Vous êtes sur la page 1sur 18

Sommaire :

PARTIE 1 : LES REGLES DE CONSTITUTION COMMUNES A TOUTES LES SOCIETES ................................... 2


TITRE 1 : LE CONTRAT DE SOCIETE ..................................................................................................................... 2
CHAPITRE 1 : LES CONDITIONS GENERALES DU CONTRAT DE SOCIETE .............................................. 2
Section 1 : Les conditions de fond ........................................................................................................................ 2
Section 2 : La pluralité d’associés......................................................................................................................... 4
CHAPITRE 2 : LES CONDITIONS SPECIFIQUES DU CONTRAT DE SOCIETE ............................................ 5
Section 1 : La mise en commun d’apports ............................................................................................................ 5
Section 2 : La participation aux résultats .............................................................................................................. 8
Section 3 : La volonté de s’associer .................................................................................................................... 10
CHAPITRE 3 : LES SOCIETES SANS PERSONNALITE MORALE................................................................. 11
Section 1 : La société en participation (SEP) ...................................................................................................... 11
Section 2 : La société créée de fait et la société de fait ....................................................................................... 12
TITRE 2 : LA PERSONNALITE MORALE DE LA SOCIETE ............................................................................... 13
CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE LA SOCIETE ..................................................................................... 13
Section 1 : L’acquisition de la personnalité morale ............................................................................................ 13
Section 2 : Le statut de la société en formation .................................................................................................. 15
Section 3 : Les effets de la personnalité morale .................................................................................................. 17

1
PARTIE 1 : LES REGLES DE CONSTITUTION COMMUNES A TOUTES LES SOCIETES
TITRE 1 : LE CONTRAT DE SOCIETE
CHAPITRE 1 : LES CONDITIONS GENERALES DU CONTRAT DE SOCIETE
Section 1 : Les conditions de fond
Les conditions communes à tous types de contrats. En application de l’article 2 DOC, 4 conditions sont essentielles à la
validité du contrat de société. Les deux premières, attachées à la personne de l’associé, concernent son consentement (I)
et sa capacité à contracter (II). Les deux dernières exigent de la société qu’elle ait un objet mais aussi une cause licite
(III).

I. Le consentement des associés


Plan. Le consentement de chaque associé est une condition essentielle du contrat de société. Si le DOC ne l’aborde que
sous l’angle des vices qui peuvent l’affecter (A), le consentement est, en droit des sociétés, fréquemment étudié sous
l’angle de la simulation (B).

A. Les vices du consentement


L’article 2 DOC ayant érigé le consentement comme une condition de validité du contrat de société, celui-ci est nul dès
lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur engagement. Aussi, cela suppose-t-il que le consentement
des associés existe et qu’il ne soit pas vicié. Ainsi, le consentement des associés ne doit pas être donné par erreur, ni
sous l’effet d’un dol ou de la violence26.
L’erreur. En droit des sociétés, il existe trois sortes d’erreurs. Il peut s’agir d’une erreur sur la personne de l’associé.
Cette erreur est retenue lorsque la considération de la personne a été la cause principale de la convention. Dès lors, ce
type d’erreurs se rencontre dans les sociétés de personnes, où l’intuitu personae est très marqué. Le second type d’erreur
que l’on peut rencontrer en droit des sociétés est l’erreur sur la forme de la société. Une telle erreur est assimilée à une
erreur sur la nature du contrat. Elle entraîne des conséquences dommageables notamment lorsqu’un associé croit sa
responsabilité vis-à-vis des créanciers sociaux limitée aux apports qu’il a faits à la société alors qu’en réalité sa
responsabilité est illimitée. Il est à noter que ce moyen de nullité ne peut être invoqué dans les sociétés commerciales27.
Un dernier type d’erreurs consiste en une erreur sur les apports. L’apport est le bien qu’une personne affecte à la société
en contrepartie de son entrée dans une société comme associé. On assimile une erreur sur les apports à une erreur sur le
prix et cette erreur-là ne saurait être retenue que si elle porte sur la réalité et la nature de l’apport, non sur sa valeur.
Le dol. Le dol se traduit par un acte de déloyauté commis par l’un des associés à l’encontre d’un ou des autres associés.
Il suppose la réunion de deux éléments : l’un intentionnel, l’autre matériel. La victime du dol doit donc prouver qu’elle
n’aurait pas consenti à être associé si elle avait eu connaissance des manœuvres frauduleuses pratiquées dans le but de
la tromper et de la pousser à contracter. Le dol se rencontre plus fréquemment que l’erreur, mais il reste tout de même
rare en droit des sociétés.

B. La simulation du consentement
Définition. La condition relative à l’existence du consentement se traduit, en droit des sociétés, par l’exigence d’un
consentement non simulé. La simulation consiste pour les associés à donner l’apparence de constituer une société alors
que la réalité est toute autre. La simulation consiste donc à conclure un contrat fictif. A cette occasion, une société est
créée, mais elle dissimule une exploitation personnelle. Pour les associés qui donnent leur consentement, ce
consentement n’est qu’apparent.
Formes de la simulation. La simulation peut prendre trois formes différentes. Elle peut porter sur l’existence du contrat
de société, sur la nature du contrat conclu, ou sur la personne d’un ou plusieurs associés : c’est l’hypothèse de
l’interposition de personne.
Simulation portant sur l’existence du contrat. Dans l’hypothèse où la simulation porte sur l’existence du contrat de
société, on dit que la société est fictive. L’acte de constitution est fictif. Une telle simulation se rencontre lorsque les
prétendus associés n’ont eu aucune intention de s’associer ni de coopérer, ni même de contracter, mais poursuivaient un
but étranger à la constitution d’une société.
La société ne répond pas aux critères distinctifs de la société comme la pluralité d’associés, ou encore l’affectio societatis
et n’a aucune existence juridique. Alors qu’une partie de la doctrine considérait que la sanction d’une société fictive

2
était l’inexistence, la jurisprudence a tranché en faveur de la nullité, laquelle n’a pas d’effet rétroactif en droit des
sociétés. Dès lors, les tiers de bonne foi peuvent se prévaloir de l’existence, même très brève, de la société.
Simulation portant sur la nature du contrat. Cette hypothèse se rencontre lorsque la conclusion du pacte social dissimule
une autre opération, tenue secrète. Les parties donnent au pacte qu’ils concluent l’apparence d’un contrat de société,
alors qu’il s’agit, en réalité, d’une opération dont ils se gardent de révéler la véritable nature aux tiers. Souvent, la société
apparente cache une opération illicite, déguisant une volonté de fraude (généralement considérations fiscales,
successorales...). Ex. : un contrat de travail pour se soustraire aux lois sociales ; un contrat de vente pour bénéficier
d’une fiscalité moins lourde…
Simulation portant sur la personne de l’associé. Cette catégorie de simulation correspond à l’hypothèse de l’interposition
de personne. Celui qui se présente comme associé n’est en réalité que le prête-nom du véritable associé qui préfère agir
en « coulisse ». En pratique, deux contrats sont conclus : un contrat de société, le second étant un mandat conclu entre
le véritable associé et le prête-nom. Cette situation n’est sanctionnée qu’en cas d’existence d’une fraude.

II. La capacité des associés


L’âge de la majorité légale. La capacité est l’aptitude d’une personne à participer à la vie juridique, càd être titulaire de
droits et à les exercer. Faute de dispositions particulières dans les textes régissant les sociétés commerciales, il convient
de se référer aux règles du droit commun28. En effet, la capacité des individus est régie par le Code de la famille29.
L’article 12 du Code du commerce renvoie lui-même aux dispositions du Code de la famille. Selon l’article 209 du CF,
l’âge de la majorité légale est fixé à 18 ans révolus.
Une capacité spéciale : la qualité de commerçant. En outre, la capacité requise en droit des sociétés varie selon le type
de sociétés. Selon la forme de la société il va falloir, ou non, disposer d’une capacité spéciale : la qualité de commerçant.
Or, l’exercice du commerce étant une profession dangereuse qui suppose un certain degré de maturité, une certaine
expérience, il va falloir envisager le cas de certaines personnes potentiellement vulnérables. Ainsi, un majeur incapable
ou un mineur ne peuvent par exemple faire partie d’une société où les associés ont la qualité de commerçants (SNC ou
dans une SCS ou les commandités d’une SCA (car responsabilité indéfinie))30. Le mineur ayant atteint l’âge de la
majorité31 peut avoir la qualité de commerçant, mais pas avant.
Jusqu’à une modification récente, le mineur étranger devait attendre d’avoir eu 20 ans révolus conformément à l’article
15 du Code de commerce. Or, depuis une loi du 22 février 201832, ce seuil a été baissé à l’âge de 18 ans.
Cas des majeurs incapables. Le Code du commerce ne contient, au surplus, aucune règle propre aux majeurs incapables.
Le Code de la famille retient néanmoins deux situations dans la condition de ces derniers : celle de l’aliéné et du faible
d’esprit d’une part, puis du prodigue d’autre part. Concernant l’aliéné mental, l’article 217 du CF écarte toute capacité
juridique car celui-ci a totalement perdu la raison, de façon permanente, par hérédité ou non. Il ne dispose en
conséquence pas des facultés nécessaires à l’exercice du commerce. L’article 216 considère la personne faible d’esprit
comme étant frappé d’un handicap mental qui l’empêche d’être maître de ses pensées et ses actes. L’article 228 aligne
le cas du prodigue et du faible d’esprit sur celui de l’enfant mineur doué de discernement (art. 225). Ainsi, l’article 225
considère que les actes profitables passés par lui sont acquis, ceux qui lui portent préjudices nuls, alors que ceux qui
présentent les deux caractères à la fois sont subordonnés à l'approbation du son représentant légal.
Les articles 207et 208 définissent ce que sont ces deux capacités. La capacité de jouissance est définie comme étant «
la faculté qu'a la personne d'acquérir des droits et d'assumer des devoirs tels que fixés par la loi. Cette capacité est
attachée à la personne durant toute sa vie et ne peut lui être enlevée ».
Selon l’article 208 du Code de la famille, « La capacité d'exercice est la faculté qu'a une personne d'exercer ses droits
personnels et patrimoniaux et qui rend ses actes valides. La loi fixe les conditions d'acquisition de la capacité d'exercice
et les motifs déterminant la limitation de cette capacité ou sa perte ». C’est pourquoi l’article 224 du Code de la famille
prévoit que les actes passés par l'incapable sont nuls et de nul effet.
En résumé, la capacité commerciale sera requise pour les associés en nom collectif, pour les commandités et les gérants
des sociétés en participation, à l’exclusion des commanditaires et des participants. La seule capacité civile est requise
pour être actionnaire d’une SA, commanditaire ou associé d’une SARL. Un mineur dûment représenté par son
représentant légal, peut être actionnaire dans une SA, commanditaire dans une SCS ou une SCA.
Cas de la femme mariée. Enfin, le Code du commerce prévoit également le cas de la femme mariée, laquelle aux termes
de l’article 17, « peut exercer le commerce sans autorisation de son mari ». Le texte précisant par ailleurs que « toute
convention contraire est réputée nulle ». Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie étant une liberté publique
3
et un principe à valeur constitutionnel (art. 35), celui-ci est bien entendue libre et toute personne, sous réserve des
dispositions liées à la capacité, est libre de l’exercer quel que soit son sexe.

III. Un objet et une cause licites


L’objet social. L’objet du contrat de société est donné de manière générique et abstraite par l’article 982 DOC : il s’agit
de la mise en commun d’apports en vue de partager les bénéfices qui pourront en résulter. Il n’existe pas de définition
légale de l’objet social mais les auteurs le définissent comme le « genre d’activités » que la société se propose d’exercer.
En ce sens, l’objet désigne la nature de l’exploitation commune telle que définie dans les statuts : commerce, industrie,
finance... Il se détermine donc par sa description dans les statuts : c’est l’objet social statutaire. Cependant, une société
peut avoir une activité plus restreinte que ce que décrivent les statuts. C’est l’objet réel.
Un objet social licite. L’objet doit être licite conformément à l’article 985 DOC. Ceci signifie que tout ce qui est contraire
aux bonnes mœurs, à la loi ou à l’ordre public sera considéré comme étant illicite. Tel est le cas d’une société dont
l’activité porterait sur les stupéfiants, la contrebande, la prostitution. L’activité de la société ne doit pas non plus porter
sur des choses qui ne sont pas dans le commerce (corps humain par ex.).
La sanction civile frappant une société dont l’objet est illicite est la nullité absolue et elle peut être invoquée par tout
intéresser. Sur le plan pénal, l’illicéité de l’objet peut constituer une infraction pénale et les associés eux-mêmes ne sont
pas à l’abri de poursuites pénales.
Un objet social déterminé. L’objet social doit également pouvoir être déterminé. Il s’agit du principe de spécialité en
vertu duquel est apprécié la régularité des opérations effectuées. En effet, une société ne peut avoir un objet social
universel33. Les statuts doivent impérativement délimiter la sphère d’activité pour laquelle la société a été créée. En
pratique, les statuts stipulent que la société peut accomplir, outre son objet principal, tous les actes qui se rattachent
directement ou indirectement à celui-ci. La détermination de l’objet présente plusieurs intérêts : ça permet de déterminer
si une société est civile ou commerciale. Il en découle ensuite une règle de spécialité de la société qui impose à celle-ci
d’agir uniquement dans les limites de son objet tel que défini dans les statuts. Elle limite également le pouvoir des
dirigeants sociaux, notamment lorsque ceux-ci passent un acte de gestion qui dépasse l’objet social. Dans ce cas de
figure, ledit acte n’engagera, en principe pas, la société.
La cause du contrat de société. La cause du contrat de société désigne le motif pour lequel deux ou plusieurs personnes
ont décidé de s’associer. Elle correspond à la motivation profonde des associés. Toute obligation est présumée avoir une
cause certaine et licite34. Comme pour l’objet, la cause qui anime la mise en commun des parties doit elle aussi, être
licite. La cause est souvent confondue avec l’objet dans la mesure où la raison d’être de la société consiste en la
réalisation de son objet. Cependant, la cause n’a pas besoin d’être exprimée, contrairement à l’objet. De même, il peut
arriver que l’objet social soit licite et non la cause (ce qui a poussé les parties à s’associer). C’est le cas du débiteur qui,
en fraude des droits de ses créanciers, fait apport de ses biens à une société pour les soustraire, derrière l’écran de la
société, aux poursuites de ses créanciers.

Section 2 : La pluralité d’associés


I. Lors de la constitution de la société
Principe. Le contrat de société visé par l’article 982 DOC exige le concours d’au moins deux personnes. Deux associés
suffisent donc pour créer une société de personnes ou une SARL de type classique. Cette règle générale est précisée par
des règles de droit spécial des sociétés. Ainsi, 4 personnes au minimum sont nécessaires à la constitution des SCA35, 5
dans les SA (sans limitation du nombre des actionnaires). Un nombre maximum d’associés n’est fixé que pour la
SARL36 qui ne peut en comporter plus de 50. On le voit, aucune société ne peut être librement constituée par un seul
associé. La pluralité d’associés doit exister non seulement lors de la constitution de la société, mais aussi tout au long
de la vie sociale. Cette exigence de pluralité des associés est la conséquence du principe de l’unité (ou d’indivisibilité)
du patrimoine énoncé à l’article 1241 DOC37.
Pourtant, il peut exister des situations dans lesquelles une société présentée comme ayant plusieurs associés, soit en fait
dominée et dirigée par une seule personne. Le reste des membres du groupe ne sont en fait que des prête-noms. Ce
montage juridique peut être utilisé pour permettre à une personne qui tombe, sous le coup d’une interdiction d’exercice
légale ou conventionnelle, d’une déchéance ou d’une incompatibilité, d’exercer l’activité commerciale sous le couvert
d’une autre personne. Il peut également servir à masquer une fraude aux droits des tiers lorsqu’il est fait apport de biens
à une société pour les faire échapper à la saisie des créanciers ou à dissimuler une simple fraude fiscale.

4
Atténuation. Plus grave est le cas d’une société pluripersonnelle qui devient unipersonnelle en cours de vie sociale. Il
en est ainsi lorsque toutes les parts sociales se trouvent réunies entre les mains d’un seul associé. Ce type de difficultés
peut se rencontrer dans les sociétés ayant un faible nombre d’associés. L’un des deux associés décède et n’a pas d’héritier
; l’un des associés rachète toutes les parts des autres associés. La société devient alors unipersonnelle, on parle de société
« à main unique ». En application de l’article 982 DOC, la société unipersonnelle devrait être dissoute car en vertu de
la théorie classique de l’unité du patrimoine, on admettrait qu’une seule et même personne puisse être à la tête de deux
patrimoines. Ce n’est pourtant pas la solution qui a été admise et il a été admis, comme tempérament, la survie temporaire
de la société unipersonnelle.

II. La survie d’une société devenue unipersonnelle


Principe. Aux termes de l’article 48 de la loi 5-96, « en cas de réunion en une seule main de toutes les parts d’une SARL,
la société continue ». Celle-ci continue à vivre, bien que temporairement. La situation doit en effet être régularisée dans
le délai d’un an38. Dans ce délai, l’associé unique a le choix entre trois alternatives : céder certaines de ses parts sociales
à un ou plusieurs tiers et permettre à la société de continuer ; créer de nouvelles parts en procédant à une augmentation
de capital ouverte à des tiers ou dissoudre la société.
Cette situation constitue en réalité une irrégularité, à laquelle l’article 49 de la même loi précise que « la demande de
dissolution ne peut être faite moins d’un an après la réunion des parts » et que dans tous les cas, « le tribunal peut
accorder un délai maximal de 6 mois pour régulariser la situation et ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il
statue en première instance sur le fond, cette régularisation a eu lieu ». Ceci signifie que le délai d’un an peut être prorogé
par le tribunal pour un délai supplémentaire de six mois. Une fois ces délais passés sans que l’associé n’ait régularisé la
situation ni dissout la société, la loi accorde alors à tout intéressé le droit de demander la dissolution de la société en
justice.
Dans l’attente de la régularisation, la société doit continuer de fonctionner. L’associé unique assume l’ensemble des
fonctions et la responsabilité qu’il encourt reste conforme à celle encourue lors de la constitution de la société.

III. Le cas de la SARL à associé unique


Une exception. Bien que la pluralité d’associés soit encore requise par la loi, l’alinéa 2 de l’article 44 portant loi sur la
SNC et les autres formes de société (loi 5-96) dispose que « lorsque la société, contrairement aux dispositions de l’article
982 DOC ne comporte qu’une seule personne, celle-ci est dénommée « associé unique ». L’associé unique exerce les
pouvoirs dévolus à l’ensemble des associés par les dispositions du présent titre ». Cette exception légale porte un coup
sévère à la théorie classique de l’unité du patrimoine et consacre de ce fait la notion de patrimoine d’affectation39,
distinct du patrimoine général, qui va permettre à l’associé unique d’affecter, à titre exclusif, une partie de ses biens à
l’exercice d’une activité (1 personne et 2 patrimoines).
Il ne faut toutefois pas se méprendre sur la portée de cette innovation, laquelle reste limitée dans la mesure où seule la
loi peut être à l’origine d’une société unipersonnelle. Ceci signifie non seulement que la source d’une telle société ne
peut être que légale, mais aussi que la société unipersonnelle peut revêtir uniquement les formes énumérées par la loi de
manière limitative. Au Maroc, il s’agit de la SARL d’associé unique.

CHAPITRE 2 : LES CONDITIONS SPECIFIQUES DU CONTRAT DE SOCIETE


Section 1 : La mise en commun d’apports
I. Les différentes catégories d’apports
Au terme de l’article 982 DOC, chaque associé est tenu de mettre en commun des biens ou son industrie (le travail). En
effet, chaque associé doit effectuer un apport en contrepartie duquel il perçoit des droits sociaux, plus précisément des
parts sociales dans la majorité des sociétés, ou des actions dans les sociétés par action.
Traditionnellement, les biens apportés sont de deux types : ils sont soit en numéraire (A), soit en nature (B). À ces deux
types d’apports, vient s’ajouter l’apport en industrie (C).

A. L’apport en numéraire
Définition. L’apport en numéraire est l’apport que l’associé réalise par le versement de la somme à laquelle il s’est
engagé. Il est de loin le plus fréquent en pratique. La somme est transférée à la société et versée soit intégralement au
moment de la constitution de la société, soit successivement, à des époques fixées par les statuts. Le montant des apports
pour la SA par exemple est fixé à un minimum de 3 000 000 Dhs (si APE41). En contrepartie de son apport, l’associé
reçoit des droits sociaux (actions dans les sociétés par actions, parts sociales dans les autres sociétés).
5
Régime juridique. Deux opérations distinctes président à la réalisation des apports : la souscription et la libération. La
souscription de l’apport s’analyse en une promesse de réaliser l’apport tandis que la libération est le versement effectif
de la somme d’argent promise. La totalité du capital prévu doit être souscrite au moment de la promesse car la société
ne sera créée qu’autant que le capital aura été souscrit. En outre, une fraction de l’apport doit obligatoirement être libérée
par chaque associé au moment de la souscription. En règle générale, il revient aux statuts de fixer le montant de cette
fraction ainsi que les modalités de la libération du reste, càd du solde des apports (notamment pour les sociétés de
personnes qui ne sont tenus par aucun délai légal).
Cette liberté statutaire disparaît néanmoins dans deux cas : dans les SA et les SARL, la loi exige la libération du quart
au moins de la valeur nominale des actions42 ou des parts souscrites43. La libération du surplus doit intervenir en une
ou plusieurs fois dans un délai qui ne peut excéder respectivement trois ans et cinq ans. Dans les SAS, le capital doit
être libéré en totalité dès la signature des statuts44.
A la date de libération du surplus, le versement effectif des fonds doit avoir lieu, par un versement d’espèces, remise
d’un chèque ou par ordre de virement.
Les fonds sont bloqués sur un compte bancaire au nom de la société en formation pour devenir disponibles après
l’exécution des formalités d’immatriculation.
Sanctions. Chaque associé est débiteur envers les autres associés de tout ce qu’il a promis d’apporter à la société (art.
995 DOC al. 1er). Par conséquent, les autres associés peuvent le contraindre à exécuter son engagement sans avoir été
mis au préalable en demeure de payer45. L’associé même de bonne foi peut être condamné à verser en outre des
dommages-intérêts moratoires (DI du fait du retard art. 997 DOC) pour le préjudice subi par la société du fait dudit
retard. Par ailleurs, les autres associés peuvent même faire prononcer son exclusion, sans préjudice des DI (art. 996 al.
2nd).

B. L’apport en nature
Définition. L’apport en nature consiste en tout bien attribué à la société, autre qu’une somme d’argent, susceptible d’une
évaluation pécuniaire et pouvant être exploité commercialement. Il peut s’agir de biens immobiliers (terrains et
immeubles bâtis), de biens meubles corporels (véhicules, matériel, outillage, mobilier, marchandise) ou incorporels
(fonds de commerce, droit au bail, droits de propriété industrielle, droits d’auteur, créances…). L’apport en nature peut
être fait selon trois modalités : en pleine propriété, en jouissance ou en usufruit.
L’apport en pleine propriété. Il se réalise par le transfert à la société de la propriété du bien et par sa mise à la disposition
effective de la société. Cet apport est assimilé à une vente, à cette différence près que la contrepartie n’est pas constituée
par le paiement d’une somme d’argent mais par l’attribution de droits sociaux. L’apporteur transfère à la société tous
les droits qu’il a sur ce bien, de même que les risques46. Néanmoins, ce transfert ne peut intervenir avant que la société
ait été immatriculée, date à laquelle elle acquiert la personnalité juridique47. Avant l’immatriculation, les risques
demeurent donc à la charge de l’apporteur. Le transfert de propriété doit être constaté selon les règles qui sont propres
au bien apporté : pour les immeubles immatriculés, il va falloir respecter les règles de la publicité foncière pour
l’opposabilité de l’opération aux tiers, pour un droit au bail, l’accord du bailleur, pour les droits de propriété
intellectuelle, l’inscription de l’apport sur le registre national de l’Office marocain de la propriété industrielle et
commerciale...
L’apport en jouissance. Dans le cas d’un apport en jouissance d’un bien, l’apporteur conserve la propriété de la chose,
mais il est tenu de la mettre à disposition de la société pour une durée déterminée. La société dispose ainsi du libre usage
du bien apporté pour une période déterminée ou pour toute la durée de vie de la société. Par conséquent, à la dissolution
de la société, l’apporteur reprend, en qualité de propriétaire, le bien qu’il a apporté. Toutefois, si le bien porte sur des
biens fongibles48 (marchandises ou valeurs mobilières), la société devient propriétaire du bien apporté et devra, à
l’expiration du délai convenu, en rendre une quantité et une valeur égales. Ce type d’apport est assimilable à une
location, à cette différence près que l’apport en jouissance permettra l’attribution de parts sociales et une fraction des
bénéfices, non le paiement d’un loyer. La perte de l’apport en jouissance entraîne la dissolution de la société à l’égard
de tous les associés (art. 1052 DOC) puisque l’apporteur se trouve dans l’impossibilité de réaliser son apport.
L’apport en usufruit. Cet apport confère à la société, outre l’usage et la perception des fruits, un droit réel sur le bien
apporté, même si elle n’en a pas la propriété. À la différence de l’apport en jouissance, l’apport d’un usufruit repose sur
un démembrement du droit de propriété. Il entraîne le transfert en pleine propriété à la société d’un droit réel dont se
dépouille l’apporteur. L’apport en usufruit de biens immobiliers est réglementé par l’article 79 et suivants du Code des
droits réels. La loi permet ainsi à l’usufruitier de constituer des hypothèques sur l’immeuble dont il a l’usufruit. Cet

6
apport s’opère donc par transmission d’un droit réel, mais le droit transféré n’est qu’un droit de jouissance. La société
n’acquiert pas le droit de disposer du bien.
Régime juridique des apports en nature. L’apporteur reçoit des droits sociaux à hauteur de la valeur du bien mis à la
disposition de la société. Les apports en nature soulèvent par ailleurs la difficulté particulière de leur évaluation. Il
revient à l’apporteur de faire cette évaluation mais, il y a lieu de craindre que le bien ne soit surévalué. Ce serait là une
source d’erreur pour les créanciers sociaux sur la solvabilité de la société. Une telle erreur peut également avoir des
conséquences particulièrement graves dans les sociétés où les associés ne répondent pas personnellement du passif de
la société. La surévaluation est également préjudiciable à l’égalité entre associés. En effet, les parts ou actions sont
attribuées à chacun en proportion des apports effectués et toute majoration gonflerait artificiellement la participation de
l’apporteur. De la même manière, toute sous-évaluation de l’apport aurait des conséquences néfastes sur la situation de
l’apporteur. C’est pourquoi l’intervention d’un commissaire aux apports est obligatoire pour tout apport en nature dans
les SA ainsi que pour les apports d’un montant important dans les SARL. Dans les SARL, les associés ne sont pas liés
par l’évaluation du commissaire aux comptes. S’ils décident de s’en écarter, ces derniers deviennent alors responsables
solidairement de leur propre évaluation.

C. L’apport en industrie
Définition. L’article 982 DOC vise, sous le nom d’apport en industrie, une troisième catégorie d’apports. Le terme d’«
industrie » doit être pris dans son sens étymologique de travail. L’apport en industrie est donc en premier lieu un apport
de travail : l’apport par un individu de son activité, de sa compétence, de son expérience professionnelle. L’apport en
industrie ne se limite toutefois pas à ce type d’apport. En effet, cet apport peut également consister en un apport
d’influence lorsque l’associé fait bénéficier la société de son nom, de sa réputation, de ses relations. Quoi qu’il en soit,
le travail effectué doit l’être de manière indépendante sans que l’apporteur ne soit subordonné à la société ou aux autres
associés.
L’apport en industrie reste rare en pratique. Le statut de salarié est souvent préféré aussi bien par celui qui apporte son
activité que par la société elle-même. Lorsqu’un associé fait un apport en industrie, celui-ci est rémunéré par l’attribution
de parts sociales et l’apporteur est considéré comme un associé à part entière. Néanmoins, ce type d’apport ne contribue
pas à former le capital social et cette particularité fait son originalité par rapport aux autres types d’apport.
L’apport en industrie n’est pas saisissable et ne peut conférer à son titulaire de parts sociales. Ce type d’apports n’est
possible que dans les sociétés de personnes dans lesquels les associés sont tenus indéfiniment sur leurs biens personnels.
On parle alors non pas de parts sociales mais de parts d’ « intérêts » ou parts d’ « industrie », càd la contrepartie d’un
apport non constitutif du capital social. Ces parts donnent droit à une quote-part dans les bénéfices, évaluée en fonction
et d’après l’importance de l’apport effectué pour la société (art. 1033 al. 4 DOC).

II. Le capital social


Importance du capital social. Le capital social est un élément essentiel du pacte social. Il ne peut être modifié qu’avec
l’accord des associés, soit à l’unanimité, soit à une majorité renforcée suivant la nature et la forme de la société. Il
convient de définir la notion de capital social (A) avant d’en analyser les fonctions (B).

A. Définition
Confusion du législateur marocain entre capital et actif social. Selon l’article 992 DOC alinéa 1er, « le capital est
constitué de l’ensemble des apports des associés et des choses acquises moyennant ces apports, en vue des opérations
sociales ». Vraisemblablement, le DOC semble confondre capital et actif social. En effet, le capital social est composé
du total du montant des apports en numéraire et des apports en nature, à l’exclusion des apports en industrie. L’actif
quant à lui est constitué en revanche des choses corporelles et incorporelles acquises moyennant ces apports. L’alinéa 4
du même article opère une autre déplorable confusion, lorsqu’il assimile le capital au « fonds commun des associés qui
y ont chacun une part indivise proportionnellement à la valeur de son apport ». Le législateur marocain ici a purement
et simplement confondu la société dotée de la PM et l’indivision.
Règle de la fixité du capital social. En effet, le capital social est la propriété exclusive de la société et non des associés
qui n’y ont, à terme, qu’un simple droit de créance, lequel est au surplus aléatoire au moment de la dissolution de la
société.
D’un point de vue économique et financier, le capital représente la richesse de la société. Mais cette affirmation n’est
vraie qu’au moment de la constitution de la société, càd au moment où celui-ci équivaut à l’actif net de la société. Cet
actif net de la société est constitué principalement, outre des apports des associés, des résultats accumulés et conservés

7
dans la société depuis sa création. C’est donc ce dernier qu’il convient de consulter pour connaître la véritable valeur de
la société en cours de vie sociale.
En revanche, le capital social représente la valeur portée au bilan indiquant le montant de l’actif en dessous duquel les
associés s’interdisent tout prélèvement à leur profit. En effet, le capital social est régi par la règle de la fixité selon
laquelle toute modification de cette valeur en cours de vie sociale est en principe interdite. Le capital social joue dès lors
une fonction essentielle dans la société.

B. Les fonctions du capital social


La doctrine assigne deux fonctions primordiales au capital social. Le capital est à la fois le gage des créanciers sociaux,
mais aussi la clé de répartition du pouvoir entre les associés.
Une fonction de garantie. Intangible, le capital social l’est nécessairement parce qu’il exerce en tout premier lieu une
fonction de garantie. Celui-ci constitue le gage général des créanciers sociaux. Dès lors, cette règle entraîne deux séries
de conséquences. La première est qu’il est interdit aux associés de distribuer, sous forme de dividende, une partie du
capital social. Une telle distribution constituerait une distribution fictive, càd effectuée en l’absence d’un résultat
d’activité positif. Une telle distribution est prohibée par la loi49. Par la règle de la fixité, les créanciers sont assurés que
les associés ne dissiperont pas les valeurs à concurrence desquelles s’élève le capital social. En cas de diminution du
capital consécutive à des pertes, l’article 1038 alinéa 2 DOC (et art. 330 L. 17-95) interdit toute distribution de bénéfices
jusqu’à la reconstitution complète du capital, à moins que les associés ne décident d’une réduction du capital social à
hauteur du montant existant. De même, les apports des associés ne sauraient être remboursés sur le capital social en
cours de vie sociale.
En second lieu, l’intangibilité du capital social explique qu’à la dissolution de la société, les associés ne pourront
récupérer leurs apports qu’une fois que tous les créanciers auront été désintéressés.
La clé de répartition des pouvoirs et des résultats. Le capital social constitue par ailleurs la clé de répartition du pouvoir
dans la société. En effet, la répartition du capital est déterminante à deux niveaux. Au niveau du contrôle de la société,
le capital social permet à certains associés d’être aux leviers de commande. C’est la loi de la majorité : majorité relative
ou majorité renforcée selon les décisions à prendre. La détention du capital est un instrument de pouvoir qui permet à
un ou à plusieurs associés de désigner, d’une part, les dirigeants sociaux et d’avoir par ce biais, une prise directe sur la
gestion. D’autre part, cette détention permettra de procéder à des modifications statutaires. Le lien capital-pouvoir peut
toutefois être tempéré par la théorie de l’abus de majorité. Au niveau de la distribution des bénéfices, chaque associé
reçoit une part dans les bénéfices, proportionnelle à sa part dans le capital social. Il en est de même de la contribution
aux pertes. Cette règle de la proportionnalité est en outre d’ordre public (art. 1034 DOC).

Section 2 : La participation aux résultats


Outre les apports, l’article 982 exige que les associés participent tous aux résultats, càd aux profits et aux pertes. Il
convient de définir l’objet de la participation (I), avant d’en décrire le régime juridique (II).

I. L’objet de la participation
La participation aux résultats consiste soit à partager les bénéfices résultant de l’exploitation (A) ou à contribuer
éventuellement aux pertes (B).

A. Le partage des bénéfices


Notion de bénéfice. La recherche d’un bénéfice, afin de le partager, est l’objectif assigné à toute société. Il s’agit du but,
intéressé, de la société, qui a toujours permis de la distinguer d’autres groupements. Encore fallait-il préciser cette notion
de bénéfice. Un arrêt rendu en chambres réunies par la Cour de cassation française, le 14 mars 191450, a considéré que
le bénéfice était « tout gain pécuniaire ou gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés ». Sans être nécessairement
pécuniaire, le gain devait être appréciable en argent. Il consistait donc en un enrichissement positif des associés et un
accroissement de leur patrimoine qui se traduit, soit par un gain pécuniaire qui correspond à la distribution des bénéfices,
soit par un gain matériel en nature telle la jouissance d’un immeuble appartenant à la société.

B. La contribution aux pertes


Notion. La société étant un contrat aléatoire et un investissement à risque, les associés, en contrepartie de leur
participation aux bénéfices, ou à l’économie réalisée, s’engagent à contribuer aux pertes. Simple dans son énoncé, la
règle appelle néanmoins quelques précisions. La participation aux pertes est le corollaire du partage des bénéfices. Au
cours de la vie sociale, les pertes sont seulement comptabilisées ; les associés ne sont pas tenus de contribuer aux pertes

8
au fur et à mesure qu’elles apparaissent. Ce serait augmenter leurs engagements, ce que la loi ne permet pas51. La
contribution aux pertes sera déterminée normalement à la fin de la société et elle ne concerne que les rapports entre
associés. Elle se distingue de l’obligation aux dettes sociales qui se caractérise par l’engagement des associés à l’égard
des créanciers sociaux et détermine le droit de poursuite des seconds sur les premières.
Dans les sociétés à l’occasion desquelles la responsabilité des associés est illimitée, l’obligation au passif social des
associés est indéfinie, conjointe ou solidaire selon les cas. Dans ce type de sociétés, les associés peuvent être poursuivis
pour l’ensemble des dettes sociales (en cas de solidarité) ou une fraction d’entre elles (en cas d’obligation conjointe).
Ils sont en quelque sorte garants de la société. A l’inverse, pour les associés qui voient leur responsabilité limitée à leurs
apports (SA), chacun n’est tenu qu’à la seule contribution aux pertes52, limitée au montant de son apport (car la société
seule est obligée à la dette). Une fois qu’il a libéré celui-ci, ni la société, ni les créanciers sociaux ne peuvent plus rien
exiger de lui.
La contribution aux pertes permet ainsi de déterminer qui supportera définitivement le poids des pertes de la société, et
dans quelle proportion il le fera. En effet, les associés doivent contribuer aux pertes en respectant la règle de la
proportionnalité, càd selon la part de capital détenue dans la société.

II. Le régime juridique de la participation


Après avoir présenté les conditions du partage des bénéfices (A), il conviendra d’étudier les modalités de la participation
(B).

A. Les conditions du partage des bénéfices


A l’inverse du régime de contribution aux pertes, le partage des bénéfices est soumis à une double condition : il suppose,
en condition de fond, l’existence de bénéfices distribuables et doit obéir à une procédure particulière de distribution.
L’existence de bénéfices distribuables. Le partage des bénéfices a lieu sous forme de dividendes distribuables à la fin
de chaque exercice sur la base des comptes annuels53. Les actionnaires ont donc un droit aux dividendes, càd une part
des bénéfices réalisés dans l’année ou prélevés sur les réserves disponibles. L’obligation qui est ainsi faite aux associés
de liquider les bénéfices à la fin de l’exercice empêche les associés majoritaires de constituer abusivement des réserves
pour priver les associés minoritaires de leur droit au bénéfice.
Tous les bénéfices ne sont pas toujours distribuables. Selon certains types de sociétés, la société doit constituer des
réserves. Par ailleurs, la décision de distribuer des bénéfices implique qu’auparavant aient été apurées les pertes
antérieures. Dans le cas contraire, une telle décision reviendrait à opérer une distribution de dividendes fictifs. Une telle
distribution est interdite et les dirigeants qui procéderaient à cette distribution s’exposeraient à la sanction pénale prévue
pour les délits de distribution de dividendes fictifs.
La décision de distribution. L’auteur de la décision est nécessairement l’assemblée générale, à qui il revient, en premier
lieu, d’approuver les comptes de l’exercice clos dans le délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice, de constater
l’existence de sommes distribuables et enfin de fixer le montant des dividendes. A partir de la décision de répartition
des dividendes, l’associé est considéré comme créancier de la somme constituant le dividende.
Réserve légale. Le partage des bénéfices ne peut se faire qu’après prélèvement de 5% pour constituer la réserve légale.
Ce prélèvement cesse en outre d’être obligatoire lorsque le montant de la réserve atteint 20% du capital social54. Ce
fonds de réserve est plafonné à 10% pour les SA55.

B. Les modalités du partage


La règle de proportionnalité. La règle de répartition est celle de la proportionnalité en fonction des apports et donc de la
participation prise par chacun dans le capital social de la société56. Une telle règle a pour but d’assurer une répartition
équitable des bénéfices et des pertes entre associés. Elle s’inscrit donc dans le cadre du principe de l’égalité des associés.
Ainsi, si l’assemblée décide de distribuer des dividendes, ceux-ci seront répartis entre les associés selon une répartition
proportionnelle à la fraction du capital détenu par chacun d’eux. De même, s’il reste encore des biens après
remboursement de tous les créanciers sociaux à la liquidation, les associés se répartiront ce boni de liquidation en
proportion de leur apport. Pour l’apporteur en industrie, le DOC (art. 1036) permet de lui accorder, statutairement, des
bénéfices supérieurs à la part des autres. Si la société a enregistré des pertes trop longtemps, elle fera l’objet d’une
procédure de liquidation judiciaire. Dans ce cas, chacun des associés contribuera aux pertes proportionnellement à la
part du capital qu’il détient dans la société.

9
Cependant, cette règle n’est pas d’OP et admet les clauses statutaires contraires. Une telle souplesse s’explique par le
souci du législateur de permettre que certains associés soient favorisés par rapport à d’autres, suivant l’intérêt qu’ils
portent à la société. Dès lors, la loi réserve aux associés le droit de fixer un autre mode de répartition des bénéfices et
des pertes.
La validité des clauses d’inégalité de traitement. Plusieurs hypothèses sont envisageables, tel le retour à la règle de
l’égalité. En effet, les statuts peuvent prévoir un partage égal des bénéfices et des pertes malgré des apports de valeur
inégale. Chacun recevra la même quotité de dividende, indépendamment de sa participation initiale. A l’inverse, se
trouve le cas de partage inégal, en dépit d’apports de même valeur. Par ailleurs, les statuts peuvent décider de favoriser
certains associés en leur attribuant une part plus importante des bénéfices. Ce type de partage non proportionnel est
d’ailleurs légalement organisé dans certains types de société. Par exemple, dans les SA notamment, le législateur permet
de créer des actions de priorité qui peuvent conférer à leurs titulaires des droits patrimoniaux plus importants qu’aux
titulaires d’actions ordinaires. On compte aussi les actions à dividendes prioritaires sans droit de vote57.
Cette règle d’un partage égal ou inégal des bénéfices existe également pour la contribution aux pertes. Les statuts
peuvent ainsi prévoir que les pertes seront, elles aussi, soient également partagées, ou l’être de manière inégale. Une
certaine liberté est donc laissée aux associés. Elle a toutefois une limite.
La prohibition des clauses léonines. Toute stipulation en vertu de laquelle il serait attribué à un associé la totalité du
profit58 procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes59, ou encore celle excluant un associé de la totalité
du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes doit être réputée non écrite. Une telle clause vide le contrat de
société de son essence. En effet, l’interdiction repose sur l’idée qu’il est contraire à la nature de la société que certains
associés puissent participer aux bénéfices et ne rien risquer quand d’autres, au contraire, subissent l’aléa social sans
contrepartie.

Section 3 : La volonté de s’associer


Supposant que plusieurs personnes aient convenu chacune d’effectuer un apport dans le but de partager le bénéfice, le
contrat conclu ne sera un contrat de société que si tous les contractants ont, en outre, l’intention de s’associer. Bien
qu’elle ne soit pas formellement exigée par l’article 982 DOC, elle constitue le troisième élément caractéristique du
contrat de société.
Notion. L’affectio societatis est un élément de nature psychologique qui doit exister lors de la constitution de la société
et qui doit se perpétuer tout au long de la vie sociale. Cette notion est centrale en droit des sociétés, car elle assure la
régulation de cette discipline au même titre que les notions d’abus de droit ou d’intérêt social. Elle est même plus
importante car elle se retrouve à la source même de la société et permet de caractériser la fictivité d’une société60. Elle
n’est cependant pas facile à appréhender du fait de sa nature essentiellement subjective et de son origine doctrinale et
jurisprudentielle. En effet, l’affectio societatis n’a pas reçu de définition légale.
Collaboration effective. Tout contrat de société implique la collaboration effective de tous les contractants à l’oeuvre
commune en vue de son succès. L’associé ne doit pas être cantonné dans une attitude passive, en attendant sa part de
bénéfice. La société implique une convergence d’intérêts du fait que les associés prennent ensemble le risque de réaliser
des bénéfices ou de subir des pertes. C’est cette notion d’intérêt commun qui confère au contrat de société une certaine
originalité, car dans les contrats synallagmatiques, les intérêts des parties divergent et sont souvent antagonistes : chaque
partie essaie de maximiser les profits à son avantage. Dans la société, les associés poursuivent le même objectif ; l’intérêt
d’un associé se confond nécessairement avec celui de ses coassociés.
Les auteurs admettent que l’affectio societatis recouvre des comportements diversifiés, notamment en fonction de la
taille et de la forme de la société. Cette participation effective pourrait donc être plus ou moins intense. En revanche,
l’affectio societatis doit certainement être beaucoup plus effectif dans les petites sociétés.
Application. La notion d’affectio societatis sert souvent, en pratique, à qualifier le contrat de société et à le distinguer
d’autres situations juridiques qui lui sont proches. Parfois, ce sera le caractère volontaire et effectif de la collaboration
entre les personnes qui permettra de qualifier le contrat de société.
L’égalité entre actionnaires. La collaboration doit se faire sur un pied d’égalité, ce que recèle la poursuite d’un intérêt
commun et ce qui exclut tout lien de subordination entre les associés. Par-là, le contrat de société est distinct du droit
du travail, même assorti d’une clause de participation aux bénéfices. Cependant, dans la plupart des cas, la collaboration
n’est pas vraiment égalitaire. Certains associés se comportent comme des maîtres de l’affaire, les autres se contentant

10
de recevoir les dividendes. Néanmoins, l’égalité reconnue entre associés ou actionnaires doit permettre de reconnaître à
tous les associés le droit de contrôler, de critiquer le déroulement des affaires sociales, voire d’y participer.
Vraisemblablement, l’affectio societatis ne se conçoit pas à propos de la société unipersonnelle. Seul un acte unilatéral
de volonté préside à l’existence de ce type de société.

CHAPITRE 3 : LES SOCIETES SANS PERSONNALITE MORALE


Section 1 : La société en participation (SEP)
Origines. Jusqu’à la loi 5-96, la SEP était une société occulte et devait le demeurer toute sa vie. Si elle était dévoilée
aux tiers, elle perdait cette qualité de SEP pour se transformer en SNC61. Depuis ladite loi (ayant repris la loi française
du 4 janvier 1978 ayant modifié le régime des SEP), la SEP n’est plus nécessairement occulte.
Définition. La SEP est le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes, dites les « participants », conviennent de
partager les bénéfices ou de contribuer éventuellement aux pertes découlant des opérations qui seront effectuées par l’un
d’entre eux en son nom personnel, mais pour le compte de tous les participants. A l’instar de la société en nom collectif,
la considération des qualités personnelles de chaque associé joue un rôle essentiel.
Caractéristiques. La SEP se distingue principalement par deux caractéristiques des autres sociétés. Elle n’a pas la
personnalité morale62 et par conséquent, n’a aucun attribut de la personnalité morale. Il ne s’agit pas d’une personne.
De cette circonstance plusieurs remarques peuvent être faites : la SEP n’a ni patrimoine, ni dénomination sociale ni
siège social, tout comme elle ne saurait être créancière ni débitrice. Elle ne peut, non plus, ester en justice. Cette dernière
n’existe que dans les rapports entre associés. Le second trait de caractère de la SEP, qui découle du premier, est qu’elle
n’est soumise à aucune mesure de publicité et n’est pas enregistrée au registre du commerce63.
Ces sociétés sont assez nombreuses car elles conviennent aux entreprises n’ayant pas vocation à durer dans le temps, et
sont spécialement utilisées par les commerçants désireux de s’associer pour une opération à durée limitée64. Cette forme
sociale constitue aussi, souvent, le modèle de rattachement des sociétés créées de fait, càd qui naissent spontanément de
la collaboration de plusieurs personnes sans intention claire de créer un groupement social.
La SEP en tant que contrat repose sur une grande liberté contractuelle. Ses conditions d’existence (I), de même que son
régime juridique (II) seront étudiés dans les développements qui vont suivre.

I. Conditions d’existence de la société en participation


Conditions de fond. En tant que véritable société, les participants doivent être au nombre de deux, faire des apports,
participer aux bénéfices, contribuer aux pertes et être animés par la volonté de s’associer (affectio societatis). Lorsqu’il
s’agit d’une SEP occulte à objet commercial, seul le gérant doit avoir la capacité commerciale car il est seul responsable
vis-à-vis des tiers. Si la société est ostensible, les participants sont tenus, vis-à-vis des tiers, comme des associés en nom
collectif65 et doivent, en conséquence, avoir la capacité commerciale.
Les droits sociaux de chaque associé sont représentés par des parts d’intérêt qui ne peuvent être cédés qu’avec le
consentement unanime de tous les associés, sauf clause contraire dans les statuts.
Les apports ne peuvent être effectués que sous forme d’apports en jouissance (sauf clause contraire), chaque participant
conservant la propriété de son apport66 et ne fait qu’en concéder la jouissance à la société. Toutefois, les participants
peuvent décider de mettre leur apport ou certains d’entre eux en indivision67. Aucun associé ne peut alors demander le
partage des biens indivis avant la dissolution de la société, sauf stipulation contraire68.
Conditions de forme. Aucune condition de forme ou de publicité n’est exigée. L’existence de la société peut être prouvée
tant par les participants que par les tiers et ce, par tous les moyens. Il est toutefois recommandé de rédiger un écrit pour
déterminer les droits et obligations des participants et lui conférer date certaine. En effet, l’enregistrement du contrat ne
fait pas perdre à celui-ci son caractère occulte à l’égard des tiers.
Preuve de la SEP. La preuve de ce type de sociétés n’est pas toujours aisée à rapporter. Se pose ainsi la question de la
confusion entre une société non immatriculée et une simple opération de prêt qui sera parfois rémunérée par une
participation aux bénéfices. Le critère fondamental sera alors l’affectio societatis dont la présence permet de trancher
en faveur de la société lorsqu’il y a un doute sur le groupement : une collaboration effective opérée dans un intérêt
commun et sur un pied d’égalité sera alors recherchée. En droit français, il existe un contentieux très abondant de
requalification, dont l’enjeu est le régime juridique de la société en participation.

11
II. Le régime juridique de la société en participation
Dans les rapports des associés entre eux. La liberté statutaire est la règle dans les sociétés en participation. Les associés
conviennent donc librement de l’objet social, de leurs droits et obligations respectifs et des conditions de fonctionnement
de la société69. Si l’objet de la société est civil, ce sont les règles du DOC qui s’appliquent ; s’il est commercial, ce sont
les règles relatives à la société en nom collectif qui sont appliquées.
Pourtant, certaines règles impératives relatives à la constitution et au fonctionnement des sociétés doivent être
respectées. Notamment, lorsque la société a un objet commercial, les associés gérants doivent avoir la capacité
commerciale si la société est occulte. Si la société est révélée, tous les associés doivent avoir cette capacité.
Les statuts peuvent désigner un ou plusieurs gérants ; à défaut, tous les participants sont gérants et chacun d’eux engage
sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers avec lesquels il a traité.
La société n’étant pas dotée d’un patrimoine propre, seuls des apports en jouissance sont possibles et les biens en nature
mis à sa disposition restent donc la propriété personnelle ou indivise des associés. Il est également interdit d’augmenter
les engagements des associés en cours de vie sociale sans leur consentement unanime. L’accord unanime des associés
est en principe nécessaire avant toute cession de parts sociales, sauf disposition statutaire contraire.
Au moment de la dissolution de la société en participation, chaque associé a droit au paiement de ses dettes, au
remboursement de ses apports et à une part de l’actif subsistant proportionnellement à ses apports. En l’absence de
dispositions statutaires contraires, sont applicables les règles régissant la société en nom collectif ou la société civile,
suivant que la société en participation a un objet commercial ou civil.
Dans les relations avec les tiers. Lorsque la société en participation est occulte, les tiers ne sont en rapport qu’avec le
gérant. Ils ne connaissent que ce dernier lorsqu’ils ont traité avec lui et cela s’explique du fait que la société n’a aucune
existence juridique pour eux (pas d’immatriculation). En effet, le gérant agit en son nom personnel et pour son propre
compte (rappelez-vous, la SEP n’a pas la personnalité morale donc pas d’écran entre son gérant et les tiers). Il est donc
seul engagé, même lorsqu’il révèle le nom des autres associés70, et les opérations qu’il effectue ne produisent effet que
sur son patrimoine personnel. S’il n’honore pas ses engagements envers les tiers, il peut être déclaré en règlement ou en
liquidation judiciaire. Les associés du gérant ne peuvent être poursuivis par les créanciers de ce dernier et, de la même
manière, les débiteurs de la société ne sauraient être poursuivis que par le gérant lui-même, à titre personnel (la société
n’est pas habilitée à ester en justice faute de personnalité morale). On peut dire, au demeurant, que le gérant d’une SEP
est l’ « écran » entre les associés et les tiers. En revanche, lorsque la société est ostensible, càd lorsque les participants
agissent publiquement en qualité d’associés au vu et au su des tiers, chacun est tenu indéfiniment des engagements
souscrits par le gérant71. La révélation de la société aux tiers peut se faire de plusieurs manières : publicité, papiers à
entête, ouverture d’un compte bancaire au nom de la société…bref, tout acte révélant l’existence de la société.
La dissolution de la SEP. La dissolution de la SEP intervient soit après la réalisation de l’objet social, soit pour une
cause personnelle à l’un des associés (incapacité ou décès). Lorsqu’elle est à durée indéterminée, tout participant peut,
à tout moment, demander la dissolution via une notification adressée aux autres associés72. Faute de personnalité
morale, la dissolution de la SEP consiste en un règlement de comptes entre participants. Les participants ayant conservé
la propriété de leurs apports les reprennent, soit en nature ou en valeur, et les biens indivis sont partagés entre les
associés. Les bénéfices et les pertes sont liquidés selon les clauses statutaires si celles-ci ont été prévues, dans le respect
du principe de proportionnalité à défaut73.

Section 2 : La société créée de fait et la société de fait


Seront successivement étudiées dans cette section la société créée de fait (I), puis la société de fait (II). Il convient de
ne pas confondre les deux.

I. La société créée de fait


Il convient d’en étudier les conditions d’existence (A), puis le régime juridique (B).

A. Conditions d’existence de la société créée de fait


Eléments constitutifs de la société créée de fait. Afin de caractériser l’existence d’une société créée de fait, les juges
observent si les éléments du contrat en général, et du contrat de société en particulier sont réunis. Comme tout contrat,
la société créée de fait doit répondre aux exigences relatives au consentement des parties, à leur capacité de contracter
et avoir un objet et une cause licites. Une mise en commun d’apports doit être effectuée. Ils peuvent être en numéraire,
en nature et, comme c’est très souvent le cas pour au moins un associé, en industrie. La participation aux résultats
12
suppose une participation non seulement aux bénéfices, mais aussi une contribution aux pertes, ce qui ne sera pas le cas
en l’absence de risque supporté par l’un des associés. La preuve de l’existence de ces éléments constitutifs peut être
apportée par tout moyen. Cependant, la preuve de l’affectio societatis est difficile à rapporter puisque, par définition,
les personnes n’ont pas eu la volonté de collaborer à une oeuvre commune. Cet élément n’en est pas moins déterminant
car il doit faire apparaître qu’il y a bien eu participation à une activité commune.
Intérêt de la société créée de fait. L’intérêt d’une telle société (c’est en réalité une technique, un mécanisme, plus qu’une
société au sens littéral du terme) se retrouve dans les relations de famille. En droit français, cette technique est
particulièrement invoquée devant les juges du fond en matière de concubinage, lorsqu’un(e) concubine a notamment
contribué à la prospérité de l’entreprise de l’autre concubin(e) et qu’au moment de la rupture, il (elle) essaie de faire
valoir cette circonstance pour obtenir une compensation. Mais la société créée de fait peut également être invoquée entre
frères et sœurs, parents et enfants…. Cependant, elle ne peut être invoquée par les parties si celles-ci ont clairement
déterminé, dès le début de leurs relations, le cadre juridique de leurs relations contractuelles. Ce n’est qu’à défaut de
toute organisation préalable qu’il est possible d’y recourir pour compenser, notamment, les effets négatifs d’une rupture
de concubinage.

B. Le régime juridique de la société créée de fait


Lorsque l’existence de la société créée de fait est établie, il lui est fait application du régime juridique de la société en
nom collectif, càd responsabilité indéfinie et solidaire des associés à l’égard des tiers lorsque la société a un caractère
commercial.
Il faut bien comprendre que la société créée de fait n’est souvent reconnue juridiquement que le jour où il doit être
procédé à sa liquidation. En effet, c’est la rupture des relations entre les associés, voire l’action des créanciers de ceux-
ci qui révèleront l’existence d’une telle société entre eux, pour en demander la liquidation.

II. La société de fait


Définition. La société de fait est une société voulue et créée selon une forme sociétaire bien déterminée. Sauf que, par
suite d’un vice affectant sa validité, ou d’une irrégularité entachant sa constitution, la société sera annulée après avoir
fonctionné un certain temps.
Effet atténué de la théorie des nullités. En principe, la nullité a un effet rétroactif et tous les actes passés par la société
doivent être déclarés nuls et de nul effet. Cependant, et pour éviter les conséquences économiques néfastes d’une telle
situation, la jurisprudence74 atténue les effets de la nullité pour ne les faire jouer que pour l’avenir. Tout se passe comme
si la société a fonctionné normalement jusqu’au jour du prononcé de sa nullité. Dès le prononcé de la nullité, la société
est dissoute et liquidée conformément aux dispositions statutaires et légales présidant à la forme sociétaire choisie. Cette
atténuation des effets de la nullité tient au fait que la théorie des nullités est difficilement applicable au contrat de société.
La spécificité de ce dernier est de donner naissance à une personne morale disposant d’un patrimoine propre et engagé
par différentes opérations vis-à-vis des tiers. Décider purement et simplement que cette personne n’a jamais existé en
application de la théorie des nullités conduit à nier la réalité de son existence et, par suite, de la multitude de contrats
passés par celle-ci. Le législateur lui-même a consacré cette solution75 et offre plusieurs possibilités de régularisation a
posteriori, de sorte que le prononcé de la nullité d’une société devrait, en théorie, être très rare.

TITRE 2 : LA PERSONNALITE MORALE DE LA SOCIETE


CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE LA SOCIETE
Section 1 : L’acquisition de la personnalité morale
L’acquisition de la personnalité morale passe par l’immatriculation au Registre du commerce80. Ainsi, des formalités
de constitution doivent être respectées (I), sous peine de sanction des éventuelles irrégularités (II).

I. Les formalités de constitution


Plan. La rédaction des statuts constitue l’élément central des formalités visant l’immatriculation d’une société. C’est
pourquoi il convient de distinguer celles qui sont préalables à la signature des statuts (A), et celles qui lui sont
postérieures (B).

A. Les formalités préalables à la signature des statuts


Les formalités préliminaires. Le contrat de société suppose le plus souvent une période préalable, régie pour l’essentiel
par le droit commun des avant-contrats. En effet, à l’origine, il n’existe qu’un simple projet de société. Les parties

13
envisagent de s’associer, mais elles ne sont pas encore parvenues à s’accorder sur les éléments essentiels de la future
société. Il ne s’agit que d’une invitation à entrer en pourparlers et, juridiquement, le projet de société n’engendre aucune
obligation à la charge des parties qui restent libres de poursuivre, ou non, les négociations. Ce n’est que si les
négociations progressent que le projet se transforme en promesse de société. Les fondateurs ou les futurs associés ont,
à ce stade, pu envisager la forme de la société, le montant de son capital, le lieu de son siège et la répartition des pouvoirs
et fonctions. En cas de rupture de la promesse, l’exécution forcée ne pourra être exigée et la sanction ne pourra consister
qu’en l’octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Si en revanche, les parties
se sont mises d’accord sur tous les éléments et poursuivre leur projet, l’étape qui suivra est celle de l’établissement et
de la signature81 de l’acte social appelé « statuts ».
La rédaction et la signature des statuts. Pour toutes les sociétés destinées à être dotées de la personnalité morale, la loi
prescrit la rédaction de statuts82. Un certain nombre de mentions obligatoires doivent y figurer, qui comprennent
l’indication du montant des apports de chaque associé, la forme juridique de la société, sa durée, sa dénomination, son
siège et son objet. Ils doivent préciser les modalités de fonctionnement de la société83.
Les statuts peuvent être rédigés par acte authentique ou sous seing privé et doivent être signés par tous les associés. Les
statuts constituent non seulement le support nécessaire à la publicité84 eu Registre du commerce mais aussi le fondement
du pacte social : c’est à la date de leur signature que l’on apprécie les conditions requises pour la validité du contrat.
L’importance des statuts est telle qu’ils vont régir l’ensemble de la vie sociale et leur modification ne pourra avoir lieu
en cours de vie sociale que selon une procédure lourde et complexe.
Outre les statuts, l’acte de société (statuts) comporte des « annexes » qui précisent les décisions relatives aux premiers
dirigeants, et contiennent le rapport des commissaires aux apports (lorsqu’il y en a eu, en cas d’apports en nature85),
ainsi que l’état des actes accomplis par les fondateurs pendant la période où la société est dite « en formation »86. C’est
cet état des actes accomplis avant que la société ne soit immatriculée qui fera l’objet d’une reprise ultérieure87, par la
société nouvellement constituée, pour lui être pleinement imputable.

B. Les formalités postérieures à la signature des statuts


Dépôt au greffe. Deux exemplaires des actes et pièces de constitution de la société dûment enregistrés doivent être
déposés au greffe du tribunal de commerce ou, à défaut, du tribunal de première instance du lieu du siège social auprès
duquel le registre de commerce est tenu. Ce dépôt permet à toute personne intéressée de consulter ces documents ou de
s’en faire délivrer une copie. Le dépôt au greffe doit être effectué dans les trente jours de la constitution pour les sociétés
de personnes et les SARL88. Pour les SA, la loi ne prévoit pas de délai. La constitution doit, après immatriculation au
registre du commerce, faire l’objet d’une publicité au moyen d’avis au Bulletin officiel et dans un journal d’annonces
légales dans un délai ne dépassant pas les trente jours89.
Publication. La publication est faite à la diligence et sous la responsabilité des dirigeants, ou par tout mandataire
qualifié90, d’un extrait des actes constitutifs dans un journal d’annonces légales du lieu du siège social et au Bulletin
officiel91. La première publication peut être faite, au choix des dirigeants, en langue arabe ou en langue française dans
un journal habilité à recevoir les annonces légales. La seconde publication est faite obligatoirement en langue arabe dans
l’édition des annonces légales du Bulletin officiel.
Ces deux formalités de publicité sont prescrites à peine de nullité des sociétés de personnes, des sociétés à responsabilité
limitée et des groupements d’intérêt économique, sous réserve des régularisations prévues par la loi. Par ailleurs, toute
modification ultérieure des statuts doit également être soumise aux mêmes formalités de dépôt et de publication.
Immatriculation au Registre du commerce. Le greffier qui reçoit la demande d’immatriculation doit s’assurer, sous sa
responsabilité, de sa régularité et vérifier que les énonciations fournies sont conformes aux dispositions législatives et
réglementaires en vigueur. L’immatriculation au RC doit intervenir dans les trois mois de la constitution. Cette
immatriculation rend l’existence de la société opposable aux tiers.

II. Les sanctions des irrégularités de constitution


La régularisation privilégiée à la nullité. A partir du moment où la loi institue des règles impératives et contraignantes
pour la constitution d’une société, il semble évident que la non-observation desdites règles expose à des sanctions. En
effet, la sanction d’une irrégularité de constitution est la nullité de la société92. Cette sanction semble toutefois emporter
nombre de conséquences négatives, notamment pour les tiers ayant été amenés à contracter avec la société. Dans ces
conditions, le législateur a essayé d’établir un équilibre, conscient que la sanction de la nullité n’était pas la plus
appropriée en droit des sociétés. Pour ce faire, le mécanisme de la régularisation a posteriori a permis de préserver la
sécurité des transactions, en rendant exceptionnel le prononcé de la nullité d’une société. Corrélativement, la
14
responsabilité civile et pénale des premiers dirigeants s’en est trouvée aggravée93. En pratique donc, le régime des
nullités est rarement mis en œuvre.
Le régime des nullités. Il est défini aux articles 337 à 348 de la loi 17-95. Il s’applique à toutes les sociétés
commerciales94. Ce régime définit les causes de nullité de manière expresse95 et limitative. En effet, la nullité ne saurait
résulter de causes autres que celles énoncées à l’article 33796. Lorsqu’une cause de nullité existe, la nullité doit être
mise en oeuvre par celui qui a le droit d’agir. En principe, toutes les nullités peuvent être couvertes à l’exception de
celles fondées sur l’illicéité de la cause (art. 985 DOC), de l’objet (art. 986 DOC) ou résultant de la constitution d’une
société entre le père et le fils ou entre le tuteur et le mineur (art. 984 DOC). Par ailleurs, le législateur a donné le
maximum de chance pour permettre la régularisation a posteriori et échapper à la sanction de nullité. Par exemple, le
tribunal ne saurait prononcer la nullité moins de deux mois après la date de l’introduction de l’instance ; il peut même
impartir à la société un délai pour couvrir la nullité97. En droit commun, pour apprécier les éléments du litige, le tribunal
doit se placer à la date de l’introduction de l’instance, ce qui n’est pas le cas ici.
Effets de la nullité. Lorsque la nullité est prononcée, la société est dissoute de plein droit sans rétroactivité. A l’égard de
la société et dans les rapports entre associés, la nullité produit les mêmes effets qu’une dissolution judiciaire et il doit
être procédé à la liquidation selon les dispositions statutaires. Tout se passe comme si la société est dissoute après avoir
normalement fonctionné. Surtout, elle conserve la personnalité morale pour les besoins de la liquidation. A l’égard des
tiers de bonne foi (càd ceux qui ignoraient le risque d’annulation de la société), ni la société, ni les actionnaires ne
peuvent se prévaloir de la nullité98.
L’action en régularisation. Afin de prévenir les causes de nullité, le législateur a mis en place un dispositif pour le moins
ingénieux. En effet, lorsque les statuts ne contiennent pas toutes les mentions obligatoires requises, ou qu’une formalité
a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé99 de même que le ministère public peuvent demander en justice
que soit ordonnée, sous astreinte, la régularisation de la constitution de ladite société. L’action en régularisation a pour
objet de rendre la constitution conforme aux prescriptions légales. Elle se prescrit par trois ans à compter100, soit de
l’immatriculation ou de l’inscription modificative au registre du commerce en cas de modification des statuts. Ce délai
peut être suspendu ou interrompu dans les conditions du droit commun.

Section 2 : Le statut de la société en formation


I. Notion de « société en formation »
Difficultés inhérentes à la « société en formation ». Le législateur (tant français que marocain) utilise la notion de société
en formation sans en préciser les contours. Il est donc revenu à la doctrine de définir la notion qui, selon elle, comporte
deux éléments. D’un côté, la société en formation est une société régulièrement constituée, ou en phase de l’être (car les
formalités administratives ne sont pas encore achevées). Mais, d’un autre, elle n’est pas encore immatriculée et n’a donc
pas encore acquis la personnalité morale. La société en formation est donc une société en devenir. Elle ne doit pas être
confondue avec la société en participation, où les associés décident volontairement de ne pas immatriculer leur société.
La société en formation suppose à l’inverse la volonté des participants de l’immatriculer. Elle se confond encore moins
avec la société créée de fait qui se déduit du comportement des personnes considérées.
La seconde difficulté tient au fait qu’aucune disposition législative ne fixe la durée de la période de formation. Or, le
début de cette période est difficile à fixer : on s’accorde à dire qu’il s’agit du moment où les participants signent les
statuts mais elle peut aussi bien avoir lieu avant, à considérer que les statuts matérialisent l’intention ferme et non
équivoque des participants de s’associer. De ce silence du législateur peuvent naître des situations où une société peut
rester en formation pour une durée assez longue, sans qu’elle n’encoure de sanction.
Application des règles du DOC. Jusqu’à l’immatriculation, il n’existe donc qu’un contrat de société. La société est dite
en période de formation dont le début se situe avant la constitution -donc avant la signature des statuts-, et la fin, à la
date de l’immatriculation de la société au registre du commerce. Son régime est défini à l’article 8 de la loi 17-95. Il est
applicable à toutes les sociétés commerciales. Selon cet article, dès la signature des statuts et jusqu’à l’immatriculation,
le contrat de société et les principes du droit applicables aux obligations et aux contrats régissent les rapports entre
associés. Le caractère contractuel de la société ici est prégnant dans la mesure où cette dernière ne bénéficie pas encore
de la personnalité 1 Il s’agit tout d’abord d’une société contractuellement valable. A ce stade, la société existe déjà dans
la mesure où l’immatriculation n’incarne pas une formalité de constitution, mais d’attribution de la personnalité morale.
2 Il convient ensuite de prendre en considération le fait que la société en formation représente un groupement non encore
immatriculé, mais dont les membres envisagent l’immatriculation. C’est ce qui la différencie de la société en
participation. Si dans la société en formation, l’inscription au RC constitue une perspective à plus ou moins brève

15
échéance, dans la société en participation, les associés conviennent entre eux de ne pas immatriculer le groupement
social.

II. Le sort des actes accomplis pendant la période constitutive


Solution. La période précédant l’immatriculation d’une société est soumise à un régime complexe. En effet, l’article 27
de la loi 17-95 dispose que « les personnes qui ont agi au nom de la société en formation avant qu’elle n’ait acquis la
personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes accomplis au nom de la société, à moins que la
première assemblée générale ordinaire ou extraordinaire de la société régulièrement constituée et immatriculée ne
reprenne les engagements nés desdits actes ». L’alinéa second du même texte poursuit en précisant que « ces
engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société ». Le législateur consacre ainsi le
mécanisme de reprise qui permet en réalité d’opérer une substitution de débiteur (A), et qui s’oppose aux cas de défaut
de reprise (B).

A. La reprise des engagements par la société


Les conditions de fond. La décision de reprise appartient à la société elle-même mais suppose au préalable
l’immatriculation de la société, puisque cette reprise ne peut être effectuée que par une personne dotée de la capacité
juridique (en l’occurrence la société). Quant à la nature des actes susceptibles d’être repris, les articles 27 et 29 de la loi
17-95 visent « les actes et engagements souscrits » sans préciser lesquels. Toutefois, il semblerait que les actes pouvant
faire l’objet de reprise sont les actes juridiques de type contractuel, à l’exclusion des engagements et créances de type
délictuel ou d’actions en justice, ainsi qu’a pu le juger la Cour de cassation française. Il doit en outre être apporté la
preuve que lesdits actes ont été pris au nom et pour le compte de la société en formation.
Les modalités de la reprise. Pour les actes accomplis pour le compte de la société antérieurement à sa constitution, càd
avant la signature des statuts, l’article 29 de la loi 17-95 prévoit qu’il peut être dressé un état de ces actes, qui sera
annexé aux statuts. L’alinéa 1 de ce même texte prévoit que « (…) la signature des statuts emportera reprise de ces
engagements par la société lorsque celle-ci aura été immatriculée au registre du commerce. Si les futurs associés ne
veulent pas reprendre ces engagements, il leur suffit de ne pas signer les statuts et la société n’est pas constituée. En
revanche, s’ils sont favorables à cette reprise et qu’ils signent, c’est la société qui se substituera aux fondateurs dès son
immatriculation.
Entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société, et s’il n’est pas fait publiquement appel à l’épargne, les
associés peuvent donner mandat à l’un ou plusieurs d’entre eux ou de prendre des engagements pour le compte de la
société. Pour ces actes, l’immatriculation de la société au RC emportera reprise par la société sous réserve « qu’ils soient
déterminés et que leurs modalités soient précisées par le mandat »102.
S’il est fait publiquement appel à l’épargne, l’immatriculation de la société au registre du commerce emportera reprise
des engagements pour la société si la première assemblée générale ordinaire ou extraordinaire en décide ainsi103. En
dernier lieu, et qu’il soit ou non fait appel public à l’épargne, les actes accomplis pour le compte de la société en
formation et qui n’ont pas été portés à la connaissance des futurs actionnaires doivent être repris par décision de
l’assemblée générale ordinaire.
Pour résumer, il y a trois modes de reprise des actes : la reprise automatique tout d’abord, qui porte à la fois sur les actes
accomplis avant ou après la signature des statuts ; entre la signature des statuts et l’immatriculation, s’il y a mandat pour
passer les actes, la reprise est possible SOUS RESERVE que le mandat soit bien déterminé et ses modalités précisées ;
la reprise sur décision de l’assemblée générale après l’immatriculation. En effet, à la suite de son accession à la vie
juridique (càd après avoir été immatriculée et obtenu la personnalité juridique), la société peut valablement reprendre
les engagements qui ont été souscrits en son nom durant la période de formation mais qui ne figuraient ni sur l’état
annexé aux statuts ni dans le mandat spécial. Cette reprise ne saurait opérer tacitement, notamment du seul fait de
l’exécution des engagements par les dirigeants de la société. Elle doit résulter d’une décision expresse, répertoriée dans
le registre prévu à cet effet, de l’assemblée des associés, après l’immatriculation de la société.
Les effets de la reprise. L’acte est considéré comme ayant été souscrit, dès l’origine, par la société. L’intérêt essentiel
de la reprise réside donc dans sa rétroactivité. La loi permet de faire remonter rétroactivement la naissance de la
personnalité morale avant l’immatriculation au registre du commerce. Dans ce cas, les engagements pris sont réputés
avoir été souscrits dès l’origine par la société. Cette reprise libère toutes les personnes qui avaient agi au nom de la
société et qui, en vertu de la solution de principe, étaient tenues pour responsables de ces actes. La reprise permet
également de passer outre le défaut initial de qualité pour agir de la société.

16
B. Le défaut de reprise
Règle. En l’absence de reprise, c’est le principe de la responsabilité personnelle des personnes qui ont agi au nom de la
société en formation qui s’applique. Cette responsabilité est solidaire si la société est commerciale, sans solidarité si la
société est civile.

Section 3 : Les effets de la personnalité morale


En tant que personne morale titulaire de droits et d’obligations, la société dispose donc d’un certain nombre d’attributs
et de responsabilités. Ces attributs font qu’elle a un statut juridique très proche de celui des personnes physiques. Il
convient dès lors de distinguer les attributs extrapatrimoniaux (I) et les attributs patrimoniaux (II) de la société, avant
de s’intéresser à la responsabilité qui peut être tienne (III).

I. Les attributs extrapatrimoniaux


Une fonction d’individualisation de la société. Ces attributs permettent d’individualiser la société. Tout comme pour les
personnes physiques, cette individualisation s’opère par l’attribution d’un nom (la dénomination sociale), d’un domicile
(le siège social) et d’une nationalité. Il existe en outre un critère propre aux sociétés : leur qualité civile ou commerciale.
La dénomination sociale. Elle sert à distinguer la société à la fois des autres sociétés et de ses propres associés. C’est à
la fois un élément d’identification de la société et un droit de propriété incorporelle. Ainsi, toute société doit avoir une
appellation figurant dans ses statuts104. La dénomination sociale constitue une mention obligatoire devant être indiquée
dans les statuts, précédée ou suivie immédiatement de la désignation de la forme de la société. Les sociétés choisissent
librement leur dénomination sociale qui peut être tirée de l’objet de l’entreprise, qui peut être une dénomination de
fantaisie ou comporter le nom d’un ou plusieurs associés. Le choix de l’appellation est donc libre, malgré quelques
limites : il est impossible de choisir plusieurs dénominations pour une même société, d’attribuer une dénomination
contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ou celle d’une société concurrente105 (concurrence déloyale).
Le changement de dénomination obéit aux formalités requises pour la modification des statuts.
Le siège social. Toute société doit avoir un siège social, qui est mentionné dans les statuts. Celui-ci constitue le domicile
de la personne morale106, le lieu du principal établissement, là où se trouvent les organes de direction et les services
administratifs, le centre de la vie juridique de la société. Le lieu du siège social détermine l’endroit où doivent être
effectuées les formalités de publicité. Au regard de la nationalité, le lieu du siège social détermine la nationalité de la
société et de la loi applicable.
Cependant, le siège statutaire ne correspond pas toujours à la réalité. Il peut consister en une simple adresse, sans
correspondre au siège réel de la société107, càd le lieu où se prennent les décisions et où se tient l’assemblée générale.
Les conséquences de la localisation du siège social se traduisent en termes de compétence, d’information et de
nationalité de la société. Lorsque la société est assignée en justice, elle doit l’être devant le tribunal du lieu où elle est
établie. Au Maroc, c’est le siège social effectif qui confère à la société la nationalité marocaine108 et qui lui rend
applicable la législation marocaine109.
La nationalité de la société. En tant que lien de dépendance politique unissant une personne à un Etat, la nationalité n’est
pas un attribut des seules personnes physiques. Les sociétés, elles aussi, ont une nationalité110. La nationalité marocaine
est implicitement reconnue aux sociétés au terme de l’article 110 alinéa 1 de la loi 17-95, lequel interdit à l’assemblée
générale extraordinaire de changer la nationalité de la société.

II. Les attributs patrimoniaux


Le patrimoine social. La société dotée de la personnalité morale a un patrimoine distinct de celui des associés111. Elle
peut dès lors être débitrice, créancière ou propriétaire. L’actif social se compose des biens apportés à la société lors de
sa constitution et des biens acquis postérieurement. Il constitue le gage des créanciers de la société. Le passif social
comprend les dettes de celle-ci, notamment les droits de créance des associés à l’égard de la société, qui constituent le
capital social.
Les capitaux propres. Tandis que le patrimoine social reste une notion abstraite, les capitaux propres représentent la
véritable valeur de la société. Ceux-ci comprennent, outre le montant du capital social, les réserves ou les pertes de la
société. Ils donnent la mesure de sa situation financière. S’ils deviennent inférieurs au montant du capital social, cela
signifie que la société a subi des pertes d’un montant supérieur à celui du capital social augmenté des éventuelles
réserves.

17
En contrepartie de ces attributs, qui sont en réalité des droits, la personne morale acquiert, à l’instar des personnes
physiques, des devoirs dont le non-respect engage sa responsabilité.

III. La responsabilité de la société


Responsabilité civile de la personne morale. Sur le plan civil, la société encourt une responsabilité de droit commun de
nature contractuelle comme délictuelle. En revanche, l’attribution de la personnalité morale a pour effet de substituer
celle-ci à la responsabilité personnelle des associés. En effet, les mandataires sociaux ne contractent envers les tiers
aucune obligation personnelle ou solidaire quant aux engagements qu’ils prennent au nom de la société. Ces
engagements ne produisent effet que dans le seul patrimoine de la société. La personnalité morale constitue donc un
écran entre la société et ses dirigeants. Un tel écran n’est cependant valable que tant que les mandataires sociaux agissent
dans l’exercice de leurs fonctions, càd tant qu’ils accomplissent les actes qui entrent dans le cadre de l’objet social. A
défaut, et en cas de dépassement de l’objet social (càd dépassement du cadre des fonctions du mandataire social), la
société peut demander la nullité de l’acte ainsi passé et engager la responsabilité personnelle du dirigeant fautif.
Responsabilité pénale de la personne morale. En principe, la société ne peut être responsable pénalement. En effet, il est
impossible d’imputer à la personne morale une volonté délictueuse et par suite, l’élément intentionnel n’est pas rempli.
De la même manière, on ne peut lui infliger des sanctions classiques telles que l’emprisonnement. C’est pourquoi, seule
la responsabilité pénale de ses représentants peut être recherchée. L’article 127 du Code pénal permet la condamnation
des personnes morales à des peines pécuniaires et aux peines accessoires de confiscation, de dissolution et de publication
de la décision de condamnation.

18

Vous aimerez peut-être aussi