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Répertoire de la responsabilité de la puissance publique

Travaux publics (Dommages de)

Jean-Pierre DUBOIS
Professeur de droit public à l'Université de Paris XI

octobre 2008 (actualité : juin 2015)

Table des matières

Généralités, 1 - 9

Section 1 - Domaine de la responsabilité pour dommages de travaux publics, 10 - 80


Art. 1 - Définitions, 11 - 48
§ 1 - Travail public, 12 - 26
§ 2 - Ouvrage public, 27 - 35
§ 3 - Dommages de travaux publics, 36 - 48
Art. 2 - Exclusions, 49 - 80
§ 1 - Exclusions législatives, 50 - 62
§ 2 - Exclusions prétoriennes, 63 - 80

Section 2 - Mise en cause de la responsabilité pour dommages de travaux publics, 81 - 213


Art. 1 - Détermination des régimes applicables, 82 - 164
§ 1 - Structure générale de la responsabilité, 83 - 114
§ 2 - Diversité des régimes de responsabilité, 115 - 164
Art. 2 - Détermination des responsabilités engagées, 165 - 213
§ 1 - Détermination de la personne administrativement responsable, 166 - 186
§ 2 - Répartition finale des responsabilités, 187 - 193
§ 3 - Causes étrangères à l'action administrative, 194 - 213

Section 3 - Mise en oeuvre de la responsabilité pour dommages de travaux publics, 214 - 288
Art. 1 - Procédure, 215 - 263
§ 1 - Compétence juridictionnelle, 216 - 230
§ 2 - Recevabilité de la demande, 231 - 245
§ 3 - Instruction de la demande, 246 - 249
§ 4 - Charge de la preuve, 250 - 252
§ 5 - Pouvoirs du juge, 253 - 263
Art. 2 - Calculs, 264 - 288
§ 1 - L'évaluation du préjudice, 265 - 276
§ 2 - Réparation du préjudice, 277 - 288

Bibliographie
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A. MATHIOT, Les accidents causés par les travaux publics, thèse, Paris, 1934.

Généralités
1. La responsabilité de la puissance publique, au sens d'obligation de réparer les préjudices causés aux citoyens-administrés,
ne progressa pas réellement sous la Révolution et l'Empire, le concept de souveraineté, loin d'avoir disparu, ayant été
renforcé par la relégitimation du souverain (désormais de la Nation personnifiée par l'État). Cet État souverain est donc resté,
jusqu'à la fin du Second Empire, en principe juridiquement irresponsable en tant que personne morale titulaire de la puissance
publique (alors que sa responsabilité pouvait être engagée en tant que « personne civile », par exemple, en matière
contractuelle).

2. Mais à ce tableau général a fait exception la matière des travaux publics dès lors qu'un texte spécial est intervenu pour le
permettre. À vrai dire, l'importance de ce texte, en général considéré comme fondateur, qu'est la loi du 28 pluviôse an VIII
peut être doublement relativisée : d'une part la responsabilité pour dommages de travaux publics avait commencé à se
construire dès l'Ancien Régime, d'autre part la lettre de cette loi de pluviôse an VIII ne paraissait pas remettre en cause le
principe d'irresponsabilité de la puissance publique dès lors qu'elle ne donnait compétence aux Conseils de préfecture,
ancêtres des actuels tribunaux administratifs, que pour connaître des « réclamations des particuliers qui se plaindront de torts
et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs et non du fait de l'administration ».

3. Mais cette loi fut immédiatement et audacieusement (car quasiment contra legem) interprétée comme s'appliquant aussi aux
dommages imputables à l'action des personnes administratives elles-mêmes, faisant des travaux publics le premier champ de
responsabilité administrative moderne au point de placer la responsabilité pour dommages de travaux publics au coeur de la
construction du droit administratif contemporain.

4 . Cette construction, en cette matière comme dans la quasi-totalité du droit de la responsabilité administrative, fut
essentiellement prétorienne, la loi du 28 pluviôse an VIII s'étant bornée à déterminer la compétence juridictionnelle sans
définir les notions de travail ou d'ouvrage public ni fixer les règles de réparation applicables.

5 . La jurisprudence a ainsi construit une théorie profondément originale, par rapport au droit privé (même si le concept de
« garde » peut expliquer le régime de la responsabilité pour dommages de travaux publics, en particulier pour les dommages
subis par leurs usagers) et aussi par rapport au droit commun de la responsabilité administrative (en particulier par une
recherche de réparation aussi complète que possible des dommages subis, qui témoigne de l'importance du souci de
protection de la propriété privée à l'époque de l'édification de ce régime).

6. Elle a dessiné fort extensivement le champ d'application de cette théorie en vertu de ce qu'il est convenu d'appeler l'« effet
attractif » de la notion de travail public, qui ne cède que devant des notions juridiques fondamentales (telles que celle de voie
de fait) ou des textes législatifs formels (tels que la loi n o 57-1424 du 31 décembre 1957 relative aux dommages causés par
les véhicules administratifs, JO 5 janv. 1958).

7. Le Conseil d'État a ainsi dégagé une série de régimes de responsabilité applicables en fonction de la qualité juridique des
victimes des dommages de travaux publics (participants à l'opération, usagers de l'ouvrage ou tiers à l'opération ou à
l'ouvrage). Il s'agit aujourd'hui d'une construction intellectuelle qui s'applique à une part quantitativement et qualitativement
considérable du contentieux administratif et qui ne manque pas de complexité, compte tenu non seulement de cette diversité
de victimes demanderesses mais aussi de la multiplicité des « opérateurs-débiteurs » (maîtres d'ouvrage, concessionnaires,
entrepreneurs, architectes et maîtres d'oeuvre, etc.). Cependant, le premier facteur de diversité pèse en la matière bien plus
lourd que le second dans la structuration des régimes de responsabilité.

8 . Au-delà de sa complexité, cette oeuvre jurisprudentielle est incontestablement inspirée dans une large mesure par des
considérations d'équité, notamment par la prise en compte de l'« anormalité » de certains préjudices (souvent déterminée par
une balance entre risques et profits) comme on peut s'y attendre s'agissant le plus souvent de régimes de responsabilité
sans faute.

9 . On étudiera ici successivement le champ d'application de la responsabilité pour dommages de travaux publics, puis ses
régimes de mise en cause et enfin ses conditions de mise en oeuvre.

Section 1 - Domaine de la responsabilitépour dommages de travaux publics


10. La détermination du champ d'application de la responsabilité pour dommages de travaux publics suppose non seulement
que soient définies les notions juridiques fondamentales de la matière mais aussi que soit prise la mesure des exclusions qui
limitent ledit champ.

Art. 1 - Définitions
11. Il est évidemment essentiel de définir la notion de travail public, mais aussi celle - distincte mais voisine - d'ouvrage public,
afin de caractériser sur ces bases la notion de dommages de travaux publics.

§ 1 - Travail public
12. La notion de travail public est de longue date définie comme un travail immobilier exécuté pour le compte d'une personne
publique dans un but d'utilité générale, ces trois critères ayant été formalisés dans la décision « Cne de Montségur »
(CE 20 juin 1921, Lebon. 573, GAJA, 14 e éd., n o 39).

13. Le recours à l'expression d'« utilité générale », plus extensive que celle de service public, n'avait pour but que de prendre
en compte dans cette affaire les travaux réalisés dans des édifices cultuels laissés, par l'ensemble constitué par les lois du
9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907, à la disposition des fidèles et des ministres du culte tout en demeurant propriétés
communales. La notion de travaux publics était ainsi, dès cette époque, plus large que celles de service public et de domaine
public.

14. Peu importe en effet le caractère public ou privé de la dépendance domaniale en cause (T. confl. 24 oct. 1942, Préfet des
Bouches-du-Rhône, S. 1945. 3. 10 ; Civ. 8 mars 1950, S. 1950. 1. 139).

1 5 . Des travaux publics peuvent donc être réalisés sur le domaine privé d'une collectivité publique (CE 8 juin 1949,
Contamine, Lebon 272 : travaux de consolidation de rocs menaçant la circulation publique ; CE 28 sept. 1988, Office national
des forêts c/ Mlle Dupouy, Lebon 317 : aménagement d'une route forestière pour permettre un accès touristique à la côte).

1 6 . Il peut même y avoir travaux publics sur une propriété privée (CE 26 nov. 1948, Chardon, Lebon 446 : démolition
d'immeubles sinistrés, à l'époque considérée comme réalisée pour le compte d'une collectivité publique ; CE, sect., 29 avr.
1949, Cts Dastrevigne, Lebon 185 : travaux exécutés pour cause de péril imminent après un éboulement ; CE 30 nov. 2005,
M. Louis Maggiori, M. Joseph Maggiori, req. n o 275470 , AJDA 2005. 2322 : travaux entrepris par une commune dans une
impasse privée, dès lors que le règlement de lotissement annexé à un arrêté préfectoral prévoyait le transfert ultérieur de
l'impasse au domaine public communal).

17. En revanche, en l'absence de « but d'utilité générale » les travaux exécutés sur le domaine privé n'ont pas le caractère de
travaux publics (T. confl. 25 juin 1973, Office national des forêts c/ Béraud et entreprise Machiari, Lebon 847 ; CE, sect.,
28 nov. 1975, Office national des forêts c/ Abamonte, Lebon 602 ; T. confl. 5 juill. 1999, Mme Menu et SA des établissements
Gurdebeke et Office national des forêts, Lebon 458).

18. La condition d'exécution pour le compte d'une personne publique a été maintenue jusqu'en 1955 : à défaut, seuls des
travaux accessoires d'un travail public pouvaient être eux-mêmes considérés comme travaux publics (CE 21 janv. 1927, Cie
générale des eaux c/ Dame Vve Berluque, Lebon 94).

19. Mais une autre définition a été forgée par la jurisprudence « Effimieff » (T. confl. 28 mars 1955, Lebon 617, GAJA, 14 e éd.,
n o 74) qui a caractérisé comme travaux publics tous travaux immobiliers exécutés par des personnes publiques dans le cadre
d'une mission de service public soumise à un régime de droit public. Ainsi en l'espèce les travaux de reconstruction
d'immeubles destinés à devenir propriétés privées ont-ils été qualifiés de travaux publics dès lors qu'ils étaient exécutés par
des associations syndicales de reconstruction (qualifiées d'établissements publics par la loi du 16 juin 1948), alors que les
mêmes travaux échappent à cette qualification lorsqu'ils sont réalisés par des sociétés coopératives de reconstruction
(CE 18 mai 1960, Épx Grenet, Lebon 340) sauf bien entendu lorsque l'organisme privé a été transformé en établissement
public (T. confl. 25 nov. 1963, Rauby, Lebon 789).

20. Cette jurisprudence a reçu depuis lors de nombreuses applications :

- CE, sect., 20 avr. 1956, Min. agriculture c/ Cts Grimouard, Lebon 168, GAJA, 14 e éd., n o 75, D. 1956. 429, concl. Long :
travaux de reboisement effectués par l'État pour le compte de particuliers ;

- CE, ass., 12 avr. 1957, Mimouni, Lebon 262, D. 1957. 413, concl. Tricot ; CE, sect., 21 déc. 1962, Ville de Thiais, Lebon 701 ;
CE 28 oct. 1977, Martin, Lebon 407 : travaux exécutés d'office sur un immeuble privé menaçant ruine ;

- CE, sect., 1 er oct. 1966, Bachimont, Lebon 510 : travaux exécutés d'office sur un immeuble insalubre ;

- CE, sect., 5 mars 1982, Guetre, Lebon 100, Gaz. Pal. 1982. 2. 651, concl. Genevois : travaux exécutés d'office sur un
immeuble classé monument historique ; la solution est logiquement inverse pour des travaux exécutés à l'initiative du
propriétaire privé de l'immeuble classé : T. confl. 28 avr. 1980, Prunet c/ Le Bras, Lebon 507 ;

- T. confl. 17 nov. 2003, Préfet du Nord, Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord-Est contre Agent judiciaire
du Trésor, AJDA 2004. 558 : travaux de construction réalisés par une commune pour le compte d'une entreprise privée
« dans le cadre d'une mission de service public tendant à promouvoir le développement économique et l'emploi »…
jurisprudence dont on imagine aisément le potentiel de développement.

21. La jurisprudence « Cne de Montségur » n'a pour autant nullement été abandonnée. Ainsi, des travaux effectués par une
personne privée pour son propre compte ne peuvent être qualifiés de travaux publics alors même qu'il pouvait y avoir but
d'utilité générale et qu'elle avait eu recours à des procédés « exorbitants du droit commun » (CE, sect., 7 nov. 1958,
Entreprise Eugène Revert, Lebon 541, RD publ. 1959. 596, concl. Heumann ; T. confl. 6 nov. 1967, Sté coopérative d'HLM Notre
Cottage, Lebon 657) ou encore que les travaux ont été réalisés sur la voie publique par un permissionnaire de voirie dans son
propre intérêt (CE, sect., 11 mai 1962, Dame Ymain, Lebon 315, concl. Combarnous ; T. confl. 10 juin 1963, Cauvin et Caisse
de sécurité sociale c/ Sté Éts Rémy et Meunier, p. 785, JCP 1964. II. 13540, note Dufau ; T. confl. 7 oct. 1991, Caisse primaire
d'assurance-maladie du Loiret, Lebon T . 776 ; mais si ces travaux sont exécutés en vertu d'une autorisation assortie
d'obligations répondant à une finalité d'intérêt général, alors la qualification de travaux publics resurgit : CE 15 févr. 1989,
Mignot, Lebon 53 ; V. aussi, pour le cas d'un bail emphytéotique lié à la concession du casino d'Hyères, CE 16 févr. 2005, M. et
Mme Maurel, AJDA 2005. 1073, note J.-M. Pontier ).

22. Reçoivent au contraire selon la même logique la qualification de travaux publics les travaux immobiliers exécutés pour le
compte d'un département (T. confl. 14 nov. 1960, Pourcin, Lebon 1152), d'une commune (CE, sect., 2 juin 1961, Leduc,
Lebon 365, AJDA 1961. 345, concl. Braibant ; T. confl. 18 déc. 2000, MACIF, Le bo n 778) ou même de la SNCF pourtant
encore à l'époque personne morale de droit privé dès lors que les ouvrages sont incorporés au domaine public ferroviaire et
sont donc réputés être exécutés in fine pour le compte de l'État (T. confl. 17 févr. 1972, SNCF c/ Solon et Barrault, Lebon 944,
RD publ. 1972. 465, concl. Braibant).

Actualité
2 2 . Domaine de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Définitions. Travail public. Nature des travaux visant la
création d'une unité de production d'eau de source. - La création d'une unité de production d'eau de source, visant à promouvoir
le développement économique et l'emploi sur le territoire communautaire, répond à un but d'intérêt général. Les travaux
litigieux ont donc le caractère de travaux publics (T. confl. 8 juin 2009, Communauté de communes Jura Sud c/ Sté Safege
Environnement, req. n o 3678 , AJDA 2009. 1175, obs. Brondel ).
Travaux publics sur une propriété privée. - Constituent des travaux publics les travaux immobiliers effectués par une collectivité
publique sur une propriété privée afin de permettre l'accès au chantier de réfection d'une digue endommagée. Le juge
administratif est donc compétent pour connaître des litiges nés de leur exécution dans la mesure où ils n'ont pas été effectués
par emprise irrégulière (CE 16 mai 2012, Verrier, req. n o 342896 , AJDA 2012. 1033, obs. Grand ).

2 3 . La notion de travaux exécutés « pour le compte » d'une personne publique est en principe indépendante de celle de
contrat passé « au nom et pour le compte » d'une personne publique (T. confl. 17 févr. 1972, SNCF c/ Solon et Barrault, préc. ;
V. aussi CE, sect., 5 mai 1972, Sté de l'équipement de l'Indre et Min. Équipement et logement c/ Allain, Lebon 341
[aménagement d'une ZUP] ; CE 21 juill. 1972, Sté entreprise Ossude, Lebon 562 [travaux exécutés par la Cie nationale
d'aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc] ; T. confl. 25 juin 1973, Sté d'économie mixte d'aménagement et de gestion
du marché d'intérêt national de Paris-La Villette, Lebon 846, JCP 1974. II. 17769, concl. Blondeau [construction d'abattoirs] ;
18 déc. 2000, MACIF c/ Synd. des copropriétaires du centre commercial de la Lézarde, req. n o 3225 , RFDA 2001. 514 [peu
importe que la personne privée ait ou non été mandatée par une commune dès lors que l'ouvrage construit est destiné à être
incorporé à la voirie communale]).

2 4 . Les deux qualifications peuvent cependant se rejoindre (V., par ex., T. confl. 26 mars 1990, Mme Girot et autres c/
Me Roquette, Lebon T. 1024). C'est notamment le cas dans une hypothèse très particulière d'application de la jurisprudence
« Cne de Montségur » qui est apparue en matière de travaux relatifs aux autoroutes et routes nationales : ces travaux,
appartenant « par nature » à l'État, sont considérés comme exécutés pour le compte de celui-ci alors même que le maître
d'ouvrage se trouve être un concessionnaire qui a la qualité de personne morale de droit privé, ce concessionnaire étant
réputé (par une présomption irréfragable) agir « pour le compte » de l'État, ce qui a le double effet d'entraîner la qualification
de travaux publics et de satisfaire d'une manière fort atypique le critère organique du contrat administratif (T. confl. 8 juill.
1963, Sté entreprise Peyrot, Lebon 787, GAJA, 14 e éd., n o 85, D. 1963. 534, concl. Lasry). Mais cette décision n'est en réalité
innovante que sur le terrain des critères du contrat administratif ; elle se borne en revanche à appliquer très classiquement la
jurisprudence de 1921 quant à la définition du travail public.

Actualité
2 4 . Contrat de travaux conclu par une société concessionnaire d'autoroute. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est
désormais compétent pour connaître des litiges relatifs à l'exécution d'un contrat de travaux conclu par une société
concessionnaire d'autoroute avec une personne privée. Il abandonne ainsi sa jurisprudence « Entreprise Peyrot » (T. confl.
8 juill. 1963, Société entreprise Peyrot c/ Société de l'autoroute Estérel Côte d'Azur, req. n o 1804 , Lebon 787) selon
laquelle les marchés de travaux des sociétés concessionnaires d'autoroutes conclus avec des entreprises privées relevaient
« par nature » de la compétence du juge administratif (T. confl. 9 mars 2015, req. n o 3984, Lebon ; AJDA 2015. 481 ; AJDA
2015. 601 , tribune Clamour ; RFDA 2015. 265, concl. Escaut ; RFDA 2015. 273, note Canedo-Paris ).
2 5 . Coexistent dès lors aujourd'hui en droit positif deux définitions alternatives du travail public, visant des travaux
immobiliers réalisés tantôt pour le compte d'une personne publique dans un but d'utilité générale, tantôt par une personne
publique dans le cadre d'une mission de service public administratif. Dans les deux cas cependant se retrouvent les exigences
du caractère immobilier du travail, d'un but d'intérêt général et de l'intervention d'une personne publique soit comme
bénéficiaire soit comme opérateur.

26. Enfin, il faut noter que lorsqu'une opération complexe comporte à la fois des travaux susceptibles en eux-mêmes d'être
qualifiés de travaux publics et d'autres qui ne le sont pas, c'est l'ensemble, s'il est regardé comme indissociable, qui bénéficie
de la qualification de travail public (CE, sect., 6 nov. 1970, Lafragette, Lebon 56 ; T. confl. 23 févr. 1981, Préfet des Hauts-de-
Seine, Lebon T. 952 ; CE 12 janv. 1987, Synd. de la copropriété sise aux 15 et 17 avenue de la Libération à Monistrol-sur-
Loire, Lebon 444).

§ 2 - Ouvrage public
27. L'ouvrage public est au travail public ce que le résultat est à une opération. Cette articulation (dans la plupart des cas)
entre les notions de travail public et d'ouvrage public se manifeste logiquement par une similarité de critères.

28. Ainsi, de même que seul un travail immobilier peut être qualifié de travail public, seul un bien immobilier peut en principe
être qualifié d'ouvrage public (CE 12 oct. 1973, Cne de Saint-Brévin-les-Pins, Lebon 567 : un plongeoir flottant installé sur une
plage sans être fixé au fond de la mer n'est pas un ouvrage public ; CE 26 sept. 2001, Dpt du Bas-Rhin, Lebon 434 : un
banc situé dans la cour de récréation d'un collège, n'étant pas fixé au sol, ne peut être regardé comme élément de l'ouvrage
public constitué par l'établissement scolaire).

29. La jurisprudence est cependant parfois assez extensive : la cage de buts d'un stade municipal, alors que ses poteaux
sont posés et non fixés au sol, est un ouvrage public (CE 15 févr. 1989, Dechaume, req. n o 48447 , RFDA 1990. 231, concl.
Stirn ) ; du matériel de bureau, même non attaché à perpétuelle demeure, a pu être qualifié d'ouvrage public (T. confl.
23 févr. 1981, Préfet des Hauts-de-Seine, Lebon T. 952) ; une tribune démontable dans un stade est un ouvrage public
(T. confl. 12 janv. 1987, Mme Derouet c/ Sté Les fils de Mme Géraud, Lebon 441) ; une cible flottante, il est vrai reliée au sol du
plateau continental, l'est également (CE, sect., 4 déc. 1970, Min. Défense et Min. Équipement c/ Starr et British Commonw ealth
Insurance Company Limited, Lebon 733) ; un conteneur à ordures ménagères, normalement fixé au sol mais susceptible
d'être déplacé, l'est aussi (CE 7 juin 1999, OPHLM d'Arcueil-Gentilly, req. n o 181605 , RFDA 1999. 879) ; l'ensemble des
installations d'un port autonome, qu'elles soient fixes ou mobiles, est qualifié d'ouvrage public en raison de son indivisibilité
(CE 19 nov. 1954, Blassiaux, Lebon 608).

30. La même logique conduit à définir l'ouvrage public comme un « immeuble appartenant à une personne publique et affecté
soit à l'usage du public, soit à un service public ou du moins […] à un but d'utilité générale » (concl. BRAIBANT sur CE, sect.,
13 juill. 1965, Arbez-Gindre, Lebon 442 ; V. aussi CE, sect., 1 er juin 1951, SNCF, Lebon 313 ; T. confl. 21 mars 1966, Cne de
Soulz et Sté Althoffer et Cie, Lebon 828 ; CE 3 juill. 1970, Cne de Dourgne, Lebon 462 ; CE, sect., 10 mars 1978, OPHLM de
Nancy, Lebon 121, AJDA 1978. 401, concl. Labetoulle ; CE 2 oct. 1987, Cne de Labastide-Clairence, Lebon 991 ; Civ. 1 re, 2 juin
1993, EDF c/ Épx Moreau et autres, n o 91-16.780 , D. 1993, IR 157 ).

31. La jurisprudence « Effimieff » a cependant ouvert de toute évidence une brèche dans l'articulation entre travail public et
ouvrage public, dès lors qu'elle décide que la construction, par une personne publique, d'immeubles destinés à devenir
propriétés privées constitue une opération de travaux publics : le travail public ne produit pas alors d'ouvrage public (et il peut
arriver inversement qu'un ouvrage public ne soit pas le produit d'un travail public : CE 15 mars 1961, Ville de Lavaur,
Lebon T. 1200).

32. La perte du statut d'établissement public, première phase de la privatisation d'entreprises publiques telles qu'EDF et GDF
(L. n o 2004-803 du 9 août 2004, JO 11 août), pose, elle aussi, cette question de l'articulation entre les deux notions : non
seulement leurs travaux ne sont plus ceux de personnes morales de droit public, mais la séparation juridique entre activités
de production ou de fourniture et activités de gestion des réseaux a pour conséquence que les sociétés chargées de ces
dernières sont propriétaires des ouvrages qu'elles sont désormais chargées d'entretenir. Il n'y a dès lors plus de place pour la
qualification de travaux publics, ni au titre de la jurisprudence « Montségur » (V., a contrario, s'agissant de France Télécom,
T. confl. 21 juin 2004, GAEC des Hayettes et C ie d'assurances Les Abeilles c/ Sté France Télécom, Lebon T. 902 ; et déjà,
T. confl. 17 janv. 2002, Mlle Labrosse c/ GDF, Lebon 549), ni au titre de la jurisprudence « Effimieff ». Mais les ouvrages en
cause sont-ils encore publics ? Dans les cas d'EDF et de GDF, la réponse est clairement négative (CE, avis, 11 juill. 2001,
Adelée, Lebon 372, Dr. adm. 2002, n o 36, note C. Lavialle). Et cette solution pourrait se généraliser autour d'un critère
d'« appartenance publique » commun aux notions de travail public et d'ouvrage public (V., en ce sens, C. LAVIALLE, Une
privatisation peut en cacher une autre, AJDA 2004. 1729 )… bien que la législation récente ne brille pas par sa cohérence
(ainsi la loi du 20 avril 2005 sur la privatisation d'Aéroports de Paris prévoit-elle que les ouvrages affectés au service public
demeureront des ouvrages publics ; V. F. MELLERAY, Incertitudes sur la notion d'ouvrage public, AJDA 2005. 1376 ).

33. Il faut, en outre, que l'ouvrage public présente un aménagement, fût-il très limité : tel est le cas d'un bassin creusé dans
les rochers d'une plage (CE 6 mars 1968, Huet, Lebon 166), d'un fossé aménagé en collecteur d'égout (CE 10 avr. 1974, Ville
de Cannes c/ Sté Ricordel, Lebon 227), d'un terre-plein sommairement aménagé en parc de stationnement (CE 19 oct. 1979,
Sté « Difamelec au roy de la télévision », Lebon T. 909) ou encore d'une cale d'accès à la mer constituée d'une dalle en béton
coulée sur un enrochement (TA Caen, 20 janv. 2004, Assoc. Manche nature, AJDA 2004. 1776, note X. Braud ).

34. En revanche, ni une plage en elle-même (CE 5 avr. 1974, Allieu, Lebon 216), ni une piste de ski en elle-même (CE, sect.,
12 déc. 1986, Rebora, Lebon 281), ni un couloir aérien d'aérodrome (CE 2 déc. 1987, Cie Air Inter, Lebon 393), ni un cours
d'eau non navigable, non flottable et vierge de tout aménagement public (CAA Paris, 10 oct. 1991, SARL Le grand garage
d'Egly, Dr. adm. 1991, n o 553), ne sont des ouvrages publics. Et la circonstance qu'un chemin et quelques équipements aient
été aménagés au sommet d'une colline ne suffit pas à lui conférer le caractère d'ouvrage public (CE 14 janv. 2005, Soltes,
Lebon T.1129 ; V. déjà, pour des travaux confortatifs engagés par une commune dans des galeries souterraines, CE, sect.,
17 déc. 1971, Sieur Véricel et autres, Lebon 782).

35. Enfin, un immeuble en copropriété ne peut être qualifié d'ouvrage public, ni d'ailleurs relever de la domanialité publique
(CE 11 févr. 1994, Cie d'assurances Préservatrice foncière, req. n o 109564 , RFDA 1994. 502, concl. Toutée ).

§ 3 - Dommages de travaux publics


3 6 . Il faut ici non seulement définir les caractéristiques des dommages réparables mais aussi caractériser le régime de la
causalité.

A. - Qualification des dommages


3 7 . La responsabilité pour dommages de travaux publics répare tant les conséquences de l'exécution d'une opération de
travaux publics - construction, réparation ou simple entretien d'un ouvrage public - que celles de la conception, de l'existence
ou de l'inexistence même d'un ouvrage.

3 8 . Une part importante de la doctrine continue à distinguer ainsi en la matière entre dommages « permanents » et
dommages « accidentels », alors que depuis 1944 le Conseil d'État a cessé de se référer à cette distinction pour lui substituer
la césure majeure entre usagers et tiers (V. infra, n os 98-114).

39. C'est que cette distinction ne concerne à la vérité que la situation des tiers : nul n'est jamais usager « permanent » d'un
ouvrage, et l'usager qui « profite » d'un ouvrage n'est jamais fondé à se plaindre de son existence même.

4 0 . En tout état de cause, il serait plus clair de distinguer entre dommages « structurels » (c'est-à-dire dus à la seule
existence ou à la conception d'un ouvrage) et dommages « opérationnels » (résultant des conditions d'exécution ou
d'inexécution d'une opération de travaux publics).

41. Mais, même alors, la distinction n'est opératoire que pour expliquer les variations du champ d'application aux tiers du
régime de responsabilité sans faute, champ plus large pour les dommages « opérationnels » (en ce cas, tout préjudice subi
par un tiers est réputé anormal) que pour les dommages « structurels » (seuls les préjudices dépassant les « inconvénients
normaux du voisinage » étant alors jugés anormaux).

42. Il est par ailleurs évidemment nécessaire pour que le dommage soit réparable qu'il soit certain, ce qui implique qu'il y ait
atteinte à une situation réelle et non à une simple possibilité ; c'est pourquoi le dommage causé à une propriété n'est réparé
que dans la limite de l'usage qui en était fait par son propriétaire (CE 22 janv. 1954, Éts Jacquet et Cie, Lebon 36 ; V., cep.,
contra : CE 17 avr. 1992, Mme Azéma et Mme Soulié, Lebon 188).

43. De même n'est réparable que l'atteinte à une situation juridiquement protégée, ce qui exclut bien sûr les atteintes à des
situations illégitimes (CE, sect., 22 déc. 1950, Terrien, Lebon 636 : prise d'eau irrégulière), mais aussi les dommages causés
aux occupants sans titre du domaine public par les travaux entrepris sur ce domaine (CE 17 oct. 1962, Beratto, Lebon 543,
concl. Braibant) et encore les atteintes à des situations de pur fait (CE 11 déc. 1964, Min. Travaux publics et transports c/ Cne
de Trèbes, Lebon 642 : perte d'un avantage que l'ouvrage n'avait pas pour fonction de procurer).

B. - Lien de causalité entre le dommage et le travail public


44. S'agissant de dommages « opérationnels », l'engagement de la responsabilité administrative suppose bien entendu non
seulement qu'il y ait opération de travaux publics mais encore qu'un lien de causalité directe rattache le préjudice subi à cette
opération.

4 5 . Ainsi, un dommage survenu à l'occasion de l'exécution d'un travail public ne constitue pas un « dommage de travaux
publics » s'il résulte de l'action d'une personne étrangère à cette opération (T. confl. 4 mars 2002, Sté SACMAT c/ Sté Cardon,
Sté La concorde, Sté ABLB, Lebon 541, D. 2002. 2026 ).

4 6 . Quant aux dommages résultant de l'inexécution d'une opération de travaux publics, ils ne sont pas qualifiables de
dommages de travaux publics (CE 6 janv. 1971, Dame Louvet, Lebon 6 ; 4 mai 1979, Sté Estrine, Lebon 195). En revanche, le
défaut de réalisation d'un équipement nécessaire à un ouvrage public est constitutif d'un dommage de travaux publics
(CE 16 mars 1960, Cie maritime de transport de goudron et Cie d'assurances maritimes, aériennes et terrestres, Lebon 199 :
absence de balisage d'un rocher dans un chenal navigable ; 30 juin 1950, Min. Travaux publics c/ Sté Merrienne frères et
autres, Lebon 408 : absence de balisage d'une épave dans un port ; CE 7 janv. 1970, Cne de Cassis, Lebon 10 : défaut
d'élagage d'un buisson).

47. Il arrive cependant que la jurisprudence apprécie très libéralement le caractère direct du lien de causalité requis entre le
travail public et le dommage : ont été réparés la perte de qualité du vin produit par des vignes situées en bordure d'une route
qui avait fait l'objet de travaux de goudronnage (CE 26 juin 1959, Lahaye, Lebon 407), les dommages causés à des vergers
par les poussières soulevées par la circulation des véhicules de chantier de sociétés concourant à la construction d'une ligne
ferroviaire (T. confl. 26 juin 2006, GAEC de Campoussin c/ SNCF et autres, Lebon 631) et la salissure des moquettes de salles
de cinéma situées sur une place dont la chaussée était en réfection (CE, sect., 7 mars 1969, Sté Éts Lassailly et Bichebois,
Lebon 148) ; l'a également été sur le terrain des dommages de travaux publics l'accident de la circulation causé par une balise
de signalisation hors d'usage que des tiers non identifiés avaient déplacée nuitamment de l'accotement sur la chaussée (CE,
ass., 9 janv. 1976, Min. Aménagement du territoire et logement, équipement et tourisme c/ Dame Berkow itz, Lebon 21, concl.
J.-F. Théry) ; une commune, maître de l'ouvrage que constitue un étang, est responsable de l'électrocution d'un pêcheur dont
la canne est entrée en contact avec une ligne à haute tension, alors même que ladite ligne n'est en rien incorporée à
l'ouvrage public communal, en raison de l'absence de signalisation constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage
(CE 26 juin 1992, Cne de Bethoncourt c/ Cts Barbier, Lebon 268, concl. Le Chatelier).

48. Enfin, le juge apprécie les parts respectives prises dans la production d'un dommage par les éléments naturels et par
l'exécution d'une opération de travaux publics ou par l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, ce qui peut le
conduire à n'engager que partiellement la responsabilité administrative (CE 10 févr. 1978, Min. Équipement c/ Dame Vve
Auguste, Lebon T. 961), notamment en fonction de l'aggravation du dommage par l'existence ou par le mauvais
fonctionnement de l'ouvrage (CE 2 mars 1984, Synd. intercommunal de l'Huveaune et autres, Lebon 93).

Art. 2 - Exclusions
49. Les limites du domaine de la responsabilité pour dommages de travaux publics ont été tracées à la fois par des lois et par
des théories jurisprudentielles.

§ 1 - Exclusions législatives
A. - Occupation temporaire
50. Le droit d'occupation temporaire de propriétés privées au titre d'opérations de travaux publics est régi par une loi du
29 décembre 1892 qui prévoit l'indemnisation non seulement des propriétaires mais aussi, le cas échéant, des fermiers,
locataires ou usufruitiers et la réparation tant de la dépossession que de la valeur de matériaux extraits ou de troubles de
jouissance de toutes sortes.

51. Les actions en réparation, qui relèvent - sauf l'hypothèse très singulière dans laquelle il y a eu expropriation aux fins
d'occupation temporaire (CE 26 juill. 2006, Min. des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer c/ Cts Revillard,
Lebon 373) - de la compétence des juridictions administratives (Civ. 1 re, 3 déc. 1996, Sté des autoroutes Paris-Rhin-Rhône et
autres c/ Blanchet, n o 94-20.245, D. 1997, IR 10 ), sont ainsi fondées sur une norme législative spécifique et non sur la
théorie prétorienne des dommages de travaux publics.

B. - Dommages accessoires à une expropriation


52. L'exécution de travaux publics intervient souvent sur des terrains qui ont été préalablement expropriés, ce qui nécessite
de distinguer entre les dommages accessoires à l'expropriation, dont la réparation relève du juge judiciaire, et les dommages
de travaux publics. Cette distinction est parfois subtile : V. ainsi, à propos des difficultés d'exploitation nées d'allongements de
parcours : T. confl. 5 déc. 1977, Sélo c/ Dpt du Morbihan, Lebon 669, dans le sens de la compétence judiciaire, et CE 15 janv.
1979, Outters c/ Min. Équipement, Lebon 560, dans le sens de la compétence de la juridiction administrative. De même,
lorsque la création d'une voie publique coupe en deux une exploitation agricole, c'est le juge de l'expropriation qui fixe
l'indemnité réparant notamment les préjudices accessoires relatifs aux terrains conservés par le propriétaire, en particulier la
perte de valeur vénale (T. confl. 5 déc. 1977, Selo, Lebon 669)… sauf cependant en cas de remembrement, car le propriétaire,
qui a fait apport de ses terrains à l'association foncière, n'a plus alors la qualité d'exproprié, ce qui fait alors de la perte de
valeur vénale des terrains conservés et de la détérioration de leurs conditions d'exploitation des dommages de travaux
publics (CE 7 juill. 2006, Bossuyt, Lebon T. 1095).

5 3 . Encore faut-il prendre en compte des lois spéciales attribuant compétence au juge judiciaire pour la réparation des
dommages aux propriétés résultant de servitudes en matière de distribution d'énergie (L. 15 juin 1906) ou encore d'ouvrages
hydroélectriques (L. 16 oct. 1919). Mais ces lois dérogatoires aux critères de répartition des compétences entre ordres
juridictionnels sont d'interprétation stricte : elles ne concernent que les dommages causés par l'institution des servitudes en
cause (CE 12 déc. 1955, Ané c/ EDF, Lebon 628 ; T. confl. 15 juin 1970, Dame Audebert c/ EDF, Lebon 887) et non les
dommages de travaux publics (CE 6 juill. 1988, EDF c/ Synd. départemental d'électrification et d'équipement rural de la
Charente-Maritime, req. n o 29638 , inédit).

54. Enfin, si la réparation des dommages accessoires à une expropriation ne relève pas du régime de responsabilité pour
dommages de travaux publics, en revanche ce régime s'applique à des personnes privées expropriées mais conservant la
jouissance de leur ancienne propriété dans l'attente du versement de l'indemnité d'expropriation dès lors que l'inondation de
ladite propriété, qui a causé la perte d'objets mobiliers leur appartenant, est due à l'exécution de travaux publics dans un
ravin avoisinant ; le fait que les dommages soient survenus lors de la phase judiciaire de l'expropriation ne fait obstacle ni à
leur qualification de dommages de travaux publics, ni à l'application du régime administratif y afférent (CAA Bordeaux, 11 juin
2001, Moutama, Dr. adm. 2002, n o 59).

C. - Accidents scolaires
55. La loi du 5 avril 1937 (dont l'article 2 est codifié à l'article L. 911-4 du code de l'éducation) confie au juge judiciaire la
compétence pour réparer les dommages causés aux élèves placés sous la surveillance de membres de l'enseignement public
primaire et secondaire, la responsabilité de l'État se substituant à celle des enseignants. Or les accidents ainsi visés trouvent
parfois leur cause dans un défaut de conception, d'aménagement ou d'entretien d'un ouvrage public (ou plus rarement dans
les conditions d'exécution d'une opération de travaux publics).

56. On pourrait dès lors s'attendre à ce que l'engagement de la responsabilité administrative sur le terrain des dommages de
travaux publics soit tenu en échec par ces dispositions législatives. Telle n'est pourtant pas la solution retenue par le Tribunal
des conflits, qui a utilisé le caractère extensif de la notion de travaux publics pour admettre la compétence des juridictions
administratives lorsque le dommage subi par l'élève avait été causé par un ouvrage public ou par une opération de travaux
publics (T. confl. 27 juin 1966, Le Burel c/ État, Lebon T. 896).

D. - Dommages causés par des véhicules


57. La loi du 31 décembre 1957, qui substitue au régime administratif compétence judiciaire et application du droit privé en ce
qui concerne les dommages accidentels causés par des véhicules, c'est-à-dire les hypothèses dans lesquelles « le dommage
invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule », a été considérée dès l'origine comme d'interprétation
extensive : dès sa promulgation, le Tribunal des conflits, le Conseil d'État et la Cour de cassation se sont accordés pour
considérer qu'elle s'applique à tout dommage causé par un véhicule quelconque appartenant à une personne morale de droit
public, alors même que ce véhicule aurait été utilisé pour l'exécution d'un travail public (V., par ex., T. confl. 20 nov. 1961,
Dame Kouyoumdjian, Lebon 882).

58. La notion de véhicule est elle-même entendue très largement puisqu'elle se définit comme tout engin susceptible de se
mouvoir par un dispositif propre ; en outre, la loi de 1957 s'applique alors même qu'il n'y a pas eu contact direct entre le
véhicule et la personne ou la chose qui a subi le dommage (V. ainsi, pour la poussière soulevée par des camions, CE 2 oct.
1970, Sté Entreprise Muller Frères, Lebon 547).

5 9 . Cependant, si la victime n'invoque comme cause de l'accident que le défaut d'entretien de la voie publique, la
responsabilité pour dommages de travaux publics retrouve logiquement application (CE 1 er juill. 1988, Caisse primaire
d'assurance maladie de Saône-et-Loire, Lebon 269), et si le dommage est imputable à la fois à des opérations de chantier et
à l'action d'un véhicule, chaque partie du dommage ainsi distinguée peut faire l'objet d'une action distincte sur une cause
spécifique et devant l'ordre juridictionnel correspondant (CE 25 juin 1975, Sté L'entreprise industrielle, Lebon 386).

60. Au surplus, la jurisprudence récente semble encline à revenir sur l'attitude systématique d'interprétation extensive qui
était la sienne depuis 1958 ; ainsi, alors même qu'un engin ayant le caractère d'un véhicule a été utilisé dans le cadre de
travaux, dès lors que le dommage ne se rattache pas à la seule intervention de ce véhicule mais à « une opération
d'ensemble consistant en l'exécution de travaux publics », il y a dommage de travaux publics (T. confl. 12 févr. 2001, Cne de
Courdimanche et Cie Groupama Île-de-France c/ Agent judiciaire du Trésor, Lebon T . 735 ; T. confl. 20 juin 2005, Mme
Dufraisse c/ OPAC d'Indre-et-Loire et autres, Lebon 661). De même, les dommages causés à des vergers par les poussières
soulevées par la circulation de véhicules de chantier de sociétés concourant à la construction d'une ligne ferroviaire, dès lors
qu'ils découlent de l'absence de mesures prises pour prévenir ou supprimer ces nuisances, ne trouvent pas, en dépit des
apparences, leur cause déterminante dans l'action de véhicules au sens de l'article 1 er de la loi n o 57-1424 du 31 décembre
1957, mais résultent des conditions défectueuses d'organisation et d'exécution d'opérations de travaux publics (T. confl.
26 juin 2006, GAEC de Campoussin c/ SNCF et autres, Lebon 631 ; comp. avec CE 2 oct. 1970, Sté Entreprise Muller Frères,
préc. V. supra, n o 58).

61. De même, la loi du 31 décembre 1957, en vertu du dernier alinéa de son article 1 er, ne s'applique pas aux dommages
causés au domaine public routier. Mais, en vertu de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, la compétence judiciaire
réapparaît en matière pénale, s'agissant plus précisément de la répression des infractions à la police de la conservation du
domaine public routier. Lorsqu'au contraire il s'agit non de poursuites pénales dirigées contre une collectivité publique ou un
concessionnaire mais de simples demandes de réparation, le régime de responsabilité pour dommages de travaux publics
s'applique très normalement (T. confl. 17 déc. 2001, Sté des autoroutes Paris-Rhin-Rhône c/ Mme Archer et Sté MATMUT,
Lebon 759, D. 2002. 370 ).

62. Il ne faut enfin pas oublier que la loi de 1957 ne concerne que la responsabilité quasi délictuelle et ne peut dès lors
s'appliquer lorsque le propriétaire du véhicule cause du dommage et la victime sont liés par contrat (CE, sect., 11 janv. 1978,
Cie Union et le phénix espagnol, Lebon 6, concl. Genevois).

§ 2 - Exclusions prétoriennes
A. - Emprise
63. Lorsqu'une opération de travaux publics s'accompagne d'une emprise irrégulière, c'est-à-dire d'une dépossession d'un
immeuble privé résultant d'une décision illégale, il convient de distinguer la réparation de l'emprise, qui relève de la
compétence judiciaire (mais la question de la régularité de la décision administrative initiale est préjudicielle), de celle
d'éventuels dommages de travaux publics. Mais cette distinction est souvent délicate (V., par ex., T. confl. 4 juill. 1983,
François, Lebon 539 ; V. aussi, pour la qualification d'emprise irrégulière en cas de modification substantielle du tracé de la
pose d'une canalisation d'assainissement, non acceptée par la SCI propriétaire du terrain, T. confl. 21 juin 2004, SCI Camaret
c/ SIVOM de la région d'Issoire et des communes de la banlieue sud-clermontoise, AJDA 2004. 1722 ).

B. - Voie de fait
6 4 . L'existence d'une voie de fait tient évidemment en échec le bloc de compétence administrative résultant du caractère
attractif de la notion de travail public ; la jurisprudence est cependant aussi subtile que fournie sur la délimitation des champs
d'application des deux théories (V., par ex., T. confl. 23 janv. 1978, Boisson, Lebon 645).

65. Les pouvoirs du juge de la voie de fait ont connu une importante extension récente du fait de l'affaiblissement récent du
principe d'intangibilité des ouvrages publics : si une juridiction judiciaire continue en principe à ne pouvoir « prescrire aucune
mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public »,
cette prohibition est désormais levée en cas de voie de fait, dès lors du moins qu'« aucune procédure de régularisation
appropriée n'a été engagée » (T. confl. 6 mai 2002, M. et Mme Binet c/ EDF, Lebon 544, AJDA 2002. 1229, note P. Sablière ).
C. - Primat de la responsabilité contractuelle
6 6 . On sait que la théorie prétorienne de l'imprévision, visant à rétablir l'équilibre financier des contrats de concession
(CE 30 mars 1916, Cie générale d'éclairage de Bordeaux, Le b o n 125, GAJA, 14 e éd., n o 32), s'est inspirée, comme l'a
rappelé le commissaire du gouvernement CHARDENET (concl. au Lebon 125), de la notion de « charges et sujétions
imprévues » construite par une jurisprudence fournie en matière de travaux publics. Mais même si le fait déclencheur de
l'indemnisation est extracontractuel, le fondement de l'action en réparation ne l'est pas puisqu'il s'agit par hypothèse de
rétablir l'équilibre financier voulu par les parties : la cause de la demande ne peut relever que de la sphère contractuelle.

Actualité
66. Précisions sur la notion de sujétions imprévues. - La seule existence dans un contrat d'une clause renvoyant à une étude
complémentaire ne peut suffire à exclure l'existence de sujétions imprévues (CE 3 mars 2010, Sté Presspali Spa, req.
n o 304604 , AJDA 2010. 470, obs. Pastor ).
Indemnisation des sous-traitants en cas de sujétions techniques imprévues. - Le bouleversement de l'économie générale d'un
contrat entraîné par des sujétions techniques imprévues apparues pendant l'exécution d'une partie sous-traitée d'un marché
s'apprécie en comparant le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant
de la partie sous-traitée (CE 1 er juill. 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n o 383613 , AJDA 2015. 1343, obs.
Poupeau ).

6 7 . Or la responsabilité pour dommages de travaux publics s'efface nécessairement alors en vertu du primat de la
responsabilité contractuelle sur la quasi délictuelle. Ce principe général s'applique tout particulièrement à la situation des
usagers des services publics industriels et commerciaux (SPIC), à la fois contractuelle et de droit privé.

1° - Cas des usagers des services publics industriels et commerciaux


68. Deux raisons se rejoignent ici pour exclure l'applicabilité de la responsabilité administrative pour dommages de travaux
publics : d'une part le bloc de compétence judiciaire et d'application du droit privé qui concerne toutes les relations que les
services publics industriels et commerciaux entretiennent avec leurs usagers (T. confl. 22 janv. 1921, Sté commerciale de
l'Ouest africain, Le bo n 91, GAJA, 14 e éd., n o 38 ; CE, sect., 13 oct. 1961, Éts Campanon-Rey, Lebon 567) ; d'autre part
l'impossibilité de principe d'appliquer un régime de responsabilité quasi délictuelle à des relations qui sont en principe
contractuelles.

69. Les dommages subis par l'usager, alors même qu'ils seraient dus au mauvais fonctionnement d'un ouvrage public exploité
par le service, ne sont donc réparables qu'au titre de la responsabilité civile contractuelle de l'exploitant, laquelle fait en
quelque sorte écran entre l'ouvrage public et la victime : celle-ci, usager du service, ne peut de ce fait être prise en qualité
d'usager de l'ouvrage. Dès lors le dommage, même s'il en présente tous les caractères, n'est pas traité comme dommage de
travaux publics : seul le juge (judiciaire) du contrat est compétent (CE 17 avr. 1953, Régie municipale des tramw ays de
Béziers et Ville de Béziers, Lebon 180 ; 19 mars 1948, Sté lozérienne d'énergie électrique, Lebon 143 ; T. confl. 2 mars 1987,
Cie La Lutèce c/ EDF, CJEG 1987. 685).

70. Ainsi, « alors même que la cause du dommage résiderait dans un vice de conception, de construction, d'entretien ou de
fonctionnement de l'ouvrage public qui assure [la] fourniture », l'usager du service de distribution d'eau, « eu égard aux
rapports juridiques qui naissent du contrat d'abonnement », ne peut exercer qu'une action en responsabilité contractuelle
« en cas de dommage subi par lui à l'occasion de la fourniture de l'eau » (CE, sect., 11 juill. 2001, Sté des eaux du Nord,
Le b o n 348 ; V. aussi, en matière de fourniture d'électricité, pour le jeu atténuatoire d'un fait de la victime mais en
responsabilité contractuelle appréciée par les juges judiciaires, T. com. Lyon, 13 juill. 2001, Sté Massimi-SFM c/ EDF, CJEG
2002. 482, et pour le jeu exonératoire d'une « contrainte insurmontable » d'ordre météorologique mais toujours en
responsabilité contractuelle appréciée par les juges judiciaires, CAA Rennes, 7 sept. 2000, MAIF et autres c/ EDF, CJEG
2001. 337).

71. Bien entendu, il n'en est ainsi que lorsque le dommage a été causé « à l'occasion de la fourniture de la prestation » dont
l'objet est celui du service public industriel et commercial, ce qui implique notamment, s'agissant de fourniture d'eau, d'énergie
ou de télécommunications par câble, qu'il se soit produit au niveau du branchement particulier de l'abonné (V., par ex., sur
cette notion, CE, sect., 22 janv. 1960, Gladieu et autres, Lebon 52, CJEG 1960. 92, concl. Fournier).

7 2 . En revanche, lorsque les travaux à l'occasion desquels est survenu le dommage ne portent pas sur le branchement
particulier d'un abonné au gaz, la responsabilité redevient extracontractuelle et la théorie des dommages de travaux publics
retrouve application. Il en est ainsi d'inondations dues à un refoulement des eaux d'un collecteur dans le branchement
particulier d'un immeuble dès lors que le préjudice trouve son origine dans une partie du réseau d'assainissement antérieure
à ce branchement (CAA Nancy, 31 oct. 1991, District urbain de Toul, Lebon T. 1241), ou d'intoxication au gaz causée par la
défectuosité d'une canalisation desservant l'ensemble d'un immeuble collectif (T. confl. 1 er juill. 2002, Mlle Labrosse c/ Gaz de
France, Lebon 549, AJDA 2002. 689, note Biget ). Tel est encore le cas d'une personne qui, venant d'utiliser le métro, subit
un dommage à la sortie d'une station et plus précisément hors de l'enceinte contrôlée et réservée aux usagers : elle n'est
plus liée à la RATP par un contrat de transport ni même considérée comme usager au moment où le dommage est survenu (CA
Paris, 21 mars 1990, RATP c/ Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et autres, D. 1990, IR 92 ).

73. Il faut en outre qu'il y ait eu à la fois utilisation effective de l'ouvrage et intention d'obtenir la prestation fournie par le
service, afin que l'usager soit considéré comme celui dudit service et non pas seulement comme celui de l'ouvrage. Au cas
contraire, la responsabilité pour dommage de travaux publics réapparaît, entraînant la compétence de la juridiction
administrative (CE, sect., 24 nov. 1967, Min. Travaux publics c/ Dlle Labat, Lebon 444).
74. La condition d'utilisation effective a été initialement interprétée comme supposant l'existence formelle d'un contrat entre
le service et l'usager. Cette exigence a été ensuite assouplie par l'assimilation au titulaire de l'abonnement de toute personne
vivant à son foyer ou même se trouvant à son domicile lors de l'accident, puis au contrat en vigueur de celui qui avait expiré
au jour du dommage ou même de celui qui n'était pas encore conclu (par exemple dans le cas du voyageur monté à bord d'un
véhicule, mais n'ayant pas encore acheté son titre de transport). Toute exigence de référence à un contrat finit par être
abandonnée, la jurisprudence se bornant à caractériser « la nature juridique des liens existant entre les services publics
industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé » (CE, sect., 22 janv. 1960, Gladieu,
Lebon 52, CJEG 1960. 92, concl. Fournier ; 13 janv. 1961, Dpt du Bas-Rhin, Lebon 38 ; T. confl. 17 oct. 1966, Dame Vve
Canasse c/ SNCF, Lebon 834, JCP 1966. II. 14899, concl. Dutheillet de Lamothe, D. 1967. 252, note Durupty ; CE 5 déc. 1983,
Niddam c/ SNCF, Lebon 541).

75. Pour autant, lorsque la qualité de tiers au service est incontestable, seul le juge administratif est logiquement compétent
pour apprécier ce qui n'est alors qu'un dommage de travaux publics (CA Rouen, 4 mars 1992, UAP c/ Eskinazi et autres, CJEG
1993. 259, note Sachs).

2° - Cas des autres cocontractants de l'Administration


76. Le principe général d'exclusion de la responsabilité quasi délictuelle par la responsabilité contractuelle est attesté par une
jurisprudence fournie (V., not., CE, sect., 28 juill. 1952, Cie d'assurances Rhin et Moselle, Lebon 424 ; CE 3 déc. 1972, Cie
d'assurances maritimes, aériennes et terrestres, Lebon 805), y compris en ce qu'il paralyse toute application de la
responsabilité pour dommages de travaux publics (T. confl. 24 juin 1954, Dame Galland, Guyomar et Salel, Lebon 717 et 718,
D. 1955. 544, note J.-M. Auby).

77. Ainsi, en dehors même du bloc de compétence judiciaire applicable aux rapports entre les SPIC et leurs usagers, une
action dont le fondement réside dans un contrat de droit privé, même engagée par la victime d'un dommage survenu à
l'occasion d'une opération de travaux publics, ne saurait être accueillie par le juge administratif au titre de la responsabilité
pour dommages de travaux publics (T. confl. 4 mars 2002, Sté SACMAT c/ Sté Cardon, Sté La Concorde, Sté ABLB, Lebon 541,
D. 2002. 2026 ).

78. Encore faut-il bien entendu que ce soit la victime elle-même qui se trouve liée par contrat à l'Administration ou à son
concessionnaire de travaux publics. Tel n'est pas le cas d'un ouvrier employé par une entreprise ayant passé contrat avec un
tel concessionnaire (T. confl. 14 nov. 1960, Caisse régionale Rhône-Alpes et Centrale lyonnaise de sécurité sociale,
Lebon 869).

79. Lorsque le contrat est administratif, le contentieux, certes cette fois soumis à la juridiction administrative, ne sera pas
celui de la responsabilité pour dommages de travaux publics mais celui de la responsabilité contractuelle (CE, sect., 20 avr.
1956, Min. Agriculture c/ Cts Grimouard et autres, Lebon 168, GAJA, 14 e éd., n o 75 ; CE 13 déc. 1972, Cie d'assurances
maritimes aériennes et terrestres CAMAT et autres, Lebon 805). Il en résulte notamment que parmi les principes régissant la
responsabilité contractuelle celui de l'effet relatif du contrat peut venir limiter le droit à réparation (V., par ex., CE 9 oct. 1996,
Séjourne, Lebon 389 : dans le cas de travaux de reboisement effectués d'office par l'État pour le compte et aux frais d'un
propriétaire défaillant, le propriétaire ne peut agir directement contre les entrepreneurs que l'État a chargés des travaux par
un contrat auquel il n'est pas partie).

80. De manière générale, alors même que la victime n'est pas atteinte en tant qu'usager, elle ne peut en aucun cas être
considérée comme tiers au sens du régime de responsabilité pour dommages de travaux publics dès lors qu'elle a passé
contrat avec le gestionnaire du service ou même seulement avec la personne publique concédante (CAA Bordeaux, 26 nov.
2002, Office national des forêts, req. n o 00BX02225, AJDA 2003. 86, note Rey ). C'est également le cas d'un fournisseur
(T. confl. 5 mars 1962, Marcadet c/ Sté Routes et bâtiments, Lebon T. 1017), d'un agent contractuel (CE 27 mai 1957, Mathais
et autres, Lebon 353) ou d'un titulaire d'autorisation contractuelle d'utilisation privative du domaine portuaire (CE 25 nov.
1994, Sté Aticam et autres, req. n o 137318 , RFDA 1995. 206).

Section 2 - Mise en cause de la responsabilitépour dommages de travaux publics


81. Deux questions élémentaires se posent nécessairement ici : quels sont les régimes de responsabilité applicables selon les
situations ? Quelles sont les personnes dont la responsabilité peut être mise en cause ?

Art. 1 - Détermination des régimes applicables


8 2 . On ne peut saisir l'architecture de la responsabilité pour dommages de travaux publics qu'en prenant la mesure de
l'ensemble de l'édifice avant de passer en revue les différents régimes de responsabilité en vigueur.

§ 1 - Structure générale de la responsabilité


8 3 . La responsabilité pour dommages de travaux publics est une branche maîtresse du droit de la responsabilité de la
puissance publique. À ce titre, elle reçoit application des principes généraux de celle-ci, mais au-delà de ce cadre d'ensemble
elle est profondément marquée par l'élaboration historique de règles qui lui sont particulières.

A. - Applicabilité des principes généraux de la responsabilité administrative


8 4 . L'essentiel est ici le jeu du principe d'égalité devant les charges publiques, qui conditionne la caractérisation de
l'éventuelle « anormalité » des préjudices et détermine une hiérarchie dans la protection des victimes de dommages de
travaux publics.
1° - Égalité et « normalité »
85. Le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, consacré par l'article 13 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789, constitue le fondement ultime de toute responsabilité administrative. Sans aller évidemment
jusqu'à réparer toute atteinte à cette égalité, le juge administratif met en cause la responsabilité administrative lorsque
l'atteinte lui semble « anormale ».

86. L'élément d'anormalité, toujours présent en cas de faute, peut être également caractérisé au niveau non plus du fait
administratif (l'Administration n'ayant commis aucune faute), mais du préjudice lui-même (la situation faite à l'administré, alors
même que rien ne peut être reproché à l'Administration, n'est pas tolérable en ce qu'elle s'écarte de manière choquante de la
situation moyenne admissible dans les circonstances de l'espèce).

8 7 . On mesure ainsi ce que les régimes de responsabilité administrative pour faute et sans faute ont de commun et au
contraire de distinctif quant à leur(s) fondement(s). Le fonds commun est la nécessité sociale de réparer une rupture d'égalité
dépassant un « seuil d'anormalité » (par référence aux inconvénients normaux de la vie sociale que l'administré doit assumer
sans se plaindre). La différenciation réside en ce que, dans les cas de responsabilité pour faute, la caractérisation du
préjudice imputable à l'action administrative ne suffit pas à établir cette « anormalité » de la situation : la mise en cause de la
puissance publique suppose alors de plus que soit caractérisée la violation d'une des obligations qui pesaient sur elle,
établissant un comportement moralement répréhensible par l'analyse de données subjectives. Au contraire, la responsabilité
sans faute est pleinement objective - au regard du jugement porté sur l'action administrative - puisqu'elle est engagée alors
même qu'il n'y a rien dans le comportement de l'Administration qui appelle le reproche, en raison des seules caractéristiques
du préjudice subi révélant une inégalité anormale.

2° - Égalité et hiérarchisation des victimes


8 8 . La responsabilité administrative sans faute, qui ne saurait constituer un régime de droit commun sans risque
d'immobilisme, n'existe ainsi que là où se manifeste un élément exceptionnel dans la situation particulière de la victime
demanderesse. Que le juge prenne en compte la nécessaire réparation d'un « risque administratif » ou qu'il se borne à se
référer au principe d'égalité devant les charges publiques, sa démarche consiste toujours à confronter la situation de la
victime à ce qu'il estime être la situation « normale » (appréciée en équité) de l'administré « comparable ».

8 9 . Si cette confrontation fait apparaître soit un « risque exceptionnel », soit une prérogative exceptionnelle de
l'Administration (et c'est le cas en matière de travaux publics), soit encore une ampleur exceptionnelle du préjudice, alors le
dommage « ne peut plus […] être regardé comme une charge incombant normalement à l'administré » en contrepartie des
avantages que procure l'intervention de l'Administration (CE 24 juin 1949, Cts Lecomte, Lebon 307, GAJA, 14 e éd., n o 64).

90. Mais la ligne de partage entre préjudices « normaux » et « anormaux » ne peut être tracée qu'en considération de la
situation subjective de la victime au regard de l'action administrative : la jurisprudence a construit une échelle de protection
contre les dommages causés par l'action administrative exprimant une hiérarchie des victimes de l'Administration.

9 1 . En droit administratif général, le mieux traité est le collaborateur, parce que son intervention est indispensable à
l'exécution du service public. Vient ensuite le tiers, qui n'a pas recherché l'intervention de la puissance publique et qui ne doit
donc en souffrir en rien au-delà des « inconvénients normaux de la vie sociale ». L'usager du service public, en revanche,
profite de l'action administrative et doit par conséquent en assumer les risques dans une mesure plus large, si bien que c'est
le plus souvent seulement en cas de faute qu'il sera indemnisé. De même, le cocontractant de l'Administration ne sera que
rarement protégé par un régime de responsabilité administrative sans faute parce que la liberté contractuelle se paie, là
aussi, de l'assomption de risques : qui contracte doit prévoir et se prémunir, dans toute la mesure où c'est raisonnablement
possible.

B. - Particularisme de la responsabilité pour dommages de travaux publics


9 2 . Sans déroger - bien au contraire - à la structuration hiérarchique du traitement des victimes, la responsabilité pour
« dommages de travaux publics », entièrement orientée par une vision prétorienne de l'équité qui doit beaucoup à la théorie
du « risque-profit », présente à cet égard de notables particularités.

9 3 . En effet, si les travaux publics sont en dernière analyse entrepris dans l'intérêt de l'ensemble des administrés, ils ne
bénéficient pas identiquement à tous, si bien que le principe d'égalité commande une modulation des conditions de l'ouverture
du droit à réparation : pour ceux que l'on définit comme tiers à l'opération ou à l'ouvrage, ce bénéfice est seulement virtuel,
alors que l'usager est un bénéficiaire effectif et immédiat ; encore certaines catégories de tiers peuvent-elles être considérées
comme en situation intermédiaire entre ces deux modèles, qu'il s'agisse des voisins et surtout des riverains de voies
publiques (dont le bénéfice « virtuel » est en quelque sorte quasi immédiat). Enfin, les participants à une opération de travaux
publics ne sont par hypothèse pas extérieurs à celle-ci et jouiront en conséquence d'une protection plus limitée.

1° - Situation des participants à une opération de travaux publics


94. Ne sont ici considérés que les participants non liés par contrat avec une personne administrative dès lors que la présente
rubrique ne concerne que la responsabilité administrative quasi délictuelle (V. supra, n os 67 et 76-80).

9 5 . La notion de participant est définie de manière extensive par la jurisprudence : elle s'applique au personnel des
entreprises concourant aux travaux même lorsque l'employeur n'est pas directement à l'origine du dommage (CE 8 mai 1961,
Seguin et Cie d'assurances « La Prévoyance », Lebon 307) comme aux architectes (CE 16 déc. 1970, Teppe, Lebon 774) et
aux agents de contrôle de l'Administration (CE 1 er oct. 1969, Min. Équipement et logement c/ Guillaume et Cie d'assurances
« L'Union », Lebon 412).

96. Tel n'est cependant le cas ni des personnes dont la profession est sans rapport avec le bâtiment et les travaux publics
(ainsi des employés de la cantine d'un chantier : CE 8 févr. 1961, Santoro, Lebon 99) ni de celles qui apportent un concours, à
condition que celui-ci soit désintéressé, à l'opération de travaux publics et ont dès lors la qualité non de « participant » mais
de collaborateur bénévole couvert par un régime de responsabilité administrative sans faute (CE, ass., 27 nov. 1970, Cts
Appert-Collin, Lebon 709).

97. Les participants à une opération de travaux publics, qui sont en principe rémunérés et sont en tout cas censés avoir
apprécié et assumé les risques que comportait leur participation, ne sauraient ici réclamer de protection contre un fait
extérieur à leur propre activité ; ils ne peuvent dès lors mettre en cause la responsabilité administrative qu'en cas de faute
(simple) et doivent établir l'existence de celle-ci.

2° - Situation des usagers d'un ouvrage public


98. La définition jurisprudentielle de l'usager d'un ouvrage public a évolué dans un sens de plus en plus extensif au fil des
décennies. Ainsi est usager d'un chantier l'enfant qui s'y blesse en jouant près de la caravane où il réside avec son père qui y
travaille (CE 19 déc. 1980, Sté Silverio, Lebon T. 918), comme cet autre enfant qui est électrocuté par un rail conducteur en
jouant sur une voie ferrée (CE 5 mars 1980, SNCF c/ Mauro et Caisse primaire d'assurance maladie du Var, Lebon T. 918). Un
cycliste blessé par l'abaissement des barrières d'un passage à niveau, tiers par rapport au service public ferroviaire, n'en est
pas moins usager de l'ouvrage public (CE 14 mars 1990, Marie-France Declerck, Lebon T. 965). Un automobiliste qui a quitté la
déviation de contournement du chantier de construction d'un pont et dont le véhicule est tombé dans l'excavation préparant
la construction d'une des piles dudit pont est un usager du chantier (CAA Paris, 20 févr. 1990, Scicluna, Lebon T. 1025). Les
propriétaires riverains d'une rivière non navigable, ayant bénéficié des travaux de curage et de faucardement du lit de cette
rivière entrepris d'office par un syndicat intercommunal du fait de leur carence, sont usagers desdits travaux (CE 22 avr. 1992,
Assoc. syndicale autorisée des irrigants de la Vallée de la Lèze, Lebon T . 991 et 1356).

9 9 . De manière générale, l'usager « anormal » de l'ouvrage, c'est-à-dire celui qui ne respecte pas sa destination ou ses
règles d'utilisation, après avoir été considéré comme tiers (ce qui, paradoxalement, l'avantageait par rapport à l'usager
« normal » : CE, sect., 3 févr. 1956, Dame Vve Durand, Lebon 51, concl. Landron), est désormais assimilé à l'usager ordinaire
(CE, sect., 30 oct. 1964, Min. Travaux publics et transports c/ Piquet, Lebon 505, concl. Fournier), quitte bien entendu à ce que
soit prise en compte la faute de la victime à titre exonératoire ou atténuatoire (CE, sect., 2 mars 1956, Dupret, Lebon 106 ;
CE 12 juin 1998, M. Masse c/ EDF, CJEG 1999. 37, note Savignat).

100. Il peut arriver qu'une même personne juridique, victime du même fait dommageable, soit considérée comme usager à
l'égard de certains préjudices et comme tiers à l'égard de certains autres (V. le cas de la ville de Fréjus à la suite de la rupture
du barrage de Malpasset, qui avait la qualité d'usager quant aux dommages causés à son réseau de distribution d'eau mais
de tiers quant aux dommages causés aux voies publiques, au réseau d'éclairage et aux monuments de la ville : CE 22 oct.
1971, Ville de Fréjus, Lebon 630).

1 0 1 . Dans les cas douteux, la jurisprudence tend à privilégier la qualification d'usager (V. CE, sect., 12 oct. 1962, Dame
Sidore-Trotta, Lebon 537). La même logique la conduit à considérer l'usager d'une voie publique victime d'un défaut
d'entretien normal d'un ouvrage (de distribution d'eau ou d'électricité par exemple) incorporé dans la voie publique ou
constituant une « dépendance nécessaire » de celle-ci comme usager également dudit ouvrage (CE, sect., 26 mars 1965, Sté
des eaux de Marseille, Lebon 212 ; en revanche, en l'absence de lien nécessaire entre l'ouvrage générateur du dommage et
la voie publique, la victime est regardée comme tiers : CE 30 juin 1972, Sté lyonnaise des eaux et de l'éclairage,
Lebon T. 1246 ; T. adm. Bordeaux, 30 oct. 1990, Liarcou c/ Régie d'électricité de la Gironde, LPA 22 janv. 1992, p. 25). La
jurisprudence considère aujourd'hui que l'usager de l'ouvrage (ici la voie publique) qui « transmet » en quelque sorte le
dommage causé par un autre ouvrage (dont la victime n'est pas usager, par ex. en cas d'affaissement du sol de la voie du fait
d'une rupture des dalles de couverture d'une canalisation d'électricité) doit être considéré comme usager de l'un comme de
l'autre (CE 12 janv. 1962, EDF c/ Cts Allamargot, Lebon 29, abandonnant la jurisprudence issue de CE, sect., 14 févr. 1958,
Cne de Nay et EDF c/ Sté coopérative vinicole d'achats du Sud-Ouest, Lebon 106).

102. Les usagers ainsi définis, bénéficiant par hypothèse de l'existence de l'ouvrage public ou de l'exécution de l'opération de
travaux publics, ne sont, en compensation de ce bénéfice, couverts qu'en cas de « défaut d'entretien normal » de l'ouvrage (la
jurisprudence assimilant au défaut d'entretien normal les vices de conception, défauts de signalisation ou d'éclairage, voire la
violation d'une consigne d'exploitation de l'ouvrage). Mais l'Administration peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant
« l'absence de défaut d'entretien normal » - c'est-à-dire l'entretien normal… - dudit ouvrage.

103. La quasi-totalité de la doctrine universitaire voit là un régime de responsabilité pour faute (la faute étant constituée par
le « défaut d'entretien normal »), la charge de la preuve étant simplement renversée par le jeu d'un mécanisme de
présomption (de faute) favorable à l'administré. Les commentateurs relèvent au soutien de cette thèse que la présomption de
faute n'est pas irréfragable, ce qui exclurait selon eux la qualification de responsabilité sans faute.

104. Cependant, le Conseil d'État n'utilise jamais, dans ses décisions concernant les usagers d'ouvrages publics, ni le terme
de faute ni l'expression de responsabilité pour faute, et surtout la totalité des commentateurs issus de ses rangs (V., not., les
conclusions de Serge DAËL sur l'affaire « Bianchi », RFDA 1993, en particulier p. 578 ) considèrent que les usagers relèvent
eux aussi d'un régime de responsabilité sans faute.

1 0 5 . Selon le juge administratif, la prise en compte de la notion d'« entretien normal » fait référence non à l'appréciation
(subjective) de la « correction » du comportement de l'Administration, mais à celle (objective) du seuil d'anormalité au-delà
duquel les aléas résultant de l'utilisation d'un ouvrage public ne peuvent être laissés à la charge de l'usager sans heurter le
principe d'égalité devant les charges publiques (V., not., en ce sens : CE 5 déc. 1979, Sitbon, Lebon 452 ; 6 févr. 1981, Mme
Ouerdane, Lebon T. 957 ; 27 févr. 1981, Sté « Les assurances générales de France » et autres, Lebon T. 956).

1 0 6 . Sans qu'il soit aisé de trancher avec une absolue certitude entre ces deux thèses (ce qui n'influe d'ailleurs pas
fondamentalement sur le contenu des solutions de droit positif qu'elles entendent expliquer de manière synthétique), deux
arguments peuvent faire pencher la balance en faveur de la seconde.

1 0 7 . D'une part, du point de vue de la procédure contentieuse (V. infra, n os 242-243), le défaut d'entretien normal est
distingué, en tant que « cause juridique » (c'est-à-dire catégorie d'arguments invocables), de la faute dans l'exercice des
pouvoirs de police, c'est-à-dire qu'il est assimilé à une hypothèse de responsabilité sans faute (CE 7 nov. 1969, Dame Vve
Agussol, Lebon 482).

1 0 8 . D'autre part, l'Administration ne peut pas plus s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d'une « tierce
personne » face à un usager que face à un tiers (CE 18 mai 1973, Ville de Paris c/ Djian, Lebon 361) ; or le caractère non
exonératoire du « fait du tiers » est unanimement considéré comme caractéristique du régime de responsabilité sans faute.

109. On est alors porté à considérer que c'est bien la situation objective de l'ouvrage (anormalité de son entretien ou de
l'état du chantier de travaux publics) qui constitue le caractère « anormal » du préjudice subi par l'usager, et non un
manquement à une obligation administrative apprécié subjectivement (ce qui explique que ni le fait d'un tiers ni le cas fortuit
soient alors exonératoires). C'est sur cette seule situation objective que porte le renversement de la charge de la preuve
(ainsi, le seul fait que la profondeur d'un trou ou la hauteur d'une saillie sur une chaussée dépasse cinq centimètres suffit-il à
établir le défaut d'entretien normal).

3° - Situation des tiers à une opération ou à un ouvrage


110. Les tiers à l'opération ou à l'ouvrage peuvent se définir comme les personnes qui n'utilisent pas l'ouvrage (en particulier
les propriétaires riverains ou voisins). La distinction entre tiers et usager, fondamentale du point de vue du régime de
responsabilité applicable, peut (V. supra, n o 98) se révéler délicate : le propriétaire riverain d'une rivière est tiers aux travaux
effectués sur la rive opposée afin de drainer les terrains situés sur cette dernière (CE 22 avr. 1992, Assoc. syndicale autorisée
des irrigants de la Vallée de la Lèze, préc. supra, n o 98) ; une société raccordée à un réseau communal d'assainissement n'en
est pas moins tiers par rapport aux ouvrages publics de ce réseau lorsqu'elle est victime d'une inondation due à la mise en
charge du réseau départemental qui a provoqué un refoulement dans le réseau communal (CE 9 févr. 2000, Cne de Fresnes,
req. n o 179667 , RFDA 2000. 459) ; un adolescent est tiers à la balustrade sise sur le trottoir sur lequel il se trouvait dès
lors d'une part que cette balustrade n'était pas incorporée au trottoir et d'autre part qu'il ne s'appuyait pas sur elle lors de
l'accident dont il a été victime (CE 19 mai 2000, Région Languedoc-Roussillon, Lebon 449) ; un skieur qui heurte un poteau
métallique supportant des hauts-parleurs destinés à la sonorisation du stade de slalom jouxtant la piste de ski sur laquelle il
évolue, le stade étant clairement séparé de cette piste par des cordages, a la qualité de tiers vis-à-vis de ce poteau
métallique qui constitue un ouvrage public (CE 24 mai 2000, EDF et Cts Anotaux, Lebon T . 1222).

111. Les tiers bénéficient, quant à eux aux yeux de tous les commentateurs, d'un régime de responsabilité sans faute ; il en
résulte notamment que l'Administration ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d'une « tierce personne »
auteur ou coauteur du dommage (CE 15 oct. 1976, District urbain de Reims, Lebon 420).

112. Mais le caractère protecteur de ce régime de responsabilité sans faute est à la vérité variable. C'est là, et là seulement,
que trouve son utilité la distinction doctrinale entre dommages « structurels » (appelés souvent « permanents ») et
dommages « opérationnels » (dits « accidentels »).

113. S'agissant des dommages « structurels », c'est-à-dire dans le cas de tiers à un ouvrage, n'est anormal que le préjudice
dépassant ce que la vie sociale doit conduire à supporter « normalement », compte tenu des avantages que présente pour
tout administré (y compris, potentiellement, pour les tiers) l'existence d'un ouvrage public. Il n'y a là qu'une application de
l'idée de couverture du « risque anormal de voisinage », avec les limites nécessairement inhérentes à cette couverture.

Actualité
113. Nuisances liées à la circulation de rames du métro. Préjudice anormal et spécial. - Les bruits de crissement provoqués par la
circulation des rames du métro peuvent constituer pour les riverains un préjudice anormal et spécial (CAA Paris, 4 juill. 2013,
Épx Le Picart, req. n o 12PA01912 , AJDA 2013. 2348 ).
1 1 4 . S'agissant au contraire des dommages « opérationnels », c'est-à-dire dans le cas de tiers à une opération, tout
préjudice subi par un tiers est en principe « anormal », car s'il peut être considéré comme bénéficiaire potentiel de l'existence
d'un ouvrage il ne l'est par définition en rien de l'opération de travail public. Toutefois, les riverains des voies publiques sont
soumis à un régime spécifique (V. infra, n os 149-155) qui ne comporte indemnisation que des préjudices excédant les
sujétions qu'ils sont tenus de supporter sans réparation eu égard à l'avantage que constitue leur droit d'accès, et cette
restriction joue même en cas de survenance de dommages « opérationnels » (TA Nantes, 6 nov. 2001, Morice, Arnaud et
autres c/ District agglomération angevine et EDF, CJEG 2002. 483).

§ 2 - Diversité des régimes de responsabilité


115. On retrouve logiquement ici la distinction ternaire entre participants, usagers et tiers, à quoi s'ajoute la prise en compte
de trois régimes spéciaux.

A. - Régime applicable aux participants aux opérations de travaux publics


116. À l'égard des participants à l'opération de travaux publics, la responsabilité de l'Administration est engagée dans les
conditions du droit public commun, c'est-à-dire sur le terrain de la faute « simple » et la charge de la preuve reposant
classiquement sur le demandeur (CAA Paris, 20 juin 1995, Sté de construction d'usines et de séparation isotopique et Sté de
construction Pierre et Pasquet, Lebon 534).

117. Établir ainsi l'existence d'une faute de l'Administration ou de l'entreprise chargée des travaux ou de l'exploitation de
l'ouvrage représente une tâche souvent délicate (CE 4 janv. 1960, Estampes, Lebon 2).

B. - Régime applicable aux usagers des ouvrages publics


1 1 8 . À l'égard des usagers, la responsabilité administrative est engagée en cas de « défaut d'entretien normal » (ou de
conception, de surveillance, etc.) de l'ouvrage public ; ce défaut est présumé, mais l'Administration peut échapper à toute
obligation de réparer en établissant l'« entretien normal ». En effet, ces usagers d'une part profitent de l'ouvrage (plus que
des tiers mais moins que des participants rémunérés), d'autre part sont mieux à même que le tiers de connaître les
inconvénients et les risques et de s'en prémunir. Ils doivent donc, à la différence des tiers, faire état de faits révélant
objectivement un défaut d'entretien normal, mais leur tâche, à la différence de celle des participants, s'arrête là ; il revient
ensuite au maître de l'ouvrage d'apporter s'il le peut la preuve contraire (V., par ex., CE, sect., 13 oct. 1972, Caisse régionale
de réassurances mutuelles agricoles de l'Est et Sté mutuelle d'assurance « L'Auxiliaire », Lebon 635).

119. Il arrive cependant que le juge utilise son pouvoir directeur de l'instruction pour aider le défendeur à apporter cette
difficile preuve négative de l'« absence de défaut d'entretien normal » (V., par ex., CE 13 févr. 1987, Vieville, Lebon T. 997).
C'est ainsi souvent, en pratique, l'Administration qui rapporte la preuve de l'entretien normal (V. CAA Lyon, 24 déc. 2007, Min.
de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, AJDA 2008. 606 : le ministre
produit une photographie montrant que l'implantation d'un poteau électrique en retrait d'une route nationale ne présentait
qu'une « gêne temporaire » qui ne pouvait être considérée comme « absolue »).

120. En revanche, il interprète très extensivement la notion de défaut d'entretien normal (V., par ex., CE 13 janv. 1989, M. et
Mme Berthelot, req. n o 71884 , Lebon T. 978 [feux de signalisation donnant à l'usager une information ambiguë], ou encore
CE 26 oct. 1977, Ville de Roanne, Lebon 403 [inexécution de l'obligation d'équiper en trottoirs et en éclairage une route
nationale traversant la ville]), ce qui suggère que, comme l'exposent tous les membres du Conseil d'État qui tentent
publiquement d'expliquer la jurisprudence, il y a bien là un régime de responsabilité sans faute (V. supra, n os 102-109).

121. Ce libéralisme trouve cependant ses limites : il n'y a pas défaut d'entretien normal lorsqu'une signalisation appropriée a
été installée (CE 8 nov. 1961, Aubert, Lebon T. 1206 ; 25 mai 1962, Min. Travaux publics, transports et tourisme c/ Sté Arthur
Rank, Lebon T. 1143), lorsque les défectuosités étaient apparentes ou aisément prévisibles (par ex. chutes de neige ou
verglas en hiver : CE 17 janv. 1964, Épx Boyer, Lebon T. 1030 ; 26 avr. 1968, OPHLM de Boulogne-sur-Mer, Lebon 261) ou
lorsqu'il ne s'agit que de défauts mineurs (par ex. présence d'un tuyau d'arrosage sur un trottoir : CE 27 janv. 1967, Dlle
Zemmour, Lebon T. 964 ; simple présence d'un liquide sur un trottoir roulant : CAA Paris, 25 janv. 1996, Aéroports de Paris,
Dr. adm. 1996, n o 237 ; de manière générale, aucune excavation ou saillie de moins de cinq centimètres de relief n'est
constitutive de défaut d'entretien normal : V., par ex., CE 6 mai 1957, Épx Revil, Lebon T. 1044 ; CE 12 nov. 1971, Dame Vve
Baron, Lebon 678) ; la circonstance qu'une portion de glissière de sécurité en bordure d'autoroute soit escamotable et
présente dès lors une moindre capacité de résistance au choc ne révèle pas par elle-même un défaut d'entretien normal de
l'ouvrage (CAA Bordeaux, 12 févr. 2008, Sté ASF et Assurances générales de France, AJDA 2008. 1054, concl. M.-P. Viard ).

122. Ne sont pas davantage réparables à ce titre les défauts que le maître de l'ouvrage ne pouvait prévoir (ce qui a certes pu
contribuer à faire douter la doctrine de la nature de responsabilité sans faute de ce régime), notamment lorsque la
détérioration se produit soudainement et que l'Administration n'a pas eu le temps matériel d'y remédier (CE 1 er mars 1967,
Dlle Ruban c/ Sté de l'autoroute Estérel-Côte d'Azur, Lebon 104 ; CAA Bordeaux, 27 févr. 1992, Autoroutes du Sud de la
France c/ Biven, Lebon T. 1358), lorsque rien ne pouvait révéler l'état de pourrissement d'un arbre dont la chute a causé un
accident avant que l'Administration n'ait pu en être informée (CE 20 avr. 1966, Min. Travaux publics et transports c/ Perrier,
Lebon 273) ou lorsque rien ne pouvait laisser prévoir la chute sur la chaussée de pierres que les services n'ont pas eu le
temps de signaler ou d'évacuer (CE 12 juin 1970, Min. Équipement et logement c/ Chevallier, Lebon 407). Inversement, il y a
défaut d'entretien normal lorsque la détérioration d'un dispositif d'évacuation des eaux pluviales par suite de l'effondrement
d'un trottoir au passage d'un piéton s'explique par la tolérance du stationnement de véhicules de fort tonnage sur ce trottoir
en mauvais état apparent (CAA Nancy, 4 avr. 1966, Hauss, Dr. adm. 1966, n o 400).

1 2 3 . Ne sont pas non plus réparables des défauts qu'un usager familier des lieux était à même de prévoir et de parer
(CE 1 er févr. 1974, Épx Montbel et Mutuelle générale française accidents, Lebon T. 1200) ; de même l'absence de signalisation
d'une chaussée mouillée par un arrosage nocturne de pelouses municipales n'est pas constitutif d'un défaut d'entretien
normal dès lors que l'opération était quotidienne et l'éclairage suffisant pour alerter un usager normalement attentif (CAA
Lyon, 27 déc. 1991, Carpentier et Mutuelle régionale d'assurances Alpes-de-Provence, Lebon T. 1243) ; de même encore un
escalier d'accès à un domaine skiable muni d'une main courante pour seule protection latérale ne présente-t-il aucun défaut
d'aménagement normal compte tenu de l'altitude, de la pente et des particularités de l'itinéraire qui exigeait de grandes
précautions de la part des usagers (CAA Lyon, 7 juill. 1995, Fauroux, Lebon 541) ; il en va de même d'un chemin de montagne
dépourvu de parapet (CAA Lyon, 25 sept. 1990, Mme Collard, Lebon T. 1027). A fortiori, les défectuosités affectant un
accotement sur lequel un conducteur s'est engagé sans nécessité, ne faisant alors pas de l'ouvrage un usage conforme à sa
destination, ne sauraient révéler un défaut d'entretien normal (CE 5 juill. 1968, Bailly, Lebon T. 1136).

1 2 4 . Les exemples de défaut d'entretien normal sont aussi nombreux que divers : déformations variées de la chaussée
(notamment affaissement : CE 26 oct. 1951, Min. Travaux publics c/ Bureau et Bertelli, Lebon T. 842) ; submersion de la route
(CE 16 juin 1965, Courtin et Min. Travaux publics c/ Courtin, Lebon T. 1081) ; effondrement d'un pont (CE 10 mars 1965,
Caisse centrale lyonnaise de sécurité sociale et autres, Lebon 164) ; présence d'une plaque de verglas (CE 23 févr. 1968, Min.
Équipement c/ Lamiaux et Cne de Sapignies, Lebon 140) ; fermeture inopinée d'une écluse due à un vice de conception
(CE 8 mars 1991, SA Usinor, Lebon 88) ; déneigement partiel d'une piste d'atterrissage laissant subsister des congères de
30 à 50 centimètres de hauteur alors qu'aucune évolution météorologique ne s'était produite depuis la dernière intervention
qui remontait à huit jours (CAA Paris, 25 mai 1993, Sté Airlec et Sté La Paternelle, Lebon T. 1025) ; défauts de signalisation
(par ex. défaut d'éclairage d'équipements en zone urbaine : CE 21 févr. 1962, Entreprise Rebuffat, Lebon T. 1143 ; V. aussi
19 janv. 1968, Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme et Dlle Bravais, Lebon T. 1134 ; 26 janv. 1968, Paturaud,
Lebon T. 1131, et pour un défaut de signalisation dans un aéroport, 14 juin 1972, Bollecker, Lebon 445) ou présence d'une
signalisation inadéquate (CE 11 juin 1969, Dame Vve Phelipon, Lebon 305), etc.

125. Occupent une place particulièrement importante les défauts de protection adéquate : absence de parapet sur une route
de montagne (CE 10 juin 1981, Min. Transports c/ Marot, Lebon T. 956) ; absence de glissière de sécurité (CE 5 juin 1985, Cts
Weisz, Lebon T. 801) ; absence de dispositif empêchant le soulèvement d'une plaque d'égout par temps d'orage (CE 28 avr.
1978, Ville de Marseille c/ Dame Vve Ballester et autres, Lebon T. 963) ; absence de grille de protection contre le gros gibier le
long d'une autoroute (CE, sect., 19 mars 1976, Sté des autoroutes Paris-Lyon, Lebon 172 ; cependant l'existence de
nombreux trous dans un tel grillage n'est pas nécessairement constitutive de défaut d'entretien normal : CAA Nancy, 18 juin
1992, Sté d'assurances « L'Orléanaise » et Lambert, Lebon T. 1358) ; absence de clôture d'un chantier le long d'une voie
publique (CE 7 oct. 1966, Épx Demma, Lebon T. 1132) ; grillage destiné à interdire l'accès à la voie ferrée permettant en
réalité l'accès des enfants à celle-ci (CE 30 mars 1990, Office public communal d'HLM de Toulon c/ Nesla, Lebon T. 1027), etc.

126. Le caractère répétitif de ces situations a conduit le juge à définir des normes de traitement de séries jurisprudentielles
dont on a déjà donné un exemple avec le seuil de cinq centimètres en dessous duquel aucune excavation ou saillie n'est
constitutive de défaut d'entretien normal d'un ouvrage routier (V., par ex., CE 6 mai 1957, Épx Revil, Lebon T. 1044 ; 12 nov.
1971, Dame Vve Baron, Lebon 678).

127. De même l'effondrement d'un accotement est-il toujours constitutif d'un défaut d'entretien normal lorsque la largeur de
la voie, insuffisante pour permette le croisement de deux véhicules, a obligé l'usager à y rouler (CE 16 juin 1967, Dpt du Gard,
Lebon T. 954).

1 2 8 . Lorsque des fumées réduisant la visibilité proviennent de feux allumés par des agents d'entretien de la voie, elles
révèlent toujours un défaut d'entretien normal (CE 15 déc. 1965, Marchandier et Cie d'assurances générales, Lebon T. 1080 ;
si elles ont une origine imputable à un équipement public autre que la voie, l'automobiliste a la qualité de tiers et est dès lors
indemnisé sans même avoir à invoquer un défaut d'entretien normal : 10 nov. 1978, Cie Le groupe des assurances
nationales, Lebon T. 964).

129. La chute d'un arbre est constitutive de défaut d'entretien normal si l'aspect extérieur de cet arbre laissait prévoir cette
chute (CE 20 avr. 1966, Min. Travaux publics et transports c/ Perrier, Lebon 273 ; V. aussi, pour des chutes de noix de coco
prévisibles sur une promenade publique particulièrement fréquentée, alors qu'aucune surveillance régulière n'avait été mise
en place, CAA Paris, 22 mars 1994, Navutu, Dr. adm. 1994, n o 372).

130. Tel est aussi le cas de chutes de rochers si l'événement était fréquent, connu des services d'entretien et susceptible
d'être prévenu par des installations de coût modéré (CE 3 nov. 1972, Min. Équipement et logement c/ Houillères de bassin du
Centre et du Midi, Lebon 710 ; CAA Lyon, 8 mars 1993, Dpt de la Savoie, Dr. adm. 1993, n o 303) ; lorsqu'au contraire,
l'éboulement n'était pas prévisible en dépit d'une surveillance régulière de la route, il n'y a pas défaut d'entretien normal
(CE 3 nov. 1982, Andrieu, Lebon 369 ; V. aussi CAA Lyon, 25 sept. 1990, Mme Collard, Lebon T. 1027), non plus que
lorsqu'une signalisation appropriée avait été mise en place (CE 21 oct. 1983, M. et Mme Cavalier, Lebon T. 898 ; V., pour le
cas contraire, CE 1 er mars 1989, M. et Mme Callois, RD publ. 1990. 1172 ; bien entendu, la présence d'une signalisation
n'exonère pas l'Administration de son obligation d'entretien normal d'un ouvrage : CE 19 juin 1991, Min. Équipement c/ Gaidet,
RD publ. 1991. 1440 ; CAA Lyon, 8 mars 1993, Dpt de la Savoie, Dr. adm. 1993, n o 303).

131. Les projections de gravillons ne sont elles aussi constitutives de défaut d'entretien normal que lorsqu'elles n'ont pas été
correctement signalées (absence de signalisation : CE 5 janv. 1956, Lhoumeau, Lebon T. 1130 ; présence de signalisation :
CE 1 er déc. 1967, Dpt des Deux-Sèvres c/ Cts Bethus, Lebon T. 954).

132. Il en va encore de même des îlots directionnels, qui doivent faire l'objet d'une signalisation adéquate, notamment la nuit
(CE 22 janv. 1965, Cie d'assurances La Paix et Méric, Lebon T. 1080 ; 19 avr. 1967, Popu, Lebon T. 954).

1 3 3 . De manière générale, l'absence ou l'insuffisance de signalisation est constitutive de défaut d'entretien normal, qu'il
s'agisse de l'étroitesse d'un pont (CE 3 nov. 1989, Mme Piche, RD publ. 1990. 1172), d'une plaque d'égout relevée à 35
degrés (CE 26 janv. 1990, Petit, RD publ. 1990. 1173), d'un bassin à flot perpendiculaire à un quai qui prolonge une voie
routière (CAA Bordeaux, 6 mars 1990, Secr. d'État à la mer c/ Hybert et autres, Lebon T. 1027), d'un double sens de circulation
alors que la configuration des lieux pouvait laisser croire que la chaussée était à sens unique (CE 21 juin 1991, Ridoin, RD
publ. 1991. 1439), de nappes d'eau récurrentes à cet endroit (CAA Lyon, 27 déc. 1991, Dpt de Haute-Savoie, Dr. adm. 1992,
n o 263) ou encore d'une ligne à haute tension dangereuse pour les usagers d'un étang (CE 26 juin 1992, Cne de Béthoncourt
c/ Cts Barbier, Lebon 268, concl. Le Chatelier).

134. Quant aux feux de signalisation, leur fonctionnement défectueux est toujours constitutif d'un défaut d'entretien normal
(CE 22 avr. 1966, Ville de Marseille, Lebon 278 ; 4 janv. 1974, Ville de Tarbes, Lebon T. 1202 ; 18 janv. 1980, Cne d'Échirolles,
Lebon T. 922 ; 13 janv. 1989, M. et Mme Berthelot, req. n o 71884 , préc. supra, n o 120). De même appartient-il au
concessionnaire d'une autoroute de prendre les précautions nécessaires pour éviter que les balises d'un chantier ne puissent
être déplacées ou renversées (CAA Marseille, 18 nov. 1997, Sté autoroute Estérel Côte d'Azur c/ Guérin, req. n o 96MA00821,
D. 1998. 373, concl. Duchon-Doris ).

1 3 5 . Les défauts d'entretien normal peuvent bien entendu affecter des ouvrages autres que les voies publiques et
infrastructures de transport, qu'il s'agisse d'un mur (CE 23 nov. 1992, OPHLM de Fontainebleau c/ Mme Lallement, RD publ.
1993. 247), d'un parc de stationnement public (CE 21 janv. 1991, Sté d'assurances mutuelles de France, RD publ.
1991. 1441), d'un bureau de poste (CE 4 avr. 1962, Sté des ascenseurs Thévenon Schindler, Lebon T. 1145), d'un musée (CE,
sect., 26 janv. 1968, Dame Maron, Lebon 69), d'un théâtre (CE 23 févr. 1968, Ville de Nîmes, Lebon 139), d'équipements
scolaires (CE 21 févr. 1962, Cne de Neuves-Maisons, Lebon 117), d'un ascenseur dans un bâtiment universitaire (CE 24 janv.
1990, Université des sciences et techniques de Lille-I, RD publ. 1991. 1445), d'un restaurant universitaire (CE 15 déc. 1978,
Min. Éducation c/ Dame Gardy, Lebon T. 964), d'un dortoir de lycée installé à titre permanent dans une salle qui ne présentait
pas les garanties de sécurité adéquates (CAA Nancy, 23 déc. 1993, Min. Éducation nationale c/ Kramer, Lebon 491), d'un
immeuble de HLM (CE 21 mars 1980, OPHLM du département des Bouches-du-Rhône, Lebon 165), d'équipements sportifs
municipaux (CE 20 oct. 1971, Cne de Saint-Martin-d'Uriage, Lebon T. 1232 ; 20 mai 1981, Ville du Bourget, Lebon T. 958), de
squares et jardins (CE 7 janv. 1970, Cne de Cassis, Lebon 10), d'aires de jeux à l'usage des enfants (défaut d'entretien
normal en raison de la dangerosité du dispositif : CE 27 avr. 1983, de Groulard, Lebon T. 899 ; absence de dangerosité et,
partant, de défaut d'entretien normal : 28 mai 1982, Royer, Lebon T. 776) ou encore de digues et canaux d'irrigation
(CE 4 avr. 1962, Min. Travaux publics c/ Sté des chais d'Armagnac et Ville de Condom, Lebon 245, AJDA 1962. II. 592, concl.
Braibant) ou de chenaux de navigation (CAA Bordeaux, 8 avr. 2008, Sté Allianz marine et aviation venant aux droits de la C ie
AGF MAT et autres, AJDA 2008. 1339, concl. M.-P. Viard : un écart d'environ 10 centimètres entre la profondeur réelle de
fonds marins et la profondeur indiquée dans un chenal ne révèle pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage dès lors
qu'avaient été pratiqués des sondages réguliers à une fréquence moyenne de 33 jours).

136. Là encore, le défaut d'entretien normal peut être écarté lorsque l'usager était en mesure de prévoir la défectuosité (par
ex. l'usure de marches d'escalier dans la vieille maison qui abritait un musée : CE 5 mai 1979, Sitbon, Lebon 452) ou lorsqu'il
n'y a pas usage normal de l'ouvrage (par ex. défaut situé dans une partie d'immeuble normalement non affectée à la
réception du public : CE 15 mars 1968, Sylvaire, Lebon T. 1137 ; V. aussi CE 10 nov. 1969, Poveda, RD publ. 1990. 1172). Il
l'est aussi dans l'hypothèse où n'a pas été respectée une norme qui avait certes été imposée par une fédération sportive
mais n'avait pas été rendue obligatoire par arrêté ministériel… contrairement pourtant à ce que prévoyait l'article 12 du décret
n o 84-74 du 26 janvier 1984 fixant statut de la normalisation (TA Amiens, 14 févr. 2008, M. Lamoity, AJDA 2008. 1286 ).

1 3 7 . Enfin, face à un « ouvrage public exceptionnellement dangereux » les usagers sont protégés par un régime de
responsabilité sans faute de l'Administration (CE, sect., 21 janv. 1949, Sté Grandcombienne d'éclairage et d'énergie,
Lebon 32 ; CE 6 juill. 1973, Min. Équipement et logement c/ Dalleau, Lebon 482), mais cette jurisprudence, qui avait pu
paraître ouvrir une brèche dans la tendance à la « subjectivisation » de la responsabilité administrative sans faute, est fort
peu fournie et de portée bien plus limitée qu'on ne l'avait initialement cru.

1 3 8 . Ainsi, sur le même lieu que dans l'espèce « Dalleau », il apparaît que des travaux ont fait disparaître le caractère
« exceptionnellement dangereux » de l'ouvrage (CE 3 nov. 1982, Payot, Lebon 367). Par ailleurs, une route de montagne
exposée aux avalanches ne constitue pas un ouvrage public exceptionnellement dangereux (CE, sect., 11 avr. 1975, Dpt de la
Haute-Savoie, Lebon 230) ; tel n'est pas davantage le cas d'une route de Martinique exposée aux chutes de pierres
(CE 30 janv. 1981, Épx Sejean et autres, Lebon T. 956). Et surtout, alors que les juges du fond avaient retenu la qualification
d'ouvrage public exceptionnellement dangereux pour un tronçon de route nationale de montagne particulièrement exposé aux
chutes de rochers (CAA Lyon, 18 janv. 1990, M. et Mme Cala, Lebon T. 965), ils ont été désavoués sur ce point par le juge de
cassation (CE 5 juin 1992, Min. Équipement c/ M. et Mme Cala, Lebon 224).

C. - Régime applicable aux tiers


139. À l'égard des tiers, la responsabilité administrative est engagée même sans faute, en principe sans autre restriction s'il
s'agit de réparer un dommage « opérationnel » (l'exceptionnalité des prérogatives dont dispose l'Administration dans le cadre
d'opérations de travaux publics suffisant à justifier le bénéfice de ce régime : V., par ex., CE, sect., 23 févr. 1973, Cne de
Chamonix, Lebon 170 ; CE, ass., 28 mai 1971, Dpt du Var c/ Entreprise Bec Frères [à propos de la rupture du barrage de
Malpasset], Lebon 419, CJEG 1971. 235, concl. Théry), sauf les cas d'une part des riverains des voies publiques qui ne
peuvent engager cette responsabilité que lorsque les dommages subis excèdent les sujétions qu'ils sont tenus de supporter
sans réparation eu égard à l'avantage que constitue leur droit d'accès (TA Nantes, 6 nov. 2001, Morice, Arnaud et autres c/
District agglomération angevine et EDF, CJEG 2002. 483), d'autre part des commerçants face à un préjudice de clientèle dû à
une opération de travaux exécutée à proximité de leur fonds mais qui ne sera réparé qu'au-delà d'un seuil de spécialité et
d'anormalité (CE, sect., 15 mars 1974, Épx Renault, Lebon 189). Le Conseil d'État met désormais en avant la notion de garde
des ouvrages publics pour fonder ce régime de responsabilité sans faute (CE 3 mai 2006, deux espèces : Min. de l'Écologie et
du développement durable, Cne de Bollène et autres [req. n os 261956 et 262041], ; Cne de Bollène Synd. intercommunal
pour l'aménagement et l'entretien du réseau hydraulique du Nord-Vaucluse, req. n o 262046 , AJDA 2007. 204, note
M. Deguergue ).

Actualité
139. Nuisances provoquées par des courts de tennis municipaux. Préjudice anormal et spécial. - Le fonctionnement de courts de
tennis peut causer un dommage grave et spécial aux personnes qui se trouvent dans leur voisinage (CE 16 déc. 2013, req.
n o 355077 , AJDA 2014. 1133 ).
Responsabilité d'une commune à l'égard d'une touriste blessée par un panneau électoral. - Une commune propriétaire de
panneaux électoraux engage sa responsabilité sans faute à la suite de dommages causés par cet ouvrage public à un usager
de la voie publique ayant la qualité de tiers par rapport à celui-ci (CAA Lyon, 10 avr. 2014, req. n o 12LY20166 , AJDA
2014. 1865 ).
140. S'il s'agit en revanche de réparer un dommage « structurel », la responsabilité vis-à-vis des tiers n'est engagée que
dans la mesure où est caractérisé un « préjudice spécial et anormal de voisinage » (jurisprudence ancienne et constante :
V., par ex., CE 31 janv. 1890, Nicot, Lebon 112 ; 16 mars 1906, de Ségur, Lebon 242). Cette condition ne joue cependant en
pratique qu'à l'égard des troubles de jouissance et gêne aux conditions d'habitation ou aux activités professionnelles, les
dommages corporels, les atteintes à l'intégrité d'un bien et les dommages portant atteinte à un droit étant toujours réputés
« anormaux et spéciaux ».

1 4 1 . La spécialité s'apprécie logiquement par rapport à l'ampleur de la population touchée par le dommage : n'est pas
« spécial » un préjudice résultant de la construction d'un barrage subi par l'ensemble des habitants d'une commune
(CE 29 oct. 1954, Prudot, Lebon 567) ; ne l'est pas davantage l'altération des vues des propriétés sises en bord de mer par la
création d'une importante aire de stationnement (CE 28 avr. 1976, Min. Équipement c/ Dame Audibert et autres, Lebon 221).

1 4 2 . Quant à l'anormalité, elle s'apprécie d'abord par la mesure (si possible quantitative) de l'ampleur de la nuisance
alléguée, qu'il s'agisse de pertes de vues ou d'ensoleillement (CE, ass., 22 oct. 1971, Min. Équipement et logement c/ Épx
Blandin, Lebon 631 ; CAA Lyon, 18 mai 1992, M. et Mme Tartar, Lebon 527), de pollutions sonores (CAA Lyon, 16 mars 2000,
Cne de Saint-Laurent-du-Pont c/ M. et Mme Raymond, req. n o 96LY02054 et 96LY02112, AJDA 2000. 962, chron. Berthoud
p. 900 ) ou olfactives (CAA Lyon, 18 déc. 1992, Cne d'Enchastrayes, Lebon T. 1359 [abri de stockage de conteneurs
d'ordures ménagères à proximité immédiate et au droit des fenêtres de la façade d'une habitation]), de gêne dans l'accès à la
propriété (notamment d'allongements de parcours [CE 21 juill. 1989, Min. Défense c/ Buchie et autres, RD publ. 1990. 1174]),
de réduction de clientèle (CE 20 mars 1978, Institution interdépartementale des barrages réservoirs du bassin de la Seine c/
Brussol, Lebon T. 963) ou encore de nuisances plus originales (résultant par ex. de l'absence de protection contre l'intrusion
de ballons pour le riverain d'un terrain de football communal : CE 22 mars 1991, Gabriel Rivat, Lebon T . 1179).

143. Il est également tenu compte de la situation de la victime au regard notamment de la prévisibilité des nuisances lors de
son installation (CE 31 janv. 1968, Sté d'économie mixte pour l'aménagement et l'équipement de la Bretagne et ville de Brest,
Lebon 83), de l'état antérieur des lieux (CE 24 févr. 1971, Yanitch, Lebon 159) ou encore des avantages éventuellement
apportés à la victime par les travaux ou par l'ouvrage qui seraient de nature à compenser partiellement ou totalement le
préjudice par elle subi (CE 5 févr. 1958, Ville de Marseille c/ Gennari, Lebon 72).

Actualité
143. Fragilité ou vulnérabilité de l'immeuble dans les dommages de travaux publics. - La fragilité ou la vulnérabilité d'un immeuble
peuvent être prises en compte dans l'évaluation du préjudice subi par un tiers en raison de dommages de travaux publics
mais elles ne peuvent pas atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage (CE 10 févr. 2014, req. n o 361280 , Lebon ;
AJDA 2014. 375, obs. Pastor ).
144. Enfin, la jurisprudence prend en considération les aménagements exécutés par le maître de l'ouvrage pour réduire les
gênes et nuisances supportées par les voisins (CE 14 déc. 1970, Sté anonyme Unic, Lebon T. 915).

1 4 5 . L'appréciation du juge s'opère inévitablement cas par cas. Il semble que soient assez aisément considérées comme
« anormales » les nuisances sonores excessives (CE 5 déc. 1973, Vidal et Jenkins, Lebon 696 ; 19 janv. 1990, Min.
Équipement c/ Pagano, RD publ. 1990. 1173 ; 20 nov. 1992, Cne de Saint-Victoret, Lebon 418, CJEG 1993. 183 concl. Le
Chatelier ; CAA Lyon, 16 mars 2000, Cne de Saint-Laurent-du-Pont c/ M. et Mme Raymond, préc. supra, n o 142), les pollutions
atmosphériques (CE, sect., 16 nov. 1962, EDF c/ Faivre, Lebon 614, CJEG 1963. 169, concl. Henry [émission de fumées et de
poussières en provenance d'une centrale thermique] ; CE 8 nov. 1989, Min. Défense c/ Buchie et autres, RD publ. 1990. 1173
[fumées, odeurs sulfureuses, trépidations et bruits intenses]), fluviales (CE 12 juill. 1969, Ville de Saint-Quentin et autres,
Lebon 383) ou radio-électriques (CE 13 juin 2001, M. Verdure, req. n o 211403 , Lebon 261, RFDA 2002. 595, concl.
Chauvaux [émissions radio-électriques empêchant l'utilisation d'équipements électriques]).

1 4 6 . Au contraire, les préjudices commerciaux nés de la proximité d'un chantier (CE 29 mai 1974, Reyboz et Min.
Aménagement du territoire, équipement, logement et tourisme c/ Reyboz, Lebon 326) et les préjudices esthétiques constitués
par la détérioration du paysage (CE 2 oct. 1987, EDF c/ Mme Spire, Lebon 302, concl. Guillaume, CJEG 1987. 898) paraissent
plus rarement indemnisés. De même, l'ouverture d'un passage piétonnier créant des vues sur la propriété du demandeur et
entraînant un passage permanent de promeneurs en bordure de ladite propriété n'est pas constitutive d'inconvénients
présentant « un caractère anormal de nature à justifier l'octroi d'une indemnité » (CAA Bordeaux, 22 oct. 2002, M. Fabre, req.
n o 98BX01508, AJDA 2003. 187, note Dardalhon ).

147. Quant aux dépréciations de propriétés, leur « anormalité » est fortement conditionnée par leur « spécialité » : est ainsi
réparable une baisse de valeur vénale de 7 % frappant une propriété seule à être située à moins d'un kilomètre d'une
centrale (CE 5 avr. 1991, Épx Docquet-Chassaing, RD publ. 1991. 1444 ; comp. CE 20 janv. 1989, EDF c/ Épx Vacher-
De sve rnais, req. n o 73469 , Lebon T. 926) ; l'est également la dépréciation tenant au quadruplement de la distance
séparant la propriété, mise en cul-de-sac, du village le plus proche (CE 21 juill. 1989, Min. Défense c/ Buchie et autres, RD
publ. 1990. 1174).

D. - Régimes spécifiques
1° - Riverains des voies publiques
148. Les propriétaires ou locataires d'immeubles riverains des voies publiques, qui peuvent être considérés comme usagers
ou comme tiers à des travaux effectués sur ces voies selon que lesdits travaux leur profitent ou non, se voient appliquer un
régime de responsabilité sans faute qui permet la réparation des troubles anormaux de voisinage (CE 15 janv. 1965, Min.
Travaux publics et transports c/ Bauer, Lebon 36 ; CAA Nantes, 10 juill. 1991, M. et Mme Le Guellec c/ Min. Équipement,
Lebon T. 1244, LPA 22 janv. 1992, p. 7, concl. Lesuai [dégâts causés aux cultures par les lapins de garenne vivant dans les
remblais d'une route nationale excédant les inconvénients normaux du voisinage] ; CE 10 mars 1997, Cne de Lormont c/ Cts
Ra yna l, Le bo n 74 [horticulteurs ayant subi un préjudice anormal et spécial dû aux perturbations du cycle végétal des
chrysanthèmes qu'ils cultivaient en raison de la puissance de l'éclairage public installé le long de la voie jouxtant leur terrain]).

149. Ces riverains jouissent d'« aisances de voirie » (droit d'égout, droit de vue et droit d'accès) dont la suppression (à la
différence d'une simple gêne temporaire) ouvre droit à réparation (CE 30 juin 1976, SARL Martinet Frères et Dame Martinet,
Lebon 345 ; CE, sect., 19 janv. 2001, Dpt du Tarn-et-Garonne, Lebon 30, CJEG 2002. 303, note Bon). Toutefois, une simple
situation de fait n'équivaut pas à un tel droit et ne permet donc aucune réparation (CE, ass., 11 mai 1959, Dauphin,
Lebon 294).

150. Plus précisément, lorsque des riverains sont privés temporairement voire définitivement de leur droit d'accès à la voie
publique, ou que cet accès est du moins restreint, ils ont droit à indemnité dès lors qu'ils ont subi un préjudice anormal et
spécial.

151. Il en est ainsi dès lors que l'accès est supprimé, que ce soit définitivement (CE 2 juill. 1969, Min. Équipement c/ Sieur
Leveel, Lebon 356) ou temporairement (CE 9 févr. 1966, Dpt du Rhône, Lebon T. 1131), ou encore que cet accès est rendu
extrêmement difficile (CE 6 mars 1970, Ville de Paris et Assoc. syndicale des copropriétaires de la rue André Antoine c/ Sieur
Marmuse, Lebon 165 ; 27 nov. 1974, Sieur Amouzegh, Lebon 595 ; 6 mai 1977, Sté des grands travaux de Marseille,
Lebon T. 996 ; 27 juin 1979, Dpt des Hauts-de-Seine c/ Sté Arts et décors, Lebon T. 911).

152. Si au contraire la restriction d'accès n'excède pas les inconvénients que les riverains doivent supporter sans indemnité,
soit qu'elle n'équivaille pas à une quasi-suppression (CE 1 er oct. 1976, Min. Équipement c/ Dame Momenceau, Lebon T. 1168 ;
14 déc. 1979, SA Unic, Lebon T. 915 ; CAA Nancy, 24 oct. 1989, Grandel, Lebon T. 981 ; T. adm. Nantes, 6 nov. 2001, Morice,
Arnaud et autres c/ District agglomération angevine et EDF, CJEG 2002. 483), soit qu'un autre accès demeure fût-il moins
commode (CE 10 nov. 1989, W ecker c/ Cne de Moulin-lès-Metz, Lebon T. 1012), aucune réparation n'est possible.

Actualité
152. Mise en cause de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Diversité des régimes de responsabilité. Riverains des
voies publiques. Accès à une propriété privée : restreindre n'est pas interdire. - Une restriction d'accès des véhicules à une
propriété imputable à un arrêté municipal n'ouvre pas pour autant droit à indemnisation dès lors qu'un autre accès même
moins facile restait possible (CE 26 sept. 2008, Cne de Souillac, req. n o 294021 , Lebon ; AJDA 2008. 1798, obs. Royer
; AJDA 2008. 2283, note Verpeaux ).
153. Quant aux allongements de parcours, ils ouvrent droit à réparation si par ailleurs les travaux ne bénéficient pas à la
victime (laquelle peut donc être considérée comme tiers à leur égard) et si la gêne occasionnée est particulièrement grave
(CE, sect., 2 avr. 1965, Boudy, Lebon 222 ; CE 30 oct. 1970, Gaz de France, Lebon 626).

154. En revanche, les modifications des courants de circulation générale, qu'ils entraînent un préjudice commercial ou une
dépréciation immobilière, ne donnent en principe lieu à aucune indemnisation quelle que soit la gravité de leurs conséquences
(CE, sect., 2 juin 1972, Sté des bateaux de la côte d'Émeraude dite « Les vedettes blanches », Lebon 414), sauf en matière
d'opérations de rénovation urbaine lorsque le préjudice est caractérisé comme spécial et anormal (CE, sect., 15 mars 1974,
Épx Renault, Lebon 189).

2° - Occupants du domaine public


155. Les titulaires d'autorisation d'occupation privative du domaine public, qu'ils soient concessionnaires ou permissionnaires
de voirie, sont tous considérés comme en situation précaire. De ce fait, s'ils subissent des dommages imputables à des
opérations de travaux publics, ils n'ont en principe aucun droit à réparation dès lors que les travaux sont effectués dans
l'intérêt du domaine et conformément à sa destination (CE, sect., 6 févr. 1981, Min. Équipement et aménagement du territoire
c/ Cie française de raffinage, Lebon 62).

156. Au contraire, la responsabilité administrative sans faute est engagée, en cas de survenance d'un préjudice anormal et
spécial, lorsque les travaux ont été effectués dans un intérêt autre que celui du domaine occupé (CE 22 déc. 1967, Sté des
Établissements Saint-Rapt et Brice, Lebon T. 810), lorsque leur durée est anormalement longue (CE 13 juill. 1962, Min.
Travaux publics c/ Gaz de France, Lebon 507) ou encore lorsqu'ils ne sont pas la conséquence nécessaire du fonctionnement
de l'ouvrage (CE 12 févr. 1971, Min. Équipement et logement c/ SA Éts Abel Bresson, Lebon 126).

157. Cependant, un concessionnaire domanial peut se trouver en situation d'usager d'un ouvrage public implanté sur ledit
domaine public, auquel cas s'applique logiquement le régime général de responsabilité pour dommages de travaux publics
(CAA Nancy, 11 juin 1991, Min. Mer, Lebon T. 1179).

3° - Membres d'associations syndicales


1 5 8 . Certains membres d'associations syndicales se trouvent à la fois en situation d'usagers d'ouvrages publics et de
participants à l'entretien de ces ouvrages. Une jurisprudence spécifique leur ouvre dès lors droit à réparation à la fois, en tant
que participants, sur le terrain de la responsabilité pour faute (CE 17 nov. 1905, Synd. de l'île de la Barthelasse c/ Dame
Giovanna, Lebon 847, concl. Romieu ; CE, ass., 27 avr. 1973, Synd. association de dessèchement des marais d'Arles et autres,
Lebon 305 ; CAA Nancy, 10 juin 1993, Novello, Lebon 454, AJDA 1993. 708, chron. J.-P. Piétri ; CE 3 mars 1995, Mme Sterlin
et autres, Lebon T . 906) et sur le terrain du risque dès lors qu'ils subissent un préjudice anormal et spécial (CE 5 févr.
1969, Synd. du canal de submersion de Raonel et des Basses-Plaines, Lebon 66).

159. En revanche, la responsabilité n'est jamais engagée sur le terrain du défaut d'entretien normal de l'ouvrage, en dépit de
la qualité d'usager de l'ouvrage dont les victimes pourraient se prévaloir, sans doute parce qu'elles ont également celle de
participant.

160. Ces solutions s'appliquent aux associations gestionnaires d'équipements d'irrigation ou d'assainissement, mais aussi à
celles qui gèrent l'entretien d'une voie publique (CE 3 nov. 1976, Assoc. syndicale autorisée des propriétaires du parc de
Maisons-Laffitte, Lebon T. 778) ou encore aux associations foncières de remembrement (CE, sect., 15 déc. 1978, Guillard,
Lebon 509).

E. - Vue synthétique des régimes de responsabilité


1 6 1 . Sauf en ce qui concerne les participants aux opérations de travaux publics, les régimes de responsabilité pour
dommages de travaux publics relèvent tous en fin de compte de la responsabilité sans faute réparant des préjudices jugés
« anormaux », l'influence de l'approche en termes de « risque-profit » étant très souvent déterminante.

162. S'agissant des usagers, le caractère « anormal » du préjudice résulte du « défaut d'entretien normal » de l'ouvrage ; le
terme « défaut » s'applique ici non à une défaillance subjective, comme lorsque est caractérisé un « défaut » d'une personne,
mais à un vice objectif de la chose, comme lorsqu'il est constaté qu'une pièce présente un « défaut ». Il ne s'agit donc pas
d'établir un manquement à une obligation administrative d'entretien, une faute de service, mais seulement un écart objectif
entre l'état réel de l'ouvrage et ce à quoi l'usager était en droit de s'attendre « normalement ». Preuve en est que le fait du
tiers et le cas fortuit sont ici exonératoires.

163. S'agissant des tiers, tout « dommage opérationnel » est anormal, exception faite des cas particuliers des riverains et (en
ce qui concerne leurs préjudices de clientèle) des commerçants, car les autres tiers ne bénéficient par hypothèse en rien de
l'opération de travaux publics incriminée. En ce qui concerne en revanche les « dommages structurels » (et, pour les deux
exceptions précitées, aussi les dommages opérationnels), ne sont « anormaux » (et, partant, réparés) que les dommages
anormaux de voisinage, c'est-à-dire les préjudices dépassant ce que tout administré doit normalement supporter au titre des
inconvénients de la vie sociale (en contrepartie du fait que l'existence d'un ouvrage public est toujours, au moins
potentiellement, profitable à tout administré).

164. Sont ainsi « anormaux » et donc réparables :

- tous les préjudices subis par un usager dont l'ampleur excède ce que permet un « entretien normal » de l'ouvrage ;

- tous les préjudices subis par un tiers (sauf les deux exceptions précitées) à une opération de travaux publics ;

- tous les préjudices subis par un tiers du fait de l'existence même d'un ouvrage public, et les préjudices « opérationnels »
subis par les riverains et (en ce qui concerne les préjudices de clientèle) par les commerçants, qui excèdent ce qui est
« normalement » supportable au titre des inconvénients de la vie sociale.

Art. 2 - Détermination des responsabilités engagées


165. Il s'agit non seulement d'identifier la ou les personnes juridiques en principe débitrices de l'obligation de réparer, mais
aussi de déterminer les modes de répartition finale des responsabilités (une fois la victime indemnisée) et l'incidence des
« causes étrangères » sur la responsabilité administrative en la matière.

§ 1 - Détermination de la personneadministrativement responsable


166. La demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité administrative doit en principe être dirigée contre la personne
morale de droit public pour le compte de laquelle agissait l'agent auteur du dommage (lorsque cet agent peut être identifié)
ou fonctionnait l'ouvrage public incriminé. La distinction entre dommages « structurels » et « opérationnels » facilite
l'intelligibilité du droit positif.

A. - Responsabilité du fait de l'existence d'un ouvrage public


167. Très logiquement, c'est le maître de l'ouvrage (c'est-à-dire la personne pour le compte de laquelle fonctionne l'ouvrage
public en cause, soit le plus souvent la personne publique qui en est propriétaire) qui répond des dommages résultant de sa
seule existence (CE 22 janv. 1964, Éts Houdry, Lebon 32), ou bien entendu le concessionnaire le cas échéant (CE 10 févr.
1961, Ville de Béziers, Lebon 113), la responsabilité du concédant ne pouvant alors être engagée qu'à titre subsidiaire c'est-
à-dire dans le seul cas d'insolvabilité du concessionnaire (CE 9 juin 1967, Sté des eaux de Marseille, Lebon 241 ; 18 mai 1979,
Assoc. « Urbanisme judaïque Saint-Seurin », Lebon 218). Le maître d'oeuvre de la construction ne peut quant à lui être mis en
cause (CE 25 janv. 1980, Sté anonyme Minoterie Grésillon, Lebon T. 921).

168. Le maître de l'ouvrage reste donc seul responsable de dommages traditionnellement qualifiés de « permanents » (ou
mieux dits « structurels »), qu'ils résultent de l'implantation de l'ouvrage, de son fonctionnement ou de son entretien, et ce,
alors même que l'entretien des équipements litigieux est assuré par une autre personne juridique (CE, avis, 26 févr. 2003,
M. Courson, req. n o 251172 , AJDA 2003. 519, note de Montecler ; V. aussi CE, sect., 19 janv. 2001, Dpt du Tarn-et-
Garonne, Lebon 30, CJEG 2002. 303, note Bon).

169. Ainsi, les nuisances sonores provoquées par les décollages et atterrissages sur un aéroport situé en zone fortement
urbanisée n'étant dues qu'à l'implantation même de cet aéroport (seule « cause directe » du dommage), seul l'établissement
public aéroportuaire doit en répondre (notamment vis-à-vis des compagnies aériennes subrogées dans les droits des
communes riveraines qu'elles ont précédemment indemnisées), et l'État n'aura pas à garantir l'établissement public dès lors
que la décision gouvernementale d'implantation, n'étant pas illégale, n'est pas fautive et qu'aucune faute lourde n'a été
commise dans le contrôle exercé par l'État sur l'établissement (CE 6 févr. 1987, Cie nationale Air France, RFDA 1988. 315).

1 7 0 . Encore faut-il signaler que la qualité de maître de l'ouvrage est susceptible d'appréciation très pointilleuse et
« fractionnée » en autant d'unités qu'il existe d'équipements distincts associés dans un même ouvrage.

B. - Responsabilité du fait de l'exécution de travaux publics


1° - Répartition entre maîtres d'ouvrages et opérateurs privés
1 7 1 . S'agissant des dommages de travaux publics qui résultent de la conduite d'une opération de travaux publics, tout
dépend de la nature juridique du lien tissé entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise opératrice (sauf l'hypothèse rare de
l'exécution en régie directe qui ne pose évidemment aucun problème).

1 7 2 . Lorsqu'une personne publique confie à une personne privée (le plus souvent par un contrat de concession) la
construction et l'exploitation d'un ouvrage public, c'est là encore cette personne privée qui est responsable vis-à-vis des
administrés (au titre d'une responsabilité pour dommages de travaux publics), mais la personne publique reste responsable à
titre subsidiaire (en cas de défaillance de la personne privée : CE 9 juin 1967, Sté des eaux de Marseille, Lebon 241 ; 18 mai
1979, Assoc. « Urbanisme judaïque Saint-Seurin », Lebon 218) et seulement dans cette limite (alors même que le cahier des
charges en disposerait autrement, l'effet relatif du traité interdit aux tiers de rechercher directement, sauf insolvabilité du
concessionnaire, la responsabilité directe de l'autorité concédante : CAA Nancy, 22 déc. 2005, Sté Belles Choses,
Lebon T 1129). Si le concessionnaire a fait exécuter des travaux par une entreprise, la victime pourra à son choix actionner
l'un, l'autre ou les deux à la fois (CE, sect., 19 mai 1961, Chambre de commerce de Nantes, Lebon 351).

173. Cette solution a été étendue à des hypothèses dans lesquelles, sans qu'un contrat de concession ait été passé en
bonne et due forme, une personne privée gérait un service public par délégation d'une personne publique dans des
conditions qui rappelaient pour une large part le mécanisme de la concession (CE 13 nov. 1970, Ville de Royan, Lebon 683 ;
V. aussi, pour des dommages résultant de travaux exécutés par un preneur de bail emphytéotique sur un immeuble abritant
le casino dont il est concessionnaire, CE 16 févr. 2005, M. et Mme Laurel, req. n o 211039 , AJDA 2005. 1073, note J.-
M. Pontier ). Toutefois, si la personne privée ne dispose d'aucune véritable autonomie de gestion, la personne publique
sera déclarée directement responsable (CE 2 févr. 1979, Min. Agriculture c/ Gauthier, Lebon 38), cette jurisprudence étant
transposable à la concession de travaux publics.

174. Dans tous les autres cas, et notamment dans l'hypothèse du marché de travaux publics (c'est-à-dire lorsque l'entreprise
opératrice est rémunérée non par l'usager mais par l'Administration), la victime dispose d'un choix entre la mise en cause de la
responsabilité du maître de l'ouvrage, celle de la responsabilité de l'entrepreneur privé (déjà prévue par la loi du 28 pluviôse
an VIII)… et celle des deux in solidum (CE 4 mars 1955, Ville d'Orléans, Lebon 140).

1 7 5 . Le maître de l'ouvrage peut dès lors appeler en garantie tel « constructeur »… sauf si la réception des travaux ne
comportait aucune réserve, car même si à la date de la réception les dommages en cause n'étaient ni apparents ni connus du
maître de l'ouvrage, cette réception met fin aux rapports contractuels (CE, sect., 4 juill. 1980, SA Forrer et C ie, Lebon 307) ; il
en va toutefois autrement, soit en cas de clause contractuelle contraire (V. par ex., TA Caen, 14 mars 2006, M. Rouyer, AJDA
2006. 1293 : l'article 9-5 du CCAP applicable au marché prévoyait le maintien de la responsabilité de l'entrepreneur
pendant un an après la réception des travaux), soit dans l'hypothèse d'une réception acquise à la suite de manoeuvres
frauduleuses ou dolosives de l'entrepreneur (V., pour la décision de principe prévoyant ces deux exceptions, CE, sect., 15 juill.
2004, Synd. intercommunal d'alimentation en eau des communes de La Seyne et de la région Est de Toulon, req. n o 235053
, Lebon 902, AJDA 2004. 1698, chron. C. Landais et F. Lenica ).

Actualité
175. Responsabilité du fait de l'exécution de travaux publics. Répartition entre maîtres d'ouvrages et opérateurs privés. Préjudice
imputable à l'entrepreneur, au maître d'œuvre et à l'architecte. - Le Conseil d'État fait une application positive de la jurisprudence
SIAE des communes de La Seyne et de la région est de Toulon (CE, sect., 15 juill. 2004, req. n o 235053 , RFDA 2004. 895,
concl. De Silva ) à l'action en responsabilité consécutive aux dommages causés aux tiers qui se sont produits ou révélés
après l'achèvement d'un travail public (CE 13 nov. 2009, Sté SCREG, req. n o 306061 , AJDA 2009. 2144, obs. Pastor ).
Pas d'appel en garantie sans décompte général. - En l'absence de réception des travaux, le maître d'œ uvre ne peut procéder à la
vérification du projet de décompte présenté par le constructeur. Interprétant l'article 13.32 du CCAG applicable aux marchés
publics de travaux (CCAG-Travaux nouv., art. 13.3.2), le Conseil d'État en tire des conséquences directes sur l'appel en
garantie d'une commune dirigé contre le maître d'œ uvre. Ainsi, la commune, en ne réceptionnant pas l'ouvrage, ne permettait
pas au maître d'œ uvre de vérifier le projet de décompte final. De ce fait, précise la Haute Assemblée, ses conclusions
« dirigées contre l'arrêt en tant qu'il rejette son appel en garantie doivent être rejetées » (CE 17 mars 2010, Cne d'Issy-les-
Moulineaux, req. n o 308676 , AJDA 2010. 582, obs. Pastor ).

176. Ainsi, sauf ces deux atténuations, la responsabilité contractuelle s'arrête-t-elle à la date de la réception sans réserves :
le juge administratif, contrairement à la Cour de cassation (Civ. 3 e, 10 juill. 1978, Delcourt c/ Épx Dumont et autres, Bull. civ.
III, p. 285 ; V. aussi, pour des faits postérieurs à la loi du 4 janvier 1978, Civ. 3 e, 22 mars 1995, Sté Maisons ENEC c/ Épx
Lecoq, Bull. civ. III, p. 80, D. 1995, IR 102 ), n'admet la réparation des dommages que les civilistes appellent
« intermédiaires » ni sur cette base ni sur celle de la « garantie décennale » au sens des articles 1792 et 2270 du code civil
(TA Rennes, 27 janv. 2005, Cne de Quimper, Communauté d'agglomération Quimper Communauté, AJDA 2005. 942, note
S. Laget ), du moins en deçà d'un certain seuil de gravité (s'agissant notamment d'éléments dissociables de l'ouvrage, la
« garantie décennale » n'est admise que si les dommages rendent l'ouvrage impropre à sa destination : CAA Versailles, 7 juin
2005, Sté BERIM, AJDA 2005. 1859 . Encore la « garantie décennale » n'est-elle due que par les « constructeurs » au sens
du code civil… ce qui n'est notamment pas le cas d'un conducteur d'opération (TA Grenoble, 24 oct. 2003, Synd. mixte
d'aménagement rural de la Drôme, AJDA 2004. 445, note M. Sauveplane ).
d'aménagement rural de la Drôme, AJDA 2004. 445, note M. Sauveplane ).

Actualité
176. Responsabilité décennale du conducteur d'opération. - Le conducteur d'opération en charge du contrôle des travaux doit
être regardé comme un constructeur, en application des principes dont s'inspirent les articles du code civil relatifs à la garantie
décennale. Cette solution s'applique même si le contrat écarte explicitement la qualification de louage d'ouvrage pour les
prestations exécutées (CE 21 févr. 2011, Sté Icade G3A et a., req. n o 330515 , AJDA 2011. 414, obs. R. G .).
177. Mais l'effet d'une réception sans réserves ne concerne que la réparation de désordres ultérieurs causés à l'ouvrage ou
aux tiers : s'agissant en revanche de « droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de
retards ou de travaux supplémentaires », leur détermination définitive n'intervient que lors de l'établissement du solde du
« décompte général et définitif », et ce n'est donc qu'à compter de cet établissement que la voie de l'action contractuelle est
en principe fermée au maître de l'ouvrage (CE, sect., 6 avr. 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req.
n os 264490 et 264491 , RFDA 2007. 712, concl. N. Boulouis , et 724, note F. Moderne , AJDA 2007. 1011, chron.
F. Lenica et J. Boucher ).

1 7 8 . La victime d'un dommage « opérationnel » de travaux publics peut en outre, dans la mesure de leurs interventions,
actionner le maître d'oeuvre (CE, sect., 4 mai 1973, Entreprise Matière, Lebon 324), l'architecte (CE, sect., 11 oct. 1968, Allard,
Lebon 486), un préposé de l'entrepreneur (T. confl. 14 nov. 1960, Caisse régionale Rhône-Alpes et Centrale lyonnaise de
sécurité sociale, Lebon 869) ou un sous-traitant.

179. Lorsque le dommage est dû à un défaut d'entretien, d'aménagement ou de fonctionnement d'un ouvrage, là encore la
victime peut mettre en cause le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre, l'architecte ou l'entrepreneur, ce choix subsistant
même après achèvement des travaux et réception de l'ouvrage (CE, sect., 14 févr. 1958, Sté Thorrand et Cie, Lebon 104 ;
CE 2 déc. 1964, Sté Entreprise Louis Chaigne, Lebon 611 ; CAA Bordeaux, 24 juin 1996, District de l'agglomération de
Montpellier, Lebon T. 1200). De même, l'aménageur privé d'une zone industrielle agissant pour le compte d'une commune
reste responsable même après remise de l'ouvrage (CE, sect., 27 nov. 1987, Sté provençale d'équipement, Lebon 383).

180. Ainsi la victime peut-elle le plus souvent choisir de mettre en cause un ou plusieurs responsables, voire de demander
une condamnation solidaire (CE 21 déc. 1977, Entreprise André et Jean Rodriguez, Lebon 530).

181. Le fait du tiers n'étant jamais exonératoire en matière de dommages de travaux publics, aucun d'eux ne peut dégager
sa responsabilité en invoquant le fait d'un autre (CE 19 nov. 1958, EDF c/ Ville de Nice, Lebon 571 ; 21 nov. 1958, Cne de
Houilles et autres, Lebon 579 ; CE 26 juin 1959, Lahaye, Lebon 407) : la clause fréquente faisant peser sur le seul
constructeur la responsabilité des dommages causés par l'exécution des travaux aux usagers et aux tiers leur est bien
entendu inopposable.

2° - Répartition entre personnes morales de droit public


182. En cas de coopération entre deux ou plusieurs personnes publiques pour l'exécution d'un service public, la jurisprudence
décide aujourd'hui que si cette coopération est assez étroite pour faire des personnes concernées les partenaires d'un même
service public, la victime peut demander à n'importe laquelle d'entre elles réparation de la totalité du préjudice dont elles sont
là encore responsables in solidum. Mais la personne actionnée pourra évidemment appeler en garantie, en cours de procès,
les coauteurs du dommage, ou engager après avoir été condamnée une action récursoire à leur encontre (CE 13 juill. 1962,
Min. Santé publique et population c/ Lastrajoli, Lebon 506).

1 8 3 . Il en va différemment lorsqu'en dépit des apparences il y a non pas coopération de deux personnes publiques à
l'exécution d'un même service public, mais en réalité coexistence de deux services publics, certes très proches mais distincts
aux yeux du juge et dont chacun est respectivement assuré par chacune de ces personnes publiques. Il ne saurait alors y
avoir place pour une responsabilité in solidum ; au contraire, le juge recherchera auquel des services publics éventuellement
concernés doit être imputé le fait dommageable, puis quelle est la personne publique chargée de ce service, et cette
personne supportera seule l'entière charge de la réparation (V. ainsi, pour la répartition des compétences entre l'État [préfet
de police] et la Ville de Paris, CE 10 mars 1993, Préfet de police c/ De Geoffre, Dr. adm. 1993, n o 247).

184. Ces solutions s'appliquent en matière de travaux et d'ouvrages publics. Ainsi, l'entretien des pistes des aéroports, qui
constituent un ouvrage public, est à la charge de l'établissement public aéroportuaire, qui serait responsable d'un accident
causé par un animal ayant pu s'introduire jusqu'aux pistes en raison d'un mauvais entretien des grillages de clôture ; au
contraire, s'agissant de la détérioration d'un réacteur causée par des oiseaux et entièrement imputable à une faute des
agents de surveillance qui n'ont pas déclenché le dispositif d'éloignement desdits oiseaux, dès lors que le service de la police
aérienne est assuré exclusivement par l'État, ce dernier est seul responsable. Il en irait évidemment tout autrement si les
agents avaient déclenché le dispositif, mais que celui-ci n'ait pas correctement fonctionné, car c'est l'établissement public
aéroportuaire qui est seul responsable de l'entretien de ce dispositif… (TA Versailles, 8 nov. 1985, Sté UNI-AIR, Cie
d'assurances « L'Europe » c/ Aéroport de Paris, RFDA 1986. 637).

185. Enfin, lorsque l'État apporte son concours à une collectivité territoriale, si ce concours est obligatoire seule la collectivité
pour le compte de laquelle ont été entrepris les travaux peut être actionnée (CE, sect., 28 oct. 1960, Min. Travaux publics et
transports c/ Cne de La Ricamarie, Lebon 576 ; CE 14 janv. 1994, Min. Équipement c/ Savine, Lebon 13) ; si au contraire il
s'agit d'une intervention facultative conventionnellement organisée, la victime pourra choisir de mettre en cause l'État, la
collectivité (CE 2 oct. 1968, Min. Équipement et logement c/ Cne de la Chapelle-Vieille-Forêt et Sté auxiliaire du Génie civil,
Lebon 471) ou encore les deux solidairement (CE, sect., 29 juin 1973, Min. Équipement et logement c/ Sté parisienne pour
l'industrie électrique et autres, Lebon 456 ; CAA Bordeaux, 4 nov. 1996, Sté Air action hélicoptère, Dr. adm. 1997, n o 33).

1 8 6 . La jurisprudence considère désormais que l'intervention de services d'État dans la gestion de la voirie communale,
lorsqu'elle n'est pas obligatoire, est organisée par un contrat de louage d'ouvrage sur la base duquel, alors même que cette
mission est censée s'exécuter « sous l'autorité du maire », la responsabilité de l'État peut être directement engagée « dans
les conditions du droit commun », si bien que la commune peut le cas échéant appeler l'État en garantie (CE, sect., 12 mai
2004, Cne de la Ferté-Milon, req. n o 192595 , RFDA 2004. 1183, concl. E. Glaser , et 1188, note F. Moderne ; V., déjà,
CE 14 mars 1997, Hôpital départemental des Petits-Prés, req. n o 132560 , Lebon 85, RFDA 1998. 1, note F. Moderne,
AJDA 1997. 899, note F. Rolin ), l'« autorité du maire » étant en réalité « plutôt illusoire » (F. MODERNE, note préc.).

Actualité
1 8 6 . Mise en cause de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Détermination de la personne administrativement
responsable. Répartition entre personnes morales de droit public. Responsabilité de l'État du fait de son assistance aux communes
en matière d'urbanisme. - Les conventions de mise à disposition des services de l'État, prévues par les termes spécifiques de
l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme (devenu l'art. L. 422-8) pour l'instruction des demandes d'autorisation de
construire, sont soumises aux conditions d'engagement de la responsabilité extracontractuelle. La Haute Juridiction rappelle
que les règles de droit commun de la responsabilité contractuelle s'appliquent aux concours facultatifs tels que les contrats de
louage d'ouvrage (CE, sect., 12 mai 2004, Cne de la Ferté-Milon, req. n o 192595 , AJDA 2004. 1378 ). Elle juge, en
revanche, que n'entrent pas dans cette catégorie les conventions litigieuses « qui sont conclues à titre gratuit et sont de droit
lorsque les communes le demandent ; que les services de l'État mis à disposition agissant dans le cadre de ces conventions
en concertation permanente avec le maire, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui
leur sont confiées, en vue de l'exercice de compétences d'instruction et de décision qu'il conserve, la responsabilité de l'État
ne peut être engagée à ce titre qu'en cas de refus ou de négligence d'exécuter un ordre ou une instruction du maire » (CE
27 oct. 2008, Cne de Poilly-lez-Giens, req. n o 297432 , Lebon ; AJDA 2008. 2097, obs. Aït-El-Kadi ; AJDA 2008. 2458,
concl. Courrèges ).
§ 2 - Répartition finale des responsabilités
187. Une fois les victimes (et leurs ayants droit tels que leurs héritiers, leurs assureurs, les caisses de sécurité sociale, etc.)
indemnisées, reste souvent à répartir la charge finale des responsabilités encourues. À vrai dire, cette répartition peut être
opérée en même temps que l'indemnisation des victimes si la personne initialement poursuivie a appelé en garantie les autres
coauteurs du dommage ; au cas contraire, elle intervient dans un second temps par le jeu d'actions récursoires.

1 8 8 . Le plus souvent, les contrats passés entre les coauteurs fournissent la base juridique de la répartition finale des
responsabilités entre eux. Les clauses fréquentes d'irresponsabilité, inopposables aux victimes, retrouvent ici leur plein effet
(CE 10 févr. 1961, Ville de Béziers, Lebon 113) mais sont interprétées strictement. Ainsi ne sauraient-elles opérer en cas de
force majeure ou de faute lourde du maître de l'ouvrage (CE 25 juill. 1980, Sté Solétanche, Lebon 344), ni lorsque le dommage
trouve son origine dans un vice de conception de l'ouvrage sur lequel des travaux ont été ensuite exécutés (CE 17 févr. 1971,
Faillite de la SA Ussel Frères, Lebon T. 1225).

189. À défaut de stipulations contractuelles, le juge répartit les responsabilités sur la base de la part qu'ils ont effectivement
prise dans la production du dommage. Ainsi le maître de l'ouvrage, coresponsable ès qualité vis-à-vis de la victime, peut fort
bien n'avoir joué aucun rôle dans la survenance du fait dommageable ; dans ce cas, l'entrepreneur devra le garantir
intégralement de la condamnation obtenue par la victime (CE 5 févr. 1988, Min. délégué auprès du Min. Industrie et recherche
chargé des PTT c/ Épx Le Baot, RFDA 1988. 862). Quant à un bureau d'études techniques, en l'absence de clauses
contractuelles précises sur la répartition des responsabilités, il peut être considéré, compte tenu de sa mission générale,
comme présent à tous les stades d'une mission de maîtrise d'oeuvre s'agissant de travaux de restructuration d'un hôpital (CE
30 juill. 2006, Sté SETEC Bâtiment, req. n o 233172 , AJDA 2006. 2084 ).

Actualité
189-1. Répartition finale des responsabilités. Responsabilité d'un bureau d'étude. - La responsabilité d'un bureau technique ne
prend pas fin avec la remise du rapport d'étude à la personne publique. Cette dernière est fondée à obtenir réparation
d'éventuelles erreurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle (CE 9 avr. 2010, Cne de Levallois-Perret, req.
n o 309662 , AJDA 2010. 758, obs. Pastor ).
1 9 0 . Le juge de la répartition finale se livre ainsi à une analyse très fine des fautes commises respectivement par les
coauteurs et des liens de causalité (V. not., pour un cas de partage, CE 7 déc.1966, Duval, Lebon T. 1128 ; pour la prise en
considération de l'existence de services techniques de la collectivité maîtresse de l'ouvrage réduisant la part de responsabilité
du constructeur, CE 6 févr. 1981, Ville de Montpellier, Lebon 80 ; pour un cas d'intervention facultative des services de l'État,
CE 29 juill. 1994, SA de construction et de location de l'Ubaye [SACLU] et Cne de Jausiers, Lebon T . 1175).

1 9 1 . Lorsque le maître de l'ouvrage n'a assorti la réception définitive d'aucune réserve, il doit supporter la totalité de la
charge finale de la responsabilité et donc garantir le cas échéant l'entrepreneur des condamnations prononcées à l'encontre
de ce dernier et au bénéfice des victimes (CE 23 févr. 1990, Duchon et autres, req. n o 83398 , Lebon T. 872 et 1026).

192. Il arrive en outre que la répartition soit régie par des textes applicables à une collectivité déterminée (CE 7 oct. 1966,
Ville de Bordeaux, Lebon 526) ou de portée générale. V., par ex. l'incidence de la législation mettant à la charge des
collectivités territoriales l'entretien de bâtiments mis à la disposition de l'État (CE 18 mars 1963, Min. Justice c/ Dame Martin,
Lebon 180) ou encore celle de la réglementation relative au concours des services de l'État à une commune (CAA Bordeaux,
27 févr. 1992, Cne de Tonneins, SARL Masini et Fils, req. n os 89BX01230 et 89BX01607, Lebon T. 1119 et 1357, AJDA
1993. 94, chron. Jouguelet, Gipoulon et Cadenat , RFDA 1993. 1135, concl. de Malafosse [partage de responsabilités
finales]).

193. En particulier, l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale exonérant l'employeur, sauf en cas de faute inexcusable ou
intentionnelle, de toute responsabilité du fait d'un accident du travail à l'égard de la victime ou de ses ayants droit, le maître
de l'ouvrage, étant poursuivi par la victime d'un dommage de travaux publics qui résulte d'un accident du travail, ne peut
appeler l'employeur en garantie alors même que ledit dommage serait dû à la faute de ce dernier (CE, sect., 15 juill. 1959, EDF
c/ Dame Vve Cornut et Caisse régionale de sécurité sociale du Sud-Est, Lebon 471 ; 19 mai 1961, Chambre de commerce de
Nantes, Lebon 351), sauf stipulation contractuelle contraire car ces dispositions ne sont pas jugées d'ordre public (Civ. 15 avr.
1961, Bull. civ. II, n o 275 ; CE, sect., 12 oct. 1973, Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, Lebon 565,
concl. Gentot).

Actualité
1 9 3 . Incompétence du juge administratif pour un litige portant sur un accident de service d'un non-titulaire. - La demande
indemnitaire formée par un agent non titulaire à la suite d'un accident, qu'elle soit fondée sur la faute de l'employeur ou le
défaut d'entretien de l'ouvrage public, relève du juge judiciaire (CAA Marseille, 14 janv. 2013, M. Chaland, req. n o 11MA00326
, AJDA 2013. 830 ).
§ 3 - Causes étrangères à l'action administrative
194. L'identification des causes étrangères opérantes varie selon les régimes de responsabilité applicables ; celle de leurs
effets varie quant à elle à la fois selon les types de cause et en fonction des circonstances des espèces.

A. - Détermination des causes opérantes


1° - Force majeure
195. La force majeure opère quel que soit le régime de responsabilité applicable, mais elle suppose un événement (le plus
souvent lié à une calamité naturelle, plus rarement induit par un état de guerre ou un mouvement social) à la fois extérieur au
fait administratif, imprévisible et irrésistible.

196. L'extériorité par rapport à l'ouvrage ou à l'opération de travaux publics ne pose que rarement problème (V. toutefois
l'affaire de la rupture du barrage de Malpasset, dans laquelle l'explosion de la roche n'a pas été considérée comme extérieure
au barrage ni, partant, comme constitutive de force majeure : CE, ass., 28 mai 1971, Dpt du Var c/ Entreprise Bec Frères,
Lebon 419).

197. L'irrésistibilité suppose que l'événement ait revêtu une violence si exceptionnelle que rien ne puisse le prévenir ni même
en atténuer les effets (CE 11 janv. 1978, Ville de Marignane et Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
Lebon T. 962).

198. L'imprévisibilité est la condition la plus difficile à remplir, car bien des phénomènes naturels sont assez répétitifs pour
que l'on puisse exiger d'un constructeur ou d'un entrepreneur qu'il intègre leur éventualité à ses prévisions (CE 9 févr. 1972,
Assoc. syndicale du canal de Saint-Julien c/ Dame Vve Armand, Lebon 119). C'est pourquoi il est très rare qu'une crue soit
considérée comme imprévisible ; les orages peuvent l'être plus aisément dès lors que leur soudaineté et leur intensité sont
exceptionnelles (CE 27 juin 1963, Calkus, Lebon 401 ; 23 janv. 1981, Ville de Vierzon, Lebon 28 ; 13 mai 1987, Sté Citra-
France et autres, Lebon T. 821 ; mais pour des pluies qui n'étaient pas constitutives de force majeure, V. CAA Lyon, 10 mai
2001, M. et Mme Luzi, CJEG 2002. 612, concl. Bourrachot ; CAA Bordeaux, 11 juin 2001, M. Moutama, Dr. adm. 2002, n o 59).

2° - Fait de la victime
199. C'est la cause exonératoire la plus souvent invoquée (V., par ex., T. confl. 17 déc. 2001, SAPRR c/ Mme Archer et société
MATMUT, Lebon 759 ). Les exemples sont extrêmement divers (V., par ex., TA Lyon, 13 févr. 2000, France Télécom c/ EDF,
CJEG 2001. 337 : les parafoudres installés par l'usager ne constituaient pas une protection suffisamment efficace au regard
des normes applicables en la matière ; CAA Bordeaux, 8 avr. 2008, Sté Allianz Marine et aviation venant aux droits de la C ie
AGF MAT et autres, AJDA 2008. 1339, concl. M.-P. Viard : l'échouement d'un navire était imputable non à un défaut
d'entretien normal d'un chenal mais à sa vitesse excessive ; V., au contraire TA Lyon, 23 mai 2000, Dury c/ Gaz de France,
CJEG 2001. 338 : l'absence de recherches d'origine de fuites ne pouvait être imputée à une faute de l'usager dès lors que
l'excédent de consommation était relativement modéré).

200. Le fait de la victime n'est pas nécessairement fautif (il peut n'être qu'une assomption non fautive de risque) et peut
consister aussi bien en une négligence, une inattention, une abstention qu'en un fait positif.

201. Il est opérant quel que soit le régime de responsabilité applicable et est opposable non seulement à la victime elle-
même mais aussi à son conjoint (CE 18 nov. 1970, Dame Vve Picard et Goux, Lebon 687), à ses parents s'ils partagent sa
résidence (CE 9 juin 1971, Entreprise Lefèbvre, Lebon 424), voire aux passagers de son véhicule (CE, ass., 9 juin 1972, Dame
Vve Allemand, Lebon 430).

3° - Fait du tiers
2 0 2 . Il s'agit de l'intervention dans la production du dommage d'une personne qui n'est ni la personne actionnée, ni la
victime. On évitera bien entendu de confondre ce « tiers » (pris comme coauteur potentiel) avec le « tiers » à l'ouvrage ou à
l'opération (pris comme victime).

203. En principe, cette cause étrangère est opérante dans le seul cas de la responsabilité pour faute. Toutefois, en matière
de travaux publics, elle ne joue en principe jamais, car elle est exclue par la jurisprudence même dans l'hypothèse de la
responsabilité vis-à-vis des participants à une opération de travaux publics (CE 21 juin 1991, Min. Urbanisme c/ Cts Brusson,
Lebon T . 1240). Aucun coauteur ne peut donc dégager ici sa responsabilité en invoquant le fait d'un autre coauteur.

204. Ce particularisme s'efface cependant, pour des raisons d'équité, lorsque le tiers coauteur du dommage ne peut faire
l'objet ni d'appel en garantie ni d'action récursoire : le fait de ce tiers redevient alors exonératoire (V., le cas de l'employeur de
la victime en cas de dommage de travaux publics constituant en même temps un accident du travail : CE, sect., 19 mai 1961,
Chambre de commerce de Nantes, Lebon 351).

2 0 5 . Dans les régimes de responsabilité sans faute (c'est-à-dire vis-à-vis des tiers à l'ouvrage ou à l'opération ou des
usagers de l'ouvrage), le fait du tiers n'est, de même, pas exonératoire (vis-à-vis de tiers : CE, sect., 4 oct. 1957, Min. Travaux
publics c/ Beaufils, Lebon 510, concl. Jouvin ; sect., 15 oct. 1976, District urbain de Reims, Lebon 420 ; vis-à-vis d'usagers :
18 mai 1973, Ville de Paris c/ Djian, Lebon 361 ; 9 janv. 1976, Min. Aménagement du territoire, équipement, logement c/ Dame
Berkow itz, Lebon 21, concl. J.-F. Théry : 31 juill. 1996, Fonds de garantie automobile, Lebon 337, CJEG 1997. 149, concl.
Stahl), sauf si recours en garantie ou action récursoire sont exclus (V., en matière d'accident du travail : CE 14 nov. 1973, EDF
c/ Leynaert, Lebon 646).

2 0 6 . Mais dès lors que l'objet ayant causé le dommage ne peut être regardé comme l'élément d'un ouvrage public (par
exemple en raison de son caractère mobilier), le fait d'un tiers redevient bien entendu opposable à l'usager (CE 26 sept.
2001, Dpt du Bas-Rhin, Lebon 434).

4° - Cas fortuit
207. L'hypothèse du cas fortuit est celle de la cause inconnue ; elle se rencontre très rarement en la matière.

2 0 8 . Elle n'est opérante qu'en cas de responsabilité pour faute, et ne l'est donc ni face aux tiers ni face aux usagers
(CE 4 nov. 1974, Min. Équipement c/ Thiol, non publiée).

B. - Détermination des effets sur la responsabilité administrative


2 0 9 . Ces effets peuvent très classiquement être exonératoires ou seulement atténuatoires de la responsabilité pour
dommages de travaux publics.

2 1 0 . La force majeure, dans les rares cas où elle est reconnue, a un effet exonératoire… ou atténuatoire lorsqu'elle ne
constitue qu'une cause du dommage parmi d'autres (CE 12 mars 1975, Cne de Boissy-le-Cutté, Lebon T. 1303).

2 1 1 . La faute de la victime peut de même avoir un effet tantôt exonératoire (CE, sect., 23 févr. 1973, Cne de Chamonix,
Lebon 170 ; CE 2 mai 1980, Mme Martinet et autres, Lebon 210 ; 14 mars 1990, Marie-France Declerck, Dr. adm. 1990,
n o 252 ; CAA Paris, 18 avr. 1995, Cne de Sainte-Luce, Quot. jur. 11 janv. 1996, p. 6, note Deguergue), tantôt seulement
atténuatoire (CE 23 juin 1976, Dame Duffau, Lebon 335 ; 18 janv. 1980, Cne d'Echirolles, Lebon 35 ; 15 févr. 1989,
Dechaume, req. n o 48447 , RFDA 1990. 231, concl. Stirn ; CAA Paris, 30 janv. 1990, SNCF, Rec. CE, table, p. 966 ; CE
30 mars 1990, OPHLM de Toulon c/ Nesla, Lebon T. 1027 ; 11 déc. 1991, Suriano, RD publ. 1993. 247 ; CAA Paris, 5 mars
1992, SA Abeille assurances, Sté Matties Limousin, Lebon T. 1359 ; 25 mai 1993, Sté Airelec et Sté La Paternelle,
Lebon T. 1025 ; CAA Lyon, 7 avr. 1994, SNCF c/ Souche et autres, D. 1994, IR 182 ; V. aussi, pour un fait de la victime
certes constitutif d'une grave imprudence mais coexistant avec un défaut d'entretien normal de l'ouvrage [absence de
signalisation et de protection contre les risques que présentait un pylône supportant une ligne électrique de 20 000 volts], TA
Strasbourg, 20 mars 2001, Mori c/ EDF, CJEG 2002. 483).

Actualité
211. Entretien d'une fontaine publique. Exonération de responsabilité. - Une commune ne peut s'exonérer, même partiellement,
de sa responsabilité en cas d'accident imputable au défaut de signalisation et de protection d'une fontaine (CE 21 nov. 2014,
req. n o 373581 , AJDA 2015. 431 ).
2 1 2 . Le fait du tiers, on l'a vu, n'est en principe jamais exonératoire, la seule exception tenant à l'impossibilité pour le
défendeur de mettre en cause la responsabilité du tiers coauteur, auquel cas le fait du tiers peut entraîner selon les cas
exonération ou atténuation de la responsabilité de la personne actionnée par la victime.

2 1 3 . Enfin, le cas fortuit, qui n'est opérant que vis-à-vis des participants, a toujours, lorsqu'il est reconnu, un effet
exonératoire (le partage de responsabilités étant ici logiquement impensable).

Section 3 - Mise en oeuvre de la responsabilitépour dommages de travaux publics


2 1 4 . La mise en oeuvre de la responsabilité suppose d'une part la détermination des procédures requises, d'autre part
l'évaluation du préjudice et l'application de procédés de réparation adéquats.

Art. 1 - Procédure
2 1 5 . L'ordre logique du procès conduit à examiner successivement les questions de compétence juridictionnelle, de
recevabilité de la demande contentieuse, le régime d'instruction du procès, la répartition de la charge de la preuve et les
pouvoirs du juge (variables bien entendu selon les catégories de juridictions).

§ 1 - Compétence juridictionnelle
A. - Répartition entre ordres juridictionnels
216. S'agissant ici du plus ancien régime de responsabilité administrative, c'est dès février 1800 que l'article 4 de la loi du
28 pluviôse an VIII, faisant à l'époque exception au principe d'irresponsabilité de la puissance publique, a donné compétence
aux Conseils de préfecture (ancêtres des tribunaux administratifs), créant un « bloc » de droit public et de compétence des
juridictions administratives (encore que l'existence même de juridictions administratives n'ait été établie que
postérieurement…) justifié à l'époque par le caractère stratégiquement « sensible » de la matière et encore aujourd'hui
interprété de manière très extensive à la fois ratione personae et ratione materiae.

217. Ce bloc subsiste en effet en vertu du « caractère attractif » de la notion de travaux publics (V., par ex., T. confl. 24 févr.
2003, Mme Viviande-Lejeune, req. n o 3336 , RFDA 2003. 1020), caractère qui cède toutefois devant le « bloc » de droit privé
et de compétence judiciaire concernant les relations entre les SPIC et leurs usagers, lesquelles, même lorsque coïncident
utilisation du service et usage d'un ouvrage public, ne relèvent jamais du droit public ni du juge administratif (V., not., T. confl.
17 oct. 1966, Dame Vve Canasse c/ SNCF, Lebon 834, JCP 1966. II. 14899, concl. Dutheillet de Lamothe, D. 1967. 252, note
Durupty, et aussi a contrario, T. confl. 1 er juill. 2002, Mlle Labrosse c/ Gaz de France, Lebon 549, AJDA 2002. 689, obs. Biget
).

Actualité
2 1 7 . Qualité d'usager d'un SPIC. Concurrence avec la qualité d'usager d'un ouvrage public. - L'usager d'un SPIC victime d'un
dommage causé par un ouvrage public doit saisir le juge judiciaire, même à l'encontre du propriétaire de l'ouvrage non
exploitant du SPIC (CAA Marseille, 1 er oct. 2012, Mme Bunuel, req. n o 10MA02580, AJDA 2013. 83 ).
Chute dans un parking. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est compétent pour connaître des accidents survenus dans le
parc de stationnement payant d'une commune en raison du caractère industriel et commercial de ce service public (CAA
Versailles, 27 nov. 2014, req. n o 12VE03048 , AJDA 2015. 964 ).

218. Il convient bien entendu de tenir également compte de l'intervention de lois spécifiques aux effets parfois complexes.
Ainsi la loi du 31 décembre 1957 (préc. supra, n o 6) réserve-t-elle la compétence pour connaître de la réparation de tout
dommage causé par un véhicule quelconque aux juridictions judiciaires. Mais le troisième alinéa de son article 1 er fait
exception à cette attribution de compétence de principe en matière de dommages occasionnés au domaine public… exception
à son tour paralysée par l'article L. 116-1 du code de la voirie routière s'agissant de la répression des infractions à la police de
la conservation du domaine public routier, le juge judiciaire retrouvant donc compétence en ce cas (T. confl. 25 avr. 1994,
Morelli, req. n o 2908 , RFDA 1995. 404). Toutefois, il est clair que le juge administratif conserve compétence pour statuer,
hors de toute poursuite à des fins répressives, sur les dommages de travaux publics occasionnés au domaine public routier ;
la question est donc alors préjudicielle devant le juge judiciaire (T. confl. 17 déc. 2001, SAPRR c/ Mme Archer et société
MATMUT, Lebon 759).

2 1 9 . De même, l'existence d'une voie de fait (V. supra, n os 65-66) ouvre bien sûr attribution de compétence au juge
judiciaire, y compris désormais pour prescrire une « mesure de nature à porter atteinte […] à l'intégrité ou au fonctionnement
d'un ouvrage public »… sauf si une procédure de régularisation a été engagée (T. confl. 6 mai 2002, M. et Mme Binet c/ EDF,
Lebon 544, AJDA 2002. 1229, note Sablière ).

Actualité
219-1. Précisions sur la compétence du juge administratif concernant le déplacement d'un ouvrage public situé sur un terrain privé.
- Le juge administratif est compétent pour ordonner le déplacement ou la suppression d'un transformateur EDF situé sur une
propriété privée, même lorsque son implantation a procédé d'une convention de droit privé (T. confl. 17 déc. 2012, Vidal
c/ Électricité Réseau Distribution France [ERDF], req. n o 3871, AJDA 2013. 13, obs. Necib ).
220. Quant aux dommages résultant d'une expropriation partielle, alors même qu'ils sont liés à l'exécution d'une opération de
travaux publics et qu'en outre, ils affectent la part non expropriée des immeubles en cause, ils ne sauraient être réparés que
par l'indemnité d'expropriation, donc par le juge judiciaire (CE 7 juill. 2006, Bossuyt, req. n o 255315 , Lebon T 1095).

2 2 1 . En revanche, la compétence des juridictions administratives peut s'étendre, en matière de travaux publics, jusqu'à
l'appréciation de la responsabilité de personnes privées (concessionnaires, entrepreneurs, sous-traitants, architectes,
préposés des entreprises intervenantes, permissionnaires de voirie, particuliers autorisés à exécuter des travaux pour le
compte d'une personne administrative : CE 19 nov. 1958, Zagouatti et autres, Lebon 569). L'hypothèse de la concession de
travaux publics, et plus généralement celle dans laquelle la personne publique a confié à une personne privée la construction
et l'exploitation d'un ouvrage public, constitue en matière de responsabilité l'un des cas les plus anciens et importants
d'extension du régime administratif au-delà des limites du critère organique.

222. La juridiction administrative est de surcroît compétente pour connaître des contentieux indemnitaires formés entre les
divers participants à une opération de travaux publics dès lors que l'un d'eux est une personne morale de droit public (T. confl.
20 nov. 1961, Garreau et Elkouken, Lebon 882 ; V. au cas contraire, dans le sens de la compétence judiciaire, CE 5 juill. 1961,
Entreprise Leclerc, Lebon 463), même lorsque aucun contrat n'a été passé entre eux (CE 17 févr. 1978, Sté « Cie française
d'entreprises », Lebon 88).

223. Toutefois, l'action directe de la victime contre l'assureur de la personne responsable du dommage, qui ne poursuit que
l'exécution d'une obligation (contractuelle) de droit privé (sur la base de l'article L. 124-3 du code des assurances), ne saurait
relever de la compétence des juridictions administratives (T. confl. 3 mars 1969, Esposito c/ Cie La Foncière, Lebon 681 ; CAA
Bordeaux, 11 juin 2001, Moutama, Dr. adm. 2002, n o 59, note Brenet).

2 2 4 . L'hypothèse particulière d'exécution défectueuse d'une opération de travaux publics par un entrepreneur privé
constitutive d'un délit pénal complique le traitement de la répartition des compétences entre ordres juridictionnels : la victime
dispose alors d'un choix entre la saisine de la juridiction administrative sur la base de la responsabilité pour dommage de
travaux publics et la constitution de partie civile devant le juge répressif, mais si elle n'entend mettre en cause que la
responsabilité d'une personne morale de droit public seule la juridiction administrative aura compétence pour réparer les
conséquences d'une faute, même constitutive d'infraction pénale, qui ne se détacherait pas de l'exercice des fonctions
(T. confl. 13 juin 1960, Douieb c/ Stokos, Lebon 865, D. 1960. 576, concl. Chardeau).

225. Enfin, il va de soi que le régime de répartition des compétences entre ordres juridictionnels est d'ordre public. Aucune
transaction ne peut dès lors faire échec à la compétence des juridictions administratives en matière de responsabilité pour
dommages de travaux publics (Civ. 1 re, 26 juin 2001, EDF c/ SCI Le magnolia, CJEG 2002. 180, note R. Payen). Quant au
contentieux de l'exécution des transactions intervenues sur le fond, il est logiquement porté devant la juridiction
administrative (CE 5 mai 1971, Ville de Carpentras c/ Delhomme, Lebon 326), de même que celui du recouvrement des
contributions aux dépenses de travaux publics (CE 27 avr. 1962, Cie des thermes de Plombières, Lebon 281).
B. - Répartition entre juridictions administratives
226. En vertu de l'article R. 312-14 du code de justice administrative, les actions en responsabilité pour dommages de travaux
publics relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu où le fait générateur du
dommage s'est produit.

227. Il peut arriver que la localisation du fait générateur rende inapplicables les dispositions de l'article R. 312-14 (par ex.
dans l'hypothèse d'un barrage situé sur une rivière qui fait la limite entre deux départements appartenant aux ressorts de
deux tribunaux administratifs distincts : CE 23 juill. 1993, Le Scouarnec, Lebon T . 687 ; V., aussi, 12 janv. 1968, Ginon,
Lebon T. 901).

2 2 8 . En pareil cas, le tribunal compétent est, par application de l'article R. 312-1 du code, celui dans le ressort duquel a
légalement son siège l'autorité qui a pris la décision attaquée (c'est-à-dire a rejeté totalement ou partiellement la
réclamation)… ou, dans l'hypothèse d'une demande contentieuse non précédée de réclamation (ce qu'autorise, en matière de
travaux publics, l'article R. 421-1 du CJA), celle qui aurait été compétente pour lier le contentieux en traitant la réclamation
(CE 4 juill. 1962, Thirion de Briel, Lebon 451 ; V., en matière de dommages de travaux publics, CE 21 janv. 1966, Hergault et
autres, Lebon T. 907 ; 7 mai 1969, Neau, Lebon T. 777 ; CE, sect., 4 déc. 1970, Min. Défense et Min. Équipement c/ Starr et
autres, Lebon 733).

229. Si, en revanche, le lieu du litige se trouve hors du ressort de tout tribunal administratif, le Conseil d'État est compétent
en premier et dernier ressort (CE 28 févr. 1964, Min. Armées c/ Kankow ski, Lebon 154).

230. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n o 87-1127 du 31 décembre 1987 (JO 1 er janv. 1988), l'appel est porté devant la cour
administrative d'appel dans le ressort de laquelle siège le tribunal administratif qui a statué en première instance. Un recours
en cassation est ouvert devant le Conseil d'État contre les décisions rendues par ces cours.

§ 2 - Recevabilité de la demande
231. Les demandes contentieuses de réparation d'un dommage de travaux publics obéissent d'abord bien entendu au régime
général de recevabilité applicable en contentieux administratif (V., par ex., sur les effets de la subrogation de l'assureur dans
les droits de la victime, CE 12 nov. 1997, CRAMAIF, Lebon 417).

232. Ainsi doivent-elles être chiffrées à peine d'irrecevabilité, le demandeur ne pouvant le faire pour la première fois en appel
(CE, sect., 8 nov. 1968, Entreprise Poroli et Dame Marin, Lebon 561) ni augmenter en appel ses prétentions sauf aggravation
de son préjudice.

233. S'il est hors d'état de chiffrer avec précision ce dernier lors du dépôt de la demande introductive d'instance, il peut se
borner à réclamer une indemnité provisionnelle et solliciter une expertise à cette fin, mais le chiffrage devra en tout état de
cause intervenir avant la clôture de l'instruction, faute de quoi seule la provision pourra être allouée le cas échéant (CE, sect.,
19 déc. 1984, Mlle Boehrer, Lebon 433, concl. Stirn). Lorsque le juge estime pouvoir évaluer le montant de l'indemnité au
simple vu des pièces du dossier et sans ordonner l'expertise réclamée, il invite le demandeur à chiffrer ses prétentions sauf à
ne pouvoir obtenir que le montant de la provision (CE, sect., 6 janv. 1989, Mlle Guerrault, Lebon 1, AJDA 1989. 327, concl.
Daël).

234. Le régime contentieux de la responsabilité pour dommages de travaux publics se caractérise en outre par d'importantes
spécificités dues pour une large part à son antécédence historique mais aussi à un souci marqué de libéralisme sur le plan de
l'ouverture du droit au recours. Ce libéralisme est parfois renforcé par le simple jeu de la séparation des ordres
juridictionnels ; ainsi la suspension des poursuites individuelles dirigées contre une entreprise en cessation de paiements,
prévue par l'article 35 de la loi n o 67-563 du 13 juillet 1967 (JO 14 juill.) et par l'article 55 du décret n o 67-1120 du
22 décembre 1967 (JO 24 déc.), ne s'applique-t-elle qu'aux poursuites engagées devant les juridictions judiciaires et ne
paralyse-t-elle dès lors pas les actions formées par les victimes de dommages de travaux publics (TA Marseille, 7 août 1979,
Reynaud, Lebon T. 916).

235. Les aspects les plus originaux du régime de recevabilité des demandes contentieuses de réparation des dommages de
travaux publics concernent la liaison du contentieux, la distinction des contentieux et la représentation du demandeur.

A. - Exception à la règle de la décision préalable


236. En vertu de l'article 1 er du décret n o 65-29 du 11 janvier 1965 (JO 15 janv.) repris par l'article R. 421-1 du code de justice
administrative, une réclamation à une autorité administrative constitue le préalable obligatoire de toute démarche
contentieuse… sauf précisément en matière de travaux publics : par une très remarquable exception à la « règle de la
décision préalable », le juge administratif peut y être directement saisi (sans adresser une réclamation préalable à
l'Administration ou à l'entreprise de travaux publics), ce qui revient à dire que l'existence d'un litige n'est pas nécessairement
établie lors de la production de la demande introductive d'instance.

237. Il en résulte que la contestation contentieuse n'est enfermée dans aucun délai spécifique (CE, sect., 4 oct. 1957, Min.
Travaux publics c/ Beaufils, Lebon 510, concl. Jouvin), et ce même dans l'hypothèse où une décision préalable est malgré tout
intervenue… eût-elle fait l'objet d'une notification indiquant les délais de recours (CE, sect., 6 févr. 1970, Préfet de police c/
Kerguélen, Lebon 87 ; CE, ass., 16 oct. 1970, Trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine c/ Cne de Rueil-Malmaison,
Lebon 584 ; CE, sect., 22 oct. 1976, Sté Cie française Thomson-Houston-Hotchkiss-Brandt, Lebon 437 ; 13 nov. 1981, Plunian,
Lebon 413 ; CE 21 juin 1985, Min. Urbanisme c/ SCI Le Carpion, Lebon T. 725 ; 25 janv. 1989, Repetto, Dr. adm. 1989, n o 92).
238. Dès lors, les dispositions de l'article R. 421-1 du code de la justice administrative qui enferment la régularisation d'une
requête ne contenant initialement l'exposé d'aucun moyen dans le délai du recours contentieux sont inopposables au
requérant en matière de travaux publics : le fondement juridique de l'action peut y être indiqué à tout moment au cours de la
procédure devant les premiers juges (CAA Versailles, 29 sept. 2006, Mme Maillard, Lebon T. 1094).

239. Restent cependant applicables d'une part les prescriptions de droit commun imposées par le code civil, d'autre part le
régime de la prescription quadriennale issu de la loi n o 68-1250 du 31 décembre 1968 (JO 3 janv. 1969), qui a donné lieu à
une jurisprudence fournie en matières de point de départ, de suspension et d'interruption du délai de prescription (V. Rép.
cont. adm., Vo Prescription quadriennale).

240. La question s'est notamment posée de savoir si les dispositions de l'article 2 de cette loi, qui prévoient l'interruption du
délai en cas de saisine d'une juridiction incompétente et même si la demande n'est pas dirigée contre l'Administration
réellement responsable, permettaient cette interruption lorsque la victime avait actionné à tort l'entrepreneur de travaux
publics devant le juge judiciaire. Tel n'est pas le cas dès lors que seule une demande mettant en cause la collectivité publique
elle-même, fût-ce devant une juridiction incompétente, pouvait interrompre le délai de prescription (CE, sect., 24 juin 1977,
Cne de Férel, Lebon 291).

241. Enfin, la dispense de décision préalable s'applique aussi bien à la réparation de dommages de travaux publics causés à
une propriété privée qu'au remboursement de frais exposés par une collectivité publique au titre de travaux exécutés d'office
(CE 12 mai 1965, Azeau, Lebon 272 ; CE, sect., 1 er oct. 1966, Bachimont, Lebon 510 ; CE 4 juin 1975, Boniface,
Lebon T. 1192) ou à une demande de remboursement de frais de nettoiement de voies publiques exposés par une personne
privée (CE 18 mai 1988, Cne de Décines-Charpieu, Lebon 194).

B. - Causes juridiques de la demande


242. On sait que les régimes de responsabilité pour faute et de responsabilité sans faute constituent deux causes juridiques
distinctes en plein contentieux. De ce point de vue, le défaut d'entretien normal d'un ouvrage public se distingue de la faute
(par ex. dans l'exercice des pouvoirs de police), c'est-à-dire qu'il est assimilé à une hypothèse de responsabilité sans faute
(CE 7 nov. 1969, Dame Vve Agussol, Lebon 482).

243. Il en résulte que la responsabilité pour risque ou pour défaut d'entretien normal est d'ordre public ; elle peut dès lors
être invoquée à tout moment de la procédure (CE 14 mars 1962, Cie d'assurances « Le Phénix-Accidents », Lebon 169) et
notamment pour la première fois en appel, dans l'hypothèse où la demande initiale n'aurait été formée que sur le terrain de la
responsabilité pour faute, alors que l'inverse n'est pas possible.

C. - Représentation du demandeur
244. L'obligation de recours au ministère d'avocat devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel,
édictée en contentieux indemnitaire par l'article R. 431-2 du code de justice administrative, reçoit exception en matière de
travaux publics en vertu de l'article R. 431-3 du même code (CE 4 janv. 1964, Assoc. syndicale de reconstruction de Pont-
l'Évêque, Lebon 12).

245. En revanche, devant le Conseil d'État, cette dispense de ministère d'avocat disparaît : le recours à un avocat au Conseil
d'État est imposé par les dispositions combinées des articles R. 432-1 et (a contrario) R. 432-2 du code de justice
administrative.

§ 3 - Instruction de la demande
246. La matière des travaux publics constitue évidemment un terrain d'élection pour les mesures d'instruction que constituent
les moyens d'investigation prévus par le code de justice administrative.

2 4 7 . Il s'agit au premier chef d'expertises (art. R. 621-1 du code), jamais obligatoires mais souvent indispensables pour
déterminer la cause et l'étendue des dommages (V., par ex., sur la question de savoir si des désordres sont ou non de nature
à rendre un ouvrage impropre à sa destination, CE 5 mars 1969, Lagneau, Lebon 135) ainsi que l'importance et le coût des
travaux de réparation nécessaires.

248. Ces expertises sont le plus souvent sollicitées mais peuvent aussi être ordonnées d'office. Une expertise ordonnée par
un juge judiciaire (des référés) peut contribuer à fonder la décision rendue par le juge administratif dès lors que le rapport de
l'expert a été régulièrement versé au dossier et communiqué à la partie adverse (CE 26 mai 1965, Cne de Livron,
Lebon T. 1084).

249. Il peut également s'agir de visites des lieux par un ou plusieurs membres de la juridiction (art. R. 622-1 du code ; V., par
ex., pour déterminer si l'intensité de bruits et de trépidations est ou non de nature à justifier l'octroi d'une indemnité,
CE 5 févr. 1969, Min. Éducation nationale c/ W arembourg, Lebon 72).

§ 4 - Charge de la preuve
250. Les usagers des ouvrages publics bénéficient d'une exception au principe auctori incumbat probatio : ils peuvent, comme
les tiers, faire jouer la responsabilité de l'Administration dès lors qu'ils ont établi l'existence d'un préjudice réparable causé par
la conduite de l'opération de travaux publics ou par la conception ou par l'exploitation de l'ouvrage public, c'est-à-dire qu'ils
n'ont à prouver ni l'existence éventuelle d'une faute de service, ni celle d'un « défaut d'entretien normal » de l'ouvrage (lequel
n'est pas assimilable à une faute selon la position soutenue par les membres du Conseil d'État : V. supra, n o 102-109).
251. Mais il ne s'agit pas d'une présomption irréfragable : l'Administration peut cette fois s'exonérer de sa responsabilité en
établissant « l'absence de défaut d'entretien normal » de l'ouvrage. Si elle y parvient (V., par ex., CAA Bordeaux, 27 févr.
1992, Autoroutes du Sud de la France c/ Biven, Lebon T. 1358 [passage d'un agent de surveillance sur les lieux trois heures
avant l'accident] ; CAA Lyon, 24 déc. 2007, Min. de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme
et de la mer, AJDA 2008. 606 ), sa responsabilité (sans faute) est exclue faute de préjudice « anormal ».

2 5 2 . Voir pour des exemples dans lesquels la preuve de l'entretien normal n'a pas été rapportée : CE 24 janv. 1990,
Université des sciences et techniques de Lille-I, RD publ. 1991. 1445 : porte palière d'ascenseur ayant pu s'ouvrir alors que la
cabine n'était pas présente à l'étage ; 23 nov. 1992, OPHLM de Fontainebleau c/ Mme Lallement, RD publ. 1993. 247 :
absence de signalisation du danger d'écroulement, non imprévisible, d'un mur ; CAA Lyon, 8 mars 1993, Dpt de la Savoie, Dr.
adm. 1993, n o 303 : absence de visite des lieux après deux premiers éboulements et avant la chute de pierres dommageable,
alors qu'il s'agit d'un axe routier important ; CAA Lyon, 7 avr. 1994, SNCF c/ Souche et autres, req. n o 92LY00843, D. 1994, IR
182 : absence non justifiée de signalisation d'une défectuosité ayant immobilisé un cycliste sur un passage à niveau.

§ 5 - Pouvoirs du juge
A. - Juge des référés
253. Le juge des référés peut d'abord être saisi en cours d'instruction d'une demande présentée au fond, dans les conditions
prévues par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, aux fins de prononcer la suspension (partielle ou totale) de
l'exécution de la décision attaquée (action en sursis à exécution selon l'ancienne terminologie). Il contrôle alors notamment
l'existence d'une urgence justifiant la suspension de l'exécution, en appréciant par exemple l'ampleur des risques qui
résulteraient de l'engagement de travaux avant destruction intégrale d'engins de guerre dans le périmètre concerné (CE, réf.,
28 juin 2001, Assoc. Robin des bois et autres, Lebon 289) ou celle de menaces d'établissement de servitudes résultant
d'une déclaration d'utilité publique d'ouvrages d'électricité (CE, réf., 8 mars 2001, Assoc. pour la protection de la population et
de l'environnement des vallées de la Creuse et de la Gartempe, Lebon T . 1112 : absence d'urgence dès lors notamment
qu'à ce stade de la procédure il n'existe pas de perspective d'occupation temporaire).

254. Le juge des référés peut aussi être saisi, en cas d'urgence, d'une demande tendant à ce qu'il ordonne toutes mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, indépendamment de tout contentieux au fond, en vertu de l'article
L. 521-2 du code (et, dans ce seul cas, ses décisions sont susceptibles d'appel formé dans les quinze jours devant le Conseil
d'État, en vertu de l'article L. 523-1 du code). Or doit être rangé au nombre des libertés fondamentales visées par cette
disposition le droit de propriété, impliquant notamment la libre disposition du bien par son propriétaire (CE, réf., 23 mars
2001, Sté Lidl, Lebon 154 ; 9 avr. 2001, Belrose et autres, Lebon T . 1132 ; 1 er juin 2001, Ploquin, Lebon T . 1132 ;
27 janv. 2003, Min. Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales c/ Sté Kerry, req. n o 253001, Lebon T. 928) ainsi que le libre
accès des riverains à la voie publique considéré comme un accessoire dudit droit de propriété (CE, réf., 31 mai 2001, Cne
d'Hyères-les-Palmiers, Lebon 253).

255. Il peut encore, toujours en cas d'urgence et en l'absence de contentieux au fond, être saisi d'une demande tendant à ce
que soit ordonnée une « mesure utile » ne faisant obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, en vertu de l'article
L. 521-3 du code, auquel cas, il contrôle bien entendu le respect de la condition d'absence d'obstacle à cette exécution
(V., par ex., pour un cas de non-respect de la condition, CE 30 déc. 2002, Cne de Pont-Audemer c/ Assoc. de sauvegarde des
patrimoines de la Basse-Seine, Lebon T . 876). Toutefois, alors même que l'Administration aurait refusé de prendre des
mesures destinées à mettre un terme aux dangers immédiats présentés par l'état d'un immeuble, le juge du référé
« conservatoire » peut enjoindre au responsable du dommage causé à cet immeuble par une opération de travail public de les
prendre, ce qui constitue une avancée jurisprudentielle significative du pouvoir d'injonction face à une décision administrative
négative (CE, sect., 18 juill. 2006, Mme Elissardo Labat, AJDA 2006. 1839, chron. C. Landais et F. Lenica ).

256. Il peut enfin, dans le cadre de la procédure de référé-instruction prévue par l'article R. 532-1 du code, « notamment
charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles
susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient
effectivement pendant la durée de sa mission ». Sa décision est alors susceptible d'appel formé dans les quinze jours devant
la cour administrative d'appel (CJA, art. R. 533-1).

B. - Juge du fond
257. Depuis l'intervention de la loi n o 95-125 du 8 février 1995 (JO 9 févr.), le juge administratif peut non seulement réparer
par voie indemnitaire les préjudices anormaux causés aux administrés mais aussi prescrire à toute personne administrative
toute mesure qu'implique l'exécution de la décision juridictionnelle qu'il prend (CJA, art. L. 911-1).

258. Il lui appartient notamment désormais, lorsqu'il est saisi d'une demande d'exécution d'un jugement établissant qu'un
ouvrage public a été irrégulièrement implanté, de déterminer si l'exécution de cette décision juridictionnelle implique la
démolition de l'ouvrage, ce qui l'amène d'abord à rechercher si une régularisation est possible puis à apprécier le caractère
éventuellement excessif de l'atteinte à l'intérêt général que présenterait la démolition au vu d'une analyse de « bilan coût-
avantages » prenant en compte l'ensemble des intérêts publics et privés en présence (CE, sect., 29 janv. 2003, Synd.
départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Cne de Clans, req. n o 245239 , RFDA 2003. 414 ).

Actualité
258. Juge du principal. Injonction de démolir un futur ouvrage public. - La section du contentieux du Conseil d'État a déterminé
comment appliquer les principes posés par la décision « Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes
et Commune de Clans » (CE, sect., 29 janv. 2003, req. n o 245239 , AJDA 2003. 784, note Sablière ) quand le juge est
saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire assorti d'une demande d'injonction de démolir un
ouvrage public non encore achevé (CE, sect., 14 oct. 2011, Cne de Valmeinier, Synd. mixte des Islettes, req. n o 320371 ,
AJDA 2011. 1980, obs. Brondel ).
Injonction d'enlever et de déplacer des ouvrages publics irrégulièrement implantés. - Le Conseil d'État a enjoint à ERDF de
procéder à l'enlèvement d'ouvrages de distribution d'électricité inutilisés et au déplacement d'autres ouvrages utilisés, aucun
motif d'intérêt général ne faisant obstacle à un tel déplacement (CE 9 déc. 2011, Mme Lahiton, req. n o 333756 , AJDA 2011.
2446, obs. Grand ).

Maintien d'un ouvrage public irrégulier pour motif d'intérêt général. - Un fossé irrégulièrement creusé sur une propriété privée ne
doit pas être comblé, car sa démolition porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général (CAA Bordeaux,
7 mars 2013, Épx Champigny, req. n o 12BX00409 , AJDA 2013. 1257 ).

C. - Juge de cassation
2 5 9 . Exerçant son pouvoir de contrôle de la qualification juridique des faits, le juge de cassation trace notamment les
frontières de la notion d'ouvrage public, faisant ainsi respecter les limites du champ d'application du régime de responsabilité
y afférent (V., par ex., pour la cassation d'une qualification erronée d'ouvrage public et de l'exclusion subséquente de la
faculté de se prévaloir du fait d'un tiers, CE 26 sept. 2001, Dpt du Bas-Rhin, Lebon 434).

2 6 0 . Il vérifie également aujourd'hui à ce titre si les juges du fond se sont bien livrés à l'analyse « coût-avantages »
déterminant le caractère éventuellement excessif de l'atteinte à l'intérêt général qu'entraînerait la démolition d'un ouvrage
public « mal planté », et sanctionne le cas échéant l'insuffisance de motifs d'une décision juridictionnelle ordonnant la
démolition dudit ouvrage (CE, sect., 29 janv. 2003, Synd. départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Cne
de Clans, préc. supra, n o 258).

261. La question de savoir si la preuve du lien de causalité entre un ouvrage public et le préjudice invoqué a été ou non
rapportée relève du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond (CE 1 er févr. 1995, M. de Bray, Le b o n 60), y
compris en ce qui concerne une éventuelle imputabilité partielle (CE 17 mai 2000, Dpt de la Dordogne, req. n o 164738 ,
D. 2000, IR 179 ). Mais le juge de cassation censure l'erreur de droit tenant à l'absence de vérification d'une donnée
déterminante pour l'établissement de ce lien de causalité (CE 16 juin 1999, Sté centrale sidérurgique de Richemont, req.
n o 181534 , RFDA 1999. 879).

2 6 2 . Le juge de cassation ne contrôle pas l'appréciation du défaut d'entretien normal de l'ouvrage, ni celle du lien de
causalité entre le fait de la victime et le dommage dont elle demande réparation ; en revanche, il censure une éventuelle
erreur de qualification juridique des faits ainsi souverainement appréciés (CE 23 févr. 1994, M. Kurylak, req. n o 132648 ,
Lebon T. 1184, D. 1996, somm. 54, note Bon et Terneyre , Quot. jur. 1994, n o 61, note Deguergue [absence d'imprudence
de la victime]).

263. Le contrôle de l'erreur de droit s'applique notamment à la correction de la distinction entre tiers et usager (CE 24 mai
2000, EDF et Cts Anotaux, Lebon T . 1222). Il porte également sur les méthodes de raisonnement des juges du fond :
saisis d'une demande de réparation d'un préjudice anormal et spécial, ces juges doivent, à peine d'erreur de droit, porter une
appréciation globale sur l'ensemble des chefs de dommages allégués, afin de décider si le seuil d'anormalité est ou non
dépassé, et non se borner à les examiner un par un (CE 18 nov. 1998, Sté Les maisons de Sophie, Lebon 427). Le juge de
cassation contrôle enfin, à ce titre, le respect des limites des champs d'application de régimes éventuellement concurrents (CE
26 juill. 2006, Min. des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer c/ Cts Revillard, Lebon 373 : contrairement à ce
qui avait été jugé au fond en appel, le recours à l'expropriation est possible aux fins d'occupation temporaire dès lors que
l'article 9 de la loi du 29 décembre 1892 ne l'exclut pas).

Art. 2 - Calculs
264. La question est ici d'abord de déterminer l'étendue du préjudice réparable, puis de mettre en oeuvre les procédés de
réparation les plus efficaces.

§ 1 - L'évaluation du préjudice
A. - Date d'évaluation
265. Compte tenu de la lenteur des procédures, il est essentiel de ne pas faire porter excessivement sur les victimes le poids
de l'érosion monétaire. Ce souci a conduit le Conseil d'État à inaugurer en 1947 une distinction fondamentale entre les
dommages aux personnes et les dommages aux biens.

266. S'agissant des dommages « qui se perpétuent » (en pratique, les dommages aux personnes), le préjudice est évalué à
la date de la décision administrative ayant statué sur la réclamation formée par la victime (ou de la décision juridictionnelle
lorsqu'il n'y a pas eu réclamation préalable, ce qui est possible en matière de travaux publics). Ainsi prend-on notamment en
considération l'évolution des rémunérations entre la date de survenance du dommage et celle de la décision portant
indemnisation.

2 6 7 . En principe, l'octroi d'une indemnité qui ne réparerait pas l'intégralité du préjudice n'interdit pas d'en obtenir une
nouvelle, complémentaire, en cas d'aggravation d'un préjudice évolutif.

268. L'évaluation initiale (par ex. par la décision administrative statuant sur réclamation) peut être corrigée par le juge, voire
par le juge d'appel, si elle se révèle inexacte ; la victime peut d'ailleurs elle-même augmenter en cours d'instance le montant
des sommes réclamées si la première évaluation était incorrecte (CE 18 déc. 1957, Hospice de Laon, Lebon 688).
269. En cas de retard « anormal » dans le dépôt de la réclamation, le juge prend en compte la date à laquelle celle-ci aurait
« normalement » dû intervenir (CE 21 mars 1947, Dame Vve Aubry, Lebon 122, GAJA, 14 e éd., n o 62 ; 10 févr. 1950,
Lafourcade, Lebon 104).

270. En ce qui concerne les dommages « qui ne se perpétuent pas » (en pratique, les dommages aux biens), le préjudice est
en principe évalué à la date à laquelle, sa cause ayant pris fin, il a pu être connu par la victime dans toute son étendue
(V., par ex., CAA Lyon, 10 mai 2001, M. et Mme Luzi, CJEG 2002. 612, concl. Bourrachot).

271. Concrètement, c'est le plus souvent le jour du dépôt du rapport d'expertise, lorsqu'il y en a eu un, qui sert de date de
référence au juge (CE 25 juill. 1980, Sté Solétanche, Lebon 344 ; V. cep., pour une solution commandée par la situation
spécifique du bien, CE 8 juill. 1992, Cne de Libourne c/ Cts Magne, req. n o 90581 , RD publ. 1993. 249, D. 1993, somm. 150,
obs. Bon et Terneyre : date de la donation-partage dont l'immeuble en cause a fait l'objet).

Actualité
271. Point de départ de la prescription quadriennale. Dommages évolutifs. - Dans le cas particulier d'un préjudice évolutif lié à la
construction d'un ouvrage public, la prescription de la créance doit être rattachée à la date à laquelle la réalité et l'étendue les
préjudices ont été révélées (CE 6 nov. 2013, M me Dezeuze, req. n o 354931 , AJDA 2013. 2230, obs. Pastor ; RDI
2014. 54, obs. Delaunay ).
272. Toutefois, si la victime s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle, juridique ou même financière de le faire réparer à
cette date, c'est au jour auquel l'impossibilité a cessé (et le cas échéant, au jour où il statue) que le juge se place. Encore
faut-il que la victime apporte la preuve de ladite impossibilité, la jurisprudence exigeant l'existence d'obstacles réellement
insurmontables (V. CE 21 mars 1947, Cie générale des eaux, Lebon 122, GAJA, 14 e éd., n o 62 ; 5 févr. 1988, Min. auprès du
Min. Industrie et recherche chargé des PTT c/ Épx Le Baot, Lebon 51 ; 17 mars 1989, Ville de Paris c/ Sté SODEVAM, Lebon 93).

B. - Méthodes d'évaluation
273. L'indemnisation, qui - indépendamment de la réparation des dommages aux personnes et, en ce qui concerne les biens,
des privations de jouissance et pertes de loyer - doit permettre la réparation ou la reconstitution du bien endommagé ou
détruit, est en conséquence déterminée en prenant en considération le coût des travaux qu'elle nécessite, le plus souvent sur
la base d'un rapport d'expertise, la jurisprudence exigeant cependant que les travaux soient strictement nécessaires et que
les procédés de remise en état soient les moins onéreux possibles (CE 4 oct. 1972, Dame Vve Pelletier, Lebon 612).

274. Cette indemnisation pour reconstitution d'un bien est, pour prévenir toute plus-value injustifiée, plafonnée à la valeur
vénale de celui-ci au jour du dommage (CE 29 oct. 1956, Dame Vve Boisdron, Lebon 399), c'est-à-dire à la valeur de
remplacement du bien et non à son prix de vente (V., à propos de matériels, CE 18 mai 1988, Dpt d'Ille-et-Vilaine c/ Sté
« Cuisine-Décors », Lebon T. 1017). C'est notamment le cas pour un bien qui a disparu, étant prise en compte sa valeur
vénale au jour de sa disparition (CE 10 juill. 1972, Dlle Castelli, Lebon 550). Pour un bien dégradé, le droit à l'entière
réparation du préjudice subi trouve de même sa limite dans la valeur vénale de ce bien, mais le calcul de ladite valeur vénale
doit, le cas échéant, tenir compte de l'indivisibilité de l'ensemble immobilier dont le bien est un élément si cet ensemble est
indivisible (CAA Lyon, 10 mai 2001, M. et Mme Luzi, CJEG 2002. 612, concl. Bourrachot).

2 7 5 . En revanche, à la différence de l'indemnisation octroyée dans le cadre de la garantie décennale des architectes et
entrepreneurs, la réparation des dommages de travaux publics ne se voit pas imputer de coefficient de vétusté, sauf si cette
solution aboutit à procurer à la victime un avantage manifestement injustifié (CE 7 oct. 1983, Sté Bancel et Choiset,
Lebon 404). Ainsi n'y a-t-il pas lieu d'appliquer de coefficient de vétusté au coût de travaux qui ont pour seul objet de
remettre dans son état antérieur d'usage un bien dégradé (CAA Lyon, 10 mai 2001, M. et Mme Luzi, préc. supra, n o 274).

276. Enfin, ne sont déduites de l'indemnité ainsi calculée que les plus-values « spéciales », c'est-à-dire directement liées à
l'opération ou à l'ouvrage litigieux, et non une plus-value générale, c'est-à-dire identique à celle des immeubles voisins
(CE 8 déc. 1971, Germain c/ Cne de Villers-sur-Mer, Lebon 752). L'appréciation portée par le juge n'en est pas moins
rigoureuse et réaliste (ainsi les avantages tirés de la proximité d'une ligne de métro peuvent-ils compenser les nuisances
sonores provoquées par les travaux d'extension de cette ligne réalisés près du domicile des requérants, et ce, alors même
que la vente de l'immeuble en cause avait été engagée avant l'achèvement des travaux et qu'ainsi les requérants ne jouiront
pas eux-mêmes de ladite proximité : CE 21 janv. 2008, M. Aubertin et Mme Engelmann, req. n o 280488 , AJDA 2008. 663
).

§ 2 - Réparation du préjudice
277. La réparation des préjudices causés par le fait de l'Administration ne pouvait, jusqu'en 1995, intervenir en principe que
sous la forme d'une indemnisation, c'est-à-dire de l'allocation de dommages-intérêts. Cette solution allait de soi pour les
dommages causés aux personnes, mais n'était pas inéluctable pour les dommages causés aux biens, que l'Administration
aurait pu être condamnée à réparer en nature (par une restitutio in integrum, c'est-à-dire par une remise en état à
l'identique). Le Conseil d'État s'était cependant toujours refusé à prononcer de telles condamnations à réparer en nature, au
motif qu'il eût adressé, ce faisant, des injonctions de faire à l'Administration, ce qu'il s'interdisait depuis toujours.

278. Il arrivait cependant, même avant 1995, précisément en matière de dommages de travaux publics, que le juge, faisant
preuve d'une audace et d'une inventivité supérieures à celles que l'on rencontrait alors dans le reste du contentieux
administratif, laisse à l'Administration condamnée le choix (« si mieux n'aime… » : V., par ex., CE 21 janv. 1976, Cne de
Margon, Lebon T. 1166) entre le versement de dommages-intérêts et l'exécution de travaux « réparateurs » nécessaires à
une restitutio in integrum, ou encore qu'il exerce une pression sur l'Administration en liant l'ampleur de l'indemnisation à la
durée de persistance du préjudice.
279. Il admettait aussi à l'occasion que l'Administration fasse jouer à son profit une compensation entre l'indemnité qu'elle
devait à la victime et une créance liquide, exigible et non contestée qu'elle détenait à l'encontre de cette dernière. Mais tous
ces aménagements ne constituaient que des atténuations rares et limitées du principe excluant la réparation non
indemnitaire, dont la remise en cause radicale n'en restait pas moins nécessaire.

2 8 0 . La loi du 8 février 1995 (préc. supra, n o 257 ; CJA, art. L. 911-1) a précisément conféré aux juges administratifs un
pouvoir d'injonction qui leur permet d'ordonner à l'Administration qu'ils condamnent de prendre « les mesures d'exécution
dans un sens déterminé » que la décision juridictionnelle « implique nécessairement ».

281. On aurait certes pu en théorie interpréter ce texte restrictivement en considérant que les injonctions qu'il prévoit ne
concernaient que les mesures nécessaires à l'exécution du jugement, par exemple les formes et les moments de
l'indemnisation. Mais il n'était pas sérieusement envisageable que des juges administratifs qui disposent désormais, bon gré
mal gré, du pouvoir d'injonction continuent à s'interdire d'ordonner la réparation en nature lorsqu'elle est la plus adéquate et
la plus équitable, dans la mesure où aucun autre obstacle que l'absence de pouvoir d'injonction ne s'y opposait auparavant.

282. C'est d'ailleurs pourquoi, dès 1991, le refus de supprimer un ouvrage public avait fait l'objet d'un contrôle au fond, ce qui
impliquait nécessairement que les conclusions tendant à cette suppression ne fussent plus considérées comme inopérantes
(CE, sect., 19 avr. 1991, Épx Denard et Martin, Lebon 148, CJEG 1992. 75, concl. Toutée).

283. Il fut ensuite jugé, loi de 1995 aidant, que des conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un
ouvrage public « relèvent par nature de la compétence du juge administratif » sauf voie de fait (T. confl. 6 mai 2002, M. et
Mme Binet c/ EDF, Lebon 544, AJDA 2002. 1229, note Sablière , JCP 2002. II. 10170, concl. Duplat).

Actualité
2 8 3 . Refus d'une commune d'étendre un réseau d'assainissement. Compétence administrative. - Une demande d'un habitant
d'une commune tendant à ce que celle-ci soit condamnée à effectuer les travaux d'extension du réseau d'assainissement
collectif se rattache à un refus d'exécution de travaux publics. Le juge administratif est donc compétent pour connaître d'un tel
litige (CE 8 juin 2015, req. n o 362783 , Lebon ; AJDA 2015. 1184, obs. Poupeau ).
284. Comme l'a souligné le commissaire du gouvernement Christine MAUGÜÉ dans ses conclusions (RFDA 2003. 477 ) sur la
décision « Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans » (CE, sect., 29 janv.
2003, préc., V. supra, n o 258), si la règle d'intangibilité des ouvrages publics n'a pas disparu elle n'est désormais « pas un
dogme mais un principe juridique auquel il peut être raisonnable, dans certains cas, d'apporter des exceptions ». Il en résulte
que la juridiction administrative (voire le juge judiciaire face à une voie de fait) peut aujourd'hui ordonner la démolition d'un
ouvrage public irrégulièrement implanté si l'exécution d'une décision juridictionnelle (constatant par exemple le préjudice
causé par cette implantation et condamnant une collectivité publique à le réparer) l'implique nécessairement, sauf à ce qu'un
« motif d'intérêt général impérieux » s'oppose à cette démolition, ce qui oblige le juge à se livrer à une analyse de bilan
« coût-avantages » intégrant l'ensemble des intérêts publics et privés en présence. Ainsi, alors que les premiers juges avaient
estimé que l'utilité économique d'une cale d'accès à la mer irrégulièrement édifiée sur un enrochement faisait obstacle à la
démolition de cet ouvrage public, se bornant dès lors à octroyer une indemnité à une association de protection de
l'environnement (TA Caen, 20 janv. 2004, Assoc. Manche nature, AJDA 2004. 1776, note X. Braud ), les juges d'appel ne
considèrent ni cette utilité économique, ni aucune atteinte à un intérêt public, comme de nature à faire obstacle à une
injonction de destruction (CAA Nantes, 18 avr. 2006, Assoc. Manche nature, AJDA 2006. 1954, obs. D. Artus ).

Actualité
284. Possibilité de détruire un ouvrage public mal planté sur un espace remarquable. - Le Conseil d'État illustre une nouvelle fois
la remise en cause de l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » en enjoignant à une personne publique de
détruire un tel ouvrage irrégulièrement construit sur un site remarquable au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme,
disposition de la loi Littoral applicable aux grands lacs (CE 20 mai 2011, Communauté d'agglomération du lac du Bourget, req.
n o 325552 , AJDA 2011. 1057, obs. Grand ).
285. En outre, le juge administratif saisi de conclusions tendant à la démolition d'un ouvrage public irrégulièrement implanté
commence logiquement par rechercher si « une régularisation appropriée » est possible (CAA Lyon, 6 juill. 2006, SCI Plein Sud,
M. Lassus, AJDA 2006. 2139 ), et ce n'est que dans la négative qu'il ordonne la démolition dès lors que celle-ci n'engendre à
ses yeux aucune atteinte excessive à l'intérêt général.

2 8 6 . En dépit de ces réserves, il est clair que la réparation des dommages de travaux publics n'est plus exclusivement
indemnitaire. Mais elle le demeure sans aucun doute dans la plupart des cas.

2 8 7 . L'indemnité est le plus souvent fixée en capital, mais peut aussi, en fonction des impératifs d'une réparation aussi
équitable que possible, prendre la forme d'une rente.

288. Elle est accompagnée d'intérêts (au taux légal, ces intérêts étant comme en droit commun capitalisables au bout d'une
année) courant à compter du jour d'établissement d'une demande chiffrée (CE 9 janv. 1948, Terrasson, Lebon 14), sauf dans
le cas où le juge préfère déterminer une indemnité tous intérêts compris, auquel cas c'est à compter de sa décision que
courent ensuite les intérêts légalement dus (CE 6 mars 1968, Dame Petremont, Lebon T. 1134).

Index alphabétique

Accidents scolaires 55 s.

Action directe 223

Action récursoire 182, 204 s.


Aéroport 124, 169
pistes 184

Agent contractuel 80

Aires de jeux 135

Aisances de voirie 149

Allongements de parcours 52, 142, 153

Anormalité (dommage) 8, 84 s., 105, 109, 139, 142, 147, 263

Appel en garantie 204

Architecte 95, 178 s., 221, 275

Ascenseur 1, 35
porte palière d' 252

Associations foncières de remembrement 160

Associations gestionnaires d'équipements d'irrigation 160

Associations syndicales
membres 158 s.
reconstruction (de) 19

Auctori incumbat probatio 250

Autoroutes 24, 121, 125, 134

Bail emphytéotique 21, 173

Banc 28

Bien immobilier 28

Bilan « coût-avantages » 258, 284

Branchement particulier 71 s.

Cage de buts 29

Cale d'accès à la mer 33, 284

Canaux d'irrigation 135

Cas fortuit 109, 162, 207 s., 213

Causes étrangères 194 s.

Cessation de paiements 234

Chenaux de navigation 135

Chute
arbre (d'un) 129
neige (de) 121
pierres (de) 252
rochers (de) 130, 138

Cible flottante 29

Coefficient de vétusté 275

Collaborateur 91, 96

Compétence du juge administratif 226, 283

Compétence du juge judiciaire 57, 61, 63, 68, 77, 217, 222

Concessionnaire 7, 24, 61, 155, 157, 167, 172 s., 221


autoroute (d'une) 134
travaux publics (de) 78

Concours des services de l'État 192

Conseil d'État
compétence en premier et dernier ressort 229
dispense du ministère d'avocat 245

Conteneur à ordures ménagères 29

Contrat
abonnement (d') 70
concession (de) 66, 172 s.
effet relatif 79, 172
juge du 69
louage d'ouvrage 186
« au nom et pour le compte » d'une personne publique 23
transport (de) 72

Contrat administratif 24

Contrat de droit privé 77

Critère organique 24, 221

Décision préalable 236 s.

Défaut d'entretien normal 47, 59, 101 s., 118 s., 159, 162, 179, 199, 211, 242 s., 250 s., 262

Défauts de protection adéquate 125

Défauts de signalisation 102, 124

Défectuosités 121, 123

Délai de prescription 239 s.

Démolition de l'ouvrage 258

Dépendance nécessaire 101

Dépossession 50, 63

Dépréciations de propriétés 147

Digues 135

Domaine privé 15, 17

Domaine public 13, 16, 43, 218


occupants 155 s.

Domaine public communal 16

Domaine public ferroviaire 22

Domaine public routier 61, 218

Dommages « opérationnels » 40 s., 112, 114, 139, 163 s., 178

Dommages « structurels » 40 s., 112 s., 163, 168

Dommages accessoires à l'expropriation 52 s.

Dommages accidentels
causés par des véhicules 57

Dommages aux biens 265, 270

Dommages corporels 140

Dommages aux personnes 265 s., 273

Dommages-intérêts 277 s.

Droit d'accès 114, 139, 149 s.

Édifices cultuels 13

Emprise irrégulière 63

Entrepreneurs 174 s., 179, 189, 198, 221, 224, 240, 275

Équipements scolaires 135

Érosion monétaire 265


Erreur de droit 261, 263

Établissement public
perte de statut 32

Excavation 98, 121, 126

Expertise 233, 247 s.


rapport 271, 273

Expropriation 51 s., 263


partielle 220
phase judiciaire 52, 220

Extériorité 196

Fait du tiers 109, 162, 181, 202 s.

Fait de la victime 70, 199 s., 211, 262

Faute de la victime
V. Fait de la victime

Fermiers 50

Feux de signalisation 120, 134

Force majeure 188, 195 s., 210

Fossé 33

Fournisseur 80

Fumées 128, 145

Garantie décennale 176, 275

Gênes 144

Glissière de sécurité 121, 125

Îlots directionnels 132

Immeuble en copropriété 35

Immeuble insalubre 20

Immeuble privé menaçant ruine 20

Imprévisibilité 198

Imprévision (théorie de l') 66

Inconvénients normaux du voisinage 41, 87, 91, 148

Indemnité 52, 146, 150, 249, 267, 276, 284


capital (en) 287
expropriation (d') 54, 220
provisionnelle 233
rente (sous forme de) 287

Indissociabilité 26

Indivisibilité 29, 274

Infraction pénale 224

Injonction 255, 277, 280 s., 284

Instruction
clôture 233
demande (de la) 246 s.

Intangibilité des ouvrages publics 65, 284

Intérêts 288

Irrésistibilité 197

Juge de cassation 138, 259 s.


Juge des référés 253 s.

Juridiction administrative
V. Compétence du juge administratif

Liberté fondamentale 254


droit de propriété 254
libre accès des riverains à la voie publique 254

Lien de causalité 44 s., 261 s.

Locataires 148

Loi du 28 pluviôse an VIII 2 s., 174, 216

Loi du 31 décembre 1957 57, 61, 218

Loi du 5 avril 1937 55

Maître de l'ouvrage 47, 118, 122, 144, 167 s., 177, 189, 191, 193
faute lourde 188
responsabilité 174 s.

Manoeuvres frauduleuses 175

Marché de travaux publics 174

Matériel de bureau 29

Ministère d'avocat 244 s.

Modifications des courants de circulation générale 154

Monument historique 20

Mur 135, 252

Musée 135 s.

Nuisances 60, 142, 144


prévisibilité 143
sonores 145, 169, 276

Occupants sans titre du domaine public 43

Occupation temporaire 50 s., 263

Opération de travaux publics 31, 46, 48, 55 s., 93 s., 222 s., 250

Opérations de chantier 59

Opérations de rénovation urbaine 154

Ouvrage public 27 s., 167 s., 282 s.


démolition 260, 284 s.
garde des 139
refus de supprimer un 282

Ouvrage public exceptionnellement dangereux 137 s.

Ouvrages hydroélectriques 53

Parc de stationnement public 33, 135

Participants 94 s., 116 s., 158, 161, 203, 213, 222

Participants rémunérés 118

Permissionnaire de voirie 21

Personne privée 21, 172 s., 221, 241

Pertes de loyer 273

Pertes de vues 142

Plongeoir flottant 28

Plus-values 276
Police de la conservation du domaine public routier 61, 218

Pollutions atmosphériques 145

Pollutions sonores 142

Port autonome
installations 29

Poursuites pénales 61

Préjudice 265 s.
chiffrage 233

Préjudice de clientèle 139


V. Réduction de clientèle

Préjudices commerciaux 146

Préjudices esthétiques 146

Préposé de l'entrepreneur 178

Prescription quadriennale 239

Prescriptions 239

Présomption de faute 103

Preuve
charge de la 250 s.

Principe d'égalité devant les charges publiques 84, 105

Privations de jouissance 273

Propriété privée 5, 16, 241

Qualification juridique des faits 259, 262

Recours en cassation 230

Recouvrement des contributions aux dépenses de travaux publics 225

Réduction de clientèle 142


V. Préjudice de clientèle

Référé conservatoire 255

Référé-instruction 256

Remembrement 52

Remise en état 273, 277

Rente
V. Indemnité

Réparation en nature 281

Responsabilité contractuelle 66 s., 70, 76, 79, 176

Responsabilité de l'entrepreneur privé 174

Responsabilité pour faute 87, 103 s., 158, 203, 208, 242 s.

Responsabilité du maître de l'ouvrage


V. Maître de l'ouvrage

Responsabilité quasi délictuelle 62, 68, 76

Responsabilité pour risque 243

Responsabilité sans faute 41, 103 s., 111 s., 137, 139, 148, 161, 205, 242

Restitutio in integrum 277 s.

Risque anormal de voisinage 113

Riverains 93, 163


voies publiques (des) 114, 139, 148 s., 254

Routes nationales 24

Saillie 109, 121, 126

Service public 13, 19 s., 30, 91, 173, 182 s.

Services publics industriels et commerciaux (SPIC) 68, 74

Servitudes 53, 253

Situation juridiquement protégée 43

Situations illégitimes 43

Sociétés coopératives de reconstruction 19

Sous-traitants 221

Spécialité (dommage) 139, 141

Squares 135

Tiers 110 s., 139 s.

Titulaire d'autorisation contractuelle 80

Transaction 225
contentieux de l'exécution 225

Travail public 12 s.
caractère attractif 64, 217

Travaux exécutés « pour le compte » d'une personne publique 23

Travaux exécutés d'office 20, 241

Travaux de reboisement 20, 79

Travaux de reconstruction d'immeubles 19

Tribune démontable 29

Troubles anormaux de voisinage 148

Troubles de jouissance 50, 140

Usager
chantier (d'un) 98
ouvrage public (d'un) 98, 157
service public (du) 91
services publics industriels et commerciaux 68 s.
voie publique (d'une) 101

Usager « anormal » 99

Usufruitiers 50

Valeur de matériaux 50

Valeur vénale 52, 147, 274

Véhicule 47, 57 s., 74, 98, 122, 127, 201, 218

Vergers
dommages causés aux 47, 60

Verglas 121, 124

Vices de conception 102

Visites des lieux 249

Voie de fait 6, 64 s., 219, 283 s.

Voie publique 21, 52, 59, 101, 160

Voirie communale 23, 186

Voisins 93, 110, 144, 276


Actualité
22. Domaine de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Définitions. Travail public. Nature des travaux visant la
création d'une unité de production d'eau de source. - La création d'une unité de production d'eau de source, visant à promouvoir
le développement économique et l'emploi sur le territoire communautaire, répond à un but d'intérêt général. Les travaux
litigieux ont donc le caractère de travaux publics (T. confl. 8 juin 2009, Communauté de communes Jura Sud c/ Sté Safege
Environnement, req. n o 3678 , AJDA 2009. 1175, obs. Brondel ).

Travaux publics sur une propriété privée. - Constituent des travaux publics les travaux immobiliers effectués par une collectivité
publique sur une propriété privée afin de permettre l'accès au chantier de réfection d'une digue endommagée. Le juge
administratif est donc compétent pour connaître des litiges nés de leur exécution dans la mesure où ils n'ont pas été effectués
par emprise irrégulière (CE 16 mai 2012, Verrier, req. n o 342896 , AJDA 2012. 1033, obs. Grand ).

24. Contrat de travaux conclu par une société concessionnaire d'autoroute. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est
désormais compétent pour connaître des litiges relatifs à l'exécution d'un contrat de travaux conclu par une société
concessionnaire d'autoroute avec une personne privée. Il abandonne ainsi sa jurisprudence « Entreprise Peyrot » (T. confl.
8 juill. 1963, Société entreprise Peyrot c/ Société de l'autoroute Estérel Côte d'Azur, req. n o 1804 , Lebon 787) selon
laquelle les marchés de travaux des sociétés concessionnaires d'autoroutes conclus avec des entreprises privées relevaient
« par nature » de la compétence du juge administratif (T. confl. 9 mars 2015, req. n o 3984, Lebon ; AJDA 2015. 481 ; AJDA
2015. 601 , tribune Clamour ; RFDA 2015. 265, concl. Escaut ; RFDA 2015. 273, note Canedo-Paris ).

66. Précisions sur la notion de sujétions imprévues. - La seule existence dans un contrat d'une clause renvoyant à une étude
complémentaire ne peut suffire à exclure l'existence de sujétions imprévues (CE 3 mars 2010, Sté Presspali Spa, req.
n o 304604 , AJDA 2010. 470, obs. Pastor ).

Indemnisation des sous-traitants en cas de sujétions techniques imprévues. - Le bouleversement de l'économie générale d'un
contrat entraîné par des sujétions techniques imprévues apparues pendant l'exécution d'une partie sous-traitée d'un marché
s'apprécie en comparant le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant
de la partie sous-traitée (CE 1 er juill. 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n o 383613 , AJDA 2015. 1343, obs.
Poupeau ).

113. Nuisances liées à la circulation de rames du métro. Préjudice anormal et spécial. - Les bruits de crissement provoqués par la
circulation des rames du métro peuvent constituer pour les riverains un préjudice anormal et spécial (CAA Paris, 4 juill. 2013,
Épx Le Picart, req. n o 12PA01912 , AJDA 2013. 2348 ).

139. Nuisances provoquées par des courts de tennis municipaux. Préjudice anormal et spécial. - Le fonctionnement de courts de
tennis peut causer un dommage grave et spécial aux personnes qui se trouvent dans leur voisinage (CE 16 déc. 2013, req.
n o 355077 , AJDA 2014. 1133 ).

Responsabilité d'une commune à l'égard d'une touriste blessée par un panneau électoral. - Une commune propriétaire de
panneaux électoraux engage sa responsabilité sans faute à la suite de dommages causés par cet ouvrage public à un usager
de la voie publique ayant la qualité de tiers par rapport à celui-ci (CAA Lyon, 10 avr. 2014, req. n o 12LY20166 , AJDA
2014. 1865 ).

143. Fragilité ou vulnérabilité de l'immeuble dans les dommages de travaux publics. - La fragilité ou la vulnérabilité d'un immeuble
peuvent être prises en compte dans l'évaluation du préjudice subi par un tiers en raison de dommages de travaux publics
mais elles ne peuvent pas atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage (CE 10 févr. 2014, req. n o 361280 , Lebon ;
AJDA 2014. 375, obs. Pastor ).

152. Mise en cause de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Diversité des régimes de responsabilité. Riverains des
voies publiques. Accès à une propriété privée : restreindre n'est pas interdire. - Une restriction d'accès des véhicules à une
propriété imputable à un arrêté municipal n'ouvre pas pour autant droit à indemnisation dès lors qu'un autre accès même
moins facile restait possible (CE 26 sept. 2008, Cne de Souillac, req. n o 294021 , Lebon ; AJDA 2008. 1798, obs. Royer
; AJDA 2008. 2283, note Verpeaux ).

175. Responsabilité du fait de l'exécution de travaux publics. Répartition entre maîtres d'ouvrages et opérateurs privés. Préjudice
imputable à l'entrepreneur, au maître d'œuvre et à l'architecte. - Le Conseil d'État fait une application positive de la jurisprudence
SIAE des communes de La Seyne et de la région est de Toulon (CE, sect., 15 juill. 2004, req. n o 235053 , RFDA 2004. 895,
concl. De Silva ) à l'action en responsabilité consécutive aux dommages causés aux tiers qui se sont produits ou révélés
après l'achèvement d'un travail public (CE 13 nov. 2009, Sté SCREG, req. n o 306061 , AJDA 2009. 2144, obs. Pastor ).

Pas d'appel en garantie sans décompte général. - En l'absence de réception des travaux, le maître d'œ uvre ne peut procéder à la
vérification du projet de décompte présenté par le constructeur. Interprétant l'article 13.32 du CCAG applicable aux marchés
publics de travaux (CCAG-Travaux nouv., art. 13.3.2), le Conseil d'État en tire des conséquences directes sur l'appel en
garantie d'une commune dirigé contre le maître d'œ uvre. Ainsi, la commune, en ne réceptionnant pas l'ouvrage, ne permettait
pas au maître d'œ uvre de vérifier le projet de décompte final. De ce fait, précise la Haute Assemblée, ses conclusions
« dirigées contre l'arrêt en tant qu'il rejette son appel en garantie doivent être rejetées » (CE 17 mars 2010, Cne d'Issy-les-
Moulineaux, req. n o 308676 , AJDA 2010. 582, obs. Pastor ).

176. Responsabilité décennale du conducteur d'opération. - Le conducteur d'opération en charge du contrôle des travaux doit
être regardé comme un constructeur, en application des principes dont s'inspirent les articles du code civil relatifs à la garantie
décennale. Cette solution s'applique même si le contrat écarte explicitement la qualification de louage d'ouvrage pour les
prestations exécutées (CE 21 févr. 2011, Sté Icade G3A et a., req. n o 330515 , AJDA 2011. 414, obs. R. G .).

186. Mise en cause de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Détermination de la personne administrativement
responsable. Répartition entre personnes morales de droit public. Responsabilité de l'État du fait de son assistance aux communes
en matière d'urbanisme. - Les conventions de mise à disposition des services de l'État, prévues par les termes spécifiques de
l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme (devenu l'art. L. 422-8) pour l'instruction des demandes d'autorisation de
construire, sont soumises aux conditions d'engagement de la responsabilité extracontractuelle. La Haute Juridiction rappelle
que les règles de droit commun de la responsabilité contractuelle s'appliquent aux concours facultatifs tels que les contrats de
louage d'ouvrage (CE, sect., 12 mai 2004, Cne de la Ferté-Milon, req. n o 192595 , AJDA 2004. 1378 ). Elle juge, en
revanche, que n'entrent pas dans cette catégorie les conventions litigieuses « qui sont conclues à titre gratuit et sont de droit
lorsque les communes le demandent ; que les services de l'État mis à disposition agissant dans le cadre de ces conventions
en concertation permanente avec le maire, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui
leur sont confiées, en vue de l'exercice de compétences d'instruction et de décision qu'il conserve, la responsabilité de l'État
ne peut être engagée à ce titre qu'en cas de refus ou de négligence d'exécuter un ordre ou une instruction du maire » (CE
27 oct. 2008, Cne de Poilly-lez-Giens, req. n o 297432 , Lebon ; AJDA 2008. 2097, obs. Aït-El-Kadi ; AJDA 2008. 2458,
concl. Courrèges ).

189-1. Répartition finale des responsabilités. Responsabilité d'un bureau d'étude. - La responsabilité d'un bureau technique ne
prend pas fin avec la remise du rapport d'étude à la personne publique. Cette dernière est fondée à obtenir réparation
d'éventuelles erreurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle (CE 9 avr. 2010, Cne de Levallois-Perret, req.
n o 309662 , AJDA 2010. 758, obs. Pastor ).

193. Incompétence du juge administratif pour un litige portant sur un accident de service d'un non-titulaire. - La demande
indemnitaire formée par un agent non titulaire à la suite d'un accident, qu'elle soit fondée sur la faute de l'employeur ou le
défaut d'entretien de l'ouvrage public, relève du juge judiciaire (CAA Marseille, 14 janv. 2013, M. Chaland, req. n o 11MA00326
, AJDA 2013. 830 ).

211. Entretien d'une fontaine publique. Exonération de responsabilité. - Une commune ne peut s'exonérer, même partiellement,
de sa responsabilité en cas d'accident imputable au défaut de signalisation et de protection d'une fontaine (CE 21 nov. 2014,
req. n o 373581 , AJDA 2015. 431 ).

217. Qualité d'usager d'un SPIC. Concurrence avec la qualité d'usager d'un ouvrage public. - L'usager d'un SPIC victime d'un
dommage causé par un ouvrage public doit saisir le juge judiciaire, même à l'encontre du propriétaire de l'ouvrage non
exploitant du SPIC (CAA Marseille, 1 er oct. 2012, Mme Bunuel, req. n o 10MA02580, AJDA 2013. 83 ).

Chute dans un parking. Compétence judiciaire. - Le juge judiciaire est compétent pour connaître des accidents survenus dans le
parc de stationnement payant d'une commune en raison du caractère industriel et commercial de ce service public (CAA
Versailles, 27 nov. 2014, req. n o 12VE03048 , AJDA 2015. 964 ).

219-1. Précisions sur la compétence du juge administratif concernant le déplacement d'un ouvrage public situé sur un terrain privé.
- Le juge administratif est compétent pour ordonner le déplacement ou la suppression d'un transformateur EDF situé sur une
propriété privée, même lorsque son implantation a procédé d'une convention de droit privé (T. confl. 17 déc. 2012, Vidal
c/ Électricité Réseau Distribution France [ERDF], req. n o 3871, AJDA 2013. 13, obs. Necib ).

258. Juge du principal. Injonction de démolir un futur ouvrage public. - La section du contentieux du Conseil d'État a déterminé
comment appliquer les principes posés par la décision « Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes
et Commune de Clans » (CE, sect., 29 janv. 2003, req. n o 245239 , AJDA 2003. 784, note Sablière ) quand le juge est
saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire assorti d'une demande d'injonction de démolir un
ouvrage public non encore achevé (CE, sect., 14 oct. 2011, Cne de Valmeinier, Synd. mixte des Islettes, req. n o 320371 ,
AJDA 2011. 1980, obs. Brondel ).

Injonction d'enlever et de déplacer des ouvrages publics irrégulièrement implantés. - Le Conseil d'État a enjoint à ERDF de
procéder à l'enlèvement d'ouvrages de distribution d'électricité inutilisés et au déplacement d'autres ouvrages utilisés, aucun
motif d'intérêt général ne faisant obstacle à un tel déplacement (CE 9 déc. 2011, Mme Lahiton, req. n o 333756 , AJDA 2011.
2446, obs. Grand ).

Maintien d'un ouvrage public irrégulier pour motif d'intérêt général. - Un fossé irrégulièrement creusé sur une propriété privée ne
doit pas être comblé, car sa démolition porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général (CAA Bordeaux,
7 mars 2013, Épx Champigny, req. n o 12BX00409 , AJDA 2013. 1257 ).

271. Point de départ de la prescription quadriennale. Dommages évolutifs. - Dans le cas particulier d'un préjudice évolutif lié à la
construction d'un ouvrage public, la prescription de la créance doit être rattachée à la date à laquelle la réalité et l'étendue les
préjudices ont été révélées (CE 6 nov. 2013, M me Dezeuze, req. n o 354931 , AJDA 2013. 2230, obs. Pastor ; RDI
2014. 54, obs. Delaunay ).

283. Refus d'une commune d'étendre un réseau d'assainissement. Compétence administrative. - Une demande d'un habitant
d'une commune tendant à ce que celle-ci soit condamnée à effectuer les travaux d'extension du réseau d'assainissement
collectif se rattache à un refus d'exécution de travaux publics. Le juge administratif est donc compétent pour connaître d'un tel
litige (CE 8 juin 2015, req. n o 362783 , Lebon ; AJDA 2015. 1184, obs. Poupeau ).

284. Possibilité de détruire un ouvrage public mal planté sur un espace remarquable. - Le Conseil d'État illustre une nouvelle fois
la remise en cause de l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » en enjoignant à une personne publique de
détruire un tel ouvrage irrégulièrement construit sur un site remarquable au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme,
disposition de la loi Littoral applicable aux grands lacs (CE 20 mai 2011, Communauté d'agglomération du lac du Bourget, req.
n o 325552 , AJDA 2011. 1057, obs. Grand ).

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