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Demande préalable
Lara BOUSTANY
Maître de conférences à l'Université Saint-Joseph, Beyrouth
Généralités, 1 - 4
Chapitre 2 - Domaine, 36 - 92
Section 1 - Règle de principe, 37 - 55
Art. 1 - Application à toutes les demandes en justice, 38 - 49
§ 1 - Demande principale, 39
§ 2 - Demandes incidentes, 40 - 49
Art. 2 - Application devant toutes les juridictions administratives, 50 - 55
§ 1 - Extension de son application aux tribunaux administratifs, 51 - 53
§ 2 - Extension de son application à toutes les juridictions administratives, 54 - 55
Section 2 - Aménagements, 56 - 92
Art. 1 - Exceptions, 57 - 78
§ 1 - Exceptions textuelles, 58 - 74
§ 2 - Exceptions commandées par la logique, 75 - 78
Art. 2 - Atténuations jurisprudentielles, 79 - 92
§ 1 - Entorse au caractère préalable de la réclamation indemnitaire, 80 - 84
§ 2 - Entorse à l'exigence même d'une réclamation indemnitaire préalable, 85 - 92
Bibliographie
J.-M. AUBY et R. DRAGO, Traité des recours en matière administrative, 1992, Litec. - R. BONNARD, Précis de droit administratif,
4 e éd., 1943, LGDJ. - R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'État, 1920, Sirey. - D. CHABANOL, La
pratique du contentieux administratif devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, 7 e éd., 2007,
Litec. - R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 13 e éd., 2008, Montchrestien. - S. DAËL, Contentieux administratif, 2006,
PUF. - C. DEBBASCH et J.-Cl. RICCI, Contentieux administratif, 8 e éd., 2001, Dalloz. - L. KARAM-BOUSTANY, L'action en
responsabilité extracontractuelle devant le juge administratif, Bibliothèque de droit public, t. 250, 2007, LGDJ. - É. LAFERRIÈRE,
Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 1989, LGDJ. - R. ODENT, Contentieux
administratif, 6 e éd., 1977-1981, Les cours de droit. - B. PACTEAU, Traité de contentieux administratif, 2008, PUF. -
R. ROUQUETTE, Petit traité du procès administratif, 3 e éd., 2008, Dalloz.
R. GUILLIEN, Décision préalable et distinction des contentieux en droit administratif français, Mélanges Stassinopoulos, LGDJ,
1974, p. 259. - J.-F. ROULOT, La règle de la décision préalable. Les possibilités de régularisation, Dr. adm. 1999, chron.,
n o 10. - H. BONNEAU, La règle de la décision préalable devant les nouveaux tribunaux administratifs, D. 1955. Chron. 11. -
J. ROCHE, Les exceptions à la règle de la décision préalable devant le juge administratif, Mélanges Waline, LGDJ, 1974, t. 1,
p. 733.
J. LABAYLE, La décision préalable, condition de formation du contentieux administratif, thèse, Paris, 1907. - P. MINDU, La règle
de la décision administrative préalable, thèse, Rennes, 1977.
Généralités
1 . Tour à tour décriée et défendue, l'exigence d'une demande préalable auprès de l'administration, avant toute action en
responsabilité devant le juge administratif, est loin d'emporter l'unanimité. Intimement liée à la règle de la décision préalable,
elle a rarement été étudiée en dehors du processus de liaison du contentieux, longtemps éclipsée par la décision qu'elle est
censée engendrer. S'il est incontestable que, sauf exceptions, le juge administratif ne peut être saisi que d'une décision de
l'administration, et que la demande indemnitaire est le préalable nécessaire au déclenchement d'une telle décision, il est tout
aussi certain que la demande préalable mérite d'être examinée sous un autre angle. En effet, d'une part, les nombreuses
exceptions apportées par la jurisprudence à la règle de la demande préalable font que, désormais, on retient plus de cette
règle la demande qui est censée la provoquer que le résultat décisionnel, souvent inexistant ou implicite, qui en est escompté.
D'autre part, le souhait, maintes fois réitéré, tant par le juge que par la doctrine, de développer les modes alternatifs de
règlement des litiges, jette un éclairage nouveau non plus sur la décision, mais sur la demande préalable.
2 . Si le régime auquel est soumise la demande préalable se présente comme un assemblage hétéroclite de solutions
jurisprudentielles et de dispositions réglementaires et législatives (not., par voie incidente, les dispositions du CJA intéressant
la décision préalable, à savoir les art. R. 421-1, R. 421-2, R. 421-3 et s., la loi n o 2000-321 du 12 avr. 2000 relative aux droits
des citoyens dans leurs relations avec les administrations [DCRA, D. 2000. 221], et le décret n o 2001-492 [D. 2001. 2002] pris
pour son application, la loi n o 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives [JO 1 er juill.,
D. 2000. 304] et son décret d'application n o 2000-1115 du 22 nov. 2000 [D. 2000. 399], etc.) intéressant principalement la
décision préalable, il n'en demeure pas moins que cette diversité ne nuit pas à la délimitation de son cadre dans une action en
responsabilité.
3 . Par demande préalable, dans le contentieux de la responsabilité administrative, il faut entendre toute réclamation
indemnitaire présentée à l'administration, prétendument responsable, afin de demander l'indemnisation du dommage qu'elle a
engendré. Cette demande devant être faite avant toute saisine du juge administratif, afin de provoquer une décision liant le
contentieux, il convient de ne pas la confondre avec d'autres recours préalables. La demande préalable doit ainsi être
distinguée des recours administratifs spéciaux. Même si elle partage, avec certains recours, leur caractère obligatoire, la
demande préalable concerne l'hypothèse où une décision administrative n'existe pas. Les recours spéciaux obligatoires, quant
à eux, consistent à obliger l'administré à former un recours administratif avant de saisir le juge d'une décision qui existe. De
plus, et contrairement à la demande préalable, les recours administratifs préalables obligatoires n'ont pas, en principe, pour
effet de cristalliser le recours juridictionnel ultérieur (V. Les recours administratifs préalables obligatoires, Rapport de la
Section du rapport et des études du Conseil d'État, 2008, en cours de publication).
4. Ainsi délimitée, il convient de débuter par une présentation générale de la demande préalable (V. infra, n os 5 et s.) avant
d'en examiner le domaine d'application (V. infra, n os 36 et s.) et les implications (V. infra, n os 93 et s.).
7. Il semble que LAFERRIÈRE, qui fut à l'origine de l'abandon, par le Conseil d'État de la théorie du ministre juge, ait présenté
ce maintien comme une compensation au revirement de 1889 (J. ROCHE, Les exceptions à la règle de la décision préalable
devant le juge administratif, in Mélanges Waline, p. 736). L'inertie de la jurisprudence, qui continuait à exiger une décision
préalable, a failli cependant céder devant les critiques d'une doctrine peu convaincue par la nécessité d'un tel maintien (CE
3 févr. 1899, Lecoq, Lebon 86, dans cet arrêt, le Conseil d'État a statué au fond, sans opposer la fin de non-recevoir tirée du
défaut de décision préalable, sur une demande d'indemnité introduite directement devant lui par un employé municipal
révoqué). En effet, à l'époque de la théorie du ministre juge, la décision du ministre étant considérée comme un acte
juridictionnel susceptible d'appel devant la Haute assemblée, le recours préalable devant l'administration était nécessaire. La
disparition de la théorie du ministre juge, ôtant à la décision préalable son caractère juridictionnel, la transforma en simple
acte administratif dénué de tout fondement théorique. ARTUR fut le premier à soutenir la suppression de « cette conséquence
la plus funeste » (Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions, RD publ. 1900. 280) de la théorie du ministre juge.
C'était également l'opinion défendue par A. MOREL (La juridiction des administrateurs actifs, thèse, 1904, p. 253) et
J. LABAYLE (La décision préalable, condition de formation du contentieux administratif, thèse, Paris, 1907, p. 15 et s.).
Toutefois, la loi du 17 juillet 1900, en assimilant à une décision de refus le silence gardé pendant plus de quatre mois par les
autorités administratives sur les réclamations qui leur sont soumises, n'a fait que consacrer l'exigence d'une décision
préalable.
8. Les auteurs qui ont suivi justifient le maintien de cette exigence par l'inertie d'une juridiction prisonnière d'une « habitude »
(en ce sens : R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 13 e éd., 2008, Montchrestien, p. 532 ; C. DEBBASCH, Procédure
administrative contentieuse et procédure civile, 1962, Bibliothèque de droit public, t. 38, LGDJ, p. 23 ; Y. GAUDEMET, Les
méthodes du juge administratif, 1972, Bibliothèque de droit public, LGDJ, p. 255 ; MONTANÉ DE LA ROQUE, L'inertie des
pouvoirs publics, thèse, Toulouse, 1948, p. 14 ; M. W ALINE, Droit administratif, Sirey, 1963, p. 210). Il faut cependant
s'abstenir d'interpréter ce maintien comme résultant d'une inadvertance du Conseil d'État ; il serait plus opportun d'y voir un
acte de volonté conscient relevant plus de la prudence, caractère à la fois reconnu et reproché à la Haute juridiction, que d'un
manque d'audace. Les attaques de la doctrine s'expliquent essentiellement par l'impossibilité de trouver un fondement
théorique à une telle exigence, d'autant plus qu'elle n'était obligatoire que devant le Conseil d'État, même si, d'un autre côté,
cette même doctrine en souligne unanimement l'importance pratique.
9. Plusieurs opinions ont été émises depuis le fameux article de BOUCHENÉ-LEFER dans la Revue pratique de droit français en
1864 (Distinction de l'autorité et de la juridiction administrative, ou du contentieux et du non-contentieux administratif, RPDF
1864. 32), article qui a justifié la décision préalable par la théorie de l'opposition des prétentions, laquelle n'est acquise que si
l'autorité administrative a examiné une demande puis l'a repoussée. E. LAFERRIÈRE reprit cette théorie en estimant la décision
préalable nécessaire parce qu'elle fait apparaître une opposition entre les deux protagonistes, constituant, par là même,
l'objet de l'instance contentieuse (Traité de la juridiction administrative, 2 e éd., 1896, t. 1, p. 322 et s.). D'autres fondements
juridiques furent avancés. C'est ainsi que, dans un premier temps, M. HAURIOU justifiera la décision préalable par le fait que le
contentieux administratif, contentieux primitif, est un contentieux contre un acte ( in Répertoire Béquet, t. 14, 1897, Droit
administratif, n os 68 et s. ; V. égal. son Précis de droit administratif). Quelques années plus tard, le doyen de Toulouse,
affinant sa réflexion, estimera que la décision préalable exprime une acceptation de l'instance par l'administration, le judicium
acceptum, idée empruntée au droit romain (M. HAURIOU, La gestion administrative, 1899 ; Les éléments du contentieux, Rec.
de législation de l'Académie de Toulouse, 1905, p. 46 et s. ; V. égal. les différentes éditions de son précis).
1 0 . D'autres auteurs se sont tournés vers l'histoire. C'est notamment le cas de R. CARRÉ DE MALBERG, qui a vu dans la
décision préalable un corollaire de la conception que s'est fait le Conseil d'État de son rôle juridictionnel. Selon l'éminent
juriste, le Conseil d'État a estimé qu'il avait le même rôle que la Cour de cassation : « De même que celle-ci est juge des
décisions judiciaires, de même le Conseil d'État s'est considéré comme le régulateur des actes des autorités qui lui sont
subordonnées au point de vue juridictionnel, et comme appelé à ce titre à juger des décisions » (Contribution à la théorie
générale de l'État, 1920, Sirey, p. 804). Cette théorie a trouvé un écho chez R. BONNARD (Précis de droit administratif, 4 e éd.,
1943, LGDJ, p. 230). Le professeur R. DRAGO (L'État débiteur, Revue de science et de législation financière, 1952. 808 et s.),
quant à lui, estime que l'exigence d'une décision préalable par le Conseil d'État répond au même principe qui a fondé la
théorie du ministre juge, celui de la liquidation administrative des dettes publiques. Si la règle de la décision préalable,
contrairement à la théorie du ministre juge, a survécu, c'est grâce à la permanence des textes sur lesquels elle repose (il
s'agit, selon M. DRAGO, de la loi des 17 juill.-8 août 1790, selon laquelle « nulle créance sur le Trésor public ne peut être
admise parmi les dettes de l'État qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale sanctionné par le roi » ; du décret du
26 sept. 1793, qui dispose que « toutes les créances de l'État seront réglées administrativement » ; de l'arrêté du Directoire
du 2 germinal an V, aux termes duquel « le contentieux administratif comprenant toutes les opérations qui s'exécutent par
ordre du gouvernement, par ses agents immédiats et avec les fonds fournis par le Trésor public est soustrait aux tribunaux
judiciaires pour être remis aux administrateurs actifs » ; de l'art. 23 de la loi du 23 sept. 1814 et de l'art. 62 du décret du
31 mai 1862, selon lesquels les créances de l'État sont liquidées par les ministres).
11. En fait, tous ces fondements, juridiques ou historiques, n'ont pas emporté l'adhésion de l'ensemble de la doctrine. De nos
jours, les auteurs sont quasi unanimes pour affirmer que la décision préalable doit sa naissance à la théorie du ministre juge,
et que c'est l'inertie de la jurisprudence renforcée, depuis, par des textes législatifs et réglementaires, qui lui a permis de
survivre à la disparition de cette même théorie. D'ailleurs, son importance pratique remédie à l'absence de tout fondement
juridique pertinent.
13. La demande préalable protège l'administration en lui permettant de prendre position avant d'être traduite en justice. Elle
délimite également le champ du litige, facilitant ainsi le travail du juge. Elle fournit, enfin, une sorte de préliminaire de
conciliation épargnant à l'administré une action inutile.
§ 1 - Auteur de la demande
16. Les qualités requises de l'auteur de la demande ne diffèrent pas de celles exigées du demandeur dans une action en
responsabilité. En effet, la demande préalable doit être présentée par l'administré lésé qui se prétend titulaire d'une créance
de responsabilité envers l'administration. Elle peut également l'être par son avocat (CE 23 oct. 1981, Épx Macé, Lebon 392,
RD publ. 1982. 847), ou une personne dotée d'un mandat spécial à cette fin (CE 29 oct. 1930, Rosselin, Lebon 872 ; 10 janv.
1947, Bivois et Cie l'Urbaine et la Seine, Lebon T 667 ; CAA Nantes, 28 déc. 2001, Sté Mutuelle d'assurance des professions
alimentaires et SARL Palmer Fruits, req. n o 00NT01521, inédit). L'exigence d'un mandat est donc incontournable. Il a
effectivement été jugé que le silence gardé par l'administration sur une demande présentée par un huissier de justice
dépourvu de mandat exprès de la victime ne lie pas le contentieux (CE 29 mai 1974, Min. Intérieur c/ Dame Chauvin,
Lebon 325). Toutefois, une telle condition n'est plus exigée lorsqu'il s'agit du conjoint de la victime investi, en vertu des
dispositions de l'article 1432 du code civil, d'un mandat de représentation tacite (CE 29 déc. 1997, Épx Vivien, req. n o 129772
, Le b o n T 987). Il convient toutefois de souligner que si un tel mandat est accepté devant l'administration, il est
néanmoins écarté lorsqu'il s'agit de représentation devant la juridiction administrative (CE, sect., 27 juill. 1990, Min. Agriculture
c/ Beaufils, req. n o 572229, Lebon 240 ; CE 29 déc. 1997, préc.).
17. La qualité exigée peut également avoir été transmise par cession ou succession (CE 21 janv. 1921, Dlle Périé, Lebon 64 ;
17 juill. 1950, Mouret, Lebon 447). Le Conseil d'État a même été plus loin et estimé, contrairement à la cour administrative
d'appel de Douai (15 oct. 2002, M. A. Dumas, CPAM de Rouen, req. n os 00DA01421 et 00DA01469, AJDA 2003. 688, concl.
J. Michel ), qu'une compagnie d'assurances ayant conclu avec la victime un contrat dénommé « recours-protection
juridique » pouvait valablement saisir l'administration d'une demande indemnitaire préalable, rejetant ainsi tout formalisme
excessif pouvant nuire à la recevabilité des actions en responsabilité (CE 15 juill. 2004, Dumas, req. n o 252551 , Lebon
T 805, AJDA 2005. 274, note V. Donier ).
18. La réponse de l'administration à la réclamation préalable peut être notifiée à l'intéressé ou à toute personne qualifiée :
conjoint (contra : CE, sect., 9 nov. 1966, Sieur Pagnon, Lebon 605 ; dans cet arrêt, le Conseil d'État a exigé que l'épouse, à
qui la notification a été faite, soit mandatée par son mari, afin que le délai du recours contentieux court à l'encontre de ce
dernier ; mais le Conseil d'État ne tarda pas à revenir à sa précédente jurisprudence : CE 4 mai 1973, Sieur X, Lebon 317),
enfant, même mineur, à condition qu'il soit en âge de comprendre (CE 8 nov. 1961, Jéramec, Lebon 635 ; 9 oct. 1963, Épx Le
Moing, Lebon T 952), concierge (CE 2 juin 1948, Hinrie, Lebon T 658 ; 15 juill. 1960, Mallet de Chauny, ibid. 1087, notification
reçue par le remplaçant temporaire du concierge) ou mandataire (CE, sect., 29 juill. 1953, Gouaillard, Lebon 424). En
revanche, lorsque la réclamation indemnitaire a été présentée par un avocat, ce dernier est totalement substitué à son client,
la notification de la décision préalable au mandant ne faisant pas courir le délai du recours contentieux (CE 8 janv. 1950,
Jeannot, Lebon 89 ; CAA Lyon, 30 mai 2002, Mme B, Centre hospitalier de Mâcon, req. n o 98LY01471, AJDA 2002. 915, note
F. Bourrachot ).
§ 2 - Destinataire de la demande
19. S'il semble logique que le contentieux ne puisse être lié que si la demande est adressée à l'autorité compétente en vue
d'entraîner la décision correspondante, on ne peut pour autant exiger du réclamant une connaissance précise de la répartition
des compétences au sein de la hiérarchie administrative, ce qui justifie l'attitude libérale du juge. Deux points retiennent
l'attention dans une étude sur le destinataire de la réclamation préalable : quelle est l'autorité compétente ? Et que se
passera-t-il en cas de saisine d'une autorité incompétente ?
A. - Autorité compétente
2 0 . Une demande préalable mal dirigée ne lie pas le contentieux ; il est donc important de pouvoir désigner l'autorité
compétente. Cette solution, adoptée par le juge administratif (pour un ex. antérieur à toute codification : CE 3 déc. 1958,
Henriet, Lebon 602), s'est trouvée confirmée, du moins en ce qui concerne les décisions implicites, par le décret du 11 janvier
1965, et actuellement par l'article R. 421-2 du code de justice administrative, selon lequel, « sauf disposition législative ou
réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut
décision de rejet ».
Actualité
20. Silence de l'Administration. Réforme. - La loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre
l'Administration et les citoyens modifie la loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations. Les dispositions concernées entrent en vigueur dans un délai d'un an pour les actes relevant de la
compétence des administrations de l'État ou des établissements publics administratifs de l'État et dans un délai de deux ans,
pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que par les organismes de sécurité
sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. Le silence gardé pendant deux mois
par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation pour les procédures dont la liste est publiée sur un
site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai
au terme duquel l'acceptation est acquise. Par dérogation, le silence gardé par l'Administration pendant deux mois vaut
décision de rejet dans un certain nombre de cas listés par la loi du 12 novembre 2013. En outre, des décrets en Conseil d'État
et en Conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter la règle du silence valant acceptation eu égard à l'objet
de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d'État peuvent fixer un délai différent de
celui de deux mois valant acceptation, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie (L. n o 2013-1005 du
12 nov. 2013, art. 1 er-I, 2 o et III, JO 13 nov.).
21. À qui donc s'adresser quand il s'agit d'engager la responsabilité de telle ou telle autorité administrative ? S'agissant de
l'État, c'est le ministre qui a qualité pour répondre à la réclamation indemnitaire (CE 31 janv. 1936, Sté Lustria, Chapal et Cie,
Lebon 148 ; 10 févr. 1978, Lejeune, Lebon, tables décennales 1975-1984, p. 4811). Lorsqu'il s'agit d'une collectivité
territoriale ou d'un établissement public, la jurisprudence estime que cette qualité appartient à l'organe délibérant. En effet,
après une hésitation donnant l'impression de faire naître le litige du « refus du maire et du conseil municipal » (CE 13 déc.
1889, Cadot, Lebon 1148), cette solution sera précisée plus de quinze ans après, et depuis, en faveur de l'organe délibérant
(CE 30 juin 1905, Dpt de la Mayenne c/ Dpt d'Ille-et-Vilaine, Lebon 576 ; 21 janv. 1921, Dlle Périé, Lebon 64 ; 20 juill. 1927,
Deberles, Lebon 807 ; 13 mars 1929, Roger, Lebon 299 ; 24 oct. 1934, Sieur Woelffel, Lebon 951 ; 17 nov. 1972, Dame Vve
Boisgard, Lebon 739), sauf si la décision entre dans le cadre des compétences propres de l'organe exécutif (CE 22 nov. 1967,
Sieur Cabrini, Lebon 439 ; 23 oct. 1970, Dame Zorita, Lebon 614).
22. Une telle identification n'est pas toujours aisée, et il arrive que la demande préalable soit mal dirigée. Afin de ne pas léser
le justiciable, le juge administratif a créé, à la charge de l'autorité administrative saisie à tort, une obligation de transmission.
Cette jurisprudence a été, par la suite, codifiée tant par le décret du 28 novembre 1983 que, de manière plus complète, par la
loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 (préc., V. supra, n o 2) sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
(désignée par le terme abrégé DCRA).
B. - Obligation de transmission
23. Annoncée par un arrêt du 14 avril 1924 (Dame Provendier, Lebon 314), l'obligation de transmission a été consacrée, en
1926, par l'arrêt Masqueret (CE 30 juill. 1926, Lebon 815). Mais l'arrêt le plus cité en la matière, notamment pour les
conclusions du commissaire du gouvernement LATOURNERIE, demeure l'arrêt Dame et demoiselle Garcin (CE, ass., 23 janv.
1931, Lebon 91, D. 1931. 3. 17, concl. Latournerie). Résumant la jurisprudence du Conseil d'État, M. PAILLET (Recours en
responsabilité, J.-Cl. Adm., fasc. 1124) affirme que « le juge administratif considère que le lien hiérarchique ou fonctionnel
constaté entre l'autorité saisie à tort et celle qui aurait dû l'être justifie l'existence d'une obligation de transmission à la
charge de la première et le bénéfice d'une erreur excusable au profit du demandeur ».
2 4 . C'est ainsi que l'obligation de transmission existe entre autorités relevant d'une même collectivité publique, qu'elles
occupent un rang juridique équivalent - c'est le cas des ministres entre eux (CE 23 janv. 1931, Dame et Dlle Garcin, préc. ; le
Conseil d'État sembla opérer un revirement de jurisprudence le 2 févr. 1934 avec l'arrêt Cts Fronval, Lebon 169, mais il ne
tarda pas à abandonner ce revirement et à renouer avec sa jurisprudence antérieure : CE 29 juin 1934, Lallement,
Lebon 753 ; 16 nov. 1957, Sté des Éts Cométal, Lebon 624), du préfet et du maire vis-à-vis respectivement du conseil
régional et du conseil municipal (CE 19 juill. 1933, Scherer, Lebon 793) -, ou qu'elles occupent des rangs différents, à condition
qu'il existe entre elles un lien hiérarchique (saisine du préfet à la place du ministre : CE 31 janv. 1936, Sté Lustria, Chapal et
Cie, Lebon 148 ; 26 juin 1968, Dpt de la Seine c/ Dlle Disset, Lebon 396 ; saisine du gouverneur d'un TOM à la place du
ministre compétent : CE 10 févr. 1978, Lejeune, Lebon T 906). La transmission peut également se faire dans le sens inverse,
du supérieur hiérarchique vers son subordonné (CE 1 er mars 1968, Cne de Ferrières-le-Lac, Lebon 153). Elle ne s'applique pas
dans les relations entre autorités relevant de collectivités publiques différentes (préfet saisi à la place du maire : CE 9 févr.
1955, Cne de Joinville-le-Pont, Lebon 79 ; préfet saisi à la place d'un hôpital : CE 3 déc. 1958, préc.), à moins que l'erreur
commise par l'administré ne soit excusable.
2 5 . Le décret nº 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers (JO 3 déc.)
avait, d'une part, prolongé la jurisprudence en affirmant que « toute autorité de l'État ou d'un établissement public
administratif de l'État, saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la personne
morale dont relève cette autorité, de transmettre la demande à l'autorité compétente », mais sans, pour autant, la couvrir
complètement, d'autre part, puisqu'il avait exclu certaines hypothèses (ex. : lorsque l'autorité saisie à tort est placée sous
l'autorité du ministre de la Justice ou, implicitement, lorsque l'autorité incompétente saisie relève d'une autorité locale
décentralisée). La transmission était réputée faite dès le dépôt de la demande. Le silence gardé pendant un délai de
quatre mois faisait naître une décision implicite de rejet liant valablement le contentieux, puisque réputée prise par l'autorité
compétente (pour un ex. récent et intéressant, surtout parce que c'est un arrêt de cassation, V. CE 29 juill. 1998, Cts Delhon,
req. n o 177080 , Le bo n T 1076). La loi DCRA du n o 2000-321 du 12 avril 2000 (préc.) a étendu cette obligation de
transmission à toutes les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère
administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public
administratif (art. 1 er), dépassant ainsi ce qu'avait prévu le décret de 1983 (abrogé en 2006) ; elle a, également, réduit le
délai du silence à deux mois, et prévu qu'il court à compter de la réception de la demande par l'autorité compétente.
Actualité
25. Silence de l'Administration. Réforme. - Voir supra, Mise à jour, n o 20.
2 6 . Si la désignation du destinataire de la demande indemnitaire préalable a connu, avec la jurisprudence et l'appui du
pouvoir réglementaire, puis du pouvoir législatif, un assouplissement certain facilitant la tâche aux administrés, la
détermination des parties concernées n'est pas la seule exigence à laquelle doit répondre la réclamation indemnitaire pour, à
la fois, lier valablement le contentieux et ne pas porter préjudice au réclamant.
29. La demande doit être rédigée en français afin que son objet puisse être identifié (CE 10 juin 1991, Kerrain, req. n o 99608
, Lebon T 1107), et signée sans qu'il soit nécessaire de légaliser la signature. Le papier timbré n'est plus exigé depuis la
loi du 6 janvier 1948. La demande préalable n'est pas non plus soumise à des conditions de délai, sous réserve de la
prescription des créances sur l'administration.
3 2 . Cependant, la jurisprudence a atténué la rigueur de cette exigence en acceptant, sous certaines conditions, que la
demande préalable soit moins développée que le recours devant le juge, qu'elle se limite à demander une indemnisation sans
préciser le montant de la réparation demandée (CE 9 déc. 1949, Dame Geeverding, Lebon 543 ; 30 juill. 2003, AP-HP de
Bordeaux c/ M. Benoit, req. n o 244618 , Lebon T 899 ; V. infra, n os 149 et s.), ou que l'assignation de l'administration
devant un juge incompétent soit assimilée à une demande préalable (V. infra, n os 91 et s.).
33. Étant donné l'immutabilité liée, non pas à l'expiration du délai du recours, mais au contenu de la demande indemnitaire
préalable (V. infra, n os 136 et s.), il convient d'être particulièrement attentif à sa rédaction. En effet, il serait judicieux soit
d'adopter une formule assez générale ne visant pas un préjudice en particulier, soit de recenser tous les préjudices possibles,
quitte à les réduire, après, devant le juge. La demande d'intérêts étant accessoire, elle peut être faite pour la première fois
devant le juge (CE 9 déc. 1949, Dame Geeverding, Lebon 543 ; 30 juill. 2003, AP-HP de Paris c/ M. Benoit, req. n o 244618 ,
Lebon T 899). Il convient toutefois de noter que, même si la demande de paiement des intérêts peut être présentée pour
la première fois devant le juge (CE, sect., 28 nov. 1975, Ville de Douai, Lebon 603, concl. M.-E. Aubin), voire pour la première
fois dans une instance distincte et postérieure à la résolution du litige sur le principal (TA Grenoble, 11 juin 2004, Chatel, req.
n o 021178, AJDA 2005. 103, concl. P. Journé ), les intérêts moratoires courent au taux légal dès la demande indemnitaire
préalable, lorsqu'elle existe (pour un ex. récent : CE 19 déc. 2007, M. Tourancheau et autres, req. n o 289922 , RFDA
2008. 202), d'où un intérêt supplémentaire à présenter une telle demande et à généraliser cette règle.
35. Étant donné l'obligation qui pèse sur le requérant, dans une action en responsabilité, de recourir au ministère d'avocat, et
les conséquences qu'entraîne la demande préalable sur l'immutabilité de la demande en justice (V. infra, n os 136 et s.), il
serait souhaitable que l'aide d'un avocat soit sollicitée dès l'introduction de la demande indemnitaire préalable.
Chapitre 2 - Domaine
36. Non seulement la règle de la décision préalable et, partant, l'exigence d'une demande préalable, n'a pas disparu avec la
théorie du ministre juge mais, voyant son domaine s'élargir depuis la fin du XIXe siècle, elle a été érigée en règle de droit
commun en matière de contentieux administratif. Elle connaît toutefois des aménagements qui, loin de remettre en cause sa
généralité, finissent par la relativiser.
§ 1 - Demande principale
39. C'est, de loin, l'hypothèse la plus fréquente. La victime ne peut intenter un recours direct au risque de voir son action
rejetée pour irrecevabilité. Cette solution s'applique de manière constante, quelle que soit l'origine du dommage : un fait
matériel ou une illégalité. Dans ce dernier cas, il convient de ne pas confondre la décision illégale, ayant entraîné un préjudice,
et la décision provoquée par une demande préalable, seule la deuxième liant le contentieux, le requérant devant ainsi, et
avant toute saisine du juge, demander à l'administration de l'indemniser sur la base de l'illégalité commise (CE 6 juill. 1956,
Sieur Pierre-Alype, Lebon 305).
§ 2 - Demandes incidentes
4 0 . Les demandes incidentes tendent à élargir un élément de l'instance : soit les parties, soit l'objet de la demande
principale. Elles regroupent l'intervention, d'une part, les demandes additionnelles et reconventionnelles, d'autre part.
A. - Intervention
41. Acte par lequel un tiers se joint à une instance déjà engagée, l'intervention est généralement présentée comme étant
soumise à la règle de la décision préalable et revêt deux formes : elle peut être volontaire ou forcée (Rép. cont. adm.,
Vo Intervention).
1° - Intervention volontaire
4 2 . Il existe deux sortes d'interventions volontaires : les interventions accessoires, les plus usuelles, et les interventions
principales, exceptionnelles.
4 3 . L'intervention volontaire accessoire se contente d'appuyer la prétention de l'une des parties à l'instance sans rien
proposer. Étant, par définition, intimement liée à l'action principale, elle doit être soumise aux mêmes conditions de
recevabilité que cette dernière, notamment à la règle de la décision préalable. Une telle affirmation, courante chez la doctrine
moderne, semble, à la fois, artificielle et fausse. Ce n'est pas l'inexistence d'une demande préalable qui entraîne le rejet de
l'intervention, mais l'irrecevabilité de la demande principale. Les règles de recevabilité d'une telle intervention ne peuvent
découler que de son caractère d'intervention accessoire : elle doit reposer sur une demande principale recevable, émaner
d'une tierce personne à l'instance, et se contenter d'appuyer les prétentions de l'une ou l'autre des parties.
44. L'intervention volontaire principale, en revanche, soumet au juge une prétention propre à l'intervenant. Elle n'est admise
que depuis 1959 (CE, sect., 6 nov. 1959, Dame Pomar, Lebon 583, RD publ. 1960. 144, concl. Bernard), à condition de ne pas
présenter un caractère innovatoire. L'intervention principale innovatoire, quant à elle, n'est admise que si les conclusions
présentées par l'intervenant « tendent à ce que le tribunal adopte des décisions qu'il est en son pouvoir de prendre
indépendamment des conclusions des parties » (CE 8 mars 1961, Dlle Villatte, Lebon 159, AJDA 1961. 634). L'intervention
principale doit-elle être précédée d'une demande distincte auprès de l'administration ? Le silence de la jurisprudence ne
facilitant pas la réponse, on pourrait justifier l'exigence d'une nouvelle demande préalable par le fait que l'intervention
principale introduit des éléments sur lesquels le contentieux n'a pas été lié : l'identité de l'adversaire de l'administration. Cette
considération doit, toutefois, être relativisée. Lorsqu'il s'agit d'une intervention principale non innovatoire, les conclusions de
l'intervenant ne se confondent ni avec celles du demandeur, ni avec celles du défendeur, et n'introduisent, dans l'instance,
aucune prétention originale. Dans ce cas, une nouvelle demande préalable paraît superfétatoire. Quand il s'agit d'une
intervention principale innovatoire, le juge devant, indépendamment d'une telle intervention, prendre telle ou telle décision,
l'intervention ne modifie pas l'attente des parties à l'instance principale, une nouvelle demande auprès de l'administration
n'étant donc pas nécessaire.
2° - Intervention forcée
45. L'intervention forcée, ou mise en cause, permet à une des parties principales de demander au juge d'appeler à l'instance
une tierce personne afin « d'échapper aux prétentions de son adversaire et de faire reporter sur l'appelé en cause les
inconvénients de sa position » (J.-M. AUBY et R. DRAGO, Traité du contentieux administratif, t. 1, 1984, LGDJ, p. 980). Elle peut
revêtir trois formes : l'appel en cause (il émane du demandeur et tend à condamner une tierce personne en même temps ou à
la place du défendeur), l'appel en garantie (émane du défendeur contre un tiers tenu de le garantir des condamnations dont il
peut faire l'objet), et l'appel en déclaration de jugement commun (il peut émaner du demandeur ou du défendeur à l'égard de
toute personne qui pourrait subir un préjudice du fait du jugement).
46. L'exigence d'une réclamation indemnitaire préalable, pour l'appel en déclaration de jugement commun, est sans intérêt,
une telle intervention n'étant pas agressive, et n'est pas de mise si le tiers appelé est une personne privée. En revanche,
s'agissant de l'appel en cause et de l'appel en garantie, la jurisprudence, même si elle est peu fournie sur ce point (CAA Paris,
6 juin 1996, Épx Dreyfus et CPAM de Vaucluse, req. n os 95PA02911 et 95PA030079, Lebon T 1067), permet d'affirmer que
l'absence de décision préalable rendrait le recours irrecevable. En pratique, des observations au fond présentées par la
personne publique appelée à intervenir suffisent pour lier le contentieux (CE 5 nov. 1924, Épx Daimaut, Lebon 855 ; 6 août
1925, Dame Chanssard et autres, Lebon 811 ; 29 nov. 1946, Valleux, Lebon 444 ; 12 févr. 1959, Ville de Roubaix, Lebon 811).
Il semble pourtant plus conforme à la logique de la demande préalable de ne l'exiger que pour l'appel en cause, le garant
(évidemment pour les cas où il s'agit d'une personne publique) sachant qu'il est tenu, en vertu de la loi ou de stipulations
contractuelles, de couvrir l'administration poursuivie.
47. Il semble donc nécessaire de rectifier le domaine de la demande préalable, afin qu'il corresponde à la finalité qu'on veut lui
assigner, à savoir la prévention des conflits.
49. Ainsi, l'exigence, pour les actions en responsabilité administrative, d'une réclamation indemnitaire préalable, tant pour les
demandes principales que pour les demandes incidentes, est, nonobstant ses côtés pratiques, loin de paraître uniformément
fondée et devoir être aussi largement maintenue.
52. Quand la juridiction ministérielle fut condamnée, ce système demeura en place à la seule différence que, désormais, la
décision préalable attaquable devant le Conseil d'État n'était plus qu'une simple décision administrative. Des textes
étendaient, parfois, cette règle à certains recours portés devant les conseils de préfecture. C'est le cas du décret du
8 septembre 1934 sur les conseils de préfecture (JO 10 sept.) pris en application du décret-loi du 5 mai 1934, et qui
transférait aux conseils de préfecture la connaissance, en premier ressort, des litiges d'ordre individuel concernant les
fonctionnaires des départements, communes et établissements publics, ainsi que les litiges relatifs à la responsabilité
contractuelle et extra contractuelle de ces personnes publiques. Toutefois, si le décret du 8 septembre 1934 a prévu la
nécessité d'une décision administrative préalable pour la première catégorie de litiges cités, les litiges relatifs à la
responsabilité tant contractuelle qu'extra contractuelle avaient expressément été laissés en dehors du champ d'application de
cette règle.
5 3 . En 1953, les tribunaux administratifs furent créés et considérés comme les juges de droit commun du contentieux
administratif. Pour lutter contre l'afflux des recours qui ne tarderait pas à les envahir, l'article 3 du décret n o 53-934 du
30 septembre 1953 portant réforme du contentieux administratif (JO 1 er oct.) vint affirmer que « sauf en matière de travaux
publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision ». Ce texte a inversé la
donne ; la règle de la décision préalable, qui était le principe devant le Conseil d'État et l'exception devant les conseils de
préfecture, était désormais « exigée de manière générale sous quelques réserves d'exceptions limitatives » (H. BONNEAU, La
règle de la décision préalable devant les nouveaux tribunaux administratifs, D. 1955. Chron. 11). L'affirmation de H. BONNEAU
ne revêtira toute son importance qu'à partir de 1956.
55. Désormais, avec l'unification de la procédure administrative contentieuse, un justiciable ne peut saisir directement le juge
administratif, et cela quelle que soit la juridiction devant laquelle il porte son recours. À partir du moment où l'on admet
l'importance pratique de la demande préalable, rien ne justifie, en effet, qu'elle demeure cantonnée à la saisine du seul
Conseil d'État.
Section 2 - Aménagements
56. L'exigence de saisir l'administration d'une réclamation indemnitaire préalable avant toute saisine du juge connaît deux
sortes d'aménagements : certains l'écartent complètement, ce sont les exceptions à la règle de la demande préalable ;
d'autres permettent de contourner sa rigidité, ce sont les atténuations jurisprudentielles.
Art. 1 - Exceptions
5 7 . Les exceptions écartant l'exigence d'une réclamation indemnitaire préalable à tout recours contentieux peuvent être
regroupées en deux catégories : les exceptions textuelles et les exceptions logiques.
§ 1 - Exceptions textuelles
58. Il s'agit, d'une part, de certains référés (Rép. cont. adm., Vis Référés et Urgence), et d'autre part, des recours en matière
de dommages de travaux publics (Vo Travaux publics).
A. - Référés
59. Deux questions se posent : quels sont les référés exemptés de la règle de la demande préalable, et comment justifier
une telle exception ? Seuls seront examinés les référés pouvant intéresser des cas de responsabilité administrative
extracontractuelle. Il s'agit, tout d'abord, de certains référés pour lesquels une exception textuelle claire existe, à savoir le
référé-instruction, le référé-constat et le référé permettant le prononcé de mesures d'urgence. Il s'agit, ensuite, d'un référé
dont l'exemption pose un problème non encore tranché, à savoir le référé-provision.
6 1 . Que ces référés soient exemptés de la règle de la décision préalable et, partant, de toute réclamation préalable au
recours, découle de leur nature même ; l'urgence guidant certains référés nécessite une prise rapide d'une décision par le
juge, afin que certains éléments de nature à engager la responsabilité de l'administration ne disparaissent pas. De manière
générale, cette dispense est une traduction du principe d'allègement procédural que le législateur a voulu introduire, en
matière de référés, avec la loi n o 2000-597 du 30 juin 2000 (préc. supra, n o 2). De plus, en dehors de toute urgence, et
conformément au nouveau fondement reconnu à la règle de la décision préalable (prévention des litiges), on remarque que le
référé-constat est une mesure préventive demandée en vue d'un éventuel litige, et que le référé-instruction concerne la
preuve dans un litige déjà né. Dans le premier cas, la réclamation indemnitaire préalable n'est pas nécessaire, alors que dans
le second, elle n'est plus utile, le litige étant déjà cristallisé.
63. La doctrine semble hésiter entre lier la recevabilité d'une demande de référé-provision à une réclamation préalable (en ce
sens, V. J. BARTHÉLÉMY, RFDA 2002. 276 : « Les textes sont muets, en revanche, en ce qui concerne le référé-provision, ce
qui incite à penser qu'il reste nécessaire d'adresser une demande préalable de provision à l'administration »), et estimer que
le référé-provision doit nécessairement être exempté d'une telle exigence (en ce sens : J.-L. REY, concl. sur l'arrêt CAA
Bordeaux, 18 nov. 2003, Cts Ribot, req. n o 03BX00935, RFDA 2004. 93, chron. J.-L. Rey ; V. égal. R. CHAPUS, Droit du
contentieux administratif, 13 e éd., 2008, Montchrestien, p. 1364).
64. La question s'est en réalité posée depuis que la réforme des référés a dissocié le référé-provision et la demande au fond,
la provision pouvant, désormais, être demandée indépendamment de toute action au fond. Il est clair que les dispositions
textuelles ne militent pas en faveur de l'exemption du référé-provision de l'exigence de demande préalable, mais il est tout
aussi évident qu'exiger la saisine préalable de l'administration alourdirait subséquemment la procédure du référé-provision et
neutraliserait l'esprit de la loi n o 2000-597 du 30 juin 2000 (préc. supra, n o 2), qui tend à alléger la procédure en la matière. Si
le Conseil d'État n'a pas encore tranché la question, la cour administrative d'appel de Bordeaux a eu l'occasion de statuer en
la matière et, suivant en cela les conclusions de son commissaire du gouvernement M. REY, elle affirme clairement que « l'objet
du référé-provision organisé par cet article qui […] a supprimé l'exigence d'une demande au fond, est de permettre le
versement rapide d'une provision, assortie le cas échéant d'une garantie […] qu'il en résulte que la demande de provision
peut être introduite avant toute décision administrative et donc, sauf dans les cas où il existe une obligation spécifique de
recours ou de réclamation préalable auprès de l'administration, sans même avoir formé une demande susceptible de faire
naître une telle décision ; qu'une telle obligation n'existant pas en l'espèce, les consorts Ribot sont dès lors fondés à soutenir
que c'est à tort que le juge des référés […] a rejeté leur demande de provision au motif que, le centre hospitalier universitaire
de Pointe-à-Pitre n'ayant pas été saisi d'une demande préalable, l'existence de l'obligation dont ils se prévalent ne peut être
regardée comme n'étant pas sérieusement contestable ».
65. Actuellement, le droit positif semble se présenter comme suit : le référé-provision est dispensé de décision préalable sauf
s'il existe une procédure spécifique de réclamation préalable imposée et aménagée de manière à éviter tout ralentissement
de la procédure (CE, sect., 10 juill. 2002, SARL Grey Diffusion, req. n o 244411 , Lebon 271 : référé-provision en matière
de remboursement d'un crédit de TVA). Un arrêt du 16 novembre 2005 (MM. J.-P. et B. A., req. n o 262360, inédit) a
expressément écarté l'exigence d'une demande préalable à un référé-provision, mais en se basant sur le fait que ladite
demande de provision a le caractère d'une demande présentée en matière de travaux publics. Est-ce affirmer, a contrario,
qu'une demande préalable aurait été nécessaire pour lier le contentieux si le référé-provision portait sur un autre contentieux
que celui des dommages de travaux publics ?
6 6 . En attendant une position tranchée du Conseil d'État sur la question, il semble opportun de s'interroger sur les
conséquences que pourrait avoir, sur l'action au fond, la demande de référé-provision non précédée d'une réclamation
indemnitaire préalable. En fait, rien ne s'oppose à l'introduction d'une demande au fond, postérieurement à un référé-
provision, à condition, en l'état actuel de la jurisprudence, de saisir l'administration préalablement à la saisine du juge du
fond. Or, dans un pareil cas, et étant donné le référé-provision introduit précédemment, l'administration n'est pas surprise par
une action au fond, et le litige n'est pas résolu pour autant. Il y aurait, ainsi, contradiction entre le régime du référé-provision
et la règle de la demande préalable. Plusieurs solutions sont possibles pour assurer une cohésion entre les règles de
procédure contentieuse : soit étendre la décision préalable au référé-provision, ce qui risque de l'alourdir, soit laisser les
choses en l'état en estimant que demeure une dernière fonction à la demande préalable, à savoir son rôle vis-à-vis du juge
(fixation du cadre du litige), ce que ne couvre pas nécessairement une demande de référé-provision, soit supprimer l'exigence
de demande préalable à chaque fois qu'antérieurement à l'action au fond, une demande de provision a été introduite, cette
dernière solution paraissant la plus adéquate et pouvant s'inspirer de la jurisprudence sur la liaison du contentieux par
saisine d'une juridiction incompétente (V. infra, n os 91 et s.). Il est tout de même peu logique qu'une telle saisine puisse
régulariser le défaut de demande préalable, et qu'une demande de référé-provision devant le juge compétent ne puisse pas
emporter les mêmes effets.
68. Elle est généralement justifiée par référence, d'une part, à l'histoire et, d'autre part, à la nature des personnes que ce
contentieux oppose. En effet, le contentieux des travaux publics relevait, depuis l'an VIII, de la compétence des conseils de
préfecture devant lesquels la décision préalable n'était pas exigée. Cette exception se justifiait, alors, par le fait que le
secrétaire général de la préfecture, adjoint du préfet, présidant le conseil, l'administration était mise au courant des
dommages causés et des actions qui seraient intentées. D'un autre côté, s'ajoute à l'explication historique le fait que les
litiges de travaux publics mettent en présence deux personnes privées non concernées par le privilège que la règle de la
décision préalable reconnaît à l'administration.
69. Alors que le Conseil d'État, dans son rapport intitulé « Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage en
matière administrative » (Documentation française, 1993, coll. Les études du Conseil d'État), s'était prononcé en faveur de la
suppression de cette exception, la réclamation indemnitaire préalable permettant de prévenir les litiges et répondant à
l'article 13 de la loi n o 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif (JO 1 er janv. 1988, art. 13 :
« Des décrets en Conseil d'État déterminent dans quelles conditions les litiges contractuels concernant l'État, les collectivités
territoriales et leurs établissements publics, ainsi que les actions mettant en jeu leur responsabilité extracontractuelle sont
soumis, avant toute instance arbitrale ou contentieuse, à une procédure préalable soit de recours administratif, soit de
conciliation »), cette exception a été maintenue et utilisée dans toute son étendue.
70. C'est ainsi que la jurisprudence applique cette exception, non seulement à chaque fois que le demandeur dans une action
en responsabilité a été victime d'un dommage de travaux publics, mais également à tous les cas entretenant un lien avec la
notion de travaux publics. Ont, de la sorte, été dispensées de toute réclamation indemnitaire préalable et de toute décision
préalable : une demande d'indemnité pour faute de service à l'occasion du règlement d'un marché de travaux publics (CE
12 avr. 1957, Sté Orsini Lasartigues, Lebon 264) ; une action intentée suite à l'incendie d'un atelier des Ponts et Chaussées
(CE 4 oct. 1957, Min. Travaux publics c/ Beaufils, Lebon 510, concl. Jouvin) ; un recours formé par un candidat irrégulièrement
évincé d'un marché de travaux publics (CE 8 janv. 1960, Cournu, Lebon 19 ; 3 juill. 1968, Sieur Lavigne, AJDA 1969. 257, concl.
Braibant). Ténu, le lien avec les travaux publics ne doit pas, pour autant, être artificiel, auquel cas l'exigence d'une demande
préalable renaîtrait. Ont été, ainsi, assujettis à l'exigence d'une demande préalable l'action introduite par un requérant qui
poursuit la responsabilité de l'État du fait d'une circulaire ministérielle relative à la rémunération des fonctionnaires de
l'équipement (CE 27 oct. 1971, Blasini, Lebon 639), et le recours tendant à faire déclarer l'État responsable des conséquences
de la faute de service commise par le directeur départemental de l'équipement, en communiquant à un maire la teneur d'un
avis relatif à la construction d'un ensemble d'habitations (CE 29 janv. 1957, Sté Domaine du Bourian et d'études immobilières
R. Chapelle, Lebon 67).
71. L'étendue de cette exception n'est pas le seul point qui mérite d'être signalé dans une étude sur la demande préalable. Il
faut, également, en mesurer la portée sur d'autres règles de recevabilité de l'action en responsabilité. L'hypothèse à
examiner est la suivante : nonobstant la clarté de l'exception, une demande préalable a quand même été introduite avant la
saisine d'un juge, et l'administration a rejeté expressément la demande d'indemnité. Quels seraient alors les effets de la
demande préalable sur l'action en justice ? Emporterait-elle les mêmes conséquences sur sa recevabilité et son étendue que
lorsque l'action en responsabilité est soumise à une réclamation indemnitaire préalable ? (V. infra, n os 120 et s.). La décision
préalable provoquée par une réclamation auprès de l'administration, dans le contentieux des dommages de travaux publics,
est sans effet tant sur le délai du recours que sur la détermination du juge administratif territorialement compétent. De plus,
la demande préalable introduite, à tort, avant la saisine du juge n'influence ni la cause, ni l'objet de l'action devant le juge.
72. S'agissant, tout d'abord, du délai, l'action en responsabilité pour dommages causés par des travaux publics n'est soumise
qu'au délai de prescription quadriennale. Elle ne connaît pas de délai de forclusion, même si elle a été précédée d'une
demande préalable et même si l'administration a rejeté expressément ladite demande (un rejet implicite ne déclenchant pas
le délai en matière de plein contentieux). L'exception prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative a, en
réalité, été très largement interprétée par le juge. En effet, l'article précité aurait pu être compris comme excluant le délai
uniquement pour les cas où une décision n'a pas été déclenchée. En revanche, si une telle décision a été provoquée, le délai
du recours contentieux devrait être opposable au requérant. Ce n'est, toutefois, pas l'explication retenue, ce qui conduit à un
illogisme. Si la victime d'un travail public ou d'un ouvrage public a réclamé, préalablement à son recours, une indemnité à
l'administration responsable, et si l'administration a rejeté, par une décision expresse, sa demande, l'interprétation donnée
de l'article R. 421-1 veut que cette décision n'ait pas d'incidences sur le délai du recours, de telle sorte que le recours intenté
par l'administré concerné sera déclaré recevable, même s'il a été présenté après l'écoulement des deux mois suivant la
notification de la décision de rejet (CE 20 nov. 1959, Cne de Montaigut-en-Combrailles, Lebon T 1061 ; 28 févr. 1964,
Min. Armées c/ Kankow sky, Lebon 154 ; sect., 6 févr. 1970, Préfet de police c/ sieur Kerguélen, Lebon 87, concl. Bertrand ;
ass., 16 oct. 1970, Trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine et receveur municipal de Rueil-Malmaison, Lebon 584 ; sect.,
13 nov. 1981, Plunian, Lebon 413).
73. S'agissant, ensuite, de la détermination du juge administratif territorialement compétent (Rép. cont. adm., Vo Compétence
administrative, répartition des compétences à l'intérieur de la juridiction administrative ; V. égal. Ch. DESFORGES, La
compétence juridictionnelle du Conseil d'État et des tribunaux administratifs, 1961, LGDJ), la compétence territoriale, en
matière d'action en responsabilité extracontractuelle, dépend principalement de l'article R. 312-14 du code de justice
administrative et, accessoirement, des articles R. 312-1 et R. 311-1 du même code. Lorsque les critères de l'article R. 312-14
ne s'appliquent plus, la décision déclenchée par la réclamation indemnitaire préalable joue un rôle déterminant dans la
désignation du juge compétent en premier ressort, sauf pour les actions en réparation de dommages de travaux publics. Pour
ces dernières, et si le fait générateur ne se situe dans le ressort d'aucun tribunal administratif, la compétence de premier
ressort appartient au Conseil d'État, sans qu'il n'y ait lieu à s'attarder sur l'existence d'une décision déclenchée à tort (CE
28 févr. 1964, préc. ; 8 janv. 1960, Cornu, Lebon 19 ; 17 nov. 1965, Sté Neptune Transport und Schiffarth, RD publ.
1965. 1024 ; 3 juill. 1968, Sieur Lavigne, AJDA 1969. 257, concl. Braibant ; sect., 4 déc. 1970, Starr, Lebon 734 ; CE 1 er déc.
1971, Vve Benoist, Lebon 732). Le Conseil d'État a pourtant reconnu, en 1993 (23 juill. 1993, Le Scouarnec, req. n o 143562
, Lebon T 687), la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l'autorité qui a pris la décision,
appliquant ainsi l'article R. 46 ! (CJA, actuel art. R. 312-1).
74. S'agissant, enfin, de la cause et de l'objet de l'action en justice, les moyens invoqués à l'appui d'une demande préalable
introduite, à tort, dans le cadre d'un dommage de travaux publics, restent sans effet sur les moyens invoqués dans la requête
introductive d'instance (CE 18 janv. 1963, W ierel, Lebon 28 ; 6 févr. 1970, préc. ; 17 févr. 1971, Cie d'assurances La
Nationale, Lebon 134 ; sect., 22 oct. 1976, Sté Cie française Thomson-Brandt, Lebon 437 ; 13 nov. 1981, préc.), et rien ne
s'oppose à la modification, devant le juge, du chiffrage du préjudice (TA Rennes, 10 févr. 2005, Épx Alves, req. n o 012976,
AJDA 2005. 1143 ).
A. - Première exception
76. Il convient, tout d'abord, de préciser le cadre de cette exception. Elle ne couvre pas les cas de travaux publics ; échappant
de toute manière à l'exigence d'une demande préalable, elle concerne les cas où l'administration, ne pouvant pas user de la
décision exécutoire, est obligée de passer devant le juge pour imposer une prétention à un particulier, et enfin, elle intéresse
des hypothèses qui relèvent de la compétence du juge administratif. Très rare, cette hypothèse, ainsi délimitée, trouve son
terrain d'application en matière d'occupation du domaine public (CE 20 juin 1958, SNCF, Lebon 367), mais l'exception ne
s'applique plus, et une réclamation indemnitaire préalable est de nouveau exigée à chaque fois que le recours en indemnité
oppose deux personnes publiques (CE 1 er juin 1984, Cne de Vieux-Boucau, Lebon 195), ou une personne publique à une
personne privée gérant un service public administratif (CE 27 juill. 1984, Hass Derek et Assoc. Club des sports de Villard-de-
Lans, D. 1985. IR. 141, obs. J.-F. Lachaume ; 28 sept. 1984, Sté civ. d'études et de réalisations touristiques et immobilières de
Villefranche-sur-Mer, RD publ. 1985. 1403, obs. Y. Gaudemet).
77. Cette exception est commandée par la logique qui sous-tend la nécessité d'une demande préalable. En effet, à partir du
moment où c'est l'administration qui initie le débat, elle n'a pas à prendre position avant d'être traduite en justice. En
parallèle, la demande préalable reprend toute son utilité lorsque la personne poursuivie est une autre personne publique ou
lorsque l'intérêt en jeu n'est autre que l'intérêt général (cas d'une action intentée par une personne publique contre une
personne privée gérant un service public).
B. - Deuxième exception
78. Il s'agit des litiges opposant, devant le juge administratif, deux personnes privées. Illustrant cette exception, P. MINDU
précise que c'est le cas lorsqu'un dommage est causé à un administré par un entrepreneur de travaux publics, et que la
victime, disposant de la faculté de poursuivre soit l'administration, soit l'entrepreneur, décide d'intenter une action contre ce
dernier (CE 18 janv. 1911, Ville de Denain, Lebon 44). En réalité, cette exception est moins une exception commandée par la
logique qu'une exception textuelle dictée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, puisque se rattachant aux
dommages de travaux publics, quel que soit, par ailleurs, l'auteur du dommage.
81. Dans le premier cas, l'action est recevable si la décision, expresse (CE 22 juill. 1938, Lambert, Lebon 718 ; 30 nov. 1938,
Dame Leroy, Lebon 89) ou implicite (CE 27 déc. 1911, Pamart, Lebon 1240, concl. Pichat ; 14 nov. 1957, Drevet, Lebon 604 ;
20 nov. 1964, Angelini, Lebon 570 ; 2 avr. 1971, Cne de Condé-sur-l'Escaut, Lebon 275 ; 22 déc. 1972, Brisson, Lebon 828 ;
30 nov. 1979, Min. Justice c/ Levrey, Lebon 831), intervient avant que le juge n'ait statué (CE 25 avr. 2003, SA Clinique les
Chataîgniers, req. n o 238683 , Le bon T 899). Cette atténuation jurisprudentielle concerne non pas la réclamation
indemnitaire préalable, qui existe, mais la décision qu'elle provoque.
82. La deuxième hypothèse de requête prématurée est plus intéressante ; elle concerne le requérant qui, postérieurement à
l'enregistrement de la requête introductive d'instance, saisit l'administration d'une demande indemnitaire. Le Conseil d'État a
estimé qu'aucune fin de non-recevoir ne peut lui être opposée « si postérieurement à l'enregistrement de la demande, il a
saisi l'administration d'une réclamation, le silence gardé par celle-ci pendant plus de quatre mois [deux mois depuis la loi du
12 avr. 2000] faisant naître une décision implicite de rejet contre laquelle les conclusions de la requête doivent être regardées
comme dirigées ». Un courant semble se dessiner auprès de certains commissaires du gouvernement, et qui conduirait à
rejeter la requête si la demande indemnitaire est introduite en cours d'instance (CAA Douai, 11 juill. 2002, Centre hospitalier
de Creil c/ Mme X, req. n os 01DA00031, 01DA00268 et 01DA00352, LPA 2 juill. 2003, p. 10, concl. J. Michel). Dans ses
conclusions sur l'arrêt Centre hospitalier de Creil c/ Mme X, J. MICHEL mettait l'accent sur la nécessité d'introduire la demande
avant la saisine du juge. La cour administrative d'appel de Douai, éludant cette question, a préféré s'attarder sur le fait que
l'administration a défendu à titre principal.
83. Toujours est-il que la jurisprudence acceptait la liaison du contentieux à la double condition que la décision intervienne
avant que le juge n'ait statué (CE 8 juill. 1970, Andry, Lebon 470), et que l'administration n'ait invoqué aucune fin de non-
recevoir à titre principal. Si la première condition est toujours de rigueur, la seconde semble abandonnée. En effet, et alors
que l'arrêt Association Club athlétique Mantes-la-Ville (CE, sect., 13 juin 1984, Lebon 218) précisait clairement que
l'irrecevabilité pour défaut de décision préalable ne peut être « couverte en cours d'instance, dès lors qu'elle est
expressément opposée » par l'administration, un arrêt du Conseil d'État du 20 février 2002 (Pfirrmann, req. n o 217057 ,
Lebon T 841) jugea que lorsqu'une décision implicite naît pendant l'instance et que le requérant présente des conclusions
contre cette décision dans un mémoire complémentaire, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne
peut lui être opposée. Un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 mai 2005 (Chevrier-Bailly, req.
n o 04VE03094, JCP A 2006, p. 214, note J. Grand d'Esnon), tout en confirmant la nécessité de présenter des conclusions
additionnelles contre la décision implicite née en cours d'instance, admet que la réclamation indemnitaire puisse être
introduite postérieurement à la fin de non-recevoir opposée par l'administration.
84. Le Conseil d'État, quant à lui, considère depuis avril 2008 que les conclusions additionnelles ne sont pas nécessaires. En
effet, dans un arrêt Établissement français du sang, la Haute juridiction estima qu'aucune « fin de non-recevoir tirée du défaut
de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux
indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé,
postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence
gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles
que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration… », et que la cour d'appel a pu déduire du silence-rejet
« sans erreur de droit ni dénaturation, alors même qu'elle a relevé dans son arrêt de manière surabondante l'existence de
conclusions additionnelles […] qu'aucune fin de non-recevoir, tirée du défaut de décision préalable, ne pouvait être opposée
aux conclusions de la demande de première instance » (CE 11 avr. 2008, Établissement français du sang, req. n o 281374 ,
AJDA 2008. 783, obs. E. Royer , AJDA 2008. 1215, note G. Clamour ; X. POTTIER, L'acceptation de l'instance par
l'administration : un Lazare doctrinal définitivement mort ?, AJDA 2008. 1696 ).
Actualité
84. Précisions sur les possibilités de régularisation du défaut de décision préalable indemnitaire. - Lorsqu'une demande préalable
n'a été adressée à l'administration que postérieurement à l'introduction du recours indemnitaire, le juge peut opposer une fin
de non-recevoir sans attendre la naissance d'une décision implicite ou explicite avant de statuer (CE 4 déc. 2013, Meliane,
req. n o 354386 , AJDA 2013. 2467, obs. Biget ).
§ 2 - Entorse à l'exigence mêmed'une réclamation indemnitaire préalable
85. L'hypothèse est celle de la saisine du juge sans aucune saisine, préalable ou postérieure, de l'administration. Il y a donc
absence de réclamation et de décision préalables. La jurisprudence estime, tout de même, que le contentieux sera lié soit par
une défense au fond devant le juge compétent, soit par la saisine d'une juridiction incompétente.
A. - Défense de l'administration
86. Il convient de distinguer selon que l'administration défend au fond à titre principal ou à titre subsidiaire.
87. Si elle défend au fond à titre principal, le défaut de réclamation indemnitaire préalable est couvert, et le contentieux est lié
(CE 12 févr. 1870, Parrat, Lebon 87 ; 25 mars 1936, Toussaint, Lebon 376 ; 11 mai 1937, Guiader, Lebon 1335 ; 26 janv.
1940, Dpt de l'Eure c/ Dlle d'Orval, Lebon 30 ; 14 sept. 1945, Cts Vaas, Lebon 194 ; 3 nov. 1950, Guidicelli, Lebon 534 ;
23 avr. 1965, Dame Vve Ducroux, Lebon 231 ; 6 oct. 1971, Boussange, Lebon T 1142 ; 23 oct. 1985, Secr. d'État à la mer c/
Salaun, RD publ. 1986. 934 ; 22 janv. 1986, Dormoy, D. 1986. IR. 464, obs. F. Moderne et P. Bon ; CAA Lyon, 22 mars 1993,
Ville du Cannet et Mme Ballarini, req. n os 91LY00894 et 91LY01021, Le bo n T 938 ; 23 juill. 1993, Cne de Hatten, req.
n o 105098 , inédit ; CE 25 juin 2008, Caisse primaire d'assurance-maladie de Dunkerque, req. n o 235887 , AJDA
2008. 1727, concl. J.-Ph. Thiellay , RFDA 2008. 855). La solution est identique même si, après avoir défendu au fond, elle
invoque, à titre subsidiaire, l'irrecevabilité pour défaut de décision préalable (CE 23 avr. 1965 et 23 oct. 1985, préc.). La liaison
n'est toutefois assurée que si les conclusions au fond ont été présentées par l'autorité compétente (CE 23 oct. 1998,
Crasnier, req. n o 181049 , Lebon T 1077).
88. En revanche, lorsque les conclusions de l'administration au fond n'existent pas (CE 29 janv. 1975, Sieur Fruitier André,
Lebon T 1188 ; 13 nov. 1981, Garde des Sceaux et min. Santé c/ Sté Le Foyer, RD publ. 1982. 846 ; 14 déc. 1983, Stempel,
Lebon T 81 ; 12 juin 1992, Mme Bartholy, req. n o 45641 , RD publ. 1993. 265) ou ne sont présentées qu'à titre subsidiaire,
la requête est rejetée quelle que soit, par ailleurs, la fin de non-recevoir opposée à titre principal (CE 8 févr. 1957, Dame
Lieber, Lebon 98 ; 17 avr. 1959, Cne mixte d'Aïn M'Lila, Lebon T 1056 ; 4 mars 1991, Sabatier, req. n o 106645 , RD publ.
1991. 1459 ; 4 nov. 1992, Mme Fessin, req. n o 81846 , inédit).
89. Cette solution n'a pas toujours été aussi catégorique. Après avoir implicitement estimé qu'une fin de non-recevoir, quelle
qu'elle soit, soulevée à titre principal s'oppose à la liaison du contentieux (CE 7 oct. 1981, Combe, Lebon 356), le Conseil
d'État (18 janv. 1985, Ville d'Aix-en-Provence, Lebon T 722) estima que le vice affectant la requête était couvert par les
observations au fond, même présentées à titre subsidiaire, « dès lors que la fin de non-recevoir opposée à titre principal
repose sur une autre cause que le défaut de décision préalable ». Cette controverse fut finalement tranchée par l'arrêt Quille
du 21 février 1997 (req. n o 86678 , Lebon 57), qui précisa que dès lors qu'une fin de non-recevoir est soulevée à titre
principal, quelle qu'elle soit, le contentieux n'est pas lié.
90. La jurisprudence Quille a toutefois été fortement limitée par l'arrêt Établissement français du sang (préc.) puisqu'elle ne
continuera à jouer que dans certains cas : si le demandeur ne saisit pas l'administration postérieurement à la requête
introductive d'instance et, s'il la saisit, lorsque le juge statue avant la survenance de la décision implicite.
9 2 . Favorable au requérant qui n'a pas saisi l'administration d'une réclamation indemnitaire préalable, cette jurisprudence
étonne tout de même lorsqu'on sait que les conclusions de l'administration, soulevées à titre subsidiaire devant le juge
compétent, ne suffisent pas à masquer le défaut de la demande indemnitaire et, partant, de la décision préalable.
Chapitre 3 - Implications
93. S'il est certain, d'une part, que le délai du recours juridictionnel ne naît qu'après une décision expresse et, d'autre part,
que le recours juridictionnel ne commence qu'après la saisine du juge, la demande préalable influence, tout de même, tant les
délais que la demande en justice.
9 6 . La demande indemnitaire préalable est une cause d'interruption tant de la prescription quadriennale que de la
prescription décennale. L'interruption, contrairement à la suspension qui se contente de mettre entre parenthèses une
période du délai, annule la partie du délai déjà écoulée et fait courir un nouveau délai entier (Rép. cont. adm., Vo Prescription
quadriennale).
A. - Conditions
98. Introduite durant le délai de la prescription, la réclamation doit être écrite. Elle se présente généralement, et pour des
commodités de preuve, sous forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception. La loi DCRA n o 2000-321 du 12 avril
2000 impose aux autorités administratives (à savoir, d'après l'art. 18 de la loi DCRA, les administrations de l'État, les
collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres
organismes chargés de la gestion d'un service public administratif) l'obligation de délivrer un accusé de réception de toute
demande dont elles sont saisies, facilitant ainsi la preuve de la réclamation interruptive.
9 9 . La réclamation doit être présentée par « un créancier ». La jurisprudence précédant la loi de 1968 exigeait que la
demande soit introduite par le créancier lui-même (CE 27 déc. 1889, Gabriel Barthe c/ min. Guerre, Lebon 1220), par un ayant
cause (CE 19 mars 1948, Debat-Ponsan, Lebon 134 : dette de règlement d'honoraires ; 20 janv. 1988, Dpt du Val-de-Marne,
RD publ. 1988. 913), ou par un mandataire (CE 2 déc. 1966, Sté France-Reconstruction, Lebon 635). La loi n o 68-1250 du
31 décembre 1968 a-t-elle codifié cette jurisprudence dans son intégralité ? Si son texte, visant la demande adressée par
« un créancier » et non par « le créancier », militerait dans ce sens, on ne peut, pour autant, trancher définitivement, l'alinéa
visé, contrairement à l'alinéa 3 qui le suit (relatif au recours devant une juridiction), ne précisant pas « quel que soit l'auteur
de la demande » (contra : Rép. cont. adm., Vo Prescription quadriennale). De manière générale, un mandat serait normalement
exigé si l'auteur de la réclamation n'est pas le créancier direct de l'administration.
100. La demande doit avoir « trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ». Il doit donc
s'agir d'une véritable réclamation, de simples démarches ne suffisant pas (CE 23 avr. 1965, Dame Duhême, Lebon 235). Elle
doit porter sur la même cause juridique que la créance, être assortie des pièces justificatives nécessaires à l'établissement du
préjudice et de son imputabilité à l'administration saisie. Le doyen AUBY et M. DRAGO (in Traité des recours en matière
administrative, 1992, Litec, p. 614) estiment, quant à eux, que la jurisprudence sur le contenu de la réclamation interruptive
n'est plus de mise, la loi de 1968 prenant en considération toute demande ou réclamation écrite. Il ne semble pas, pour
autant, que ce soit ainsi qu'il faille comprendre la loi de 1968. En effet, il convient de ne pas confondre la demande tendant au
paiement d'une indemnité, qui doit être chiffrée ou à défaut chiffrable (CE 7 oct. 1974, Cambon, Lebon T 921, une réclamation
d'un agent public relative à son traitement interrompt le délai même si elle n'est pas chiffrée, du moment que cette
détermination est faite par un texte dont l'administration est nécessairement au courant du contenu), et celle qui porterait sur
« le fait générateur » ou « l'existence » de la créance (ex. : CE 28 sept. 1984, M. et Mme Faucheux, RD publ. 1985. 1405), et
qui concerne, ainsi, un autre objet que son montant. En d'autres termes, la loi de 1968 n'a pas apporté des exceptions aux
demandes de paiement qui continuent à devoir être chiffrées ou chiffrables ; elle leur a ajouté d'autres réclamations
interruptives.
101. La réclamation interrompt le délai de la prescription quadriennale même si « l'administration saisie n'est pas celle qui
aura finalement la charge du règlement ». Sur ce plan, la loi de 1968 a assoupli la jurisprudence, sévère, prévalant avant son
entrée en vigueur, et qui exigeait la saisine de l'autorité débitrice (CE 2 mai 1959, Épx Vicens, Lebon 275 ; 12 oct. 1960, Cne
de Pertuis, Lebon T 955) et de l'ordonnateur compétent (CE 17 juill. 1953, Pholien, Lebon 381). Elle est confortée par
l'obligation de transmission instituée par le décret n o 83-1025 du 28 novembre 1983, reprise et généralisée par la loi DCRA
n o 2000-321 du 12 avril 2000.
1 0 2 . Ainsi décrite, la réclamation interrompant le délai de la prescription quadriennale se confond-elle avec la demande
indemnitaire préalable ?
104. Il serait ainsi intéressant, d'une part, afin de limiter les recours préalables auprès de l'administration, que l'administré,
auteur d'une demande indemnitaire préalable, respecte les conditions exigées par la loi du 31 décembre 1968, et d'autre part,
que l'exception des travaux publics en matière de demande préalable soit abandonnée, puisque - alors qu'elle ne produit
aucun effet sur le délai du recours contentieux - elle interrompt, tout de même, le délai de la prescription quadriennale. De
manière générale, une étude globale sur les demandes préalables doit être entreprise afin d'uniformiser et de clarifier leur
régime.
106. La loi du 4 mars 2002 n'ayant pas établi de régime exhaustif et ne prévoyant pas les causes interruptives de la nouvelle
prescription instituée, cette dernière sera soumise aux mêmes règles que la prescription quadriennale. En effet, dans un avis
du 19 mars 2003, le Conseil d'État a clairement précisé que « faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives
inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas,
pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 » (CE 19 mars 2003, Avis,
Haddad et CPAM de Tourcoing c/ Centre hospitalier de Tourcoing, req. n o 251980 , Lebon 133 ; V. égal. CE 27 juin 2005,
Cts X, req. n o 251574, AJDA 2005. 2301, concl. D. Chauvaux ). Une demande indemnitaire préalable aura donc pour effet
d'interrompre la prescription décennale si elle remplit les conditions exigées par la loi du 31 décembre 1968. Le nouveau délai
commencera à courir au 1 er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle l'interruption a eu lieu.
109. Une décision expresse rejetant la demande indemnitaire préalable ne pose pas de sérieux problèmes d'identification et,
dans le doute, le juge se montre plutôt favorable aux victimes. En effet, un requérant n'est pas forclos si la décision est
rédigée de manière confuse ou elliptique (CE 7 mai 1971, Sté Cogifrance, Cie Belledonne et min. Équipement et logement,
Lebon 350, des propriétaires ayant demandé au ministre de la Construction une indemnité de réparation du préjudice que
leur causait l'octroi d'un permis de construire ; la réponse du ministre fut que, le tribunal administratif n'ayant pas encore
statué sur le recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté accordant ce permis, il ne pouvait donner suite à leur
demande, qui était prématurée, l'irrégularité de cet acte n'étant pas établie ; une telle réponse ne constitue pas une décision
expresse de rejet au sens de l'art. 1 er du décret du 11 janv. 1965 ; 17 nov. 1972, Dame Vve Boisgard, Lebon 739, requérante
ayant adressé, le 11 juin 1968, au président de la commission administrative d'un centre hospitalier, une demande en
réparation des conséquences dommageables résultant pour elle du décès de son mari, qu'elle imputait à des fautes lourdes
commises dans la conduite des soins médicaux qu'il avait reçus dans ledit centre. Cette demande a fait l'objet, le 3 sept.
1968, d'une réponse qui se référait aux conclusions d'incompétence formées par le centre, en réponse à l'assignation en
réparation du même préjudice qui lui avait été initialement faite par la requérante devant le tribunal civil, mais qui était
rédigée dans des termes tels qu'elle ne lui permettait pas de connaître clairement que le centre déniait toute responsabilité
de l'accident ; dans les circonstances de l'espèce, cette lettre ne peut constituer une décision expresse de rejet, au sens de
l'art. 1 er du décret du 11 janv. 1965, et la demande, enregistrée le 9 juill., n'était pas tardive ; sect., 21 mars 1980,
Vanderiele, Lebon 161, à la suite d'un accident survenu dans une colonie de vacances, la mère de la victime demande au
maire une indemnité ; les lettres par lesquelles celui-ci l'a invitée à lui faire savoir si elle était disposée à accepter 9 000 F à
titre d'indemnité ne contenaient, dans les termes où elles étaient rédigées, qu'une proposition soumise à l'accord de
l'intéressée, et ne constituaient pas des décisions susceptibles de faire courir le délai du recours contentieux ; CE 18 déc.
1987, M. et Mme Garcia, RD publ. 1988. 912, ne constituent pas des décisions expresses de rejet, au sens de l'art. R. 102, la
réponse de l'administration demandant à Mme Garcia de se présenter devant un assureur, et le rejet de la demande par cet
assureur).
110. De même, une réponse d'attente n'est pas une décision (CE 25 oct. 1967, Retière, RD publ. 1968. 198) susceptible de
faire courir le délai contentieux, ni une lettre par laquelle l'administration émet une proposition de règlement (CE 11 avr. 1962
et 21 mars 1980, préc.), ni, a fortiori, une demande de renseignements supplémentaires (CE 17 janv. 1964, Min. Finances c/
Balbueno, Lebon T 966).
111. La notification de la décision de rejet et la computation du délai du recours n'obéissent pas à des règles originales dans
le contentieux indemnitaire.
1 1 2 . S'agissant de la notification, il convient qu'elle soit claire, complète, faite à la personne intéressée ou qualifiée et à
l'adresse mentionnée par le réclamant dans sa réclamation préalable (CE 9 nov. 1949, Garnier, Lebon T 780, notification à
l'ancienne adresse alors que l'administration n'ignorait pas que le requérant n'y habitait plus, sa nouvelle adresse étant
mentionnée dans son recours administratif ; 22 avr. 1970, Dame Girerd-Martin, Lebon 272, la notification est irrégulière, car
envoyée à une adresse autre que celle mentionnée par le requérant dans sa demande indemnitaire préalable), d'où la
nécessité d'avertir l'administration de tout changement d'adresse (CE 21 juill. 1970, Dame Perrucot, Lebon 536, décision de
rejet d'une demande d'indemnité contenue dans une lettre recommandée avec accusé de réception présentée, en l'absence
de l'intéressée, à l'adresse même qu'elle avait mentionnée dans sa demande ; n'ayant pas avisé l'autorité administrative de
son changement d'adresse, la présentation faite à son domicile vaut notification, et fait courir le délai de recours de
deux mois ; V. égal. CE 16 juin 1971, Dame Ferrière-Zuber, Lebon T 1147).
113. Une notification ne permettant pas au citoyen de connaître le contenu de la décision, ou qui ne remplit pas les conditions
exigées par l'article R. 421-5 du code de justice administrative (« Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition
d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision »), ne déclenche pas le délai du
recours contentieux, et cela indépendamment de la connaissance qu'ait pu avoir le requérant du délai et des voies de recours
(CE, sect., 13 mars 1998, AP-HP, req. n os 175199 et 180306 , Lebon 81, AJDA 1998. 613, concl. J.-D. Combrexelle
), à condition, toutefois, que ledit requérant soit la personne visée par la décision. En effet, dans un arrêt du 11 avril 2008, le
Conseil d'État a estimé que le non-respect de l'obligation de mentionner les voies et délais de recours est sans influence sur
les recours formés par des tiers contre une décision administrative (Sté Défi France, req. n o 307085 ).
114. Le délai, quant à lui, est un délai franc et se calcule de quantième en quantième (Rép. cont. adm., Vo Délai).
Actualité
1 1 5 . Règles de procédure contentieuse applicables en Nouvelle-Calédonie. - Les dispositions de l'article R. 421-2 du code de
justice administrative relatives au délai de recours contre les décisions implicites de rejet sont applicables en Nouvelle-
Calédonie (CE 5 févr. 2014, Sté Le Nickel, req. n o 358810 , Lebon ; AJDA 2014. 312, obs. de Montecler ).
A. - Règle du silence-rejet
116. Nonobstant l'abandon de la théorie du ministre juge en 1804, la règle de la décision préalable fut maintenue, si bien que
toute demande introduite directement devant le Conseil d'État était vouée au rejet. Parallèlement à cela, rien n'obligeait
l'administration, saisie d'une réclamation préalable, à répondre, et son silence n'avait aucune signification juridique. Cet état
du droit transformait indirectement l'administration en « maîtresse de la mise en mouvement de la justice administrative »
(P. MINDU, thèse préc., p. 239), seule une réponse expresse de sa part la soumettant au contrôle du juge. Le seul moyen de
mettre fin à ce privilège du silence consistait à donner une signification juridique au silence, permettant ainsi au justiciable de
l'attaquer devant le juge. Imaginé par le décret du 2 novembre 1864 pour les seules décisions des ministres statuant sur des
recours contre les décisions d'autorités qui leur sont subordonnées, étendu à toutes les affaires portées devant le Conseil
d'État par la loi du 17 juillet 1900, le principe du silence-rejet fut consacré dans toute son étendue par les réformes du
contentieux administratif de 1953 et 1956.
118. Les implications de la décision implicite sur le délai n'ont pas toujours été interprétées de manière aussi favorable aux
requérants. Alors que, jusqu'en 1940, la jurisprudence du Conseil d'État estimait qu'une décision implicite pouvait être déférée
au contrôle juridictionnel sans limitation de durée (CE 7 mai 1909, Monteux c/ L'État, Lebon 473 ; 26 mars 1920, Bière c/ Ville
de Tarbes, Lebon 331 ; 29 oct. 1930, Rosselin, Lebon 872), l'article 47 de la loi du 18 décembre 1940 et l'article 51 de
l'ordonnance du 31 juillet 1945 portant réforme du Conseil d'État renversèrent cette jurisprudence en soumettant la décision
implicite au délai de deux mois du recours contentieux. Ce faisant, ils neutralisèrent également la loi de 1900. En effet,
habitué aux lenteurs de l'administration, l'auteur d'une demande indemnitaire préalable, en attendant la réponse et en
ignorant que le délai a déjà commencé à courir, risquait de se voir forclos sans le savoir. Cette injustice ne fut réparée que par
la loi n o 56-557 du 7 juin 1956 (JO 10 juin) et le décret n o 65-29 du 11 janvier 1965 (JO 15 janv.) relatifs aux délais de recours
contentieux, qui consacrèrent ce qui fait, actuellement, l'objet des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice
administrative.
119. Si, postérieurement à la naissance de la décision implicite, l'administration prend une décision expresse de rejet, cette
dernière fera courir le délai du recours à compter de sa notification (CE 17 janv. 1964, préc. supra, n o 108).
1 2 3 . Conformément à l'article R. 412-1 du code de justice administrative, « la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être
accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2 [à savoir, le
cas d'une décision implicite de rejet], de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation ». De manière générale, il
incombe au requérant de prouver l'existence d'une décision préalable ou, à défaut, d'une demande indemnitaire préalable,
une saisine directe du juge étant irrecevable (CE 30 juin 1905, Dpt de la Mayenne c/ Dpt d'Ille-et-Vilaine, Lebon 567 ; 29 avr.
1921, Sté Édouard Premier et Charles Henri, Lebon 424, S. 1923. 3. 41, note Hauriou ; 30 avr. 1926, Cie générale des
voitures, Lebon 433 ; 9 juin 1926, Biancheri, Lebon 579 ; 20 juill. 1927, Deberles, Lebon 807 ; 1 er févr. 1928, Olivé,
Lebon 158 ; 13 mars 1929, Roger, Lebon 299 ; 11 mai 1934, Dame Vve Le Bras, Lebon 553 ; 15 mai 1935, Cartucci,
Lebon T 1523 ; 8 janv. 1936, Richter, Lebon T 1442 ; 2 juin 1938, Lambert, Lebon 1216 ; 9 janv. 1952, Sté coopérative
agricole Les planteurs de Sassandra, Lebon 20).
124. S'agissant de la preuve de la réclamation préalable, une production du récépissé de la réclamation suffit ; à défaut, le
recours contre la décision implicite est rejeté (CE 4 juill. 1928, Dlle Plaw neck, Lebon 854 : réclamation visant à l'obtention du
duplicata d'un dipôme). Ce récépissé peut être remplacé par la production du récépissé postal de la lettre recommandée
adressée à l'autorité administrative compétente, et l'avis de réception postal constatant la remise de la lettre (CE 26 mars
1920, Dumont c/ Cne de Mieussy, Lebon 334, S. 1923. 3. 1, note Hauriou ; 29 juill. 1925, Mallicot, Lebon 743).
Indépendamment de la lettre recommandée, la preuve peut se faire par tous moyens (Décr. n o 65-29 du 11 janv. 1965,
art. 1 er, al. 5). Il peut s'agir d'un accusé de réception administratif ou d'une référence qui existe dans une correspondance
administrative, ou, de même, d'une déclaration de l'administration reconnaissant avoir reçu la demande (3 juill. 1931, Cne de
Clamart, Lebon 723 : cas de recours pour excès de pouvoir).
125. Une telle preuve doit se faire avant la clôture de l'instruction devant les premiers juges sous peine d'irrecevabilité. La
production de la demande préalable devant le juge d'appel ne pourra la couvrir que si le requérant justifie s'être trouvé dans
l'impossibilité de procéder, à temps, à la production demandée (dans le sens où cette irrecevabilité n'est pas couverte : CAA
Paris, 15 oct. 1996, SCI d'investissement, req. n o 95PA00723, Lebon T. 1068). Il convient, toutefois, de signaler un arrêt du
16 novembre 1999, Natali (req. n o 99BX01048, inédit), dans lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, nonobstant la
clarté des dispositions de l'article R. 412-1, a considéré recevable un recours qui se bornait à produire une copie de la
réclamation sans y joindre une pièce justifiant de la date de son dépôt.
126. La preuve de l'existence de la décision ou de la demande incombe au demandeur, tandis que la preuve de leur absence
doit être établie par l'administration défenderesse. C'est ainsi qu'« une fin de non-recevoir opposée par une commune pour
défaut de décision préalable du conseil municipal sur une demande d'indemnité a été rejetée, alors que le maire n'établissait
pas qu'une lettre recommandée émanant du requérant, parvenue à la mairie, ait eu un objet différent de celui du recours »
(CE 15 mai 1935, Malaterre, Lebon 550).
127. Cette jurisprudence sur la preuve est partiellement dépassée depuis que le décret n o 83-1025 du 28 novembre 1983 (JO
3 déc.) a imposé à l'administration la délivrance d'un accusé de réception, dispositions reprises et étendues à toutes les
administrations par la loi DCRA n o 2000-321 du 12 avril 2000.
128. La nécessité de prouver l'existence d'une décision préalable ou, pour le moins, d'une demande indemnitaire préalable,
connaît des aménagements et des exceptions, le contentieux pouvant être lié indépendamment de toute réclamation ou
postérieurement à l'introduction du recours contentieux (V. supra, n os 79 et s.).
129. La réclamation préalable ne se contente pas de commander la recevabilité de la requête ; elle influence également le
délai de son introduction (V. supra, n os 115 et s.).
131. Un premier courant, majoritaire, refuse de voir dans la règle de la demande préalable un moyen d'ordre public. Parmi ces
auteurs, on trouve notamment le doyen AUBY et le professeur R. DRAGO (Traité des recours en matière administrative, 1992,
Litec, n o 415), MM. les professeurs C. DEBBASCH et J.-Cl. RICCI (Contentieux administratif, 8 e éd., 2001, Dalloz, n o 368),
P. MINDU (thèse préc., p. 306), M. PAILLET (Recours en responsabilité, J.-Cl. Adm.) ainsi que beaucoup d'autres. Les
défenseurs de l'absence du caractère d'ordre public de la règle de la décision préalable se fondent essentiellement sur deux
considérations : d'une part, l'irrecevabilité tirée de l'absence d'une demande indemnitaire préalable peut être régularisée en
cours d'instance et, d'autre part, le juge ne la soulève pas d'office.
1 3 2 . Un second courant, illustré notamment par H. BONNEAU (chron. préc., spéc. p. 20) et R. CHAPUS, défend la thèse
contraire. Le premier, s'appuyant sur un arrêt du 17 juin 1953 (CE 17 juin 1953, Fricker, Lebon 293), estime que si le juge ne
soulève pas d'office l'absence de demande préalable, c'est parce qu'il n'a pas l'occasion de le faire. En effet, étant donné que
le juge communique la requête au ministre intéressé, l'irrecevabilité sera soit couverte par ce dernier, soit soulevée par lui.
M. CHAPUS, quant à lui, considère que l'atténuation de la rigueur des règles de recevabilité ne porte pas atteinte à leur
caractère d'ordre public, et que, si l'occasion se présente, le juge n'hésitera pas, comme dans un arrêt de 1983 (CE 14 déc.
1983, Stempel, Lebon, tables décennales 1975-1984, p. 4813), à soulever d'office le défaut de demande préalable.
133. En réalité, la règle de la demande indemnitaire préalable est une règle d'ordre public, les moyens invoqués à l'appui de
la thèse contraire n'étant pas probants. Tout d'abord, le fait qu'une irrecevabilité puisse être couverte en cours d'instance
n'ôte pas à la règle en question son caractère d'ordre public. En effet, l'article R. 611-7 du code de justice administrative
affirme que « lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation
de jugement ou, au Conseil d'État, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement
[…]. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des articles R. 122-12, R. 222-1,
R. 611-8 ou L. 822-1 ». Il en résulte que seuls seront communiqués les moyens d'ordre public susceptibles d'être couverts en
cours d'instance. Mais il en résulte, également, qu'être susceptible de régularisation n'ôte pas à un moyen son caractère
d'ordre public. Le fait, ensuite, que le juge ne soulève pas d'office l'absence de demande préalable ne milite pas, non plus,
dans le sens de l'absence de son caractère d'ordre public pour deux raisons. D'une part, une telle objection confond la notion
et ses effets : ce n'est pas parce qu'un moyen peut être soulevé d'office qu'il est d'ordre public, mais parce qu'il est d'ordre
public qu'il doit être soulevé d'office. D'autre part, il est certain que, si l'irrecevabilité n'est pas couverte, le juge la soulèvera
d'office ; comment expliquer, sinon, la jurisprudence qui rejette la requête pour défaut de décision préalable alors que
l'administration ne s'en est pas prévalue ni à titre principal, ni à titre subsidiaire ? (CE 21 févr. 1997, préc. supra, n o 89).
134. La clarification apportée par la cour administrative d'appel de Douai est des plus heureuse ; le Conseil d'État, quant à lui,
n'a pas encore clairement tranché la question, hormis pour le contentieux des pensions qui se fonde, toutefois, sur un autre
texte que l'article R. 412-1 (CE 6 févr. 2006, Marchetti, req. n o 255871 , Lebon T 997).
A. - Étendue de l'immutabilité
137. L'immutabilité de la demande en justice (Rép. cont. adm., Vo Demande nouvelle) atteint les trois éléments constitutifs de
l'instance, à savoir les parties, la cause et l'objet. Dans une action présentée devant le juge administratif, elle est notamment
tangible à partir de l'expiration du délai du recours contentieux en cours d'instance et entre la première instance et l'appel.
Dans une action en responsabilité administrative, en revanche, elle se manifeste bien avant la saisine du juge, puisqu'elle se
traduit par une identité des éléments constitutifs de la réclamation préalable et du recours contentieux.
1° - Parties à l'instance
138. Le contentieux étant réputé lié seulement entre l'auteur de la demande indemnitaire préalable et l'administration saisie,
il en résulte deux conséquences. Tout d'abord, les parties ne peuvent pas être changées. Le demandeur à l'instance ne peut
donc être que l'auteur de la demande préalable. Il a ainsi été jugé que la victime d'un accident ne peut saisir directement le
juge administratif faute de demande préalable, et cela nonobstant la réclamation indemnitaire préalable introduite par son
assureur, pour lui-même, et dans laquelle il a formulé des réserves au sujet de ses droits (CE 10 janv. 1947, Bivois et Cie
L'Urbaine et la Seine, Lebon 667). De même, l'action ne peut être dirigée que contre l'administration saisie préalablement.
L'obligation de transmission pesant sur l'autorité administrative saisie, à tort, d'une demande préalable, facilite la désignation
du défendeur à l'instance. Toutefois, l'identité des parties lors de la réclamation préalable et devant le juge ne dispense pas
le demandeur à l'instance de vérifier, en cas de dédoublement fonctionnel, à quel titre l'administration a répondu à sa
réclamation indemnitaire. En conséquence, si un maire répond au nom de la commune, une action en responsabilité introduite,
par la suite, contre l'État sera rejetée faute de liaison du contentieux. Ensuite, « le demandeur doit agir en la même qualité
lorsqu'il s'adresse à l'administration et lorsqu'il saisit le juge » (P. MINDU, thèse préc., p. 339). Aussi, un administré lésé qui
saisit, à titre personnel, l'administration d'une demande indemnitaire préalable ne peut, par la suite, introduire une action au
nom des autres victimes du même fait dommageable.
139. L'immutabilité qui conduit à assimiler les parties à l'instance aux parties à la demande indemnitaire préalable ne revêt
pas, pour autant, qu'un caractère contraignant. En effet, les difficultés que peut soulever la détermination du défendeur dans
un contentieux qui, comme celui de la responsabilité administrative, ne se base pas sur un critère unique de désignation (V.
Imputabilité du préjudice ; V. égal. P. AMSELEK, La détermination des personnes publiques responsables d'après la
jurisprudence administrative, in Études de droit public, 1964, Cujas, p. 291 ; F. MODERNE, La détermination du patrimoine
responsable dans le contentieux des dommages de travaux publics, CJEG 1966-1967, n o 196, p. 43, n o 197, p. 67, n o 198,
p. 1), sont finalement contrebalancées par l'exigence de la réclamation préalable. En effet, à partir du moment où une
administration, saisie à tort d'une demande indemnitaire préalable, est obligée de la transférer à l'administration compétente,
la détermination du défendeur à l'instance est subséquemment facilitée, ce qui soulève, une fois de plus, la question de
l'opportunité du maintien de l'exception, en la matière, du contentieux des dommages de travaux publics.
a. - Objet de la demande
1 4 1 . L'objet d'une demande en justice est le but vers lequel elle tend. L'objet de l'action en responsabilité est, ainsi,
l'obtention de dommages-intérêts. Lorsque le contentieux a été lié par une réclamation préalable auprès de l'administration
compétente, l'objet de cette réclamation ne peut plus être modifié devant le juge. Le requérant ne peut donc invoquer devant
le juge des chefs de préjudice qu'il n'a pas allégués devant l'administration active.
142. La fixité de l'objet de la demande est, dans le contentieux de la responsabilité, un principe bien établi (CE 16 mai 1902,
Vatin, Lebon 382 ; 15 juill. 1925, Michel, Lebon 681 ; 4 nov. 1955, Guidicelli, Lebon 520 ; 8 avr. 1970, Naouri, Lebon 226).
Ainsi, une compagnie d'assurances, ayant demandé, en vain, à l'administration le remboursement des frais de justice exposés
par elle à la suite d'une action intentée par la victime d'un accident causé par l'État, est recevable à les réclamer en justice,
mais, n'ayant pas sollicité du ministre le remboursement de l'indemnité qu'elle avait dû verser à cette même victime, elle ne
peut pas présenter de conclusions en ce sens devant le juge (CE 30 avr. 1926, Cie générale des voitures, Lebon 433). De
même, la demande de remboursement des frais funéraires et d'achat de vêtements de deuil est irrecevable si la veuve, qui a
saisi le juge, ne les a pas mentionnés dans sa demande indemnitaire préalable (CE 28 juill. 1950, Dame Vve Claret,
Lebon 472). La veuve d'un militaire qui sollicite, à ce titre et en son nom propre, le paiement d'une allocation annuelle au
ministre des Armées, ne peut pas, faute d'avoir lié le contentieux sur ce point, demander devant le juge administratif
l'attribution d'une allocation à ses enfants orphelins (CE 8 avr. 1970, préc.). De même, une institutrice, ayant demandé au
maire de lui attribuer une maison vacante destinée au logement des instituteurs, est en droit de demander au juge
administratif la condamnation de la commune à lui payer, suite au refus du maire, l'indemnité représentative, mais ne peut
demander des dommages-intérêts pour le préjudice que lui a causé le refus illégal du maire, faute d'avoir saisi ce dernier
d'une telle demande (CE 16 mars 1979, Cne de Mireval, Lebon, tables décennales 1975-1984, p. 4811). Sont également
irrecevables, devant le juge, les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant d'un certificat d'urbanisme positif
illégal lorsque, dans la demande indemnitaire préalable, le réclamant s'est contenté de demander à être indemnisé du
préjudice résultant du permis de construire illégalement délivré (CAA Marseille, 17 oct. 2007, SCI Corin, req. n o 05MA00047,
inédit ; V. égal. CE 4 nov. 1955, Guidicelli, Lebon 520 ; 19 déc. 1955, Delgorge, Lebon 600 ; 8 févr. 1957, Dame Lieber,
Lebon 98 ; sect., 2 nov. 1957, Sieur Roberge, Lebon 572 ; 15 mars 1963, Sieur Turpeau, Lebon 174 ; CE 4 nov. 1964, Sieur
Segaut, Lebon 511 ; 3 mai 2002, SCI Les Hectares du Guigonnet, req. n o 216310 , inédit).
b. - Cause de la demande
1 4 3 . La cause est le fondement juridique sur lequel se base le requérant afin d'obtenir la réparation du dommage qu'il
prétend avoir subi. Le contentieux de la légalité connaît deux causes : l'illégalité externe et l'illégalité interne. Ainsi,
l'incompétence, les vices de forme et de procédure, la violation de la loi et le détournement de pouvoir seront des moyens que
le requérant invoquera à l'appui de telle ou telle cause. Dans le contentieux de la responsabilité, en revanche, la grande
diversité de causes implique une très grande rigidité de l'instance (V. J. MOREAU, La cause de la demande en justice dans le
contentieux de la responsabilité administrative extracontractuelle, in Mélanges Stassinopoulos, LGDJ, 1974, p. 77). En plus de
la faute et de la responsabilité sans faute, il faut tenir compte, d'une part, de l'existence, à l'intérieur de chaque catégorie, de
divers régimes qui ont paru mériter d'être considérés comme causes à part entière (ex. : la responsabilité pour illégalité est,
dans la responsabilité pour faute, une cause à part entière), et, d'autre part, de la présence, à côté du contentieux général
de la responsabilité, du contentieux de la responsabilité pour dommages de travaux publics, lequel se subdivise à son tour en
trois causes (à l'égard des tiers, des usagers et des participants) et, enfin, de l'existence, en dehors du contentieux général,
de régimes de responsabilité spécifiques reposant sur des textes qui sont tout autant de causes interdisant le passage, par
les moyens de la demande en justice, d'un régime à l'autre.
1 4 4 . Associée à la règle de la demande préalable, l'immutabilité de la cause implique que seule sera recevable l'action
indemnitaire qui présente une identité de cause avec la réclamation indemnitaire préalable. Sera ainsi rejetée toute demande
qui passe de la responsabilité extracontractuelle à la responsabilité contractuelle (CE 13 nov. 1936, Pichelin, Lebon 986 ;
4 nov. 1970, Boyer, Lebon T 1162, AJDA 1971. 305, obs. P. Landon ; 1 er juin 1979, Cne de Millau, Lebon T 799 ; 24 sept. 1990,
Cne de Tignes c/ Sté des téléphériques de la Grande-Motte, req. n os 62228 et 80784 , Lebon 253 ; CAA Paris, 2 juill.
1991, Pinkel, req. n o 89PA02933, Lebon T 1157), d'un régime spécial d'indemnisation à la responsabilité de droit commun
(CE 5 mai 1950, Clémencelle, Lebon 265), ou d'un régime spécial d'indemnisation à un autre (CE 17 mai 1968, Min. Anciens
combattants c/ Sieur Roulland, Lebon 320). Il y aura également changement de cause et rejet de la requête introductive
d'instance si, après s'être fondé, devant l'administration, sur la responsabilité sans faute, le requérant invoque, devant le
juge, la responsabilité pour faute. En revanche, le passage de la responsabilité pour faute vers la responsabilité sans faute
est admis, cette dernière constituant un moyen d'ordre public.
B. - Limites à l'immutabilité
145. Le juge a tempéré le principe de l'immutabilité de la demande lié à la réclamation préalable, car il n'est pas dans l'intérêt
d'une bonne administration de la justice que les éléments constitutifs de l'instance soient figés bien avant l'introduction de
cette même instance. Les assouplissements, ainsi introduits, touchent tous les éléments constitutifs précédemment examinés.
1 4 7 . Constitue, en revanche, une atténuation au principe de l'immutabilité des parties la jurisprudence qui admet la
recevabilité du recours formé par l'ensemble des victimes d'un dommage, alors que la réclamation préalable n'a été présentée
que par l'une d'elles, dès lors que l'administration a rendu une décision collective de rejet à l'égard de toutes les personnes
lésées (CE 26 oct. 1939, Cts Galley, Lebon 545). Il en va de même lorsque le juge administratif met en cause des personnes
qui ne sont pas initialement parties au débat, mise en cause qui constitue un moyen d'ordre public que le juge administratif
soulève d'office. C'est, tout d'abord, le cas de la mise en cause des organismes de sécurité sociale lors d'une action en
responsabilité intentée par un assuré social ou son ayant droit (CE 1 er juill. 1959, Caisse régionale de sécurité sociale de
Normandie, Lebon 418 ; sect., 11 oct. 1963, Cne de Seichamps, Lebon 482 ; 16 déc. 1966, Min. Santé et population c/ Giraud,
Lebon 668 ; 27 janv. 1967, Dlle Zemmour, Lebon 48 ; 21 mai 1969, Lefaivre, Lebon 186 ; CE 3 oct. 1969, Min. Équipement c/
Épx Bertier, Lebon 420 ; 17 nov. 1972, Dame Vve Boisgard, Lebon 739). C'est également le cas de la mise en cause de la
victime, assurée sociale, lorsque l'action en indemnité est intentée par les caisses de sécurité sociale (CE 18 mars 1960, Ville
de Tours, Lebon 208 ; 10 mai 1974, CPAM de l'Eure, Lebon 282), et le cas de la mise en cause de l'État lorsque l'action est
intentée par un de ses agents contre le tiers responsable (CE, sect., 27 janv. 1967, Dlle Zemmour, Lebon 48 ; CE 16 oct.
1970, Valentin et Sté d'assurance moderne des agriculteurs, Lebon 591).
1 4 8 . Cette jurisprudence est issue d'une interprétation particulièrement constructive de certains textes qui, en réalité,
n'imposaient pas au juge de prononcer d'office des mises en cause en vue d'un jugement commun, mais prévoyaient
l'obligation, pour la victime et ses ayants droit, d'indiquer sa qualité d'assuré social ou d'agent d'une personne publique.
Toujours est-il que le cadre imposé par la réclamation préalable cède devant un moyen d'ordre public visant à assurer la
bonne administration de la justice. Qu'en est-il pour l'objet et la cause de la demande ?
150. L'irrecevabilité n'est pas non plus opposée au changement de l'objet devant le juge si l'administration répond au fond à
titre principal.
b. - Cause
1 5 1 . Le requérant ne peut, à moins de provoquer une nouvelle décision préalable, invoquer devant le juge une cause
juridique autre que celle qu'il a présentée devant l'administration. Telle est du moins la règle.
1 5 2 . En effet, une nouvelle réclamation indemnitaire préalable n'est pas exigée lorsque les conclusions du requérant
constituent le développement et le complément de la demande initiale et non « une nouvelle réclamation fondée sur une
cause qui lui fut propre » (CE 12 déc. 1951, préc.). L'irrecevabilité n'est pas non plus opposée si le requérant invoque, devant
le juge, la responsabilité sans faute alors que, devant l'administration, il s'était fondé sur une faute, la responsabilité sans
faute étant un moyen d'ordre public (CE 28 mars 1919, Regnault-Desroziers, Lebon 329, S. 1918-1919. 3. 25, note Hauriou,
DP 1920. 3. 1, note Appleton, RD publ. 1919. 239, note Jèze, concl. Corneille ; 30 nov. 1923, Couitéas, Lebon 789, S. 1923.
3. 57, note M. Hauriou, concl. Rivet, RD publ. 1924. 75, et p. 208, concl. Rivet, note Jèze ; 10 févr. 1961, Min. Intérieur c/ Cts
Chauche, Lebon 108 ; sect., 24 juin 1961, Chevallier, Lebon 431 ; CE 24 nov. 1967, Min. Travaux publics c/ Dlle Labat,
Lebon 444 ; 7 nov. 1969, Dame Agussol, Lebon 382 ; sect., 29 nov. 1974, Épx Gevrey, Lebon 599, concl. Bertrand ; CE 20 déc.
1974, Cne de Barjols, Rec. Lebon T 1161 ; 30 juin 1999, Foucher, req. n o 190038 , Lebon 232, RFDA 1999. 1210, concl.
C. Bergeal ).
153. Une cause juridique nouvelle n'entraînera pas non plus le rejet de la requête introductive d'instance pour défaut de
demande préalable, si l'administration accepte ce changement en défendant au fond et à titre principal.
159. C. DEBBASCH (préc. [supra, n o 8], p. 28), sans rejeter la théorie de la création de l'instance dès la demande préalable,
et estimant que le doyen HAURIOU ne fait que créer une autre difficulté, celle de savoir si l'instruction d'un litige peut débuter
avant tout recours juridictionnel, propose une approche plus pragmatique : « L'initiative du demandeur marque le point de
départ de l'instance, le recours au juge ne traduit qu'un élément extérieur de celle-ci. L'instance est la marche inéluctable du
juge vers sa solution […] l'acte complexe en marque le départ ».
160. Conclusion. - La règle de la demande préalable, nécessaire pour déclencher la liaison du contentieux, marque ainsi, à la
fois, les conditions de recevabilité d'une action en responsabilité extracontractuelle, ses éléments constitutifs, son juge, ainsi
que certaines théories générales du recours contentieux. Dans sa contribution aux Mélanges Stassinopoulos, R. GUILLIEN va
jusqu'à lui attribuer un rôle unificateur des contentieux (Décision préalable et distinction des contentieux en droit administratif,
1974, LGDJ, p. 259). De telles incidences rendent nécessaire le recours à un avocat pour la rédaction de la demande
préalable, d'autant plus que tout le contentieux qui s'ensuivra sera délimité par elle. La charge financière qui en découlera
peut être réglée en s'inspirant des dispositions de la loi n o 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la
résolution à l'amiable des conflits (JO 22 déc.), qui a élargi le champ d'application de l'aide juridictionnelle (Rép. cont. adm.,
Vo Aide juridictionnelle) à la recherche d'une solution avant l'introduction d'une instance.
1 6 1 . Alors que, de premier abord, la réclamation indemnitaire préalable, consistant à demander l'autorisation de
l'administration avant de la poursuivre en justice, pourrait paraître surannée, cette règle connaît un regain d'intérêt avec la
nécessité d'accélérer la solution des différends et la multiplication des procédés de conciliation et d'arbitrage. De décision
exigée pour protéger l'administration, elle devient procédure préalable de règlement à l'amiable des litiges. Certes, ce
« nouveau » fondement n'est pas récent, mais il n'a jamais été autant d'actualité, et la règle de la demande préalable n'est
probablement pas le meilleur mode alternatif de règlement des différends, mais elle a l'avantage d'exister. Il faudrait donc,
non seulement maintenir l'exigence d'une réclamation indemnitaire préalable avant toute saisine du juge, mais, également,
revoir son champ d'application en fonction de son nouveau fondement. Une telle refonte, accompagnée d'un effort de
sensibilisation de l'administration aux intérêts pratiques de cette règle, permettrait une meilleure harmonisation du droit
processuel, un plus grand respect des droits des requérants et - pourquoi pas ? - un désengorgement des tribunaux.
Index alphabétique
Autorité compétente 19, 20 s., 87, 115, 124, 138, 139, 141
Cause 34, 71, 74, 100, 122, 137, 140 s., 151 s., 156
Décision
expresse 72, 93, 107, 109, 115, 117, 119
implicite 25, 28, 82, 83, 84, 90, 115, 117 s., 124 s.
Défense
titre principal (à) 82, 86, 87, 150, 153
titre subsidiaire (à) 86, 87, 88, 89, 92, 133
Délai 18, 25, 28, 29, 33, 54, 71, 93, 94, 107 s., 122, 129, 137
Demande principale 39
Demande reconventionnelle 48 s.
Forme 28 s.
Immutabilité 136 s.
étendue 137 s.
limites 145 s.
Intervention 40 s.
accessoire 43
appel en cause 45 s.
appel en déclaration de jugement commun 45 s.
appel en garantie 45 s.
forcée 45 s.
principale 44
volontaire 42 s.
Liaison du contentieux 1, 13, 66, 79, 83, 89, 103, 119, 121 s., 138, 160
Notification 18, 67, 72, 108, 111, 112, 113, 115, 117, 119
Objet 29, 40, 48, 71, 74, 100, 126, 137, 140, 141 s., 149 s.
Parties 15 s., 40, 43, 44, 45, 137, 138 s., 146 s., 154
Prescription
décennale 96 s., 105 s., 156
quadriennale 72, 95, 96 s., 107, 115, 156
Récépissé
V. Accusé de réception
Référé 31, 58 s.
référé-constat 59 s.
référé-instruction 60 s.
référé-mesures d'urgence 59 s.
référé-provision 59, 62 s.
Requête prématurée 80 s.
Silence 7, 16, 20, 25, 82, 84, 107, 115 s., 157
Travaux publics 53, 58, 65, 67 s., 78, 104, 107, 139, 143
Tribunaux administratifs 51 s.
Actualité
20. Silence de l'Administration. Réforme. - La loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre
l'Administration et les citoyens modifie la loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations. Les dispositions concernées entrent en vigueur dans un délai d'un an pour les actes relevant de la
compétence des administrations de l'État ou des établissements publics administratifs de l'État et dans un délai de deux ans,
pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que par les organismes de sécurité
sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. Le silence gardé pendant deux mois
par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation pour les procédures dont la liste est publiée sur un
site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai
au terme duquel l'acceptation est acquise. Par dérogation, le silence gardé par l'Administration pendant deux mois vaut
décision de rejet dans un certain nombre de cas listés par la loi du 12 novembre 2013. En outre, des décrets en Conseil d'État
et en Conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter la règle du silence valant acceptation eu égard à l'objet
de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d'État peuvent fixer un délai différent de
celui de deux mois valant acceptation, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie (L. n o 2013-1005 du
12 nov. 2013, art. 1 er-I, 2 o et III, JO 13 nov.).
84. Précisions sur les possibilités de régularisation du défaut de décision préalable indemnitaire. - Lorsqu'une demande préalable
n'a été adressée à l'administration que postérieurement à l'introduction du recours indemnitaire, le juge peut opposer une fin
de non-recevoir sans attendre la naissance d'une décision implicite ou explicite avant de statuer (CE 4 déc. 2013, Meliane,
req. n o 354386 , AJDA 2013. 2467, obs. Biget ).
115. Règles de procédure contentieuse applicables en Nouvelle-Calédonie. - Les dispositions de l'article R. 421-2 du code de
justice administrative relatives au délai de recours contre les décisions implicites de rejet sont applicables en Nouvelle-
Calédonie (CE 5 févr. 2014, Sté Le Nickel, req. n o 358810 , Lebon ; AJDA 2014. 312, obs. de Montecler ).