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Intérêt de l’enfant Quelle que soit la nature de la mesure de protection elle doit être fondée
sur l’intérêt de l’enfant. L’article 375-1 du Code civil qui fonde la compétence du juge des
enfants pour tout ce qui concerne l’assistance éducative précise qu’il doit se prononcer « en
stricte considération de l’intérêt de l’enfant »3. L’article L. 112-4 du CASF précise en outre
que : « L'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques,
intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions
le concernant ».
1
D. Mulliez, La place respective de l’autorité judiciaire et du président du Conseil départemental dans le cadre de la maltraitance des
mineurs : dualité ou complémentarité ? Dalloz, coll. « Les Cahiers de la Justice », 2018/1, n° 1, p. 97.
2
V. ss 997.
3 A. Atiback, « L’intérêt de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative », Dr. fam. 2006, étude no 18 ; A. Gouttenoire, « L’intérêt
de l’enfant dans la protection de l’enfance », in A.-C. Réglier et C. Siffrein-Blanc, L’intérêt de l’enfant, Mythe ou réalité ?, Institut Universitaire
Varenne, coll. « Colloques et essais », 2018, p. 83.
4 Art. L. 123-1 CASF.
5
Art. L123-2 CASF.
participent à la protection de l’enfance, il en va ainsi du service de promotion de la santé des
élèves6.
Mesures de protection acceptées par les parents ◊ Les parents des enfants en danger ou
risquant de l’être se voient offrir par les services de l’ASE des mesures individuelles de
protection. Celles-ci peuvent prendre la forme d’une action éducative à domicile, de versements
d’aides financières ou/et d’accueil de jour de l’enfant dans les services de l’Aide sociale à
l’enfance8. Les mineurs qui ne peuvent être maintenus dans leur milieu familial sont pris en
charge par le service de l’Aide sociale à l’enfance sur décision du Président du Conseil
départemental avec l’accord de la famille, dans le cadre d’un accueil provisoire9. Selon l’article
L. 223-1 CASF « toute personne qui demande une prestation prévue au présent titre ou qui en
bénéficie est informée par les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance des
conditions d’attribution et des conséquences de cette prestation sur les droits et obligations de
l’enfant et de son représentant légal ». Les parents peuvent se faire accompagner dans leurs
démarches auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance par la personne de leur choix. Dès
lors que la mesure de protection repose sur un accord des parents, ceux-ci peuvent y mettre fin
à tout moment et ils conservent l’ensemble de leurs prérogatives parentales.
6
S. Bernigaux, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2020/2021, n° 241-50 ss.
7
Art. L. 226-3-1 CASF.
8
Art. L. 222-4-2 CASF.
9
Art. L. 222-5 1° CASF.
autre département. Le président du conseil départemental ainsi saisi transmet les informations
demandées ».
Coordination ◊ On peut souligner que « les deux protections sont supposées se relayer entre
elles, non pour banaliser la réponse judiciaire, mais pour réserver celle-ci aux cas de non-
efficacité des mesures mises en œuvre par le département »14. La coordination de la protection
administrative et judiciaire se poursuit après la saisine du juge des enfants. En effet, selon
l’article L. 221-4 CASF, lorsqu'il est avisé par le juge des enfants d'une mesure d'assistance
éducative prise en application des articles 375 à 375-8 du Code civil ou d'une mesure judiciaire
d'aide à la gestion du budget familial prise en application des articles 375-9-1 et 375-9-2 du
même code, le président du conseil départemental lui communique les informations dont il
dispose sur le mineur et sa situation familiale et « organise, sans préjudice des prérogatives de
l'autorité judiciaire, entre les services du Département et les services chargés de l'exécution de
la mesure, les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de mesure, aux fins de
garantir la continuité et la cohérence des actions menées ». Ainsi le Département intervient en
amont des mesures de protection judiciaire, à titre principal, et en aval, lorsque l’action
administrative n’a pu se poursuivre et qu’une mesure judiciaire a été prononcée.
1009 Pluralité de juges des enfants Les articles R. 522-2-1 et R. 522-2-2 du Code de
l'organisation judiciaire16 prévoient que « lorsque dans un tribunal judiciaire plusieurs
magistrats du siège sont chargés des fonctions de juge des enfants, le président du tribunal,
après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège, désigne l'un d'eux pour organiser le
service de la juridiction des mineurs et coordonner les relations de cette juridiction avec les
services chargés de la mise en œuvre des mesures prises par celle-ci ». En cas d'absence ou
13
F. Eudier et P. Chamboncel-Saligue, art. préc.
14
Ibidem.
15
N° 08-12.097.
16
Décr. no 2008-107, 4 févr. 2008, JO 6 févr. 2008, p. 2274.
d'empêchement du magistrat désigné, le juge des enfants dont le rang est le plus élevé exerce
ces attributions.
2. La répartition des compétences relatives à l’autorité parentale entre le juge des enfants
et le juge aux affaires familiales
Compétences concurrentes17 Les compétences du juge aux affaires familiales et du juge des
enfants ont pour objet la relation de l’enfant avec ses parents. Toutefois, le juge des enfants
n’est pas compétent pour statuer sur l’autorité parentale en tant que telle18. Il est seulement
compétent pour prendre les mesures concrètes destinées à préserver l’enfant d’un danger
d’origine familiale. Toutefois, en fait, les deux juges peuvent être amenés à statuer sur les
modalités d’exercice de l’autorité parentale, lorsque l’enfant est en danger et que ses parents se
séparent.
Décision du juge aux affaires familiales antérieure à la saisine du juge des enfants La difficulté
survient lorsqu’un juge aux affaires familiales a rendu une décision relative aux modalités
d’exercice de l’autorité parentale sur un enfant et que l’un des parents, invoquant un danger,
sollicite du juge des enfants qu’il prenne une mesure modifiant la décision du juge aux affaires
familiales. L’article 375-3, alinéa 2, du Code civil, prévoit que la compétence du juge des
enfants pour modifier la décision du juge aux affaires familiales, rendue à la suite d’une requête
en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant, est subordonnée
non seulement à l’existence d’un danger, mais aussi à la survenance d’un fait nouveau. Le juge
des enfants ne peut ainsi modifier la résidence de l’enfant, en procédant à son placement,
notamment chez l’autre parent, que s’il se fonde sur un fait nouveau justifiant qu’il revienne
sur la décision du juge aux affaires familiales. Si le danger invoqué existait déjà lorsque le juge
aux affaires familiales a statué, ce dernier est censé en avoir déjà tenu compte dans sa décision
et il n’est pas opportun qu’un autre juge revienne sur celle-ci alors que les circonstances n’ont
pas évolué. Le juge des enfants, pour modifier les conditions de vie de l’enfant, doit exciper
d’un élément qui n’existait pas lorsque le juge aux affaires familiales a statué et qui justifierait
qu’une décision différente soit rendue19. Le fait que la mère a repris des relations régulières
avec ses enfants et soit tout à fait capable d’en assumer l’éducation alors que le père a un
comportement violent, justifie que le juge des enfants fixe la résidence des enfants chez leur
mère alors que le juge aux affaires familiales, dont la décision devait s’appliquer après la
mainlevée du placement des enfants, avait fixé la résidence de ces derniers chez leur père20.
De même, la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 4 mars 201521 que le juge des enfants
peut valablement prendre des mesures d'assistance éducative si un fait nouveau de nature à
entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision statuant sur les
modalités d'exercice de l'autorité parentale et que tel était bien le cas en l’espèce en raison de
l'attitude adoptée par la mère - chez qui le juge aux affaires familiales avait fixé la résidence de
l’enfant - qui instaurait chez sa fille une thématique sexuelle inappropriée et qui détériorait
continuellement l'image du père, chez qui le juge des enfants avait décidé d’un placement. En
revanche, le juge des enfants qui ordonne la remise des enfants au père alors que le juge aux
affaires familiales avait fixé leur résidence, sans doute sur le fondement de l’article 373-3 du
Code civil, chez la grand-mère, excède ses pouvoirs22.
17
J.-M. Permingeat, « Les compétences concurrentes du juge des enfants et du juge aux affaires familiales », AJ fam. 2013. 280.
18
E. Chauvet, « Le point de vue du juge des enfants », in C. Albigès (dir.), L’autorité parentale et ses juges, Litec, coll. « Carré droit », 2004,
p. 129.
19
Civ. 1re, 14 mars 2006, Dr. fam. 2006, comm. 144, obs. A. Gouttenoire ; D. 2006. Jur. 1947, note M. Huyette, et Pan. 2430, obs.
M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2006. 288, obs. H. Gratadour ; RTD civ. 2006. 299, obs. J. Hauser.
20
Civ. 1re, 11 juill. 2006, no 05-05.007, RJPF 2006-12, p. 20, obs. F. Eudier.
21
N° 13-24.793 ; AJ fam. 2015. 398, obs. S. Thouret.
22
Civ. 1re, 14 nov. 2007, Dr. fam. 2007. 22, obs. P. Murat.
1012 Droit de visite La mise en œuvre de l’article 375-3, alinéa 2, du Code civil, lorsqu’il
s’agit de modifier le droit de visite fixé par le juge aux affaires familiales ne relève pas de
l’évidence puisque le texte ne fait référence qu’à la mesure de placement. La Cour de cassation
fait une interprétation extensive de l’article 375, alinéa 3, du Code civil et considère que celui-
ci est également applicable dans une telle hypothèse23. Le raisonnement de la Cour de cassation
aboutit toutefois à un élargissement de la compétence du juge des enfants en matière d’autorité
parentale au détriment de celle du juge aux affaires familiales, à laquelle certaines juridictions
de fond se sont opposées24.
1013 Séparation des parents après l’intervention du juge des enfants L’hypothèse inverse,
dans laquelle un juge aux affaires familiales interviendrait après le juge des enfants se résout
par la suspension de la décision du juge aux affaires familiales jusqu’à la levée de la mesure
d’assistance éducative. Le juge aux affaires familiales est certes compétent pour fixer les
modalités d’exercice de l’autorité parentale entre les parents puisque ceux-ci conservent leurs
prérogatives malgré la mesure d’assistance éducative. Toutefois la mesure d’assistance
éducative prime la décision du juge aux affaires familiales qui ne peut l’écarter. Ainsi dans
l’espèce ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 200625, le juge aux
affaires familiales avait prononcé le divorce des époux alors que leurs enfants étaient déjà placés
au service de l’Aide sociale à l’enfance ; les modalités d’exercice de l’autorité parentale fixées
par le juge aux affaires familiales avaient vocation à s’appliquer seulement à compter de la
mainlevée du placement des enfants26. En effet, la décision du juge aux affaires familiales sa
décision ne reçoit application qu'à l'issue de mesure d’assistance éducative, qui peut perdurer
jusqu'à la majorité de l'enfant27.
23
Civ. 1re, 26 janv. 1994, Defrénois 1994, art. 35833, J. Massip ; Civ. 1re, 10 juill. 1996, Bull. civ. I, no 1313 ; Civ. 2e, 2 déc. 1997, RTD civ.
1998. 359, obs. J. Hauser.
24
Caen, 10 déc. 1998, RTD civ. 1999. 829, obs. J. Hauser.
25
Préc.
26
Tel ne fut toutefois pas le cas puisqu’un évènement nouveau conduisit le juge des enfants à modifier la décision du juge aux affaires
familiales : v. ss 852.
27
C. Neirinck, obs. ss Aix-en-Provence, 8 avr. 2014, n° 13/02869, Dr. fam. 2017, n° 12, comm. 181.
28
AJ fam. 2009. 216, obs. M. le Mesta, J. Leborgne et E. Barbé.
29
Le juge des tutelles n’est plus concerné par ce décret puisqu’il a perdu toute compétence en matière de mineur du fait de la loi du 12 mai
2009 ; C. Castella, « L’échange d’informations entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales », AJ fam. 2013. 475.
30
N° 00-40.001.
31
Art. 1187-1 C. pr. civ.
32
V. ss 1056.
aux affaires familiales est transmise au juge des enfants ainsi que toute pièce que ce dernier
estime utile (art. 1072-2 C. pr. civ.).
1015 Tutelle Selon la Cour de cassation, la décision déférant la tutelle de l’enfant à l’Aide
sociale à l’enfance fait disparaître l’état de danger dans lequel il se trouvait lors de son
placement auprès de ce même service et met fin à la mesure d’assistance éducative33.
1016 Enfance délinquante, enfance en danger34 Parce que l’enfant délinquant est souvent un
enfant en danger, le juge des enfants est compétent à l’égard de l’un comme à l’égard de l’autre.
Sa compétence en matière d’assistance éducative se double en effet d’une compétence pénale
pour prendre des « sanctions » à l’égard du mineur auteur d’une infraction. Ce cumul de
compétences du juge des enfants trouve sa source dans l’histoire du droit des mineurs. C’est
dans le sillage de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante qui instaurait
les juges des enfants, qu’a été mise en place la procédure d’assistance éducative par
l’ordonnance du 23 octobre 1958, « dans un esprit qui en faisait, dans une architecture
d’ensemble, la nouvelle composante, complémentaire, sinon symétrique, de celle qui avait
d’abord été mise en place »35.
1017 Nécessité Le principe de la primauté de l’éducatif qui caractérise le droit pénal des
mineurs justifie que le même juge puisse prendre à l’égard d’un mineur ayant commis une
infraction une mesure de sanction et une mesure de protection. La commission d’une infraction
s’inscrit souvent dans le cadre d’une situation relevant de l’assistance éducative. Il paraît
essentiel que le juge puisse tenir compte de cette situation et des mesures qui ont été prises pour
y remédier lorsqu’il détermine la sanction pénale qu’il doit prononcer à l’encontre du mineur.
Le danger qui menace le mineur, la position difficile par rapport à sa famille qu’il implique, ne
peut pas ne pas exercer d’influence sur son comportement personnel. La dissociation des
compétences civiles et pénales du juge des enfants un temps envisagée par la ministre de la
justice36 a été heureusement abandonnée. Une telle dissociation constituerait sans doute un
recul regrettable du droit des mineurs. L’objectif serait de soustraire l’assistance éducative à la
compétence du juge des enfants qui pourrait ainsi davantage se consacrer à son rôle de juge
répressif… Outre la dissociation du traitement de la répression et de la protection du mineur
que cette évolution impliquerait, on peut s’inquiéter de voir l’assistance éducative confiée à un
autre juge. Le juge des enfants se caractérise par sa spécialisation à propos des questions
relatives à l’enfance ; il est en effet choisi par les magistrats du tribunal judiciaire, compte tenu
de « l’intérêt qu’il porte aux questions de l’enfance et de ses aptitudes37 ». Seul magistrat qui
suit systématiquement une formation spécialisée sur les questions relatives à l’enfance, le juge
des enfants est spécialement nommé dans cette fonction et « n’est pas interchangeable dans une
juridiction »38. D’autant qu’au pénal comme au civil la connaissance de la personnalité du
mineur et de son histoire est essentielle pour déterminer la mesure la plus appropriée. Dans un
cas comme dans l’autre, le juge des enfants peut faire appel aux différents acteurs de la
protection de l’enfant et aux institutions dont le rôle est justement de prendre en charge les
33
Civ. 1re, 3 nov. 2004, AJ fam. 2004. 20, obs. F. Chénedé ; Dr. fam. 2005, comm. 122, obs. P. Salvage-Gerest.
34
J.-F. Renucci, Enfance délinquante et enfance en danger, éd. CNRS, 1990.
35
R. Legeais, « Remarque sur la distinction des mineurs délinquants et des jeunes en danger », in Mélanges dédiés à J. Vincent, Dalloz, 1981,
p. 203.
36
Lettre intitulée « Expérimentation relative à une nouvelle répartition des fonctions civiles et pénales des juges des enfants », adressée au
Premier président des Cours d’appels, aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République du 17 septembre 2007.
37
Art. L. 532-1 COJ.
38
L. Gebler, « L’enfant et ses juges », AJ fam. 2007. 390.
mineurs en difficultés, tant en amont qu’en aval de sa décision. Ce « réseau » d’acteurs
spécialisés peut difficilement se concevoir auprès d’un autre juge que le juge des enfants.