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Université Paris II – Panthéon-Assas Année universitaire 2022-2023

Centre Assas – LICENCE 2


2nd Semestre

DROIT ADMINISTRATIF
Cours de Monsieur le Professeur Bertrand Seiller

FICHE N° 10 : LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE


DE TRAVAUX ET OUVRAGES PUBLICS

• Bibliographie

R. CHAPUS, « Structure de la responsabilité pour dommage de travaux publics », Mélanges


Waline, II, p. 307 et s.
J.-P. DUBOIS, « Travaux publics : dommages », Répertoire de la responsabilité de lapuissance
publique, Dalloz.
R. LATOURNERIE, « De la faute et du risque à propos des dommages causés par les travaux
publics », RDP, 1945, p. 5 et s.
F. MODERNE, « La distinction du tiers et de l’usager dans le contentieux des dommages de
travaux publics », CJEG, 1964, p. 153 et s.
J. PETIT et G. ÉVEILLARD, L’ouvrage public, LexisNexis/Litec, coll. « Litec
professionnels », 2009, 244 p.
O. RENARD-PAYEN, « Responsabilité du fait des travaux et ouvrages publics », J.-Cl. Adm.,
2015 et 2016, fasc. 930, 932 et 934.
J. P. FERREIRA, L’originalité de la responsabilité du fait des dommages de travaux publics,
coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, Paris, Dalloz, 2020.

• Documents reproduits

I. DOMMAGE SUBI PAR UN USAGER

Document n° 1 : CE, 29 septembre 2014, SNCF, n°365922, inédit au recueil Lebon.


Document n° 2 : CE, 5 juin 1992, Min. Équipement c/ M. et Mme Cala, Lebon p. 224 ; RFDA
1993, p. 67, concl. Le Chatelier ; AJDA 1992, p. 650, chron. Mauguë et Schwartz

II. DOMMAGE SUBI PAR UN TIERS

Document n° 3 : CE, 26 février 2016, SCI Jenapy 01, req. n° 389258, AJDA, 2016, p. 410,
obs. Poupeau.
Document n° 4 : CE 8 février 2022, M. B., n° 453105 : Lebon T. ; AJDA 2022, p. 312, obs.
E. Maupin
Document n° 5 : CE, 22 octobre 1971, Ville de Fréjus, Lebon, p. 630.

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III. DOMMAGE SUBI PAR UN PARTICIPANT

Document n° 6 : TC, 24 novembre 1997, n° 03060, société de Castro : Lebon, p. 540 ; CJEG
1998, p. 100, concl. R. Abraham ; D. 1998, p. 363, note P. Terneyre.

IV. CAS PRATIQUE

Vous donnerez votre opinion argumentée sur les différents faits ci-dessous présentés :

La commune de X a récemment souhaité étendre son réseau d’eau potable et d’assainissement à


un hameau de 12 fermes distant d’1km du bourg. Compte-tenu de l’importance des travaux à
réaliser, dépassant les 7 millions d’euros, elle a décidé de confier leur réalisation et l’exploitation
de l’ensemble du réseau (celui qui préexistait dans le bourg et l’extension à réaliser) à une
entreprise spécialisée. Elle a ainsi sollicité l’entreprise Y avec laquelle elle a conclu un contrat en
ce sens le 15 mars dernier.

Cette décision a suscité diverses oppositions.

D’abord, une entreprise Z, également spécialisée dans la gestion des réseaux d’eau et
d’assainissement, se plaint de n’avoir pu bénéficier de l’attribution de ce contrat parce qu’elle
n’était pas au courant de la volonté de la commune de X d’en conclure un. Dans la mesure où elle
aurait certainement déposé sa candidature si elle avait été informée, elle vous interroge sur les
voies de recours à sa disposition et ses chances de succès en cas d’exercice d’un tel recours.

Ensuite, les habitants du hameau bénéficiaire de l’extension du réseau ont appris qu’en
conséquence du coût de cette extension, une clause du contrat passé entre la commune de X et
l’entreprise Y prévoit qu’en complément du tarif normal déterminé en fonction du volume d’eau
consommé (le tarif du m3 étant calculé en tenant compte du coût de la fourniture d’eau potable et
de son traitement après sa consommation), ils devraient acquitter une contribution pour le
financement des travaux nécessaires à l’extension du réseau. Les habitants du bourg continueront
pour leur part à ne payer que le coût de l’eau qu’ils consomment puisque le financement de la
construction du réseau au sein du bourg est depuis longtemps amorti. Mécontents de ce traitement
défavorable, les habitants du hameau sont décidés à le contester mais certains souhaitent agir
rapidement quand d’autres estiment préférable d’attendre la réalisation des travaux d’extension
du réseau, sa mise en service et la réception des premières factures. Vous leur indiquerez quelles
actions leurs sont ouvertes, devant quelles juridictions et avec quelles chances de succès.

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I. DOMMAGE SUBI PAR UN USAGER

Document n° 1 : CE, 29 septembre 2014, SNCF, n°365922

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 13 mai


2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société nationale des
chemins de fer français (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant René Mouchotte à
Paris (75014) ; la société nationale des chemins de fer français demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler l’arrêt n° 11NT02999-11NT03135 du 6 décembre 2012 par lequel la cour


administrative d’appel de Nantes a rejeté son appel tendant, d’une part, à l’annulation du
jugement n° 10-4262 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif d’Orléans en tant qu’il
l’a condamnée, solidairement avec le département d’Eure-et-Loir, à verser à la compagnie
Zürich Versicherung la somme de 33 731 euros et, d’autre part, au rejet de la demande de la
compagnieZürich Versicherung ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;
3°) de mettre à la charge de la compagnie Zürich Versicherung le versement de la somme de
4000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vule code de la route ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;
Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix,
avocat de la société nationale des chemins de fer français (SNCF), à la SCP Coutard, Munier-
Apaire, avocat de la compagnie Zürich Versicherung, et à la SCP Delvolvé, avocat du
département d’Eure-et-Loir ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 30 janvier
2007, au passage à niveau n° 37 situé sur la route départementale n° 6 à proximité de la gare de
Saint-Prest (Eure-et-Loir), un poids lourd appartenant à la société de transport ANM est entré
en collision avec un train en provenance de Chartres, les barrières du passage à niveau s’étant
abaissées entre le tracteur du camion et sa remorque, dès lors immobilisés sur la voie ; que les
dommages matériels résultant de cette collision ont été pris en charge par l’assureur du véhicule,
la compagnie Zürich Versicherung ; que cette dernière, subrogée dans les droits de son assurée,
la société ANM, a saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à la
condamnation solidaire de la SNCF et du département d’Eure-et-Loir à l’indemniser ; que la
SNCF se pourvoit contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté son
appel dirigé contre le jugement du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif
d’Orléans a fait droit à cette demande en tant qu’elle la concerne ;

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Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

2. Considérant que le premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative


dispose que : “ Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du
rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la
tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne “ ;

3. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces
dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à
l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y
présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et
d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en
délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de
connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de
la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à
l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment
celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du
rapporteur public ; qu’en indiquant aux parties, près de vingt-quatre heures avant l’audience,
qu’il conclurait au rejet au fond de la requête de la SNCF, le rapporteur public devant la cour
administrative d’appel de Nantes les a informées, dans un délai raisonnable avant l’audience,
du sens de ses conclusions en indiquant les éléments du dispositif de la décision qu’il comptait
proposer à la formation de jugement d’adopter ; que le moyen tiré de ce que l’arrêt aurait été
rendu au terme d’une procédure irrégulière doit, par suite, être écarté ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 13 février 1997
portant création de l’établissement public “ Réseau ferré de France “ en vue du renouveau du
transport ferroviaire : “ (...) “Réseau ferré de France” (...) est le gestionnaire du réseau ferré
national. / Compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion
du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l’entretien
des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société nationale des
chemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par
Réseau ferré de France. (...) “ ; qu’aux termes de l’article 5 de la même loi : “ Les biens
constitutifs de l’infrastructure (...) sont (...) apportés en pleine propriété à Réseau ferré de
France. Les biens constitutifs de l’infrastructure comprennent les voies, y compris les
appareillages fixes associés, les ouvrages d’art et les passages à niveau, les quais à voyageurs
et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de
signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux
infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l’entretien des infrastructures “ ;
qu’enfin, aux termes de l’article 11 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts
de Réseau ferré de France : « Dans le cadre des objectifs et principes de gestion du réseau ferré
national définis à l’article 7, la SNCF exerce les missions prévues à l’article 1er de la loi du 13
février 1997 susvisée. Ces missions comportent en particulier : / (...) la surveillance, l’entretien
régulier, les réparations, dépannages et mesures nécessaires au fonctionnement du réseau et à
la sécurité de l’ensemble des plates-formes, ouvrages d’art, voies, quais, réseaux, installations
et bâtiments techniques s’y rattachant » ;

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5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la SNCF, chargée de l’entretien des passages
à niveau comme prestataire de services de Réseau ferré de France, peut voir sa responsabilité
engagée vis-à-vis des usagers de ces ouvrages publics lorsque ceux-ci ont subi des dommages
directement imputables à un défaut d’entretien normal de ces ouvrages ; que l’entretien normal
de l’ouvrage inclut notamment la signalisation de ses caractéristiques et de son éventuelle
dangerosité, signalisation dont l’insuffisance ou l’absence peut caractériser un défaut d’un tel
entretien et être, dès lors, susceptible d’engager la responsabilité de la SNCF ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, en premier lieu, que la cour administrative
d’appel de Nantes, qui a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de
dénaturation, n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le défaut de signalisation, aux
abords de celui-ci, de la dangerosité particulière du passage à niveau n° 37 pour les conducteurs
de véhicules longs, tel celui accidenté, compte tenu de la très grande brièveté du délai séparant
le début de l’alarme sonore et la fermeture des barrières, caractérisait un défaut d’entretien
normal, par la SNCF, de cet ouvrage et engageait la responsabilité de celle-ci ;

7. Considérant, en second lieu, qu’après avoir admis la responsabilité de la SNCF ainsi que
celle du département d’Eure-et-Loir en sa qualité de gestionnaire de la voirie départementale,
la cour a exactement qualifié les faits en estimant que l’imprudence commise par le chauffeur
du poids lourd, dont elle a relevé qu’il n’avait pas choisi d’emprunter l’itinéraire conseillé de
contournement de l’agglomération de Chartres qui lui aurait permis d’éviter le passage à niveau,
n’était pas la cause exclusive de la collision survenue avec le train et ne pouvait, en
conséquence, conduire qu’à une exonération partielle de la responsabilité de la SNCF ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SNCF n’est pas fondée à demander
l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la compagnie Zürich
Versicherung qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une
somme au titre des frais exposés par la SNCF et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en
revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la
compagnie Zürich Versicherung en application de ces dispositions et de mettre à la charge de
la SNCF le versement d’une somme de 2 500 euros ; qu’il n’y a, en revanche, pas lieu de faire
droit aux conclusions présentées par le département d’Eure-et-Loir en application de ces mêmes
dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le pourvoi de la société nationale des chemins de fer français est rejeté.
Article 2 : La société nationale des chemins de fer français versera à la compagnie Zürich
Versicherung une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1
du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département d’Eure-et-Loir en application des
dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société nationale des chemins de fer français,
à la compagnie Zürich Versicherung et au département d’Eure-et-Loir.

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Document n° 2 : CE, 5 juin 1992, Min. Équipement c/ M. et Mme Cala

Vu enregistré le 9 mars 1990 au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le recours du


MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER ; le
ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après
avoir annulé le jugement n° 827/85/11 du 30 juin 1986 du tribunal administratif de Nice a
condamné l'Etat à verser à M. et Mme Y... Cala, d'une part, la somme de 5 295,52 F avec intérêts
de droit capitalisés et la somme de 1 288,55 F avec intérêts de droit, d'autre part, la somme de 15
000 F chacun à titre d'indemnité provisionnelle, en réparation du préjudice subi du fait de
l'accident dont ils ont été victimes, le 28 août 1982, sur la route nationale 204 entre Breil-sur-
Roya et Fontan à la suite de la chute de rochers sur la voie publique, et a ordonné une expertise
médicale avant de statuer sur le préjudice corporel subi par les intéressés ;

2°) de rejeter l'appel présenté par M. et Mme X... devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi
n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Aguila, Auditeur,


- les observations de Me Gauzès, avocat de M. et Mme Y... Cala,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle


encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si
elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu ; que sa
responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut
d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle
des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé
comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon, annulant un jugement
du tribunal administratif de Nice, a condamné l'Etat à indemniser M. et Mme X... du préjudice
résultant de l'accident dont ils ont été victimes le 28 août 1982, alors qu'ils circulaient en voiture
sur la route nationale 204, entre Breil-sur-Roya et Fontan ; que l'accident a été provoqué par le
heurt du véhicule avec des rochers qui se sont détachés de la paroi rocheuse surplombant la route;

Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que "l'état de fissuration du massif
rocheux, aggravé par la végétation poussant à flanc de falaise et le facteur climatique, est tel qu'il
y a un risque élevé de chute de blocs de pierres dans l'ensemble des gorges de Saorge" ; qu'il ne
résulte pas des constatations de fait souverainement opérées par la cour que les risques auxquels
sont exposés les usagers du tronçon dont il s'agit de la route nationale 204, comparés avec ceux
auxquels sont exposés les usagers de nombreuses routes de montagne, présentent un caractère
exceptionnel de gravité ; que, par suite, la cour n'a pu légalement décider, au vu de ces
constatations, que ledit tronçon de route présentait le caractère d'un ouvrage exceptionnellement
dangereux et que la responsabilité de l'Etat se trouve de ce fait engagée vis-à-vis des consorts X...
même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal de l'ouvrage ; que, dès
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lors, l'arrêt attaqué, qui a condamné l'Etat sur ce fondement, doit être annulé ; que, dans les
circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de
Lyon ;

Article 1er : L'arrêt en date du 18 janvier 1990 de la cour administrative d'appel de Lyon est
annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'équipement, du logement et des
transports, à M. et Mme X... et au président de la cour administrative d'appel de Lyon.

II. DOMMAGE SUBI PAR UN TIERS

Document n° 3 : CE, 26 février 2016, SCI Jenapy

01 Vu la procédure suivante :

La SCI Jenapy 01 a demandé le 18 octobre 2011 au tribunal administratif de Nîmes, d’une part,
d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de Bessèges (Gard) a rejeté sa demande
tendant à ce que la commune réalise les travaux de sécurisation du mur bordant sa propriété
préconisés par une expertise du 5 novembre 2007, d’autre part, d’enjoindre à la commune de
réaliser ces travaux, enfin, de la condamner à lui verser la somme de 43 082,71 euros en
réparation des préjudices subis, assortis des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts échus
pour produire eux-mêmes des intérêts.

Par un jugement n° 1103223 du 4 avril 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette
demande.

Par un arrêt n° 13MA02441 du 5 février 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a


rejeté l’appel formé par la SCI Jenapy 01 contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2015
au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI Jenapy 01 demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Bessèges la somme de 4 000 euros au titre de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

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Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la SCI
Jenapy 01, et à la SCP Delvolvé, avocat de la commune de Bessèges ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de
Bessèges (Gard) a décidé la construction, en janvier 2004, d’un mur d’une hauteur de 1,50
mètres afin de procéder au soutènement d’un tronçon de la voirie routière surplombant un
terrain appartenant à la SCI Jenapy 01, sur lequel cette dernière venait de faire construire deux
gîtes destinés à la location ; qu’à la demande, aux frais et sous le contrôle de la SCI, l’entreprise
chargée des travaux a surélevé ce mur d’un mètre ; qu’un expert a été désigné par le président
du tribunal de grande instance d’Alès à la demande de la SCI Jenapy 01, qui constatait un
basculement du mur ; que le rapport de cet expert, déposé le 5 novembre 2007, préconisait la
démolition du mur eu égard au risque d’éboulement induit par son déversement par rapport à la
verticale ; que la SCI Jenapy 01 a saisi la commune d’une demande, restée sans réponse, tendant
à la réalisation de ces travaux et à l’indemnisation de divers préjudices ; que, par un jugement
du 4 avril 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la SCI Jenapy 01
tendant, d’une part, à l’annulation du refus implicite de la commune d’effectuer les travaux,
d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à la commune de les réaliser, enfin, à la condamnation de
celle-ci à lui verser 43 082,71 euros portant intérêts capitalisés en réparation des préjudices
qu’elle estimait avoir subis ; que, par un arrêt du 5 février 2015, la cour administrative d’appel
de Marseille a rejeté l’appel de la SCI Jenapy 01 contre ce jugement ; que celle-ci se pourvoit
en cassation contre cet arrêt ;

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que, pour rejeter les conclusions tendant à l’indemnisation des frais de procédure
engagés par la SCI Jenapy 01 devant le juge judiciaire dans le cadre d’un litige relatif à un vice
de construction du mur l’opposant à l’entrepreneur, la cour administrative d’appel a estimé, au
terme d’une appréciation souveraine des faits, que le risque de basculement du mur de
soutènement trouvait son origine non dans les travaux décidés par la commune, mais dans la
surélévation demandée directement à l’entrepreneur par la SCI afin de pouvoir réaliser à son
profit une aire de stationnement ; qu’en déduisant que la responsabilité de la commune ne
pouvait être engagée de ce chef, elle n’a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé,
d’erreur de droit ;

3. Considérant, en revanche, que pour rejeter les conclusions présentées par la SCI tendant à
l’indemnisation de son préjudice financier lié à l’impossibilité de louer l’un des deux gîtes, situé
en contrebas du mur de soutènement, la cour a relevé que le choix de ne pas l’ouvrir au public
résultait de la seule volonté de la SCI et que, par suite, ce préjudice ne présentait pas un lien de
causalité direct et certain avec l’état du mur ; qu’en procédant à un tel constat, alors qu’elle

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avait par ailleurs estimé que le risque d’effondrement du mur était “ suffisamment certain “ et
que, s’il n’interdisait pas l’exploitation de la totalité du gîte, il y faisait au moins partiellement
obstacle, la cour a entaché son arrêt de contradiction de motifs ;

Sur l’arrêt en tant qu’il rejette les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de
réaliser des travaux :

4. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint
à la commune de réaliser les travaux de reprise du mur préconisés par l’expert dans son rapport
du 5 novembre 2007, la cour administrative d’appel de Marseille a notamment relevé que les
risques pour la circulation des véhicules et piétons qui empruntent la voie communale soutenue
par le mur litigieux n’étaient pas établis ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux
juges du fond qu’une telle appréciation soit entachée de dénaturation ;

5. Considérant, en second lieu, que la cour ne s’est pas prononcée sur l’éventuelle
méconnaissance, par la commune, des dispositions du premier alinéa de l’article L. 2212-4 du
code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles : « En cas de danger grave ou
imminent (...), le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les
circonstances » ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’elle aurait entaché son arrêt d’une erreur
de qualification juridique en se refusant à constater que la condition était remplie en l’espèce
ne peut qu’être écarté ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens du pourvoi, que la SCI Jenapy 01 n’est fondée à demander l’annulation de l’arrêt du 5
février 2015 qu’en tant qu’il rejette ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de son
préjudice financier lié à l’impossibilité de louer l’un de ses deux gîtes ;

7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure,
l’affaire au fond au titre de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu’il est constant que le mur litigieux est destiné à soutenir la voie publique
passant en surplomb du terrain appartenant à la SCI Jenapy 01 ; que ce mur constitue ainsi
l’accessoire de cette voie et présente le caractère d’un ouvrage public, alors même qu’il serait
implanté dans sa totalité sur le terrain privé de la société ; qu’est sans incidence sur cette
qualification la circonstance que ce mur ait fait l’objet d’une surélévation, à la demande, aux
frais et sous le contrôle de la SCI Jenapy 01, dans le cadre de travaux privés ;

9. Considérant que le maître d’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des
dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de
leur existence que de leur fonctionnement ; qu’il ne peut dégager sa responsabilité que s’il
établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit
à réparation, résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure ; que la SCI est un
tiers à l’égard de l’ouvrage public ;

10. Considérant que la SCI Jenapy 01 a, ainsi qu’il résulte de l’instruction, directement demandé

9
à l’entrepreneur de rehausser d’un mètre le mur, dont la hauteur initialement prévue était de
1,50 mètres, afin de pouvoir ensuite combler la partie du mur située du côté de la voie publique
et réaliser une aire de stationnement bordant son gîte ; qu’elle a elle-même financé et surveillé
ces travaux ; qu’il ressort du rapport d’expertise en date du 5 novembre 2007 que les désordres
ont pour origine cette surélévation du mur, qui ne peut résister à la poussée des terres et bascule
par le haut ; que, par suite, la faute de la victime est, dans les circonstances de l’espèce, de
nature à exonérer la commune de toute responsabilité ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI Jenapy 01 n’est pas fondée à se
plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses
conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la
SCI Jenapy 01 une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Bessèges au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de faire droit aux
conclusions présentées par la SCI Jenapy 01 au même titre ;

DECIDE:
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 5 février 2015 est annulé
en tant qu’il rejette les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Jenapy 01 tendant à la
réparation de son préjudice financier lié à l’impossibilité de louer l’un de ses deux gîtes.
Article 2 : La requête présentée par la SCI Jenapy 01 devant la cour administrative d’appel de
Marseille est, en tant qu’elle est dirigée contre le rejet de ses conclusions indemnitaires tendant
à l’indemnisation de ce préjudice, rejetée.
Article 3 : La SCI Jenapy 01 versera à la commune de Bessèges une somme de 3 000 euros au
titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi ainsi que les conclusions de la SCI Jenapy 01
tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI Jenapy 01 et à la commune de Bessèges.

Document n° 4 : CE, 8 février 2022, M. B., n° 453105 : Lebon T. ; AJDA 2022, p. 312, obs.
E. Maupin

Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision


implicite par laquelle le maire d'Ennezat a rejeté sa demande du 12 juin 2017 tendant à ce qu'il
prenne toutes les dispositions nécessaires afin que le mur du jardin de sa propriété n'ait pas à
supporter un remblai adossé au droit de sa parcelle. Par un jugement n° 1701915 du 30 avril
2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02506 du 30 mars 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté
l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les


31 mai, 19 juillet et 12 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...
10
demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Ennezat la somme de 3 000 euros en application de


l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia,
avocat de M. C... et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la commune d'Ennezat ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... est propriétaire d'un
immeuble à usage d'habitation situé à Ennezat dans le département du Puy-de-Dôme. Sa parcelle,
close par un muret, jouxte deux parcelles sur lesquelles la commune d'Ennezat a construit une
maison de santé. En vue notamment de la création du parking de cette maison de santé, la
commune d'Ennezat a procédé au remblaiement d'une des parcelles jusqu'en limite du muret de
clôture de M. C.... Par courrier du 12 juin 2017, M. C... a demandé au maire d'Ennezat de bien
vouloir prendre toutes dispositions nécessaires pour que le muret de sa propriété n'ait plus à
supporter la charge de remblai qu'il soutient que ces travaux ont créée. Par un jugement du 30
avril 2019, confirmé par l'arrêt attaqué du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-
Ferrand et la cour administrative d'appel de Lyon ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de
la décision implicite de rejet de sa demande et, en appel, à ce qu'il soit enjoint à la commune de
procéder à la remise en état initial du muret et de retirer la terre prenant appui sur ce muret.

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les
ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de
leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages
résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de
démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas
inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un
caractère accidentel.

3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les dommages dont M. C... demande réparation
trouvent leur cause dans la poussée qu'exercent sur le muret de clôture de sa propriété les terres
remblayées par la commune pour la réalisation du parking de la maison de santé. Ces dommages,
qui résultent de l'absence de réalisation d'un dispositif de soutènement des terres ainsi
remblayées, ne peuvent être regardés comme étant inhérents à l'existence même de la maison de
11
santé et de son parking. Dès lors, en estimant que les dommages invoqués par M. C... étaient liés
aux travaux entrepris par la commune et présentaient un caractère permanent et non accidentel, la
cour administrative d'appel de Lyon a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. Il s'ensuit, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée
par la commune d'Ennezat, laquelle requiert, en tout état de cause, une appréciation des faits, que
M. C... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à
demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ennezat la


somme de 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la
charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante, sur son fondement.

DECIDE:
--------------
Article 1er : L'arrêt du 30 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La commune d'Ennezat versera à M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au même titre sont
rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à la commune d'Ennezat.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président
adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. J... K..., M. Olivier Japiot, présidents de
chambre ; M. F... N..., Mme A... L..., M. E... I..., M. G... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers
d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Document n° 5 : CE, 22 octobre 1971, Ville de Fréjus

Requête de la ville de Fréjus tendant à l'annulation d'un jugement du 13 juin 1968 par lequel le
tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du
Var et de l'État a la réparation des dommages causés à ladite ville par la rupture du barrage de
Malpasset ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que le réseau de distribution d'eau de la ville de
Fréjus était en partie alimenté par les eaux du barrage de Malpasset qui avait été notamment
construit pour pourvoir à cette alimentation ; que, dans ces conditions, la requérante doit être
regardée bien qu'elle ait donné en concession le service public de distribution de l'eau à la
compagnie des eaux et de l'ozone comme ayant eu la qualité d'usager de cet ouvrage public en ce
qui concerne les dommages causes a son réseau de distribution ;

Cons., d'autre part, que le fait que la ville de Fréjus avait la qualité d'usager du barrage de
Malpasset en ce qui concerne les dommages subis par son réseau de distribution d'eau n'avait pas
pour conséquence de lui donner cette qualité pour les dommages encourus sur ses biens autres que
ce réseau de distribution, tels que voies urbaines, monuments publics et plages, installations
d'assainissement ou destinées à l'éclairage public ; que la ville de Fréjus était un tiers au regard du
barrage en ce qui concerne ces dommages ;
12
Sur la responsabilité encourue par le département du Var en ce qui concerne cette dernière
catégorie de dommages :
Cons. Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est
fondé, pour rejeter les conclusions de la demande de la ville de Fréjus relatives à la réparation des
dommages subis par elle sur ses biens autres que son réseau de distribution d'eau, sur la
circonstance qu'elle aurait eu la qualité d'usager du barrage de Malpasset ; que la ville de Fréjus
est fondée à soutenir que le jugement attaque doit être annulé sur ce point ;

Cons. Que le maitre de x... Est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les
ouvrages publics, dont il a la garde, peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que
de leur fonctionnement ;
Qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la
victime ou d'un cas de force majeure ;

Cons., d'une part, que le département du Var n'allègue aucune faute de la ville de Fréjus laquelle
avait, par rapport au barrage de Malpasset, la qualité de tiers en ce qui concerne l'ensemble des
biens communaux à l'exclusion du réseau de distribution d'eau ;

Cons., d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la rupture du barrage de Malpasset a été due à
l' "expulsion" de la roche a l'aval immédiat de l'ouvrage sous la pression de l'eau retenue par ce
dernier ; que, dans ces conditions, la cause de la rupture ne peut être regardée comme extérieure
au barrage ; qu'elle n'a, des lors, pas revêtu le caractère d'un événement de force majeure ; que ce
caractère ne peut davantage être reconnu, en raison même de la destination de l'ouvrage qu'elles
n'ont d'ailleurs fait que contribuer à "mettre en eau", aux pluies qui se sont abattues sur la région
avant le sinistre ; qu'il suit de la que la ville de Fréjus est fondée a soutenir qu'elle a droit à la
réparation des dommages subis du fait de la rupture du barrage de Malpasset par ses biens à
l'exclusion de ceux causes au réseau de distribution d'eau ;

Sur la responsabilité du département du Var et de l'État en ce qui concerne le réseau de


distribution d'eau de la ville de Fréjus : - cons., d'une part, qu'il résulte de l'instruction et,
notamment, du rapport établi par les seconds experts, dont les conclusions n'apparaissent
différentes, sur ce point, de celles des premiers experts y... Parce qu'elles reposent sur des
investigations plus poussées en vue de déterminer la zone ou se sont produits les premiers
effondrements et les causes de ceux-ci que des études plus complètes du sous-sol, telles qu'elles
pouvaient être normalement faites à l'époque ou l'ouvrage a été construit, n'auraient pas permis de
découvrir l'une des fissures profondes qui existait et de déceler, par suite, le danger que faisait
courir la présence d'une seconde fissure ; que, des lors, en l'absence de toute relation entre les
conditions dans lesquelles les études auxquelles il a été procédé ont été conduites et le sinistre,
lequel n'est d'ailleurs pas imputable à la conception de l'ouvrage ou aux conditions dans lesquelles
ont été exécutés les travaux, puis surveillé le comportement du barrage, aucune faute ne peut, en
tout état de cause être relevée a la charge du département du Var et de l'État, du fait de
l'intervention du service du génie rural ;

Cons., d'autre part, que le département du Var établit l'entretien normal de l'ouvrage public dont il
avait la garde ; que, des lors, la requérante n'est pas fondée a soutenir que c'est à tort que, par le
jugement attaque, le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de sa demande relatives
à la réparation des dommages subis par le réseau de distribution d'eau ;

(…)

Le département du Var est déclaré responsable des dommages consécutifs à la rupture du barrage
13
de Malpasset que la ville de Fréjus a subis sur ses biens, à l'exclusion de ceux causes au réseau de
distribution d'eau ; renvoi de la ville de Fréjus devant le tribunal administratif de Nice en vue de la
fixation de l'indemnité qui devra lui être versée par le département du Var ; reformation du
jugement dans ce sens ; rejet du surplus ; dépens de première instance et d'appel mis à la charge du
département du Var.

Document n° 5 : CE, 22 octobre 1971, Ville de Fréjus

Requête de la ville de Fréjus tendant à l'annulation d'un jugement du 13 juin 1968 par lequel le
tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du
Var et de l'État a la réparation des dommages causés à ladite ville par la rupture du barrage de
Malpasset ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que le réseau de distribution d'eau de la ville de
Fréjus était en partie alimenté par les eaux du barrage de Malpasset qui avait été notamment
construit pour pourvoir à cette alimentation ; que, dans ces conditions, la requérante doit être
regardée bien qu'elle ait donné en concession le service public de distribution de l'eau à la
compagnie des eaux et de l'ozone comme ayant eu la qualité d'usager de cet ouvrage public en ce
qui concerne les dommages causes a son réseau de distribution ;

Cons., d'autre part, que le fait que la ville de Fréjus avait la qualité d'usager du barrage de
Malpasset en ce qui concerne les dommages subis par son réseau de distribution d'eau n'avait
pas pour conséquence de lui donner cette qualité pour les dommages encourus sur ses biens
autres que ce réseau de distribution, tels que voies urbaines, monuments publics et plages,
installations d'assainissement ou destinées à l'éclairage public ; que la ville de Fréjus était un
tiers au regard du barrage en ce qui concerne ces dommages ;

Sur la responsabilité encourue par le département du Var en ce qui concerne cette dernière
catégorie de dommages :
Cons. Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est
fondé, pour rejeter les conclusions de la demande de la ville de Fréjus relatives à la réparation
des dommages subis par elle sur ses biens autres que son réseau de distribution d'eau, sur la
circonstance qu'elle aurait eu la qualité d'usager du barrage de Malpasset ; que la ville de Fréjus
est fondée à soutenir que le jugement attaque doit être annulé sur ce point ;

14
Cons. Que le maitre de x... Est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les
ouvrages publics, dont il a la garde, peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que
de leur fonctionnement ;
Qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de
la victime ou d'un cas de force majeure ;

Cons., d'une part, que le département du Var n'allègue aucune faute de la ville de Fréjus laquelle
avait, par rapport au barrage de Malpasset, la qualité de tiers en ce qui concerne l'ensemble des
biens communaux à l'exclusion du réseau de distribution d'eau ;

Cons., d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la rupture du barrage de Malpasset a été due
à l' "expulsion" de la roche a l'aval immédiat de l'ouvrage sous la pression de l'eau retenue par ce
dernier ; que, dans ces conditions, la cause de la rupture ne peut êtreregardée comme extérieure au
barrage ; qu'elle n'a, des lors, pas revêtu le caractère d'un événement de force majeure ; que ce
caractère ne peut davantage être reconnu, en raison même de la destination de l'ouvrage qu'elles
n'ont d'ailleurs fait que contribuer à "mettre en eau", aux pluies qui se sont abattues sur la région
avant le sinistre ; qu'il suit de la que la ville de Fréjus est fondée a soutenir qu'elle a droit à la
réparation des dommages subis du fait de la rupture du barrage de Malpasset par ses biens à
l'exclusion de ceux causes au réseau de distribution d'eau ;

Sur la responsabilité du département du Var et de l'État en ce qui concerne le réseau de


distribution d'eau de la ville de Fréjus : - cons., d'une part, qu'il résulte de l'instruction et,
notamment, du rapport établi par les seconds experts, dont les conclusions n'apparaissent
différentes, sur ce point, de celles des premiers experts y... Parce qu'elles reposent sur des
investigations plus poussées en vue de déterminer la zone ou se sont produits les premiers
effondrements et les causes de ceux-ci que des études plus complètes du sous-sol, telles qu'elles
pouvaient être normalement faites à l'époque ou l'ouvrage a été construit, n'auraient pas permis
de découvrir l'une des fissures profondes qui existait et de déceler, par suite, le danger que faisait
courir la présence d'une seconde fissure ; que, des lors, en l'absence de toute relation entre les
conditions dans lesquelles les

15
études auxquelles il a été procédé ont été conduites et le sinistre, lequel n'est d'ailleurs pas
imputable à la conception de l'ouvrage ou aux conditions dans lesquelles ont été exécutés les
travaux, puis surveillé le comportement du barrage, aucune faute ne peut, en tout état de cause
être relevée a la charge du département du Var et de l'État, du fait de l'intervention du
service du génie rural ;

Cons., d'autre part, que le département du Var établit l'entretien normal de l'ouvrage public dont
il avait la garde ; que, des lors, la requérante n'est pas fondée a soutenir que c'est à tort que, par
le jugement attaque, le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de sa demande
relatives à la réparation des dommages subis par le réseau de
distribution d'eau ;

(…)
Le département du Var est déclaré responsable des dommages consécutifs à la rupture du
barrage de Malpasset que la ville de Fréjus a subis sur ses biens, à l'exclusion de ceux causes au
réseau de distribution d'eau ; renvoi de la ville de Fréjus devant le tribunal administratif de Nice
en vue de la fixation de l'indemnité qui devra lui être versée par le département du Var ;
reformation du jugementdans ce sens ;
rejet du surplus ; dépens de première instance et d'appel mis à la charge du département du Var.

III. DOMMAGE SUBI PAR UN PARTICIPANT

Document n° 6 : TC, 24 novembre 1997, n° 03060, société de Castro : Lebon, p. 540 ; CJEG
1998, p. 100, concl. R. Abraham ; D. 1998, p. 363, note P. Terneyre.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 2 décembre 1996, la requête présentée pour la société de
Castro, dont le siège social est ..., tendant à ce que le Tribunal, en application de l'article 17 du
décret du 26 octobre 1849 modifié, déclare la juridiction administrative compétente pour statuer
sur sa demande tendant à faire condamner MM. X... et Y..., ainsi que le Groupe G. 20, assureur
de M. X..., à la réparation du dommage subi par elle lors de l'exécution du contrat passé avec
l'office public d'HLM de l'Allier portant sur la construction de 14 logements à Gannat, à la suite
du conflit négatif résultant de ce que :

1) par un jugement du 28 avril 1995, le tribunal de grande instance de Montluçon a déclaré la


juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande dirigée contre MM. X... et Y... ;
2) par une ordonnance du 23 janvier 1996, le président du tribunal administratif de Clermont-
Ferrand, statuant en application des dispositions de l'article L.9 du code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel, a déclaré la juridiction administrative
incompétente pour connaître de la demande dirigée contre MM. X... et Y... et contre le Groupe G.
20 assureur de M. X... ;

Vu les décisions précitées ;


Vu, enregistrées le 27 janvier 1997, les observations du ministre délégué chargé du logement,
tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par les motifs que le litige
entre l'entrepreneur et les architectes concerne l'exécution de travaux publics ;
Vu, enregistré le 9 juillet 1997, le mémoire présenté pour M. Y..., tendant àce que la juridiction
administrative soit déclarée compétente pour les mêmes motifs ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. X... et au Groupe

16
G. 20, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Waquet, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la saisine du Tribunal :

Considérant que par assignation du 28 septembre 1994, la société de Castro, adjudicataire d'un
marché de travaux publics concernant la construction de 14 logements au profit de l'office public
d'HLM de l'Allier, a demandé au tribunal de grande instance de Montluçon de condamner MM.
X... et Y..., architectes chargés des plans et des métrés, à lui payer des dommages intérêts en
réparation du préjudice qu'elle aurait subi à raison des fautes commises par les architectes dans
l'exécution de leur mission ; que, par jugement du 28 avril 1995, le tribunal a déclaré la
juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;

Considérant que par requête enregistrée le 20 décembre 1995, la société de Castro a demandé au
tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner M. X..., son liquidateur, Me Z..., M.
Y... et le Groupe G. 20, assureur de M. X..., au paiement des mêmes dommages intérêts pour la
même cause ; que par ordonnance du 23 janvier 1996, rendue en application de l'article L. 9 du
code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le président du tribunal
administratif a rejeté cette requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en
connaître ;

Considérant qu'il résulte des deux décisions juridictionnelles ainsi intervenues un conflit négatif
de compétence entre les deux ordres de juridiction au sens des dispositions de l'article 17 du
décret du 26 octobre 1849 modifié ; que, cependant, la société de Castro n'ayant formé devant le
tribunal de grande instance de Montluçon aucune demande à l'encontre du Groupe G. 20, assureur
de M. X..., la requête, en tant qu'elle demande au Tribunal de renvoyer les parties devant la
juridiction administrative pour statuer sur l'action dirigée contre cetassureur, est irrecevable ;

Sur la compétence :

Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des
participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative,
sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ;

Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier que la société de Castro, titulaire d'un marché
de travaux publics, n'est liée à MM. X... et Y... par aucun contrat de droit privé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient à la juridiction administrative de


connaître du litige opposant la société de Castro à MM. X... et Y... ;

Article 1er : La requête est déclarée irrecevable en tant qu'elle concerne l'action exercée contre le
Groupe G. 20, assureur de M. X....
Article 2 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant
la société de Castro à MM. X... et Y....
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Article 3 : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23
janvier 1996 par laquelle cette juridiction a décliné sa compétence pour statuer sur la demande en
tant qu'elle est dirigée contre MM. X... et Y... est déclarée nulle et non avenue.
Article 4 : La cause et les parties concernées, à savoir la société de Castro et MM. X... et Y..., sont
renvoyées devant ce Tribunal.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est
chargé d'en assurer l'exécution.

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