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Répertoire de la responsabilité de la puissance publique

Régimes législatifs spéciaux d'indemnisation relevantde la juridiction judiciaire

Jean-Louis GALLET
Conseiller à la Cour de cassation

février 2008 (actualité : avril 2015)

Cette rubrique refond celle publiée à l'origine par le professeur R. LETTERON, dont elle conserve plusieurs passages
actualisés.

Table des matières

Introduction : De la réparation à l'indemnisation , 1


Section 1 - Fondements constitutionnels de la compétence législative en matière de responsabilité publique, 2 - 9
Art. 1 - Compétence législative et responsabilité, 2 - 4
Art. 2 - Compétence législative et partage des compétences juridictionnelles, 5 - 9
Section 2 - Compétence du juge judiciaire en matière de responsabilité publique, 10 - 16
Art. 1 - « Une matière réservée par nature à l'autorité judiciaire », 11 - 13
Art. 2 - Nécessités d'une « bonne administration de la justice », 14 - 16
Section 3 - Régimes de réparation et régimes d'indemnisation, 17 - 19

Titre 1 - Régimes d'indemnisation fondés sur la responsabilité, 20 - 328


Chapitre 1 - Responsabilité publique en matière fiscale, 22 - 51
Section 1 - Historique, 22
Section 2 - Partage des compétences, 23 - 43
Art. 1 - Compétence judiciaire à raison de la créance, 25 - 33
§ 1 - Impôts indirects, 25 - 28
§ 2 - Droits de douane, 29 - 33
Art. 2 - Compétence judiciaire à raison du fait dommageable, 34 - 43
§ 1 - Assiette, 35 - 38
§ 2 - Recouvrement, 39 - 43
Section 3 - Régime de la responsabilité, 44 - 51
Art. 1 - Fondement de la faute, 44 - 47
§ 1 - Jurisprudence administrative, 44
§ 2 - Jurisprudence judiciaire, 45 - 47
Art. 2 - Règles de procédure, 48 - 51
§ 1 - Prescription, 48
§ 2 - Autorité représentant l'État, 49 - 51
Chapitre 2 - Responsabilité en matière de dommages causés par l'exercice de la justice judiciaire, 52 - 197
Section 1 - Affirmation progressive du principe de responsabilité, 52 - 62
Section 2 - Responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux de la justice, 63 - 104
Art. 1 - Conditions de la responsabilité de l'État, 68 - 96
§ 1 - Notion de fonctionnement du service public de la justice judiciaire, 69 - 74
§ 2 - Usager, 75 - 79
§ 3 - Faute, 80 - 96
Art. 2 - Exonération de l'État, 97 - 104
§ 1 - Fait de la victime, 97
§ 2 - Action récursoire de l'État, 98 - 104
Section 3 - Responsabilité du fait de la tutelle des mineurs et des mesures de protection des majeurs, 105 - 117
Section 4 - Responsabilité du fait d'une erreur judiciaire ou d'une condamnation prononcée en violation des dispositions
de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 118 - 130
Art. 1 - Champ d'application, 120 - 123
Art. 2 - Compétence, 124
Art. 3 - Fondement de la responsabilité, 125 - 126
Art. 4 - Régime de la responsabilité, 127 - 129
Art. 5 - Action récursoire, 130
Section 5 - Responsabilité à raison d'une détention provisoire, 131 - 197
Art. 1 - Évolution législative, 132 - 141
Art. 2 - Conditions de mise en oeuvre, 142 - 151
§ 1 - Détention provisoire intervenue au cours d'une procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe
ou d'acquittement, 142 - 148
§ 2 - Exceptions légales, 149 - 151
Art. 3 - Une procédure autonome, 152 - 165
§ 1 - Existence d'un dysfonctionnement de la justice ou le fait du demandeur : des critères désormais sans
incidence sur l'action en réparation, 155 - 161
§ 2 - Un préjudice spécifique, 162 - 165
Art. 4 - Préjudices indemnisés, 166 - 197
§ 1 - Préjudice moral, 173 - 188
§ 2 - Préjudice matériel, 189 - 197
Chapitre 3 - Responsabilité des personnes publiques du fait des dommages occasionnés par des véhicules, 198 - 236
Section 1 - Conditions de la responsabilité des personnes publiques, 200 - 219
Art. 1 - Notion de véhicule, 204 - 209
Art. 2 - Lien de causalité, 210 - 215
Art. 3 - Imputabilité, 216 - 219
§ 1 - Agent dans l'exercice de ses fonctions, 217 - 218
§ 2 - Véhicule placé sous la responsabilité d'une personne publique, 219
Section 2 - Régime de responsabilité, 220 - 236
Art. 1 - Mise en oeuvre de l'action, 221 - 233
Art. 2 - Mécanisme de la substitution, 234 - 236
Chapitre 4 - Responsabilité de l'État du fait des accidents scolaires, 237 - 328
Section 1 - Conditions générales de la substitution de responsabilité, 240 - 310
Art. 1 - Caractérisation d'une responsabilité d'un membre de l'enseignement public ou assimilé, 242 - 310
§ 1 - Faute, 243 - 300
§ 2 - Un préjudice, 301 - 305
§ 3 - Causes exonératoires, 306 - 310
Section 2 - Mise en oeuvre de la substitution de responsabilité, 311 - 328
Art. 1 - Compétence des juridictions judiciaires, 312 - 318
§ 1 - Compétence de la juridiction civile, 313 - 317
§ 2 - Compétence de la juridiction pénale, 318
Art. 2 - Procédure, 319 - 324
Art. 3 - Action récursoire, 325 - 328

Titre 2 - Régimes d'indemnisation fondés sur la garantie sociale, 329 - 455


Chapitre 1 - Indemnisation des personnes contaminées par le virus du SIDA à la suite d'une transfusion sanguine, 330 -
363
Section 1 - Instauration du régime d'indemnisation, 330 - 335
Section 2 - Champ d'application de l'indemnisation, 336 - 350
Art. 1 - Quant aux victimes, 336 - 339
Art. 2 - Quant aux préjudices indemnisables, 340 - 350
§ 1 - Personnes directement contaminées, 341 - 345
§ 2 - Personnes contaminées indirectement, 346
§ 3 - Victimes non contaminées, 347 - 350
Section 3 - Indemnisation et droit commun de la responsabilité, 351 - 363
Art. 1 - Procédure devant le Fonds, 352 - 354
Art. 2 - Non-cumul des indemnisations, 355 - 359
Art. 3 - Recours, 360 - 363
§ 1 - Recours de la victime devant la cour d'appel de Paris, 361 - 362
§ 2 - Recours subrogatoire du Fonds, 363
Chapitre 2 - Indemnisation des victimes d'infractions et d'actes de terrorisme, 364 - 455
Section 1 - Évolution législative, 364 - 369
Section 2 - Conditions du droit à indemnisation, 370 - 412
Art. 1 - Conditions du droit à indemnisation des victimes d'infraction, 370 - 403
§ 1 - Quant à l'infraction, 370 - 377
§ 2 - Quant au lieu de l'infraction, 378 - 379
§ 3 - Quant aux dommages, 380 - 391
§ 4 - Quant à la victime, 392 - 403
Art. 2 - Conditions du droit à indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, 404 - 412
§ 1 - Quant à la notion d'acte de terrorisme, 404 - 405
§ 2 - Quant aux dommages indemnisés, 406 - 410
§ 3 - Quant à la victime, 411 - 412
Section 3 - Procédures d'indemnisation, 413 - 455
Art. 1 - Fonds d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, 415 - 417
Art. 2 - Régime d'indemnisation des victimes d'infraction, 418 - 444
§ 1 - Compétence des CIVI, 418 - 419
§ 2 - Procédure, 420 - 427
§ 3 - Indemnisation, 428 - 436
§ 4 - Recours, 437 - 444
Art. 3 - Régime d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, 445 - 455
§ 1 - Saisine du FGVAT, 446 - 447
§ 2 - Procédure, 448 - 449
§ 3 - Indemnisation, 450 - 453
§ 4 - Recours, 454 - 455

Bibliographie
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Justices, Dalloz.

Introduction : De la réparation à l'indemnisation.


1 . Depuis le célèbre arrêt Blanco, le droit de la responsabilité de l'État s'est essentiellement forgé autour de principes
élaborés par la juridiction administrative, écartant la loi générale que constitue le code civil (T. confl. 8 févr. 1873, Lebon 61,
concl. David : « La responsabilité, qui peut incomber à l'État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des
personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les
rapports de particulier à particulier ; cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; elle a ses règles spéciales qui varient
suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés »). Toutefois, afin de
répondre aux demandes d'une société de plus en plus orientée vers la socialisation des risques, le législateur, inspiré par des
motifs divers et parfois entièrement conjoncturels, est intervenu pour instaurer des régimes de responsabilité dérogatoires,
touchant des domaines très variés, dont la doctrine, stigmatisant des « lois d'occasion », a critiqué le caractère disparate
(G. VEDEL, préface à C. BRÉCHON-MOULÈNES, Les régimes législatifs de responsabilité publique, 1974, LGDJ, Bibliothèque de
droit public, p. X ; M. PAILLET, Vers un renouveau des sources de la responsabilité administrative en droit français, in Études
offertes à J.-M. Auby, 1992, Dalloz, p. 260).

Section 1 - Fondements constitutionnels de la compétence législative en matière de responsabilité publique


Art. 1 - Compétence législative et responsabilité
2. Se fondant sur les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur la compétence pour déterminer
« les principes fondamentaux […] du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales », le
Conseil d'État (CE, ass., 7 déc. 1962, Assoc. des forces motrices autonomes, Lebon 664, CJEG 1964. 218, note Teste) puis le
Conseil constitutionnel (Décis. Cons. const. n o 80-116 L du 24 oct. 1980 : « La responsabilité de la puissance publique en
matière fiscale touche aux principes fondamentaux des « obligations civiles et commerciales » dont la détermination relève de
la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution », Rec. Cons. const., p. 68, RD publ. 1981. 626, obs. L. Favoreu, AJDA
1981. 148, note L. Hamon) ont successivement exclu la compétence du pouvoir réglementaire pour la mise en place d'un
régime de responsabilité.

3 . Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a marqué son hostilité à toute disposition législative posant le principe de
l'irresponsabilité d'un sujet de droit. En ce qui concerne les personnes privées, il a énoncé : « Le droit français ne comporte,
en aucune matière, de régime soustrayant à toute réparation des dommages résultant de fautes civiles imputables à des
personnes physiques ou morales de droit privé, quelle que soit la gravité de la faute » (Décis. Cons. const. n o 82-144 DC du
22 oct. 1982, Rec. Cons. const., p. 61, D. 1983. 189, note Luchaire, RD publ. 1983. 389, obs. Favoreu, Dr. soc. 1983. 155, note
Hamon, Gaz. Pal. 28, 29 et 30 janv. 1983, p. 6, note Chabas).

4 . Ce refus du principe d'irresponsabilité semble, en l'état actuel de la jurisprudence, pouvoir être étendu aux personnes
publiques. En effet, le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution une disposition législative qui autorisait
l'établissement public de diffusion audiovisuelle concerné à poser sur les toits des propriétés publiques et privées les
instruments nécessaires à la diffusion des ondes hertziennes et limitait sa responsabilité aux seuls préjudices résultant des
travaux d'installation, de pose ou d'entretien de ces moyens de diffusion, excluant ainsi toute indemnisation d'autres
préjudices, notamment ceux liés à la privation de jouissance de certaines parties de l'immeuble ou à sa dépréciation (Décis.
Cons. const. n o 85-198 DC du 13 déc. 1985 concernant la loi modifiant la loi n o 82-652 du 29 juill. 1982 et portant diverses
dispositions relatives à la communication audiovisuelle : « Considérant que l'alinéa 4 de l'article 3-II, conçu en termes
restrictifs, limite impérativement l'indemnité au seul "préjudice résultant des travaux d'installation, de pose ou d'entretien des
moyens de diffusion par voie hertzienne ou des équipements nécessaires à leur fonctionnement" ; que cette rédaction écarte
la réparation de tous préjudices autres que ceux strictement précisés ; que cep. le principe d'égalité devant les charges
publiques ne saurait permettre d'exclure du droit à réparation un élément quelconque de préjudice indemnisable résultant
des travaux ou de l'ouvrage public », Rec. Cons. const., p. 78, AJDA 1986. 171, note Boulouis, JCP 1986. I. 3237, note Dufau).
Ultérieurement, cette position a été à la fois précisée et généralisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du
17 janvier 1989 intervenue cette fois à propos de la responsabilité des présidents des organismes audiovisuels : « Nul ne
saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la
gravité de l'acte qui lui est imputé » (Décis. Cons. const. n o 88-248 DC du 17 janv. 1989, Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Pouvoirs, n o 50, 1989, p. 197, chron. Avril et Gicquel, Rev. adm. 1989. 223, note Autin, RD publ. 1989. 399, obs. Favoreu, RFDA
1989. 215, note Genevois). La généralité même des termes ainsi employés laisse penser que le Conseil a entendu exclure
tout principe d'irresponsabilité des personnes publiques, comme il l'avait fait auparavant pour les personnes privées, sans
pour autant interdire au législateur d'aménager le régime de responsabilité retenu.

Art. 2 - Compétence législative et partagedes compétences juridictionnelles


5 . Traditionnellement, le partage des compétences juridictionnelles est une matière réservée au législateur (CE, sect.,
23 janv. 1953, Avril, Lebon 32 ; 16 mars 1956, Garnett, Lebon 125 ; CE, ass., 30 mai 1962, Lebon 233, AJDA 1962. 285, chron.
Galabert et Gentot, D. 1962. 630, concl. Bernard ; CE 19 janv. 1972, Ordre des avocats au barreau de Versailles et Damien,
Lebon 54). Il s'agit, en réalité, d'une conséquence de la conception française de la séparation des pouvoirs, adoptée par le
Tribunal des conflits (2 mars 1970, Sté Duvoir c/ SNCF, Lebon 885, concl. Braibant, D. 1970. 695, note L. H. ; 20 oct. 1997, req.
n o 03032 , Albert, Lebon 535).

6. Jurisprudence constitutionnelle : décision du 23 janvier 1987. - C'est également à la « conception française de la séparation
des pouvoirs » que se réfère le Conseil constitutionnel dans son importante décision du 23 janvier 1987 rendue à propos de
dispositions législatives transférant au juge judiciaire, en l'espèce la cour d'appel de Paris, les recours en annulation des
décisions du Conseil de la concurrence (Décis. n o 86-224, DC du 23 janv. 1987 relative à la loi transférant à la juridiction
judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence : « Considérant que les dispositions des articles 10 et 13
de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation
des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément
à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier
ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice
des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités
territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ; Considérant cependant
que, dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait
engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la
juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ;
Considérant que, si le conseil de la concurrence, organisme administratif, est appelé à jouer un rôle important dans
l'application de certaines règles relatives au droit de la concurrence, il n'en demeure pas moins que le juge pénal participe
également à la répression des pratiques anticoncurrentielles sans préjudice de celle d'autres infractions intéressant le droit
de la concurrence ; qu'à des titres divers le juge civil ou commercial est appelé à connaître d'actions en responsabilité ou en
nullité fondées sur le droit de la concurrence ; que la loi présentement examinée tend à unifier sous l'autorité de la Cour de
cassation l'ensemble de ce contentieux spécifique et ainsi à éviter ou à supprimer des divergences qui pourraient apparaître
dans l'application et dans l'interprétation du droit de la concurrence ; Considérant dès lors que cet aménagement précis et
limité des règles de compétence juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice, ne
méconnaît pas le principe fondamental ci-dessus analysé tel qu'il est reconnu par les lois de la République » ; dans le même
sens : Décis. Cons. const. n o 98-403 DC du 29 juill. 1998, Lutte contre les exclusions, Rec. Cons. const., p. 276,
AJDA 1998. 705, note Schoettl ).

Actualité
6 . Fondements constitutionnels de la compétence législative en matière de responsabilité publique. Compétence législative et
partage des compétences juridictionnelles. Création de l'Autorité de la concurrence. - Les articles 95 et suivants de la loi du 4 août
2008 de modernisation de l'économie (LME) créent une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de la
concurrence, qui se substitue au Conseil de la concurrence. L'Autorité de la concurrence va disposer de pouvoirs
d'investigation, de décision et de sanction accrus par rapport à l'actuel Conseil de la concurrence. La loi étend par ailleurs la
faculté d'avoir recours à un juge unique pour toutes les décisions de procédure visées à l'article L. 462-8 du code de
commerce, quel que soit l'auteur de la saisine de l'Autorité. Sur le transfert du contrôle des concentrations, la loi a souhaité
aligner le plafond des astreintes susceptibles d'être prononcées par l'Autorité de la concurrence, dans le cadre des
procédures liées aux contrôles des concentrations, sur celui des astreintes prises en matière de contrôle des pratiques
anticoncurrentielles (L. n o 2008-776 du 4 août 2008, art. 95 s., JO 5 août).
7 . Ainsi, le Conseil constitutionnel énonce la compétence de principe de la juridiction administrative pour le contentieux de
l'annulation ou de la réformation des décisions administratives, hormis dans les matières réservées par nature à l'autorité
judiciaire, mais il admet également que le législateur peut, dans les autres matières, déroger au principe énoncé en attribuant
la compétence au juge judiciaire dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice afin de permettre la création de blocs
de compétence et ainsi d'unifier un contentieux jusqu'alors partagé entre les deux ordres de juridiction. Tel peut également
être le cas, dans certains domaines, du contentieux de la responsabilité des personnes publiques, dont l'État.

8 . De fait, le nombre des régimes législatifs attribuant compétence au juge judiciaire s'est accru, en même temps que le
développement des systèmes d'indemnisation. À titre d'exemple, en matière d'indemnisation des dommages causés par les
recherches biomédicales, l'article L. 1126-7 du code de la santé publique, issu de la loi n o 90-86 du 23 janvier 1990, précise
que « par dérogation à l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance
est seul compétent pour statuer sur toute action en indemnisation des dommages résultant d'une recherche biomédicale ».
De même, l'article L. 3122-3 du code de la santé publique, en sa rédaction issue des lois des 9 et 13 août 2004, prévoit que
les actions des personnes victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine
causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de produits dérivés du sang réalisée sur le territoire de la
République française, qui n'ont pas accepté l'offre d'indemnisation proposée par l'Office national d'indemnisation sont
intentées devant la cour d'appel de Paris.

9. Cependant, le législateur s'est parfois refusé à créer un bloc de compétence au profit de la juridiction judiciaire en dépit de
l'opportunité qu'il y avait d'unifier certains contentieux, notamment en matière de responsabilité hospitalière (V. L. n o 2002-
303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, D. 2002. 1022).

Section 2 - Compétence du juge judiciaireen matière de responsabilité publique


10. La compétence du juge judiciaire se justifie, soit parce que le contentieux de la responsabilité dont il s'agit a trait à « une
matière réservée par nature à l'autorité judiciaire », soit par le choix du législateur fondé en opportunité, notamment, sur la
considération d'une « bonne administration de la justice ».

Art. 1 - « Une matière réservée par nature à l'autorité judiciaire »


11. La formule employée par le Conseil constitutionnel pourrait laisser penser qu'il existerait des normes juridiques imposant
au législateur l'attribution de certains contentieux de la responsabilité au juge judiciaire. En réalité, seul l'article 66 de la
Constitution répond à cette définition, qui dispose que : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». En matière de
responsabilité, ce texte permet ainsi de conférer un fondement constitutionnel à des lois qui attribuent au juge judiciaire la
compétence pour indemniser des atteintes aux libertés individuelles commises par des personnes publiques.

12. Atteinte à la liberté individuelle. - Tel est le cas de l'article 136 du code de procédure pénale qui, dérogeant au principe de
séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16
fructidor an III (T. confl. 12 mai 1997, Ben Salem et Taznaret, req. n o 03056 ), dispose que dans les cas d'inobservation des
formalités prescrites pour les mandats de comparution, d'amener, de dépôt, d'arrêt et de recherche susceptible de donner lieu
à des sanctions disciplinaires contre le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention ou le procureur de la
République et dans les cas de toute violation des mesures protectrices de la liberté individuelle prescrites par les articles 56,
57, 59, 96, 97, 138 et 139 du même code ainsi que dans tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut
jamais être élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents et
il en est de même dans toute instance civile fondée sur des faits constitutifs d'une atteinte à la liberté individuelle ou à
l'inviolabilité du domicile prévue par les articles 432-4 à 432-6 et 432-8 du code pénal, qu'elle soit dirigée contre la collectivité
publique ou contre ses agents.

13. Atteinte au droit de propriété. - La Constitution ne mentionne pas formellement le droit de propriété parmi les matières
relevant « par nature » du juge judiciaire. Mais le Conseil constitutionnel avait dès sa décision du 17 juillet 1985, affirmé
« l'importance du rôle des tribunaux judiciaires en matière de protection de la propriété » (Décis. Cons. const. n o 85-189 DC,
Aménagement foncier, Rec. Cons. const., p. 49, AIJC 1985. 430, note Genevois). Par la suite, dans la décision du 13 décembre
1985, il précise qu'« aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose que, en l'absence de dépossession, l'indemnisation
des préjudices causés par les travaux relève de la compétence du juge judiciaire » (Décis. Cons. const. n o 85-198 du 13 déc.
1985, Amendement Tour Eiffel, Rec. Cons. const., p. 78, AJDA 1986. 171, note Boulouis, JCP 1986. I. 3237, note Dufau). C'est
avec la décision du 25 juillet 1989 que le Conseil constitutionnel érige en principe fondamental reconnu par les lois de la
République la compétence du juge judiciaire pour fixer le montant de l'indemnité, en cas de dépossession d'une propriété
immobilière. Seule fait l'objet d'une garantie constitutionnelle la compétence du juge judiciaire dans le contentieux de
l'indemnité en cas de dépossession d'une propriété immobilière (Décis. Cons. const. n o 89-256 DC, 25 juill. 1989, TGV Nord,
Rec. Cons. const., p. 53, RFDA 1989. 1009, note Bon, CJEG 1990. 1, note Genevois ; sur ces questions, M. VERPEAUX, Le droit
de propriété dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, permanence et actualité, CJEG 1999. 411).

Actualité
13. Compétence du juge judiciaire en matière de responsabilité publique. « Une matière réservée par nature à l'autorité judiciaire ».
Préjudices nés de la consignation de l'indemnité de dépossession : compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est compétent pour
connaître des litiges portant sur un préjudice né de la consignation de l'indemnité de dépossession (T. confl. 30 juin 2008, req.
n o 3635 , Cne de Villepinte c/ Banque populaire Rives de Paris, AJDA 2008. 1360, obs. Brondel ).
Art. 2 - Nécessités d'une « bonne administration de la justice »
1 4 . Le second fondement possible de la compétence judiciaire, au regard de la décision du Conseil constitutionnel du
23 janvier 1987, réside dans les nécessités d'une « bonne administration de la justice ». Une telle formule laisse au
législateur un pouvoir d'appréciation très large quand il choisit de déroger au principe traditionnel de la compétence du juge
administratif en matière de responsabilité publique. La création d'un bloc de compétence répond le plus souvent à un souci
d'unifier un contentieux partagé entre les deux ordres de juridiction.

1 5 . Dans le domaine de la responsabilité, eu égard au constat de l'évolution du rôle des personnes publiques dans le
domaine économique, les motifs de ce choix restent cependant souvent obscurs, procédant soit du souci d'améliorer ou
d'accélérer les conditions d'indemnisation des victimes, soit de l'influence d'un régime de réparation de droit privé (la
compétence judiciaire en matière d'accidents scolaires trouve son origine dans la rédaction ancienne de l'art. 1384, al. 4,
c. civ., qui présumait la responsabilité des instituteurs pour les dommages causés par les élèves placés sous leur
surveillance), soit encore de la volonté de poser un principe général de réparation des dommages causés par le
fonctionnement défectueux du service public de la justice ou par des activités liées à l'institution judiciaire.

16. Les fondements de l'intervention du législateur en faveur de régimes de responsabilité à compétence judiciaire sont donc
multiples, et font généralement l'objet de justifications peu explicites. Il reste que l'on peut constater une augmentation de la
fréquence des contentieux de la responsabilité publique devant le juge judiciaire.

Section 3 - Régimes de réparation et régimes d'indemnisation


1 7 . Le large pouvoir d'appréciation laissé au législateur dans l'établissement d'un régime de responsabilité à compétence
judiciaire apparaît surtout au regard des modalités d'organisation des régimes législatifs mis en place, qui se manifestent par
une très grande diversité, tant au plan du fondement de la responsabilité qu'à celui du droit applicable. S'il est vrai que la
plupart de ces régimes reposent sur le fondement de la responsabilité sans faute (dont la responsabilité de l'État pour les
dommages causés par l'armée en temps de paix, exclue de la présente étude), qu'il s'agisse du risque ou de l'égalité devant
les charges publiques, ce n'est pas toujours vrai et quelques textes conservent le fondement de la faute, dont la loi du 5 avril
1937 (non présentée dans la présente étude) qui met en place un régime de responsabilité de l'État, substituée à celle des
membres de l'enseignement public, pour faute prouvée de ceux-ci, ou le fondement de la présomption de faute. De même, la
compétence judiciaire ne permet pas de préjuger du droit applicable. S'il est vrai que cette compétence impose généralement
la mise en oeuvre du droit commun issu du code civil et de la procédure civile, le législateur a cependant développé un certain
nombre de statuts dérogatoires. Tel est le cas des systèmes qui garantissent la réparation intégrale du préjudice par le
recours à l'assurance en complément d'un régime d'indemnisation (par ex., dommages matériels causés par les actes de
terrorisme ou responsabilité des promoteurs de recherches médicales) ou à un fonds de garantie.

18. Indépendamment des régimes fondés sur la responsabilité, la mise en place de régimes d'indemnisation repose sur la
volonté législative de manifester la solidarité nationale due aux victimes, comme en matière d'épidémie ou d'attentat
terroriste. L'indemnisation est donc organisée par une législation d'assistance née d'un sentiment d'indignation devant
l'étendue et la gravité des dommages subis, et d'une pression de l'opinion publique en faveur de leur réparation. Les « fonds
de garantie » ou « fonds d'indemnisation » mis en place par ces systèmes législatifs ont pour mission d'assurer
l'indemnisation des victimes dans tous les cas, y compris en l'absence totale de responsable assuré.

1 9 . La multiplication des fonds d'indemnisation, appelés aussi parfois « fonds de garantie », a ainsi conduit à une notion
d'indemnisation désormais totalement détachée de la notion même de responsabilité, reposant sur une nécessaire répartition
de la charge financière d'un dommage assumée par la collectivité. Il pourrait dès lors apparaître plus juste d'opérer une
distinction entre les régimes législatifs de réparation qui se rattachent à une activité publique identifiable, et donc aux
schémas traditionnels de la responsabilité et les régimes législatifs d'indemnisation, entièrement détachés de toute activité
publique identifiable et fondés sur l'idée de garantie sociale, et donc indépendants de l'idée même de responsabilité.

Titre 1 - Régimes d'indemnisation fondés sur la responsabilité


20. Observation liminaire : cas des Postes et télécommunications. - Mis en place à l'époque révolutionnaire (L. 26 août 1790,
décr. 17 août 1791, décr. 24-30 juill. 1793, L. 5 nivôse an V), confirmé par le code des postes de 1952, et refondu dix ans plus
tard (Décr. n o 62-273 du 12 mars 1962, D. 1962. 94), le régime de responsabilité en matière postale avait attribué
compétence au juge judiciaire pour la réparation des dommages liés à l'envoi de lettres et objets recommandés, d'objets
chargés avec valeur déclarée, de colis postaux de service intérieur, ainsi que pour le contentieux du recouvrement des taxes
postales et téléphoniques. L'interprétation stricte de cette attribution de compétence avait abouti à reconnaître la
compétence du juge administratif pour tous les litiges que le législateur n'attribuait pas expressément au juge judiciaire, et
qui relevaient donc du droit commun de l'exécution du service public (par ex. : CE, sect., 18 avr. 1958, Min. Algérie c/ Herzeg,
Lebon 217). Tel était le cas notamment des litiges liés à la correspondance ordinaire, aux services financiers ou encore à
l'exécution d'un contrat liant l'usager au service. En outre, le célèbre arrêt Ursot rendu par le Tribunal des conflits en 1968
avait attribué à l'ordre administratif la compétence en matière de litiges relatifs au contrat d'abonnement téléphonique au
motif que les services dépendant de l'administration des PTT présentaient le caractère de services publics administratifs
(T. confl. 24 juin 1968, Ursot, Lebon 798, D. 1969. 416, note du Bois de Gaudusson, JCP 1968. II. 15646, concl. Gégout, note
Dufau).

21. L'ouverture à la concurrence des services des Postes et télécommunications s'est traduite par la loi du 2 juillet 1990, qui a
mis fin au statut d'administration d'État attribué à ces services et a créé deux « exploitants publics » sous le nom de « La
Poste », prestataire du service universel postal et doté d'un statut d'EPIC, et de « France Télécom », devenu, avec la loi
n o 96-659 du 26 juillet 1996 (JO 27 juill.), société anonyme à participation majoritaire de l'État, soumise, pour l'essentiel, à
une gestion privée (H. MAISL, La nouvelle réglementation des télécommunications, AJDA 1996. 762 ). Ces transformations
statutaires ont eu pour effet de conférer au juge judiciaire une compétence de droit commun dans le domaine des Postes et
des télécommunications, l'article 25 de la loi du 2 juillet 1990 précisant que les litiges qui opposent ces services à leurs
usagers et fournisseurs, et aux tiers « sont portés devant les juridictions judiciaires », à l'exception de ceux qui relèvent « par
nature » de la juridiction administrative, tels que les contentieux relatifs à l'organisation du service ou aux décisions exprimant
l'exercice de prérogatives de puissance publique, ou encore aux dommages de travaux publics, à la condition qu'ils ne soient
pas causés aux usagers (T. confl. 22 nov. 1993, Matisse, Lebon 410, CJEG 1994. 599, concl. Abraham) ainsi que les recours
dirigés contre les décisions de sanction prises par l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes
(CPCE, art. L. 5-3). Les articles L. 7 à L. 9 du code des postes et des communications électroniques soumettent expressément
aux dispositions du code civil le régime de responsabilité applicable aux services postaux. C'est ainsi que le juge judiciaire est
compétent pour réparer les dommages causés par des erreurs d'acheminement de la correspondance (Paris, 12 oct. 1994, Sté
Slifa c, D. 1995. IR. 40 ; Civ. 1 re, 12 avr. 2005, n o 02-21.223 , Bull. civ. I, n o 184) ou en matière de prestations de
télécommunications (Civ. 1 re, 21 févr. 2006, n o 04-14.919 , Bull. civ. I, n o 87) et pour connaître des décisions prises par
l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application des articles L. 5-4 et L. 5-5 et L. 36-8,
alinéas I et II (CPCE, art. L. 5-6 et L. 36-8, al. III ; Décis. n o 96-378 DC du 23 juill. 1996 concernant la loi de réglementation
des télécommunications). À cet égard, on peut noter que la Cour de cassation retient que la faute lourde, assimilée au dol,
tient en échec l'exonération de responsabilité prévue par l'article L. 13 du code des postes et télécommunications qui exonère
la Poste de toute responsabilité en cas de retard dans la distribution (Cass., ass. plén., 30 juin 1998, Bull. ass. plén., n o 2,
RTD civ. 1999. 119, obs. P. Jourdain ).

Actualité
21. Transformation du statut de La Poste. - La loi n o 2010-123 du 9 février 2010 (JO 10 févr.) transforme la personne morale de
droit public La Poste en société anonyme à compter du 1 er mars 2010. Le capital de la société est détenu par l'État,
actionnaire majoritaire, par d'autres personnes morales de droit public et par les personnels. Le caractère de service public
national de La Poste est rappelé. Les agents de La Poste, qui sont fonctionnaires, conservent leur statut de fonctionnaires de
l'État.
Chapitre 1 - Responsabilité publique en matière fiscale
Bibliographie. - C.-J. BERR et H. TREMEAU, Le droit douanier, 5 e éd., 2001, Economica. - B. CASTAGNEDE, La répartition des
compétences juridictionnelles en matière fiscale, 1972, thèse, Paris I.

Bibliographie. - J.-L. ALBERT, La Cour de cassation et l'impôt de solidarité sur la fortune : conséquences et inconséquence,
D. 2005. 1659 . - C.-J. BERR, Dualité de juridictions et unité du droit douanier, RFDA 1990. 842 . - M. CHRETIEN, Réflexions
sur la dualité juridictionnelle en matière fiscale, Mélanges Waline, 1974, LGDJ. - V. HAÏM, Les labyrinthes du contentieux du
recouvrement, D. 1995. Chron. 150 . - D. JEAN-PIERRE et F. MELIN-SOUCRAMANIEN, La responsabilité de la puissance
publique en matière fiscale, RFFP 1995, n o 5, p. 181. - J. LAMARQUE, Le juge judiciaire de l'impôt et le principe de la séparation
des pouvoirs, in Clés pour le siècle, 2000, éd. Dalloz-Paris II, p. 521. - LIEBERT-CHAMPAGNE, La responsabilité des services
fiscaux, RJF 1988, n o 2, chron. 83. - J. MOREAU, Responsabilité du fait des services financiers et fiscaux, J.-Cl. Adm., fasc. 882. -
T. TROTTIER, La responsabilité de la puissance publique en matière fiscale, Dr. fisc. 1994, n o 27, p. 1088, et n o 28, p. 1135.

Section 1 - Historique
2 2 . Le pouvoir régalien de lever l'impôt, directement rattaché à la souveraineté de l'État, constitue, par excellence, une
prérogative de puissance publique. En cette matière, le contentieux de la responsabilité n'est cependant pas attribué
exclusivement au juge administratif. Le juge judiciaire intervient au contraire largement, en vertu d'une tradition remontant à
l'époque révolutionnaire. La loi des 7-11 septembre 1790 (art. 2) attribuait déjà aux juges de districts le contentieux des
contributions indirectes, compétence élargie ensuite à l'enregistrement (L. 22 frimaire an VII, art. 65) et à l'octroi (L. 2
vendémiaire an VII). En matière douanière, la compétence judiciaire était également affirmée pour le contentieux des
contraventions aux droits de douane dès la loi des 6-22 août 1791, puis étendue ensuite à l'ensemble des contestations
relatives aux droits de douane, avec la loi du 14 fructidor an III. Dès cette époque, se trouve donc organisé un partage des
compétences qui n'a guère été remis en cause, attribuant au juge judiciaire le contentieux des impôts indirects, et au juge
administratif le contentieux des impôts directs.

Section 2 - Partage des compétences


23. Textes. - Les dispositions anciennes confirmées par la loi du 6 août 1905 (DP 1905. 4. 35) sont aujourd'hui codifiées dans
les articles L. 199, alinéa 2 et L. 281 du livre des procédures fiscales, ainsi que dans le code des douanes. 1) Aux termes de
l'article L. 199, alinéa 2, du livre des procédures fiscales : « En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité
foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal
compétent est le tribunal de grande instance (L. n o 96-1181 du 30 déc. 1996 [D. 1997. 70], art. 112-1). Les tribunaux de
grande instance statuent en premier ressort » (cette dernière disposition s'applique aux jugements rendus après le 1 er mars
1998). 2) Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : « Les contestations relatives au recouvrement des
impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents […]
doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Ces contestations ne peuvent
porter que :

- soit sur la régularité en la forme de l'acte ;

- soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité
de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours portés
contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de
l'exécution, dans le second cas devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 » (LPF, art. L. 281). 3) Aux termes
de l'article 357 bis du code des douanes : « Les tribunaux d'instance connaissent des contestations concernant le paiement,
la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres
affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives ».

2 4 . Le partage de compétences ainsi organisé est source d'incertitudes dans le domaine particulier du contentieux de la
responsabilité. S'il est acquis que le juge fiscal, « juge de l'impôt » est tantôt le juge administratif (impôts directs, bénéfices de
guerre, profits illicites, TVA), tantôt le juge judiciaire (douanes, domaines, enregistrement, contributions indirectes), la
distinction entre « juge fiscal » et juge de fond est quelquefois délicate. Le contentieux de la responsabilité se trouve ainsi
partagé entre le juge de l'impôt, administratif ou judiciaire, et le juge de droit commun de la responsabilité des services
publics administratifs, c'est-à-dire la juridiction administrative (V. J. MOREAU, Responsabilité du fait des services financiers et
fiscaux, J.-Cl. Adm., fasc. 882). La compétence judiciaire en matière de responsabilité fiscale est fondée selon des critères qui
reposent à la fois sur la créance qui est contestée et sur l'origine du fait dommageable, c'est-à-dire l'activité fiscale en cause,
assiette ou recouvrement.

Art. 1 - Compétence judiciaireà raison de la créance


§ 1 - Impôts indirects
25. La compétence du juge judiciaire en matière d'impôts indirects, à l'exception notable de la taxe sur la valeur ajoutée,
recouvre à la fois le contentieux de la légalité de l'impôt et celui des dommages qui peuvent en résulter. L'article L. 199, alinéa
2, procède par voie d'énumération et attribue au juge judiciaire le contentieux des « droits d'enregistrement, de la taxe de
publicité foncière, des droits de timbre, des contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou
contributions », ce qui inclut des prélèvements comme la taxe de séjour ou la taxe différentielle sur les véhicules à moteur. En
recourant ainsi à une typologie, dont il ne précise pas qu'elle est exhaustive, le législateur laisse au juge toute latitude pour
étendre le champ de sa compétence en procédant à des assimilations qui induisent une compétence pour le contentieux de la
responsabilité y afférent.

26. Ainsi, ont été assimilés à des contributions indirectes :

- la taxe sur l'électricité qui est assise sur la part du montant de la facture d'électricité variant avec la consommation (CE,
sect., 24 févr. 1978, Sté Sogeparc du Sud-Ouest, Lebon 102, CJEG 1978. 171, concl. Lobry, p. 140 ; 14 déc. 1983, Cne de
Brionne, Dr. fisc. 1982. Comm. 1608) ;

- les « droits de place perçus dans les halles, foires et marchés d'après les tarifs dûment établis », redevances prévues à
l'article L. 2331-3 (b-6 o) du CGCT (Civ. 1 re, 6 oct. 1953, D. 1954. 40 ; CE 13 mai 1959, Sportes, Lebon T 945 ; Com. 11 nov.
1987, Bull. civ. IV, n o 240). Seul le juge judiciaire est donc compétent pour connaître du recours formé contre l'état exécutoire
émis par le maire pour le recouvrement de ces droits (CE 26 mars 1990, Comptoir lyonnais des viandes, req. n o 72481 ,
Le b o n T 614, D. 1991. 141, obs. Llorens et Soler-Couteaux ; T. confl. 10 avr. 1995, Cts Augute-Géraud et autres,
Lebon 494) ;

- la taxe de stockage prélevée au profit de l'Office national interprofessionnel des céréales (CE 8 août 1990, Sté Piéto
Aliments, req. n o 97821 , RJF 1990. 791) ;

- les droits perçus à l'occasion de certains travaux ou de l'occupation temporaire du domaine public (Req. 3 déc. 1946,
S. 1947. 1. 71 ; Civ. 2 e, 23 janv. 1950, Bull. civ. II, n o 30 ; 2 juill. 1952, ibid. II, n o 260) ;

- les redevances perçues pour l'installation d'un réseau de canalisations d'eau et de gaz (Civ. 13 janv. 1947, JCP 1947.
I. 3914, note J.-L., S. 1947. 1. 74, D. 1947. 270) ;

- la taxe sur les emplacements publicitaires fixes (T. confl. 23 juin 2003, Montaignac, Le b o n T 833) ; en revanche, les
redevances pour occupation ou utilisation du domaine public relèvent « quelles que soient les modalités de leur fixation » de
la juridiction administrative (CGPPP, art. L. 2331-1, 2 o) ;

- la taxe de séjour.

Actualité
26. Litiges relatifs aux paiements des droits de place de marché. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est seul compétent
pour statuer sur les litiges relatifs aux titres exécutoires et commandements de payer émis par un maire en vue du
recouvrement du produit des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés, y compris par un occupant sans titre
(CE 24 juin 2013, SARL Eldorado c/ Cne d'Alès, req. n o 348207 , AJDA 2013. 1306, obs. Khalid ).
Contentieux des droits de place. Compétence judiciaire. - L'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et
de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux
tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de
ces taxes indirectes. Il revient à la seule autorité judiciaire, lorsqu'elle est saisie par une commune ou son fermier d'un litige
relatif à l'exécution du contrat qui les lie, d'apprécier si elle doit écarter le contrat et renoncer à régler le litige sur le terrain
contractuel, eu égard à l'irrégularité constatée. Il s'ensuit que le juge judiciaire reste compétent pour connaître d'une
demande indemnitaire formée contre la commune par le fermier après l'annulation du contrat, alors même que cette demande
ne peut plus être formée sur un fondement contractuel (T. confl. 19 mai 2014, Cne du Raincy, req. n o 3938 , Le bo n ;
AJDA 2014. 1062, obs. Pastor ).

27. Ont été assimilés aux droits d'enregistrement :

- le droit de bail perçu sur le prix des loyers, expressément qualifié de droit d'enregistrement par les articles 736 et 741-1-1 o
du code général des impôts. La demande en décharge de cette imposition doit donc logiquement être présentée devant le
juge judiciaire (T. confl. 27 févr. 1995, Nuza, RJF 1995, n o 685, Dr. fisc. 1995. Comm. 1431) ;

- l'impôt de solidarité sur la fortune dès lors qu'il est recouvré selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès.
Son contentieux relève en conséquence de la compétence judiciaire quant à la procédure même d'établissement et de
recouvrement de cet impôt (CE 13 oct. 1986, M. Vergne, RJF 1986. 690 ; CAA Paris, 11 mai 2000, M. Mocchi, inédit).

28. Ont été assimilés à des droits de timbre :

- la taxe sur les véhicules des sociétés (CE 10 nov. 1989, Sté Le George VI, Dr. fisc. 1990. Comm. 753 ; 2 mai 1990, RJF
1990. 447 ; CE 27 févr. 1991, Sté Marseille Assainissement, req. n o 73995 , RJF 1991, n o 500, p. 294).

Le Tribunal des conflits a précisé que « lorsque les caractères propres d'un prélèvement ne permettent pas de le ranger parmi
les contributions indirectes, non plus d'ailleurs que parmi les impôts directs…, le contentieux en était, dès lors, compris parmi
le contentieux général des actes et opérations de puissance publique et relevait, à ce titre, de la juridiction administrative
(T. confl. 10 juill. 1956, Sté Bourgogne Bois, AJDA 1956. II. 458, note R. Drago). C'est le cas de la taxe sur les exploitants
d'ouvrages de prise d'eau, versée à l'établissement public « Voies navigables de France » et « directement liée à l'occupation
du domaine public », dont le contentieux relève de la juridiction administrative (T. confl. 26 mai 2003, Assoc. syndicale
autorisée pour l'irrigation et la défense des eaux, Bull. T. confl., n o 15). Il en va de même de la contribution en faveur du
service universel des télécommunications (CE 18 juin 2003, Sté Tiscali Télécom, L e b o n 255, AJDA 2003. 1888, note
N. Foulquier ), des contributions réclamées au titre du financement du fonds du service public de la production d'électricité
(CE 13 mars 2006, Sté Eurodif, AJDA 2006. 1238 ).

§ 2 - Droits de douane
2 9 . Principes généraux. - Depuis la première codification intervenue en matière douanière avec la loi des 6-22 août 1791,
l'exclusivité de la compétence judiciaire en ce domaine n'a jamais été remise en cause. De nombreux articles du code des
douanes attribuent formellement compétence, soit aux juridictions répressives, soit aux juridictions civiles (en particulier,
art. 60 à 67, 252, 323 et s., 401 à 403, etc.), étant ajouté que les articles 401 à 403 sont consacrés à la responsabilité de
l'administration, le premier de ces textes énonçant expressément que « l'administration des douanes est responsable du fait
de ses employés, dans l'exercice et pour raison de leurs fonctions seulement, sauf son recours contre eux ou leurs cautions ».
Le texte de référence reste l'article 357 bis : « Les tribunaux d'instance connaissent des contestations concernant le paiement
ou le remboursement des droits, des oppositions à contrainte et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la
compétence des juridictions répressives ». De cette formulation on pourrait déduire que l'ensemble du contentieux des
douanes relève du juge judiciaire. En dépit de la clarté de cette formulation on constate cependant que le Tribunal des
conflits, comme le Conseil d'État, ont élaboré une jurisprudence qui réserve une compétence résiduelle à la juridiction
administrative.

30. Compétence administrative. - Dès 1925, le Conseil d'État avait ainsi reconnu sa compétence en matière de responsabilité
douanière, dès lors que l'origine du litige était étrangère aux opérations de détermination d'assiette et de liquidation des
droits de douane. Tel était le cas notamment lorsque le service des douanes avait détérioré ou perdu un objet (CE 19 juin
1925, Seligman, Lebon 592 ; 4 janv. 1928, Noël et Guignies, Lebon 7). Toute activité détachable du contrôle douanier
échappait donc à la compétence judiciaire pour entrer dans celle du juge administratif, juge naturel du mauvais
fonctionnement du service public administratif.

31. Ce critère de répartition de compétence conserve son actualité avec une jurisprudence plus récente qui considère que si
« les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître de toutes les contestations concernant l'assiette et le
recouvrement des droits de douane une telle attribution de compétence ne s'étend pas à celles des activités du service des
douanes qui ne concernent pas la détermination des droits ou qui ne sont pas détachables de ladite détermination ».
Demeurent donc de la compétence administrative le contentieux de la responsabilité lié à une demande de mainlevée de lots
de vins importés placés sous le contrôle du service des douanes pendant l'analyse d'échantillons (T. confl. 24 avr. 1978, SARL
Jean de Saint-Laurent, Lebon 648), au contrôle sanitaire des végétaux à l'exportation (T. confl. 2 juill. 1979, Sté Les cafés
Jacques Vabre c/ Directeur général des douanes et des droits indirects, Lebon T 567), ou encore à la contestation du refus
d'admission en franchise (TA Paris, 2 févr. 1987, INSERM, Lebon 463). D'une manière générale, le juge administratif s'estime
également compétent pour indemniser le préjudice lié à un vol de documents dans un bureau des douanes (CE 11 juill. 1979,
Min. Économie et finances c/ Sté méditerranéenne de transit, Lebon 315) ou à un retard excessif dans les opérations de
dédouanement (CAA Nantes, 20 juin 1991, SA Duault, req. n os 89NT00413, 90NT00178 et 90NT00181, Lebon T 1188 ; TA
Dijon, 15 avr. 1986, Sté vinicole Bérard, Lebon 311 ; TA Nancy, 7 févr. 1989, Sté vins de la Craffe, JCP 1990. IV. 159).

32. Compétence judiciaire. - En revanche, relèvent de la compétence judiciaire toutes les contestations non détachables de
l'assiette et du recouvrement des droits de douane ou assimilés (telle la redevance des ports de plaisance : T. confl. 26 avr.
2004, Mme Calla c/ Direction des douanes et droits indirects de Toulon, Bull. 2004, T. confl. n o 13, p. 19), y compris les actions
en responsabilité y afférentes (T. confl. 1 er juill. 2002, Sté Pinault Bretagne et Cie c/ État, Le bo n 546 ; « Il résulte de
l'article 357 bis du code des douanes que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître de toutes les
contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane et, en particulier, des contestations relatives à la
validité des actes accomplis par les agents de l'administration des douanes à l'occasion de l'assiette et de la perception de
ces droits à l'exception de celles qui se rapportent aux activités du service des douanes qui ne concernent pas la
détermination des droits de douane ou qui sont détachables de cette détermination ; il n'appartient qu'aux juridictions de
l'ordre judiciaire de déterminer si le recouvrement par le service des douanes, au titre des années visées par la requête, de la
taxe sur les produits des exploitations forestières assise sur ses importations, instituée par le 2 o du II de l'article 1613 du
code général des impôts est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard de la société requérante »). C'est ainsi
que la compétence judiciaire s'impose, conformément au droit commun, lorsque la faute commise par un agent des douanes
n'est pas détachable des opérations d'assiette et de recouvrement. Tel est le cas de l'indemnisation du préjudice causé par la
faute d'un comptable qui réclamait au requérant l'exécution d'une transaction pour laquelle il s'était déjà libéré (Civ. 2 e,
10 juill. 1956, Bull. civ. II, n o 208). Pareillement, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une demande fondée sur
l'article 401 du code des douanes et tendant à la réparation des conséquences dommageables d'une saisie, à la suite de
l'annulation de la procédure douanière et de la relaxe du dirigeant social initialement poursuivi pour une infraction douanière
(Com. 11 oct. 2005, n o 03-20.307 , Bull. civ. IV, n o 207). De même, le Tribunal des conflits a énoncé : « Il n'appartient qu'aux
tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des litiges résultant de la détérioration ou de la disparition des matériels saisis en
douane » (T. confl. 27 févr. 1995, Oronoz et Saint-Martin, Lebon 491).

3 3 . L'action en remboursement est également considérée comme non détachable des opérations d'assiette et de
recouvrement. Le juge estime en effet qu'elle est liée à une mauvaise perception du droit de douane (T. confl. 27 oct. 1931,
Sté Pannier c/ Protectorat du Tonkin, Lebon 1173 ; CE 27 avr. 1981, SA Les Fils de Jules Bianco c/ Administration des douanes,
Lebon 504). Ainsi, le Tribunal des conflits a considéré que la compétence judiciaire s'étend à la demande de dommages-
intérêts qui accompagne éventuellement l'action en remboursement (T. confl. 26 oct. 1987, Commissaire de la République de
la région Île-de-France c/ SA Onno, Lebon 453). La Cour de cassation a adopté cette jurisprudence en retenant la compétence
judiciaire pour connaître de la demande formée par une société importatrice en restitution des sommes acquittées par elle
auprès de l'administration des Douanes et des droits indirects au titre de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle et en
réparation du préjudice subi du fait de la perception des taxes indues ou du coût des contrôles et des formalités
administratives liés à cette perception, non détachable des opérations de recouvrement de l'octroi de mer et de la taxe
additionnelle (Com. 22 févr. 2005, n o 03-14.596 ).

Art. 2 - Compétence judiciaire à raison du fait dommageable


34. Le juge judiciaire est en principe compétent pour le contentieux des contributions indirectes, aux termes de l'article L. 199
du livre des procédures fiscales, sauf celui concernant la TVA. Mais en matière de responsabilité, cette compétence judiciaire
ne s'impose que lorsque la faute n'est pas détachable des opérations d'assiette ou de recouvrement. En cas de détachabilité,
le juge administratif retrouve sa plénitude de compétence comme juge de la responsabilité des services publics administratifs
(T. confl. 16 mars 1998, Freymuth, Le bo n 536, s'agissant du refus de laisser entrer sur le territoire français certaines
marchandises en application du code des douanes). Le juge judiciaire et le juge administratif ont donc des compétences
concurrentes en matière de responsabilité du fait de l'activité des services de l'assiette et du recouvrement. Cette
concurrence est évidemment source d'incertitudes dans la détermination du juge compétent, d'autant plus que l'étendue de la
compétence judiciaire est différente selon que le dommage se rattache aux opérations d'assiette ou de recouvrement.

§ 1 - Assiette
35. Jusqu'en 1955, la jurisprudence attribuait systématiquement compétence au juge administratif pour toutes les actions
fondées sur la faute des services d'assiette (Cass. civ. 30 déc. 1873, DP 1874. 1. 379 ; T. confl. 29 mai 1875, Ramel, DP
1876. 3. 45 ; CE 14 déc. 1906, Currie, S. 1909. 3. 44). Mais avec sa décision Laurent-Atthalin du 4 mai 1955, le Conseil d'État
pose le principe d'un bloc de compétence : chaque ordre juridictionnel reste compétent pour statuer sur les actions en
responsabilité liées aux impôts dont il est juge de l'assiette (Lebon 235 ; dans le même sens : CE 16 nov. 1956, Nesty,
Lebon 438 ; 8 nov. 1957, Amiel, Lebon 592, AJDA 1957. 447, concl. Gazier, chron. Fournier et Braibant).

36. Cette théorie des « blocs de compétence » est aujourd'hui abandonnée au profit d'un critère répartiteur de compétence
plus subtil. Mais le principe demeure selon lequel le juge de l'impôt est également juge de la responsabilité (V. concl.
FOUQUET, sous CE 6 janv. 1986, Dr. fisc. 1986, n o 15, comm. 801). La compétence judiciaire va donc s'appliquer si le préjudice
du requérant se rattache de manière suffisamment directe à un impôt irrégulièrement établi. Mais lorsque la faute dont se
prévaut le demandeur apparaît détachable de l'opération d'assiette, le juge administratif retrouve la plénitude de sa
compétence (Com. 30 janv. 1996, Bull. civ. IV, n o 31). Ainsi, le Conseil d'État s'est-il considéré compétent pour connaître d'une
demande en indemnité fondée sur la faute d'un agent de l'enregistrement qui s'était immiscé dans un différend d'ordre privé
en fournissant à l'une des parties un document de complaisance (CE 21 déc. 1962, Dame Husson-Chiffre, Lebon 701,
D. 1963. 588, note Lemasurier ; dans le même sens, CAA Lyon, 28 oct. 1993, Tramier, RJF 1994, n o 2, p. 117). N'est en
revanche pas détachable et demeure donc de la compétence du juge judiciaire la faute commise par le service de
l'enregistrement qui a omis de statuer sur une demande de prorogation du délai de quatre ans pour construire prévu par
l'article 691 du code général des impôts (CE 6 janv. 1986, M. Bal, Dr. fisc. 1986, n o 15, comm. 801, concl. Fouquet) ou qui a
refusé d'accorder une telle prorogation (T. confl. 28 avr. 1980, SCI Domaine de Ternay, Lebon 508, Dr. fisc. 1980. Comm. 2092,
RJF 1980. 537 ; CE 4 févr. 1985, M. Beaujean, Dr. fisc. 1985. Comm. 999, RJF 1985. 340). Le juge judiciaire est également
compétent pour connaître de la faute commise par le receveur de l'enregistrement qui a refusé de faire bénéficier un
redevable d'une exemption de droits à laquelle il pouvait prétendre (T. confl. 6 juill. 1981, Allar, Lebon T 652) ou dans
l'exercice de son droit de préemption (Com. 20 mars 1990, M. Houssin, Dr. fisc. 1990, n os 20-21, comm. 1036). Il en est de
même pour les recours dirigés contre le refus du conservateur des hypothèques d'établir des fiches personnelles de propriété
qui ne peuvent être portés que devant le juge judiciaire. Ce dernier est encore compétent pour réparer le préjudice éventuel
résultant de ce refus (CE 1 er juill. 1987, M. Le Bihan, RJF 1987. 534).

Actualité
3 6 . Responsabilité publique en matière fiscale. Partage des compétences. Compétence judiciaire à raison du fait dommageable.
Assiette. Conservateur des hypothèques. Suppression. - L'ordonnance n o 2010-638 du 10 juin 2010 (JO 11 juin) met fin, à
compter du 1 er janvier 2013, au régime des conservateurs des hypothèques. La publicité foncière continuera d'être exercée
dans le cadre de services déconcentrés du ministère de l'Économie et des Finances, mais à compter du 1 er janvier 2013 une
taxe au profit de l'État due par les usagers du service de la publicité foncière remplace le prélèvement perçu par le
conservateur des hypothèques. La réforme est sans effet direct sur les usagers du service public de la publicité foncière. Elle
ne modifie pas le rôle des conservations des hypothèques ayant pour objet de sécuriser juridiquement les transactions
immobilières et le crédit hypothécaire. Les actions en justice des usagers à raison des fautes éventuellement commises dans
l'exécution de la mission continueront à relever des juridictions judiciaires.
37. En matière d'impôts indirects, le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur une demande d'indemnité fondée sur
la faute de l'administration qui a refusé de renouveler une licence de marchand en gros de rhum (CE 16 nov. 1956, Nesty,
Lebon 437) ou de délivrer les titres de mouvement nécessaires pour prendre une livraison de vins (CE 8 nov. 1957, Amiel,
Lebon 592, AJDA 1957. 447, concl. Gazier). Il est également compétent pour apprécier la faute commise dans la rédaction d'un
procès-verbal qui a servi de base à des poursuites pénales (T. confl. 5 juin 1972, Sté Falandry, Lebon 948).

3 8 . Le juge judiciaire de l'impôt n'est pas tenu de poser une question préjudicielle au juge administratif lorsqu'il faut se
prononcer sur la légalité ou l'interprétation des actes réglementaires fondant l'imposition contestée (T. confl. 7 déc. 1998,
District urbain de l'agglomération rennaise c/ Sté automobiles Citroën, Lebon 550, D. 1999, 179, concl. J. Sainte-Rose ).

§ 2 - Recouvrement
39. Le contentieux du recouvrement a toujours fait l'objet d'un partage de compétence particulièrement complexe. Depuis un
arrêt rendu le 22 février 1960, le Tribunal des conflits, se fondant sur les dispositions du code général des impôts aujourd'hui
reprises à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, selon lequel « les recours contre les décisions prises par
l'administration sur les contestations [relatives, soit à la régularité en la forme de l'acte, soit à l'existence de l'obligation de
payer, au montant de la dette compte tenu des paiements effectués, à l'exigibilité de la somme réclamée, ou à tout autre
motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt], sont portés, dans le premier cas, devant le juge de
l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 », établit ainsi le partage des
compétences : 1) Lorsque la faute trouve son origine dans une décision abusive d'engager des poursuites, ou dans un choix
erroné de ces poursuites, la compétence est celle du juge de l'impôt ; 2) Lorsque la faute a été commise dans l'exécution des
poursuites, le juge judiciaire bénéficie alors d'une compétence exclusive, à la condition évidemment que l'acte litigieux ne soit
pas détachable de la procédure d'exécution (T. confl. 22 févr. 1960, Bernard, Lebon 861, AJDA 1960. 148, JCP 1961. II. 12093,
note Bénoit ; dans le même sens : T. confl. 5 juin 1972, Sté Méridionale Falandry et Chambaret et sieur Falandry, Lebon 948 ;
CE 30 mars 1960, Duval, Lebon 240 ; 8 févr. 1963, Thomas, Lebon T 845, AJDA 1963. 293, note Drago ; 26 mars 1982, Sté des
établissements Bienvenu, Lebon 134 ; 8 juin 1990, SARL Renucci distribution et Renucci, req. n o 69235 , Lebon T 979,
LPA 19 nov. 1990, p. 8, note Blancher).

4 0 . Au regard de la nature de l'impôt considéré, la jurisprudence Bernard conduit au partage suivant : 1) En matière de
contributions directes, le contentieux du recouvrement doit être porté devant les tribunaux judiciaires lorsque « la
contestation porte sur la validité formelle de l'acte de poursuites, et devant le juge administratif lorsqu'elle vise l'existence
même de l'obligation, sa quotité ou son exigibilité » (T. confl. 17 juin 1991, Matijaca [compétence judiciaire pour une action
dirigée contre un avis à tiers détenteur], D. 1991. IR. 219 , Lebon 466). En conséquence, le juge administratif doit se
déclarer incompétent lorsqu'il est saisi d'un recours tendant à l'annulation des divers actes de poursuites (par ex. : CE
16 janv. 1985, Mme Giat, RJF 1985. 264 ; 10 avr. 1991, M. Merckle, req. n o 105591 , RJF 1991. 505), y compris les
commandements (CE 24 oct. 1980, M. Tahar ben Abbes, RJF 1980. 541 ; CAA Lyon, 23 oct. 1996, RJF 1997, n o 83, Dr. fisc.
1996. Comm. 1480), les avis à tiers détenteur (CE 27 juill. 1979, Dr. fisc. 1980. Comm. 2626, concl. Rivière, RJF 1979. 394), les
saisies mobilières (CE 1 er juin 1983, Mme Arnould, Dr. fisc. 1984. Comm. 631, RJF 1983. 485) ; 2) En matière de contributions
indirectes, le juge judiciaire est seul compétent pour connaître de l'action en indemnité.

41. Compétence administrative. - La juridiction administrative est ainsi compétente pour indemniser les dommages causés par :
1) l'émission prématurée d'un avis de mise en recouvrement d'un montant d'ailleurs excessif, suivi de l'envoi de reçus portant
des mentions erronées sur la date des paiements (CE 8 juin 1990, SARL Renucci distribution et Renucci, req. n o 69235 ,
Le bo n T 979, LPA 19 nov. 1990, p. 8, note Blancher, Dr. fisc. 1990, n os 32-38, comm. 1643, concl. Chahid-Nouraï) ; 2)
l'assignation par le directeur général des impôts d'une société en liquidation de biens, sur le fondement d'une créance
erronée (CE 26 mars 1982, SA des établissements Bienvenu, Lebon 134) ; 3) l'inscription abusive du privilège du Trésor au
greffe du tribunal de commerce accompagnée d'une mise en recouvrement prématurée de pénalités afférentes à la TVA (CE
24 févr. 1986, SARL Sengema, Dr. fisc., 1986, n o 42, comm. 1769, concl. Fouquet) ; 4) le recours à une procédure d'opposition
non prévue par le code général des impôts, en matière de droits d'enregistrement (CE 6 janv. 1986, M. Bal, Dr. fisc. 1986,
n o 15, comm. 801, concl. Fouquet) ; 5) le recours à des saisies-exécutions alors que les impositions en cause ne sont plus
exigibles (CE 27 juill. 1979, Dr. fisc. 1980, n o 51, comm. 2626, concl. Rivière).

42. Compétence judiciaire. - Relèvent en revanche de la compétence exclusive du juge judiciaire : 1) la faute liée à la décision
de maintenir les poursuites, malgré les offres faites par le contribuable (CE 26 mars 1982, préc.) ; 2) la faute commise par le
receveur-percepteur qui a signifié à parquet la sommation faite au contribuable d'assister à la vente de marchandises, alors
que l'adresse de l'intéressé lui était connue, puis en faisant procéder à la vente dans des conditions défavorables (T. confl.
22 févr. 1960, Bernard, préc. supra, n o 39) ; 3) la faute commise par le service du recouvrement lors d'une saisie mobilière
(CE 30 mars 1960, Duval, Lebon 240). Récemment, le Tribunal des conflits a eu l'occasion de préciser « qu'il résulte de l'article
3 5 7 bis du code des douanes que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître de toutes les
contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane et, en particulier, des contestations relatives à la
validité des actes accomplis par les agents de l'administration des douanes à l'occasion de l'assiette et de la perception de
ces droits, à l'exception de celles qui se rapportent aux activités du service des douanes qui ne concernent pas la
détermination des droits de douane ou qui sont détachables de cette détermination », pour en déduire « qu'il n'appartient
qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de déterminer si le recouvrement par le service des douanes de la taxe sur les produits
des exploitations forestières assise sur les opérations d'importation de bois [modifié en raison d'une incompatibilité avec les
règles communautaires] était de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard d'une société importatrice » (T. confl.
1 er juill. 2002, préc. supra, n o 32).

43. Pour autant, toutes les difficultés de répartition des compétences ne sont pas levées : (Com. 20 févr. 2007, n o 05-14.370
: le litige porté devant le juge de l'exécution et ayant pour objet l'annulation d'un commandement de payer présente à
juger une question de compétence qui soulève une difficulté sérieuse de nature à justifier le renvoi devant le Tribunal des
conflits, dès lors que, la procédure collective ayant été annulée et aucune juridiction n'étant plus saisie en ce qui concerne
cette procédure, il convient de savoir si la contestation par laquelle un contribuable critique un acte de poursuite délivré pour
le recouvrement d'un impôt direct, au motif que la créance fiscale n'est plus exigible en raison de la prescription de l'action en
recouvrement à défaut d'acte interruptif de celle-ci autre qu'une déclaration de créance à une procédure collective qui a été
annulée, relève, en application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, de la compétence du juge de l'exécution,
juge judiciaire, ou de celle du juge de l'impôt, qui, en matière d'impôt direct, est le juge administratif).

Section 3 - Régime de la responsabilité


Art. 1 - Fondement de la faute
§ 1 - Jurisprudence administrative
4 4 . Exigence d'une faute simple. - La responsabilité en matière fiscale et douanière repose sur la faute, que celle-ci soit
constatée lors de l'établissement de l'assiette de l'impôt ou lors de son recouvrement. Depuis le célèbre arrêt Bourgeois du
27 juillet 1990, le Conseil d'État a quelque peu assoupli une jurisprudence qui exigeait traditionnellement la faute lourde pour
engager la responsabilité publique en matière fiscale. Désormais, la faute lourde n'est plus exigée que lorsque le dommage
résulte d'une opération impliquant pour l'administration des difficultés particulières dans l'exercice de sa mission. Dans tous
les autres cas, la faute simple suffit désormais à engager la responsabilité de l'administration fiscale (CE, sect., 27 juill. 1990,
Bo urge o is , L e b o n 242, RFDA 1990. 899, concl. Chahid-Nouraï , AJDA 1991. 53, note Richer , D. 1991. 346, note
Debbasch ; dans le même sens : CAA Lyon, 11 juin 1991, Min. d'État, min. Économie, finances et budget c/ SA Financière
Bayard, req. n o 89LY01801, Lebon T 1187). Cette jurisprudence a pour effet essentiel de laisser aux juges du fond le soin
de ventiler, parmi les activités fiscales, celles qui présentent des difficultés spécifiques, qui demeurent du domaine de la faute
lourde, et celles « qui ne sont guère différentes de celles pratiquées dans les autres administrations, et qui ne présentent pas
de difficulté spécifique » et qui relèvent de ce fait du champ de la faute simple (CHAHID-NOURAÏ, concl. sur CE, sect., 27 juill.
1990, préc.).

§ 2 - Jurisprudence judiciaire
45. Distinction faute simple/faute lourde. - La jurisprudence judiciaire n'est guère éloignée des positions adoptées par le juge
administratif dans l'arrêt Bourgeois. C'est ainsi qu'elle exige traditionnellement une faute lourde pour engager la
responsabilité de l'État (Civ. 1 re, 1 er déc. 1987, Bull. civ. I, n o 321). La responsabilité de l'État sera engagée lorsque la faute
est le fruit d'une ignorance grossière des règles de droit, ignorance qui ne saurait être justifiée par une quelconque difficulté
de fait. Dans ce cas, la Cour de cassation reconnaît volontiers la responsabilité de l'administration en cas « d'erreur grossière
équipollente au dol » (Cass. civ. 18 nov. 1930, Rev. enr. et imp., 9447 ; Com. 28 mars 1960, Bull. civ. IV, n o 116 : « Dès lors
qu'ils constatent que des voies d'exécution fiscales ayant consisté en contraintes et saisies-arrêts, qui ont jeté le discrédit sur
une entreprise et contraint celle-ci à cesser son activité professionnelle, ont été motivées par des erreurs grossières de
l'administration, ayant agi sans preuves solides et sans les précautions qui s'imposent en la matière, les juges du fond
peuvent admettre que la régie a ainsi engagé sa responsabilité et causé un préjudice dont elle doit réparation », Rev. enr. et
imp., 13849). On peut relever que dans un arrêt du 20 mars 1990, la chambre commerciale de la Cour de cassation a
approuvé une cour d'appel qui, « sans avoir à rechercher si l'administration avait commis une faute lourde », avait retenu la
responsabilité de l'administration des impôts pour avoir exercé hors délai le droit de préemption dont elle dispose en vertu de
l'article L. 18 du livre des procédures fiscales, lorsqu'elle considère que le prix de vente d'un immeuble est insuffisant et avoir
ainsi manqué à la prudence nécessaire en ce domaine (Com. 20 mars 1990, Dr. fisc. 1990, n o 20-21, comm. 1036). Cette
solution jurisprudentielle apparaît très proche des principes dégagés par le Conseil d'État dans l'arrêt Bourgeois. En effet, elle
réduit en pratique le champ de la faute lourde aux seules hypothèses dans lesquelles l'administration a rencontré des
difficultés particulières dans l'exercice de sa mission.

4 6 . Faute lourde en matière de saisies et perquisitions fiscales. - En ce qui concerne les saisies et perquisitions fiscales,
l'essentiel du contentieux porte sur la légalité de ces opérations, et ne relève donc pas du plein contentieux. On doit observer
cependant qu'en cas de détournement de procédure, la responsabilité de l'État peut être engagée sur le fondement de la
faute lourde. Tel est le cas notamment lorsque, sous l'empire de l'article 1859 ancien du code général des impôts, les agents
du fisc invoquaient une fraude en matière de tabacs ou de distilleries clandestines dans le seul but d'être dispensés de
l'autorisation du président du tribunal de grande instance pour pénétrer dans le domicile de l'intéressé, le juge constatant
ensuite que l'activité de ce dernier « était totalement étrangère aux opérations sur les tabacs et les alcools » (TGI Paris,
18 nov. 1987, Dr. fisc. 1988, n o 26, comm. 1362 ; V. égal. : Cass., ch. mixte, 15 déc. 1988, Maère, D. 1989. 189, concl. Jéol, JCP
1989. II. 21263, note Dugrip, Gaz. Pal. 1989. 1. 22, note Viala ; Com. 21 avr. 1992, n os 90-16.521 , 90-14.371 , 90-
17.376 et 90-16.518 , Bull. civ. IV, n os 171 à 174).

47. Faute lourde en matière de répression pénale des infractions fiscales. - La Cour de cassation exige du juge du fond qu'il
réponde aux conclusions du requérant et recherche « si les services fiscaux n'avaient pas commis une faute lourde en
déposant plainte à son encontre, cette recherche étant nécessairement préalable à l'appréciation de la responsabilité
imputée à l'autorité judiciaire » (Civ. 1 re, 1 er déc. 1987, Dr. fisc. 1988, n o 31, comm. 1663). En conséquence, le dépôt d'une
plainte pour fraude fiscale par l'administration peut être constitutif d'une faute lourde. La jurisprudence apparaît cependant
très rigoureuse dans l'appréciation de cette faute lourde. Celle-ci n'est évidemment pas admise lorsque le fisc disposait, au
moment du dépôt de cette plainte, de présomptions non négligeables de fraude qui pouvaient laisser croire à sa réalité (TGI
Paris, 18 nov. 1987, préc.). De même, la Cour de cassation considère qu'une cour d'appel a pu légitimement estimer que le
directeur des services fiscaux n'avait pas commis une telle faute en poursuivant pour fraude fiscale un contribuable dont la
comptabilité comportait « de nombreuses erreurs et omissions, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue pour probante »
(Civ. 1 re, 8 nov. 1994, JCP E 1995. Panor. 59). En revanche, l'administration des douanes commet un détournement de pouvoir
en procédant à l'interrogatoire des représentants d'un importateur aux seules fins de savoir si les taxes illicites perçues par
elle avait été répercutées sur des tiers, ce dont il résultait qu'elle n'agissait pas dans le cadre d'une opération relevant de son
contrôle ou de sa compétence (Com. 3 déc. 2002, n o 01-01.637 ).

Art. 2 - Règles de procédure


§ 1 - Prescription
48. Le contribuable qui veut être indemnisé du préjudice subi du fait de l'administration fiscale doit engager une procédure qui
relève du droit commun. Les délais de prescription sont évidemment identiques devant le juge administratif et devant le juge
judiciaire. Les articles 1 à 3 de la loi n o 68-1250 du 31 décembre 1968 précisent ainsi que la demande d'indemnisation doit
être présentée avant le 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle l'existence de sa créance a été
révélée à l'intéressé (Instr. 10 mai 1990 de la DGI, Dr. fisc. 1990, n o 23-24, ID-CA-E10023). En vertu de l'article L. 190 du livre
des procédures fiscales et de l'article 352 ter du code des douanes, lorsque la non-conformité à une norme supérieure de la
règle de droit dont il est fait application est révélée par une décision de justice, l'action en réparation ne peut porter que sur
la période postérieure au 1 er janvier de la troisième année précédant celle où cette décision juridictionnelle est intervenue. De
ces dispositions combinées, il résulte par exemple que pour une décision de justice rendue dans l'année 1994, la demande
d'indemnisation doit être introduite avant le 31 décembre 1998, et ne peut porter que sur des faits postérieurs au 1 er janvier
1991 (Com. 3 déc. 2002, n o 01-01.637 : répétition de droits perçus à la suite d'une décision de la CJCE déclarant invalide
l'octroi de mer en ce qui concerne les marchandises importées de la France métropolitaine).

Actualité
48. Délais de réclamation applicables en matière fiscale. - La loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 modifie l'article
L. 190 du livre des procédures fiscales (LPF), notamment ses alinéas 3 et 4, afin de changer le régime des délais au cours
desquels peuvent être engagées les actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition, voire à l'exercice de
droits de déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit
supérieure révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. Les délais de réclamation seront
fixés par voie réglementaire, par un décret en Conseil d'État. De la même manière, l'article 352 du code des douanes est
modifié afin que les délais de réclamation soient fixés par voie réglementaire. En conséquence, un changement rédactionnel
est apporté à l'article 352 ter du même code. Ainsi, une décision révélant la non-conformité d'une imposition à une règle de
droit supérieure n'ouvrira plus, dans ce cas également, un nouveau délai de réclamation (L. n o 2012-1510 du 29 déc. 2012,
art. 26-I, 1 o, a et b, et 26-II, JO 30 déc.).
§ 2 - Autorité représentant l'État
4 9 . Devant la juridiction administrative. - Devant le juge administratif, l'action en responsabilité doit être précédée d'une
demande d'indemnisation adressée au ministre chargé du budget, dont la décision permet de lier le contentieux. La procédure
est ainsi celle du droit commun.

50. Devant la juridiction judiciaire. - Devant le juge judiciaire, l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction issue de la
loi de finances rectificative du 30 décembre 1986, précise que toute action tendant à faire déclarer l'État créancier ou débiteur
pour des causes étrangères à l'impôt ou au domaine doit être intentée, à peine de nullité, pour ou contre l'agent judiciaire du
Trésor public qui peut seul représenter l'État dans ces instances (V. art. 26, L. n o 86-1318 du 30 déc. 1986, Dr. fisc. 1987,
n o 2-3, comm. 49). Dans une décision du 29 novembre 1988, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait considéré
que l'action en responsabilité était indépendante de la contestation de l'impôt et devait en conséquence être intentée contre
l'agent judiciaire du Trésor : « Attendu que l'action en cause ne tend pas à contester des droits de douane ou un impôt dans
son principe ou dans son montant et ne constitue pas une opposition à un acte de poursuite accompli pour en assurer le
recouvrement ; qu'elle vise en réalité à rechercher la responsabilité de l'État à raison d'une faute imputée à ses agents et qui
serait insusceptible de se rattacher à l'exercice des prérogatives du service public ; que, dès lors, seul l'agent judiciaire du
Trésor était habilité à représenter l'État en justice dans une telle instance… » (Com. 29 nov. 1988, Dr. fisc. 1990, n o 43, comm.
2020). Par la suite, la chambre commerciale a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que l'action en indemnité
se rattache indirectement au recouvrement des créances fiscales et doit donc être dirigée contre les comptables compétents :
« Attendu que […] l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 substitue à l'agent judiciaire du Trésor les comptables dépendants des
administrations concernées pour représenter l'État dans les actions liées indirectement au recouvrement des créances fiscales
et qui, dès lors, n'ont pas une cause étrangère à l'impôt ; que, parmi elles, doivent être rangées non seulement les
contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane mais encore les actions en responsabilité qui
peuvent être engagées par les redevables contre l'État en raison de faits afférents à des opérations d'assiette et de
recouvrement de ces droits ou de saisies effectuées dans le cadre d'infractions douanières… » (Com. 25 févr. 1992, n o 01-
01.637 , Bull. civ. IV, n o 91).
5 1 . Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en vertu des articles L. 281-1 et R. 281-1 du livre des procédures fiscales, la
recevabilité de l'action en contestation de l'acte de recouvrement de l'impôt est subordonnée au dépôt d'une demande
présentée au chef de service compétent de l'administration fiscale (Com. 12 juin 2007, n o 05-22.116 ).

Chapitre 2 - Responsabilité en matière de dommages causéspar l'exercice de la justice judiciaire


Bibliographie. - P. ARDANT, La responsabilité de l'État du fait de la fonction juridictionnelle, 1956, LGDJ. - C. GOUR, Le
contentieux des services judiciaires et le juge administratif, 1959, LGDJ. - M. GRANCOLLOT, La responsabilité de l'État en
matière judiciaire, 1935, thèse, Paris.

Bibliographie. - J.-M. AUBY, La responsabilité de l'État en matière de justice judiciaire (L'article 11 de la loi n o 72-626 du 5 juill.
1972), AJDA 1973. 4. - G. AZIBERT, La commission nationale d'indemnisation en matière de détention provisoire,
RSC 1985. 517. - BRYON, De la responsabilité civile de l'État du fait du fonctionnement du service judiciaire, Gaz. Pal. 1963. 2.
Doctr. 51 ; Des dispositions de la loi n o 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à accorder une indemnisation en cas de non-lieu ou
d'acquittement en raison de la détention provisoire subie, RSC 1971. 577. - J.-P. CÉRÉ, Prospective sur la répartition
juridictionnelle des compétences en droit de l'exécution des peines, RSC 1 er oct. 1999, n o 4, p. 874. - A. CHEMIN, La justice
indemnise J. Chouraqui et R. Roman qui ont passé plusieurs années en détention provisoire, Le Monde, 6 et 7 avr. 1997,
p. 24. - D. CHOLET, Responsabilité de l'État du fait de la fonction juridictionnelle : la réforme nécessaire, D. 2005. 2540 .-
Ch. COURTIN, Responsabilité de l'État et contentieux de l'exécution des peines, LPA 12 juill. 2007, n o 139, p. 34. -
Ch. DEBBASCH, Le nouveau régime de responsabilité de la justice, 2001, Dalloz p. 1752. - A. DECHEZELLES, Responsabilité
des magistrats et responsabilité de l'État en matière judiciaire, Rev. jur. et pol. Indépendance et Coopération, 1973, p. 1035. -
J.-G. DIEMER, La commission nationale d'indemnisation en matière de détention provisoire, Gaz. Pal. 1990. 1. Doctr. 279. - DU
CHEYRON DU PAVILLON, L'indemnisation de la détention provisoire non justifiée, in Les atteintes à la liberté de l'inculpé :
détention provisoire et contrôle judiciaire, Les cahiers du droit, t. 1 er, 1985, p. 131. - G. DURRY et GOBERT, Réflexions sur la
réforme de la tutelle et de l'administration légale, RTD civ. 1966. 34. - T. FOSSIER, La responsabilité du juge des tutelles et du
tuteur selon la jurisprudence des trois ordres de juridiction, RDSS 2001. 341 ; La responsabilité civile dans la protection de
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2007, JCP 14 mars 2007. I. n o 118. - S. GUINCHARD, La responsabilité des magistrats, Gaz. Pal. 8 avr. 2006, n o 98, p. 2. -
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françaises, LPA 9 août 2005, n o 157, p. 5. - M. LOMBARD, La responsabilité du fait de la fonction juridictionnelle et la loi du
5 juillet 1972, RD publ. 1975. 585. - P. MONTANE DE LA ROQUE, Essai sur la responsabilité du juge administratif, RD publ.
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Justices, n o 5, janv.-mars 1997, p. 39. - J. PERFETTI, La commission d'indemnisation, BICC 1992. 16. - S. PETIT, La
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Y. ROBINEAU, La responsabilité de l'État pour faute du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice
judiciaire et administrative, Rapport 2002 de la Cour de cassation, La Documentation française. - J. ROBERT, Premières
réflexions sur la détention provisoire instituée par la loi du 17 juillet 1970, JCP 1971. I. 2370. - A. ROUAST, La nouvelle
législation de la tutelle et de l'administration légale (loi du 14 déc. 1964), JCP 1965. I. 1917. - F. SARDA, Les responsabilités
des juridictions, 1999, PUF, Que sais-je ? - R. SAVATIER, Le rajeunissement de la tutelle française des mineurs, D. 1965.
Chron. 51. - A. TOUFFAIT, Des principes applicables à l'allocation de l'indemnité réclamée à raison d'une détention provisoire,
D. 1971. Chron. 189. - A. TOUFFAIT et L. AVERSENG, Détention provisoire et responsabilité de l'État, D. 1974. Chron. 261. - G.-
A. UGUEUX, La personne qui a été à tort arrêtée préventivement pourrait-elle prétendre à une indemnité de la part de
l'autorité publique ?, RD pén. crim. Bruxelles, 1954. - VERNET, Abus de l'emprisonnement préventif, abus de pouvoir, Études,
janv.-juin 1968, p. 48. - R. VOUIN, La détention provisoire, D. 1970. Chron. 191. - G. W IEDERKEHR, La responsabilité de l'État
et des magistrats du fait de la justice, panorama général, Justices, n o 5, janv.-mars 1997, p. 13.

Bibliographie. - Justice et responsabilité de l'État, sous la dir. de M. DEGUERGUE, Droit et Justice, PUF ; L'État devant le juge
pénal, Justices, Dalloz.

Section 1 - Affirmation progressive du principe de responsabilité


52. Mission de souveraineté par essence, l'exercice de la justice a longtemps été considéré comme insusceptible d'engager la
responsabilité de l'État. L'irresponsabilité de la puissance publique en ce domaine était alors érigée en dogme : « Si l'on
cherche à se rendre compte des différences que présente la responsabilité de l'État selon les diverses fonctions qu'il est
appelé à remplir, on voit que sa responsabilité est d'autant plus restreinte que cette fonction est plus élevée »
(J. LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. 2, p. 174). Il n'existe cependant aucun lien
logique entre souveraineté et irresponsabilité. L'irresponsabilité de l'État du fait du service de la justice, qui se traduisait, avec
une intensité particulière, par l'immunité de la fonction juridictionnelle, témoignait sans doute de la crainte des juges qui
répugnaient à rendre compte de leur activité (P. DUEZ, La responsabilité de la puissance publique, 1927, p. 174) mais aussi
de l'idée sous-jacente que le service public de la justice n'était pas un service public comme les autres. Tout particulièrement
quant à la fonction juridictionnelle, ce principe de non-responsabilité était fondé sur celui de l'indépendance de la justice, sur
l'existence des voies de recours comme mode normal de critique des décisions de justice et sur l'autorité de la chose jugée.

53. Cependant, une lente émergence de la responsabilité de l'État du fait de la justice s'est produite. En effet, le législateur
est intervenu de manière ponctuelle pour atténuer le principe d'irresponsabilité en ce qui concerne le fonctionnement de ce
service public, en instaurant des régimes spéciaux d'indemnisation. Ainsi, notamment :

- la loi du 8 juin 1895 a prévu et organisé la réparation des erreurs judiciaires après révision de la condamnation ;
- la loi du 7 février 1933 a édicté les conditions de la prise à partie permettant d'engager la responsabilité personnelle d'un
magistrat coupable de dol, concussion, déni de justice, ou plus largement de faute lourde professionnelle et faisant peser sur
l'État l'obligation de prendre en charge le paiement des dommages-intérêts dans ces hypothèses, sauf à exercer une action
récursoire contre le magistrat fautif ;

- la loi du 14 décembre 1964 a instauré la responsabilité de l'État pour faute commise dans le fonctionnement de la tutelle ;

- la loi du 17 juillet 1970 a prévu l'indemnisation par l'État à raison d'une détention provisoire suivie d'une décision de relaxe,
de non-lieu ou d'acquittement.

5 4 . Mais, eu égard au mouvement de démocratisation et de transparence de l'État et à l'exigence croissante d'une


responsabilisation des détenteurs d'autorité, l'irresponsabilité, qui restait le principe, a été de moins en moins acceptée par
les justiciables qui se considéraient de plus en plus souvent comme les victimes d'un service public défaillant. De plus,
l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a été déterminante pour tendre à faire admettre
un recours effectif en cas de violation du droit de tout justiciable à voir sa cause examinée dans un délai raisonnable. La
reconnaissance d'un système de responsabilité de l'État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice
est alors devenue une nécessité (G. W IEDERKEHR, La responsabilité de l'État et des magistrats du fait de la justice, Justices,
janv.-mars 1997, n o 5, p. 13).

55. Cette nécessité a d'abord été ressentie par la jurisprudence qui a connu une évolution significative. Après que, en ce qui
concerne la justice administrative, le Conseil d'État avait énoncé que : « les décisions prises dans l'exercice de la fonction
juridictionnelle ne sont pas de nature à donner ouverture à une action en responsabilité contre l'État » (CE, ass., 4 janv.
1952, Pourcelet, D. 1952. 304), le Tribunal des conflits est venu opérer, pour les juridictions judiciaires, une distinction entre
l'exercice de la fonction juridictionnelle et l'organisation même du service public de la justice (T. confl. 27 nov. 1952, Préfet de
la Guyane, Lebon 642, JCP 1953. II. 7598, note Vedel), en retenant que si les actes d'organisation du service judiciaire sont
contestables devant le juge administratif, les actes d'exécution ou de fonctionnement, impliquant une appréciation sur la
marche même des services judiciaires, relèvent, quant à eux, de la compétence du juge judiciaire. À cet égard, il faut constater
que, à défaut de critères précis, les contours de cette distinction ne sont pas toujours très faciles à cerner (ainsi a été jugé
comme relevant de la compétence administrative le refus de concours de la force publique : CE, sect., 3 juill. 1959, Vve
Sablayrolles, Lebon 425, concl. Jouvin ; 23 févr. 1962, Vve Picard, Lebon 120 ; 9 sept. 1994, Boumba, req. n os 133682 ,
135668 , 135669 et 135670 , Lebon 1026, JCP 1994. IV. 311). Dans le prolongement de cette décision, le Conseil
d'État, substituant la notion de faute détachable du fonctionnement à la notion d'acte, a admis, s'agissant de la justice
administrative, que « la responsabilité de l'État à raison du fonctionnement des juridictions administratives est susceptible
d'être engagée dans tous les cas où la faute alléguée peut être détachée de l'exercice de la fonction juridictionnelle » (CE
28 nov. 1958, Blondet, Lebon 600, RD publ. 1959. 982, note W aline).

Actualité
55. Conséquences d'une dénonciation au procureur. Compétence judiciaire. - Les demandes tendant à la réparation d'éventuelles
conséquences dommageables de l'acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en
application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République relèvent de la
compétence du juge judiciaire, dès lors que l'appréciation de cet avis n'est pas dissociable de celle que peut porter l'autorité
judiciaire sur l'acte de poursuite ultérieur (T. confl. 8 déc. 2014, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, req. n o 3974,
AJDA 2014. 2445, obs. Pastor ).
5 6 . En ce qui concerne le juge judiciaire, pour lequel une personne s'estimant victime d'un dommage résultant d'un
dysfonctionnement de la justice ne pouvait en obtenir réparation par l'État que dans les cas prévus par la loi, l'affaire Giry
apparaît comme un premier pas vers l'abandon du principe d'irresponsabilité de l'État en matière de fonctionnement du
service public de la justice. Par cet arrêt, la Cour de cassation va poser le principe, dès 1956, qu'en dehors des cas prévus par
la loi, il appartient aux tribunaux judiciaires de se prononcer sur la responsabilité encourue par l'État, en faisant application
des règles de la responsabilité de la puissance publique (Civ. 2 e, 23 nov. 1956, Bull. civ. II, n o 626 : « Attendu que la
juridiction de l'ordre judiciaire régulièrement saisie en vertu des principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance
du pouvoir judiciaire, était appelée à se prononcer, au fond, sur un litige mettant en cause la responsabilité de la puissance
publique, dont l'exercice du pouvoir judiciaire constitue, au premier chef, une manifestation ; que la Cour d'Appel s'est
appuyée, à tort, sur les dispositions de droit privé relatives aux délits et quasi-délits qui ne peuvent être invoqués pour
fonder la responsabilité de l'État ; qu'elle avait, en revanche, le pouvoir et le devoir de se référer, en l'espèce, aux règles du
droit public », D. 1957. 34, concl. Lemoine, JCP 1956. II. 9681, note Esmein, RD publ. 1958. 298, note Waline, AJDA 1957.
II. 91, chron. Fournier et Braibant). En réalité, l'arrêt Giry, qui concerne un collaborateur occasionnel de la justice, ne marque
pas la consécration d'un principe général de responsabilité, mais se borne à la préparer. En effet, c'est moins le principe
d'irresponsabilité qui est abandonné par la jurisprudence Giry que celui selon lequel le juge judiciaire ne peut déclarer l'État
responsable sans texte.

57. À partir de cet arrêt, la jurisprudence judiciaire va considérer que les tiers et les collaborateurs de la justice peuvent être
indemnisés, en dehors même de toute faute, pour les dommages causés par le fonctionnement du service public de la justice
(Civ. 2 e, 24 nov. 1965, Bull. civ. II, n o 925). En revanche, la responsabilité de l'État est engagée pour faute lourde lorsque la
victime du dommage est directement concernée par l'acte prétendument fautif (Civ. 2 e, 19 juin 1969, Bull. civ. II, n o 225,
s'agissant des conditions d'exécution d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction).

5 8 . Sur le fondement de la prise à partie, prévue, pour des cas limitativement énumérés, par l'article 505 du code de
procédure civile ancien, tel qu'issu de la loi du 7 février 1933, le juge judiciaire, qui va en donner une interprétation stricte,
considère que la notion de « faute lourde professionnelle », qui est à la base de cette procédure, doit s'entendre soit comme
celle « commise sous l'influence d'une erreur tellement grossière qu'un magistrat normalement soucieux de ses devoirs n'y
aurait pas été entraîné » (Civ. 1 re, 3 oct. 1953, Bull. civ. I, n o 224 ; 10 déc. 1969, ibid. I, n o 389), soit comme celle qui révèle
une animosité personnelle ou une intention de nuire, considérée alors comme équivalente au dol ou à la faute intentionnelle,
une animosité personnelle ou une intention de nuire, considérée alors comme équivalente au dol ou à la faute intentionnelle,
soit encore comme celle qui révèle une méconnaissance grave et inexcusable des devoirs essentiels du juge dans l'exercice
de ses fonctions.

59. Ainsi, en dépit d'une évolution et hors les régimes spécifiquement prévus par le législateur, la responsabilité de l'État à
raison des dommages causés par le fonctionnement du service public de la justice était envisagée de manière
particulièrement restrictive.

60. Dans ce contexte, le législateur s'est décidé à intervenir avec la loi n o 72-626 du 5 juillet 1972, relative à la réforme de la
procédure civile et instituant un juge de l'exécution (AJDA 1972. 544). Ce texte a eu pour objet de permettre l'engagement de
la responsabilité de l'État pour « fonctionnement défectueux du service de la justice », en cas de faute lourde ou de déni de
justice (art. 11 de la loi, devenu art. L. 781-1 COJ). Il ne concerne que les dommages rattachés au fonctionnement des
juridictions de l'ordre judiciaire, ceux trouvant leur origine dans le fonctionnement de la juridiction administrative demeurant
de la compétence des juges de l'ordre administratif. Ce texte général coexiste donc avec les dispositions particulières
instaurant une série de régimes spéciaux destinés à indemniser des dommages particuliers, qui ne sont pas nécessairement
soumis à l'exigence d'une faute lourde ou d'un déni de justice.

61. Maintien dans l'ordre juridique des textes antérieurs à la loi de 1972. - Certains textes antérieurs à la loi de 1972 n'ont pas
été remis en cause par la nouvelle législation. Tel est le cas de : 1) la loi du 8 juin 1895 (actuel art. 626 c. pr. pén., dans la
rédaction issue en dernier lieu de la loi du 30 déc. 2000), prévoyant la responsabilité directe de l'État lorsqu'une procédure de
révision aboutit à l'annulation d'une condamnation en matière criminelle ou correctionnelle ; 2) la loi du 9 mars 1932
(D. 1932. 298) ouvrant de la même manière une possibilité d'indemnisation après révision des jugements des conseils de
guerre ; 3) la loi du 1 er juin 1964 qui fait peser sur l'État l'obligation de réparer les fautes commises par les juges du Livre
foncier en Alsace-Lorraine, sauf recours contre ces derniers ; 4) La loi du 14 décembre 1964 (D. 1965. 4) qui confère au pupille
de l'État un droit à indemnisation lorsqu'il est victime d'une faute commise dans le fonctionnement de la tutelle (C. civ.,
art. 473) ; 5) Enfin, la loi n o 70-643 du 17 juillet 1970 (D. 1970. 199) modifiée par la loi du 15 juin 2000, qui permet à l'État
d'accorder une indemnité à une personne placée en détention provisoire au cours d'une procédure qui s'est achevée par une
décision de relaxe, de non-lieu ou d'acquittement (C. pr. pén., art. 149 et s.).

62. Textes spéciaux postérieurs à la loi de 1972. - D'autres textes sont intervenus postérieurement à la loi de 1972, démontrant
ainsi que le nouveau texte général ne saurait se substituer aux textes spéciaux. 1) C'est ainsi que la loi n o 83-466 du 10 juin
1983 (D. 1983. 283) a prévu que « l'État répond du dommage ou de la part du dommage causé à autrui par un condamné et
qui résulte directement de l'application d'une décision comportant l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général »
(C. pén., art. 131-24). 2) De plus, la loi n o 77-5 du 3 janvier 1977 (D. 1977. 76) a permis aux victimes d'une infraction d'obtenir
réparation du préjudice subi, mais il s'agit là davantage d'un système d'indemnisation que de réparation, dès lors que le
préjudice n'a pas pour origine une activité de la puissance publique.

Section 2 - Responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux de la justice


63. L'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, issu de la loi du 5 juillet 1972, a été, sans autre modification, scindé,
dans la nouvelle partie législative résultant de l'ordonnance n o 2006-673 portant refonte du code de l'organisation judiciaire,
en deux articles. L'actuel article L. 141-1 énonce : « L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement
défectueux du service de la justice », posant ainsi un principe général qui récuse toute distinction entre les victimes. Toutefois,
l'alinéa 2 précise : « Sauf dispositions particulières, la responsabilité de l'État n'est engagée que par une faute lourde ou par
un déni de justice ». L'article L. 141-2 ajoute que « la responsabilité des juges à raison de leur faute personnelle, est régie :

- s'agissant des magistrats du corps judiciaire, par le statut de la magistrature ;

- s'agissant des autres juges, par des lois spéciales ou, à défaut, par « la prise à partie » (L. n o 2007-1787 du 20 déc. 2007
relative à la simplification du droit). L'État garantit les victimes des dommages causés par les fautes personnelles des juges et
autres magistrats, sauf son recours contre ces derniers ». La loi du 20 décembre 2007 a inséré un article L. 141-3 nouveau
ainsi rédigé : « Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants : 1 o s'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde,
commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ; 2 o s'il y a déni de justice. Il y a déni de justice lorsque les
juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées. L'État est
civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les
juges, sauf son recours contre ces derniers ».

64. Par ailleurs, l'article 11-1 de l'ordonnance n o 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, issu
d'une loi organique du 19 janvier 1979, prévoit que « les magistrats du corps judiciaire ne sont responsables que de leurs
fautes personnelles. La responsabilité des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service public de
la justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État. Cette action récursoire est exercée devant une chambre
civile de la Cour de cassation ».

6 5 . Le régime de responsabilité ainsi instauré organise la responsabilité de l'État du fait du mauvais fonctionnement du
service public de la justice, complétée, le cas échéant, de la responsabilité personnelle du magistrat sous la seule forme de
l'exercice de l'action récursoire en cas de faute personnelle commise dans ou à l'occasion de l'exercice de l'activité
professionnelle. Tel qu'issu de ces dispositions, ce régime s'est substitué à la prise à partie, en ce qui concerne la
responsabilité personnelle des membres du corps des magistrats judiciaires. À cet égard, le juge déclare désormais
irrecevable toute demande d'autorisation de prise à partie visant des magistrats du corps judiciaire, le justiciable qui invoque
une faute lourde professionnelle ou un déni de justice pouvant seulement mettre en oeuvre la responsabilité de l'État
(Civ. 1 re, 16 déc. 1992, n o 92-01.004 : « Les dispositions des articles 505 et suivants du code de procédure civile, relatives
à la prise à partie, ont cessé de recevoir application en ce qui concerne les magistrats de l'ordre judiciaire, depuis l'entrée en
vigueur de l'article 11-1 ajouté à l'ordonnance du 22 décembre 1958 par la loi organique du 18 janvier 1979, texte d'où il
résulte que désormais la responsabilité de ces magistrats en raison de leurs fautes personnelles se rattachant au service
public de la justice, ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État ainsi qu'en dispose l'article L. 781-1 du code de
l'organisation judiciaire » ; idem : Civ. 1 re, 16 mai 2000, Bull. civ. I, n o 143 ; contra : Civ. 1 re, 20 sept. 2006, n o 05-07.005).

66. Ce régime de responsabilité, qui aboutit à absorber dans la notion de fonctionnement défectueux du service public la
faute personnelle commise dans ou à l'occasion de l'activité professionnelle, laisse néanmoins subsister la procédure de prise
à partie pour les autres juges composant les juridictions d'attribution de l'ordre judiciaire, tels les tribunaux de commerce, les
tribunaux paritaires des baux ruraux, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les conseils de prud'hommes (Civ. 1 re,
19 nov. 1985, Bull. civ. I, n o 310).

67. En outre, il importe de souligner que les dispositions ci-dessus évoquées ne s'appliquent pas :

- aux simples collaborateurs occasionnels du service de la justice ni aux tiers pour lesquels le régime est celui d'une
responsabilité sans faute de l'État, fondée sur le risque professionnel judiciaire, dès lors que le préjudice causé est anormal,
spécial et d'une certaine gravité. Ainsi, après avoir énoncé, au visa des principes régissant la responsabilité de la puissance
publique à l'égard de ses collaborateurs, que la victime d'un dommage subi en raison de sa qualité de collaborateur du service
public peut, même en l'absence de faute, en demander réparation à l'État, dès lors que son préjudice est anormal, spécial et
d'une certaine gravité, et après avoir approuvé la cour d'appel d'avoir retenu que les dispositions de l'article L. 781-1 du code
de l'organisation judiciaire, qui ne concernent que les usagers de la justice, n'étaient pas applicables à l'action d'un
mandataire judiciaire, eu égard à sa qualité de collaborateur du service public, lequel, n'ayant été désigné par aucune
juridiction consulaire depuis son inscription sur la liste des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, recherchait
la responsabilité de l'État, la Cour de cassation a cassé l'arrêt pour avoir débouté l'intéressé de sa demande au motif qu'il
n'établissait pas l'existence d'une faute de service (Civ. 1 re, 30 janv. 1996, Bull. civ. I, n o 51, D. 1997. 83, note A. Legrand ,
JCP 1996. II. 22608, rapp. P. Sargos ; idem : Civ. 1 re, 14 févr. 2006, n o 04-15.595 , Bull. civ. I, n o 72) ;

- aux dysfonctionnements concernant l'organisation du service de la justice judiciaire, c'est-à-dire les dysfonctionnements
relevant des structures du service judiciaire, du statut des magistrats ou de la gestion des personnels, qui sont de la
compétence des juridictions administratives ;

- au régime de la responsabilité dégagé, pour les juridictions administratives, par le Conseil d'État qui a admis, depuis 1978, le
principe d'une responsabilité de l'État à raison de l'exercice de la fonction juridictionnelle administrative, fondée sur « les
principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique », exigeant une faute lourde et n'incluant pas les
décisions assorties de l'autorité de la chose jugée (CE, ass., 29 déc. 1978, Darmont, Lebon 542 : « Si, en vertu des principes
généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction
juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité, l'autorité qui s'attache à la chose
jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité, dans le cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même
de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive », D. 1979. 279, note Vasseur, AJDA 1975. 45, note
Lombard, RD publ. 1979. 1742, note Auby). Toutefois, il convient de souligner que le Conseil d'État a exclu l'exigence d'une
faute lourde lorsque le fonctionnement défectueux de la justice administrative consiste en la méconnaissance du délai
raisonnable : « les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; si la
méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la
procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; ainsi lorsque la méconnaissance du droit à
un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le
fonctionnement défectueux du service public de la justice ; après avoir énoncé que la durée de la procédure avait été
excessive, la cour administrative d'appel en a déduit que la responsabilité de l'État était engagée vis-à-vis de M. Magiera ; ce
faisant, loin de violer les articles 6, paragraphes 1 et 13 de la CEDH et les principes généraux qui gouvernent le
fonctionnement des juridictions administratives, elle en a fait une exacte application » (CE, ass., 28 juin 2002, Garde des
Sceaux c/ M. Magiera, AJDA 2002. 596, chron. F. Donnat et D. Casas , D. 2003. 23, note V. Holderbach-Martin ).

Actualité
67. Responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux de la justice. Durée excessive de la procédure. Nouveau fondement de
responsabilité de l'État. - Une collectivité territoriale défenderesse dans une instance qui s'est prolongée pendant une durée
excessive peut demander à être indemnisée par l'État du préjudice matériel que lui a causé cette situation (CE, sect., 17 juill.
2009, Ville de Brest, req. n o 295653 , AJDA 2009. 1605, chron. Liéber et Botteghi ).
Art. 1 - Conditions de la responsabilité de l'État
68. Le régime de responsabilité, prévu par l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, organise la responsabilité
directe de l'État pour le fonctionnement défectueux du service public de la justice envers les usagers de ce service, dans des
conditions très proches de celles posées par la jurisprudence administrative lorsque l'importance et les difficultés particulières
d'un service public le justifient.

§ 1 - Notion de fonctionnement du service public de la justice judiciaire


69. Selon la répartition de compétence retenue par la jurisprudence du Tribunal des conflits, la responsabilité de l'État ne
peut pas être recherchée devant les juridictions judiciaires pour les conséquences dommageables liées à l'organisation du
service public de la justice, laquelle relève de la juridiction administrative. Mais c'est une conception large du fonctionnement
qui est admise, de sorte que celui-ci, qui englobe la fonction juridictionnelle, recouvre aussi bien les opérations de police
judiciaire (T. confl. 26 juin 2006, Littman : « Les litiges relatifs aux dommages pouvant survenir à l'occasion de la constatation
d'infractions à la loi pénale et de la recherche de leurs auteurs effectuées en application des dispositions des articles 12 et 21
du code de procédure pénale, sans même qu'il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute
personnelle de l'agent détachable du service, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire » ; il en est de
même pour les préjudices résultant de conditions de gardes à vue contraires à la dignité humaine et de la confiscation
prolongée d'un matériel informatique : Civ. 1 re, 7 juin 2006, n o 04-17.884 ), les actes des agents investis, sous le contrôle
et l'autorité d'un magistrat du siège ou du Parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l'effet de constater et réprimer des
infractions à la loi (Civ. 1 re, 9 mars 1999, Bull. civ. I, n o 84, s'agissant des services de la répression des fraudes, D. 2000. 398,
note Matsopoulou , JCP 1999. 10069, rapp. Sargos), les actes préparatoires accomplis pour l'instruction ou le jugement
d'un litige (Civ. 1 re, 18 sept. 2002, n o 00-15.861 , s'agissant d'une décision ordonnant tardivement une mesure
d'expertise), les décisions du bureau d'aide juridictionnelle (Civ. 1 re, 14 déc. 2004, n o 03-10.271 , Bull. civ. I, n o 318), les
actes des magistrats de l'ordre judiciaire commis dans l'exercice de leurs attributions de surveillance des officiers publics et
ministériels, les actes d'administration accomplis par les autorités judiciaires et les personnels qui participent au service public
de la justice (services du parquet et du greffe), que le contenu des actes juridictionnels (contrairement au juge administratif,
qui considère comme irrecevables les demandes d'indemnisation des dommages causés par une décision juridictionnelle
revêtue de l'autorité de chose jugée : CE, ass., 29 déc. 1978, Darmont, préc. supra, n o 67 ; 12 oct. 1983, Cts Lévi, Lebon
406 ; le juge judiciaire estime que l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire n'exclut d'aucune manière de son
champ d'application les actes juridictionnels proprement dits, même revêtus de l'autorité de chose jugée : Civ. 1 re, 20 mars
1989, Bull. civ. I, n o 131 : « Un acte juridictionnel, même définitif, peut donner lieu à la mise en oeuvre de la responsabilité de
l'État en cas de faute lourde ou de déni de justice) et les actes d'exécution des jugements, y compris ceux des collaborateurs
du service effectuant leur mission sous le contrôle du juge (T. confl. 19 mars 2007, Mme Fatima A : « Le juge judiciaire est
compétent pour connaître d'une demande tendant à la réparation du préjudice causé par le fonctionnement défectueux des
services de l'état civil des étrangers, assuré par l'État sous le contrôle du ministère public, et à ce que soient mises à la
charge de l'État diverses sommes à titre d'indemnités, et est égal. compétent pour prononcer une astreinte à son encontre,
en vue d'inciter à leur prompt règlement ») et ceux des personnes ou de l'administration dont l'activité, quoique indépendante
du juge, se rattache au service judiciaire, mais à l'exception de certaines décisions administratives qui présentent un
caractère détachable (refus de concours de la force publique : CE 30 nov. 1923, Couitéas, Lebon 789).

70. Les commissions de surendettement des particuliers ayant pour mission de constituer les dossiers dans les procédures de
redressement et de faire des propositions aux parties, qui à défaut de conciliation peuvent saisir le juge judiciaire, leur
domaine d'intervention et leurs décisions participent de la procédure judiciaire, ce dont il résulte que l'erreur commise par une
commission départementale de surendettement des particuliers en raison d'un avis erroné d'un de ses membres concerne le
fonctionnement de la commission départementale et par là même le service de la justice duquel elle participe de sorte que la
responsabilité de l'État doit être recherchée devant les juridictions de l'ordre judiciaire sur le fondement de l'article L. 781-1 du
code de l'organisation judiciaire (Civ. 1 re, 13 déc. 2005, Bull. civ. I, n o 492, D. 2006. 2531, note Fr. Ferrière ).

71. La Commission nationale technique de la sécurité sociale, devenue la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de
l'assurance des accidents du travail en vertu de la loi n o 94-43 du 18 janvier 1994 (D. 1994. 121), dont les décisions peuvent
être attaquées devant la Cour de cassation, étant une juridiction judiciaire, les décisions de faire procéder à l'examen
préalable, par un médecin qu'elle choisit, dans chaque cas, parmi les médecins qualifiés inscrits sur la liste arrêtée à cet effet
par le ministre chargé de la Sécurité sociale, de tout dossier qui lui est soumis en appel des commissions régionales de
sécurité sociale, devenues, en vertu de la même loi, les tribunaux du contentieux de l'incapacité, concernent le fonctionnement
du service public judiciaire, de même que l'abstention de la commission de confier des dossiers à un praticien inscrit sur cette
liste, de sorte que la demande d'un médecin tendant à la condamnation de l'État à lui verser diverses sommes en réparation
des préjudices que lui aurait causés une telle abstention, relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire
(T. confl. 8 avr. 2002, M. Melennec, D. 2002. 2702, note S. Petit ). De même, la contestation des décisions de la commission
technique d'orientation et de reclassement professionnel par lesquelles celle-ci se prononce sur une demande de
renouvellement de l'allocation compensatoire, ne peut relever, quels que soient les motifs de ces décisions, que de la
compétence des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale (T. confl. 18 avr. 2005, M. Bach, Bull. T. confl.,
n o 11).

7 2 . En revanche, le Tribunal des conflits, ayant rappelé que, selon l'article L. 3341-1 du code de la santé publique, une
personne trouvée en état d'ivresse sur la voie publique est, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin
ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison, en a déduit que « la mesure par
laquelle des services de police ayant placé une personne, trouvée en état d'ivresse sur la voie publique, dans une cellule de
dégrisement où, quelques heures plus tard, cette dernière a mis fin à ses jours par strangulation, et dont l'objet était relatif
tant à la protection de la personne concernée qu'à la préservation de l'ordre public, ne relève pas d'une opération de police
judiciaire, au sens de l'article 14 du code de procédure pénale, de sorte que les litiges relatifs aux dommages pouvant
survenir à l'occasion de son exécution ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre administratif » (T. confl. 18 juin
2007, Mme Ousset, req. n o 03620, AJDA 2007. 1271 , Bull. 2007, T. confl. n o 22, p. 27). De même, il a été jugé que relève de
la compétence de la juridiction administrative l'action en responsabilité introduite par les exploitants d'un fonds de parfumerie,
victimes de onze cambriolages, à l'encontre de l'État sur le fondement du fonctionnement prétendument défectueux des
services de police qui n'avaient pas pu prévenir ou empêcher la commission de ces nombreuses infractions, la défaillance des
services de police à organiser et à assurer la protection du magasin, ainsi alléguée, se rattachant essentiellement à l'activité
de police administrative (T. confl. 12 déc. 2005, Épx Girodie, Bull. T. confl., n o 38).

Actualité
7 2 . Placement en cellule de dégrisement. Mesure de police administrative. - Saisi par la Cour de cassation d'une question
prioritaire de constitutionnalité sur l'article L. 3341-1 du code de la santé publique (CSP), le Conseil constitutionnel a jugé que
le placement en cellule de dégrisement est une mesure de police administrative conforme à la Constitution sous réserve que
le temps qui y est passé soit décompté du temps de la garde à vue, si garde à vue il y a (Cons. const. 8 juin 2012, n o 2012-
253 QPC , AJDA 2012. 1136, obs. Brondel ).
7 3 . Le service public pénitentiaire relève, en principe, de la compétence du juge administratif pour tout ce qui a trait aux
mesures relatives au fonctionnement administratif du service, y compris certaines concernant l'exécution des peines, à
l'exclusion de celles se rapportant à la nature et aux limites des peines infligées par les juridictions judiciaires et dont
l'exécution est poursuivie à la diligence du ministère public (T. confl. 22 févr. 1960, Fargeaud d'Epied, Lebon T 837). Ainsi, la
répartition de compétences est subordonnée à la nature de la mesure, de la décision ou de l'acte litigieux. À titre d'exemple,
de manière quelque peu surprenante, le Tribunal des conflits a jugé que « l'action fondée sur une responsabilité sans faute
de l'État en raison du préjudice résultant d'un crime ou d'un délit commis au cours d'une permission de sortir accordée à un
condamné par le juge de l'application des peines, relève de la compétence de la juridiction administrative » (T. confl. 3 juill.
2000, Garde des Sceaux c/ Cts Primau et Fosset, JCP 2000. II. 10444, concl. R. Schw artz). En revanche, sur l'action en
responsabilité de l'État introduite par les héritiers de la victime d'un meurtre commis par un ancien détenu qui, condamné au
total à une peine de réclusion criminelle d'une durée de vingt-neuf ans et six mois, avait fait l'objet, en application de décrets
présidentiels de grâce collective et de remises de peine accordées par le juge de l'application des peines, d'une libération au
terme de dix-huit ans, dix mois et vingt et un jours d'incarcération effective, le Conseil d'État a considéré que, fondée sur la
responsabilité pour faute de l'État par suite d'une erreur dans la computation des différentes peines dont le meurtrier avait
fait l'objet, elle relevait de la compétence de la juridiction judiciaire (CE 15 févr. 2006, Garde des Sceaux c/ Cts Maurel-Audry,
req. n o 271022 ). La juridictionnalisation croissante de l'exécution des peines, le contrôle exercé par l'autorité judiciaire sur
le fonctionnement des établissements pénitentiaires et la difficulté d'assurer un partage cohérent et lisible des compétences
pourraient faire apparaître opportune la création d'un bloc de compétence au profit de la juridiction judiciaire, comme le
législateur l'a déjà fait en cas de dommage causé à autrui par un condamné accomplissant un travail d'intérêt général.

74. Cas particulier de l'usage des armes par les services de police ou de gendarmerie à l'occasion d'une action de police judiciaire. -
Selon une jurisprudence constante, l'action en réparation du dommage causé par un fonctionnaire de police ou un militaire de
la gendarmerie qui, dans l'exercice de ses fonctions et à l'occasion d'une opération de police judiciaire, utilise son arme de
service, n'entre pas dans le champ de l'article L. 781-1, devenu L. 141-1, du code de l'organisation judiciaire. En effet, sur le
fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques, la Cour de cassation retient la responsabilité de l'État pour
faute simple, en cas de dommage subi par une personne visée par l'opération de police judiciaire, et sans faute, en cas de
dommage subi par un tiers, et résultant de l'usage d'une arme à feu qui comporte des risques exceptionnels. Ainsi, il a été
jugé qu'« il résulte de la combinaison de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, des principes régissant la
responsabilité de la puissance publique et, notamment, du principe constitutionnel de l'égalité devant les charges publiques
que si la responsabilité de l'État à raison des dommages survenus à l'occasion de l'exécution d'une opération de police
judiciaire n'est engagée qu'en cas de faute lourde des agents de la force publique, cette responsabilité se trouve engagée,
même en l'absence d'une telle faute, lorsque la victime n'était pas concernée par l'opération de police judiciaire et que cette
opération, du fait de l'usage d'armes par le personnel de la police ou par la personne recherchée comporte des risques et
provoque des dommages excédant par leur gravité les charges qui doivent normalement être supportées par les particuliers
en contrepartie des avantages résultant de l'intervention de la police judiciaire » (Civ. 1 re, 10 juin 1986, Bull. civ. I, n o 160), et
encore récemment, s'agissant d'un gendarme motocycliste qui, poursuivant un automobiliste ayant cherché à échapper à un
contrôle, l'avait mortellement blessé en faisant usage de son arme : « lorsque les dommages résultent de l'usage d'armes à
feu, qui comporte des risques exceptionnels, l'État est responsable de ceux subis, en raison de la faute d'un de ses agents,
par les personnes visées par les opérations de police judiciaire, sans qu'il soit nécessaire que cette faute présente le
caractère d'une faute lourde » (Crim. 14 juin 2005, n o 04-82.208 , Bull. crim., n o 177).

§ 2 - Usager
7 5 . Seul l'usager du service public de la justice peut fonder une action en réparation contre l'État sur les dispositions de
l'actuel article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. Ainsi, il a été jugé qu'est irrecevable l'action fondée sur l'article
L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire intentée par une salariée, porteuse de parts d'une société, qui invoque des
fautes lourdes du service de la répression des fraudes ayant conduit à la cessation d'activité de la société, dès lors qu'elle-
même ne saurait être regardée personnellement comme usager du service public de la justice (Civ. 1 re, 30 oct. 2006, n o 05-
16.699 , Bull. civ. I, n o 450).

76. L'usager est celui qui est directement concerné par l'intervention du service de la justice. Tel est le cas du dirigeant d'une
société, mis en examen des chefs d'escroquerie, abus de biens sociaux et infractions au droit de la faillite et des sociétés puis
relaxé, qui, invoquant un préjudice personnel consécutif à la liquidation de sa société sur le fondement de la responsabilité
sans faute, « ne pouvait relever que de la catégorie des usagers » dès lors qu'il était concerné par la procédure à l'occasion
de laquelle il avait subi le dommage allégué (Civ. 1 re, 25 janv. 2005, n o 02-21.613 , Bull. civ. I, n o 41). Au contraire, les
associés de ce même dirigeant, tiers à la procédure pénale diligentée contre celui-ci, ne sont recevables à agir que sur le
fondement de la responsabilité sans faute de l'État pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, à condition
d'établir le caractère anormal de la charge supportée par eux en contrepartie des avantages résultant de l'intervention de la
puissance publique (Civ. 1 re, 25 janv. 2005, n o 03-10.041 , Bull. civ. I, n o 40).

77. Une partie civile est incontestablement un usager du service public de la justice. Ainsi, même si elle ne dispose pas d'un
droit personnel à l'exécution d'une peine, une partie civile est recevable à demander réparation du préjudice moral qu'elle
subit du fait de la libération de l'auteur du viol dont elle a été victime, lorsque celui-ci, appelant d'une décision de la cour
d'assises qui l'avait condamné à quatorze années de réclusion criminelle, a été libéré à la suite de la faute lourde de la
chambre de l'instruction qui avait omis de statuer dans les délais légaux sur sa demande de mise en liberté (Civ. 1 re, 4 juill.
2006, n o 04-17.584 , Bull. civ. I, n o 347).

78. L'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire ne concerne que la responsabilité de l'État envers les usagers du
service public de la justice et n'est donc pas applicable aux collaborateurs du service public, tel qu'un mandataire judiciaire à la
liquidation des entreprises (Civ. 1 re, 14 févr. 2006, n o 04-15.595 , Bull. civ. I, n o 72), le régime de responsabilité qui les
concerne étant celui de la responsabilité sans faute. En revanche, à l'égard d'un avocat, qui est le conseil représentant ou
assistant l'une des parties en litige et non un collaborateur du service public de la justice, la responsabilité de l'État en raison
d'une faute commise par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ne peut, selon l'article L. 781-1 du code de
l'organisation judiciaire, être engagée qu'en cas de faute lourde (Civ. 1 re, 13 oct. 1998, n o 96-13.862 , Bull. civ. I, n o 294,
D. 2000. 576, note F. Lemaire ).

79. La question peut se poser de savoir quand une personne devient usager du service public de la justice. À cet égard, on
peut penser qu'il n'y a pas d'autre réponse qu'au cas par cas, selon les modalités et circonstances de l'intervention de
l'autorité judiciaire à l'égard de celui qui invoque un dommage consécutif à cette intervention. À titre d'exemple, on peut
relever que la Cour de cassation a eu l'occasion d'approuver une cour d'appel qui avait débouté une personne de son action
en responsabilité contre l'État pour dysfonctionnement du service de la justice fondée sur le délai écoulé entre le dépôt de la
plainte simple dont elle avait fait l'objet en 1991 et sa mise en examen notifiée en 1996 et sur un déni de justice au motif que,
bien que nommément désignée par la plainte, cette personne n'était, avant sa comparution devant le juge et sa mise en
examen, qu'un usager potentiel du service de la justice ne disposant d'aucun droit subjectif à l'encontre de l'institution et
n'avait été usager du service public de la justice qu'à compter de sa première comparution et qu'elle n'était donc fondée à se
plaindre d'un éventuel dysfonctionnement de l'institution judiciaire qu'à partir de sa mise en examen, en énonçant que les
juges du fond avaient pu en déduire que ladite personne, contre laquelle aucune mesure de garde à vue n'avait été prise,
n'était devenue partie à la procédure pénale et usager, au sens de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire
devenu l'article L. 141-1 du même code, qu'après sa mise en examen, de sorte qu'elle n'était fondée à se plaindre d'un
éventuel dysfonctionnement du service de la justice qu'à compter de cet acte de procédure (Civ. 1 re, 10 mai 2007, n o 06-
13.546 ).

§ 3 - Faute
80. La responsabilité de l'État pour le dysfonctionnement du service public de la justice n'est engagée envers les usagers que
pour une faute lourde ou un déni de justice. À cet égard, il y a lieu de relever que les dispositions relatives à la responsabilité
de l'État pour faute lourde ou déni de justice, issues de la loi du 5 juillet 1972 et contenues actuellement dans l'article L. 141-
1 du code de l'organisation judiciaire, s'appliquent uniformément à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire, civiles,
commerciales et criminelles, de droit commun ou d'attribution (Civ. 1 re, 3 nov. 2004, n o 03-14.760 ), seules les dispositions
relatives à la responsabilité personnelle des magistrats n'étant pas applicables aux juridictions d'attribution dès lors que la
procédure de la prise à partie n'a pas été abrogée en ce qui les concerne.

81. Deux éléments légaux sont donc, en la matière, susceptibles d'entraîner la responsabilité de l'État lorsque des dommages
s'en sont suivis : la faute lourde et le déni de justice.

82. Faute lourde. - Elle a longtemps été définie de façon étroite et restrictive, dans le but de préserver la fonction de juger,
activité régalienne qui présente des difficultés et requiert des garanties particulières, de la vindicte des justiciables. Ainsi,
initialement, elle était envisagée, d'un point de vue subjectif, par référence au comportement d'un magistrat normalement
soucieux de ses devoirs essentiels dans l'exercice de ses fonctions (Civ. 1 re, 10 mai 1995, n o 93-17.306 , Bull. civ. I,
n o 202 : « Un juge-commissaire, ayant eu recours à une procédure grossièrement inadéquate, à la régularité de laquelle il ne
pouvait croire de bonne foi et violé manifestement le principe de la contradiction, se rend coupable de méconnaissances
graves et inexcusables des devoirs essentiels du juge dans l'exercice de ses fonctions et commet une succession d'erreurs
tellement grossières qu'un magistrat normalement soucieux de ses devoirs n'y aurait pas été entraîné »). L'assemblée
plénière de la Cour de cassation a mis un terme à cette jurisprudence pour consacrer un élargissement de la notion de faute
lourde. En effet, après avoir retenu que « l'existence d'un régime de responsabilité propre au fonctionnement défectueux du
service public de la justice, qui ne prive pas le justiciable d'accès au juge, n'est pas en contradiction avec les exigences d'un
procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales », elle a énoncé que « constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits
traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi » (Cass., ass. plén., 23 févr. 2001,
Bull. ass. plén. n o 5, D. 2001. 1752, note C. Debbasch , JCP 2001, n o 30, p. 1497, note G. Viney).

8 3 . Cette nouvelle définition, qui glisse de l'appréciation du comportement individuel du magistrat vers celle du
fonctionnement du service, retient ainsi une conception plus objective, fondée sur l'importance des manquements ou erreurs
commis, au regard de la finalité du service, et sur les conséquences dommageables qu'ils ont eues. Elle invite à rechercher la
corrélation et l'adéquation entre la démarche suivie, les actes accomplis ou les décisions intervenues et l'objectif poursuivi
consistant en l'émergence de la vérité judiciaire ou la protection et la reconnaissance des droits subjectifs légitimes en cause.
Elle réalise une meilleure conciliation entre des considérations d'intérêt général tenant à l'indépendance, à l'autorité et à la
sérénité de l'institution judiciaire et la protection de l'intérêt particulier des justiciables concernés.

84. Il ressort de cette nouvelle définition que la faute lourde peut résulter aussi bien d'un fait unique que de plusieurs faits
juxtaposés dont l'addition marque la défaillance du service public. À cet égard, il a été jugé que « le fait, pour une cour
d'appel, d'avoir procédé à un examen de chacune des fautes prétendument commises et non à leur appréciation d'ensemble
ne saurait constituer une irrégularité de nature à entraîner la cassation de sa décision, dès lors qu'il ressort de ses
constatations que ces griefs sont inexistants ou anodins, de sorte que leur réunion ne pouvait constituer une faute lourde »
(Civ. 1 re, 6 mai 2003, n o 01-02.543 , Bull. civ. I, n o 105 ; idem : Civ. 1 re, 16 nov. 2004, n o 01-00.579 , ibid. I, n o 270).

85. La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que « l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il
est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais
fonctionnement allégué » (Civ. 1 re, 6 mai 2003, n o 01-02.543 , Bull. civ. I, n o 105), ce qui implique que le justiciable qui
recherche la responsabilité de l'État au titre du fonctionnement défectueux du service public de la justice doit avoir mis en
oeuvre les voies dont il disposait pour rectifier les actes ou décisions qu'il prétend être à l'origine des conséquences
dommageables alléguées.
86. La jurisprudence relative à la faute lourde se caractérise par un certain empirisme, mais révèle une tendance à accueillir
davantage les actions en responsabilité de l'État. Naguère, il a été jugé que des propos discourtois à l'égard d'un avocat ne
caractérisaient pas une faute lourde (Civ. 1 re, 13 oct. 1998, préc. supra, n o 78). Mais, la divulgation, par une administration
dont les agents travaillent sous le contrôle de l'autorité judiciaire, d'informations permettant d'identifier les personnes mises
en cause à l'occasion d'une enquête est constitutive d'une faute lourde (Civ. 1 re, 9 mars 1999, préc. supra, n o 69). De même,
la juridiction saisie d'une action en responsabilité de l'État en raison de l'absence de toute diligence du juge d'instruction dans
l'attente du retour d'une commission rogatoire internationale se doit de rechercher si la nature des investigations demandées
justifiait que le juge ne procédât à aucun acte d'instruction avant d'avoir eu connaissance de leur résultat et si, au cas où
cette commission rogatoire aurait été exécutée, le juge lui avait donné suite, la carence alléguée étant susceptible de
constituer une faute lourde (Civ. 1 re, 29 juin 1994, n o 92-17.488 , Bull. civ. I, n o 227). En tout cas, si l'absence d'intention de
nuire a été mentionnée pour écarter la faute lourde (Civ. 1 re, 17 sept. 2003, n o 01-13.281 , Bull. civ. I, n o 179, s'agissant de
la teneur de lettres qu'un juge d'instruction, saisi d'une information suivie contre le dirigeant d'une société qui devait être
ultérieurement relaxé, avait adressées au parquet et qui étaient à l'origine d'un jugement de liquidation judiciaire de cette
société, infirmé par la cour d'appel), il ne semble pas que ce critère puisse encore être regardé comme pertinent en
considération de la définition adoptée par l'assemblée plénière.

87. L'exercice diligent et prudent, effectué dans des conditions régulières, de prérogatives ou pouvoirs correspondant à la
mission confiée ou au but poursuivi, fut-il dommageable ou d'une durée longue, ne saurait traduire un fonctionnement
défectueux du service public de la justice. Ainsi, dès lors que « les mesures prises sous le contrôle du procureur de le
République, qui s'inscrivent dans le cadre de la recherche d'une infraction pouvant résulter d'une tromperie commise à l'égard
du consommateur et d'une distorsion de concurrence et qui, fondées sur la loi de 1905 et sur les normes communautaires, ont
été diligentées régulièrement sans faire l'objet de recours ou d'annulation par les juridictions chargées d'en apprécier la
validité et sans que l'importateur concerné ait fait l'objet de mesures discriminatoires ou disproportionnées au regard de la
mission de protection de l'ordre public économique, confiée aux services de la répression des fraudes, et du but poursuivi, les
conditions de la commercialisation des produits, notamment en grandes surfaces, justifiant des investigations et des
interventions les plus larges possibles et dans un grand nombre de lieux et les produits saisis, reconnus conformes, ayant été
restitués dans un délai raisonnable, il s'en déduit qu'aucun fait ou série de faits ne caractérise l'inaptitude du service de la
justice à remplir la mission dont il est investi » (Civ. 1 re, 16 nov. 2004, n o 01-00.579 , Bull. civ. I, n o 270) ; de même, une
personne ne peut se prévaloir d'aucun préjudice lié au retard qui aurait été apporté à lui reconnaître la qualité de française,
dès lors qu'elle ne saurait imputer à faute au service public de la justice les précautions prises pour s'assurer de la réalité de
sa nationalité (Civ. 1 re, 28 févr. 2006, n o 05-12.455 ). Au contraire, « constitue une faute lourde traduisant l'inaptitude du
service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, l'inaction du juge d'instruction qui, pendant quatre ans et
sept mois, n'avait pas accompli les actes nécessaires au bon déroulement de l'information (Civ. 1 re, 13 mars 2007, n o 06-
13.040 ).

8 8 . Par ailleurs, la responsabilité de l'État pour service défectueux de la justice ne peut être recherchée dès lors que le
justiciable a obtenu réparation par l'exercice des voies de recours normales. Ainsi, la Cour de cassation a énoncé que, selon
l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est
investi ne peut être appréciée que dans la mesure où les voies de recours n'ont pas permis de réparer le mauvais
fonctionnement allégué : tel n'est pas le cas lorsque la violation du principe de la contradiction a été sanctionnée par l'exercice
normal des voies de recours (Civ. 1 re, 11 janv. 2005, n o 02-15.444 , Bull. civ. I, n o 20).

89. Erreur de droit. - Même si l'on peut percevoir quelques hésitations, il apparaît que l'erreur juridique est susceptible d'être
retenue comme faute lourde. Il avait été jugé, sous l'empire de l'ancienne définition de la faute lourde, que ne revêt pas une
gravité suffisante pour être ainsi qualifiée l'erreur d'un juge des enfants qui avait ordonné une mesure de protection judiciaire
en vertu des dispositions relatives aux jeunes majeurs à l'égard d'une mineure dont la majorité advenait sept jours plus tard,
en croyant de bonne foi qu'une telle procédure ne pouvait être radicalement viciée (Civ. 1 re, 16 mars 1999, Bull. civ. I, n o 97,
D. 1999. 488, note M. Huyette ). De même, avait été écarté le caractère de faute lourde de l'omission par un juge
d'instruction de constater son incompétence dans une affaire ultérieurement classée sans suite par le parquet territorialement
compétent (Civ. 2 e, 10 juin 1999, n o 97-11.780 ). Mais, à la même époque, il avait été admis que constituait une faute
lourde au sens de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire l'adoption par le ministère de la Justice d'une circulaire
enjoignant aux procureurs de la République d'engager des poursuites pénales en application des articles L. 17 et L. 18 du
code des débits de boissons, déclarés contraires au Traité instituant la Communauté européenne par un arrêt de la Cour de
justice des Communautés européennes, puisqu'il résulte, en effet, de la jurisprudence de cette juridiction que l'effet du droit
communautaire implique, pour les autorités nationales compétentes, prohibition de plein droit d'appliquer une prescription
nationale reconnue incompatible avec le Traité (Com. 21 févr. 1995, n o 93-15.387 , Bull. civ. IV, n o 52).

90. On peut penser que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de responsabilité
des États en cas de violation du droit communautaire par les juridictions suprêmes va lier l'appréciation, en droit interne, de la
faute lourde en cas d'erreur juridique manifeste commise dans l'application ou l'interprétation du droit communautaire. En
effet, la CJCE a eu l'occasion d'énoncer : « le principe selon lequel les États membres sont obligés de réparer les dommages
causés aux particuliers par les violations du droit communautaire qui leur sont imputables est également applicable lorsque la
violation en cause découle d'une décision statuant en dernier ressort, dès lors que la règle de droit communautaire violée a
pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de
causalité directe entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées. Afin de déterminer si la violation est
suffisamment caractérisée lorsque la violation en cause découle d'une telle décision, le juge national compétent doit, en
tenant compte de la spécificité de la fonction juridictionnelle, rechercher si cette violation présente un caractère manifeste »
(CJCE 30 sept. 2003, Köbler c/ Autriche, aff. C-224/01). De même, elle a plus récemment rappelé : « Se fondant, notamment,
sur le rôle essentiel joué par le pouvoir judiciaire dans la protection des droits que les particuliers tirent des règles
communautaires et sur la circonstance qu'une juridiction statuant en dernier ressort constitue, par définition, la dernière
instance devant laquelle ceux-ci peuvent faire valoir les droits que leur confère le droit communautaire, la Cour en a déduit
que la protection de ces droits serait affaiblie - et la pleine efficacité des règles communautaires conférant pareils droits serait
remise en cause - s'il était exclu que les particuliers puissent, sous certaines conditions, obtenir réparation des préjudices qui
leur sont causés par une violation du droit communautaire imputable à une décision d'une juridiction nationale statuant en
dernier ressort. Certes, eu égard à la spécificité de la fonction juridictionnelle ainsi qu'aux exigences légitimes de la sécurité
juridique, la responsabilité de l'État, dans pareille hypothèse, n'est pas illimitée. Ainsi que la Cour l'a jugé, cette responsabilité
ne saurait être engagée que dans le cas exceptionnel où la juridiction nationale statuant en dernier ressort a méconnu de
manière manifeste le droit applicable. Afin de déterminer si cette condition est remplie, le juge national saisi d'une demande
en réparation doit, à cet égard, tenir compte de tous les éléments caractérisant la situation qui lui est soumise et, notamment,
le degré de clarté et de précision de la règle violée, le caractère délibéré de la violation, le caractère excusable ou inexcusable
de l'erreur de droit, la position prise, le cas échéant, par une institution communautaire, ainsi que l'inexécution, par la
juridiction en cause, de son obligation de renvoi préjudiciel au titre de l'article 234, troisième alinéa, CE. Des considérations
analogues liées à la nécessité de garantir aux particuliers une protection juridictionnelle effective des droits que leur confère
le droit communautaire s'opposent, de la même manière, à ce que la responsabilité de l'État ne puisse pas être engagée au
seul motif qu'une violation du droit communautaire imputable à une juridiction nationale statuant en dernier ressort résulte de
l'interprétation des règles de droit effectuée par cette juridiction. D'une part, en effet, l'interprétation des règles de droit
relève de l'essence même de l'activité juridictionnelle puisque, quel que soit le domaine d'activité considéré, le juge, confronté
à des thèses divergentes ou antinomiques, devra normalement interpréter les normes juridiques pertinentes - nationales
et/ou communautaires - aux fins de trancher le litige qui lui est soumis. D'autre part, il ne saurait être exclu qu'une violation
manifeste du droit communautaire applicable soit commise, précisément dans l'exercice d'une telle activité interprétative, si le
juge donne, par exemple, à une règle de droit matériel ou procédural communautaire une portée manifestement erronée,
notamment au regard de la jurisprudence pertinente de la Cour en cette matière, ou s'il interprète le droit national d'une
manière telle qu'elle aboutit, en pratique, à la violation du droit communautaire applicable » (CJCE 13 juin 2006, Traghetti del
Mediterraneo SpA c/ République Italienne, aff. C-173/03, D. 2006. 1987 ).

91. Eu égard à la position de la Cour de justice des Communautés européennes, on ne peut exclure que la jurisprudence
interne soit également amenée à retenir comme faute lourde la méconnaissance manifeste du droit français applicable, en
tenant compte de tous les éléments caractérisant la situation examinée et, notamment, le degré de clarté et de précision de
la règle de droit violée, le caractère délibéré ou injustifiable de la violation, le caractère excusable ou inexcusable de l'erreur
de droit, la stabilité du droit positif et les exigences du principe de sécurité juridique. Au demeurant, on peut relever qu'il a
d'ores et déjà été jugé que « ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui, pour débouter un justiciable,
dont la demande d'aide juridictionnelle avait été rejetée, de son action tendant à la condamnation de l'État au paiement de
dommages et intérêts, retient, après avoir relevé que par une mauvaise appréciation des textes applicables, le bureau d'aide
juridictionnelle l'avait privé à tort du bénéfice de l'aide juridictionnelle, que la prise d'une décision inadaptée rendue selon une
motivation inexacte ne traduit pas une défaillance manifeste du bureau d'aide juridictionnelle révélant une inaptitude du
service public de la Justice à remplir la mission dont il est investi, dès lors que cette décision est isolée, ce motif inopérant, ne
pouvant, à lui seul, écarter la faute lourde alléguée » (Civ. 1 re, 14 déc. 2004, n o 03-10.271 , Bull. civ. I, n o 318). Plus
récemment, sur l'action des héritiers d'une personne mise en examen du chef de commerce et détention d'armes de la 1 re à la
7 e catégorie sans autorisation, qui, placée en détention provisoire, s'était suicidée avant que la procédure soit annulée au
motif que, contrairement aux exigences des textes applicables, les poursuites avaient été engagées sans plainte préalable
des ministres de la Défense et des Finances, la Cour de cassation a jugé que l'erreur commise par le ministère public sur les
conditions juridiques de l'engagement des poursuites, puis, l'absence de vérification de la régularité de sa saisine par le juge
d'instruction traduisaient l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission (Civ. 1 re, 14 mars 2006, n o 04-15.458
, Bull. civ. I, n o 156).

9 2 . Il y a lieu de souligner qu'en conservant la référence à la faute lourde, tout en assouplissant la notion, la Cour de
cassation s'en réserve le contrôle afin de jouer son rôle régulateur dans la délimitation des conditions de mise en oeuvre de la
responsabilité de l'État en ce domaine.

93. Déni de justice. - À l'origine, celui-ci, qui constitue un cas particulier de faute lourde, était entendu au sens étroit, soit,
selon l'article 506 de l'ancien code de procédure civile, comme « le refus pour un juge de répondre aux requêtes ou le fait de
négliger de juger les affaires en état et en tour d'être jugées », soit, selon l'article 4 du code civil, comme « le refus de juger
sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi ». Au-delà du refus de juger, il a été rapidement admis
que toute négligence ou tout retard dans l'acte même de juger peut être constitutif d'un déni de justice. Mais,
l'assouplissement de la notion de faute lourde a conduit à étendre le déni de justice à tout manquement de l'État à son devoir
de protection juridictionnelle de l'individu qui, notamment, comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses
prétentions dans un délai raisonnable. Le nouvel article 141-3 du code de l'organisation judiciaire donne la définition suivante
du déni de justice : « Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les
affaires en état et en tour d'être jugées ». Cette définition consacre l'évolution jurisprudentielle sur le sujet.

94. À cet égard, l'écoulement d'un délai excessif dans le traitement d'une procédure, compte tenu de la complexité de l'affaire,
de l'attitude du justiciable et des mesures ou diligences mises en oeuvre, peut, en effet, constituer un déni de justice. Tel
n'est cependant pas le cas lorsque les lenteurs de transmission et d'exécution de commissions rogatoires émises par une
juridiction portugaise étaient inhérentes aux problèmes de coopération internationale et n'auraient pu être réduites que par
l'emploi par les autorités portugaises des correspondances directes de la Convention de Schengen, dont la ratification par ce
pays était alors trop récente, et les magistrats français en charge du dossier n'avaient en réalité que le pouvoir de relancer
les services chargés de la transmission, ce qui avait été fait, la complexité du litige résultant de la mise en oeuvre de la
coopération judiciaire internationale se trouvant ainsi caractérisée (Civ. 1 re, 31 janv. 2006, n o 04-10.803 , Bull. civ. I, n o 44).

95. Par ailleurs, il a été jugé que le juge commet un déni de justice s'il refuse d'évaluer un dommage admis dans son principe
(Civ. 3 e, 6 févr. 2002, n o 00-10.543 , Bull. civ. III, n o 34, JCP 2003, II, 10014, note J.-M. Moulin).

96. Selon les dispositions du nouvel article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, l'État est civilement responsable des
condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées contre les juges, aussi bien pour déni de justice que pour faute
lourde commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements.

Art. 2 - Exonération de l'État


§ 1 - Fait de la victime
9 7 . Le comportement du requérant peut constituer une cause d'exonération de la responsabilité de l'État. Tel est le cas
lorsqu'il s'est abstenu d'exercer les voies de recours dont il disposait et qui lui auraient permis de faire rectifier l'acte
dommageable qu'il invoque (Civ. 1 re, 6 mai 2003, n o 01-02.543 , Bull. civ. I, n o 105 : « L'inaptitude du service public de la
justice à remplir la mission dont il est investi ne pouvant être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours
n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, c'est à bon droit que la cour d'appel, constatant que ni la
désignation d'un administrateur judiciaire, ni l'omission prétendue du juge d'instruction portant sur la restitution des scellés
n'avaient fait l'objet des recours prévus par la loi, en a déduit qu'une faute lourde du service de la justice n'était pas
caractérisée » ; idem : Civ. 1 re, 4 juin 2007, n o 05-21.237 ) ; ou lorsque le dysfonctionnement qu'il invoque, lié à la longueur
de la procédure, est dû à la multiplicité des jeux de conclusions déposés (Civ. 1 re, 4 juin 2007, n o 06-10.784 ) ou à sa
propre inertie (Civ. 1 re, 25 mai 2004, n o 02-17.745 , Bull. civ. I, n o 150, s'agissant de requérants qui, n'ayant pas été privés
de la possibilité d'accomplir les diligences nécessaires pour la reprise d'instance, ne démontraient pas avoir tenté de le faire).

§ 2 - Action récursoire de l'État


98. L'article 11, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1972, devenu l'article L. 141-2 du code de l'organisation judiciaire, contraint l'État
à indemniser les victimes des dommages causés par les fautes personnelles des magistrats qui se rattachent au
fonctionnement du service public de la justice. Mais, en ce cas, l'État, qui n'est alors qu'un garant, dispose, pour éviter de
subir la charge définitive de cette indemnisation, d'une action récursoire contre l'auteur de la faute personnelle. Ce dispositif
législatif s'est substitué, pour les membres du corps judiciaire, à la procédure de prise à partie qui ne subsiste plus que pour
les membres des juridictions d'attribution.

99. Les textes ne donnent aucune définition de la faute personnelle et la jurisprudence, au demeurant peu abondante, fait
preuve, là encore, d'empirisme. L'acception plus large de la notion de faute lourde devrait rendre encore plus exceptionnelle
l'invocation par un justiciable de la faute personnelle d'un magistrat professionnel, sauf pour apporter la preuve du
dysfonctionnement du service public de la justice.

1 0 0 . Il faut ajouter que le nouvel article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, qui prévoit que l'État, en tant que
civilement responsable, répond des condamnations en dommages et intérêts prononcées contre les juges pour déni de justice
ou faute lourde, permet également l'exercice par l'État d'une action récursoire.

101. Compétence de la Cour de cassation. - Seule la Cour de cassation est compétente pour connaître de l'action récursoire
engagée par l'État pour obtenir le remboursement, au moins partiel, des sommes versées par lui à titre de garantie.

102. En réalité, l'extrême rareté de l'exercice par l'État de l'action récursoire traduit l'inadaptation d'un tel recours, soit parce
qu'il est vain, soit parce que la faute personnelle d'un magistrat se conjugue souvent avec celle du service public. On peut
penser que sa suppression pure et simple serait opportune, pour envisager une accentuation de la responsabilité
disciplinaire, y compris en ce qui concerne l'activité juridictionnelle lorsque la faute personnelle commise révèle, par sa gravité,
une inaptitude à certaines fonctions, eu égard, notamment, à l'obligation de compétence et de formation continue et aux
obligations déontologiques et éthiques propres au corps judiciaire.

103. Aux termes de ces développements, il faut relever que le dualisme juridictionnel et, partant, la dualité de compétence
peuvent aboutir à l'impossibilité d'apprécier, de manière globale, les éventuels dysfonctionnements du service public de la
justice, considéré en son ensemble, lorsqu'un litige a été traité successivement par l'un et l'autre ordres (Civ. 1 re, 22 mars
2005, Bull. civ. I, n o 149 : approbation d'un arrêt ayant rejeté l'action d'un justiciable qui avait recherché la responsabilité de
l'État à l'issue de diverses procédures afférentes à la rupture d'un contrat de travail et suivies pendant onze années devant
les juridictions judiciaires et administratives, « la cour d'appel, qui a jugé à bon droit qu'elle ne pouvait se prononcer que sur
le fonctionnement des juridictions judiciaires, n'avait pas à demander au juge administratif de statuer sur le caractère
raisonnable ou non de la durée de la procédure suivie devant les juridictions administratives, l'article L. 781-1 du code de
l'organisation judiciaire ne s'appliquant pas à la juridiction administrative »). La position similaire du Conseil d'État le conduit à
n'examiner que la durée de la procédure devant les juridictions administratives. Si le requérant entend faire juger que c'est
l'ensemble des procédures devant les deux ordres de juridictions qui a une durée excessive, alors même que, considérée
séparément, la durée de la procédure devant chaque ordre serait raisonnable, un risque de déni de justice apparaît, aggravé
encore s'il faut ajouter l'examen de la procédure devant le Tribunal des conflits.

1 0 4 . En définitive, compte tenu des problématiques communes aux deux ordres de juridictions et des solutions parfois
différentes qui sont apportées, on peut se demander s'il ne serait pas opportun de transférer au Tribunal des conflits la
compétence pour statuer en matière de responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux des juridictions judiciaires et
administratives, au moins en ce qui concerne l'appréciation du délai raisonnable. Cette solution aurait le mérite d'estomper le
sentiment de suspicion fondé sur le constat que le dysfonctionnement allégué est soumis à l'appréciation de l'ordre de
juridiction auquel il est imputé.

Actualité
104. Indemnisations de la durée excessive de certaines procédures. - Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître
d'une action en indemnisation du préjudice découlant d'une durée totale excessive des procédures afférentes à un même
litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence
applicables et, le cas échéant, devant lui (L. n o 2015-177 du 16 févr. 2015, art. 13, JO 17 févr.). Dans ce cas, la partie qui
entend obtenir réparation doit préalablement saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une réclamation. Le silence
gardé pendant plus de deux mois sur la réclamation vaut décision de rejet. À l'expiration de ce délai, la partie intéressée peut
saisir le Tribunal des conflits. En cas de décision explicite de rejet, la requête doit être présentée dans un délai de deux mois à
compter du jour de la notification de cette décision. Ce délai n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que
les voies de recours, dans la notification de la décision (Décr. n o 2015-233 du 27 févr. 2015, art. 43 et 44, JO 1 er mars).
Section 3 - Responsabilité du fait de la tutelle des mineurset des mesures de protection des majeurs
105. Textes. - La loi n o 64-1230 du 14 décembre 1964 (D. 1965. 4), qui a réformé en profondeur le régime juridique de la
tutelle en accroissant considérablement les pouvoirs du juge des tutelles, a organisé un régime spécial de responsabilité de
l'État en cas de dysfonctionnement d'une tutelle, abandonnant ainsi le mécanisme de la prise à partie pour le remplacer par le
principe de la responsabilité de l'État, substituée à celle du juge des tutelles. Ainsi, selon l'article 473 du code civil, « l'État est
seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait
été commise dans le fonctionnement de la tutelle, soit par le juge des tutelles ou son greffier, soit par le greffier en chef du
tribunal d'instance, soit par l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante en vertu de l'article 433 du code civil. L'action
en responsabilité exercée par le pupille contre l'État est portée, dans tous les cas, devant le tribunal de grande instance »,
l'article 475 prévoyant que l'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité, lors même qu'il y aurait
eu émancipation. L'article 495 du même code, concernant la tutelle des majeurs, et l'article 509-2, concernant la curatelle,
renvoient, notamment, aux dispositions de l'article 473, dès lors applicables dans les mêmes conditions, en cas de dommage
consécutif au fonctionnement de ces régimes de protection des incapables majeurs issus de la réforme réalisée par la loi
n o 68-5 du 3 janvier 1968.

106. L a loi n o 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (JO 7 mars), qui entrera en
vigueur le 1 er janvier 2009, a apporté des modifications à ces dispositions. En effet, au titre de la responsabilité en matière
d'organisation et de fonctionnement de la tutelle des mineurs, l'actuel article 412 du code civil prévoit désormais que « tous
les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice
de leur fonction. Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle
par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité est dirigée contre
l'État qui dispose d'une action récursoire » ; et l'article 413 précise que « l'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à
compter de la majorité de l'intéressé, alors même que la gestion aurait continué au-delà, ou de la fin de la mesure si elle
cesse avant ».

107. Le même texte législatif a édicté, en la matière, des dispositions communes aux majeurs protégés qui constituent les
nouveaux articles 421 à 423 du code civil prévoyant respectivement :

l'article 421 : « Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute
quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le
subrogé curateur n'engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu'en cas de dol ou de
faute lourde » ;

l'article 422 : « Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la mesure
de protection par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité
diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers est dirigée contre l'État qui dispose d'une
action récursoire. Lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des
majeurs, l'action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l'État qui dispose d'une action récursoire » ;

et l'article 423 : « L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection alors même
que la gestion aurait continué au-delà. Toutefois, lorsque la curatelle a cessé par l'ouverture d'une mesure de tutelle, le délai
ne court qu'à compter de l'expiration de cette dernière ».

108. Le régime spécial de responsabilité de l'État, mis en place par ces dispositions, est, en ce qui concerne la personne objet
de la mesure de protection, exclusif de celui instauré par les articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de l'organisation judiciaire.
Toutefois, le régime prévu par ces derniers textes retrouve application pour les usagers du service tutélaire autres que la
personne protégée, tandis que les tiers peuvent recourir aux textes de droit commun (Civ. 1 re, 23 mai 2006, n o 04-16.820
: à l'égard des tiers, le curateur est responsable de sa faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; Civ. 2 e, 29 mars
2006, n o 03-20.071 , Bull. civ. II, n o 96 : il est jugé, selon une interprétation restrictive des dispositions en la matière, que
l'UDAF, agissant comme curateur, n'est pas responsable des actes de la personne protégée mais seulement de la gestion de
ses biens).

1 0 9 . La responsabilité exclusive de l'État, sous réserve de l'exercice de son éventuelle action récursoire, rend irrecevable
l'action du pupille ou de la personne protégée et de leurs représentants dirigée contre le tuteur ou le curateur d'État (Crim.
3 déc. 2003, n o 02-80.041 , Bull. crim., n o 232 : irrecevabilité des constitutions de partie civile de majeurs protégés ou de
leurs ayants droit ainsi que d'associations les représentant à l'encontre de personnes désignées afin d'exercer la tutelle et la
curatelle d'État poursuivies pour abus de confiance ; Civ. 1 re, 17 févr. 2004, n o 02-10.109 , Bull. civ. I, n o 51 : il résulte de
l'art. 473 c. civ., applicable à la curatelle, que l'État est seul responsable à l'égard du pupille du dommage résultant d'une
faute quelconque commise dans le fonctionnement de la tutelle par l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante ; est
par suite irrecevable la demande dirigée par le majeur sous curatelle et son curateur ad hoc contre l'UDAF, en sa qualité de
curateur d'État, en réparation du préjudice subi par le premier du fait des fautes commises par cette dernière).

110. Une faute quelconque. - Les dispositions actuellement en vigueur comme celles qui le seront après le 1 er janvier 2009
110. Une faute quelconque. - Les dispositions actuellement en vigueur comme celles qui le seront après le 1 janvier 2009
n'exigent, pour que soit engagée la responsabilité de l'État, que la preuve d'une faute quelconque, sauf en ce qui concerne le
curateur et le subrogé curateur pour lesquels doit être rapportée la preuve d'un dol ou d'une faute lourde. Autrement dit,
sous cette dernière réserve, la moindre faute, du service ou personnelle, est susceptible de fonder une action en
responsabilité, dès lors qu'elle est en relation de causalité avec le dommage allégué, c'est-à-dire est à l'origine d'une atteinte
aux intérêts de la personne protégée ou de son patrimoine.

111. Une faute commise dans le fonctionnement de la mesure de protection. - En l'état des textes actuels, la responsabilité de
l'État peut être engagée lorsqu'elle est le fait du juge des tutelles, du greffier en chef ou du greffier, du tuteur ou du curateur
d'État, ainsi que des associations tutélaires et des préposés d'établissements hospitaliers chargés d'une gérance de tutelle,
et est commise dans le fonctionnement de la mesure de protection. Le Tribunal des conflits a eu l'occasion de préciser que les
juridictions judiciaires étaient compétentes pour statuer sur la demande en réparation par l'État du dommage résultant des
négligences et carences imputées au préposé d'un centre hospitalier, désigné comme mandataire spécial d'une personne
placée sous sauvegarde de la justice, avec mission d'acquitter les droits d'enregistrement exigibles pour la succession de
M. Badoix, pour ne pas avoir payé ces droits dans les délais légaux, en considérant que, « si les directeurs des établissements
d'hospitalisation de cures ou de soins choisissent, conformément aux dispositions du décret n o 69-195 du 15 février 1969,
parmi leurs préposés, les personnes qu'ils estiment les plus qualifiées pour être désignées, le cas échéant, comme gérant de
la tutelle, les actes accomplis par ces dernières en leur qualité de gérant de tutelle ou de mandataire de personnes placées
sous sauvegarde de justice relèvent exclusivement du contrôle du juge des tutelles qui les a désignées, a fixé leur mission,
dont il a la charge de surveiller la bonne exécution et qui enfin, peut procéder, le cas échéant, à leur révocation » (T. confl.
13 janv. 1992, Mme Richaud c/ Centre hospitalier de Valvert, JCP 1993. II. 22037, note Fossier, Defrénois 1992, art. 35335,
obs. Massip, RTD civ. 1992. 363, obs. J. Hauser ).

112. Observons que les textes applicables au 1 er janvier 2009 prévoient la responsabilité de l'État lorsque la faute a été
commise, dans l'exercice de ses fonctions, par l'un ou l'autre des organes de la tutelle ou de la mesure de protection judiciaire
pour tout dommage et pour tout régime de protection. Elle concerne donc, outre le juge des tutelles, le greffier en chef et le
greffier, notamment, les nouveaux mandataires judiciaires de protection des majeurs inscrits sur la liste établie conformément
à la loi.

113. Le fonctionnement de la mesure de protection englobe les décisions prises ou omises, les diligences faites ou négligées
et les autorisations données par le juge des tutelles, les opérations de contrôle des comptes, les actes de gestion. La
question s'est posée de savoir si la notion de faute dans le « fonctionnement » de la tutelle prévue à l'article 473, alinéa 2, du
code civil devait s'entendre de manière large et inclure le choix de la mesure de tutelle ou de manière étroite et l'exclure, dans
une instance où la responsabilité de l'État était recherchée à la suite des malversations commises, au détriment d'un majeur
vulnérable placé sous le régime de la tutelle, par la personne que le juge des tutelles avait désignée comme administratrice,
sur le fondement de l'article 497 du code civil, aucun des enfants n'ayant souhaité assurer la gestion des biens, alors que, en
l'absence de la circonstance spécifiée par l'article 499, la constitution d'une tutelle complète s'imposait. La Cour de cassation a
cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait débouté l'UDAF de son action au motif que la critique du choix de la mesure de
protection ne relève pas de l'article 473 du code civil, lequel ne prévoit la responsabilité de l'État que du seul fait du
fonctionnement de la tutelle, en énonçant que « la faute dans le fonctionnement de la tutelle doit être également appréciée
au regard de l'adéquation des contrôles exercés en fonction de la mesure choisie pour la protection de l'incapable » (Civ. 1 re,
4 juill. 2006, Bull. civ. I, n o 348, RTD civ. 2006. 739, note J. Hauser , JCP 2006. II. 10118, concl. J.-D. Sarcelet, note
Th. Fossier). En l'espèce, en choisissant une modalité de tutelle illégale, le juge des tutelles avait pris une décision qui
compromettait le bon fonctionnement de la mesure de protection.

114. Cette décision montre que le fonctionnement de la tutelle peut difficilement être dissocié de l'organisation de la mesure
de protection. À cet égard, il y a lieu de relever que les textes qui entreront en vigueur le 1 er janvier 2009 prévoient que la
responsabilité de l'État pourra être engagée lorsque la faute à l'origine du dommage aura été commise aussi bien dans
l'organisation que dans le fonctionnement de la mesure de protection.

115. Charge de la preuve. - Eu égard aux obligations qui pèsent sur le juge des tutelles, sur le procureur de la République et
sur les organes des mesures de protection judiciaire, la preuve de l'accomplissement des obligations afférentes au
fonctionnement et, selon les nouveaux textes, à l'organisation de ces mesures incombe sans doute à l'État dont la
responsabilité est recherchée à la suite d'un dommage subi par une personne protégée.

1 1 6 . Juridiction compétente. - Seul le tribunal de grande instance est compétent pour apprécier l'action en responsabilité
exercée par le pupille contre l'État (C. civ., art. 473, al. 3). Cette action se prescrit par cinq ans à compter de la majorité, même
lorsqu'il y a eu émancipation (Civ. 1 re, 28 nov. 1973, D. 1974. 112, note Massip ; 2 oct. 2001, n o 99-18.630 , D. 2001. 3017
, RTD civ. 2002. 73, note J. Hauser , Defrénois 2002. 198, note J. Massip), cette prescription abrégée ne jouant que pour
les actions relatives aux faits de la tutelle.

117. Action récursoire. - L'article 473, alinéa 2, du code civil autorise une action récursoire de l'État, notamment contre le juge
des tutelles. Ce texte est à rapprocher du texte général que constitue l'article 11-1 de la loi organique n o 58-1270 du
22 décembre 1958, selon lequel « la responsabilité des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au
service public de la justice ne peut être engagée que sur action récursoire de l'État. Cette action récursoire est engagée,
conformément au droit commun, devant une chambre civile de la Cour de cassation ».

Section 4 - Responsabilité du fait d'une erreur judiciaireou d'une condamnation prononcée en violation des
dispositionsde la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
118. C'est la loi du 8 juin 1895 qui a, pour la première fois, organisé une procédure de réparation des dommages causés par
une erreur judiciaire. Cependant, les cas ouvrant droit à réparation et le régime d'indemnisation étaient à l'origine restrictifs. Il
a fallu attendre, d'une part, la loi n o 89-431 du 23 juin 1989 (JO 1 er juill.), qui a assoupli la procédure de révision, et, d'autre
part, la loi n o 2000-1354 du 30 décembre 2000 (D. 2001. 212) pour que soit inscrit un « véritable droit à indemnisation » des
condamnés reconnus innocents.

119. Textes. - L'article 626 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2000, ci-dessus
évoquée, contient toutes les dispositions relatives aux conditions et modalités de la réparation du dommage consécutif à une
condamnation pénale qui a donné lieu à révision. Ce texte dispose : « Sans préjudice des dispositions des deuxième et
troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire [devenu l'article L. 141-2], un condamné reconnu
innocent en application du présent titre a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé la
condamnation. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque la personne a été condamnée pour des faits dont elle s'est
librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. Peut
également demander une réparation, dans les mêmes conditions, toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la
condamnation. À la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions
des articles 156 et suivants. La réparation est allouée par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle
réside l'intéressé et suivant la procédure prévue par les articles 149-2 à 149-4. Si la personne en fait la demande, la
réparation peut également être allouée par la décision d'où résulte son innocence. Devant la cour d'assises, la réparation est
allouée par la cour statuant, comme en matière civile, sans l'assistance des jurés. Cette réparation est à la charge de l'État,
sauf son recours contre la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été
prononcée. Elle est payée comme frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ».

Art. 1 - Champ d'application


1 2 0 . Erreur en matière pénale. - Parmi toutes les erreurs judiciaires possibles, seules celles commises en matière
correctionnelle ou criminelle peuvent engager la responsabilité de l'État sur le fondement de l'article 626 du code de
procédure pénale, dès lors que l'article 622 ne prévoit la révision d'une décision pénale définitive qu'au bénéfice des
personnes reconnues coupables d'un crime ou d'un délit. Ainsi, il a été jugé qu'une demande de révision d'une condamnation
pour contravention n'entre pas dans les prévisions de l'article 622 du code de procédure pénale (Crim. Comm. révis., 7 févr.
2005, Bull. crim., n o 1). Toutefois, la demande de révision formée contre une contravention est recevable dès lors que cette
contravention est indivisible avec des crimes ou délits eux-mêmes soumis à révision, comme c'est le cas de la contravention de
défaut de maîtrise et du délit d'homicide involontaire pour lesquels la révision de la condamnation est demandée (Crim. Comm.
révis., 12 juin 2006, Bull. crim., n o 1).

121. Nécessité d'une action préalable en révision. - L'octroi de l'indemnité est subordonné au succès de l'action en révision car
le droit à réparation intégrale de son préjudice n'est admis qu'au condamné reconnu innocent en vertu des dispositions
relatives aux demandes de révision. Aux termes de l'article 622 du code de procédure pénale, l'action en révision n'est
ouverte que dans quatre cas : 1) la découverte de pièces propres à faire naître de suffisants indices sur l'existence de la
prétendue victime de l'homicide ; 2) la contrariété d'arrêts ou de jugements successifs d'où il résulte la preuve de l'innocence
de l'un ou de l'autre condamné (Crim. 8 avr. 1933, Gaz. Pal. 1933. 2. 44) ; 3) la preuve d'un faux témoignage contre l'accusé
ou le prévenu (Crim. 2 mars 1934, Gaz. T. 1934. 1. 62 ; 13 nov. 1968, DS 1969. 1. 219) ; 4) la survenance, après la
condamnation, d'un fait nouveau ou d'un élément inconnu de la juridiction, tant matériel que juridique, de nature à faire naître
un doute sur la culpabilité du condamné (Crim. 19 oct. 1950, Hofstetter dit Bernhard, JCP 1950. II. 5895, note Brouchot ;
Civ. 2 e, 1 er juill. 1954, Cts Cau c/ Giraud et Dame Vve Lavaud, D. 1955. 45, concl. Lemoine, JCP 1954. II. 8274, obs. X. ; Crim.
24 juin 1980, Bull. crim., n o 206, RSC 1981. 642, obs. J. Robert), mais la mise hors de cause du gérant d'une société condamné
comme auteur principal d'abus de biens sociaux est sans incidence sur la déclaration de culpabilité de la salariée condamnée
pour complicité et recel et ne constitue pas un fait nouveau au sens de l'article 622, dès lors cette relaxe ne suffit pas à
exclure que l'infraction d'abus de biens sociaux ait été commise par l'un des autres gérants de droit ou de fait pendant la
période au cours de laquelle des sommes d'argent ont été détournées (Crim. 16 févr. 2000, Bull. crim., n o 73).

122. En revanche, constitue un fait nouveau, au sens de l'article 622, 4 o, du code de procédure pénale, justifiant la saisine de
la cour de révision, la révélation d'un témoignage mensonger sur les circonstances d'un accident, fait par une personne qui a
reconnu, postérieurement à la condamnation, qu'elle n'était pas sur les lieux lors des faits auxquels elle n'avait pas assisté
(Crim. Comm. révis., 12 juin 2006, Bull. crim., n o 1). De même, constitue un élément nouveau inconnu des juges, de nature à
faire naître un doute sur la culpabilité d'une personne condamnée pour abandon de famille, la révélation, résultant d'un
jugement rectificatif, que la décision ayant ordonné le paiement d'une pension alimentaire a été rendue postérieurement à la
période visée dans la prévention (Crim. 24 sept. 2001, n o 01-99.046 , Bull. crim., n o 187).

123. On sait que l'amnistie ne met pas obstacle à l'action en révision devant toute juridiction compétente tendant à faire
établir l'innocence du condamné (Crim. Comm. révis., 12 juin 2006, Bull. crim., n o 2), de sorte que le droit à indemnisation
demeure. Au contraire, aucune indemnisation ne peut être sollicitée lorsque la révision ne peut être envisagée. Par exemple, il
a été jugé que les articles 622 et suivants du code de procédure pénale ne donnent pas compétence à la cour de révision
pour prononcer l'annulation d'une condamnation pénale, au motif que celle-ci serait contraire à des dispositions légales et
conventionnelles entrées en vigueur postérieurement (Crim. Comm. révis., 19 mars 2007, n o 5R-EV.084). En outre, la
procédure de révision est une voie de recours extraordinaire qui ne peut être exercée lorsqu'un autre moyen de droit, en
l'espèce la procédure de rectification des mentions du casier judiciaire prévue par l'article 778 du code de procédure pénale,
permet de réparer l'erreur commise (Crim. Comm. révis., 11 avr. 2005, Bull. crim., n o 2).

Réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. -La loi n o 2000-
516 du 15 juin 2000 (D. 2000. 253) a créé une nouvelle procédure (différente de la révision mais s'en rapprochant dans
l'esprit) de réexamen d'une affaire pénale à la suite d'un arrêt de la CEDH (C. pr. pén., art. 626-1 à 626-7) condamnant la
France pour une violation d'une disposition de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels. Pour qu'un réexamen soit ordonné par une commission ad hoc de la
Cour de cassation (C. pr. pén., art. 626-3), il faut que la violation constatée entraîne, par sa nature et sa gravité, des
conséquences dommageables pour le condamné auxquelles la « satisfaction équitable » de l'article 41 de la Convention (c'est-
à-dire l'indemnité versée par la France au plaignant) ne pourrait mettre un terme (Comm. réexamen, 1 er mars 2007, Bull.
comm. réex., n o 1 : « Entre dans les prévisions de l'article 626-1 du code de procédure pénale la demande de réexamen
formée par une personne condamnée par une cour d'assises à une peine de réclusion criminelle, fondée sur une décision de la
Cour européenne des droits de l'homme ayant constaté que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce (placement
d'office du requérant pendant le cours du délai d'appel dans un centre psychothérapeutique), l'application qui avait été faite
par la Cour de cassation des règles de droit interne, et notamment des articles 380-1 et suivants du code de procédure
pénale, constituait une application particulièrement rigoureuse d'une règle procédurale, ayant porté atteinte dans son
essence même au droit d'accès du requérant à un tribunal, bien que cette personne n'ait pas demandé à la Cour européenne
des droits de l'homme de lui accorder une « satisfaction équitable » en application de l'article 41 de la Convention. La décision
contestée de la chambre criminelle de la Cour de cassation n'ayant pas été rendue à la suite d'un pourvoi en cassation,
seules les dispositions de l'article 626-4, dernier alinéa, du code de procédure pénale trouvent à s'appliquer ». Si à l'issue d'un
réexamen de la décision, le condamné est reconnu innocent, les dispositions de l'article 626 du code de procédure pénale,
relatives à l'indemnisation d'un condamné reconnu innocent, sont applicables (C. pr. pén., art. 626-7).

Art. 2 - Compétence
124. Autorité compétente pour prononcer la réparation. - La loi du 30 décembre 2000 a aligné la procédure d'indemnisation des
condamnés reconnus innocents à la suite d'une procédure en révision ou de réexamen d'une décision pénale, sur celle prévue
en cas de détention provisoire abusive (C. pr. pén., art. 626, al. 4, et 149-2 à 149-4). C'est ainsi que la réparation est allouée
par le premier président de la cour d'appel du lieu de résidence de l'intéressé, par une décision motivée, après débats en
audience publique (C. pr. pén., art. 149-2, al. 1 er et 2). Cette décision peut, dans les dix jours de sa notification, faire l'objet
d'un recours devant la Commission nationale de réparation des détentions, placée auprès de la Cour de cassation et
composée de trois magistrats du siège de la Cour, et dont les décisions ne sont susceptibles d'aucun recours (C. pr. pén.,
art. 149-3, al. 1 er). Toutefois, la réparation peut également, à la demande du condamné innocenté, être allouée par la
décision d'où résulte l'innocence (C. pr. pén., art. 626, al. 4) : si la juridiction de renvoi est la cour d'assises, elle statue sur la
réparation comme en matière civile, c'est-à-dire sans l'assistance des jurés.

Art. 3 - Fondement de la responsabilité


125. Égalité devant les charges publiques. - S'il est incontestable que l'idée de faute n'est pas étrangère à la notion même
d'erreur judiciaire, le régime de responsabilité ainsi mis en place est, en réalité, fondé sur le principe d'égalité devant les
charges publiques. Les requérants sont ainsi dispensés de prouver l'existence d'une faute du service public de la justice et
n'ont à rapporter la preuve que de leur préjudice et du lien de causalité de ce préjudice avec l'erreur judiciaire.

126. Pouvoir d'appréciation du juge. - Dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2000, l'article 626 du code de procédure
pénale prévoit que le condamné reconnu innocent « a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a
causé la condamnation », sauf, à l'instar de l'exception également prévue par l'article 149 du code de procédure pénale pour
la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire, dans l'hypothèse où il se serait « librement et volontairement accusé
ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites » (C. pr. pén., art. 626, al. 1 er). Il s'agit
donc d'un droit « automatique » dans son principe, qui ne laisse le pouvoir d'appréciation du juge que pour l'évaluation, étant
noté que le condamné reconnu innocent peut demander que son préjudice soit évalué par une expertise contradictoire (C. pr.
pén., art. 626, al. 3).

Art. 4 - Régime de la responsabilité


1 2 7 . Titulaire du droit à réparation. - L'auteur de la demande de réparation est bien entendu l'auteur de la demande de
révision, c'est-à-dire généralement la victime directe de l'erreur judiciaire. Mais peut également demander une réparation,
dans les mêmes conditions que le condamné reconnu innocent, toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la
condamnation (C. pr. pén., art. 626, al. 2).

1 2 8 . L'exercice de ce droit à réparation s'effectue sans préjudice des dispositions particulières de mise en cause de la
responsabilité personnelle des juges (COJ, art. L. 781-1, al. 2 et 3, devenu art. L. 141-2), encore que cette disposition est
sans réelle portée pratique puisque, dans tous les cas, l'action ne peut être dirigée que contre l'État et l'indemnisation ne
peut excéder le préjudice subi.

129. Réparation intégrale. - Elle englobe aussi bien les préjudices patrimoniaux, matériels et professionnels (tels, not., les frais
d'avocat engagés par le demandeur devant le tribunal qui a prononcé sa condamnation et devant la Cour de révision qui a
annulé le jugement et le montant des dommages-intérêts versés à la partie civile en exécution du jugement de condamnation,
ainsi que des intérêts échus, en indemnisation de la privation de jouissance de cette somme), que les préjudices extra-
patrimoniaux, moraux et de santé. Ainsi, un condamné reconnu innocent a droit, sur le fondement de l'article 626 du code de
procédure pénale, à la réparation du préjudice résultant de la dégradation de son état de santé en relation avec l'épreuve
qu'il a traversée pendant les années séparant les poursuites dont il a fait l'objet et l'arrêt de la Cour de révision annulant sa
condamnation (CNR détentions, 5 déc. 2005, Bull. crim., n o 15). En outre, le législateur, qui ne s'est pas contenté de prévoir
une indemnisation pécuniaire, a également organisé la publicité de la décision de révision, qui est ordonnée d'office, si le
condamné le demande. Elle s'effectue par insertion de la décision dans le Journal officiel et par la publication dans cinq
journaux choisis par le juge qui l'a prononcée (C. pr. pén., art. 626, al. 6). De plus, à la demande de la victime, la décision de
révision peut être affichée dans la ville où a été prononcée la condamnation, dans la commune où l'infraction a été commise,
dans celle du domicile des demandeurs en révision et dans celle enfin du dernier domicile de la victime de l'erreur judiciaire, si
elle est décédée (C. pr. pén., art. 626, al. 9). L'État assume la charge financière de cette publicité (C. pr. pén., art. 626, dern.
al.).

Art. 5 - Action récursoire


130. Cette réparation est à la charge de l'État qui peut, cependant, exercer un recours contre la partie civile, le dénonciateur
ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée. Elle est payée comme frais de justice criminelle,
correctionnelle et de police (C. pr. pén., art. 626, al. 5).

Section 5 - Responsabilité à raison d'une détention provisoire


131. L'indemnisation des personnes détenues dont l'innocence a été prononcée judiciairement se rattache au concept de
responsabilité sans faute du droit public dans la mesure où, même en dehors de tout comportement fautif des agents de
l'État, la puissance publique doit réparer les conséquences d'une rupture de l'égalité des citoyens devant les charges
publiques découlant de l'incarcération subie (V. D. KARSENTY, La réparation des détentions, Étude, JCP, 2003).

Art. 1 - Évolution législative


132. Les articles 70 et 71 de la loi n o 2000-516 du 15 juin 2000 (D. 2000. 253) renforçant la présomption d'innocence et les
droits des victimes ont substantiellement modifié les règles de fond et de forme de l'indemnisation des détentions provisoires
suivies d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

133. S'agissant des règles de fond, on rappellera que l'indemnisation du préjudice lié à la détention avait été instaurée par la
loi n o 70-643 du 17 juillet 1970 « tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens ». Ce texte rendait
possible l'allocation d'une indemnité à toute personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure
terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, sous réserve que soit
prouvé le caractère manifestement anormal et d'une particulière gravité du préjudice causé.

1 3 4 . Si cette dernière exigence a été supprimée par l'article 9 de la loi n o 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la
détention provisoire (D. 1997. 97), il n'y a pas eu, pour autant, alors bouleversement du système originel.

1 3 5 . Les dispositions précitées de la loi du 15 juin 2000, complétées par les articles 1 er à 7 de la loi n o 2000-1354 du
30 décembre 2000 (D. 2001. 212) (tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses
dispositions de coordination en matière de procédure pénale, ont fait de la « réparation intégrale du préjudice moral et
matériel… causé [par] cette détention » un droit et non plus une simple faculté. Ainsi, l'article 149 du code de procédure
pénale, en sa dernière rédaction issue de la loi n o 2004-204 du 9 mars 2004 (D. 2004. 737), prévoit : « Sans préjudice de
l'application des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, la
personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-
lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et
matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement
la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en
détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne
était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour
s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.
À la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156
et suivants. Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit
de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier al.) ».

136. Ce texte réserve expressément l'application des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 781-1 du
code de l'organisation judiciaire (devenus l'art. L. 141-2) sur la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats à raison de
leur faute personnelle et plus généralement de celle de l'État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice.
Ainsi, il a été jugé que les éléments de préjudice résultant du rejet des demandes de mise en liberté, des prolongations de
détention, et des retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement ne peuvent être indemnisés que dans le cadre
d'une procédure intentée sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, relatif à la réparation des
dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice en cas de faute lourde (CNR détentions,
31 mars 2006, Bull. crim., n o 6). À cet égard, à la suite des indemnisations allouées aux personnes acquittées dans l'affaire
dite « d'Outreau », la Commission nationale de réparation des détentions a dû préciser que les provisions accordées à ces
personnes ne peuvent constituer des références utiles à la Commission, comme étant aussi destinées à l'indemnisation du
dysfonctionnement du service public de la justice et non du seul préjudice subi du fait d'une détention, objet de la procédure
fondée sur les dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale (CNR détentions, 31 mars 2006, Bull. crim., n o 5).

1 3 7 . S'agissant de modalités de la décision d'allocation de la réparation, l'indemnisation était initialement prononcée par la
Commission nationale d'indemnisation en matière de détention provisoire, présidée par le Premier président de la Cour de
cassation. Chaque formation était composée de trois magistrats de la Cour de cassation désignés annuellement par le bureau
de la Cour, les fonctions du ministère public étant assurées par un avocat général désigné par le procureur général. La
Commission statuait, en chambre du conseil, par une décision souveraine qui n'était pas susceptible de recours, après avoir
entendu successivement le requérant ou son conseil, l'agent judiciaire du Trésor représentant l'État débiteur et le ministère
public. Il s'agissait d'une procédure dérogatoire aux règles applicables devant toutes les juridictions statuant sur des intérêts
civils, par l'absence de publicité, de motivation et de double degré de juridiction. Le caractère secret et le manque de
transparence de la procédure mise en place en 1970 étaient critiqués par la doctrine et par les praticiens. Le droit à
réparation, désormais inscrit dans la loi, ainsi que l'instauration d'un recours devaient nécessairement conduire à l'adaptation
des règles procédurales aux exigences du procès équitable en matière civile (V. Rapport de la Cour de cassation 2000).
1 3 8 . À cet égard, on relèvera en particulier que, désormais, la personne bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un
acquittement doit avoir connaissance de l'existence de la procédure d'indemnisation et des conditions de saisine des organes
compétents (C. pr. pén., art. 149, al. 2). À défaut, le délai de six mois dont elle dispose, à compter de la date à laquelle la
décision l'innocentant est devenue définitive, pour présenter une requête en indemnisation, ne saurait commencer à courir.

139. Il importe également de souligner que la décision, rendue après débats en audience publique, doit être motivée en fait
et en droit et doit évaluer de façon distincte le préjudice économique et le préjudice moral résultant de la détention.

140. À compter du 16 décembre 2000, a été instauré un double degré de juridiction et le contentieux, en premier ressort, a
été transféré aux premiers présidents des cours d'appel dont les décisions doivent être notifiées aux requérants avec
l'indication des modalités pour former un recours, à défaut de quoi le délai ne court pas (CNR détentions, 2 mai 2006, Bull.
crim., n o 7 : « Dès lors que la décision critiquée n'a pas été notifiée au requérant lui-même mais seulement à son conseil, le
délai pour former recours, fixé par l'article R. 38 du code de procédure pénale qui dispose expressément que la décision du
premier président est notifiée au demandeur et à l'agent judiciaire du Trésor, soit par remise d'une copie contre récépissé,
soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, conformément au principe général posé par l'article 677 du
nouveau code de procédure civile selon lequel les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes, n'a pas commencé à
courir, étant rappelé qu'aux termes de l'article 149-4 du code de procédure pénale, le premier président et la commission
nationale statuent en tant que juridictions civiles » ; idem : CNR détentions, 26 janv. 2007, Bull. crim., n o 1). La Commission
nationale de réparation des détentions, dénomination consacrée par le décret n o 2001-709 du 31 juillet 2001 (JO 3 août), a
pris, en 2001, la suite de la Commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires dont les travaux se sont
achevés à la fin de l'année 2000. La Commission nationale de réparation n'intervient que comme juridiction d'appel sur le
recours formé soit par le demandeur, soit par l'agent judiciaire du Trésor ou bien encore par le procureur général près la cour
d'appel. La Commission, ou le cas échéant chacune des formations qu'elle comporte, est composée du premier président de la
Cour de cassation, ou de son représentant, qui la préside, et de deux magistrats du siège de la Cour. Les fonctions du
ministère public sont évidemment toujours assurées par le parquet général près la Cour de cassation.

141. Le décret n o 2000-1204 du 12 décembre 2000 (D. 2001. 88) a, par la modification des articles R. 26 et suivants du code
de procédure pénale, organisé une procédure mettant en oeuvre les principes ainsi dégagés par le législateur.

Art. 2 - Conditions de mise en oeuvre


§ 1 - Détention provisoire intervenue au cours d'une procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement
142. L'article 149 du code de procédure pénale pose comme condition de recevabilité de la demande, l'existence, à l'égard du
requérant, d'une procédure ayant donné lieu à un placement en détention provisoire et « terminée par une décision de non-
lieu, de relaxe ou d'acquittement ». Cette décision doit être définitive, les voies de recours étant expirées, mais, en application
de l'article 126 du nouveau code de procédure civile, si, lorsqu'il a introduit sa requête en réparation, le requérant ne
remplissait pas la condition d'avoir fait l'objet d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive,
l'irrecevabilité doit néanmoins être écartée si au jour de l'examen de son recours par la Commission la décision de non-lieu est
devenue définitive pour l'ensemble des faits (CNR détentions, 23 oct. 2006, Bull. crim., n o 13). Il doit s'agir d'une véritable
décision de non-lieu et, suivant la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Crim. 23 juin 1992, n o 92-
81.460 , Bull. crim., n o 248), lorsque le magistrat instructeur procède à une requalification des faits incriminés pour lesquels
il renvoie le mis en examen devant la juridiction de jugement, cette décision ne présente pas les caractères d'une ordonnance
de non-lieu ni n'en produit les effets (CNR détentions, 14 déc. 2005, Bull. crim., n o 19), de même qu'il doit s'agir d'une véritable
décision de relaxe ou d'acquittement, une condamnation assortie d'un sursis pour les faits ayant motivé le placement en
détention provisoire ne satisfaisant pas aux conditions du texte.

143. Par ailleurs, et comme le souligne la Commission de suivi de la détention provisoire, instituée par la loi du 15 juin 2000,
dans son rapport 2005, « s'agissant de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, la jurisprudence marque un
retour à un respect scrupuleux de l'autorité de chose jugée en excluant tout débat de nature à instaurer une distinction entre
“vrais” et “faux” innocents dont le précédent régime d'indemnisation issu de la loi du 17 juillet 1970 n'avait pas su se
départir ».

144. Ainsi, il ne peut être valablement soutenu devant la Commission nationale que la décision définitive ne peut « valoir
déclaration d'innocence » (CNR détentions, 4 avr. 2003, Bull. crim., n o 3). De même doit être censurée, comme tendant à
revenir sur la décision pénale définitive, la motivation selon laquelle le requérant « n'a dû sa relaxe qu'à l'impossibilité dans
laquelle se sont trouvés les enquêteurs de déterminer l'origine de l'argent découvert sur lui et demeuré saisi et confisqué au
titre de l'infraction douanière » (17 déc. 2004, 04 CNRD 009).

145. La Commission nationale d'indemnisation jugeait initialement que l'existence d'une condamnation partielle entraînait une
décision d'irrecevabilité, quelles que soient les modalités d'exercice de l'action publique, la nature de l'infraction retenue et la
peine prononcée (CNI 12 févr. 1999, 97 IDP 120).

146. Par plusieurs décisions du 2 novembre 2000 (99 IDP 148 et 153), la Commission nationale a modifié sa jurisprudence et
a distingué entre la déclaration partielle de culpabilité fondée « sur des faits punis d'une peine d'emprisonnement autorisant
la détention provisoire », qui justifie le prononcé de l'irrecevabilité (99 IDP 094), et la condamnation partielle pour une
infraction ne permettant pas l'incarcération, qui ne fait plus obstacle à l'examen au fond de la demande de réparation, étant
cependant ajouté que la personne seulement relaxée partiellement pour des faits à raison desquels la détention provisoire a
été ordonnée ne peut prétendre à une quelconque réparation (CNR détentions, 20 déc. 2002, Bull. crim., n o 11). La
Commission rejette également la demande d'indemnisation lorsque l'infraction ayant donné lieu à condamnation était la seule
susceptible d'entraîner une détention provisoire (CNR détentions, 7 mars 2005, 05 CRD 037).

147. Dans l'hypothèse où la durée de la détention provisoire effectuée au titre de l'infraction qui a donné lieu à un non-lieu, à
une relaxe ou à un acquittement est supérieure à celle que le demandeur a subie au titre de l'infraction pour laquelle il a été
condamné, la Commission nationale a, dans un premier temps, accordé une réparation pour la durée totale de la détention
(CNR détentions, 6 mai 2003, Bull. crim., n o 6). Mais, elle a ensuite nuancé sa jurisprudence en limitant la réparation à la durée
de la détention excédant celle compatible avec les infractions pour lesquelles il a en définitive été condamné (CNR détentions,
13 mai 2005, Bull. crim., n o 5). Dans la continuité de cette dernière décision, la Commission nationale, se prononçant sur la
demande d'un requérant qui, ayant été placé en détention provisoire pendant sept mois et dix jours, avait été condamné
pour une infraction douanière susceptible de fonder la mesure de détention provisoire seulement à concurrence de quatre
mois, a admis l'indemnisation de son préjudice pour la période de détention excédant cette durée de quatre mois
(CNR détentions, 20 nov. 2006, 06 CRD 052).

148. La Commission nationale de la réparation des détentions a encore précisé que n'a pas droit a une réparation sur le
fondement de l'article 149 du code de procédure pénale la personne poursuivie et placée en détention provisoire sous la
prévention de viol et agressions sexuelles qui, renvoyée devant la cour d'assises, a été finalement acquittée du chef du crime
mais condamnée pour le délit connexe, dès lors que ce délit connexe, visé dans l'ordonnance de placement en détention et sa
prolongation, permettait qu'une telle mesure soit ordonnée sur toute sa durée, de sorte que, n'ayant été acquittée que
partiellement des faits pour lesquels elle a été détenue et l'infraction pour laquelle elle a été condamnée n'étant pas
incompatible avec un placement et un maintien en détention pour la durée subie, sa requête est irrecevable (CNR détentions,
11 juin 2004, Bull. crim., n o 4). Pareillement, dès lors que la détention provisoire a été ordonnée et prolongée pour des faits
de nature délictuelle et pour des faits de nature criminelle, et que ces derniers ont fait l'objet d'un non-lieu, la demande
d'indemnisation n'est recevable que pour la partie de la détention qui excède la durée compatible, selon la loi applicable à
l'époque, avec les délits pour lesquels l'intéressé a été condamné (CNR détentions, 13 mai 2005, Bull. crim., n o 5). Il convient
de noter que lorsqu'un demandeur, placé en détention provisoire du chef de plusieurs infractions, ne bénéficie d'une décision
de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement que pour certaines d'entre elles, la compatibilité entre les infractions dont il a été
déclaré coupable et la détention provisoire subie s'apprécie en prenant en compte, non la durée maximale de la peine
encourue, mais la durée maximale de la détention provisoire que la loi autorise pour les infractions retenues (CNR détentions,
18 juin 2007, n o 6C-RD.073 ; idem : n o 7C-RD.001), mais le demandeur ne peut utilement prétendre avoir subi un préjudice
résultant de la période d'incarcération excédant la durée maximale autorisée du chef des infractions retenues si elle
correspond à l'exécution du reliquat de la peine d'emprisonnement prononcée à titre définitif, après imputation de la détention
provisoire (même décision). Il faut encore relever que la période de détention à l'étranger liée à la procédure d'extradition, en
exécution d'un mandat d'arrêt international visant l'infraction pour laquelle la relaxe était intervenue, doit être prise en
compte pour l'indemnisation du préjudice causé par la privation de liberté (CNR détentions, 20 févr. 2006, Bull. crim., n o 3).

§ 2 - Exceptions légales
149. Des exceptions, limitativement énumérées, autorisent le rejet de la demande formulée aux fins d'obtenir réparation : le
non-lieu exclusivement fondé sur l'altération des facultés mentales (CNR détentions, 12 juill. 2006, Bull. crim., n o 11 : « Aucune
réparation n'est due à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-
lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son
irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal », s'agissant, en l'espèce, d'une personne pour laquelle il avait été
jugé que la très grande probabilité d'abolition de son discernement au moment des faits justifiait la relaxe prononcée par les
premiers juges), le non-lieu ou la relaxe motivée par une amnistie intervenue postérieurement à la mise en détention, le cas
où le mis en examen s'est volontairement et librement auto-accusé pour permettre à un tiers d'échapper aux poursuites
(CNR détentions, 10 janv. 2006, Bull. crim., n o 1 : « Doit être rejetée la demande en réparation formée par une personne
placée sous mandat de dépôt pour s'être librement accusée d'un crime en vue de faire échapper son auteur aux poursuites,
sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la rétractation ultérieure de ses aveux »). On notera que cette dernière exception
se retrouve identiquement dans l'article 626 du code de procédure pénale concernant le condamné reconnu innocent à la
suite d'une procédure de révision ou de réexamen d'une condamnation pénale définitive.

1 5 0 . La loi n o 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (D. 2004. 737) a
ajouté aux fins de non-recevoir déjà prévues par l'article 149 du code de procédure pénale, en sa rédaction initiale, deux
nouveaux cas d'exclusion de la réparation, lorsque la prescription de l'action publique est intervenue après la libération de
l'intéressé et lorsque ce dernier était dans le même temps détenu pour autre cause. À cet égard, il a été jugé que « selon
l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point, sauf disposition expresse contraire, d'effet rétroactif. Il
en est ainsi d'une disposition civile qui a pour effet de restreindre l'exercice d'un droit. Or, l'article 103 de la loi n o 2004-204 du
9 mars 2004 entrée en vigueur le 10 mars 2004, en ce qu'il a ajouté notamment la prescription de l'action publique aux
exceptions limitativement énumérées à l'article 149 du code de procédure pénale faisant obstacle à l'action en réparation, a
eu pour effet de restreindre le droit à réparation ouvert aux personnes ayant subi une détention provisoire injustifiée. Cette
disposition législative nouvelle n'est donc pas applicable à la demande formée, antérieurement à la date de sa publication, sur
le fondement d'un droit à réparation reconnu par la loi alors en vigueur, de sorte que doit être rejetée la fin de non-recevoir
opposée, sur le fondement de l'article 103 précité, par l'agent judiciaire du Trésor à la demande initiale du requérant au motif
que celui-ci avait bénéficié d'une décision de non-lieu fondée exclusivement sur la prescription de l'action publique, cette
disposition législative nouvelle n'étant pas applicable à cette demande, formée antérieurement à la date de sa publication
(CNR détentions, 15 juill. 2004, Bull. crim., n o 6).

151. S'agissant de ces nouvelles exceptions ajoutées par la loi du 9 mars 2004, on fera état d'une espèce dans laquelle un
premier président avait omis de soustraire de la période indemnisable la durée pendant laquelle l'intéressé avait exécuté
deux peines d'emprisonnement en exécution de condamnations devenues définitives. La Commission, faisant une première
application de la nouvelle disposition, a réformé cette décision et déduit les périodes correspondant à l'exécution des peines
d'emprisonnement (CNR détentions, 1 er avr. 2005, 04 CRD 045 : « Il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale
qu'aucune réparation n'est due lorsque la personne, qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure qui
s'est terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, était en même
temps détenue pour autre cause, de sorte que doit être déduit de la période à prendre en compte pour réparer le préjudice
subi par cette personne du fait de la détention provisoire, le temps pendant lequel elle a été incarcérée en exécution des
condamnations devenues définitives »).

Art. 3 - Une procédure autonome


152. La Commission nationale a eu l'occasion de mettre en exergue, comme l'y incitait au demeurant le législateur lui-même,
l'autonomie de la procédure de réparation des détentions provisoires injustifiées suivie devant elle par rapport à celle
reposant sur le fonctionnement défectueux du service public de la justice, soulignant ainsi les conséquences inhérentes au
nouveau principe de réparation intégrale du préjudice personnel, moral et matériel, causé par la privation injustifiée de liberté
(V. Rapport de la Cour de cassation 2002).

1 5 3 . Cette transformation du régime de fond de l'action en réparation a eu pour conséquence de rendre inopérants des
facteurs qui auparavant influaient sur le principe et les modalités de la réparation.

1 5 4 . Parallèlement, la Commission de suivi de la détention provisoire a souligné, dans son rapport de l'année 2006 (La
Documentation française, ministère de la Justice, 2007) que le législateur de 2000 avait opté pour la coexistence de la
nouvelle procédure de réparation de la détention provisoire injustifiée avec des mécanismes de responsabilité plus anciens
mais aussi plus restrictifs.

§ 1 - Existence d'un dysfonctionnement de la justice ou le fait du demandeur : des critères désormais sans incidence sur
l'action en réparation
1 5 5 . Sous l'empire des textes antérieurs, les circonstances relatives au fonctionnement du service public de la justice à
l'occasion de la détention du demandeur étaient en particulier prises en compte lorsqu'il s'agissait d'évaluer la réparation, une
réparation plus importante étant allouée en cas d'existence d'un dysfonctionnement.

156. La question de l'influence de ce même facteur s'est posée lorsqu'il s'est agi d'appliquer le nouvel article 149 du code de
procédure pénale. Alors que dans un premier temps, les premiers présidents, dans leurs décisions, faisaient état de motifs
relatifs à l'appréciation du recours à la détention provisoire ou à sa prolongation, tantôt pour en critiquer l'utilité tantôt pour
mettre en avant leur nécessité, dans une décision de principe (CNR détentions, 24 janv. 2002, Bull. crim., n o 4), la Commission
nationale a retenu « que le bien-fondé de la décision de placement et de maintien en détention échappe au contrôle du
premier président », les énonciations de la décision déférée relatives à la nécessité de la détention étant sans portée sur
l'évaluation de l'indemnisation (V. D. KARSENTY, Étude préc. supra, n o 131).

1 5 7 . On soulignera au demeurant que le contrôle de la régularité du placement en détention provisoire relève d'une
juridiction pénale spécifique et que les premiers présidents ne doivent pas empiéter sur cette compétence.

158. Au regard du droit à réparation intégrale sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale, sont également
indifférentes une durée excessive de la détention ou de la procédure, l'absence de diligences du juge d'instruction ou les
circonstances tenant à la régularité de la décision de placement, au fait que tous les recours introduits devant la chambre de
l'instruction et la Cour de cassation ont été rejetés ou encore à la nécessité de la détention et à sa durée raisonnable.

159. De même, sous l'empire des anciennes dispositions, la Commission nationale d'indemnisation s'attachait à rechercher
quel avait été le comportement du demandeur lors de l'enquête et l'instruction et s'il avait contribué partiellement, voire
exclusivement, à la mesure de détention ou à son maintien (V. A. TOUFFAIT, Des principes applicables à l'allocation de
l'indemnité réclamée à raison d'une détention provisoire, conclusions du procureur général près la Cour de cassation le 8 juill.
1971, D. 1971. Chron. 189).

160. Désormais, dans la mesure où l'article 149 du code de procédure pénale ne vise qu'un fait volontaire du demandeur
exclusif de réparation, la Commission nationale retient que « les aveux consentis par le requérant au cours de l'enquête
préliminaire et de l'instruction préparatoire sur les faits qui ont entraîné sa mise en examen et aux conditions ou circonstances
dans lesquelles ces aveux ont été rétractés, sont sans portée sur le principe et sur le montant de la réparation »
(CNR détentions, 27 mai 2002, 01 RD publ. 017) et que « le comportement adopté par la personne mise en examen au cours
de l'instruction est, en dehors des cas limitativement énumérés par l'article 122-1 du code de procédure pénale, sans portée
sur le principe et le montant de la réparation » (CNR détentions, 1 er avr. 2005, 04-CRD 038 ; 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 9).

161. De même, la soustraction volontaire aux obligations du contrôle judiciaire ne peut être regardée comme une faute de
nature à influer sur le principe et le montant du droit à réparation due, dès lors que la procédure s'est terminée par une
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive (CNR détentions, 28 juin 2002, 02-CRD 012). On
signalera également une décision dans laquelle, après avoir rappelé que les exceptions étaient limitativement énumérées, la
Commission nationale a jugé que la violation des obligations du contrôle judiciaire par une personne en fuite à l'étranger ne
pouvait être retenue comme facteur d'atténuation de son préjudice moral, quand bien même il en était résulté sa
condamnation par contumace au maximum de la peine encourue (CNR détentions, 5 déc. 2005, Bull. crim., n o 14).

§ 2 - Un préjudice spécifique
162. Seul le préjudice causé par la détention provisoire peut être réparé dans le cadre de la procédure des articles 149 et
suivants du code de procédure pénale, à l'exclusion de celui qui résulterait d'un mauvais fonctionnement de l'institution
judiciaire. Il en résulte qu'un certain nombre d'éléments de préjudice invoqués devant la Commission nationale ne peuvent
être indemnisés que dans le cadre d'une procédure intentée sur le fondement de l'article L. 781-1 (anc.) du code de
l'organisation judiciaire relatif à la réparation des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la
justice en cas de faute lourde.

163. Il en va ainsi du préjudice résultant de la mise en examen, du déroulement de la procédure judiciaire ou du contrôle
judiciaire (CNR détentions, 20 févr. 2006, 05 CRD 007), du rejet des demandes de mise en liberté, des prolongations de la
détention et des retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement (CNR détentions, 31 mars 2006, Bull. crim., n o 6), du
« discrédit » résultant de la nature de la prévention dont le requérant a fait l'objet (CNR détentions, 29 mai 2006, 05 CRD
075), du délai anormalement long entre le procès de première instance ayant donné lieu au prononcé d'une condamnation
afflictive par la cour d'assises et le procès d'appel s'étant conclu par un acquittement (CNR détentions, 29 mai 2006, Bull. crim.,
n o 8), des mauvais traitements dont le requérant aurait fait l'objet en détention (29 mai 2006, 05 CRD 006).

164. Au cours de l'année 2005 (V. Rapport annuel de la Cour de cassation 2005), de nombreux demandeurs se sont prévalus
des sommes accordées par le ministère de la Justice aux personnes acquittées à l'issue du procès dit « de l'affaire
d'Outreau ». La Commission a indiqué que ces indemnités transactionnelles, dont le montant définitif est, au demeurant,
inconnu, étaient destinées à réparer également le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la
justice, visé par l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, et non pas seulement le préjudice subi du fait d'une
détention provisoire, objet exclusif de la procédure prévue par l'article 149 du code de procédure pénale. Elle en a déduit que
ces indemnités ne pouvaient pas constituer des références utiles pour évaluer les préjudices allégués.

165. À cet égard, on peut relever que la Commission de suivi de la détention provisoire, dans son rapport de l'année 2006, a
souligné la complexité liée à la dualité de fondements et de procédures de réparation des préjudices trouvant leur source
dans une seule et même procédure pénale qui avait donné lieu à une décision de placement en détention provisoire
injustifiée, complexité qui l'a conduite à se demander s'il ne serait pas opportun, dans un double souci de cohérence et de
simplification, de s'orienter vers l'institution d'une procédure unique de réparation qui engloberait, devant le même juge,
l'ensemble des préjudices, de la mise en examen jusqu'à la décision finale.

Art. 4 - Préjudices indemnisés


1 6 6 . On l'a déjà noté, les préjudices pris en compte sont exclusivement ceux causés par une détention. La Commission
nationale a ainsi jugé, à plusieurs reprises, que n'entrent pas dans le champ de l'article 149 du code de procédure pénale les
dommages résultant de la publication d'articles de presse mettant en cause le demandeur même s'ils relatent son arrestation,
sa mise en examen, son incarcération et s'ils portent atteinte à la présomption d'innocence dont il bénéficie, en l'absence d'un
lien exclusif et direct avec la détention (CNR détentions, 1 er avr. 2005, n o 04 CRD 038 ; 13 mai 2005, 04 CRD 050 ; 21 oct.
2005, Bull. crim., n o 9 ; 5 déc. 2005, 05 CRD 025 ; 5 déc. 2005, Bull. crim., n o 14). Le requérant doit ainsi démontrer l'existence
d'un préjudice en relation directe et exclusive avec la détention (CNR détentions, 27 avr. 2007, 06 CDR 078). Tel n'est pas le
cas des frais de cantine dont le requérant demande le remboursement et qui ne peuvent être pris en compte, dès lors qu'ils
auraient également été exposés pour son entretien courant en dehors du milieu carcéral (CNR détentions, 23 oct. 2006, Bull.
crim., n o 12).

167. En outre, le préjudice réparable est en principe exclusivement le préjudice personnel subi par la personne qui a fait
l'objet de la détention provisoire, que vise seule l'article 149 du code de procédure pénale. En conséquence, sur le terrain de
cette disposition, ne semblent pas pouvoir obtenir réparation de préjudices qui leur seraient propres d'autres personnes, qui
se prétendraient victimes par ricochet de la détention, parmi lesquelles les membres de la famille du détenu réclamant des
frais de déplacement ou d'hébergement, « même si ces préjudices sont en relation avec la détention » (CNR détentions, 5 avr.
2004, 03 CRD 045).

168. Il convient toutefois de relever que la Commission nationale a approuvé la prise en compte par un premier président des
certificats médicaux faisant état des répercussions de la détention du requérant sur l'état de santé de ses proches, mère et
épouse, dès lors qu'une telle prise en compte ne visait qu'à en apprécier le retentissement sur le préjudice moral du
demandeur (CNR détentions, 6 févr. 2004, 03 CRD 024). Dans le même ordre d'idées, la Commission a jugé que si le préjudice
subi par les proches n'est pas indemnisable, la souffrance supplémentaire du détenu causée par le désarroi de savoir sa
compagne et son bébé seuls sans pouvoir leur apporter le soutien nécessaire constitue un préjudice indemnisable
(CNR détentions, 26 juin 2006, Bull. crim., n o 9).

1 6 9 . C'est ce que la Commission de suivi de la détention provisoire, dans son rapport de l'année 2006, a qualifié
d'« expédient », instauré pour répondre à une solution humainement insatisfaisante.

170. Il y a lieu de souligner qu'une telle situation légale restrictive ne se retrouve pas en ce qui concerne l'indemnisation des
personnes victimes d'une erreur judiciaire, prévue par l'article 626 du code de procédure pénale relatif à la réparation
consécutive à la révision d'une condamnation pénale. En effet, ainsi qu'on l'a vu précédemment, ce texte prévoit
expressément, outre le droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral causé par la condamnation à la personne
condamnée reconnue innocente, que toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la condamnation peut également
demander une réparation, dans les mêmes conditions.

171. Une modification de l'article 149 du code de procédure pénale serait sans doute souhaitable afin qu'il n'y ait plus de
distorsion entre les deux systèmes d'indemnisation. À cet égard, et comme le rappelle la Commission de suivi de la détention
provisoire dans le rapport précité, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale, le 28 juin 2006, qui va dans
ce sens avec toutefois un objectif limité puisqu'elle vise à assurer, toujours sur le fondement de l'article 149 du code de
procédure pénale, l'indemnisation par l'État des seuls enfants mineurs de personnes victimes d'erreurs judiciaires. On peut
également lire dans ce même rapport : « On peut même se demander si, en dehors d'une modification législative qui viendrait
aligner à cet égard l'article 149 sur l'article 626, la jurisprudence ne pourrait pas proprio motu aboutir à ce résultat sur la base
du droit commun de la responsabilité civile extra-contractuelle qui ouvre l'action en réparation à la victime directe ou principale
comme à la victime par ricochet. Certes, pourrait alors se poser la question de l'opposabilité de la faute de la première à la
seconde. Mais il faudrait alors constater que cette opposabilité est, en l'espèce, singulièrement limitée par l'article 149 qui ne
prend en compte en quelque sorte une faute du détenu provisoire que dans le cas de l'exclusion de la réparation lorsqu'il
s'est librement et volontairement accusé ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ».

172. Le préjudice indemnisable de la personne détenue est celui dont la cause exclusive et directe réside dans le placement
en détention. Il en est ainsi, de la perte de son emploi par le requérant, licencié pour un abandon de poste dû à son
incarcération, la réparation du préjudice matériel devant alors prendre en compte les pertes de salaire subies pendant la
durée d'emprisonnement et, après la libération, pendant la période nécessaire à la recherche d'un emploi (CNR détentions,
21 oct. 2005, Bull. crim., n o 9 ; 18 déc. 2006, ibid., n o 15, au titre de la perte de chance de conserver son emploi).

§ 1 - Préjudice moral
173. Comme l'indique le Rapport annuel de la Cour de cassation 2003, la Commission nationale a engagé une action visant à
évaluer l'intensité de la souffrance morale subie par les personnes détenues, ce avec l'appui technique d'un groupe de travail
constitué d'experts psychiatres, de chefs de services médicaux psychologiques régionaux d'établissements pénitentiaires, par
l'identification d'indices de souffrance en prison permettant une évaluation du préjudice moral aussi objective que possible.

174. Pour la Commission, il ne doit pas y avoir une aggravation de la situation du détenu provisoire allant au-delà de cette
privation de liberté. Dès lors, toute circonstance établie aboutissant à rendre les conditions de détention plus difficiles par
rapport à la seule privation de liberté peut être retenue comme facteur de majoration de la réparation du préjudice moral
causé par la détention.

175. Les décisions rendues par la Commission semblent s'attacher à prendre en compte ces indices, qui, d'une part, tiennent
aux conditions et circonstances de la détention, et, d'autre part, se rattachent à la personnalité des requérants.

1 7 6 . Facteurs se rattachant aux conditions et circonstances de la détention. - Des mesures spécifiques prises durant la
détention, par exemple l'isolement ou l'interdiction de parloirs, sont retenues par la Commission nationale comme contribuant
à aggraver la souffrance morale.

177. À cet égard, on peut signaler une procédure dans laquelle le placement du requérant « au secret » durant onze jours
puis, jusqu'à sa libération, dans le quartier réservé aux détenus nécessitant une protection spéciale s'agissant d'un magistrat
de l'ordre judiciaire, ont été pris en considération, ces circonstances ayant contribué à un choc psychologique carcéral qualifié
d'important, d'où un préjudice moral d'une gravité particulière (CNR détentions, 5 avr. 2004, 03 CRD 057).

178. La Commission nationale tient compte d'autres éléments aggravant les conditions de détention, tels que l'incarcération
dans un établissement éloigné de l'ancrage géographique et familial de l'intéressé, circonstance ayant des incidences sur la
fréquence des visites et contribuant, par là même, à l'isolement du demandeur.

1 7 9 . Elle a également admis que la nature des faits reprochés, lorsqu'elle était à l'origine de conditions de détention
particulièrement éprouvantes, par exemple en raison de l'hostilité des autres détenus, devait être retenue (Elmasri, 27 juin
2005, 04 CRD 004 ; Daoud, 23 sept. 2005, 04 CRD 056 ; Cirinna, 21 oct. 2005, 04 CRD 054). De façon plus générale, elle
retient comme facteurs aggravant le préjudice moral, les violences et menaces exercées par des codétenus (CRD 19 sept.
2002, n o 02-99.018) ou encore les mauvaises conditions de détention (CNR détentions, 20 févr. 2006, Bull. crim., n o 4 : « Le
préjudice moral doit prendre en compte, comme facteurs d'aggravation, la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions
d'hygiène et de confort de l'établissement ainsi que les menaces liées à la nature de l'incrimination, dès lors qu'elles se sont
exercées sur le lieu de détention »).

1 8 0 . Facteurs se rattachant à la personnalité des requérants. - Ne seront donnés ici que quelques exemples parmi les plus
significatifs de ceux qui illustrent la jurisprudence de la Commission nationale.

181. On peut faire entrer dans cette catégorie ce que la Commission qualifie de « choc carcéral », à savoir celui qui intervient
lors du placement en détention et pendant le premier temps de la détention, et qui correspond, selon les indications du
groupe de travail précédemment mentionné, à une période de souffrance psychique d'une intensité particulière,
éventuellement fortement accentué par la personnalité de l'intéressé (CNR détentions, 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 7).

182. On peut noter ici une certaine évolution de la jurisprudence de la Commission nationale que l'on peut rattacher, pour
partie, aux travaux qu'elle a menés. Ainsi, alors qu'il était initialement admis que les périodes d'incarcération effectuées en
exécution de condamnations antérieures avaient nécessairement pour incidence de minorer les répercussions morales d'un
nouveau placement en détention (CNR détentions, 24 janv. 2002, Bull. crim., n o 2, s'agissant de la prise en compte de
périodes de détention déjà effectuées en exécution de condamnations antérieures ; 4 avr. 2003, ibid., n o 5 : « Les périodes
d'incarcération déjà effectuées en exécution de condamnations successives ont nécessairement eu pour incidence de minorer
les répercussions morales d'un nouveau placement en détention »), ce qui est encore parfois le cas (CNR détentions, 18 juin
2007, n o 7C-RD.001 : « La circonstance selon laquelle la première année de détention est justifiée par la culpabilité de
l'intéressé pour une partie des faits poursuivis constitue un facteur de diminution du choc carcéral »), le plus souvent,
désormais, la Commission considère que le choc carcéral n'est pas forcément amoindri par une précédente détention subie
plusieurs années auparavant (CNR détentions, 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 11 ; idem : CNR détentions, 21 oct. 2005, ibid.,
n o 7 ; 5 déc. 2005, ibid., n o 14 : « Le choc psychologique enduré par une personne qui a subi deux incarcérations successives
pour des faits dont elle se savait innocente doit tenir compte des mesures d'éloignement et d'isolement prises à son égard
ainsi que de l'importance de la peine encourue lors de la seconde incarcération intervenue en exécution d'une peine de
réclusion criminelle prononcée par contumace et n'est pas amoindri par une détention antérieure subie à l'occasion d'une
procédure correctionnelle ».

183. La Commission juge également que, malgré un passé carcéral, le choc psychologique n'est pas nécessairement diminué
dans la mesure où le demandeur peut subir une souffrance psychologique en relation avec l'importance de la peine qu'il
encourt à l'occasion de la nouvelle incarcération (CNR détentions, 17 janv. 2005, Bull. crim., n o 1), en particulier lorsque la
détention antérieure était liée à une procédure correctionnelle et que la nouvelle peine encourue est criminelle
(CNR détentions, 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 10 ; 5 déc. 2005, ibid., n o 14).

184. De même, le facteur d'atténuation du préjudice moral qui pourrait résulter d'un précédent emprisonnement a été écarté
en raison de son ancienneté et du fait de l'insertion complète et durable du demandeur ainsi que de sa confrontation, pour
des raisons qu'il savait injustifiées, au milieu carcéral dont il avait réussi à s'éloigner (CNR détentions, 26 juin 2006, Bull. crim.,
n o 10).

185. L'âge de l'intéressé, sa personnalité (CNR détentions, 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 7), sa situation familiale, sa situation
professionnelle (CNR détentions, 26 janv. 2007, Bull. crim., n o 1, s'agissant d'un policier) et la rupture de liens affectifs causés
par la détention, sont également pris en compte dans l'appréciation du préjudice moral. Il en est ainsi de la séparation d'avec
les enfants (CNR détentions, 11 juin 2004, n o 03 CRD 069 ; 17 déc. 2004, n o 04 CRD 021), de l'impossibilité d'assister à la
naissance de l'un d'eux (CNR détentions, 5 avr. 2004, n o 03 CRD 045, et 10 mai 2004, n o 03 CRD 06185), de l'impossibilité de
revoir son père avant son décès et d'assister sa mère gravement malade (CNR détentions, 17 déc. 2004, n o 04 CRD 021).

1 8 6 . L'état de santé du demandeur, dans le cas où il était atteint d'une affection préexistante, a une incidence sur la
réparation du préjudice moral, lorsqu'il contribue à aggraver la souffrance de l'intéressé. À titre d'exemple, il convient de
relever que la Commission a jugé que les graves souffrances subies par une requérante atteinte de lombo-sciatique ont
rendu beaucoup plus pénible son séjour en prison, en retardant le traitement qui était prévu dans le cadre d'une
hospitalisation programmée avant son incarcération. Dans un tel cas, ces souffrances sont un des éléments du préjudice
moral réparable (CNR détentions, 11 juin 2003, n o 02 CRD 099).

187. Également, dans une espèce où le demandeur, adulte handicapé, avait été exposé à des conditions de vie en prison
plus pénibles, en raison de ses déficiences psychiques importantes, la Commission nationale a relevé l'existence de brimades
fréquentes et d'humiliations répétées dont elle a tenu compte dans la réparation du préjudice moral (CNR détentions, 15 juill.
2003, n o 02 CRD 088).

1 8 8 . Le préjudice affectif et sexuel provoqué par la détention constitue aussi l'un des éléments du préjudice moral
(CNR détentions, 11 juin 2004, n o 03 CRD 064).

§ 2 - Préjudice matériel
1 8 9 . Le préjudice matériel englobe les préjudices économiques et financiers, mais aussi, selon la jurisprudence de la
Commission nationale, le préjudice corporel résultant d'atteintes physiques ou de dommages psychiques liés à la détention
(CNR détentions, 19 déc. 2003, Bull. crim., n o 10).

190. La personne qui a fait l'objet d'une détention a droit à la réparation intégrale de ses préjudices économiques, pourvu
que ceux-ci aient été causés exclusivement et directement par l'incarcération.

191. On donnera ci-aprèsquelques exemples de préjudices économiques, renvoyant, pour une présentation exhaustive de la
jurisprudence, aux Rapports annuels de la Cour de cassation, dans leur bilan de l'activité de la Commission nationale.

1 9 2 . Le préjudice économique tient compte de la perte de revenus subie pendant la détention et même après, si un
licenciement est intervenu du fait de l'incarcération, comprend les salaires et les congés payés ainsi que la perte d'une chance
de retrouver un emploi à condition qu'elle soit directement liée à la détention.

193. La principale difficulté pour le requérant est évidemment de rapporter la preuve du lien de causalité entre la détention
provisoire et le préjudice allégué, notamment lorsqu'il s'agit de pertes économiques liées à la liquidation d'une entreprise
(CNR détentions, 21 oct. 2005, Bull. crim., n o 7). Ainsi, lorsqu'une société fait l'objet d'une liquidation judiciaire plusieurs
années après la détention, la Commission juge que le lien de causalité n'est pas direct et certain (CNR détentions, 10 mai
2004, n o 03 CRD 058). Il en est de même lorsque l'activité de la société s'est poursuivie plusieurs mois après la sortie de
prison (CNR détentions, 15 juill. 2004, n o 03 CRD 039).

194. À l'inverse, un tel lien de causalité entre la détention et la déconfiture d'une société existe lorsqu'une société gérée par
un demandeur incarcéré n'avait pas de difficulté particulière avant l'incarcération, que le principal client de l'entreprise a rompu
son contrat commercial au cours de la détention, motif pris de l'absence d'interlocuteur décisionnaire (CNR détentions, 10 mai
2004, n o 03 CRD 059).

195. Le préjudice économique tient compte des pertes de traitements, de salaires ou de revenus de remplacement. Lorsqu'il
ne percevait aucun revenu avant sa détention, le demandeur n'est pas pour autant privé de toute réparation, qui peut être
fondée sur la perte de chance de retrouver un emploi, spécialement dans les cas de longues détentions (CNR détentions,
20 déc. 2002, Bull. crim., n o 10) ou la perte de chance de réussir un examen et l'obligation de recommencer une année scolaire
afin de pouvoir à nouveau se présenter aux épreuves (CNR détentions, 2 mai 2006, n o 05 CRD 071 ; 20 nov. 2006, n o 06 CRD
039).

196. Par ailleurs, la Commission ajoute à l'indemnité réparant la perte du salaire net habituellement versé par l'employeur,
une somme au titre de la perte des cotisations nécessaires à la constitution des points de retraite perdus pendant la
détention et au titre des congés payés dus à raison de la période de détention (CNR détentions, 20 févr. 2006, Bull. crim.,
n o 4). Le préjudice subi s'analyse en une perte de chance d'obtenir les points de retraite que le demandeur était en droit
d'escompter si, n'étant pas incarcéré, il avait pu verser ses cotisations à la caisse de retraite, et non en une perte des
pensions de retraite qu'il aurait pu percevoir (CNR détentions, 29 mai 2006, Bull. crim., n o 8).

197. Enfin, les frais de déplacement de l'épouse pour rendre visite à son mari sont indemnisés à hauteur de moitié pour des
époux mariés sous le régime de la communauté (CNR détentions, 29 mai 2006, n o 05 CRD 072). Les frais de justice, afférents
à des diligences en lien direct avec la détention, font partie du préjudice économique, à condition qu'ils soient justifiés selon
les modalités du décret n o 91-1197 du 27 novembre 1991 relatives à la rémunération de l'avocat (D. 1991. 490)
(CNR détentions, 11 juin 2003, n o 02 CRD 093).

Chapitre 3 - Responsabilité des personnes publiquesdu fait des dommages occasionnés par des véhicules
Bibliographie. - J.-A. MAZERES, Véhicules administratifs et responsabilité publique, 1962, LGDJ, Bibliothèque de droit public.

Bibliographie. - M. ABERKANE, La réparation du dommage causé par le délit pénal du fonctionnaire (à propos de la loi du
31 déc. 1957), JCP 1959. I. 1509. - J.-M. AUBY, Commentaire de la loi du 31 décembre 1957, D. 1958. 299. - F. P. BÉNOIT, La loi
du 31 décembre 1957 sur la responsabilité des personnes morales de droit public du fait des véhicules, JCP 1958. I. 144. -
C. BLAEVOET, Responsabilité des personnes publiques et compétence en cas d'accidents de circulation causés par leurs
agents en service, D. 1961. Chron. 9 ; De la juridiction compétente pour connaître d'un dommage corporel causé aux tiers par
un véhicule sur un chantier de travaux publics, Gaz. Pal. 1962. 2. 167. - M. COMBARNOUS et J.-M. GALABERT, L'application de la
loi du 31 décembre 1957, AJDA 1960. 37. - P. ESMEIN, Les tribunaux judiciaires seuls compétents en cas de dommages causés
par un véhicule, Gaz. Pal. 1958. 1. 55. - J. FOULON-PIGANIOL, L'évolution du régime institué par la loi du 31 décembre 1957,
JCP 1964. I. 1876. - J.-M. GALABERT et M. GENTOT, L'application de la loi du 31 décembre 1957, AJDA 1960. 160. - A. GUILLOT,
La délimitation de la compétence attribuée aux tribunaux judiciaires par la loi du 31 décembre 1957, JCP 1962. I. 1703. -
H. HOURCADE, Peut-on désormais parler de compétence exclusive à propos des dommages causés par un véhicule
quelconque ?, S. 1959. Chron. 1. - G. LIET-VEAUX, La loi du 31 décembre 1957, RPDA 1958. 1. - J. MOREAU, Responsabilité
pour les dommages causés par les véhicules administratifs, J.-Cl. Adm., fasc. 972. - A. VIALA, Commentaire de la loi du
31 décembre 1957, S. 1958. 59. - M. W ALINE, L'interprétation jurisprudentielle de la loi du 31 décembre 1957, RD publ.
1960. 1198 ; Tableau de la jurisprudence sur les compétences contentieuses en matière d'accidents causés par des véhicules,
ibid. 1973. 218.

198. Les dommages causés par les accidents de circulation ont longtemps suscité la question de l'unification du contentieux
pour des motifs tenant à la fois à l'équité et à la cohérence juridique. En effet, avant la loi de 1957, la répartition de
compétence entre le juge administratif et le juge judiciaire s'opérait selon les critères classiques. L'un et l'autre appliquaient
des règles de fond identiques, mais l'on s'accordait à constater que le juge administratif, compétent en cas de dommages
occasionnés par un véhicule administratif allouait des indemnités inférieures à celles accordées par le juge judiciaire,
compétent pour les dommages occasionnés par un véhicule privé.

199. Texte. - La loi n o 57-1424 du 31 décembre 1957 a répondu à cette nécessité d'unifier le contentieux des accidents de la
circulation. Elle dispose dans son article 1 er : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation
judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la
réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux
règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son
agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions. La présente disposition ne s'applique pas aux
dommages occasionnés au domaine public ». Elle organise ainsi le transfert aux juridictions judiciaires d'un contentieux qui
relevait de la compétence des juridictions administratives.

Section 1 - Conditions de la responsabilitédes personnes publiques


200. Conception extensive. - Le législateur a affirmé clairement sa volonté de conférer à la loi du 31 décembre 1957 un champ
d'application aussi étendu que possible. Les termes mêmes de son article 1 er sont très éloquents à cet égard. Les tribunaux
judiciaires sont, en effet, déclarés compétents pour statuer sur « toute action » tendant à la réparation des « dommages de
toute nature » causés par « un véhicule quelconque ». Ainsi, cette loi attribue une compétence générale aux juridictions
judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages occasionnés par tout véhicule et dirigées contre une
personne morale de droit public. Cette conception extensive s'accompagne cependant d'un certain nombre d'exceptions,
justifiées par la volonté même d'assurer l'unité du contentieux.

201. Exception législative : dommages causés au domaine public. - La loi du 31 décembre 1957, dans son article 1 er, alinéa 3,
mentionne que ses dispositions ne s'appliquent pas lorsque le dommage a été causé par un véhicule au domaine public. Cette
exception s'étend aux dépendances du domaine public. La justification essentielle de cette exception réside dans le fait qu'il a
paru indispensable de sauvegarder l'unité du contentieux général de la domanialité publique devant le juge administratif, afin
notamment d'éviter la multiplication des questions préjudicielles (T. confl. 2 déc. 1968, EDF c/ Vve Fauchet et Cne de Port-
Louis, Lebon 803, JCP 1969. II. 15908, note Dufau ; 26 oct. 1987, SMABTP, Lebon 455 ; CE 19 mars 1965, Sté Lyonnaise des
Eaux et de l'Eclairage, Lebon 184 ; CAA Paris, 27 oct. 1994, SOGEMU, req. n o 93PA00802 ; Civ. 2 e, 27 janv. 1987, Bull. civ. II,
n o 34).
202. Exception jurisprudentielle : action en responsabilité contractuelle. - Le législateur n'a pas défini plus précisément le champ
d'application de la loi de sorte qu'il était possible de considérer qu'il englobait la responsabilité contractuelle. Toutefois, le
Conseil d'État a estimé que « si, par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, l'article 1 er de la loi du
31 décembre 1957 attribue compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire « pour statuer sur toute action en responsabilité
tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque », cette disposition ne déroge aux
principes résultant des lois des 16-24 août 1790 et 28 pluviôse, an VIII, qu'en ce qui concerne les actions en responsabilité
extra-contractuelle (CE 11 janv. 1978, Cie Union et le Phénix espagnol, Lebon 6, concl. Genevois, CJEG 1978. 67, note
Sablière). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal des conflits (12 févr. 2001, Cne de Courdimanche c/ Agent
judiciaire du Trésor, req. n o 3243 , Bull. T. confl., n o 4 ; 17 déc. 2001, Sté des autoroutes Paris-Rhin-Rhône c/ Mme Archer et
a utre s , ibid., n o 26). En vertu de cette jurisprudence, la juridiction administrative demeure donc compétente lorsque le
dommage causé par un véhicule provoque la mise en jeu d'une responsabilité liée à l'exécution d'un contrat administratif.
L'objet de cette jurisprudence a été à l'évidence de préserver l'unité du contentieux dans le domaine particulier de l'exécution
des contrats administratifs.

203. En dépit de ces exceptions, la loi du 31 décembre 1957 conserve un champ d'application très large dans la mesure où,
de manière très remarquable, la jurisprudence a donné une interprétation extensive aux notions qui conditionnent sa mise en
oeuvre.

Art. 1 - Notion de véhicule


204. La jurisprudence a profité de la formulation très générale de « véhicule quelconque », utilisée par le législateur, pour
retenir, non seulement que le texte rend indifférente la nature publique ou privée du véhicule pour déterminer la compétence
d'attribution du juge, mais encore que sont également indifférentes les caractéristiques et la finalité du véhicule concerné. En
définitive, tout engin ou appareil susceptible de se mouvoir de manière autonome, au moyen d'un dispositif propre, par terre,
sur mer et dans l'air, peut être considéré comme un « véhicule quelconque », quel que soit le service public auquel il est
attaché ou affecté (armée, police, poste, etc.). Peu importe donc que le véhicule n'ait pas pour fonction première le transport,
le seul élément déterminant est sa faculté de déplacement autonome. A contrario, échappe au champ d'application de la loi
tout appareil fixe ou dépourvu d'autonomie de mouvement. La distinction peut parfois être subtile et donne lieu à une
jurisprudence particulièrement abondante.

205. Ainsi, à titre d'exemple, constituent des véhicules au sens de la loi du 31 décembre 1957 tous les engins dotés d'une
autonomie de déplacement, telles les automobiles, mais aussi les bâtiments maritimes ou fluviaux (T. confl. 15 oct. 1973,
Barbou, s'agissant d'un bac guidé par des câbles ancrés entre deux rives, Lebon 848, AJDA 1974. 94, concl. G. Braibant,
D. 1975. 185, note F. Moderne, JCP 1975. 18045, note J.-F. Lachaume), les avions et hélicoptères (Civ. 2 e, 6 févr. 2003, n o 01-
16.380 , Bull. civ. II, n o 33, s'agissant des dommages causés à un particulier par une cargaison de liquide larguée par un
avion de la protection civile ; T. confl. 21 mars 2005, Sté française de prévention c/ Sté Air médical support, s'agissant des
blessures subies par un agent d'un centre hospitalier à la suite de la chute de l'hélicoptère dans lequel il avait pris place pour
effectuer une mission d'assistance médicale d'urgence).

2 0 6 . En outre, ont été considérés comme des véhicules, divers engins de travaux publics ou de chantier : tracto-pelle
(T. confl. 29 sept. 1997, SARL Sofamm c/ SARL Sonobat, Le bo n T. 737), vibreur à béton (T. confl. 12 févr. 2001, Cne de
Courdimanche et Cie Groupama Île-de-France, Bull. T. confl., n o 4, Le bo n 200), une trancheuse (T. confl. 12 déc. 2005,
France Télécom c/ Sté Travaux publics électricité, Bull. T. confl., n o 33), une pelle mécanique (T. confl. 12 déc. 2005, Sté Gaz de
France c/ Sté Jean Lefèbvre Picardie, Bull. T. confl. n o 33, p. 41, AJDA 2006. 62 ; 2 déc. 1968, EDF c/ Vve Faucher et Cne de
Port-Louis, Lebon 803, JCP 1969. II. 15908, note Dufau), une roto-faucheuse (T. confl. 30 avr. 2001, CPAM de Seine-et-Marne
c/ État français, Bull. T. confl., n o 10), un engin monté sur chenilles (T. confl. 5 mars 1962, Épx Rousselle, Lebon 815), un
camion-benne (Crim. 8 oct. 1985, Bull. crim., n o 303, JCP 1985. IV. 361 ; Civ. 2 e, 24 juin 1998, n o 96-21.530 , Bull. civ. II,
n o 217), un rouleau compresseur (T. confl. 17 oct. 1966, Sté Jean Picot et Cie c/ Sté Les Routes modernes, Dr. adm. 1966,
n o 425).

2 0 7 . Le caractère extensif de la jurisprudence issue de la loi du 31 décembre 1957 se manifeste également à travers la
tendance du juge à faire entrer dans son champ les dommages causés, non par un véhicule stricto sensu, mais par un
élément considéré comme non dissociable de celui-ci (T. confl. 11 mai 1964, Guibert c/ Sté Edilité-Paris, s'agissant d'une
arroseuse intégrée dans un engin de nettoiement, Lebon 791, AJDA 1964. 565, note Paulin) ou par un objet tracté par un
véhicule (T. confl. 2 juill. 1962, Galon c/ Autajon et autres, Lebon 825, s'agissant d'un arbre tiré par un bulldozer) ou encore
par un objet posé ou monté sur le véhicule (Crim. 8 oct. 1985, Bull. crim., n o 303, s'agissant de la trémie de tassement située
à l'arrière d'un camion de ramassage des ordures ménagères).

208. La jurisprudence apparaît plus incertaine en matière d'engins mobiles, tels, par exemple, une remontée mécanique ou
un pont roulant (Cass. 1 re civ. 15 avr. 1975, Bull. civ. I, n o 131, s'agissant d'un pont roulant qui se déplaçait de façon
autonome grâce à ses propres moteurs quoique ceux-ci aient été alimentés en énergie par un câble les reliant au réseau
électrique) ou encore une tondeuse à gazon (Civ. 2 e, 24 juin 2004, n o 02-20.208 , Bull. civ. II, n o 308, s'agissant d'une
tondeuse auto-portée). Leur autonomie de déplacement est, en effet, appréciée de manière très différenciée selon les
espèces, rendant difficile la recherche d'un critère objectif, celui-ci restant cependant essentiellement un mouvement dû à un
dispositif appartenant ou adapté à l'engin considéré, le moyen de propulsion étant indifférent (exception faite des navires
nucléaires dont les dommages qu'ils ont occasionnés sont soumis au Conseil d'État).

209. Il a pu résulter de la jurisprudence extensive évoquée plus haut un certain éclatement du contentieux des dommages de
travaux publics dans la mesure où, relevant généralement de la compétence de la juridiction administrative, il se trouve
transféré au juge judiciaire dès lors qu'un véhicule, au sens de la loi du 31 décembre 1957, est à l'origine du dommage.
Cependant, récemment, le Tribunal des conflits a apporté des précisions sur la répartition de compétence, qui constituent un
tempérament aux conséquences jusqu'alors induites par l'application de ce texte. En effet, il a énoncé que « l'attribution de
compétence donnée aux tribunaux de l'ordre judiciaire par l'article 1 er de la loi du 31 décembre 1957 pour les dommages qui
sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne publique ou un entrepreneur de travaux publics n'est susceptible de
recevoir application que pour autant que le dommage invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule »
(T. confl. 12 févr. 2001, Cne de Courdimanche et Cie Groupama Île-de-France c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. T. confl., n o 4,
Le bo n 735). Tel n'est pas le cas, bien qu'un engin de chantier ayant le caractère de « véhicule » au sens de la loi du
31 décembre 1957 ait été utilisé dans le cadre de ces travaux, lorsque les circonstances de l'accident révèlent que la cause du
dommage réside dans les conditions défectueuses d'organisation et d'exécution des travaux (T. confl. 26 juin 2006, Gaec de
Campoussin c/ Entreprise W illiam Villard et autres, Bull. T. confl., n o 17) ou dans une conception défectueuse de ces travaux
(T. confl. 12 déc. 2005, Sté Gaz de France c/ Sté Jean Lefèbvre Picardie, préc.). Si cette dernière jurisprudence a le mérite de
mieux délimiter les domaines respectifs de compétence des juridictions administratives et judiciaires, elle a l'inconvénient de
faire dépendre l'attribution de chaque affaire des résultats d'une expertise, sans d'ailleurs résoudre toutes les difficultés
(T. confl. 26 mai 2003, Mlle Catherin et autres c/ Sté Marmont et autres, Bull. T. confl., n o 18, compétence judiciaire pour
connaître des dommages subis par la victime d'un accident de la circulation imputé à la présence de boues sur la chaussée ;
20 juin 2005, Mme Dufraisse Vve Chassagnol c/ OPAC d'Indre-et-Loire et autres, Bull. T. confl., n o 20 : compétence
administrative pour connaître des dommages résultant des fissures apparues sur un immeuble et imputées aux vibrations
provoquées par la circulation de camions participant à la réalisation de travaux publics ; 26 juin 2006, Gaec de Campoussin c/
Entreprise W illiam Villard et autres, Bull. T. confl., n o 17, compétence administrative pour connaître des dommages causés à un
verger par les poussières soulevées par le passage des camions d'un chantier de construction du TGV).

Art. 2 - Lien de causalité


210. Le véhicule doit évidemment être à l'origine des dommages pour que ceux-ci puissent être indemnisés sur le fondement
de la loi du 31 décembre 1957. Il est revenu à la jurisprudence de définir ce lien causal. À cet égard, là encore, elle a adopté
une conception relativement large, faisant prévaloir la notion souple d'implication.

211. Il importe peu que le véhicule soit en mouvement ou à l'arrêt (Civ. 2 e, 24 juin 1998, n o 96-17.678 , Bull. civ. II, n o 227 :
« Après avoir énoncé exactement que la loi du 31 décembre 1957 ne vise pas seulement les accidents de la circulation mais
s'applique aux dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque, c'est à raison que la cour d'appel en a déduit
qu'elle était applicable à l'accident causé par la chute de la benne du camion-benne, peu important que celui-ci ait été à
l'arrêt »). Est ainsi la cause d'une collision avec une automobile, un tracteur abandonné au milieu de la chaussée dans un
chantier de travaux publics (T. confl. 15 janv. 1968, Delezenne c/ Sté Fayat et Cie, Lebon 791) ou un véhicule administratif en
stationnement sur le bas-côté de la route (CE 17 nov. 1978, Cie d'assurances Seine et Rhône, Lebon 733).

212. De même, le lien de causalité existe alors même qu'il n'y a eu aucun contact direct avec la victime ou le bien endommagé.
Tel est le cas des dommages causés par les « bangs » supersoniques (Civ. 2 e, 1 er juill. 1966, JCP 1967. II. 15305, note de
Juglart et du Pontavice ; 18 nov. 1976, Bull. civ. II, n o 312). Il en est de même dans d'autres hypothèses : 1) dommage causé
par l'effondrement d'une toiture sous le poids de la neige projetée par un chasse-neige (T. confl. 20 nov. 1961, Dame
Kouyoumdjian, Lebon 882, AJDA 1962. 230, note de Laubadère, D. 1962. 759, note Blaevoet, JCP 1961. II. 12410, note R. L.) ;
2) boues répandues sur la chaussée par des camions participant à des travaux publics et ayant causé divers dérapages de
véhicules étrangers au chantier (Civ. 1 re, 21 févr. 1962, D. 1962. 387, note Blaevoet ; 14 juin 1966, Gaz. Pal. 1966. 2. 229 ;
T. confl. 26 mai 2003, Mlle Catherin et autres c/ Sté Marmont et autres, Bull. T. confl., n o 18) ; 3) projections d'une substance
chimique sur la vitrine d'un commerçant, par des engins de nettoiement de la voie publique (T. confl. 11 mai 1964, Guibert c/
Sté Edilité-Paris, Lebon 791, AJDA 1964. 565, note Paulin) ; 4) larguage de liquide par un avion de lutte contre les incendies
(Civ. 2 e, 6 févr. 2003, Bull. civ. II, n o 33) ; 5) explosion d'une nappe de gaz formée par la rupture d'une canalisation du fait de
l'activité d'une pelle mécanique (Civ. 1 re, 21 mai 1974, Bull. civ. I, n o 151).

213. D'une manière générale, même si les solutions jurisprudentielles sont empreintes d'empirisme, on peut avancer que le
lien de causalité est caractérisé lorsque le véhicule a joué un rôle certain et direct dans la réalisation du dommage. Autrement
dit, ce lien de causalité existe lorsque le véhicule est effectivement impliqué, fût-ce passivement, dans la réalisation du
dommage et, a fortiori, lorsque le mouvement autonome qui anime le véhicule se trouve à l'origine du dommage. Mais on ne
peut exclure que la notion de cause déterminante conduise à une interprétation plus restrictive des conditions d'application
de la loi du 31 décembre 1957. D'ores et déjà, il a été jugé que « les dommages consécutifs à l'épandage d'insecticides par
des avions ou des hélicoptères sont dus à la nature des produits et non à l'intervention du véhicule qui les a déversés, de
sorte que la loi du 31 décembre 1957 ne peut recevoir application et les actions qui tendent à la réparation de tels dommages
assimilés par l'article 12 de la loi du 16 décembre 1964 à des dommages résultant de travaux publics, relèvent de la
compétence administrative » (T. confl. 4 févr. 1974, Alban, Tronche et autres, Lebon 790, AJDA 1974. 597, D. 1975. 214, note
Despax, RD publ. 1974. 918, note de Soto).

214. Il peut arriver que le véhicule soit la cause active et incontestable de la réalisation du dommage, sans pour autant en
être la cause unique. Ce concours de plusieurs causes apparaît relativement fréquent dans le domaine des dommages
survenus lors de l'exécution de travaux publics. Dans ce cas, la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'État pose le principe
du partage des compétences entre les deux ordres de juridiction. Ainsi, a-t-il jugé que « les dommages subis par les vergers
[…] lors des travaux de construction de l'autoroute ont été causés par des nuages de poussière provoqués à la fois par des
opérations de malaxage et de broyages des matériaux ainsi que par la circulation de camions et engins sur le chantier ; en
statuant sur les conclusions à fin d'indemnité […] sans distinguer selon que le dommage provenait des installations fixes ou
de la circulation des véhicules sur le chantier, le tribunal administratif a méconnu les dispositions législatives en vigueur » (CE
25 juin 1975, Sté l'Entreprise industrielle, Lebon 386). En vertu de cette jurisprudence, chaque ordre de juridiction est ainsi
invité à indemniser la victime, pour la part des dommages qui relève de sa compétence. Le demandeur se trouve ainsi renvoyé
d'un ordre juridictionnel à l'autre, solution peu compatible avec la volonté du législateur de 1957, qui souhaitait établir un
« bloc de compétence » dans le but de faciliter l'indemnisation des victimes.

2 1 5 . Cette jurisprudence a d'ailleurs conduit à des solutions byzantines, car la distinction entre les différentes causes du
dommage n'est pas toujours facile à opérer. C'est ainsi, par exemple, que, d'une part, la mauvaise organisation d'un service
de ramassage scolaire aboutissant à ce que le car arrive en retard à la sortie du collège et provoque une attente des élèves
propre à créer le désordre qui a entraîné l'accident, se rattache au fonctionnement d'un « service spécial de transports
routiers, réservés aux élèves », qui, organisé par un département au bénéfice exclusif des élèves de l'enseignement public,
constitue un service public administratif. Cette faute dans l'organisation du service est incontestablement à l'origine de
l'accident intervenu ensuite, puisque le car a dû manoeuvrer sur une aire de stationnement déjà envahie par les élèves ; et,
d'autre part, le fait d'opérer une manoeuvre aventurée parmi des élèves nombreux témoigne également d'une imprudence du
chauffeur du car de ramassage. La première faute est de la compétence du juge administratif et la seconde, issue directement
de l'imprudence du chauffeur à l'origine de l'accident, doit être appréciée par le juge judiciaire sur le fondement de la loi de
1957 (T. confl. 5 juill. 1982, Dris c/ Sté Cars Faure, Lebon ).

Art. 3 - Imputabilité
216. Pour que le dommage soit mis à la charge d'une personne publique, deux conditions sont indispensables. D'une part,
l'agent qui est à son origine doit avoir agi dans l'exercice de ses fonctions ; d'autre part, le véhicule doit être rattaché à la
personne publique.

§ 1 - Agent dans l'exercice de ses fonctions


2 1 7 . Le juge judiciaire ne peut retenir la responsabilité de la personne publique concernée sur le fondement de la loi du
31 décembre 1957 que si l'agent qui conduisait le véhicule ou qui en assurait la surveillance était, lors de la réalisation du
dommage, dans l'exercice de ses fonctions, ou si son comportement n'était pas dépourvu de tout lien avec celles-ci (T. confl.
25 nov. 1963, Caruelle, Lebon 791, AJDA 1964. 12, chron. J. Fourré et M. Puybasset). Dans tous les cas, la jurisprudence a fait
une interprétation aussi large que possible de cette condition, dans le but évident de garantir aux victimes une indemnisation
suffisante. Ainsi, le propriétaire et le conducteur du car assurant le ramassage scolaire organisé et concédé par une commune
doivent être regardés, dans l'exercice de ce service, comme les agents de la personne de droit public, au sens de la loi du
31 décembre 1957 (Civ. 1 re, 15 avr. 1975, Bull. civ. I, n o 127). Pour l'application du texte, il importe peu, s'agissant d'un agent
public, qu'il ait commis une faute ayant le caractère d'une faute personnelle.

218. Lorsque la situation ne soulève aucune difficulté sérieuse, le juge judiciaire est compétent pour apprécier lui-même si
l'agent était ou non dans l'exercice de ses fonctions lors de la survenance du dommage ou si l'accident n'est pas dépourvu de
lien avec ses fonctions. Tel est le cas lorsqu'existe une décision administrative à l'origine de l'action de l'agent public (ordre de
mission) ou lorsque les circonstances démontrent clairement le rattachement avec les fonctions (Civ. 2 e, 13 mai 1982, Bull. civ.
II, n o 73, s'agissant d'un instituteur public qui rentrait d'une conférence pédagogique avec un collègue, alors même qu'il
utilisait son véhicule personnel sans ordre ni autorisation de l'administration ; Crim. 7 avr. 1993, n o 92-82.661 , Bull. crim.,
n o 149 ; Civ. 2 e, 13 mai 1982, Bull. civ. II, n o 73, s'agissant d'un agent qui utilise un véhicule administratif, sans autorisation
expresse mais pour les besoins du service). En revanche, lorsque la question de savoir si l'agent public était en service au
moment du dommage constitue une difficulté sérieuse, elle doit donner lieu à question préjudicielle devant le juge
administratif.

§ 2 - Véhicule placé sous la responsabilitéd'une personne publique


219. La responsabilité de l'État ou d'une autre personne publique n'est engagée sur le fondement de la loi du 31 décembre
1957 que s'il existe un lien entre le véhicule et la personne publique concernée, notamment lorsque les dommages sont
imputables à un agent d'une collectivité publique, chargé de conduire ou associé à la conduite d'un véhicule (T. confl. 30 avr.
2001, CPAM de Seine-et-Marne, Lebon T. 873). Ainsi, le véhicule relève de ce texte s'il appartient à la personne publique,
mais aussi s'il est placé sous sa garde (T. confl. 5 mars 1962, Dame Boule et Cie La France, JCP 1962. II. 12593, concl.
Lindon ; 24 juin 1985, Romagnesi et autres c/ DDASS de la Corse-du-Sud, Dr. adm. 1985, n o 440 ; Civ. 2 e, 6 févr. 2003, n o 01-
16.380 , Bull. civ. II, n o 33) ou sous sa responsabilité directe ou indirecte ou encore si, appartenant à une personne privée,
il est utilisé pour le compte de la personne publique (T. confl. 16 nov. 1964, Zerbini et Cie d'assurances La Nationale c/ État,
Lebon 794, AJDA 1964. 276 ; 19 janv. 1976, Fray c/ Coquard, Lebon 802 ; Civ. 1 re, 15 avr. 1975, Bull. civ. I, n o 127). Il
appartient au juge du fond de rechercher si la personne publique s'est trouvée associée à l'intervention du véhicule (Civ. 1 re,
28 mai 2002, n o 00-16.169 , Bull. civ. I, n o 150 : « En déclarant la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente au motif que
les règles du contrôle aérien à l'époque de l'accident avaient pour but de donner des informations au pilote sans transférer au
contrôleur aérien la conduite de l'appareil dont seul le pilote avait le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle, sans
rechercher si le contrôleur aérien avait été associé à la conduite de l'appareil, ce qui eut justifié la compétence des juridictions
judiciaires même si le pilote avait conservé la garde de l'aéronef, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision »).

Section 2 - Régime de responsabilité


2 2 0 . La loi du 31 décembre 1957 prévoit que le dommage causé par un véhicule est jugé par « les tribunaux de l'ordre
judiciaire », selon les règles « du droit civil ». La responsabilité de la personne morale est alors substituée à celle de son
agent auteur du dommage, selon un mécanisme de substitution, sous réserve de l'exercice éventuel d'une action récursoire.

Art. 1 - Mise en oeuvre de l'action


221. L'action en responsabilité fondée sur des dommages occasionnés par un véhicule doit être portée devant les juridictions
de l'ordre judiciaire. La formulation très générale adoptée par le législateur vise aussi bien les tribunaux d'instance ou de
grande instance que, dans le domaine particulier des dommages causés par les navires de mer et les bateaux fluviaux, les
tribunaux de commerce.

222. Les tribunaux répressifs peuvent appliquer la loi de 1957, dans l'hypothèse où la victime joint une action civile à l'action
publique dirigée contre l'auteur de l'infraction (Crim. 19 nov. 1959, Bull. crim., n o 502, JCP 1960. II. 11386, note Aymond ;
13 juill. 1960, Bull. crim., n o 377, JCP 1960. II. 11778 ; 13 juill. 1971, AJDA 1971. 536, chron. Labetoulle et Cabanes ; 7 sept.
1993, Mme Pastor et autres, n o 92-84.909 ; T. confl. 25 mai 1959, Préfet d'Alger et Siegw ald c/ Lecarme, Lebon 867, RPDA
1960. 109, concl. Gazier). En revanche, en l'absence d'action civile jointe à l'action publique, le tribunal répressif ne saurait
appliquer les dispositions de la loi du 31 décembre 1957 (Crim. 13 juill. 1960, Bull. crim., n o 377, JCP 1960. II. 11778).

223. Les tribunaux judiciaires sont également compétents, conformément au droit commun, pour connaître de toute demande
accessoire à la demande principale (Civ. 2 e, 20 mars 1961, Bull. civ. II, n o 252).

224. En revanche, la loi du 31 décembre 1957 est, à l'évidence, écartée lorsque la demande, bien que dérivée d'un dommage
causé par un véhicule administratif, ne concerne plus le fait du véhicule. Tel est le cas, par exemple, lorsque l'action a pour
objet d'engager la responsabilité de l'État en cas de défaillance d'une commune d'un territoire d'outre-mer devenu
indépendant qui n'a pas indemnisé la victime, alors même que cette collectivité locale avait été définitivement condamnée à
réparer le dommage occasionné par un véhicule, dès lors que « la nouvelle demande, qui dérive de celle en réparation mais
qui doit en être dissociée et qui porte sur des rapports de droit public, n'est pas au nombre des actions en responsabilité
tendant à la réparation des dommages de toutes natures causés aux tiers par un véhicule et que la loi du 31 décembre 1957
soumet, lorsqu'elle met en cause des personnes morales de droit public, à des règles dérogeant aux principes du droit
public » (T. confl. 23 févr. 1981, Mme M'Lanao, Lebon T. 652).

225. Par ailleurs, il convient de noter que le Tribunal des conflits a considéré, dans une espèce où des agents de l'équipement
avaient été poursuivis et condamnés pour homicide involontaire, omission de porter secours et destruction de preuves, à la
suite d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort de deux automobilistes dont l'un avait voulu éviter un chantier
mobile affecté à l'entretien de la chaussée, que, « si l'article 1 er de la loi du 31 décembre 1957, dont le tribunal correctionnel a
fait application pour se déclarer compétent pour statuer sur l'action civile des ayants-droit des victimes, vise les dommages qui
sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne de droit public ou placé sous sa garde et ceux qui sont imputables à
l'un de ses agents chargé de conduire un véhicule ou associé à sa conduite, cette disposition n'a pas pour objet, et ne saurait
avoir pour effet, de déroger aux règles normales de compétence applicables aux actions en responsabilité engagées sur un
fondement autre que celui qui est seul visé par cette disposition », de sorte que, les dommages subis par les victimes étant,
pour partie, imputables à des agissements des agents de la direction départementale de l'équipement dans l'organisation et
la surveillance du chantier mobile de travaux publics constitué par un camion-goudronneur, l'action dirigée contre la personne
publique responsable en raison des fautes qu'ont pu commettre ces agents, lesquelles ne sauraient constituer que des fautes
de service, relève de la compétence de la juridiction administrative (T. confl. 2 déc. 1991, Préfet de la Haute-Loire,
Lebon T. 770).

226. De même, la demande en indemnisation formée par les ayants droit de victimes d'un accident occasionné par un véhicule
conduit par un mineur placé dans un foyer du service de l'aide sociale à l'enfance, ne peut être fondée que sur le
fonctionnement présumé défectueux de ce service public, en tant que celui-ci avait la garde du mineur, auteur de l'accident, et
a, dès lors, un fondement étranger au champ d'application de la loi de 1957 (T. confl. 24 juin 1985, Romagnesi et autres c/
DDASS de la Corse-du-Sud, Dr. adm. 1985, n o 440).

2 2 7 . Toute personne victime d'un dommage causé par un véhicule placé, comme précisé ci-dessus, sous la responsabilité
d'une personne publique peut en demander réparation sur le fondement de la loi du 31 décembre 1957. Il s'agit le plus
souvent d'un administré, mais un agent public est également fondé à introduire une telle action (T. confl. 23 nov. 1959,
Albertini, JCP 1960. II. 11542, concl. Chardeau, note Pépy, AJDA 1960. 37, chron. Combarnous et Galabert ; Crim. 8 oct. 1985,
Bull. crim., n o 303, la Cour de cassation ayant considéré que « l'accident dont avait été victime l'agent titulaire d'une
collectivité publique était un accident de service qui n'était pas régi par la législation sur les accidents du travail et que la loi
du 31 décembre 1957 ne comporte aucune exception pour le cas où la victime est agent titulaire de l'État ou d'une collectivité
publique », de sorte que « la cour d'appel devait apprécier selon les principes du droit civil la responsabilité de l'auteur de
l'accident et fixer les dommages et intérêts dus de ce chef, la substitution de la responsabilité de la commune à celle de son
agent n'étant pas de nature à modifier les règles juridiques sur lesquelles devait être fondée la décision », JCP 1985. IV. 361 ;
Soc. 19 nov. 1986, Bull. civ. V, n o 343 ; Crim. 15 févr. 1990, n o 89-80.930 , Bull. crim., n o 79 ; Civ. 2 e, 14 mars 1990, n o 89-
11.429 , Bull. civ. II, n o 62). Le demandeur peut engager contre la personne morale de droit public une action principale,
mais il peut également exercer une action en garantie (T. confl. 5 mars 1962, Dame Boule et Cie d'assurances La France,
Lebon 816, JCP 1962. II. 12593, concl. Lindon ; Civ. 1 re, 12 avr. 1967, D. 1967. 746, note Blaevoet).

Actualité
227-1. Responsabilité des personnes publiques du fait des dommages occasionnés par des véhicules. Mise en œuvre de l'action.
Prévalence du régime de l'accident de service sur celui d'accident de véhicule. - La demande de réparation formée à l'encontre de
son employeur par un agent communal victime d'un accident avec un véhicule de service relève de la compétence de la
juridiction de l'ordre administratif, que l'action ait été intentée sur le fondement des dispositions particulières applicables aux
agents des collectivités publiques ou sur un autre fondement, et ce, alors même que l'accident a été causé par un véhicule
(T. confl. 8 juin 2009, Cts Royer c/ Cne du Canet, req. n o 3697 , AJDA 2009. 1173, obs. Brondel ).
Dommage causé par un véhicule. Compétence judiciaire exclusive. - Les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents
pour la réparation des dommages causés par tout véhicule, peu important qu'il ait été conduit par un militaire, que la victime
soit elle-même agent de l'État et qu'ils aient tous deux été dans l'exercice de leurs fonctions, dès lors que le préjudice découle
de la seule action d'un véhicule (Crim. 23 sept. 2014, n o 13-85.311 , D. 2014. 1938, obs. de Montecler ).

2 2 7 -2 . Accident de service en voiture. Compétence du juge administratif. - Le juge administratif est seul compétent pour
trancher le litige opposant un agent public à son employeur auquel le premier réclame, comme le permet la jurisprudence
« Moya-Caville » (CE 4 juill. 2003, req. n o 211106 , AJDA 2003. 1598, chron. Donnat et Casas ), l'indemnisation intégrale
du préjudice causé par un accident de service, même si celui-ci implique un véhicule (Civ. 2 e, 8 déc. 2011, n o 10-24.907 ,
AJDA 2011. 2450, obs. de Montecler ; D. 2012. 21 ).
2 2 8 . Toutefois, il faut noter que l'action en réparation ouverte à l'élu local par l'article L. 2123-31 du code général des
collectivités territoriales, selon lequel « les communes sont responsables des dommages résultant des accidents subis par les
maires, les adjoints et les présidents de délégation spéciale dans l'exercice de leurs fonctions », relève de la compétence de
la juridiction administrative.

229. De plus, la jurisprudence administrative a refusé d'étendre aux collaborateurs occasionnels du service public le bénéfice
de la loi du 31 décembre 1957. Lorsqu'un collaborateur occasionnel subit un dommage, même causé par un véhicule, la
compétence demeure donc celle de la juridiction administrative (CE 19 mars 1982, Mme Ranchoup, Lebon T. 559, s'agissant
d'un collaborateur occasionnel du service public de secours en montagne ; CE 13 janv. 1993, Mme Galtié, req. n os 63044 et
66929 , Lebon : « Le fait que l'accident ait été provoqué par un véhicule est sans influence sur la compétence du juge
administratif pour connaître d'une action tendant à obtenir réparation d'un préjudice subi par la requérante, bénévole
sollicitée par le proviseur du lycée franco-hellénique d'Athènes pour encadrer une sortie des élèves à Delphes, en qualité de
collaboratrice occasionnelle du service public »).

230. L'action est dirigée contre la « personne morale de droit public » concernée. Il s'agit de l'État, mais aussi des collectivités
locales et des établissements publics. Le recours peut également être dirigé contre l'entreprise de travaux publics, dès lors
que le véhicule à l'origine de l'accident a un lien direct avec une collectivité publique, soit qu'il soit sous sa garde ou sa
responsabilité, soit qu'il ait été utilisé pour son compte au moment du dommage. La responsabilité de la personne morale de
droit public étant, à l'égard des tiers, substituée, par application de l'article 1 er, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1957, à
celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule de l'État, la partie civile n'est
pas recevable à agir en réparation contre cet agent, pénalement responsable du délit (Crim. 29 juin 1999, n o 98-81.407 ,
Bull. crim., n o 157).

231. Lorsque l'État est directement mis en cause, l'assignation doit être dirigée contre l'agent judiciaire du Trésor, et non pas
contre le ministre. Lorsque d'autres personnes publiques sont mises en cause, l'assignation est dirigée contre elles, prises en
la personne de leur représentant légal, selon la procédure du droit commun.

232. L'article 1 er, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1957 dispose que « l'action est jugée conformément aux règles du droit
civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur
des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions ». La responsabilité de l'auteur du dommage est, en effet, appréciée
conformément au droit commun, la substitution de l'État à son agent ne modifiant pas le contenu des règles appliquées
(T. confl. 4 juill. 1991, Cts Oger et Bissières). La formulation de la loi renvoie aux articles 1382 et 1384, alinéas 1 er et 5 du
code civil pour les accidents autres que de la circulation. La loi n o 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la
situation des victimes d'accidents de circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, applicable aux accidents
entrant dans son objet, a prévu, en son article 24, codifié à l'article L. 211-21 du code des assurances, que l'État et les
collectivités publiques sont assimilés à l'assureur pour les dispositions édictées aux articles L. 211-9 à L. 211-17 du même
code. Les personnes publiques sont ainsi soumises à des obligations spécifiques comme le respect du délai de huit mois pour
faire une offre d'indemnité aux victimes, le doublement du plein droit du taux de l'intérêt en cas de retard, l'information
réciproque de l'assureur, de la victime et des tiers payants.

233. Le Tribunal des conflits a estimé que « la circonstance que la dette d'une personne publique est régie par le droit civil et
ressortit à la compétence des tribunaux judiciaires ne saurait faire obstacle à l'application de la législation soumettant à
déchéance ou prescription quadriennale les créances sur les collectivités publiques ; qu'il en est notamment ainsi en matière
de dommages causés par les véhicules » (T. confl. 21 janv. 1985, Préfet de la région Lorraine c/ CA Metz, Lebon 399, concl.
Latournerie, AJDA 1985. 229, note Richer). La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la prescription quadriennale
ne commençait à courir que lorsque la créance de la victime contre l'État avait été fixée (Civ. 2 e, 11 févr. 1987, Bull. civ. II,
n o 41 ; 24 juin 1998, n o 96-21.530 , Bull. civ. II, n o 217).

Art. 2 - Mécanisme de la substitution


234. La loi du 31 décembre 1957, dans le second alinéa de son article 1 er, prévoit la substitution automatique de la personne
morale de droit public à l'agent public, auteur du dommage. Elle précise que cette substitution joue « à l'égard des tiers »,
c'est-à-dire, au premier chef, au profit des victimes des accidents de véhicules. Une telle substitution a pour effet de simplifier
la procédure d'indemnisation et de garantir à la victime une indemnisation plus rapide opérée par un patrimoine solvable. Elle
a aussi pour fonction la garantie des agents publics dès lors qu'elle oblige la victime à agir directement et exclusivement
contre la personne morale de droit public. L'agent public est ainsi mis à l'abri d'une action directe engagée contre lui par la
victime et est déchargé de toute obligation d'indemnisation, sauf action récursoire ultérieure. Ainsi, la Cour de cassation
censure systématiquement les décisions du juge du fond qui condamnent solidairement le Trésor public et l'agent fautif.

235. La personne publique qui a indemnisé la victime dispose éventuellement d'une action récursoire contre l'agent, auteur
du dommage, dans le but d'obtenir un remboursement total ou partiel des indemnités versées. Cette action, fondée sur la
faute personnelle, est indépendante de la loi de 1957 qui ne prévoit un mécanisme de substitutions qu'à « l'égard des tiers ».
Elle oppose, en effet, un agent public et une collectivité publique.

236. La jurisprudence a donc logiquement estimé que la compétence administrative s'imposait en matière d'action récursoire :
« Considérant qu'une telle action, qui a trait aux rapports de l'État et d'un de ses agents, n'est pas au nombre des actions en
responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés aux tiers par des véhicules quelconques et que
l'article 1 er de la loi du 31 décembre 1957 soumet, lorsqu'elles mettent en cause des personnes morales administratives, à
des règles dérogeant aux principes du droit public […] ; qu'il suit de là que la juridiction administrative a seule qualité pour
connaître de ce litige » (T. confl. 22 nov. 1965, Collin, Lebon 819, AJDA 1966. 304, note Moreau, D. 1966. 195, concl. Lindon).

Chapitre 4 - Responsabilité de l'État du fait des accidents scolaires


Bibliographie. - ABBEY, La responsabilité des éducateurs, 1951, thèse, Paris. - F. ALAPHILIPPE et autres, Sport et collectivités
locales, 1984, Sirey, Bibliothèque des collectivités locales. - ALBERTINI, La responsabilité civile de l'instituteur, 1942, thèse,
Aix-en-Provence. - H. CHADELAUD, La responsabilité civile des enseignants, 1979, thèse, Grenoble. - G. DARCY, La
responsabilité de l'État du fait des accidents scolaires, 1976, thèse, Paris II. - C. DURAND PRIMBORGNE, Le droit de
l'éducation, 1992, Hachette Éducation. - Ministère de la Jeunesse et des sports, Les équipements sportifs et socio-éducatifs
après la décentralisation, 2 e éd., 1985, éd. du Moniteur, 2 vol. - NARFEZ, La substitution de responsabilité de l'État à celle des
instituteurs publics, 1948, thèse, Paris. - R. PIEROT, Le statut de l'instituteur public, 1972, thèse, Paris. - D. VEAUX, Droit du
sport, 1987, Litec.

Bibliographie. - P. CARLI, L'accident de la circulation lié à un défaut de surveillance scolaire : recours contre l'État devant le
juge civil, JCP 1991. I. 3514. - F. CHABAS, Remarques sur la jurisprudence récente en matière de responsabilité des
instituteurs, Gaz. Pal. 1982. 2. Doctr. 501. - J. CHAZAL, La responsabilité civile de l'éducateur, Gaz. Pal. 1949. 1. Doctr. 1. -
P. COLLOMB (sous la dir. de), Sport et décentralisation, Actes du colloque de Nice, 1988, Économica. - P. DABEZIES, Loi de
1937 et orientations nouvelles en matière de responsabilité des membres de l'enseignement public, AJDA 1969. 39. -
J. DENOIX DE SAINT-MARC, Les fédérations sportives devant le juge administratif, RFDA 1985. 66. - H. DESBOIS, Le nouveau
régime de la responsabilité des instituteurs d'après la loi du 5 avril 1937, DH 1937. Chron. 53. - R. DRAGO, À propos de la
responsabilité pénale des membres de l'enseignement, Éducation et gestion 1968. 44 ; La responsabilité des chefs
d'établissement, Rev. dr. scolaire, mai-juin 1996, p. 7. - J. FIALAIRE, Responsabilité en matière d'enseignement, J.-Cl. Adm.,
fasc. 966 ; Responsabilité en matière d'enseignement et sorties éducatives, AJDA 2000. 977 . - J. FOURNIER DE LAURIERE,
La tentation du pénal, Rev. dr. scolaire, mars-avr. 1994, n o 2, p. 22. - J. JULIEN, Accidents scolaires et responsabilité civile :
aperçu jurisprudentiel, Dr. fam. 2002. Étude 21. - J. LAMPUE, La responsabilité pénale des enseignants en droit français, Rev.
jur. et pol. Indépendance et Coopération 1973. 1059. - B. LASSERRE et J.-L. DELARUE, Responsabilité du fait de dommages
survenus dans les établissements d'enseignement, AJDA 1983. 408. - J. MINOT, Les accidents scolaires et la responsabilité
des instituteurs, Rev. adm. 1961. 150. - J. MORAND-DEVILLER, Les nouvelles responsabilités des collectivités locales, RD publ.
1988. 991. - J. MOREAU, La responsabilité des personnes publiques en matière de transports scolaires, Cahiers du CNFPT,
nov. 1988, p. 242. - F. MODERNE, Enfance inadaptée et responsabilité civile, RDSS 1971. 90. - M. MOUCHOUX, Le traitement
contentieux des accidents scolaires, Rev. adm. 1993. 464 ; Faut-il réformer la loi du 5 avril 1937 ?, ibid. 1994. 273. - F. SEVAL,
Les responsabilités des chefs d'établissement, Savoir 1991, n o 3, p. 681. - F. VINCENT, Régimes spéciaux de responsabilité, J.-
Cl. Adm., fasc. 960. - M. W ALINE, Commentaire de la loi du 5 avril 1937, DP 1938. 4. 41.

237. Origine de la substitution de responsabilité. - La spécificité de la responsabilité consécutive aux accidents scolaires, dont
témoigne le maintien de la compétence judiciaire en dépit d'une substitution de la responsabilité de l'État à celle des
instituteurs publics, peut aujourd'hui apparaître tel un accident de l'histoire… Dans sa rédaction d'origine, le quatrième alinéa
de l'article 1384 du code civil posait une présomption de faute des instituteurs, en cas de dommage causé par les élèves
placés sous leur garde. Il appartenait donc à l'enseignant, attrait personnellement devant la juridiction civile, de prouver
l'absence de toute faute de surveillance de sa part. Or, dès la fin du XIX e siècle, de multiples condamnations, révélant une
application particulièrement rigoureuse de la loi, suscitèrent un vif émoi dans la communauté éducative (V. not. la célèbre
affaire Leblanc, du nom d'un directeur ayant sombré dans la démence après avoir été jugé responsable de la mort d'un
enfant, en dépit de l'impossibilité où il s'était trouvé d'empêcher les coups portés : Paris, 31 mai 1892, DP 1893. 2. 490). De
vives critiques de la doctrine firent écho à l'émotion suscitée par ces affaires, tandis que les instituteurs publics entreprenaient
une campagne de presse contre le texte. C'est en réponse à ces contestations que, par une loi du 20 juillet 1899, fut instauré
un mécanisme de substitution de la responsabilité de l'État à celle de l'instituteur, les tribunaux judiciaires restant toutefois
compétents pour connaître d'une action qui demeurait une action en responsabilité civile. La loi du 20 juillet 1899 n'emporta
cependant pas la satisfaction de tous les intéressés qui la jugèrent incomplète, en ce qu'elle maintenait la présomption de
faute et la mise en cause des enseignants devant les juridictions. Il fallut attendre la loi du 5 avril 1937 pour que soit
parachevé l'édifice, réalisant un équilibre entre la nécessité d'une garantie d'indemnisation des victimes et le souci de
préserver les enseignants d'une mise en cause systématique. Éclatée aujourd'hui entre l'article 1384 du code civil et l'article
L. 911-4 du code de l'éducation, cette loi étendait non seulement le mécanisme de substitution à l'ensemble des membres de
l'enseignement public, mais supprimait aussi définitivement, en effet, la présomption de faute qui pesait sur eux, en mettant
en place un système de faute prouvée.

238. Fondement de la substitution de responsabilité. - Aujourd'hui, le mécanisme de substitution de responsabilité semble, en


lui-même, ne susciter aucune critique décisive, en ce qu'il repose sur un double fondement : il apparaît comme une mesure de
protection de l'instituteur, qui ne peut être cité devant le juge civil en raison de faits commis pendant l'exercice de ses
fonctions, mais aussi comme une garantie d'indemnisation à l'égard de la victime, qui échappe au risque d'insolvabilité du
débiteur de la réparation. Toute contestation n'est cependant pas éteinte, loin s'en faut ; mais c'est en fait contre le principe
de responsabilité pour faute prouvée que les attaques se portent aujourd'hui, dans la mesure où l'avènement des
responsabilités de plein droit donne à ce régime spécial l'allure d'une survivance historique. Un renversement de l'histoire
n'est ainsi pas exclu, qui, après le passage d'une présomption de faute à une faute prouvée, conduirait de la faute prouvée à
une présomption de responsabilité…

239. Il convient de préciser les conditions générales du mécanisme de substitution de la responsabilité de l'État à celle de
l'instituteur (V. infra, n os 240 et s.) avant d'examiner sa mise en oeuvre (V. infra, n os 310 et s.).

Section 1 - Conditions généralesde la substitution de responsabilité


240. Lien entre l'article 1384 du code civil et l'article L. 911-4 du code de l'éducation. - L'article L. 911-4 du code de l'éducation
dispose que dans « tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à
l'occasion d'un fait dommageable commis soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions,
soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État est substituée à
celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou
ses représentants », ajoutant qu'il « en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans
un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux
membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers ». Ce texte, définissant les critères de la
substitution de responsabilité, doit être articulé avec les alinéas 6 et 8 de l'article 1384 du code civil, prévoyant la
responsabilité des instituteurs au titre « du dommage causé par leurs élèves […] pendant le temps qu'ils sont sous leur
surveillance ». Aussi apparaît-il rapidement que la lettre de ce dernier texte ne vise que le dommage causé par l'élève, la
responsabilité de l'instituteur constituant une hypothèse de responsabilité du fait d'autrui, alors que l'article L. 911-4 précité
concerne de façon plus extensive les dommages causés par l'élève aussi bien que les dommages subis par un élève, qu'ils
aient été causés par un condisciple, la victime elle-même ou même l'instituteur. Aussi, la jurisprudence récente fait-elle
application de l'article 1384 du code civil dans des hypothèses où il ne s'agit plus véritablement de responsabilité du fait
d'autrui (V. par ex. : Civ. 2 e, 5 nov. 1998, Bull. civ. II, n o 263, pour un dommage subi par un élève au cours d'un exercice
d'éducation physique). En d'autres termes, l'attention est portée essentiellement sur la faute de « l'instituteur » et le
dommage subi par la victime. Mais, il est des hypothèses où l'État peut s'exonérer de sa responsabilité qui découle de celle
d'un « instituteur ».

2 4 1 . Dès lors, il y a lieu d'examiner les conditions de la responsabilité d'un « instituteur » et les causes exonératoires
permettant à l'État d'échapper au mécanisme de substitution.

Art. 1 - Caractérisation d'une responsabilitéd'un membre de l'enseignement public ou assimilé


242. La responsabilité de « l'instituteur » repose essentiellement sur deux critères : la faute qu'il a commise, et un dommage,
qu'il soit causé ou subi par un élève. Du moins le lien de causalité entre cette faute et le dommage, qui doit être établi,
n'appelle-t-il aucun commentaire particulier.

§ 1 - Faute
243. La faute donnant lieu à la responsabilité de l'État se saisit autant par son auteur, un « instituteur », que par son objet.

A. - Auteur de la faute
2 4 4 . Lien entre qualité de membre de l'enseignement public et notion d'instituteur. - La faute engageant la responsabilité
substituée de l'État doit, selon le texte considéré, être imputée à un « instituteur » ou à un « membre de l'enseignement
public ». Il n'apparaît pas, abstraction faite de la restriction tenant au statut du personnel éducatif, que la notion de membre
de l'enseignement (public) au sens de l'article L. 911-4 du code de l'éducation soit, dans cette perspective, entendue de façon
différente de celle d'« instituteur » au sens de l'article 1384 du code civil, notions que la loi du 5 avril 1937 utilisait d'ailleurs
indifféremment.

245. En principe, les membres de l'enseignement privé ne bénéficient pas de la substitution de responsabilité. Cependant, le
décret n o 60-389 du 22 avril 1960, pris en application de la loi n o 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État
et les établissements privés, a étendu ce mécanisme de substitution aux enseignants des établissements privés liés à l'État
par un contrat d'association. Cette extension apparaît d'ailleurs logique, dans la mesure où ces établissements sont soumis
aux règles et programmes de l'enseignement public, leurs enseignants ayant, de surcroît, la qualité d'agent public. Ainsi, une
jurisprudence constante consacre la substitution de la responsabilité de l'État à celle des maîtres de l'enseignement privé
sous contrat d'association (T. confl. 14 janv. 1980, Lebon 503 ; Civ. 2 e, 27 janv. 1961, Bull. civ. II, n o 86 ; 24 avr. 1981, ibid. II,
n os 100 et 101). À cet égard, il y a lieu de préciser que les juges du fond saisis d'une demande d'indemnisation en cas
d'accident scolaire survenu dans un établissement privé doivent d'abord vérifier si le contrat liant l'école à l'État constitue un
contrat d'association (Montpellier, 9 mai 1990, Juris-Data, n o 1547).

246. C'est donc en tenant compte de cette assimilation qu'il convient d'examiner ce que recouvre la notion d'« instituteur ».

247. Si le code civil n'apporte aucune précision, l'article L. 911-4 du code précité n'est guère plus disert, qui dispose que les
membres de l'enseignement (public) bénéficient de la substitution de l'État pour les dommages causés à ou par des élèves qui
leur sont confiés « à raison de leurs fonctions ». Toutefois, ce dernier texte évoque de façon explicite la « surveillance » qui
incombe à « l'instituteur », dont il est précisé qu'elle s'exerce « pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but
d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements ». On peut ainsi relever que ce texte met en oeuvre
un double critère, organique et fonctionnel, le second étant cependant plus déterminant que le premier. Le critère organique,
qui assure le lien avec le statut de l'enseignant, n'est mis en oeuvre que pour cantonner la responsabilité substituée de l'État
aux fautes des instituteurs publics ou assimilés, une fois avérée une faute commise dans les fonctions « d'instituteur ».
Lorsqu'il s'agit de savoir si la faute a été commise par un « instituteur » ou un « membre de l'enseignement », la recherche se
doit d'être effectuée au regard de la fonction exercée. C'est en ce sens qu'un découpage peut être proposé entre, d'une part,
l'examen de la condition propre à la substitution - le statut public ou assimilé de « l'instituteur » - et, d'autre part, celui de la
condition commune à toute responsabilité fondée sur l'article 1384, alinéas 6 et 8, du code civil - l'existence d'une faute
commise par et en tant qu'instituteur.

2 4 8 . L'adoption du double critère emporte la conséquence suivante : peut certes recevoir la qualité d'instituteur toute
personne qui en exerce les fonctions, quel que soit son statut, mais celle-ci doit cependant agir à ce titre, à défaut de quoi,
quand bien même elle exercerait, par ailleurs, des fonctions d'instituteur, et quand bien même elle serait un instituteur public
ou assimilé, la survenance du dommage, à un moment où elle n'exerce pas lesdites fonctions, ne pourrait déclencher la
substitution de responsabilité de l'État. C'est dire que la faute recherchée doit être imputée à un auteur qualifié. D'où
l'importance de la définition de cette fonction d'instituteur, indépendamment de la notion de membre de l'enseignement public
ou assimilé. En jurisprudence, le critère de l'activité d'enseignement semble devoir être combiné avec celui tiré de la mission de
surveillance, ainsi que la lettre de l'article L. 911-4 du code de l'éducation invite lui-même à le conclure, étant noté que la Cour
de cassation a établi un lien entre « la mise en jeu de la responsabilité des maîtres » et « le devoir de surveillance qui leur
incombe en contrepartie de l'autorité que leur confère leurs fonctions » (Civ. 2 e, 15 avr. 1961, Bull. civ. II, n o 276).

249. Application du critère de l'activité d'enseignement. - Il est évident que la notion d'instituteur s'applique, au premier chef,
aux activités d'enseignement, de quelque nature qu'elles soient (Chambéry, 9 janv. 1958, JCP 1958. II. 10493), exercées par
un « instituteur » public ou par un enseignant d'un établissement relevant du secteur privé sous contrat d'association (T.
confl. 27 nov. 1995, Mlle Le Troedec, Lebon 501). Toutes les disciplines peuvent ainsi donner lieu à la mise en oeuvre de
l'article L. 911-4 du code de l'éducation, qu'il s'agisse d'un enseignement général, musical, théâtral, ou d'un enseignement
technique - à la condition, dans ce dernier cas, que les règles relatives aux accidents du travail ne soient pas applicables.

250. Le contentieux porte évidemment principalement sur les enseignements les plus dangereux pour les élèves, notamment
les cours de sport ou d'éducation physique. Peu importe, là encore, la nature de l'activité sportive enseignée : gymnastique
(V., pour un accident intervenu pendant un exercice à la poutre, Civ. 2 e, 5 nov. 1998, Bull. civ. II, n o 263), basket-ball (Civ. 2 e,
16 mai 1988, n o 87-12.209 ), football (Civ. 2 e, 5 déc. 1979, Bull. civ. II, n o 281), athlétisme (V., pour un accident à l'occasion
d'un entraînement au lancer du poids, Caen, 24 mars 1988, Juris-Data, n o 044676) ou même le maniement d'une planche à
roulettes (Nancy, 26 déc. 1991, Dr. adm. 1992, n o 129).

251. Indéniablement, c'est d'abord l'enseignement qui fait l'enseignant. Sont ainsi concernés, d'une façon générale, tous les
enseignants des écoles maternelles et primaires, ainsi que des collèges et lycées secondaires. Il faut cependant ajouter que,
en vertu de ce critère, la notion d'instituteur - ou de membre de l'enseignement public ou assimilé - peut s'appliquer à toutes
les personnes qui exercent une mission pédagogique au sens large. La Cour de cassation a ainsi retenu la compétence du
juge judiciaire et l'application du régime de la responsabilité des instituteurs pour réparer un dommage subi par une élève se
trouvant dans un groupe placé sous la surveillance, non des enseignants, mais d'un moniteur d'éducation physique et
sportive, employé de la ville, mis à la disposition d'une école en qualité d'aide pédagogique et participant à l'encadrement de
la classe (Civ. 2 e, 13 déc. 2001, n o 99-18.239 , Bull. civ. II, n o 189, D. 2002. 1517, note Hunter-Hénin , RTD civ. 2002. 312,
obs. Jourdain ).

2 5 2 . L'imprécision terminologique a permis au juge de faire prévaloir une conception très extensive des bénéficiaires du
régime de substitution introduit par le législateur. Sont ainsi concernés tous ceux qui exercent une fonction d'enseignement
placée sous l'autorité de l'État, directement ou indirectement. Cette situation est notamment établie lorsque l'activité
éducative se déroule sous le contrôle de l'inspection académique ou avec l'autorisation de l'administration de l'éducation
nationale, et/ou est soumise aux programmes de l'enseignement public. Tel est le cas, en particulier, d'un dommage produit
du fait d'un enseignant rémunéré ou nommé par l'État affecté dans un établissement ne relevant pas de l'éducation nationale,
dès lors que le dommage s'est produit au cours d'un exercice de scolarité (Civ. 2 e, 27 janv. 1961, Bull. civ. I, n o 86, D. 1961.
Somm. 81).

253. Consécration du critère de la mission de surveillance. - Une ancienne jurisprudence semblait prendre essentiellement en
considération la faute commise dans l'exercice de fonctions d'enseignement (Chambéry, 9 janv. 1958, JCP 1958. II. 10493 :
« L'instituteur est celui qui, non seulement a la surveillance ou assume l'éducation du mineur, mais qui lui donne un
enseignement de quelque nature que ce soit »). Une telle interprétation n'est plus aujourd'hui pertinente. D'aucuns estiment
que l'élément primordial consiste dans la mission de surveillance : c'est la surveillance qui ferait donc l'instituteur (V. en ce
sens, Rép. civ. Dalloz, Vo Responsabilité du fait d'autrui, op. cit., n o 154). Au regard de la jurisprudence actuelle, une telle
analyse semble s'imposer. D'une part, le champ d'application de l'article L. 911-4 du code de l'éducation s'étend sans conteste
à des activités indissociables de la mission d'enseignement, mais également à des activités extrascolaires, lorsqu'elles sont
surveillées par des personnes à qui incombent par ailleurs des fonctions d'enseignement. D'autre part, si la jurisprudence est
parfois plus réticente s'agissant de personnes à qui incombe une mission de surveillance, mais non d'enseignement, cela
semble s'expliquer davantage par le statut de l'agent ou des considérations d'espèce que par l'exclusion de la fonction
« d'instituteur », laquelle est, en définitive, entendue très largement.

254. Activités indissociables de la mission d'enseignement. - La mise en oeuvre du mécanisme de substitution peut d'abord
s'étendre à des activités qui, sans constituer à proprement parler un enseignement, en sont jugées indissociables. Peuvent
ainsi être couverts les dommages intervenus pendant toutes les activités liées à la vie scolaire, à l'intérieur de l'établissement.
L'obligation de surveillance s'exerce de manière continue pendant toute la durée de l'activité scolaire, y compris pendant les
récréations et les interclasses (V. par ex. : Civ. 2 e, 8 juill. 1998, Bull. civ. II, n o 241 : enfants empruntant sans surveillance,
après la fin du cours, un escalier pour se rendre en récréation). La mission de surveillance s'étend aussi naturellement aux
« études surveillées » - la substitution de responsabilité opère ainsi dans l'hypothèse de dommages intervenus pendant une
étude surveillée par une institutrice, quand bien même l'organisation de cette activité serait due à une initiative de la
commune (T. confl. 2 juill. 1979, CPAM Béziers Saint-Pons c/ Min. Éducation, Lebon 570) ; à la cantine (Limoges, 17 sept. 1992,
Juris-Data, n o 049381 : dommage causé à un enfant qui se prend les doigts dans la porte de la cantine) ; en internat (Civ. 2 e,
24 avr. 1981 [préc. supra, n o 245], Bull. civ. II, n o 101 : accident causé par la présence d'une arme dans la chambre d'un
surveillant d'internat, les élèves s'en étant emparés) ; lors des entrée et sortie de l'établissement (Civ. 2 e, 4 nov. 1988, n o 87-
11.026 : élève blessé par l'ouverture brutale de la grille d'entrée de l'école) ; pendant les fêtes organisées par et dans
l'établissement (Paris, 18 juin 1997, Juris-Data, n o 022146 : chute d'un enfant par la fenêtre pendant une fête organisée à
l'intérieur même de la classe) ; ou à l'occasion d'une compétition sportive organisée par une association sportive
d'établissement sous l'autorité du professeur d'éducation physique et sportive (T. confl. 13 févr. 1984, Bousmaha Djelloul,
RFDA 1985. 390, note R. Abraham). Certaines activités sont également considérées comme non dissociables de
l'enseignement, alors même qu'elles se déroulent à l'extérieur de l'établissement : déplacements des élèves pour passer des
examens ou concours, notamment les épreuves d'éducation physique du baccalauréat, ou encore sorties éducatives ou
récréatives organisées pendant le temps scolaire (Civ. 2 e, 14 mai 1956, Bull. civ. II, n o 261 ; 22 févr. 1967, ibid. II, n o 89 ; Civ. 1 re,
12 nov. 1987, ibid. I, n o 291 ; J. FIALAIRE, Responsabilité en matière d'enseignement et sorties éducatives, RJDA 2000. 977).
Le critère spatial issu de la jurisprudence ancienne, selon lequel la fonction d'instituteur s'arrêtait aux portes de l'école, se
trouve aujourd'hui totalement abandonné. Aussi faut-il souligner qu'un enseignant ne sort pas de ses fonctions lorsqu'il
surveille de telles activités extra ou parascolaires.

2 5 5 . Activités extrascolaires. - Certaines activités relèvent encore de l'article L. 911-4, alors même que leur lien avec
l'enseignement est distendu. C'est notamment le cas des voyages scolaires, ainsi que les « classes transplantées » - classes
de neige, de mer, de nature - pour lesquels l'encadrement par les enseignants dépasse les limites temporelles du temps
scolaire. En principe, en cas de séjour ou d'activité extrascolaire, la substitution de la responsabilité de l'État à celle de
« l'instituteur » reste limitée à l'hypothèse dans laquelle l'accident intervient à un moment où la surveillance des enfants est
assurée par un instituteur public ou assimilé, avec ou sans l'assistance de moniteurs. Il est alors incontestable que la fonction
d'instituteur résulte essentiellement de la mission de surveillance et d'encadrement : dans la mesure où il ne s'agit plus à
proprement parler d'enseignement ou d'une activité indissociable, il pourrait être considéré que l'enseignant n'est plus dans le
cadre de ses fonctions ; mais il en va autrement dès lors que la mission de surveillance suffit à remplir le critère fonctionnel.

256. Il se comprend ainsi que les voyages scolaires donnent lieu à la mise en oeuvre de la responsabilité de l'État, dès lors
qu'ils s'effectuent sous la surveillance d'instituteurs (Crim. 12 nov. 1997, Bull. crim., n o 385 : viol d'une élève pendant un
voyage ferroviaire, faute des enseignants chargés de surveiller des « préadolescents difficiles »). De même, les accidents, qui
interviennent lors de classes de neige, de mer ou de montagne, peuvent également être couverts (TGI Gap, 13 févr. 1986,
Juris-Data, n o 000739 : institutrice qui n'a pas su mettre fin à une dispute entre deux élèves armés de bâtons de ski). Ainsi,
relève du régime de la loi de 1937 un dommage produit dans une colonie de vacances placée sous la responsabilité d'une
collectivité publique, confiée à la direction d'un membre de l'enseignement public (Paris, 25 mai 1955, JCP 1955. II. 8813, note
Vedel ; Civ. 1 re, 30 oct. 1957, JCP 1958. II. 10418 bis, note F.P. Benoit, D. 1958. 423, note Chapus), ou un accident survenu
pendant une colonie de vacances surveillée par un moniteur qui est, par ailleurs, enseignant du secteur public (Civ. 2 e, 4 juin
1970, D. 1970. Somm. 187 : professeur d'éducation physique, fonctionnaire de l'État, exerçant, l'été, des fonctions
temporaires de moniteur d'un centre nautique, avec l'accord exprès de l'administration), ou un dommage mettant en cause
pour défaut de surveillance un enseignant, agent de l'État, mis à disposition d'un organisme public ou privé (TA Grenoble,
4 janv. 1996, Verollet, Juris-Data, n o 05008 : s'agissant d'un moniteur, professeur de sports de l'État mis à disposition de
l'école nationale de ski et d'alpinisme ; CAA Paris, 11 avr. 1991, Kovacevic, RFDA 1992. 829 ).

257. Mais, au-delà, l'article L. 911-4 du code de l'éducation trouve encore application lorsque le fautif est placé sous l'autorité
de l'instituteur public. L'implication d'un membre de l'enseignement public résulte alors de l'existence d'une délégation de la
mission de surveillance. Il s'agit en quelque sorte d'une délégation « fonctionnelle », liée à l'organisation d'une activité
scolaire. Le Tribunal des conflits considère, en effet, que la responsabilité de l'État s'étend à la réparation des préjudices dont
la cause réside dans une défaillance d'une personne tierce par rapport à l'institution scolaire, mais placée sous la
responsabilité de celle-ci (T. confl. 15 févr. 1999, Martinez, RFDA 1999. 1109, Dr. adm. 1999. Comm. n o 288, obs. Fialaire :
dans l'hypothèse d'un accident subi par un élève au cours d'une classe de neige encadrée par un moniteur de ski, jugé que
« l'accident s'est produit au cours d'une activité organisée dans le cadre de l'enseignement sous la responsabilité du directeur
d'école et de l'instituteur chargé de la classe ; que la circonstance qu'il soit survenu alors que l'enfant se trouvait dans un
groupe placé sous la surveillance, non de l'instituteur lui-même, mais d'un moniteur, agent de la commune, participant à
l'encadrement de la classe, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l'État soit recherchée »). Est donc exclue la
responsabilité administrative de la commune pour faute de service d'un de ses agents ou celle de l'État pour défaut
d'organisation du service public. Plus nettement encore, il a été décidé que « la circonstance que l'accident est survenu
lorsque l'enfant se trouvait dans un groupe placé sous la surveillance, non de l'instituteur, mais d'un intervenant extérieur
agréé pour encadrer les élèves lors d'une activité d'initiation à l'escalade organisée pendant le temps scolaire, dans le
gymnase d'une commune, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l'État soit recherchée sur le fondement des
dispositions de la loi du 5 avril 1937 » (T. confl. 19 nov. 2001, M. et Mme Gracia c/ État, AJFP 2002. 43, obs. S. Petit ).

258. Le critère de la mission de surveillance permet également d'attribuer la qualité « d'instituteur » à d'autres catégories de
personnel des établissements scolaires. Peuvent ainsi être qualifiés tels les surveillants (Civ. 2 e, 24 avr. 1981 [préc. supra, n o
245], Bull. civ. II, n o 100) ou les censeurs ou les chefs d'établissement (Paris, 16 déc. 1982, Juris-Data, n o 030250). Toutefois,
la mise en oeuvre du mécanisme de substitution de la responsabilité de l'État a été refusée à l'endroit d'agents communaux
chargés de surveiller une cantine scolaire, étant observé que la censure de la cour d'appel, qui avait retenu la responsabilité
de l'État, substituée à celle de la directrice de l'école, pour l'accident survenu à un enfant de 6 ans blessé en sortant de la
cantine d'une école maternelle, par la fermeture d'une porte poussée par un autre enfant, au motif qu'il appartenait à la
directrice de l'établissement de donner aux agents communaux, chargés de la surveillance de la cantine, les directives
nécessaires pour empêcher un tel geste, est intervenue pour un manque de base légale en ce qu'il ne résultait pas d'un tel
motif l'existence d'une faute personnelle contre un instituteur déterminé (Civ. 2 e, 12 déc. 1994, n o 92-20.667 ).

Actualité
258. Caractérisation d'une responsabilité d'un membre de l'enseignement public ou assimilé. Auteur de la faute. Responsabilité du
fait d'accidents scolaires et agents communaux des cantines scolaires. - Le régime prévu à l'article L. 911-4 du code de
l'éducation concernant la responsabilité de l'État du fait d'accidents scolaires est écarté dans le cas de préjudices causés à un
élève durant le déroulement de la cantine et les périodes qui la précèdent, après la sortie de classe, et la suivent, jusqu'à la
rentrée en classe (T. confl. 30 juin 2008, Préfet des Alpes-Maritimes c/ Caisse régionale Groupama, req. n o 3671 , AJDA
2008. 1414 ; AJDA 2009. 706, note Bouteiller ).
259. De façon générale, c'est au regard des obligations statutaires des agents concernés que pourra être retenue la mission
de surveillance emportant la qualification. À cet égard, il semblerait justifié de retenir également cette qualification à l'endroit
des assistants d'éducation, en ce qu'ils ont pour mission d'« exercer des fonctions d'assistance à l'équipe éducative, fonctions
en lien avec le projet d'établissement, notamment pour l'encadrement et la surveillance des élèves et l'aide à l'accueil et à
l'intégration scolaires des élèves handicapés, y compris en dehors du temps scolaire » (C. éduc., art. L. 916-1).

260. Toutes ces solutions évoquées, qui traduisent, malgré tout, la permanence d'un lien avec la mission d'éducation, font, en
définitive, naturellement écho à la multiplication actuelle des collaborations avec le service public de l'enseignement.

261. En revanche, lorsque seule est à l'origine du dommage la faute d'un membre du personnel d'encadrement qui n'est pas
un « membre de l'enseignement public » et n'est pas placé sous l'autorité de l'instituteur au moment de l'accident, l'article
L. 911-4 du code de l'éducation ne saurait trouver à s'appliquer (Civ. 1 re, 27 févr. 1990, n o 88-11.283 : ayant retenu que
l'accident dont l'enfant a été victime avait eu pour cause une faute des préposés de l'association VVL, sous la surveillance
desquels cet élève se trouvait alors placé, la cour d'appel en a exactement déduit que cette association ne pouvait se
dégager de sa responsabilité en se prévalant des dispositions de l'art. 2 de la loi du 5 avr. 1937, qui ne s'applique que dans
la mesure où est engagée la responsabilité des membres de l'enseignement public, à laquelle seule se substitue celle de
l'État).

262. Il en est de même lorsque le membre de l'enseignement n'est pas intervenu en cette qualité (ainsi, justifie légalement
sa décision, écartant l'application de la loi du 5 avr. 1937, la cour d'appel qui, pour déclarer recevable la demande en
dommages-intérêts dirigée contre une association ayant organisé une colonie de vacances, à la suite de l'accident survenu à
un participant, retient que si le directeur de la colonie de vacances était un membre de l'enseignement, ce n'était pas en cette
qualité qu'il s'était vu confier la responsabilité de la colonie de vacances : Civ. 1 re, 10 juill. 1979, Bull. civ. I, n o 205 ; T. confl.
22 janv. 1955, D. 1956. 58, note Eisenmann, RD publ. 1955. 716, note Waline, RPDA 1955. 53, concl. Chardeau), ou est
intervenu à l'insu de son administration (la substitution de responsabilité de l'État, prévue par l'art. 2 de la loi du 5 avr. 1937,
ne peut pas s'opérer au bénéfice d'un comité qui accueille des enfants hors des jours de scolarité, bien que ce comité ait été
déclaré partiellement responsable de l'accident, arrivé à un enfant le jour où un membre de l'enseignement public avait la
qualité de responsable, dès lors qu'il n'est établi, ni que l'autorité administrative ait mis à la disposition du comité cet
enseignant, ni même que l'activité de celui-ci ait été connue des services de l'Éducation nationale : Civ. 2 e, 31 mars 1978, Bull.
civ. II, n o 100).

263. Par ailleurs, il faut admettre que, lorsque l'élève a régulièrement quitté l'établissement et ne se livre pas à une activité
organisée et surveillée par l'enseignant, la responsabilité de l'État est exclue, même si l'activité de l'enfant se rattache à un
projet éducatif (Civ. 2 e, 3 oct. 1990, Bull. civ. II, n o 178 : élève qui, après avoir quitté le collège, est blessée dans la rue par un
coup de carabine, alors qu'elle se rendait de sa propre initiative à la mairie pour recueillir des informations utiles à la
préparation d'un exposé).

264. Exclusion des personnels n'ayant pas de mission de surveillance. - C'est toujours le critère fonctionnel, sur lequel repose la
notion d'instituteur, qui justifie, à l'inverse, l'exclusion des personnels auxquels n'incombe aucune mission de surveillance -
même s'ils sont agents de l'État.

265. Il en va ainsi de divers personnels administratifs, d'intendance, de service (T. confl. 25 nov. 1963, JCP 1964. II. 13466)
ou de santé (infirmières, par ex. : TGI Avranches, 29 avr. 1963, D. 1963. Somm. 109 ; TA Paris, 24 nov. 1966, Bridault et
Todman, Lebon 798), lorsque leur statut respectif ne prévoit aucune obligation de surveillance des élèves.

266. Mais ont aussi pu être exclus de ce régime de responsabilité les membres de l'enseignement supérieur qui ne sont, en
principe, pas soumis à un devoir de surveillance à l'égard de leurs étudiants. Les articles 1384, alinéas 6 et 8, du code civil et
L. 911-4 du code de l'éducation ne leur sont, en principe, pas applicables, qu'il s'agisse de l'enseignement universitaire
(Angers, 3 mars 1936, S. 1937. 2. 1949) ou de l'enseignement professionnel (Civ. 1 re, 13 janv. 1969, D. 1969. 237).
L'exclusion de la mission de surveillance s'explique sans doute par les circonstances dans lesquelles l'enseignement est
dispensé. Peut-être faudrait-il toutefois réserver le cas des élèves des classes post-baccalauréat, des classes préparatoires
ou des sections de techniciens supérieurs, qui se trouvent dans une situation comparable à celle des lycéens dont ils
partagent ordinairement les locaux. Il faut, en outre, relever que l'article L. 911-4 du code de l'éducation évoque aujourd'hui la
surveillance des « élèves » et des « étudiants » (expression que ne comportait pas l'art. 2 de la loi du 5 avr. 1937).

2 6 7 . Auteur identifié. - Il ne paraît pas inutile, enfin, de préciser que l'établissement scolaire ne peut pas être qualifié
d'instituteur en tant que tel, pour éviter de rechercher la faute d'un instituteur déterminé. La jurisprudence est aujourd'hui
fixée en ce sens qu'une faute susceptible d'entraîner la substitution de l'État doit pouvoir être imputée à un enseignant
déterminé, et il incombe à la juridiction de rechercher l'existence d'une telle faute personnelle (Civ. 2 e, 29 mars 2001, Bull. civ.
II, n o 69 : « La responsabilité de l'État n'est substituée à celle des instituteurs du fait des élèves placés sous leur surveillance
qu'à la condition qu'ils aient commis une faute qui doit être prouvée conformément au droit commun », D. 2002. Somm. 1309,
obs. Jourdain , RJPF 2001-6/34 ; jurisprudence constante depuis 8 févr. 1978, Bull. civ. II, n o 34). Ce faisant, la Cour de
cassation semble avoir adopté une position plus stricte que celle du Tribunal des conflits, lequel a pu considérer que l'auteur
de la faute peut n'être pas identifié, dès lors qu'il est prouvé que la faute provient bien d'un enseignant (T. confl. 25 juin 1985,
Gaz. Pal. 1986. 1. Somm. 68).

268. L e ramassage scolaire appelle quant à lui un examen particulier. L'article L. 213-11 du code de l'éducation attribue, en
effet, aux départements la compétence de droit commun pour organiser et assurer le service public des transports scolaires.
Quel que soit le mode de gestion de ce service, direct (régie) ou délégué (à un groupement de communes, une association,
une entreprise privée, etc.), sa nature administrative ne fait aucun doute, et la compétence juridictionnelle de droit commun
est donc celle de la juridiction administrative (T. confl. 5 juill. 1982, Lebon 459). Certes, toute mise en jeu de la substitution de
responsabilité de l'État à celle des instituteurs n'est pas exclue : elle peut, en effet, être recherchée devant le juge judiciaire
sous la double condition que le service de transport soit géré par l'établissement scolaire lui-même, et qu'une faute de
surveillance d'un membre de l'enseignement (public) soit caractérisée. La rigueur de ces conditions a néanmoins pour
conséquence de fortement restreindre l'application de l'article L. 911-4 du même code dans ce cas de figure. Sa mise en
oeuvre se trouve réduite aux seules hypothèses dans lesquelles un enseignant accepte d'assurer lui-même le transport des
élèves, pratique devenue rarissime avec le développement des services de ramassage scolaire.

B. - Objet de la faute
269. La responsabilité de l'instituteur n'est engagée qu'à la condition que soit rapportée la preuve d'une faute de nature
délictuelle (V. infra, n os 270 et s.), consistant, le plus généralement, en un défaut ou une insuffisance de sa surveillance
(V. infra, n os 277 et s.) et qui fait l'objet d'une appréciation circonstancielle (V. infra, n os 289 et s.).

a. - Nature juridique de la faute


270. La faute commise par un « instituteur » ou un membre de l'enseignement public à l'origine d'un dommage, susceptible
d'entraîner la responsabilité substituée de l'État peut être aussi bien une faute civile qu'une faute pénale, une faute
personnelle détachable des fonctions qu'une faute de service ou une faute commise à l'occasion des fonctions. Selon le
Tribunal des conflits, « il résulte tant des termes mêmes de la loi du 20 juillet 1899 que de ses travaux préparatoires qu'en
substituant la responsabilité de l'État à celle encourue par les membres de l'enseignement public, en vertu de l'article 1384 du
code civil, du fait des dommages causés par les ou aux élèves, ladite loi, qui a attribué aux tribunaux judiciaires la
connaissance des actions en responsabilité engagées de ce fait contre l'État, a entendu exclure toute distinction suivant la
nature de la faute commise par l'agent intéressé ; la loi du 5 avril 1937, qui a abrogé la loi précitée, s'est essentiellement
proposé pour objet d'étendre la garantie que celle-ci avait instituée au profit des instituteurs à raison des faits ci-dessus
précisés, à la totalité des dommages causés ou subis par les enfants confiés à leur garde ; elle a corrélativement attribué à
l'autorité judiciaire le jugement de tous les litiges relatifs à l'application de ses propres dispositions ; elle doit, dès lors, être
réputée avoir maintenu, la règle ci-dessus énoncée en vertu de laquelle, en cette matière spéciale et par dérogation aux
principes généraux qui gouvernent la séparation des compétences administrative et judiciaire, la compétence de la juridiction
civile s'étend à l'ensemble des cas où le dommage invoqué a sa cause dans une faute de l'instituteur, quel que soit,
juridiquement, le caractère de cette faute » (T. confl. 4 mai 1987, Legendre, Lebon 752).

271. Responsabilité pour faute prouvée. - La Cour de cassation a rappelé qu'en la matière, la responsabilité de l'État n'est pas
une responsabilité de plein droit au sens de l'article 1384, alinéa 1 er, du code civil, et ne peut être retenue que sur le
fondement des alinéas 6 et 8 du même texte, si la faute d'un « instituteur » est prouvée (Civ. 2 e, 16 mars 1994, Bull. civ. II,
n o 92, D. 1994. IR. 96 ).

2 7 2 . Il ressort, en effet, des termes clairs et précis de l'article 1384, alinéa 8, du code civil, que la responsabilité de
l'instituteur, de nature délictuelle, est une responsabilité pour faute prouvée : il revient à la victime de rapporter la preuve,
« conformément au droit commun », de la faute de l'instituteur, alors même qu'il s'agit d'engager la responsabilité substituée
de l'État. D'aucuns dénoncent l'anachronisme que représente ce régime de la responsabilité des enseignants, la victime
supportant le risque de la preuve, alors que toutes les autres responsabilités du fait d'autrui sont aujourd'hui engagées de
plein droit (V. not. G. VINEY et P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, 2 e éd., 1998, LGDJ, n o 919). Il faut notamment
souligner que, depuis que la responsabilité des parents du fait de leurs enfants ne repose plus sur une faute de surveillance
ni même sur une faute de l'enfant, ce dernier régime semble nettement plus favorable, d'autant plus que la souscription d'une
assurance par les parents éloigne le risque d'insolvabilité, qui aurait pu maintenir, par opposition, l'intérêt de la responsabilité
substituée de l'État (V. en ce sens, J. JULIEN, Accidents scolaires et responsabilité civile : aperçu jurisprudentiel, Dr. fam. 2002.
Étude 21, n o 4). La responsabilité des parents risque ainsi d'éclipser celle de l'État (V. par ex. : Civ. 2 e, 3 juill. 2003, Bull. civ. II,
n o 230, D. 2003. IR. 2207 : jeu de combat organisé et surveillé par un professeur d'éducation physique, responsabilité
exclusivement recherchée des parents de l'enfant ayant porté le coup dommageable ; 29 mars 2001, Bull. civ. II, n o 69 :
enfant blessé à l'oeil lors d'une partie de tennis dans la cour d'un établissement privé sous contrat d'association, cassation
pour manque de base légale en ce que, pour déclarer l'État responsable des conséquences dommageables de l'accident, la
cour d'appel n'avait pas recherché l'existence d'une faute personnelle à la charge d'un enseignant déterminé, et
responsabilité des parents, la présence d'un élève dans un établissement scolaire, même en régime d'internat, ne supprimant
pas la cohabitation de l'enfant avec ceux-ci ; idem : Civ. 2 e, 7 mai 2002, Bull. civ. II, n o 94 : responsabilité des parents d'un
enfant qui, lors d'une récréation scolaire, au cours d'un jeu de poursuite, provoque le sectionnement d'un doigt d'un autre
élève par la fermeture de la porte des sanitaires). Une grande partie de la doctrine appelle subséquemment de ses voeux la
reconnaissance d'une responsabilité objective de l'établissement scolaire, associée à une assurance de responsabilité
obligatoire (V. not. G. VINEY et P. JOURDAIN, op. cit., n o 919 ; V. aussi l'avant-projet de réforme du droit des obligations et de
la prescription, sous la dir. P. CATALA, La Documentation française, 2006, qui recommande la suppression du régime spécial de
responsabilité de l'instituteur). En l'état du droit positif, l'exigence de la preuve d'une faute de l'instituteur est néanmoins
incontestable.

2 7 3 . Exclusion de la responsabilité du fait des choses. - En principe, le recours à la notion de faute prouvée exclut ainsi
l'application, à l'encontre de l'instituteur, du principe général de responsabilité du fait des choses fondé sur l'article 1384,
alinéa 1 er, du code civil (Civ. 2 e, 11 mars 1981, Bull. civ. II, n o 95 : jugé que la mise en oeuvre de la responsabilité d'un institut
médico-pédagogique, qui peut être engagée sur la base de l'art. 1384, al. 6 et 8, exclut de fait l'application de l'art. 1384
c. civ. à l'encontre de cet institut en tant que gardien de la bicyclette ; 16 mars 1994, ibid. II, n o 92, JCP 1994. II. 22336, note
Merger et Feddal). Cette solution n'est certes pas à l'abri de la critique : il a notamment été souligné que l'argument de texte
tiré de la référence de l'article 1384, alinéa 8, à la « faute » devrait s'incliner devant une interprétation fondée sur un
changement de contexte - l'absence de référence opérée par la loi du 5 avril 1937 à la garde d'une chose s'expliquerait par le
caractère récent et inachevé, à l'époque, de la responsabilité du fait des choses - de telle sorte que le renvoi fait au « droit
commun » pourrait s'analyser comme un renvoi au droit commun de la responsabilité, non de la preuve, et subséquemment
englober la responsabilité du fait des choses, devenue partie intégrante du droit commun de la responsabilité (V. en ce sens,
J. JULIEN, article préc., Dr. fam. 2002. Étude 21, n o 6). Force est cependant de relever que l'exigence, selon la lettre du texte,
de preuve d'une faute, se concilie mal avec la mise en oeuvre d'une responsabilité de plein droit fondée sur la garde d'une
chose.

274. Le recours à l'article 1384, s'il demeure subsidiaire, n'est peut-être d'ailleurs pas totalement exclu, s'agissant d'accidents
scolaires. S'il est admis que la responsabilité substituée de l'État ne s'étend pas au fait des choses, la question se pose de
savoir si un établissement scolaire peut être poursuivi sur ce fondement. La jurisprudence semble l'avoir admis. Ainsi, par
exemple, a-t-il été mis en oeuvre à l'encontre d'un établissement d'enseignement privé, aucune faute ne pouvant être relevée
à l'encontre d'un instituteur (V. Civ. 2 e, 14 déc. 1981, Gaz. Pal. 1982. 1. Panor. 152, note F. Chabas : établissement jugé être
gardien des poteaux de sport dont la chute avait provoqué les blessures d'un élève qui s'y était suspendu, en l'absence de
faute du professeur de gymnastique). Dans la mesure où un établissement scolaire ne peut plus aujourd'hui être lui-même
qualifié d'instituteur, il n'est pas exclu que la question connaisse un regain d'actualité. Le principe d'exclusion de la
responsabilité du fait des choses ne s'appliquant, en effet, qu'à l'égard de l'instituteur, la voie empruntée, sur ce fondement,
pourrait se développer.

2 7 5 . Exclusion de la responsabilité contractuelle. - De la même façon, s'il ne fait aucun doute que la faute imputable à
l'instituteur ne peut qu'être de nature délictuelle - l'enseignant n'entretient pas un rapport contractuel avec ses élèves -, la
question se pose de savoir si pourrait être recherchée, à titre subsidiaire, par exemple, la responsabilité contractuelle de
l'établissement. Le défaut de pertinence du fondement est évident pour les établissements publics d'enseignement, dans la
mesure où aucun contrat de droit privé ne se forme non plus entre ces derniers et les parents de leurs élèves (Civ. 1 re,
27 janv. 1987, Bull. civ. I, n o 29). La solution est moins évidente pour les établissements privés sous contrat d'association
avec l'État, liés aussi par contrat aux parents de leurs élèves.

276. Responsabilité pénale. - La substitution de responsabilité de l'État opère au titre de la responsabilité civile, mais laisse
subsister la responsabilité pénale personnelle de l'instituteur. Il s'agit le plus souvent de blessures ou d'homicide par
imprudence (V. par ex. : Crim. 6 sept. 2005, Bull. crim., n o 218 : élève décédée à la suite d'une chute depuis l'une des fenêtres
de la salle de classe), mais la faute peut quelquefois être volontaire et prendre, notamment, la forme de violence à enfant. Il
ne faut pas oublier que les enseignants et les chefs d'établissement sont également susceptibles d'être poursuivis pour une
faute pénale non intentionnelle (C. pén., art. 221-6, 222-19 et 222-20, évoquant la « violation manifestement délibérée d'une
obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement »).

Actualité
276. Harmonisation rédactionnelle en matière de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. - La loi n o 2011-525
du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit modifie les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code
pénal. Aux premier et second alinéas de l'article 221-6, aux premier et second alinéas de l'article 222-19 et à l'article 222-20,
les mots « de sécurité ou de prudence » sont remplacés par les mots « de prudence ou de sécurité » (art. 185).
b. - Matérialité de la faute
277. Il est évident que la faute peut revêtir divers aspects, et notamment consister en un fait volontaire, susceptible, le cas
échéant, d'une qualification pénale. Néanmoins, nous ne nous intéresserons pas aux faits intentionnellement délictueux.

278. Faute de surveillance. - L'article 1384 du code civil, tel qu'il a été modifié par la loi du 5 avril 1937, fonde la responsabilité
des instituteurs sur leurs « fautes, imprudences ou négligences ». L'article L. 911-4 du code de l'éducation dispose, quant à
lui, que la substitution de l'État s'exerce lorsque « les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement
public se trouvent sous la surveillance de ces derniers ». De ces dispositions combinées, il se déduit que la responsabilité des
membres de l'enseignement public est subordonnée à la démonstration d'une faute de surveillance. La jurisprudence donne,
cependant, une définition large de cette faute de surveillance, allant de l'abstention pure et simple à l'insuffisance de la
surveillance.

279. a) Défaut de surveillance. - L'instituteur commet évidemment une faute lorsqu'il s'abstient purement et simplement de
surveiller ses élèves (Civ. 1 re, 20 déc. 1982, Bull. civ. I, n o 369 : instituteur laissant sans surveillance ses élèves après la fin de
son cours). Une absence momentanée suffit d'ailleurs à constituer le défaut de surveillance (Civ. 2 e, 14 déc. 1987, Bull. civ. II,
n o 266 : institutrice laissant momentanément seuls ses élèves près d'un portail ouvert sur la rue).

280. La Cour de cassation énonce une règle de continuité dans l'exercice de l'obligation de surveillance de « l'instituteur »,
qui ne cesse pas à la fin de son intervention dans la classe (Civ. 2 e, 8 juill. 1998, Bull. civ. II, n o 241 : ayant retenu que le
professeur, qui avait terminé sa classe, avait laissé sans surveillance les élèves descendre en « petite récréation » sans
s'assurer de leur prise en charge par le service général de surveillance de l'établissement, et que l'accident, qui n'était pas
imprévisible, aurait pu être évité si ces élèves n'avaient pas été laissés seuls dans l'escalier, une cour d'appel peut déduire de
ces constatations et énonciations que le professeur, sous la surveillance duquel étaient placés les élèves, avait commis une
faute et que l'État, dont la responsabilité était substituée à la sienne, ne rapportait pas la preuve d'une cause exonératoire).

2 8 1 . b) Faute dans la surveillance. - Mais il est beaucoup plus fréquent que soit reprochée à l'instituteur une surveillance
insuffisante. La jurisprudence, au fil des espèces, trace ainsi les contours du comportement fautif.

2 8 2 . La faute dans la surveillance se constate souvent dans des activités sportives ou récréatives, lesquelles impliquent
également un devoir de prudence et de précaution. La faute reprochée consistera alors dans l'absence de dispositions de
sécurité prises en fonction, notamment, du niveau des élèves et de la dangerosité de l'activité, ou dans le défaut de
vérification de l'état des équipements ou de la situation des lieux (Civ. 2 e, 23 oct. 2003, D. 2004. 728, note Petit et p. 729,
note Dagorne-Labbe , RLDC 2004/1, n o 10 : professeur d'éducation physique n'ayant pas pris, lors d'une séance de
natation, les mesures de sécurité qui auraient évité la survenance du dommage causé par la chute d'un rouleau de lignes de
flotteurs, placé dans une position anormale ; Nancy, 22 juin 1999, LIJ 1999, n o 38 : jugé que « l'activité sportive
spécifiquement dangereuse qu'est l'escalade, en raison précisément des risques de chute à une hauteur élevée, justifiait de
la part du professeur d'EPS, une vérification depuis le sol des installations techniques particulières nécessaires à l'exercice de
ce sport, not. de l'accrochage normal des cordes, avant que les élèves ne commencent à procéder à l'exercice d'escalade »).
Une jurisprudence moins stricte semble cependant considérer, pour les jeux sportifs menés par les élèves dans la cour de
récréation, que la faute de surveillance n'est pas caractérisée par le seul fait du défaut d'organisation du jeu par l'instituteur
sur une surface adaptée et avec des équipements adéquats (Civ. 2 e, 16 oct. 1991, Bull. civ. II, n o 259 ; 2 mars 1994, ibid. II,
n o 78).

283. Le défaut dans la surveillance se relève de même fréquemment lors des déplacements de l'élève, c'est-à-dire lors de
l'entrée et de la sortie des classes ou de l'établissement : la faute consistera alors souvent à ne pas se situer à un endroit
d'où la surveillance aurait permis d'éviter la survenance du dommage (Civ. 2 e, 14 déc. 1987, D. 1988. IR. 14 : absence de
surveillance à la sortie des cours, enfant victime d'un accident de la circulation ; 6 juill. 1994, n o 92-18.339 : instituteur qui,
lors du retour dans la salle de classe, reste à l'extérieur avec les derniers enfants au lieu de suivre à l'intérieur un élève
handicapé, qui cause alors un dommage à l'un de ses camarades).

284. De façon générale, la faute de surveillance pourra encore être retenue lorsque l'enseignant s'abstient d'user de son
autorité (TGI Gap, 13 févr. 1986, Juris-Data, n o 000739 : institutrice qui n'est pas intervenue lors d'une altercation entre deux
enfants ; Versailles, 22 nov. 1982, Juris-Data, n o 043867 : institutrice qui n'a pas su empêcher qu'un jeu dégénère en acte de
violence).

2 8 5 . La faute de surveillance se prolonge également dans l'inaction de l'instituteur une fois l'accident survenu (Civ. 1 re,
12 nov. 1987, Bull. civ. I, n o 291 : professeur négligeant de soumettre à l'examen d'un médecin présent sur les lieux un élève
handicapé qui vient de faire une chute, et qui décèdera des suites de l'accident).

286. La simple inattention de l'enseignant, même pendant un laps de temps très court, suffit enfin parfois à caractériser le
défaut de surveillance, alors même que l'accident est dû à un comportement peu prévisible des enfants (Paris, 18 juin 1997,
Juris-Data, n o 022146 : chute d'un enfant par la fenêtre ouverte pendant une fête organisée dans la salle de classe,
l'instituteur étant occupé à filmer les élèves ; Nîmes, 26 avr. 1990, Juris-Data, n o 0365 : chute d'un enfant sur le sol glissant
du préau, l'institutrice s'étant absentée quelques instants pour des motifs non étrangers au service).

2 8 7 . Face à une approche assez extensive de la faute de surveillance, d'aucuns se demandent si, au final, la faute de
l'enseignant ne se trouve pas en réalité présumée (V. par ex. : Y. DAGORNE-LABBE, La responsabilité des enseignants est-elle
toujours une responsabilité pour faute ?, D. 2004. 729 ) : pour ménager ses chances d'échapper à la constatation d'une
faute de sa part, l'enseignant est en fait invité à rapporter la preuve du caractère inévitable ou imprévisible de l'accident,
preuve évidemment très délicate (V. par ex. : Nîmes, 2 oct. 1996, Juris-Data, n o 030236 : faute de l'instituteur dans
l'hypothèse d'un enfant blessé par une balle de tennis pendant une récréation, alors même que celui qui avait lancé le
projectile avait un « comportement dépourvu d'agressivité et d'anormalité »).

288. Il n'en demeure pas moins que la faute reste exclue lorsqu'une surveillance constante n'a pu empêcher la survenance du
dommage (V. par ex. : Civ. 2 e, 11 oct. 1989, Bull. civ. II, n o 169 : élève de 7 ans en blessant un autre en lançant un compas
dans la cour de récréation, alors que l'objet avait été dissimulé jusqu'au moment de l'accident et qu'une surveillante s'était
approchée dès qu'elle avait vu l'objet, sans pouvoir intervenir à temps). En la matière, la casuistique semble inévitable.

c. - Appréciation de la faute
2 8 9 . Les juges du fond font cependant preuve d'un grand pragmatisme dans l'appréciation du défaut de surveillance. Ils
tiennent compte de facteurs aussi divers que l'âge, l'état de santé ou le caractère indiscipliné de l'élève, le caractère plus ou
moins dangereux de l'instrument ou de l'activité qui à l'origine du dommage, ou encore la durée de l'inaction ou la méthode
pédagogique utilisée par l'instituteur.

290. Âge de l'élève. - L'appréciation de la faute de surveillance peut dépendre de l'âge de l'élève. Même si la surveillance doit
continuer à s'exercer lorsque l'élève a atteint l'âge de la majorité civile, la surveillance d'adolescents peut s'exercer de façon
moins stricte (Civ. 2 e, 4 oct. 1962, Bull. civ. II, n o 630 : accident survenu à une jeune fille de 16 ans qui s'était blessée avec
une machine électrique à couper le pain, enseignant jugé n'être pas tenu « d'exercer sur les élèves ayant atteint l'âge de la
victime une surveillance de tous les instants » ; Civ. 1 re, 7 mars 1989, ibid. I, n o 116 : en raison de la nature de la randonnée
et de l'âge des élèves, les professeurs accompagnant ceux-ci n'étaient pas tenus d'exercer sur chacun d'eux une surveillance
constante, de sorte que le professeur n'avait commis aucune faute en se bornant à « remettre dans la bonne direction »
l'élève, auteur d'un dommage causé à un camarade en prenant appui sur un rocher qui s'était détaché, sans vérifier l'itinéraire
sur lequel il allait s'engager, JCP 1990. II. 21403, note N. Dejean de la Batie). La constatation d'une faute de surveillance
dépendra alors de la capacité de discernement de l'élève (Poitiers, 2 juin 1998, LIJ 1998, n o 28, p. 9), mais aussi d'autres
circonstances, tel un rassemblement favorisant le chahut (Orléans, 4 mai 1998, LIJ 1998, n o 28). La surveillance des jeunes
enfants doit être, en revanche, particulièrement stricte (Versailles, 17 nov. 1995, Juris-Data, n o 050339 : jugé que la bagarre
dans une cour de récréation est un « événement prévisible chez les jeunes élèves » ; Limoges, 17 sept. 1992, ibid.,
n o 049381 : jugé de même que l'agitation des enfants à la cantine apparaît « prévisible, compte tenu de leur âge »). Relever
le jeune âge de l'enfant ne saurait cependant justifier l'absence de démonstration d'une faute (Civ. 2 e, 2 févr. 1994, Bull. civ.
II, n o 44 : institutrice n'ayant fait qu'inciter deux élèves de 7 et 4 ans à regagner leur classe respective, absence de faute).
291. État de santé et handicap de l'élève. - L'appréciation de la faute de surveillance peut également dépendre de l'existence
d'un handicap ou de l'état de santé des enfants. Une surveillance particulièrement attentive est ainsi exigée lorsqu'il s'agit
d'enfants handicapés mentaux (Civ. 2 e, 12 janv. 1956, Bull. civ. II, n o 43 ; Pau, 17 déc. 1959, Gaz. Pal. 1960. 1. 219) ou
d'élèves atteints de problèmes de santé (Aix, 11 févr. 1971, D. 1970. 277 : constitue une faute de surveillance le fait de
laisser un enfant aux yeux particulièrement fragiles prendre part à une bataille de boules de neige).

292. Caractère indiscipliné de l'élève. - Le juge peut encore prendre en considération le caractère plus ou moins indiscipliné des
élèves. Le manque d'autorité d'un professeur apparaît alors d'autant plus fautif que celui-ci « aurait dû adopter une attitude
plus ferme vis-à-vis d'un élève connu pour son caractère indiscipliné et turbulent » (Amiens, 6 janv. 1998, Juris-Data,
n o 040230 ; V. aussi Paris, 20 mai 1992, ibid., n o 021789 : « comportement particulièrement belliqueux » de l'enfant appelant
un « surcroît de surveillance » ; Civ. 2 e, 18 janv. 1957, JCP 1957. II. 9824). Il faut, en outre, souligner que ce caractère
indiscipliné, appelant une surveillance accrue, peut résulter des circonstances et non de la personnalité d'un élève
(Montpellier, 24 sept. 1985, Juris-Data, n o 1298 : « L'attention des professeurs […] doit être d'autant plus soutenue qu'ils ont
la conduite de jeunes gens sous l'effet d'excitation que crée généralement toute émulation sur un stade »).

2 9 3 . Caractère dangereux de l'instrument à l'origine du dommage. - Le maniement d'instruments ou de produits dangereux


accroît la nécessité d'une surveillance. C'était évidemment le cas pour les dommages survenus pendant des travaux
pratiques, avant que la loi du 3 janvier 1985 n'étende, dans cette hypothèse, la mise en oeuvre du régime des accidents du
travail. La responsabilité de l'État n'est donc plus aujourd'hui invocable que dans deux séries d'hypothèses : d'une part,
lorsque les élèves se trouvent en contact avec une arme ou un instrument dangereux, du fait de la négligence des
professeurs (Civ. 2 e, 24 avr. 1981 [préc. supra, n o 245], Bull. civ. II, n o 101 : faute du surveillant d'internat qui conserve une
carabine dans une pièce accessible aux élèves ; 7 juin 1990, ibid. II, n o 129 : professeur laissant sortir un élève de la classe
avec un couteau à la main, avec lequel il se blesse) ; d'autre part, lorsque des enfants particulièrement belliqueux utilisent
des objets comme des « armes par destination » : la jurisprudence témoigne de l'imagination des enfants qui utilisent comme
arme des objets fort divers (un trognon de pomme : Paris, 9 mai 1958, D. 1958. Somm. 150 ; un compas : Civ. 2 e, 11 oct.
1989, Bull. civ. II, n o 169 ; une pierre : 24 avr. 1981 [préc. supra, n o 245] , ibid. II, n o 101). La casuistique ne permet pas
toujours cependant de déceler une cohérence des solutions jurisprudentielles (Civ. 2 e, 3 déc. 1964, Gaz. Pal. 1965. 1. 124 :
une balle de caoutchouc ne constitue pas un objet dangereux).

294. Caractère dangereux de l'activité à l'origine du dommage. - De manière plus fréquente, le caractère dangereux provient non
de l'instrument utilisé, mais de l'activité proposée aux élèves. Si le juge considère comme dangereux un certain nombre de
sports (par ex. : football : Paris, 20 mai 1992, Juris-Data, n o 021789 ; lancer de poids : Montpellier, 24 sept. 1985, ibid.,
n o 1298), il n'est cependant là encore pas aisé d'identifier un critère précis (V. par ex. : Civ. 2 e, 22 déc. 1969, Bull. civ. II,
n o 363, D. 1970. Somm. 79, JCP 1970. IV. 41, RTD civ. 1971. 153, obs. Durry : caractère non dangereux d'une initiation au
rugby ; 21 juin 1978, Bull. civ. II, n o 166 : mouvements simples de gymnastique ; 12 nov. 1959, Gaz. Pal. 1960. 1. 12. 4 : jeu
de saute-mouton ; 2 mars 1994, Bull. civ. II, n o 78 : un élève, qui jouait au ballon dans la cour de récréation d'une école ayant
été blessé par un ballon lancé par un autre élève, n'est pas légalement justifié l'arrêt qui condamne l'État à réparer le
préjudice subi par l'enfant en énonçant que la pratique du football ou du handball obéit à des règles précises, nécessite des
terrains appropriés, est dangereuse dans une cour de récréation et que le directeur avait commis une faute en tolérant le jeu
au pied, alors que de tels motifs ne caractérisent pas une faute, JCP 1994, n o 47, p. 393, note H. Merger et Ch. Feddal, LPA
1995, n o 89, p. 51, note Y. Dagorne-Labbe), et la solution adoptée révèle souvent un souci de réalisme et de pragmatisme
(Civ. 2 e, 10 mai 2001, Bull. civ. II, n o 96 : s'agissant d'un jeune élève blessé à l'occasion d'un plaquage, lors d'une partie de
rugby organisée par les élèves pendant une récréation, dans un établissement privé sous contrat d'association, « ayant
retenu que la pratique amicale du rugby par les élèves pendant une récréation n'était pas interdite, ni incompatible avec l'âge
- de 12 à 15 ans - des participants, que le fait que le surveillant, qui n'était pas tenu d'arbitrer la partie et qui se trouvait dans
l'allée dominant le terrain, n'ait pas vu l'incident n'était pas la preuve de sa carence dans l'accomplissement de sa mission,
aucune surveillance vigilante ne pouvant empêcher le risque d'accident en matière de rugby, le plaquage, not., apparaissant
comme une péripétie normale de ce jeu, et qu'une partie de rugby ne pouvait être assimilée à un chahut que le surveillant
aurait laissé dégénérer et dont il serait alors responsable ; que l'organisation par le collège de la surveillance de la récréation
n'était pas critiquable, puisqu'elle était assurée par un surveillant, à l'encontre duquel aucune faute n'était établie, et
qu'aucun manquement n'était reproché à l'organisme de gestion de l'enseignement catholique [OGEC] quant à la qualité des
lieux ou du matériel mis à la disposition des joueurs, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et énonciations que ni
la responsabilité de l'État, ni celle de l'établissement privé d'enseignement ne se trouvaient engagées »).

295. Il faut souligner que le caractère dangereux de l'activité ne lui est pas nécessairement intrinsèque : il peut résulter des
circonstances dans lesquelles s'exerce une activité ne présentant pas normalement un danger particulier, telle une récréation
sur un sol glissant (Nîmes, 26 avr. 1990, Juris-Data, n o 0365), ou la pratique du tennis dans la cour de l'établissement, « en
dehors d'un espace spécialement prévu et réservé à ce sport » (Paris, 12 juin 1998, LIJ 1999, n o 29, cassé par Civ. 2 e,
29 mars 2001, RJPF 2001-6/34, mais en ce que la cour d'appel aurait dû rechercher l'existence d'une faute personnelle à la
charge d'un enseignant déterminé ; comp. Civ. 2 e, 16 oct. 1991, Bull. civ. II, n o 259 ; 2 mars 1994, ibid. II, n o 78, refusant de
caractériser la faute par la tolérance des jeux de ballon dans la cour de récréation).

296. Lorsque la nature dangereuse de l'activité est avérée, la faute est plus largement retenue, en ce que l'enseignant est
tenu, outre la surveillance, de faire preuve de prudence (V. not. Civ. 2 e, 5 nov. 1998, Bull. civ. II, n o 263 : « Si la proximité
d'une personne qualifiée, pouvant assurer une parade lors d'exercices aussi dangereux qu'un saut sur une poutre n'est pas
obligatoire, elle constitue, dans le cadre d'une activité scolaire, une prudence d'autant plus élémentaire qu'en l'espèce la
poutre n'était pas recouverte d'un rembourrage pouvant amortir les chocs éventuels, réalité que l'enseignant ne pouvait
méconnaître et qui devait le conduire à rester auprès des enfants durant les exercices et tout particulièrement pendant la
réalisation des sauts ; que ces éléments suffisent à caractériser une imprudence de la part de l'enseignant, en rapport causal
direct avec la chute de la victime, et que, conformément à la loi du 5 avr. 1937, la responsabilité de l'État, représentée par le
préfet, est engagée » ; 23 oct. 2003, Bull. civ. II, n o 331). La surveillance doit, en outre, être particulièrement intense (V. par
ex. : Reims, 18 mars 1998, LIJ 1998, n o 26 : chute d'un élève survenue alors que l'enseignant exerçait sa surveillance, mais
dans des conditions révélant une négligence de sa part - absence de détection d'une fausse manoeuvre d'un élève novice).

2 9 7 . L'appréciation de la faute pourra aussi dépendre de la durée du défaut de surveillance : la faute pourra n'être
caractérisée qu'en cas de prolongement de l'inaction (Civ. 2 e, 7 déc. 1977, D. 1978. IR. 206 : faute d'une institutrice déduite
non du caractère dangereux du jeu pratiqué, mais de son absence de réaction permettant au jeu de se prolonger plus de cinq
minutes).

298. Méthode pédagogique de l'instituteur. - Certains établissements scolaires sont régis par des règles de fonctionnement plus
souples. Les élèves, du moins les plus âgés d'entre eux, bénéficient alors d'une marge d'autonomie, souvent qualifiée
d'« autodiscipline ». Cette libéralisation des méthodes pédagogiques n'est pas sans conséquences en matière de
responsabilité, car de nombreuses activités scolaires s'exercent désormais avec une surveillance allégée, voire inexistante.
Face à cette évolution, la jurisprudence se montre nuancée. Si le juge judiciaire semble considérer que l'autodiscipline peut ne
pas constituer, en soi, un défaut de surveillance de nature à engager la responsabilité de l'État, les circonstances factuelles
peuvent justifier qu'il en soit différemment (Civ. 1 re, 20 déc. 1982, Bull. civ. II, n o 369 : « Les juges du fond, qui constatent que
le dommage trouve sa cause dans le fait, indépendant des instructions ministérielles sur l'autodiscipline et du règlement
intérieur de l'établissement, que le professeur a laissé sciemment sans aucune surveillance l'ensemble de ses élèves d'un âge
moyen de quinze ans, sans s'assurer, d'une façon ou d'une autre, de la nécessaire continuité de leur prise en charge par un
de ses collègues ou par le service général de surveillance, peuvent en déduire que ce professeur a commis une faute. Dès
lors, l'État doit réparer le dommage subi par un élève blessé par des ciseaux dépassant d'une trousse qui lui avait été lancée
au visage par l'un de ses camarades », D. 1983. IR. 131).

2 9 9 . Mais, en revanche, la méthode pédagogique mise en oeuvre peut traduire une faute dans l'organisation du service,
notamment par son inadéquation avec l'âge des élèves. C'est ainsi que la mise en place d'intercours non surveillés pour de
jeunes enfants est constitutive d'une faute dans l'organisation du service (Civ. 2 e, 4 mars 1987, Bull. civ. II, n o 63).

300. D'une manière générale, il ressort de l'ensemble de la jurisprudence évoquée que, s'il met à la charge de « l'instituteur »
l'obligation d'exercer une surveillance vigilante, d'adopter une attitude responsable et de faire usage de son autorité,
notamment en se livrant à une rigoureuse appréciation des risques encourus par les élèves et en satisfaisant à un devoir de
prudence et de précaution, le juge judiciaire fait montre de réalisme et de pragmatisme, tenant compte aussi bien de
l'évolution des mentalités que de celle des méthodes. Cette approche se confirme par l'énonciation que « l'obligation de
surveillance pesant sur les instituteurs est de moyens et non de résultat » (Civ. 2 e, 27 mars 2003, n o 02-10.055 ).

§ 2 - Un préjudice
301. Origine du dommage. - Depuis la loi du 5 avril 1937, les dommages susceptibles d'être directement réparés par l'État sont
non seulement ceux causés par les élèves, que la victime soit l'un de ses camarades, un enseignant ou un tiers, mais aussi
ceux causés aux élèves, par leurs camarades, un enseignant ou un tiers (V. aussi T. confl. 31 mars 1950, Lebon 658, JCP
1950. II. 5579, note Vedel, D. 1950. 331, concl. Dupuich, S. 1950. 3. 85, note Galland ; Civ. 2 e, 29 mars 1984, Bull. civ. II,
n o 58). Aussi faut-il rappeler ici que la responsabilité de l'État, substituée à celle de l'instituteur, est ainsi plus étendue qu'une
responsabilité du fait d'autrui « classique ». Elle couvre, en effet, également la réparation des dommages directement causés
par un enseignant, lequel n'est plus alors responsable du fait d'autrui, mais bien de son fait personnel (pour un ex. récent,
V. Crim. 20 sept. 2006, Bull. crim., n o 230, D. 2007. 187, note Ambroise-Castérot , AJDA 2007. 106 : violences sur un
élève injurieux). De même, sont couverts les dommages qu'un élève se cause à lui-même, alors que la responsabilité du fait
d'autrui implique normalement qu'une personne réponde du fait d'une autre - celle-là même dont il répond - qui cause un
dommage à un tiers (V. par ex. : Civ. 2 e, 5 nov. 1998, Bull. civ. II, n o 263, pour un dommage subi par un élève au cours d'un
exercice d'éducation physique, alors que l'enfant était à l'origine de son dommage).

302. Dans l'hypothèse où le dommage est causé par un tiers, il ne saurait cependant être réparé sur le fondement de l'article
L. 911-4 du code de l'éducation, lorsqu'il est survenu à un moment où son auteur aussi bien que la victime n'étaient pas sous
la surveillance d'un membre de l'enseignement public. Il faut alors rechercher la responsabilité personnelle de l'auteur du
dommage, ou celle de ses parents, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 4, du code civil (Rouen, 5 janv. 1994, Juris-Data,
n o 040085 : enfant qui se rend à une kermesse dans un établissement dont il n'est pas l'élève et qui, alors que la fête est
terminée, blesse un élève de l'école par le jet intempestif d'un pétard dans la cour de récréation).

303. Le mécanisme de substitution n'est pas davantage applicable si le dommage résulte d'une faute commise en dehors de
tout lien avec l'activité d'enseignement du membre de l'enseignement public. Dans ce cas, le dommage est réparé,
conformément au droit commun, comme un accident de service, sur le fondement du titre II du statut général des
fonctionnaires (C. fonct. publ., art. 34, § 2, al. 2). Conformément à ce principe, le juge judiciaire s'est ainsi déclaré incompétent
pour juger la situation dommageable causée par une institutrice qui, occupant son logement de fonction, a déversé dans la
rue des eaux de lessive, suscitant le dérapage d'une automobile (Civ. 2 e, 16 déc. 1970, JCP 1971. IV. 26).

3 0 4 . Nature du dommage. - Il est évident que la faute de l'enseignant peut avoir pour conséquence toutes sortes de
dommages et non seulement des dommages corporels. La responsabilité de l'État se trouve ainsi engagée lorsque le principal
d'un collège a laissé publier des propos diffamatoires et injurieux envers un tiers dans un journal rédigé par des élèves
(T. confl. 4 mai 1987, Lebon 448, AJDA 1987. 609, obs. Moreau).

305. Il faut enfin signaler que si la victime du dommage causé par un élève est un agent public, elle ne peut engager une
action contre l'État en réparation de son préjudice complémentaire non réparé par les prestations statutaires (Civ. 2 e, 16 déc.
1982, Bull. civ. II, n o 168).
§ 3 - Causes exonératoires
306. Absence de faute et causes exonératoires. - La responsabilité substituée de l'État repose sur la preuve d'une faute d'un
« instituteur » (Civ. 2 e, 17 juill. 1991, Bull. civ. II, n o 232 : « Pour condamner l'État à réparer le dommage causé par les élèves
pendant le temps qu'il sont sous la surveillance des instituteurs, il faut retenir la responsabilité d'un instituteur déterminé,
auteur d'une faute personnelle », JCP 1991. IV. 366). Dès lors, il découle de ce régime de responsabilité que l'exonération de
l'État pourra résulter, d'abord, de la carence du demandeur à rapporter la preuve d'une faute personnelle d'un instituteur
déterminé (Civ. 2 e, 2 févr. 1994, Bull. civ. II, n o 44 : s'agissant d'un enfant blessé en heurtant un autre enfant, alors qu'à la fin
de la récréation tous deux regagnaient leurs classes respectives, ne se trouve pas caractérisée l'existence d'une faute de
l'institutrice, à laquelle est substituée celle de l'État, dans la motivation qui retient qu'en incitant chacun des deux élèves,
âgés de 7 et 4 ans, à regagner leurs classes respectives sans accompagner cet ordre des paroles ou gestes adaptés à
l'excès de vivacité, prévisible en fin de récréation pour de très jeunes enfants qui nécessitent une surveillance spéciale et
particulière, l'institutrice a commis une imprudence et une négligence qui engage sa responsabilité).

307. En outre, conformément au droit commun, l'État peut être encore exonéré de sa responsabilité dans l'hypothèse de cas
fortuit ou de force majeure, de la faute de la victime ou du fait d'un tiers.

308. Force majeure. - Lorsqu'elle intervient au stade de l'acte reproché, la force majeure lui retire tout caractère fautif, et le
lien de causalité entre le fait imputé à « l'instituteur » et le dommage fait défaut. Compte tenu des contours de l'obligation de
surveillance mise à la charge des « instituteurs », assortie d'un devoir de prudence et de précaution, la force majeure n'est
pas souvent utilement invoquée (Civ. 2 e, 4 mars 1987, Bull. civ. II, n o 63 : maniement d'un objet pointu par l'élève, mais
absence de surveillance des intercours révélant un défaut d'organisation du service ; 10 oct. 1973, ibid. II, n o 255 : agrafe
métallique projetée par un élastique).

309. Faute de la victime. - La faute de la victime peut de même constituer une cause d'exonération totale ou partielle de l'État,
même si le juge semble également très réticent à l'admettre (Civ. 2 e, 20 juin 1979, Bull. civ. II, n o 190 : statuant sur la
responsabilité de l'accident survenu à un élève blessé par un javelot lancé par un camarade au cours d'une séance
d'éducation physique sous la direction d'un professeur de l'enseignement public, les juges du fond ne peuvent pas retenir à la
charge de la victime une imprudence qui constituait une violation des règles prescrites par le professeur, sans répondre aux
conclusions soutenant que le fait, qui lui était reproché, résultait d'une erreur créée par les circonstances anormalement
dangereuses du jeu, les élèves ayant été placés face à face pour effectuer les lancers de javelots, et non d'une imprudence
dont il aurait pu avoir conscience ; V. aussi : Civ. 2 e, 14 déc. 1987, ibid. II, n o 266). Lorsque l'enfant est de jeune âge, le juge
répugne particulièrement à admettre la faute de la victime, sauf dans l'hypothèse d'un acte d'indiscipline notoire permettant à
l'élève de tromper la surveillance de l'instituteur.

310. Fait du tiers. - Le fait du tiers peut exonérer l'État de sa responsabilité, au moins partiellement, lorsqu'il a concouru à la
réalisation du dommage. Tel est le cas, par exemple, d'un conducteur de véhicule, qui cause un dommage à des élèves qui ont
échappé à la surveillance de leur maître (Soc. 25 oct. 1973, Bull. civ. V, n o 517), ou de l'installateur d'un distributeur de
boissons (Paris, 6 nov. 1996, inédit : chute du distributeur de boissons, partage de responsabilité entre l'instituteur ayant
laissé les enfants jouer à proximité et l'installateur de la machine, déclaré responsable des trois quarts du dommage en raison
de son installation dans une partie en pente de la cour de récréation, sa stabilité n'étant pas assurée). Le constat d'une faute
de surveillance de l'instituteur ne peut pas dispenser le juge de rechercher si le tiers n'a pas contribué, fût-ce pour partie, à la
réalisation du dommage (Civ. 2 e, 18 janv. 1989, Bull. civ. II, n o 16). Surtout, la responsabilité des parents de l'enfant ayant
causé le dommage est de plus en plus recherchée, compte tenu notamment de l'assouplissement des conditions de mise en
oeuvre (V. déjà par ex. : Civ. 2 e, 1 er mars 1972, Bull. civ. II, n o 62, D. 1972. 440 ; 4 juin 1997, Bull. civ. II, n o 168 :
responsabilité des parents et de l'État).

Section 2 - Mise en oeuvre de la substitution de responsabilité


311. Bien que l'État se substitue à l'instituteur fautif, il revient aux juridictions judiciaires de connaître de l'action intentée par
la victime (V. infra, n os 312 et s.), suivant une procédure particulière (V. infra, n os 319 et s.), mais aussi de statuer sur une
éventuelle action récursoire (V. infra, n os 325 et s.).

Art. 1 - Compétence des juridictions judiciaires


312. Compétence de principe des tribunaux de l'ordre judiciaire. - L'article L. 911-4 du code de l'éducation prévoit que l'action en
responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit contre l'État est portée devant « le tribunal de l'ordre
judiciaire du lieu où le dommage a été causé ». La Cour de cassation a donné une interprétation libérale de cette formulation
équivoque, en précisant que la victime peut, non seulement agir devant le juge civil, mais aussi se constituer partie civile
devant le juge pénal.

§ 1 - Compétence de la juridiction civile


313. Compétence matérielle. - Il appartient aux seules juridictions judiciaires, à l'exclusion des juridictions administratives, de
connaître de l'action en responsabilité fondée sur les articles 1384 du code civil et L. 911-4 du code de l'éducation, suivant les
règles de compétence ordinaires.

314. Dans la mesure où les règles de la responsabilité administrative sont écartées, le juge administratif saisi d'une telle
action doit, en effet, décliner sa compétence, laquelle ne retrouve son empire qu'en présence d'un dommage de travaux
publics ou lorsque le préjudice résulte d'un défaut d'organisation du service public. Ainsi, le Tribunal des conflits eu l'occasion
de préciser, dans une affaire où un élève, âgé de 15 ans, d'une institution d'enseignement privé liée à l'État par un contrat
d'association à l'enseignement public, avait été blessé à l'oeil par une règle lancée par un autre élève, alors qu'il se trouvait
dans une salle de classe et qu'il attendait, avec ses camarades, en dehors de toute surveillance, un professeur :
« Considérant que, tout en substituant la responsabilité de l'État à celle encourue par les membres de l'enseignement public,
la loi du 5 avril 1937 a attribué aux tribunaux de l'ordre judiciaire, par dérogation aux principes généraux qui gouvernent la
séparation des compétences administrative et judiciaire, la connaissance des litiges concernant les dommages causés ou
subis par les enfants confiés à la garde des agents de l'enseignement public et trouvant leur cause dans une faute de ces
agents ; que ladite loi ne trouve pas application, et que les règles normales de compétence en matière de responsabilité de la
puissance publique reprennent leur empire, lorsque le préjudice doit être regardé comme indépendant du fait de l'agent, soit
qu'il ait son origine dans un travail public, soit qu'il trouve sa cause dans un défaut d'organisation du service ; que l'action de
M. Falanga met en jeu la responsabilité de l'État sur le fondement d'une mauvaise organisation du service de surveillance de
l'École Saint-Joseph et n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 5 avril 1937 ; qu'il n'appartient qu'à la juridiction
administrative de connaître d'une action dirigée uniquement contre l'État ; que c'est à tort que le tribunal administratif de
Toulouse s'est déclaré incompétent pour en connaître (T. confl. 14 janv. 1980, Falanga, Lebon 20).

315. Pour sa part, sans que sa position soit contraire, la Cour de cassation a affirmé la compétence de la juridiction judiciaire
pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre un établissement privé, eût-il conclu un contrat d'association avec
l'État, lorsque le dommage résulte d'une organisation défectueuse du service de surveillance dudit établissement (Civ. 2 e,
11 oct. 1989, Bull. civ. II, n o 169 : s'agissant d'un jeune élève blessé par un compas lancé par un autre élève dans la cour de
récréation d'une école primaire privée ; idem : Civ. 2 e, 24 nov. 1993, ibid. II, n o 339, s'agissant d'un enfant tombé d'un
toboggan, installé sur une surface bîtumée, dans la cour de récréation d'une école maternelle, établissement privé lié à l'État
par un contrat d'association, alors que cet aménagement des lieux devait être pris en compte dans cette organisation).

316. La compétence du juge judiciaire s'étend également à l'exercice de l'action récursoire de l'État contre son agent fautif ou
contre un tiers (Civ. 2 e, 25 mars 1954, D. 1954. 400 ; Crim. 24 mai 1973, JCP 1974. II. 17855, note C. Dupeyron). Les
tribunaux de l'ordre judiciaire ont ainsi une compétence plus étendue que celle qui prévaut dans le domaine des accidents
causés par les véhicules administratifs, où la compétence judiciaire n'inclut pas l'action récursoire qui est exercée devant le
juge administratif.

3 1 7 . Compétence territoriale. - L'article L. 911-4 du code de l'éducation précise que l'action en responsabilité « est portée
devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé ».

§ 2 - Compétence de la juridiction pénale


318. Constitution de partie civile devant le juge pénal. - Si l'article L. 911-4 du code de l'éducation prévoit la compétence d'un
« tribunal de l'ordre judiciaire », il dispose cependant que les membres de l'enseignement public « ne pourront jamais être mis
en cause devant les tribunaux civils ». La combinaison de ces deux expressions a suscité les hésitations de la doctrine : la
compétence des juridictions répressives doit-elle être comprise dans celle des « tribunaux civils », expression qui, articulée
avec celle de « tribunal de l'ordre judiciaire », désignerait toutes les juridictions ne relevant pas de l'ordre administratif, ou
est-elle au contraire exclue ? La Cour de cassation a cependant mis fin aux incertitudes : il est désormais de jurisprudence
constante que la victime d'un accident scolaire peut se constituer partie civile devant la juridiction pénale, dans le but de
mettre en oeuvre l'action publique (Cass., ch. mixte, 23 avr. 1976, Bull. crim. (ch. mixte), n o 123 : « Les tribunaux judiciaires de
droit commun sont compétents pour connaître des actions exercées contre l'État non comme civilement responsable, mais
comme substitué aux membres de l'enseignement public, sans qu'en soient exclues les juridictions répressives », RTD civ.
1976. 553, note Durry). La conséquence de cette jurisprudence est que la juridiction pénale saisie des poursuites contre
l'enseignant est également compétente pour condamner civilement l'État, même s'il faut dans ce cas assigner distinctement
son représentant.

Art. 2 - Procédure
319. Demandeur et défendeur à l'action devant le juge civil. - L'action en responsabilité peut être exercée « par la victime, ses
parents ou ses ayants droit » (C. éduc., art. L. 911-4, al. 5).

3 2 0 . Cette action, « intentée contre l'État », est alors « dirigée contre le représentant de l'État dans le département ».
Contrairement, par exemple, au régime d'indemnisation en matière de responsabilité de l'État en raison du fonctionnement
défectueux de la justice, la victime, ses parents ou ayants droit doivent assigner, non l'agent judiciaire du Trésor, mais le
représentant de l'État dans le département, c'est-à-dire le préfet.

321. Il est en toute hypothèse exclu d'assigner l'instituteur lui-même. L'article L. 911-4 du code de l'éducation précise même
qu'il ne peut être entendu comme témoin dans l'action principale, et ce dans un souci d'impartialité.

322. Demandeur et défendeur à l'action devant le juge pénal. - La configuration procédurale est plus complexe lorsque la victime
exerce une action devant la juridiction répressive. Dans un tel cas, il faut distinguer entre l'action publique, qui s'exerce contre
l'instituteur, et l'action civile, qui est intentée contre l'État en tant que responsable substitué (Crim. 20 sept. 2006, préc. supra,
n o 301 : jugé « qu'après avoir déclaré le prévenu coupable de violences sur une de ses élèves, les juges du fond l'ont
condamné à payer des dommages-intérêts à la partie civile ; […] qu'en statuant ainsi, alors que, si la constitution de partie
civile, qui tend seulement à établir la culpabilité du prévenu, était recevable, l'action civile en réparation du dommage ne
pouvait être suivie contre l'enseignant qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses
représentants » ; V. déjà Crim. 31 janv. 1995, Bull. crim., n o 38). En admettant la recevabilité de la constitution de partie civile,
la solution permet, notamment, d'éviter que la poursuite soit abandonnée aux seules diligences du ministère public, et que les
agents de l'État jouissent de fait d'une position privilégiée par rapport à d'autres délinquants. Il faut néanmoins bien
distinguer action publique et action civile, responsabilité pénale et responsabilité civile : la responsabilité pénale de
l'enseignant, auteur d'une infraction, demeure personnelle, et exclut donc la substitution de l'État à ce titre. En revanche,
l'action civile exercée devant la juridiction pénale doit toutefois suivre le même régime que l'action exercée devant un tribunal
civil. La victime doit donc, outre la constitution de partie civile dirigée contre l'instituteur au titre de sa responsabilité pénale,
assigner le représentant de l'État en responsabilité civile.

323. Enfin, il a été jugé que « la responsabilité civile résultant des articles 1384, alinéas 6 et 8, du code civil, n'existe à l'égard
des instituteurs que dans la mesure où une faute d'imprudence ou de négligence, nécessairement distincte de celles
reprochées aux mineurs délinquants, peut être prouvée contre eux conformément au droit commun, de sorte que la juridiction
répressive, saisie de l'action publique relative aux infractions commises par les seuls mineurs, n'est pas compétente pour
statuer sur l'action civile fondée sur les fautes imputées par la victime aux instituteurs chargés de leur surveillance » (Crim.
12 nov. 1997, Bull. crim., n o 385). Dans cette même décision, la Cour de cassation a précisé que, s'il résulte de l'article 2 de la
loi du 5 avril 1937 que seuls les tribunaux judiciaires de droit commun sont compétents pour connaître des actions en
responsabilité exercées contre l'État, substitué aux membres de l'enseignement public, tel n'est pas le cas des tribunaux pour
enfants qui ne sont pas des juridictions de droit commun.

3 2 4 . Prescription. - L'action en responsabilité est enfermée dans un délai de trois ans « à partir du jour où le fait
dommageable a été commis ». Ce délai est évidemment très bref, mais la jurisprudence considère qu'il s'agit d'un délai de
prescription et non d'un délai préfix. Il est donc suspendu par la minorité de la victime, conformément au principe posé par
l'article 2252 du code civil. De fait, lorsque la victime est mineure, il ne court qu'à compter de sa majorité (Civ. 2 e, 19 mars
1954, JCP 1954. II. 8138, D. 1954. 399, S. 1955. 1 ; pour des actions intentées par des victimes devenues majeures, V. par
ex. : Civ. 2 e, 4 mars 1987, Bull. civ. II, n o 63). Ce principe s'applique alors même que le membre de l'enseignement public a
commis une faute pénale (Civ. 2 e, 4 déc. 1969, Bull. civ. II, n o 336, RTD civ. 1970. 783, note Durry).

Art. 3 - Action récursoire


325. Texte. - L'action récursoire conférée à l'État fait partie intégrante du régime dérogatoire prévu par l'article L. 911-4 du
code de l'éducation. Elle permet à l'État, condamné au principal, de se retourner contre l'auteur de la faute qui est à l'origine
du dommage. Selon ce texte, cette action « peut être exercée par l'État soit contre le membre de l'enseignement public, soit
contre les tiers, conformément au droit commun ». La jurisprudence a clairement défini le « droit commun » comme le droit
privé. Dès lors, l'action récursoire contre l'instituteur ou, le cas échéant, contre les tiers, s'exerce logiquement devant les
tribunaux judiciaires. Mais la chambre criminelle a précisé que « le préfet, qui exerce l'action récursoire de l'État contre
l'instituteur n'invoque pas un préjudice résultant directement de l'infraction, dès lors que le dommage allégué trouve sa
source dans l'application de la loi substituant la responsabilité de l'État à celle des membres de l'enseignement, de sorte que
l'action exercée devant la juridiction répressive est irrecevable même lorsque le préfet excipe de sa double qualité de
demandeur à l'action civile et à l'action récursoire » (Crim. 24 mai 1973, Bull. crim., n o 238). Par ailleurs, la jurisprudence
administrative a indiqué que l'action récursoire de l'État s'étant vu condamné devant le juge judiciaire sur le fondement de
l'article L. 911-4 du code de l'éducation et qui se retourne contre l'enseignant fautif, relève désormais du juge administratif
(CE 13 juill. 2007, Min. de l'éducation nationale c/ Kruger, Lebon 336, req. n° 297390).

326. Action récursoire contre un membre de l'enseignement public auteur d'une faute personnelle. - L'action récursoire contre
l'instituteur est limitée à l'hypothèse d'une faute personnelle caractérisée, détachable du service, « faute lourde sans aucun
rapport avec la mission éducatrice » (Circ. 31 déc. 1968 relative à la vie scolaire et à la responsabilité des membres de
l'enseignement public, AJDA 1969. 409). En pratique, ces fautes personnelles sont particulièrement rares et se limitent aux
voies de fait commises par les instituteurs sur des enfants ou encore aux fautes intentionnelles témoignant d'une animosité
manifeste (T. confl. 5 juin 1947, Lebon 504). Tel est le cas lorsqu'un instituteur tient des propos outrageants pour un élève ou
sa famille (Civ. 2 e, 28 mars 1966, JCP 1966. II. 14835, note Bigot).

3 2 7 . Action récursoire contre un tiers. - Elle est possible, dans les mêmes conditions, lorsque la faute du membre de
l'enseignement public n'est pas la seule cause du dommage.

328. Action formée par un tiers coresponsable. - Un tiers, déclaré avec l'État tenu de réparer les dommages causés à un élève,
peut demander au juge judiciaire de statuer sur la contribution à la dette des deux débiteurs, dans leurs rapports entre eux
(Civ. 2 e, 18 janv. 1989, Bull. civ. II, n o 16 ; 17 oct. 1990, ibid. II, n o 199). Le tiers bénéficie d'ailleurs à cette fin de l'interruption
de la prescription de l'action en responsabilité contre l'État pour toute la durée de l'instance (Civ. 2 e, 17 oct. 1990, Bull. civ. II,
n o 199 : un mineur ayant échappé à la surveillance de son instituteur pendant la récréation et ayant été blessé, par une
automobile, lors de la traversée d'une chaussée, est justifié l'arrêt qui rejette l'exception de prescription de l'action, soulevée
par l'État, et admet l'action récursoire de l'automobiliste en retenant que l'action intentée par le représentant du mineur,
contre l'État, dans les trois ans à partir du jour de l'accident, délai imparti par l'art. 2 de la loi du 5 avr. 1937, avait interrompu
la prescription de l'action en responsabilité contre l'État pour toute la durée de l'instance, et que cette interruption bénéficiait
à toutes les parties en cause).

Titre 2 - Régimes d'indemnisation fondés sur la garantie sociale


329. Définition. - Les régimes d'indemnisation se distinguent des régimes de réparation à plusieurs égards :

1) D'une part, ils reposent toujours sur le principe de solidarité. Les pouvoirs publics décident de faire prendre en charge par
le patrimoine étatique certains dommages, soit parce que leurs conséquences dommageables sont particulièrement lourdes,
soit parce qu'il apparaîtrait inéquitable de les faire assumer par des personnes privées, voire par l'assurance. Le plus souvent,
ces deux motifs sont étroitement imbriqués dans les dispositifs législatifs qui mettent en place un régime d'indemnisation.
Dans tous les cas en effet, l'idée dominante du législateur est qu'il convient, pour des motifs de solidarité, de répartir à
l'intérieur de l'ensemble de la communauté nationale la charge financière d'un dommage.
2) D'autre part, les régimes d'indemnisation sont détachés, dans leurs fondements mêmes, de l'idée de responsabilité. En
cela, ils se distinguent des systèmes de réparation qui, eux, restent liés à la responsabilité administrative, dans la mesure où
l'origine du dommage ainsi réparé se trouve toujours dans une activité assurée ou assumée par l'État. En effet, par la
réparation, l'État accepte de prendre en charge les dysfonctionnements de l'activité publique, voire simplement les dégâts
qu'elle a causés. Les régimes d'indemnisation en revanche ne font intervenir l'État que comme patrimoine solvable. Au principe
de solidarité qui fonde ces régimes correspond en effet une socialisation du dommage qui est supporté par la communauté
nationale. L'activité étatique contribue ainsi à l'indemnisation mais n'est pas directement à l'origine du dommage.
L'indemnisation se voit ainsi totalement détachée de la notion de responsabilité. Il est vrai que ce « détachement » de l'État
peut parfois constituer une fiction juridique, par laquelle l'État accepte d'assumer les conséquences financières d'un
dommage, en refusant que la question de sa responsabilité soit posée. La loi du 31 décembre 1991 relative à l'indemnisation
des personnes contaminées par le virus du SIDA à la suite d'une transfusion sanguine semble entrer dans cette catégorie. Le
législateur de 1991 organise en effet un régime d'indemnisation détaché de toute idée de responsabilité de l'État. Ce
dispositif présente l'avantage pour les pouvoirs publics de permettre une indemnisation immédiate de victimes dont la durée
de vie se trouve limitée. Mais il permet également de détacher l'indemnisation de toute idée de responsabilité. La notion
même d'indemnisation exclut ainsi celle de culpabilité.

3) Enfin, au plan des procédures, les régimes d'indemnisation présentent la caractéristique de faire intervenir des « fonds de
garantie » largement financés par les deniers publics. En cela, le régime d'indemnisation se distingue nettement de
l'assurance qui a pour effet de faire assumer les risques financiers d'une activité par des personnes privées, soit qu'elles
soient tenues par la loi d'assurer ces risques, soit qu'elles participent à leur financement lorsqu'elles souscrivent un contrat
d'assurance. Tel est le cas, par exemple, de la loi du 20 décembre 1988 (CSP, art. L. 1121-10) qui impose aux promoteurs
d'expérimentations médicales de souscrire des assurances spéciales pour assumer tous les risques encourus par les
personnes qui acceptent de se soumettre à de telles expérimentations. Dans les régimes d'indemnisation, l'État vient au
contraire suppléer l'absence d'assurance, soit parce que le risque n'a pas été prévu par les contrats d'assurance, soit parce
qu'il est jugé impossible à prendre en charge par les compagnies d'assurances. Entrent dans cette catégorie le régime
d'indemnisation organisé par la loi du 31 décembre 1991 en faveur des personnes contaminées par le virus du SIDA à la suite
d'une transfusion sanguine, ainsi que l'ensemble législatif qui permet l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et
d'autres infractions.

Chapitre 1 - Indemnisation des personnes contaminées par le virus du SIDAà la suite d'une transfusion sanguine
Bibliographie. - O. BEAUD, Le sang contaminé, 1999, PUF, coll. Béhémoth. - C. BETTATI, Responsables et coupables, une affaire
de sang, 1993, Seuil. - M. A. HERMITTE, Le sang et le droit, 1996, Seuil. - M. MASSENET, La transmission administrative du
SIDA, 1992, Albin Michel. - J. P. SOULIER, Transfusion et SIDA, le droit et la vérité, 1992, éd. Frison-Roche. - D. TABUTEAU,
Risque thérapeutique et responsabilité hospitalière, 1995, Berger-Levrault.

Bibliographie. - BESSIERES-ROQUES, Le préjudice spécifique de contamination, un nouveau préjudice ?, Rev. fr. dom.
corp. 1993. 79 ; Fonds d'indemnisation et tribunaux judiciaires ?, ibid. 1996. 330. - E. BREEN, Responsabilité pénale des
agents publics : l'exemple de l'affaire du sang contaminé, AJDA 1995. 781 . - F. CHABAS, La notion de préjudice de
contamination, Resp. civ. et assur., n o spécial, mai 1998, p. 20. - C. DEBOUY, La responsabilité de l'administration française du
fait de la contamination par le virus du SIDA, JCP 1993. I. 3646. - D. DELPOUX, Contamination par transfusion sanguine :
jurisprudence, loi et assurance, RGAT, janv. 1992. 24. - A. DORSNER-DOLIVET, SIDA et responsabilité des cliniques, JCP 1995.
I. 3824. - M. DREIFUSS, L'indemnisation des victimes du SIDA à l'épreuve du dualisme juridictionnel, RFDA 1996. 561 . - J.-
M. DE FORGES, SIDA, responsabilité et indemnisation des préjudices résultant de la contamination par transfusion sanguine,
RDSS 1992. 555. - J. Y. GANNAC, Information et responsabilité des autorités publiques dans la contamination des hémophiles,
RFDA 1994. 541 . - A. HOLLEAUX, Transfusion sanguine, séropositivité et responsabilité juridique, LPA 16 oct. 1991, p. 4. -
Y. LAMBERT-FAIVRE, Principe d'indemnisation des victimes post-transfusionnelles du SIDA, hier, aujourd'hui et demain, RTD
civ. 1993. 1 ; L'hépatite C post-transfusionnelle, D. 1993. Chron. 291 . - P. A. LECOQ, La prise en compte de la douleur
par le Conseil d'État en cas de contamination à la suite d'une transfusion sanguine, in La douleur et le droit, sous la dir. de
B. DURAND, J. POIRIER et J. P. ROYER, 1997, PUF, p. 451. - H. MARGEAT, Séropositivité, SIDA et jurisprudence, Gaz. Pal. 13-
15 oct. 1991. 6 ; Sang et droit, l'indemnisation des victimes, ibid. 7 août 1993, p. 977. - M.-L. MORANÇAIS-DEMEESTER,
Contamination par transfusion du virus du SIDA : responsabilité et indemnisation, D. 1992. Chron. 189 . - J.-M. PONTIER,
L'indemnisation des victimes contaminées par le virus du SIDA, ALD 1992, 5 e cahier, comm. législation. 35 ; SIDA, de la
responsabilité à la garantie sociale, RFDA 1992. 533 . - E. SAVATIER, Le principe indemnitaire à l'épreuve des jurisprudences
civile et administrative, À propos de l'indemnisation des victimes des transfusions sanguines, JCP 1999. I. 125.

Section 1 - Instauration du régime d'indemnisation


330. C'est la loi n o 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social (D. 1992. 96), en son article 47,
qui, dans le contexte du drame des hémophiles atteints du SIDA, a prévu et organisé l'indemnisation des victimes de
préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits
sanguins ou une injection de produits dérivés du sang réalisée sur le territoire de la République française. Ce texte a, en
effet, institué une procédure d'indemnisation spéciale en faveur des personnes contaminées par voies transfusionnelles, par
un fonds d'indemnisation reposant sur le principe de la solidarité nationale. Le régime législatif introduit par la loi du
31 décembre 1991 met de plus en place une modalité particulière de la responsabilité administrative, sans qu'il s'agisse pour
autant d'un mode exclusif d'indemnisation.

Actualité
3 3 0 . Institution d'un dispositif d'indemnisation des dommages subis par les personnes exposées au Benfluorex. - La loi du
29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 confie à l'ONIAM la mission « de faciliter et, s'il y a lieu, de procéder au
règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par le Benfluorex ». Elle modifie pour cela les articles L. 1142-22
et L. 1142-23 du code de la santé publique, et crée les articles L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 au sein de ce code (L. n o 2011-
900 du 29 juill. 2011, art. 57 ; AJDA 2011. Étude 2005, obs. Pontier ). Pour son application, voir le décret n o 2011-932 du
1 er août 2011 (JO 4 août).
331. Ce texte législatif est intervenu alors que le régime de responsabilité en la matière se fondait à la fois :

- sur la responsabilité civile des centres privés de transfusion sanguine, tenus contractuellement d'une obligation de sécurité
qui ne cédait que devant la cause étrangère (Civ. 2 e, 17 déc. 1954, D. 1955. 269, note Rodière, JCP 1955. II. 8490, note
Savatier) et était assimilée à une obligation de résultat par la jurisprudence refusant de considérer que le vice dans la
composition du produit sanguin constituait pour l'organisme fournisseur une cause étrangère (Civ. 1 re, 12 avr. 1995, n o 92-
20.747 , Bull. civ. I, n o 179 : « Les centres de transfusion sanguine sont tenus de fournir aux receveurs des produits
exempts de vices et ne peuvent s'exonérer de cette obligation de sécurité que par la preuve d'une cause étrangère qui ne
puisse leur être imputée », JCP 1995. II. 22467, note Jourdain, LPA 19 juill. 1995, p. 30, note Feuerbach-Steinle, RDSS
1995. 766, note Leroy), une clinique privée n'étant, pour sa part, tenue qu'à une obligation de moyens dans ce domaine, dès
lors qu'elle n'était pas en mesure de vérifier la qualité des produits sanguins dont le monopole du contrôle était dévolu aux
centres de transfusion (CSP, art. 1233-1) ;

- sur la responsabilité administrative des centres publics de transfusion sanguine, placés ultérieurement sous la tutelle de
l'Agence française du sang devenue « l'Établissement français du sang » qualifié d'établissement public de l'État gestionnaire
du service public de la transfusion sanguine, la jurisprudence administrative substituant la responsabilité de ces centres ou de
la personne morale dont ils relèvent à celle des hôpitaux publics dès lors que lesdits centres ont le monopole du contrôle et
du traitement des produits sanguins et ont une personnalité morale distincte de celle de l'hôpital qui n'a commis aucune faute
dans leur manipulation (CE, ass., 26 mai 1995, Cts Pavan, RFDA 1995. 748, concl. Daël ) ;

- sur la responsabilité de l'État à l'égard des personnes contaminées par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite
d'une transfusion de produits sanguins non chauffés opérée entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985 à raison de la
faute simple commise dans l'exercice des attributions de ses services en ce qui concerne l'organisation générale du service
public de la transfusion sanguine et le contrôle des établissements chargés de la collecte, du traitement et de la distribution
du sang (CE, ass., 9 avr. 1993, M. G., AJDA 1993. 344, chron. Maugüé et Touvet ).

332. La loi précitée n o 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses mesures d'ordre social a organisé une indemnisation
des victimes de la contamination par la collectivité publique, sur le modèle du régime mis en place pour les victimes d'actes de
terrorisme. Codifiée aux articles L. 3122-1 à L. 3122-6 du code de la santé publique, elle a été modifiée en dernier lieu par la
loi n o 2004-806 du 9 août 2004 (JO 11 août). Les textes d'application se trouvent codifiés aux articles R. 3122-1 et suivants
du même code.

333. Organisation du fonds. - Un Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (FITH) a été institué par la loi, doté de la
personnalité civile, présidé par un président de chambre ou un conseiller à la Cour de cassation, en activité ou honoraire, et
administré par une Commission d'indemnisation. Depuis le 1 er juillet 2006, la procédure d'indemnisation des victimes de la
contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) a été transférée à l'Office national d'indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), établissement public à caractère administratif de
l'État, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, et chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, des
dommages occasionnés par le service public de la santé, dont, en particulier, ceux résultant de la contamination par le virus
d'immunodéficience humaine. Il est administré par un conseil d'administration et comprend, outre son président, pour moitié
des représentants de l'État et pour moitié des personnalités qualifiées ainsi que des représentants des usagers, des
professionnels et établissements de santé, des organismes d'assurance maladie et du personnel de l'Office (CSS, art. L. 1142-
22, en sa rédaction issue de la loi n o 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces
sanitaires de grande ampleur [JO 6 mars] qui est entré en vigueur le 1 er janv. 2008).

Actualité
333. Indemnisation des personnes contaminées par le virus du sida à la suite d'une transfusion sanguine. Instauration du régime
d'indemnisation. Infection par le virus de l'hépatite C : indemnisation à l'amiable par l'ONIAM. - L'article 67 de la loi du 17 décembre
2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 instaure une nouvelle procédure de règlement à l'amiable des litiges
nés des contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C. Cette nouvelle procédure s'inspire du régime applicable
à l'indemnisation des personnes contaminées par voie transfusionnelle par le VIH. Le présent article reprend le régime de
charge de la preuve créé par l'article 102 de la loi de santé publique précitée. Le demandeur doit apporter la preuve de
l'atteinte par le VHC et des transfusions de produits sanguins ou injections de médicaments dérivés du sang. L'article précise
que le doute profite au demandeur. L'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices sera réalisée selon la
procédure transactionnelle prévue à l'article 2044 du code civil, déduction faite des créances des organismes sociaux. La loi
insère pour cela au code de la santé publique l'article L. 1221-14, et en modifie les articles L. 1142-22, L. 1142-23, L. 3111-9,
L. 3122-1 et L. 3122-5 (L. n o 2008-1330 du 17 déc. 2008, art. 67, JO 18 déc.).
Transfert à l'ONIAM de l'indemnisation des contaminations par l'hépatite C. Mode d'emploi. - Les dispositions de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2009 qui ont transféré à l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par
l'hépatite C n'entreront en vigueur qu'à la publication des décrets d'application. Le Conseil d'État a par ailleurs précisé les
modalités de mise en œ uvre de ce transfert à l'égard des procédures en cours (CE, avis, 7 déc. 2009, M. Lacroix, M. et
Mme Bergdoll, req. n o 329466 , AJDA 2009. 2372, obs. Brondel ).

Contrat d'assurance et transfert à l'ONIAM de l'indemnisation des contaminations par l'hépatite C. - Un contrat d'assurance ne
peut faire obstacle à la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et
des infections nosocomiales (ONIAM) à l'Établissement français du sang (EFS) pour l'indemnisation des contaminations par
l'hépatite C (CE 20 mars 2013, CPAM du Havre, req. n o 345776 , AJDA 2013. 654, obs. Poupeau ).

Accident médical. Recours subrogatoire des tiers payeurs contre l'ONIAM. - Il n'existe pas au bénéfice des tiers payeurs de
recours subrogatoire contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), des affections iatrogènes et
des infections nosocomiales (CE, avis, 22 janv. 2010, M. Coppola, req. n o 332716 , AJDA 2010. 237, obs. Brondel ).
Hépatite C. Conséquences de la substitution de l'ONIAM à l'EFS. - À l'exception des procédures en cours, l'ONIAM, se substituant
à l'Établissement français du sang, ne peut pas être mis en cause par les tiers payeurs dans un litige concernant une
contamination par l'hépatite C (CE, avis, 18 mai 2011, Établissement français du sang, req. n o 348823, AJDA 2011. 1055, obs.
Grand ).

334. Aux termes de l'article L. 1142-23 du code de la santé publique, l'Office, soumis à un régime administratif, budgétaire,
financier et comptable défini par voie réglementaire, dispose de recettes constituées, notamment, par une dotation globale
versée par les organismes d'assurance maladie, par le produit des recours subrogatoires, par une dotation versée par l'État
et par une dotation versée par le fonds de financement des actions nécessaires à la préservation de la santé mentionné à
l'article L. 3131-5.

335. Une Commission d'indemnisation est placée auprès de cet Office qui a pour mission de se prononcer sur les demandes
d'indemnisation formulées par les victimes de la contamination.

Section 2 - Champ d'application de l'indemnisation


Art. 1 - Quant aux victimes
336. Le texte de l'article L. 3122-1 du code de la santé publique adopte une formulation très générale visant « les victimes de
préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits
sanguins ou une injection de produits dérivés réalisée sur le territoire de la République française ».

3 3 7 . Sont ainsi considérées comme « victimes » les personnes, quelle que soit leur nationalité, française ou étrangère,
directement contaminées par transfusion ou traitement antihémophilique effectué sur le territoire français, qu'elles soient
séropositives ou déjà entrées dans la maladie. Mais, la formulation englobe également les proches contaminés, qu'il s'agisse
des conjoints ou concubins, ou des enfants contaminés par leur mère. Enfin, elle s'étend aux proches non contaminés, dès
lors qu'ils ont subi un préjudice lié à la contamination d'un parent.

3 3 8 . Si la loi ne fait aucune distinction entre les victimes françaises et les victimes de nationalité étrangère, la Cour de
cassation, pour rejeter la demande de deux citoyens grecs contaminés en Grèce par des produits sanguins venant de France,
a jugé que « l'article 47 de la loi n o 91-1406 du 31 décembre 1991, devenu l'article L. 3122-1 du code de la santé publique, qui
subordonne le droit à indemnisation par le FITH à la réalisation effective sur la victime d'un acte médical de transfusion ou
d'injection, n'est pas applicable à la victime d'une telle contamination résultant d'une transfusion ou d'une injection réalisée
sur le territoire d'un autre État, fût-ce avec des produits sanguins ou dérivés du sang recueillis et conditionnés en France, en
retenant qu'en limitant ainsi le droit à indemnisation, ce texte, qui repose ainsi sur un critère objectif d'indemnisation, sans
exclure, pour les victimes, quelle que soit leur nationalité, contaminées dans un autre État avec des produits sanguins ou
dérivés du sang recueillis et conditionnés en France, le droit de réclamer réparation selon le droit commun, n'établit aucune
discrimination fondée sur la nationalité et n'est pas incompatible avec les principes communautaire et conventionnel d'égalité
de traitement » (Civ. 2 e, 3 févr. 2005, n o 04-06.001 , Bull. civ. II, n o 24).

3 3 9 . En revanche, l'indemnisation est accordée « dès l'instant que ces opérations se sont réalisées sur le territoire de la
République française » (Cass., ass. plén., 6 juin 1997, n o 95-12.284 , Bull. ass. plén., n o 8), peu important la nationalité de
la victime de la contamination (Civ. 2 e, 8 mars 1995, n o 94-06.011 , s'agissant de requêtes diligentées par les veuves d'un
Iranien résidant à Téhéran, mais contaminé en 1985 lors d'un traitement contre l'hémophilie subi en France ; 22 nov. 1995,
n o 95-06.003 , s'agissant d'un Algérien résidant en Algérie).

Art. 2 - Quant aux préjudices indemnisables


340. La loi du 31 décembre 1991 a posé le principe simple de la réparation intégrale des préjudices. Ceux-ci sont évidemment
variables selon que la victime est directement ou indirectement contaminée ou selon qu'elle est une victime par ricochet.

§ 1 - Personnes directement contaminées


3 4 1 . Préjudice spécifique de contamination. - La jurisprudence a consacré la reconnaissance d'un préjudice spécifique de
contamination dégagé par le Fonds d'indemnisation, selon lequel « le préjudice personnel et non économique de
contamination par le VIH recouvre l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence entraînés par la séropositivité et la
survenance de la maladie déclarée. Ce préjudice spécifique inclut ainsi, dès la phase de séropositivité, tous les troubles
psychiques subis du fait de la contamination par le VIH : réduction de l'espérance de vie, incertitude quant à l'avenir, craintes
d'éventuelles souffrances physiques et morales, isolement, perturbations de la vie familiale et sociale, préjudice sexuel et le
cas échéant de procréation. Il inclut, en outre, les différents préjudices personnels apparus ou qui apparaîtraient en phase de
maladie avérée, souffrances endurées, préjudice esthétique et l'ensemble des préjudices d'agrément consécutifs » (cinquième
rapport du Fonds, mars 1996-févr. 1997). Cette définition a été adoptée par les juridictions qui ont, en effet, retenu un
préjudice personnel de contamination regroupant tous les aspects extra-patrimoniaux du préjudice des transfusés
contaminés par le VIH, y compris le préjudice physiologique, étant souligné que la notion de consolidation est évidemment
impraticable (Civ. 2 e, 1 er févr. 1995, n o 94-06.006 , Bull. civ. II, n o 42 : approbation d'une cour d'appel qui, en premier lieu, a
retenu que l'évolution de la contamination par le VIH avait exclu les notions de consolidation et d'incapacité permanente, en
second lieu, a inclus, sous la qualification de préjudice personnel spécifique de la contamination l'ensemble des préjudices
d'ordre physiologique, psychologique et moral, et enfin a fixé, compte tenu de la situation concrète, personnelle et individuelle
de la victime, l'indemnisation revenant à ses héritiers, RTD civ. 1995. 626, chron. P. Jourdain ; Civ. 1 re, 3 mai 2006, n o 05-
11.139 , Bull. civ. I, n o 215 : préjudice spécifique de contamination résultant des souffrances morales éprouvées à la suite
des traitements nécessaires et des cures mal supportées ainsi que des perturbations et craintes endurées toujours latentes).
Il s'ensuit que les juges du fond ne peuvent condamner l'Établissement français du sang à payer à la victime contaminée à la
fois une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination, car
ils réparent alors deux fois le premier chef de préjudice (Civ. 1 re, 3 mai 2006, Bull. civ. I, n o 215, RTD civ. 2006. Chron. 562,
obs. P. Jourdain ).

342. Évaluation du préjudice spécifique de contamination. - Il y a lieu d'indiquer que le Fonds a élaboré un barème dégressif
d'indemnisation des victimes tenant compte essentiellement de leur âge et plafonné, lequel a été approuvé par les juridictions
avec, toutefois, la précision que cette méthode n'excluait pas une appréciation des troubles effectivement subis par la victime
dans ses conditions d'existence en considération de sa situation concrète, personnelle et individuelle, et des éléments de fait
portés à la connaissance des juges (Civ. 2 e, 1 er févr. 1995, Bull. civ. II, n o 42, JCP 1995. I. 3893, obs. Viney, RTD
civ. 1995. 626, obs. Jourdain ).

343. La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que le refus de la victime contaminée de se soumettre aux traitements
préconisés, dès lors qu'elle n'avait pas l'obligation de les suivre, ne pouvait entraîner ni la perte ou la diminution de son droit
à indemnisation, ni la prise en compte d'une aggravation susceptible de découler d'un tel choix (Civ. 1 re, 3 mai 2006, Bull. civ.
I, n o 214, RTD civ. 2006. Chron. 562, obs. P. Jourdain ).

344. Préjudices économiques. - Le préjudice de contamination n'englobe pas les préjudices économiques, qui sont réparés de
manière autonome.

1) Ils comprennent d'abord les pertes subies, frais médicaux et paramédicaux. Même s'ils sont particulièrement lourds, ces
frais ne présentent aucune spécificité juridique par rapport aux autres dommages corporels.

2) Ils comprennent aussi les gains manqués, et notamment les pertes de ressources professionnelles, qui doivent faire l'objet
d'une évaluation au cas par cas. Le préjudice professionnel dans le domaine de la séropositivité est en effet très spécifique et
ne saurait être comparé à d'autres domaines, étant marqué par un caractère évolutif qui peut engendrer des difficultés
d'appréciation quant aux préjudices futurs. La personne séropositive peut, en principe, conserver une activité normale, mais
progressivement son incapacité professionnelle ira en s'accroissant et elle peut, en outre, être exposée à des perturbations
telles que ses revenus en seront affectés, par exemple certaines formes d'exclusion ou d'ostracisme ayant des conséquences
sur sa vie professionnelle (Civ. 2 e, 1 er févr. 1995, n o 93-06.020 , Bull. civ. II, n o 41 ; 9 oct. 2003, n o 02-06.001 , ibid. II,
n o 296).

345. Unité du préjudice et fractionnement de l'indemnité. - Le Fonds comme la jurisprudence distinguent deux phases de la
maladie : celle de la séropositivité, et celle du SIDA avéré. Cette distinction n'a cependant de conséquence que sur le
règlement de l'indemnité qui se réalise en deux phases, d'abord l'indemnité relative à la séropositivité, puis celle portant sur
le SIDA déclaré. Mais ce règlement ne fait que fractionner l'indemnité, et non pas le préjudice qui demeure global. Ce
fractionnement de l'indemnité est cependant nécessaire et permet de tenir compte des progrès des traitements préventifs,
les trithérapies notamment. Les progrès de la médecine peuvent en effet laisser penser que l'apparition de la maladie peut
être repoussée, voire supprimée dans un délai plus ou moins proche. La Cour de cassation pose ainsi le principe selon lequel
le juge saisi par une victime séropositive n'est pas autorisé à réparer immédiatement le préjudice résultant du SIDA avéré,
préjudice qui, pour le moment, demeure hypothétique (Civ. 2 e, 20 juill. 1993, Bull. civ. II, n o 274, D. 1993. 526 : « La cour
d'appel, qui retient souverainement que le préjudice de la victime comprend les troubles dans ses conditions d'existence
entraînés par la séropositivité puis, s'il y a lieu, par la survenance du SIDA déclaré, et que de nombreux essais thérapeutiques
en cours visent à retarder, voire à bloquer, le passage à la maladie, a pu déduire, justifiant légalement sa décision, que le
préjudice résultant de la survenance du SIDA n'avait pas un caractère certain et décider que le paiement de l'indemnisation
afférente au SIDA déclaré serait subordonné à la constatation médicale de la maladie », D. 1993. 526, note Y. Chartier ,
Dr. et patrimoine 1994. 78, obs. Chabas).

§ 2 - Personnes contaminées indirectement


3 4 6 . Dans de nombreux cas, la personne transfusée ou victime d'un traitement contre l'hémophilie, ignorant sa
contamination, a elle-même contaminé son conjoint ou son concubin. De plus, est également fréquente la contamination in
utero des enfants par leur mère elle-même porteuse du VIH, qu'elle ait été contaminée par une transfusion ou par son
conjoint. Cette contamination indirecte ne concerne d'ailleurs pas uniquement les proches de la victime de la transfusion, mais
également le cas, plus rare, des médecins et personnels hospitaliers contaminés lors d'une intervention sur un patient. Le
Fonds d'indemnisation traite ces victimes contaminées indirectement comme des victimes directes de la contamination et les
indemnise sur les mêmes critères que ceux utilisés pour ces dernières.

§ 3 - Victimes non contaminées


347. Les proches de la victime, même non contaminés, subissent personnellement des préjudices du fait du dommage initial.
Leur situation est cependant très différente selon que la victime contaminée est vivante ou décédée.

348. Victime initiale survivante. - Tant que la victime contaminée survit, les proches non contaminés peuvent essentiellement
prétendre à l'indemnisation des préjudices moraux. Le Fonds indemnise ainsi le conjoint (Civ. 2 e, 28 févr. 1996, JCP 1996.
IV. 944), les père et mère (Civ. 1 re, 16 juin 1994, Gaz. Pal. 6 août 1994), ainsi que les enfants (Civ. 2 e, 8 mars 1995, n o 94-
06.016 ), et les frères et soeurs, et plus généralement tout proche qui justifie de l'existence de liens particulièrement
étroits avec la victime, le critère essentiel étant celui de la cohabitation.

349. Des réparations peuvent également être accordées pour des préjudices purement économiques, sous réserve que soit
établi le lien de causalité entre la contamination d'un proche et la perte de revenus professionnels. Il s'agit alors
essentiellement de préjudices matériels par ricochet, supportés par des proches obligés de sacrifier leur vie professionnelle
pour mieux se consacrer au patient.

350. Victime initiale décédée. - Lorsque la victime contaminée est décédée, les proches non contaminés disposent d'une action
propre, destinée à l'indemnisation de leurs préjudices moraux et matériels personnels, et d'une action héréditaire, découlant
de la transmission successorale du droit à réparation accordé à la personne contaminée.

Section 3 - Indemnisation et droit commun de la responsabilité


351. Le fondement de l'indemnisation étant, essentiellement, la solidarité nationale, celle-ci a conduit le législateur à prévoir
un dispositif simple, permettant la réparation rapide des préjudices en la matière.

Art. 1 - Procédure devant le Fonds


352. Demandeur. - Toute personne contaminée à la suite d'une transfusion ou de l'injection de produits sanguins lors d'un
traitement lié à l'hémophilie peut saisir le Fonds d'indemnisation. L'article R. 3122-1 précise que la demande d'indemnisation
présentée au titre des préjudices définis à l'article L. 3122-1 comporte, outre la justification des préjudices, les éléments
justificatifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 3122-2. Cette demande est adressée à l'Office par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception.

353. Aux termes de l'actuel article L. 3122-2 du code de la santé publique, dans leur demande d'indemnisation, les victimes
ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le VIH et des transfusions de produits sanguins ou des injections de produits
dérivés du sang, en apportant tous les éléments d'information dont ils disposent. Pour faciliter l'aboutissement des demandes
et éviter à la victime la preuve du lien de causalité entre sa contamination et la transfusion, le législateur a édicté une
présomption, qui vaut pour la période allant du 1 er janvier 1980 au 1 er octobre 1985 : la victime doit seulement démontrer
l'existence d'une transfusion et de sa contamination pour bénéficier de l'indemnisation prévue par le dispositif législatif
(Civ. 2 e, 19 oct. 2006, n o 05-15.373 , Bull. civ. II, n o 278). L'Office recherche les circonstances de la contamination et
procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

354. Délais. - Le législateur a entendu mettre en place une procédure rapide d'indemnisation. Le Fonds dispose d'un délai de
trois mois, à compter de la réception de la demande, pour examiner si les conditions d'indemnisation sont réunies et lorsqu'il a
admis les justifications produites, il doit verser à la victime, dans un délai d'un mois, une ou plusieurs provisions, si la
demande lui en est faite. De plus, le Fonds est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnisation dans le délai de cinq
mois à compter du jour où il a reçu la justification complète des préjudices (CSP, art. L. 3122-5 et R. 3122-5). Enfin, le
demandeur fait connaître à l'Office par lettre recommandée avec demande d'avis de réception s'il accepte ou non l'offre
d'indemnisation qui lui est faite et, en cas d'acceptation, l'Office dispose d'un délai d'un mois pour verser la somme
correspondante (art. R. 3122-6).

Art. 2 - Non-cumul des indemnisations


355. Le régime d'indemnisation mis en place a retenu, dès l'origine, le principe de l'indemnisation intégrale des préjudices
résultant de la contamination par le VIH. Il n'interdisait cependant pas aux personnes transfusées et aux hémophiles de
recourir au droit commun, de sorte qu'elles disposaient d'une option, laquelle justifiait des mécanismes destinés à empêcher
les cumuls d'indemnisation, ainsi que l'organisation concrète des modalités de combinaison entre l'indemnisation par le Fonds
et celle qui pouvait être obtenue devant le juge.

356. Selon les dispositions de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, si la victime estimait que l'indemnisation proposée
par le FITH ne la remplissait pas intégralement de ses droits, elle disposait d'une action en justice contre le Fonds
d'indemnisation, portée devant la cour d'appel de Paris. Mais elle pouvait aussi utiliser les procédures de droit commun et
saisir, soit le juge judiciaire pour engager la responsabilité des dommages liés à l'intervention d'une clinique privée ou d'un
centre privé de transfusion sanguine, soit la juridiction administrative pour engager la responsabilité des centres publics de
transfusion, des hôpitaux publics, voire de l'État directement.

357. Afin de prévenir les cumuls d'indemnisation, la loi du 31 décembre 1991 a organisé un échange d'informations. Ainsi, elle
a prévu que l'offre du Fonds doit indiquer le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations
énumérées à l'article 29 de la loi n o 85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres
débiteurs du chef du même préjudice. De même, la victime doit informer le Fonds des procédures juridictionnelles
éventuellement en cours et, si une action en justice est intentée, la victime informe le juge de la saisine du Fonds. En outre,
les greffes de toutes les juridictions administratives et judiciaires doivent adresser au Fonds une copie des actes de
procédure les saisissant d'une demande relative à la réparation d'un dommage lié à la contamination par le VIH et le Fonds
doit indiquer aux juridictions éventuellement saisies l'état de la procédure diligentée devant lui et les versements
effectivement acceptés par les victimes. Ces dispositions demeurent dans l'article L. 3122-3 du code de la santé publique.

3 5 8 . L'articulation entre l'indemnisation par le Fonds et celle pouvant être obtenue devant le juge a cependant posé
l'importante question de savoir quelle était la valeur juridique de l'acceptation par la victime de la proposition d'indemnisation
formulée par le Fonds et si l'acceptation de l'offre lui interdisait toute action contentieuse ultérieure ou, au contraire, lui
laissait la possibilité de poursuivre l'action contentieuse contre les responsables directs du dommage, dans la limite évidente
du principe selon lequel l'indemnisation finalement obtenue ne devait pas dépasser le montant du préjudice indemnisable.
Contrairement au Conseil d'État qui a estimé que l'offre formulée par le Fonds ne liait pas la victime qui pouvait toujours
engager une action devant le juge (CE, avis, 15 oct. 1993, Cts Jezequel et Vallée, req. n os 148888 et 148889 , Lebon
280, D. 1994. 359, note Bon et Terneyre ; 24 mars 1995, Rabotin et Fraisse, Dr. adm., juin 1995, n o 394 ; 31 janv. 1996,
Mme R., Mme B., M. et Mme B., M. P. L., Gaz. Pal. 31 mai-1 er juin 1995, p. 8, RDSS 1996. 519, obs. Cayla ; 16 juin 1997, A. P.-
H. P., req. n o 158969 , Lebon 242, D. 1999. 57, obs. Bon et de Béchillon ), la Cour de cassation a, quant à elle, statué
dans le sens contraire, considérant que l'acceptation de l'offre rendait irrecevable toute action ultérieure (Civ. 2 e, 26 janv.
1 9 9 4 , n o 93-06.009 , Bull. civ. II, n o 41 : « Ayant constaté que le préjudice indemnisé par le Fonds était celui dont
réparation était demandée à la FNTS, et que l'acceptation de l'offre d'indemnisation de son préjudice spécifique de
contamination que lui avait faite le Fonds dédommageait intégralement M. X… la cour d'appel, par ce seul motif et sans violer
l'article 6, alinéa 1 er, de la Convention européenne des droits de l'homme, la victime ayant disposé de la faculté de saisir une
juridiction pour voir fixer l'indemnisation de son préjudice, en a déduit à bon droit que l'action de M. X… était irrecevable, faute
d'intérêt », D. 1994, IR. 55 , Gaz. Pal. 24-26 juill. 1994, note Guigue), avant de changer sa jurisprudence (Civ. 1 re, 6 juin
2 0 0 0 , n o 98-22.117 , Bull. civ. I, n o 179), après que la Cour européenne des droits de l'homme avait censuré cette
interprétation (CEDH 4 déc. 1995, B. c/ France, JCP 1996. II. 22648, note Harichaux, D. 1996. 357, note Colin-Demumieux ,
RFDA 1996. 561, note Dreifuss ; 30 oct. 1998, F. E. c/ France : « La Cour estime que ni le texte de la loi du 31 décembre
1991 ni ses travaux préparatoires ne permettaient à l'intéressé de se douter des conséquences juridiques que la Cour de
cassation allait déduire de son acceptation de l'offre, en d'autres termes de penser que son acceptation de l'offre du fonds en
date du 21 avril 1993 pouvait avoir pour conséquence de le priver de son intérêt à agir contre le responsable de sa
contamination afin d'obtenir une indemnisation d'un montant supérieur à celui alloué par le fonds. En outre, il est manifeste
qu'à l'occasion de l'acceptation de l'offre, il n'a pas caché sa volonté de poursuivre la procédure engagée contre la fondation
Saint-Marc devant la cour d'appel de Colmar (paragraphe 25 ci-dessus)… F. E. pouvait donc raisonnablement croire à la
possibilité de poursuivre devant les juridictions civiles une action parallèle à sa demande d'indemnisation présentée au fonds,
même après acceptation de l'offre de ce dernier. En effet, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvait le requérant,
on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir opposé un refus à une solution qui parait au plus pressé, puisqu'il était en droit de
penser que la loi, en cas d'acceptation de l'offre, n'avait pas entendu supprimer la possibilité de recours des victimes contre
les responsables éventuels. Au total, à la date de l'acceptation de l'offre, le système n'était pas suffisamment clair et ne
présentait pas des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant aux modalités d'exercice des recours offerts et aux
limitations découlant de leur exercice simultané. En conséquence, la Cour constate que le requérant n'a pas eu la possibilité
claire et concrète de contester devant un tribunal le montant de l'indemnisation. Le requérant n'a pas bénéficié d'un droit
d'accès concret et effectif devant un tribunal. Il y a donc eu violation de l'article 6, § 1 » ; 10 oct. 2000, Lagrange c/ France,
n o 39485/98).

359. Les dispositions actuelles de l'article L. 3122-3 du code de la santé publique, issues de la loi du 9 août 2004, prévoient
que « l'acceptation de l'offre de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La décision
juridictionnelle rendue dans l'action en justice prévue au deuxième alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en
cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation de mêmes préjudices ». Il en résulte que, si
l'option de la victime n'est pas supprimée, la solution définitive prise dans l'une des deux voies offertes ferme la seconde.

Art. 3 - Recours
360. Deux types de recours sont à considérer : le recours de la victime qui conteste le montant de l'indemnisation offerte par
le Fonds, voire le refus de l'indemniser, et le recours subrogatoire du Fonds qui peut s'exercer devant différentes juridictions.

§ 1 - Recours de la victime devant la cour d'appel de Paris


3 6 1 . En vertu de l'article 3122-3 du code de la santé publique, la victime dispose d'un recours contre le Fonds
d'indemnisation, dans trois hypothèses : lorsque sa demande d'indemnisation a été rejetée, lorsque aucune offre ne lui a été
faite dans le délai légal, lorsqu'elle refuse l'offre qui lui a été faite. Le législateur a centralisé ce recours devant la cour d'appel
de Paris. Selon l'article R. 3122-18, le délai pour agir en justice devant la cour d'appel de Paris contre l'Office est de deux mois.
Ce délai court à compter de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de l'offre d'indemnisation
ou du rejet de la demande ou après l'expiration du délai de trois mois pendant lequel le Fonds doit faire une offre
d'indemnisation.

3 6 2 . Cette procédure contentieuse ne constitue pas un appel, car le Fonds n'est pas une juridiction, mais une autorité
chargée d'une mission transactionnelle. Il s'agit donc d'un recours juridictionnel en première et dernière instance, sauf pourvoi
éventuel devant la Cour de cassation. La procédure est spécifique, exempte de formalisme et imprégnée du souci de célérité.
En effet, la demande est formée par déclaration écrite remise en double exemplaire contre récépissé au greffe de la cour
d'appel ou adressée à ce même greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et elle indique les
coordonnées du demandeur et l'objet de la demande. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué fixe les délais
dans lesquels les parties à l'instance se communiquent leurs observations écrites et la date des débats qui ont lieu en
chambre du conseil.

§ 2 - Recours subrogatoire du Fonds


363. Selon l'article L. 3122-4 du code de la santé publique, le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées,
dans les droits de la victime contre les responsables dont la faute est à l'origine du préjudice qu'il a réparé. Ce texte confère
au Fonds l'action même dont la victime disposait à l'encontre du responsable, ce qui lui permet d'intervenir dans une cause,
dans l'hypothèse où il a déjà indemnisé la victime, et de récupérer les sommes versées auprès de la personne responsable du
dommage. Toutefois, le Fonds ne peut engager d'action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable
à une faute.

Chapitre 2 - Indemnisation des victimes d'infractions et d'actes de terrorisme


Bibliographie. - G. DEFRANCE, Le Fonds d'indemnisation des victimes d'attentats et d'autres infractions, Argus 1990, n o 2478. -
A. DI GREGORIO, L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, 1996, Mémoire, Paris II. -
J. FAVARD et J. M. GUTH, La marche vers l'uniformisation ? : la quatrième réforme du droit à indemnisation des victimes
d'infractions, JCP 1990. I. 3466. - M. GUENAIRE, Le régime juridique de la responsabilité administrative du fait des actes de
violence, AJDA 1987. 227. - F. QUEROL, Le financement du Fonds de garantie, RFDA 1988. 108.

Bibliographie. - Sur l'indemnisation des victimes d'infraction. - Y. CHARTIER, L'indemnisation des victimes d'infractions pénales,
Gaz. Pal. 1985. 1. Doctr. 346. - P. COUVRAT, La protection des victimes d'infractions, Essai d'un bilan, RSC 1985. 594. -
A. DECOCQ, Indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d'une infraction, RSC 1977. 618. -
E. DEGHILAGE, La loi du 3 janvier 1977 garantissant les victimes de certains dommages corporels et ses décrets d'application,
JCP 1977. II. 2854. - P. J. DOLL, Le petit Noël des victimes impécunieuses ayant subi des dommages corporels causés par des
auteurs inconnus ou insolvables, Gaz. Pal. 1977. 1. Doctr. 120. - P. ESCANDE, La loi n o 83-608 du 8 juillet 1983 renforçant la
protection des victimes d'infraction, DS 1983. Chron. 241. - J. FAVARD et J. M. GUTH, La marche vers l'uniformisation, La
4 e réforme du droit à indemnisation des victimes d'infractions, JCP 1990. I. 3466. - H. GROUTEL, L'application aux touristes de
la CEE de la législation française sur l'indemnisation des victimes d'infraction, Resp. civ. et assur., avr. 1989, n o 11. -
J. M. GUTH, Recours en indemnité ouvert à certaines victimes de dommages résultant d'une infraction, J.-Cl. Civ., fasc. 260. -
D. LINOTTE, Chronique générale des réformes administratives, à propos de l'indemnisation des victimes d'infraction, RD publ.
1978. 215. - J. C. MAESTRE, Un nouveau cas de responsabilité publique : l'indemnisation de certaines victimes de dommages
corporels résultant d'une infraction, D. 1977. Chron. 145. - J. PRADEL, Un nouveau stade dans la protection des victimes
d'infractions, D. 1983. Chron. 241. - G. ROUJOU DE BOUBÉE, Commentaire de la loi n o 83-608 du 8 juillet 1983 renforçant la
protection des victimes d'infraction, ALD 1984. 49. - J. VERIN, La réparation du préjudice causé aux victimes d'infractions
pénales, RSC 1983. 717.

Bibliographie. - Sur l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme. - T. RENOUX, L'indemnisation publique des victimes
d'attentats, 1988, Economica ; Juger le terrorisme ?, Cahiers du Conseil constitutionnel, n o 14.

Bibliographie. - H. BARROIS, Assurance contre les actes de terrorisme, J.-Cl. Resp. civ., fasc. 558. - A. D'HAUTEVILLE,
L'indemnisation des dommages subis par les victimes d'attentats, RGAT 1987. 328. - Cl. LIENHARD, Aperçu rapide sur la
protection juridique des victimes d'attentats et du terrorisme, JCP 1996. Actu. n os 51-52. - S. MAGNAN, L'assurance des
attentats, Argus 1984. 1987. - V. MARZAJOLI, L'indemnisation des victimes d'attentats terroristes, La Vie Judiciaire, 14-20 juill.
1986, n o 2101. - H. RENAULDON, L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, LPA 27 févr. 1987, p. 22. - T. RENOUX,
L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, un nouveau cas de garantie sociale, RFDA 1987. 909. - T. RENOUX et
A. ROUX, Responsabilité de l'État et droits des victimes d'actes de terrorisme, AJDA 1993. 75 . - J.-F. RENUCCI,
L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, D. 1987. Chron. 198.

Section 1 - Évolution législative


3 6 4 . Avec la loi n o 77-5 du 3 janvier 1977 (D. 1977. 76) garantissant l'indemnisation de certaines victimes de dommages
corporels résultant d'une infraction, le législateur a cherché à répondre à une attente de la société française confrontée à une
augmentation de la délinquance. Ce texte, issu d'un consensus politique, a été complété par le décret n o 77-194 du 3 mars
1977 organisant les Commissions d'indemnisation (D. 1977. 127). Il a été modifié rapidement et à plusieurs reprises, dans le
but d'en élargir le champ d'application : ainsi, la loi n o 81-82 du 2 février 1981 dite « sécurité et liberté » a étendu le nombre
de victimes susceptibles d'obtenir une indemnisation, puis la loi n o 83-608 du 8 juillet 1983 « renforçant la protection des
victimes d'infractions » a assoupli sensiblement les conditions de recevabilité de la demande d'indemnité, et accru la rapidité
de l'indemnisation, et la loi n o 85-1407 du 30 décembre 1985 (D. 1986. 125) portant diverses dispositions d'ordre social a
amélioré le sort de certaines victimes d'infractions, en supprimant toute condition tenant à la durée de l'incapacité totale de
travail, notamment pour les victimes de viols et d'attentats à la pudeur. Enfin, la loi n o 2004-204 du 9 mars 2004 portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (D. 2004. 737) a apporté des modifications à la procédure
d'indemnisation.

3 6 5 . Par ailleurs, le législateur est également intervenu, par la loi n o 86-1020 du 9 septembre 1986 (D. 1986. 468), pour
assurer l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, à une époque où la multiplication des attentats sur le territoire
suscitait une émotion considérable, le texte, qui allie un régime de responsabilité sans faute de l'État avec l'intervention d'un
fonds de garantie et un régime d'assurance, prévoyant que ses dispositions relatives à l'indemnisation des victimes « sont
applicables aux faits commis postérieurement au 31 décembre 1984 ». Des modifications ultérieures ont successivement
autorisé le Fonds d'indemnisation à intervenir devant le juge répressif, même pour la première fois en appel, en cas de
constitution de partie civile de la victime ou de ses ayants droit contre le responsable (L. n o 87-588 du 30 juill. 1987 portant
diverses dispositions d'ordre social, JO 31 juill.), accordé au Fonds un recours subrogatoire (L. n o 87-1060 de finances pour
1988 du 30 déc. 1987, JO 31 déc.) et réglementé le contenu des contrats d'assurance (L. nº 2006-64 du 23 janv. 2006
relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, JO
24 janv.).

366. Il avait été ainsi opéré initialement une distinction entre les victimes d'infractions, soumises à une dualité de régimes
juridiques, selon que le dommage avait été causé par une infraction « de droit commun » ou par un acte de terrorisme,
générant ainsi des discriminations peu justifiables.

367. Prenant en considération le contexte européen, en particulier la Convention européenne relative au dédommagement
des victimes d'infractions violentes signée le 24 novembre 1983 à l'initiative du Conseil de l'Europe et entrée en vigueur le
1 er juin 199, la loi n o 90-589 du 6 juillet 1990 (D. 1990. 315) « modifiant le code de procédure pénale et le code des
assurances et relative aux victimes d'infractions » a eu pour objet d'assurer l'égalité entre les victimes, qu'elles aient été
victimes d'une infraction ou d'un acte de terrorisme et, sans toutefois opérer une fusion entre les deux régimes
d'indemnisation, de les uniformiser, du moins partiellement, l'indemnisation des dommages corporels étant désormais
intégrale pour toutes les victimes et assurée par un fonds unique, le « Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme
et d'autres infractions » (FGVAT). La loi n o 2004-204 précitée du 9 mars 2004 (D. 2004. 737) a accentué le rapprochement de
ces régimes en modifiant la procédure d'indemnisation des victimes d'infractions.

368. Le dispositif législatif applicable aux victimes de dommages résultant d'une infraction est actuellement codifié dans le
code de procédure pénale, dans le livre IV « De quelques procédures particulières », sous le titre XIV « Du recours en
indemnité ouvert à certaines victimes de dommages résultant d'une infraction », aux articles 706-3 à 706-15. Les décrets
d'application sont codifiés dans les articles R. 50-1 à R. 50-28 du même code.

369. L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme est régie par deux chapitres du code des assurances : le chapitre VI
du titre II du livre 1 er « L'assurance contre les actes de terrorisme », « Dommages corporels » (Section 1 re, art. L. 126-1), et
« Dommages matériels » (Section 2, art. L. 126-2 et L. 126-3) et le chapitre II du titre II du livre IV « Le Fonds de garantie des
victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions » (art. L. 422-1 à L. 422-6).

Section 2 - Conditions du droit à indemnisation


Art. 1 - Conditions du droit à indemnisation des victimes d'infraction
§ 1 - Quant à l'infraction
370. Les conditions relatives aux infractions ouvrant droit à indemnisation ne sont pas les mêmes selon que les préjudices
résultent d'atteintes à la personne ou concernent les préjudices matériels.

371. S'agissant des infractions susceptibles de justifier l'indemnisation des atteintes à la personne. - L'article 706-3 du code de
procédure pénale ouvre le droit à indemnisation des atteintes à la personne à toute victime ayant subi un préjudice
« résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction… ». La généralité de la formule
permet une acception large qui englobe les crimes, les délits et les contraventions, sous réserve, toutefois, que le préjudice
présente le caractère de gravité exigé par la loi ou découle de certaines infractions limitativement énumérées. Le critère de
gravité est envisagé de manière très concrète par le législateur qui pose la condition que les faits incriminés aient « entraîné
la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois » (C. pr. pén.,
art. L. 706-3). La contravention de coups et blessures volontaires se trouve ainsi exclue par sa définition même, dans la
mesure où elle n'entraîne qu'une incapacité de travail de huit jours au maximum mais non la contravention de blessures
involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail comprise entre un mois et trois mois. Cependant, l'article 706-14
du code de procédure pénale prévoit l'indemnisation des victimes d'une atteinte à la personne prévue par l'article 706-3 qui
ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une
incapacité totale de travail inférieure à un mois.

372. Quant aux infractions qui font l'objet d'une énumération, elles justifient une indemnisation indépendamment de la durée
de l'incapacité de travail qu'elles ont entraînée. Il s'agit du viol et des agressions sexuelles, de certaines atteintes à la dignité
de la personne (traite des êtres humains) et de certaines atteintes sexuelles commises sur des mineurs.

3 7 3 . Volontaires ou non, il faut et il suffit que les faits à l'origine du dommage « présentent le caractère matériel d'une
infraction ». Il est évidemment nécessaire que les faits dont la Commission d'indemnisation a connaissance soient
effectivement constitutifs d'une infraction, étant ajouté que la tentative, assimilée à l'infraction consommée, entre dans les
prévisions de l'article 706-3 du code de procédure pénale (Civ. 2 e, 29 mars 2006, n o 04-18.483 , Bull. civ. II, n o 92). A ainsi
été rejetée la demande de la victime de l'incendie d'un hôtel, qui s'appuyait sur le fait que le cas fortuit et la force majeure
étant en l'espèce exclus, cet incendie « ne pouvait résulter que d'un fait humain constitutif du délit de blessures
involontaires », dès lors qu'il ne suffit pas qu'il se déduise des circonstances de l'incendie que celui-ci ne peut pas avoir
d'autre cause qu'un fait humain pour que ce fait indéterminé ait le caractère matériel d'une infraction conformément aux
termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

374. Les juridictions de l'indemnisation tiennent de l'article 706-3 du code de procédure pénale le pouvoir de rechercher si les
faits qui leur sont soumis présentent le caractère matériel d'une infraction (Civ. 2 e, 19 oct. 2006, n o 05-17.872 ) et une cour
d'appel ne donne pas de base légale à sa décision d'accueillir la demande d'indemnisation présentée par les ayants droit
d'une personne disparue qui aurait été victime d'une infraction, sans mettre en évidence les circonstances caractérisant
l'intervention d'un tiers, élément matériel de l'infraction (Civ. 2 e, 11 févr. 1998, n o 95-20.382 , Bull. civ. II, n o 52). La
commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) saisie d'une demande d'indemnisation doit, non seulement relater
les faits à l'origine du dommage, mais encore préciser la nature de l'infraction justifiant l'indemnisation. Ainsi, elle ne peut se
retrancher derrière le fait que la plainte de la victime a été classée sans suite par le parquet, pour rejeter sa demande
d'indemnisation, sans rechercher si les faits en cause présentent le caractère matériel d'une infraction (Civ. 2 e, 1 er juill. 1992,
n o 91-12.662 , Bull. civ. II, n o 179). De même, est sanctionnée par la Cour de cassation la décision d'une Commission
d'indemnisation qui accorde une provision à une victime au seul motif que les faits qui lui sont soumis donnent lieu à une
information pénale, sans rechercher s'ils présentent le caractère matériel d'une infraction (Civ. 2 e, 7 oct. 1992, n o 91-20.881
, Bull. civ. II, n o 229).

375. L'infraction n'est prise en considération qu'en tant qu'élément objectif, en dehors de toute imputabilité. Ainsi, il a été
jugé que pour l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, l'infraction n'est prise en considération qu'en tant
qu'élément objectif, indépendamment de la personne de son auteur, et il est indifférent que la personne morale, auteur
présumé de l'infraction, ne puisse être poursuivie en raison d'une cause de non-imputabilité tenant, par exemple, à ce qu'à
l'époque des faits les personnes morales ne pouvaient commettre d'infraction, de sorte qu'ayant déterminé le comportement
fautif de l'employeur de la victime à l'origine du préjudice subi par celle-ci et ayant précisé que ce fait présentait le caractère
matériel du délit de blessures involontaires, la cour d'appel a légalement justifié sa décision (Civ. 2 e, 30 nov. 2000, Bull. civ. II,
n o 161, D. 2001. 1979, note A. Schneider ).
376. Il y a lieu de préciser que le caractère matériel de l'infraction s'apprécie au jour où la juridiction de l'indemnisation statue,
de sorte que l'intervention postérieure d'une loi pénale plus douce qui abroge l'incrimination s'appliquant aux faits que la
requérante invoquait à l'origine de son préjudice et qui n'avaient pas donné lieu à une condamnation passée en force de
chose jugée fait obstacle à la réparation demandée (Civ. 2 e, 13 janv. 2005, n o 03-17.594 , Bull. civ. II, n o 7).

3 7 7 . S'agissant des infractions susceptibles de justifier l'indemnisation du préjudice matériel. - L'article 706-14 du code de
procédure pénale ne prévoit l'indemnisation des préjudices matériels que pour certaines infractions, à savoir le vol,
l'escroquerie, l'abus de confiance, l'extorsion de fonds ou la destruction, dégradation ou détérioration d'un bien lui
appartenant, sans pour autant exclure l'indemnisation du préjudice moral découlant de ces mêmes infractions. La qualification
retenue par le juge pénal s'impose à la CIVI et à la cour d'appel saisie du recours contre la décision de rejet de
l'indemnisation, ni l'une ni l'autre ne pouvant requalifier les faits pour accueillir la demande et l'énumération des infractions
figurant dans l'article 706-3 étant limitative (Civ. 2 e, 27 mars 2003, n o 02-10.479 , Bull. civ. II, n o 82).

§ 2 - Quant au lieu de l'infraction


378. Le bénéfice de la réparation intégrale est acquis aux personnes de nationalité française que l'infraction ait été commise
sur le territoire national ou en dehors de celui-ci (Civ. 2 e, 8 déc. 1999, n o 97-20.120 , Bull. civ. II, n o 182 : « L'indemnisation
de la victime française d'une infraction commise à l'occasion d'un accident de la circulation survenu à l'étranger entre dans le
champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale dès lors que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas rendue
applicable par la Convention de La Haye du 4 mai 1971 », D. 2000. Somm. 472, obs. Ph. Delebecque ). La Cour de cassation
a précisé, en rejetant le pourvoi du FGVAT à l'encontre d'un arrêt qui avait alloué une indemnisation à la victime d'une
infraction commise à l'occasion d'un accident de la circulation survenu en Italie, que « la législation française concernant
l'indemnisation des victimes d'infractions par les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions institue un droit à
réparation du dommage résultant d'une infraction commise à l'étranger » et que « cette loi, destinée à assurer une
indemnisation fondée sur la solidarité nationale, au moyen d'un système de garantie du risque social de la délinquance, confié
à une juridiction civile spécialisée, avec une dérogation à la règle d'application de la loi du lieu du délit, a, ainsi, le caractère
d'une loi d'application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger », de sorte que la cour d'appel a, à bon droit,
fait application de cette législation en la cause (Civ. 2 e, 3 juin 2004, n o 02-12.989 , Bull. civ. II, n o 265, Dr. et patr. 2004,
n o 131, obs. Fr. Monéger ; H. GROUTEL, Indemnisation des victimes d'infraction et loi étrangère, Resp. civ. et assur., déc. 2004,
p. 7).

379. L'article 706-3-3 o du code de procédure pénale précise que si la victime n'est pas de nationalité française, elle peut
cependant demander à être indemnisée si les faits présentant le caractère d'une infraction ont été commis sur le territoire
national. Il est exigé néanmoins qu'elle soit ressortissante communautaire ou bénéficie d'un titre de séjour régulier, soit au
moment des faits, soit au moment de sa demande d'indemnisation. Par voie de conséquence, la Cour de cassation estime que
l'indemnisation prévue par le texte est subordonnée, lorsque la personne lésée par l'infraction n'est pas de nationalité
française, notamment à la condition que les faits aient été commis sur le territoire national, et que les juges du fond ne
peuvent pas recourir à une fiction juridique qui permettrait de considérer un viol commis par des militaires français stationnés
en Allemagne sur une femme de nationalité allemande comme ayant eu lieu sur le territoire national (Civ. 2 e, 27 nov. 1996,
n o 94-17.823 , Bull. civ. II, n o 266).

§ 3 - Quant aux dommages


3 8 0 . Dommages causés à la personne. - La notion de « dommages résultant d'atteintes à la personne » permet d'assurer
l'indemnisation de tous les préjudices physiques et troubles dans les conditions de vie de la victime, mais aussi des effets
psychologiques de l'infraction et du préjudice moral, étant souligné que la réparation du préjudice matériel n'entre pas dans le
champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale et ne peut être envisagée que sur le fondement de l'article
706-14 du même code (Civ. 2 e, 18 juin 1997, n o 95-11.192 , Bull. civ. II, n o 194 : « L'article 706-3 du code de procédure
pénale ne prévoit la réparation que des seuls dommages résultant des atteintes à la personne et la réparation du préjudice
matériel n'entre pas dans les prévisions de ce texte »).

3 8 1 . Rappelons que le dernier alinéa de l'article 706-14 prévoit que les victimes d'une atteinte à la personne prévue par
l'article 706-3, si elles ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice dans la mesure où les faits
générateurs de celui-ci ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, peuvent néanmoins obtenir une
indemnisation, dès lors qu'elles se trouvent de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave et répondent aux
conditions de plafond de ressources posées par le texte (Civ. 2 e, 15 mars 2001, n o 99-17.007 , Bull. civ. II, n o 54 : « Selon
l'article 706-14, toute personne qui, victime d'une atteinte à la personne prévue par l'article 706-3 du code de procédure
pénale et ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, ne peut obtenir à titre quelconque une
réparation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle grave, peut obtenir
une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 à 706-12 du même code lorsque ses ressources sont
inférieures au plafond prévu par l'article 4 de la loi n o 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour bénéficier de
l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille »).

3 8 2 . L'indemnisation du préjudice moral s'étend au préjudice personnel subi par les parents d'une victime d'agression
sexuelle (Civ. 2 e, 14 janv. 1998, n o 96-11.328 , Bull. civ. II, n o 14 : l'article 706-3-2 o du code de procédure pénale n'exclut
pas, lorsque la victime d'une infraction a survécu, l'indemnisation du préjudice personnel de ses parents selon les règles du
droit commun, de sorte que l'angoisse et les souffrances endurées par les parents de la victime d'une agression sexuelle
constituent un préjudice qui résulte d'une atteinte directe à leur personne et doit être indemnisé, Resp. civ. et assur. 1998.
Comm. 92, note Groutel).

383. Mais ce préjudice doit découler de l'infraction elle-même. Ainsi, est cassé l'arrêt qui, pour indemniser le préjudice moral
allégué par les ayants droit de la victime de violences volontaires ayant entraîné la mort à raison du procès devant une
seconde cour d'assises à la suite de l'appel formé par le condamné à l'encontre du premier verdict, retient que l'évocation des
faits, pour la seconde fois devant une cour d'assises, a ravivé la douleur des proches de la victime et leur a causé un préjudice
moral distinct de celui déjà indemnisé par la précédente décision de la CIVI, alors que le préjudice allégué résultait d'une voie
de recours par l'auteur de l'infraction et alors que les sujétions inhérentes à la comparution en justice n'entrent pas dans les
prévisions de l'article 706-3 du code de procédure pénale (Civ. 2 e, 8 mars 2006, n o 04-18.023 , Bull. civ. II, n o 69). De
même, seules les conséquences dommageables de l'infraction ouvrant droit à réparation au profit de la victime ou de ses
ayants droit, l'incarcération de l'auteur de l'infraction n'est pas une conséquence dommageable de l'infraction ouvrant droit à
réparation, de sorte que c'est à juste titre qu'une cour d'appel a rejeté les demandes présentées au nom des enfants
mineurs et tendant à l'indemnisation du préjudice économique résultant de l'incarcération de leur père qui avait assassiné leur
mère (Civ. 2 e, 29 mars 2001, n o 99-15.602 , Bull. civ. II, n o 66).

3 8 4 . Dommages matériels. - Ils sont indemnisés dans les conditions prévues par l'article 706-14 tant pour les infractions
limitativement énumérées par ce texte que pour celles ayant entraîné des dommages résultant d'atteintes à la personne
lorsque les faits générateurs ont occasionné une incapacité totale de travail inférieure à un mois.

385. On peut noter que la Cour de cassation a censuré un arrêt qui avait débouté les ayants droit d'une victime française
d'un accident de la circulation survenu à l'étranger de leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des frais
de déplacement supportés pour se rendre auprès de ladite victime hospitalisée au motif que le règlement des frais de
déplacement n'était pas prévu par l'article 706-3, sans rechercher si les suites de l'accident ne rendaient pas nécessaires en
l'espèce les frais de déplacement exposés par les parents de la victime (Civ. 2 e, 20 oct. 2005, n o 04-13.633 , Bull. civ. II,
n o 263).

3 8 6 . Certains dommages sont exclus de l'indemnisation au titre du dispositif de prise en charge par l'État des conséquences
dommageables des infractions. - L'article 706-3 du code de procédure pénale exclut expressément les atteintes qui entrent
dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (nº 2000-1257 du 23 déc.
2000, JO 24 déc.), de l'article L. 126-1 du code des assurances ou du chapitre Ier de la loi nº 85-677 du 5 juillet 1985 tendant
à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation. La
Cour de cassation a jugé que les victimes d'infractions ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 706-3 du code de
procédure pénale que lorsqu'elles ne peuvent être indemnisées à aucun autre titre. Ainsi, la personne qui a été victime d'un
accident de la circulation en tant que passagère d'un véhicule automobile ne peut prétendre à une indemnisation sur le
fondement du régime de ces dispositions mais doit fonder son action sur les dispositions du chapitre 1 er de la loi du 5 juillet
1985 (Civ. 2 e, 23 juin 1993, Resp. civ. et assur. 1993. Comm. 297 ; 7 mai 2002, n o 00-20.442 , Bull. civ. II, n o 89 ; 17 mars
2005, n o 03-19.597 , Bull. civ. II, n o 71 : « Selon l'article 706-3.1 o du code de procédure pénale, toute personne ayant subi
un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction ne peut obtenir la
réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne que lorsque ces atteintes n'entrent pas,
notamment, dans le champ d'application du chapitre 1 er de la loi n o 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la
situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation »).

387. En revanche, lorsque les conditions d'application de la loi du 5 juillet 1985 ne sont pas remplies, la victime est recevable
à présenter une demande d'indemnisation devant la CIVI. C'est le cas lorsque l'accident a eu lieu en dehors des voies de
circulation ou lorsqu'un ressortissant français a été victime d'un accident de la circulation à l'étranger, puisque la loi du 5 juillet
1985 ne s'applique pas dans cette hypothèse (Civ. 2 e, 11 janv. 1995, n o 92-16.001 , Bull. civ. II, n o 10 ; 2 nov. 1994, Resp.
civ. et assur. 1994. Comm. 406) ou encore lorsque le dommage est la conséquence directe de l'action volontaire du
conducteur et ne résulte pas d'un pur accident (Civ. 2 e, 22 janv. 2004, n o 01-11.665 , Bull. civ. II, n o 14).

388. Par ailleurs, il a été jugé que les dispositions relatives à l'indemnisation des victimes d'une infraction ne sont applicables
entre concurrents d'une compétition sportive qu'en cas de violation des règles du sport pratiqué, constitutive d'un délit, de
sorte que ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel
qui accueille les demandes indemnitaires d'un copilote de rallye, blessé lors d'une sortie de route, sans relever une faute
caractérisée par une violation des règles de la conduite sportive automobile (Civ. 2 e, 4 nov. 2004, n o 03-15.808 , Bull. civ.
II, n o 485).

389. L'article 706-3 exclut également du droit à indemnisation les victimes de dommages corporels occasionnés par tout acte
de chasse ou de destruction des animaux nuisibles dont la réparation est assurée par le Fonds de garantie également
compétent en matière d'accidents de la circulation, organisé par l'article L. 421-1 du code des assurances. De même, sont
encore exclus les dommages causés par les attentats terroristes, indemnisés au titre des dispositions de l'article L. 126-1 du
code des assurances.

390. En outre, après avoir d'abord décidé que, dès lors que les faits à l'origine du dommage présentent le caractère matériel
d'une infraction, l'article 706-3 du code de procédure pénale n'interdit pas à la victime d'un accident du travail de demander
une indemnisation (Civ. 2 e, 18 juin 1997, n o 95-11.223 , Bull. civ. II, n o 191, Dr. soc. 1998, n os 7/8, n o spécial, p. 652, note
Groutel), la Cour de cassation a ensuite jugé que « les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du
travail excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions » (Civ. 2 e, 7 mai 2003, n o 01-00.815 ,
Bull. civ. II, n o 138) ou encore « les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents de service dont aucun
tiers n'est responsable excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions » (Civ. 2 e, 30 juin 2005,
n o 03-19.207 , Bull. civ. II, n o 177, Resp. civ. et assur., sept. 2005. Études 12, p. 7, l'accident de service d'un agent public et
l'indemnisation des victimes d'infraction par H. GROUTEL), puis a jugé, en dernier lieu, que « les dispositions propres à
l'indemnisation des victimes d'infraction ne sont pas applicables aux victimes d'un accident du travail imputable à l'employeur
ou ses préposés ainsi qu'à leurs ayants droit » (Civ. 2 e, 3 mai 2006, Bull. civ. II, n o 114, D. 2006. 2226, note Y. Saint-Jours ),
la notion d'ayant droit à prendre en considération étant celle de l'article 706-12 du code de procédure pénale (Civ. 2 e, 25 janv.
2007, n o 06-10.110 ) ou encore « les dispositions d'ordre public sur la réparation des accidents du travail imputables à
l'employeur ou ses préposés excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions » (Civ. 2 e, 19 oct.
2006, n o 05-18.799 ) ou enfin « les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infraction ne sont pas applicables
aux victimes d'un accident du travail imputable à un préposé d'un autre employeur que celui de la victime travaillant sur le
même chantier » (Civ. 2 e, 21 déc. 2006, n o 05-20.344 , Bull. civ. II, n o 369, Resp. civ. et assur. févr. 2007. Étude 3, Victimes
d'infraction : d'exclusions en exclusions par H. GROUTEL).

391. De même, enfin, la victime d'un accident causé sur la voie publique par un animal appartenant à un tiers non assuré doit
invoquer la garantie du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages prévu par l'article L. 421-1 du code des
assurances en sa rédaction antérieure à la loi n o 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière (D. 2003. 1947), et ne peut
donc prétendre à une indemnisation fondée sur l'article 706-3 du code de procédure pénale (Civ. 2 e, 13 juill. 2006, n o 05-
17.807 ).

§ 4 - Quant à la victime
392. Les conditions de l'indemnisation quant à la victime sont à examiner en ce qui concerne le titulaire du droit et en ce qui
concerne l'étendue de ce droit.

393. La victime titulaire du droit à indemnisation. - L'article 706-3 du code de procédure pénale vise « toute personne ayant
subi un préjudice » (art. 706-3-1 o) ou « la personne lésée » (art. 706-3-3 o) et l'article 706-14 vise également « toute
personne ». Ces formulations volontairement générales permettent de ne pas distinguer entre la victime directe, ses ayants
droit ou la victime par ricochet. Ainsi, la Cour de cassation a, sur ce fondement, consacré le droit à indemnisation du préjudice
personnel subi par les proches d'une victime d'agression sexuelle (Civ. 2 e, 14 janv. 1998, n o 96-11.328 , Bull. civ. II, n o 14,
Resp. civ. et assur. 1998, comm. 92, note Groutel).

3 9 4 . La loi du 6 juillet 1990, déjà citée, a, en ce qui concerne la nationalité de la victime, aligné le régime des victimes
d'infractions sur celui des victimes d'actes de terrorisme. On rappellera, à cet égard, que la Cour de justice des Communautés
européennes, dans l'arrêt du 2 février 1989, Cow an, saisie d'une question préjudicielle par la CIVI du tribunal de grande
instance de Paris, a dit pour droit que le principe de non discrimination doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce
qu'un État membre, pour ce qui concerne les personnes auxquelles le droit communautaire garantit, en particulier en tant que
destinataires de services, la liberté de se rendre dans cet État, subordonne l'octroi de l'indemnité au titre de l'article 706-3 du
code de procédure pénale à la condition d'être titulaire d'une carte de résident ou d'être ressortissant d'un pays ayant conclu
un accord de réciprocité avec cet État membre. Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la loi du 6 juillet 1990, en son
article 17, devait abroger l'ancien article 706-15 qui subordonnait l'octroi de l'indemnisation aux conditions ainsi dénoncées
par la Cour de Luxembourg (CJCE 2 févr. 1989, aff. 189/87, Cow an).

3 9 5 . Le bénéfice des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale est ouvert : aux personnes de nationalité
française, que l'infraction ait été commise sur le territoire national ou en dehors de celui-ci, aux ressortissants d'un État
membre de la Communauté économique européenne et aux ressortissants étrangers en séjour régulier au jour des faits ou
de la demande, sous réserve d'un traité ou d'un accord international ratifié par la France, et, pour les deux derniers cas, à
condition que l'infraction ait eu lieu sur le territoire national. S'agissant des ressortissants communautaires, on pourrait
s'interroger, dans le prolongement de l'arrêt Cow an précité, sur le point de savoir si ceux-ci peuvent être légitimement exclus
du bénéfice de ces dispositions lorsque l'infraction a été commise à l'étranger. Une telle exclusion pourrait certainement être
considérée comme constituant une discrimination directe fondée sur la nationalité. Au demeurant, la CJCE se trouve saisie de
la question préjudicielle suivante : « Au regard du principe général de non-discrimination en raison de la nationalité, énoncé à
l'article 7 du Traité de Rome (devenu art. 12 CE), les dispositions de l'article 706-3 du code français de procédure pénale sont-
elles compatibles ou non avec le droit communautaire en ce qu'un ressortissant de la Communauté européenne, résidant en
France, père d'un enfant de nationalité française, décédé hors du territoire national, serait exclu du bénéfice de
l'indemnisation servie par le Fonds de garantie, au seul motif de sa nationalité ? » (affaire C-164/07, W ood).

396. Dès lors que le législateur ne distingue pas entre la victime directe et ses ayants droit, ces derniers doivent remplir les
conditions relatives à la nationalité posées par la loi du 6 juillet 1990. La Cour de cassation a ainsi considéré que la veuve et
les enfants résidant au Maroc d'un ressortissant de cet État assassiné en France « ne se trouvaient ni au moment des faits, ni
au moment du dépôt de la requête, en situation régulière en France et qu'ils sollicitaient […] la réparation de leur propre
préjudice, et qu'agissant ainsi en tant que personnes lésées par l'infraction, ils devaient satisfaire aux exigences de l'article
706-3-3 o du code de procédure pénale » (Civ. 2 e, 21 juill. 1992, n o 91-20.622 , Bull. civ. II, n o 224). À l'inverse, il a été jugé
que le caractère irrégulier du séjour de la victime directe de l'infraction ne peut être opposé à ses ayants droit dont le séjour
est régulier et qui demandent l'indemnisation de leur préjudice personnel (Civ. 2 e, 2 mars 1994, n o 92-12.462 , Bull. civ. II,
n o 80).

397. Conformément aux dispositions de l'article 706-14 du code de procédure pénale, pour prétendre à une indemnisation, la
victime des infractions énumérées par ce texte ou d'une atteinte à la personne prévue par l'article 706-3 lorsque le fait
générateur du préjudice a entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, doit justifier que ses ressources sont
inférieures au plafond fixé pour pouvoir prétendre à l'aide juridictionnelle partielle et établir que, ne pouvant obtenir une
réparation effective et suffisante (art. 706-14, al. 1) ou une réparation intégrale (art. 706-14, al. 3) de son préjudice, elle se
trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave (Civ. 2 e, 7 mai 2003, n o 01-16.554 , Bull. civ. II,
n o 139, JCP 2003. II. 1523-1524, note R. Desgorces). La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que le dispositif
d'indemnisation prévu par ce texte a pour vocation de réparer les préjudices subis par les seules victimes personnes
physiques (Civ. 2 e, 30 mai 2007, n o 06-13.098 , une association victime d'un vol avec effraction est ainsi irrecevable à
demander une indemnisation).
398. La Cour de cassation a également énoncé que la gravité de la situation matérielle s'apprécie au regard des ressources
propres de la victime (Civ. 2 e, 29 mars 2001, n o 99-17.584 , Bull. civ. II, n o 65 ; 15 mars 2001, Bull. civ. II, n o 54) et a ainsi
considéré que le vol d'un véhicule par un auteur insolvable met la victime dans une situation matérielle grave, dès lors qu'elle
est contrainte de signer un engagement de prêt pour en acquérir un nouveau (Civ. 2 e, 8 nov. 1993, n o 91-21.282 , Resp.
civ. et assur. 1994. Comm. 6).

399. Notons que les dispositions ci-dessus évoquées sont d'ordre public et la Commission d'indemnisation doit apprécier, au
moment où elle statue, les conditions légales donnant droit à l'indemnisation prévue par la loi.

400. Étendue et restrictions du droit à indemnisation. - Lorsqu'elle remplit les conditions légales, la victime a, en principe, droit à
la réparation intégrale de son préjudice. Toutefois, l'article 706-3, dernier alinéa, prévoit que « la réparation peut être refusée
ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ». La notion de « faute » de la victime renvoie au droit commun de la
jurisprudence en matière de responsabilité civile et conduit les juridictions d'indemnisation à rechercher si le comportement
fautif de la victime n'est pas à l'origine, au moins partiellement, de la réalisation du dommage et à contrôler la faute et le lien
de causalité existant entre celle-ci et le dommage allégué.

4 0 1 . La jurisprudence traduit l'extrême variété des fautes de la victime, susceptibles de réduire ou d'exclure son droit à
indemnisation, telles la participation à une rixe ou à une bagarre (sauf si la victime est simplement intervenue pour séparer
les protagonistes), la provocation ou les violences antérieurement exercées à l'encontre de l'auteur de l'infraction (Civ. 2 e,
11 avr. 2002, n o 00-17.774 , Bull. civ. II, n o 77), une altercation avec celui-ci (Civ. 2 e, 1 er juill. 1992, n o 91-20.570 , Bull.
civ. II, n o 184), l'état d'ivresse et l'agressivité de la victime, la fréquentation du milieu (Civ. 2 e, 11 déc. 2003, Bull. civ. II,
n o 378), les relations conflictuelles nées d'une participation à une activité criminelle commune (Civ. 2 e, 20 avr. 2000, n o 98-
12.215 , Bull. civ. II, n o 64 ; 13 déc. 2001, n o 00-11.805 , Bull. civ. II, n o 193 ; 4 juill. 2002, n o 01-03.420 , ibid. II,
n o 155), étant ajouté que la faute de la victime est opposable à ses ayants droit ou à la victime par ricochet qui sollicitent une
indemnisation (Civ. 2 e, 18 déc. 1996, n o 94-21.006 , Bull. civ. II, n o 297, Resp. civ. et assur. 1997. Comm. 7, note Groutel).

402. Le refus de réparation ou la réduction de son montant suppose un lien de causalité directe entre la faute de la victime et
le dommage subi par elle (Civ. 2 e, 5 juill. 2006, n o 05-11.317 ). D'une manière générale, la tendance de la jurisprudence
est, pour tirer les conséquences juridiques du comportement de la victime, de prendre en considération le degré de sa
participation à la situation illicite qui est à l'origine de son dommage. À cet égard, la commission d'une faute pénale par la
victime n'est pas en soi la marque d'une contribution à la commission de l'infraction pour laquelle elle demande une
indemnisation (Civ. 2 e, 2 févr. 1994, n o 92-14.005 , Bull. civ. II, n o 45) et la situation illicite dans laquelle elle se trouve ne lui
fait pas nécessairement perdre son droit à obtenir une indemnité de la CIVI. Ainsi, a-t-il pu être souligné que « les effets de la
faute de la victime sur son indemnité répondent à l'idée de solidarité qui est le fondement social du droit reconnu à la victime
d'une infraction » (V. A. SCHNEIDER, La faute de la victime devant la CIVI, D. 2003. Chron. 1185 ).

4 0 3 . Si la Cour de cassation contrôle la faute et le lien de causalité, en revanche, les juges du fond apprécient
souverainement si la faute de la victime limite ou exclut son droit à indemnisation ou celui de ses ayants droit (Civ. 2 e, 10 juin
2004, n o 03-12.133 , Bull. civ. II, n o 284, réduction de moitié de la réparation du préjudice des ayants droit d'une victime
décédée qui, par son comportement fautif, avait directement concouru à la réalisation de son dommage résultant de
l'infraction de non-assistance à personne en danger ; idem : Civ. 2 e, 13 déc. 2001, n o 00-11.805 , Bull. civ. II, n o 193). Ainsi,
un comportement imprudent ou irréfléchi de la victime peut être regardé comme étant sans lien avec le dommage causé par
l'infraction lorsqu'il ne peut « être rattaché à des conséquences aussi imprévisibles et aussi dramatiques que celles
imputables à l'auteur des faits » (Civ. 2 e, 23 juin 1983, Bull. civ. II, n o 228).

Art. 2 - Conditions du droit à indemnisationdes victimes d'actes de terrorisme


§ 1 - Quant à la notion d'acte de terrorisme
404. Les articles L. 126-1 et L. 126-2 du code des assurances, issus de la loi n o 86-1020 du 9 septembre 1986 (JO 10 sept.)
et modifiés par la loi nº 2006-64 du 23 janvier 2006 (JO 24 janv.), ne définissent pas formellement l'acte de terrorisme. Celui-ci
est défini aux articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal en leur dernière rédaction issue des lois nº 2004-204 du 9 mars 2004
(D. 2004. 737) et nº 2005-1550 du 12 décembre 2005 (JO 13 déc.) et recouvre la commission de certains actes ou
agissements et infractions intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de
troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, la participation à un groupement ou une entente en vue de la
préparation de tels infractions et actes ainsi que le financement d'une telle entreprise.

4 0 5 . Ces textes utilisent, le premier, la notion d'« actes de terrorisme » pour organiser l'indemnisation des dommages
corporels, et, le second, les termes d'« actes de terrorisme ou […] attentats » lorsqu'il s'agit d'imposer la garantie contre les
dommages matériels dans les contrats d'assurance de biens. Cette différence de formulation apparaît sans incidence dans la
mesure où la notion d'attentat est assimilée à celle d'acte de terrorisme, étant ajouté que ces notions se distinguent des
actes de guerre et, évidemment, des actes commis à l'occasion d'émeutes ou d'attroupements.

§ 2 - Quant aux dommages indemnisés


406. L'article L. 126-1 du code des assurances met seulement à la charge de la collectivité, au titre de la solidarité nationale,
l'indemnisation des dommages corporels, tandis que l'article L. 126-2 renvoie à l'assurance celle des dommages matériels.

407. L'article L. 126-3 oblige, en effet, les assureurs à insérer, « dans les contrats d'assurance garantissant les dommages
d'incendie à des biens situés sur le territoire national ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur »,
une clause étendant leur garantie aux dommages matériels directs causés aux biens assurés par un attentat ou un acte de
terrorisme tel que défini par les articles 421-1 et 421-2 du code pénal et subis sur le territoire national, toute clause contraire
étant réputée non écrite, étant ajouté que la garantie couvre également les dommages immatériels consécutifs aux
dommages matériels.

408. En revanche, aux termes de l'article L. 422-1 du code des assurances, l'indemnisation intégrale des dommages causés à
la personne par des actes de terrorisme est assurée par le FGVAT. Sont ainsi indemnisés tous les chefs de préjudice liés aux
atteintes à l'intégrité physique des victimes de tels actes, y compris le préjudice spécifique correspondant aux effets
psychologiques des attentats rendant nécessaire une thérapie appropriée. Le lien de causalité entre le dommage et l'acte de
terrorisme est apprécié dans les conditions du droit commun, en l'absence de disposition particulière posée par le législateur.
La charge de la preuve incombe donc à la victime ou à ses ayants droit, étant néanmoins souligné que le Fonds de garantie
assiste les victimes dans la constitution de leur dossier d'indemnisation.

409. Il y a lieu de préciser que les préjudices subis par les proches ne sont indemnisés que lorsque la victime est décédée et
leur indemnisation couvre les frais funéraires, le préjudice économique et les préjudices moraux.

410. Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur de la loi n o 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives à la
sécurité sociale et à la santé (D. 1990. 118), les victimes d'actes de terrorisme commis depuis le 1 er janvier 1982 bénéficient
des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicables aux victimes civiles de
guerre. Par l'application de ce régime qui traduit la spécificité qui reste attachée aux actes de terrorisme, le bénéfice de prêts
spécifiques et d'aides individualisées peut notamment être obtenu, un droit aux soins gratuits étant par ailleurs reconnu.

§ 3 - Quant à la victime
411. Aux termes de l'article L. 126-1 du code des assurances, le droit à indemnisation est ouvert aux « victimes d'actes de
terrorisme commis sur le territoire national, aux personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes
ainsi qu'à leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité ». Les conditions d'indemnisation de la victime directe sont
variables selon que l'acte terroriste a été commis en France ou dans un pays étranger. Dans le premier cas, aucune condition
de nationalité n'est requise, dans le second cas au contraire, l'indemnisation est limitée aux victimes de nationalité française,
tandis que la nationalité des ayants droit, lorsqu'ils peuvent prétendre à une indemnisation, est indifférente.

412. L'article L. 126-1, alinéa 2, du code des assurances dispose que « la réparation peut être refusée ou son montant réduit
à raison de la faute de la victime ». L'appréciation de la faute de la victime est réalisée selon des critères exactement
identiques à ceux développés en matière d'infraction et cette faute est opposable aux ayants droit dans les mêmes conditions
qu'en matière d'infraction.

Section 3 - Procédures d'indemnisation


413. Dans le même esprit que la loi du 6 juillet 1990, la loi n o 2004-204 du 9 mars 2004 (D. 2004. 737) a encore opéré un
rapprochement des procédures d'indemnisation des victimes d'infractions et d'actes de terrorisme, même si des différences
subsistent. Les textes actuels prévoient l'intervention du FGVAT, organisme payeur unique pour les deux procédures.

4 1 4 . L'indemnisation des victimes d'infractions se caractérise par l'intervention des CIVI, mais, désormais, la requête en
indemnisation est aussitôt transmise par le secrétariat de la Commission au FGVAT qui, comme dans le cas des victimes
d'actes de terrorisme par lesquelles il est saisi directement, dispose d'un délai pour proposer une offre et verser des
provisions.

Art. 1 - Fonds d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions


415. Le FGVAT a été créé par la loi du 9 septembre 1986 pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et la loi du
6 juillet 1990 lui a confié la mission supplémentaire de verser les indemnités allouées aux victimes d'infractions par les CIVI. Le
FGVAT intervient donc, comme organisme payeur, dans les deux régimes d'indemnisation.

416. Doté de la personnalité civile, selon l'article L. 422-1 du code des assurances, le FGVAT est, quant à son organisation
administrative et financière, régi, outre les dispositions de ce texte législatif, par les articles R. 422-1 et suivants du même
code, ainsi que par ses statuts, approuvés par arrêté conjoint du ministre de la Justice et du ministre chargé des Assurances.
Il peut être qualifié d'établissement public administratif et est géré par un conseil d'administration dont le président nommé
par arrêté conjoint du ministre chargé de l'Économie et des finances et du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, parmi les
membres en activité ou honoraires du Conseil d'État ayant au moins atteint le grade de conseiller d'État ou parmi les
membres en activité ou honoraires de la Cour de cassation ayant au moins atteint le grade de conseiller ou d'avocat général.

4 1 7 . Selon l'article L. 422-1, alinéa 2, du code des assurances : « Le Fonds […] est alimenté par un prélèvement sur les
contrats d'assurance de biens… », cette contribution étant « assise sur les primes ou cotisations des contrats d'assurance de
biens » souscrits auprès d'une entreprise visée à l'article L. 310-2.

Art. 2 - Régime d'indemnisation des victimes d'infraction


§ 1 - Compétence des CIVI
418. Une Commission est instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et ses siège et ressort sont ceux
de ce tribunal. Cette Commission a le caractère d'une juridiction civile qui se prononce en premier ressort. Elle est composée
de deux magistrats du siège du tribunal de grande instance et d'une personne majeure, de nationalité française et jouissant
de ses droits civiques, s'étant signalée par l'intérêt qu'elle porte aux problèmes des victimes. Elle est présidée par l'un des
magistrats. Les membres de la Commission et leurs suppléants sont désignés pour une durée de trois ans par l'assemblée
générale des magistrats du siège du tribunal. Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur de la
République ou l'un de ses substituts. Le secrétariat de la Commission est assuré par le greffier en chef ou par un secrétaire-
greffier du tribunal de grande instance.

419. Aux termes des articles R. 50-4 à R. 50-6 du code de procédure pénale, la Commission territorialement compétente est :
soit celle dans le ressort de laquelle demeure le demandeur, soit, si une juridiction pénale a été saisie en France
métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer, celle dans le ressort de laquelle cette juridiction a son siège, et le
demandeur peut, à son choix, présenter sa requête devant l'une ou l'autre de ces deux Commissions. Si le demandeur ne
demeure pas en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer et si aucune juridiction pénale n'a été saisie
dans ces départements ou en métropole, la Commission compétente est celle du tribunal de grande instance de Paris. Et, en
cas de pluralité de demandeurs victimes d'une même infraction, la Commission saisie par l'un d'entre eux peut être également
saisie par les autres, ce qui permet d'assurer une gestion unique des dossiers et donc d'accélérer la procédure.

§ 2 - Procédure
420. Aux termes de l'article R. 50-7 du code de procédure pénale, la victime, en vue de saisir la Commission d'indemnisation,
peut être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions du droit commun, par le bureau établi près le
tribunal de grande instance. La demande d'aide judiciaire interrompt les délais prévus aux articles 706-5 et 706-8 du même
code pour présenter la demande d'indemnité.

4 2 1 . L'article 706-5 du code de procédure pénale prévoit que, à peine de forclusion, la demande d'indemnité doit être
présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction, ce délai étant prorogé et n'expirant qu'un an après la
décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction
répressive lorsque des poursuites pénales sont exercées. Il est précisé que, lorsque l'auteur d'une infraction mentionnée aux
articles 706-3 et 706-14 est condamné à verser des dommages-intérêts, le délai d'un an court à compter de l'avis donné par
la juridiction en application de l'article 706-15. Toutefois, la Commission peut relever le requérant de la forclusion lorsqu'il n'a
pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ou
pour tout autre motif légitime.

422. La Cour de cassation a jugé qu'aucun texte n'écarte l'application de la suspension de la prescription, prévue par l'article
2252 du code civil au profit des mineurs, au délai édicté par l'article 706-5 du code de procédure pénale (Civ. 2 e, 26 sept.
2002, n o 00-18.149 , Bull. civ. II, n o 195).

4 2 3 . L'article 706-8 prévoit que, lorsque la juridiction statuant sur les intérêts civils a alloué des dommages-intérêts d'un
montant supérieur à l'indemnité accordée par la Commission, la victime peut demander un complément d'indemnité dans le
délai d'un an après que la décision statuant sur les intérêts civils est devenue définitive.

424. La Commission est saisie par une requête signée de la personne lésée, de son représentant légal ou de son conseil et
remise, ou adressée par lettre recommandée, au secrétaire de la Commission qui en délivre récépissé. Cette requête doit
contenir tous renseignements utiles à l'instruction de la demande d'indemnité et être accompagnée de toutes pièces
justificatives (C. pr. pén., art. R. 50-9). Il a été jugé que la victime d'une infraction n'a pas à tenter d'obtenir l'indemnisation de
son préjudice, des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer
la réparation, préalablement à la saisine du président de la Commission d'indemnisation (Civ. 2 e, 13 déc. 2001, n o 00-12.105
, Bull. civ. II, n o 191).

425. Lorsqu'elle est fondée sur l'article 706-14, la requête doit, en outre, contenir notamment l'indication du montant des
ressources du demandeur avec les justifications utiles et les éléments desquels résulte l'impossibilité d'obtenir auprès des
organismes publics ou privés dont relève le demandeur ou de toute autre personne morale ou physique la réparation effective
et suffisante de son préjudice, ainsi que la description de la situation matérielle grave dans laquelle il se trouve de ce fait
(art. R. 50-10).

426. La procédure a été simplifiée et rapprochée de celle en vigueur pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme,
afin de favoriser l'accélération de la réparation des dommages consécutifs aux autres infractions. Selon les dispositions des
articles L. 706-5-1 et R. 50-12 du code de procédure pénale, le secrétaire de la Commission transmet sans délai copie de la
requête et des pièces annexes au procureur de la République près le tribunal de grande instance et au Fonds de garantie des
victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. Désormais, le Fonds dispose d'un délai de deux mois pour faire une
offre d'indemnisation qui indique l'évaluation retenue par le Fonds de garantie pour chaque chef de préjudice et le montant
des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations et des indemnités de toute nature reçues ou à
recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. En cas d'acceptation par la victime de l'offre d'indemnisation, le Fonds
de garantie transmet le constat d'accord au président de la Commission d'indemnisation aux fins d'homologation, auquel cas il
est conféré force exécutoire à ce constat d'accord. En cas de refus motivé du Fonds de garantie, ou de désaccord de la victime
sur l'offre qui lui est faite, l'instruction de l'affaire par le président de la Commission ou le magistrat assesseur se poursuit,
dans le respect du principe de la contradiction, et aboutit à une audience dont les débats ont lieu en chambre du conseil et la
décision est également rendue en chambre du conseil.

427. En application des articles R. 91 et R. 92.15 du code de procédure pénale, les frais exposés devant les juridictions de
première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions sont à la charge du Trésor public
(Civ. 2 e, 19 févr. 2004, n o 02-15.550 , Bull. civ. II, n o 71).

§ 3 - Indemnisation
A. - S'agissant des dommages à la personne
428. Provisions. - Aux termes de l'article 706-6, dernier alinéa, du code de procédure pénale, « le président de la commission
peut accorder une ou plusieurs provisions en tout état de la procédure », mais il ne peut le décider que si le droit à
indemnisation du requérant n'est pas réellement contestable (Civ. 2 e, 20 juill. 1993, n o 91-20.883 , Bull. civ. II, n o 270), ce
qui implique notamment que les faits à l'origine du dommage présentent le caractère matériel d'une infraction (Civ. 2 e, 1 er juill.
1992, n o 91-12.662 , Bull. civ. II, n o 179), sans être tenu de surseoir à statuer si une information pénale est en cours, le
principe « le criminel tient le civil en état » n'étant pas applicable aux demandes de provisions formées devant une CIVI
(Civ. 2 e, 15 nov. 2001, n o 00-12.506 , Bull. civ. II, n o 166).

429. Caractère autonome de l'indemnité. - L'indemnité accordée à la victime d'infraction est complètement autonome de l'action
dirigée contre l'auteur de l'infraction et d'ailleurs, selon l'article 706-7 du code de procédure pénale, lorsque des poursuites
pénales ont été engagées, la décision de la Commission peut intervenir avant qu'il ait été statué sur l'action publique.
Toutefois, il est prévu que, pour l'application du dernier alinéa de l'article 706-3, la Commission d'indemnisation peut surseoir
à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction répressive et doit même, dans tous les cas, surseoir à statuer à la
demande de la victime.

430. Il résulte de cette autonomie que la Commission d'indemnisation doit procéder elle-même à l'évaluation du préjudice
dont l'indemnisation est réclamée, sans s'estimer liée par l'appréciation du juge répressif (Civ. 2 e, 13 oct. 1993, n o 91-21.540
, Bull. civ. II, n o 285 : « En s'estimant liée par la décision pénale, alors qu'elle aurait dû elle-même évaluer le montant du
préjudice, la Commission, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs » ; a contrario, approbation d'une décision d'une CIVI qui ne
s'estime pas liée par l'évaluation du juge pénal : Civ. 2 e, 24 nov. 1993, n o 92-12.461, Bull. civ. II, n o 341), ni même se référer à
la décision pénale (Civ. 2 e, 5 janv. 1994, n o 91-22.225 , Bull. civ. II, n o 7 ; 29 avr. 1994, Resp. civ. et assur. 1994. Comm.
259 ; 18 déc. 1995, ibid. 1996. Comm. 88).

4 3 1 . Évaluation de l'indemnité. - L'évaluation de l'indemnité est réalisée, à la date de la décision, conformément au droit
commun de la responsabilité civile, et échappe au contrôle de la Cour de cassation (Civ. 2 e, 23 juin 1993, Resp. civ. et assur.
1993. Comm. 311 ; 5 févr. 2004, n o 02-50.079 , Bull. civ. II, n o 47 ; 5 juill. 2006, n o 05-16.122 , Bull. civ. II, n o 188). La
CIVI évalue souverainement le préjudice, en considération de l'ensemble des éléments d'appréciation qui lui sont soumis, et
peut adopter le mode de calcul de l'indemnité qui lui semble le plus favorable à la victime (Civ. 2 e, 7 juill. 1993, Resp. civ. et
assur. 1993. Comm. 309), sans toutefois pouvoir se fonder sur l'équité.

4 3 2 . Sommes imputables sur le montant de l'indemnité. - Il est évident que lorsqu'une victime a plusieurs débiteurs
d'indemnisations, elle ne doit pas bénéficier d'un cumul qui lui permettrait de recevoir une somme supérieure au préjudice
subi. Le principe est cependant que seules peuvent être déduites de la somme globale allouée à la victime les indemnités
déjà perçues ou à percevoir, destinées à réparer le même préjudice, ainsi que les salaires et les accessoires du salaire
maintenus par l'employeur. Par conséquent, les juges du fond doivent nécessairement rechercher si les sommes perçues par
la victime ont pour objet de réparer le préjudice (Civ. 2 e, 7 oct. 1992, n o 91-19.705 , Bull. civ. II, n o 230 ; 7 févr. 1996,
n o 93-20.770 , ibid. II, n o 34). L'article 706-9 du code de procédure pénale énumère les prestations et sommes de toute
nature, perçues ou à percevoir par la victime de la part de tous débiteurs pour le même préjudice, que la Commission
d'indemnisation doit prendre en considération pour fixer le montant de l'indemnisation, cette imputation devant intervenir
après l'éventuelle réduction du droit à indemnisation en raison de la faute commise par la victime (Civ. 2 e, 7 oct. 1992, n o 91-
19.705 , Bull. civ. II, n o 230 ; 8 oct. 1997, Resp. civ. et assur. 1997. Comm. 360 ; 5 févr. 2004, n o 02-14.181 , Bull. civ. II,
n o 47). Il en est ainsi, des prestations versées par la caisse de sécurité sociale (Civ. 2 e, 5 févr. 2004, Bull. civ. II, n o 47), des
arrérages échus et du capital représentatif de la rente des arrérages à échoir (Civ. 2 e, 24 févr. 2000, n o 98-15.222 , Bull.
civ. II, n o 35).

433. En revanche, le capital décès versé par une compagnie d'assurances n'a pas à être imputé sur le préjudice indemnisé
dès lors qu'il s'agit d'un contrat souscrit par un employeur au bénéfice de chaque membre de son personnel, et qu'il est donc
totalement indépendant du dommage causé par l'infraction (Civ. 2 e, 6 nov. 1996, n o 94-14.709 , Bull. civ. II, n o 244). Il en
va de même des sommes versées à la victime en vertu d'un contrat d'assurance, qui sont fonction d'un capital fixé aux
conditions particulières affecté d'un pourcentage résultant d'un barème de référence et sont indépendantes dans leurs
modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun et, par suite, revêtent un
caractère nécessairement forfaitaire (Civ. 2 e, 20 oct. 2005, n o 04-13.633 , Bull. civ. II, n o 263). De même encore, l'allocation
compensatrice attribuée au titre de la tierce personne, servie en exécution d'une obligation nationale destinée à garantir un
minimum de ressources aux personnes handicapées, et dont le montant est fixé par le président du conseil général du
département de la résidence de l'intéressé compte tenu, notamment de ses ressources, qui constitue une prestation
d'assistance dépourvue de caractère indemnitaire, de sorte qu'elle ne doit pas être déduite des sommes allouées au titre de
la réparation du préjudice causé à la victime d'une tentative d'assassinat (Civ. 2 e, 5 juill. 2006, n o 05-16.122 , Bull. civ. II,
n o 188), comme l'allocation complémentaire de l'indemnité d'insertion, versée dans le cadre du devoir de solidarité nationale
qui n'a aucun caractère indemnitaire et doit être exclue du calcul de l'indemnité allouée par la CIVI (Civ. 2 e, 24 mai 2006,
n o 04-19.210 , Bull. civ. II, n o 133).

4 3 4 . Lorsque la victime, postérieurement au paiement de l'indemnité, obtient, du chef du même préjudice, une des
prestations ou indemnités visées à l'article 706-9, le Fonds peut, par simple requête, demander à la Commission qui l'avait
accordée d'ordonner le remboursement total ou partiel de l'indemnité ou de la provision.

B. - S'agissant des dommages matériels


435. Pour les dommages de cette nature, l'indemnité est plafonnée. L'article 706-14 prévoit, en effet, que l'indemnité est au
maximum égale au triple du montant mensuel du plafond de ressources fixé pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle.
436. Versement de l'indemnité. - Les sommes allouées à la victime en application des articles 706-3 à 706-14 sont versées par
le Fonds de garantie dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de la Commission ou de l'homologation
du constat d'accord.

§ 4 - Recours
437. Recours contre les décisions des CIVI. - Les décisions de la Commission et du président de la Commission ne peuvent être
frappées d'opposition. Elles peuvent être frappées d'appel quel que soit le montant de la demande.

438. Recours ouverts au FGVAT. - Le FGVAT, outre l'appel, bénéficie de deux types d'actions. D'une part, sur le fondement de
l'article 706-10 du code de procédure pénale, il peut demander à la CIVI d'ordonner le remboursement total ou partiel de
l'indemnité accordée. D'autre part, en vertu de l'article 706-11 de ce même code, il est subrogé dans les droits de la victime.

439. Demande de remboursement. - La demande de remboursement prévue par l'article 706-10 du code de procédure pénale
peut être exercée par le FGVAT lorsque la « victime, postérieurement au paiement de l'indemnité, obtient, du chef du même
préjudice, une des prestations ou indemnités visées à l'article 706-9 », c'est-à-dire concrètement des prestations sociales ou
des salaires et accessoires de salaires maintenus par son employeur.

440. Subrogation du FGVAT dans les droits de la victime. - Aux termes de l'article 706-11 du code de procédure pénale, « le
Fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction
ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la
provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ».

Actualité
440 s. Indemnisation des victimes d'infractions et d'actes de terrorisme. Régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Recours.
Subrogation du Fonds de garantie des victimes à l'encontre de l'État. - L'employeur d'un fonctionnaire, tenu à son égard à une
obligation de protection, fait partie des personnes auxquelles le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et
d'autres infractions (FGTI) peut réclamer le remboursement de l'indemnité versée à l'agent victime, dans la limite des droits de
ce dernier à l'encontre de son employeur. Cette subrogation peut être exercée que la commission d'indemnisation des
victimes d'infractions (CIVI) se soit prononcée avant ou après la condamnation de l'auteur de l'infraction à indemniser la
victime (CE 10 avr. 2009, Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions c/ Min. Intérieur, Outre-
mer et Collectivités territoriales, req. n o 307871 , AJDA 2009. 735, obs. de Montecler ).
Recours du fonds de garantie des victimes et autorité de la chose jugée. - Le recours subrogatoire du fonds de garantie des
victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) peut s'exercer sur l'indemnité qu'une personne publique a été
condamnée à verser à la victime, même si la décision de justice ne l'a pas prévu (CE 4 oct. 2010, M. et Mme A., req. n o 316310
, AJDA 2010. 1857, obs. de Montecler ).

441. Le texte permet au Fonds d'exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile
devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel (Crim. 29 oct. 2002, n o 01-82.109 , Bull.
crim., n o 197 ; 17 mars 2004, n o 03-84.448 , ibid., n o 68, s'agissant de l'intervention du Fonds pour la première fois devant
la cour d'assises d'appel). Lorsqu'il se constitue partie civile par lettre recommandée, le Fonds peut demander le
remboursement des sommes mises à sa charge sans limitation de plafond nonobstant les dispositions de l'article 420-1 du
code de procédure pénale et même si la victime à laquelle il a versé une indemnité ne s'est pas constituée partie civile dans la
procédure pénale suivie contre l'auteur de l'infraction (Crim. 31 mai 2000, n o 99-84.507 , Bull. crim., n o 209 ; Civ. 2 e, 23 mai
2002, n o 00-19.830 , Bull. civ. II, n o 106). La constitution de partie civile du Fonds de garantie devant la juridiction pénale
pour réclamer le remboursement des sommes mises à sa charge par la décision de la CIVI, dont il avait interjeté appel,
n'implique pas son acquiescement à cette décision assortie de l'exécution provisoire (Civ. 2 e, 6 juin 2002, n o 01-01.609 ,
Bull. civ. II, n o 115).

442. Il résulte de l'article 706-11 que seule l'infraction ayant ouvert le droit à indemnisation de la victime par la Commission
d'indemnisation des victimes d'infractions peut fonder le recours subrogatoire du Fonds de garantie des victimes d'infractions
(Civ. 2 e, 5 juill. 2006, n o 05-13.606 , Bull. civ. II, n o 186) et le Fonds ne peut exercer son recours que s'il justifie que les
personnes dans les droits desquelles il est subrogé ont subi un préjudice découlant de l'infraction (Crim. 24 nov. 2004, n o 04-
80.226 , Bull. crim., n o 298).

Actualité
442. Régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Recours. Mise en cause du Fonds de garantie des victimes d'infractions. - En
raison de la subrogation du Fonds de garantie dans les droits de la victime qu'instituent les dispositions de l'article 706-11 du
code de procédure pénale, régissant un mode d'indemnisation fondé sur la solidarité nationale, et en application des principes
qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction au
sens des dispositions des articles 706-3 et 706-4 du même code a saisi une commission d'indemnisation des victimes
d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres
infractions doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi afin, d'une
part, de permettre à celui-ci d'exercer son droit de subrogation et, d'autre part, de s'assurer qu'il ne procédera pas, s'il donne
suite à la demande de condamnation, à une double indemnisation des mêmes préjudices (CE, avis, 7 avr. 2010, M. Idrissi
et a., req. n o 333407 , AJDA 2010. 758, obs. Biget ).
443. L'article 728-1 du code de procédure pénale, récemment complété, prévoit désormais que « lorsque le fonds de garantie
des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions intervient en application des dispositions de l'article 706-11, il est
assimilé à une partie civile et bénéficie des mêmes droits dès lors que le prélèvement au profit des parties civiles a eu lieu ».

444. Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, le FGVAT peut demander au procureur de la République de requérir de toute
personne ou administration la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale
des personnes ayant à répondre du dommage. Dans ce cas, le secret professionnel n'est pas opposable au procureur de la
République, mais les renseignements ainsi recueillis ne peuvent de plus être utilisés à d'autres fins que celles liées à l'action
exercée par le Fonds.

Art. 3 - Régime d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme


445. Fondé sur la solidarité, le régime d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme est dominé par le souci de garantir
aux victimes une réparation rapide et intégrale des dommages corporels. La procédure se trouve donc volontairement
simplifiée, à partir de l'exemple de la procédure d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation mise en place par la
loi du 5 juillet 1985.

§ 1 - Saisine du FGVAT
446. Absence de formalisme. - La saisine du FGVAT se caractérise par la volonté de simplifier les démarches imposées à la
victime et n'est revêtue d'aucun formalisme, toute personne qui s'estime victime d'un acte de terrorisme pouvant saisir
directement le Fonds de garantie. La victime n'a d'ailleurs pas à prouver le caractère terroriste de l'acte dont elle a subi les
conséquences dommageables, dans la mesure où, selon l'article R. 422-6 du code des assurances, « dès la survenance d'un
acte de terrorisme, le procureur de la République ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétente informe sans délai le
fonds de garantie des circonstances de l'événement et de l'identité des victimes ».

447. La saisine du Fonds n'est soumise à aucun délai. Par voie de conséquence, la prescription qui s'applique est celle du
droit commun, c'est-à-dire dix ans (C. civ., art. 2270-1). L'application du droit commun en ce domaine permet de garantir que
le FGVAT est tenu à l'égard de la victime pour une durée aussi longue que celle qui oblige le responsable lui-même.

§ 2 - Procédure
448. Elle est marquée par un souci de célérité. Aux termes de l'article L. 422-2 du code des assurances, le Fonds de garantie
est tenu, dans un délai d'un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime
qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit, sans préjudice du droit pour ces
victimes de saisir le juge des référés. En outre, il est tenu de présenter à toute victime une offre d'indemnisation dans un délai
de trois mois à compter du jour où il reçoit de celle-ci la justification de ses préjudices. Cette disposition est également
applicable en cas d'aggravation du dommage. Les offres tardives ou manifestement insuffisantes peuvent ouvrir droit à des
dommages-intérêts au profit de la victime.

4 4 9 . Selon l'article R. 422-8 du code des assurances, l'offre d'indemnisation des dommages résultant d'une atteinte à la
personne faite à la victime d'un acte de terrorisme indique l'évaluation retenue par le Fonds pour chaque chef de préjudice et
le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi nº 85-677
du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice, tels
que, notamment, les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de
sécurité sociale, les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation, les salaires et
accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné
le dommage et les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes
régis par le code de la mutualité, ainsi que, d'une façon générale, toutes les prestations indemnitaires afférentes au
dommage causé par l'acte de terrorisme.

§ 3 - Indemnisation
4 5 0 . L'évaluation de l'indemnité est réalisée par le FGVAT conformément au droit commun, et donc selon des principes
identiques à ceux qui gouvernent l'indemnisation des victimes d'infraction.

451. Le paiement de l'indemnité ne peut intervenir qu'une fois que la victime a accepté l'offre formulée par le FGVAT, étant
noté l'existence de dispositions protectrices au profit des mineurs et des incapables majeurs (C. assur., art. L. 211-15). Le
législateur accorde à la victime le droit de retirer son consentement. Ce droit de rétraction est d'ordre public et n'a pas à être
motivé. La victime ne peut donc y renoncer et toute stipulation contraire serait nécessairement nulle. Les dispositions
relatives à ce droit de rétractation doivent figurer en caractères apparents dans l'offre, à peine de nullité de celle-ci. Pour
exercer son droit de rétractation, la victime doit adresser au FGVAT une lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, dans un délai de quinze jours à compter de l'acceptation de l'offre d'indemnisation. L'exercice du droit de rétraction
est assimilé au refus de l'offre. De fait, comme si elle avait refusé l'offre, la victime peut reprendre les négociations avec le
Fonds, ou encore saisir les tribunaux.

4 5 2 . En cas d'acceptation de l'offre, le paiement des sommes convenues doit intervenir dans un délai d'un mois après
l'expiration du délai de dénonciation. Dans le cas contraire, les sommes non versées produisent de plein droit intérêt au taux
légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ces deux mois, au double du taux légal.

453. L'exécution de la transaction conclue produit un effet extinctif, sous réserve de l'éventuelle aggravation du dommage
subi par la victime. L'article L. 422-2 du code des assurances lui ouvre dans ce cas un droit à une indemnisation
complémentaire.

§ 4 - Recours
454. Recours ouvert à la victime. - En cas de litige entre la victime et le FGVAT, la compétence est celle du juge civil « qui n'est
pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction répressive si les faits générateurs du dommage ont
donné lieu à des poursuites pénales » (C. assur., art. L. 422-3). La loi précise en outre que l'action des victimes se prescrit par
le délai prévu à l'article 2270-1 du code civil, c'est-à-dire « dix ans à compter des manifestations du dommage ou de son
aggravation ».

4 5 5 . Recours ouvert au FGVAT. - Comme en matière d'infractions, le FGVAT « est subrogé dans les droits que possède la
victime contre la personne responsable du dommage » (C. assur., art. L. 422-1, al. 3). Ce recours s'exerce dans les mêmes
conditions que celui qui existe en matière d'indemnisation des victimes d'infractions. Le FGVAT se voit ainsi autorisé à
intervenir dans le procès pénal visant à la condamnation des terroristes, par une constitution de partie civile effectuée à la
place ou aux côtés de la victime. Le FGVAT dispose aussi d'un droit à demander remboursement lorsque, postérieurement au
paiement de l'indemnité, la victime a obtenu, du chef du même préjudice, certaines prestations ou indemnités, tels que des
prestations sociales ou des salaires et accessoires de salaires maintenus par l'employeur.

Index alphabétique

Abus de confiance 109, 377

Accident du travail 390

Accidents de la circulation 199, 211, 386, 389, 417, 445

Accidents scolaires 237 s.

Acquittement 142 s.

Action récursoire 98 s., 130, 325 s.

Agent judiciaire du Trésor 50, 137, 140, 150, 202, 231, 320

Agent public 217 s., 227, 234 s., 245, 305, 390

Aide judiciaire 420

Alsace-Lorraine 61

Animaux nuisibles 389

Armée en temps de paix 17

Armes (services de police) 74


destination (par) 293

Arroseuse 207

Assurance 17

Athlétisme 250

Attentats 364 s., 389, 405, 407 s.


V. Terrorisme

Autodiscipline 298

Autorité de chose jugée 69, 143

Avions 205, 212 s.

Bac 205

Bangs supersoniques 212

Basket-ball 250

Benne 211

Bicyclette 273

Bulldozer 207

Buts (poteaux de) 274

Câble 205, 208

Camion-benne 206, 211

Cantine 166, 254, 258, 290

Cas fortuit 373

Causalité 210 s.

Causes exonératoires 306 s.


Célérité 362, 448

Chasse 389

Chasse-neige 212

Classes de neige, de mer ou de nature 255 s.

Clinique 331, 356

Collaborateur occasionnel 229


service public de la justice (du) 56

Collèges 215, 251, 263, 294

Colonies de vacances 256, 262

Compétence judiciaire (en matière fiscale) 25 s.

Compétition sportive 254, 388

Concours 254

Concubin 337, 346

Conseil de guerre 61

Conseil de prud'hommes 66

Constitution 2 s.
compétence législative 2 s.
compétence réglementaire 2
établissements publics 4
irresponsabilité 3 s.
libertés individuelles 12
propriété 13
séparation des autorités 6

Contentieux fiscal 22 s.
agent judiciaire du Trésor 50
prescription 48
saisies et perquisitions 46

Contribuable 42 s., 48

Contributions
V. Impôts

Contrôle judiciaire 161, 163

Convention européenne des droits de l'Homme 118 s., 358


délai raisonnable 67, 104

Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes 367

Cour de justice des Communautés européennes 89 s.

Déni de justice 53, 60, 63, 65, 69, 79 s., 93

Détention provisoire (responsabilité pour détention abusive) 131 s.


motifs 156
motivation de la décision 137, 144
notion 142 s.
préjudice 162 s.
procédure 152 s.
recours 140
réparation 135 s., 146 s., 155 s.
sursis 142

Domaine public 26, 28, 199, 201

Douane (droits de) 29 s.


prescription 48

Double degré de juridiction 137, 140

Ecoles maternelles 251


Ecoles primaires 251

Education physique 240, 247, 250 s., 301, 309

Egalité devant les charges publiques 74, 76, 125

Elus 228

Engin de chantier 209

Engin de nettoiement 207

Enseignement (activité d') 249 s.


activités non dissociables 254

Enseignement privé sous contrat 245

Erreurs judiciaires 53, 118 s.


action récursoire 130
champ d'application 120 s.
compétence 124
fondement 125 s.
régime 127 s.
révision du procès pénal 120 s.

Escalade 257, 282

Escroquerie 76, 377

Examens 254
baccalauréat 254, 266

Expérimentation médicale 329

Explosion 212

Extorsion de fonds 377

Fait du tiers 310

Faute
lourde 21, 44 s., 53, 57 s., 65, 82, 93
matière fiscale (en) 44 s.
pénale 270, 276, 324, 402
personnelle 63 s., 69, 98 s., 136, 235, 267, 270, 295, 326
présomption 17, 237
service public de l'enseignement (dans le) 243 s.
service public de la justice (dans le) 80 s.
surveillance (de) 278
tutelle 110 s.
victime (de la) 309

Fonctionnaire 74, 256, 303

Fonds de garantie (ou fonds d'indemnisation) 18 s., 329 s.


FGVAT 445 s.

Football 250, 294

Force majeure 308

Guerre 24, 405

Gymnastique 250, 294

Hélicoptères 205, 213

Hémophiles 330, 355

Homicide involontaire 120, 225

Hôpital 331

Impôts (responsabilité en matière fiscale) 22 s.


assiette 35 s.
directs 24, 28
droits d'enregistrement 23, 25, 27, 41, 111
droits d'occupation temporaire du domaine public 26
droits de place 26
droits de timbre 23, 25, 28
indirects 25 s.
répression pénale 47
saisies et perquisitions 46
taxe sur l'électricité 26
taxe sur les véhicules de société 28
taxes postales et téléphoniques 20

Incapables (protection des) 105 s., 451

Infractions (victimes d') 370 s., 418 s.

Instituteur 242 s.

Internat 254, 272, 293

Irresponsabilité 3 s., 52 s., 135, 149

Liberté individuelle (atteintes à la) 12

Lycées 251

Maire (accident survenu dans l'exercice de ses fonctions) 228

Membres de l'enseignement public 17, 237, 240, 247, 270, 278, 314, 318, 323, 325 s.

Natation 282

Navires 221

Navires nucléaires 208

Non-assistance à personne en danger 403

Non-lieu 61, 132 s., 142 s.

Ouvrage public 4

Pelle mécanique 206, 212

Personnel hospitalier 346

Planche à roulettes 250

Police administrative
secours en montagne 229

Police judiciaire 69, 72, 74

Pont roulant 208

Postes 20 s.

Prescription
accidents scolaires 324
matière douanière (en) 48
matière fiscale (en) 48
terrorisme 447
véhicule 233

Prescription quadriennale 233

Prise à partie 53, 58, 63, 65 s., 80, 98, 105

Propriété
dommages causés aux propriétés 13
droit de 13

Question préjudicielle 38, 218, 394

Ramassage scolaire 215, 217, 268

Recherches biomédicales 8

Récréations 254, 272, 280, 282, 287 s., 294 s., 302, 306, 310, 315, 328

Redevance 23, 26, 32


Refus de concours de la force publique 55, 69

Relaxe 32, 53, 61, 121, 132 s., 135, 138, 142 s., 161

Remontés mécanique 208

Responsabilité contractuelle 202, 275

Responsabilité sans faute 17, 67, 73, 76, 78, 131, 365

Révision (d'un procès pénal)


publicité 129

Risque 17, 67, 74, 103

Risque social 378

Rouleau compresseur 206

Rugby 294

Séparation des autorités 6, 12

Service public de la justice (fonctionnement défectueux) 69 s.

Services fiscaux 47

SIDA 330 s.

Solidarité 18, 329, 333, 351, 378, 402, 406, 433, 445

Sorties éducatives 254

Taxe fiscale 23, 25

Terrorisme 404 s.

Tondeuse à gazon 208

Tracteur 211

Tracto-pelle 206

Transfusion sanguine 330 s.


centres privés de transfusion sanguine 331
centres publics de transfusion sanguine 331
cliniques 331, 356
responsabilité 351 s.

Travaux d'intérêt général 62, 73

Travaux public 21, 209, 211 s., 225, 314


entrepreneur 209

Tribunaux de commerce 66, 221

Tribunaux répressifs 222

Tromperie 87

Tutelle (dommage causé aux personnes sous) 105 s.


action récursoire 117
compétence et procédure 109 s., 116
fondement 105 s.

Véhicules (responsabilité du fait des) 198 s.

Viol 77, 148, 256, 372, 379

Voie de fait 326

Actualité
6. Fondements constitutionnels de la compétence législative en matière de responsabilité publique. Compétence législative et
partage des compétences juridictionnelles. Création de l'Autorité de la concurrence. - Les articles 95 et suivants de la loi du 4 août
2008 de modernisation de l'économie (LME) créent une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de la
concurrence, qui se substitue au Conseil de la concurrence. L'Autorité de la concurrence va disposer de pouvoirs
d'investigation, de décision et de sanction accrus par rapport à l'actuel Conseil de la concurrence. La loi étend par ailleurs la
faculté d'avoir recours à un juge unique pour toutes les décisions de procédure visées à l'article L. 462-8 du code de
commerce, quel que soit l'auteur de la saisine de l'Autorité. Sur le transfert du contrôle des concentrations, la loi a souhaité
aligner le plafond des astreintes susceptibles d'être prononcées par l'Autorité de la concurrence, dans le cadre des
procédures liées aux contrôles des concentrations, sur celui des astreintes prises en matière de contrôle des pratiques
anticoncurrentielles (L. n o 2008-776 du 4 août 2008, art. 95 s., JO 5 août).

13. Compétence du juge judiciaire en matière de responsabilité publique. « Une matière réservée par nature à l'autorité judiciaire ».
Préjudices nés de la consignation de l'indemnité de dépossession : compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est compétent pour
connaître des litiges portant sur un préjudice né de la consignation de l'indemnité de dépossession (T. confl. 30 juin 2008, req.
n o 3635 , Cne de Villepinte c/ Banque populaire Rives de Paris, AJDA 2008. 1360, obs. Brondel ).

21. Transformation du statut de La Poste. - La loi n o 2010-123 du 9 février 2010 (JO 10 févr.) transforme la personne morale de
droit public La Poste en société anonyme à compter du 1 er mars 2010. Le capital de la société est détenu par l'État,
actionnaire majoritaire, par d'autres personnes morales de droit public et par les personnels. Le caractère de service public
national de La Poste est rappelé. Les agents de La Poste, qui sont fonctionnaires, conservent leur statut de fonctionnaires de
l'État.

26. Litiges relatifs aux paiements des droits de place de marché. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est seul compétent
pour statuer sur les litiges relatifs aux titres exécutoires et commandements de payer émis par un maire en vue du
recouvrement du produit des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés, y compris par un occupant sans titre
(CE 24 juin 2013, SARL Eldorado c/ Cne d'Alès, req. n o 348207 , AJDA 2013. 1306, obs. Khalid ).

Contentieux des droits de place. Compétence judiciaire. - L'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et
de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux
tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de
ces taxes indirectes. Il revient à la seule autorité judiciaire, lorsqu'elle est saisie par une commune ou son fermier d'un litige
relatif à l'exécution du contrat qui les lie, d'apprécier si elle doit écarter le contrat et renoncer à régler le litige sur le terrain
contractuel, eu égard à l'irrégularité constatée. Il s'ensuit que le juge judiciaire reste compétent pour connaître d'une
demande indemnitaire formée contre la commune par le fermier après l'annulation du contrat, alors même que cette demande
ne peut plus être formée sur un fondement contractuel (T. confl. 19 mai 2014, Cne du Raincy, req. n o 3938 , Le bo n ;
AJDA 2014. 1062, obs. Pastor ).

36. Responsabilité publique en matière fiscale. Partage des compétences. Compétence judiciaire à raison du fait dommageable.
Assiette. Conservateur des hypothèques. Suppression. - L'ordonnance n o 2010-638 du 10 juin 2010 (JO 11 juin) met fin, à
compter du 1 er janvier 2013, au régime des conservateurs des hypothèques. La publicité foncière continuera d'être exercée
dans le cadre de services déconcentrés du ministère de l'Économie et des Finances, mais à compter du 1 er janvier 2013 une
taxe au profit de l'État due par les usagers du service de la publicité foncière remplace le prélèvement perçu par le
conservateur des hypothèques. La réforme est sans effet direct sur les usagers du service public de la publicité foncière. Elle
ne modifie pas le rôle des conservations des hypothèques ayant pour objet de sécuriser juridiquement les transactions
immobilières et le crédit hypothécaire. Les actions en justice des usagers à raison des fautes éventuellement commises dans
l'exécution de la mission continueront à relever des juridictions judiciaires.

48. Délais de réclamation applicables en matière fiscale. - La loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 modifie l'article
L. 190 du livre des procédures fiscales (LPF), notamment ses alinéas 3 et 4, afin de changer le régime des délais au cours
desquels peuvent être engagées les actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition, voire à l'exercice de
droits de déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit
supérieure révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. Les délais de réclamation seront
fixés par voie réglementaire, par un décret en Conseil d'État. De la même manière, l'article 352 du code des douanes est
modifié afin que les délais de réclamation soient fixés par voie réglementaire. En conséquence, un changement rédactionnel
est apporté à l'article 352 ter du même code. Ainsi, une décision révélant la non-conformité d'une imposition à une règle de
droit supérieure n'ouvrira plus, dans ce cas également, un nouveau délai de réclamation (L. n o 2012-1510 du 29 déc. 2012,
art. 26-I, 1 o, a et b, et 26-II, JO 30 déc.).

55. Conséquences d'une dénonciation au procureur. Compétence judiciaire. - Les demandes tendant à la réparation d'éventuelles
conséquences dommageables de l'acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en
application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République relèvent de la
compétence du juge judiciaire, dès lors que l'appréciation de cet avis n'est pas dissociable de celle que peut porter l'autorité
judiciaire sur l'acte de poursuite ultérieur (T. confl. 8 déc. 2014, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, req. n o 3974,
AJDA 2014. 2445, obs. Pastor ).

67. Responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux de la justice. Durée excessive de la procédure. Nouveau fondement de
responsabilité de l'État. - Une collectivité territoriale défenderesse dans une instance qui s'est prolongée pendant une durée
excessive peut demander à être indemnisée par l'État du préjudice matériel que lui a causé cette situation (CE, sect., 17 juill.
2009, Ville de Brest, req. n o 295653 , AJDA 2009. 1605, chron. Liéber et Botteghi ).

72. Placement en cellule de dégrisement. Mesure de police administrative. - Saisi par la Cour de cassation d'une question
prioritaire de constitutionnalité sur l'article L. 3341-1 du code de la santé publique (CSP), le Conseil constitutionnel a jugé que
le placement en cellule de dégrisement est une mesure de police administrative conforme à la Constitution sous réserve que
le temps qui y est passé soit décompté du temps de la garde à vue, si garde à vue il y a (Cons. const. 8 juin 2012, n o 2012-
253 QPC , AJDA 2012. 1136, obs. Brondel ).

104. Indemnisations de la durée excessive de certaines procédures. - Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître
d'une action en indemnisation du préjudice découlant d'une durée totale excessive des procédures afférentes à un même
litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence
applicables et, le cas échéant, devant lui (L. n o 2015-177 du 16 févr. 2015, art. 13, JO 17 févr.). Dans ce cas, la partie qui
entend obtenir réparation doit préalablement saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une réclamation. Le silence
gardé pendant plus de deux mois sur la réclamation vaut décision de rejet. À l'expiration de ce délai, la partie intéressée peut
saisir le Tribunal des conflits. En cas de décision explicite de rejet, la requête doit être présentée dans un délai de deux mois à
compter du jour de la notification de cette décision. Ce délai n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que
les voies de recours, dans la notification de la décision (Décr. n o 2015-233 du 27 févr. 2015, art. 43 et 44, JO 1 er mars).

227-1. Responsabilité des personnes publiques du fait des dommages occasionnés par des véhicules. Mise en œuvre de l'action.
Prévalence du régime de l'accident de service sur celui d'accident de véhicule. - La demande de réparation formée à l'encontre de
son employeur par un agent communal victime d'un accident avec un véhicule de service relève de la compétence de la
juridiction de l'ordre administratif, que l'action ait été intentée sur le fondement des dispositions particulières applicables aux
agents des collectivités publiques ou sur un autre fondement, et ce, alors même que l'accident a été causé par un véhicule
(T. confl. 8 juin 2009, Cts Royer c/ Cne du Canet, req. n o 3697 , AJDA 2009. 1173, obs. Brondel ).

Dommage causé par un véhicule. Compétence judiciaire exclusive. - Les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents
pour la réparation des dommages causés par tout véhicule, peu important qu'il ait été conduit par un militaire, que la victime
soit elle-même agent de l'État et qu'ils aient tous deux été dans l'exercice de leurs fonctions, dès lors que le préjudice découle
de la seule action d'un véhicule (Crim. 23 sept. 2014, n o 13-85.311 , D. 2014. 1938, obs. de Montecler ).

227-2. Accident de service en voiture. Compétence du juge administratif. - Le juge administratif est seul compétent pour
trancher le litige opposant un agent public à son employeur auquel le premier réclame, comme le permet la jurisprudence
« Moya-Caville » (CE 4 juill. 2003, req. n o 211106 , AJDA 2003. 1598, chron. Donnat et Casas ), l'indemnisation intégrale
du préjudice causé par un accident de service, même si celui-ci implique un véhicule (Civ. 2 e, 8 déc. 2011, n o 10-24.907 ,
AJDA 2011. 2450, obs. de Montecler ; D. 2012. 21 ).

258. Caractérisation d'une responsabilité d'un membre de l'enseignement public ou assimilé. Auteur de la faute. Responsabilité du
fait d'accidents scolaires et agents communaux des cantines scolaires. - Le régime prévu à l'article L. 911-4 du code de
l'éducation concernant la responsabilité de l'État du fait d'accidents scolaires est écarté dans le cas de préjudices causés à un
élève durant le déroulement de la cantine et les périodes qui la précèdent, après la sortie de classe, et la suivent, jusqu'à la
rentrée en classe (T. confl. 30 juin 2008, Préfet des Alpes-Maritimes c/ Caisse régionale Groupama, req. n o 3671 , AJDA
2008. 1414 ; AJDA 2009. 706, note Bouteiller ).

276. Harmonisation rédactionnelle en matière de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité. - La loi n o 2011-525
du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit modifie les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code
pénal. Aux premier et second alinéas de l'article 221-6, aux premier et second alinéas de l'article 222-19 et à l'article 222-20,
les mots « de sécurité ou de prudence » sont remplacés par les mots « de prudence ou de sécurité » (art. 185).

330. Institution d'un dispositif d'indemnisation des dommages subis par les personnes exposées au Benfluorex. - La loi du
29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 confie à l'ONIAM la mission « de faciliter et, s'il y a lieu, de procéder au
règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par le Benfluorex ». Elle modifie pour cela les articles L. 1142-22
et L. 1142-23 du code de la santé publique, et crée les articles L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 au sein de ce code (L. n o 2011-
900 du 29 juill. 2011, art. 57 ; AJDA 2011. Étude 2005, obs. Pontier ). Pour son application, voir le décret n o 2011-932 du
1 er août 2011 (JO 4 août).

333. Indemnisation des personnes contaminées par le virus du sida à la suite d'une transfusion sanguine. Instauration du régime
d'indemnisation. Infection par le virus de l'hépatite C : indemnisation à l'amiable par l'ONIAM. - L'article 67 de la loi du 17 décembre
2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 instaure une nouvelle procédure de règlement à l'amiable des litiges
nés des contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C. Cette nouvelle procédure s'inspire du régime applicable
à l'indemnisation des personnes contaminées par voie transfusionnelle par le VIH. Le présent article reprend le régime de
charge de la preuve créé par l'article 102 de la loi de santé publique précitée. Le demandeur doit apporter la preuve de
l'atteinte par le VHC et des transfusions de produits sanguins ou injections de médicaments dérivés du sang. L'article précise
que le doute profite au demandeur. L'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices sera réalisée selon la
procédure transactionnelle prévue à l'article 2044 du code civil, déduction faite des créances des organismes sociaux. La loi
insère pour cela au code de la santé publique l'article L. 1221-14, et en modifie les articles L. 1142-22, L. 1142-23, L. 3111-9,
L. 3122-1 et L. 3122-5 (L. n o 2008-1330 du 17 déc. 2008, art. 67, JO 18 déc.).

Transfert à l'ONIAM de l'indemnisation des contaminations par l'hépatite C. Mode d'emploi. - Les dispositions de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2009 qui ont transféré à l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par
l'hépatite C n'entreront en vigueur qu'à la publication des décrets d'application. Le Conseil d'État a par ailleurs précisé les
modalités de mise en œ uvre de ce transfert à l'égard des procédures en cours (CE, avis, 7 déc. 2009, M. Lacroix, M. et
Mme Bergdoll, req. n o 329466 , AJDA 2009. 2372, obs. Brondel ).

Contrat d'assurance et transfert à l'ONIAM de l'indemnisation des contaminations par l'hépatite C. - Un contrat d'assurance ne
peut faire obstacle à la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et
des infections nosocomiales (ONIAM) à l'Établissement français du sang (EFS) pour l'indemnisation des contaminations par
l'hépatite C (CE 20 mars 2013, CPAM du Havre, req. n o 345776 , AJDA 2013. 654, obs. Poupeau ).

Accident médical. Recours subrogatoire des tiers payeurs contre l'ONIAM. - Il n'existe pas au bénéfice des tiers payeurs de
recours subrogatoire contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), des affections iatrogènes et
des infections nosocomiales (CE, avis, 22 janv. 2010, M. Coppola, req. n o 332716 , AJDA 2010. 237, obs. Brondel ).

Hépatite C. Conséquences de la substitution de l'ONIAM à l'EFS. - À l'exception des procédures en cours, l'ONIAM, se substituant
à l'Établissement français du sang, ne peut pas être mis en cause par les tiers payeurs dans un litige concernant une
contamination par l'hépatite C (CE, avis, 18 mai 2011, Établissement français du sang, req. n o 348823, AJDA 2011. 1055, obs.
Grand ).

440 s. Indemnisation des victimes d'infractions et d'actes de terrorisme. Régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Recours.
Subrogation du Fonds de garantie des victimes à l'encontre de l'État. - L'employeur d'un fonctionnaire, tenu à son égard à une
obligation de protection, fait partie des personnes auxquelles le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et
d'autres infractions (FGTI) peut réclamer le remboursement de l'indemnité versée à l'agent victime, dans la limite des droits de
ce dernier à l'encontre de son employeur. Cette subrogation peut être exercée que la commission d'indemnisation des
victimes d'infractions (CIVI) se soit prononcée avant ou après la condamnation de l'auteur de l'infraction à indemniser la
victime (CE 10 avr. 2009, Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions c/ Min. Intérieur, Outre-
mer et Collectivités territoriales, req. n o 307871 , AJDA 2009. 735, obs. de Montecler ).

Recours du fonds de garantie des victimes et autorité de la chose jugée. - Le recours subrogatoire du fonds de garantie des
victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) peut s'exercer sur l'indemnité qu'une personne publique a été
condamnée à verser à la victime, même si la décision de justice ne l'a pas prévu (CE 4 oct. 2010, M. et Mme A., req. n o 316310
, AJDA 2010. 1857, obs. de Montecler ).

442. Régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Recours. Mise en cause du Fonds de garantie des victimes d'infractions. - En
raison de la subrogation du Fonds de garantie dans les droits de la victime qu'instituent les dispositions de l'article 706-11 du
code de procédure pénale, régissant un mode d'indemnisation fondé sur la solidarité nationale, et en application des principes
qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction au
sens des dispositions des articles 706-3 et 706-4 du même code a saisi une commission d'indemnisation des victimes
d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres
infractions doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi afin, d'une
part, de permettre à celui-ci d'exercer son droit de subrogation et, d'autre part, de s'assurer qu'il ne procédera pas, s'il donne
suite à la demande de condamnation, à une double indemnisation des mêmes préjudices (CE, avis, 7 avr. 2010, M. Idrissi
et a., req. n o 333407 , AJDA 2010. 758, obs. Biget ).

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