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DROIT DES AFFAIRES

MASTER ADMINISTRATION DES ENTREPRISES

Marianne DOURNAUX

CAS « Ad Astra » & « LIVI »


Thème : Droit des sociétés – Cession de droits sociaux
Séance n°7

Droit des sociétés
Cessions de droits sociaux

Le terme de « droits sociaux » désigne de manière générique les droits incorporels de nature
mobilière qui sont reconnus aux associés en contrepartie de leurs apports concourant au
capital social. Autrement dit, il s’agit soit de parts sociales (SARL notamment), soit d’actions
pour les sociétés par actions (SA, SAS, SCA…).

Les droits sociaux présentent un double intérêt pour celui qui les détient :
- sous l’angle du droit des sociétés, ils confèrent à leur propriétaire la qualité d’associé
et les droits politiques (de vote, d’information...) et financiers (dividendes, boni…) qui
s’y attachent.
- sous l’angle patrimonial, les droits sociaux sont un élément du patrimoine de l’associé.
Ils ont une valeur propre et peuvent être saisis par les créanciers de l’associé ; ils
peuvent aussi être nantis, loués ou encore mis en crédit-bail.

La question des cessions de droits sociaux est au cœur de ces deux dimensions. Vendre et
acquérir des droits sociaux peut juste se résumer à une opération financière, à un placement :
c’est alors la dimension patrimoniale qui domine. Mais la cession de droits sociaux peut aussi
consister à entrer dans une entreprise afin d’y prendre une part active, voire pour en prendre le
contrôle. La logique est alors politique, stratégique et économique.

L’entrelacement de ces aspects explique que les cessions de droits sociaux donnent lieu à un
important contentieux. Ainsi, de nombreuses clauses, soit dans les statuts de la société, soit
dans des actes extrastatutaires, visent à contrôler les cessions de droits sociaux pour différents
motifs. Différents instruments juridiques sont utilisés à cette fin. Il s’agit, le plus souvent, soit
de filtrer les entrées et les sorties dans la société, notamment pour éviter les indésirables ou
les concurrents, soit de maintenir l’équilibre des participations.

Les enjeux de pouvoir dans l’entreprise et les intérêts financiers surplombent la question des
cessions de droits sociaux. Nous allons le voir au travers de deux cas pratiques relatifs à
différentes facettes de ce thème, « nid à contentieux » permanent.

1
Composition du dossier :

• Cas « AD ASTRA »

• Cas « LIVI »

• Document 1 : Extraits de Droit des sociétés, par M. Cozian, A. Viandier et F.
Deboissy, LexisNexis 2018, n° 1088 à 1090 et n° 375.

• Document n° 2 : art. 1137 du Code civil.

• Document n° 3 : arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 3 mai 2000, Baldus, n° 98-
11381.

• Document n° 4 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 27 février 1996, Vilgrain, n°
94-11241.

• Document n° 5 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 10 juillet 2012, Parsys, n° 11-
21954.

• Document n° 6 : n° 1080 à 1082.

• Document n° 7 : art. 1123 du Code civil.

• Document n° 8 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 27 juin 1989, Barilla, n° 88-
17654.

• Document n° 9 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 13 décembre 1994, Midi-Libre,
n° 93-11569.

2
CAS « AD ASTRA »

En février de l’année dernière, M. Nathan Mauduit, président du Conseil d’administration de


la société Mach Tech, spécialisée dans les services aéronautiques, a constitué avec divers
partenaires, la société Ad Astra. Au cours d’une « réunion de famille », le 23 novembre de la
la même année, M. Mauduit a proposé aux principaux actionnaires de la société Mach Tech
de céder leurs actions à la société Ad Astra ou à lui-même. Cette proposition a été acceptée
par MM. Alain Barré et Denis Aubert, cousins de M. Mauduit.

Par acte du 28 décembre de l’année dernière, M. Barré a cédé à la société Ad Astra, pour le
prix unitaire de 550 euros, ses 3000 actions de la société Mach Tech. Le même jour, M.
Aubert a cédé à M. Mauduit ses 2600 actions de la société Mach Tech au même prix unitaire.

Par acte du 31 décembre de l’année dernière, la société Pearson a acquis de M. Mauduit les
2600 actions de Mach Tech, acquises de M. Aubert, au prix unitaire de 1492 euros. Puis, le 3
janvier dernier, Pearson a acquis la quasi-totalité des actions de la société Ad Astra,
également au prix unitaire de 1492 euros.

MM. Barré et Aubert ont appris l’existence et les modalités de ces deux dernières cessions,
gardées secrètes jusque là, par un communiqué de Pearson paru dans la presse économique le
22 mars dernier. Après réflexion, MM. Barré et Aubert estiment avoir été « floués » par ces
différents agissements et sont résolus à agir en justice.

M. Barré vous indique d’abord qu’il n’aurait jamais cédé ses actions Mach Tech à Ad Astra
s’il avait su que cette dernière société allait être rachetée par Pearson. En effet, M. Barré
déteste les dirigeants de Pearson avec lesquels il avait eu, autrefois, un différend sur une
question de brevet.

MM. Barré et Aubert entendent, par ailleurs, faire valoir qu’au début de septembre de l’année
dernière, ils avaient l’un et l’autre reçu de la société concurrente Delaunay SAS des offres
écrites et fermes pour céder leurs actions Mach Tech en échange d’actions de Delaunay SAS :
1 action Mach Tech contre une action Delaunay SAS d’une valeur, à l’époque, de 950 euros.
Ils avaient cependant jugé plus sûr de décliner ces offres car ils préféraient recevoir le prix de
cession en numéraire plutôt qu’en actions dont la valeur est, par nature, fluctuante. Toutefois,
la valeur de l’action Delaunay n’a cessé de monter et côte, à ce jour, 1400 euros.

MM. Barré et Aubert vous consultent sur les possibilités d’agir, et sur quels fondements,
à l’encontre, respectivement, de la société Ad Astra et de M. Mauduit, ainsi que sur les
suites envisageables de ces actions.

à Documents requis pour la présente question :

- Document n° 1 : extrait de Droit des sociétés, précit., n° 1088 à 1090 et n° 375.


- Document n° 2 : art. 1137 du Code civil.
- Document n° 3 : arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 3 mai 2000, Baldus, n° 98-11381.
- Document n° 4 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 27 février 1996, Vilgrain, n° 94-11241.
- Document n° 5 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 10 juillet 2012, Parsys, n° 11-21954.

3
CAS « LIVI »

La société LIVI souhaite acquérir l’immeuble qui abrite son siège social (18 000 m2 dans le
cœur de Paris). Ce bien est la propriété de la société SODIAL, dont les sociétés LAMAR et
FONSI sont uniques actionnaires, respectivement à 40 % et 60 %. La société LAMAR est
contrôlée par plusieurs sociétés du groupe YARD alors que la société FONSI, quant à elle, est
contrôlée par les sociétés SFO et LAX.

SODIAL

SFO
Groupe
LAMAR FONSI
YARD
LAX
Parties au protocole d’accord

LIVI

Les sociétés LAMAR et FONSI ont conclu entre elles il y a 5 ans et pour une durée de 10 ans
un « protocole d’accord » comprenant un article 2 selon lequel : « chacune des parties
contractantes prend l’engagement réciproque de ne pas aliéner tout ou partie des titres de
Sodial qui lui appartiennent à des tiers, avant de les avoir préalablement offerts à l’autre
partie qui disposera d'un droit de préemption pour les acquérir ».

L’article 3 précise : « le présent protocole s'applique à toutes les actions composant le capital
social de Sodial et à tous titres ou toutes autres valeurs mobilières qui viendraient à être
émises par Sodial et, en cas de transformation de cette dernière en société d'une autre forme,
à tous les titres qui seront émis en représentation du capital social, que détiennent ou
détiendront les soussignées ou qui pourraient leur être attribuées pour quelque cause que ce
soit, ainsi qu'à tous les droits de souscription attachés auxdits titres. Le droit de préemption
s'appliquera à toutes les aliénations par quelque mode que ce soit, par transfert direct ou
indirect, cession, apport, donation, échange, fusion, prêt de consommation, nantissement,
transfert universel de patrimoine, ou autrement ».

Le 8 septembre dernier, les sociétés LAMAR et YARD ont eu connaissance de discussions


entre SFO, LAX et LIVI pour vendre leurs actions FONSI à LIVI. Le jour même, LAMAR a
fait notifier par huissier le courrier suivant à LIVI :
« Je vous informe de l’existence d’un droit de préemption prévu par les articles 2 et 3 du
protocole d’accord conclu entre LAMAR et la société FONSI et de notre intention de nous en
prévaloir. Aux termes de ce contrat, l’objet du droit de préemption est défini de la manière la
plus large et " s'appliquera à toutes les aliénations par quelque mode que ce soit, par
transfert direct ou indirect ". Si votre société devait réaliser une opération quelle qu’elle soit
concernant SODIAL, nous ne manquerions pas de faire immédiatement valoir nos droits en
justice ».

4
Par acte du 17 septembre dernier, les sociétés SFO et LAX ont vendu à LIVI la totalité des
actions FONSI.

La société LAMAR, furieuse, a notifié à LIVI, SFO, LAX et FONSI qu’elle allait saisir la
justice pour contester « l’opération illicite réalisée de mauvaise foi réalisée par LIVI qui
connaissait l’existence du pacte et l’intention de LAMAR de s’en prévaloir ». LAMAR
indique demander sa substitution à LIVI dans le contrat conclu, ainsi que l’attribution de
dommages-intérêts au titre du préjudice causé.

Très inquiet, le Directeur général de LIVI vous demande votre analyse sur les
arguments susceptibles d’êtres invoqués par LAMAR et leur risque de succès.

à Documents requis pour la présente question :

- Document n° 6 : extrait de Droit des sociétés, préc., n° 1080 à 1082.


- Document n° 7 : art. 1123 du Code civil.
- Document n° 8 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 27 juin 1989, Barilla, n° 88-17654.
- Document n° 9 : arrêt Cour de cassation, Ch. com., 13 décembre 1994, Midi-Libre, n° 93-
11569.

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DOCUMENT N° 1

6
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Document n° 2 : art. 1137 du Code civil (modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018)

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des
manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une
information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son
cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».

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Document n° 3 : Cass. Civ. 1ère, 3 mai 2000, Baldus

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :


Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu qu'en 1986, Mme Y... a vendu aux enchères publiques cinquante photographies de X... au prix
de 1 000 francs chacune ; qu'en 1989, elle a retrouvé l'acquéreur, M. Z..., et lui a vendu
successivement trente-cinq photographies, puis cinquante autres photographies de X..., au même prix
qu'elle avait fixé ; que l'information pénale du chef d'escroquerie, ouverte sur la plainte avec
constitution de partie civile de Mme Y..., qui avait appris que M. X... était un photographe de très
grande notoriété, a été close par une ordonnance de non-lieu ; que Mme Y... a alors assigné son
acheteur en nullité des ventes pour dol ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1 915 000 francs représentant la
restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes de gré à gré de 1989, après déduction
du prix de vente de 85 000 francs encaissé par Mme Y..., l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant de
conclure avec Mme Y... les ventes de 1989, M. Z... avait déjà vendu des photographies de X... qu'il
avait achetées aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d'achat, retient qu'il savait
donc qu'en achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l'unité, il contractait à un prix
dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art, manquant ainsi à l'obligation de
contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant et que, par sa réticence à lui faire connaître la
valeur exacte des photographies, M. Z... a incité Mme Y... à conclure une vente qu'elle n'aurait pas
envisagée dans ces conditions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)

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Document n° 4 : Com., 27 février 1996, Vilgrain.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1994), que le 27 septembre 1989, Mme X... a vendu à
M. Bernard Vilgrain, président de la société Compagnie française commerciale et financière (société
CFCF), et, par l'intermédiaire de celui-ci, à qui elle avait demandé de rechercher un acquéreur, à MM.
Francis Z..., Pierre Z... et Guy Y... (les consorts Z...), pour qui il s'est porté fort, 3 321 actions de ladite
société pour le prix de 3 000 francs par action, étant stipulé que, dans l'hypothèse où les consorts Z...
céderaient l'ensemble des actions de la société CFCF dont ils étaient propriétaires avant le 31
décembre 1991, 50 % du montant excédant le prix unitaire de 3 500 francs lui serait reversé ; que 4
jours plus tard les consorts Z... ont cédé leur participation dans la société CFCF à la société Bouygues
pour le prix de 8 800 francs par action ; que prétendant son consentement vicié par un dol, Mme X... a
assigné les consorts Z... en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, à raison d'une réticence
dolosive, à payer à Mme X..., une somme de 10 461 151 francs avec intérêts au taux légal à compter
du 1er octobre 1989 alors, selon le pourvoi (…)
Mais attendu que l'arrêt relève qu'au cours des entretiens que Mme X... a eu avec M. Bernard Vilgrain,
celui-ci lui a caché avoir confié, le 19 septembre 1989, à la société Lazard, mission d'assister les
membres de sa famille détenteurs du contrôle de la société CFCF dans la recherche d'un acquéreur de
leurs titres et ne lui a pas soumis le mandat de vente, au prix minimum de 7 000 francs l'action, qu'en
vue de cette cession il avait établi à l'intention de certains actionnaires minoritaires de la société, d'où
il résulte qu'en intervenant dans la cession par Mme X... de ses actions de la société CFCF au prix, fixé
après révision, de 5 650 francs et en les acquérant lui-même à ce prix, tout en s'abstenant d'informer le
cédant des négociations qu'il avait engagées pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7
000 francs, M. Bernard Vilgrain a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société
à l'égard de tout associé, en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement de sa
participation ; que par ces seuls motifs, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a
pu retenir l'existence d'une réticence dolosive à l'encontre de M. Bernard Vilgrain ; d'où il suit que le
moyen ne peut être accueilli ;

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Document n° 5 : Com., 10 juillet 2012, Parsys.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 mars 2010, pourvoi n° 09-
12.895), que la société Gestion location service (la société GLS) a cédé à la société Parsys, le 16
septembre 1999, la totalité des actions représentant le capital de la société EFSI qu'elle détenait et qui
avait pour activité la location longue durée de matériel informatique ; que soutenant que la société
GLS avait dissimulé, lors de la négociation, l'existence de contre-lettres consenties par la société EFSI
à certains de ses locataires afin de leur permettre d'acquérir le matériel loué à un prix résiduel
avantageux en fin de contrat, la société Parsys et le commissaire à l'exécution de son plan de
continuation ont mis en oeuvre la procédure arbitrale prévue au contrat ; que la cour d'appel a
confirmé la sentence arbitrale en ce qu'elle avait retenu, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil,
l'existence d'une réticence dolosive pré-contractuelle et, l'infirmant sur le montant du préjudice
indemnisable, a condamné la société GLS à payer à ce titre certaines sommes à la société Parsys ; que
devant la cour d'appel de renvoi, la société Parsys a demandé que la société GLS soit condamnée au
paiement de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'avoir pu réaliser un autre
investissement; que la société GLS a soulevé l'irrecevabilité de cette demande et, subsidiairement, a
contesté son bien-fondé en soutenant que la société Parsys pouvait seulement prétendre à la réparation
de la perte de chance d'avoir pu mieux négocier le prix d'acquisition de la société EFSI ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :


Vu les articles 1116 et 1382 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la société Parsys peut obtenir réparation de
la perte de chance de conclure un contrat plus avantageux sans avoir demandé la nullité du contrat
affecté de dol ; qu'il ajoute que la perte de chance pour la société Parsys de réaliser une meilleure
opération si elle avait été complètement informée est sans lien avec la conservation des actions de la
société EFSI dans son patrimoine, le préjudice résultant de cette perte de chance s'étant produit au
moment de la réalisation de l'opération ; qu'il retient encore que la décision de la société Parsys de
maintenir le contrat n'a pas rompu le lien de causalité entre la faute pré-contractuelle et le préjudice
dont il est demandé réparation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Parsys ayant fait le choix de ne pas demander
l'annulation du contrat, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d'une chance
d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE (…)

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DOCUMENT N° 6
Document n° 7 : Article 1123 du Code civil (Modifié par ordonnance du 10 février 2016)
Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son
bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut
obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le
substituer au tiers dans le contrat conclu.

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Document n° 8 : Ch. com., 27 juin 1989, Barilla


Statuant tant sur le pourvoi provoqué relevé par la société Embranchement de la capuche et MM.
(consorts X… A…) que sur le pourvoi principal formé par la société Barilla G e R. Flli S p A ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, de chacun des pourvois, réunis :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, 30 juin 1988), que les membres de la famille X... A... ont, en
octobre 1987, cédé 55 083 actions représentant le capital de la société Rivoire et Carret-Lustucru (la
société holding) à la société Embranchement de la capuche autre actionnaire ; qu'en décembre 1987, la
société Barilla G e R. Flli S p A (société Barilla) a fait connaître qu'elle se proposait d'acquérir ou
avait acquis la totalité des actions représentant le capital de la société Embranchement de la capuche,
qui appartenait aux membres de la famille X... A... ; qu'aucun agrément d'un tiers non actionnaire n'a
été sollicité de la société holding à l'occasion des cessions précitées, alors qu'un tel agrément est
stipulé par une clause des statuts de cette société ; que, par l'arrêt attaqué et sur demande de la société
holding et des sociétés Grands Moulins Maurel et Semouleries de Normandie, actionnaires, la cour
d'appel a annulé le transfert des 55 083 actions nominatives de la société holding à la
société Embranchement de la capuche, en raison du but frauduleux poursuivi par les membres de la
famille X... A..., et a déclaré inopposable à la société holding pour inobservation de la clause
d'agrément la cession à la société Barilla des actions de la société holding découlant de la cession par
les membres de la famille X... A... à la société Barilla de la totalité des actions de la
société Embranchement de la capuche ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la fraude
suppose non seulement l'intention d'éluder une règle, mais encore la volonté de créer une situation
dont, en raison de son caractère artificiel, les parties n'entendent pas accepter les conséquences
essentielles ; que la cour d'appel n'a pas constaté, pour retenir que les parties avaient commis une
fraude, que la société Barilla entendait seulement éluder la clause d'agrément sans avoir réellement
l'intention de devenir actionnaire de la société Embranchement de la capuche, d'en prendre le contrôle
et d'en assumer effectivement les conséquences ; d'où il suit que l'arrêt attaqué manque de base légale
au regard des articles 1134, 1135 du Code civil et 274 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, d'autre
part, que la prétendue fraude des consorts X... A... et de la société Barilla supposait que la décision de
refus d'agrément, éventuellement prise par le conseil de surveillance de la société Rivoire et Carret-
Lustucru, fût dénuée d'abus ; que faute d'avoir recherché si le conseil de surveillance de la société
Rivoire et Carret-Lustucru pouvait légitimement refuser l'agrément en vue de la cession des titres à la
société Barilla, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, 1382 du Code
civil et 274 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les consorts X... A... ont entrepris de céder leurs titres de la
société holding à la société Barilla en recourant à l'interposition de la société Embranchement de
la capuche, que par le biais de deux cessions en apparence licites, ils ont permis à la société Barilla de
détenir une participation, minoritaire mais efficace puisque supérieure à la minorité de blocage, que
l'une et l'autre des parties avaient de connivence tenté d'échapper à l'obligation d'agrément figurant

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dans les statuts de la société holding, obligation qui était connue par les consorts X... A... et par la
société Barilla ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche
inopérante invoquée par la seconde branche, a pu déduire que les conventions passées entre les
consorts X... A... et la société Barilla étaient entachées de fraude ; que le moyen n'est fondé en aucune
de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois tant principal que provoqué

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Document n° 9 : Ch. com., 13 décembre 1994, Midi-Libre


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 décembre 1991), que la société du Journal Midi libre (la
société du Journal) comprenait parmi ses actionnaires la société à responsabilité limitée Publicité
Annonces, du groupe A..., détentrice de 9,09 % du capital social, la société Etudes d'applications des
relations collectives et interindividuelles (la société Etarci), détentrice de 9,44 % du capital, et la
société civile de Placements et de Participations du Midi libre (la société SCPPML), détentrice de 12
% du capital ; que, suivant délibération du 6 juin 1990, le conseil d'administration de la société du
Journal, suspectant M. Robert A... et la société Socpresse qu'il contrôlait d'avoir acheté, soit
directement, soit indirectement, les actions et parts représentant le capital des sociétés Etarci et
SCPPML en vue de contrôler à travers elles la société du Journal, a décidé de n'agréer ni " le transfert
des actions Etarci au profit de la société Socpresse et, en conséquence, le transfert indirect et
frauduleux des 18 400 actions Midi libre détenues par cette société " ni " le groupe A... comme
acquéreur des parts de la société SCPPML et, en conséquence le transfert indirect et frauduleux des 23
700 actions Midi libre détenues par cette société " ; que, par la même délibération, le conseil
d'administration a désigné en qualité de cessionnaires de l'ensemble de ces actions un certain nombre
d'actionnaires de la société du Journal ; que MM. Maurice et Claude Y..., Bene, Bernard, Connillière,
Cabart, Cromback, Jean-Claude et Guy Z..., Allies, Mme C... et les sociétés Sodler, Agence Havas, La
Voix du Nord, Milisol et Soridec (les consorts Y...), qui avaient accepté d'acquérir les actions
litigieuses, ont assigné la société Etarci, la société SCPPML et la société du Journal pour que les
transferts prétendument frauduleux des titres détenus par les sociétés Etarci et SCPPML soient
déclarés inopposables à la société du Journal et qu'il soit constaté qu'ils en étaient propriétaires ; que la
société du Journal a demandé que les cessions litigieuses lui soient déclarées inopposables et que les
actionnaires désignés par elle soient déclarés cessionnaires des actions détenues par les sociétés Etarci
et SCPPML ;
Attendu que la société du Journal Midi libre reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à ce
que les cessions d'actions litigieuses lui soient déclarées inopposables et à ce que les sociétés Etarci et
SCPPML soient exclues de la société du Journal, alors, selon le pourvoi, (…)
(… moyens du pourvoi et attendus non pertinents en l’espèce non reproduits…)

Attendu, en troisième lieu, que la loi du 24 juillet 1966, tout comme les statuts de la société du
Journal, ne prévoit la procédure d'agrément que pour la cession des propres actions d'une société, et
non pas pour la cession des parts ou actions composant le capital de ses actionnaires ;

Attendu, en quatrième lieu, que la prise de participation, même majoritaire, dans le capital d'une ou
plusieurs sociétés actionnaires d'une autre société ne constitue pas, par elle seule, une fraude ayant
pour objet ou pour effet d'éluder des clauses statutaires de cette société, à défaut d'éléments permettant
de caractériser cette fraude ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que les statuts de la société du Journal ne prévoyaient pas la possibilité
d'exclure un actionnaire, la cour d'appel a estimé à bon droit que la société du Journal n'était pas
fondée à ordonner la cession de ses actions détenues par les sociétés Etarci et SCPPML ;

D'où il suit qu'abstraction faite des motifs surabondants dont font mention les moyens, l'arrêt se trouve
justifié ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois.

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