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FICHE 6

LA RUPTURE
DU CONTRAT DE TRAVAIL

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CHAPITRE 1
Le licenciement pour motif personnel

Pendant longtemps le Droit du travail a été dominé par un principe : la liberté de rompre.
Cette solution puise ses origines dans la révolution française qui proclame le principe
fondamental de la liberté du travail au travers du décret d’Allarde des 2-17 mars 1791.
L’article 1780 du code civil va traduire l’apport de la révolution française: « on ne peut
engager ses services qu’à temps ou pour une entreprise déterminée ». La possibilité de
rompre le contrat est donc désormais perçue comme un droit, chaque partie peut donner
congé à l’autre sous réserve de respecter un préavis.
La jurisprudence, appliquant l’article 1780 du Code civil va en déduire que la rupture du
contrat de travail puisqu’elle est l’exercice d’un droit n’est pas en soi source de
responsabilité. En conséquence, le droit du licenciement va s’exercer pendant des années de
façon quasi discrétionnaire. Devant certains abus et la multiplication des contestations la loi
du 27 décembre 1890 va modifier l’article 1780 du code civil. L’article est donc remanié, il
énonce désormais que : « le louage de services fait sans détermination de durée, peut
toujours cesser par la volonté de l’une des parties contractantes. Néanmoins, la résiliation du
contrat par la volonté d’un seul des contractants peut donner lieu à des dommages et
intérêts ». La résiliation unilatérale du fait de l’employeur, peut désormais être sanctionnée
lorsque le chef d’entreprise a fait de son droit un usage abusif. Le droit abusif pour le chef
d’entreprise de rompre le contrat n’existe plus. L’abus de droit va apparaître dans le cas où
le licenciement s’explique par l’animosité de l’employeur vis-à-vis de son salarié : il y a
intention de nuire. La responsabilité de l’employeur peut également être engagée en raison
des circonstances qui entourent le licenciement et notamment lorsqu’il a été prononcé dans
des conditions vexatoires c’est-à-dire avec une légèreté blâmable ou dans le but d’humilier
le salarié. Sont également abusifs les licenciements prononcés en violation d’un Droit du
salarié : participation à une grève licite, appartenance syndicale ou violation de la vie privée
et familiale.
Cependant rares sont les employeurs sanctionnés, l’abus de droit ne donne pas les résultats
escomptés car l’employeur peut en effet, toujours mettre fin au contrat de travail dès lors
qu’il invoque l’intérêt de l’entreprise. L’insuffisance professionnelle est par exemple
incontrôlable car l’employeur est seul juge de l’aptitude du salarié à remplir l’emploi. De
même lorsque la faute disciplinaire est établie le juge ne peut substituer son appréciation à
celle de l’employeur sur l’importance de la sanction. En conséquence une faute légère peut

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déboucher sur un licenciement. Avec les difficultés économiques et la montée du chômage
la théorie civiliste de l’abus de droit se révèle inefficace. Le législateur va intervenir et avec la
loi du 13 juillet 1973, des restrictions importantes vont être apportées au droit du
licenciement. Sur le plan formel, l’employeur devra pour rompre le contrat de travail,
respecter une procédure stricte. Quant au fond, le droit de licencier est désormais
subordonné à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse.

SECTION 1 : LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT

I) Le déroulement de la procédure
L’employeur qui désire licencier un salarié doit désormais respecter plusieurs étapes qui
vont de la convocation du salarié à l’entretien préalable, au déroulement de l’entretien et à
la notification du licenciement, la lettre de licenciement fixant les limites du litige.

A) La convocation du salarié : art L 1232-2 du code du travail


L’employeur (ou son représentant) qui envisage de licencier un salarié doit avant toute
décision, convoquer l’intéressé à un entretien préalable.
La convocation est faite par lettre recommandée, elle peut aussi être remise en main propre
contre décharge. La Cour de cassation, considère également que « l’envoi de cette
convocation par le système de transport rapide dit Chronopost qui permet de justifier des
dates d’expédition et de réception de la lettre, ne pouvait constituer une irrégularité de la
procédure de licenciement » (cass.soc. 8 février 2011, JCP 2011, S, J. 1199),
http://courdecassation.fr/publications_26/arrets_publies_2986/chambre_sociale_3168/201
1_3710/fevrier_378.
La lettre de convocation doit à peine d’irrégularité de la procédure contenir certaines
indications (art. R .1232-1 c.Trav). En premier lieu, il faut préciser l’objet de la convocation :
un licenciement est envisagé. En second lieu, la convocation doit indiquer, la date, l’heure,
(de préférence pendant le temps de travail sinon l’employeur devra payer la durée de
l’entretien en temps de travail) et le lieu de l’entretien. Doit enfin être mentionnée la faculté
offerte au salarié de se faire assister. Si dans les entreprises dotées de représentants du
personnel le salarié trouve sans difficulté un assistant, il n’en va pas de même dans celles qui
en sont dépourvues. C’est pourquoi si une entreprise ne comprend pas de représentants du
personnel, le salarié peut se faire assister par une personne extérieure : le conseiller du
salarié. Dans ce cas, le salarié choisira un conseiller sur une liste dressée par le préfet et qui
est disponible à l’inspection du travail ou à la mairie. La lettre de convocation indiquera
l’adresse des services.

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Depuis l’ordonnance du 24 juin 2004, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq
jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou
sa remise en main propre contre un récépissé. On notera que le délai de cinq jours prévu par
la loi ne recommence pas à courir en cas de report de l’entretien préalable à la demande du
salarié (cass.soc. 24 novembre 2010, RJS 2011, n° 115),
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000023144539

B) L’entretien préalable : art L 1232-3 code du travail


L’entretien préalable est obligatoire. Cependant, lorsque le salarié a commis une faute,
l’employeur peut procéder à une mise à pied conservatoire dès qu’il a connaissance de la
faute.
Au cours de l’entretien, l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs de la décision
envisagée et il va recevoir les explications du salarié. L’objectif de l’entretien préalable est
d’inciter les parties à dialoguer et il convient de ne pas détourner l’entretien préalable de sa
finalité. De même sauf abus, les paroles prononcées par le salarié pour réfuter les griefs
invoqués contre lui ne peuvent pas constituer une cause de licenciement : il doit pouvoir
s’exprimer librement. On notera également que l’entretien préalable doit se tenir dans une langue
compréhensible pour les deux parties.
L’entretien préalable ayant un caractère personnel, il ne peut se dérouler en présence
d’autres collègues de travail même si une mesure de licenciement est également envisagée à
l’encontre de ces derniers. Par ailleurs, le fait de porter à la connaissance du personnel, sans
motif légitime les agissements d’un salarié nommément désigné, constitue une atteinte à la
dignité de celui-ci de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte
d’emploi.
C) La notification du licenciement : art L 1232-6 du code du travail
Ce n’est qu’après avoir entendu le salarié que l’employeur prend une décision. Si
l’employeur décide de licencier son salarié, il doit notifier le congédiement par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception (simple règle de preuve, l’envoi d’une
lettre simple ne rend pas la procédure irrégulière). Cette lettre ne peut être expédiée moins
de deux jours ouvrables après la date à laquelle le salarié a été convoqué à l’entretien
préalable. Ce délai de principe a pour but d’éviter une décision précipitée. La loi n’impose
pas à l’employeur un délai maximum entre la date de l’entretien et celle de l’envoi de la
notification du licenciement. Toutefois si le motif invoqué est disciplinaire, la lettre de
licenciement ne peut être envoyée plus d’un mois après la date de l’entretien préalable (art.
L 1332-2 c.trav).
C’est la date de présentation de la lettre recommandée qui fixe le point de départ du délai-
congé (art L 1234-3 c.trav). Mais la rupture du contrat de travail se situe le jour où
l’employeur envoie la lettre recommandée de licenciement. On notera enfin que le
licenciement est un acte unilatéral sur lequel l’employeur ne peut revenir sans l’accord du
salarié.

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D) Le contenu de la lettre de licenciement
La lettre de licenciement doit toujours énoncer le ou les motifs de licenciement c’est-à-dire
les faits qui aux yeux de l’employeur justifient sa décision. La Cour de cassation a précisé ce
qu’il faut entendre par cela : le motif ne doit pas être vague car l’énonciation d’un motif
imprécis équivaut à une absence de motifs. Cette solution s’explique par la finalité de la
lettre de licenciement, le salarié doit comprendre pourquoi il a été congédié. Ainsi
l’insuffisance professionnelle est un motif précis sur lequel on peut discuter. Au contraire la
perte de confiance, le manque de motivation ou les difficultés relationnelles ne constituent
pas des motifs précis. Il faut un grief objectif et matériellement vérifiable, ce qui permet au
juge de contrôler le caractère réel et sérieux du licenciement. La motivation de la lettre est
d’autant plus importante que l’indication des motifs lie l’employeur. Devant le conseil de
prud’hommes, l’employeur ne peut se prévaloir que du ou des motifs qui figurent dans la
lettre de licenciement. On peut donc affirmer que c’set la lettre de licenciement qui fixe les
limites du litige.

II) Les sanctions des irrégularités procédurales

Jusqu’au 18 décembre 2017, le salarié qui avait deux ans d’ancienneté et s’il travaillait dans
une entreprise de 11 salariés, et en présence d’un licenciement prononcé pour une cause
réelle et sérieuse, pouvait prétendre à une indemnité pour procédure irrégulière. Si le
licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, l’irrégularité de fond absorbait
l’irrégularité de forme et le salarié ne pouvait cumuler deux indemnités mais percevait une
seule indemnité, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À compter du 18 décembre 2017, date de publication du décret d'application de l'article 4 de
l'ordonnance du 22 septembre 2017. Ainsi, si le licenciement survient sans que la procédure
ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, l'indemnité accordée au salarié est
d'un mois de salaire maximum (C. trav., art. L. 1235-2).
Pour pouvoir prétendre au versement d'une indemnité pour irrégularité de procédure, le
salarié doit démontrer l'existence d'un préjudice (Cass. soc., 30 juin 2016, no 15-16.066 ;
Cass. soc., 13 sept. 2017, no 16-13.578).
L'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement est due notamment en cas de
non-respect des règles relatives à la convocation à l'entretien préalable, au déroulement de
l'entretien préalable, à l'assistance du salarié, etc.
Depuis le 18 décembre 2017, constitue également une irrégularité de procédure et non un
vice de fond, l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, dès lors que le salarié
n'a pas demandé à l'employeur de préciser ces motifs dans les conditions fixées par les
articles L. 1235-2 et R. 1232-13 du Code du travail. Une telle insuffisance de motivation
ouvre droit à une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire.
A contrario, si le salarié a demandé des précisions à l'employeur, l'insuffisance de motivation
prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

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En présence d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et avant l’ordonnance 2017-
1387 du 22 septembre 2017, si le salarié n’avait pas deux ans d’ancienneté ou s’il travaillait
dans une entreprise de moins de 11 salariés, le salarié obtenait une indemnité qui était
fonction du préjudice subi. Dans les cas contraires, le salarié pouvait prétendre à une
indemnité minimale représentant six mois de salaire.
Depuis l’ordonnance précitée, et pour tous les licenciements postérieurs au 24 septembre
2017 (date de publication de l’ordonnance), le législateur a mis en place un barème
d'indemnisation (article L. 1235-3 du Code du travail) (voir page 8 et suivantes).
Pour certaines irrégularités en matière de procédure de licenciement pour motif
économique, l'indemnité pour irrégularité de la procédure peut néanmoins se cumuler avec
l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans la limite des montants
maximaux prévus par le barème d'indemnisation (C. trav., art. L. 1235-3).
Lorsque le licenciement irrégulier est, au surplus, déclaré nul, la Cour de cassation considère
que l'irrégularité de procédure doit être réparée par le juge, soit par une indemnité distincte,
soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du
licenciement (Cass. soc., 23 janv. 2008, no 06-42.919). Tel sera le cas par exemple d'un
salarié licencié pour faute simple, pendant une période de suspension du contrat de travail
liée à un accident du travail, sans qu'ait été respecté le délai légal entre la convocation et la
date de l'entretien préalable .
Le barème s’impose au juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, en
cas de litige, si le salarié ou l’employeur refuse la réintégration dans l’entreprise, proposée
par le conseil de prud’hommes lorsqu’elle est possible, le juge doit accorder au salarié une
indemnité dont le montant, variable, dépend de son ancienneté et s’exprime en mois de
salaire brut (C. trav. art. L 1235-3, al. 1 et 2). Ce barème s’impose également en cas de
résiliation judiciaire du contrat de travail ou de prise d’acte du contrat de travail jugée aux
torts de l’employeur.
Le juge prud’homal conserve ainsi le pouvoir d’apprécier le préjudice subi par le salarié qui
est abusivement licencié par l’employeur. Il peut notamment tenir compte, pour fixer le
montant de l’indemnité, de l’âge du salarié au moment de la rupture, de sa difficulté à
retrouver un emploi, de la perte d’avantages financiers, etc. Mais cette liberté
d’appréciation est désormais encadrée par le barème.
Si le salarié travaille dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés,
l’indemnité est comprise entre un minimum et un maximum. Si le licenciement intervient
dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le minimum est moins
élevé pour les 10 premières années d’ancienneté.

Toutefois, l’application du barème est exclue en cas de nullité du licenciement constatée par
le Juge dans les cas suivants :
- violation d’une liberté fondamentale, entendue comme une atteinte au droit de grève, au
droit d’ester en justice ou à la liberté syndicale
- faits de harcèlement moral ou sexuel ;
- licenciement discriminatoire ;
- licenciement faisant suite à l’action en justice du salarié en matière d’égalité
professionnelle ;
- licenciement faisant suite à la dénonciation par le salarié de crimes et délits ;

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- exercice d’un mandat par un salarié protégé ;
- protection attachée au congé de maternité ou de paternité et au statut de victime
d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Textes applicables :

Article L1235-2 Code du travail :

« Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16
et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à
son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en
Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en
ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de
l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de
licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre
droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de
motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux
dispositions de l'article L. 1235-3.
Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement
d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L.
1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure
conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée,
mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de
l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ».

Article L1235-2-1 Code du travail :

« En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte
atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge
d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans
l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de
l'article L. 1235-3-1. »

Article L1235-3 Code du travail :

« Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le
juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses
avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une
indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants
minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

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Ancienneté du salarié dans Indemnité minimale Indemnité maximale
l'entreprise (en mois de salaire (en mois de salaire
(en années complètes) brut) brut)
0 Sans objet 1
1 1 2
2 3 3,5
3 3 4
4 3 5
5 3 6
6 3 7
7 3 8
8 3 8
9 3 9
10 3 10
11 3 10,5
12 3 11
13 3 11,5
14 3 12
15 3 13
16 3 13,5
17 3 14
18 3 14,5
19 3 15
20 3 15,5
21 3 16
22 3 16,5
23 3 17
24 3 17,5
25 3 18
26 3 18,5
27 3 19
28 3 19,5
29 3 20
30 et au-delà 3 20

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En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze
salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés
à l'alinéa précédent :

Ancienneté du salarié dans l'entreprise Indemnité minimale


(en années complètes) (en mois de salaire brut)
0 Sans objet
1 0,5
2 0,5
3 1
4 1
5 1,5
6 1,5
7 2
8 2
9 2,5
10 2,5

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des
indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de
licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L.
1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent
article ».

Article L1235-3-1 Code du travail :

« L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est
entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas,
lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que
sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de
l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.
1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et
L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à
une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en
raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles
L. 1225-71 et L. 1226-13.

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L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des
dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés
en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du
travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans
préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle ».

Article L1235-3-2 Code du travail :

« Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur
ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L.
1451-1, le montant de l'indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l'article L.
1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas
mentionnés au 1° à 6° de l'article L. 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier
alinéa du même article L. 1235-3-1.
Article L1235-4 Code du travail :

« Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L.
1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux
organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié
licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois
d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas
intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la
personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de
l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L.
5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon
des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une
contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte
tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire ».

Article L1235-5 Code du travail :

« Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté
dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement
moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de
chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L.
1235-11 ».

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SECTION 2 : LA CAUSE REELLE ET SERIEUSE DU LICENCIEMENT

Depuis la loi du 13 juillet 1973, l’employeur ne peut plus rompre le contrat de travail pour
n’importe quel motif. Désormais le licenciement doit reposer sur une cause réelle et
sérieuse.

I) La notion de cause réelle et sérieuse

A) La cause réelle
Par motif réel, il faut entendre une cause qui existe, une cause exacte, une cause objective.
1) Une cause existante

Le motif avancé par l’employeur sera considéré comme réel s’il existe véritablement. C’est le
juge qui vérifiera l’existence du motif. Si par exemple, un aide-soignant est licencié parce
qu’il accomplit mal sa fonction, le juge vérifiera comment ce salarié effectue sa prestation
de travail.
2) Une cause exacte

L’exactitude de la cause est souvent confondue avec l’existence de la cause. Il est évident
que la cause alléguée par l’employeur est inexacte si elle n’existe pas. Mais l’inexactitude de
la cause peut jouer un rôle original, le salarié ne conteste pas les faits allégués, mais il
considère que ces faits ne sont pas le véritable motif de licenciement. On va donc regarder si
le motif allégué ne dissimule pas une cause inavouable comme l’activité syndicale du salarié
ou la participation à une grève ou encore le témoignage effectué par la salariée au cours de
la procédure de divorce de l’employeur (cass.soc. 28 octobre 1981, Bull Civil 1981, V, n°836),
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007008509
3) Une cause objective
Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation va admettre la perte de confiance
comme cause de licenciement. Or, la perte de confiance est par définition un état d’esprit,
un phénomène subjectif. C’est le sentiment personnel de l’employeur qui est pris en
considération. Ainsi, une salariée a été licenciée car son mari l’a été précédemment et
l’employeur craint que celle-ci n’épouse les querelles de son mari (cass.soc. 26 juin 1980,
Voisin, Bull civ 1980, V, n°573),
http://legimobile.fr/fr/jp/j/c/civ/soc/1980/6/26/79-40859/
La Cour de cassation, va mettre un terme à cette jurisprudence contestable le 29 novembre
1990 (cass.soc. 29 novembre, D. 1991, 190).
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007025428

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L’arrêt, pose en principe « qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne du
salarié doit être fondé sur des éléments objectifs, la perte de confiance alléguée par
l’employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement ». Ainsi, un employeur ne peut
plus licencier un employé parce que son épouse travaille dans une société concurrente. Le
risque d’une concurrence qui explique une éventuelle perte de confiance est un motif
subjectif. Or, on doit invoquer des éléments objectifs, comme par exemple la commission
d’actes positifs de concurrence déloyale pour justifier le licenciement. Mais pour que le
licenciement soit justifié, il faut encore que ces éléments objectifs soient réels et sérieux. Un
arrêt du 29 Mai 2001 vient enfin préciser que « la perte de confiance de l’employeur ne peut
jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur de
éléments objectifs, que seuls ces éléments objectifs peuvent le cas échéant, constituer une
cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour
l’employeur ». En l’espèce, la perte de confiance s’expliquait par un élément objectif : des
anomalies de gestion. Mais, les juges ont estimé que ces anomalies n’avaient pas un
caractère suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement.

B) La cause sérieuse
La cause doit non seulement être réelle mais aussi sérieuse. La cause sérieuse est une cause
revêtant une certaine gravité qui rend impossible sans dommage pour l’entreprise, la
continuation du contrat. Ainsi, un salarié peut être physiquement inapte à occuper le poste
pour lequel il a été embauché (inaptitude constatée par le médecin du travail). Ce motif qui
est bien réel, n’est pas forcément sérieux, il faut regarder si l’entreprise ne peut sans
dommage pour elle, reclasser le salarié.

II) Principales applications

A) La faute disciplinaire
Le licenciement peut être prononcé à titre de sanction d’une faute disciplinaire. Depuis la loi
du 13 juillet 1973, il existe une hiérarchie des fautes :
1) La faute sérieuse
Pour rompre le contrat de travail, il faut au moins une faute sérieuse. Une faute légère ne
peut pas être cause de licenciement. La faute sérieuse peut être révélée par une
désobéissance, des retards répétés ou encore par le non-respect des consignes de sécurité.
La faute sérieuse justifie donc le licenciement mais avec préavis et versement de l’indemnité
de licenciement.
2) La faute grave
Depuis le 27 septembre 2007 (cass.soc. 27 septembre 2007 JCP, S, J.1934),

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000019660734&fastReqId

12
=782702191&fastPos=5&oldAction=rechJuriJudi, la cour de cassation a supprimé toute
référence au délai de préavis. Elle se présente désormais comme « celle qui rend impossible
le maintien du salarié dans l’entreprise ».
Souvent par la faute grave l’entreprise est atteinte dans sa prospérité, sa réputation ou sa
sécurité vis-à-vis des collègues de travail ou des clients. Il s’agit par exemple d’un vol commis
au préjudice de l’employeur, de violences physiques exercées au temps et lieu de travail ou
encore de la consommation de substances illicites dans l’entreprise (cass.soc. 1 er juillet 2008,
JCP, s, 2008, J.1509),
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00019127838&fas.
La faute grave prive le salarié du préavis et de son indemnité de licenciement. Il ne touchera
que son indemnité de congés payés.
3) La faute lourde
En droit du travail, la faute lourde suppose l’intention de nuire à l’entreprise ou à
l’employeur. Le salarié a la volonté de causer un dommage (Droit social 1991, Chronique p.
105, la faute lourde du salarié, G. Couturier), un travailleur détruit volontairement un fichier
informatique de l’entreprise. Dans la caractéristique de la faute lourde, il y a un élément
intentionnel qui va entraîner des conséquences très sévères pour le salarié en cause : tout
d’abord, il sera privé de toute indemnité, y compris l’indemnité de congés payés. Mais
surtout, la faute intentionnelle permet de rechercher la responsabilité civile du salarié
devant les tribunaux.

B) L’insuffisance professionnelle
Il y a insuffisance professionnelle lorsque le salarié est inapte à remplir les tâches pour
lesquelles il a été embauché. Il y a inexécution ou mauvaise exécution, mais involontaires,
des obligations nées du contrat de travail. Il n’y a donc pas faute car celle-ci suppose un acte
volontaire du salarié. Le salarié est tout simplement incapable d’exercer correctement son
travail. L’employeur n’a donc pas à respecter la procédure disciplinaire.
L’insuffisance professionnelle est un motif de licenciement si elle repose sur des faits précis,
objectivement vérifiables. On pourra établir sa réalité par le témoignage de clients ou encore
par des comparaisons chiffrées avec les résultats des autres travailleurs de l’entreprise. Elle
ne doit pas trouver sa cause dans une mauvaise organisation de l’entreprise.
C) L’insuffisance de résultats
Parfois, le contrat de travail d’un salarié fixe un résultat, des objectifs à atteindre. Peut-
on le licencier si le salarié ne parvient pas à les obtenir ? Pour constituer un motif de
licenciement, l’insuffisance de résultats doit reposer sur des éléments objectifs qui vont
prendre appui sur trois critères :

13
- 1er critère, les objectifs doivent être raisonnables et compatibles avec le marché.
Les juges vont regarder l’évolution du secteur d’activité de l’entreprise. Si, la non
réalisation des objectifs fixés résulte d’une mauvaise politique de la société ou de
la crise économique, le licenciement n’est pas fondé.
- 2ème critère, les objectifs fixés doivent être compatibles avec la qualification et la
formation du salarié.
- 3ème critère, l’employeur doit fournir au salarié les éléments et les moyens de
réaliser les objectifs fixés.

D) La mésentente entre les salariés


C’est une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu’elle est corroborée par des
éléments objectifs (incidents violents, réflexion désobligeantes sur l’ensemble du
personnel…). Mais la rupture ne peut être justifiée que si la continuation du contrat s’avère
impossible. On tiendra compte à cet égard de l’attitude du chef d’entreprise, il doit faire
régner le bon ordre en essayant d’aboutir à une réconciliation des intéressés. La Cour de
cassation incite à muter le salarié lorsque cela devient possible.

E) La maladie, l’inaptitude physique


Le contrat de travail du salarié est suspendu. Le licenciement est illicite (art L 1132-1 c.
travail) car il porte atteinte aux droits fondamentaux du salarié. Pour autant, tout
licenciement n’est pas interdit, mais la cause doit être recherchée non dans la maladie du
salarié mais dans la perturbation apportée au bon fonctionnement de l’entreprise (absences
répétées, maladie prolongée). Mais encore faut-il s’assurer dans les deux cas précités de la
nécessité d’un remplacement définitif du salarié. Si on peut remplacer le salarié absent par
un salarié sous contrat à durée déterminée, le licenciement n’est pas justifié. Une même
analyse s’impose si l’on peut répartir temporairement la charge du travail entre les autres
salariés.
Pour l’inaptitude, l’interdiction est la même. Le licenciement d’un salarié en raison de son
inaptitude sans constat de celle-ci par le médecin du travail est frappé de nullité. Avant de
licencier le salarié, l’employeur a une obligation de reclassement (art L. 1226-2 c. trav). Le
licenciement ne sera possible que si le reclassement s’avère impossible.

III) La preuve de la cause réelle et sérieuse

A) La charge de la preuve

L’article L 1235-1 du code du travail prévoit « qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient
d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs
invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties

14
après avoir ordonné, au besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ». La charge
de la preuve n’incombe donc pas à l’une ou l’autre des parties. C’est au juge d’établir la
preuve à partir des éléments fournis par les parties. Le doute profite cependant au salarié.
En matière de discrimination, le droit européen a contribué à faire évoluer la charge de la
preuve. Désormais l’article L 1134-1 du code du travail, instaure un partage entre le
demandeur et le défendeur. Dans un premier temps le demandeur est tenu d’établir une
présomption simple de discrimination en sa faveur. Le salarié doit donc produire des
éléments de faits qui seront, le cas échéant complétés par des mesures d’instruction
ordonnées par le juge. L’employeur devra alors établir par des éléments objectifs qu’il n’y a
pas eu discrimination.

B) Les moyens de preuve

1) Les moyens de preuve utilisés par le salarié


Le salarié d’après la Cour de cassation, peut utiliser des moyens de preuve appartenant à
l’employeur. En effet, la chambre sociale considère que « le salarié peut produire en justice,
pour assurer sa défense dans le procès qui l’oppose à l’employeur, les documents de
l’entreprise dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».
De son côté, la chambre criminelle décidait que le fait de soustraire un document pour le
photocopier constituait le délit de vol, peu importait la circonstance que les photocopies
aient été réalisées en vue d’être produites dans une instance prud’homale. Elle a enfin
procédé à un revirement le 11 mai 2004. Elle affirme désormais que le salarié peut sans
autorisation de son employeur appréhender ou reproduire des documents de l’entreprise
dès lors qu’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans le litige
l’opposant à son employeur (cass.crim, 11mai2004, RJS 2004, n°887)
http://legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007065989
2) Les moyens de preuve utilisés par l’employeur
Avec le développement des nouvelles technologies, les techniques de surveillance des
salariés se sont multipliées, la caméra, les badges électroniques ayant progressivement
remplacé le contremaître. Il est légitime pour un employeur de surveiller l’activité de ses
travailleurs. La difficulté réside dans le fait de porter atteinte à un certain espace de vie
personnelle. C’est notamment la vie privée qui risque d’être mise en danger le salarié
pouvant être filmé ou écouté à son insu. Le contrat de travail ne peut légitimer de telles
situations. Le législateur est donc intervenu (art L 2323-32 code du travail)

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006901962&cidT
exte=LEGITEXT000006072050.
Tout moyen de preuve obtenu sans consultation préalable du comité d’entreprise est
irrecevable. Le délégué du personnel peut même agir en justice pour obtenir le retrait de ces
éléments de preuve obtenus par l’employeur grâce à des moyens frauduleux. Par ailleurs le

15
dispositif de contrôle doit le cas échéant faire l’objet d’une déclaration à la CNIL, voire même
obtenir pour ce faire une autorisation de cette administration. Le salarié doit également être
informé des techniques de surveillances mises en place. Le principe a été posé par la Cour de
cassation dans un arrêt rendu le 20 novembre 1991,
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007027512.
Toutefois dès lors que le chef d’entreprise n’a pas mis en place un dispositif spécifique visant
à surveiller le salarié, il n’a pas à informer celui-ci du procédé utilisé. Ainsi, les relevés de
facturation téléphonique qui sont adressés par la société France-Telecom à l’employeur
(cass.soc 15 mai 2001, RJS 2001, N° 830 2ème espèce),
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00007045554&fastReqId=581346970&fastPos=1.
Une même analyse s’applique au constat d’huissier : pour la Cour de cassation, ce n’est pas
un procédé clandestin de surveillance nécessitant l’information préalable du salarié. En
revanche, l’huissier ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve
(cass.soc. 18 mars 2008, JCP, S, 2008, J 1396)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00018397675&fastReqId=339143542&fastPos=18.
Il faut également s’assurer de la fiabilité des preuves recueillies. Les possibilités de
manipulations et de trucages rendent parfois incertaine la preuve obtenue. Enfin, on doit
veiller à préserver dans la mesure du possible les libertés du salarié. L’article L 1121-1 du
code du travail pose clairement le principe de la primauté des droits et liberté dans
l’entreprise.

IV) Les sanctions du licenciement sans cause réelle et sérieuse


Voir pages 5 à 10 ci-avant.
Pour rappel :
✓ 1ère sanction : la réintégration : le tribunal peut proposer la réintégration du salarié
dans l’entreprise avec maintien des avantages acquis. Mais l’employeur, comme le
salarié peuvent refuser cette réintégration
✓ 2ème sanction : une indemnité fixée par le Juge mais prise dans des barèmes
✓ 3ème sanction : une indemnité « non encadrée » et d’au moins six mois de salaire si
une nullité du licenciement est constatée
✓ 3ème sanction : le remboursement des indemnités de chômage (voir page 10). Le
tribunal peut condamner l’employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de
chômage, cette condamnation ne peut toutefois pas dépasser six mois d’indemnités
de chômage par salarié concerné.

16
CHAPITRE 2

Les autres modes de rupture du contrat de travail

SECTION 1 : LA RUPTURE D’UN COMMUN ACCORD


Les parties à un contrat sont libres, d’un commun accord de mettre fin à leur relation de
travail. Ce mode de rupture traditionnel n’est pas sans dangers. Un employeur peut en effet
être tenté de faire pression sur le salarié pour qu’il signe une rupture amiable en échange
d’une somme d’argent, parfois inférieure aux indemnités de licenciement. Le salarié fragilisé
n’est pas toujours au courant de ses droits, n’a pas toujours les moyens d’attendre les
longues années d’un procès aux prud’hommes. Dans ces conditions les ruptures dites
amiables ne peuvent qu’être entourées d’une certaine suspicion. Leur validité et leur effet a
été strictement encadrés par la jurisprudence. A ces ruptures amiables dites de droit
commun s’est ajoutée la rupture conventionnelle adoptée par L’ANI du 11 janvier 2008 sur
la modernisation du marché du travail et entériné par la loi du 25 juin 2008.

I) La rupture amiable de Droit commun


La Cour de cassation a fait en sorte que la rupture amiable ne soit pas un moyen trop facile
pour éviter l’application du Droit du licenciement. Le Droit du licenciement étant d’Ordre
Public, la validité des ruptures d’un commun accord a été cantonnée aux hypothèses dans
lesquelles le contournement du Droit du licenciement était le moins à craindre. Se fondant
sur les dispositions de l’article 1134 alinéa 2 du Code civil : « Les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de
leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées
de bonne foi ». La jurisprudence valide en principe ces accords mais les soumet à un régime
destiné à éviter qu’ils ne concurrencent les règles du licenciement.

A) Principe : Interdiction pour les salariés bénéficiant d’un statut protecteur


L’employeur ne peut conclure d’accord de rupture amiable avec un salarié protégé ni avec
une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

17
1) Rupture amiable reposant sur un motif personnel
La Cour de cassation, s’est également efforcée de réduire les possibilités de la rupture
amiable dans un contexte conflictuel afin d’éviter de concurrencer le droit disciplinaire.
Depuis 1996, la cour de cassation a ainsi opéré une très nette distinction entre la rupture
amiable du contrat de travail et la transaction. Lorsqu’un différend préexistait entre les
parties avant la rupture du contrat de travail, l’accord conclu ne saurait porter que sur les
conséquences de celle-ci. Il ne s’agit alors pas d’une rupture amiable mais d’une transaction
qui doit être annulée si elle a été conclue sans que le licenciement n’ait été valablement
notifié au salarié après la tenue d’un entretien préalable (cass.soc. 29 mai 1996, Droit Social
1996, p 684).

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007037317&dateText
e=.

En l’absence de différend antérieur à la rupture, les parties peuvent donc valablement


rompre à l’amiable le contrat de travail mais ne peuvent pas transiger sur les conséquences
de la rupture puisque par hypothèse il ne peut y avoir aucun différend qui justifierait la
conclusion d’une transaction.
2) Rupture amiable reposant sur un motif économique

Pour éviter que l’employeur ne détourne avec ce type de procédure basé sur les départs
négociés, les règles du licenciement pour motif économique, le législateur a imposé à partir
de 1992 le respect des procédures imposées par le code du travail pour toutes les ruptures
reposant sur un motif économique. Les conditions de validité de ces départs négociés pour
motif économique ont été précisées par deux arrêts rendus par la chambre sociale de la
Cour de cassation le 2 décembre 2003 (cass.soc, 2 décembre 2003, Bull. civ. 2003, V, N° 309)
qui ont consacré deux hypothèses où la rupture amiable est admise. La première vise le
salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique qui va proposer à son
employeur une rupture amiable de son contrat de travail s’il estime y avoir intérêt. La
seconde concerne les salariés qui concluent un accord de rupture amiable dans le cadre d’un
accord collectif mis en œuvre après consultation du comité d’entreprise.

B) Le régime de la rupture amiable


Lorsqu’il a été valablement conclu, l’accord de rupture amiable devient intangible et ne
pourra pas être contesté par les parties, à moins que l’une d’entre elles n’invoque
l’inexécution de l’accord pour en obtenir la résolution judiciaire. Lorsque l’accord amiable a
été annulé, il convient de requalifier la rupture du contrat de travail, en général en
licenciement et d’en tirer les conséquences au niveau des dommages et intérêts.

18
II) La rupture conventionnelle
Nouveau mode de rupture d’un commun accord, la rupture conventionnelle a été instituée
par la loi sur la modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 qui faisait suite à l’ANI du
11 janvier 2008. Ce mode de rupture est exclusif de la démission ou du licenciement.
L’article L 1237-11 du code du travail dispose que : « l’employeur et le salarié peuvent
convenir en commun de la rupture du contrat de travail qui les lie ». Cette rupture résulte
d’une convention signée par les parties au contrat et elle est soumise à certaines conditions.
Ce mode de rupture n’est pas applicable aux départs négociés dans le cadre des accords de
Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) et dans les plans de
sauvegarde de l’emploi (PSE). Par contre les salariés bénéficiant d’une protection
mentionnés aux articles L 2411-1 et L 2411-2 peuvent conclure une rupture conventionnelle,
la rupture conventionnelle est simplement soumise à l’autorisation de l’inspecteur du
travail.
A) La procédure
L’article L 1231-1 du code du travail dispose désormais que « le contrat de travail à durée
indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun
accord dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ».
L’employeur et le salarié qui souhaitent mettre fin à leur contrat de travail par le biais d’une
rupture conventionnelle doivent convenir du principe de celle-ci lors d’un ou plusieurs
entretiens, au cours desquels l’employeur et le salarié peuvent se faire assister : soit par une
personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit en l’absence
d’institution représentative du personnel dans l’entreprise par un conseiller du salarié choisi
sur une liste dressée par l’autorité administrative. Si le salarié décide de se faire assister, il
doit en informer l’employeur. Ce dernier a la faculté de se faire assister mais uniquement
quand le salarié fait lui-même usage de ce droit. Si l’employeur souhaite également se faire
assister, il en informe à son tour le salarié. L’employeur peut se faire assister par une
personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou dans les entreprises de
moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale
d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche (art L 1237-12 C.
trav).
Selon l’article L 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de
celle-ci. Elle doit également préciser le montant de l’indemnité spécifique de rupture
conventionnelle, qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou à
l’indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu’elle est plus favorable que l’indemnité
légale.

La convention indique également la date de rupture qui ne peut intervenir avant le


lendemain du jour de l’homologation. Pour autant il n’y a pas de délai de préavis dans le
cadre de la rupture conventionnelle.
A compter de la date de la signature de la convention de rupture, chacune des deux parties
dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer un droit de rétractation. Selon

19
l’article L 1237-13 alinéa 3 du Code du travail : « ce droit est exercé sous la forme d’une
lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie ».
La dernière étape consiste en une homologation. A l’issue du délai de rétractation,
l’employeur ou le salarié adresse au Directeur Régional des Entreprises de la Concurrence de
la Consommation du travail et de l’Emploi (DIRECCTE), une demande d’homologation (les
parties remplissent un formulaire type) accompagnée d’un exemplaire de la convention de
rupture. L’autorité administrative dispose alors d’un délai d’instruction de quinze jours
ouvrables à compter de la réception de la demande pour s’assurer du respect des conditions
de la négociation et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans
ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie (art L
1237-14 alinéa 2 du C.trav.).
L’article L 1237-14 alinéa 3 du Code du travail prévoit que : « l’homologation ne peut faire
l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention,
l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil de
prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif ». Ainsi,
malgré l’existence d’une décision d’une autorité administrative, la rupture conventionnelle
du contrat de travail relève de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes.
L’article L 1237-14 précise que le recours juridictionnel doit être formé à peine
d’irrecevabilité dans un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la
convention. On remarquera que le salarié dont le contrat est conventionnellement rompu
bénéficie de l’indemnité de chômage.

B) Rupture conventionnelle : champ d’application et motif économique


Ce dispositif ne s’adresse qu’aux salariés titulaires d’un contrat de travail à durée
indéterminée. Véritable révolution juridique, la rupture conventionnelle peut désormais être
utilisée pour rompre le contrat de travail des salariés protégés. Pour autant, si la résiliation
conventionnelle est maintenant autorisée, elle doit être soumise à l’autorisation préalable
de l’inspecteur du travail. La procédure d’homologation est donc écartée au profit d’une
procédure d’autorisation.

Cependant, la rupture conventionnelle est exclue pour les ruptures qui sont l’effet d’un plan
de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ou bien pour celles qui
s’accompagnent d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Mais qu’en est –il des autres
hypothèses ? La circulaire du 22 juillet 2008 a mentionné parmi les motifs de rejet d’une
demande d’homologation, le fait que la rupture conventionnelle s’inscrive « dans une
démarche visant à contourner des procédures et garanties légales ». Ensuite, la Direction du
Travail dans une instruction a précisé que la conclusion de ruptures conventionnelles
procède d’une fraude si l’employeur a volontairement étalé dans le temps la conclusion de
ces ruptures pour contourner les règles du licenciement pour motif économique et
notamment, pour rester en dessous des seuils d’interdiction. Par exemple, il pourrait y avoir
fraude si l’employeur a eu recours à plus de dix ruptures conventionnelles sur une période

20
de trente jours. Une fraude pourrait même être caractérisée si l’employeur a eu recours à
deux ruptures conventionnelles et a procédé dans le même temps à huit licenciements pour
motif économique. Enfin dans un arrêt fondamental du 9 mars 2011 (Cass.soc. 9 mars 2011,
JCP 2011, S, J. 1200),
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00023694470&fastReqId=15321628&fastPos=1, la chambre sociale a exigé que soient
comptabilisées les ruptures conventionnelles afin de déterminer si le seuil requis pour
engager la procédure de licenciement pour motif économique est atteint.
En définitive, la rupture conventionnelle économique semble possible sauf dans le cas où un
PSE s’impose et seulement si elle n’a pas pour objet de contourner le droit du licenciement
économique. Eu égard à la complexité qui résulte de ces limites, le meilleur conseil que l’on
puisse donner est d’éviter les ruptures conventionnelles pour motif économique.

C) Quelques objets de contentieux possibles


Une rupture conventionnelle pourra être annulée pour violence. Elle pourra être annulée
pour discrimination (art L 1132-1 du C.trav). On peut légitimement se poser la question de
savoir si, il est possible de recourir à la rupture conventionnelle alors qu’il existe un litige
entre les parties. Ceci a suscité des positions contradictoires des cours d’appel. La Cour de
cassation a tranché : « l’existence au moment de sa conclusion, d’un différend entre les
parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de
rupture conclue en application de l’article L 1237-11 du code du travail » (Cass.soc.23 mai
2013 N ° 12-13865 ; Cass. Soc. 3 juillet 2013 N° 12-19268)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027451922
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027670684.

A la différence donc des solutions naguère retenues pour la rupture amiable de droit
commun, la convention de rupture prévue par le Code du travail peut être négociée même
dans un contexte litigieux entre les parties.

La question s’est posée de savoir si une rupture conventionnelle pouvait être conclue
pendant les périodes de suspension du contrat de travail. Parfaitement possible lorsque la
suspension ne bénéficie d’aucune protection contre le licenciement (congé parental
d’éducation, congé sabbatique, congé sans solde etc…) elle est plus discutable dans le cas
contraire. En effet, si l’interdiction de rompre ne vise généralement que le licenciement et
non la rupture conventionnelle, il est permis néanmoins de se demander si la jurisprudence
de la Cour de cassation en matière de résiliation amiable qui visait à prohiber ce mode de
rupture vis-à-vis de certains salariés inaptes, que cette inaptitude soit d’origine
professionnelle ou non (salariés victimes d’accident du travail , femmes enceintes) ne va
pas continuer à s’appliquer au nom de la protection des salariés. Telle est l’orientation des
jurisprudences du fond et le sens des circulaires du 22 juillet 2008 et du 17 mars 2009. Dans
la circulaire du 17 mars 2009, l’administration précise que la loi ne vise pas tous les salariés

21
protégés mais seulement ceux mentionnés aux articles L 2411-1 et L 2411-2 du code du
travail à savoir le délégué syndical, délégué du personnel, élu du comité d’entreprise,
représentant du personnel au CHSCT, l’administration précise même que par salariés
protégés il faut aussi entendre : - les médecins du travail et les anciens salariés protégés
pendant les périodes de protection prévue par le code du travail (art L2411-3 C.trav). Elle
estime que sont impossibles les conventions de rupture dans tous les cas de suspension où
la rupture de droit commun était condamnée. La circulaire du 22 juillet 2008 précise quant à
elle que la rupture conventionnelle ne doit pas s’inscrire dans une démarche visant à
contourner des procédures et des garanties légales (périodes de protection de l’emploi,
accident du travail, maladie professionnelle, maternité, procédures de rupture pour
inaptitude médicale…).
Cependant, nous pourrions soulever quelques objections à la transposition de ces solutions à
la rupture conventionnelle. D’abord cette jurisprudence se fonde sur des textes précis qui
prohibent de fait une rupture à l’initiative de l’employeur (art L1226-9, art L 1225-4 et L
1226-11 C.trav). Or, la rupture conventionnelle s’exerce d’un commun accord (art L 1237-11
alinéa 2 C.trav), il ne s’agit pas d’une décision unilatérale de l’employeur. Ensuite, ces
solutions de la jurisprudence en matière amiable pouvaient s’expliquer par l’absence de
garanties vis-à-vis du salarié aussi bien en matière de procédure qu’en matière d’indemnités
de rupture et de droits à l’assurance chômage, ce qui n’est pas le cas en matière de rupture
conventionnelle. Au contraire celle-ci prévoit des garanties procédurales, une indemnité
minimale et le bénéfice des prestations de chômage. La Cour de cassation se dirige vers
cette voie, à la différence des solutions naguères retenues pour la rupture amiable de droit
commun, elle vient d’affirmer que la convention de rupture prévue par le Code du travail
peut être négociée même dans un contexte litigieux entre les parties : « l’existence, au
moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas
par elle-même la validité de la convention de rupture » (Cass. Soc, 23 mai 2013, RJS 2013, N°
534 ; Cass.soc, 3 juillet 2013 pourvoi N° 19268, Cass. Soc, 15 janvier 2014 pourvoi N° 12-
23942)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027451922;
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027670684;

http://www.courdecassation.fr/publications_26/arrets_publies_2986/chambre_sociale_316
8/2014_5884/janvier_5885/75_15_28363.html.

Mais surtout, elle vient de rendre un arrêt le 28 mai 2014 qui apporte un début de solution à
la question qui pouvait légitimement se poser : une salariée qui avait été placée en arrêt de
travail à la suite d’un accident du travail avait été déclarée apte avec réserves à la reprise du
travail. Elle n’avait invoqué aucun vice du consentement devant les juges du fond. La nullité
de la convention de rupture n’était donc pas encourue à ce titre. Par ailleurs, la Cour d’appel
avait retenu qu’il n’était pas établi que l’employeur ait voulu évincer les dispositions
relatives au reclassement du salarié en situation d’aptitude sous condition. Il en résulte,
d’une part que la rupture conventionnelle n’est pas fermée au salarié déclaré apte avec
réserve, et d’autre part, que c’est au salarié qui invoque la fraude de l’employeur dans le

22
recours à la rupture conventionnelle d’en démontrer l’existence, conformément au droit
commun (Cass.soc.28 mai 2014, N°12-28.082). Certes, cette jurisprudence n’est applicable
que si le salarié a donné librement son consentement.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000029015542.
La Cour de cassation vient de franchir une étape supplémentaire avec l’arrêt du 30
septembre 2014 (Cass. Soc. 30 septembre 2014 n°13-16297). En effet, elle vient par cette
décision préciser et étendre les circonstances dans lesquelles la rupture conventionnelle est
autorisée. Elle admet désormais la validité d’une rupture conventionnelle conclue au cours
de la suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail dès lors qu’il n’y a
pas fraude ou vice du consentement :
http://willemsconsultants.hautetfort.com/media/00/00/261080870.pdf
La solution retenue est en contradiction avec la position adoptée par le Ministère du travail,
aux termes de la circulaire du 17 mars 2009. L’administration du travail retenait que : « dans
le cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines
périodes de suspension du contrat (par exemple en vertu de l’article L.1226-9 etc…) la rupture
conventionnelle ne peut être signée pendant cette période ». Dans l’arrêt du 30 septembre,
la Cour de cassation écarte la protection accordée par l’article L 1226-1 du code du travail, ce
dernier ne vise que les ruptures unilatérales du contrat de travail par l’employeur (le
licenciement plus précisément). Or, en l’espèce il s’agit d’une rupture d’un commun accord,
qui ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle ne rentre donc pas pour la
chambre sociale de la cour de cassation dans le champ des règles protectrices instituées par
l’article L 1226-1 du code du travail. C’est pourtant au titre des règles protectrices que les
juges du fond estimaient jusqu’ici, qu’il était interdit de rompre le contrat de travail dans le
cadre d’une rupture conventionnelle durant les périodes de suspension consécutives à un
accident ou à une maladie professionnels. Cette solution qui peut surprendre et apparaître
défavorable pour le salarié s’explique néanmoins par les garanties qui encadrent les ruptures
conventionnelles (droit de rétractation, homologation) et la possibilité pour les salariés de
faire invalider les ruptures conventionnelles frauduleuses, ou celles pour lesquelles le
consentement aurait été vicié. Dans le cas présent la salariée victime d’un accident du travail
avait repris son travail à l’issue de son arrêt de travail, il est à noter qu’elle n’avait pas passé
de visite de reprise lors de son retour au travail. Cette décision lève une grande incertitude
qui pesait sur la rupture conventionnelle en cas d’accident du travail et de maladie
professionnelle. Reste à savoir si la juridiction suprême adoptera la même solution pour une
rupture conventionnelle conclue après la visite de reprise constatant une inaptitude totale
et donc en pleine période de recherche de reclassement. La même question reste posée en
matière de suspension du contrat de travail liée à un congé maternité. Par un arrêt du 25
mars 2015, la Cour de Cassation vient de décider que sauf cas de fraude ou de vice du
consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application
de l’article L 1237-11 du code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de
travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé maternité ainsi que pendant les
quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes. Cour de cassation, civile, Chambre
sociale, 25 mars 2015, 14-10.149, JCP, S, 8 avril 2015 Act 162

23
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000030409901

En l’état actuel de sa jurisprudence, ce que retient la Cour de cassation pour requalifier la


rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou annuler l’acte de
rupture conventionnelle, c’est avant tout le vice du consentement notamment quand celui-
ci est dû à un harcèlement moral (Cass. Soc, 30 janvier 2013, JCP, S, 2013, J.1112),
http://courdecassation.fr/publications_26/arrets_publies_2986/chambre_sociale_3168/201
3_4448/janvier_4449/165_30_25351.html.
Pour cela la Cour de cassation souligne que selon l’article L 1237-11 du code du travail, la
rupture conventionnelle doit être librement consentie et se référant aussi à l’article 1112 du
Code civil qui classe la violence parmi les vices du consentement, la Cour de cassation se
prononce en faveur de l’annulation.
Un autre problème peut être soulevé dans le cas d’irrégularité sur les conditions de forme de
la convention de rupture. Ainsi, dans un arrêt du 26 juin 2013, la chambre sociale de la Cour
de cassation approuve les juges du fond d’avoir prononcé la nullité de la clause de
renonciation des parties à tout recours mais elle confirme par contre que l’annulation de
cette clause irrégulière, contraire aux dispositions de l’article L 1237-14 du code du travail,
ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000027632704
La Cour de cassation a par contre confirmé la nullité d’une rupture conventionnelle dans un
arrêt du 6 février 2013, précisant qu’il est impératif de remettre au salarié un exemplaire de
la convention de rupture qu’il a signé d’une part pour qu’il puisse en demander
l’homologation comme l’employeur (art L 1237-14 C.trav) et d’autre part pour lui permettre
d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause,

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00027052408
Par contre dans un arrêt du 29 janvier 2014 la cour de cassation semble être en retrait par
rapport à cette décision. L’affaire posait la question de l’incidence d’une erreur commise
dans la convention de rupture, sur la date d’expiration du délai de rétractation. Nous savons
que ce délai de rétractation est de quinze jours calendaires (art L.1237-13 C.trav). La notion
de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine est comptabilisé ; le délai
démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au
quinzième jour à minuit. En outre lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour
férié ou chômé, il doit être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (art R 1231-1
C.trav, 642 CPC). Certes, dans cette affaire le formulaire de demande d’homologation
indiquait bien que le délai de rétractation était de quinze jours calendaires, mais la date
indiquée était erronée de trois jours. Pourtant pour la Cour d’appel cette erreur est sans
importance dans la mesure où la demande d’homologation avait été adressée à l’issue du
délai de rétractation. Il ne s’agissait donc que d’une erreur matérielle. La chambre sociale va
confirmer cette décision et rejette le pourvoi formé. Selon elle : « une erreur commise dans

24
la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L
1237-13 du code du travail ne pouvant entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu
pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité
d’exercer son droit à rétractation ».
http://www.courdecassation.fr/publications_26/arrets_publies_2986/chambre_sociale_316
8/2014_5884/janvier_5885/207_29_28372.html
Cette décision est surprenante par rapport à l’arrêt du 6 février 2013. Distinction difficile à
justifier dans la mesure où dans les deux cas, c’est l’expression d’un consentement libre et
éclairé du salarié qui est en jeu. La chambre sociale comme l’a si bien fait remarquer M Yann
Leroy (Semaine Sociale Lamy, 10 février 2014 p.6 et suivantes: Rupture conventionnelle :
hors vice du consentement point de salut !), ne s’oriente pas semble-t-il, dans une voie
faisant des règles de procédure entourant la rupture conventionnelle de véritables garanties
substantielles. Si au début de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure on a pu penser
que la Cour de cassation veillerait scrupuleusement au respect des garanties entourant la
rupture conventionnelle on peut remarquer que désormais la chambre sociale tient à
promouvoir ce nouveau mode de rupture du contrat de travail quitte à minimiser les sources
du contentieux. Il ne faudrait pas que cela entraîne une restriction de la capacité des salariés
à faire valoir leur droit en justice. La chambre sociale suit une logique contractuelle : il ne
s’agit pas de juger de la validité de la rupture du contrat de travail, qui n’a pas à être justifiée
par un motif légitime mais de valider l’accord qui met fin juridiquement à ce contrat. Pour la
Cour de Cassation il s’agit de ne pas affaiblir ce nouveau dispositif de rupture en l’exposant à
un risque important d’invalidation.
Enfin dans une série d’arrêt du 26 mars 2014 (Cass. Soc du 26 mars 2014 n° 12-21.136), la
cour de cassation a décidé qu’une transaction peut être valablement conclue après une
rupture conventionnelle si des exigences liées au calendrier et au domaine de la transaction
sont respectées. La transaction nous le savons n’est pas un mode de rupture du contrat de
travail, elle règle les conséquences de la rupture, elle ne peut être conclue que lorsque le
contrat a pris fin. En matière de licenciement pour que la transaction soit valable il faut que
le licenciement ait été notifié au salarié. Qu’en est-il pour la rupture conventionnelle ? La
cour de cassation applique les mêmes principes : pour les salariés ordinaires, la transaction
doit intervenir « postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par
l’autorité administrative », les salariés bénéficiant d’une protection mentionnées aux articles
L.2411-1 et L .2411-2 du code du travail, peuvent conclure une rupture conventionnelle,
celle-ci est soumise à autorisation de l’inspecteur du travail. Dans ce cas précis la transaction
ne pourra intervenir que « postérieurement à la notification aux parties de l’autorisation par
l’inspecteur du travail de la rupture conventionnelle ».
La transaction nous le savons est conclue dans le cas d’un différend entre les parties. Elle
suppose une contestation née ou à naître, chaque partie renonce alors à ses prétentions
moyennant des concessions réciproques.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000028798072

25
Par cette décision la Cour de cassation vient de décider que la transaction avait pour objet
de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution
sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Il en résulte deux
conséquences principales : le salarié dispose d’un délai de douze mois pour contester la
convention, l’homologation ou le refus d’homologation (art L 1237-14). En décidant que la
transaction ne peut porter sur la rupture, la chambre sociale affirme que la transaction ne
peut faire obstacle au délai de contestation. Enfin, le domaine de la transaction est
exclusivement circonscrit à l’exécution du contrat, à moins que la convention de rupture ne
comporte des éléments sur ce point. Dans ce cas, la transaction ne peut porter sur le même
champ. La transaction ayant pour objet de conclure un différend sur le contrat de travail est
donc nulle.
Ces nouvelles décisions ne peut être que saluées, elles ont le mérite d’offrir d’avantage de
sécurité juridique aux acteurs susceptibles de signer des conventions de rupture
conventionnelle et elles permettent de faciliter à la suite d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle, la gestion de certaines situations, notamment quand le salarié
souhaite quitter l’entreprise.

SECTION 2 : LA VOLONTE DE NE PLUS EXECUTER LE CONTRAT

I) La démission du salarié

La démission se distingue du licenciement par le fait que c’est le salarié qui exerce le droit de
résilier le contrat à durée indéterminée. Le congé donné par le salarié n’est assujetti à
aucune règle formelle : il peut être verbal comme écrit, il peut même résulter du seul
comportement du travailleur.
Deux interrogations doivent être résolues : il s’agit de préciser ce qu’est une démission puis
quel est le régime juridique de celle-ci.
A) La notion de démission

Pour retenir la notion de démission, la jurisprudence formule trois exigences : elle doit
résulter d’une manifestation de volonté libre, non équivoque et sérieuse.

1) Une volonté libre


L’initiative de la rupture émanant du salarié doit être la conséquence d’une décision prise
sans intervention de l’employeur. Le salarié décide de mettre fin au contrat pour des raisons
de convenances personnelles. Si l’employeur intervient dans la rupture pour une raison
quelconque, on ne peut pas retenir la notion de démission. Si on se trouve en présence
d’une guerre des nerfs, un employeur poussant à bout son salarié pour le pousser à
démissionner (mesures vexatoires, moqueries devant collègues…) dès lors que la démission
est intervenue sous l’effet de la contrainte, elle est frappée de nullité. De même quand
l’employeur ne respecte pas les conditions essentielles du contrat, la Cour de cassation

26
considère qu’il a contraint le salarié à démissionner. On songe notamment au salarié qui
quitte l’entreprise à la suite du non-paiement de son salaire ou de ses heures
supplémentaires. Lorsque le salarié démissionne en faisant état au moment de sa démission
de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte. Cette
dernière produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits
invoqués justifient la rupture ou dans le cas contraire, les effets d’une démission.

2) Une volonté non équivoque


On ne peut parler de démission que si la volonté du salarié, son comportement, ne laissent
planer aucun doute sur ses intentions. C’est ici la question délicate de l’absence du salarié,
sans explications qui doit être abordée. Pendant plusieurs semaines et malgré des appels
téléphoniques et lettres de rappel, le salarié ne donne plus de ses nouvelles. Pour la cour de
cassation, ces absences injustifiées du salarié, même de longue journée ne peuvent
caractériser une volonté non équivoque de démissionner si l’employeur considère que le
contrat est rompu, il sera condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3) Une volonté sérieuse


La décision prise par le salarié dans un mouvement d’humeur et rapidement rétractée n’est
pas une démission sérieuse et n’entraîne pas la rupture de son contrat de travail. Ainsi, la
volonté de démissionner n’est pas suffisamment affirmée lorsqu’un salarié déclare quitter
son poste, le quitte effectivement sous l’emprise de la colère, mais revient le reprendre
presqu’immédiatement.

B) Le régime juridique de la démission

1) La preuve de la démission
La charge de la preuve de la démission pèse sur celui qui l‘ invoque. L’employeur peut tout
d’abord être tenté d’invoquer une démission pour justifier l’absence de procédure de
licenciement et le non versement des indemnités de rupture. Plus souvent c’est le salarié qui
après avoir quitté son emploi, demande les indemnités de rupture dues en cas de
licenciement. Il doit alors établir que la rupture du contrat résulte bien d’un licenciement.

27
2) Le respect du préavis

Le salarié doit respecter le préavis, il ne peut mettre fin immédiatement à son contrat de
travail. La loi ne fixe pas la durée de celui-ci, elle renvoie aux conventions collectives, aux
usages ou au contrat de travail (art L 1237-1 du C.trav).

Pendant toute la durée du préavis, le salarié doit exécuter normalement les obligations
résultant du contrat de travail. A défaut l’employeur pourrait mettre fin au préavis en
invoquant la faute grave du salarié.
Si le salarié rompt brutalement le contrat de travail sans exécuter le préavis, il devra verser
à l’employeur une indemnité qui sera fonction de préjudice subi.

3) La démission abusive
Si le salarié peut reprendre librement sa liberté, il ne doit pas néanmoins commettre d’abus.
Selon l’article L 1237-2 du Code du travail « la rupture d’un contrat à durée indéterminée à
l’initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts pour
l’employeur ». En pratique, l’abus va se manifester si le salarié souhaite causer un préjudice
à l’entreprise. Il rompt par exemple le contrat à un moment où sa présence était
indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise.

4) Les allocations de chômage

En principe, le salarié démissionnaire est privé des allocations de chômage, celles-ci étant
versées aux travailleurs involontairement privés de leur emploi. Il en ira autrement si la
démission est considérée comme légitime par la commission paritaire de l’ASSEDIC. Le
salarié a droit aux allocations chômage si par exemple le salarié démissionne pour suivre son
conjoint qui change de résidence pour exercer un nouvel emploi, ou encore si sa décision est
causée par le non-paiement du salaire.

II) La prise d’acte par le salarié

A) La notion de la prise d’acte

La prise d’acte est un mode original de rupture du contrat de travail que la jurisprudence
réserve au salarié. Si ce dernier n’exécute pas ses obligations, l’employeur ne peut pas
considérer que le contrat est de ce fait rompu et prendre acte de la rupture du contrat. Dans
une série d’arrêts rendus le 25 juin 2003, la Cour de cassation affirme : « l’employeur qui
prend l’initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du
salarié doit mettre en œuvre la procédure de licenciement ; à défaut la rupture s’analyse en
un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». (Cass.soc.25 juin 2003, Droit social 2003, p.

28
814)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00007045912;
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00007045913&fastReqId=1847349684&fastPos=3
Au contraire un salarié qui reproche des faits à son employeur peut prendre acte de la
rupture de son contrat de travail. La prise d’acte se présente donc comme un acte juridique
qui entraîne la rupture du contrat de travail, de par le pouvoir reconnu à la volonté
individuelle du salarié. On notera que cette prise d’acte entrainant la rupture immédiate du
contrat de travail (Cass.soc. 4 juin 2008, JCP, S, 2008 J.1438), ne peut être rétractée.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000018947695 . L’arrêt du
14 octobre 2009 est venu confirmer cette jurisprudence (Cass.soc. 14 octobre 2009, RDT
2009,
P.712)http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000021168333.
Par ailleurs puisque la rupture est immédiate, il appartient à l’employeur de remettre tout
de suite à son salarié, le certificat de travail et l’attestation ASSEDIC.
En revanche, la prise d’acte de la rupture par le salarié entrainant la cessation du contrat de
travail à son initiative, il n’y a pas lieu d’ordonner à l’employeur de délivrer une lettre de
licenciement. En effet, même si les griefs invoqués par le salarié sont fondés, la rupture ne
constitue pas un licenciement, elle en produit seulement les effets.

B) Le régime juridique de la prise d’acte

1) Absence de formalisme
Selon la Cour de cassation, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à
aucun formalisme, elle peut donc présenter un caractère purement verbal. Bien
évidemment, rien n’interdit au salarié de notifier par écrit à son employeur la rupture du
contrat de travail, d’autant que pour la Cour de cassation « l’écrit par lequel le salarié prend
acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur ne
fixe pas les termes du litige, le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur
invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ».
Néanmoins la charge de la preuve des manquements de l’employeur incombe au salarié. Or,
il n’est pas toujours aisé pour ce dernier de prouver les faits justificatifs. Le salarié supporte
également le risque de la preuve : Lorsqu’un doute subsiste, il profite à l’employeur.

29
2) La question de l’exécution du préavis
Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail doit –il exécuter un préavis ?
Pour la Cour de cassation la prise d’acte de rupture entraîne la rupture immédiate du contrat
de travail, le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
Toutefois si le salarié a exécuté spontanément son préavis, cela est sans incidence sur
l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte.
3) Les effets de la prise d’acte

La prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits
invoqués justifient la rupture ou dans le cas contraire les effets d’une démission. Pour
obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié
doit démontrer que l’employeur a par son comportement, rendu impossible la poursuite de
la relation de travail. La règle a été énoncée par les arrêts du 25 juin 2003.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00007045912
La solution a mis un terme à une dérive jurisprudentielle contestable. Dans une décision en
date du 26 septembre 2002, la Cour de cassation avait en effet considéré que la prise d’acte
par le salarié était un licenciement même si les griefs énoncés par le salarié à l’encontre de
son employeur n’étaient pas fondés (Cass.soc 26 septembre 2002, RJS 2002 n° 1210. Mocka)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00007045012&fastReqId=939516506&fastPos=1
Le salarié pouvait donc procéder à son propre licenciement. Désormais, lorsque le salarié
prend acte de la rupture, celle-ci s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
uniquement si les faits invoqués le justifient. Le juge doit donc s’assurer si les faits invoqués
sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte. Dans ses arrêts du 26 mars 2014
(n°12-23634 et 12-35040) et du 12 juin 2014 (n°13-11448), la cour de cassation a rajusté sa
jurisprudence.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00028798019&fastReqId=7179113&fastPos=1
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000028798102
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00029081219&fastReqId=33719868&fastPos=1
Désormais le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du
contrat. Peut-on parler de faute grave de l’employeur ? D’une certaine façon, le critère est
proche de celui de la faute grave du salarié qui empêche la poursuite du contrat de travail,
même si la comparaison ne peut être totale. Le salarié ne peut plus prendre acte de la
rupture de son contrat si la poursuite du contrat n’est pas empêchée. Si un salarié invoque
un fait qui empêche la poursuite de son contrat mieux vaut en tirer les conséquences
rapidement. Si l’intéressé reste un an ou deux dans l’entreprise, sans protester ni réagir on

30
pourra lui reprocher de n’avoir pas réagi suffisamment tôt, ce qui pourrait s’interpréter
comme un reproche de ne pas avoir considéré que le manquement invoqué par la suite
compromettait la poursuite de la relation contractuelle. Ainsi le temps peut jouer comme
une circonstance atténuante : si le contrat se poursuit pendant des années sans que le
salarié se plaigne de la situation qu’il dénonce, il fragilise sa position. Désormais la Cour de
cassation distingue entre la modification elle-même qui est fautive et ses conséquences sur
la poursuite du contrat. Dans les hypothèses où la modification opérée n’empêche pas la
poursuite du contrat, le salarié peut toujours agir en exécution de son contrat. Par exemple
si l’employeur ne paie pas les salaires pendant deux ou trois jours, il est bien évidemment
fautif mais la gravité de ce manquement dépend de l’importance de l’inexécution. Dans ce
cas, elle n’est pas telle qu’elle empêche l’inexécution du contrat mais la voie du référé
prud’homal est ouverte au salarié.
En matière de prise d’acte de rupture, on notera que le débat ne peut s’engager que devant
le juge du fond. La loi du 1 er juillet 2014 n° 20146743 a introduit un nouvel article dans le
code du travail , l’article L 1451-1 qui précise que : « lorsque le conseil de prud’hommes est
saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du
salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur l’affaire est directement
portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa
saisine ». Ce texte répond, à la nécessité d’une décision judiciaire rapide visant à mettre fin à
l’incertitude entourant les effets juridiques d’une prise d’acte, tant pour l’employeur que
pour le salarié. En effet, le salarié qui use de cette voie pour mettre fin au contrat de travail,
ne bénéficie pas en principe de l’allocation de retour à l’emploi. Si la prise d’acte est
justifiée, le salarié a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et
à l’indemnité de licenciement. Il peut aussi prétendre au paiement d’une indemnité de
préavis. L’employeur peut également être condamné à rembourser aux Assedic les
allocations de chômage versées au salarié dans la limite des six mois. Lorsque la prise d’acte
n’est pas justifiée, elle produit les effets d’une démission et le salarié peut également être
condamné au versement de l’indemnité due au titre du préavis non exécuté.
Si la prise d’acte est le fait d’un salarié protégé, elle va produire soit les effets d’un
licenciement nul en raison de l’absence d’autorisation présentée par l’employeur, soit d’une
démission.

C) Concours de la prise d’acte avec d’autres modes de rupture


La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat. En conséquence si l’employeur
notifie un licenciement après une prise d’acte, le juge ne statuera que sur la prie d’acte.

La prise d’acte peut aussi être en concours avec une demande de résiliation judiciaire. La
prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, en sorte qu’il n’y a plus
lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

31
III) La résiliation judiciaire
L’article 1184 du Code civil prévoit la résiliation judiciaire du contrat pour le cas où l’une des
parties ne satisfera point à ses engagements c’est-à-dire en cas d’inexécution fautive par l’un
des contractants de ses obligations.
A) La résiliation judiciaire à l’initiative de l’employeur

Par un arrêt du 9 mars 1999 (D. 1999 p 365), la cour de cassation décide qu’en cas de faute
du salarié, l’employeur doit recourir au licenciement.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007039616&dateText
e=

Le rejet de la résiliation judiciaire sera confirmé le 13 mars 2001 (Cass.soc 13 mars 2001, JCP
2002, II, J.10562)
Une analyse aussi restrictive gouverne le CDD. La cour de cassation considère que la rupture
anticipée doit nécessairement s’inscrire dans le cadre de l’article L 1243-1 du code du travail.
En conséquence la résiliation judiciaire du CDD n’est pas recevable sauf faute grave ou force
majeure.

B) La résiliation judiciaire à l’initiative du salarié


Lorsque l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles, le salarié peut demander
la résiliation judiciaire du contrat. En pratique, une difficulté peut survenir car lorsque le
salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat, il continue à accomplir sa prestation
de travail. Si l’employeur licencie le salarié, le juge devra d’abord rechercher si la demande
en résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se
prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur. Une autre question restait en
suspens : à quelle date doit-on fixer la prise d’effet de la résiliation judiciaire ? Au jour de la
demande du salarié ? A la date de prononcé de jugement ? La Cour de cassation a tranché le
11 janvier 2007, elle décide « en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa
prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors
qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ». Lorsque la résiliation est
prononcée par le juge, elle est assimilée dans ses effets à un licenciement dépourvu de
cause réelle et sérieuse. Les arrêts du 12 juin 2014 (n° 13611448 et 12629063) distinguent
désormais comme en matière de prise d’acte la modification fautive et ses conséquences sur
la poursuite du contrat.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT0
00029081219&fastReqId=33719868&fastPos=1;
http ://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEX
T000029081046&fastReqId=993965501&fastPos=1

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