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Répertoire de la responsabilité de la puissance publique

Urbanisme (Responsabilité en matière d')

Rozen NOGUELLOU
Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

avril 2014 (actualité : avril 2015)

Cette rubrique refond celle publiée à l'origine par le professeur J.-B. AUBY, dont elle conserve plusieurs passages actualisés.

Table des matières

Généralités, 1 - 4

Chapitre 1 - Structure de la responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme, 5 - 137


Section 1 - Question de l'indemnisation des servitudes d'urbanisme, 5 - 48
Art. 1 - Signification du principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, 9 - 26
§ 1 - Servitudes concernées, 9 - 14
§ 2 - Formes d'indemnisation visées, 15 - 26
Art. 2 - Limites du principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, 27 - 48
§ 1 - Limites légales, 27 - 45
§ 2 - Limite jurisprudentielle, 46 - 48
Section 2 - Responsabilité sans faute, 49 - 74
Art. 1 - Hypothèses se rattachant aux dommages de travaux publics, 55 - 64
Art. 2 - Atermoiements de l'Administration, 65 - 67
Art. 3 - Défaut d'application de la réglementation, 68 - 69
Art. 4 - Décision individuelle régulière, 70
Art. 5 - Autres hypothèses, 71 - 74
Section 3 - Responsabilité pour faute extracontractuelle, 75 - 115
Art. 1 - Régime de responsabilité, 75 - 80
Art. 2 - Illégalités, 81 - 91
Art. 3 - Comportements fautifs, 92 - 115
§ 1 - Fautes dans la fourniture de renseignements d'urbanisme, 94 - 100
§ 2 - Engagements non tenus, 101 - 107
§ 3 - Retards, 108 - 113
§ 4 - Autres types de fautes, 114 - 115
Section 4 - Responsabilité contractuelle et quasi contractuelle, 116 - 137
Art. 1 - Responsabilité contractuelle, 117 - 121
Art. 2 - Responsabilité quasi contractuelle, 122 - 123
Art. 3 - Répétition des participations illégales, 124 - 137
§ 1 - Notion de participation illégale, 127 - 131
§ 2 - Action en répétition, 132 - 137

Chapitre 2 - Mécanismes de la responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme, 138 - 239


Section 1 - Préjudices ouvrant droit à réparation, 138 - 184
Art. 1 - Lien de causalité, préjudices directs, 142 - 161
Art. 2 - Préjudices certains, 162 - 171
Art. 3 - Préjudices matériels et préjudices non matériels, 172 - 177
Art. 4 - Conditions particulières en matière de responsabilité sans faute, 178 - 184
Section 2 - Imputation de la responsabilité, 185 - 221
Art. 1 - Faits imputables à l'Administration, 185 - 193
Art. 2 - Causes d'exonération ou d'atténuation de la responsabilité, 194 - 207
§ 1 - Faute de la victime, 194 - 204
§ 2 - Fait du tiers, 205 - 206
§ 3 - Force majeure, 207
Art. 3 - Détermination de la personne publique responsable, 208 - 221
Section 3 - Mise en oeuvre de la responsabilité, 222 - 239
Art. 1 - Recherche de la responsabilité, 222 - 230
§ 1 - Procédures, 222 - 224
§ 2 - Compétence juridictionnelle, 225 - 230
Art. 2 - Réparation du préjudice, 231 - 239
§ 1 - Évaluation de l'indemnité, 231 - 237
§ 2 - Assurance des collectivités locales, 238 - 239

Bibliographie
AUBY, Le principe de non-indemnisation des servitudes instituées par application du code de l'urbanisme, Droit et ville 1981,
n o 10, p. 169 ; Le contentieux des participations, Ét. fonc., sept. 1986, n o 32, p. 24 s. ; La responsabilité de la puissance
publique en matière d'urbanisme, LPA 4 mai 1988, 1 er mai 1989, 31 oct. 1990 et 3 juill. 1991. - AUFFRET et J. CAILLOSSE, La
responsabilité administrative du fait des dommages commerciaux résultant de l'aménagement du réseau routier, AJPI 1977.
8. - BOURGEOIS, La responsabilité de l'administration pour retard ou défaut de paiement du prix d'acquisition d'un bien dans
l'hypothèse d'une préemption administrative, JCP N 1997. Prat. 4025. - BOUYSSOU, L'assurance de responsabilité communale
en matière d'urbanisme, LPA 28 janv. 1985, p. 4 ; Le contentieux de la responsabilité en matière indemnitaire, Sécuriser
l'Urbanisme, 1997, ADEF. - BRUNEAU, Indemniser le bénéfice escompté ? Une nouvelle jurisprudence du Conseil d'État, Ét.
fonc. 1985, n o 27. - CALONEC, Les limites de la responsabilité de l'administration dans le contentieux de l'urbanisme, AJPI
1979. 15. - CASSIN, Le contentieux de la responsabilité pour faute en matière d'urbanisme : quels risques financiers pour les
collectivités publiques ?, BJDU 1999, n o 4, p. 246. - DANNA, Le contentieux indemnitaire de l'urbanisme opérationnel : trop
classique pour être honnête !, Mélanges H. Jacquot, PU Orléans 2006, p. 171. - DEMOUVEAUX Responsabilité en matière
d'urbanisme, J.-Cl. Adm., fasc. 872 et 874. - DEMOUVEAUX et MARÉCHAL, Le choc en retour des participations illégales, Ét.
fonc. 1998, n o 80, p. 8. - DRAPIER, La réparation des moins-values d'urbanisation causées par la puissance publique, Ét. fonc.
1980, n o 7. - DUBOIS, La réparation des moins-values foncières dues à la présence d'équipements publics, AJPI 1980. 711. -
ETCHEGARAY, Le préjudice indemnisable en matière d'urbanisme, Constr.-Urb. oct. 1998, p. 5. - FICKLER-DESPRES, Les
promesses de l'administration, JCP 1998. I. 104. - HAUMONT, La Cour européenne des droits de l'homme et le droit de
préemption, AJDA 2008. 747 . - JACCOUX, L'indemnisation des servitudes nées de la réalisation des grands ouvrages
publics. Les allongements de parcours, AJPI 1977. 540. - CLAINCHE, Le Médiateur et l'urbanisme, RFDA 1990. 635 . - LIET-
VEAUX, L'indemnisation des sujétions d'urbanisme, prélude à une réforme législative, Rev. adm. 1984. 461. - LORTHE, La
responsabilité de la puissance publique en matière de permis de construire, Rev. éco. et dr. imm. 1978, n o 77. - MARTIN, La
responsabilité de l'administration pour la délivrance d'un permis de construire dans une zone inondable, Ann. loyers 2003,
n o 3, p. 503. - MORAND-DEVILLER, Responsabilité des communes et transfert de compétences, Urbanisme, sept. 1985, n o 209,
p. 144 s. ; Propos sur le contentieux de la responsabilité en matière d'urbanisme, Quot. jur. 5 mars 1996, p. 8. - MOREAU, Cinq
années de jurisprudence relative à la responsabilité de l'État en matière d'urbanisme, Cah. CFPC 1985, n o 15, p. 67. - PEISER,
Responsabilité des communes, déjouer les risques liés à l'urbanisme, Mon. TP 27 mars 1998, p. 65. - RENARD, Indemniser les
servitudes d'urbanisme ?, Ét. fonc. 1978, n o 2. - STRUILLOU, Cour européenne des droits de l'homme et Conseil d'État : une
nouvelle limitation au principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme ?, AFDUH 1999. 61. - TOMASIN et autres,
L'indemnisation des servitudes d'urbanisme en Europe, Droit et ville 1999, n o 48. - VIGOUROUX, Considérations sur la
responsabilité d'urbanisme des communes en matière d'urbanisme, ibid. 1989, n o 28, p. 151.

CALONEC, La réparation du préjudice urbanistique, thèse, Nantes, 1981. - GALAN, Le contentieux de la responsabilité
publique en matière d'urbanisme, thèse, Toulouse, 1981. - PARMENTIER-LUGET, La responsabilité administrative en matière
d'urbanisme, thèse, Poitiers, 1996.

Généralités
1 . Le présent fascicule s'efforce de rassembler les éléments assez épars de la responsabilité de la puissance publique en
matière d'urbanisme. Seront envisagées : la responsabilité qui découle de l'octroi des autorisations d'utilisation du sol - le
permis de construire, notamment, est une source importante de contentieux indemnitaire ; celle qui découle des opérations
d'aménagement urbain et des interventions foncières - bien que, dans ce cas, la question de responsabilité soit largement
absorbée par le mécanisme d'indemnisation propre à l'expropriation ; ainsi que celle qui découle de la planification urbaine ou
plus largement de l'activité normative en matière d'urbanisme, bien que cette dernière responsabilité soit freinée par le jeu
d'un principe réducteur qui sera étudié plus loin (V. infra, n os 5 s.).

2 . Le régime de la responsabilité de l'Administration en matière d'urbanisme n'est pas globalement un régime spécial. Pour
l'essentiel, il se situe dans la sphère du droit commun de la responsabilité administrative. Cependant, la configuration de la
responsabilité administrative en matière d'urbanisme est notablement affectée par l'existence d'un principe légal de non-
indemnisation des servitudes d'urbanisme (V. infra, n os 5 s.). En outre, elle rejoint sur certains points, et en particulier en
matière d'opérations d'aménagement, ce considérable régime spécial de la responsabilité administrative qu'est le régime de
dommages de travaux publics.

3. Dans le présent fascicule, les aspects du sujet qui se glissent dans la responsabilité pour dommages de travaux publics ne
seront étudiés que pour ce qui s'en déduit sur les institutions d'urbanisme : le régime général de la responsabilité en matière
de travaux publics est étudié dans un autre fascicule (V. Trav aux publics [Dom m ages de]). La même règle de
comportement a été adoptée en ce qui concerne la responsabilité contractuelle (V. Responsabilité contractuelle).

4 . En revanche, le présent fascicule évoquera certains mécanismes qui, sans être à proprement parler de responsabilité,
concernent l'indemnisation de préjudices d'urbanisme sur des points en rapport direct avec les questions essentielles de la
responsabilité d'urbanisme. Ainsi en ce qui concerne la prise en compte des servitudes d'urbanisme dans les indemnités
d'expropriation (V. infra, n os 22 s.). De même, pour certaines solutions s'inspirant de l'enrichissement sans cause ou de la
répétition de l'indu (V. infra, n os 123 s.), V. aussi Enrichissem ent sans cause.

Chapitre 1 - Structure de la responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme


Section 1 - Question de l'indemnisation des servitudes d'urbanisme
5 . En principe, l'Administration est responsable dans des conditions et proportions normales, du fait de ses activités
d'urbanisme. Pourtant, l'étendue de ses obligations est affectée par un principe textuel de non-indemnisation des servitudes
d'urbanisme, qui vient écarter la responsabilité sans faute dans des cas où elle pourrait facilement apparaître, ou même
parfois réduire la responsabilité pour faute.

6 . Ce principe est actuellement formulé par l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme selon lequel « n'ouvrent droit à aucune
indemnité les servitudes instituées par application du présent code, en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour
d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties
et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la
répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à
des droits acquis ou une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct matériel et certain ; cette
indemnité, à défaut d'accord amiable est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux
immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du
document qui en tient lieu ».

7 . Le principe de non-indemnisation a été établi, à peu près dans sa forme actuelle, par l'article 80, alinéa 1 er, de la loi du
15 juin 1943. Auparavant, cependant, le décret du 25 juillet 1935 relatif à l'aménagement de la région parisienne avait fixé
une règle semblable pour certaines servitudes (sur l'application de ce texte : CE, sect., 29 juin 1951, Sté immobilière des Éts
Morillon et Corvol, Lebon 387 ; S. 1953. 3. 13, note J.-M. Auby. - CE 2 juin 1954, Min. Reconstruction et urbanisme c/ Sté
immob. des Éts Morillon et Corvol, Lebon T. 912). En outre, le Conseil d'État avait étendu la non-indemnisation aux servitudes
établies par les plans de reconstruction des villes sinistrées de la loi du 28 décembre 1941 (DA 1942. 20. - V. CE 17 juill. 1950,
Menoreau, Lebon 448).

8. Le Conseil d'État a jugé que l'article L. 160-5 était compatible avec l'article 1 er du protocole additionnel n o 1 à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE 3 juill. 1998, req. n o 158592 ,
Bitouzet, AJDA 1998. 639 et p. 570, chron. Raynaud-Fombert . - V., toutefois, infra, n o 46).

Art. 1 - Signification du principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme


§ 1 - Servitudes concernées
9 . Le champ d'application du principe posé par l'article L. 160-5 est large. N'étaient à l'origine visées que les servitudes
résultant des documents de planification urbaine. L'actuel article L. 160-5 étend la solution à l'ensemble des servitudes
instituées par application du code de l'urbanisme, tout en fournissant un catalogue non limitatif d'hypothèses - servitudes
instituées pour des besoins « de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets », servitudes se traduisant par des
charges concernant, « notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non
bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition
des immeubles entre diverses zones ».

1 0 . Sont donc visées toutes les servitudes dont l'établissement se fonde sur une disposition quelconque du code de
l'urbanisme. C'est-à-dire aussi bien celles qui affectent directement le droit de construire (servitudes non aedificandi,
servitudes de limitation de hauteur, servitudes résultant de règles de densité…) que celles qui affectent plus simplement la
manière de construire (celles, par ex., qui résultent de prescriptions architecturales contenues dans un plan local d'urbanisme
[PLU]) ou celles, à l'inverse, qui affectent plus globalement, l'utilisation du sol (celles, par ex., qui résultent de la
réglementation des espaces boisés, C. urb., art. L. 130-1 s.).

11. Sur le plan de leur mode d'établissement, les servitudes visées par l'article L. 160-5 sont également assez diverses. La
principale hypothèse est celle des servitudes résultant des plans locaux d'urbanisme, mais il peut s'agir aussi bien de
servitudes résultant d'autres formules de réglementation administrative de l'usage des sols, comme les plans de sauvegarde
et de mise en valeur (CE 7 janv. 2000, req. n o 187042 , Sté Lady Jane, BJDU 2000. 31, concl. G. Bachelier, obs. Touvet). Par
ailleurs, le Conseil d'État applique l'article L. 160-5 à des servitudes instituées, non par des documents locaux d'urbanisme,
mais par des instruments nationaux de réglementation urbaine, comme une directive d'aménagement national (CE, sect.,
4 mars 1977, Min. Équipement c/ SA Constructions Simottel, Lebon 122 ; AJDA 1977. 313, concl. Labetoulle ; Droit et ville 1977,
n o 4, p. 293, note Bouyssou. - CAA Marseille, 3 mars 2005, req. n o 01MA01299 , Malfatto, JCP A 2005, n o 1238, note
Charret. - Confirmé par CE 27 juin 2007, req. n o 280693 , Malfatto : à propos de la servitude de non-constructibilité dans la
bande littorale des cent mètres, instituée par la directive d'aménagement national approuvée par le décret du 25 août 1979,
puis par la loi du 3 janv. 1986) ou le règlement national d'urbanisme (CE 17 déc. 1975, Dames David et Garonne, Lebon 646).
Le Conseil d'État considère même que la prise en considération d'un projet d'équipement au sens de l'article L. 111-10 du
code de l'urbanisme constitue une servitude d'urbanisme couverte par l'article L. 160-5 (CE 15 déc. 1989, req. n o 75336 et
n o 81071, Min. Urbanisme, logement et transports c/ Épx Mazin, Lebon 255 ; AJDA 1990. 97, chron. Honorat et Baptiste
; RFDA 1990. 139 ; RD publ. 1990. 1178 ; CJEG 1990. 232, concl. Abraham. - V., plus récemment, CE 11 juill. 2011, Sté du parc
d'activités de Blotzheim, req. n o 317272 ; AJDA 2011. 1462 ; D. 2011. 2040, obs. Vincent ).

12. Cela dit, le principe de l'article L. 160-5 ne s'applique pas aux servitudes qui ne sont pas instituées par application du
code de l'urbanisme, seraient-elles en rapport avec l'aménagement urbain (Paris, 17 févr. 1972, et Reims, 22 mars 1972, AJPI
1972. 909, note Cordelier).

13. Par exemple, le principe de non-indemnisation ne s'applique pas aux servitudes résultant de la construction d'ouvrages
militaires (CE, ass., 17 juin 1938, Dame Vve Lew in, Lebon 553. - 16 mai 1945, Slizew icz, Lebon 99. - 19 mai 1950, Sté Lorraine
métallurgique, Lebon 292), ou aux servitudes de protection instituées autour des points de prélèvement de l'eau potable
(Civ. 17 févr. 1981, CJEG 1982. 19).

14. De même, sont hors du champ d'application de l'article L. 160-5 les servitudes créées par les plans de prévention des
risques naturels (CE 29 déc. 2004, req. n o 257804 , Sté d'aménagement des coteaux de Saint-Blaine, Dr. adm. 2005.
Comm. 45, note Mahinga). L'arrêt précise, toutefois, qu'une indemnité pourra être octroyée au propriétaire concerné lorsque
celui-ci supporte, du fait de l'inconstructibilité de son terrain, « une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec
l'objectif d'intérêt général poursuivi ». On retrouve ici la solution dégagée par le Conseil d'État dans l'arrêt Bitouzet à propos
de l'article L. 160-5. Échappent également à l'article L. 160-5 les servitudes résultant pour les propriétaires du classement
d'office de leurs biens au titre de la législation sur les monuments historiques (C. patr., art. L. 621-6. - V., en revanche, pour
l'interdiction d'afficher dans le périmètre de protection, CE 9 janv. 1925, Malraux, et même jour, Frossard, Lebon 29) ou du
classement au titre de législation sur les sites (C. envir., art. L. 341-6). Cela dit, dans ces deux hypothèses, le législateur a
prévu des possibilités d'indemnisation s'il résulte des servitudes imposées « une modification à l'état ou à l'utilisation des lieux
déterminant un préjudice direct, matériel et certain ». La demande d'indemnité doit être produite dans les six mois à compter
du classement et, à défaut d'accord amiable, elle est fixée par le juge de l'expropriation.

§ 2 - Formes d'indemnisation visées


15. L'article L. 160-5 exclut, dans les cas qu'il vise, la mise en jeu de la responsabilité à proprement parler. Mais le législateur
s'est également préoccupé d'écarter certaines voies indirectes d'indemnisation des servitudes d'urbanisme : on évoquera
aussi, sommairement, ces règles qui sont en rapport direct avec la question de responsabilité stricto sensu.

1 6 . En dehors des hypothèses de « l'atteinte à des droits acquis » et de la « modification à l'état antérieur des lieux
déterminant un dommage direct, matériel et certain » (sur ces deux exceptions, V. infra, n os 27 s.), l'article L. 160-5 exclut
que soit mise en cause la responsabilité de la puissance publique du seul fait de l'institution des servitudes prévues par le
code de l'urbanisme. C'est pour cette raison, par exemple, que la jurisprudence considérait qu'une personne qui, après avoir
obtenu l'annulation par le juge d'une décision lui refusant illégalement une autorisation de lotir, renouvelait sa demande et se
voyait opposer un nouveau refus légalement déduit de l'intervention, entre-temps, d'un plan d'occupation des sols classant le
terrain en zone naturelle, ne pouvait obtenir réparation du préjudice qui résultait pour elle de l'impossibilité dans laquelle elle
se trouvait de lotir son terrain (CE 26 juill. 1985, Joly c/ Min. Urbanisme et logement, AJDA 1986. 46, note Fatôme ; RFDA 1986.
470, note Gilli. - CE 29 sept. 1989, Lamarche-Jacomet, Lebon 179 ; AJDA 1990. 70, obs. J.-B. Auby ).

17. Le législateur a mis fin à cette solution particulière, puisque l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme dispose désormais
que « lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de
travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration
confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement
de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que
l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois
suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ». Cette disposition n'ayant pas de portée rétroactive, les faits
antérieurs à son entrée en vigueur demeurent régis par la solution dégagée par la jurisprudence Lamarche-Jacomet (CE
10 déc. 1997, Diard, BJDU 1998. 295, concl. Bonichot, note L. T.).

18. On s'est parfois demandé s'il n'était pas possible, malgré les dispositions de l'article L. 160-5, d'admettre une éventuelle
responsabilité du fait des lois ou du fait des règlements légaux (V. DRAPIER, Les moins-values résultant de l'édiction de règles
urbanistiques et foncières, Ét. fonc. 1980, n o 7). Mais, comme l'a remarqué le commissaire du gouvernement LABETOULLE
(concl. sur CE, sect., 4 mars 1977, SA Constructions Simottel, Lebon 122 ; AJDA 1977. 313, concl. Labetoulle ; Droit et ville
1977, n o 4, p. 293, note Bouyssou), l'existence, en la matière, d'un régime législatif de responsabilité, qui prévoit de manière
stricte des exceptions, signifie que l'on ne peut avoir recours au droit commun sans méconnaître la volonté du législateur.

19. L'article L. 160-5 est destiné à parer aux demandes d'indemnisation non articulées sur une faute de l'Administration. On
observera toutefois que certaines hypothèses voisines de la responsabilité sans faute peuvent conduire à une indemnisation
indirecte des servitudes : il en va ainsi pour le cas dans lequel l'Administration aura causé un préjudice spécial et d'une
certaine gravité en refusant - de manière régulière - le permis de construire, après avoir pris des engagements en sens
inverse (CE 22 juill. 1977, Min. Équipement c/ Sté nouvelle du Palais des sports-Vélodrome d'hiver, Lebon 370, et V. infra, n o
70).

20. Le principe de l'article L. 160-5 ne s'oppose pas à la mise en jeu de la responsabilité pour faute de l'Administration. Cette
responsabilité peut naître de la faute commise dans l'établissement de la servitude. Mais l'Administration pourra aussi, et
l'hypothèse est évidemment plus intéressante, être reconnue responsable du fait des dommages qu'elle cause en imposant,
par le biais de refus, pourtant réguliers, d'autorisations de construire, le respect de servitudes régulièrement instituées. Il en
va ainsi dans le cas des dommages pouvant résulter du retrait d'un permis irrégulier (CE 8 juill. 1977, Sté civile Résidence du
pays d'Oc, AJDA 1978. 223, note Lorthe), mais aussi pour les dommages résultant du fait qu'après avoir, dans une note de
renseignement ou un certificat d'urbanisme erroné, encouragé des travaux, l'Administration refuse - légalement - l'autorisation
de construire (CE, sect., 3 janv. 1975, Min. Aménagement, équipement, logement et tourisme c/ Épx Paya, Lebon 11. - 27 avr.
1979, Épx Paya, AJPI 1979. 20, note Distel. - Cette solution a été confirmée dans un arrêt plus récent, CE 3 mai 2004, req.
n o 223091 , CPAM de la Meuse, la commune avait encouragé le projet dès l'origine, not. en vendant le terrain d'assiette
pour un franc symbolique).

2 1 . Cela étant, il faut observer que le principe de non-indemnisation des servitudes est susceptible d'interférer avec la
responsabilité pour faute pour en atténuer les effets. Il en va ainsi lorsqu'une décision illégale relative à une autorisation
d'urbanisme vient à être légitimée par l'apparition d'une servitude (V. par ex. : CE 11 mars 1983, Gastaldi, Gaz. Pal. 1983.
Somm. 448 ; Rev. éco. et dr. imm. 1984, n o 105, p. 70, chron. Bouyssou, sursis à statuer sur une demande de permis de
construire illégal, annulée, et suivie d'un refus de permis régulier parce que justifié par l'apparition d'une servitude nouvelle).

2 2 . Le législateur s'est assuré de ce que le biais de l'expropriation ne permette pas une indemnisation indirecte des
servitudes visées par l'article L. 160-5. La loi foncière n o 75-1328 du 31 décembre 1975 a modifié le code de l'expropriation de
manière à ce que le juge de l'expropriation tienne compte des servitudes d'urbanisme, qui frappent les immeubles qu'il évalue,
tout au moins lorsqu'il s'agit de terrains à bâtir.

2 3 . En l'espèce, le législateur réagissait au développement d'une jurisprudence des juridictions judiciaires, qui tendait à
ignorer les servitudes d'urbanisme dans l'évaluation des biens expropriés. Dans le souci « d'éviter que les collectivités
publiques n'édictent des servitudes dans le dessein d'acquérir à bas prix les terrains qui en seraient grevés » (GILLI, CHARLES
et DE LANVERSIN, Les grands arrêts du droit de l'urbanisme, p. 51), la juridiction judiciaire tendait à ignorer les servitudes
dans les cas qui lui paraissaient manifester une sorte de fraude à la loi, ou de détournement de pouvoir, ou qui lui
paraissaient susceptibles de receler une sorte d'enrichissement sans cause au profit de la collectivité publique expropriante
(V. ARRAGO, L'indemnisation des propriétaires de terrains frappés de servitudes administratives et de réserves en matière
d'expropriation, AJPI 1971. 636). La Cour de cassation avait même affirmé, dans l'arrêt Proby (Civ. 3 e, 23 nov. 1971, Bull.
civ. III, n o 575), que « les restrictions de caractère administratif au droit de construire sur un terrain sont sans influence sur la
fixation de l'indemnité d'expropriation ».

24. Réagissant contre cette jurisprudence évidemment contraire au principe posé par l'article L. 160-5, le législateur a donc
modifié, en 1975, l'article L. 13-15 du code de l'expropriation, lequel prévoit dorénavant que « l'évaluation des terrains à bâtir
tient compte des possibilités légales et effectives de construction […], des servitudes affectant l'utilisation des sols et
notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur
institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive ». En conséquence, les servitudes ne peuvent plus être
indemnisées par le biais de l'expropriation, à moins que ne puisse être établie l'intention dolosive de l'expropriant qui aurait
suscité l'établissement d'une servitude dans le seul but de réduire le coût de l'expropriation à venir.

2 5 . La jurisprudence offre de nombreux exemples de servitudes d'urbanisme non prises en compte parce que procédant
d'une « intention dolosive » (Civ. 3 e, 27 nov. 1991, n o 89-70.429 , AJPI 1992. 600. - Civ. 3 e, 11 juin 1992, n o 90-70.076 ,
Bull. civ. III, n o 198. - Civ. 3 e, 17 mars 1993, n o 92-70.201 , ibid. III, n o 39. - Civ. 3 e, 9 juill. 2003, n o 02-70.140 , ibid. III,
n o 154. - V. égal. HOSTIOU, L'intention dolosive dans les POS et le juge de l'expropriation, Ét. fonc., sept. 1987, n o 36, p. 19 ;
Au carrefour du droit de l'urbanisme et du droit de l'expropriation, entre détournement de pouvoir et abus de droit :
l'exception d'intention dolosive, Mélanges H. Jacquot, PU Orléans 2006, p. 299). Il revient à la personne expropriée de
démontrer l'intention dolosive, laquelle ne saurait être présumée (Civ. 3 e, 7 nov. 2006, n o 05-18.192 , Escaffre c/ Cne de
Baraluc-le-Vieux).

2 6 . L'intention dolosive ne peut se déduire simplement de ce que le classement du terrain apparaîtrait au juge de
l'expropriation « mal fondé » : le juge de l'expropriation n'est pas compétent, en effet, pour apprécier la légalité des actes
administratifs (Civ. 3 e, 3 juill. 1996, n o 95-70.049 , Cne de Bonneuil-en-France, Bull. civ. III, n o 173).

Art. 2 - Limites du principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme


§ 1 - Limites légales
A. - Exceptions prévues par l'article L. 160-5
27. L'article L. 160-5 lui-même pose deux limites au principe de non-indemnisation, en admettant « qu'une indemnité est due
s'il résulte (des servitudes) une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un
dommage direct, matériel et certain ». La seconde exception remonte aux origines de la règle, la première a été ajoutée par la
loi d'orientation foncière n o 67-1253 du 30 décembre 1967 (D. 1968. 58). Ni l'une ni l'autre n'ont un champ d'application
considérable.

2 8 . Il en va ainsi de l'hypothèse de « l'atteinte aux droits acquis ». En règle générale, l'établissement de servitudes ne
heurtera aucun droit acquis dans la mesure où les administrés n'ont aucun droit au maintien de la réglementation d'urbanisme
(V. CE, sect., 23 nov. 1977, Delle Aubaud, Lebon 495 ; AJDA 1978. 293). Il n'en irait autrement que si l'apparition de
servitudes venait affecter les droits qu'un administré tient d'une décision individuelle. Lors des débats relatifs à la loi
d'orientation foncière de 1967, le ministre de l'Équipement avait évoqué le cas dans lequel, du fait d'une servitude,
l'Administration reviendrait sur un permis de construire précédemment accordé (JOAN 30 nov. 1967). À vrai dire, on ne voit pas
très bien quelle hypothèse était ici visée. Les modifications réglementaires apparues à la suite de la délivrance d'un permis de
construire ne permettent pas de revenir sur celui-ci. L'Administration peut, certes, retirer un permis, mais à la condition que
celui-ci ait été illégalement accordé (et que le retrait intervienne dans les délais prévus pour ce types d'acte) : le dommage
éventuellement causé n'a alors plus sa source dans la servitude elle-même, mais dans la faute commise par l'Administration
dans la délivrance de l'autorisation de construire.

2 9 . La jurisprudence avait fourni un premier exemple de « l'atteinte à des droits acquis » visé par l'article L. 160-5, avec
l'hypothèse dans laquelle la réalisation d'un lotissement régulièrement autorisé était interrompue du fait de l'apparition d'une
servitude d'urbanisme nouvelle. La solution avait été admise dans le cas de la survenance d'une instruction ministérielle ayant
valeur de directive d'aménagement national et ayant pour effet de rendre inconstructibles certains lots (CE, sect., 4 mars
1977, supra, n o 18), ainsi que dans le cas de l'approbation d'un plan d'aménagement communal qui classait les terrains inclus
dans le lotissement en « zone rurale » (CE, sect., 4 mars 1977, Min. Équipement c/ Cts Guillerot, AJDA 1977. 313, concl.
Labetoulle ; D. 1977. 673, note Le Mire, et IR 206, obs. Charles ; Droit et ville 1977, n o 4, p. 293, note Bouyssou), ou encore
dans l'hypothèse d'apparition de dispositions d'un POS rendant le terrain inconstructible (CE 13 févr. 1987, Anrigo, Lebon 58 ;
AJDA 1987. 416, concl. Van Ruymbeke ; RFDA 1987. 339 ; JCP 1988. II. 21153, note Vandermeeren). Cet arrêt précisait
également le préjudice dont le lotisseur pouvait obtenir indemnisation : « M. Anrigo est fondé à demander l'indemnisation du
préjudice résultant de la perte des impenses engagées… ; que l'autorisation de lotir n'emportant pas droit de construire, la
perte de la valeur vénale du terrain du lotissement ne constitue pas une atteinte à un droit acquis au sens de l'article L. 160-
5 » (V., pour une confirmation, CE 27 juin 2007, req. n o 280693 , Malfatto). Le Conseil d'État avait d'abord jugé que le
bénéfice de cette jurisprudence ne s'étendait pas aux acquéreurs de lots, car cette acquisition ne les rend pas titulaires d'un
droit de construire (CE 24 oct. 1980, Cts Thureau, JCP 1983. II. 19957, note Gourio). Un arrêt a admis que l'autorisation de
lotir était susceptible de créer des droits non seulement au profit du propriétaire de l'ensemble du lotissement, mais aussi au
profit d'acheteurs de lots, et en a déduit la possible indemnisation de ces derniers lorsque, après l'acquisition, un plan
d'occupation des sols venait rendre leur parcelle inconstructible (CE 20 janv. 1984, Cts Domscheit, Lebon T. 738 ; D. 1984.
IR 128, obs. Charles). Cette jurisprudence ne jouait, toutefois, que pour les propriétaires qui avaient acquis leurs lots
directement du lotisseur (CE 8 sept. 1993, req. n os 75297 et 75299, Assoc. synd. propriétaire lotissement de l'Eden
Lorrain, Lebon T. 1102 ; D. 1994. Somm. 362, note Bon et Terneyre ).

30. La portée de cette jurisprudence a toutefois été sensiblement réduite à la suite de l'adoption, par la loi du 23 décembre
1986, du principe du « gel » des dispositions d'urbanisme applicables pendant un délai de cinq ans suivant l'achèvement du
lotissement. Telle qu'elle est posée, la règle est que : « Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de
prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans
suivant : 1 o La date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable ;
2 o L'achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, lorsque le lotissement a fait
l'objet d'un permis d'aménager » (C. urb., art. L. 442-14). Le Conseil d'État a ainsi jugé que, dès lors que le lotisseur pouvait
se prévaloir du principe de stabilité des règles d'urbanisme pendant un délai de cinq ans suivant la délivrance de l'autorisation
de lotir, il ne pouvait pas rechercher la responsabilité de l'Administration sur le fondement de l'article L. 160-5 (CE 29 juin
2001, req. n o 210217 , SA Blanc, BJDU 2001. 254, concl. Austry ; RDI 2001. 538, obs. Derepas ).

3 1 . L'indemnisation de l'« atteinte à des droits acquis » peut aussi concerner le cas de l'exploitation d'une carrière
interrompue par l'effet d'une servitude d'urbanisme après avoir bénéficié de l'autorisation adéquate (CE, sect., 19 déc. 1984,
Sté ciments Lafarge France, Lebon 432 ; AJDA 1985. 225, note Liet-Veaux ; CJEG 1985. 91, note Richer).

32. Le Conseil d'État a également admis qu'est susceptible de porter atteinte à des droits acquis, et peut donc donner lieu à
indemnisation, le refus qu'oppose l'Administration à un transfert de permis de construire (CE 8 nov. 1989, Degouy,
Lebon 228 ; Dr. adm. 1990, n o 62 ; RFDA 1989. 1048 ; AJDA 1990. 97, chron. Honorat et Baptiste ; D. 1990. Somm. 301,
obs. Bon et Terneyre ).

33. En revanche, un aménageur de ZAC ne tire de la convention qui le lie à la commune « aucun droit au maintien des règles
d'urbanisme à l'intérieur de la zone » (CE 13 nov. 2009, req. n o 309093 , SCP Laureau-Jannerot). Par conséquent, la
modification de la constructibilité de terrains situés dans une ZAC, en raison de l'intervention de la loi littoral, ne constitue pas
une atteinte à des « droits acquis ».

34. À l'hypothèse - fort restreinte - de « l'atteinte à des droits acquis », l'article L. 160-5 ajoute celle de la « modification à
l'état antérieur des lieux » qui paraît d'une portée encore bien moindre. Ce n'est pas un effet courant des servitudes que de
provoquer, en elles-mêmes, une modification à l'état antérieur des lieux. Il est vrai que la chose n'est théoriquement pas
exclue : c'est ainsi que l'article L. 510-4 du code de l'urbanisme (qui, d'ailleurs, vise expressément l'al. 2 de l'art. L. 160-5)
permet à l'autorité administrative d'imposer, dans certains cas, le changement d'affectation de terrains à usage industriel,
lorsque l'exploitation industrielle a été interrompue.

35. La jurisprudence ne fournit que des exemples de situations n'induisant pas de modification d'état antérieur des lieux.
L'apparition d'un document d'urbanisme ne comporte, par exemple, pas ce genre d'effet (CE 13 juill. 1965, Dame Vve Baude et
dame Lachat, Lebon 471. - 24 juill. 1981, Mme Woll Brett, Lebon 316 ; Dr. adm. 1981, n o 296. - CE 25 mars 1983, Pauvert, RDI
1983. 320, note Bergel ; Dr. adm. 1983, n o 274), non plus que l'institution d'une servitude d'inconstructibilité (CE 5 mai 1982,
Mme Fauresse, CJEG 1982. 314, note Papin).

36. Au demeurant, les modifications à l'état antérieur des lieux, comme les atteintes à des droits acquis n'ouvrent droit à
indemnité que s'il en est résulté un préjudice « direct, matériel et certain ». Il s'agit - sous réserve de l'exclusion des
préjudices moraux (V. infra, n o 177) - des règles habituelles de la responsabilité administrative, mais l'exigence du caractère
direct a ici - comme d'ailleurs dans l'ensemble de la responsabilité d'urbanisme (V. infra, n os 142 s.) - des incidences
particulièrement rigoureuses (sur l'évaluation de l'indemnité, V. infra, n os 231 s.).

3 7 . Il semble en particulier que la perte de valeur d'un fonds ne puisse être considérée comme résultant directement de
l'institution d'une servitude (LABETOULLE, concl. sur CE, sect., 4 mars 1977, supra, n o 29. - LATOURNERIE, Urbanisme et
expropriation, Jurisprudence administrative, ministère de l'Environnement et du cadre de vie, 1979, p. 191-193. - La solution
est admise de longue date à propos des servitudes instituées dans un but de défense nationale : CE, ass., 17 juin 1938,
Dame Vve Lew in, Lebon 553) : c'est ainsi que dans l'hypothèse de l'autorisation de lotir non suivie d'une autorisation de
construire, le Conseil d'État acceptera d'indemniser le préjudice résultant de l'accomplissement inutile de travaux, non la
dépréciation du fonds (LABETOULLE, concl. préc. - CE 13 févr. 1987, Anrigo, supra, n o 29).

3 8 . Dans l'affaire consorts Guillerot (CE, sect., 4 mars 1977, supra, n o 29), le Conseil d'État refuse d'admettre le lien de
causalité s'agissant d'un lotissement autorisé en 1932, partiellement réalisé en 1939, et non poursuivi après la guerre, la
servitude apparaissant en 1956.

39. Quant aux « modifications à l'état antérieur des lieux », elles n'engagent la responsabilité de l'Administration que si elles
résultent directement de l'institution d'une servitude. Sur le fondement de cette règle, le Conseil d'État a écarté
l'indemnisation du propriétaire d'un immeuble détruit pendant la guerre, et à qui l'on refusait, parce que des servitudes
nouvelles étaient apparues, l'autorisation de reconstruire (CE 8 févr. 1963, Min. Construction c/ Cts Leroy, Lebon 83 ;
Gaz. Pal. 1963. 381).

4 0 . Dans les cas où elles sont susceptibles de jouer, les deux exceptions au principe de non-indemnisation admises par
l'article L. 160-5, dès l'instant où elles relèvent d'un régime légal de responsabilité, excluent les autres modes de réparation,
et notamment ceux qui résulteraient de l'application du droit commun (CE, sect., 19 déc. 1984, supra, n o 31). Le juge doit
d'ailleurs soulever d'office le moyen tiré de l'article L. 160-5 (même arrêt ; la solution est conforme à ce que le juge admet
habituellement lorsque existe un régime de responsabilité sans faute : CE, sect., 24 juin 1961, Chevalier, Lebon 431).

41. On rappellera que la législation sur les monuments historiques (C. patr., art. L. 621-6) et la législation sur la protection
des sites (C. envir., art. L. 341-6), n'admettent, dans un esprit analogue à celui qui anime l'article L. 160-5 du code de
l'urbanisme, l'indemnisation des propriétaires en cas de classement d'office qu'en cas de « modification à l'état ou à
l'utilisation des lieux déterminant un préjudice direct, matériel et certain » (V. supra, n o 14).

B. - Autres exceptions
1° - Indemnisation de la servitude de passage le long du littoral
42. L'article L. 160-7 du code de l'urbanisme admet l'indemnisation d'une servitude particulière : la servitude de passage le
long du littoral instituée par la loi n o 76-1285 du 31 décembre 1976 (D. 1977. 48. - GENEVOIS, La servitude de passage des
piétons sur le littoral, AJDA 1978. 828). L'indemnisation ne comporte pour seule condition de fond que l'existence d'un
« dommage direct, matériel et certain ». Mais le recensement des préjudices répondant à ces critères habituels ne sera pas
sans soulever quelques difficultés. Le tribunal administratif de Rennes admet l'indemnisation de la gêne causée aux
propriétaires par le passage des piétons, mais il s'abstient d'indemniser de manière distincte la dépréciation de la propriété,
en considérant que ce préjudice se confond avec le précédent (TA Rennes, 28 nov. 1984, Cts Guyon, 1 re esp., Guyon, 2 e esp.,
RFDA 1985. 913, note Charles).

43. Les articles L. 160-7 et R. 160-29 et suivants fixent diverses règles régissant la demande d'indemnité. La plus notable est
une règle de délai. Les demandes d'indemnité doivent, à peine de forclusion, parvenir à l'autorité compétente dans un délai
de six mois « à compter de la date où le dommage a été causé » (C. urb., art. L. 160-7). Le Conseil d'État a précisé que le
point de départ de ce délai de six mois devait « être fixé au plus tard à la date à laquelle les travaux destinés à matérialiser la
servitude ont été achevés sur la parcelle qui en est grevée » (CE 30 sept. 2011, Lenoël, req. n o 336664 , AJDA 2011. 1872
; RDI 2012. 351 , obs.).

2° - Hypothèses d'indemnisation indirecte


44. Il existe un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles le juge de l'expropriation, conduit à procéder à l'évaluation d'un
fonds, pourra ne pas tenir compte de servitudes d'urbanisme qui le frappent, contrairement à la règle de l'article L. 13-15 du
code de l'expropriation (V. supra, n os 22 s.). D'une part, la disposition de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation qui exige
que soit tenu compte des servitudes administratives n'est prévue que pour les terrains qualifiés de « terrains à bâtir ». On
peut en déduire que la règle ne s'applique pas aux biens ne rentrant pas dans cette catégorie, traditionnellement assez
strictement définie (GOUSSEAU, Vers l'unicité juridique de la notion de terrain à bâtir en droit public français, Droit et ville
1979, n o 7, p. 181), mais dont le champ a été, il est vrai, fortement étendu par les règles nouvelles introduites à l'article L. 13-
15 du code de l'expropriation par la loi n o 85-729 du 18 juillet 1985 sur l'aménagement urbain.

45. D'autre part, la prise en compte de certaines servitudes d'urbanisme par le juge de l'expropriation a été expressément
écartée par le code de l'urbanisme dans certaines hypothèses de « délaissement » : dans ces hypothèses, dans lesquelles le
propriétaire d'un bien frappé d'une servitude peut mettre l'Administration en demeure d'acquérir son bien, le prix est « fixé et
payé comme en matière d'expropriation, sans qu'il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement »
(C. urb., art. L. 230-3). Cela correspond au droit de délaissement pour les emplacements réservés par les plans d'occupation
des sols (C. urb., art. L. 123-2 et L. 123-17), au droit de délaissement reconnu lorsqu'un sursis à statuer est opposé à une
demande d'autorisation de construire, en prévision d'une expropriation ou d'une opération de travaux publics (C. urb.,
art. L. 111-11), ou enfin au droit de délaissement pour les terrains inclus dans une zone d'aménagement concerté (C. urb.,
art. L. 311-2) (V. HEUGAS-DARRASPEN, Servitudes d'urbanisme et valeur vénale des immeubles non bâtis, AJPI 1984. 323).

§ 2 - Limite jurisprudentielle
46. Par une lecture particulièrement constructive de l'article L. 160-5, le Conseil d'État a, par ailleurs, précisé qu'il existait une
autre exception au principe de non-indemnisation posé par cet article. Interprétant l'article L. 160-5 à l'aune de la Convention
européenne des droits de l'homme, la Haute assemblée a indiqué que cet article « ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire
dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des
conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce
propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi » (CE
3 juill. 1998, req. n o 158592 , Bitouzet, Dr. adm. 1998, n o 329 ; AJDA 1998. 570, chron. Raynaud et Fombeur ; CJEG
1998. 570, concl. Abraham ; RFDA 1998. 1243, concl. Abraham ; RFDA 1999. 841, note de Béchillon ). Cette nouvelle
dérogation au principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme a permis au Conseil d'État de juger que « l'article
L. 160-5 du code de l'urbanisme ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1 er du premier protocole additionnel à la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (CE 11 juill. 2011, Sté du parc
d'activités de Blotzheim, préc. supra, n o 11).

4 7 . L'exception ainsi posée ne semble toutefois pas d'une portée plus importante que les précédentes. On imagine
difficilement, en effet, une servitude qui, bien que légale, ait pour effet de faire supporter au propriétaire privé une charge
« hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ». En outre, les conditions liées au préjudice, qui doit être
« spécial et exorbitant », sont particulièrement restrictives. Ainsi, ne saurait être « spécial » le préjudice d'une
inconstructibilité née de la loi littoral, « dès lors que les contraintes d'inconstructibilité résultant de la loi littoral concernaient
tous les terrains situés sur le littoral français » (CE 13 nov. 2009, préc. supra, n o 33). À ce jour, aucune application positive de
la jurisprudence Bitouzet ne peut être relevée.
48. Le principe dégagé par l'arrêt Bitouzet a été étendu à d'autres hypothèses de servitudes, imposées à un propriétaire,
mais n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 160-5. Le Conseil d'État a ainsi considéré que les servitudes
instituées par les plans de prévention des risques naturels pouvaient donner lieu à indemnisation du propriétaire concerné
lorsque celui-ci supporte « une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi »
(CE 29 déc. 2004, préc. supra, n o 14). De la même manière, le mécanisme de la cession gratuite de terrains pour l'obtention
d'un permis de construire peut « dans le cas où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la
cession a été prescrite et mise en oeuvre que le propriétaire supporte, nonobstant l'avantage tiré du permis de construire qui
lui a été accordé, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi » (CE
11 févr. 2004, req. n o 211510 , M. Schiocchet, Dr. adm. 2004. Comm. 70, note Noguellou).

Section 2 - Responsabilité sans faute


49. On fait souvent observer que la responsabilité sans faute n'a, en matière d'urbanisme, pas l'extension que l'on pourrait
attendre (V. CALONEC, La réparation du préjudice urbanistique, thèse, Nantes, 1981, p. 198 s.). Les raisons de cet état de
fait sont de deux ordres.

50. La première raison tient aux rapports assez difficiles que l'urbanisme entretient avec le principe d'égalité. La plupart des
cas de figure de responsabilité sans faute dans lesquels la responsabilité d'urbanisme peut s'insérer sont directement fondés
sur le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Or, de ce principe, le droit de l'urbanisme ne tient qu'un
compte relatif, par l'effet de l'idée selon laquelle les charges et obligations que l'urbanisme impose aux particuliers revêtent un
caractère réciproque qui empêche de les considérer comme des atteintes à l'égalité. Depuis 1934 (CE 3 févr. 1934, Laine,
S. 1935. 3. 9, note Laroque), le Conseil d'État admet, malgré le principe d'égalité, le zonage, la division d'un territoire en
zones comportant des servitudes variables. Il a d'ailleurs expressément indiqué qu'il est de nature de toute réglementation
d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles :
que, dès lors que cette réglementation ne repose pas… « sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas
d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi » (CE 3 nov. 1982, Mlle Bonnaire et autres, Lebon 363).

51. Les limites de l'impact du principe d'égalité en matière d'urbanisme transparaissent aussi dans la jurisprudence constante
selon laquelle la légalité d'une décision d'octroi ou de refus du permis de construire ne s'apprécie pas au regard des décisions
prises à propos de terrains voisins ou de projets semblables dans la même zone ou la même commune (CE 13 juill. 1965,
p ré c. supra, n o 35. - CE 24 févr. 1978, Min. Équipement c/ Charrière, Lebon 106. - CE, sect., 1 er déc. 1978, Cts Dory,
Lebon 487).

5 2 . Le second motif de la relative rareté de la responsabilité sans faute en matière d'urbanisme tient à la conviction,
manifestement sous-jacente à la jurisprudence du Conseil d'État, que la vie urbaine et le développement urbain comportent
un seuil élevé d'inconvénients normaux, et que le fait de développer des activités commerciales, et plus encore des activités
immobilières, suppose une part d'acceptation des risques tenant aux changements assez rapides et fréquents que connaît le
milieu urbain. Ces deux idées complémentaires sont bien traduites par la large exclusion de la responsabilité en matière
d'aménagement du réseau routier (V. infra, n o 61). La seconde est souvent illustrée par la jurisprudence. Un exemple en est
donné par un arrêt (CE 22 juill. 1977, préc. supra, n o 19, qui exclut la responsabilité - sans faute - dans le cas d'un refus de
permis de construire faisant suite à un accord préalable) : le Conseil d'État y note que la société « ne pouvait ignorer que
l'obtention du permis de construire le palais des sports qu'elle projetait dans l'île de Puteaux ne résultait pas nécessairement
de l'accord préalable qu'elle avait obtenu ; qu'elle devait normalement envisager l'éventualité où, pour des motifs légitimes
tirés notamment de l'intérêt de la circulation et de l'insuffisance des possibilités de stationnement, ce permis de construire lui
serait refusé ; qu'ayant assumé le risque en toute connaissance de cause, elle ne saurait prétendre faire supporter par l'État
les conséquences onéreuses qui sont résultées pour elle de l'arrêté […] par lequel le ministre de l'Équipement a rejeté sa
demande de permis de construire ». Dans une autre affaire (CE 15 avr. 1992, req. n os 66843 à 66848 et 94432 , SCI
Vallières, Lebon 182 ; RD publ. 1993. 254 ; D. 1993. Somm. 144, obs. Bon et Terneyre ; LPA 1996, n o 15, p. 12, note
Martin-Genier), le Conseil d'État admet qu'en faisant l'acquisition de terrains avant même l'intervention de l'arrêté de création
d'une zone d'aménagement concerté, les sociétés immobilières qui avaient passé une convention d'aménagement avec la
communauté urbaine ont pris un risque qu'il leur appartient d'assumer.

53. Le juge administratif insiste d'ailleurs parfois, pour atténuer ou exclure la responsabilité de l'Administration, sur la qualité
de « professionnel de l'immobilier » de la personne concernée (CAA Paris, 5 mars 1996, req. n o 93PA00118 , Gelle, Lebon
T. 1159 ; Dr. adm. 1996, n o 332. - CE 16 nov. 1998, req. n o 175142 , M. Sille, Lebon 418 ; Dr. adm. 1999, n o 23).

54. Les limites que le Conseil d'État pose à la responsabilité sans faute en matière d'urbanisme ne prennent généralement
pas la forme d'une exclusion de principe de cette responsabilité. La rareté de cette responsabilité va en fait résulter des
exigences posées par le juge dans son appréciation du caractère anormal et spécial du préjudice (V. infra, n os 178 s.).

Art. 1 - Hypothèses se rattachant aux dommages de travaux publics


55. Le Conseil d'État a eu, en certaines occasions, à préciser la frontière séparant la responsabilité du fait de l'urbanisme de
la responsabilité pour dommages de travaux publics. Il a ainsi indiqué que les litiges relatifs aux autorisations d'utilisation du
sol ou accords préalables à ces autorisations ne relèvent pas du contentieux des travaux publics, même si l'ensemble
immobilier projeté doit comprendre des équipements publics (CE, sect., 11 janv. 1957, Sté le Palace, Lebon 30. - CE 10 juill.
1970, Ville de Nice c/ Sté immobilière L'Aiglon, Lebon 1248. - CE 29 janv. 1975, Sté Domaine du Bourrian et bureau d'études
immobiliers R.-J. Chapelle, Lebon 67).

56. C'est par le contentieux des conséquences dommageables des opérations d'aménagement urbain que la très originale
responsabilité sans faute du domaine des travaux publics se trouve importée dans la responsabilité du fait de l'urbanisme.
57. N'est en cause ici que la responsabilité pour les dommages non accidentels causés par les opérations d'aménagement
urbain (la responsabilité pour les dommages accidentels n'est plus une question d'urbanisme). Or, on sait que pour ce type de
dommages de travaux publics, la responsabilité de l'Administration n'est pas subordonnée à la faute, quelle que soit la
qualité, de tiers ou d'usager, de la victime (V. CHAPUS, Structure de la responsabilité pour dommages de travaux publics,
Mélanges W aline, 1974, p. 307).

5 8 . La responsabilité de l'Administration peut être engagée sans faute pour les troubles de jouissance et les divers
inconvénients de voisinage provoqués par la construction et la présence des divers équipements urbains, et notamment des
équipements routiers.

5 9 . La responsabilité de l'Administration peut être engagée - si les conditions relatives au préjudice sont également
satisfaites - pour les troubles de jouissance provenant de la perte ou de la forte altération du droit d'accès des riverains des
équipements urbains (par ex. : CE 29 mai 1974, Reyboz, Lebon 326 : construction d'une autoroute à la place d'une route,
supprimant l'accès à une station-service. - CE 27 nov. 1974, Amouzegh, Lebon 595 : construction d'une bretelle d'autoroute
qui vient séparer le commerce de la requérante d'un ensemble d'habitations d'où provient l'essentiel de sa clientèle. - CE
22 juin 1983, Communauté urbaine de Bordeaux et autres, Lebon T. 864 : transformation d'une rue en voie piétonnière ayant
rendu un garage inaccessible aux automobiles. - CE 16 oct. 1992, req. n o 95152 , Sté Garage de Garches : rue transformée
en voie piétonne, ce qui fait perdre à un garage - désormais inaccessible pour les véhicules automobiles - toute sa clientèle).

6 0 . Sous la réserve, toujours, des conditions relatives au préjudice (V. infra, n os 178 s.), la jurisprudence admet une
éventuelle responsabilité sans faute du fait de divers inconvénients de voisinage (CE 2 juin 1967, Min. Équipement, Lebon
T. 953 : dépréciation d'une propriété du fait des réductions de vue et d'ensoleillement et de l'aggravation des bruits
provoqués par la construction d'une voie sur remblai dans une agglomération. - CE 5 mai 1976, Min. Équipement c/
Mme Vve Utkala, Lebon T. 1126 : troubles de jouissance et diminution de la valeur d'une propriété du fait de la construction à
proximité et en surplomb, d'une autoroute. - CE 20 mai 1977, Min. Équipement c/ Épx Landais, Lebon 967 : diminution de la
valeur vénale d'une propriété résultant de la construction d'une route sur remblai et à faible distance de la maison. - CE 5 nov.
1982, Sté des Autoroutes du Sud de la France, Lebon T. 747, et 22 juin 1983, Sté des Autoroutes du Sud de la France, Lebon
T. 864 : bruits des autoroutes. - CAA Lyon, 18 déc. 2003, req. n o 03LY00122 , Cne de Veurey-Voroize : troubles dans les
conditions d'existence et perte de la valeur vénale d'un bien situé près d'un local pour conteneurs à ordures). Dans le même
ordre d'idées, la durée excessive d'une opération de travaux publics peut entraîner un préjudice anormal et spécial pour le
propriétaire concerné (CAA Marseille, 9 janv. 2006, req. n o 02MA01882 , Fischer, AJDA 2006. 1178 ).

61. Sont également susceptibles d'engendrer la responsabilité sans faute de l'Administration les allongements de parcours,
c'est-à-dire les préjudices résultant de déviations temporaires ou définitives de la circulation sur les voies publiques dues à
telle ou telle opération d'aménagement (par ex. : CE 25 oct. 1961, Min. Armées c/ Sté Louis Vogel et Cie, Lebon T. 1208 :
travaux d'agrandissement d'un aérodrome ayant entraîné la fermeture d'un chemin et, par voie de conséquence, un
allongement de parcours de trois kilomètres entre la carrière appartenant à une société et l'usine de ciment qu'exploitait cette
même société. - CE 30 oct. 1970, GDF, Lebon 626 : établissement d'une voie autoroutière obligeant le personnel d'une usine,
dont les bâtiments sont situés de part et d'autre, à un détour important. - CE, sect., 22 juill. 1977, Dame Margot et autres,
Lebon 372 : allongement de parcours dû à la construction d'un aérodrome).

62. Une limite importante de la responsabilité provient, pour ce qui concerne les opérations d'aménagement routier, de ce
que, selon l'expression habituelle de la jurisprudence, « les modifications définitives apportées à la circulation générale et
résultant soit de changements effectués dans l'assiette ou dans la direction des voies publiques, soit de la création de voies
nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité » (V. pour un rappel récent, CE 16 juin 2008, req. n o 293857 ,
M. et Mme A., AJDA 2008. 1235 ). Le Conseil d'État exclut la responsabilité administrative dans le cas de la perte de
clientèle par un relais routier situé au bord d'une route nationale, due au fait que la circulation sur la route nationale a été
détournée pendant une période assez prolongée du fait de travaux d'aménagement (CE 26 mai 1965, Min. Travaux publics,
transports et tourisme c/ Épx Tebaldini, Lebon 305, concl. Braibant ; AJDA 1965. 340, chron. Puybasset et Puissochet), de
même que dans le cas du préjudice commercial subi par une société exploitant un service de bateaux de bacs sur
l'embouchure de la Rance, à la suite de l'ouverture d'une route sur le barrage (CE, sect., 2 juin 1972, Sté des bateaux de la
Côte d'Émeraude dite les Vedettes Blanches, Lebon 414 ; D. 1974. 260, concl. Rougevin-Baville ; AJDA 1972. 347, chron.
Labetoulle et Cabanes ; RD publ. 1972. 497, note Waline. - AUFFRET et CAILLOSSE, La responsabilité administrative du fait
des dommages commerciaux résultant de l'aménagement du réseau routier, AJPI 1977. 8). Une solution de même ordre est
admise à propos des allongements de parcours résultant de modifications apportées à la circulation générale (CE 6 mars
1981, Roussel, Lebon T. 958).

Actualité
62. Indemnisation des préjudices subis du fait de la modification des voies publiques. - Si, en principe, les modifications apportées
à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies
publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le
cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie
publique (CE 11 févr. 2015, req. n o 367342, Lebon ; AJDA 2015. 314, obs. Pastor).
63. En revanche, même s'il se montre rigoureux dans l'appréciation du caractère spécial et anormal du préjudice (V. infra, n os
178 s.), le juge n'a pas écarté par principe la responsabilité du fait des préjudices commerciaux résultant d'opérations
d'aménagement urbain autres que les opérations d'aménagement routier (CE 31 janv. 1968, SEMAEB et ville de Brest c/
Bastard, Lebon 83 : perte de clientèle résultant de la réalisation d'une zone industrielle. - CE, sect., 15 mars 1974, Épx
Renault, Lebon 189 ; AJDA 1974. 309, chron. Franc et Boyon : perte de clientèle résultant de la destruction totale d'un îlot
d'habitation du fait d'une opération de rénovation. - CE 22 oct. 1975, Épx Rondot, Lebon T. 1242. - CE 10 déc. 1975, Soriano,
Lebon 1242 : pertes de clientèle résultant d'opérations de rénovation urbaine).
64. Une loi n o 70-611 du 10 juillet 1970 a prévu un régime particulier d'indemnisation des commerçants et artisans exerçant
leur activité dans un immeuble destiné à être acquis par l'Administration ou exproprié dans le cadre d'une opération de
rénovation urbaine. La loi n o 85-729 du 18 juillet 1985 (V. supra, n o 44) relative à l'aménagement urbain a supprimé la
procédure de rénovation urbaine, mais elle reprend le mécanisme d'indemnisation pour l'appliquer à l'ensemble des
opérations d'aménagement (C. urb., art. L. 314-6). L'une des particularités de ce mécanisme est qu'il prévoit l'indemnisation
avant le transfert de propriété (AUFFRET et CAILLOSSE, article préc., p. 23).

Art. 2 - Atermoiements de l'Administration


65. Dans le domaine de l'expropriation - qui n'est certes pas un mécanisme spécifique du droit de l'urbanisme, mais qui est
d'un emploi très important au service de l'aménagement urbain -, la jurisprudence a admis la responsabilité de l'Administration
du fait des préjudices spéciaux et anormaux qu'elle cause lorsqu'elle renonce à son projet après avoir lancé la procédure (CE,
sect., 23 déc. 1970, EDF c/ Farsat, AJDA 1971. 96, concl. Kahn ; JCP 1971. II. 16820, note Beaufrère ; RD publ. 1972. 22, note
Waline. - CE 2 mai 1973, Meyer et Sté Garage Meyer, Lebon 316) ou en laissant se prolonger de manière anormale la phase
administrative de l'expropriation (CE 6 oct. 1982, Cne de Toulouse, Lebon 738).

66. La même solution a été admise dans un cas de renonciation à une opération d'aménagement (CE 17 mars 1989, Ville de
Paris c/ Sté SODEVAM, 2 esp., Lebon 93 et 96 ; AJDA 1989. 472, concl. Stirn ; RD publ. 1990. 1183 ; D. 1990. Somm. 295, obs.
Bon et Terneyre : incidence, pour la fréquentation d'un parc de stationnement, de l'abandon du projet de réalisation de la
voie radiale dite « Vercingétorix »), et dans celui d'une modification de projets d'aménagement d'un secteur ayant rendu
impossible la réalisation de tranches d'un lotissement (CE 9 janv. 1985, SA des Ecardines, RDI 1985. 145, chron. Gaudemet et
Labetoulle).

6 7 . Il convient de relever, toutefois, que le juge administratif se montre particulièrement clément à l'égard de ces
atermoiements de l'Administration. Notamment, et comme on l'a déjà indiqué, il considère souvent qu'en raison de leur qualité
de « professionnel de l'immobilier », les interlocuteurs de l'Administration acceptent d'assumer l'aléa inhérent à toute
opération d'aménagement. Un arrêt est particulièrement révélateur de cet état d'esprit jurisprudentiel : « Cons. en premier
lieu que, comme l'ont décidé les premiers juges, si la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même
sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, au cas où une mesure
légalement prise a pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique ou morale un préjudice spécial et d'une
certaine gravité, il n'en est pas ainsi en l'espèce dès lors que M. Sille, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait
ignorer les aléas qui pèsent nécessairement sur la réalisation d'un programme immobilier tel que celui qui était projeté en
l'espèce, pour la réalisation duquel il fallait notamment modifier les dispositions du plan d'occupation des sols et obtenir
l'accord du conseil municipal » (CE 16 nov. 1998, préc. supra, n o 53. - V. égal. CE 15 avr. 1992, préc. supra, n o 51. - CE
23 juill. 1993, req. n o 80937 , Sté aménag. Plateau d'Andresny, la révision d'un PAZ ayant causé un préjudice à
l'aménageur, celui-ci ne saurait obtenir réparation dans la mesure où ce préjudice « n'excède pas ce à quoi un organisme
chargé de l'aménagement d'une ZAC est normalement exposé à s'attendre à raison de la faculté ouverte à l'Administration de
réviser les règles d'urbanisme applicables à cette zone »).

Art. 3 - Défaut d'application de la réglementation


68. Comme elle l'a fait dans d'autres domaines (CE, ass., 7 mai 1971, Min. Économie et finances et ville de Bordeaux c/ Sastre,
Lebon 334, concl. Gentot. - CE 4 févr. 1976, Sté des Éts Omer-Decugis, RD publ. 1976. 1509, note Waline), le Conseil d'État a
admis, par un important arrêt de l'Assemblée du contentieux (CE 20 mars 1974, Min. Aménagement du territoire, équipement,
logement et tourisme c/ Navarra, Lebon 200, concl. Rougevin-Baville ; JCP 1974. II. 17752, note Liet-Veaux ; RD publ. 1974.
930, note de Soto ; D. 1974. 481, note Gilli ; AJDA 1974. 303, chron. Franc et Boyon), que l'Administration était responsable
sans faute des préjudices anormaux et spéciaux qu'elle pouvait causer en refusant de poursuivre les infractions aux règles
d'urbanisme. Cet arrêt a été confirmé (CE 5 janv. 1977, Épx Durand, Rev. éco. et dr. imm. 1978, n o 77, chron. M. R. - CE
17 déc. 1980, Min. Environnement et cadre de vie c/ Mehault, AJPI 1981. 606, chron. Hostiou ; Dr. adm. 1981, n o 10).

6 9 . La solution ne s'applique cependant que lorsque l'Administration n'est pas tenue de poursuivre les infractions. La
responsabilité pour faute réapparaît lorsque l'Administration néglige de dresser procès-verbal transmis au ministère public,
dans le cas où il lui est fait obligation d'agir ainsi par l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme.

Art. 4 - Décision individuelle régulière


7 0 . La jurisprudence a appliqué l'idée, admise dans le droit administratif général, selon laquelle « la responsabilité de la
puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant
les charges publiques au cas où une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique
ou morale un préjudice spécial et d'une certaine gravité » (CE, ass., 29 juin 1962, Sté manufacture des machines du Haut-
Rhin, Lebon 432, concl. Ordonneau), à l'hypothèse du refus légal du permis de construire (CE 22 juill. 1977, préc. supra, n o
19. - CE 9 juill. 1982, Ville de Paris, Lebon 280. - CE 9 nov. 1984, Ville des Sables d'Olonne, Lebon 740). Il n'est pas inutile de
préciser que, dans ces trois affaires, la responsabilité de l'Administration n'a finalement pas été retenue, faute de préjudice
adéquat (V. infra, n os 182 s.).

Art. 5 - Autres hypothèses


71. Relèvent de la responsabilité sans faute l'indemnisation des servitudes d'urbanisme dans les cas où elle est admise par
les articles L. 160-5 et L. 160-7 du code de l'urbanisme (V. supra, n os 27 s.), ainsi que les applications de la responsabilité
quasi contractuelle (V. infra, n o 122).

72. On peut envisager théoriquement et selon les règles du droit administratif général (V. Responsabilité sans faute) une
responsabilité du fait des lois et une responsabilité du fait des règlements légaux. Le champ de la responsabilité du fait des
lois était traditionnellement très restreint, la jurisprudence considérant qu'elle ne pouvait trouver à s'appliquer que si le
législateur ne l'avait pas explicitement ou implicitement écartée. Dès lors qu'une loi poursuivait un but d'intérêt général, elle
était considérée comme excluant, de manière implicite, toute indemnisation (V. not. CE, sect., 14 mars 1975, SCI de la vallée
de Chevreuse, Lebon 197, concl. Dondoux ; JCP 1975. II. 18077, note Homont ; AJDA 1975. 224, chron. Franc et Boyon, loi
ayant pour conséquence de faire estimer en tant que bois et non comme terrains à bâtir des terrains expropriés dans le cadre
d'une opération de ZUP, mais « intervenue dans un but d'intérêt général afin de garantir l'ensemble de la population contre la
hausse excessive du prix des terrains »). La jurisprudence a évolué de manière importante sur cette question, le Conseil
d'État ayant posé pour principe que le silence du législateur ne pouvait plus être interprété comme excluant le principe de
l'indemnisation des conséquences de l'application du texte législatif en cause (CE 2 nov. 2005, req. n o 266564 , Sté
coopérative agricole Ax'ion, AJDA 2006. 142 , chron. Landais et Lenica ; Dr. adm. 2005. Comm. 34). Cette solution est de
nature à accroître les hypothèses dans lesquelles la responsabilité du législateur pourra être retenue (on en trouve d'ailleurs
l'illustration dans un arrêt récent dans lequel le Conseil d'État a considéré que l'application des textes législatifs autorisant la
fermeture de campings dans des zones soumises à un risque naturel prévisible était susceptible d'engager la responsabilité
sans faute de l'autorité de police les mettant en oeuvre, « le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa
mise en oeuvre ne pouvant être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son
application est susceptible de provoquer », CE 25 juill. 2007, req. n o 278190 , M. et Mme B., Dr. adm. 2007. Comm. 159, par
Melleray).

73. Quant à la responsabilité du fait des règlements légaux (CE, sect., 22 févr. 1963, Cne de Gavarnie, Lebon 113 ; RD publ.
1963. 1019, note Waline), son application dans le domaine de l'urbanisme ne pourra également être qu'exceptionnelle du fait
de l'existence d'une règle légale (C. urb., art. L. 160-5. - V. supra, n os 5 s.) excluant l'indemnisation des servitudes. Sans
compter la limite habituelle de cette sorte de responsabilité, qui tient à ce qu'elle ne peut être mise en jeu qu'en présence
d'un préjudice anormal et spécial, rarement démontré (V. infra, n o 178. - Et, à propos de normes imposées aux communes en
matière de constructions scolaires : CE 20 juin 1973, Cne de Chateauneuf-sur-Loire, AJDA 1973. 545, concl. Rougevin-Baville).

7 4 . On signalera, pour mémoire, que la responsabilité contractuelle comporte, dans le domaine de l'aménagement urbain
comme ailleurs, une part de responsabilité sans faute (De LAUBADÈRE, MODERNE et DELVOLVÉ, Traité des contrats
administratifs, t. 1, 1983, LGDJ, p. 762), découlant du jeu des notions de fait du prince (par ex., en matière de marché de
travaux publics : CE 12 déc. 1924, Ville de Dieppe c/ Dufour, Lebon 1006), d'imprévision et de sujétions imprévues (en matière
de marché de travaux publics : CE 5 janv. 1944, Ville de Montpellier c/ Monniot, Lebon 433).

Section 3 - Responsabilité pour faute extracontractuelle


Art. 1 - Régime de responsabilité
75. La responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme est normalement une responsabilité pour faute. Cela
est vrai, y compris dans le registre de la responsabilité contractuelle (De LAUBADÈRE, MODERNE et DELVOLVÉ, op. cit.,
p. 756 s.).

7 6 . En principe, la responsabilité de l'Administration n'est subordonnée qu'à l'établissement d'une faute simple. La faute
lourde n'a qu'un champ d'application très limité en droit de l'urbanisme, ce qui correspond à une évolution générale du droit
de la responsabilité administrative.

7 7 . On la retrouve en matière de contrôle de l'État sur les collectivités territoriales, la responsabilité de l'État pour une
carence dans l'exercice du contrôle de légalité n'étant susceptible d'être engagée qu'en cas de faute lourde. Cette
jurisprudence trouve naturellement à s'appliquer en matière d'urbanisme : le fait que le préfet se soit abstenu de déférer un
plan d'occupation des sols a ainsi été considéré comme ne constituant pas une faute lourde (CE 21 juin 2000, req. n o 202058
, Min. Équipement c/ Cne de Roquebrune-Cap-St-Martin, RFDA 2000. 1096, note Bon ) ; il en va de même pour des permis
de construire, dès lors que les services de l'État ne pouvaient se rendre compte du caractère erroné des renseignements
fournis par le pétitionnaire qu'à l'issue d'une étude particulièrement approfondie du dossier (CAA Marseille, 8 sept. 2005, req.
n o 01MA01192 , Laïolo). En revanche, constitue une faute lourde le fait, pour le préfet, de ne pas avoir déféré, pendant
trois années consécutives, neuf délibérations dont « l'illégalité ressortait avec évidence des pièces qui lui étaient transmises
et dont les conséquences financières étaient graves pour les communes concernées » (CE 6 oct. 2000, req. n o 205959 ,
Cne de Saint-Florent, RFDA 2001. 152, note Bon : il s'agissait de délibérations relatives à un projet de création d'une foire-
exposition et d'un parc touristique).

78. L'exigence de la faute lourde s'applique traditionnellement aussi à la responsabilité de l'État du fait du concours apporté
par ses services déconcentrés - notamment Ponts et chaussées et génie rural - aux collectivités locales pour conduire certains
travaux d'aménagement. À vrai dire, le régime de responsabilité, ici, se subdivise. Dans le cas où l'intervention du service de
l'État est obligatoire, ainsi que dans le cas où le service de l'État, facultativement sollicité, agit sous l'autorité du maire, la
responsabilité de l'État n'apparaît que si ses agents ont refusé ou négligé d'exécuter les ordres du maire (CE, sect., 28 mai
1971, Ville de Saint-Jean-de-Maurienne, Lebon 404. - CE 11 juill. 1984, Min. Urbanisme et logement c/ Cne de Vaucresson et
a u tre s , Lebon 739). Lorsqu'on ne se trouve dans aucune de ces deux hypothèses, la jurisprudence subordonne la
responsabilité à une faute lourde (CE 9 mars 1977, Chambre de commerce et d'industrie de Douai, Lebon T. 957 : faute lourde
des Ponts et chaussées s'étant abstenus, avant la construction d'un ouvrage dont ils étaient chargés, d'établir les projets et
de surveiller les travaux, de prévoir le remblaiement d'un égout désaffecté sous-jacent), ou en tous les cas à une faute
« d'une gravité suffisante » (CE 13 nov. 1981, Min. Agriculture c/ Arnaud, Lebon 955).

79. Les lois de décentralisation ont prévu que les services de l'État pouvaient être mis à la disposition des collectivités locales
pour l'élaboration des documents d'urbanisme (C. urb., art. L. 121-2, dans sa réd. issue de L. 7 janv. 1983, préc.) et pour
l'instruction des demandes de permis de construire (C. urb., art. L. 421-2-6, dans sa réd. issue de L. 7 janv. 1983). Dans le
cadre de cette intervention, également, la jurisprudence considère que la responsabilité de l'État n'est susceptible d'être
retenue que lorsque ses services ont commis une faute en ne respectant pas les instructions données par le maire (CE 21 juin
2000, préc. - CAA Nancy, 29 janv. 2004, req. n o 98NC02160 , Altmeyer, JCP A 2004, n o 1539).

80. Cela précisé, la faute peut être liée à l'illégalité de l'acte ou à l'illégalité du comportement de l'Administration.

Art. 2 - Illégalités
8 1 . L'illégalité dans une décision quelconque constitue une faute de service susceptible d'engendrer la responsabilité de
l'Administration, et il s'agit là d'un cas de figure de responsabilité assez fréquent en droit de l'urbanisme, en particulier dans le
domaine du permis de construire.

8 2 . La jurisprudence fournit de multiples exemples de responsabilité pour octroi irrégulier du permis de construire, cette
responsabilité pouvant d'ailleurs être recherchée aussi bien par des tiers à qui la délivrance du permis a causé un préjudice
(CE, sect., 10 déc. 1943, Moreau, Lebon 288. - CE 18 mai 1960, Épx Grenet, Lebon 340. - CE 26 mai 1965, Kutschera,
Lebon 295. - CE 12 mai 1976, Épx Leduc, Lebon 252 ; RD publ. 1977. 211, note J. de Soto. - CE 14 déc. 1988, req. n o 67353,
M. Bosc. - CE 12 mars 1990, req. n o 68932 , Min. Urbanisme, logement et transports c/ Mme Gallichet, LPA 3 juill. 1991, note
J.-B. Auby), que par le pétitionnaire lui-même, qui pourra avoir subi un dommage lorsque par exemple, son permis est annulé
alors qu'il a entrepris les travaux que le permis autorisait (CE 12 nov. 1975, SCI Résidence du pays d'Oc, Lebon T. 1248 ; Dr.
adm. 1975, n o 395. - CE 27 juin 1976, Sté de construction immobilière rhodanienne, Lebon T. 1120 ; JCP 1977. II. 18557, note
Liet-Veaux. - CE 30 juin 1976, Cts Volant, Lebon 1121. - CE 23 déc. 1981, Min. Environnement et cadre de vie c/ Stinco,
Lebon 488 ; RDI 1982. 229, chron. Gaudemet et Labetoulle. - CE 9 juill. 1982, Min. Environnement et cadre de vie c/ Sté Le Pré
du Roi, Lebon T. 744. - CE 4 mai 1983, SCI Camargue 2000, Rev. éco. et dr. imm. 1984, n o 106, chron. Bouyssou. - CAA Nancy,
12 déc. 1991, req. n o 89NC01363 , Min. Équipement c/ Épx Delobette, Lebon T. 1191 ) ou lorsque sa construction est
touchée par un phénomène naturel : avalanche, inondation…, dont le risque aurait dû conduire au refus du permis ou, au
moins, à la délivrance d'un permis assorti de prescriptions (CE 25 oct. 1985, Poinsignon, Lebon 763. - CE 2 oct. 2002, req.
n o 232720 , Min. Équipement, transports et logement).

83. La responsabilité de l'Administration a été retenue dans une hypothèse dans laquelle le permis délivré n'était pas illégal,
mais « insuffisamment motivé et ambigu » (CE 3 févr. 2003, req. n o 239624 , Weber, Constr.-Urb. 2003. Comm. 141, note
Benoît-Cattin).

8 4 . La responsabilité de l'Administration peut naître également du refus illégal du permis de construire (CE 27 juin 1934,
Rossaza et Yvars, Lebon 737. - CE 30 mars 1966, Ravinetto, Lebon 247. - CE 20 janv. 1971, Min. Équipement c/ Cts Ghis et
Goe tz, Lebon T. 1192 . - CE 10 mars 1971, Hamon, Lebon T. 1196 . - CE 11 mai 1983, CEFIC, Lebon T. 863 ; JCP N 1984,
n o 110, concl. Robineau. - CE 30 sept. 1983, Callé, Lebon T. 859 . - CE 9 déc. 1983, Gillet, Lebon 509. - CE 4 mai 1994, req.
n o 136340 , Leboissetier), d'un refus illégal d'instruire une demande de permis de construire (TA Versailles, 1 er juill. 1997,
req. n o 936518, Sté Mercure Promotion) ou d'autoriser un transfert de permis de construire (CE 8 nov. 1989, supra, n o 32),
d'un retrait illégal de permis (CE 10 mai 1968, Sté coopérative de construction d'Odomez, Lebon T. 1104 . - CE 7 janv. 1970,
Rosier, Lebon 9. - CE, sect., 25 juin 1971, Min. Équipement c/ Bruchet, Lebon 488. - CE 8 juill. 1977, préc. supra, n o 20. - CE
30 sept. 1983, préc. - 2 mars 1984, Épx Saada, Gaz. Pal. 1985. 1. Pan. 135. - CE 28 juill. 1993, req. n o 87047 , Roux. - CE
24 sept. 2012, M. B., req. n o 342236 ). Elle peut naître aussi d'un sursis à statuer opposé illégalement à une demande de
permis (CE 9 oct. 1974, Min. Aménagement du territoire c/ Broust, Lebon T. 1219. - CAA Lyon, 5 déc. 1995, req. n o 94LY00446
, Bonnin), ou encore de l'illégalité d'un accord préalable au permis (CE 17 juin 1983, Min. Environnement et cadre de vie c/
SCI Italie-Vandrezanne, Lebon 267 ; JCP 1984. II. 20138, note Morand-Deviller. - CE 9 déc. 1983, Sté d'études d'un grand
hôtel international à Paris, Lebon 507 ; D. 1985. IR 96, obs. Bon et Moderne).

85. La jurisprudence montre d'autres hypothèses de décisions dont l'illégalité est susceptible de faire naître la responsabilité
de l'Administration. Il en va ainsi, notamment, des refus d'autorisation de lotir (CE 2 nov. 1938, Leneveu, Lebon 820), ou
encore des refus d'alignement (CE 7 nov. 1934, Pelalo, Lebon T. 1030. - CE 20 févr. 1935, Dame Vve Dejoie, Lebon 232. - CE,
sect., 5 juill. 1935, Ville de Perpignan, Lebon T. 777).

86. De même, la responsabilité de l'État peut être engagée en raison de l'illégalité dont est entaché un refus d'autorisation
d'urbanisme commercial (CE 22 janv. 1993, req. n o 82358 , Sté civ. d'études du centre commercial intercommunal de
Sannois-Ermont-Franconville, Lebon T. 1016 ; Dr. adm. 1993, n o 128 ; D. 1994. Somm. 66, obs. Bon et Terneyre ).

87. Naturellement, la responsabilité de l'Administration est également engagée dans les hypothèses d'exercice illégal du droit
de préemption (CE 30 juill. 1997, req. n o 160968 , Cne de Montreuil-sous-Bois, D. 1999. Somm. 56, obs. Bon et de Béchillon
; Dr. adm. 1997, n o 367 ; BJDU 1997. 436, concl. Maugüé, note Touvet), ou encore lorsque l'Administration refuse de faire
droit à une demande - justifiée - de rétrocession d'un bien (CAA Lyon, 7 mars 2000, req. n o 95LY01401 , Mme Giraud). Dans
un arrêt, des propriétaires ont invoqué la responsabilité de l'Administration, pour violation de l'article 1 er du protocole
additionnel n o 1 à la Conv. EDH, en ce que l'exercice du droit de préemption n'avait pas conduit à la réalisation des
équipements publics prévus, l'atteinte à leur droit de propriété tenant à ce que la valeur vénale des terrains préemptés avait
entre-temps considérablement augmenté. Le Conseil d'État considère qu'il n'y a pas là d'atteinte au droit de propriété des
vendeurs, mais précise que « l'augmentation de la valeur vénale des terrains postérieurement à la préemption doit être prise
en compte s'agissant de l'acquéreur évincé » (CE 10 mars 2010, req. n o 323081 , Cté urbaine de Strasbourg, Dr. adm.
2010. Comm. 106). En d'autres termes, il n'y a pas de faute, pour les propriétaires concernés, dans le fait de ne pas utiliser le
bien préempté même si celui-ci voit sa valeur croître - l'arrêt relevant d'ailleurs que les propriétaires avaient « renoncé à leur
droit de rétrocession » - mais cela semble être de nature à constituer une faute engageant la responsabilité de
l'Administration à l'égard de l'acquéreur évincé. On relèvera enfin qu'en ce qui concerne les actions en responsabilité pour des
retards dans le paiement du prix, la compétence est celle du juge judiciaire (CE 21 avr. 2000, req. n o 180325 , Sté Foncier
Immobilier Lyonnais, Dr. adm. 2000. Comm. 147).

88. En principe, toute illégalité quelle qu'elle soit, constitue une faute de service, comme il est admis dans l'ensemble du droit
administratif (V. HELIN, Faute de service et préjudice dans le contentieux de la responsabilité pour illégalité, thèse, Nantes,
1969). Cette affirmation doit toutefois être assortie des quelques précisions suivantes.

8 9 . S'appliquait jadis en matière d'urbanisme la jurisprudence selon laquelle l'illégalité n'est pas source de responsabilité
lorsqu'elle découle d'une simple erreur d'appréciation (V., en matière de permis de construire, CE 7 juin 1940, Vuldy,
Lebon 197). Cette jurisprudence a été, comme on sait, abandonnée par le Conseil d'État en 1973 (CE, sect., 26 janv. 1973,
Ville de Paris c/ Driancourt, Lebon 77 ; Rev. adm. 1974. 29, note Moderne ; AJDA 1973. 245, chron. Cabanes et Léger), et la
solution nouvelle a été appliquée en matière de permis de construire (CE 7 avr. 1976, Gobard, RD publ. 1977. 247).

90. Certains arrêts pourraient signifier que le vice de forme ou de procédure entachant une décision d'urbanisme ne serait
pas nécessairement source de responsabilité, lorsque la décision apparaît comme justifiée au fond (CE 29 oct. 1943, Landry,
Lebon 236. - CE, sect., 14 juin 1946, Ville de Marseille c/ Vincentelli, Lebon 154. - CE 20 mars 1985, Cne de Villeneuve-le-Roi c/
Épx Ruby, Lebon T. 765 ). C'est ce qui ressort notamment d'un arrêt récent dans lequel le Conseil d'État a jugé que « si
l'intervention d'une décision illégale constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, elle ne saurait
donner lieu à réparation si, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise » (CE
15 avr. 2011, Sté Usine du Marin, req. n o 322956 ). Dans cette espèce, une délibération modifiant une emprise de ZAC avait
été annulée pour vice de forme, mais le Conseil d'État a estimé que l'interdiction des constructions qui résultait de la
modification était justifiée, au fond, et ne pouvait donner lieu à réparation. Dans de telles hypothèses, le Conseil d'État relève
souvent une absence de préjudice, le caractère non certain du préjudice (CALONEC, thèse préc., p. 85), ou encore l'absence
de lien de causalité (CE 21 mars 2008, req. n o 279074 , Sté Terres et Demeures, Constr.-Urb. 2008. Comm. 83, note
Chambord. - V. infra, n os 142 s.).

9 1 . La même analyse peut être faite à propos d'un arrêt qui admet que l'incompétence du signataire d'un permis de
construire n'est pas de nature, à elle seule, à engager la responsabilité de l'État (CE 18 mai 1960, Épx Grenet, Lebon 340).

Art. 3 - Comportements fautifs


92. Qui dit faute dit manquement à une obligation. Dans de nombreux cas, il n'est pas facile de dire si tel ou tel comportement
obligatoire était imposé à l'Administration. Les justiciables peuvent s'y tromper et le juge doit préciser. C'est ce que fait le
Conseil d'État, par exemple lorsqu'il écarte la responsabilité de l'Administration faute d'obligation pour elle de réaliser les
travaux prévus dans les plans d'alignement (CE 5 août 1913, Desreumeaux c/ Ville de Lille, Lebon T. 995 ), faute d'obligation
de réaliser, du moins immédiatement, les travaux prévus par les plans d'urbanisme (CE 19 janv. 1966, Dame Estellon,
Lebon 1136). Lorsqu'il rappelle, aussi, que l'Administration peut renoncer à une opération d'aménagement (CE 29 avr. 1977,
Sté d'aménagement de Bray-Dunes, Lebon 958. - TA Versailles, 11 oct. 1978, Ville de Dourdan, Lebon T. 608) ; en revanche, la
responsabilité peut naître du défaut de réalisation d'une voie prévue à l'occasion d'une autorisation de lotir (CE 16 janv. 1970,
Cne de Billière, Lebon T. 1249).

93. Le Conseil d'État a pu préciser que rien n'interdit à l'Administration de modifier les plans d'urbanisme (CE 9 déc. 1977,
Delle Aubaud, Lebon 495), ou que l'octroi du permis de construire n'emporte aucune garantie par l'Administration de la
résistance du sol (CE 20 avr. 1966, Loncq, Lebon 268), comme de l'absence de risque d'avalanche (CE 26 juin 1985, SCI de la
Chalp, Lebon 206 ; JCP 1986. II. 20649, note J.-B. Auby), ou bien que l'Administration n'est pas tenue d'organiser un débat
contradictoire à propos de l'avis des Ponts et chaussées sur une demande d'autorisation (CE 7 mars 1959, SCI du quartier
Saint-Blaise, Lebon 416).

§ 1 - Fautes dans la fourniture de renseignements d'urbanisme


9 4 . On aborde là une source importante de responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme. On peut
admettre en premier lieu que la responsabilité administrative n'est pas engagée par la fourniture de renseignements exacts :
il peut cependant en aller autrement dans certains cas (ODENT, Contentieux administratif, fasc. 1, p. 1379), par exemple celui
d'un maire qui, quatre jours avant la vente par adjudication d'un terrain situé dans une zone à urbaniser par priorité, tient
une conférence de presse pour annoncer son intention d'exercer le droit de préemption sur ce terrain et, par ces
renseignements, dissuade certains acquéreurs potentiels de faire monter les enchères (CE 8 juin 1966, Fondation les
Orphelins apprentis d'Auteuil, Lebon 374).

95. La fourniture de renseignements erronés est, en revanche, une source courante de responsabilité administrative.

96. La responsabilité du fait de la fourniture de renseignements erronés a précisément trouvé un terrain d'élection avec le
mécanisme du certificat d'urbanisme, et son prédécesseur, la note de renseignements. Il est vrai que la jurisprudence a hésité
à admettre que la responsabilité de l'État pouvait être engagée du fait des lacunes ou des inexactitudes dans les notes de
renseignements (TA Marseille, 12 nov. 1958, Sté immobilière marseillaise, AJDA 1958. 484, concl. Guérin. - TA Paris, 4 mars
1959, Aubergeon, AJDA 1959. 292. - TA Lille, 24 oct. 1962, Letot, Lebon 790. - CE 8 févr. 1963, préc. supra, n o 39), mais le
principe de cette responsabilité est tout à fait acquis depuis un arrêt Duffaut de 1964 (CE, sect., 10 juill. 1964, Min.
Construction c/ Duffaut, Lebon 399 ; D. 1964. 722, concl. Rigaud ; AJDA 1964. 557, chron. Fourré et Puybasset).

9 7 . La solution a été admise à propos de toutes sortes d'erreurs ou lacunes décelées dans les certificats d'urbanisme :
absence de mention d'une zone universitaire s'opposant à un projet de construction (CE 17 déc. 1965, Jacquet, Lebon 699 ;
RD publ. 1966. 759, note Waline), indication qu'un terrain est inconstructible alors qu'il peut être construit (CE 28 avr. 1971,
Berger-Sabatel, Lebon 313), ou inversement indication de constructibilité pour un terrain en réalité inconstructible (TA Poitiers,
22 juin 1977, Ganne, Lebon T. 967 . - CE 16 oct. 1989, Pariente, RD publ. 1990. 1175), omission d'une servitude empêchant
d'octroyer le permis de construire (CE 23 oct. 1974, Min. Aménagement du territoire c/ Cts Cadiou et Cts Jagou, Lebon 509),
omission d'une interdiction d'accès à une route (CE, sect., 3 janv. 1975, préc. supra, n o 20), absence de mention de
l'appartenance à un site classé (CE 13 juin 1980, Poisson, Lebon T. 876 ), absence de mention des servitudes d'urbanisme
quelconques (CE 10 juill. 1970, Min. Équipement et logement c/ Betito, Lebon 456), indication d'un COS (coefficient
d'occupation des sols) inférieur de moitié à celui qui était réellement applicable (CE 24 juin 1988, Épx Bobin c/ Min. Urbanisme,
Lebon 259 ; D. 1989. Somm. 125, obs. Moderne et Bon), absence de mention de l'insuffisance de desserte en équipements
publics (CE 3 oct. 1990, req. n o 96666 , Min. Équipement et logement c/ M. et Mme Valleret).

98. Même s'il s'agit de l'hypothèse la plus courante, la responsabilité du fait de la délivrance de renseignements erronés n'est
pas limitée à l'hypothèse du certificat d'urbanisme ou de la note de renseignements. Un arrêt admet, par exemple, la
responsabilité du fait des renseignements erronés fournis au moment de la délivrance d'un permis de construire et concernant
les cotes de niveau de la rue qui devaient être respectées dans la construction de l'immeuble (CE 10 mars 1965, Delcher,
Lebon T. 1049 ). Un autre retient la responsabilité du fait de l'inexactitude des renseignements contenus dans un plan
parcellaire (CE 23 juin 1965, Épx Baixas, Lebon T. 1056).

9 9 . De la même manière, les renseignements ou indications erronés fournis par l'Administration lors de l'instruction de
demandes d'autorisation d'utilisation des sols sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Administration : il en va ainsi
d'une lettre par laquelle une commune indique à un pétitionnaire que son dossier de demande de permis de construire ne
pourra être instruit tant qu'il ne sera pas complété par la production des actes authentiques d'acquisition de places de
stationnement dans un parking privé. Ce faisant, la commune induit le pétitionnaire en erreur sur la possibilité de s'acquitter
de la contribution due au titre de la non-réalisation de places de stationnement en acquérant des places de stationnement
privées (CE 22 oct. 2003, req. n o 247662 , Vincent).

100. Le fait pour l'Administration de ne pas avertir un particulier de projets d'aménagement de nature à lui nuire ne constitue
pas, dans l'absolu, une faute (CE 1 er déc. 1978, Min. Équipement c/ Doxuan, RD publ. 1979. 1177), pas plus que le fait de ne
pas préciser, dans un certificat d'urbanisme, que le terrain se trouve dans une zone comportant le droit de préemption (CE
27 sept. 1985, Baglione, Lebon 762).

§ 2 - Engagements non tenus


101. L'Administration ne commet pas d'illégalité lorsqu'elle méconnaît ses engagements non contractuels dans l'usage des
pouvoirs qu'elle tient des textes, mais sa responsabilité peut naître de l'engagement non tenu, s'il s'est agi d'un engagement
suffisamment précis (CE, sect., 16 nov. 1960, Secr. État aux Affaires économiques c/ Sté d'exploitation des chantiers d'Ajaccio,
Lebon 621 ; Dr. sociétés 1961. 205, concl. Henry. - CE 24 avr. 1964, Sté des huileries de Chauny, Lebon 245, concl. Braibant,
RD publ. 1964. 799, note Waline. - J.-M. ANDRÉ, La responsabilité de la puissance publique du fait de diverses formes
d'engagements non contractuels de l'administration, AJDA 1976. Chron. 20. - O. FICKLER-DESPRES, Les promesses de
l'administration, JCP 1998. I. 104. - Sur la frontière séparant cette responsabilité de la responsabilité contractuelle, V. infra, n o
119).

102. La jurisprudence a parfois appliqué ces principes généraux au domaine de l'urbanisme. Un arrêt remarquable de 1973
(CE 26 oct. 1973, SCI Résidence Arcole, Lebon 601 ; D. 1974. 446, note Girod) a admis la responsabilité d'une commune, dont
les services avaient encouragé une société à construire avant même la délivrance d'un permis - et en exigeant dès cette
étape des participations -, ce après quoi le maire adressait une lettre à la société, l'avertissant que le permis ne pourrait être
accordé, car entre-temps avait été décidé l'élargissement d'une voie, qui rendait impossible la construction.

103. Appartiennent à la même veine un arrêt qui admet la responsabilité de l'Administration qui a incité un particulier à passer
un contrat avec un architecte et à entreprendre sans délai une construction avant qu'une décision définitive d'autorisation ait
été prise (CE 13 nov. 1974, Coulibeuf, Lebon 567), un autre qui retient également la responsabilité dans le cas d'une
autorisation de « destiner le terrain à la construction » suivie d'une expropriation (CE 5 nov. 1971, Épx Schaffner, Lebon 653).
On peut en rapprocher l'hypothèse d'une commune qui, après avoir promis à une entreprise de lui confier l'exploitation d'un
casino à construire, renonce à la construction de celui-ci pour des raisons d'incompatibilité avec la réglementation d'urbanisme
(CE 28 juin 1985, req. n o 39355, C. Legendre), et le cas du changement d'attitude de l'Administration qui, après avoir octroyé
le permis de construire un chalet, conseille ensuite des travaux de protection contre les avalanches, pour enfin indiquer qu'il
est préférable de ne pas utiliser le chalet pendant l'hiver (CE 26 juin 1985, supra, n o 93, a contrario).

104. Ont également été considérés comme fautifs le comportement d'une commune qui, après avoir encouragé un particulier
à réaliser un camping-caravaning et avoir passé une convention avec lui en vue de la construction des équipements
nécessaires, a modifié sa position et s'est opposée au projet (CE 20 janv. 1988, Min. Équipement, Cne de Rize c/ Cts Posado,
Dr. adm. 1988, n o 133), ou encore l'attitude de cette autre commune qui, après avoir incité « fermement et sous peine de
rupture des pourparlers », le promoteur à s'engager à ses frais dans l'étude du projet et à présenter des « plans explicites »
et le « bilan de l'opération », a finalement renoncé au projet (CE 16 nov. 1998, supra, n o 53). De même, une commune, qui a
vendu le terrain sur lequel le projet doit être réalisé pour un franc symbolique, a été considérée comme ayant incité à la
poursuite de ce projet dont elle ne pouvait ignorer la consistance et l'importance, ainsi que l'impossibilité de le mener à bien
sur le terrain en question (CE 3 mai 2004, req. n o 223091 , CPAM de la Meuse).

1 0 5 . De la même façon, sont illégaux les engagements qu'un maire a souscrits quant au contenu d'un POS en cours de
modification (TA Versailles, 9 nov. 1993, Sté REOSC, Lebon T. 1024 ; RDI 1994. 37, chron. Gaudemet ; Ét. fonc., mars
1994, p. 49, chron. B. Lamorlette. - V. égal. CAA Bordeaux, 13 nov. 1995, Cie des Salins du Midi, BJDU 1996. 152, un maire ne
peut pas s'engager, au nom de la commune, à classer une parcelle de terrain en zone constructible et la commune ne commet
aucune faute en ne procédant pas à un tel classement).

106. Cela étant, la responsabilité du fait des promesses, assurances, engagements non honorés est d'un champ assez limité,
car le plus souvent, le juge considère qu'il n'y avait pas d'engagement véritable ou suffisamment précis pour engendrer la
responsabilité (CE 19 janv. 1966, Dame Estellon, Lebon T. 1136. - CE, sect., 14 mars 1975, supra, n o 72. - CE 15 déc. 1976,
Sté de promotion, d'études et de recherches, Lebon T. 1102. - CE 14 mars 1979, SERMIC, Lebon T. 1875 . - CE 21 nov. 1980,
Cne de Gometz-le-Chatel, AJPI 1981. 606, chron. Hostiou. - 3 juill. 1982, Ville de Paris, Lebon 280. - CE 13 mars 1985, Sté
Barlocher-France-Production, Lebon 79. - CE 16 oct. 1992, req. n o 95152 , SA des Garage de Garches, Lebon T. 1281 ;
RD publ. 1993. 256 ; D. 1994. Somm. 60, obs. Bon et Terneyre . - CE 5 oct. 2011, SARL Domaine de Ribaute, req. n o 326652
).

1 0 7 . On relève toutefois une décision dans laquelle le juge a déduit du seul comportement de la collectivité publique
l'existence d'un véritable engagement (TA Strasbourg, 31 déc. 1993, SARL Promo-Terrains, Dr. adm. 1994, n o 556 :
comportement de la commune ayant fait naître chez le promoteur une « attente légitime »).

§ 3 - Retards
1 0 8 . La jurisprudence considère différents cas de retards dans l'action d'urbanisme comme générateurs de responsabilité
administrative. Il en va ainsi, en matière d'autorisations, des retards dans la délivrance du permis de construire (CE 2 juin
1937, Marchand, Lebon 547. - Et, du même jour, Ville de Perpignan, Lebon 548. - CE 10 janv. 1958, Épx Roulière, Lebon 23. -
CE 15 déc. 1971, Sté le Val d'Oise, Lebon 775), dans la délivrance d'un certificat de viabilité pour un lotissement (CE, sect.,
22 juill. 1938, Dame Vve Morali, Lebon T. 714) ou du certificat d'achèvement des travaux du lotissement (CE 27 juill. 1984, req.
n o 41225, SARL Cabinet BIME). Le retard dans la délivrance d'un certificat d'urbanisme est également de nature à engager la
responsabilité de l'Administration (CAA Paris, 27 juin 1995, req. n o 94PA00554 , Lucas. - CE 6 juin 2012, M. et Mme Vidal,
req. n o 329123 , AJDA 2012. 2019, note Trémeau ; AJCT 2012. 515, obs. Bonnefont).

109. En matière de droit de préemption, le juge administratif avait retenu la responsabilité de la collectivité préemptrice pour
les retards dans le paiement des biens préemptés (CAA Paris, 15 mars 1994, Delvas, Lebon T. 854 ; Dr. adm. 1994,
n o 375. - CAA Lyon, 2 avr. 1996, Sté Foncier Immobilier Lyonnais, BJDU 1996. 302). On l'a dit, cette jurisprudence ne devrait
pas connaître de suite, le Tribunal des conflits ayant indiqué que les contentieux liés à l'absence ou le retard dans le paiement
du prix des biens préemptés relevaient de la compétence du juge judiciaire en tant que relatifs à l'exécution d'un contrat de
droit privé (T. confl. 9 déc. 1996, req. n o 02994 , Duhamel, AJDI 1997. 1097 , BJDU 1997. 197, concl. Abraham. - CE
21 avr. 2000, req. n o 180325 , Sté Foncier Immobilier Lyonnais, Dr. adm. 2000. Comm. 147. - V. sur ce point, BOURGEOIS,
La responsabilité de l'administration pour retard ou défaut de paiement du prix d'acquisition d'un bien dans l'hypothèse d'une
préemption administrative, JCP N 1997. Prat. 4025).

1 1 0 . Une jurisprudence traditionnelle retient la responsabilité de l'Administration pour les retards dans la délivrance des
alignements (CE 16 janv. 1935, Sté Paul Duport et Cie, Lebon 62. - CE, sect., 25 janv. 1935, Ville de Reims, Lebon 112. - CE
29 janv. 1958, Sancerni, Lebon T. 1017. - CE 6 juin 1973, Min. Équipement et logement c/ Sté Thiroux, Lebon T. 1111).

111. La responsabilité peut dans certains cas découler des retards dans l'exercice du pouvoir normateur. Le Conseil d'État a
ainsi admis la responsabilité de l'État du fait d'un retard dans la délimitation des zones exposées aux risques naturels (sur la
base des dispositions de l'art. R. 111-3 C. urb. - CE 27 juill. 1979, Blanc c/ Min. Équipement, Lebon 352. - V. aussi CE 25 oct.
1985, Poinsignon, Lebon 763. - CE 14 mars 1986, Cne de Val-d'lsère, Dr. adm. 1986, n o 239 ; AJDA 1986. 337 et 298, chron.
Azibert et Fornacciari. - CE 22 févr. 1989, Min. Équipement, logement et aménagement du territoire c/ Épx Faure, Margerit,
Blanc et Chaldival, Dr. adm. 1989, n o 197. - CE 16 juin 1989, Assoc. Le ski alpin murois, Lebon 141 ; D. 1990. Somm. 300, Bon
et Terneyre) . Dans un arrêt plus récent, le juge administratif a considéré que le fait de ne pas adopter un plan d'exposition
des risques naturels prévisibles était de nature à engager la responsabilité de l'État dans une région soumise à des risques
d'affaissement, mais il a écarté cette responsabilité en l'espèce, en relevant que le préfet avait procédé au recensement des
effondrements et des cavités souterraines, ce relevé précis rendant « inutile, sur ce point, l'élaboration d'un plan d'exposition
des risques naturels » (CE 16 juin 2010, req. n o 312331 , M. A. et Mutuelle des architectes français, AJDA 2010. 1235 ).

112. Engage également la responsabilité de l'État le retard à dresser le procès-verbal constatant une infraction aux règles
d'urbanisme et à le transmettre au ministère public (CE 21 oct. 1983, Min. Environnement et cadre de vie c/ M. et Mme Guedeu,
Lebon 424).

113. En revanche, le Conseil d'État ne considère généralement pas comme fautifs les retards dans la conduite des opérations
d'aménagement (TA Nantes, 8 mars 1957, Beurel, Lebon T. 732 : retard dans une opération de remembrement urbain. - CE,
sect., 14 mars 1975, supra, n o 72 : retard dans une procédure d'expropriation dans le cadre d'une ZUP. - CE 10 déc. 1975,
supra, n o 63 : lenteurs dans l'exécution d'une opération de rénovation urbaine. - 7 oct. 1983, Mme Gugenheim, Lebon 854 :
délai mis à prendre parti sur un projet de déviation routière prévu par un plan d'urbanisme).

§ 4 - Autres types de fautes


1 1 4 . Un arrêt de 1972 (CE 21 janv. 1972, Min. Travail, emploi et population c/ Corlet, Lebon 71) donne l'exemple d'une
pression fautive sur un administré, qui envisageait de vendre un immeuble, et à qui le préfet avait adressé une lettre dans
laquelle il lui indiquait que l'immeuble allait faire l'objet d'une expropriation et lui demandait de « ne pas engager l'avenir par
la conclusion d'un bail au profit d'un tiers ».

115. Sur les fautes - lourdes - des services de l'État apportant leur collaboration aux collectivités locales, V. infra, n os 215 s.
Section 4 - Responsabilité contractuelle et quasi contractuelle
116. La plupart des problèmes caractéristiques de la responsabilité administrative en matière d'urbanisme se posent dans le
cadre de la responsabilité extracontractuelle. Toutefois, il existe en la matière une part de responsabilité contractuelle, et
quelques hypothèses remarquables de responsabilité quasi contractuelle. On doit également mentionner un contentieux à la
structure un peu particulière, permettant aux constructeurs ou aménageurs d'obtenir la répétition des participations qu'ils ont
indûment versées.

Art. 1 - Responsabilité contractuelle


117. Le contrat est évidemment un instrument assez courant de la fonction administrative de guidage de l'urbanisme. Les
opérations d'aménagement urbain suscitent de nombreux marchés et concessions de travaux publics, sans compter les
concessions de service public que les collectivités publiques accordent à des organismes d'aménagement lorsqu'elles décident
de leur confier la conduite d'opérations. Les acquisitions foncières des collectivités publiques sont fréquemment réalisées par
celles-ci de manière contractuelle, et non par voie d'expropriation, etc.

1 1 8 . Dans ces diverses hypothèses, s'il y a litige relatif à l'exécution du contrat, ce sont les règles habituelles de la
responsabilité contractuelle qui s'appliquent (V. ce mot). Comme il est de principe, la responsabilité contractuelle prime sur la
responsabilité extracontractuelle (TERNEYRE, La responsabilité contractuelle des personnes publiques, 1989, Économica) : ce
qui signifie à la fois que le cocontractant ne dispose pas d'autre action que celle prévue au contrat (CE 14 déc. 1976,
Berezow ski, Lebon 521. - CE 7 mai 1982, Sté Le parking de la place de la Concorde, RD publ. 1983. 237), et que si le
dommage est imputable à la fois à l'exécution du contrat et à un élément extérieur, la responsabilité contractuelle absorbe
toute la responsabilité (T. confl. 24 juin 1954, Guyomar et autres c/ Électricité de France, D. 1955. 544, note J.-M. Auby).

119. Encore faut-il qu'il y ait un véritable contrat, et non pas une simple promesse ou un engagement non contractuel (par
ex. : CE 7 mars 1969, SCI du quartier Saint-Blaise, Lebon 146 : cas de l'accord préalable à l'octroi du permis de construire que
prévoyait l'art. 87 C. urb. - V. aussi CE 22 juill. 1977, supra, n o 19) ou encore de simples opérations précontractuelles (CE
29 avr. 1977, supra, n o 92 : pourparlers entre une communauté urbaine et un aménageur ayant abouti à un dossier
contenant un projet de convention de ZAC, dossier approuvé par le conseil de communauté, mais le tout sans qu'ensuite la
ZAC soit réellement créée, ni la convention signée), ou a fortiori de simples renseignements (CE 15 déc. 1976, Sté de
promotion, d'études et de recherches [SPUR], Lebon T. 1110 : maire ayant fait savoir que l'application de la législation foncière
et not. la préemption par l'État ou le département ne mettait pas obstacle à une opération).

1 2 0 . À vrai dire, les hypothèses de ce genre sont assez fréquentes, car l'urbanisme est d'abord une police, et l'autorité
administrative ne peut généralement pas contracter à propos de l'exercice de ses pouvoirs (TA Paris, 27 févr. 1963, Sté des
Éts Lick et brevets Paramount, Lebon 689, qui exprime clairement cette idée à propos du permis de construire). C'est ainsi,
par exemple, qu'ont été considérés comme illégaux des engagements portant sur le maintien des règles d'urbanisme
applicables (CAA Lyon, 31 déc. 1993, req. n o 92LY01605 , Épx Eymain-Mallet), ou sur l'adoption de règles d'urbanisme
permettant une opération donnée (TA Versailles, 9 nov. 1993, supra, n o 105).

1 2 1 . Dans les hypothèses précédemment évoquées, ne pourra être recherchée que la responsabilité extracontractuelle,
s'appuyant sur la faute consistant dans la promesse non tenue (V. supra, n o 101) ou le renseignement erroné (V. supra, n os
94 s.) ou même sans faute, découlant par exemple du revirement administratif (V. supra, n os 65 s.).

Art. 2 - Responsabilité quasi contractuelle


122. Certaines applications de la notion de gestion d'affaires sont à signaler (CE, sect., 28 nov. 1958, de Bourjade et de
Vergnette de Lamotte, Lebon 589 : financement par deux membres d'une association syndicale, de travaux d'adduction d'eau
dont le Conseil d'État relève qu'ils entraient parmi les travaux normalement exécutés par une association syndicale, et qu'ils
étaient utiles à l'association concernée).

123. Les hypothèses classiques d'enrichissement sans cause devraient trouver à s'appliquer en matière d'urbanisme. Deux
hypothèses méritent d'être mentionnées : celle de l'aménageur qui, croyant, à tort, qu'un contrat a été conclu avec
l'Administration, engage des dépenses profitant à la collectivité publique, et celle du véritable cocontractant dont le contrat
est annulé ou privé d'effet en raison de l'annulation d'un acte détachable. Dans ces hypothèses, le partenaire de
l'Administration pourra obtenir, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la réparation des dépenses qui auront été
utiles à la collectivité.

Art. 3 - Répétition des participations illégales


124. En règle générale, les particuliers peuvent rechercher la responsabilité de l'Administration lorsqu'une participation a été
indûment exigée d'eux (CE 18 juin 1980, Duparc, Lebon 279 : propriétaire conduit à financer un ouvrage de raccordement à
l'égout dont l'importance dépassait notoirement les besoins de son seul terrain). La loi n o 85-729 du 18 juillet 1985 (préc.) a
définitivement supprimé un obstacle persistant aux recours concernant les participations exigées à l'occasion d'autorisations
d'utilisation du sol en admettant que « l'illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses
d'équipement public est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l'autorisation de construire » (C. urb., art. L. 332-
7. - La solution est également applicable aux autres autorisations, et notamment aux bénéficiaires de permis d'aménager,
C. urb., art. L. 332-12).

1 2 5 . Le code de l'urbanisme a prévu, à l'article L. 332-30, un mécanisme particulier de répétition de ces participations
indûment demandées à des constructeurs ou lotisseurs. Cet article dispose que « Les taxes et contributions de toute nature
qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les
sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition ».

1 2 6 . Ce contentieux des participations a connu un fort développement ces dernières années, et a parfois donné lieu à
d'impressionnantes condamnations (CAA Paris, 27 oct. 1998, req. n o 96PA00860, ÉPAD, qui condamne l'ÉPAD à rembourser la
somme de 1 366 162 156,556 F avec les intérêts correspondants, arrêt confirmé par le Conseil d'État : CE 4 févr. 2000, req.
n o 202981 , ÉPAD, Dr. adm. 2000, n o 77. - V., sur ce point, DEMOUVEAUX et MARÉCHAL, Le choc en retour des participations
illégales, Ét. fonc. 1998, n o 80, p. 8).

§ 1 - Notion de participation illégale


1 2 7 . La forme de la participation importe peu : l'action en répétition est ouverte que la participation ait pris une forme
financière, ou celle de la réalisation de travaux (CE 25 mars 1977, Sté coopérative de construction du domaine de Lagarde,
JCP 1977. II. 18741, note Bouyssou), ou celle d'une cession de terrains (CE 9 mars 1977, Martin, Dr. fisc. 1977. Comm. 836,
n os 21-22).

128. De même, l'action en répétition est possible que la participation ait été imposée ou offerte par le constructeur ou le
lotisseur (CE 7 juill. 1978, Maylie c/ Cne de Castanet-Tolosan, Lebon 300) ou encore fixée par convention (CE 6 mars 1989,
Cne Crolles, Dr. adm. 1989, n o 225. - CE 20 sept. 1991, req. n o 78682 , Cne Villard-de-Lans, JCP 1991. IV. 442. - CAA Paris,
27 oct. 1998, et CE 4 févr. 2000, préc. - CE 10 oct. 2007, req. n o 268205 , Cne de Biot).

129. Cette action ne peut être utilisée s'agissant des travaux effectués par une entreprise sans avoir été, ni prescrits par la
commune, ni commencés avec elle (CE 1 er avr. 1981, Ville de Clermont, Lebon T. 908 ), non plus que dans le cas d'offres de
concours sans lien avec la délivrance d'une autorisation d'utilisation du sol (CE 5 mars 1975, Sté des Éts Galharret, AJDA 1975.
419. - CE 9 mars 1983, Sté Lyonnaise des eaux, Rev. éco. et dr. imm. 1984, n o 106, chron. Bouyssou. - V., en revanche, pour
une offre de concours liée à une opération de lotissement, CE 10 oct. 2007, préc.).

1 3 0 . Sur le fond, sont considérées comme illégales des participations qui ne correspondent pas à celles énumérées aux
articles L. 311-4 et L. 332-6. Ces articles dressent en effet une liste limitative des participations qui peuvent être exigées des
constructeurs. Le juge contrôlera donc que la participation qui a été exigée est bien de celles que prévoient les textes, il
vérifiera également qu'elle concernait bien les équipements publics pour lesquels les textes la prévoient (CE 8 févr. 1985,
Raballand, Lebon 36). En outre, et tout principalement dans le cas de participations dans les programmes d'aménagement
d'ensemble ou dans les zones d'aménagement concerté, le juge pourra être amené à s'assurer que la participation
correspondait bien à des équipements induits par l'opération et n'excédant pas les besoins générés par cette opération
(V. not. CE 28 juill. 1989, Communauté urbaine de Brest, Lebon 172 ; Dr. adm. 1989, n o 610. - CE 4 mai 1990, Cie industrielle
maritime, AJDA 1990. 735 ).

131. Cela étant précisé, la jurisprudence fournit de très nombreux exemples de participations indues. Ont, par exemple, été
considérées comme illégales : une participation calculée en fonction du m2 de plancher (CE 22 juin 1987, Ville de Rambouillet,
Lebon 600) ; une participation tenant à l'obligation de construction d'une école maternelle (CE 10 mars 1989, req. n o 90261
, Cne l'Isle-sur-Sorgue) ; une participation pour droit de branchement global aux réseaux (CE 6 mars 1989, Cne de Crolles,
Lebon 517 ; Dr. adm. 1989, n o 225) ; une participation au financement d'une autoroute (CAA Paris, 27 sept. 1994, SA
Automobiles Citroën, AJDA 1995. 196, note Gipoulon ) ; des participations forfaitaires correspondant à 7 % du montant des
constructions en zone NA (CAA Lyon, 17 déc. 1990, Ville de Manosque, Dr. adm. 1991, n o 155) ; la participation pour
réalisation d'une conduite d'alimentation en eau qui n'était pas uniquement destinée au bâtiment objet du permis (CAA Paris,
30 sept. 1997, Cne Cormeille-en-Parisis, BJDU 1998. 121, concl. Phémolant) ; une participation correspondant à 75 % du prix
du terrain acquis en vue de la construction de divers équipements publics (CAA Paris, 27 oct. 1998, et CE 4 févr. 2000, supra,
n o 126).

§ 2 - Action en répétition
132. C'est l'article L. 332-30 qui fixe le régime juridique de l'action en répétition. Il précise à cet égard que : « L'action en
répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées ». La
jurisprudence a indiqué que l'existence d'un délai de prescription spécial excluait l'application de la déchéance quadriennale
(CAA Lyon, 18 févr. 1997, req. n o 94LY1386, SCI du 268, avenue de la Lanterne).

1 3 3 . L'action en répétition est ouverte non seulement à celui de qui la participation a été obtenue, mais également aux
acquéreurs successifs des biens ayant fait l'objet de l'autorisation (CE 11 oct. 1978, Cne de Saint-Germain au Mont d'Or,
Lebon 357). Pour ces derniers, l'action se prescrit dans un délai de cinq ans à compter de l'inscription sur le registre prévu à
l'article L. 332-29 attestant que le dernier versement a été opéré ou la prestation obtenue (C. urb., art. L. 332-30).

134. Le juge administratif détermine le point de départ des intérêts moratoires de manière assez spécifique, en appliquant un
« principe général dont s'inspirent les dispositions de l'article 1378 du code civil ». Ainsi, lorsque celui qui a reçu les sommes
dont il est demandé répétition est de mauvaise foi, les intérêts commencent à courir à compter du jour du premier paiement
de la participation indue. En revanche, lorsque la personne publique a, de bonne foi, cru pouvoir exiger ces sommes, le point
de départ des intérêts est fixé à compter de la demande de remboursement (V., pour une application, CAA Paris, 27 oct. 1998,
et CE 4 févr. 2000, supra, n o 126. - CE 25 juin 2003, req. n o 219661 , Cne de Saint-Jean-de-Boiseau, Lebon T. 961 ).

135. L'article L. 332-30 prévoit également que le taux légal des intérêts est majoré de cinq points. Cette disposition, issue de
la loi du 29 janvier 1993, n'a vocation à s'appliquer qu'aux versements effectués postérieurement à son entrée en vigueur (CE
4 févr. 2000, supra, n o 126. - CAA Paris, 12 mai 2005, req. n o 01PA04259 , Sté Soteba).
136. Le Conseil d'État rattache l'action en répétition de l'article L. 332-30 au contentieux des travaux publics (CE 8 nov. 1978,
Lamiraud, Lebon 425. - CE 26 févr. 1982, Sté indust. isolation et fournitures d'usines, Lebon T. 786 ). Il en résulte que le
demandeur n'est pas tenu de former une demande préalable auprès de l'Administration, ni de respecter le délai de droit
commun de deux mois (CE 30 oct. 1987, SCI Les Krozais, Dr. adm. 1987, n o 638. - CE 25 janv. 1989, Épx Repetto, Dr. adm.
1989, n o 92. - CAA Bordeaux, 8 mars 1993, SARL les Terrasses de la Mosson, Dr. fisc. 1994. Comm. 1589, n o 38).

137. L'existence du mécanisme d'action en répétition exclut, pour les litiges qui rentrent dans son champ d'application, la mise
en jeu de la responsabilité ordinaire pour faute, si le constructeur ou lotisseur ne se plaint d'aucun préjudice autre que celui
résultant de la réalisation des équipements irrégulièrement mis à sa charge (CE 22 mars 1985, Min. Urbanisme et logement c/
Lemonnier, Lebon T. 769 ). De même, le Conseil d'État considère que l'existence d'un régime particulier de répétition des
participations indûment perçues exclut la possibilité d'invoquer la théorie de l'enrichissement sans cause (CE 5 déc. 1992, req.
n o 83614, Communauté urbaine de Strasbourg c/ Lemonnier).

Chapitre 2 - Mécanismes de la responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme


Section 1 - Préjudices ouvrant droit à réparation
1 3 8 . La responsabilité suppose évidemment l'existence d'un préjudice, et la jurisprudence est assez exigeante dans son
appréciation de la réalité du préjudice (ETCHEGARAY, Le préjudice indemnisable en matière d'urbanisme, Constr.-Urb. oct.
1998, p. 5).

139. L'établissement d'une servitude militaire rendant inconstructible un terrain, n'ouvre pas droit à indemnité au profit de la
propriétaire qui envisageait de lotir, s'il apparaît qu'elle a déjà, en raison d'une crise immobilière, renoncé à son projet de
lotissement (CE, ass., 17 juin 1938, Dame Vve Lew in, Lebon 553).

140. Les irrégularités en matière d'autorisation d'utilisation du sol n'engagent la responsabilité de l'Administration que s'il en
est résulté un préjudice (CE 10 mai 1968, Sté coop. de construction d'Odomez, Lebon T. 1104 . - CE 7 janv. 1970, Rosier,
Lebon 9), ce qui n'est pas le cas, par exemple, lorsqu'il apparaît que les lots d'un lotissement ont été en réalité vendus sans
baisse de prix malgré les conditions nouvelles imposées par l'Administration (CE 27 mars 1968, Min. Construction c/ Bouillet,
Lebon T. 1147 ) ou lorsqu'un terrain est revendu à prix supérieur au prix d'acquisition alors que son propriétaire se plaignait
d'une surestimation du prix d'achat en raison d'un classement irrégulier dans le POS (CE 3 oct. 2003, req. n o 211614 ,
Bedoian). Il en va de même lorsqu'une construction se révèle n'avoir été commencée que deux ans après la délivrance,
pourtant critiquée comme tardive, du permis (CE 6 juin 1973, supra, n o 110. - CE 9 oct. 1974, Min. Aménagement du territoire,
équipement, logement et tourisme c/ Broust, Lebon 1219), ou, dans le cas de l'immobilisation, par le fait de décisions
administratives irrégulières, du capital investi dans un terrain situé dans un lotissement, lorsqu'il apparaît que la valeur du
terrain est très supérieure au prix payé par le requérant pour l'achat et l'aménagement du terrain (CE 21 déc. 1983, SCI
Large vue Crissier, Lebon T. 861).

141. De même, les erreurs commises dans les certificats d'urbanisme ne créent pas d'obligation d'indemniser lorsqu'il apparaît
que, malgré elles, les terrains ont été revendus avec bénéfice (CE 5 nov. 1969, Jacquet, Lebon 477), ou ont acquis une plus-
value (CE 10 juill. 1970, supra, n o 97).

Art. 1 - Lien de causalité, préjudices directs


1 4 2 . Dans le domaine de l'urbanisme comme ailleurs, l'admission de la responsabilité suppose un lien de causalité, plus
précisément une relation de causalité directe entre le fait ou l'acte reproché à l'Administration, et le préjudice mis en avant.
L'exigence du caractère direct du préjudice est rappelée périodiquement, aussi bien dans le domaine de la responsabilité pour
faute (par ex., en matière de permis de construire : CE 30 juin 1976, Cts Volant, Lebon T. 1179 ) que dans celui de la
responsabilité sans faute (V. par ex. : CE 20 mars 1974, supra, n o 68. - CE 9 nov. 1984, Ville des Sables d'Olonne, Lebon
T. 740).

143. Considérée souvent comme assez restrictive, la jurisprudence relative au préjudice d'urbanisme direct est à vrai dire
assez difficile à synthétiser, comme c'est le cas, d'ailleurs, dans le droit administratif général. On peut avoir l'impression d'un
certain empirisme, voire d'une utilisation discrétionnaire par le juge du critère tenant au caractère direct ou non du lien de
causalité pour écarter la responsabilité de l'Administration lorsqu'il estime que, nonobstant l'existence d'une faute, celle-ci ne
doit pas être tenue de réparer le dommage. On présentera l'état des solutions en donnant des exemples de décisions
admettant l'existence de préjudices directs, de décisions excluant l'existence de tels préjudices, enfin de décisions distinguant
dans un ensemble de préjudices allégués, des préjudices directs et des préjudices indirects (MORAND-DEVILLER, Propos sur le
contentieux de la responsabilité en matière d'urbanisme, Quot. jur. 5 mars 1996, p. 8. - ETCHEGARAY, article préc.).

144. Il y a un lien de causalité directe entre la décision illégale d'autoriser la surélévation d'un immeuble, et la diminution de la
valeur locative de l'immeuble voisin, dont cette surélévation altère la vue sur la baie et la ville de Nice (CE, sect., 10 déc. 1943,
Moreau et autres, Lebon 288), de même qu'entre la délivrance de permis illégaux, ultérieurement annulés par la juridiction
administrative, et l'impossibilité, du fait de ces avatars, de vendre à l'échéance prévue l'immeuble objet desdits permis (CE
27 avr. 1977, Dame V ve Chalot, Lebon T. 957 ), ou encore entre l'octroi illégal d'un permis de construire pour l'édification d'un
supermarché d'une taille sensiblement supérieure à ce que le POS autorisait et les préjudices d'exploitation supportés par
une maison de retraite (CE 13 févr. 2004, req. n o 254589 , Sté Aigue Marine).

145. En revanche, il n'y a pas de lien de causalité directe dans le cas du propriétaire d'un terrain qui, après avoir conclu avec
une société une convention pour la réalisation d'un programme de construction et de logement, se voit imposer une
modification de ce programme, et doit alors traiter avec la société à des conditions moins avantageuses (CE, sect., 24 avr.
1970, Cts Chodron de Courcel, Lebon 278).
1 4 6 . S'agissant des erreurs dans les notes de renseignements, le Conseil d'État a indiqué que si elles impliquaient, en
principe, la mise en cause de la responsabilité de l'administration, « cette responsabilité ne peut entraîner la réparation du
préjudice allégué si ce dernier est sans lien direct avec cette faute ; qu'il en est notamment ainsi lorsqu'il résulte de
l'instruction qu'à supposer que le renseignement donné au sujet du classement de la parcelle fût exact, l'autorité
administrative n'aurait pu, eu égard aux règles d'urbanisme dans la zone indiquée, que refuser toute demande de
raccordement au réseau électrique » (CE 16 mai 2012, Cne de Beautheil, req. n o 338371 ).

147. Le Conseil d'État a précisé que le préjudice subi par l'architecte d'un constructeur à la suite du refus d'un permis de
construire résulte des stipulations de la convention passée entre l'un et l'autre, ou des conditions dans lesquelles cette
convention a été appliquée, et ne peut dès lors être regardé comme procédant directement du comportement de
l'Administration (CE 14 mars 1979, Sté d'études et de réalisation de maisons individuelles, Lebon T. 882 . - CE 14 déc. 1983,
Gillet, Lebon 509. - CE 14 nov. 1984, req. n o 50464, Min. Urbanisme et logement c/ Adilon). Dans le même ordre d'idées, le
Conseil d'État considère qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la faute de l'Administration et le préjudice invoqué par un
lotisseur dès lors que l'impossibilité de construire découle de l'opposition des propriétaires au nouveau découpage des lots
(CE 26 nov. 1993, req. n o 108851 , SCI Les jardins de Bibémus, Lebon 327 ).

148. Une espèce illustre le caractère restrictif du raisonnement tenu par le juge administratif en la matière. Le Conseil d'État a
jugé qu'il n'y avait pas de lien de causalité direct entre le préjudice subi par des personnes ayant acquis un terrain dans une
ZAC dont ils pensaient qu'il était constructible et la faute commise par l'Administration qui avait illégalement classé ces terrains
en zone constructible, créé la ZAC et approuvé le plan d'aménagement de la zone (CE 28 oct. 2009, req. n o 299753 , Min.
Transports et équipement et Cne Rayol-Canadel c/ Terme, Constr.-Urb. 2009. Comm. 157, note Godfrin ; RDI 2009. 668, note
Soler-Couteaux ). Pour le juge, en effet, le préjudice subi par les acquéreurs trouve son origine directe « non pas dans les
actes ayant permis l'aménagement de la zone puis ultérieurement la vente des terrains, qui ne conféraient aucun droit de
construire, mais dans les contrats de vente passés entre les acquéreurs et l'aménageur de la zone, lesquels pouvaient
prévoir, en particulier, que la vente n'était conclue que sous réserve de l'obtention des permis de construire ».

Actualité
1 4 8 . Caractère direct du lien de causalité en cas de décisions d'urbanisme illégales. - La modification illégale d'un plan
d'occupation des sols en méconnaissance des dispositions relatives à la loi Littoral permet à l'acquéreur d'une parcelle
d'invoquer la responsabilité de la commune et de l'État (CE 8 avr. 2015, Min. Égalité des territoires et Logement, AJDA 2015.
723, obs. Pastor).
149. Quels sont les préjudices directement liés à la faute commise par l'Administration dans le cas de l'annulation d'un permis
de construire, suivie d'une obligation de démolir ? Le juge admet l'indemnisation des frais de construction, s'ils sont dûment
prouvés, ainsi que la prise en charge des frais exposés devant le juge judiciaire dans le cadre du contentieux de la démolition,
à l'exclusion toutefois des frais liés aux astreintes prononcées puisque ceux-ci tiennent à une carence dans l'exécution de la
décision juridictionnelle (CE 8 oct. 2008, req. n o 295343 , Sté Rand Kar, RDI 2008. 568, note Soler-Couteaux .-
V. auparavant, considérant que les frais exposés devant le juge judiciaire ne constituaient pas des préjudices directs : CE
4 mai 1983, SCI Camargue 2000, Rev. éco. et dr. imm. 1984, n o 106, chron. Bouyssou).

150. Il n'y a pas de lien direct entre le comportement d'une commune demandant à une entreprise pétitionnaire de modifier
un projet qui avait été autorisé et la liquidation judiciaire de cette entreprise, les travaux ayant repris rapidement et les
modifications apportées au projet n'ayant pas eu d'incidences sur le nombre d'appartements vendus ou susceptibles de l'être
(CE 7 nov. 2001, req. n o 212383 , Bazerbes).

1 5 1 . L'absence de lien de causalité explique que parfois certaines illégalités n'entraînent pas la responsabilité de
l'Administration (V. supra, n o 90. - Par ex. : CE 20 mars 1985, Cne de Villeneuve c/ Épx Ruby, Lebon T. 765 ; Rev. adm. 1986.
43, note Pacteau, le préjudice subi par les voisins d'un terrain sur lequel est bâtie une bibliothèque municipale n'est pas la
conséquence de l'irrégularité du permis de construire accordé à la commune, dans la mesure où cette irrégularité ne résultait
que d'un vice de procédure, où il apparaît que l'octroi du permis était justifié au fond, et où effectivement un nouveau permis,
procéduralement régulier, a été ensuite accordé. - Ou encore : CE 21 mars 2009, req. n o 279074, Sté Terres et Demeures,
Constr.-Urb. 2008. Comm. 83, note Chambord : le préjudice subi par le vendeur en raison d'une décision de préemption
entachée d'un vice de forme n'est pas lié à cette irrégularité, « les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier
légalement la décision de préemption »).

1 5 2 . Sur les conséquences restrictives de l'exigence du lien de causalité directe dans le cadre de l'application de l'article
L. 160-5, V. supra, n os 36 s.

153. De nombreux arrêts distinguent, de façon assez parlante, au sein des dommages mis en avant par les auteurs des
recours, une part de préjudices directs et une part de préjudices indirects. Ainsi, dans les conséquences de l'abandon, du fait
de l'Administration, d'un projet de construction, est considéré comme direct le préjudice résultant du maintien dans les lieux
du locataire occupant les bâtiments qu'il fallait démolir pour réaliser le projet envisagé (CE 15 mars 1967, Min. Intérieur c/ Sté
Stella-République, RD publ. 1967. 1049). Dans le cas de l'octroi illégal d'un permis de construire qui a permis l'installation d'un
commerce concurrent de celui qu'exerce le locataire du requérant, et entraîne la faillite de ce locataire, le Conseil d'État conclut
au caractère de préjudice direct de la perte des loyers, mais considère comme dommages indirects la perte de la valeur vénale
de l'immeuble et la charge des intérêts contractés pour la construction dudit immeuble (CE 17 janv. 1975, Marion, Lebon
T. 1333 ; AJDA 1975. 188).

154. Dans le cas du retrait d'un permis de construire irrégulièrement accordé, la société requérante peut obtenir réparation
des préjudices relatifs au coût des travaux inutilement exécutés, découlant d'une longue interruption du chantier, résultant de
la hausse de la construction pendant l'interruption des travaux et des frais engagés pour obtenir le permis qui a été retiré,
mais le préjudice correspondant aux obligations supplémentaires imposées par le nouveau permis obtenu par la société ne
peut être considéré comme résultant de la faute de l'Administration (CE 8 juill. 1977, supra, n o 20).

155. Dans le cas d'un certificat d'urbanisme erroné suivi d'un refus de permis de construire, le juge englobe dans le préjudice
indemnisable la commission d'agence visée pour l'achat du terrain, les frais de desserte en eau et en électricité, et les frais
d'honoraires d'architecte et de géomètre engagés pour la constitution du dossier de permis. Il n'admettait traditionnellement
pas l'indemnisation des frais et pertes afférents à l'emprunt destiné à financer la construction (CE 13 juin 1980, supra, n o 97).
La jurisprudence a sensiblement évolué sur ce point, un arrêt indiquant que le propriétaire du terrain peut prétendre « à la
réparation de préjudices correspondant aux frais financiers afférents à l'emprunt qui, dans la limite de cette somme, lui a été
consenti pour l'acquisition de la parcelle et supportés au cours de la période allant de la date d'acquisition à la date à laquelle
le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision du maire de la commune refusant la délivrance du
permis de construire » (CAA Paris, 5 mars 1996, M. Gelle, Dr. adm. 1996, n o 332 ; BJDU 1996. 153). S'agissant d'un retard
fautif dans la délivrance d'un certificat d'urbanisme, qui a empêché les requérants de se prévaloir de règles figurant dans le
document d'urbanisme, ensuite révisé, ne constitue pas un préjudice direct le préjudice lié à la perte de valeur vénale des
parcelles, qui résultait uniquement du nouveau classement, mais le juge admet l'indemnisation du préjudice moral et de
jouissance, tenant à la perte de chance « d'édifier une construction sous le couvert de ce certificat » (CE 6 juin 2012, Vidal,
préc. supra, n o 108).

1 5 6 . Lorsqu'un refus de permis de construire est annulé, mais qu'ensuite l'intervention d'une règle d'urbanisme nouvelle
empêche d'autoriser la construction, le demandeur peut solliciter le remboursement du montant des honoraires d'architecte
réellement versés, mais n'entrent dans les préjudices directs ni les frais d'agence, ni les honoraires de notaire, ni la diminution
de la valeur vénale, ni la privation des bénéfices escomptés de la vente des maisons (CE 28 janv. 1983, SA Aménagement
touristique de l'Ouest, AJPI 1984. 539, chron. Hostiou. - 11 févr. 2004, req. n o 212855 , SA France Travaux, Constr.-Urb.
2004. Comm. 85, note Benoît-Cattin ; RDI 2004. 214, note Soler-Couteaux . - Dans un même esprit, à propos d'une
autorisation de lotir, CE 26 juill. 1985, supra, n o 16).

157. Selon un arrêt concernant également un refus illégal de permis de construire, relèvent des préjudices indemnisables, les
honoraires de l'architecte qui a établi le dossier de permis, les bénéfices que la société requérante pouvait raisonnablement
attendre de la vente des appartements qu'elle envisageait d'aménager, mais n'est pas un préjudice direct l'immobilisation
pendant quinze mois des fonds destinés à acquérir le terrain, dont le Conseil d'État relève qu'il appartenait à la société de les
faire fructifier pendant ce délai (CE 11 mai 1983, Cie pour l'équipement, le financement et la construction, Lebon T. 916). Cette
solution, assez restrictive, ne reflète toutefois qu'imparfaitement l'état de la jurisprudence qui, en règle générale, accepte
d'indemniser le coût d'immobilisation d'un capital (V. not. CE 25 juin 1971, Min. Équipement c/ Bruchet, Lebon 488 : capital
déposé à la banque où il n'a pas produit d'intérêts). L'indemnisation se calcule en fonction du taux d'intérêt légal, sauf pour le
requérant à prouver qu'il aurait pu obtenir un taux de rémunération supérieur (CAA Paris, 22 nov. 1994, req. n o 93PA00133
, Courtois).

158. Dans l'importante affaire Société civile immobilière Italie-Vandrezanne jugée par le Conseil d'État le 17 juin 1983 (Min.
Environnement et cadre de vie c/ SCI Italie Vandrezanne, Lebon T. 267 ; JCP 1984. II. 20138, note Morand-Deviller), qui
concernait un refus de permis de construire venu bloquer un projet considérable qui avait reçu un accord préalable illégal, le
Conseil d'État a accepté d'indemniser les frais d'acquisition foncière, les frais d'études et de gestion, les frais financiers
correspondant aux emprunts destinés à financer les acquisitions foncières, les études et opérations de gestion, le coût de
réalisation des services généraux de l'ensemble de l'état dans lequel s'insérait le projet, mais non les charges d'exploitation
de ces services généraux ni les frais de dossier exposés pour la constitution du nouveau dossier de permis.

159. Le Conseil d'État accepte donc d'indemniser les frais d'études qui ont été exposés en pure perte (CE 19 févr. 1988, req.
n o 60978 , Pett et Cintract, Lebon 80. - CAA Paris, 29 janv. 2004, req. n o 00PA02734 , Sté Ressources et Valorisation. -
21 juill. 2008, req. n o 280554, Marchand). Il contrôle, toutefois, si les honoraires alloués à l'architecte ne sont pas excessifs
(CE 7 mars 1990, Min. Urbanisme c/ Bore de Loisy, JCP 1990. IV. 146 : montant des honoraires considéré comme n'étant pas
excessif « au regard de l'importance et du coût du projet »).

160. Les frais financiers sont également remboursés (V. par ex., en ce qui concerne les charges d'emprunt : CE 14 nov. 1984,
req. n o 40413, Min. Urbanisme c/ Guillou), et peuvent, notamment, être indemnisés, les frais engagés pour la constitution de
garanties hypothécaires et de cautions bancaires (CAA Paris, 15 févr. 1996, req. n o 95PA00789 , Ville de Paris. - 5 mars
1996, supra, n o 155). La jurisprudence admet parfois de rembourser les frais d'assurance engagés par le maître d'ouvrage
lorsque les travaux n'ont pu commencer (CE 7 mai 1986, SCI Ilot B10, Dr. adm. 1986, n o 362).

161. Le caractère non direct du préjudice constitue, en vertu du principe général selon lequel les personnes publiques ne
peuvent être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, un moyen d'ordre public, que le juge soulève d'office
(CE, sect., 3 janv. 1975, supra, n o 20).

Art. 2 - Préjudices certains


1 6 2 . Conformément à ses principes habituels, le juge administratif ne retient les préjudices d'urbanisme que s'ils lui
apparaissent comme certains, et non lorsqu'il estime qu'ils sont seulement éventuels. L'esprit dans lequel le juge distingue les
préjudices certains des préjudices éventuels dans le secteur de l'urbanisme n'est pas différent de celui qui anime cette
démarche dans d'autres domaines, mais l'urbanisme en fait parfois apparaître les conséquences onéreuses avec une certaine
acuité. On relèvera que l'appréciation portée par les juges du fond sur le caractère éventuel d'un préjudice relève de leur
appréciation souveraine et n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation (CE 11 juin 1999, req. n o 171407
, SCI Barateau, Lebon T. 956 ).
1 6 3 . Est purement éventuel le préjudice résultant d'un refus illégal de permis de construire, lorsque l'octroi de ce permis
aurait exigé une dérogation dont il n'est pas certain qu'elle aurait été accordée (CE 8 juill. 1961, Min. Construction c/ Épx
Grandchamp de Cueille, Lebon T. 1015).

1 6 4 . Sont également éventuels des préjudices liés à des refus illégaux de permis de construire lorsque la réalisation de
l'opération était subordonnée à d'autres autorisations (CAA Lyon, 31 juill. 1989, Sté Lou Seuil Co. Ltd, Lebon T. 1006 :
autorisation spéciale au titre de la législation sur les sites et les monuments historiques). Pourtant, de façon assez
étonnante, la jurisprudence a considéré qu'était direct et certain, le préjudice résultant de l'abandon d'un projet à la suite
d'un refus illégal de permis de construire dans une hypothèse dans laquelle la vente du terrain était soumise à deux
conditions suspensives (obtention du permis et montant du versement pour dépassement du plafond légal de densité),
aucune des deux n'ayant été réalisée (CAA Lyon, 4 oct. 1989, SCI Résidences la Chaillole, Lebon T. 335).

1 6 5 . De même, le préjudice causé au propriétaire d'un bien par une décision de préemption dépourvue de base légale,
consistant dans l'impossibilité de mobiliser le capital du prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner (DIA), ne sera
considéré comme certain que si, d'une part, celui-ci bénéficiait d'un engagement exprès d'acquisition du bien au prix et
conditions mentionnés dans la DIA et, d'autre part, si le prix proposé par le titulaire du droit de préemption était sensiblement
inférieur au prix convenu entre les parties (CAA Lyon, 13 juill. 1993, req. n o 91LY00022 , Mme Thobie, Lebon 464 ).

166. La privation de jouissance d'une maison provoquée par le refus du permis de construire n'est qu'un préjudice éventuel
si, lorsque la maison est ultérieurement construite, le requérant ne bénéficie toujours pas, malgré divers aléas, du permis (CE
30 sept. 1983, supra, n o 84).

1 6 7 . Le point sensible de l'appréciation du caractère certain ou éventuel des préjudices concerne la perte de bénéfices
d'activités commerciales ou non commerciales, et spécialement la privation par le fait de l'Administration des bénéfices
escomptés de la vente ou de la location d'immeubles.

1 6 8 . La jurisprudence se montre particulièrement restrictive pour reconnaître l'existence d'un préjudice indemnisable. En
premier lieu, le juge administratif n'accepte le principe d'une indemnisation au titre des bénéfices escomptés que lorsque
l'opération projetée était légalement possible (et le Conseil d'État a jugé qu'il n'y avait, dans cette jurisprudence, aucune
atteinte aux stipulations de l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales : CE 6 févr. 2006, req. n o 268973 , Sté d'aménagement de Port Leman,
AJDA 2006. 1127 ).

169. Les préjudices d'exploitation causés par les retards dans la délivrance du permis de construire à des entreprises sont
souvent considérés comme éventuels, le juge doutant que l'exploitation puisse être bénéficiaire dans les premières années
(BOUYSSOU, L'assurance de la responsabilité communale en matière d'urbanisme, LPA 28 janv. 1985, p. 4. - CE 12 déc. 1984,
r e q . n o 41293, Min. Commerce c/ SOCOMI). La même solution a été dégagée pour les refus illégaux d'autorisation
d'équipement commercial (CE 22 janv. 1993, req. n o 82358 , SCI du centre commercial intercommunal Sannois-Ermont-
Fra nco nville , Lebon T. 1028 ; D. 1994. Somm. 66, obs. Bon et Terneyre) . On trouve toutefois des exemples
d'indemnisation (par ex. : CE 23 déc. 1981, supra, n o 82 : retard dans la délivrance d'un permis ayant retardé l'ouverture d'un
centre commercial).

170. En ce qui concerne la perte des loyers ou des bénéfices escomptés d'une opération immobilière, que le comportement de
l'Administration a rendu impossible ou a retardée, le juge considère le plus souvent ce type de préjudice comme purement
éventuel et refuse de l'indemniser (CE 30 mars 1966, Ravinetto, Lebon 247. - CE 7 janv. 1970, Rosier, Lebon 9. - CE 10 mars
1971, Hamon et Min. Équipement et logement, Lebon T. 1196. - CE 3 nov. 1972, Dame Maury, JCP 1973. II. 17309, note Liet-
Veaux ; D. 1973. 751, note Gilli. - CE 26 oct. 1973, supra, n o 102. - CE 12 nov. 1975, supra, n o 82. - CE 7 avr. 1976, Gobard,
RD publ. 1977. 247. - CE 24 mars 1978, Min. Équipement c/ Sté Urba-Foret et Sté de promotion immobilière, AJPI 1980. 617,
chron. Hostiou. - CE 15 juin 1983, Mme Gerles, AJPI 1984. 539, chron. Hostiou. - CE 9 déc. 1983, Sté d'études d'un grand hôtel
international à Paris, Lebon 507. - CE 9 janv. 1985, SA des Ecardines ; RDI 1985. 115, chron. Gaudemet et Labetoulle. - CE
7 mai 1986, supra, n o 160. - CE 11 juill. 1990, Desplanques, LPA 3 juill. 1991, note J.-B. Auby. - CE 20 juill. 2007, req.
n o 278611 , Sté Immobart. - CE 21 juill. 2008, req. n o 280554, Marchand, AJDA 2008. 2365 ).

171. On trouve toutefois des arrêts dans lesquels, au vu des circonstances de l'espèce, le Conseil d'État décide d'indemniser
la perte de loyers imputable au retard dans une construction (CE 15 déc. 1971, supra, n o 108), et la perte des bénéfices
qu'une société immobilière pouvait raisonnablement attendre de la vente en appartements des immeubles pour la
construction desquels le permis a été illégalement refusé (CE 11 mai 1983, Cie pour l'équipement, le financement et la
construction, Lebon T. 916 . - CE 6 févr. 1987, req. n o 63614 , Min. Urbanisme c/ SCI l'Empereur. - CE 26 oct. 1988, Min.
Équipement c/ SCI Les Moulins d'Hyères, Lebon 382 ; AJDA 1989. 278, note J.-B. Auby ; D. 1989. Somm. 354, obs. Moderne et
Bon. - CE 24 oct. 1990, req. n o 52874 et n o 94276, SCI Le Grand Large, Lebon T. 926 ; LPA 3 juill. 1991, note J.-
B. Auby. - CAA Nantes, 30 déc. 1996, req. n o 93LY01323, Leboissetier, AJDA 1997. 285, obs. Devillers ).

Art. 3 - Préjudices matériels et préjudices non matériels


172. Le juge accepte d'indemniser des préjudices d'urbanisme ayant toutes sortes d'incidences matérielles. Il est par contre
très réticent à l'égard des préjudices moraux, ou dont les incidences matérielles sont indirectes ou imprécises. D'ailleurs, il y a
deux sortes de cas dans lesquels la loi elle-même interdit au juge d'accorder réparation pour des dommages qui ne sont pas
matériels : celui de l'indemnisation des servitudes d'urbanisme en général, selon l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, et
celui, spécifique, de l'indemnisation de la servitude de passage le long du littoral, selon l'article L. 160-7 (V. supra, n os 9 s.).
173. Il n'y a pas de difficulté pour admettre le caractère indemnisable des atteintes physiques aux biens, qu'il s'agisse de la
détérioration d'une construction (CE, sect., 25 juin 1971, Min. Équipement et logement c/ Bruchet, Lebon 488, à la suite d'un
retrait de permis de construire suivi d'un arrêté ordonnant l'interruption des travaux, indemnisation des détériorations subies
par les éléments déjà construits de l'immeuble), ou du préjudice résultant de l'occupation prématurée d'un terrain, avant que
ne soit prononcée l'expropriation (CE 3 mai 1972, Sté des Éts Charles Testut, Lebon 337 ; AJDA 1973. 143, note Homont).

174. La jurisprudence admet également l'indemnisation des troubles de jouissance et divers inconvénients de voisinage. Ces
préjudices sont souvent mis en avant dans le contentieux des opérations d'aménagement : le juge n'écarte pas (même si
l'indemnisation est entourée de conditions très rigoureuses : V. supra, n o 63) l'indemnisation des privations ou altérations de
droit d'accès des riverains des équipements urbains, celle des divers inconvénients de voisinage dus à la présence
d'équipements, celle aussi des allongements de parcours (sur tous ces points, V. supra, n os 56 s.). Des hypothèses
d'indemnisation de troubles de jouissance peuvent être trouvées également dans le contentieux des autorisations
d'utilisation du sol (CE 15 janv. 1975, Dame Pépin-Roussel, RD publ. 1975. 528 : indemnité pour troubles de jouissance à la
suite d'un refus irrégulier de permis de construire, qui avait retardé de près de cinq ans la construction d'une clôture. - CE
26 juill. 1985, Joly, AJDA 1985. 46, note Fatôme ; RFDA 1986. 470, note Gilli : immobilisation d'un terrain par l'effet d'un refus
illégal d'autorisation de lotir. - CE 12 mars 1990, supra, n o 82 : réduction de vue du fait d'une extension illégale. -
CAA Nantes, 21 déc. 1994, req. n o 93NT01235 , Delion : nuisances provoquées par un élevage de chevaux. - CAA Marseille,
8 sept. 2005, req. n o 01MA01192 , Laïolo : nuisances liées d'abord à la perte de vue sur la mer et d'ensoleillement, puis à la
présence de tas de gravas résultant de la démolition de l'immeuble irrégulièrement construit).

175. Relèvent des préjudices susceptibles d'indemnisation (mais sous réserve de leur caractère certain : V. supra, n o 162, et
en matière de responsabilité sans faute, de leur caractère anormal et spécial : V. infra, n os 178 s.), les pertes financières
dues au fait de l'Administration, qu'il s'agisse de la perte de valeur vénale ou locative d'un bien (CE, sect., 10 déc. 1943, supra,
n o 144), de la hausse du coût de la construction que doit supporter une personne du fait du retard à lui délivrer une
autorisation de construire (CE 22 juill. 1925, Héritiers Guillemot, Lebon T. 706 . - CE 15 déc. 1971, supra, n o 108. - CE 3 juill.
1977, SCI Résidence du pays d'Oc, AJDA 1978. 222, note Lorthe. - CE 10 oct. 1986, req. n o 58240 , Heymes. - Sur les
justifications à produire par le demandeur, V. CAA Lyon, 27 avr. 1990, req. n o 89LY00374, Min. Équipement c/ Hovsepian), des
dépenses diverses engagées sur la base d'une autorisation - permis de construire ou autorisation de lotir - ensuite retirée ou
annulée (CE 3 nov. 1972, Dame Maury, JCP 1973. II. 17309, note Liet-Veaux ; D. 1973. 761, note Gilli : travaux de fondation,
honoraires d'architecte et d'ingénieur. - CE 7 janv. 1970, Rosier, Lebon 9 : indemnités de dédit aux fournisseurs. - CE 1 er oct.
1993, req. n o 84593 , Min. Équipement c/ Camoin : indemnités de rupture de contrat versées aux entreprises. - CE 17 juin
1983, Min. Environnement c/ SCI Italie Vandrezanne, Lebon 267 ; Dr. adm. 1983, n o 323 : frais d'études. - CE 21 juill. 2008,
supra, n o 170 : honoraires d'architecte), du coût de l'immobilisation d'un capital (CE, sect., 25 juin 1971, préc. : somme
destinée à une construction retardée par la faute de l'Administration, restée improductive sur un compte bancaire : V. supra,
n o 157), de la perte de loyer ou de bénéfices escomptés d'une construction (sous réserve de la réticence du juge à admettre
le caractère certain d'un tel préjudice : V. supra, n os 162 s. ; sur les pertes commerciales provoquées par une opération
d'aménagement, V. supra, n os 63 s.).

1 7 6 . On trouve trace, dans le contentieux de l'urbanisme, de l'indemnisation de certains troubles dans les conditions
d'existence (CE 27 avr. 1979, supra, n o 20 : trouble dans les conditions d'existence provoqué par l'impossibilité de construire
découverte après la délivrance d'une note de renseignements erronés. - 10 juill. 1974, req. n o 90832, Min. Aménagement du
territoire, logement et tourisme c/ Lozier. - 21 juill. 1989, Cocorel, LPA 31 oct. 1990, note J.-B. Auby : obligation pour le
requérant de continuer à habiter dans un logement inadapté à ses besoins). L'indemnisation de tels préjudices se heurte
souvent à la difficulté d'établir leur lien de causalité avec la faute (CAA Lyon, 1 er juin 1994, req. n o 91LY00820 , Min.
Équipement c/ M. Sabatier, « Le lien entre le refus illégal et l'altération de l'état de santé de M. Sabatier n'est pas établi par
les pièces produites au dossier »).

1 7 7 . Si, de manière générale, le juge administratif ne semble pas très disposé à indemniser le préjudice d'urbanisme
purement moral (V. par ex. : CE 17 janv. 1975, supra, n o 153. - CE 22 oct. 2010, M. Bernard et Mme Tanter, req. n o 326949
, AJDA 2010. 2028 ; RDI 2010. 622, obs. Soler-Couteaux ; AJCT 2011. 99, obs. Moliner-Dubost ; Dr. adm. 2011.
Comm. n o 12, note Hoepffner ; JCP A 2011, n o 2057, note Mollion et Yolka : « la simple allégation des requérants selon
laquelle le chalet détruit par l'avalanche était leur résidence de coeur ne suffisait pas dans les circonstances de l'espèce, eu
égard au caractère récent de l'acquisition et au mode d'occupation des lieux, à justifier l'existence de leur préjudice moral »),
on trouve des arrêts qui accordent le franc symbolique de dommages-intérêts (CE 27 juin 1934, Rossazza et Yvars,
Lebon 737. - CAA Paris, 29 déc. 1992, req. n o 91PA00556 , Assoc. défense de la qualité de la vie à Bondy : attribution du
franc symbolique à une association dont l'objet est la défense de l'environnement), qui reconnaissent plus largement un
« préjudice moral et de jouissance » (CE 6 juin 2012, Vidal, préc. supra, n o 108 : indemnisation de 2000 € à ce titre), voire qui
retiennent des indemnisations conséquentes au titre du préjudice moral (CE 13 févr. 2012, Cne de Passy, req. n o 342837 :
indemnisation de 5000 € à ce titre). En matière d'expropriation, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs considéré que la non-
indemnisation du préjudice moral ne soulevait pas de problème de constitutionnalité (Cons. const. 21 janv. 2011, n o 2010-87
QPC , AJDA 2011. 447, note Hostiou ; D. 2011. 2127, chron. Forest ; D. 2011. 2298, obs. Mallet-Bricout et Reboul-
Maupin ; AJDI 2011. 111, chron. Gilbert ; AJDI 2012. 93, chron. Gilbert ; AJCT 2011. 132 ).

Art. 4 - Conditions particulières en matière de responsabilité sans faute


178. Dans la plupart des cas de responsabilité sans faute en matière d'urbanisme (V. supra, n os 49 s.), la mise en jeu de la
responsabilité de l'Administration est subordonnée à l'existence d'un préjudice anormal et spécial (il en va autrement dans
certains cas de responsabilité sans faute : indemnisation des servitudes, V. supra, n os 27 s. - Responsabilité contractuelle,
V. supra, n o 117. - Responsabilité quasi contractuelle, V. supra, n os 122 s.). L'examen de la jurisprudence montre que le juge
reconnaît assez rarement l'existence d'un préjudice anormal et spécial : il y a là le reflet d'une position générale, mais sans
doute aussi la conviction que la vie urbaine et le développement urbain comportent un seuil élevé d'inconvénients normaux (V.
supra, n o 52).

179. Certains arrêts admettent tout de même l'existence du dommage anormal et spécial. Ainsi, en matière de dommages
dus aux opérations d'aménagement, peut-on en citer qui concernent des cas de privation d'accès (CE 27 nov. 1975,
Amouzegh, AJDA 1975. 262 : difficultés d'accès résultant de l'ouverture d'une voie rapide à grande circulation. - 30 juin 1976,
SARL Martinet frères, Lebon 345), de voisinage (CE 5 nov. 1982 et 22 juin 1983, supra, n o 60), ou des préjudices
commerciaux dus à des opérations d'urbanisme (CE 31 janv. 1968, SEM pour l'aménagement et l'équipement de la Bretagne
et ville de Brest, Lebon 83. - 22 juin 1983 et 16 oct. 1992, supra, n o 59).

1 8 0 . L'arrêt Navarra (CE 20 mars 1974, supra, n o 68) admet, dans l'hypothèse de la responsabilité sans faute en cas
d'absence de poursuite des infractions (V. supra, n o 80), le caractère anormal et spécial du préjudice résultant de l'édification,
dans le champ de visibilité d'une maison ancienne, d'une construction édifiée au mépris de la réglementation et s'insérant très
mal dans le site.

1 8 1 . Les atermoiements de l'Administration (V. supra, n os 65 s.) peuvent engendrer un préjudice anormal et spécial (CE,
sect., 23 déc. 1970, supra, n o 65 : interruption pendant plusieurs années de travaux de construction du fait de l'annonce
d'une expropriation à laquelle l'Administration renonce ensuite. - CE 9 janv. 1985, req. n o 86416, SA des Ricardines :
dommage anormal et spécial résultant des frais d'étude engagés pour la réalisation de tranches de lotissement qui doivent
finalement être abandonnées par l'effet de changements dans la politique d'aménagement d'une région).

182. Toutefois, plus nombreux sont les arrêts qui écartent la qualification de préjudice anormal et spécial. On se contentera
d'en citer quelques-uns, qui concernent les inconvénients de voisinage provoqués par la construction d'équipements (CE
2 mars 1965, Rabeux, Lebon 155, le déplacement d'un boulevard et du casino municipal, qui prive un particulier de la vue sur
l'océan, n'engendre pas un préjudice anormal), ou les préjudices commerciaux provoqués par les opérations d'urbanisme (CE,
sect., 15 mai 1974, Épx Renault, Lebon 189 : perte de clientèle provoquée par une opération de rénovation urbaine. - CE
22 oct. 1975, Épx Rondot, Lebon T. 1212 , et CE 10 déc. 1975, préc. supra, n o 63), ainsi que les préjudices causés par les
décisions individuelles régulières (CE 22 juill. 1977, supra, n o 19 : préjudice résultant d'un refus de permis de construire après
un accord préalable. - 9 juill. 1982, Ville de Paris, Lebon 280. - 19 févr. 1988, Nizard, Dr. adm. 1988, n o 201).

183. On notera que l'appréciation du caractère anormal du préjudice peut être influencée par la situation de la victime : ainsi
en matière d'allongements de parcours, le juge est-il plus exigeant dans le cas des usagers.

184. Quant à l'exigence de spécialité du dommage, son caractère rigoureux apparaît nettement si l'on remarque que dans
tous les cas où l'indemnisation a été admise, le requérant était le seul à subir le préjudice mis en avant (CALONEC, thèse
préc., p. 315).

Section 2 - Imputation de la responsabilité


Art. 1 - Faits imputables à l'Administration
185. En premier lieu, la responsabilité de l'Administration pourra parfois être écartée au profit de - ou se combiner avec - la
responsabilité personnelle d'un fonctionnaire ou d'un responsable administratif non fonctionnaire.

1 8 6 . La jurisprudence fournit un exemple de faute personnelle d'un fonctionnaire des services d'urbanisme : celui d'un
inspecteur général de l'urbanisme qui, saisi du projet d'un architecte, se livre « sur la place publique, en présence de son
chauffeur, d'un géomètre ami de l'architecte et du commis d'un architecte rival », à une violente critique « en termes
désobligeants et acerbes, du projet » (T. confl. 17 juill. 1952, Parey, Lebon 638). En revanche, et de façon surprenante, n'a
pas été considéré comme une faute personnelle le fait, pour un fonctionnaire, d'avoir falsifié un plan d'occupation des sols
dans la mesure où il n'avait été « animé par aucun intérêt personnel » (T. confl. 19 oct. 1998, Préfet du Tarn c/ Toulouse, JCP
1999. II. 10225, concl. Sainte-Rose, note du Cheyron).

187. La décentralisation, par l'effet de la loi n o 83-8 du 7 janvier 1983 (préc.), relative à la répartition des compétences entre
l'État, les régions, les départements et les communes, de l'octroi des autorisations d'utilisation du sol dans les communes
dotées d'un plan d'occupation des sols, a suscité des interrogations renouvelées quant à la responsabilité personnelle que
peuvent encourir les maires dans l'exercice de la compétence correspondante.

188. Une circulaire du ministre de l'Intérieur du 22 août 1984, relative au transfert de compétence en matière d'autorisations
d'utilisation du sol (D. 1984. 521), s'était efforcée d'indiquer les cas dans lesquels la responsabilité personnelle du maire
pouvait être engagée. « La responsabilité personnelle, affirmait cette circulaire, est liée à une faute personnelle, détachable
du service, soit qu'elle n'ait aucun rapport avec la fonction, soit que, survenue dans l'exercice de la fonction, elle ait été
commise avec une intention de nuire ou en vue de la satisfaction d'un intérêt personnel illicite. L'existence d'une faute
personnelle détachable du service et commise dans le cadre de celui-ci peut également être relevée, lorsque le comportement
en cause traduit une méconnaissance absolue des règles de prudence et de bon sens inhérentes à la fonction, lorsqu'il
constitue une faute lourde, délictueuse et sanctionnée par la loi pénale ou lorsqu'il constitue une voie de fait contre les
personnes ou les propriétés privées ».

189. La jurisprudence habituelle du Conseil d'État conduit à préciser que la responsabilité personnelle du maire suppose,
lorsque n'est pas en cause une faute intentionnelle ou un comportement extérieur aux fonctions, une faute plus que lourde,
mais carrément inexcusable, ou, comme le dit un arrêt « manifeste et d'une exceptionnelle gravité » (T. confl. 9 juill. 1953,
Dame Vve Bernadas, Lebon 593 ; JCP 1953. II. 7797, note Rivero), et à préciser également que, contrairement à ce que
pourrait laisser penser la circulaire du ministre de l'Intérieur, les infractions pénales ne sont pas nécessairement des fautes
personnelles (jurispr. classique : T. confl. 14 janv. 1935, Thepaz, Lebon T. 1224 ; S. 1935. 3. 17, note Alibert).

1 9 0 . En second lieu, il convient de signaler que la responsabilité de la puissance publique pourra dans certains cas être
engagée, en vertu de principes qui sont d'ailleurs de droit administratif commun, du fait d'activités d'aménagement urbain
confiées à des organismes privés.

1 9 1 . Dans les cas de préjudices d'urbanisme se rattachant au contentieux des travaux publics, s'appliquent les règles
habituelles selon lesquelles la responsabilité de la personne publique maître de l'ouvrage peut toujours être recherchée
lorsque le travail a été confié à un entrepreneur dans le cadre d'un marché de travaux publics (CE 4 mars 1955, Ville
d'Orléans, Lebon 140. - CE, sect., 29 janv. 1971, Assoc. Jeunesse et reconstruction, Lebon 81 ; Rev. adm. 1971. 279, note
Moderne ; RD publ. 1971. 1473, note Waline. - CE 14 févr. 1958, Sté Thorrand et Cie, Lebon 104 ; AJDA 1958. 13, concl. Long.
- CE 3 juill. 1975, Min. Économie et finances c/ Sté Ascinter-Otis, Lebon 414 ; AJDA 1975. 586, note Moderne), et peut être
recherchée à titre subsidiaire, en cas d'insolvabilité du concessionnaire lorsque les travaux ont fait l'objet d'une concession
(CE 7 mars 1934, Cie d'assurances Le Phénix et autres c/ Ville de Paris, Lebon 311. - CE 5 mai 1982, Dame Fauresse, CJEG
1982. 314, note Papin).

1 9 2 . En dehors du cas des travaux publics, il existe d'autres hypothèses générales dans lesquelles la responsabilité des
personnes publiques peut être recherchée du fait d'agissements de personnes privées, et certaines concernent des
hypothèses qui peuvent se rencontrer en matière d'urbanisme. On signalera simplement l'éventuelle responsabilité des
personnes publiques en raison des activités de personnes privées apparaissant comme leurs mandataires (CE 7 janv. 1927,
Tribler, Lebon 25), ou de personnes privées fictives, par exemple associations n'ayant pas d'existence réelle distincte de la
personne publique qui les contrôle (CE, sect., 2 févr. 1979, Min. Agriculture c/ Gauthier, Lebon 39 ; AJDA 1979. 48,
concl. Dondoux ; D. 1980. 6, note Rouault ; JCP 1980. II. 19378, note Simon), ainsi que la responsabilité subsidiaire des
personnes publiques en cas d'insolvabilité des personnes privées à qui elles ont confié un service public, par voie de
concession ou d'une autre manière (CE, sect., 18 mai 1979, Assoc. Urbanisme judaïque Saint-Seurin, Lebon 218 ; RD publ.
1979. 1481, concl. Latournerie. - CE 13 nov. 1970, Ville de Royan, Lebon 683 ; RD publ. 1971. 740, concl. Braibant).

1 9 3 . En troisième lieu, on mentionnera la question, qui peut se poser, de l'imputabilité d'un acte d'urbanisme donné à
l'Administration française : cette question s'est posée dans une affaire dans laquelle le Conseil d'État a précisé qu'en vertu de
textes de 1955 et 1956, les décisions d'urbanisme étaient prises en Algérie, au nom et pour le compte de cette collectivité, et
que l'indépendance de l'Algérie ne les avait pas rendues imputables à l'État français (CE 16 juill. 1976, Cts Giuli, Lebon
T. 1099).

Art. 2 - Causes d'exonération ou d'atténuation de la responsabilité


§ 1 - Faute de la victime
194. Les aspects les plus intéressants concernent ici la faute de la victime, qui, comme dans l'ensemble du contentieux de la
responsabilité, est susceptible d'exempter l'Administration de sa responsabilité, ou de réduire celle-ci. La faute de la victime
est une cause d'exonération dont les effets s'étendent à la responsabilité pour faute et à la responsabilité sans faute (V. par
ex. : CE 4 mars 1949, Sté Stadium de Paris, Lebon 113 : litige concernant une éventuelle responsabilité sans faute du fait de
l'institution d'une servitude non aedificandi).

195. Théoriquement, l'exonération de la responsabilité administrative, ou le taux d'atténuation de celle-ci est déterminé en
fonction de la part respective qu'ont eu la faute de la victime et le fait de l'Administration dans la production du dommage.
Dans la pratique, le degré de gravité de la faute de la victime semble déterminant (CALONEC, thèse préc., p. 502 s.).

196. L'hypothèse la plus remarquable de faute de la victime dans la jurisprudence d'urbanisme concerne la faute que commet
celui qui demande un permis de construire irrégulier : s'il obtient un tel permis, le dommage qui peut en résulter pour lui sera
partiellement imputable à sa faute (CE 23 juin 1976, Sté construction immobilière rhodanienne, Lebon T. 1111 ; JCP 1977.
II. 18557, note Liet-Veaux. - CE 1 er juill. 1987, req. n o 58395, SCI La Résidence).

197. Cette jurisprudence, bien rigoureuse étant donné le degré de complexité de la réglementation d'urbanisme, comporte
des limites. Un arrêt ne retient la faute de la victime que parce que celle-ci a demandé un permis qu'elle savait irrégulier (CE
12 nov. 1975, supra, n o 82. - V. égal. CE 21 sept. 1990, req. n o 67776 , SCI Hameau du Beauvoir : victime ayant présenté
une demande de permis pour un projet dont « elle ne pouvait ignorer qu'il n'était pas conforme aux dispositions du plan
d'urbanisme »). Un autre précise que la requérante n'a pas commis de faute en sollicitant un permis non conforme aux
dispositions d'un plan d'aménagement et d'extension qui, n'ayant pas été publié au Journal officiel, ne lui était pas opposable
(CE 27 avr. 1977, Dame Vve Chalot, Lebon T. 959).

198. Certains arrêts écartent même l'idée d'une faute de la victime dans le cas d'une demande de permis dont l'irrégularité
n'était pas apparente en raison de la complexité de la réglementation d'urbanisme applicable au terrain servant d'assiette au
projet de construction (CE 9 juill. 1982, Min. Environnement et cadre de vie c/ Sté Le Pré du Roi, Lebon T. 744 . - CAA Nantes,
5 juill. 1989, Malassigne c/ Min. Équipement et logement, Dr. adm. 1989, n o 532. - CE 14 mars 1990, req. n o 88591 , Min.
Équipement c/ M. Plat, LPA 3 juill. 1991, p. 22, chron. J.-B. Auby. - V., en matière de certificat d'urbanisme, CAA Paris, 5 mars
1996, préc. supra, n o 155).

199. L'attitude de l'Administration peut d'ailleurs induire le pétitionnaire en erreur et écarter sa faute, même lorsqu'il s'agit
d'un professionnel de l'immobilier : dans un arrêt, le Conseil d'État a ainsi jugé que l'opération ayant été autorisée par le
préfet (il s'agissait de l'urbanisation d'une rive d'un plan d'eau), et que personne, notamment pas le ministre de l'Équipement
qui avait adressé une lettre à la société en cause, ni les représentants de l'État, n'ayant émis de réserves sur la légalité de
l'opération, la responsabilité de la société d'aménagement devait être écartée (CE 6 févr. 2006, préc. supra, n o 168).

200. On relèvera également cet arrêt dans lequel le Conseil d'État a censuré une cour administrative d'appel qui avait retenu
la faute de la victime aux motifs que celle-ci n'avait pas vérifié la compatibilité d'une mention figurant sur une notice de
renseignements délivrée par la commune avec les dispositions du plan d'occupation des sols : pour la Haute assemblée, les
notices de renseignements sont justement délivrées pour dispenser le public de la consultation directe des documents
composant le plan d'occupation des sols et il n'était donc pas possible de reprocher à son titulaire de ne pas avoir procédé à
cette vérification (CE 27 juill. 2001, req. n o 212050 , Sté européenne nouvelle d'achat immobilier). Ou encore cette autre
décision dans laquelle le Conseil d'État a considéré qu'on ne pouvait reprocher au requérant, « acheteur non-professionnel »,
d'avoir acquis un terrain qu'un certificat d'urbanisme indiquait comme constructible, même si ce certificat mentionnait
l'enclavement dudit terrain par des pistes de ski et les conditions particulières de desserte en découlant (CE 6 nov. 2013, SCI
Chamer, req. n o 347665 ).

201. De la faute que commet le pétitionnaire du permis de construire en demandant un permis qu'il sait illégal, ou dont il peut
sans trop de difficultés, découvrir qu'il est illégal, on peut rapprocher celle que commet un notaire qui obtient le certificat
d'urbanisme sans avoir mentionné que la parcelle vendue faisait partie d'un lotissement (CE 17 oct. 1973, Mouzin-Lizys,
Lebon 573 ; JCP 1974. II. 17268, note Liet-Veaux) ou celle que commet une personne qui ne mentionne pas dans sa
demande de permis de construire le certificat d'urbanisme qu'elle a obtenu auparavant (CE 5 janv. 1979, Dame Daunas c/ Min.
Équipement, Lebon T. 921 ) ou qui joint à sa demande des plans de raccordement aux réseaux publics inexacts (CAA Nancy,
12 déc. 1991, préc. supra, n o 82).

2 0 2 . La jurisprudence considère également que constitue une faute de nature à atténuer la responsabilité de
l'Administration, le fait, pour l'auteur du projet, de fournir une étude d'impact insuffisante (CE 31 mars 1989, Mme Coutras,
Lebon 103 ; CJEG 1989. 133, note D. D. ; RDI 1989. 421, note Lamarque. - CE 28 juill. 1993, req. n o 116943 , SARL Bau-
Rouge, Lebon 249 ; Dr. adm. 1993, n o 497, note Denis-Linton ; RFDA 1994. 323, note Hostiou ; AJDA 1993. 743, chron.
Maugüé et Touvet ; D. 1994. Somm. 365, note Bon et Terneyre ).

2 0 3 . Le juge retient diverses autres formes de négligences ou d'imprudences de la part des victimes de dommages
d'urbanisme. Celle par exemple que commet une personne qui construit un hôtel-restaurant dans une zone exposée aux
risques d'avalanches sans s'être elle-même assurée de la sécurité des lieux (CE 27 juill. 1979, Blanc et Min. Équipement,
Lebon 352), celle commise par des lotisseurs qui, n'ignorant pas les risques entraînés par l'existence d'une galerie
souterraine, ont néanmoins entrepris l'aménagement d'un lotissement sans avoir procédé à des sondages préalables (CE
3 nov. 1989, SNC Sanz-Samenayres, Lebon 916 ; Dr. adm. 1990, n o 61 ; RD publ. 1990. 1177) ou celle commise par des
personnes qui, en raison de la situation de leur parcelle, auraient dû vérifier si celle-ci n'était pas exposée aux crues
éventuelles du cours d'eau situé à proximité (CE 2 oct. 2002, req. n o 232720 , Min. Équipement, transports et logement).
Ou encore celle qu'a commise la victime d'un préjudice résultant d'une servitude non aedificandi en ne se renseignant pas sur
les dispositions du projet de plan d'aménagement comportant cette servitude (CE 4 mars 1949, supra, n o 194), celle qu'a
commise la victime d'un dommage causé par le déversement sur sa propriété des eaux provenant d'une station d'épuration
en refusant la construction d'une canalisation qui aurait permis d'éviter ces dommages (CE 17 févr. 1978, Cne de Saint Nicolas
d'Aliermont, RD publ. 1978. 1775), ou le fait qu'une personne qui se plaint de la perte de valeur que subit son immeuble du
fait de la construction d'une gare, n'a acquis ledit immeuble qu'après la construction de la gare (CE 11 juill. 1960, SNCF c/
Goncet, Lebon 476), ou encore le fait pour une commune qui se plaint de la fixation trop tardive de coefficients provisoires
d'occupation des sols, et de la perte de participations financières des constructeurs qui en est résultée, de n'avoir elle-même
délibéré que tardivement sur l'institution de ces coefficients (CE 21 nov. 1980, Cne de Gometz-le-Chatel, Lebon T. 876 ). La
qualité de « professionnelle de l'immobilier » de la victime joue en l'espèce un rôle important, la jurisprudence étant plus
exigeante pour un promoteur que pour un particulier (V. par ex. : CE 7 mai 2007, req. n o 282311 , Sté immobilière de la
banque de Bilbao et de Viscaya d'Ilbarritz. - CE 6 juin 2012, Sté HLM de la Réunion, req. n o 327303 ).

204. Comme on pouvait s'y attendre, la jurisprudence retient également comme fautif, le fait pour la victime d'un dommage
causé par l'action d'urbanisme, d'avoir effectué des travaux dans des conditions irrégulières, par exemple d'avoir entrepris
des travaux de construction avant d'avoir obtenu le permis de construire (CE 13 nov. 1974, Coulibeuf, Lebon 566. - CE 22 juill.
1977, préc. supra, n o 19. - CE 30 sept. 1983, préc. supra, n o 84), ou avant d'avoir obtenu un alignement pourtant nécessaire
(CE 10 juill. 1970, Épx Barillet, Lebon 496).

§ 2 - Fait du tiers
205. Le fait du tiers est susceptible d'atténuer ou de faire disparaître la responsabilité de la personne publique mise en cause
lorsqu'on se trouve dans un cas de responsabilité pour faute (par ex. : CE 22 juill. 1977, préc. supra, n o 19 : la non-exécution
par une commune d'un parc de stationnement, dont l'existence conditionnait l'octroi du permis de construire à la société
requérante, ne peut engager la responsabilité de l'État. - CE 28 oct. 1977, Cne de Flumet, JCP 1980. II. 19319 : glissement de
terrain imputable à la commune qui a tardé à réaliser un réseau d'évacuation des eaux de pluie, mais découlant aussi du fait
d'une entreprise privée. - TA Strasbourg, 8 nov. 1995, SA Sté Séloi et Gourdon, BJDU 1996. 219 : atténuation de la
responsabilité de l'État en raison de la faute commise par l'architecte du promoteur qui avait affirmé, dans une étude d'impact,
que les terrains n'étaient pas inondables).

2 0 6 . Comme il est habituel, le fait du tiers n'est pas exonératoire dans le domaine de la responsabilité sans faute (V., à
propos d'un préjudice de voisinage, pollution causée par un ouvrage public d'assainissement, mais dans laquelle des
propriétaires voisins ont aussi une part, CE 15 oct. 1976, District urbain de Reims, Lebon 421 ; RJ envir. 1977. 165, concl.
Labetoulle, note Moderne ; JCP 1980. II. 19319, note Erard ; AJDA 1976. 562, chron. Nauw elaers et Fabius).

§ 3 - Force majeure
2 0 7 . La force majeure est également susceptible de faire disparaître - ou éventuellement d'atténuer seulement, si les
conséquences dommageables de l'événement de force majeure ont été aggravées par la faute de l'Administration (CE 13 mai
1970, Cne de Tournissan, Lebon T. 1187) - la responsabilité de la puissance publique lorsque l'événement concerné présente
les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité habituellement exigés (TA Grenoble, 19 juin 1974, Carot c/ Cne de Tignes,
Gaz. Pal. 1975. 236, note Moderne : pas de caractère de force majeure d'un phénomène d'avalanche dans le cas de
délivrance d'un permis de construire dans une zone où les avalanches ont lieu fréquemment. - CAA Lyon, 13 mai 1997, req.
n o 94LY00923 , Balusson et Mutuelles du Mans : n'est pas imprévisible une inondation, quelle que soit la violence de la
crue, dont la cause était identique à des inondations précédemment constatées).

Art. 3 - Détermination de la personne publique responsable


208. La question de l'imputabilité du dommage soulève principalement le problème de la répartition de la responsabilité entre
l'État et les collectivités territoriales, les règles applicables ayant été profondément modifiées par la décentralisation de
l'urbanisme opérée en 1983. D'autres cas de figure peuvent toutefois se présenter, comme l'intervention d'établissements
publics de coopération locale. La responsabilité de la communauté urbaine de Lyon a ainsi été retenue pour un refus illégal de
permis de construire, celle-ci s'étant vu confier, par convention conclue avec la ville de Lyon, l'instruction de tous les dossiers
de permis de construire (CE 18 févr. 2009, req. n o 290961 , Cté urbaine de Lyon).

2 0 9 . Dans le domaine de l'activité normatrice en matière d'urbanisme, la responsabilité était, traditionnellement, celle de
l'État, qu'il s'agisse, bien sûr, de l'éventuelle responsabilité du fait de mesures législatives (CE 17 juill. 1950, Menoreau,
Lebon 448. - CE, sect., 14 mars 1975, préc. supra, n o 72), ou de l'indemnisation de servitudes établies par voie réglementaire
(CE 17 déc. 1975, Dames David et Garrone, Lebon 646), y compris, dans cette dernière hypothèse, pour les servitudes
découlant d'instruments réglementaires élaborés conjointement par l'État et les collectivités locales, cette situation ne faisant
pas des collectivités locales des coauteurs des documents d'urbanisme (GENEVOIS, concl. sur CE, sect., 29 janv. 1982, Cne de
Coiltes et Dalbera, JCP 1982. II. 19863). La jurisprudence réservait toutefois le cas d'un concours de responsabilité lorsqu'une
carence proprement municipale était également en cause (CE 14 mai 1986, Cne de Val d'lsère, Dr. adm. 1986, n o 233 ; AJDA
1986. 337 et 298, chron. Azibert et Fornacciari ; D. 1986. IR 463, obs. Moderne et Bon ; JCP 1986. II. 20670, concl. Lasserre,
note Moderne : à propos d'une avalanche, responsabilité, pour moitié, de l'État qui n'a pas délimité de zone de risque, et de
la commune qui n'a pas construit d'ouvrage de protection).

2 1 0 . La situation est radicalement différente depuis la décentralisation opérée en 1983. En effet, c'est désormais aux
communes, pleinement responsables de l'élaboration des plans d'occupation des sols, qu'incombe l'indemnisation des
servitudes d'urbanisme créées dans les rares (V. supra, n os 27 s.) cas où l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme permet de
rechercher cette indemnisation.

211. De la même façon, et contrairement à l'état de la jurisprudence antérieure (CE 10 janv. 1958, Épx Rouliere, Lebon 28. -
CE 8 janv. 1953, SCI Gérard de Nerval, Lebon T. 1103 . - CE 30 mars 1965, Ravinetto, Lebon 247. - CE 3 nov. 1972, préc.
supra, n o 175. - CE 10 janv. 1973, Sté immobilière du parc des Annonciades, RD publ. 1973. 1371), la responsabilité en
matière d'autorisation d'utilisation du sol ou de renseignements d'urbanisme a été transférée aux communes dès lors qu'elles
ont été dotées d'un plan d'occupation des sols.

2 1 2 . On retrouve toutefois la responsabilité de l'État dans certaines hypothèses qui doivent être mentionnées.
Naturellement, lorsque la commune n'est pas pourvue de plan d'occupation des sols, l'État demeure responsable pour les
dommages causés par les autorisations d'occupation des sols qui auront été délivrées en son nom. Dans cette hypothèse,
d'ailleurs, si le maire est saisi d'une demande d'indemnisation, il doit la transmettre à l'autorité compétente (CE 20 juill. 2007,
req. n o 278611 , Sté Immobart : en l'espèce, la demande avait été adressée au maire « en tant que représentant de
l'État » et le Conseil d'État a dès lors considéré qu'elle était réputée avoir été transmise dès son dépôt au représentant de
l'État dans le département). Par ailleurs, la responsabilité de l'État a pu être retenue en raison d'irrégularités commises par le
commissaire-enquêteur lors de la phase d'enquête publique de la révision d'un plan d'occupation des sols (TA Lyon, 30 juin
2009, n o 0703881, Cne de Peron, AJDA 2009. 1901, concl. Droullé ; RDI 2009. 555, note Soler-Couteaux ).

2 1 3 . Mais, plus fondamentalement, l'État peut voir sa responsabilité engagée dans trois séries d'hypothèses : pour les
activités de police judiciaire de l'urbanisme, lorsqu'il a apporté l'aide de ses services à la commune, et en raison du contrôle
qu'il doit exercer sur les décisions des collectivités locales.

214. En ce qui concerne la police de l'urbanisme, la jurisprudence considère que l'exercice ou le non-exercice des pouvoirs de
constatation et de poursuites des infractions, tels qu'ils sont organisés par les articles L. 480-1 et suivants, n'engage que la
responsabilité de l'État (CE 14 oct. 1987, Min. Urbanisme, logement et transports c/ Malinconi, Lebon 1024. - CE 24 oct. 1990,
préc. supra, n o 171. - CE, sect., 16 nov. 1992, req. n o 96016 , Ville de Paris, Lebon 406 ; Dr. adm. 1992, n o 548 ; AJDA
1993. 54 . - CE 10 mai 1996, req. n o 133195 , Agnel. - CE 10 juill. 2006, req. n o 267943 , Mme A.).

2 1 5 . Les services de l'État sont toujours intervenus pour assister les communes dans l'élaboration de leurs documents
d'urbanisme ou l'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation des sols. Avant les lois de 1982-1983, la jurisprudence
distinguait les cas où le service d'État intervenait à titre obligatoire ou était placé sous l'autorité du maire (ce qui concernait
not. les hypothèses de participation à l'élaboration des documents d'urbanisme et à l'instruction des autorisations) : la
jurisprudence admettait alors que la responsabilité de l'État n'était engagée que lorsque ses services n'avaient pas respecté
les instructions que le maire leur avait données (CE 28 mai 1971, Cne de Saint-Jean-de-Maurienne, Lebon 403 ; AJDA 1971.
553 et 530, chron. Labetoulle et Cabanes ; JCP 1971. II. 16874, note Moderne. - CE11 juill. 1984, Cne de Vaucresson,
Lebon 739). Dans les autres hypothèses, la responsabilité de l'État était normalement engagée, sous réserve de l'exigence
d'une faute lourde (V. supra, n o 78).
2 1 6 . Les lois de décentralisation, loin de prohiber l'intervention des services étatiques, l'ont au contraire encouragée
puisqu'elles ont organisé une mise à disposition gratuite des services extérieurs de l'État (V. C. urb., art. L. 422-8). Dans le
cadre de cette intervention, la jurisprudence considère que la responsabilité de l'État n'est susceptible d'être retenue que
dans les hypothèses dans lesquelles ses services n'ont pas respecté les instructions données par le maire (CE 21 juin 2000,
préc. supra, n o 77. - CE 27 oct. 2008, req. n o 297432 , Cne Poilly-lez-Gien ; AJDA 2008. 2458, concl. Courrèges ; RDI
2009. 129, note Soler-Couteaux : qui confirme cette solution alors que l'intervention de l'État donne lieu à une convention,
en relevant que cette convention est conclue à titre gratuit et est obligatoire pour l'État lorsqu'une commune le lui demande. -
V. égal. CE 16 juin 2010, préc. supra, n o 111).

217. Enfin, la responsabilité de l'État peut être recherchée dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de contrôle sur les actes
des collectivités locales. Lorsque l'État exerçait un pouvoir de tutelle sur les actes des collectivités locales, sa responsabilité
était engagée, à condition que soit démontrée une faute lourde (V. supra, n o 77, sauf lorsque l'autorité de tutelle exerçait
des pouvoirs de substitution, cas dans lequel la responsabilité de la collectivité locale était en principe engagée, CE, sect.,
6 juin 1952, Ville de Gap, Lebon 296. - V. Contrôle adm inistratif [Responsabilité à l'occasion de l'exercice du contrôle]).

218. La transformation, par l'effet des lois de décentralisation, et en particulier de la loi n o 82-213 du 2 mars 1982 relative
aux droits et libertés des régions, départements et communes, de la tutelle sur les collectivités locales en un contrôle de
légalité de nature assez différente, n'a pas fondamentalement changé cet état du droit. Le Conseil d'État a en effet jugé que
la responsabilité de l'État du fait d'une carence dans l'exercice du contrôle de légalité ne pouvait être engagée qu'en cas de
faute lourde (V. supra, n o 77. - CE 21 juin 2000, préc. supra, n o 77. - CAA Marseille, 8 sept. 2005, préc. supra, n o 174).

2 1 9 . Par ailleurs, la responsabilité peut être partagée entre l'État et la commune lorsque l'exercice d'une compétence
d'urbanisme suppose leur double intervention (V., en matière d'application de la loi littoral, pour l'urbanisation des espaces
proches du rivage, CE 7 févr. 2003, req. n o 223882 , Secrétariat d'État au Logement).

2 2 0 . Des solutions contrastées sont admises dans le cadre de la responsabilité concernant les participations des
constructeurs. Si les actions fondées sur l'action en répétition de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme (V. supra, n os
124 s.) ne peuvent viser que la collectivité bénéficiaire de la participation (V., pour un ex. de participations en nature, CE
27 avr. 1998, req. n o 150589 , SA GRC-EMIN, Lebon 184 ; Dr. adm. 1998, n o 229), la responsabilité pour faute peut
incomber à la commune (CE 23 oct. 1974, SCI Sainte-Anne, Lebon 502) ou à l'État (CE 1 er avr. 1981, Ville de Clermont, Lebon
T. 908) selon l'origine de la faute.

2 2 1 . Dans le domaine des opérations d'aménagement urbain, la plupart des problèmes d'imputation sont réglés par
application des règles d'imputation concernant les travaux publics (V. Trav aux publics [Dom m ages de]). Les dommages
sont en règle générale imputés à la personne publique maître de l'ouvrage, qu'il s'agisse de l'État (CE 24 juin 1949, Min.
Travaux publics c/ Delle David, Lebon 312), d'une collectivité locale (CE 12 mai 1976, préc. supra, n o 82), ou d'un
établissement public (CE 10 mars 1976, Synd. intercommunal d'assainissement de la Vallée du Blame, RD publ. 1976. 1397).

Section 3 - Mise en oeuvre de la responsabilité


Art. 1 - Recherche de la responsabilité
§ 1 - Procédures
222. Les litiges relatifs à la responsabilité de la puissance publique en matière d'urbanisme sont parfois réglés par des voies
non juridictionnelles. Une décision du ministre de l'Équipement du 16 mars 1977 avait créé une « Commission des règlements
amiables du contentieux de l'urbanisme ». Cette commission, composée d'experts était chargée de conseiller le ministre dans
les affaires dans lesquelles l'Administration reconnaît que sa responsabilité est engagée, et dans lesquelles le montant des
indemnités réclamées ou susceptibles de l'être est au moins égal à un million de francs. Elle a disparu en 1983. Il arrive par
ailleurs que le médiateur soit saisi de litiges concernant la responsabilité en matière d'urbanisme (TANGUY, Le règlement des
conflits en matière d'urbanisme, 1979, LGDJ, p. 111 s. - PROUZET, L'action du Médiateur en matière d'urbanisme et
d'équipement, Mon. TP 16 oct. 1976, p. 29. - LE CLAINCHE, Le Médiateur et l'urbanisme, RFDA 1990. 635 ).

2 2 3 . Les procédures contentieuses de règlement de la responsabilité en matière d'urbanisme présentent peu de


particularités notables. Certaines règles spécifiques s'appliquent tout de même à l'action en répétition de l'article L. 332-30 du
code de l'urbanisme (V. supra, n os 132 s.), à l'action visant à l'indemnisation de la servitude de passage le long du littoral (V.
supra, n os 41 s. - Il existe not. une règle particulière de délai : V. supra, n o 43), ainsi qu'à l'action en dommages et intérêts
des propriétaires dont les biens ont été préemptés dans le cadre du droit de préemption urbain ou d'une zone
d'aménagement urbain lorsque ces biens n'ont pas reçu la destination qu'ils auraient dû recevoir (cette action, portée devant
le juge judiciaire, se prescrit par cinq ans : C. urb., art. L. 213-12).

224. Les requérants peuvent utiliser la voie du référé provision pour obtenir rapidement le versement d'une somme d'argent.
Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative « le juge des référés peut, même en l'absence d'une
demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement
contestable ». Une société a ainsi pu obtenir le versement d'une provision de 1 500 000 euros ; couvrant les frais
d'immobilisation, pendant huit ans, d'un bâtiment et d'un terrain à Cannes (CE 17 déc. 2003, req. n o 255235 , Cne de
Cannes).

§ 2 - Compétence juridictionnelle
2 2 5 . Les seules difficultés sérieuses de compétence juridictionnelle que connaisse le contentieux de la responsabilité
administrative en matière d'urbanisme concernent les litiges provoqués par les opérations d'aménagement. Elles ne sont
d'ailleurs que le reflet de questions de compétence plus générales, intéressant essentiellement les travaux publics et
l'expropriation.

226. Dans diverses hypothèses, la question de compétence tournera autour du rattachement du litige au contentieux des
travaux publics. La question pourra être tout simplement de savoir si une opération d'urbanisme donnée constitue ou non un
travail public (ce qui se détermine à l'aide des critères habituels du travail public : MODERNE, La nature juridique des travaux
effectués par les sociétés d'économie mixte d'aménagement urbain, AJPI 1981. 440). Elle peut être d'une autre nature : par
exemple, la jurisprudence a précisé que les infractions aux règles d'urbanisme commises par l'Administration à l'occasion de la
construction ou de la modification d'un ouvrage public constituent des dommages de travaux publics, et que le juge
administratif est donc seul compétent pour en connaître (CE 10 janv. 1973, Min. Équipement et logement c/ Épx Derbey, JCP
1973. II. 17576, note Marchand. - Civ. 1 re, 25 nov. 1975, D. 1976. IR 52. - T. confl. 28 févr. 1977, Épx Girot Costy, Lebon
T. 742).

227. Dans certains cas, la détermination de la compétence soulèvera une difficulté de qualification d'un contrat. L'hypothèse
la plus délicate concerne ici les contrats passés par les sociétés d'économie mixte d'aménagement urbain avec d'autres
personnes privées, qui sont normalement de droit privé faute de personne publique partie au contrat (CE, sect., 5 mai 1972,
Sté d'équipement de l'lndre et min. Équipement et logement c/ Allain, Lebon 347 ; Gaz. Pal. 1972. 905, note Moderne ; JCP
1973. II. 17481, note Pellet. - CE 21 mars 1973, Sté entreprises de grands travaux hydrauliques et autres, Lebon 231. - CE
15 déc. 1976, SCI Résidence Gallibni à Auxerre, Lebon 542 ; RD publ. 1977. 495, note Waline), mais qui peuvent être
administratifs lorsque l'on peut les considérer comme passés pour le compte d'une personne publique (T. confl. 8 juill. 1963,
Sté entreprise Peyrot, Lebon 787 ; JCP 1963. II. 13375, note J.-M. Auby. - CE, sect., 30 mai 1975, Sté d'équipement de la
région montpellieraine, Lebon 326. - T. confl. 7 juill. 1975, Cne d'Agde, Lebon T. 798 ; JCP 1975. II. 18171, note Moderne ;
D. 1977. 8, note Bettinger. - CE 11 juin 1975, Sté d'équipement d'Auvergne, Lebon T. 1127. - CE 30 juin 1976, Sté d'économie
mixte d'équipement de la ville d'Aix-en-Provence, Lebon T. 806 . - CE Bordeaux, 11 mars 1976, JCP 1976. II. 18513, note
Leneveu. - V. aussi LLORENS, La jurisprudence Société entreprise Peyrot : nouveau développement, RFDA 1985. 353).

Actualité
2 2 7 . Contrat de travaux conclu par une société concessionnaire d'autoroute. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est
désormais compétent pour connaître des litiges relatifs à l'exécution d'un contrat de travaux conclu par une société
concessionnaire d'autoroute avec une personne privée. Il abandonne ainsi sa jurisprudence « Entreprise Peyrot » (T. confl.
8 juill. 1963, Sté entreprise Peyrot c/ Sté de l'autoroute Estérel Côte-d'Azur, req. n o 1804, Lebon 787) selon laquelle les
marchés de travaux des sociétés concessionnaires d'autoroutes conclus avec des entreprises privées relevaient « par
nature » de la compétence du juge administratif (T. confl. 9 mars 2015, req. n o 3984, Lebon ; AJDA 2015. 481 ; AJDA
22015. 601, tribune Clamour ; RFDA 2015. 265, concl. Escaut ; RFDA 2015. 273, note Canedo-Paris).
228. Certaines difficultés de répartition du contentieux de la responsabilité administrative d'urbanisme résultent de l'assez
complexe répartition des compétences qui prévaut dans le domaine de l'expropriation. En principe, c'est au seul juge judiciaire
qu'il appartient de réparer les préjudices résultant de l'expropriation, y compris ceux qui ne constituent que des dommages
accessoires (CE 10 oct. 1971, Cano, RD publ. 1972. 971). Mais ce principe souffre plusieurs exceptions. Le juge administratif
peut être saisi des conséquences préjudiciables d'une illégalité commise au cours de la procédure d'expropriation (CE 13 oct.
1976, Min. Intérieur c/ Boucher, RD publ. 1977. 1060, note J.-M. Auby) ou du retard dans le déroulement de la phase
administrative d'une expropriation (CE, sect., 14 mars 1975, préc. supra, n o 72) ou des atermoiements de l'Administration
(CE, sect., 23 déc. 1970, préc. supra, n o 65). Il est compétent également en ce qui concerne les dommages de travaux publics
causés dans le cadre d'une procédure d'expropriation (CE, sect., 6 déc. 1946, Dames Barille et autres, Lebon 298).

2 2 9 . L'article L. 213-12 du code de l'urbanisme donne compétence à la juridiction judiciaire pour juger les actions en
dommages et intérêts des propriétaires de biens préemptés lorsque les règles concernant l'utilisation des biens préemptés
n'ont pas été respectées. On rappellera, par ailleurs, que le juge judiciaire est compétent pour connaître des contentieux liés
à l'absence ou au retard de paiement du prix des biens préemptés (T. confl. 9 déc. 1996 et CE 21 avr. 2000, préc. supra, n o
109).

230. Enfin, on relèvera que la jurisprudence retient la compétence administrative pour se prononcer sur la responsabilité de
l'État à raison des conséquences dommageables découlant de l'exécution d'une condamnation pénale en matière d'infractions
au droit de l'urbanisme. Comme l'a relevé la cour administrative d'appel de Lyon, la décision administrative en vertu de
laquelle il a été procédé à la démolition d'un bâtiment ne saurait « être regardée comme ne constituant qu'une simple mesure
d'exécution de la condamnation judiciaire » dès lors que « l'Administration pouvait légalement décider de ne pas faire
procéder d'office à la démolition litigieuse » (CAA Lyon, 9 mars 1995, req. n o 94LY00558 , Crespo, Lebon T. 1028 , AJDA
1995. 793, note J. C . ; Dr. adm. 1995, n o 398).

Art. 2 - Réparation du préjudice


§ 1 - Évaluation de l'indemnité
2 3 1 . L'évaluation par le juge de l'indemnité réparant le préjudice d'urbanisme est faite pour l'essentiel selon les règles
habituelles (V. Fixation de l'indem nité). Par exemple, le propriétaire qui n'a acquis son terrain ou son immeuble qu'après
que le préjudice a commencé à apparaître ne peut être indemnisé que pour l'aggravation postérieure à l'acquisition (CE
22 janv. 1936, Gaucci, Lebon 103. - CE 13 avr. 1951, Ouzeneau, Lebon 198. - CE, sect., 15 oct. 1976, préc. supra, n o 206).

232. L'évaluation de l'indemnité due au titre de décisions de préemption illégales fait l'objet d'une jurisprudence qu'il n'est
pas aisé de synthétiser. Les solutions dépendent en grande partie des faits de l'espèce et, notamment, de la réalisation ou
non de la vente après l'annulation de la décision de préemption. Avant de les envisager, on rappellera que l'exercice illégal du
droit de préemption ne se traduira pas nécessairement par un contentieux indemnitaire : le Conseil d'État a en effet jugé qu'il
appartenait au juge administratif d'utiliser ses pouvoirs d'injonction pour « prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets
de la décision annulée ». Cela implique, si toutefois le titulaire du droit de préemption est toujours en possession du bien, qu'il
lui soit enjoint de proposer à l'acquéreur évincé, puis, le cas échéant, au propriétaire initial, d'acquérir le bien et ce « à un prix
visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de la
transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle » (CE 26 févr. 2003, req. n o 231558 , M. et Mme Bour,
Dr. adm. 2003. Comm. 140, note Laquièze ; AJDA 2003. 729, chron. Donnat et Casas ). Le juge administratif a apporté des
précisions sur le prix auquel le bien devait être proposé : il s'agit du prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner,
majoré, d'une part, s'il y a lieu, du coût des travaux indispensables à la conservation du bien que la collectivité a supporté et
de la variation de la valeur vénale du bien consécutive aux travaux utiles d'amélioration ou de démolition réalisés par la
collectivité publique et, d'autre part, en cas de dégradation du bien, diminué des dépenses que l'acquéreur devrait exposer
pour remettre le bien dans l'état dans lequel il se trouvait initialement (CE 31 déc. 2008, req. n o 293853 , Pereira Dos
Santos Maia, AJDA 2009. 946, note Carpentier ; Dr. adm. 2009. Comm. 46, note Melleray ; RDI 2009. 196, note Soler-
Couteaux ). Le même arrêt précise qu'il n'y a pas lieu de tenir compte « des facteurs étrangers à la consistance et à l'état
du bien qui ont modifié sa valeur vénale, notamment la modification des règles d'urbanisme qui lui sont applicables et les
évolutions du marché immobilier postérieures à la décision de préemption ».

2 3 3 . Lorsque la vente a lieu, la cour administrative d'appel de Paris avait jugé que la commune devait indemniser le
propriétaire de la différence entre le prix qu'un compromis de vente faisait attendre et le prix effectif de la vente réalisée
ultérieurement (CAA Paris, 26 mai 1995, req. n o 94PA01212 , Souloumiac, Lebon T. 1081 ; Dr. adm. 1995, n o 537. -
Solution confirmée en cassation : CE 14 juin 1999, req. n o 171231 , Cne de Montreuil-sous-Bois, Dr. adm. 1999.
Comm. 238, note C. M.). Cette solution a été expressément reprise dans un arrêt plus récent, qui comporte un considérant de
principe aux termes duquel le préjudice subi par un propriétaire qui a cédé son bien après renonciation de la collectivité à une
préemption illégale est évalué en prenant en compte la différence entre le prix figurant dans l'acte initial et « la valeur vénale
du bien à la date de la décision de renonciation ; pour l'évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé
comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences
effectuées par le vendeur, et sous réserve que le prix de vente ne s'écarte par anormalement de cette valeur vénale » (CE
15 mai 2006, req. n o 266495 , Cne du Fayet, BJDU 2006. 267, concl. Stahl. - V., pour l'application concrète de cette solution,
CE 8 oct. 2008, req. n o 301743 , Cne de Fayet, RDI 2009. 133, note Soler-Couteaux ; Constr.-Urb. 2008. Comm. 168,
note Cornille).

234. Si la vente n'a pas eu lieu, le Conseil d'État a, dans un arrêt au moins, retenu une solution particulièrement généreuse
puisqu'il a considéré que l'indemnité devait correspondre à la différence entre le prix stipulé par la promesse de vente et celui
fixé par le juge de l'expropriation pour l'acquisition du bien par la commune (CE 30 juill. 1997, supra, n o 87). Un arrêt de la
cour administrative d'appel de Paris retient toutefois une solution plus restrictive, dans une espèce un peu particulière il est
vrai, puisque le bien avait fait l'objet d'une évaluation par le juge de l'expropriation. Celle-ci était inférieure au montant stipulé
sur la promesse de vente, et c'est pourtant cette évaluation qui a été prise pour base pour déterminer le préjudice subi
(CAA Paris, 12 févr. 1998, req. n o 97PA00578 et n o 97PA01881 , Cne de Plaisir, Lebon ; Dr. adm. 1998. Comm. 177 ;
BJDU 1998. 224).

235. En outre, et en ce qui concerne le délai à prendre en compte pour le calcul des indemnités complémentaires (indemnités
dues parce que le vendeur n'a pu bénéficier de la somme stipulée dans la promesse de vente), la jurisprudence a évolué
avant d'être fixée par un arrêt de mars 2010. Un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris avait considéré que la
période à prendre en compte était celle allant de la promesse de vente à la date de la notification du jugement annulant la
décision de préemption (CAA Paris, 15 déc. 1999, req. n o 96PA02393 , Maranne, Lebon 543 ; Constr.-Urb. 2000. Comm.
198, note Cornille), le Conseil d'État ayant, dans un arrêt au moins, retenu un délai allant de la date de la décision illégale de
préemption à la date de notification du renoncement de la collectivité publique à préempter (CE 27 juin 2005, req. n o 260562
, Communauté urbaine de Lyon, BJDU 2005. 368, obs. Bonichot). La question a été tranchée par un arrêt de principe du
Conseil d'État, dans lequel celui-ci a indiqué que pouvait être indemnisé le préjudice résultant, lorsque la vente initiale était
suffisamment probable, « de l'impossibilité dans laquelle il [le propriétaire] s'est trouvé de disposer du prix figurant dans la
promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a
lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité » (CE 10 mars 2010, req. n o 323543 , SCI GFM, AJDA
2010. 530, obs. Y. J .). Le même arrêt précise que si la vente n'a pas lieu dans un délai raisonnable, le terme à prendre en
compte pour l'évaluation de ce préjudice est la date de la décision de renonciation.

2 3 6 . L'acquéreur évincé bénéficie également d'un droit à indemnisation : il peut, selon les termes de la jurisprudence,
« obtenir réparation des préjudices qui résultent pour lui de façon directe et certaine » d'une décision de préemption illégale
(CE 17 déc. 2007, req. n o 304626 , Cne de Montreuil, AJDA 2008. 14 ). Cela signifie notamment que l'acquéreur évincé
peut demander à être indemnisé du paiement de loyers qu'il n'aurait pas eu à supporter s'il avait pu acquérir l'immeuble
illégalement préempté, mais il doit alors démontrer que ces charges excèdent celles auxquelles l'acquisition du bien préempté
l'auraient exposé (même arrêt).

2 3 7 . Quelques règles particulières de fixation de l'indemnité sont posées par le code de l'urbanisme dans le domaine de
l'indemnisation des servitudes. L'article L. 160-5 impose de tenir compte des plus-values données aux immeubles par la
réalisation du plan d'occupation des sols ou du document en tenant lieu. L'article L. 160-7 précise que l'indemnité de privation
de jouissance du fait de la servitude de passage le long du littoral est calculée « compte tenu de l'utilisation habituelle du
terrain ».

§ 2 - Assurance des collectivités locales


238. Devant les risques financiers que les transferts de responsabilité accompagnant la décentralisation opérée depuis 1983
(V. supra, n os 187 s.) font courir aux communes, celles-ci ont été incitées par l'État à souscrire des assurances, en particulier
en ce qui concerne la délivrance des autorisations d'utilisation du sol (BOUYSSOU, article préc. - CERVEAU et ST-ARNAUD,
L'assurance de protection juridique au service des communes, AJDA 1989. 287).
239. Les charges résultant des contrats d'assurances destinés à garantir les communes contre les risques liés à la délivrance
des autorisations d'utilisation du sol ont pendant longtemps fait l'objet d'une compensation particulière, via la dotation
générale de décentralisation (DGD). Une réforme des concours particuliers de la DGD a été menée en 2013 (V. art. 111-I,
1 o de la loi n o 2012-1509 du 29 déc. 2012 et Décr. n o 2013-363 du 26 avr. 2013), qui a conduit à une suppression du concours
propre à la compensation des charges résultant des contrats d'assurance contre les risques contentieux liés à la délivrance
des autorisations d'utilisation du sol et à sa fusion avec les sommes versées au titre de l'élaboration et de la mise en oeuvre
des documents d'urbanisme. La réforme ayant été opérée « à enveloppe de crédits constante », les sommes allouées au titre
de la compensation assurance ont été reportées sur la compensation versée au titre de l'élaboration des documents
d'urbanisme (V. Circ. du 26 juill. 2013, Répartition du concours particulier créé au sein de la dotation générale de
décentralisation au titre de l'établissement et de la mise en oeuvre des documents d'urbanisme, NOR : INTB1319188C).

Index alphabétique

Action en comblement de passif 193

Aérodrome 60

Agissements fautifs
engagements non tenus 101 s.
renseignements 94 s.
retards 108 s.

Allongements de parcours 60, 183

Assurance
V. Collectivités locales

Atermoiements 64 s., 181

Autorisation de lotir 29 s., 36


acte illégal 85

Bande littorale des 100 mètres 11

Camping 72, 104

Carence 77, 209, 218

Carrière 31

« Certificat de déblocage » 85

Certificat d'urbanisme 85, 96 s.

Collectivités locales
assurance 238 s.

Commission des règlements amiables du contentieux de l'urbanisme 222

Commune (responsabilité) 211 s.

Compétence juridictionnelle 225 s.

Contrôle de légalité 77, 219

Convention européenne des droits de l'homme 8, 46 s.

Déclaration d'intention d'aliéner (DIA) 166

Détournement de pouvoir 23

Droit de délaissement 45

Droit de préemption
exercice illégal 87
paiement (retard) 109

Droits acquis (atteinte) 16, 28 s.

Égalité (principe d') 49, 69

Enrichissement sans cause 123


répétition des participations illégales 137

Espaces proches du rivage 219


Établissement public de coopération locale 208

État (responsabilité) 76 s., 213 s.


contrôle de légalité 219
intervention 216 s.
police 214

État antérieur des lieux (modification) 33 s.

Exonérations ou atténuations de responsabilité 52, 66, 195 s.


fait du tiers 205 s.
faute de la victime 195 s.
force majeure 207

Expropriation 22 s., 44 s., 64


répartition des compétences 228 s.

Fait du prince 73

Fait du tiers 205 s.

Faute lourde 74 s.

Faute personnelle 186 s.

Faute de service 88

Faute de la victime 195 s.

Force majeure 207

Fraude à la loi 23

Gestion d'affaires 122

Illégalité 82 s.

Imputation de la responsabilité 185 s.

Indemnité (évaluation) 231 s.

Infractions aux règles d'urbanisme 67 s., 93, 112, 215, 230

Intention dolosive 26

Juridictions judiciaires 23 s.

Liquidation judiciaire 149

Médiateur 223

Mise à disposition des services de l'État 78 s., 217

Monuments historiques 14, 40

Moyen d'ordre public 39, 161

Offre de concours 129

Ouvrages militaires (construction d') 13

Périmètres sensibles 11

Permis de construire
annulation 83, 165
délivrance (retard) 108
octroi illégal 83, 152, 197
refus illégal 84, 155 s., 163 s.
retrait 153
transfert 32
vice de forme 91

Perte
bénéfice (de) 167, 170 s.
clientèle (de) 62 s., 182
loyers (de) 152, 170 s.
participations financières (de) 203
valeur vénale (de) 29, 60, 152, 175, 203
Perte d'ensoleillement 174

Perte de vue 174

Plan d'aménagement de zone (PAZ) 66

Plan de prévention des risques naturels (PPRN) 14, 48

Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) 11

Planification urbaine 9

Police 75, 215

Préemption
illégale 87, 224
paiement du prix (retard) 109
préjudice indemnisable 232

Préjudice réparable 138 s.


anormal et spécial 64, 67, 178 s.
certain 162 s.
commercial 62 s., 169 s., 175
indemnité (fixation) 231 s.
lien de causalité 35 s., 142 s.
matériel 172 s.
moral 177
non direct 161

Principe d'égalité 49 s., 69

Prix (paiement du)


retards 87

Professionnel de l'immobilier 52, 66

Promesses non tenues 101 s., 119, 121

Promoteur 104, 107, 203, 205

Référé-provision 224

Réparation 231 s.

Répétitions des participations illégales 124 s.


action (régime juridique) 132 s.
conditions 127 s.

Réseau routier 51, 61 s.

Responsabilité
répartition de la 208 s.

Responsabilité contractuelle 117 s.

Responsabilité du fait des lois 18, 71

Responsabilité du fait des règlements légaux 18, 72

Responsabilité pour faute 74 s.

Responsabilité quasi contractuelle 70, 122 s.

Responsabilité sans faute 5, 19, 48 s., 178 s.

Servitude de passage le long du littoral 41 s., 172

Servitudes d'urbanisme
expropriation 22 s., 44 s.
inconstructibilité 34
non-indemnisation 5 s., 172
responsabilité pour faute 20 s.
responsabilité sans faute 5, 19, 70

Sites 14, 40

Travaux publics (dommages) 54 s., 191, 221


Troubles dans les conditions d'existence (indemnisation) 176

Troubles de jouissance 57 s.

Voisinage (inconvénients de) 57, 59


indemnisation 174

Zonage 49

Zone d'aménagement concerté (ZAC) 45, 51, 66

Zone industrielle
changement d'affectation 33

Zone naturelle 16

Zone rurale 29

Actualité
62. Indemnisation des préjudices subis du fait de la modification des voies publiques. - Si, en principe, les modifications apportées
à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies
publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le
cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie
publique (CE 11 févr. 2015, req. n o 367342, Lebon ; AJDA 2015. 314, obs. Pastor).

148. Caractère direct du lien de causalité en cas de décisions d'urbanisme illégales. - La modification illégale d'un plan
d'occupation des sols en méconnaissance des dispositions relatives à la loi Littoral permet à l'acquéreur d'une parcelle
d'invoquer la responsabilité de la commune et de l'État (CE 8 avr. 2015, Min. Égalité des territoires et Logement, AJDA 2015.
723, obs. Pastor).

227. Contrat de travaux conclu par une société concessionnaire d'autoroute. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est
désormais compétent pour connaître des litiges relatifs à l'exécution d'un contrat de travaux conclu par une société
concessionnaire d'autoroute avec une personne privée. Il abandonne ainsi sa jurisprudence « Entreprise Peyrot » (T. confl.
8 juill. 1963, Sté entreprise Peyrot c/ Sté de l'autoroute Estérel Côte-d'Azur, req. n o 1804, Lebon 787) selon laquelle les
marchés de travaux des sociétés concessionnaires d'autoroutes conclus avec des entreprises privées relevaient « par
nature » de la compétence du juge administratif (T. confl. 9 mars 2015, req. n o 3984, Lebon ; AJDA 2015. 481 ; AJDA
22015. 601, tribune Clamour ; RFDA 2015. 265, concl. Escaut ; RFDA 2015. 273, note Canedo-Paris).

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