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kalthoum Ben Attia DROIT DE TRAVAIL

Chapitre 3
Rupture du contrat de travail

L’article 14 du code de travail qui prévoit : « le contrat de travail prend fin par les
causes suivantes :
• L’expiration de la durée pour les contrats à durée déterminée.
• L’accord des deux parties.
• La volonté de l’une des parties suite à une faute grave de l’autre partie.
• L’impossibilité d’exécution du travail pour force majeure
• Le décès du salarié.
• La résiliation du contrat par le juge.
• La force de la loi. »
Parmi ces causes, c’est la rupture par la volonté unilatérale de la part de l’employeur
qui pose des problèmes d’où il serait utile de définir le licenciement pour le
distinguer des autres modes de rupture du contrat de travail et d’en préciser le
régime juridique.

Section 1 : Notion du licenciement


Le licenciement est un acte juridique unilatéral par lequel l’employeur met fin à un
contrat de travail à durée indéterminée.
Le licenciement est différent des autres modes de rupture du contrat de travail parce
qu’il est soumis à des règles de forme et de fonds spécifiques.

Paragraphe 1 : Le licenciement et la démission


La démission est un acte juridique unilatéral par lequel le salarié met fin à un contrat
de travail à durée indéterminée.
La distinction entre démission et licenciement est très importante parce qu’en cas de
démission le salarié n’a droit à aucune indemnité.
Toutefois, le code de travail se limite à l’exigence d’un préavis un mois avant l’acte
de rupture sauf dispositions différentes des conventions collectives de travail.
La convention collective cadre prévoit dans son article 20 que la démission ne peut
résulter que d’une demande écrite du travailleur marquant sa volonté non équivoque
et incontournable de quitter définitivement l’entreprise.
Ces conditions visent à éviter les démissions fictives ou les licenciements déguisés
et permettent de déduire qu’une démission intervenue sans respect de délai de
préavis est qualifiée comme abusive et donne droit à des dommages et intérêt au
profit de l’employeur.

Paragraphe 2 : Le licenciement et la rupture d’un accord commun


Il s’agit d’une rupture du contrat par l’accord des deux parties appelée en pratique
« départ négocié ».

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Cette pratique présente l’avantage de la flexibilité, elle vaut mieux qu’une rupture
unilatérale imposée d’où on y fait recours souvent en cas de difficultés économiques
de l’entreprise.

Paragraphe 3 : Le licenciement et la résiliation judiciaire


Le contrat de travail peut prendre fin par la résolution prononcée par le juge dans les
cas prévus par la loi.
Ce mode de rupture est en pratique très rare puisque que le législateur a permis la
rupture du contrat de travail unilatéralement par l’une de ses parties en cas de faute
de l’autre partie et ce sans obligation de recourir au conseil de prud’hommes.
L’intérêt de la résiliation judicaire c’est que l’employeur ne serait pas dans l’obligation
de payer au salarié les indemnités relatives au licenciement.

Paragraphe 4 : Le licenciement et la rupture de plein droit


La rupture de plein droit est une rupture systématique par exemple suite à une force
majeure qui entraîne une impossibilité définitive de poursuivre l’exécution du contrat
de travail.
Dans ce cas aucune des parties n’est responsable de cette rupture d’où il ne s’agit
pas d’un licenciement et le salarié n’a droit à aucune indemnité, il en est de même en
cas de maladie grave et prolongée du salarié et la fin du contrat de travail suite à la
retraite du salarié.

Paragraphe 5 : Le licenciement et la résiliation anticipée du contrat


de travail à durée déterminée
Le contrat de travail à durée déterminée ne peut pas être rompu par la volonté
unilatérale avant l’arrivée de son terme sauf en cas de faute grave commise par
l’autre partie.
La rupture anticipée du contrat à durée déterminée par l’employeur n’est pas
qualifiée de licenciement d’où l’application du régime de licenciement est exclue
dans ce cas. En effet l’article 24 du code de travail prévoit que l’indemnité résultant
de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée par la volonté de l’employeur
est calculée par un montant égal à la rémunération correspondante à ce qui reste
de la durée de travail ou à la rémunération correspondante au travail non encore
accompli.

Section 2 : Le droit commun du licenciement


Le droit commun de licenciement c’est l’ensemble des règles de forme et de fond
applicables au licenciement hors les cas spécifiques.
Le licenciement doit respecter une procédure déterminée et il doit être justifié par à
l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

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Paragraphe 1 : La procédure du licenciement


1. La procédure peut être légale et générale si elle est prévue par le code de
travail Par application de l’article 14 bis l’employeur doit notifier au salarié un préavis
de rupture du contrat par lettre recommandée un mois avant la rupture sauf délai
différent prévu par les conventions collectives. L’employeur doit indiquer dans cette
lettre les motifs de licenciement. Le préavis est obligatoire sauf en cas de faute
grave et de force majeure.
Le délai d’un mois commence à s’écouler de la date de réception de la lettre de
licenciement. Au cours du délai de préavis, le contrat de travail est maintenu donc le
salarié continue à travailler et il a droit au salaire.
L’article 14 bis du code de travail accorde au salarié le droit de s’absenter pendant
toute la deuxième moitié de la période de préavis pour rechercher un autre emploi.

Le même article dans son deuxième alinéa ajoute que l’absence du salarié durant
cette période serait considérée comme durée de travail effectif donc elle serait
calculée dans l’ancienneté du salarié et elle ne peut pas entraîner une réduction des
rémunérations ou des primes.

Le salarié licencié sans délai de préavis a droit à une indemnité appelée « indemnité
de préavis » dont le montant correspond à un mois de salaire sauf dispositions plus
favorables des conventions collectives de travail.

2. La procédure peut être légale et spéciale si elle est prévue par la loi dans des
cas déterminés telles que les procédures exigées en cas de licenciement pour
motifs économiques et techniques (articles 21 et suivant) ou du licenciement d’un
salarié délégué du personnel ou représentant du personnel au sein de la commission
consultative (Article 166 ).

3. La procédure peut être conventionnelle si elle est exigée par la convention


collective cadre ou les conventions sectorielles ou agréées.
Généralement les conventions collectives de travail exigent le respect des
procédures disciplinaires et précisément :
• L’obligation de tenir un conseil de discipline sauf en cas de jugement définitif
condamnant le salarié à une peine privative de liberté pour infraction commis par
lui à l’occasion du travail ou non ou en cas de poursuite du salarié en flagrant
délit pour vol ,escroquerie ou abus de confiance lors de l’exécution de son travail.
• La convocation du salarié devant le conseil 3 jours avant la date de sa tenue
• Le respect des droits de la défense devant le conseil disciplinaire.
• La composition du conseil de discipline et le déroulement de ses délibérations.

Par ailleurs l’article 14-3 du même code prévoit que le licenciement intervenu sans
respect des procédures légales, règlementaires ou conventionnelles est considéré
comme abusif même s’il est motivé par une cause réelle et sérieuse.

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Paragraphe 2 : Les motifs du licenciement


D’après l’article 14-3 du code du travail le licenciement est abusif s’il n’a pas une
cause réelle et sérieuse le justifiant.
Le législateur n’a pas défini la cause réelle et sérieuse mais il a accordé au juge le
pouvoir de contrôle et d’appréciation de l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

A- La notion de la cause réelle et sérieuse


La cause du licenciement doit remplir deux conditions cumulatives, d’où elle doit être
à la fois sérieuse et réelle.
1- La cause réelle : la cause est réelle si elle est objective, exacte et existante.
 La cause du licenciement est existante lorsque la faute reprochée au salarié est
établie ou prouvée.
 La cause est objective lorsque les motifs invoqués se sont traduits par des faits
concrets qui peuvent être vérifiés par le juge c’est ainsi que l’insuffisance de
rendement ne peut servir comme cause de licenciement que s’il est établi que le
rendement du salarié est inférieur au rendement objectivement exigé par les
normes de production.
 La cause est exacte : c’est-à-dire elle est le véritable motif de licenciement c’est le
cas d’un salarié licencié pour insuffisance professionnelle alors que le véritable
motif de licenciement est son activité ou sa qualité syndicale. Dans ce cas le
licenciement est qualifié comme abusif par ce que la cause n’est pas exacte
donc elle n’est pas réelle.
2- La cause sérieuse : La cause du licenciement est sérieuse si elle est d’une
certaine gravité pour le bon fonctionnement de l’entreprise et si elle constitue un
obstacle réel à la continuation du contrat de travail.
La cause sérieuse du licenciement peut résulter soit d’une situation objective du
salarié telle que l’insuffisance professionnelle due à l’inaptitude du salarié à
s’adapter à l’évolution technologique soit d’une faute du salarié.
La faute peut être classée selon sa gravité ou sa nature.
L’article 14-4 du code de travail prévoit que « la faute grave est considérée comme
l’une des causes réelles et sérieuses justifiant le licenciement. »
En cas de faute grave le salarié sera licencié sans droit à l’indemnité et sans préavis.
Le code de travail cite des exemples de fautes graves qu’on peut regrouper en trois
catégories :
 La faute disciplinaire : c’est la faute relative à la violation de l’organisation de
travail à l’intérieur de l’entreprise. On peut citer dans ce cadre :
• La négligence dans l’exécution de travail qui peut entraver le fonctionnement
normal du travail ou léser les intérêts de l’entreprise.
• Le non respect des règles relatives à la sécurité au cours de l’exécution de
travail.
• La présence en travail en état d’ivresse ou la consommation de l’alcool au
cours de l’exécution du travail

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• L’abstention de sauver une autre personne ou les biens de l’entreprise en


danger.
• Commettre des actes de violence à l’encontre d’une autre personne au cours
de l’exécution du travail.
• Recevoir des avantages et des privilèges en relation avec le fonctionnement
de l’entreprise et contre son intérêt.
 La faute contractuelle : C’est une faute qui résulte d’une violation des clauses du
contrat ou des obligations qui en découlent d’où on peut citer :
• Le refus d’exécution des ordres et des instructions de l’employeur relatifs au
travail sans motivation.
• L’absence non motivée ou non autorisée du salarié.
• La divulgation des secrets professionnels hors les cas prévus par la loi.
• La réduction de la production due à une insuffisante professionnelle établie.
 La faute pénale : La faute du salarié peut constituer une infraction c’est le cas
par exemple de :
• L’abus de confiance pour l’intérêt personnel du salarié ou d’une autre
entreprise.
• L’abus des biens de l’entreprise qui ont été mis à sa disposition en raison de
son poste de travail.
• Le vol des biens de l’entreprise.

B- Le contrôle du juge de la cause réelle et sérieuse


Par application de l’article 14-5 du code de travail, il appartient au juge d’apprécier
l’existence de la cause réelle et sérieuse de licenciement nonobstant de la
qualification faite par l’employeur ou le conseil disciplinaire.
Selon la jurisprudence la cause est sérieuse et réelle lorsqu’elle est existante,
exacte, objective et si elle rend impossible le maintien de la relation contractuelle
c'est-à-dire si elle présente un dommage sérieux pour l’entreprise.
La jurisprudence tunisienne a aussi confirmé dans ce cadre le principe de la
proportionnalité entre la gravité de la faute du salarié et la sanction disciplinaire
d’où une faute simple ne peut pas justifier le licenciement.
Le juge apprécie la cause réelle et sérieuse sur la base des moyens de preuve qui lui
sont présentés par les deux parties d’où la charge de la preuve est partagée entre
l’employeur et le salarié.

C- Sanction du licenciement sans cause réelle et sérieuse


Le licenciement sans cause réelle et sérieuse est considéré comme abusif et il est
sanctionné par des dommages et intérêt dont le montant varie entre 1 et 2 mois de
salaire pour chaque année de service sans dépasser un plafond de 3 années de
salaires quelque soit l’ancienneté du salarié.

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Paragraphe 3 : Les droits du salarié licencié

A- La gratification de fin de service


Tout salarié ayant un contrat de travail à durée indéterminée qui a été licencié a
droit à une gratification de fin de service sauf en cas de faute grave ou par force
majeure.
Cette indemnité est calculée en raison d’un jour de salaire par mois de service
effectif sans dépasser un plafond de trois mois de salaire quelque soit l’ancienneté
du salarié. Ce barème est applicable sauf dispositions plus favorables des
conventions collectives ou du contrat.

B- L’indemnité de préavis :
L’indemnité de préavis est donnée au salarié en cas de non respect de préavis sauf
en cas de faute grave ou de rupture par force majeure.
Cette indemnité est de un mois de salaire sauf dispositions plus favorables des
conventions collectives. C’est une indemnité qui ne se confond pas avec la
gratification de fin de service.

C- L’indemnité de licenciement abusif


L’indemnité de préavis et la gratification de service ne se confondent pas et elles
s’ajoutent à l’indemnité de licenciement abusif (dommages et intérêt).
On distingue entre deux types de licenciement abusif :
1- Le licenciement abusif pour non respect de la procédure
Dans ce cas l’indemnité est due par le salarié même si le licenciement est justifié par
une cause réelle et sérieuse.
Le montant de l’indemnité dans ce cas varie entre un et quatre mois de salaire.
2- Le licenciement abusif pour absence de cause réelle et sérieuse
Le montant de l’indemnité dans ce cas varie entre un et deux mois de salaire par
année de service sans dépasser un plafond de trois années de salaire.
Ces indemnités ne se confondent pas c'est-à-dire que le salarié peut percevoir
et cumuler l’indemnité de préavis, la gratification de fin de service et les dommages
et intérêts pour licenciement abusif.
Toutefois, si le licenciement est abusif à la fois pour non respect des procédures
et pour absence de cause réelle et sérieuse le salarié ne peut pas cumuler les deux
indemnités de licenciement abusif. D’où le juge considère qu’il s’agit d’un
licenciement abusif pour absence de cause réelle et sérieuse et le salarié aura droit
à une indemnité qui varie de un à deux mois de salaire par année de service.

Il est à noter que par application de l’article 23 du code de travail, le salarié ne peut
pas renoncer à ces indemnités par une clause contractuelle.
L’action en justice pour obtenir les dommages et intérêt doit être présentée au greffe
du conseil de prud’hommes dans une année de la date de la rupture de la relation
de travail.

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D- Le certificat de travail
Le salarié a droit d’obtenir un certificat de travail à la fin du contrat. Ce certificat doit
indiquer la date d’entrée et la date de sortie de l’entreprise, la nature de l’emploi
occupé par le salarié et la formule « est libre de tout engagement. »

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