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Le dispositif légal de protection de l’enfance

Dualisme de la protection de l’enfance ◊ Le système français de protection de l’enfance est


caractérisé par son dualisme puisqu’il est composé d’une protection administrative
et d’une protection judiciaire.

Chiffres  Selon le rapport de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), au


31 décembre 2017, le nombre de mineurs bénéficiant d’au moins une prestation ou mesure
relevant du dispositif de protection de l’enfance est estimé à 308 400 sur la France entière (hors
Mayotte), ce qui représente un taux de 21 ‰ des mineurs. Parmi les mesures de placement, 89,
9 % d’entre elles sont d’origine judiciaire tandis que 10,1 sont d’origine administrative. Parmi
les mesures en milieu ouvert, la proportion de décisions administratives a légèrement crû depuis
2007 passant de 25 à 30  % en dix années.
Ces chiffres reflètent mal le caractère subsidiaire de l’intervention du juge des enfants pourtant
énoncée et rappelée par les lois successives relatives à la protection de l’enfance (1). Outre son
articulation avec l’intervention du Conseil départemental, la compétence du juge des enfants
doit s’articuler avec celle du juge aux affaires familiales (2°) Le juge des enfants se caractérise
enfin par son double rôle pénal et civil, essentiel pour l’efficacité de la protection de l’enfance
(3).
1. Subsidiarité de la protection judiciaire de l’enfant
Subsidiarité de la saisine du juge des enfants1  C’est la loi du 5 mars 2007 qui expressément
affirmé la subsidiarité de l’intervention du juge des enfants qui ne peut, en principe, être saisi
selon l’article L. 226-4 du Code de l’action sociale et des familles que lorsque l’action de
l’administration, en l’occurrence le Conseil départemental, a échoué ou lorsqu’elle s’est avérée
impossible. Il semble cependant que la judiciarisation de la protection de l’enfance reste une
réalité incontournable comme le montre les chiffres2.

Intérêt de l’enfant  Quelle que soit la nature de la mesure de protection elle doit être fondée
sur l’intérêt de l’enfant. L’article 375-1 du Code civil qui fonde la compétence du juge des
enfants pour tout ce qui concerne l’assistance éducative précise qu’il doit se prononcer « en
stricte considération de l’intérêt de l’enfant »3. L’article L. 112-4 du CASF précise en outre
que : « L'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques,
intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions
le concernant ».

Le Conseil départemental chef de file de la protection de l’enfance ◊ La compétence de


principe du Conseil général en matière de protection de l’enfance est affirmée par la loi qui
énonce ses missions dans les articles L. 112-3, L. 112-4 et L. 221-1 CASF. La mission de
protection de l’enfance est ainsi principalement assurée par le service de l’Aide sociale à
l’Enfance mais également, notamment pour ce qui concerne la prévention, par le service de la
protection maternelle et infantile4 et le service d’action sociale5. D’autres services étatiques

1
D. Mulliez, La place respective de l’autorité judiciaire et du président du Conseil départemental dans le cadre de la maltraitance des
mineurs : dualité ou complémentarité ? Dalloz, coll. « Les Cahiers de la Justice », 2018/1, n° 1, p. 97.
2
V. ss 997.
3 A. Atiback, « L’intérêt de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative », Dr. fam. 2006, étude no 18 ; A. Gouttenoire, « L’intérêt
de l’enfant dans la protection de l’enfance », in A.-C. Réglier et C. Siffrein-Blanc, L’intérêt de l’enfant, Mythe ou réalité ?, Institut Universitaire
Varenne, coll. « Colloques et essais », 2018, p. 83.
4 Art. L. 123-1 CASF.
5
Art. L123-2 CASF.
participent à la protection de l’enfance, il en va ainsi du service de promotion de la santé des
élèves6.

Observatoires départementaux de la protection de l’enfance ◊ La loi du 5 mars 2007


réformant la protection de l’enfance a prévu la création dans chaque département d’un
observatoire départemental de la protection de l’enfance placé sous l’autorité du président du
Conseil départemental et comprenant notamment des représentants des services du Conseil
départemental, de l'autorité judiciaire dans le département et des autres services de l'État, des
représentants de tout service et établissement dans ce département qui participe ou apporte son
concours à la protection de l'enfance et des représentants des associations concourant à la
protection de l'enfance et de la famille7. La mission de cet observatoire consiste à recueillir,
examiner et analyser les données relatives à l'enfance en danger dans le département et à
transmettre ces informations à l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Il peut
formuler des propositions et des avis sur la mise en œuvre de la politique de protection de
l’enfance dans le département.

Mesures de protection acceptées par les parents ◊ Les parents des enfants en danger ou
risquant de l’être se voient offrir par les services de l’ASE des mesures individuelles de
protection. Celles-ci peuvent prendre la forme d’une action éducative à domicile, de versements
d’aides financières ou/et d’accueil de jour de l’enfant dans les services de l’Aide sociale à
l’enfance8. Les mineurs qui ne peuvent être maintenus dans leur milieu familial sont pris en
charge par le service de l’Aide sociale à l’enfance sur décision du Président du Conseil
départemental avec l’accord de la famille, dans le cadre d’un accueil provisoire9. Selon l’article
L. 223-1 CASF « toute personne qui demande une prestation prévue au présent titre ou qui en
bénéficie est informée par les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance des
conditions d’attribution et des conséquences de cette prestation sur les droits et obligations de
l’enfant et de son représentant légal ». Les parents peuvent se faire accompagner dans leurs
démarches auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance par la personne de leur choix. Dès
lors que la mesure de protection repose sur un accord des parents, ceux-ci peuvent y mettre fin
à tout moment et ils conservent l’ensemble de leurs prérogatives parentales.

Changement de domicile de la famille de l’enfant en danger  Pour éviter que le changement


de domicile de la famille d’un enfant en danger provoque une rupture dans son suivi par l’Aide
sociale à l’enfance, l’article L. 221-3 du Code l’action sociale et des familles prévoit que :
« Lorsqu'une famille bénéficiaire d'une prestation d'aide sociale à l'enfance, hors aide
financière, ou d'une mesure judiciaire de protection de l'enfance change de département à
l'occasion d'un changement de domicile, le président du conseil départemental du département
d'origine en informe le président du conseil départemental du département d'accueil et lui
transmet, pour l'accomplissement de ses missions, les informations relatives au mineur et à la
famille concernés. Il en va de même lorsque la famille est concernée par une information
préoccupante en cours de traitement ou d'évaluation ». À l’inverse, « pour l'accomplissement
de sa mission de protection de l'enfance, le président du conseil départemental peut demander
au président du conseil départemental d'un autre département des renseignements relatifs à un
mineur et à sa famille quand ce mineur a fait l'objet par le passé, au titre de la protection de
l'enfance, d'une information préoccupante, d'un signalement ou d'une prise en charge dans cet

6
S. Bernigaux, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2020/2021, n° 241-50 ss.
7
Art. L. 226-3-1 CASF.
8
Art. L. 222-4-2 CASF.
9
Art. L. 222-5 1° CASF.
autre département. Le président du conseil départemental ainsi saisi transmet les informations
demandées ».

Pouvoirs du maire en matière de protection de l’enfance  La loi no 2007-297 du 5 mars


2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu que le maire d’une commune puisse
organiser : « une aide à la fonction éducative, aux fins de prévention de la délinquance des
mineurs ». Les acteurs en sont le maire et une émanation du conseil municipal [le conseil pour
les droits et devoirs des familles]10 qui peut prendre la forme d’un accompagnement des parents
et une aide dans la gestion des prestations familiales. Selon l’article L. 141-2 du Code de
l’action sociale et des familles, « lorsqu'il ressort de ses constatations ou d'informations portées
à sa connaissance que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du
défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, le maire peut proposer aux parents
ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental [consistant] en un
suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative ». La
compétence municipale se distingue de l’action départementale dans le domaine de la protection
de l’enfance en ce qu’elle exige un cumul des difficultés de la famille et de la menace à la
tranquillité ou à la sécurité publique.

Enfants concernés par la mission de protection du Conseil départemental  La loi du


5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a étendu la compétence des services de l’Aide
sociale à l’enfance en lui confiant la mission de prendre en charge des enfants dont on pouvait
penser qu’ils ne relevaient pas vraiment de ces services. L’article L. 312-1 CASF vise
notamment « les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil
spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service tel que prévu au 12o du I de
l'article L. 312-1 » c’est-à-dire les enfants malades ou/et présentant d’importantes difficultés
d’ordre comportemental. Dans la perspective de cette prise en charge, l’Aide sociale à l’enfance
s’est vue reconnaître la faculté de mettre en place des établissements ou services à caractère
expérimental permettant un hébergement et un accompagnement socio-éducatif et une prise en
charge thérapeutique de ces mineurs. L’article L. 112-3 du CASF prévoit que la protection de
l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs
privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise
en charge11.

Recours à l’autorité judiciaire  Le recours à l’autorité judiciaire, par l’intermédiaire du


procureur de la République et du juge des enfants, n’est envisageable que lorsque l’intervention
du service de l’Aide sociale à l’enfance a été impossible ou inefficace pour faire cesser l’état
de danger dans lequel se trouve l’enfant ou lorsque lorsqu’elle s’est heurtée à l’opposition des
représentants légaux de l’enfant12. La loi du 14 mars 2016 a cependant limité la subsidiarité de
l’intervention du juge des enfants, en prévoyant que celui-ci peut être directement saisi, sans
qu’aucune mesure administrative ne soit mise en place, lorsque le danger « est grave et
immédiat, notamment dans les situations de maltraitance ».

Le président du Conseil départemental en avise alors sans délai le procureur de la République


et l’informe, le cas échéant, des actions déjà menées auprès du mineur et de sa famille.
Réciproquement, le procureur de la République informe dans les meilleurs délais le président
du Conseil départemental des suites qui ont été données à sa saisine. L’article 375, alinéa 2, du
Code civil, enjoint en outre au procureur de la République de vérifier que l’intervention de
l’autorité judiciaire correspond bien aux hypothèses prévues par la loi. L’autorité judiciaire peut
10
J. Rochfeld, RTD civ. 2007. 408.
11
V. ss 983.
12
Art. L. 226-4 CASF.
décliner sa compétence si elle considère que la protection mise en place par le département est
suffisante ou qu’elle pourrait l’être, ce qui revient à conférer à l’autorité judiciaire une sorte de
pouvoir de contrôle de l’efficacité de l’action administrative13.

Coordination ◊ On peut souligner que « les deux protections sont supposées se relayer entre
elles, non pour banaliser la réponse judiciaire, mais pour réserver celle-ci aux cas de non-
efficacité des mesures mises en œuvre par le département »14. La coordination de la protection
administrative et judiciaire se poursuit après la saisine du juge des enfants. En effet, selon
l’article L. 221-4 CASF, lorsqu'il est avisé par le juge des enfants d'une mesure d'assistance
éducative prise en application des articles 375 à 375-8 du Code civil ou d'une mesure judiciaire
d'aide à la gestion du budget familial prise en application des articles 375-9-1 et 375-9-2 du
même code, le président du conseil départemental lui communique les informations dont il
dispose sur le mineur et sa situation familiale et « organise, sans préjudice des prérogatives de
l'autorité judiciaire, entre les services du Département et les services chargés de l'exécution de
la mesure, les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de mesure, aux fins de
garantir la continuité et la cohérence des actions menées ». Ainsi le Département intervient en
amont des mesures de protection judiciaire, à titre principal, et en aval, lorsque l’action
administrative n’a pu se poursuivre et qu’une mesure judiciaire a été prononcée.

Compétence territoriale  Le juge des enfants territorialement compétent est, en vertu de


l’article 1181 du Code de procédure civile, le juge des enfants du lieu où demeure le père, la
mère, le tuteur du mineur ou la personne, ou le service à qui l’enfant a été confié, à défaut le
juge du lieu où demeure le mineur. En cas de changement de résidence du père, de la mère, du
tuteur du mineur, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du mineur, le juge
des enfants saisi dans un premier temps se dessaisit au profit du juge du lieu de la nouvelle
résidence. Ce dessaisissement ne constitue toutefois pas une obligation pour le juge saisi en
premier lieu qui peut en décider autrement par une ordonnance motivée. Il peut en effet être
préférable qu’il continue à suivre le mineur et sa famille compte tenu de sa connaissance de la
situation. Une telle décision étant contraire au principe général et pouvant entraîner des
difficultés pour la famille, il est nécessaire que le juge s’en explique et que les parties puissent
contester sa décision ; à l’inverse, le dessaisissement n’étant pas obligatoire, on peut imaginer
que la famille puisse souhaiter que le même juge reste compétent. Un arrêt du 11 mars 200915
a admis la possibilité pour les parties d’intenter un recours contre la décision du juge des enfants
de ne pas se dessaisir au profit du magistrat compétent au regard de la nouvelle résidence de
l’enfant. On peut penser que le pouvoir d’appréciation conféré au juge des enfants par l’article
1181 alinéa 1 du Code de procédure civile et l’obligation de motivation qui l’accompagne
explique la nature juridictionnelle de la décision d’où découle la possibilité, sans doute
bienvenue, de la contester.

1009 Pluralité de juges des enfants  Les articles R. 522-2-1 et R. 522-2-2 du Code de
l'organisation judiciaire16 prévoient que « lorsque dans un tribunal judiciaire plusieurs
magistrats du siège sont chargés des fonctions de juge des enfants, le président du tribunal,
après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège, désigne l'un d'eux pour organiser le
service de la juridiction des mineurs et coordonner les relations de cette juridiction avec les
services chargés de la mise en œuvre des mesures prises par celle-ci ». En cas d'absence ou

13
F. Eudier et P. Chamboncel-Saligue, art. préc.
14
Ibidem.
15
N° 08-12.097.
16
Décr. no 2008-107, 4 févr. 2008, JO 6 févr. 2008, p. 2274.
d'empêchement du magistrat désigné, le juge des enfants dont le rang est le plus élevé exerce
ces attributions.

2. La répartition des compétences relatives à l’autorité parentale entre le juge des enfants
et le juge aux affaires familiales

Compétences concurrentes17  Les compétences du juge aux affaires familiales et du juge des
enfants ont pour objet la relation de l’enfant avec ses parents. Toutefois, le juge des enfants
n’est pas compétent pour statuer sur l’autorité parentale en tant que telle18. Il est seulement
compétent pour prendre les mesures concrètes destinées à préserver l’enfant d’un danger
d’origine familiale. Toutefois, en fait, les deux juges peuvent être amenés à statuer sur les
modalités d’exercice de l’autorité parentale, lorsque l’enfant est en danger et que ses parents se
séparent.

Décision du juge aux affaires familiales antérieure à la saisine du juge des enfants  La difficulté
survient lorsqu’un juge aux affaires familiales a rendu une décision relative aux modalités
d’exercice de l’autorité parentale sur un enfant et que l’un des parents, invoquant un danger,
sollicite du juge des enfants qu’il prenne une mesure modifiant la décision du juge aux affaires
familiales. L’article 375-3, alinéa 2, du Code civil, prévoit que la compétence du juge des
enfants pour modifier la décision du juge aux affaires familiales, rendue à la suite d’une requête
en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant, est subordonnée
non seulement à l’existence d’un danger, mais aussi à la survenance d’un fait nouveau. Le juge
des enfants ne peut ainsi modifier la résidence de l’enfant, en procédant à son placement,
notamment chez l’autre parent, que s’il se fonde sur un fait nouveau justifiant qu’il revienne
sur la décision du juge aux affaires familiales. Si le danger invoqué existait déjà lorsque le juge
aux affaires familiales a statué, ce dernier est censé en avoir déjà tenu compte dans sa décision
et il n’est pas opportun qu’un autre juge revienne sur celle-ci alors que les circonstances n’ont
pas évolué. Le juge des enfants, pour modifier les conditions de vie de l’enfant, doit exciper
d’un élément qui n’existait pas lorsque le juge aux affaires familiales a statué et qui justifierait
qu’une décision différente soit rendue19. Le fait que la mère a repris des relations régulières
avec ses enfants et soit tout à fait capable d’en assumer l’éducation alors que le père a un
comportement violent, justifie que le juge des enfants fixe la résidence des enfants chez leur
mère alors que le juge aux affaires familiales, dont la décision devait s’appliquer après la
mainlevée du placement des enfants, avait fixé la résidence de ces derniers chez leur père20.
De même, la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 4 mars 201521 que le juge des enfants
peut valablement prendre des mesures d'assistance éducative si un fait nouveau de nature à
entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision statuant sur les
modalités d'exercice de l'autorité parentale et que tel était bien le cas en l’espèce en raison de
l'attitude adoptée par la mère - chez qui le juge aux affaires familiales avait fixé la résidence de
l’enfant - qui instaurait chez sa fille une thématique sexuelle inappropriée et qui détériorait
continuellement l'image du père, chez qui le juge des enfants avait décidé d’un placement. En
revanche, le juge des enfants qui ordonne la remise des enfants au père alors que le juge aux
affaires familiales avait fixé leur résidence, sans doute sur le fondement de l’article 373-3 du
Code civil, chez la grand-mère, excède ses pouvoirs22.

17
J.-M. Permingeat, « Les compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales », AJ fam. 2013. 280.
18
E. Chauvet, « Le point de vue du juge des enfants », in C. Albigès (dir.), L’autorité parentale et ses juges, Litec, coll. « Carré droit », 2004,
p. 129.
19
Civ. 1re, 14 mars 2006, Dr. fam. 2006, comm. 144, obs. A. Gouttenoire ; D. 2006. Jur. 1947, note M. Huyette, et Pan. 2430, obs.
M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2006. 288, obs. H. Gratadour ; RTD civ. 2006. 299, obs. J. Hauser.
20
Civ. 1re, 11 juill. 2006, no 05-05.007, RJPF 2006-12, p. 20, obs. F. Eudier.
21
N° 13-24.793 ; AJ fam. 2015. 398, obs. S. Thouret.
22
Civ. 1re, 14 nov. 2007, Dr. fam. 2007. 22, obs. P. Murat.
1012 Droit de visite  La mise en œuvre de l’article 375-3, alinéa 2, du Code civil, lorsqu’il
s’agit de modifier le droit de visite fixé par le juge aux affaires familiales ne relève pas de
l’évidence puisque le texte ne fait référence qu’à la mesure de placement. La Cour de cassation
fait une interprétation extensive de l’article 375, alinéa 3, du Code civil et considère que celui-
ci est également applicable dans une telle hypothèse23. Le raisonnement de la Cour de cassation
aboutit toutefois à un élargissement de la compétence du juge des enfants en matière d’autorité
parentale au détriment de celle du juge aux affaires familiales, à laquelle certaines juridictions
de fond se sont opposées24.

1013 Séparation des parents après l’intervention du juge des enfants  L’hypothèse inverse,
dans laquelle un juge aux affaires familiales interviendrait après le juge des enfants se résout
par la suspension de la décision du juge aux affaires familiales jusqu’à la levée de la mesure
d’assistance éducative. Le juge aux affaires familiales est certes compétent pour fixer les
modalités d’exercice de l’autorité parentale entre les parents puisque ceux-ci conservent leurs
prérogatives malgré la mesure d’assistance éducative. Toutefois la mesure d’assistance
éducative prime la décision du juge aux affaires familiales qui ne peut l’écarter. Ainsi dans
l’espèce ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 200625, le juge aux
affaires familiales avait prononcé le divorce des époux alors que leurs enfants étaient déjà placés
au service de l’Aide sociale à l’enfance ; les modalités d’exercice de l’autorité parentale fixées
par le juge aux affaires familiales avaient vocation à s’appliquer seulement à compter de la
mainlevée du placement des enfants26. En effet, la décision du juge aux affaires familiales sa
décision ne reçoit application qu'à l'issue de mesure d’assistance éducative, qui peut perdurer
jusqu'à la majorité de l'enfant27.

1014 Communication du dossier  Le décret n° 2009-398 du 10 avril 200928 relatif à la


communication de pièces entre le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et le juge des
tutelles29 reprenant la solution posée par la Cour de cassation dans un avis du 1er mars 200430
a systématisé l’information réciproque du juge des enfants et du juge aux affaires familiales.
L’article 1072-1 du Code de procédure civile impose au juge aux affaires familiales, lorsqu'il
statue sur l'exercice de l'autorité parentale, de vérifier si une procédure d'assistance éducative
est ouverte à l'égard du ou des mineurs. Le cas échéant, il peut demander au juge des enfants
de lui transmettre copie des pièces du dossier en cours. Cette communication est soumise à la
réserve de l’identité de parties à la procédure d’assistance éducative et à la procédure devant le
juge aux affaires familiales. Cette limite est destinée à éviter que des personnes qui n’auraient
pas eu accès au dossier dans le cadre de la procédure d’assistance éducative puissent en avoir
communication dans le cadre de la procédure relative à l’autorité parentale. Le juge des enfants
peut, en outre, ne pas transmettre au juge aux affaires familiales certaines pièces lorsque leur
production ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un
tiers31, de la même façon qu’il peut retirer ces pièces du dossier lors de sa consultation par les
parties à la procédure d’assistance éducative32. Par ailleurs, une copie de la décision du juge

23
Civ. 1re, 26 janv. 1994, Defrénois 1994, art. 35833, J. Massip ; Civ. 1re, 10 juill. 1996, Bull. civ. I, no 1313 ; Civ. 2e, 2 déc. 1997, RTD civ.
1998. 359, obs. J. Hauser.
24
Caen, 10 déc. 1998, RTD civ. 1999. 829, obs. J. Hauser.
25
Préc.
26
Tel ne fut toutefois pas le cas puisqu’un évènement nouveau conduisit le juge des enfants à modifier la décision du juge aux affaires
familiales : v. ss 852.
27
C. Neirinck, obs. ss Aix-en-Provence, 8 avr. 2014, n° 13/02869, Dr. fam. 2017, n° 12, comm. 181.
28
AJ fam. 2009. 216, obs. M. le Mesta, J. Leborgne et E. Barbé.
29
Le juge des tutelles n’est plus concerné par ce décret puisqu’il a perdu toute compétence en matière de mineur du fait de la loi du 12 mai
2009 ; C. Castella, « L’échange d’informations entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales », AJ fam. 2013. 475.
30
N° 00-40.001.
31
Art. 1187-1 C. pr. civ.
32
V. ss 1056.
aux affaires familiales est transmise au juge des enfants ainsi que toute pièce que ce dernier
estime utile (art. 1072-2 C. pr. civ.).

1015 Tutelle  Selon la Cour de cassation, la décision déférant la tutelle de l’enfant à l’Aide
sociale à l’enfance fait disparaître l’état de danger dans lequel il se trouvait lors de son
placement auprès de ce même service et met fin à la mesure d’assistance éducative33.

3. La compétence civile et pénale du juge des enfants

1016 Enfance délinquante, enfance en danger34  Parce que l’enfant délinquant est souvent un
enfant en danger, le juge des enfants est compétent à l’égard de l’un comme à l’égard de l’autre.
Sa compétence en matière d’assistance éducative se double en effet d’une compétence pénale
pour prendre des « sanctions » à l’égard du mineur auteur d’une infraction. Ce cumul de
compétences du juge des enfants trouve sa source dans l’histoire du droit des mineurs. C’est
dans le sillage de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante qui instaurait
les juges des enfants, qu’a été mise en place la procédure d’assistance éducative par
l’ordonnance du 23 octobre 1958, « dans un esprit qui en faisait, dans une architecture
d’ensemble, la nouvelle composante, complémentaire, sinon symétrique, de celle qui avait
d’abord été mise en place »35.

1017 Nécessité  Le principe de la primauté de l’éducatif qui caractérise le droit pénal des
mineurs justifie que le même juge puisse prendre à l’égard d’un mineur ayant commis une
infraction une mesure de sanction et une mesure de protection. La commission d’une infraction
s’inscrit souvent dans le cadre d’une situation relevant de l’assistance éducative. Il paraît
essentiel que le juge puisse tenir compte de cette situation et des mesures qui ont été prises pour
y remédier lorsqu’il détermine la sanction pénale qu’il doit prononcer à l’encontre du mineur.
Le danger qui menace le mineur, la position difficile par rapport à sa famille qu’il implique, ne
peut pas ne pas exercer d’influence sur son comportement personnel. La dissociation des
compétences civiles et pénales du juge des enfants un temps envisagée par la ministre de la
justice36 a été heureusement abandonnée. Une telle dissociation constituerait sans doute un
recul regrettable du droit des mineurs. L’objectif serait de soustraire l’assistance éducative à la
compétence du juge des enfants qui pourrait ainsi davantage se consacrer à son rôle de juge
répressif… Outre la dissociation du traitement de la répression et de la protection du mineur
que cette évolution impliquerait, on peut s’inquiéter de voir l’assistance éducative confiée à un
autre juge. Le juge des enfants se caractérise par sa spécialisation à propos des questions
relatives à l’enfance ; il est en effet choisi par les magistrats du tribunal judiciaire, compte tenu
de « l’intérêt qu’il porte aux questions de l’enfance et de ses aptitudes37 ». Seul magistrat qui
suit systématiquement une formation spécialisée sur les questions relatives à l’enfance, le juge
des enfants est spécialement nommé dans cette fonction et « n’est pas interchangeable dans une
juridiction »38. D’autant qu’au pénal comme au civil la connaissance de la personnalité du
mineur et de son histoire est essentielle pour déterminer la mesure la plus appropriée. Dans un
cas comme dans l’autre, le juge des enfants peut faire appel aux différents acteurs de la
protection de l’enfant et aux institutions dont le rôle est justement de prendre en charge les

33
Civ. 1re, 3 nov. 2004, AJ fam. 2004. 20, obs. F. Chénedé ; Dr. fam. 2005, comm. 122, obs. P. Salvage-Gerest.
34
J.-F. Renucci, Enfance délinquante et enfance en danger, éd. CNRS, 1990.
35
R. Legeais, « Remarque sur la distinction des mineurs délinquants et des jeunes en danger », in Mélanges dédiés à J. Vincent, Dalloz, 1981,
p. 203.
36
Lettre intitulée « Expérimentation relative à une nouvelle répartition des fonctions civiles et pénales des juges des enfants », adressée au
Premier président des Cours d’appels, aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République du 17 septembre 2007.
37
Art. L. 532-1 COJ.
38
L. Gebler, « L’enfant et ses juges », AJ fam. 2007. 390.
mineurs en difficultés, tant en amont qu’en aval de sa décision. Ce « réseau » d’acteurs
spécialisés peut difficilement se concevoir auprès d’un autre juge que le juge des enfants.

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