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Répertoire de la responsabilité de la puissance publique

Sécurité sociale (Recours des caisses)

Philippe RANQUET
Maître des requêtes au Conseil d'État

janvier 2012 (actualité : janvier 2015)

Table des matières

Section 1 - Généralités, 1 - 18
Art. 1 - Position du problème, 1 - 2
Art. 2 - Principes et cadre législatif, 3 - 13
Art. 3 - Caractère subrogatoire du recours des caisses, 14 - 18

Section 2 - Existence et étendue de la créance, 19 - 54


Art. 1 - Organismes et prestations concernés, 19 - 31
§ 1 - Régime général, régime agricole et régime des indépendants, 21 - 24
§ 2 - Régimes spéciaux, 25
§ 3 - Régime des agents publics, 26 - 28
§ 4 - Caisses étrangères, 29
§ 5 - Prestations exclues du recours, 30 - 31
Art. 2 - Conditions du droit à remboursement, 32 - 51
§ 1 - Une créance certaine, 32 - 33
§ 2 - Une créance en lien avec le fait générateur de responsabilité, 34 - 36
§ 3 - Absence de créance à l'encontre du débiteur d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale, 37 - 45
§ 4 - Règles de prescription, 46 - 51
Art. 3 - Cas particulier des accidents du travail, 52
Art. 4 - Charges ouvrant droit à une action propre, 53
Art. 5 - Autres organismes bénéficiaires d'une subrogation, 54

Section 3 - Règles de procédure, 55 - 84


Art. 1 - Conditions de participation de la caisse au règlement, 55 - 71
§ 1 - Intérêt et qualité pour exercer le recours, 58 - 60
§ 2 - Intervention de la caisse dans l'instance engagée par la victime, 61 - 65
§ 3 - Droit d'action propre de la caisse, 66 - 67
§ 4 - Caisses et procédure devant les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, 68 - 71
Art. 2 - Liens entre l'action de la victime et celle de la caisse, 72 - 77
Art. 3 - Forme de la demande et de l'indemnisation, 78 - 84
§ 1 - Obligation de chiffrage des conclusions, 78 - 79
§ 2 - Réparation en capital et sous forme de rente, 80 - 81
§ 3 - Prise en compte des frais de recouvrement et de poursuite, 82 - 84

Section 4 - Partage des droits entre la victime et la caisse, 85 - 117


Art. 1 - Généralités, 85 - 88
Art. 2 - Règles d'imputation, 89 - 110
§ 1 - Position du problème, 89 - 92
§ 2 - Évolution du cadre législatif et jurisprudentiel, 93 - 97
§ 3 - Nouveau régime fixé par la loi et son interprétation par le juge administratif, 98 - 110
Art. 3 - Dépenses futures de prise en charge d'une personne handicapée : une jurisprudence spécifique, 111 - 115
Art. 4 - Question de l'imputation des rentes d'accident du travail et prestations similaires, 116 - 117

Bibliographie
CHABAS, Le droit des accidents de la circulation après la réforme du 5 juillet 1985, 2 e éd., 1988, Litec. - CHAPUS, Droit du
contentieux administratif, 11 e éd., 2004, Montchrestien. - CONTE et MAISTRE DU CHAMBON, La responsabilité civile délictuelle,
2000, PUG. - DARCY, La responsabilité de l'administration, 1996, coll. Connaissance du droit, Dalloz. - DUPEYROUX, BORGETTO,
LAFORE et RUELLAN, Droit de la sécurité sociale, 14 e éd., 2001, Dalloz, n os 1457 s. - FLOUR, AUBERT et SAVAUX, Droit civil. Les
obligations, 2. Le fait juridique, 10 e éd., 2003, A. Colin. - GROUTEL, Le recours des organismes sociaux contre le responsable
d'un accident, 1988, Litec. - LAMBERT-FAIVRE, Droit du dommage corporel, Systèmes d'indemnisation, 4 e éd., 2000, Dalloz. -
MALAURIE et AYNÈS, Obligations, 1. Responsabilité délictuelle, 11 e éd., 2001-2002, Cujas. - MILET, La protection juridique des
victimes d'accidents de trajet, 2002, LGDJ. - THIELLAY et MAUGÜÉ, La responsabilité du service public hospitalier, 2010, coll.
Systèmes, LGDJ. - VINEY et JOURDAIN, Les effets de la responsabilité, in Traité de droit civil, 2 e éd., 2001, LGDJ.

BONNET, La jurisprudence Strada : d'une voie ouverte au profit des caisses à l'impasse conventionnelle ?, AJDA 2007. 1396.
- GROUTEL, Le recours de la sécurité sociale contre le tiers responsable pour des « prestations nouvelles », JCP 1976.
I. 2815. - LAMBERT-FAIVRE, Le lien entre la subrogation et le caractère indemnitaire des prestations des tiers payeurs,
D. 1987. Chron. 97 ; Les droits de la victime et les recours de la sécurité sociale, JCP 1998. I. 110 ; Avancées et
trébuchements de la jurisprudence sur le recours des organismes sociaux, D. 2001. Chron. 248. - PÉCHILLON, L'action des
caisses primaires d'assurance maladie contre les responsables d'accidents sportifs : de la recherche d'un responsable à celle
d'un tiers payeur, RDSS 2009. 317. - SAINT-JOURS, La nouvelle configuration des recours des tiers payeurs, RDSS 1986.
258 ; Concours de fautes dans la survenance d'un accident du travail et localisation d'une faute inexcusable, Dr. soc. 1986.
75. - VACHET, L'incidence de la faute de la victime ou d'un tiers sur la faute inexcusable de l'employeur en matière d'accident
du travail, JCP E 1982. II. 13692.

Section 1 - Généralités
Art. 1 - Position du problème
1. La victime d'un accident corporel ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent obtenir réparation du responsable de cet
accident, s'il y en a un et dans la mesure où sa responsabilité est engagée. Mais depuis l'institution de la sécurité sociale et la
généralisation de la couverture du risque maladie et invalidité, le dommage corporel donne aussi le plus souvent lieu au
versement de prestations de sécurité sociale. Celles-ci assurent la réparation d'au moins une partie du dommage, ce qui
soulève les questions de la compensation de la charge qu'elles représentent pour la collectivité et de la prévention d'une
double indemnisation. La relation entre la victime et le tiers responsable devient donc nécessairement une relation
triangulaire impliquant un tiers payeur de prestations.

2. Dès les origines de la sécurité sociale, le législateur a dû définir les termes de cette relation triangulaire. Il en est résulté un
corpus de règles régissant un large champ de tiers payeurs et de prestations. Elles sont indifférentes, dans leur formulation, à
la nature civile ou administrative de la responsabilité recherchée. Il sera ici question de leur application dans les cas où le
contentieux de l'indemnité relève du juge administratif : accident causé par une activité administrative ou en lien avec un
ouvrage public, accident de service ou de trajet, accident médical impliquant le service public hospitalier (ce dernier champ
étant celui où le droit a le plus significativement évolué ces dix dernières années, et où seront prises la majorité des
références jurisprudentielles récentes)… En conséquence, la perspective se concentrera sur les précisions apportées à la loi
par la jurisprudence administrative. Il convient toutefois de signaler, à titre liminaire, qu'en raison de l'unité des normes
législatives relatives aux droits des tiers payeurs, les divergences avec la jurisprudence judiciaire sont limitées à quelques
points.

Art. 2 - Principes et cadre législatif


3. La relation entre la victime d'un accident corporel (ou ses ayants droit), le tiers responsable et le tiers payeur au titre de la
sécurité sociale est régie par les dispositions de l'ordonnance n o 45-2454 du 19 octobre 1945, à ses articles 95 et 96 devenus
les articles L. 397 et L. 398, puis L. 376-1 et L. 376-2 du code de la sécurité sociale. Les principes fondamentaux de cette
législation peuvent être résumés comme suit.

4 . La circonstance que le dommage engage la responsabilité d'un tiers, donc doive en principe être réparé par lui, n'affecte
pas le droit de l'assuré social aux prestations : les caisses restent « tenues » de les lui servir ainsi qu'à ses ayants droit. En
contrepartie, elles disposent d'un « recours contre le tiers responsable de l'accident » pour obtenir de lui le remboursement
de cette charge.

5. Inversement, la circonstance que des prestations lui soient servies ne prive pas la victime de son droit d'agir contre le tiers
responsable « dans la mesure où le préjudice n'est pas réparé » intégralement par les prestations.

6. Ainsi, la loi prévoit que l'indemnité supportée par le responsable soit partagée en deux parts, l'une remboursant les frais de
la sécurité sociale et l'autre représentant le « reste à charge » de la victime ou de ses ayants droit, c'est-à-dire la fraction de
leurs préjudices matériels que les prestations ne répareraient pas et leurs préjudices immatériels, a priori non susceptibles
d'être réparés par les prestations. Ou, en d'autres termes, que sur une assiette commune constituée par le préjudice
indemnisable de la victime, s'exercent concurremment les droits de celle-ci et les droits de l'organisme de sécurité sociale.

7 . Il ne peut bien entendu s'agir que du préjudice de la victime « directe » du dommage corporel, qu'elle en recherche
réparation elle-même ou qu'il soit entré dans le patrimoine de ses ayants droit, par opposition au préjudice propre des
victimes « par ricochet » qui ne donne en aucun cas lieu au versement de prestations de sécurité sociale. Aussi le terme de
« victime » désignera-t-il toujours, dans la suite de cette présentation, la victime directe ou ses ayants droit agissant de son
chef.

8. Ces principes valent aussi pour les accidents du travail relevant du livre IV du code de la sécurité sociale, mais sous réserve
d'adaptations liées au régime particulier de la réparation. C'est pourquoi l'article L. 376-1 de ce code s'applique aux lésions
qui n'entrent pas « dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail ». Il existe pour ces
cas des dispositions spécifiques (art. 48, L. n o 46-2426 du 30 oct. 1946, devenu l'art. L. 470, puis l'art. L. 454-1 du CSS. -
V. infra, n o 52).

9. Ils n'ont pas varié depuis 1945. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale a en revanche été modifié à de nombreuses
reprises sur d'autres points.

10. L a loi n o 73-1200 du 27 décembre 1973 relative à l'étendue de l'action récursoire des caisses de sécurité sociale en cas
d'accident occasionné à un assuré social par un tiers (D. 1974. 42) est la première à avoir précisé les modalités du partage
entre les droits de la victime et de l'organisme de sécurité sociale.

1 1 . L a loi n o 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation (JO
6 juill.), dite « loi Badinter », comporte un chapitre II débordant largement ce cadre, avec des dispositions applicables quelle
que soit l'origine du dommage et à tous les tiers payeurs, certaines codifiées et d'autres non (art. 28 à 34). De ce fait, les
articles pertinents du code de la sécurité sociale doivent toujours être lus en combinaison avec elle. Elle a notamment précisé
l'étendue des prestations ouvrant droit à recours contre le responsable.

12. L'une des ordonnances « Juppé » (n o 96-51 du 24 janv. 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de
l'équilibre financier de la sécurité sociale, JO 25 janv.), puis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n o 2003-1199
du 18 déc. 2003, JO 19 déc.) sont intervenues pour faciliter en pratique l'exercice du recours par la caisse, notamment en
mettant à la charge de la victime, des établissements de santé, du tiers responsable et de son assureur une obligation de
l'informer et en créant une indemnité pour compenser les frais administratifs de la caisse.

13. Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (n o 2006-1640 du 21 déc. 2006, JO 22 déc.) a profondément
modifié les règles de partage entre droits de la victime et de la caisse (V. infra, n o 98).

Actualité
13-1. Recours contre tiers. - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 parachève en son article 16 l'extension, à
l'ensemble des régimes de sécurité sociale, des dispositions applicables dans le régime général en matière de recours contre
les tiers responsables de dommages corporels aux assurés. Par ailleurs, cette même disposition prévoit la possibilité pour les
caisses nationales de conclure entre elles des conventions visant à confier la mise en œ uvre des recours contre tiers à
certaines caisses locales des régimes concernés (L. n o 2014-1554 du 22 déc. 2014, art. 16, JO 24 déc.).
Art. 3 - Caractère subrogatoire du recours des caisses
1 4 . Les évolutions législatives ont permis de clarifier, par étapes, la question de la nature de l'action du tiers payeur à
l'encontre du responsable. En l'état actuel des textes, il n'est plus douteux qu'il s'agit d'une action subrogatoire.

15. La rédaction d'origine paraissait lui donner un fondement différent suivant que l'accident relevait du droit commun ou était
un accident du travail. Dans le premier cas, les caisses étaient « subrogées de plein droit » à la victime ou à ses ayants droit.
La jurisprudence en avait déduit que les caisses ne pouvaient dès lors exercer au titre du droit commun une action directe
contre le tiers responsable (CE, sect., 13 juin 1958, CPAM de Valenciennes, Lebon 354). Dans le cas des accidents du travail,
en revanche, la caisse était « admise à poursuivre » le remboursement des indemnités, ce qui, selon le Conseil d'État, lui
donnait un droit propre à le poursuivre indépendamment de toute action de la victime (CE 24 mai 1968, CPAM du Puy-de-
Dôme, Lebon 336).

16. La loi du 27 décembre 1973 a ensuite retenu pour les deux cas (c'est-à-dire, dans la numérotation alors en vigueur, pour
les art. L. 397 et L. 470 CSS) une rédaction homogène selon laquelle la caisse est « admise à poursuivre le remboursement
des prestations mises à sa charge… ». C'est donc la théorie selon laquelle la caisse dispose d'un droit propre qui l'emportait.
Sa portée restait cependant limitée dans la mesure où, selon le Conseil d'État, ce droit reste subordonné à la possibilité pour
la victime ou ses ayants droit d'obtenir du tiers responsable la réparation de leur préjudice sur le terrain du droit commun (CE
9 mars 1977, CPAM de Grenoble et autres, Lebon 133).

17. Finalement, l'article 30 de la loi « Badinter » du 5 juillet 1985 (supra, n o 11), applicable à tous les recours du tiers payeur
pour la récupération des sommes versées à la victime ou ses ayants droit, a au contraire conféré à ces recours un caractère
subrogatoire. L'action directe n'est maintenue que dans des hypothèses limitativement énumérées à son article 32. La loi du
21 décembre 2006 a confirmé cette option en reprenant explicitement les termes de « recours subrogatoire » à l'article L. 376-
1 du code de la sécurité sociale.

18. Il faut toutefois observer que même dans cet état de la loi, la jurisprudence du Conseil d'État a pu maintenir la notion de
« droit propre » de la caisse (CE 31 mars 1999, CPAM du Vaucluse, req. n o 181735) . Cette apparente contradiction se
résout quand on distingue les questions relatives au fond du droit et à l'office du juge, toutes tranchées en tirant les
conséquences de la subrogation, et la question purement procédurale de la recevabilité d'une action de la caisse en l'absence
d'action recevable de la victime, où la théorie du droit propre trouve à s'appliquer (V. infra, n o 66).

Section 2 - Existence et étendue de la créance


Art. 1 - Organismes et prestations concernés
19. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'applique, à une première lecture, seulement aux organismes servant les
prestations définies au livre III de ce code, c'est-à-dire relevant des différentes branches du régime général hors accidents du
travail. En réalité, par le jeu de renvois opérés dans d'autres dispositions, le régime du recours subrogatoire s'étend à de
nombreux autres organismes et prestations. C'est ce qui ressort notamment de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, de
portée générale comme il a été dit : on y trouvera la liste de toutes les prestations auxquelles ce régime s'applique.

2 0 . En conséquence, lorsque l'on emploiera ici par la suite le terme général de « caisse », ce sera une commodité pour
désigner l'ensemble des tiers payeurs concernés, sauf à apporter les précisions nécessaires quand il existe entre eux des
différences de régime - ce qui est rare.

§ 1 - Régime général, régime agricole et régime des indépendants


21. Les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale sont étendues au régime agricole (C. rur., art. L. 742-3)
et au régime des indépendants (CSS, art. L. 613-21). Le recours subrogatoire est ainsi exercé, selon l'affiliation de la victime,
par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), les caisses départementales de la mutualité sociale agricole (MSA) ou
les caisses de base du régime social des indépendants (RSI). Elles peuvent demander remboursement, dans la mesure où
elles ont été servies du fait de l'accident engageant la responsabilité du tiers, des prestations en nature ou en espèces
relevant du livre III du code de la sécurité sociale.
22. Prestations en nature. - Elles correspondent aux frais énumérés aux articles L. 321-1 et L. 322-1 et suivants du code de la
sécurité sociale :

- les frais médicaux et chirurgicaux,

- les frais pharmaceutiques,

- les frais d'hospitalisation et de traitement,

- les frais d'analyse et d'examen de laboratoire,

- les frais de transport du malade contraint de se déplacer pour recevoir des soins ou subir des examens appropriés à son
état,

- les frais de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d'éducation professionnelle ainsi que, sous certaines conditions,
les frais d'appareillage.

23. La caisse réclame en principe le montant qu'elle rembourse elle-même à l'assuré ou qu'elle prend directement en charge
au titre du tiers payant. Il en va toutefois autrement en cas d'hospitalisation de la victime ou d'accueil dans certaines
institutions spécialisées. Les règles actuelles de financement des établissements de santé et de plusieurs catégories
d'établissements sociaux et médico-sociaux, par « tarification à l'activité » ou par dotation globale, supposent en effet des
versements forfaitaires par une unique caisse, dite « caisse-pivot », pour le compte de toute la branche maladie. Il n'est pas
possible d'y « isoler » une part du versement correspondant à la prise en charge de la victime d'un accident déterminé. C'est
pourquoi le législateur a prévu la fixation par arrêté d'un tarif des prestations devant « servir de base aux recours contre
tiers » (CSS, art. L. 174-3), qui est celui auquel la caisse d'affiliation se référera. Le tiers responsable ne peut dans ce cas
invoquer le fait que la caisse n'a pas elle-même effectivement déboursé le montant réclamé pour échapper à son obligation de
remboursement (CE 23 avr. 1997, Cts Alix et Centre hospitalier de Rennes, req. n o 157664 et n o 157697 , Lebon 167. -
8 août 2008, CHU de Clermont-Ferrand, req. n o 282986, Lebon T. 924 ).

24. Prestations en espèces. - Elles sont celles qui ont pour fonction de compenser, au moins partiellement, les conséquences
résultant de l'impossibilité pour la victime d'exercer une activité professionnelle ou la dégradation de la situation matérielle
des ayants droit consécutive au décès de la victime. Elles relèvent de l'assurance maladie (indemnité journalière régie par les
art. L. 323-1 s. CSS), invalidité (pension définie à l'art. L. 341-1 CSS) et décès (capital-décès défini à l'art. L. 361-1 CSS).

§ 2 - Régimes spéciaux
25. Le recours subrogatoire est également exercé, lorsqu'ils servent les mêmes prestations, par les organismes gestionnaires
des régimes spéciaux. Il peut s'agir de caisses spécifiques, mais aussi d'entreprises ou d'établissements « à statut » couvrant
directement tout ou partie des risques sociaux pour leurs salariés et leurs ayants cause. C'est à ce titre que la SNCF, EDF ou
GDF, ou les caisses que ces entreprises ont créées à cet effet, peuvent intervenir devant les tribunaux en qualité d'organisme
de sécurité sociale.

Actualité
25. Affection iatrogène. Date du dommage et prise en charge par l'ONIAM. - Le droit à réparation au titre de la solidarité nationale
des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales s'applique aux accidents survenus à compter du
5 septembre 2001 (CE 1 er oct. 2014, ONIAM, req. n o 362696 , AJDA 2014. 2510 ).
§ 3 - Régime des agents publics
2 6 . Les agents publics relèvent du régime général pour les prestations en nature. Elles leur sont toutefois servies « par
l'organe de mutuelles » compétentes à cet effet pour tous les fonctionnaires d'une même administration (CSS, art. L. 712-6),
de sorte que le recours subrogatoire appartient à ce titre, indifféremment, à une CPAM ou à la mutuelle assurant pour son
compte la gestion du régime obligatoire d'assurance maladie.

27. En ce qui concerne les prestations en espèces, le statut des fonctionnaires fait, en revanche, systématiquement intervenir
des collectivités publiques qui se trouvent, de ce fait, jouer le rôle de la caisse de sécurité sociale si les lésions sont
imputables à un tiers responsable. Leur recours est alors régi, non par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, mais
par les dispositions de l'ordonnance n o 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation de l'État et de certaines
autres personnes publiques, qui reposent sur des principes identiques (art. 1 er, consacrant le recours subrogatoire), ainsi que
par les dispositions de portée générale des articles 28 et suivants de la loi du 5 juillet 1985 (supra, n o 11).

2 8 . En cas d'arrêt temporaire de travail, le recours sera exercé par l'employeur public, l'État, la collectivité territoriale ou
l'établissement public, qui supporte le maintien du traitement. En cas d'invalidité permanente ou de décès, en revanche, la
charge des prestations (allocation temporaire d'invalidité de l'agent qui poursuit son activité, pension d'invalidité de l'agent
qui a dû la cesser ou capital-décès) diffère selon la fonction publique à laquelle l'agent appartient : elle incombe à l'État pour
ses agents, à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les fonctionnaires territoriaux
et hospitaliers, c'est-à-dire en réalité à la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la gestion. Celle-ci peut donc
aussi se trouver en position de caisse de sécurité sociale dans un litige en réparation (Ord. n o 59-76 du 7 janv. 1959, art. 7).

§ 4 - Caisses étrangères
2 9 . Les accidents susceptibles d'être réparés par des collectivités publiques françaises peuvent frapper des personnes
affiliées à des organismes de sécurité sociale étrangers. Les droits de ces organismes dépendent alors de la convention de
sécurité sociale conclue entre la France et l'État étranger intéressé, si elle existe, et à défaut des termes de la loi en vigueur
dans cet État. La caisse bénéficie d'un recours subrogatoire à raison des prestations qu'elle sert si et dans la mesure où la
convention ou sa loi nationale le prévoit (CE 29 déc. 2004, Caisse nationale d'assurance suisse en cas d'accident, req.
n o 251557, Lebon T. 547. - 8 juin 2011, Caisse de compensation des services sociaux et département de l'Aude, req.
n o 309607, n o 314508 et n o 315107, Lebon , à paraître).

§ 5 - Prestations exclues du recours


3 0 . La subrogation des caisses à la victime est entièrement régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la
sécurité sociale (ou des textes qui y renvoient, de son art. L. 454-1 et de l'Ord. du 7 janv. 1959). Elle ne vaut que pour les
prestations mentionnées par ces dispositions (celles du livre III CSS pour l'art. L. 376-1), qui ont un caractère indemnitaire, et
ne saurait s'étendre aux allocations versées par ailleurs par les mêmes organismes, mais sur un autre fondement, alimentaire
ou de solidarité.

31. Ainsi, ne donnent lieu à recours subrogatoire contre le responsable d'un accident ni les minima sociaux dont les caisses
assurent le paiement, ni les allocations destinées à garantir des ressources aux personnes handicapées, alors même que leur
handicap serait dû à un accident. Après avoir inclus l'allocation adulte handicapé (AAH) dans le champ de la subrogation (CE
6 mai 1988, Administration générale de l'assistance publique à Paris, req. n o 64295, Lebon 186), le Conseil d'État, dans une
espèce concernant l'allocation d'éducation spéciale (AES), est revenu sur cette solution en affirmant le principe de l'exclusion
de toutes les prestations non mentionnées dans les dispositions fondant le recours subrogatoire (CE 16 déc. 2005, Centre
hospitalier départemental de la Roche-sur-Yon, req. n o 251543 , Lebon T. 1099 ).

Art. 2 - Conditions du droit à remboursement


§ 1 - Une créance certaine
32. À l'amiable comme devant le juge, la première condition que doit satisfaire une caisse pour exercer son recours est de
démontrer qu'elle a effectivement servi ou doit nécessairement servir des prestations. Elle ne doit pas pour cela prouver
l'acquittement préalable des sommes entre les mains de la victime, de ses ayants droit, d'un professionnel ou d'un
établissement de santé (V. par ex. : CE 8 nov. 2010, CPAM de la Sarthe, req. n o 330838 , inédit). En général, pour les frais
déjà engagés, la production du décompte administratif suffit à établir leur réalité.

3 3 . Les caisses peuvent en outre, dans ces conditions, solliciter la mise à la charge du responsable de frais qu'elles
engageront à l'avenir, dès lors que cet engagement et leur montant sont d'ores et déjà suffisamment certains. Cette solution
est opportune pour assurer un règlement définitif du litige - la caisse devrait sinon rechercher un nouveau règlement,
quelques années plus tard, à raison de la nouvelle créance née entre-temps - et est courante en pratique. Le décompte de
frais futurs présenté par la caisse est en revanche plus susceptible de contestation que celui des frais passés. Au contentieux,
les juges se laissent en général convaincre si le décompte est précis et détaille pour chaque poste de dépense en quoi il est
vraisemblable que l'état de santé de la victime entraîne un certain montant de charges avec une certaine périodicité :
hospitalisations et consultations de suivi, remplacement régulier pour l'appareillage, arrérages de prestations en espèces
dont le bénéfice est définitivement acquis…

§ 2 - Une créance en lien avec le fait générateur de responsabilité


34. Les prestations servies à raison d'un dommage ne font bien entendu naître une créance dans le chef de la caisse que si
et dans la mesure où elles sont en lien direct avec un fait engageant la responsabilité du tiers. L'exercice du recours
subrogatoire, par la voie amiable ou contentieuse, consiste donc d'abord à établir l'existence et l'étendue de cette
responsabilité. De ce point de vue, il ne se distingue pas de l'exercice du recours en réparation par la victime ou ses ayants
droit et n'appelle pas d'observations spécifiques, sauf sur un point.

35. En plus du lien direct entre le fait générateur de responsabilité et le dommage subi par la victime, question commune aux
deux recours, la caisse doit établir le lien direct entre ce dommage et les frais dont elle réclame remboursement. Cette
question propre au recours subrogatoire peut se révéler délicate. En cas d'accident dans la prise en charge d'un malade ou
d'un blessé, en particulier, il est parfois difficile de distinguer les soins qui sont la conséquence du dommage indemnisable et
ceux qui auraient de toute façon dû être exposés en raison de l'état de santé initial du patient. Plus généralement, pour des
raisons de secret médical et d'autres plus techniques, les caisses sont dans l'impossibilité de retracer jusque dans le détail le
motif exact de chaque hospitalisation, acte de soins ou délivrance de produits de santé. Il n'est donc jamais exclu, surtout à
mesure que l'on s'éloigne dans le temps de l'accident engageant la responsabilité du tiers, que des dépenses dues à d'autres
causes se mêlent inextricablement à celles exposées à la suite de l'accident.

36. En cas de règlement contentieux, le juge adopte une attitude pragmatique face à ces difficultés. Lorsque des incertitudes
sur ce point sont invoquées par le tiers responsable, ce qui n'est pas systématique, il s'appuie sur l'ensemble des éléments
du dossier pour déterminer quelles dépenses peuvent être rapportées aux conséquences de l'accident avec un degré
suffisant de vraisemblance. Dans ce cas aussi, un décompte des prestations ou une attestation du médecin-conseil le plus
détaillé possible est souhaitable, permettant de rapprocher la nature et la date de chaque prestation de la consistance du
dommage telle qu'elle est connue au travers de l'expertise médicale (CE 9 mars 2009, CPAM de la Marne, req. n o 304539 ,
inédit). Si ces éléments laissent subsister des incertitudes, mais constituent un début de démonstration sérieux, le juge ne
peut écarter les prétentions de la caisse sans avoir d'abord usé de ses pouvoirs d'instruction afin d'éclaircir la question, au
besoin au moyen d'une nouvelle expertise (CE 26 juill. 2011, CPAM de Bayonne, req. n o 335161 , inédit). En revanche, la
caisse qui se contenterait d'éléments trop pauvres, par exemple une seule estimation globale et forfaitaire, verrait sa
demande rejetée pour défaut de justification (CE 8 nov. 2010, CPAM de la Sarthe, préc.).
§ 3 - Absence de créance à l'encontre du débiteur d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale
37. Le lien doit impérativement être établi avec la responsabilité d'un tiers, que ce soit au titre de la faute ou au titre d'un
régime de responsabilité sans faute. En revanche, les dispositions de L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un
recours « contre l'auteur responsable de l'accident », ne l'ouvrent pas à l'encontre d'un débiteur qui serait tenu de réparer le
dommage à un autre titre. Cette hypothèse a acquis récemment une importance certaine avec la création par le législateur,
pour certaines catégories de dommages, de fonds d'indemnisation intervenant au titre de la solidarité nationale et non en
qualité de responsable - y compris sans faute, notion à distinguer de celle de la solidarité nationale. C'est notamment l'une
des missions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales (ONIAM) créé par la loi n o 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système
de santé (dite « loi Kouchner », JO 5 mars).

38. Le Conseil d'État, par un récent avis contentieux, a déduit de ce cadre législatif que lorsque l'ONIAM intervient au titre de
la solidarité nationale, les caisses de sécurité sociale ne peuvent faire valoir de créances subrogatoires : l'office ne supporte
que les droits à indemnisation des victimes (CE 22 janv. 2010, Coppola, req. n o 332716 , Lebon , à paraître).

39. Pour éviter une double indemnisation, le calcul de ces droits des victimes suppose en revanche toujours de déduire, de
l'évaluation totale des préjudices, les prestations reçues ou à recevoir de tiers payeurs du chef du même dommage (CSP,
art. L. 1142-17). Il appartient aux demandeurs à l'indemnisation de faire connaître l'étendue de ces prestations. En cas de
contentieux, le juge pourra user de ses pouvoirs d'instruction et demander à la caisse de compléter l'information ; cela ne fera
cependant pas de la caisse une partie à l'instance.

40. Cette configuration est une exception au droit commun, qui reste celui de la réparation par un responsable à l'encontre
duquel le recours subrogatoire est ouvert. Seule la loi peut fonder une telle exception, soit explicitement, soit si l'intention du
législateur en ce sens est suffisamment claire. Elle pose la question de la possibilité, pour la caisse, de se « retourner » contre
un autre débiteur que celui qui indemnise la victime pour ne pas perdre entièrement sa créance.

4 1 . Le Conseil d'État a jusqu'à présent identifié une telle exception, et précisé ses conséquences, dans trois régimes
d'indemnisation impliquant tous l'ONIAM. Mais le développement de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale étant
assez récent, il n'a pas encore eu l'occasion de statuer sur toutes ses hypothèses d'application.

42. Indemnisation de l'aléa thérapeutique. - Elle intervient sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la sécurité
sociale, issu de la loi du 4 mars 2002 et qui s'applique à tous les dommages consécutifs à des soins délivrés à partir du
5 septembre 2001. Comme cette indemnisation ne concerne que des accidents non fautifs et que le I du même article dispose
que les établissements et professionnels de santé ne sont responsables sauf exception qu'en cas de faute, les caisses ne
peuvent pas davantage demander réparation à l'hôpital. C'est une différence importante avec le régime jurisprudentiel de
responsabilité sans faute du service public hospitalier pour aléa thérapeutique qui prévalait avant la loi du 4 mars 2002 et
continue de s'appliquer aux dommages consécutifs à des soins antérieurs au 5 septembre 2001 (CE 22 janv. 2010, Coppola,
préc.).

43. Indemnisation des dommages causés par des vaccinations obligatoires. - Alors qu'elle pesait depuis 1964 sur l'État au titre
d'une responsabilité sans faute, la loi n o 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (JO 11 août) l'a
confiée à l'ONIAM « au titre de la solidarité nationale » (CSP, art. L. 3111-9).

4 4 . Indemnisation des conséquences de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C. - Les fournisseurs de
produits sanguins étaient responsables sans faute de la défectuosité de ces produits, de même que l'Établissement français
du sang (EFS) qui a ensuite repris leurs droits et obligations. L'article 67 de la loi n o 2008-1330 du 17 décembre 2008 de
financement de la sécurité sociale pour 2009 (JO 18 déc.) a transféré la charge de l'indemnisation à l'ONIAM, sans disposer
expressément qu'il l'assume au titre de la solidarité nationale, mais dans des conditions qui font considérer que telle était
l'intention du législateur (CE 18 mai 2011, EFS c/ Oulabbi, req. n o 343823 , Lebon , à paraître).

4 5 . Toutefois, le Conseil d'État a jugé que cela ne fait pas disparaître une éventuelle responsabilité du fournisseur de
produits, mais alors seulement pour faute, à raison de laquelle la caisse pourrait demander réparation à l'EFS. En outre,
l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoit que l'ONIAM « se substitue à l'EFS dans les contentieux en cours » à la date
de son entrée en vigueur. Dès lors, dans les actions engagées contre l'EFS avant cette date (1 er juin 2010), l'ONIAM encourt
la même responsabilité que jusque-là cet établissement et supporte les mêmes obligations indemnitaires que lui envers les
caisses. Les nouvelles règles ne s'appliquent qu'aux demandes postérieures.

Actualité
45. Présomption légale d'origine transfusionnelle. Assureur subrogé. - Les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime
peuvent invoquer la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de la victime par l'hépatite C, instituée par
l'article 102 de la loi n o 2002-303 du 4 mars 2002 (CE 22 oct. 2014, Office national d'indemnisation des accidents médicaux,
des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, req. n o 369081 , Lebon ; AJDA 2014. 2096, obs. Pastor ).
§ 4 - Règles de prescription
46. Le caractère subrogatoire du recours des caisses implique que les effets susceptibles de s'attacher quant au cours de la
prescription à un acte accompli par l'assuré peuvent être valablement invoqués par la caisse et qu'à l'inverse, celle-ci peut se
voir opposer par le tiers responsable du dommage tous les moyens d'exception ou de défense dont il dispose à l'égard de la
victime, ainsi que les actes qu'il lui a valablement opposés (CE 26 sept. 2008, Centre hospitalier de Flers et CPAM de l'Orne,
req. n o 272690 et n o 272693, Lebon T. 911. - 4 déc. 2009, CPAM de Paris, req. n o 313335 et n o 313336, inédits).

47. Il importe de distinguer cette règle de fond, relative à la consistance des créances que la caisse détient par subrogation,
de celle, procédurale, qui lui reconnaît un droit propre à agir même en l'absence d'action recevable de la victime (V. infra, n o
66).

48. Une conséquence de cette règle doit être relevée en particulier. En pratique, les caisses sont rarement en mesure de
savoir si les prestations qu'elles servent sont susceptibles d'être en lien avec la responsabilité d'un tiers, donc de faire valoir
leurs créances subrogatoires tant qu'elles n'ont pas été appelées en la cause dans une instance engagée par la victime ou
ses ayants droit. Mais elles ne peuvent se prévaloir de ce fait pour échapper à une prescription valablement opposée à la
victime. En revanche, la circonstance qu'elles n'aient elles-mêmes accompli aucun acte interruptif jusqu'à leur intervention à
l'instance ne leur nuit pas si la victime a, de son côté, accompli de tels actes.

49. Le point de départ et le délai de prescription dépendent de la loi applicable.

5 0 . Jusqu'en 2002, toutes les créances que les caisses étaient susceptibles de détenir sur des personnes publiques
relevaient de la prescription quadriennale instituée par la loi n o 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des
créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics (JO 3 janv. 1969). Cette prescription court
du premier jour de l'année suivant celle où les droits ont été « acquis », ce que la loi ne définit pas davantage (art. 1 er). La
jurisprudence a précisé qu'en ce qui concerne les dépenses exposées par les caisses avant la consolidation du dommage, il
s'agit du 1 er janvier suivant l'année de leur paiement, tandis que pour celles exposées ou à exposer après la date de
consolidation, il s'agit du 1 er janvier suivant cette date (CE 26 sept. 2008, Centre hospitalier de Flers et CPAM de l'Orne,
préc.).

51. La loi du 4 mars 2002 (supra, n o 37) a toutefois fixé des règles différentes pour le champ de la responsabilité médicale,
c'est-à-dire pour les « actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements
de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins » : les créances entrant dans ce
champ se prescrivent par dix ans à compter de la seule consolidation du dommage (CSP, art. L. 1142-28). Quoique aucune
jurisprudence explicite n'existe encore sur ce point, il paraît logique qu'il en aille désormais ainsi de toutes les créances, quelle
qu'en soit la nature et qu'elles soient détenues par une victime ou par un tiers payeur. Les règles générales de la loi du
31 décembre 1968 demeurent applicables hors de ce champ et pour les créances qui étaient déjà prescrites, sous l'empire de
cette loi, quand celle du 4 mars 2002 est entrée en vigueur.

Actualité
51-1. Effets d'une transaction sur la prescription des créances d'un organisme de Sécurité sociale. - La transaction conclue entre
la victime d'un dommage et l'assureur du centre hospitalier responsable ne suspend pas la prescription à l'égard des créances
que l'organisme de Sécurité sociale détient par subrogation (CE 24 avr. 2012, Centre hospitalier intercommunal de Sèvres,
req. n o 329737 , AJDA 2012. 917, obs. C. B .).
Art. 3 - Cas particulier des accidents du travail
52. Quand une caisse sert des prestations à raison d'un accident du travail relevant du titre IV du code de la sécurité sociale -
ce qui exclut les accidents directement à la charge de l'employeur comme les accidents de service des agents publics -, elle
dispose également d'un recours subrogatoire, mais aménagé pour tenir compte des particularités de la réparation de ce type
d'accident. La réparation forfaitaire par la caisse a en effet pour contrepartie l'immunité de l'employeur sauf faute
intentionnelle ou inexcusable, de sorte que le recours subrogatoire ne saurait s'exercer contre lui. Le dispositif régi par l'article
L. 454-1 du code de la sécurité sociale ne concerne donc que l'hypothèse où la faute d'un tiers distinct de l'employeur a
également concouru à la survenue de l'accident. La victime peut poursuivre ce tiers pour obtenir une indemnisation intégrale
plus favorable que l'indemnisation forfaitaire, et la caisse le peut également, par subrogation, pour obtenir le remboursement
de ses frais à hauteur de la part de responsabilité du tiers. Sauf si cette responsabilité est totale, la caisse, censée se
substituer à l'employeur, ne peut réclamer que la fraction de ses débours excédant la réparation qui aurait été à la charge de
ce dernier si le droit commun lui avait été appliqué.

Art. 4 - Charges ouvrant droit à une action propre


53. À côté des prestations réparant une partie des préjudices de la victime qui ouvrent droit au recours subrogatoire, les tiers
payeurs peuvent également subir du fait de l'accident des préjudices qui leur sont propres. Ils en poursuivent alors la
réparation auprès du tiers responsable dans les conditions du droit commun, par le biais d'une action directe qu'ils peuvent
naturellement combiner avec leur recours subrogatoire. Cela concerne notamment, pour les employeurs maintenant le
traitement de la victime pendant la durée de l'arrêt de travail imposé par l'accident y compris l'État, le montant de leurs
charges patronales (art. 32, L. du 5 juill. 1985).

Art. 5 - Autres organismes bénéficiaires d'une subrogation


54. Les prestations légales des régimes obligatoires de sécurité sociale ou des régimes assimilables n'épuisent pas tout le
champ de la subrogation. Les victimes d'accident peuvent également recevoir des prestations d'un organisme d'assurance
maladie complémentaire ou d'une assurance privée. Celles-ci subrogent l'organisme dans les droits de l'assuré, dans les
conditions précisées par son contrat, sur le fondement du code de la mutualité (art. L. 224-9) ou du code des assurances (par
ex., art. L. 131-2). Outre que l'article L. 224-9 du code de la mutualité adopte une rédaction très proche de celle de l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa version antérieure à la loi du 21 décembre 2006, l'ensemble de ces tiers
payeurs est soumis aux dispositions transversales des articles 28 et suivants de la loi du 5 juillet 1985 (modifiée, quant à elle,
par la loi du 21 déc. 2006). Dans ces conditions, si la jurisprudence administrative sur la subrogation au bénéfice de ces
organismes est peu abondante, les solutions dégagées à propos des textes relatifs aux régimes obligatoires paraissent a
priori transposables.

Actualité
54. Limites des droits de l'assureur subrogé dans ceux de la victime. - L'assurance qui verse à son assuré, en cas d'accident
médical, une prestation de nature forfaitaire préétablie n'est pas subrogée dans les droits de son assuré (CAA Nantes, 21 juin
2012, Sté Groupama assurances, req. n o 10NT02208 , AJDA 2012. 1889 ).
Section 3 - Règles de procédure
Art. 1 - Conditions de participation de la caisse au règlement
55. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale prescrit que le recours subrogatoire des caisses s'exerce « en priorité à
titre amiable », tout comme celui de la victime ou de ses ayants droit. En réalité, toutefois, il existe entre eux et la caisse une
asymétrie d'information qui limite la portée pratique de cette règle. Alors que la victime sait en principe que ses lésions sont
en rapport avec un accident dont un tiers est susceptible d'être responsable, il est très difficile à la caisse d'identifier ces
lésions au sein de la masse des dossiers qu'elle suit si elle n'est pas alertée du fait par la victime elle-même.

56. C'est pourquoi la loi a imposé à la victime, au tiers responsable et à son assureur, ainsi qu'à tout établissement de santé
une obligation d'information envers la caisse. Elle est surtout destinée à éviter qu'un règlement amiable intervienne sans
qu'elle ait pu y faire valoir ses droits - il est alors disposé que ce règlement ne lui est pas opposable (CSS, art. L. 376-3), et le
manquement à l'obligation d'information expose à une majoration de l'indemnité forfaitaire recouvrée par la caisse au titre de
ses frais administratifs (V. infra, n o 82).

5 7 . Mais en tout état de cause, le règlement amiable, fréquent dans le champ de la responsabilité civile (not. pour les
accidents de la circulation), est plus rare quand est recherchée la responsabilité d'une collectivité publique. Aussi l'exercice du
recours subrogatoire par les caisses se traduit-il le plus souvent, dans le champ de la responsabilité administrative, par leur
intervention aux instances contentieuses engagées par les victimes, dans lesquelles elles sont appelées en déclaration de
jugement commun - sous une réserve, liée au développement d'une procédure particulière de règlement amiable pour les
accidents médicaux.

§ 1 - Intérêt et qualité pour exercer le recours


58. Quoique aucune disposition ne précise quelle caisse en particulier exerce le recours subrogatoire, il est admis que c'est
celle à laquelle la victime est ou était affiliée au moment où des prestations ont été servies du fait du dommage. Il peut s'agir
de plusieurs organismes si elle a changé d'affiliation depuis les faits, alors que des prestations continuaient à être servies, ou
si le régime dont elle relève répartit la gestion des risques entre différentes entités - comme le régime de la fonction publique
(risque maladie géré par des mutuelles pour le compte du régime général et risque invalidité par l'employeur ou la Caisse des
dépôts et consignations) ou, dans certaines configurations, le régime général (prestations en nature et indemnités
journalières servies par les CPAM, pension d'invalidité à la charge de certaines caisses régionales).

59. Au contentieux, une disposition réglementaire permet à la caisse qui l'a engagé de le poursuivre « jusqu'à son terme »
(CSS, art. R. 376-1). La jurisprudence en déduit que, dans un souci de simplification, cette caisse dispose d'un mandat pour
récupérer les créances de même nature d'autres caisses en cas de changement d'affiliation de la victime en cours d'instance
(CE 30 déc. 2002, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, req. n o 206043 , Lebon T. 921 ). Ce sera ensuite aux flux
financiers organisés entre caisses d'assurer à chacune la compensation de ses charges.

60. Pour les caisses régies par le code de la sécurité sociale, les actes nécessaires à l'exercice du recours entrent tous dans
la compétence de leur directeur (CSS, art. L. 122-1). Il n'a donc pas à justifier davantage de sa qualité pour représenter
l'organisme et pour constituer avocat (CE 10 nov. 2004, CPAM des Côtes-d'Armor, req. n o 254796, Lebon T. 877 ).

Actualité
60-1. Caisse de sécurité sociale agissant en justice pour le compte d'une autre caisse. - Le directeur général de la Caisse
nationale d'assurance maladie peut confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse
d'affiliation de l'assuré, dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie (CE, avis, 12 avr. 2013,
CPAM de l'Aube, req. n o 362009 , AJDA 2013. 767, obs. Poupeau ).
§ 2 - Intervention de la caisse dans l'instance engagée par la victime
61. Le régime de cette intervention est particulier. L'appel en la cause des caisses de sécurité sociale et des tiers payeurs qui
leur sont assimilés est en effet une obligation légale.

62. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la victime directe et ses ayants droit « doivent indiquer, en
tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale
auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques » et « doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement
commun », la méconnaissance de ces obligations entachant le jugement d'une nullité que toute personne intéressée peut
invoquer dans un délai de deux ans. La même obligation est instaurée au profit des tiers payeurs régis par l'ordonnance du
7 janvier 1959 ([supra, n o 27], art. 3). Les tiers payeurs sont tenus réciproquement à la même obligation envers la victime ou
ses ayants droit, quoique en pratique la configuration où ils agissent seuls les premiers soit beaucoup plus rare.

63. Les dispositions législatives expresses se bornent à énoncer une obligation à la charge des parties. Mais de la nullité
encourue par le jugement rendu en l'absence de mise en cause, la jurisprudence a déduit que cette mise en cause constitue
en réalité aussi une obligation du juge.

64. Il doit y procéder d'office et entache sinon sa décision d'une irrégularité elle-même susceptible d'être relevée d'office (CE,
sect., 27 janv. 1967, Dlle Zemmour, Lebon 48), y compris en cassation (V. par ex. : CE 10 avr. 2009, Mme Zislin, req.
n o 296630 , Lebon 897 ). Il n'en va ainsi, il est vrai, que dans la mesure où ressortent du dossier la qualité d'assuré
social et l'organisme d'affiliation, dans le champ d'application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ou celle
d'agent public et la personne publique débitrice des prestations, dans celui de l'ordonnance du 7 janvier 1959, c'est-à-dire si
le demandeur à l'indemnisation s'est déjà plié à sa première obligation qui est de donner ces indications (jurisprudence
constante depuis CE 20 déc. 1967, Ville de Toulon, Lebon T. 936).
65. L'obligation de mise en cause des caisses prévaut même dans une instance en référé-provision engagée par la victime ou
un ayant droit (CE 18 févr. 2009, Mme Visval, req. n o 305810 , Lebon T. 890 ).

§ 3 - Droit d'action propre de la caisse


66. Rien n'interdit à la caisse d'agir la première si la victime ne le fait pas, et même seule si la victime appelée en la cause ne
présente pas de conclusions ou si ses conclusions ne sont pas recevables. C'est ainsi que doit être compris le « droit propre »
que la jurisprudence administrative reconnaît constamment aux caisses malgré le caractère subrogatoire de leur recours
(V. supra, n o 18. - Par exemple : CE 25 nov. 1988, Min. délégué chargé des PTT c/ CPAM de la région dieppoise, req.
n o 54367, inédit. - CE 31 mars 1999, CPAM du Vaucluse, req. n o 181735 . - 24 juill. 2009, CPAM de Riom, req. n o 306578 ,
inédit). Quant au fond du droit, l'existence et l'étendue de la créance de la caisse sont indissociablement liées à l'existence et
à l'étendue de la créance de la victime. Mais d'un point de vue strictement procédural, la faculté de la caisse d'exercer son
recours subrogatoire lui est propre et n'est pas subordonnée aux conditions dans lesquelles la victime introduit sa demande.

6 7 . En pratique, pour les raisons déjà vues, il est rare qu'une caisse soit en situation d'engager une action contre une
personne publique en l'absence d'action de la victime. La règle trouve en revanche à s'appliquer, par exemple, quand la caisse
a été appelée dans la cause, mais que les conclusions de la victime se révèlent finalement irrecevables : l'irrecevabilité ne
s'étend pas à celles de la caisse, qui peut dans un tel cas obtenir seule une indemnisation si la demande est fondée
(configuration de l'espèce CE 24 juill. 2009, CPAM de Riom, préc.). Il est aussi probable que l'action propre de la caisse se
développera en parallèle au règlement amiable en matière d'accidents médicaux.

Actualité
67. Liens entre les recours de la victime, de l'ONIAM et des caisses de sécurité sociale. - La forclusion de la demande de la victime
peut être opposée à l'ONIAM par l'hôpital. L'Office, s'il a été informé de cette forclusion, peut alors refuser de verser
l'indemnité en lieu et place de l'assureur de l'établissement (CE 17 sept. 2012, Office national de l'indemnisation des accidents
médicaux, req. n o 360280 , AJDA 2012. 1711, obs. de Montecler ).
§ 4 - Caisses et procédure devant les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation
6 8 . La procédure de règlement amiable instituée par la loi du 4 mars 2002 (supra, n o 37) pour les accidents médicaux
excédant un certain seuil de gravité bénéficie uniquement aux victimes des dommages et à leurs ayants droit : eux seuls
peuvent saisir la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI), puis, lorsque celle-ci désigne un responsable
dans l'avis qu'elle rend, reçoivent de l'assureur de ce dernier une offre d'indemnisation dans un délai de quatre mois ou, à
défaut, une offre de substitution de la part de l'ONIAM (CSP, art. L. 1142-7, L. 1142-8, L. 1142-14 et L. 1142-15).

Actualité
68. Dispositif de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. - Un décret
du 2 mars 2012 précise les conditions dans lesquelles plusieurs commissions de conciliation et d'indemnisation peuvent être
créées dans une même région et supprime en conséquence la mention de leur caractère régional dans leur dénomination. Il
adapte, par ailleurs, certaines conditions de fonctionnement de ces commissions ainsi que, lorsque sont en cause des
dommages liés à des recherches biomédicales, les procédures conduites devant celles-ci. Le décret précise également les
relations de la Commission nationale des accidents médicaux avec les commissions d'indemnisation et fixe les conditions dans
lesquelles la commission nationale peut accéder à des données couvertes par le secret médical pour l'exercice de ses
missions. Il supprime, en outre, les fonctions de commissaire du gouvernement auprès de la commission nationale (Décr.
n o 2012-298 du 2 mars 2012, JO 3 mars).
Recours subrogatoire de l'ONIAM. Obligation de mise en cause de la caisse de sécurité sociale. - L'action engagée contre un
établissement de santé par l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée, doit être regardée, au sens et
pour l'application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, comme une action de la victime. Par suite,
il incombe au juge administratif, saisi d'une telle action contre un établissement public, de mettre en cause les caisses de
sécurité sociale auxquelles la victime est ou était affiliée. Par ailleurs, la circonstance qu'une caisse ainsi mise en cause
présente des conclusions contre l'établissement n'a pas pour conséquence d'obliger le juge à mettre en cause la victime (CE
7 oct. 2013, ONIAM, req. n o 369121 , AJDA 2013. 2002, obs. Poupeau ).

69. Quand des tiers payeurs ont versé ou doivent verser des prestations du chef du dommage, ils ne peuvent faire valoir
leurs droits à remboursement dans ce cadre. L'assureur du responsable doit leur « rembourser directement » ces prestations
(CSP, art. L. 1142-14, al. 2), mais il n'est tenu à aucun délai pour formuler une offre et aucune intervention de l'ONIAM n'est
prévue en cas de silence ou de refus de l'assureur. On en déduit que même quand la victime s'est adressée à une CRCI, le
litige entre la caisse et le tiers responsable continue de se régler selon la procédure de droit commun : si ce tiers est une
personne publique, la caisse lui adresse une demande indemnitaire dont l'éventuel rejet permet de saisir le juge administratif.

7 0 . En revanche, toujours dans le souci d'éviter une double indemnisation, les prestations reçues ou à recevoir de tiers
payeurs sont prises en compte dans la procédure instituée par la loi du 4 mars 2002 pour déterminer les droits des victimes.
Celles-ci doivent donc faire connaître leur qualité d'assuré social, leur organisme d'affiliation et les montants reçus ou à
recevoir, sous peine de s'exposer à une action en répétition de la part de l'assureur du responsable ou de l'ONIAM (CSP,
art. L. 1142-16). En complément, la CRCI doit informer la caisse de l'existence de la procédure amiable (CSP, art. R. 1142-13),
ce qui lui permet de faire valoir ses droits par ailleurs.

71. Les mêmes constats valent pour la procédure amiable d'indemnisation des victimes du benfluorex instituée par l'article 57
de la loi n o 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 (JO 30 juill. - CSP, art. L. 1142-24-1 s.).

Art. 2 - Liens entre l'action de la victime et celle de la caisse


72. Le caractère subrogatoire du recours et surtout l'existence d'une assiette commune créent entre les prétentions de la
victime et de la caisse un lien étroit qui affecte tant l'office du juge que les règles procédurales. Les dispositions vues ci-
dessus et leur application par le juge tendent à permettre, autant que possible, que les droits de l'une et de l'autre soient
déterminés ensemble dans le cadre de la même instance. Dans les cas particuliers où il n'est statué que sur les droits de
l'une, il est au moins tenu compte des droits « virtuels » de l'autre pour éviter une double indemnisation (V. supra, n os 37 et
68, infra, n o 88).

73. Dans cette logique, quand les deux parties sont présentes à l'instance, les règles de forclusion opposables à l'auteur de
l'action initiale - en pratique presque toujours la victime ou ses ayants droit - ne sont pas opposables à la partie appelée
ultérieurement dans la cause. La caisse intervenant ainsi à l'instance peut valablement réclamer remboursement de ses frais
sans avoir soumis de demande préalable à la personne publique poursuivie.

74. Une conséquence de cette règle est que lorsque la caisse demande les intérêts sur les sommes que la personne publique
est condamnée à lui verser, le point de départ de leur calcul ne peut en général être fixé, comme il est d'usage, à la date de
réception d'une réclamation préalable : il est fixé, à défaut, à la date d'enregistrement au greffe du premier mémoire de la
caisse réclamant les sommes.

7 5 . Les rapports particuliers entre la victime et la caisse emportent également des effets en cas d'exercice de voies de
recours. L'appel formé dans les délais par la victime ou par la caisse contre la décision de première instance permet à l'autre
de présenter ses propres conclusions d'appel pendant tout le cours de l'instruction (CE, sect., 1 er juill. 2005, Strada, req.
n o 234403 , Lebon 301. - Pour les incidences sur l'obligation de motivation, CE 13 mars 2006, CPAM de Montpellier-
Lodève, req. n o 276216, Lebon 147 ).

7 6 . En outre, lorsqu'une voie de recours n'a finalement été exercée que par la victime ou par la caisse - l'autre, quoique
présente à l'instance, n'ayant pas formulé de conclusions propres -, son succès bénéficie aussi à l'autre afin que le juge
puisse toujours se prononcer sur l'ensemble des droits reposant sur une même assiette (cassation totale alors que les
conclusions présentées tendaient à la cassation en tant que l'arrêt statuait sur les droits de la victime, CE 12 janv. 2005, req.
n o 229030 , Caisse des dépôts et consignations c/ CHR de Nice, Lebon T. 1099 , sol. impl. - CE, sect., 1 er juill. 2005,
Strada, supra, n o 75).

77. On notera toutefois que cette jurisprudence correspond à l'état du droit antérieur à la loi du 21 décembre 2006 (supra, n o
13). Depuis que cette dernière a institué la règle de l'indemnisation poste par poste (V. infra, n o 98), la cassation peut être
limitée à certains postes de préjudice (CE 30 mars 2009, Assistance publique à Marseille c/ Gouablin, req. n o 291934 ,
inédit). L'assiette commune sur laquelle doivent s'exercer à la fois les droits de la caisse et de la victime consiste donc
désormais dans ces seuls postes. Sans que le principe dégagé par les décisions précitées en soit remis en cause, la cassation
ne bénéficiera qu'à la victime ou qu'à la caisse si elle est seule à avoir pris en charge le ou les postes de préjudice concernés.

Art. 3 - Forme de la demande et de l'indemnisation


§ 1 - Obligation de chiffrage des conclusions
7 8 . Si les caisses sont affranchies de nombreuses contraintes procédurales par le lien existant entre leurs prétentions et
celles de la victime, ce n'est pas le cas de l'obligation de chiffrer leur demande à peine d'irrecevabilité. Trop de caisses ne
prennent pas encore suffisamment garde : elles se contentent de « réserver leurs droits » pour le cas où le tiers poursuivi
serait reconnu responsable.

79. La caisse doit chiffrer dès le stade de la procédure où elle est appelée dans la cause - c'est normalement la première
instance - toutes les demandes correspondant à des frais dont elle peut déterminer l'étendue. Elle ne peut ensuite réclamer
en appel que les frais exposés après la date de clôture de l'instruction en première instance ou ceux qu'elle était encore dans
l'impossibilité d'évaluer à cette date (CE 16 mai 2007, CPAM d'Angers, req. n o 285514 , et Mme Le Reun, req. n o 277658 ,
Lebon T. 1044. - 19 déc. 2007, EFS c/ CPAM du Cher, req. n o 258305, Lebon T. 1063 ). En outre, quand le juge s'est
prononcé sur la réparation d'un dommage après avoir appelé la caisse en la cause et ne lui a rien accordé faute pour elle
d'avoir formé des conclusions recevables, cela s'interprète en un rejet revêtu de l'autorité de la chose jugée, qui fait obstacle
à l'exercice d'un nouveau recours par la caisse du chef du même dommage (CE 11 avr. 2008, CPAM de Saône-et-Loire, req.
n o 296058 , Lebon T. 871).

§ 2 - Réparation en capital et sous forme de rente


80. Si la réparation des frais passés dont la caisse justifie est, logiquement, toujours accordée en capital, la question de la
forme de l'indemnisation se pose pour les frais futurs lorsque leur remboursement est alloué. Un versement sous forme de
rente revalorisable paraît le plus conforme à la réalité des dépenses, qui se répètent le plus souvent dans le temps. Mais tant
la caisse que le débiteur peuvent trouver un intérêt à un versement unique qui solde l'obligation indemnitaire.

81. En vertu d'une jurisprudence constante, la réparation sous forme de rente est le droit commun pour les frais futurs des
caisses, et le versement d'un capital représentatif une dérogation qui requiert l'accord tant de la caisse que du débiteur (CE
21 déc. 1979, SEREC, req. n o 5814, Lebon T. 887. - Pour une confirmation dans le dernier état de la législation, CE 4 déc.
2009, Cts El Khebbaz, req. n o 309521 , Lebon T. 950 ). Cette solution, différente de celle qui prévaut pour les demandes
des victimes - le juge est libre de choisir la forme d'indemnisation qu'il estime la plus adaptée à chaque espèce, sans être tenu
sur ce point par les demandes des parties -, se justifie par les particularités de la subrogation, qui naît en principe des seuls
frais effectivement supportés.

§ 3 - Prise en compte des frais de recouvrement et de poursuite


82. Les démarches entreprises par les caisses d'assurance maladie pour obtenir le remboursement des frais exposés à raison
d'un dommage, que ce soit à titre amiable ou contentieux, représentent une charge de fonctionnement que les pouvoirs
publics ont estimé légitime, dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé, de faire supporter au moins en partie au
responsable du dommage. Depuis l'ordonnance du 24 janvier 1996 (supra, n o 12), les articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de
la sécurité sociale prévoient le recouvrement, au bénéfice de l'organisme national d'assurance maladie qui procédera ensuite
à la répartition de son produit, d'une indemnité forfaitaire égale au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu,
dans les limites d'un montant maximum d'abord fixé à 760 €, puis à 910 € et enfin revalorisé chaque année par arrêté
interministériel (981 € en 2011). On notera que ces dispositions n'ont pas d'équivalent pour les cas où le recours est exercé
par un autre tiers payeur (État, Caisse des dépôts et consignations…).

83. L'application de ces dispositions suppose en principe un acte unilatéral de la caisse mettant le montant de l'indemnité à la
charge du tiers responsable, susceptible de recours devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. Dans
les faits, toutefois, l'indemnité est rarement prononcée sous cette forme et plutôt demandée par la caisse à titre accessoire
dans le cadre d'une procédure contentieuse. Le juge administratif, s'il est compétent pour statuer sur l'action en réparation,
l'est également pour statuer sur cette demande (CE, avis, 28 mars 2001, Hemery, req. n o 228598 , Lebon 263 ).

84. Elle ne se confond pas avec la demande au titre des frais irrépétibles, dont la caisse peut demander le remboursement en
parallèle. Elle peut être formée régulièrement pour la première fois en cause d'appel (CE 19 févr. 2007, Clément, req.
n o 274758 , Lebon T. 1045). Elle est accueillie dès que la caisse obtient le versement d'une somme au titre de ses débours,
avec application du plafond fixé par arrêté à la date où la juridiction statue au fond - la caisse n'a pas à modifier le chiffrage de
ses conclusions pour profiter de cette revalorisation annuelle (CE 19 déc. 2007, EFS c/ CPAM du Cher [supra n o 79], sol.
impl.).

Section 4 - Partage des droits entre la victime et la caisse


Art. 1 - Généralités
85. La caisse a droit au remboursement de la part du responsable du dommage, par subrogation à la victime, des prestations
par lesquelles elle a réparé des préjudices subis par celle-ci. C'est pourquoi la détermination de la créance de la victime (ou de
ses ayants droit) et de celle du tiers payeur se présente comme le partage d'une assiette commune constituée par l'ensemble
de l'obligation indemnitaire du responsable à raison du dommage subi par la victime directe : ce qui a été, ou sera
certainement, pris en charge par la caisse lui revient ; la victime ne peut être indemnisée que de ce qui reste à sa charge.

86. Le partage doit s'opérer dans tous les cas où des prestations ouvrant droit à recours subrogatoire ont été ou seront
payées, que le règlement soit amiable ou contentieux et, ce qui est plus remarquable, même si seule la victime ou seule la
caisse y est partie.

87. Au contentieux, les règles procédurales font en principe en sorte qu'il soit statué en même temps sur tous les droits, mais
il peut arriver que l'une ou l'autre, quoique mise en cause, ne présente aucune conclusion ou présente des conclusions
irrecevables. En matière d'accidents médicaux, le développement de la procédure amiable devant les CRCI peut également
conduire à un règlement fractionné entre cette procédure, réservée aux victimes, et l'action de la caisse qui doit être exercée
selon le droit commun (V. supra, n o 68). Enfin, les réparations au titre de la solidarité nationale ne couvrent que les droits des
victimes (V. supra, n o 37).

8 8 . Dans toutes ces hypothèses, les droits de la seule partie à obtenir une indemnisation sont calculés à partir de la
réparation totale à la charge du débiteur en procédant à un partage « virtuel », c'est-à-dire en tenant compte des droits de
l'autre comme si elle avait présenté des conclusions recevables (CE 12 févr. 1975, Lussagnet, Lebon T. 1274. - Pour une
confirmation dans le dernier état de la législation, CE 9 déc. 2009, Mme Rambeau, req. n o 301216 , Lebon T. 952 ). Si
l'étendue de ces droits ne peut être connue faute d'éléments produits par l'intéressé, par exemple si une caisse n'établit
aucun décompte de prestations dans le cadre d'un litige tendant à une réparation au titre de la solidarité nationale, le juge
usera de ses pouvoirs d'instruction pour les lui réclamer (CE 22 janv. 2010, Coppola, supra, n o 38).

Art. 2 - Règles d'imputation


§ 1 - Position du problème
89. L'opération de partage est très simple dans la configuration, courante, où deux conditions sont remplies : la totalité du
dommage est mise à la charge du débiteur de l'indemnisation ; il suffit pour l'évaluer d'ajouter les dépenses effectivement à la
charge de la caisse, celles effectivement restées à la charge de la victime compte tenu des prestations de la caisse et le
montant des préjudices immatériels, a priori non réparés par les prestations de sécurité sociale. La victime et la caisse
obtiennent alors, au final, exactement la part que chacune supporte du dommage. Le résultat aurait somme toute été le
même si leurs droits avaient été déterminés séparément, sans l'étape de l'évaluation totale qui représente dans ce cas
davantage une formalité.

90. Mais les deux conditions ci-dessus ne sont pas toujours remplies.

91. Ainsi, l'obligation indemnitaire du débiteur ne couvre pas toujours la totalité du dommage : elle peut être affectée d'un
taux de réfaction. C'est le cas s'il y a partage de responsabilité. C'est le cas également si la faute n'a causé qu'une perte de
chance de se soustraire au dommage, le juge administratif ayant rejoint le juge judiciaire pour fixer dans ce cas l'indemnité à
une fraction du dommage égale au pourcentage de chance perdu (CE, sect., 5 janv. 2001, Cts T., req. n o 181899, Lebon 5
; RFDA 2000. 652, concl. Chauvaux. - 21 déc. 2007, Centre hospitalier de Vienne, req. n o 289328, Lebon 546 ). Le total
des préjudices supportés par la victime et par la caisse excède alors nécessairement l'assiette commune constituée par
l'obligation du débiteur. La détermination par le législateur de règles de partage trouve là son véritable enjeu.
92. De même, il peut arriver que la caisse verse une prestation qui, au moins à l'échelle d'une partie du préjudice, place la
victime dans une situation plus favorable que si elle avait reçu réparation du tiers responsable dans les conditions du droit
commun. C'est le cas pour plusieurs prestations assurant une réparation forfaitaire de l'invalidité (rente d'accident du travail,
allocation temporaire d'invalidité des agents publics…) : elles peuvent être versées alors même que l'intéressé conserve une
aptitude à l'exercice d'une profession et continue de percevoir des revenus d'activité. Si jamais le montant de la prestation
excède la perte effective de revenus, se pose la question du devenir de cet « excédent » dans le partage.

§ 2 - Évolution du cadre législatif et jurisprudentiel


93. La réponse apportée par le législateur à ces questions a plusieurs fois changé depuis 1945. Il est à noter que jamais n'a
été retenue la solution qui pourrait sembler la plus simple : l'opposabilité du partage de responsabilité à la fois à la victime et
à la caisse, c'est-à-dire l'application uniforme du taux de réfaction aux prétentions justifiées de l'une comme de l'autre.

94. L a rédaction initiale de l'article L. 397 du code de la sécurité sociale se bornait à disposer que la caisse était « admise à
poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du
tiers ». La jurisprudence en a constamment déduit que l'éventuel partage de responsabilité, non mentionné, ne lui était pas
opposable et qu'elle exerçait son droit par préférence à la victime, sur la totalité de l'indemnité due par le tiers (CE 1 er juill.
1959, Caisse régionale de sécurité sociale de Normandie et Sieur Véret, Lebon 418). Ainsi, en cas de partage de
responsabilité, si les prestations de sécurité sociale venaient à excéder l'indemnité après réfaction, la caisse recevait celle-ci
en totalité et la victime, même justifiant de préjudices restés à sa charge, n'avait droit à rien.

95. Cette solution sévère pour l'assuré social était justifiée à l'origine comme une contrepartie à l'avantage que représente le
droit aux prestations. Celles-ci ne sont en effet pas réduites quand elles sont versées à raison d'un accident dont un tiers
n'est que partiellement responsable. Avec le temps, toutefois, cet avantage a fini par être perçu comme une évidence, tandis
que la réduction ou la perte d'indemnisation effective pour la victime devenait socialement inacceptable. Le législateur a suivi
ce mouvement en deux étapes.

96. La loi du 27 décembre 1973 (supra, n o 10) a d'abord distingué, au sein de l'assiette constituée par la réparation globale
des préjudices, la part « qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime » et celle, « de caractère personnel,
correspondant aux souffrances physiques ou morales endurées [par la victime] et au préjudice esthétique et d'agrément ».
Les caisses conservaient leur droit prioritaire, mais ne le faisaient plus valoir que sur la première part ; la seconde, qui
regroupait des préjudices purement immatériels non susceptibles d'être réparés par des prestations sociales, était
« sanctuarisée » au profit de la victime.

97. C'est ce dispositif qui a fait l'objet de l'extension à l'ensemble des tiers payeurs par les articles 28 et suivants de la loi du
5 juillet 1985 (supra, n o 11) et dont le juge a ajouté qu'il s'appliquait également en cas de réfaction pour perte de chance
(CE, ass., 19 mai 2004, CRAMIF et CPAM du Val-de-Marne, req. n os 216039 et 216040, Lebon 228 ). Il a continué
d'encourir les critiques des défenseurs des droits des victimes, en raison notamment de la définition restrictive de la part
personnelle des préjudices : la réparation souvent accordée pour les « troubles dans les conditions d'existence » ressortissait
de l'autre part, dite « physiologique ». La recherche de règles plus satisfaisantes s'est traduite, notamment, dans les rapports
élaborés en 2003 sous la direction du professeur LAMBERT-FAIVRE et en 2005 sous la direction du président DINTILHAC, puis
par une nouvelle intervention du législateur.

§ 3 - Nouveau régime fixé par la loi et son interprétation par le juge administratif
98. L a loi du 21 décembre 2006 (supra, n o 13) a apporté la dernière modification en date à l'article L. 376-1 du code de la
sécurité sociale et à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 - fixant ainsi les règles en vigueur pour l'ensemble des tiers payeurs
(CE 24 oct. 2008, Centre hospitalier d'Orléans, req. n o 290733 , Lebon T. 923 ). Elles sont sensiblement différentes de
celles qui prévalaient jusque-là.

99. Le partage entre victime et caisse ne s'opère plus de manière globalisée sur la totalité des préjudices ou, comme depuis
1973, sur leur part dite « physiologique », mais « poste par poste », c'est-à-dire à l'échelle d'unités plus petites censées
regrouper des chefs de préjudice homogènes. La loi ne les définit toutefois pas davantage, sauf pour distinguer ceux qui
présentent un caractère « personnel » et les autres (dits « patrimoniaux »). Le recours du tiers payeur n'est en principe
ouvert que sur les postes à caractère patrimonial, sauf s'il « établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime
une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel ».

1 0 0 . À l'intérieur de chaque poste de préjudice, si le montant de l'indemnisation ne permet pas de couvrir à la fois les
prétentions justifiées de la victime et de la caisse, c'est désormais la victime qui exerce son droit « par préférence à la caisse
subrogée ». La logique du partage est donc l'inverse de celle qui gouvernait les dispositions antérieures. Il convient de
déterminer d'abord l'évaluation globale des préjudices et de chaque poste, ainsi que la part de ces montants à la charge du
débiteur de l'indemnisation (c'est à ce stade que peut s'appliquer un taux de réfaction). Dans la limite de l'indemnité due pour
chaque poste de préjudice, la victime reçoit ensuite la somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée
par des prestations de sécurité sociale - aucun taux de réfaction n'est appliqué en revanche à ce stade. La caisse n'a droit
qu'au solde, s'il y en a un.

101. Les conditions d'application de ce nouveau régime en contentieux administratif ont été précisées par un avis contentieux
du 4 juin 2007 (Lagier et Cts Guignon, req. n o 303422 et n o 304214, Lebon 228 ).

102. Les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2006 sont applicables à la réparation des conséquences d'accidents
antérieurs à leur entrée en vigueur, tant qu'il n'a pas été statué sur l'indemnisation par une décision passée en force de
chose jugée. En raison des particularités du régime de subrogation, l'imputation de la créance de la caisse sur la dette du
responsable ne suit en effet pas les mêmes règles que la détermination de cette dette, laquelle se fait en fonction des
dispositions en vigueur à la date de l'accident.

103. Les nouvelles dispositions imposent au juge de statuer poste par poste sur l'indemnisation si - mais seulement si et
dans la mesure où - un tiers payeur établit qu'il a versé ou versera une prestation donnant lieu à recours subrogatoire. Les
postes de préjudice sur lesquels il n'y a pas matière à partage des droits entre la victime et la caisse peuvent donc être
globalisés.

1 0 4 . En outre, tant que le pouvoir réglementaire n'a fixé, en application de la nouvelle loi, aucune liste contraignante de
postes, il revient au juge de retenir la définition des postes la plus adaptée à chaque espèce. L'avis contentieux énumère
cependant six postes qu'il y a, « à tout le moins », lieu de distinguer. Cette nomenclature « minimale » est depuis, en
pratique, la nomenclature mise en oeuvre par les juridictions administratives.

105. Préjudices patrimoniaux. - Au titre de ceux-ci, elle distingue cinq postes :

- dépenses de santé : ce sont notamment les frais de soins et d'hospitalisation, les frais pharmaceutiques et les frais
d'appareillage. Les prestations en nature des caisses s'imputent sur ce poste, hors prises en charge au titre du handicap ;

- frais liés au handicap : il s'agit en particulier de l'assistance d'une tierce personne et des dépenses d'aménagement du
domicile ou du véhicule. La prise en charge dans une institution spécialisée est en général rattachée à ce poste, en particulier
pour assurer la ventilation de l'indemnité entre elle et le coût d'un maintien à domicile quand les deux options sont ouvertes
(V. infra, n o 111). Dans certaines espèces, il peut toutefois être difficile de distinguer, en cas d'accueil en institution, ce qui
relève du soin et ce qui relève de la prise en charge du handicap ;

- pertes de revenus : elles correspondent aux ressources dont le dommage a effectivement et certainement privé la victime,
que cette perte ait été compensée par des prestations sociales (ouvrant alors droit à recours subrogatoire) ou qu'elle ne l'ait
pas été. C'est là que s'imputent, en principe, la plupart des prestations en espèces (V. cep. infra, n o 116) ;

- incidence professionnelle et scolaire du dommage : ce poste permet la compensation d'une pénibilité accrue du travail ou
des études et la prise en compte, en général forfaitaire, des chances perdues de promotion, de qualification… ;

- autres dépenses en lien avec le dommage corporel : ce sont, par exemple, les frais d'obsèques ou le capital-décès qui sont à
la charge de l'organisme de sécurité sociale.

Actualité
1 0 5 . Recours subrogatoire du tiers payeur. Préjudice professionnel. - La rente d'accident du travail a pour objet exclusif de
réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle. Dès lors, dans le cadre d'un recours subrogatoire d'une
caisse d'assurance maladie au titre de cette rente, celle-ci ne peut pas être imputée sur un poste de préjudice personnel (CE
8 mars 2013, Doget, req. n o 361273 , AJDA 2013. 548, obs. Poupeau ; D. 2013. 716 ).
Recours d'une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité. - La pension d'invalidité ne répare que les préjudices
subis par la victime d'un accident dans sa vie professionnelle, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence
professionnelle de l'incapacité. Par conséquent, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension
d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice (CE 17 avr. 2013, Centre hospitalier d'Elbeuf, req.
n o 346334 , AJDA 2013. 824, obs. Poupeau ).

1 0 6 . Préjudices personnels. - Dans la logique déjà exposée, ils peuvent le plus souvent être globalisés en un seul poste,
regroupant l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence résultant du déficit fonctionnel, « considérés
indépendamment de leurs conséquences pécuniaires », des souffrances physiques et morales et des préjudices esthétique,
sexuel et d'agrément. Défini ainsi, ce poste, en principe non soumis au recours des caisses, est plus large que n'était la part
« personnelle » des préjudices dans le régime antérieur.

1 0 7 . Le juge administratif n'a pas fait le choix d'appliquer systématiquement, comme le font les juridictions judiciaires, la
nomenclature des postes beaucoup plus détaillée annexée au rapport du groupe de travail dirigé par le président DINTILHAC.

Actualité
107. Calcul de l'indemnisation d'un militaire sur la base de la nomenclature « Dintilhac ». - Le Conseil d'État précise les règles de
calcul de l'indemnisation qu'un militaire peut obtenir en sus de sa pension militaire d'invalidité lorsqu'il a été victime, après un
accident lié à ses fonctions, de soins défectueux dans un hôpital militaire. Il indique dans un premier temps que la pension
militaire d'invalidité a pour objet de réparer « d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité
physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte
de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence
personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique,
du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou
de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille » – se fondant ainsi sur la nomenclature
dite « Dintilhac » des postes de préjudice, utilisée par le juge judiciaire. Dans un second temps, il juge que dans le cadre de
l'obligation de l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission, les militaires ne peuvent
prétendre qu'à l'indemnisation des préjudices non réparés par la pension. En outre, « dans l'hypothèse où le dommage
engage la responsabilité de l'État à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et
notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre
à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une
réparation intégrale ». Le juge doit, dans ce cas, déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de
réparer, puis en déduire le capital représentatif de la pension et « accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est
positif » (CE 7 oct. 2013, Min. Défense, req. n o 337851 , AJDA 2013. 1942, obs. de Montecler ).
108. Peu après l'avis du 4 juin 2007 (V. supra, n o 101), le Conseil d'État a précisé que les nouvelles règles d'imputation,
explicitement prévues par la loi pour le cas de partage de responsabilité, valent aussi en cas de perte de chance (CE 24 oct.
2008, Centre hospitalier d'Orléans, supra, n o 98).

109. Illustration. - Dans cette dernière décision, où le Conseil d'État a réglé l'affaire au fond, il a fallu procéder au partage des
droits alors que la responsabilité du service public hospitalier n'était engagée que dans une perte de chance d'éviter 50 % du
dommage. Cela s'est traduit par un résultat différent à chacun des trois postes pour lesquels des prétentions étaient
présentées :

- seule la caisse justifiait de dépenses de santé. Elle a donc obtenu le remboursement de la moitié des débours justifiés ;

- symétriquement, le poste des préjudices personnels consistait seulement en des charges immatérielles supportées par la
victime (troubles dans les conditions d'existence, préjudice esthétique, souffrances). Après évaluation du montant global de
ces préjudices, la victime a reçu une indemnisation égale à la moitié ;

- le poste des pertes de revenus, en revanche, avait fait l'objet d'une prise en charge partielle par la caisse (61 911,31 €), un
différentiel restant à la charge de la victime (100 229,37 €). Le montant total de l'indemnité due par le responsable au titre de
ce poste était égal à la moitié de la somme de ces éléments (81 070,34 €). Comme ce montant était inférieur au préjudice de
la victime non pris en charge par la caisse, la victime a obtenu la totalité des 81 070,34 €, et la caisse rien.

110. On observera que dans une telle configuration, le montant des débours de la caisse relevant d'un poste « partagé » a
en réalité pour effet d'augmenter les droits à indemnisation de la victime, en tout cas jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain
montant, d'où l'enjeu de la prise en compte des dépenses de la caisse y compris dans des espèces où celle-ci ne présente
aucune demande recevable d'indemnisation pour son propre compte (V. supra, n o 88).

Art. 3 - Dépenses futures de prise en charge d'une personne handicapée : une jurisprudence spécifique
111. Quand l'accident a causé un handicap, la prise en compte des besoins d'assistance de la victime pour l'avenir soulève
une difficulté particulière, en tout cas s'il s'agit d'un handicap important. Il existe alors, le plus souvent, une incertitude sur les
conditions dans lesquelles l'intéressé sera pris en charge, dont résulte une incertitude sur le détenteur de la créance
indemnitaire correspondante : soit la victime sera accueillie dans une institution spécialisée et sera à la charge de la sécurité
sociale ; soit elle pourra se maintenir à domicile, mais alors à un coût qui restera à sa charge (ou à celle de ses représentants
légaux). Cette incertitude, relative à l'étendue même des prétentions justifiées de la victime et de la caisse, intervient en
amont de l'application des règles générales de partage vues ci-dessus. Elle affecte indifféremment les cas où l'indemnité subit
une réfaction et ceux où elle couvre l'intégralité du dommage.

112. Afin de permettre malgré cela l'indemnisation des frais futurs, opportune pour le règlement du litige, la jurisprudence
avait dégagé, sous l'empire des dispositions antérieures à la loi du 21 décembre 2006 (supra, n o 13), la règle suivante. Une
rente représentative de l'ensemble de la prise en charge était allouée à la victime (ou à ses représentants légaux), mais en
cas de placement en institution, les frais correspondants étaient remboursés à la caisse, sur justificatifs et à mesure de leur
exposition, par imputation sur cette rente et dans la limite de sa part « réparant l'atteinte à l'intégrité physique » (CE 20 mars
1991, Centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, req. n o 108293 , Lebon 97 ). Il revenait au juge de fixer cette part dans sa
décision - dans la pratique, elle s'élevait en général aux trois quarts. La victime ou sa famille étaient perdantes s'ils
supportaient effectivement des frais excédant le solde.

113. Cette solution, reposant sur la distinction entre une part physiologique et une part personnelle du dommage et sur une
forme de préférence à la caisse, pouvait difficilement s'accorder avec le nouveau régime issu de la loi du 21 décembre 2006.
Elle a été remplacée par une autre méthode de traitement de l'incertitude sur la prise en charge (CE 25 juin 2008, CPAM de
Dunkerque, req. n o 235887 , Lebon 232 ). Celle-ci aboutit à une prise en compte plus réaliste des charges supportées au
stade de l'exécution du jugement.

114. En cas d'incertitude sur les conditions futures d'hébergement, le juge alloue toujours une rente à la victime (ou à ses
représentants légaux), mais celle-ci ne représente plus que la prise en charge à domicile et son versement est conditionnel.
Concrètement, un taux quotidien est fixé et la rente est versée par le débiteur, chaque trimestre, au prorata du nombre de
nuits passées au domicile. Les dépenses effectivement supportées par une caisse à raison d'un placement en institution
continuent d'être remboursées sur pièces à mesure de leur engagement, mais sans s'imputer sur cette rente. Ces règles
particulières ne concernent que l'indemnisation de la prise en charge, les autres frais liés au handicap (aménagement du
logement, par ex.) étant réparés sous la forme d'un capital ou d'une rente distincte.

115. Cette méthode s'applique lorsque le responsable indemnise la totalité du dommage (cas de la décision du 25 juin 2008,
préc.), mais aussi en présence d'un taux de réfaction. Il faut dans ce cas la combiner avec les règles d'imputation résultant de
la loi du 21 décembre 2006 (V. pour un ex. : CE 26 mai 2010, Pradeau, req. n o 306354 , Lebon T. 976 ).

Art. 4 - Question de l'imputation des rentes d'accident du travail et prestations similaires


116. L'hypothèse d'une prestation en espèces forfaitaire d'un montant supérieur à celui des pertes effectives de revenus de
la victime n'a pas été explicitement traitée par le législateur. Elle concerne un large champ de prestations : rentes d'accident
du travail servies en application du titre IV du code de la sécurité sociale, prestations d'invalidité servies en application du titre
III, prestations similaires des régimes spéciaux et de la fonction publique, allocation temporaire d'invalidité (ATI) des agents
publics qui restent en activité avec une invalidité, pensions militaires d'invalidité (PMI) qui peuvent également bénéficier à un
militaire restant en activité. Elle est à l'origine de l'une des rares divergences de fond entre les jurisprudences judiciaire et
administrative sur les questions d'imputation des droits des caisses.

117. Pour le Conseil d'État, de telles prestations ne s'imputent que sur le poste des pertes de revenus (CE 5 mars 2008,
CPAM de Seine-Saint-Denis, req. n o 272447, Lebon 95 ). Si leur montant dépasse l'évaluation de ce poste, le solde en est
perdu pour la caisse. La Cour de cassation estime au contraire que ce solde doit nécessairement assurer la réparation d'un
autre poste de préjudice, et l'impute sur celui, personnel, des troubles dans les conditions d'existence considérés
indépendamment de leurs conséquences pécuniaires (par ex. : Civ. 2 e, 22 oct. 2009, n o 07-20.419 , Bull. civ. II, n o 258).

Index alphabétique

Accident 2, 15, 29, 35 s., 55, 62, 111

Accident de la circulation 11, 57

Accident de trajet 2

Accident du travail 8, 15, 52, 92, 116 s.

Action directe 15, 17, 53

Action en récupération 17

Action récursoire 10

Action subrogatoire 14 s., 21, 25 s., 29, 31, 34 s., 40, 46, 52 s., 58, 66, 72, 86, 103
V. Subrogation

Aléa thérapeutique 42

Allocation temporaire d'invalidité (ATI) 116

Arrérages 33

Assureur 12, 56, 68 s.

Ayants droit 1, 3 s., 6 s., 15 s., 24, 32, 34, 48, 55, 62, 68, 73, 85

Caisse des dépôts et consignations 28, 58, 82

Code des assurances 54

Code de la sécurité sociale


art. L. 321-1 22
art. L. 322-1 22
art. L. 323-1 24
art. L. 376-1 3, 8 s., 17, 19, 21, 27, 30, 54 s., 62, 64, 82, 98
art. L. 376-2 3
art. L. 454-1 8, 30, 52, 82
art. L. 470 8, 16

Collectivités publiques 27, 29

Conclusions en cause d'appel 84

Débours 52, 84, 109 s.

Décès 1, 24, 28

Déclaration de jugement commun 57, 62

Dommage corporel 1, 7, 105

Droit prioritaire 96

Employeur 52 s., 58

Établissement public 28

Établissement de santé 12, 23, 32, 51, 56

Frais d'analyse et d'examen de laboratoire 22

Frais d'appareillage 22, 105

Frais d'hospitalisation 22

Frais irrépétibles 84

Frais médicaux et chirurgicaux 22


Frais pharmaceutiques 22, 105

Frais de réadaptation fonctionnelle 22

Frais de rééducation 22

Frais de transport du malade 22

Hépatite C 44

Indemnité forfaitaire 56, 82

Indemnités journalières 24, 58

Intégrité physique 96, 112

Intérêts 74

Mutuelles 26, 58

Obligation d'information de la caisse 56

Part physiologique 97, 99, 113

Pension d'invalidité 28, 58

Pension militaire d'invalidité 116

Perte de chance 91, 97, 108 s.

Perte de revenus 105, 109, 117

Préjudice corporel
V. Dommage corporel

Préjudice d'agrément 96, 106

Préjudice esthétique 96, 106, 109

Préjudice patrimonial 105

Préjudice personnel 106

Prestations d'invalidité 116

Prestations en espèces 24, 27, 33, 105, 110, 116

Prestations en nature 22, 26, 58, 105

Recours subrogatoire 17, 19, 21, 25 s., 29, 31, 34 s., 52 s., 86, 103, 105

Référé-provision 65

Régime des agents publics 26 s.

Régime agricole 21

Régime des professions indépendantes 21

Rente 80 s., 112, 114

Secret médical 35

Souffrance morale 96, 106

Souffrance physique 96, 106

Subrogation 30 s., 47, 52, 54, 81, 85, 102


V. Action subrogatoire

Tierce personne 105

Tiers payant 23

Tiers payeur 1 s., 11, 14, 17, 20, 39, 51, 53 s., 62, 69 s., 82, 85, 97 s.

Tiers responsable 3 s., 12, 15 s., 23, 27, 36, 46, 53, 56, 69, 83, 92

Troubles dans les conditions d'existence 97, 106, 109, 117

Véhicule
dépenses d'aménagement du 105
Actualité
13-1. Recours contre tiers. - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 parachève en son article 16 l'extension, à
l'ensemble des régimes de sécurité sociale, des dispositions applicables dans le régime général en matière de recours contre
les tiers responsables de dommages corporels aux assurés. Par ailleurs, cette même disposition prévoit la possibilité pour les
caisses nationales de conclure entre elles des conventions visant à confier la mise en œ uvre des recours contre tiers à
certaines caisses locales des régimes concernés (L. n o 2014-1554 du 22 déc. 2014, art. 16, JO 24 déc.).

25. Affection iatrogène. Date du dommage et prise en charge par l'ONIAM. - Le droit à réparation au titre de la solidarité nationale
des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales s'applique aux accidents survenus à compter du
5 septembre 2001 (CE 1 er oct. 2014, ONIAM, req. n o 362696 , AJDA 2014. 2510 ).

45. Présomption légale d'origine transfusionnelle. Assureur subrogé. - Les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime
peuvent invoquer la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de la victime par l'hépatite C, instituée par
l'article 102 de la loi n o 2002-303 du 4 mars 2002 (CE 22 oct. 2014, Office national d'indemnisation des accidents médicaux,
des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, req. n o 369081 , Lebon ; AJDA 2014. 2096, obs. Pastor ).

51-1. Effets d'une transaction sur la prescription des créances d'un organisme de Sécurité sociale. - La transaction conclue entre
la victime d'un dommage et l'assureur du centre hospitalier responsable ne suspend pas la prescription à l'égard des créances
que l'organisme de Sécurité sociale détient par subrogation (CE 24 avr. 2012, Centre hospitalier intercommunal de Sèvres,
req. n o 329737 , AJDA 2012. 917, obs. C. B .).

54. Limites des droits de l'assureur subrogé dans ceux de la victime. - L'assurance qui verse à son assuré, en cas d'accident
médical, une prestation de nature forfaitaire préétablie n'est pas subrogée dans les droits de son assuré (CAA Nantes, 21 juin
2012, Sté Groupama assurances, req. n o 10NT02208 , AJDA 2012. 1889 ).

60-1. Caisse de sécurité sociale agissant en justice pour le compte d'une autre caisse. - Le directeur général de la Caisse
nationale d'assurance maladie peut confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse
d'affiliation de l'assuré, dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie (CE, avis, 12 avr. 2013,
CPAM de l'Aube, req. n o 362009 , AJDA 2013. 767, obs. Poupeau ).

67. Liens entre les recours de la victime, de l'ONIAM et des caisses de sécurité sociale. - La forclusion de la demande de la victime
peut être opposée à l'ONIAM par l'hôpital. L'Office, s'il a été informé de cette forclusion, peut alors refuser de verser
l'indemnité en lieu et place de l'assureur de l'établissement (CE 17 sept. 2012, Office national de l'indemnisation des accidents
médicaux, req. n o 360280 , AJDA 2012. 1711, obs. de Montecler ).

68. Dispositif de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. - Un décret
du 2 mars 2012 précise les conditions dans lesquelles plusieurs commissions de conciliation et d'indemnisation peuvent être
créées dans une même région et supprime en conséquence la mention de leur caractère régional dans leur dénomination. Il
adapte, par ailleurs, certaines conditions de fonctionnement de ces commissions ainsi que, lorsque sont en cause des
dommages liés à des recherches biomédicales, les procédures conduites devant celles-ci. Le décret précise également les
relations de la Commission nationale des accidents médicaux avec les commissions d'indemnisation et fixe les conditions dans
lesquelles la commission nationale peut accéder à des données couvertes par le secret médical pour l'exercice de ses
missions. Il supprime, en outre, les fonctions de commissaire du gouvernement auprès de la commission nationale (Décr.
n o 2012-298 du 2 mars 2012, JO 3 mars).

Recours subrogatoire de l'ONIAM. Obligation de mise en cause de la caisse de sécurité sociale. - L'action engagée contre un
établissement de santé par l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée, doit être regardée, au sens et
pour l'application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, comme une action de la victime. Par suite,
il incombe au juge administratif, saisi d'une telle action contre un établissement public, de mettre en cause les caisses de
sécurité sociale auxquelles la victime est ou était affiliée. Par ailleurs, la circonstance qu'une caisse ainsi mise en cause
présente des conclusions contre l'établissement n'a pas pour conséquence d'obliger le juge à mettre en cause la victime (CE
7 oct. 2013, ONIAM, req. n o 369121 , AJDA 2013. 2002, obs. Poupeau ).

105. Recours subrogatoire du tiers payeur. Préjudice professionnel. - La rente d'accident du travail a pour objet exclusif de
réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle. Dès lors, dans le cadre d'un recours subrogatoire d'une
caisse d'assurance maladie au titre de cette rente, celle-ci ne peut pas être imputée sur un poste de préjudice personnel (CE
8 mars 2013, Doget, req. n o 361273 , AJDA 2013. 548, obs. Poupeau ; D. 2013. 716 ).

Recours d'une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité. - La pension d'invalidité ne répare que les préjudices
subis par la victime d'un accident dans sa vie professionnelle, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence
professionnelle de l'incapacité. Par conséquent, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension
d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice (CE 17 avr. 2013, Centre hospitalier d'Elbeuf, req.
n o 346334 , AJDA 2013. 824, obs. Poupeau ).

107. Calcul de l'indemnisation d'un militaire sur la base de la nomenclature « Dintilhac ». - Le Conseil d'État précise les règles de
calcul de l'indemnisation qu'un militaire peut obtenir en sus de sa pension militaire d'invalidité lorsqu'il a été victime, après un
accident lié à ses fonctions, de soins défectueux dans un hôpital militaire. Il indique dans un premier temps que la pension
militaire d'invalidité a pour objet de réparer « d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité
physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte
de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence
personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique,
du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou
de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille » – se fondant ainsi sur la nomenclature
dite « Dintilhac » des postes de préjudice, utilisée par le juge judiciaire. Dans un second temps, il juge que dans le cadre de
l'obligation de l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission, les militaires ne peuvent
prétendre qu'à l'indemnisation des préjudices non réparés par la pension. En outre, « dans l'hypothèse où le dommage
engage la responsabilité de l'État à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et
notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre
à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une
réparation intégrale ». Le juge doit, dans ce cas, déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de
réparer, puis en déduire le capital représentatif de la pension et « accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est
positif » (CE 7 oct. 2013, Min. Défense, req. n o 337851 , AJDA 2013. 1942, obs. de Montecler ).

183. Responsabilité d'un hôpital. Perte des effets d'un patient. - Un hôpital engage sa responsabilité de dépositaire de biens s'il
n'a pas délivré toutes les informations utiles au patient pour procéder au dépôt de ses biens pendant son hospitalisation
(CAA Bordeaux, 9 sept. 2014, req. n o 13BX00559 , AJDA 2014. 2510 ).

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