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Fonctions publiques et RH ÉTUDE 2381

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Que peut faire un employeur public
face à un fonctionnaire nommé
sur la base d’un faux diplôme ?
Samuel Deliancourt,
rapporteur public à la CAA de Lyon –
professeur associé – faculté de droit
Jean-Monnet – Saint-Etienne

De faux diplômes circulent et les administrations 1 ne sont pas les seules à être victimes de ces
stratagèmes personnels ou collectifs, plus ou moins élaborés. Il existe en effet un marché des faux
diplômes comme d’ailleurs de tout acte officiel, sans statistiques officielles globales. L’usage de
faux diplômes est constitutif d’un délit pénal. La question se pose pour les autorités de
nomination ainsi que les gestionnaires de ressources humaines de savoir comment elles peuvent
ou doivent légalement réagir lorsqu’elles apprennent, souvent de manière indirecte, que les
fonctionnaires recrutés ne sont pas titulaires des diplômes exigés par les statuts et autres textes
régissant les corps et cadres d’emplois. Deux attitudes sont possibles : la première consiste à
retirer la nomination du fonctionnaire qui est considérée comme ayant été acquise par fraude,
sans qu’une condition de délai puisse alors être utilement opposée (1) ; la seconde consiste à
sanctionner le fonctionnaire et l’Administration dispose ainsi d’un panel de sanctions et doit
choisir celle qui lui paraît appropriée (2).

1. Le retrait possible de la nomination du cadres d’emplois nécessitent l’obtention préalable d’un diplôme. En
principe, les candidats ne peuvent se présenter à un concours s’ils ne
fonctionnaire obtenue par fraude remplissent pas toutes les conditions exigées par les textes.Lorsque tel
1 - Le droit des fonctions publiques distingue la titularisation est le cas, l’Administration est tenue, c’est-à-dire en situation de com-
dans le grade de la nomination dans un emploi 2. L’entrée dans la pétence liée, pour ne pas les recruter 4. Il en va de même pour un agent
fonction publique peut être conditionnée par l’obtention d’un di- contractuel : « Il est constant qu’à la date de la décision en litige, il
plôme, ce que doit vérifier l’Administration avant d’agréer le candi- n’était pas titulaire d’un diplôme de préparateur en pharmacie hospita-
dat à concourir. Certains sont parfois admis sur la base de fausses lière, ni ne disposait d’une autorisation équivalente délivrée en applica-
déclarations et/ou faux documents produits. Il appartient dans ce cas tion de l’article L. 4241-14 du code de la santé publique. Par suite, ainsi
à l’Administration de tirer les conséquences de telles manœuvres à que l’ont estimé à juste titre les premiers juges, le centre hospitalier de la
l’origine d’une décision de nomination, obtenue par fraude, qui n’a région d’Annecy était tenu de ne pas renouveler son contrat » 5. C’est en
dès lors pu créer de droit au profit de l’intéressé 3. principe au niveau de l’agrément à concourir que l’Administration

A. - L’acte de nomination d’un fonctionnaire


4. En ce sens, CE, 18 mars 1904, Savary : Lebon, p. 232. – V. également CE, 1re et
2 - Certaines conditions sont exigées pour entrer dans la fonction 4e ss-sect. réunies, 12 nov. 1976, n° 91328, Cne Élancourt : Lebon T., p. 726-
799-1072-1075, fiché sur ce point, jugeant qu’« il ressort des pièces du dossier
publique (aptitude physique, nationalité, etc.) et certains corps ou
que le sieur Ball ne remplissait pas les conditions de diplôme prévues par
l’arrêté ministériel du 27 juin 1962 pour le recrutement des secrétaires
généraux de communes de 2.000 à 5.000 habitants ; que, par suite, le maire
1. V. par ex., Fonction publique – Cent faux diplômes démasqués : L’Express, d’Élancourt ne pouvait légalement recruter l’intéressé ; que les moyens tirés de
7 juin 2017. ce que l’arrêté attaqué serait fondé sur des motifs matériellement inexacts ou
2. L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 12, portant droits et obligations des fonction- entache d’erreur de droit et de détournement de pouvoir ne sauraient être
naires. – CGFP, art. L. 411-5. retenus ».
3. Par ex. CAA Marseille, 31 janv. 2006, n° 01MA01856, B. 5. CAA Lyon, 4 déc. 2020, n° 18LY02724, U.

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apprécie si les conditions requises, le plus souvent objectives (certifi- le rendre opposable aux tiers 18, mais dès sa signature 19. Il est à cette
cat médical, etc.), mais pas toujours malheureusement 6, sont ou non dernière date investi de ses fonctions et soumis à l’autorité de
remplies : « Aussi, voudrait-on aller au bout de cette logique d’objecti- nomination 20, même s’il n’est pas encore installé 21. Et c’est à comp-
vation de l’entrée dans la fonction publique que l’on devrait considérer ter de cette date de signature que l’acte de nomination pourrait être
qu’en arrêtant la liste des candidats admis à concourir, l’autorité orga- retiré en cas d’illégalité et ce, dans un délai limité à 4 mois 22, sauf en
nisatrice du concours “ constate ” simplement que ceux-ci remplissent cas de fraude.
effectivement les conditions exigées par les textes, l’admission à concou-
rir étant alors exclusivement la sanction d’une opération de vérification C. - Le retrait possible par l’administration de l’acte de
des conditions légales et réglementaires (titres et diplômes, situation nomination illégal dans un délai de 4 mois
pénale, etc.). » 7. Le refus d’agrément à concourir peut être contesté
par la voie du recours pour excès de pouvoir devant le juge adminis- 4 - Une nomination illégale peut être retirée pour des motifs de
tratif qui exercera un contrôle normal 8. légalité et ce, dans le délai de 4 mois 23 à compter de la signature 24. Ce
peut aussi être le cas lorsque le fonctionnaire renonce finalement à sa
prise de poste 25 ou refuse de le rejoindre. Une exception concerne les
B. - La nomination, un acte nécessairement express et
magistrats de l’ordre judiciaire à propos desquels le Conseil d’État a
créateur de droits jugé que « Le principe de séparation des pouvoirs et celui de l’indépen-
3 - La soumission aux règles de droit public nécessite un acte de dance de l’autorité judiciaire, que traduisent ces dispositions constitu-
nomination,qui est « l’acte de collation d’un emploi » 9,c’est-à-dire un tionnelles, imposent que des garanties particulières s’attachent à la
acte unilatéral 10, et non un contrat 11, lequel ne peut en principe qualité de magistrat de l’ordre judiciaire ; qu’ils impliquent notamment
résulter que d’une décision expresse 12. Il est défini par G. Jèze comme que ces derniers ne puissent se voir retirer cette qualité et les garanties
« une manifestation de la volonté, ayant pour but et pour effet juridique particulières qui s’y attachent qu’en vertu de dispositions expresses de
d’investir un individu d’une fonction publique » 13.Et l’éminent auteur leur statut et dans les conditions prévues par ces dernières.Aucune dispo-
de poursuivre : « C’est un acte-condition : la manifestation de la vo- sition ne prévoit qu’un magistrat de l’ordre judiciaire puisse se voir privé
lonté a pour effet non point de créer une situation juridique individuelle, de sa qualité en dehors de la procédure disciplinaire régie par les disposi-
mais d’appliquer à un individu une situation juridique générale créée et tions figurant au chapitre VII de l’ordonnance du 22 décembre 1958
organisée par une loi ou un règlement » 14. Telle est également la posi- portant loi organique relative au statut de la magistrature. Le Président
tion de Roger Bonnard 15. L’acte administratif par lequel un agent est de la République ne pouvait rapporter le décret, fût-il illégal, et ainsi
nommé dans un grade de la fonction publique crée des droits au priver l’intéressé, en dehors de toute procédure disciplinaire, de la qualité
profit de celui-ci 16, non pas dès sa publicité 17, qui a pour seul effet de de magistrat de l’ordre judiciaire que ce décret lui avait conférée » 26.

D. - Le retrait possible sans condition de délai en cas


6. V. CE, ass., 28 mai 1954, Barel : Lebon, p. 308, concl. Letourneur ; RDP 1954, de fraude
p. 509, concl. note Waline M. ; RPDA 1954, p. 149, concl., note C. Eisenmann ;
Rev. adm. 1954, p. 393, concl., note Liet-Veaux ; AJ 1954, II, p. 396, note Long ; 5 - Tout comme en matière d’inexistence 27, il n’y a pas de condi-
D. 1954, p. 594, note G. Morange ; S. 1954, 3, p. 97, note Mathiot.
tions de délai lorsque l’acte a été obtenu par fraude 28,s’agissant d’une
7. V. P. Mbongo, L’agrément des candidats aux concours : JCP A 2003, 1629.
8. V. par ex. CE, sect., 10 juin 1983, Raoult : Lebon, p. 251, concl. Laroque.
9. A. Plantey, Traité pratique de la fonction publique : LGDJ, 1956, p. 118. 17. Le défaut de publicité est sans incidence sur la régularité de la nomination
10. CE, 22 oct. 1937, Mimaire et a. : Lebon, p. 843, concl. Lagrange ; D. 1938, 3, car il ne s’agit pas d’un vice propre de nature à entrainer l’annulation. V. par
p. 49, concl. Lagrange, note C. Eisenmann ; RDP 1938, p. 121, concl. Lagrange, ex. CE, 20 mars 1925, Assoc. L’amicale de la police de Nantes : Lebon, p. 289.
note G. Jèze. 18. Par ex., CE 7 avr. 1916, Calas : Lebon, p. 163.
11. C’était d’ailleurs, rappelons-le, une des justifications apportées à la restric- 19. CE, sect., 29 déc. 1952, Mattéi : Lebon, p. 594, jugeant que « cet arrêté
tion du droit de grève dans la décision Winkell du 7 août 1909 (Lebon, individuel [de nomination] crée, dès sa signature, des droits au profit de la
p. 826, concl. Tardieu) : « la grève, si elle est un fait pouvant se produire requérante ». – CE, ass., 14 mai 1954, Clavel : Lebon, p. 270, concl. M. Laurent
légalement au cours de l’exécution d’un contrat de travail réglé par les 20. Par ex. CE, 13 janv. 1911, Picquet : Lebon, p. 13.
dispositions du droit privé, est, au contraire, lorsqu’elle résulte d’un refus de
21. Par ex. CE, 20 mars 1920, Vidal : Lebon, p. 328 (magistrat n’ayant pas encore
service concerté entre des fonctionnaires, un acte illicite, alors même qu’il ne
prêté serment ni été installé).
pourrait être réprimé par l’application de la loi pénale ; que, par son
acceptation de l’emploi qui lui a été conféré, le fonctionnaire s’est soumis à 22. CE, ass., 26 oct. 2001, n° 197018, Ternon : JurisData n° 2001-063051 ; Lebon,
toutes les obligations dérivant des nécessités mêmes du service public et a p. 497 ; Dr. adm. 2001, comm. 253.
renoncé à toutes les facultés incompatibles avec une continuité essentielle à la 23. Par ex. CE, 7 oct. 2008, n° 287581, Le Cointe : JurisData n° 2008-074031 ;
vie nationale. Qu’en se mettant en grève les agents préposés au service public, JCP A 2008, act. 749.
sous quelque dénomination que ce soit, ne commettent pas seulement une faute 24. CE, sect., 19 déc. 1952, Mattei : Lebon, p. 594.
individuelle, mais qu’ils se placent eux-mêmes, par un acte collectif, en dehors
25. CE, 19 nov. 1954, Casanova : Lebon.
de l’application des lois et règlements édictés dans le but de garantir l’exercice
des droits résultant pour chacun d’eux du contrat de droit public qui les lie à 26. CE, sect., 1er oct. 2010, n° 311938, Tacite : JurisData n° 2010-017254 ; Lebon,
l’administration ; que, dans le cas d’abandon collectif ou concerté du service p. 350 ; JCP A 2011, 2090, note L. Belfanti ; JCP A 2010, act. 704 ; Dr. adm.
public, l’administration est tenue de prendre des mesures d’urgence et de 2010, comm. 153, note F. Melleray.
procéder à des remplacements immédiats ». 27. V. par ex. CAA Lyon, 28 janv. 1997, n° 94LY00110, Synd. mixte du musée de
12. CE, 3e et 8e ch. réunies, 27 juin 2018, n° 415374, Cne Villejuif : JurisData Moulins : JurisData n° 1997-044699 ; Lebon T., p. 631. Dans cet arrêt, la cour
n° 2018-011205 ; Lebon T. p. 731 ; JCP A 2019, 2122 ; JCP A 2018, act. 586, a d’abord relevé que l’agent avait été nommé à un emploi de conservateur
obs. M. Touzeil-Divina. en chef du patrimoine qui ne pouvait être créé par le syndicat mixte qui
l’employait, dans la mesure où celle-ci n’avait pas encore fait l’objet d’une
13. RDP 1938, p. 121, concl. Lagrange, note G. Jèze, p. 576.
inscription sur la liste des établissements autorisés à être dotés d’un tel
14. Ibid. poste. Elle a ensuite considéré que la décision attaquée avait nommé cet
15. R. Bonnard, Précis de droit administratif – Partie générale : S. 1935, p. 371, agent « dans un emploi inexistant » et devait, en conséquence, être regardée
justifiant la notion d’acte unilatéral car il ne s’agit pas de placer le fonction- « comme un acte nul et de nul effet dont le préfet était recevable, sans condition
naire dans une situation subjective, mais dans une situation par définition et de délai, à demander au juge de constater l’inexistence ».
par nature légale et réglementaire. 28. V. P. Delvolvé, Retrait et obligation : le cas des actes à objet pécuniaire et des
16. V. G. Jèze, Le procédé technique de la nomination en droit public français : actes obtenus par fraude : RFDA 2003, p. 240. – C. Giordano, La théorie de la
RDP 1927, p. 574. fraude et les actes administratifs unilatéraux : RFDA 2018, p. 57. – S. Renard,

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condition d’exercice des fonctions exigée par les textes 29. Dans un tel 2. Le fonctionnaire sanctionné pour avoir
cas en effet, l’acte est réputé ne pas avoir créé de droits 30. Il peut s’agir
par exemple de l’hypothèse où le fonctionnaire a menti et/ou produit
menti sur ses diplômes
un faux diplôme. La décision de principe est celle rendue en section le 6 - Toute déclaration mensongère de détention d’un diplôme
17 juin 1955, Silberstein dans laquelle la Haute Juridiction a énoncé revêt un caractère fautif justifiant le prononcé d’une sanction
que les règles de retrait dans le délai de recours, à l’époque, de 2 mois, disciplinaire 35 pouvant aller jusqu’à la révocation ou
« ne sauraient recevoir application à l’égard des décisions provoquées au licenciement et concerne également les agents contractuels 36.
par des manœuvres frauduleuses ». Cette affaire concernait l’autorisa-
tion accordée par le ministre de l’Éducation nationale à une personne A. - L’usurpation de diplôme constitutive de délit
de dispenser ce dernier d’épreuves pour le diplôme d’État de docteur
en médecine, fondée sur la circonstance que l’intéressé était déjà titu- 7 - L’usurpation de titre, diplôme ou identité constitue un délit
laire de ce diplôme à la suite des examens de doctorat à l’université réprimé par l’article 433-17 du Code pénal selon lequel « L’usage,
d’Odessa lui ayant permis d’obtenir le titre de médecin, ce qui était sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité
faux. Le Conseil d’État a jugé que « la production dudit document a publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions
ainsi constitué de la part du sieur Silberstein une manœuvre de nature à d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’em-
induire en erreur l’administration ; que la décision prise en sa faveur au prisonnement et de 15 000 euros d’amende. (...) ». Peu importe l’ori-
vu de cette production n’a pu, dès lors, acquérir un caractère gine de la falsification dès lors que c’est l’usage qui constitue le délit et
définitif » 31. Par suite, « si un acte administratif obtenu par fraude ne présente le caractère d’une infraction continue. Celle-ci est donc éta-
crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l’autorité blie non pas avec l’intention spéciale de tromper le public, mais est
compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit caractérisée par l’utilisation d’un titre dont l’intéressé n’est pas titu-
laire. En cas de condamnation pénale, « L’autorité de la chose jugée
commun serait expiré, il incombe à l’ensemble des autorités administra-
appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui
tives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte
s’impose aux juridictions administratives s’attache à la constatation
aussi longtemps qu’il n’y a pas été mis fin » 32. Lorsque les
matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support
délais encadrant le retrait d’un acte individuel créateur de droits sont
nécessaire du dispositif » 37. En effet, l’autorité de la chose jugée au
écoulés, il appartient à l’Administration, pour procéder à ce retrait, pénal s’impose aux administrations en ce qui concerne les constata-
d’établir la preuve de la fraude, tant s’agissant de l’existence des faits tions de fait que les juges ont retenues si elles sont le support néces-
matériels l’ayant déterminée à délivrer l’acte que de l’intention du saire de leur décision 38. L’autorité de chose jugée qui s’attache à une
bénéficiaire de la tromper 33. La manœuvre doit être établie 34. décision rendue par une juridiction pénale ne s’impose au juge qu’au
Si l’Administration dispose de la possibilité de retirer un acte de regard des constatations opérées par le juge pénal quant à la matéria-
nomination illégal sans délai dès lors qu’il a été obtenu par fraude par lité des faits commis et à leur qualification pénale 39. Il n’y a que dans
la production d’un faux diplôme,elle peut toutefois préférer choisir la le cas où l’intéressé a été relaxé au motif qu’il n’a pas commis l’infrac-
voie disciplinaire. La jurisprudence est dans ce cas davantage favo- tion que l’autorité de la chose jugée par la juridiction répressive im-
rable pour les fonctionnaires concernés dès lors que le choix n’est plus pose au juge administratif d’en tirer les conséquences quant à
binaire, la sanction infligée devant alors être proportionnée. l’absence de valeur probante des éléments retenus par
l’Administration 40.

L’acte administratif obtenu par fraude – Un acte créateur de droits précaires : B. - L’appréciation du caractère proportionné de la
AJDA 2014, p. 782.
29. V. CAA Bordeaux, 7 mars 2006, n° 03BX00064, C +, Cne Le Brouilh-
sanction
Monbert, jugeant « qu’en conséquence, et à supposer même que la circonstance
que Mme B. ne pouvait ignorer qu’elle n’était pas titulaire du baccalauréat 8 - Le fonctionnaire ayant menti sur la détention d’un diplôme
puisse être regardée comme une fraude entachant sa nomination initiale en encourt une sanction disciplinaire. « La décision par laquelle une au-
1976 en qualité de secrétaire de mairie et que les maires de Le Brouilh-Monbert torité administrative inflige, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire,
et de Biran et le président du SIVOM de Baïse de Biran puissent se fonder une sanction à un agent placé sous ses ordres a pour seul objet de tirer, en
légalement sur une telle circonstance pour retirer leurs arrêtés de nomination
intervenus en 1993, ils ne peuvent utilement s’en prévaloir pour soutenir qu’ils vue du bon fonctionnement du service, les conséquences que le compor-
auraient été tenus de s’opposer, avant même la notification du retrait de sa tement de cet agent emporte sur sa situation vis-à-vis de
nomination, à la reprise de fonctions de l’intéressée ; que s’ils se prévalent l’administration » 41. Il incombe à l’autorité investie du pouvoir disci-
également de ce que la nomination de Mme B. a, en tout état de cause, été plinaire, en l’absence de disposition législative contraire, d’établir les
rétroactivement annulée par arrêtés exécutoires des 20 et 22 mars 2002,
faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent
ceux-ci ne sont toutefois pas devenus définitifs en raison des recours pour excès
de pouvoir formés à leur encontre par l’intéressée ».
30. Par ex. CE, ass., 12 avr. 1935, Sarovitch : Lebon, p. 520. – CE, sect., 17 juin
35. Par ex. CE, 2e et 7e ss-sect. réunies, 9 mai 2011, n° 315097, P.
1955, Silberstein : Lebon, p. 334. – CE, 17 mars 1961, Todeschini : Lebon,
p. 157. – CE, sect., 29 nov. 2002, n° 223027, Assistance publique – Hôpitaux de 36. Par ex. CAA Bordeaux, 5 mai 2015, n° 13BX01674, L.
Marseille : Lebon, p. 414 ; JCP A 2003, 1003, note D. Jean-Pierre. 37. Par ex. CE, 27 mai 2021, n° 436815, min. Intérieur. C’est pourquoi « Le moyen
31. Lebon, p. 334. tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est
d’ordre public et peut être invoqué pour la première fois devant le Conseil
32. CE, sect., 29 nov. 2002, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille, préc.
d’Etat, juge de cassation ».
33. CAA Marseille, 18 juin 2013, n° 11MA02681, Cne Muy.
38. CE, 2e et 7e ss-sect. réunies, 23 déc. 2009, n° 306497, N. : JurisData n° 2009-
34. CAA Paris, 17 avr. 2020, n° 18PA01811, Centre hospitalier du Sud Seine-et- 017409 ; JCP A 2010, act. 17.
Marne, jugeant qu’« Il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle aurait cherché
39. Par ex. CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 27 juin 2005, n° 224192, M. : JurisData
à dissimuler sa situation administrative par des manœuvres frauduleuses
n° 2005-068724. – CE, 30 déc. 2013, n° 356775, D. : JCP A 2014, act. 61.
destinées à induire en erreur l’établissement hospitalier. Si le centre hospitalier
du Sud Seine-et-Marne fait valoir que Mme B. ne pouvait ignorer qu’elle devait 40. CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 2 févr. 2011, n° 327760, R. : JurisData n° 2011-
être recrutée par voie de concours interne et accomplir un stage afin d’être 001064 ; JCP A 2011, act. 110.
titularisée dans le corps des cadres de santé paramédicaux, cette circonstance, à 41. CE, 4e et 5e ch. réunies, 17 mai 2006, n° 268938, B. : JurisData n° 2006-
la supposer établie, n’est pas de nature à caractériser l’existence d’une 070130 ; JCP A 2006, 1212, note D. Jean-Pierre ; JCP A 2006, act. 460, obs.
manœuvre frauduleuse ». M.-C. Rouault ; Dr. adm. 2006, comm. 154, note A. Taillefait.

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public et elle peut en rapporter la preuve par tout moyen 42, dans le décision Deleuze 51, en dépit d’une vaine tentative d’enfermer cette
respect du principe de loyauté 43. Il appartient au juge de l’excès de action dans un délai raisonnable 52 jusqu’au vote de l’article 36 de la
pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits
à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire consti- et obligations des fonctionnaires limitant à 3 ans 53. Dans ce litige
tuent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction ayant donné lieu à la décision précitée du 12 mars 2004, l’agent
retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes selon l’arrêt concerné avait fait figurer dans son dossier administratif un faux
Dahan 44.Trois étapes doivent être distinguées dans le raisonnement : diplôme puisqu’elle était titulaire depuis 1982 d’un baccalauréat
1°) la matérialité des faits est-elle établie, 2°) les griefs reprochés « économique et social » et non du baccalauréat « secrétariat médical ».
présentent-ils un caractère fautif ? 3°) la sanction prononcée est-elle L’intéressée avait par la suite obtenu en 1997 une licence puis une
proportionnée ? L’autorité de nomination comme le juge doivent maîtrise en 2002 correspondant aux fonctions de documentaliste
apprécier les faits fautifs reprochés à l’agent dans leur ensemble 45, qu’elle exerçait. La Haute Juridiction relève qu’elle ne pouvait pas
étant précisé que, évidemment, la seule circonstance que l’agent ne ignorer que son recrutement initial près de 20 ans auparavant était
soit pas l’auteur du faux diplôme n’est pas de nature à ôter aux faits irrégulier, alors au surplus que le directeur de l’établissement public
était son beau-père. Toutefois, ses évaluations, ses qualifications et ses
matériellement établis leur caractère de faute de nature à justifier le
compétences ne justifiaient pas la sanction prononcée pour cette
prononcé d’une sanction disciplinaire 46.
faute commise deux décennies auparavant. De même, a été jugée
Il n’y a finalement – et heureusement, mais peut-être est-ce faute disproportionnée la révocation en 2012 d’un fonctionnaire, compte
de détection – qu’assez peu de décisions rendues par les juridictions tenu des fonctions exercées, de son niveau hiérarchique et de la cir-
administratives sur cette question 47. Le Conseil d’État a jugé dans constance que les conditions d’accès à un emploi de catégorie C n’im-
une décision lue le 12 mars 2004, Société Établissement public dépar- posent pas d’être titulaire d’une licence, ayant depuis son entrée en
temental CAT Foyer Louis Philibert, « qu’il appartient au juge admi- fonction totalement donné satisfaction au seul motif qu’il avait lors
nistratif, saisi d’une demande tendant à l’annulation d’une sanction de son engagement en 2000 produit un faux diplôme de licence en
prononcée pour des faits anciens, d’apprécier, eu égard notamment au sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS)
temps écoulé depuis que la faute a été commise, à la nature et à la gravité lors de la constitution du dossier préalable à sa nomination 54.. Pour
de celle-ci et au comportement ultérieur de l’agent, si la sanction pro- autant, mentir sur la possession d’un diplôme peut justifier une révo-
noncée présente un caractère proportionné » 48. Cette affaire qui avait cation. Dans un cas soumis à la cour administrative d’appel de Lyon,
alors trait à l’imprescriptibilité des poursuites disciplinaires 49 cette dernière a confirmé la sanction de révocation infligée à une
concernait la révocation d’un agent. L’ancienneté des faits doit être aide-soignante qui avait menti s’agissant de l’obtention du certificat
prise en compte ainsi que l’estime la Haute Juridiction. À cette date, il d’aptitude professionnelle (CAP) d’aide médico-psychologique en
n’existait pas en l’absence d’exigence constitutionnelle 50 et de texte fournissant à son futur employeur une copie du diplôme falsifié
en ce sens de prescription en matière disciplinaire conformément à la qu’elle avait indiqué avoir obtenu en juillet 1996. Ce n’est que bien
plus tard, en juin 2017, à l’occasion de la dématérialisation des dos-
siers des personnels, qu’il lui a été demandé de produire l’original de
42. CE, sect., 16 juill. 2014, n° 355201, G. : JurisData n° 2014-016003 ; JCP A son diplôme et que la supercherie fut découverte. La juridiction d’ap-
2014, act. 597 ; JCP A 2014, act. 630, obs. L. Erstein ; RFDA 2014, p. 924, concl.
V. Daumas ; Dr. adm. 2014, comm. 73, note G. Evaillard.
pel lyonnaise a considéré que « Mme M., a exercé, depuis le moment de
son recrutement jusqu’à sa révocation, ses fonctions en méconnaissance
43. CE, sect., 16 juill. 2014, n° 355201préc.
de cette obligation et sur la base d’un mensonge à son employeur. La
44. CE, ass., 13 nov. 2013, n° 347704, D. : JurisData n° 2013-025560 ; Lebon,
p. 279 ; JCP A 2014, 2241, note D. Bailleul ; JCP A 2014, 2093, note D. circonstance, à la supposer démontrée, qu’elle aurait pu obtenir ce di-
Jean-Pierre ; JCP A 2013, act. 886, obs. N. Mandin Dr. adm. 2014, comm. 11, plôme par validation des acquis de l’expérience, expérience au demeu-
note A. Duranthon. – CE, 16 févr. 2015, n° 369831, Cne Saint-Dié-des- rant acquise sur la base d’un diplôme falsifié, est sans influence sur la
Vosges : JurisData n° 2015-002827 ; JCP A 2015, act. 217, obs. F. Tesson. – CE, gravité de la faute ainsi commise. Par suite, en dépit du caractère ancien
25 janv. 2016, n° 391178, P. : JurisData n° 2016-001001 ; JCP A 2016, act.
104, obs. F. Tesson. de la présentation frauduleuse de son faux diplôme, c’est sans erreur
45. Par ex. CE, 15 mai 2009, n° 311151, Centre de long séjour – Maison de retraite
d’appréciation que le directeur du centre hospitalier de Néris-les-Bains a
de Vallauris : JurisData n° 2009-075524. pu décider de lui infliger la sanction de révocation » 55.
46. CAA Bordeaux, 5 mai 2015, n° 13BX01674, L. Les cas dans lesquels les gestionnaires sont confrontés à ces réalités
47. V. CE, 18 janv. 1901, Walsin-Esterhazy : Lebon, p. 37. restent assez limités, mais le choix de retirer la nomination ou de
48. CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 12 mars 2004, n° 367260 : JurisData n° 2014- sanctionner l’agent emporte des conséquences procédurales et
005268 ; AJDA 2014, p. 1446, note F. Melleray ; JCP A 2014, 2182, note D. contentieuses bien différentes. S’agissant des conditions d’entrée
Jean-Pierre ; CFP 2014, n° 343, comm. Ph. Thiellay. dans la fonction publique comme de maintien dans celle-ci,ce type de
49. V. E. Aubin, L’imprescriptibilité des poursuites disciplinaires dans la fonction situation peut être rapproché de celles dans lesquelles l’Administra-
publique : JCP A 2015, 2077. tion ayant découvert les antécédents judiciaires comme les compor-
50. Cons. const., 25 nov. 2011, n° 2011-199 QPC, G. : JurisData n° 2011-026275 ; tements répréhensibles d’un de ses agents et estimant ceux-ci
RD rur. 2012, comm. 50, note C. Lebel ; Dr. adm. 2012, comm. 31, note C.
Froger : « Considérant qu’aucune loi de la République antérieure à la
incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, engage des poursuites
Constitution de 1946 n’a fixé le principe selon lequel les poursuites discipli- disciplinaires à son égard, qui est la seule procédure applicable 56.Á
naires sont nécessairement soumises à une règle de prescription ; que, dès lors,
le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient un principe
fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prescription 51. CE, ass., 27 mai 1955, Deleuze : Lebon, p. 296. – V. également CE, 14 juin
des poursuites disciplinaires doit être écarté ». S’agissant de son entrée en 1991, Aliquot : Lebon T., p. 1023.
vigueur, « lorsqu’une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition 52. V. par ex. CAA Marseille, 13 déc. 2011, n° 09MA03062, Prodan : AJDA 2012,
spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’une note G. Peiser. – CAA Marseille, 29 janv. 2013, n° 11MA02224, Canadas. Ce
action disciplinaire dont l’exercice n’était précédemment enfermé dans aucun dernier arrêt est celui censuré par CE, 12 mars 2014, n° 367260.
délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux
53. V. L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 19, portant droits et obligations des
procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir
fonctionnaires. – CGFP, art. L. 532-2.
qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle » (CE, 2e et 7e ch. réunies,
20 déc. 2017, n° 403046, de France : JurisData n° 2017-026065 ; Lebon T. ; 54. CAA Nancy, 20 mars 2014, n° 13NC00800, Communauté urbaine de Stras-
JCP A 2018, act. 33, obs. M. Touzeil-Divina). Autrement dit, l’action est bourg.
prescrite pour les faits antérieurs au 20 avril 2019. 55. CAA Lyon, 30 juin 2021, n° 19LY01684, M.

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Fonctions publiques et RH ÉTUDE 2381

56. CE, 5 nov. 2016, n° 380763, Université de la Nouvelle Calédonie : JurisData n° 2016-026832 ; Lebon T., p. 628-788-806-933 ; JCP A 2016, act. 965 ; Dr. adm. 2017,
act. 21 : « si l’autorité administrative peut se fonder sur les dispositions du 3° de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 mentionnées ci-dessus pour refuser de nommer
ou titulariser un agent public, elle ne peut légalement, s’agissant d’un agent en activité, prononcer directement sa radiation des cadres au motif que les mentions portées
au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l’exercice des fonctions ; qu’à ce titre, il appartient, le cas échéant, à l’autorité administrative
d’engager une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au casier judiciaire de l’agent et, si cette procédure
disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, de prononcer sa radiation des cadres par voie de conséquence ». – CE, 3 mai
2023, n° 438248 : Lebon. T., JCP A 2024, note S. Deliancourt, à paraître. - V. également, Le contrôle des antécédents judiciaires des agents publics, Les informations
administratives et juridiques, févr. 2023, p. 2.

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