirale prix-salaires en abandonnant l’indexation des salaires sur l’inflation
courante et en l’indexant davantage sur l’inflation future.

On observe que l’accélération de l’inflation de la fin des années soixante jusqu’au début
des années soixante dix et sa stabilisation à un niveau important est associé à un niveau
élevé du taux de croissance des salaires bruts. La progression des salaires bruts s’accélère à
partir de 1968 sous l’effet des revendications salariales des travailleurs et atteint un point
culminant en 1974 pendant le premier choc pétrolier. A partir de 1983, l’Etat bloque la
progression des salaires bruts dans le cadre de la politique de désinflation mise en place en
France jusqu’en 1987. Cette politique destinée à faire ralentir l’inflation a été associée à une
politique de rigueur salariale (désindexation des salaires sur les prix) comme le montre la
portion de courbe en gras au cours des années 1980.

Toutefois, nous ne consommons pas des euros mais des biens et services et ce qui va
intéresser davantage les travailleurs, c’est la mesure du pouvoir d’achat des salaires donnée
par le salaire réel. La Figure 2.36 représente l’évolution du salaire réel des travailleurs et
des gains de productivité. D’abord, on observe que les deux variables évoluent en phase.
Le graphique fait apparaı̂tre que la chute du pouvoir d’achat des travailleurs de 1973 à
1981 repose sur la forte baisse des gains de productivité. Toutefois, les salaires réels W/P
augmentent plus vite que les gains de productivité Y /L ce qui a considérablement accru la

74
Les indicateurs macroéconomiques

Revenu disponible brut, salaires bruts et inflation en France (1961-2006)

20%

Taux de croissance (en pourcentage) 15%

10%

5%

0%
1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006
Revenu disponible brut (source : INSEE)
Salaires et traitements bruts (source : INSEE)
Indice de prix à la consommation (source : Eurostat, CEPII)

Fig. 2.35 – Revenu disponible brut, salaires bruts et inflation en France (1961-2006)

part distributive du travail en France dans les années 1970 :


W
W .N P
= Y
,
P .Y N
salaire réel
= .
productivité moy. travail
Sur la période 1983-1985, le salaire réel diminue sous l’effet de la politique de rigueur sa-
lariale. Alors que la politique de désinflation conduit à une diminution du pouvoir d’achat
des travailleurs comme le montre la période 1983-1985, dès la fin des années 1980, le salaire
réel croı̂t de nouveau au rythme des gains de productivité. Comme il faut un certain temps
pour que l’inflation ralentisse et puisque les salaires sont maintenant indexés sur l’inflation
future, les salaires réels baissent à court terme. Mais à moyen-long terme, les prix se sont
ajustés aux nouvelles conditions monétaires et les salaires réels augmentent à nouveau au
rythme de la productivité du travail. Depuis 1991, l’évolution du salaire réel est relativement
stable et son rythme de croissance s’établit environ à 1.8% alors que les gains de productivité
annuels s’établissent à 1.2%. On peut noter une baisse du salaire réel 1993 lors de la phase de
récession économique et une forte progression du pouvoir d’achat (jusqu’à 4% en 1999-2000)
aux cours de la phase d’expansion économique française.

2.5 Le taux de chômage

La troisième variable fondamentale de l’analyse macroéconomique est le taux de chômage.

75
Macroéconomie L1

Progression du salaire réel et gains de productivité en France (1961-2006)

10%

Taux de croissance (en pourcentage)


8%

6%

4%

2%

0%
1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006

-2%

Salaires et Traitements bruts déflatés par l'IPC PIB réel rapporté au nombre de travailleurs

Fig. 2.36 – Progression du salaire réel et gains de productivité en France (1961-2006)

2.5.1 Définition du taux de chômage

Avant de définir le taux de chômage, il faut comprendre dans quel cadre on le définit.
La population totale en France en 2009 est de 62.6 millions. Si l’on ne prend en compte
que la population en âge de travailler (15-64 ans), on obtient en France 40.6 millions
de personnes potentiellement disponibles pour un emploi. Pourtant, la population active
qui regroupe l’ensemble des personnes civiles qui ont ou qui cherchent un emploi n’était que
28.4 millions (le taux d’activité est égal à 71%), les autres personnes (la population en âge de
travailler moins la population active) représentant la population inactive (étudiants, pré-
retraités, hommes ou femmes au foyer, chômeurs découragés). Le taux de participation (ou
taux d’activité) est défini comme le rapport de la population active notée L à la population
en âge de travailler notée P :
Population active L
Taux de participation = = . (2.63)
Population en âge de travailler P
Le taux de participation représente la fraction de la population potentiellement disponible
pour un emploi qui participe effectivement au marché du travail. Nous verrons que le taux
d’activité a été relativement stable au cours des 50 dernières années en France et s’établit à
environ 70% en ne retenant que la population civile.

La population active regroupe les personnes qui ont un emploi et les personnes inemployées
à la recherche d’un emploi :

Population active = Travailleurs + Chômeurs ⇔ L = N + U. (2.64)

76
Les indicateurs macroéconomiques

Grandeursa Zone euro (17) France


Population totale 323.12 62.64
Population (15 à 64 ans) 215.44 40.66
Population active totale 157.26 28.82
Population active civile 156.23 28.44
Emploi civil 141.54 25.84
Chômage 14.69 2.60
a
Source : Eurostat. En millions de personnes.

Tab. 2.11 – Données sur le marché du travail dans la zone euro (17) et en France (2009)

A partir de cette définition, on peut calculer un deuxième indicateur qui est le taux de
chômage. Le taux de chômage mesure la fraction de la population active qui n’a pas d’emploi
et en cherche un :
U Nombre de personnes sans emploi
u= = . (2.65)
L Population active
En France, 2.6 millions d’individus étaient sans emploi et cherchaient un travail en 2009. En
rapportant le nombre de chômeurs à la population active, on obtient le taux de chômage
français en 2009, soit environ 9.1%.

On peut également exprimer le taux de chômage en fonction du taux d’activité et du taux


d’emploi. Le taux d’emploi représente la fraction de la population en âge de travailler qui a
un emploi. Par conséquent, le taux de chômage peut donc être exprimé de la façon suivante

N N/P Taux d’emploi


u=1− =1− =1− . (2.66)
L L/P Taux d’activité

En 2009, le taux d’emploi est égal à 63.6% et le taux d’activité à 70% ce qui donne un taux de
chômage de 9.1%. Sur la période 1994-2012, le taux d’emploi en France est en moyenne égale
à 63% et le taux d’activité est égal en moyenne à 69% sur la même période ce qui aboutit à
un taux de chômage d’environ 9%.

Nous avons représenté sur la Figure 2.37 l’évolution du taux d’activité et du taux d’emploi
en France. Cette Figure montre clairement que le taux d’activité est resté relativement stable
au cours des quarante dernières années (avec une hausse entre 1974-1979 : arrivée sur le
marché du travail de la génération née après la deuxième guerre mondiale, et une hausse
entre 1995 et 2002 : mise en place de dispositifs destinés à favoriser la prise d’un emploi). En
revanche, le taux d’emploi a connu une chute de 1977 à 1986 et sa baisse avait déjà débuté
en 1973, juste après le premier choc pétrolier. La conclusion de ce graphique est donc que la
montée du chômage en France n’est pas due à un flux trop important de nouveaux arrivants
sur le marché du travail mais à une insuffisance de créations d’emplois sur la période 1974-1995
qui correspond justement à la période d’accroissement du taux de chômage naturel.

77
Macroéconomie L1

Taux d'activité et taux de chômage en France (1956-2011)

0,75 0,12

population en âge de travailler (15-64 ans)


Taux d'activité et taux d'emploi en % de la
0,73
0,10
0,71

0,69 0,08

0,67
0,06
0,65

0,63 0,04

0,61
0,02
0,59

0,57 0,00
1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011

taux d'activité taux d'emploi taux de chômage

Fig. 2.37 – Taux d’activité et taux d’emploi en France (1956-2011)

Taux de chômage en France et aux Etats-Unis (1950-2009)

13
Part du nombre de chômeurs dans la population active (en %)

11

1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
-1

Taux de chômage français Taux de chômage américain

Fig. 2.38 – Taux de chômage en France et aux Etats-Unis (1950-2009)

78
Les indicateurs macroéconomiques

Chômage observé et chômage naturel en France (1949-2009)

12

Fraction du nombre de chômeurs dans la


10

population active (en %)


8

0
1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009

Taux de chômage observé Taux de chômage naturel

Fig. 2.39 – Chômage observé et chômage naturel en France (1948-2009)

Taux de chômage et taux d'investissement en France

0,25 0,12

0,24

0,1
0,23
Taux d'inevstissement

0,22
0,08
Taux de chômage

0,21

0,2 0,06

0,19

0,04
0,18

0,17
0,02

0,16

0,15 0
56
59
62
65
68
71
74
77
80
83
86
89
92
95
98
01
04
07
10
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
20

Taux d'investissement Taux de chômage

Fig. 2.40 – Variations du taux d’investissement et du taux de chômage en France (1961-2012)

79
Macroéconomie L1

2.5.2 Evolution du taux de chômage

Nous avons représenté sur la figure 2.38 les taux de chômage qu’ont connu la France
et les Etats-Unis au cours des quarante dernières années. Ce graphique montre deux faits
importants à noter :
1. En premier lieu, de 1950 à 1970, le taux de chômage français valait moins de 2% ( de
1947 à 1968) et était plus de deux fois inférieur au taux de chômage américain qui était
alors supérieur à 4%. Cette tendance s’est inversée à partir du milieu des années 1970.
Dès le premier choc pétrolier (1973-1974), les chômages français et américain ont pro-
gressé fortement mais alors que le taux de chômage français poursuit son augmentation
jusqu’en 1987, le taux de chômage américain s’est réduit fortement à partir du milieu
des années 1970 et à partir du milieu des années 1980. Les baisses du chômage américain
sont plus marquées et plus fréquentes. En d’autres termes, le chômage français est plus
persistant et moins enclin à baisser ce qui suggère l’existence de rigidités sur le marché
du travail jusqu’à la fin des années 1980.
2. En second lieu, un fait important à noter est qu’au cours des 60 dernières années le
chômage américain fluctue autour d’une valeur tendancielle égale à 5.5-6%. Cette valeur
tendancielle est appelée taux de chômage naturel et représente la valeur moyenne autour
de laquelle fluctue le taux de chômage courant. Plus précisément, le taux de chômage
naturel est le taux de chômage qui prévaudrait si la production courante était à son
niveau potentiel (ou taux de chômage compatible avec la stabilité de l’inflation). Alors
que la valeur du taux de chômage naturel reste stable sur 60 ans aux Etats-Unis, elle
augmente pendant 22 ans en France du premier choc prétrolier jusqu’en 1995.
Sur la Figure 2.39, nous avons représenté l’évolution du taux de chômage effectif en France
et du taux de chômage naturel. On observe un trend croissant du taux de chômage français
à partir du début des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990 : en 1972, le taux de
chômage s’élevait à 2.6% et en 1994, il s’établit à 10.6%. En d’autres termes, contrairement
aux Etats-Unis, le taux de chômage naturel n’a cessé de s’élever depuis la fin des années
1960 jusqu’au milieu des années 1990. Cette hausse semble aller de pair avec une baisse du
taux d’investissement français qui passe de 24% du PIB en 1971 à 17% du PIB en 1994.
Cette relation inverse s’explique par le fait que la décision d’embaucher reposer sur le prix
maximum qu’est prêt à payer la firme mesuré par la productivité du travail. Comme une
baisse du taux d’inevstissement tend à faire ralentir l’accumulationdu capital et donc les
gains de productivité des travailleurs, les embauches sont moindres et le taux de chômage
s’accroı̂t.

Sur la Figure 2.41 est représentée l’évolution du taux de chômage de plusieurs pays eu-
ropéens.11 Les taux de chômage français et européens présentent de fortes analogies. Cela
signifie qu’il y a un cycle international ce qui reflète le fait que les économies sont affectées
par des chocs symétriques. Par exemple, ils augmentent à partir du début des années 70 sous
l’effet du premier choc pétrolier, puis augmentent à nouveau au début des années 1980 sous
l’effet des politiques monétaires restrictives et du deuxième choc pétrolier, puis augmente à
nouveau et 1990 sous l’effet de la réunification allemande puis se stabilise. Depuis la fin des

80
Les indicateurs macroéconomiques

'

)
O

1
T

9
a

e
u

ma

pa

s
e

-
1

4
1

2
1

0
e
v
i
t
c
a
n
o

8
i
t
a
l
u

p
o

p
a
l

6
e
d
%
n
E

4
2
0

8
E

F
u

u
r

e
-

Fig. 2.41 – Taux de chômage dans les pays de l’OCDE (1956-2009)

années 1980, les taux de chômage européens semblent se stabiliser à un taux proche du taux
de chômage structurel ce qui va de pair avec une stabilisation de l’inflation à un niveau proche
de 2%.

On observe effectivement un cycle international mais le niveau et l’ampleur des variations


du taux de chômage sont différents. On observe en particulier que le taux de chômage espagnol
est deux fois plus élevé que la moyenne européenne.12 En revanche, les pays scandinaves et
anglo-saxons ont des taux de chômage trois à quatre fois plus faibles que le taux de chômage
espagnol.

Blanchard et Wolfers (1999) trouvent empiriquement que les institutions jouent un rôle
prépondérant au niveau de la réponse des taux de chômage à des chocs affectant négativement
l’économie tels qu’un ralentisseemnt du progrès technique ou une hausse des taux d’intérêt
réels. Plus précisément, les pays où le système d’assurance chômage est plus généreux et la
protection de l’emploi plus forte connaissent de plus fortes hausses de taux de chômage en
élevant la durée passée en chômage. Dans le premier cas, les individus sont davantage exigeants
pour trouver un travail car ils disposent d’allocations élevées sur une durée relativement
longue. La protection de l’emploi rend les entreprises plus réticentes à embaucher ce qui rend
le chômage moins enclin à baisser en phase d’expansion.

81
Macroéconomie L1

2.6 Chômage, activité et loi d’Okun

Dans la majorité des pays, les données font apparaı̂tre une relation négative entre le taux
de croissance de l’activité économique et le taux de chômage. Cette relation est appelée loi
d’Okun qui a été énoncée dans les années soixante. L’intuition économique sous-jacente
à l’observation de ce phénomène est simple. Une forte croissance de l’activité économique
d’un pays à la suite d’une augmentation de la demande conduit à une forte hausse de l’em-
ploi car les entreprises embauchent plus de travailleurs pour produire davantage. La hausse
de l’emploi se traduit alors par une diminution du taux de chômage. Les estimations des
économistes suggèrent que, pour l’économie américaine, que lorsque le taux de croissance
de l’activité économique est inférieure de 1 point en pourcentage à son taux de croissance
moyen, ce ralentissement de l’activité économique se traduit par une augmentation du taux
de chômage de 0.4 point en pourcentage. De manière symétrique, cela signifie que si le taux
de croissance de la production excède de 1 point en pourcentage le taux de croissance poten-
tielle, cette expansion de l’activité économique se traduit par un baisse du taux de chômage
de 0.4 points et de 1 point. En d’autres termes l’accélération ou le ralentissement de
l’activité économique implique une variation du taux de chômage moins que pro-
portionnelle.

La relation entre le taux de croissance de l’activité mesurée par le taux de croissance


du PIB réel français (axe des abscisses) et la variation du taux de chômage français (axe
des ordonnées) est représentée sur la Figure 2.42 pour la période 1980-2008. Chaque point
représente un couple de taux de croissance du PIB et de variation du chômage. Le diagramme
de dispersion tel que celui qui est présenté à la figure 2.42 indique clairement que les périodes
de forte croissance de l’activité économique sont généralement associées à des périodes de
faible hausse ou de baisse du chômage (c’est-à-dire d’un taux de variation négatif du taux
de chômage). En revanche, les périodes de faible croissance de l’activité économique sont
généralement associées à des périodes de forte augmentation du chômage. Plus précisément,
on remarque que lorque le taux de croissance de l’activité économique est supérieur à 2.2%,
on assiste presque à chaque fois à une baisse du taux de chômage. En revanche, lorsque le
taux de croissance est inférieur à 2.2%, on observe presque à chaque fois une hausse marquée
du taux de chômage.

Maintenant, nous allons préciser nos observations en utilisant la droite de régression s’ajus-
tant le mieux au nuage de points. Cette droite de régression (sorte de relation moyenne entre
taux de croissance de l’activité économique et variation du taux de chômage) peut s’écrire de
la façon suivante :
ut − ut−1 = α + β .gY . (2.67)

Le rôle de l’économétrie est d’estimer l’ordonnée à l’origine et surtout le coefficient β indiquant


la direction et l’ampleur de la relation entre variation de taux de chômage et croissance
économique. L’interprétation du coefficient α est intéressante car elle fait intervenir le taux
de croissance potentielle gY ? . Pour le voir, nous supposons que le taux de chômage reste
constant ce qui est le cas lorqu’il a atteint sa valeur naturelle ut = u? ce qui implique que

82
Les indicateurs macroéconomiques

la croissance économique est à son niveau potentiel. Dans cette sitation, α = −β .gY ? . En
substituant la valeur de α dans la relation (2.67), on obtient une relation entre variation de
taux de chômage et écart de croissance à son niveau potentiel :13

ut − ut−1 = β . (gY − gY ? ) . (2.68)

L’estimation de l’ordonnée à l’origine et la pente de la droite s’ajustant le mieux au nuage de


points indique que α = 0.7573 et β = −0.3392. En utilisant le fait que gY ? = −α/β = 2.23%.
Donc la relation peut finalement être réécrite de la façon suivante :

ut − ut−1 = −0.34 . (gPIB observé − gPIB potentiel ) = −0.34 . (gY − 2.2%) . (2.69)

Cette relation fait apparaı̂tre que la variation du taux de chômage dépend de l’écart entre le
taux de croissance du PIB réel effectif et le taux de croissance du PIB réel potentiel. Le taux
de croissance de la production potentielle correspond au taux de croissance moyen du PIB
réel au cours des 25 dernières années en France. Cette relation nécessite deux commentaires :
1. D’après cette relation, il faut que le taux de croissance du PIB soit au moins égal à
2.2% pour que le taux de chômage reste constant. Cela s’explique par la croissance
de la population active et les gains de productivité. D’abord, si la population active
s’élève au rythme de 0.8%, il faut que l’emploi augmente au même rythme que la
population active pour que le taux de chômage reste constant. Ensuite, les gains de
productivité des entreprises françaises ont augmenté de 1.4% par an, cela signifie que
les firmes peuvent élever leur production en moyenne de 1.4% par an sans embaucher
de nouveaux travailleurs. Par conséquent, si la population active augmente de 0.8% et
les gains de productivité de 1.4%, la production va croı̂tre au rythme annuel moyen
de 2.2% qui correspond le taux de croissance du PIB réel potentiel. C’est donc le taux
de croissance du PIB réel qui permet de maintenir le taux de chômage à un niveau
constant, c’est-à-dire de faire coı̈ncider le taux de chômage avec son niveau naturel.
On peut résumer ce que l’on vient de dire de la façon suivante :

PIB réel potentiel Ỹ = A .Ñ ,


Taux de croissance du PIB réel potentiel gY ? = gA + gN ? ,
Taux de croissance de l’emploi gN ? ' gL ,
Taux de croissance du PIB réel potentiel gY ? = gA + gL = 1.4% + 0.8% = 2.2%,

où N ? = L (1 − u? ) est l’emploi, naturel avec u? = UL le niveau naturel du taux de


chômage. La première relation est la fonction de production qui détermine le PIB réel
potentiel en fonction du niveau naturel de l’emploi. La deuxième relation indique que le
taux de croissance du PIB réel potentiel, gY ? , est égal à la somme du taux de croissance
de l’emploi naturel et des gains de productivité. Le taux de croissance de l’emploi
naturel est celui qui laisse inchangé le taux de chômage étant donné que la population
active augmente au rythme donné par gL . D’après la troisième relation, l’emploi doit
augmenter au même rythme que la population active de façon à laisser inchangé le
taux de chômage. La dernière relation montre que si les gains de productivité sont

83
Macroéconomie L1

en moyenne de 1.4% et la population active s’élève en moyenne de 0.8% par an, la


croissance du PIB réel qui permet de laisser inchangé le chômage est égal en moyennne
à 2.2%.
Remarque concernant gN ? ' gL . L’égalité entre le taux de croissance de la population
active et le taux de croissance de l’emploi à moyen terme repose sur l’hypothèse que le
taux de chômage naturel est initialement faible. On part de la relation N = L − U :

N = L − U,
µ ¶
U
N = L. 1− ,
L
N = L . (1 − u) ,
ln N = ln L + ln (1 − u)
| {z }
'−u
ln N ' ln L − u
d ln N ' d ln L − |{z}
du ,
=0
gN ' gL si u faible.

2. La relation fait également apparaı̂tre que le coefficient qui multiplie l’écart de taux
de croissance est égal à -0.4 et non à -1. Autrement dit, une croissance inférieure de
1 point à la croissance normale entraı̂ne une hausse de 0.4 point en pourcentage du
taux de chômage. Il y a deux raisons à cette hausse moins que proportionnelle du
taux de chômage. Lorsque la croissance est inférieure de 1 point en pourcentage à
la croissance tendancielle, cet écart de production négatif entraı̂ne une augmentation
moins que proportionnelle du taux de chômage car certains travailleurs sont nécessaires
quel que soit le niveau de production (le service comptable d’une entreprise nécessite
toujours le même nombre d’employés). Par ailleurs, la formation de nouveaux employés
est coûteuse, c’est pourquoi les entreprises préfèrent conserver leurs employés plutôt
que de les licencier, même quand la croissance ralentit.
De manière symétrique, le taux de chômage ne diminue pas du même montant que
l’écart de taux de croissance. Si la croissance est supérieure de 1 point à la croissance
tendancielle, le chômage baisse seulement de 0.4 point comme l’indique le coefficient
de la relation (2.69). Quand l’économie repart, certains employés vont faire des heures
supplémentaires. Parallèlement, lors d’une expansion économique, le taux de participa-
tion s’élève car la probabilité de trouver un emploi est plus grande (pour les chômeurs
découragés, les femmes au foyer). Par conséquent, certaines personnes qui ne faisaient
plus partie de la population active désirent maintenant retrouver un emploi ce qui élève
le taux d’activité et modère la baisse du taux de chômage.
Nous allons maintenant écrire une deuxième formulation de la loi d’Okun en mettant
en relation l’écart de taux de chômage avec les fluctuations du PIB réel. Cette relation est
illustrée sur la figure 4.9 qui indique une relation inverse entre l’écart de production et l’écart
de taux de chômage. Nous avons vu précédemment que la production d’une économie ne
se situe pas en permanence à son niveau de plein-emploi. De manière symétrique, le taux

84
Les indicateurs macroéconomiques

O
:;

E
:;

J
K

;
;

Q
=>

?>

P
9

BC
D
=

=
=
<

?
@
:
@
A
:

<

:
I

L
<
M
:

<

@
:
@
F
G

F
S

Z
U
V
W
Y
W
W
V
R

T
A
<
@
I
:

X



           ! " # $ %  $%&'

















 

 

 











-78
)(

01

45
6
-
./
2
2
)
3.
-

/
*
+

Fig. 2.42 – La loi d’Okun : le cas de la France (1980-2008)

de chômage ne coı̈ncide pas en permanence avec sa valeur naturelle. On observe que lors
les phases d’expansion, le taux de chômage se situe en-dessous de sa valeur naturelle. En
inversement. Lors des périodes de ralentissement de l’activité économique, l’emploi ralentit et
des licenciements peuvent également intervenir, ces phases de ralentissement sont associées à
des phases où le taux de chômage effectif est supérieur à son niveau naturel. C’est exactement
ce que traduit le graphique de la figure 4.9.

La relation que nous venons de mettre évidence sur la figure 4.9 permet de formuler une
deuxième façon d’envisager la loi d’Okun mettant cette fois-ci en relation l’écart de taux de
chômage et l’écart de taux de croissance de la production :

ut − ũ = −β . (gY,t − gY ? ) , β̂ = 0.4.

La formulation moderne de la loi d’Okun fait apparaı̂tre une relation inverse entre l’écart de
la croissance effective à sa croissance potentielle, noté gỸ − gY ? , et l’écart taux de chômage
effectif à sa valeur naturelle. Le coefficient estimé est égal à 0.4. Prenon un exemple. La
croissance française est égale à -2.3% en 2009, alors que le taux de croissance potentielle
est égale à 1.7% sur la période 1994-2008. D’après la relation d’Okun, on devrait assister à
une hausse du taux de chômage de −0.4 .(−2.3% − 1.7%) = −0.4 .4% = de 1.6 points de
pourcentage. Comme le taux de chômage en 2008 était de 7.9%, le taux de chômage en 2009
devrait être égal à 9.5% qui est très exactement la valeur du taux de chômage observé.

85
Macroéconomie L1

Ecarts de production et de taux de chômage en France (1949-2009)

4 1,5

Ecart avec le taux de chômage natuel (en points de


3
en % de la croissance potentielle 1

2
0,5
1
0

%)
0
1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009
-0,5
-1

-1
-2

-3 -1,5

-4 -2

Ecart de production Ecart de taux de chômage

Fig. 2.43 – Fluctuations du produit et du chômage en France (1949-2009)

2.7 Chômage, inflation et courbe de Phillips

A côté de la loi d’Okun, il existe également une relation inverse entre le taux de chômage
et l’inflation. La courbe représentative de cette relation est appelée courbe de Phillips et
tire son nom de l’économiste qui l’a mis en évidence à la fin des années cinquante.

La relation entre le taux de chômage (axe des abscisses) et le taux d’inflation (axe des
ordonnées) est représentée sur le figure 2.45. Chaque point représente un couple de taux de
chômage et de taux d’inflation. On remarque une relation négative entre taux de chômage
et taux d’inflation : une phase de désinflation est associée à une phase de hausse de taux de
chômage.

La relation décroissante entre l’inflation et le chômage traduit simplement les déplacements


de la courbe de demande agrégée le long de la courbe d’offre agrégée. Imaginons par exemple
que les autorités monétaires mènent une politique restrictive. A long terme, le seul effet de
cette politique économique sera une baisse du taux d’inflation comme nous le montrerons
dans le chapitre 3. Mais tous les prix ne s’ajustent pas immédiatement. Il faudra quelques
années pour que toutes les entreprises modifient leurs prix et que tous les travailleurs (ou les
syndicats représentant les travailleurs) acceptent des concessions sur les salaires. On dit que
les prix et les salaires sont rigides à court terme.

Raisonnement économique sous-jacent à la Courbe de Phillips

86
Les indicateurs macroéconomiques

Fig. 2.44 – Politique monétaire expansionniste dans le modèle OA-DA ; la courbe de demande
agrégée se déplace vers la droite de AD0 en AD1 et la courbe AS représente la courbe d’offre
agrégée de court terme qui se déplace de AS0 en AS∞ une fois que l’ajustement des prix a été
réalisé - Source : Chapitre 1, Heijdra, Reijnders, and Romp (2009) Foundations of Modern
Macroeconomics Second Edition. Exercise and Solutions Manual. Oxford University Press.

Cette rigidité des prix entraı̂née par les erreurs d’anticipations implique que les effets à
court terme d’une politique peuvent être différents des effets à long terme. A la suite d’une
politique monétaire expansionniste, les taux d’intérêt diminuent et l’accès au crédit s’élève
(les sommes que peuvent dépenser les individus augmentent). Comme la consommation et
l’investissement s’élèvent, la demande agrégée s’accroı̂t, et les entreprises voient leurs ventes
augmenter. Cette hausse des ventes incite les entreprises à élever leur production et à embau-
cher davantage de travailleurs. Par conséquent, à court terme, l’effet d’une politique monétaire
expansionniste sera de diminuer temporairement le taux de chômage du fait de l’accélération
de l’activité économique et d’accroı̂tre le taux d’inflation du fait de la hausse de la demande,
comme le montre la Figure 2.44.

Comme l’inflation est plus élevée que celle initialement attendue par les travailleurs, leur
pouvoir d’achat est plus faible et vont donc demander des salaires plus élevés au cours du
temps : face à l’accélération de l’inflation et la baisse du chômage, les syndicats exigent
une hausse des salaires. Comme les entreprises voient leur coût de production augmenter,
elles vont être encouragées à diminuer leur production qui revient lentement vers son niveau
naturel. Finalement, à long terme, la production et le taux de chômage reviennent à leurs
niveaux naturels une fois que les prix et les salaires se sont ajustés.

87
Macroéconomie L1

Courbe de Phillips en France (1980-1994)

16,0%

1980
14,0%

12,0%
Taux d'inflation (IPC) en %

10,0%

8,0%

6,0%

4,0%

2,0% 1994

0,0%
0 2 4 6 8 10 12 14
Taux de chômage en %

Fig. 2.45 – Courbe de Phillips en France (1980-1990)

Courbe de Phillips en France (1990-2000)

3,5%
1990
3,0%

2,5%
Taux d'inflation (IPC) en %

2,0%
2000
1,5%

1,0%

0,5%

0,0%
6 7 8 9 10 11 12
Taux de chômage en %

Fig. 2.46 – Courbe de Phillips en France (1990-2000)

88
Les indicateurs macroéconomiques

Détermination analytique de la Courbe de Phillips

Pour déduire la relation de Phillips, on débute l’analyse avec l’expression de la courbe


d’offre agrégée de court terme (en gardant à l’esprit qu’elle est écrite sous forme loga-
rithmique) :
(yt − y ? ) = σ . (pt − pat ) , (2.70)
où y ? est le (log du) niveau naturel du PIB réel, yt le (log du) PIB réel courant, pt le (log du)
niveau général des prix, pat le (log du) du niveau anticipé des prix. Cette équation indique que
lorsque les travailleurs sous-estiment la croissance des prix, les firmes continuent de payer des
salaires dont la croissance est fondée sur le niveau anticipé des prix et vendent les biens et les
services à des prix plus élevés. Cette accélération de la croissance des prix peut s’expliquer
par une politique monétaire expansionniste qui stimule la demande agrégée. Comme le coût
réel du travail W/P diminue, les firmes vont embaucher davantage.

Pour déterminer la courbe de Phillips, nous allons réécrire (2.70) en taux de croissance
pour faire apparaı̂tre l’inflation. On isole d’abord la variation des prix puis on retranche et
on ajoute au membre de droite de (2.70) le log du niveau général des prix en t − 1, pt−1 ,
1
pt − pat = . (yt − y ? ) ,
σ
1
(pt − pt−1 ) − (pat − pt−1 ) = . (yt − y ? ) . (2.71)
σ
On utilise le fait que :
µ ¶
Xt − Xt−1 Xt
= gx = ln = xt − xt−1 . (2.72)
Xt−1 Xt−1
où xt = ln Xt et xt−1 = ln Xt−1 . En appliquant (2.72) :

πt = pt − pt−1
πta = pat − pt−1 .

En substituant ces relations dans (2.71), on obtient une relation positive entre l’écart d’in-
flation et l’écart de production :
1
πt − πta = . (yt − y ? ) . (2.73)
σ

Nous allons maintenant utiliser la relation d’Okun mettant en relation l’écart de taux
de chômage à sa valeur naturelle et l’écart de production à sa valeur naturelle :

ut − u? = −β . (yt − y ? ) (2.74)

ou en isolant l’écart de production


1
yt − y ? = − . (ut − u? ) , (2.75)
β
puis en substituant (2.75) dans la courbe d’offre agrégée de court terme (2.73) pour éliminer
l’écart de production, nous obtenons la courbe de Phillips :
1
πt − πta = − . (ut − u? ) . (2.76)
σ .β

89
Macroéconomie L1

Pour interpréter cette relation, on isole l’écart de taux de chômage :

ut − u? = − (σ .β) . (πt − πta ) . (2.77)

La courbe de Phillips décrite par (2.77) a trois caractéristiques


1. Lorsque l’inflation est supérieure à l’inflation anticipée, le taux de chômage diminue
en-dessous de sa valeur naturelle car l’économie est en phase d’expansion économique.
C’est donc une courbe décroissante dans le plan (ut , πt ), comme le montre la Figure
2.47.
2. Lorsque l’inflation anticipée se rapproche du niveau courant, la courbe de Phillips se
déplace vers la droite (elle est tracée pour un niveau de πta ) et le taux de chômage
reprend sa valeur naturelle.
3. Le terme (σ .β) indique le ratio de sacrifice. Il indique de combien doit augmenter le
taux de chômage pour faire baisser l’inflation de 1 point de pourcentage. Pour le faire
apparaı̂tre, on suppose que les individus ont des anticipent l’inflation courant sur la
base de l’inflation passée πta = πt−1 . La relation (2.77) devient :
ut − u?
= (σ .β) . (2.78)
− (πt − πt−1 )
Lorsque l’on diminue l’inflation d’1 point de pourcentage, c’est-à-dire :

− (πt − πt−1 ) = 1pt de%,

le coefficient (σ .β) indique de combien augmente le taux de chômage au-dessus de son


niveau naturel. Les valeurs estimées de σ .β sont en moyenne égales à 1.5 : lorsque
l’inflation baisse de 1 point de pourcentage, le taux de chômage augmente de 1.5 points
de poucentage au-dessus de son niveau naturel.
Courbe de Phillips et le biais inflationniste

Du fait de l’existence d’un arbitrage à court terme entre inflation et chômage, les res-
ponsables politiques peuvent être tentés d’utiliser des politiques de relance de la demande
pour faire baisser le taux de chômage. Si le gouvernement veut réduire le taux de chômage, il
pourra mener une politiques budgétaire ou une monétaire expansionniste, qui va susciter une
expansion économique. D’après la loi d’Okun, l’écart de production se traduit par un écart
de chômage négatif et d’après la relation de Phillips, l’écart de chômage négatif se traduit
par une accélération de l’inflation. A moyen terme, une fois que les prix et les salaires se sont
ajustés, la production revient vers son niveau potentiel, taux de chômage à son niveau naturel
mais le taux d’inflation atteint une valeur plus élevée provoquant ainsi un biais inflationniste.

Cet enchaı̂nement apparaı̂t sur la figure 2.49. La figure 2.49 met en relation les couples
de chômage-inflation aux Etats-Unis sur la période 1961-1971. De 1961 à 1969, l’économie
américaine se déplace le long d’une courbe de Phillips de court terme. En 1962, le taux de
chômage est à son niveau naturel 5.5% et le taux d’inflation égal à 1.1%. En 1969, le chômage
a baissé de deux points de pourcentage et s’établit à 3.5% et dans le même temps, l’inflation a
été multipliée par 4 et s’établit à 4.6%. Mais dès la fin des années 1960, face à l’accélération de

90
Les indicateurs macroéconomiques

Taux
d’inflation, π

Courbe de Phillips
6 de moyen terme

Ecart de Ecart de
chômage négatif chômage positif

Courbe de Phillips
π0 F0 de court terme
j avec inflation
j
j anticipée forte
j
j
j
? j¾
π1 ¾F1¾ ¾ ¾ ¾j F0
Courbe de Phillips de court terme
avec une inflation
anticipée faible
¾
- Taux de
Taux de chômage chômage, u
naturel, ū

Fig. 2.47 – Les effets d’une politique monétaire restrictive à court terme et à moyen terme

Fig. 2.48 – Ratios de sacrifice mesurant de combien augmente les taux de chômage lorsque
l’inflation diminue de manière permanente de 1 point de pourcentage après 5 ans. Source :
Boone et Mojon (1998) Sacrifice Ratios in Europe : a Comparison. CEPII DP.

91
Macroéconomie L1

Politique de relance de la demande, courbe de Phillips à court terme et à


moyen terme aux Etats-Unis (1962-1971)

7%
Taux d'inflation (taux de croissance de l'IPC) -

6%

5%
Source : Eurostat

4%

3%

2%

1%

0%
0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7%
Taux de chômage (en % de la population active) - Source : OCDE

Fig. 2.49 – Politique de relance de la demande, courbe de Phillips à court terme et à moyen
terme aux Etats-Unis (1962-1971)

l’inflation, les travailleurs ont exigé des revalorisations salariales ce qui a exercé une pression
à la hausse sur le coût du travail. Finalement, l’augmentation du coût du travail a contribué
à ramener progressivement la production et le taux de chômage vers leurs niveaux naturels.
Nous reviendrons sur cette relation négative entre chômage et inflation dans le chapitre ??.14

Les anticipations rationnelles : l’absence d’arbitrage à court terme et l’in-


cohérence temporelle

Au lieu de supposer que les anticipations se basent sur l’inflation passée, on suppose
que les anticipations sont rationnelles ce qui signifie que l’individu utilise toute l’information
disponible qui est synthétisée par l’ensemble d’information en t − 1, Γt−1 :

πta = E (πt |Γt−1 ) = Et−1 (πt ) , (2.79)

où E (πt |Γt−1 ) est l’espérance conditionnelle à l’ensemble d’information Γt−1 . Ces anticipa-
tions sont dites ’rationnelles’, car les agents qui les forment utilisent au mieux l’information
dont ils disposent On suppose que la règle de politique monétaire est connue des agents (l’idée
est qu’ils l’ont apprise à force de l’observer, mais on laisse ce processus d’apprentissage hors
de l’analyse). De ce point de vue, l’hypothèse d’anticipations adaptatives implique que les
individus ne sont pas rationnels car ils n’utilisent pas toute l’information disponible pour
prévoir les prix. En revanche, dans le cas des anticipations rationnelles, les individus ne se
trompent pas en moyenne, et l’inflation anticipée est sans cesse égale à son niveau courant :
donc le taux de chômage est à son niveau naturel. Cette vision est un peu extrême mais

92
Les indicateurs macroéconomiques

a ouvert la voir à la théorie de l’incohérence temporelle mise en évidence par Kydland et


Prescott.

Les auteurs montrent que la Banque centrale a intérêt à annoncer une inflation faible
puis à dévier de son objectif d’inflation car en augmentant la demande et donc l’inflation,
elle stimule l’activité économique et donc diminue le chômage. Il est donc optimal pour le
gouvernement que le taux d’inflation annoncé ex-ante soit plus faible que le taux d’inflation
pratiqué ex-post. On dit alors que cette annonce est incohérente temporellement.

Toutefois, cette annonce ne sera pas jugée crédible par les agents qui internalisent cette
stratégie et qui ne vont donc pas se laisser manipuler par le gouvernement. Comme les indivi-
dus l’anticipent, ces anticipations neutralisent totalement l’effet de la politique monétaire ex-
pansionniste sur l’activité économique et aboutit au final à une inflation plus élevée. Contrai-
rement à ce que nous avons supposé précédemment, les individus sont dotés d’anticipations
rationnelles ce qui conduit à l’absence d’effets de la politique monétaire à court terme et
à long terme. Finalement, agents privés et autorités monétaires (gouvernement) sont piégés
dans une situation défavorable avec un niveau d’inflation trop élevé. Une fois que l’inflation
est plus élevée, il faut la combattre ce qui est très coûteux comme l’indiquent les estimations
des ratios de sacrifice. Seule une règle d’inflation faible engageant véritablement les auto-
rités monétaires permet de rendre crédible l’annonce de politique monétaire. C’est pourquoi
l’indépendance de la Banque centrale est préconisée de façon à rendre crédible son annonce
de cible d’inflation et éviter tout biais inflationniste.

Notes

5
La différence essentielle entre consommations intermédiaires et dépenses d’investissement repose sur le fait
que la première est incorporée ou détruite au cours du processus de production alors que la seconde correspond
à l’acquisition de biens durables pour être utilisés plus d’un an dans le processus de production.

6
Le taux d’utilisation de 90% s’explique par le fait que certaines machines ne sont plus utilisées, même lors
des périodes de boom économique, car elles ne sont plus assez performantes.

7
Chaque pays membre doit maintenir son taux de change par rapport aux autres pays membres à l’intérieur
d’étroites bandes de fluctuation.

8
L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) est une organisation interna-
tionale qui regroupe les pays les plus riches.

9
Les chiffres du PIB exprimés en parité de pouvoir d’achat sont construits en utilisant un ensemble de
biens et services communs produits dans chaque pays.

10
Voir définition (??).

11
L’Europe s’est élargie de 6 membres en 1957 à quinze en 1995. Le taux de chômage de l’Union européenne
représente le taux de chômage moyen du groupe des 15 pays qui composent l’Union Européenne aujourd’hui.

93
Macroéconomie L1

12
Le taux de chômage espagnol a commencé à augmenter après la mort de Franco, lorsque les syndicats se
font faits concurrence pour demander des augmentations de salaires. L’augmentation du chômage se poursuit
à la fin des années 1970 et au début des années 1980 sous l’effet de la politique monétaire restrictive et enfin
atteint un sommet de 20% en 1994 après la réunification allemande.

13
L’économétrie est une méthode statistique qui permet d’estimer la pente et l’ordonnée à l’origine de la
droite qui s’ajuste le mieux au nuage de points

14
Le ratio de sacrifice est défini comme le nombre de points de chômage supplémentaire nécessaires pour faire
baisser l’inflation de 1% et correspond au coefficient devant le taux de chômage dans la relation de Phillips.
Les études empiriques estiment un ratio de sacrifice proche de un.

94

Vous aimerez peut-être aussi