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Répertoire de la responsabilité de la puissance publique

Établissements et services sociaux (Responsabilité des)

Hervé RIHAL
Professeur de droit public à l'Université d'Angers

janvier 2011 (actualité : juin 2015)

Table des matières

Généralités, 1

Section 1 - Responsabilité du fait des établissements et services sociaux en général, 2 - 36


Art. 1 - Notion d'établissement et de service social, 2 - 10
§ 1 - Établissements concernant l'enfance et la jeunesse, 4 - 6
§ 2 - Établissements concernant les adultes handicapés, 7
§ 3 - Établissements et services concernant les personnes âgées, 8
§ 4 - Centres d'hébergement et de réinsertion sociale, 9
§ 5 - Établissements prestataires de services, 10
Art. 2 - Répartition des compétences concernant ces établissements entre l'État et les collectivités territoriales, 11 - 13
Art. 3 - Administration des établissements et services gérés par une personne publique, 14 - 18
Art. 4 - Règles concernant les droits des usagers et responsabilité contractuelle des établissements qui en découle, 19 -
33
§ 1 - Droits garantis, 20 - 23
§ 2 - Outils mis en place, 24 - 33
Art. 5 - Responsabilité pour faute dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, 34 - 36

Section 2 - Règles spécifiques applicables aux établissements recevant des mineurs confiés à l'administration ou pris
en charge par elle, 37 - 112
Art. 1 - Compétence juridictionnelle et différentes catégories de mineurs pris en charge par l'administration, 37 - 51
§ 1 - Répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif, 39 - 42
§ 2 - Quatre catégories de mineurs confiés à l'administration ou pris en charge par elle, 43 - 51
Art. 2 - Appel à la faute prouvée ou présumée, 52 - 60
§ 1 - Faute présumée pour la responsabilité née des dommages causés par les pupilles de l'État, 52 - 54
§ 2 - Tentatives d'extension de la responsabilité pour faute présumée au cas d'un préjudice causé par un mineur en
danger, 55
§ 3 - Refus d'extension au cas d'un jeune majeur, 56 - 58
§ 4 - Responsabilité du département à l'égard des mineurs placés maltraités, 59 - 60
Art. 3 - Appel à la responsabilité sans faute, 61 - 112
§ 1 - Appel traditionnel au risque social pour engager la responsabilité de l'État du fait des mineurs délinquants, 62 -
77
§ 2 - La garde, nouveau fondement de la responsabilité du fait des enfants en danger, 78 - 101
§ 3 - La garde et le risque, fondements concurrents pour mettre en oeuvre la responsabilité du fait des mineurs
délinquants, 102 - 107
§ 4 - Cas où le dommage a été commis à la fois par des mineurs en danger et des mineurs délinquants, 108 - 109
§ 5 - Responsabilité du département à l'égard des familles d'accueil, 110 - 112

Bibliographie
J.-M. LHUILLIER, La responsabilité civile, administrative et pénale dans les établissements et services sociaux et médico-
sociaux, 3 e éd., 2004, ENSP.

M. BADEL, La participation de l'usager, RDSS 2004. 804 . - J.-Ch. BARBATO, Le renouveau de la garde des personnes en
droit administratif, RFDA 2007. 780 . - P. BON, La responsabilité du fait des personnes dont on a la garde : sur un
rapprochement des jurisprudences administratives et judiciaires, RFDA 1991. 991 . - G. CHAVRIER, Les responsabilités du
département du fait des dommages résultant de l'organisation et de l'exécution du service public de placement des mineurs
en danger, JCP A 2004, n o 1064. - N. DROIN, Réflexions sur le concept de garde, nouveau fondement de la responsabilité sans
faute de l'État, JCP 2010. 835. - D. EVRAERT DUMONT, Les droits des usagers des établissements et services sociaux et
médico-sociaux, quelle évolution ?, Dr. soc. 2005. 312. - Ch. GUETTIER, Quel régime de responsabilité administrative en cas de
dommages causés aux tiers par un mineur placé au titre de l'assistance éducative ?, AJDA 2002. 1378 . - Ch. GUETTIER, Du
droit de la responsabilité administrative dans ses rapports avec la notion de risque, AJDA 2005. 1499 . - M. LAGROLA-FABRE,
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale pare-feu contre la maltraitance, RDSS 2006. 969 .-
G. LEBRETON, Mise en garde contre l'irruption de la garde dans le droit de la responsabilité administrative, D. 2007. 2817 .-
F. LEMAIRE, La responsabilité des services départementaux d'aide sociale à l'enfance, entre évolution et confirmation, RDSS
2004. 441 . - M. LÉVY, La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, changement ou continuité ?, RDSS
2002. 423 . - J.-M. LHUILLIER, Le règlement de fonctionnement, RDSS 2004. 795 ; La fermeture administrative des
établissements sociaux et médico-sociaux, de nouveaux textes pour un nouveau contexte RDSS 2006. 710 .-
E. MATUTANO, Fondements de la responsabilité sans faute de l'administration consécutive aux méthodes libérales de
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faute des personnes publiques, RD publ. 2006. 1221. - F. MELLERAY, Les arrêts GIE AXA-Courtage et Gardedieu remettent-ils
en cause les cadres traditionnels de la responsabilité des personnes publiques ?, Mélanges Jégouzo, 2009, Dalloz. 489. -
H. RIHAL, La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale évite-t-elle la maltraitance ?, RDSS 2006. 1000
. - S. TRIGON, La responsabilité du gardien, troisième voie de la responsabilité administrative sans faute, JCP A 2007, n o 2330.

Généralités
1. La première partie de cette rubrique consiste en un examen général de la notion d'établissements et de services sociaux et
médico-sociaux et des différentes règles de responsabilité dont ils peuvent être le terrain d'application (V. infra, n os 2 s.), la
seconde en une étude particulière de la question, très largement évolutive, de la responsabilité engagée du fait des mineurs
qui sont pris en charge par de tels établissements ou services (V. infra, n os 37 s.).

Section 1 - Responsabilité du fait des établissements et services sociaux en général


Art. 1 - Notion d'établissement et de service social
2 . Alors qu'une ancienne jurisprudence avait réservé cette appellation aux colonies de vacances et centres aérés (T. confl.
29 janv. 1955, Naliato, Lebon 691), cette notion est aujourd'hui définie par la loi n o 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action
sociale et médico-sociale (JO 3 janv.), codifiée aux articles L. 311-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

3. L'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, qui est consacré à cette définition, procède par énumération. Il
n'est pas requis que les établissements possèdent une personnalité morale propre : il peut s'agir de simples services
(V., pour un centre d'hébergement et de réinsertion sociale géré directement par un département, CE 21 nov. 2008, req.
n os 307300 et 308567, Min. de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et Min. du Travail, des relations
sociales et de la solidarité c/ Mme Marin, Lebon T. 918 ; RDSS 2009. 163, concl. A. Courreges , note A. Vinçoneau).

§ 1 - Établissements concernant l'enfance et la jeunesse


4. La première catégorie d'établissements est constituée par les établissements et services prenant en charge habituellement
(C. act. soc., art. L. 312-1, 1 o), y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans
relevant de l'aide sociale à l'enfance ; il s'agit ainsi notamment des foyers départementaux de l'enfance, le plus souvent
dépourvus de la personnalité morale et directement gérés par les départements et des maisons d'enfants à caractère social.

5 . La deuxième catégorie énoncée par le texte de 2002 concerne les établissements et services d'éducation spéciale qui
assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médical aux mineurs ou jeunes adultes
handicapés. On trouve, à ce titre, des établissements dépendant du ministère de la Santé, du ministère de l'Éducation
nationale, voire des départements. Ils sont le plus souvent organisés sous la forme d'établissements publics. Il faut y ajouter
les CAMSP (centres d'action médico-sociale précoce) qui assurent le dépistage des différents handicaps et l'aide aux enfants
en bas âge atteints de handicaps et à leurs familles.

6 . Toujours au titre de la jeunesse, sont aussi des établissements et services sociaux ceux qui mettent en oeuvre les
mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en application de l'ordonnance n o 45-174 du 2 février 1945 relative à
l'enfance délinquante (JO 4 févr.) ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un
ans (V. infra, n os 37 s.). Il s'agit ainsi des établissements gérés par le ministère de la Justice au titre de la protection judiciaire
de la jeunesse.

§ 2 - Établissements concernant les adultes handicapés


7. Il s'agit, selon l'article L. 312-1, 5 o, du code de l'action sociale et des familles, des établissements et services d'aide par le
travail, de réadaptation, de pré-orientation et de rééducation professionnelle et, selon le 6 o du même article, des
établissements et services qui accueillent et donc hébergent des personnes adultes handicapées, et ce quel que soit le type
de handicap, mais aussi des établissements qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie,
des prestations de soins, une aide à l'insertion sociale, qui leur assurent un accompagnement médical ou social.

§ 3 - Établissements et services concernant les personnes âgées


8. Le troisième grand domaine où existent de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux concerne ceux
qui accueillent les personnes âgées ou leur apportent à domicile des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale. Il
s'agit ainsi des foyers-logements et des maisons de retraite.

§ 4 - Centres d'hébergement et de réinsertion sociale


9 . Il s'agit des établissements et services comportant ou non un hébergement qui assurent un accueil dans les situations
d'urgence, le soin ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active, l'insertion sociale ou professionnelle des personnes
ou des familles en difficulté ou en situation de détresse. Il s'agit aussi de ceux assurant l'accueil et l'accompagnement de
personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l'adaptation à la vie active et l'aide à l'insertion sociale
et professionnelle ou d'assurer des prestations de soins et de suivi médical. On signalera particulièrement les centres de
soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie et les appartements de coordination thérapeutique. On peut aussi
mentionner les foyers de jeunes travailleurs (C. act. soc., art. L. 312-1, 10 o) et les centres d'accueil pour demandeurs d'asile.

§ 5 - Établissements prestataires de services


10. Il s'agit de ceux qui mettent en oeuvre des actions de dépistage, d'aide, de soutien, de formation ou d'information, de
conseil, d'expertise ou de coordination au bénéfice d'usagers ou d'autres établissements et services et notamment des
centres locaux d'information et de coordination gérontologiques (CLIC) concernant les personnes âgées et des centres de
ressources qui concernent les personnes atteintes d'un handicap rare. Depuis le 1 er janvier 2009, sont également des
établissements sociaux « les services mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité
judiciaire » (CASF, art. L. 312-1, 14 o) et « les services mettant en oeuvre les mesures judiciaires d'aide à la gestion du
budget » (CASF, art. L. 312-1, 15 o). Il s'agit notamment des nouvelles mesures d'accompagnement social personnalisé dont la
gestion est confiée au département.

Art. 2 - Répartition des compétences concernant ces établissements entre l'État et les collectivités territoriales
11. La compétence du département, issue de la décentralisation, concerne les établissements d'aide sociale à l'enfance, les
établissements pour personnes âgées et ceux destinés aux personnes handicapées adultes. Cependant, lorsqu'un
financement d'État intervient pour prendre en charge une partie de la dépense engendrée par l'établissement (forfait soins
pour les établissements pour personnes âgées et handicapées notamment) ou lorsque les établissements pour enfants sont
habilités à recevoir des mineurs confiés par décision de justice, la compétence concernant l'autorisation de création, le
contrôle et la tarification de l'établissement est une compétence conjointe. Ces établissements sont ainsi placés sous un
double contrôle.

12. Les directeurs généraux des Agences régionales de santé créées par la loi n o 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme
de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (JO 22 juill.) délivrent les autorisations en ce qui concerne les
établissements d'éducation spéciale. Le préfet reste compétent pour les CHRS et les centres d'accueil pour demandeurs
d'asile ainsi que pour les établissements accueillant des enfants au titre de la protection judiciaire de la jeunesse, pour les
services concernant les majeurs protégés ou accompagnés dans la gestion de leur budget. Des autorisations conjointes du
président du conseil général et du directeur général de l'ARS d'une part, du préfet et du directeur général de l'ARS d'autre
part, sont également prévues en cas de double financement (CASF, art. L. 313-3).

13. Ne sera pas étudiée ici la responsabilité qui peut naître pour les collectivités territoriales de leur mission de contrôle et de
tarification concernant les établissements privés, très majoritaires dans le secteur. Aucune règle particulière ne s'applique en
effet à ces établissements qui obéissent aux règles générales concernant la responsabilité du fait de la mission de contrôle.
Ainsi limiterons-nous cette étude - à l'exception du cas très particulier des établissements recevant des mineurs et des jeunes
majeurs - aux établissements du secteur public.

Art. 3 - Administration des établissements et services gérés par une personne publique
14. Suivant l'article L. 315-1 du code de l'action sociale et des familles, « les interventions à but social et médico-social des
personnes morales de droit public sont assurées soit par des établissements publics communaux, intercommunaux,
départementaux, interdépartementaux ou nationaux, soit par des services non personnalisés ». En principe, ces
établissements et services sont créés par la collectivité qui se chargera de les gérer ; toutefois, lorsque les prestations qu'ils
fournissent sont éligibles à une prise en charge de l'aide sociale de l'État ou des organismes de sécurité sociale
(établissements médicalisés accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées adultes), l'avis du représentant
de l'État (directeur général de l'ARS, préfet de département, de région, ministre selon les cas) est requis préalablement à la
délibération de création. De même, s'agissant des établissements communaux et intercommunaux (maisons de retraite ou
foyers-logements médicalisés par exemple), l'avis du président du conseil général est recueilli avant la délibération de
création.

15. Au demeurant, ces établissements publics sont soumis à la même procédure d'autorisation que les établissements privés.
Les créations doivent ainsi être compatibles avec les schémas départementaux élaborés par les autorités compétentes du
département et de l'État. Depuis la loi du 21 juillet 2009 (citée supra, n o 12), la procédure est celle de l'appel à projet initié
par l'autorité compétente, l'établissement public devant y répondre dans les mêmes conditions qu'un établissement privé.

1 6 . Lorsque le service est géré sous forme d'un établissement public autonome, cet établissement est administré par un
conseil d'administration et dirigé par un directeur nommé par l'État après avis du conseil d'administration. Le conseil
d'administration des établissements communaux est présidé par le maire, celui des établissements départementaux par le
président du conseil général, celui des établissements intercommunaux par le président de l'établissement public de
coopération intercommunale. Toutefois, cette présidence peut être attribuée, sur proposition du président de la collectivité de
rattachement, à un élu désigné en son sein par l'organe délibérant de la collectivité de rattachement.

17. Le conseil d'administration remplit des missions classiques définies à l'article L. 315-12 du code de l'action sociale et des
familles. Quant au directeur (C. act. soc., art. L. 315-17), il représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la
vie civile, prépare les travaux du conseil d'administration et lui soumet le projet d'établissement et est, d'une manière
générale, compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles réservées au conseil d'administration. C'est
également lui qui nomme le personnel et exerce son autorité sur l'ensemble de celui-ci.

18. Au total, l'administration de ces établissements est classique ; les règles de responsabilité sont celles qui s'appliquent
dans tout établissement public administratif.

Art. 4 - Règles concernant les droits des usagers et responsabilité contractuelle des établissements qui en découle
19. L'innovation essentielle de la loi du 2 janvier 2002 précitée (supra, n o 2) est de consacrer de nouveaux droits pour les
usagers des établissements sociaux et médico-sociaux (C. act. soc., art. L. 311-3 à L. 311-9). Des outils sont mis en oeuvre
pour assurer le respect de ces nouveaux droits.

§ 1 - Droits garantis
20. L'article L. 311-3 garantit tout d'abord l'exercice de droits et libertés individuels à toute personne prise en charge par de
tels établissements. Il s'agit d'abord du respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa
sécurité. Est ensuite garanti le libre choix entre le recours à des prestations à domicile et l'admission au sein d'un
établissement spécialisé ; mais le texte prévoit également le droit à une prise en charge et à un accompagnement
individualisé de qualité, pour lequel le consentement de l'intéressé doit systématiquement être recherché.

21. S'agissant des informations concernant la personne prise en charge, la loi du 2 janvier 2002 reconnaît à la fois le droit à la
confidentialité des informations ou documents concernant sa prise en charge et un droit d'accès à ces informations. Enfin, la
personne doit être informée de ses droits fondamentaux, de la protection légale et contractuelle dont elle bénéficie, des voies
de recours mises à sa disposition. Elle doit aussi participer à la conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et
d'accompagnement qui la concerne.

2 2 . Ainsi, la faute d'un établissement ou service qui ne respecterait pas ces différents droits pourrait fort bien être
recherchée. Une atteinte à la dignité de la personne humaine ou à l'intégrité pourrait résulter d'un mauvais traitement. Une
atteinte à la vie privée pourrait résulter d'une trop forte limitation des visites, d'une ouverture du courrier, d'une interdiction
de l'usage de téléphones portables… Une atteinte à la sécurité pourrait résulter d'une insuffisance quantitative ou qualitative
du personnel ou encore du mauvais entretien des locaux. De même, comme en matière de responsabilité hospitalière, un
défaut d'information pourrait être constitutif d'une faute de l'établissement. Ainsi, on peut penser que ce texte, encore récent,
sera source d'un important contentieux.

Actualité
2 2 . Présomption de faute du département. Divulgation d'informations relatives à un enfant adopté. - La responsabilité d'un
département peut être engagée à la suite de la divulgation d'informations relatives à l'identité d'un enfant adopté. C'est à
l'Administration qu'il appartient d'établir que cette divulgation est imputable à un tiers ou à une faute de la victime (CE 17 oct.
2012, Mlle B., req. n o 348440 , AJDA 2012. 1983, obs. Poupeau ).
23. Ces droits sont précisés par une charte des droits et libertés de la personne accueillie (Arr. 8 sept. 2003, JO 9 oct.). Le
texte de la charte annexé à cet arrêté est délivré à chaque personne bénéficiaire des prestations fournies par ces
établissements. Aux différents droits prévus par la loi, la charte ajoute un principe général de non-discrimination (art. 1 er), le
droit au respect des liens familiaux (art. 6), la liberté de circulation (art. 8), le droit à l'exercice des droits civiques (art. 10), le
droit à la pratique religieuse (art. 11). Pour les majeurs protégés, il s'agit d'une charte des droits et libertés de la personne
protégée (V. annexe au Décr. n o 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à
la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales, JO 1 er janv. 2009).

§ 2 - Outils mis en place


A. - Règlement de fonctionnement
24. Pour garantir l'exercice effectif des droits, il est remis à la personne un livret d'accueil auquel sont annexés non seulement
la charte précitée mais aussi le règlement de fonctionnement, propre à chaque établissement. Celui-ci (C. act. soc., art. L. 311-
7) définit les droits de la personne accueillie et les obligations et devoirs nécessaires au respect des règles de vie collective au
sein de l'établissement ou du service. Il est établi après consultation du conseil de la vie sociale de l'établissement.

2 5 . Les dispositions minimales devant figurer dans ce règlement de fonctionnement sont fixées aux articles R. 311-33 à
R. 311-37 du code de l'action sociale et des familles. Le règlement doit notamment indiquer les principales modalités d'exercice
des droits des usagers, l'organisation et l'affectation à l'usage collectif ou privé des locaux et bâtiments ainsi que les
conditions générales de leur accès et de leur utilisation ; il prévoit aussi les mesures à prendre en cas d'urgence, les mesures
relatives à la sûreté des personnes et des biens. Il énumère enfin les règles essentielles de vie collective. Le non-respect de
ces dispositions minimales par le règlement de fonctionnement, de même que le non-respect des dispositions du règlement
élaboré pourront être à l'origine d'une faute de l'établissement.

B. - Contrat de séjour ou document individuel de prise en charge


26. L'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit qu'un contrat de séjour ou un document individuel de
prise en charge est élaboré avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal. Ce contrat ou
document définit les objectifs et la nature de la prise en charge et de l'accompagnement dans le respect des principes
déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement. Il
détaille en outre la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.

27. Son contenu minimal est fixé à l'article D. 311 du code de l'action sociale et des familles. Il y est précisé qu'un tel contrat
est conclu dès lors que la durée du séjour est supérieure à deux mois. Lorsque la personne accueillie ou son représentant
légal refuse la signature d'un tel contrat, celui-ci est remplacé par un acte unilatéral, le document individuel de prise en
charge. C'est également ce type de document qui est établi dans les établissements pour enfants en danger ou délinquants ;
un tel document est également préféré lorsque l'accompagnement ne nécessite aucun séjour, s'effectue à domicile ou en
milieu ordinaire de vie. Ce document individuel de prise en charge peut être contresigné par la personne accueillie ou son
représentant légal, sans que ce contreseing ait une quelconque valeur. Pour les majeurs protégés, il s'agit d'un document
individuel de protection des majeurs (CASF, art. D. 471-8 s.).

28. Le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge est établi au plus tard dans les quinze jours et signé
dans le mois qui suit l'admission. Il comporte la description des objectifs de la prise en charge, la mention des prestations les
plus adaptées, la description des conditions d'accueil et de séjour, les conditions de participation financière de l'intéressé, y
compris en cas d'absence ou d'hospitalisation. Dans un délai maximum de six mois qui suit la signature du contrat, un avenant
vient préciser les objectifs et les prestations ; cette définition des objectifs et prestations est réactualisée chaque année. Le
contrat de séjour ou document individuel de prise en charge comporte enfin une annexe ayant valeur indicative relative aux
tarifs généraux et aux conditions de facturation de chaque prestation.

29. S'il paraît certain, malgré le contreseing de la personne intéressée, que le document individuel de prise en charge est un
acte administratif unilatéral ressortissant comme tel à la compétence du juge administratif lorsque l'établissement ou le
service en cause est régi par le droit public, des incertitudes planent sur la nature juridique du contrat de séjour, incertitudes
que seule une jurisprudence pourra dissiper.

3 0 . En effet, si le contrat est bien passé entre une personne publique et une personne privée, qu'en est-il du critère
matériel ? Il sera difficile de trouver dans ces contrats des clauses exorbitantes du droit commun ; ceux-ci seront ainsi très
proches de ceux passés dans les établissements privés appartenant à la même catégorie.

31. Quant au critère de l'objet, la loi du 2 janvier 2002 n'a pas voulu englober l'ensemble de l'action sociale et médico-sociale
dans un grand service public. L'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles confère à ces établissements des
missions « d'intérêt général et d'utilité sociale » et non des missions de service public. Le Conseil d'État tire les conséquences
du choix du législateur dans son arrêt de section du 22 février 2007 (req. n o 264541 , Assoc. du personnel relevant des
établissements pour enfants inadaptés, Lebon 92, concl. C. Verot ; JCP A 2007, n o 2066, concl. C. Verot, note M.-
C. Rouault ; RDSS 2007. 499, concl. C. Verot , note G. Koubi et J.-G. Guglielmi ; AJDA 2007. 793, chron. F. Lenica et
J. Boucher : « si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d'intérêt général,
le législateur a entendu exclure que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le
travail revête le caractère d'une mission de service public ». Il en résulte ainsi nécessairement que les contrats de séjour
conclus avec les établissements privés obéissent aux règles de droit privé. S'agissant de ceux passés par un établissement
public, il nous semble ainsi plus logique - mais la jurisprudence viendra peut-être nous contredire - de poser l'hypothèse que
le contrat de séjour est un contrat de droit privé dont le contentieux ressortit au juge judiciaire. Quoi qu'il en soit, en cas de
non-respect par l'administration de ses engagements, c'est bien sa responsabilité contractuelle qui sera mise en jeu.

3 2 . Plus globalement, l'usager d'un tel service public administratif étant dans une situation légale et réglementaire, il est
difficile de déterminer la valeur juridique du contrat de séjour dans un tel établissement ; il appartiendra aussi à la
jurisprudence d'opérer la répartition entre ce qui doit être contenu dans le règlement de fonctionnement et ce qui doit l'être
dans le contrat de séjour.

C. - Appel à une personne qualifiée


33. Enfin, toute personne prise en charge peut faire appel, en vue de l'aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée
choisie sur une liste établie conjointement par le préfet et le président du conseil général. Cette personne qualifiée, sorte de
médiateur, rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle, ainsi qu'à l'intéressé ou à son représentant
légal. Cette médiation peut s'inscrire dans une démarche précontentieuse et éviter d'éventuelles actions en responsabilité
pour faute de l'établissement. Toutefois, cette mesure est pour l'instant difficile à mettre en place (V. H. RIHAL, article préc.,
RDSS 2006. 1000 ).

Art. 5 - Responsabilité pour faute dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux
34. Il est possible que l'établissement soit condamné pour faute. Outre la mauvaise application des droits des usagers ou des
illégalités commises par le conseil d'administration ou le directeur de l'établissement, la responsabilité pourra être recherchée
pour un défaut de surveillance d'un enfant, voire d'une personne âgée ou handicapée mentale. Il s'agit alors très
classiquement de la recherche d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. Ainsi, dans l'arrêt ministre de
l'Intérieur et ministre du Travail c/ Mme Marin (cité supra, n o 3), la responsabilité de l'État était recherchée pour l'agression
dont avait été victime de la part de son ancien compagnon, une personne hébergée dans un CHRS. Étaient mis en cause une
carence dans le contrôle des entrées et des sorties et des conseils inappropriés donnés par le personnel du foyer.

Actualité
3 4 . Responsabilité du département pour un signalement aux autorités judiciaires. - La responsabilité du département est
engagée pour un signalement aux autorités judiciaires d'un risque pour des enfants sans vérification et sans informer les
parents (CAA Nantes, 5 juill. 2012, req. n o 11NT00456, AJDA 2013. 19 ; RDSS 2012. 1147, obs. Lhuillier ).
35. Les règles applicables en droit administratif se retrouvent dans les établissements et services sociaux du secteur public.
La violence institutionnelle que connaissent certains types d'établissements en fournit des applications. Ainsi dans un arrêt du
13 février 1984 du Tribunal des conflits, Bousmaha Djeloul et Bousmaha Bencharkit (RFDA 1985. 391, concl. R. Abraham), un
éducateur était accusé d'avoir donné des coups à un enfant. Le Tribunal des conflits distingue l'action intentée contre
l'administration pour faute de service et celle dirigée contre l'éducateur pris personnellement qui, quel qu'en soit le mérite,
relève de la compétence du juge judiciaire.

3 6 . Ainsi, les seules particularités en ce qui concerne les règles de responsabilité administrative concernent les
établissements destinés aux mineurs.

Section 2 - Règles spécifiques applicables aux établissements recevant des mineurs confiés à l'administration ou pris en
charge par elle
Art. 1 - Compétence juridictionnelle et différentes catégories de mineurs pris en charge par l'administration
37. La personne victime d'une infraction commise par un mineur confié à l'administration ou pris en charge par elle doit se
poser deux séries de questions. Quelle est la nature juridique de l'institution chargée d'accueillir le mineur ? De quel type de
mineur s'agit-il ? De la réponse à la première question dépendra la juridiction compétente et, parfois, le mode de
responsabilité engagée. De la réponse à la seconde question dépendra aussi le type de responsabilité mis en oeuvre.
38. Il en résulte un système extrêmement complexe qu'une jurisprudence récente du Conseil d'État tend heureusement à
simplifier en allant dans le sens d'une objectivation de la responsabilité. En effet, il est particulièrement anormal pour une
victime que l'existence et même le montant de son indemnisation dépende de l'institution auprès de laquelle le mineur a été
placé et du type de mineur dont il s'agit.

§ 1 - Répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif


39. Réglant un conflit négatif de compétence, le Tribunal des conflits a, dans une décision du 17 décembre 2001, Truchet c/
État (req. n o 3275, Lebon 762 ; RTD civ. 2002. 284, obs. Hauser ) opéré clairement la répartition des compétences entre le
juge judiciaire et le juge administratif.

40. « Il appartient […] aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des actions en responsabilité engagées à raison des
fautes imputées aux organismes de droit privé non dotés de prérogatives de puissance publique auprès desquels un mineur
est placé […]. En raison […] de la garde dont ils sont chargés, les personnes ou organismes de droit privé auprès desquels un
mineur est placé répondent de lui sur le plan civil sous le contrôle des juridictions judiciaires ». Nous verrons (infra, n os 62 s.)
que ces règles connaissent une exception au cas des mineurs délinquants dont l'action peut engager la responsabilité de
l'État alors même qu'ils sont confiés à une personne morale de droit privé.

41. Toujours suivant l'arrêt Truchet c/ État, « relève de la juridiction administrative une action en responsabilité mettant en
cause des négligences des collectivités publiques dans l'exercice de la mission administrative et sanitaire qui leur incombe au
titre du service de l'aide sociale à l'enfance […]. Il appartient également au juge administratif de connaître de la responsabilité
d'un organisme de droit public auquel la garde d'un mineur est confiée à raison des agissements de ce mineur ».

4 2 . Le critère essentiel est ainsi bien celui de la garde : si elle est confiée à un organisme privé le juge judiciaire sera
compétent. Si, en revanche, elle est confiée à un organisme de droit public (État, département ou établissement public), c'est
le juge administratif qui est compétent. L'équité commande que le régime d'indemnisation soit également unifié.

§ 2 - Quatre catégories de mineurs confiés à l'administration ou pris en charge par elle


4 3 . Le second paramètre qui va faire varier le régime de responsabilité est le motif au titre duquel un mineur se trouve
éloigné momentanément ou définitivement de ses parents et soustrait à leur garde. Existent en réalité quatre types de
mineurs : les pupilles de l'État, les mineurs sous tutelle du département, les mineurs en danger soumis à une mesure
d'assistance éducative, les mineurs délinquants.

A. - Pupilles de l'État
4 4 . Les pupilles de l'État sont régis par les articles L. 224-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Sont
notamment pupilles de l'État les enfants nés sous X, les enfants abandonnés après leur naissance, les enfants dont les
parents ont fait l'objet d'un retrait de l'autorité parentale. Le placement de ces pupilles est effectué par le président du conseil
général avec l'accord du préfet resté, malgré la décentralisation, tuteur des pupilles de l'État et du conseil de famille.

4 5 . Ces pupilles de l'État peuvent être placés auprès du foyer départemental de l'enfance - service du département
généralement dépourvu de la personnalité morale -, d'un établissement public, d'une maison d'enfants à caractère social de
droit privé. Le plus souvent, ils font l'objet d'un placement auprès d'un assistant familial (nouvelle appellation issue de la loi
n o 2005-706 du 27 juin 2005, JO 28 juin ; pour un commentaire, V. H. RIHAL, La séparation des professions d'assistant
maternel et d'assistant familial : commentaire de la loi n o 2005-706 du 27 juin 2005, RDSS 2005. 798 ). Leur vocation est
d'être adoptés. Leur garde est évidemment alors transférée, après le jugement d'adoption rendu par le tribunal de grande
instance, à la famille adoptive.

B. - Mineurs placés sous la tutelle du département


46. Cette hypothèse, beaucoup plus rare, retrouve une actualité avec l'arrivée massive de mineurs étrangers isolés, dont la
filiation n'est pas inexistante, mais dont les parents se désintéressent. De manière provisoire, le juge des tutelles défère alors
leur tutelle au service de l'aide sociale à l'enfance du département (C. civ., art. 411). Le placement des enfants peut être
effectué également auprès du foyer de l'enfance, d'un établissement public ou privé, d'une famille d'accueil.

C. - Mineurs en danger soumis à une mesure d'assistance éducative


4 7 . Ces mesures de placement peuvent être prises soit par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, à
condition de recueillir le consentement des familles, soit par le juge des enfants qui doit s'efforcer de recueillir l'adhésion des
familles. Suivant l'article 375 du code civil, ces mesures sont ordonnées « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non
émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et
social sont gravement compromises ». Chaque fois que cela est possible, le mineur est maintenu dans son milieu actuel tout
en bénéficiant de mesures d'action éducative (C. civ., art. 375-2). Cependant, s'il est nécessaire de le retirer de son milieu
(C. civ., art. 375-3), le juge peut décider notamment de le confier à un tiers digne de confiance, à un service ou établissement
sanitaire ou d'éducation, à un service départemental d'aide sociale à l'enfance, ou même à un service de l'État (protection
judiciaire de la jeunesse). C'est donc le juge des enfants (ou, en cas d'urgence, le procureur de la République) qui décide du
mode de placement de l'enfant ; l'organisme auprès duquel l'enfant est placé en assure alors la garde en lieu et place de ses
parents.

48. L'enfant placé est en danger et ne peut rester dans son milieu ordinaire. Il ne faut pas pour autant en faire un enfant
dangereux et penser qu'il crée un risque particulier pour la société. Au demeurant, un tel placement peut intervenir quel que
soit l'âge de l'enfant.

D. - Mineur délinquant
49. Sa situation est toute différente. Ici, l'administration le prend en charge parce qu'il a commis un acte ou une série d'actes
criminels ou délictueux. Mais l'ordonnance n o 45-174 du 2 février 1945 (cité supra, n o 6) a, pour tenter une meilleure
réinsertion de ces mineurs, prévu des alternatives à l'emprisonnement. Ces alternatives créent ainsi un risque spécial pour les
tiers, risque qu'ils auraient évité si le délinquant avait été enfermé.

50. Même si, vis-à-vis de la victime, le droit à réparation doit être le même quel que soit le statut du mineur pris en charge par
l'administration, il n'est pas étonnant que la protection de ces quatre catégories de mineurs, dont le statut juridique est fort
différent, obéisse à des règles disparates. Ce sont ces règles qu'il convient à présent d'étudier.

51. Dans ce domaine plus encore qu'ailleurs, l'important est d'assurer une réparation correcte à la victime d'un enfant pupille
de l'État, sous tutelle du département, sous assistance éducative ou délinquant. Pour parvenir à ces résultats, la
jurisprudence du Conseil d'État a utilisé plusieurs mécanismes faisant appel soit à la faute présumée, soit à la responsabilité
sans faute. Sur ce dernier terrain, le risque social était traditionnellement le seul fondement d'engagement de la
responsabilité et ne concernait que l'État responsable des dommages causés par les enfants délinquants. Désormais, le
Conseil d'État a admis la responsabilité de l'État ou du département lorsqu'il a la garde d'un mineur en danger et a introduit la
garde comme fondement possible de la responsabilité du fait d'un mineur délinquant. Depuis 2005, la jurisprudence a
beaucoup évolué dans le sens d'une objectivisation de la responsabilité du fait de la garde d'autrui.

Art. 2 - Appel à la faute prouvée ou présumée


§ 1 - Faute présumée pour la responsabilité née des dommages causés par les pupilles de l'État
5 2 . Suivant l'article 1384, alinéa 4, du code civil, « le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont
solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Jadis engagée sur la base
d'une faute présumée des parents, cette responsabilité est à présent engagée de plein droit.

53. Transposant la jurisprudence civile en vigueur à l'époque, le Conseil d'État a admis une présomption de faute dans une
hypothèse où un pupille de l'État avait blessé un voisin avec lequel il jouait alors qu'il était confié à une famille d'accueil (CE,
sect., 19 oct. 1990, req. n o 76160 , Ingremeau, Lebon 284 ; RD publ. 1990. 1866, concl. Ch. de la Verpillière ; AJDA
1990. 919, chron. E. Honorat et R. Schw artz ). Cette faute présumée peut être combattue par la preuve que l'assistant
familial auquel l'enfant a été confié n'aurait pu empêcher la commission du dommage. Ce régime est ainsi très favorable aux
victimes, dans la mesure où il est particulièrement difficile de prouver que, moyennant une surveillance constante et sans
faille, un enfant ne puisse commettre de dommage.

5 4 . On notera cependant que la cour administrative d'appel de Nantes a refusé l'engagement de la responsabilité du
département dans le cas d'un pupille de l'État. Pour cela, elle a estimé qu'il avait fait l'objet d'une surveillance constante des
agents du foyer auprès duquel il était placé, surveillance maintenue malgré ses nombreuses fugues. Le département doit
ainsi être regardé comme ayant apporté la preuve qu'il n'a pas pu empêcher ces faits (CAA Nantes, 25 avr. 2002, Merdrignac
et MAIF, req. n o 98NT00320 , AJDA 2002. 1077, note M. Ghebali-Bailly ). Pourtant le fait que le mineur ait pu fuguer
montre bien que la surveillance n'était pas parfaite. Cet arrêt illustre la nécessité d'une évolution vers une situation purement
objective, peu important pour la victime la situation du mineur.

§ 2 - Tentatives d'extension de la responsabilité pour faute présumée au cas d'un préjudice causé par un mineur en
danger
55. Le régime de responsabilité pour faute présumée a été étendu au cas d'un mineur en danger de dix-sept ans confié au
département par le juge des enfants. Placé en famille d'accueil durant les vacances scolaires, il avait tué un autre jeune au
cours d'une rixe lors d'une fête de village (CAA Bordeaux, 2 févr. 1998, req. n o 95BX01716 , Cts Fraticola c/ Dpt de l'Aude,
Lebon T. 559 ; RD publ. 1998. 579, concl. D. Péano ; AJDA 1998. 285, chron. G. Vivens ). Le Conseil d'État n'a jamais
reconnu une telle présomption pour les mineurs en danger. Nous verrons ( infra, n o 87) qu'il a préféré engager la
responsabilité du gardien sans faute.

§ 3 - Refus d'extension au cas d'un jeune majeur


56. Il arrive fréquemment que le service de l'aide sociale à l'enfance continue à assumer la charge de jeunes majeurs de
moins de vingt et un ans qui, parfois, restent confiés à leur famille d'accueil, parfois demeurent dans un établissement public
ou privé. Pour autant, les règles de responsabilité concernant ces jeunes majeurs ne sont pas identiques.

57. La responsabilité du département n'a pas été étendue aux dommages causés par un jeune majeur, handicapé mental
léger, alors même qu'il était placé chez la même assistante familiale qu'avant sa majorité et que le département avait
continué à subvenir à ses besoins après sa majorité. Le juge administratif estime que le jeune majeur, qui avait provoqué un
incendie lors d'une fugue, n'était plus sous la garde du département qui ne contrôlait plus son existence (CAA Douai, 6 avr.
2000, Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du département du Pas-de-Calais c/ Jennequin, RDSS 2001. 152,
concl. G. Mulsant ).

58. La jurisprudence Ingremeau, apparue en 1990 comme une grande innovation, semble aujourd'hui devoir être remise en
cause. En effet, la Cour de cassation a transformé la responsabilité des parents vis-à-vis des actes de leurs enfants en une
responsabilité de plein droit. Dès lors, la logique qui avait conduit à adopter la jurisprudence Ingremeau pousse aujourd'hui à
l'abandonner au profit d'une responsabilité sans faute. Nous verrons ci-dessous (V. infra, n o 87) que le Conseil d'État a
ouvert la voie à cet abandon en créant un nouveau fondement à la responsabilité sans faute, celui de la garde. Ce n'est donc
que faute d'une occasion que le Conseil d'État n'a pas encore à ce jour abandonné sa jurisprudence Ingremeau.

§ 4 - Responsabilité du département à l'égard des mineurs placés maltraités


59. Lorsque le choix de la famille d'accueil n'a pas été le bon et, par extension, lorsque le choix de l'établissement n'a pas été
le bon, le Conseil d'État admet une responsabilité du département, cette fois fondée sur la faute (CE 13 oct. 2003, req.
n o 244419 , Mlle Vinot, Lebon 398 ). La responsabilité du département de la Seine-Maritime est engagée du fait des
sévices subis par deux jeunes filles pendant treize ans par suite d'un placement chez deux assistantes familiales.

60. Ce qui est ici en cause est la carence fautive du service de l'aide sociale à l'enfance dans l'exercice du contrôle qui lui
incombe des conditions de placement des enfants dans les familles d'accueil. C'est bien ici pour faute de service que le
département est déclaré responsable.

Art. 3 - Appel à la responsabilité sans faute


61. S'agissant des mineurs délinquants, le Conseil d'État a fondé dès 1956 cette responsabilité sur l'emploi de méthodes
dangereuses pour les tiers. Pour ce qui est des mineurs en danger, il a, en 2005, admis l'engagement d'une responsabilité sur
le fondement de la garde. En 2006, s'agissant de nouveau des mineurs délinquants, il a admis la responsabilité du gardien
tout en laissant le choix à la victime de saisir l'État ou le gardien et en permettant à ce dernier d'exercer une action récursoire
contre l'État. En 2010, il a tranché la question de la répartition des charges au cas où le méfait est commis tant par des
mineurs délinquants que par des mineurs en danger. Enfin, s'agissant des familles des assistants familiaux, il a recherché une
telle responsabilité sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

§ 1 - Appel traditionnel au risque social pour engager la responsabilité de l'État du fait des mineurs délinquants
62. C'est dans un arrêt cinquantenaire (CE, sect., 3 févr. 1956, Min. de la Justice c/ Thouzellier, Lebon 49 ; AJDA 1956. II. 96,
chron. Gazier ; D. 1956. 597, note J.-M. Auby ; RD publ.1956. 854, note M. Waline) que cette responsabilité a été admise. Il
s'agissait de compenser à l'égard des tiers le risque que fait peser sur eux le non-enfermement de ces mineurs délinquants.
En l'occurrence, placé auprès d'un établissement public d'éducation surveillée, ce mineur s'était échappé au cours d'une
promenade et avait cambriolé une villa.

6 3 . L'arrêt pose toutefois des conditions très précises : « il résulte de l'ensemble des prescriptions de l'ordonnance du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante […] que le législateur a entendu mettre en oeuvre en ce domaine des
méthodes nouvelles de rééducation, caractérisées par la substitution au régime antérieur d'incarcération d'un système plus
libéral d'internat surveillé […]. Lesdites méthodes créent lorsqu'elles sont utilisées dans ceux des établissements d'éducation
surveillée qui reçoivent des pensionnaires appartenant à la catégorie de ceux qui sont envoyés à Aniane (centre pour mineurs
délinquants) un risque spécial pour les tiers résidant dans le voisinage lesquels ne bénéficient plus des garanties anciennes
en vigueur […]. Il suit de là que la responsabilité du service public en raison des dommages causés aux tiers par les
pensionnaires de ces établissements ne saurait être subordonnée à la preuve d'une faute commise par l'administration mais
découle des conditions même dans lesquelles fonctionne le service ».

6 4 . Ainsi, l'arrêt Thouzellier pose-t-il plusieurs conditions à la réparation des dommages : les établissements d'éducation
surveillée doivent appliquer des méthodes libérales, ce qui est le cas de la plupart d'entre eux (même si l'on parle aujourd'hui
du retour à des centres fermés) ; le risque est subi par les tiers, ce qui exclut de ce régime les autres usagers, autrement dit
les autres pensionnaires des établissements ainsi que le personnel. Ainsi, l'agression causée par un mineur à un autre usager
du même établissement n'engage-t-elle pas la responsabilité de l'État sur la base du risque : CE 17 déc. 2010, req.
n o 334797 , Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés c/ Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme
et d'autres infractions, AJDA 2010. 2461 . Ces tiers résident dans le voisinage.

Actualité
6 4 . Hospitalisation de jour. Méthode thérapeutique. Absence de risque spécial pour les tiers. - L'hospitalisation de jour ne
constitue pas une méthode thérapeutique créant un risque spécial pour les tiers susceptible d'engager sans faute la
responsabilité de l'Administration, et l'hôpital de jour ne peut pas être tenu pour responsable des actes commis par son
patient en dehors de l'établissement (CE 17 févr. 2012, MAAF Assurances, Pérol, req. n o 334766 , AJDA 2012. 355, obs.
Brondel ).
Responsabilité de l'État du fait des mineurs. Notion de tiers. - Les frères d'un mineur placé au titre de la législation relative à
l'enfance délinquante ayant subi un préjudice au cours d'un séjour autorisé dans la famille présentent la qualité de tiers par
rapport à l'établissement d'accueil du délinquant. Par conséquent, la responsabilité de l'État est engagée (CE 6 déc. 2012,
Garde des Sceaux, min. Justice et Libertés c/ Assoc. JCLT, req. n o 351158 , AJDA 2012. 2356 , obs. Necib).

6 5 . En effet, afin de tenter de réinsérer les délinquants, l'ordonnance du 2 février 1945 a institué des alternatives à
l'emprisonnement qui ne doivent pas être employées au détriment des tiers. Il s'agit de transposer la jurisprudence sur les
choses dangereuses à des méthodes dangereuses de rééducation. On considère que les dommages ne se seraient pas
produits si les mineurs avaient été enfermés. L'État doit ainsi assumer les conséquences du risque qu'il fait subir à l'usager.

6 6 . Depuis lors, la jurisprudence Thouzellier a subi de très nombreuses extensions, tant en ce qui concerne le type de
mineurs concernés, que le type d'établissement et la notion de voisinage.

67. Le premier type d'extension a trait aux mineurs concernés. On sait en effet que bon nombre d'établissements accueillent
en leur sein et indistinctement mineurs délinquants et mineurs en danger. Le Conseil d'État a tenu compte de cette
particularité en opérant une extension de cette responsabilité pour risque spécial aux dommages causés par un groupe de
mineurs comportant à la fois des mineurs délinquants et des mineurs en danger (CE 14 juin 1978, Min. de la Justice c/ MGF
accident et Garage Caron et Dodon, Lebon 258). Toutefois, en cas d'action récursoire, il répartit la charge indemnitaire entre
le département ayant la garde des mineurs en danger et l'État assumant le risque des mineurs délinquants (V. infra, n o 108).

68. La deuxième extension concerne le type d'établissement auprès duquel est placé le mineur. Dans l'arrêt ministre de la
Justice c/ Thouzellier, le mineur était placé auprès d'un établissement public, géré par la protection judiciaire de la jeunesse.
Cependant, le tribunal pour enfants peut choisir de le confier à un département, à une association habilitée ou non à recevoir
des mineurs. C'est néanmoins l'État qui a pris le risque consistant à préférer des méthodes dangereuses de rééducation.

69. Dans un premier temps, la responsabilité de l'État a été engagée du fait d'actes commis par des mineurs confiés à des
associations habilitées à les recevoir (CE, sect., 19 déc. 1969, Éts Delannoy, Lebon 595 ; RD publ. 1970. 787, concl.
S. Grévisse, et p. 1120, note M. Waline ; AJDA 1970. 99, chron. R. Denoix de Saint Marc et D. Labetoulle ; D. 1970. 68, note J.-
M. Garrigou-Lagrange ; RDSS 1970. 178, note F. Moderne).

70. Le Conseil d'État a encore étendu ce régime de responsabilité en l'appliquant dans une hypothèse où le mineur était
confié à un tiers digne de confiance, en l'espèce une association non habilitée (CE, sect., 5 déc. 1997, req. n o 142263 ,
Garde des Sceaux, Min. de la Justice c/ Pelle, Lebon 481 ; RFDA 1998. 569, concl. J.-Cl. Bonnichot , obs. F. Dietsch et
note Ch. Guettier) : « il résulte de l'ensemble des prescriptions de l'ordonnance du 2 février 1945 relatives à l'enfance
délinquante […] que le législateur a entendu généraliser dans ce domaine des méthodes de rééducation fondées sur un
régime de liberté surveillée […]. Leur emploi crée un risque spécial et est susceptible en cas de dommages causés aux tiers
par les enfants confiés soit à des établissements spécialisés, soit à une personne digne de confiance, d'engager, même sans
faute, la responsabilité de la puissance publique à leur égard ». Ainsi, peu importe qui a la charge du mineur : la
responsabilité de l'État s'applique quelle que soit la personne à laquelle les juridictions judiciaires ont décidé de le confier.

71. La responsabilité de l'État a même été étendue au cas où les personnes dignes de confiance sont les grands-parents
auxquels celui-ci a été confié après une période de détention provisoire (CE 26 juill. 2007, req. n o 292391 , Garde des
Sceaux, Min. de la Justice c/ M. et Mme Jaffuer, Lebon T. 932 ; RDSS 2008. 360, note D. Cristol ; AJDA 2008. 101, note
D. Chalus ).

72. Dans l'arrêt Pelle (supra, n o 70), le Conseil d'État a opéré une troisième extension de la jurisprudence Thouzellier en
l'appliquant au cours de la phase d'instruction d'un litige. « La responsabilité de l'État peut être recherchée sur le même
fondement en cas de dommage causé aux tiers lorsqu'au cours de la phase d'instruction mettant en cause un mineur et en
dépit des risques découlant du comportement délictueux de l'intéressé, le juge d'instruction ou le juge des enfants, à défaut
de mise en oeuvre des mesures de contrainte […] décide de confier la garde du mineur […] soit à une institution publique, soit
à une institution privée habilitée, soit à une personne digne de confiance ». En l'espèce, un mineur, mis en examen pour vol
en réunion, avait été confié à une association non habilitée, tiers digne de confiance, et a commis un meurtre (V. également,
CE 16 juin 2008, req. n o 285385 , Garde des Sceaux, Min. de la Justice, RDSS 2008. 926, note D. Cristol , pour un mineur
en période d'épreuve sous le régime de la liberté surveillée).

73. L'extension n'est pas seulement relative aux mineurs et aux établissements concernés ; elle touche aussi à la notion de
voisinage utilisée par l'arrêt Thouzellier. Il serait en effet inéquitable qu'une personne ne soit pas indemnisée au motif qu'elle
n'habite pas à proximité du centre où sont hébergés les mineurs. Qui plus est, les moyens modernes de transport font qu'il
est extrêmement facile de se rendre d'un point à un autre.

Cet abandon de la condition relative au voisinage a été opéré par un arrêt du 9 mars 1966, Garde des Sceaux, ministre de la
Justice c/ Trouillet (Lebon 201 ; AJDA 1966. 520, obs. A. de L. ; JCP 1966. II. 14801, concl. G. Braibant, note F. Moderne).

74. Dès lors que le préjudice est certain (vol, meurtre ou autre crime ou délit), les conditions d'anormalité et de spécialité
propres à la responsabilité sans faute sont bien remplies : le préjudice est grave ; un seul individu ou un groupe limité
d'individus l'a subi. La seule difficulté concernant l'engagement de la responsabilité sans faute sur ce point a trait au caractère
direct du préjudice, autrement dit à l'établissement du lien de causalité.

7 5 . Si la jurisprudence admet facilement que, lorsque le dommage se produit dans les jours qui suivent la fugue, la
responsabilité de l'État est engagée, une jurisprudence déjà ancienne estime que si un certain laps de temps s'écoule entre
la fugue et la réalisation du dommage, la chaîne de causalité est rompue. Ainsi, pour le Conseil d'État, le fait que l'infraction se
soit produite vingt jours après la fugue a pour conséquence qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la mort de la victime et
le fonctionnement de l'établissement (CE 24 févr. 1965, Caisse primaire centrale de sécurité sociale de la région parisienne,
Lebon 127 ; AJDA 1965. 339, chron. Puybasset et Puissochet ; D. 1966. 322, note J. Vincent et J. Prévault).

76. Cette jurisprudence sur le lien de causalité apparaît condamnable. En effet, un jeune fugueur est intrinsèquement encore
plus dangereux qu'un délinquant en institution car il n'est pas encadré et se sait recherché. La seule justification de cette
jurisprudence est à rechercher dans l'idée selon laquelle ce sont alors les services de police qui sont responsables du fait de
ne pas avoir pu interpeller le jeune fugueur.

77. Cette limitation temporelle du lien de causalité milite en faveur de la recherche d'un autre fondement pour l'engagement
de la responsabilité de l'administration vis-à-vis des victimes des mineurs délinquants, celui de la garde. C'est d'ailleurs la
position du commissaire du gouvernement, J. MICHEL, dans ses conclusions sur un arrêt de la cour administrative d'appel de
Douai du 25 mai 2004 (Garde des Sceaux, Min. de la Justice c/ Sté Allianz Via, LPA 28 déc. 2004, p. 15, V. infra, n os 97 s.).

§ 2 - La garde, nouveau fondement de la responsabilité du fait des enfants en danger


7 8 . C'est la cour administrative d'appel de Douai qui, la première, a admis un tel fondement (CAA Douai, 8 juill. 2003,
n o 01DA00529 , Dpt de la Seine-Maritime, Lebon 558 ; AJDA 2003. 1880, concl. J. Michel ; RFDA 2004. 164, note
N. Albert ). Confié au département par le juge des enfants, ce mineur en danger, placé dans un établissement sanitaire,
inflige de graves sévices sexuels à un autre pensionnaire ; la cour administrative d'appel accepte de reconnaître une
responsabilité sans faute du département en application des principes dont s'inspire l'article 1384, alinéa 1 er, du code civil,
autrement dit sur le fondement de la garde d'autrui.

7 9 . En retenant une responsabilité fondée sur la garde, le juge administratif s'alignait très largement sur la position
progressivement admise par le juge judiciaire.

8 0 . Très peu de temps après l'arrêt Ingremeau, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation avait, dans un arrêt très
remarqué, admis la responsabilité de plein droit du fait des personnes dont on doit répondre au titre de l'article 1384, alinéa
1 er, à propos d'une personne adulte handicapée mentale (Cass., ass. plén., 29 mars 1991, n o 89-15.231 , Assoc. des
centres éducatifs du Limousin c/ Blieck, D. 1991. 324, note C. Larroumet ; JCP 1991. II. 21673, concl. Dontenw ille, note
Ghestin).

81. Fort logiquement, le juge judiciaire étend cette responsabilité du fait d'autrui aux associations qui gèrent la garde de
mineurs sous assistance éducative (Crim. 10 oct. 1996, n o 95-84.186 , Assoc. Le foyer Saint-Joseph, Bull. crim. n o 357 ; JCP
1997. II. 22833, note F. Chabas).

82. Alors que, jusqu'à présent, la responsabilité des pères et mères faisait l'objet d'une simple présomption qui pouvait être
combattue au cas où les parents étaient en mesure de prouver qu'ils n'avaient pu empêcher la commission de l'acte, la Cour
de cassation transforme cette responsabilité présumée en une responsabilité de plein droit (Civ. 2 e, 19 févr. 1997, Bertrand c/
Do mingue s , n o 94-21.111 , Bull. civ. II, n o 56 ; JCP 1997. II. 22848, concl. Kessous, note Viney ; D. 1997. 265, note
P. Jourdain ).

83. Très peu de temps après cet arrêt, la responsabilité des associations ayant la garde de mineurs sera engagée de plein
droit (Crim. 26 mars 1997, n o 95-83.956 , Foyer Notre-Dame des Flots, Bull. crim. n o 124 ; JCP 1997. II. 22868, rapp.
Desportes ; D. 1997. 496, note P. Jourdain ).

8 4 . De cette jurisprudence judiciaire, il résulte que, sauf force majeure ou faute de la victime, la responsabilité des
établissements auxquels est confié un mineur bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative est engagée de façon
générale et absolue, dès lors évidemment que cette garde n'est pas suspendue ou interrompue et qu'aucune cause
exonératoire ne peut être admise (force majeure, faute de la victime). La jurisprudence administrative devait ainsi s'adapter à
cette nouvelle donne proposée par le juge judiciaire car l'équité ne permet nullement de justifier un traitement différent des
tiers victimes d'actes commis par de tels mineurs suivant qu'ils sont directement confiés à la garde de l'État ou d'un
département ou à celle d'une association.

85. La responsabilité du département sur le fondement de la garde est également retenue par la Cour de cassation dans
l'hypothèse très particulière d'une mineure étrangère isolée placée par le juge des tutelles sous la tutelle du département
(Civ. 2 e, 7 oct. 2004, n o 03-16.078 , Sté Azur Assurances, AJDA 2005. 280, note H. Rihal ; D. 2005. 819, note M. Huyette
). La Haute juridiction admet, en effet, que les services du département étaient chargés à titre permanent de diriger, de
contrôler et d'organiser son mode de vie et en étaient ainsi responsables, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils avaient
exercé une surveillance suffisante.

Notons que, dans la même affaire, la cour administrative d'appel de Nantes admet la responsabilité du département.
Toutefois, les motifs de l'arrêt sont plus confus puisqu'il se réfère aux difficultés éducatives qui résultent de la prise en charge
de tels enfants et aux risques qu'elle crée (CAA Nantes, 30 juill. 2003, n o 99NT01727 , Mme Castro, Lebon 560 ; AJDA
2005. 280, note H. Rihal ).

86. Signalons toutefois que cette jurisprudence n'est pas applicable aux mesures d'action éducative en milieu ouvert qui ne
sont pas de nature à transférer aux associations le pouvoir de direction et de surveillance du mineur, mais seulement à
« apporter aide et conseil à la famille » et à « suivre le développement de l'enfant » (Civ. 2 e, 19 juin 2008, n o 07-12.533 ,
Sté GAN c/ AVED et MAIF, RDSS 2008. 926, note D. Cristol ).

8 7 . Suivant la cour administrative d'appel de Douai et la Cour de cassation, le Conseil d'État a opéré un revirement de
jurisprudence par son arrêt du 11 février 2005, GIE Axa Courtage (req. n o 252169 , Lebon 45, concl. Ch. Devys ; RFDA
2005. 595, concl. Ch. Devys , note P. Bon ; JCP 2005. II. 10070, concl. Ch. Devys, note M.-C. Rouault ; D. 2005. 1762, note
F. Lemaire ; AJDA 2005. 663, chron. C. Landais et F. Lenica ; RDSS 2005. 466, note D. Cristol ; JCP A 2005, n o 1132,
note J. Moreau ; BJCL 2005. 260, note A. Robineau-Israel et M. Vialettes). Selon cet arrêt, « la décision par laquelle le juge des
enfants confie la garde d'un mineur dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et
suivants du code civil […] confère à la personne qui en a la charge la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du
mineur […] en raison des pouvoirs dont l'État se trouve investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement
qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée même sans faute pour les dommages causés aux tiers par ce
mineur.

Actualité
87. Participant à l'exécution du service public. Tiers. - Des mineurs confiés par le juge à un département et pris en charge par la
fondation « Les orphelins apprentis d'Auteuil » en qualité de participante à l'exécution du service public de l'aide sociale à
l'enfance, ont volontairement provoqué un incendie. Cette fondation doit être regardée comme un tiers susceptible de
poursuivre en cas de dommage la responsabilité sans faute du département à qui le juge a confié la garde dans le cadre
d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil (CE 19 juin 2015, Dpt des
Bouches-du-Rhône, req. n o 378293 , Lebon ; AJDA 2015. 1247, obs. de Montecler ).
8 8 . En l'espèce, le mineur avait été confié à l'État par le juge des enfants et résidait dans un établissement d'éducation
surveillée. La victime était le département de l'Essonne, car l'incendie concernait un établissement public géré par ce
département dont il avait été pensionnaire auparavant. Le Conseil d'État rejette les deux causes exonératoires possibles en
l'espèce : la force majeure et la faute de la victime.

89. Appliqué dans un cas où c'est l'État qui s'était vu confier la garde du mineur, ce régime de responsabilité est parfaitement
transposable au cas où ce mineur serait confié au département (compétence administrative) ou à une association
(compétence judiciaire) et le Conseil d'État ne fait ici que transposer la jurisprudence judiciaire en vigueur depuis 1997.

90. Notons que l'arrêt, soucieux de préserver l'autonomie du droit public, ne fait ici aucune mention ni du code civil, ni des
« principes dont il s'inspire ».

9 1 . Le grand avantage de cette décision, fondée en réalité sur l'équité, est qu'elle concilie le besoin pratique d'une
responsabilité sans faute pour réparer le dommage causé à une victime avec l'idée que l'enfant en danger n'est pas et ne doit
pas être considéré comme un risque pour la société. Comme l'écrivent C. LANDAIS et F. LENICA, « il s'agit plutôt du constat
objectif de ce que l'auteur du dommage n'étant pas en âge de répondre de ses propres actes, il convient, au nom de
l'exigence d'une juste indemnisation des victimes, que la réparation soit assurée par ceux qui répondent de lui » (Chron. préc.
[supra, n o 87], AJDA 2005. 663 ).

92. En faveur d'une solution assimilant un enfant en danger à un enfant dangereux, on peut considérer que le mineur soumis
à une mesure d'assistance éducative est par nature fragilisé et que sa situation n'est pas très différente de celle de l'enfant
délinquant, avec lequel il est souvent mélangé dans l'établissement (V., en ce sens, concl. J. MICHEL, LPA 28 déc. 2004, préc.
p. 18). Critiquant la position que nous avions adoptée dans un commentaire (note H. RIHAL, AJDA 2005. 280 ), F. LEMAIRE
considère que cette distinction entre mineurs délinquants, mineurs en danger et pupilles de l'État est archaïque : « le fait que
tous ces mineurs soient protégés parce qu'ils sont en danger n'empêche pas qu'ils soient eux-mêmes dangereux ». Pour lui,
la distinction entre mineurs délinquants et ceux placés au titre de l'assistance éducative est artificielle et totalement angélique
(note préc. sous l'arrêt GIE Axa Courtage, D. 2005. 1762 , spéc. p. 1765).

93. Nous ne pensons pas qu'il faille pour autant considérer que le mineur en danger et, a fortiori le mineur sous tutelle ou le
pupille de l'État, serait aussi dangereux pour la société que le mineur délinquant et qu'il constituerait lui aussi un risque social.
La différence fondamentale est que le mineur en danger n'étant pas privé de liberté, on ne lui applique pas des méthodes
libérales et susceptibles d'être dangereuses pour les tiers. Comme l'écrit le commissaire du gouvernement Ch. DEVYS dans
ses conclusions sur l'arrêt GIE Axa Courtage (RFDA 2005. 595 , spéc. p. 598) « l'idée même qu'un mineur en danger puisse
être regardé par principe comme dangereux, fût-ce dans le but légitime de renforcer la protection des victimes des dommages
qu'il peut commettre, nous paraît devoir être écartée ».

94. On sait que, traditionnellement, la responsabilité sans faute trouve sa justification soit dans la rupture de l'égalité devant
les charges publiques, soit dans le risque subi par un tiers. Ici, le juge administratif crée un nouveau fondement : la
responsabilité sans faute du fait de la garde d'autrui. La doctrine pourra discuter encore longtemps du rattachement de ce
fondement à tel ou tel autre ou de sa totale autonomie. Le commissaire du gouvernement Ch. DEVYS le rattachait toutefois à
la catégorie de la responsabilité pour risque assumé par la collectivité. Le professeur LEBRETON déplore l'utilisation du
fondement de la garde et aurait préféré la transposition du fondement du risque. Pour lui, la garde repose sur une logique de
droit privé. Le retour au risque lui paraît « parfaitement défendable sur le plan moral » car il ne signifie pas que ces mineurs
sont dangereux mais simplement « que la méthode choisie pour s'en occuper présente des risques ». L'autre solution qu'il
propose serait que le législateur décide d'imputer à l'État « sur le fondement du risque, la responsabilité de tous les
dommages commis par les mineurs délinquants, les mineurs en danger et les pupilles de l'État, quel que soit le statut public
ou privé de l'organisme auquel ils sont confiés » (G. LEBRETON, Mise en garde contre l'irruption de la garde dans le droit de la
responsabilité administrative, D. 2007. 2817 , spéc. p. 2821).

95. Depuis lors, quelles que soient les critiques qu'elle a essuyées, la jurisprudence AXA Courtage a connu une quintuple
extension allant dans le sens d'une objectivisation totale de la responsabilité de l'administration.

96. Cas où le département s'est conformé aux souhaits du juge des enfants.

Le principe posé par l'arrêt GIE Axa Courtage a été appliqué au cas où la garde était assumée par un département, même si
conformément au souhait du juge des enfants, le mineur avait été confié à un foyer (CAA Nancy, 6 avr. 2006, req.
n o 03NC00613, Institut national de la recherche agronomique, AJDA 2006. 916, chron. J.-M. Adrien . - Conf. par CE 13 févr.
2009, req. n o 294365, Dpt de Meurthe-et-Moselle, JCP 2009. II, n o 10059, note P. Tiffine ; JCP A 2009, n o 20118, note F.-
X. Fort ; RDSS 2009. 377, obs. D. Cristol ).

97. Cas où le mineur a été admis à la demande de ses parents.

Lorsque le président du conseil général admet temporairement un mineur, à la demande de ses parents, dans le service de
l'aide sociale à l'enfance, cette admission a pour effet de transférer au département la garde du mineur, ce qui engage la
responsabilité de cette collectivité territoriale pour les dommages causés aux tiers par ce mineur (CE 26 mai 2008, req.
n o 290495 , Dpt des Côtes d'Armor, Lebon T. 609 ; AJDA 2008. 2081, note F.-X. Fort ).

98. Cas où le gardien n'exerçait pas la surveillance effective du mineur.


Un mineur confié à la protection judiciaire de la jeunesse était scolarisé dans un lycée où il a agressé un autre élève. La
responsabilité de l'État est retenue alors même qu'il n'en assumait pas matériellement la garde et ne pouvait empêcher la
réalisation du dommage (CE 17 déc. 2008, req. n o 301705 , Garde des Sceaux, Min. de la Justice c/ Lauze, Lebon T. 609
; AJDA 2009. 661, concl. I . de Silva ; RDSS 2009. 374, obs. D. Cristol ). La garde est ainsi un pouvoir théorique à charge
pour l'État d'engager ensuite une action récursoire.

99. Cas où le mineur est temporairement hébergé par ses parents.

Un mineur confié à la protection judiciaire de la jeunesse avait causé un accident de la circulation alors qu'il était
momentanément hébergé par ses parents. Cette circonstance ne saurait atténuer ou renverser la responsabilité de l'État dès
lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu sa mission éducative (CE 3 juin 2009, req. n o 300924 , Garde
des Sceaux, Min. de la Justice c/ Sté GAN Assurances, RDSS 2009. 768, obs. D. Cristol ). Comme le note le professeur
ALBERT, « le gardien n'est pas celui qui exerce la surveillance du mineur mais celui qui exerce la mission éducative
intellectuelle et abstraite d'organiser et de contrôler sa vie, d'en avoir la maîtrise juridique et factuelle » (note JCP A 2010,
n o 2033).

100. Cas où la victime est usager du même service.

Trois mineurs placés dans un foyer avaient agressé un jeune majeur placé dans le même foyer. Cette circonstance ne pouvait
faire obstacle à ce que la victime bénéficie du régime de responsabilité pour garde d'autrui (CE 13 nov. 2009, req. n o 306517
, Garde des Sceaux, Min. de la Justice c/ Assoc. tutélaire des inadaptés, JCP A 2010, n o 2033, concl. I. De Silva, note
N. Albert ; JCP 11 janv. 2010, p. 42, note A. Van Lang ; RDSS 2010. 141, note D. Cristol ).

« La question d'un fonctionnement fautif d'un service n'a pas lieu d'être dans le régime fondé sur l'obligation de garde »
(concl. I. DE SILVA, préc.). « Il eût été particulièrement choquant, au nom de l'équité […] d'imposer [à la victime] de rapporter
la preuve d'une faute en raison de sa qualité d'usager de la protection judiciaire de la jeunesse, qualité qui établit
précisément sa faiblesse et son besoin de protection » (A. VAN LANG, note préc.).

101. Il est bien évident que la jurisprudence GIE Axa Courtage marque l'obsolescence de l'arrêt Ingremeau (V. supra, n o 53).
Admise pour un mineur en danger, la notion de garde qui engendre une responsabilité sans faute doit naturellement l'être
également pour un pupille de l'État. En revanche, la distinction opérée entre mineurs et jeunes majeurs (V. supra, n os 56 et
57) nous semble conserver tout son intérêt. Le passage de la responsabilité pour faute présumée à la responsabilité sans
faute apparaît ainsi inéluctable pour les pupilles de l'État.

§ 3 - La garde et le risque, fondements concurrents pour mettre en oeuvre la responsabilité du fait des mineurs
délinquants
102. Lorsque la victime poursuit l'institution privée à laquelle la garde d'un mineur délinquant est confiée, le juge judiciaire
applique des solutions identiques à celles concernant les mineurs en danger. Sans préjudice de la responsabilité de l'État, il
engage la responsabilité de l'association sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 er, du code civil (Civ. 2 e, 9 déc. 1999,
n o 97-22.268 , D. 2000. 713, note A.-M. Galiou-Scanvion ).

103. C'est cette même solution qui est appliquée par le Conseil d'État dans son arrêt de section du 1 er février 2006, Garde
des Sceaux, ministre de la Justice contre MAIF (req. n o 268147 , Lebon 43, concl. M. Guyomar ; RFDA 2006. 602, concl.
M. Guyomar ; 614, note P. Bon ; AJDA 2006. 586, chron. C. Landais et F. Lenica ; RDSS 2006. 315, note D. Cristol
; D. 2006. 2301, note F. X. Fort ; RGCT janv.-mars 2007. 57, note F. Lemaire). Toutefois, la garde n'est retenue que comme
fondement complémentaire du risque, la victime ayant le choix entre un recours contre le gardien du mineur et une action
contre l'État. Ainsi, la garde ne se substitue pas au fondement traditionnel du risque, mais vient le compléter.

104. En l'espèce, l'association Igloo à laquelle avait été confiée la garde du mineur fut condamnée à indemniser la victime
d'un incendie. La compagnie d'assurance de cette association s'était retournée contre l'État. Le Conseil d'État admet qu'en
raison des pouvoirs dont elle se trouve investie lorsque le mineur lui a été confié, la responsabilité de la personne chargée de
sa garde peut être engagée, même sans faute, pour les dommages causés au tiers par ce mineur. Mais l'action ainsi ouverte
« ne fait pas obstacle à ce que soit légalement recherchée devant la juridiction administrative la responsabilité de l'État en
raison du risque spécial créé pour les tiers, du fait de la mise en oeuvre d'une des mesures de liberté surveillée prévues par
l'ordonnance du 2 février 1945 ». En l'absence de toute faute commise par l'Administration dans la garde du mineur, l'État
devait être condamné à rembourser intégralement à l'assureur les sommes versées à la victime.

105. Cet arrêt apparaît ambigu. Certes pour la première fois, il fait référence à la garde d'autrui comme fondement de la
réparation d'un dommage causé par un mineur délinquant ; il permet ainsi qu'un département ou un établissement public, à
l'instar des associations, soit condamné à réparation sur le fondement de la garde. Mais, dans le même temps, il refuse
d'abandonner la jurisprudence Thouzellier de telle sorte que c'est finalement le patrimoine de l'État qui continuera à supporter
la charge de ces dommages, dès lors du moins que la mise en oeuvre du régime de liberté surveillée apparaît comme étant la
cause directe du dommage.

106. Dans ses conclusions précitées, le commissaire du gouvernement Guyomar souhaitait l'abandon total de la jurisprudence
Thouzellier réservant son application aux seuls cas d'insolvabilité du gardien. Il estimait que la raison d'être de la
jurisprudence Thouzellier a disparu dans la mesure où la liberté surveillée des mineurs n'est plus exceptionnelle :
« l'incarcération des mineurs délinquants ne constitue désormais plus la norme, ni en droit, ni en pratique ». Il ajoutait que les
cotisations d'assurances sont indirectement prises en charge par l'État au titre du prix de journée versé au gardien du mineur
et qu'il serait injuste que l'assureur se fasse ensuite rembourser les indemnités par l'État. Cette solution qui aurait eu le
mérite de la simplicité ne portait en rien préjudice aux victimes.

107. Ce n'est pourtant pas cette voie qui a été suivie par le Conseil d'État, lequel admet un cumul de responsabilités, la
charge de l'indemnisation pesant en définitive sur l'État. Il semble que le juge administratif ait voulu continuer à opérer une
distinction que nous jugeons nécessaire entre les enfants en danger et les enfants dangereux et ne pas transférer aux
départements de nouvelles charges liées à leur compétence en matière d'aide sociale à l'enfance.

§ 4 - Cas où le dommage a été commis à la fois par des mineurs en danger et des mineurs délinquants
1 0 8 . Des jeunes placés dans un même établissement soit au titre de l'assistance éducative, soit au titre de l'enfance
délinquante, commettent ensemble plusieurs méfaits sans qu'il soit possible de dégager la responsabilité de chacun d'eux.
L'assureur qui avait pris en charge les dommages saisit le tribunal administratif d'une action récursoire appliquant la
jurisprudence Garage Caron et Dodon (V. supra, n o 67). Le tribunal administratif condamne l'État à rembourser à l'assureur
l'intégralité de la dette aux motifs que sa responsabilité était engagée sur le fondement du risque, la délinquance l'emportant
sur la simple action éducative. Pour le Conseil d'État, il appartenait aux juges de rechercher quelle était la part respective des
co-auteurs du dommage afin de déterminer la somme due par l'État (CE 17 mars 2010, req. n o 315866 , Garde des Sceaux,
Min. de la Justice c/ MAIF, AJDA 2010. 1209, concl. C. Roger-Lacan ; RDSS 2010. 569, obs. D. Cristol ).

109. Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'État ne condamne l'État à verser à l'assureur que la moitié de la dette, estimant
que la liberté surveillée n'est la cause directe et certaine que du dommage causé par un seul mineur, le mineur délinquant. La
distinction critiquée par une partie de la doctrine entre enfant en danger et enfant dangereux est également valable pour les
actions récursoires, la présence du mineur délinquant n'exonérant pas de sa responsabilité le gardien du mineur en danger.

§ 5 - Responsabilité du département à l'égard des familles d'accueil


110. Il s'agit d'une responsabilité sans faute qui trouve son origine dans la loi. Tel est l'apport de l'arrêt du Conseil d'État du
23 juillet 2003, Jean Calon et autres (req. n o 203549 , Lebon 340 ; AJDA 2003. 2329, concl. I. de Silva ). Cet enfant
échappe à la surveillance de la famille d'accueil à laquelle il était confié et met le feu à une grange. Selon la Haute juridiction,
« la responsabilité du département dont relève le service de l'aide sociale à l'enfance est engagée même sans faute envers
une assistante maternelle agréée - aujourd'hui assistante familiale - pour les dommages subis par celle-ci du fait d'un enfant
dont l'accueil lui a été confié ». En outre « eu égard au rôle reconnu à la famille d'accueil par les dispositions de l'article L. 421-
10 du code de l'action sociale et des familles (aujourd'hui art. L. 421-16), la responsabilité du département s'étend aux
dommages subis par les personnes résidant au domicile de l'assistante maternelle, notamment par le conjoint de celle-ci ».

111. Le conjoint de l'assistante maternelle - en l'occurrence un agriculteur victime de l'incendie de la grange - n'est ainsi pas
un tiers à l'égard du département, alors même que celui-ci n'est pas son employeur.

112. Toutefois, le Conseil d'État estimant que la famille d'accueil n'a pas pris les précautions suffisantes, le département ne
sera déclaré en l'espèce responsable que des deux tiers du préjudice.

Index alphabétique

Action récursoire 61

Agence régionale de santé (ARS) 12

Aide sociale à l'enfance 4, 11, 41, 46 s., 56, 60, 107, 110

Appel à projet 15

Assistante familiale 53, 57, 110

Association
V. Responsabilité de l'association

Causalité 74 s.

Centre d'accueil pour demandeurs d'asile 9, 12

Centres d'action médico-sociale précoce 5

Centres d'hébergement et de réinsertion sociale


V. Établissement et service social

Charte des droits et libertés de la personne accueillie 23

Comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) 15

Compétence juridictionnelle
établissements recevant des mineurs 37 s.

Contrat de séjour 26 s.
responsabilité contractuelle 31
V. Document individuel de prise en charge

Cumul de responsabilités 107

Délinquant
V. Mineur

Document individuel de prise en charge


V. Contrat de séjour

Droits des usagers 19 s.


confidentialité des informations 21
droit d'accès aux informations 21
droits et libertés individuels 20
responsabilité fautive 22

Enfants en danger 78, 107

Enfants dangereux 107

Établissement et service social


adultes handicapés 7
centres d'hébergement et de réinsertion sociale 9
enfance et la jeunesse 4 s.
établissement prestataire de services 10
personnes âgées 8
répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales 11 s.

Établissement public autonome 16


conseil d'administration 16 s.
règles de responsabilité 18

Établissements médicalisés 14

Faute présumée
jeune majeur 56 s.
mineur en danger 55

Foyers départementaux de l'enfance 4, 45

Foyers-logements médicalisés 14

Garde 78 s.

Maisons de retraite 14

Majeur protégé 12, 23, 27

Mesures d'action éducative 47, 86

Mineur
danger (en) 51, 55, 78, 93, 101
délinquant 49 s., 93, 97, 105
placé sous la tutelle du département 46

Personne digne de confiance 47, 70, 72

Personne qualifiée 33

Protection judiciaire de la jeunesse 6, 47, 68

Pupilles de l'État 44 s.
faute présumée 52 s.

Règlement de fonctionnement 24 s.

Responsabilité du département
familles d'accueil (à l'égard) 110 s.
mineurs placés maltraités 59 s.

Responsabilité pour faute 34 s.


défaut de surveillance 34
droits des usagers (mauvaise application) 34
illégalités par des organes de l'établissement 34

Responsabilité du gardien 55, 61


Responsabilité du gardien 55, 61

Responsabilité de l'association 102

Responsabilité sans faute 61 s.


familles d'accueil (à l'égard) 110 s.
garde 78 s.
risque spécial 63

Usager 19 s., 64 s., 100

Actualité
22. Présomption de faute du département. Divulgation d'informations relatives à un enfant adopté. - La responsabilité d'un
département peut être engagée à la suite de la divulgation d'informations relatives à l'identité d'un enfant adopté. C'est à
l'Administration qu'il appartient d'établir que cette divulgation est imputable à un tiers ou à une faute de la victime (CE 17 oct.
2012, Mlle B., req. n o 348440 , AJDA 2012. 1983, obs. Poupeau ).

34. Responsabilité du département pour un signalement aux autorités judiciaires. - La responsabilité du département est
engagée pour un signalement aux autorités judiciaires d'un risque pour des enfants sans vérification et sans informer les
parents (CAA Nantes, 5 juill. 2012, req. n o 11NT00456, AJDA 2013. 19 ; RDSS 2012. 1147, obs. Lhuillier ).

64. Hospitalisation de jour. Méthode thérapeutique. Absence de risque spécial pour les tiers. - L'hospitalisation de jour ne
constitue pas une méthode thérapeutique créant un risque spécial pour les tiers susceptible d'engager sans faute la
responsabilité de l'Administration, et l'hôpital de jour ne peut pas être tenu pour responsable des actes commis par son
patient en dehors de l'établissement (CE 17 févr. 2012, MAAF Assurances, Pérol, req. n o 334766 , AJDA 2012. 355, obs.
Brondel ).

Responsabilité de l'État du fait des mineurs. Notion de tiers. - Les frères d'un mineur placé au titre de la législation relative à
l'enfance délinquante ayant subi un préjudice au cours d'un séjour autorisé dans la famille présentent la qualité de tiers par
rapport à l'établissement d'accueil du délinquant. Par conséquent, la responsabilité de l'État est engagée (CE 6 déc. 2012,
Garde des Sceaux, min. Justice et Libertés c/ Assoc. JCLT, req. n o 351158 , AJDA 2012. 2356 , obs. Necib).

87. Participant à l'exécution du service public. Tiers. - Des mineurs confiés par le juge à un département et pris en charge par la
fondation « Les orphelins apprentis d'Auteuil » en qualité de participante à l'exécution du service public de l'aide sociale à
l'enfance, ont volontairement provoqué un incendie. Cette fondation doit être regardée comme un tiers susceptible de
poursuivre en cas de dommage la responsabilité sans faute du département à qui le juge a confié la garde dans le cadre
d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil (CE 19 juin 2015, Dpt des
Bouches-du-Rhône, req. n o 378293 , Lebon ; AJDA 2015. 1247, obs. de Montecler ).

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