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CHAPITRE IV - La rupture du lien contractuel

L’originalité du droit du travail réside dans la faculté laissée à chaque partie de


mettre un terme unilatéralement au contrat de travail. La rupture du lien
contractuel sur initiative de l’employeur est qualifiée de licenciement (Contrat à
durée indéterminée) alors que lorsque c’est le salarié qui prend l’initiative de la
rupture, on parle de démission. Le lien avec le régime juridique du droit des
obligations est pourtant maintenu puisque les parties peuvent décider d’un
commun accord, de mettre fin au contrat de travail.

Section I – Les modes de rupture autres que le licenciement

Trois situations de rupture peuvent être évacuées dans cette section : la


démission, les départs négociés et la rupture du contrat à durée déterminée

A- La démission

La démission correspond à une rupture du contrat à durée indéterminée sur


initiative du salarié. Le principe est que le contrat de travail à durée
indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l’une des parties. Le salarié
qui démissionne est tenu de notifier sa volonté à l’employeur et de respecter un
délai de préavis dont la durée est fixée par voie conventionnelle ou
réglementaire. Cependant, contrairement à l’employeur qui est tenu de motiver
sa volonté de rompre unilatéralement le contrat de travail, le salarié qui
démissionne n’est pas obligé d’articuler un motif de démission. Cette liberté du
salarié est limitée par l’abus de droit car le travailleur qui démissionne ne doit
pas le faire de manière abusive.

Il arrive pourtant que le juge requalifie en licenciement certaines démissions,


notamment lorsque la démission n’est intervenue que sous la pression De
l’employeur ou suite à un harcèlement.

Le salarié démissionnaire n’a droit ni aux indemnités de licenciement ni à des


dommages et intérêts.
B – Les départs négociés

Ils correspondent à des ruptures concertées du contrat de travail, à durée


déterminée ou indéterminée. Ils ne sont pas véritablement réglementés en droit
sénégalais mais le législateur y fait expressément référence en matière de
licenciement pour motif économique. Les parties disposent de la liberté de fixer
la date de la rupture ainsi que les conditions financières de cette dernière

C – la rupture du contrat à durée déterminée

L’article L. 48 du Code du travail ne cite que trois causes de rupture du contrat


à durée déterminée : l’accord des parties, la faute lourde du salarié et la force
majeure. Deux critères sont retenus pour la qualification de la faute lourde :
l’extrême gravité du fait reproché au salarié et l’impossibilité du maintien du
contrat de travail.

La définition stricte des cas de rupture du contrat à durée déterminée manifeste


la volonté du législateur de verrouiller la rupture anticipée de ce type de contrat
de travail.

Section II – Le licenciement

Le législateur sénégalais opère une différence de régime juridique selon que le


motif invoqué par l’employeur pour rompre unilatéralement le contrat à durée
indéterminée est inhérent au salarié ou, au contraire, attaché à l’activité de
l’entreprise. Dans le premier cas, le licenciement est dit pour motif personnel et
dans le second, il s’agit d’un licenciement pour motif économique.

I - Le licenciement pour motif économique.

Le droit du travail sénégalais est allé dans le sens d’une certaine flexibilité de
son régime juridique. Cette flexibilisation se manifeste par l’adoption d’une
définition laconique et permissive du motif économique et une procédure
presque expéditive (A et B). Le législateur tente pourtant de se ressaisir en
réservant certains avantages au salarié licencié (C).
A – Un régime juridique flexible.

Les nouvelles dispositions légales du CT issues de la loi du 1er décembre 1997


se contentent de préciser que le licenciement économique est « tout
licenciement individuel ou collectif effectué par un employeur et motivé par une
difficulté économique ou une réorganisation intérieure ». Le législateur ne
donne aucune précision sur les difficultés économiques notamment leur nature,
intensité et caractéristiques. On serait amené à croire que toute difficulté
économique peut motiver un licenciement. La question de la réalité de la
difficulté semble donc être une question de fait relevant du pouvoir
d’appréciation du juge. L’article L. 60 du CT envisage aussi parmi les critères du
motif économique, la « réorganisation intérieure » sans pour autant indiquer les
caractères et motifs de ce dernier. La formule du droit français de « mutations
technologique » est plus apte à permettre au juge d’effectuer son contrôle. Le
régime juridique que le législateur attache à la procédure du licenciement pour
motif économique est tout aussi critiquable.

B – La procédure du licenciement pour motif économique

La loi du 1er décembre 1997 confirme le principe de la suppression de


l’autorisation administrative préalable de l’inspecteur du travail pour les
licenciements économiques. Cette autorisation n’est maintenue que pour le
licenciement du délégué du personnel. La disparition de ce contrôle à priori ne
laisse subsister qu’un contrôle judiciaire à posteriori. La fragilisation du régime
juridique du licenciement pour motif économique va cependant plus loin.
L’intervention de l’inspecteur du travail, qui doit être saisi par l’employeur, se
résume désormais à « exercer » ses « bons offices » sans que ces derniers ne
puissent lier l’employeur. Le cas échéant, lorsque l’employeur aura arrêté la liste
des licenciements, elle lui sera communiquée simplement.

L’intervention des délégués du personnel est tout aussi formelle. La loi se


contente d’obliger l’employeur à rencontrer les délégués du personnel dans le
but de rechercher avec ces derniers toutes les autres possibilités telles que la
réduction des horaires de travail, le chômage partiel, la formation ou le
redéploiement du personnel. Rien ne l’oblige cependant à trouver avec eux un
terrain d’entente contrairement au droit français où un plan de sauvegarde de
l’emploi doit être négocié chaque fois que le projet de licenciement pour motif
économique concerne plus de dix salariés.

A l’issue de la rencontre avec les délégués du personnel, et les bons offices


éventuels de l’inspecteur du travail, l’employeur établit la liste des futurs
licenciés et la transmet aux délégués du personnel qui lui expriment leur avis et
suggestions sur l’ordre des licenciements. A l’issue de cette seconde rencontre,
et sans que l’avis des délégués du personnel ne puisse lier l’employeur, les
licenciements peuvent intervenir lorsque l’employeur en décide ainsi.

La nouvelle procédure du licenciement pour motif économique est donc


caractérisée par sa rapidité. Ce licenciement produit un certain nombre d’effets.

C – Les avantages consentis au salarié licencié pour motif


économique

L’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité relativement à sa


classification (employé, agent de maitrise ou cadre et assimilé). Il s’y ajoute le
versement d’indemnités de licenciement classique. Aussi, une indemnité
complémentaire spéciale égale à un mois de salaire brut non imposable est
versée par l’employeur. Le salarié licencié pour motif économique bénéficie par
ailleurs d’une priorité d’embauche dans la même catégorie pendant une durée
de deux ans. La violation de cette obligation par l’employeur n’ouvre cependant
droit pour le salarié qu’à l’obtention de dommages et intérêts. Lorsque le
licenciement pour motif économique n’est pas fondé sur un véritable motif
économique, il est abusif. Le salarié a alors droit, en plus de toutes les sommes
citées plus haut, à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat
de travail.

Section II – Le licenciement pour motif personnel

C’est celui qui est fondé, non sur un motif inhérent à l’activité de l’entreprise,
mais le comportement du salarié, son état de santé, son inaptitude
professionnelle et leurs conséquences. Le formalisme qui caractérise son régime
juridique est aujourd’hui beaucoup atténué (A). Quant aux effets du
licenciement, ils varient selon la nature de la faute commise par le salarié. La
réalité du motif invoqué fait l’objet d’un contrôle (B)

A – Un formalisme atténué

Le droit du travail sénégalais ne met pas à la charge de l’employeur qui licencie


une obligation de convocation à un entretien préalable contrairement au droit
français. Le Code du travail ne soumet l’employeur qu’à une obligation de
notification écrite d’un préavis. Durant celui-ci, le salarié a droit à sa
rémunération et à deux jours de liberté par semaines pour chercher du travail.
Selon l’article L. 50 du CT, « le motif de rupture du contrat doit figurer dans
cette notification ». Selon le Pr. Joseph Issa Sayegh, la notification du
licenciement a trois buts : déterminer l’auteur de la rupture, indiquer le motif
du licenciement et fixer la date à laquelle le contrat prend fin puisqu’elle
constitue le point de départ du délai de préavis.

Le droit sénégalais apporte cependant une sanction particulière à la formalité


contenue dans l’article L. 50 CT (lettre de licenciement avec indication du motif
de licenciement). Selon les termes de l’article L. 51, « si le licenciement du
travailleur survient sans observation de la notification écrite de la rupture ou de
l’indication d’un motif, mais pour un motif légitime, ce licenciement irrégulier en
la forme ne peut être considéré abusif ». L’esprit du législateur de 1997 est de
faire que seul le licenciement dépourvu de motif légitime soit abusif à l’exclusion
du licenciement irrégulier en la forme. L’absence d’écrit et d’indication d’un motif
sont sanctionnés par l’octroi d’indemnités si un préjudice est constaté par le
juge et non le caractère abusif du licenciement. Les nouvelles dispositions
législatives constituent un frein à la jurisprudence de l’ancienne Cour de
cassation du Sénégal qui a pendant longtemps considéré que la violation du
formalisme du licenciement pour motif personnel devait être sanctionné par le
caractère abusif du licenciement.

B – Le contrôle du motif du licenciement

Lorsque la réalité du motif du licenciement est contestée devant le juge par le


salarié, il appartient à l’employeur de prouver l’existence de ce motif. Pour se
séparer du salarié qui ne convient plus à l’entreprise, l’employeur doit alléguer
de faits susceptibles de justifier une mesure de licenciement. En tous états de
cause, la juridiction de cassation du Sénégal retient que la simple perte de
confiance alléguée par l’employeur n’est recevable que si elle est fondée sur des
faits précis.

Le motif de licenciement peut consister en l’inaptitude professionnelle du


salarié, son incapacité physique ou une faute commise par ce dernier,
notamment une faute. Dans ce sens, la jurisprudence retient trois catégories de
fautes du salarié même si le Code du travail de 1997 ne semble n’en retenir que
deux (la faute simple et la faute lourde).

- la faute simple qui, quel que soit sa gravité, rend le licenciement légitime
et donne droit au salarié à une indemnité de licenciement et le droit au préavis
mais non au paiement de dommage et intérêts. (Préavis : aux termes de la
Convention collective nationale Interprofessionnelle (CCNI), la durée du préavis
est de un mois pour les travailleurs mensuels non cadres, deux mois pour les
agents de maitrise et trois mois pour les cadres et assimilés ; pour les ouvriers
et personnels permanents payés à l’heure à l’heure, à la journée ou à la
semaine, la durée est de 8 jours, 15 jours et 1 mois selon l’ancienneté. Par
ailleurs, les parties conviennent de la fixation des deux jours par semaine dont
le salarié a droit pour chercher un nouvel emploi. A défaut d’accord, chaque
partie fixe un jour de son choix). (Indemnité de licenciement : elle est
proportionnelle à l’ancienneté totale dans l’entreprise. Le droit à cette indemnité
n’est ouvert au travailleur que lorsqu’il totalise au moins une année de présence
dans l’entreprise. L’article 80 de la CCNI prévoit : pour chacune des 5 premières
années = 25% du salaire mensuel moyen des douze derniers mois ; pour les 5
années suivantes = 30% du salaire mensuel moyen ; pour chacune des années
à partir de la dixième = 40% du salaire mensuel moyen. Cette indemnité est
totalement exonérée d’impôts)

- La faute grave à laquelle le nouveau code du travail ne fait plus référence,


allant ainsi dans le sens de la confondre avec la faute lourde : c’est celle qui,
sans comporter une intention de nuire, traduit un comportement du salarié
suffisamment préjudiciable à l’employeur pour motiver un arrêt immédiat des
relations de travail. Elle aura pour effet de fonder un licenciement avec perte,
pour le salarié, de son droit au préavis et aux indemnités de licenciement.

- La faute lourde : est celle caractérisée par une intention de nuire. Elle
s’accompagne d’une mauvaise foi et fait obstacle au droit au préavis, aux
indemnités de licenciement et permet à l’employeur de réclamer des dommages
et intérêts en invoquant la responsabilité civile du salarié.

Lorsque l’employeur licencie le salarié sans motif légitime, le licenciement est


qualifié d’abusif. Le salarié a alors droit au préavis, à l’indemnité de licenciement
et en plus, à des dommages et intérêts pour rupture abusive (retour au droit
des obligations : réparation d’un préjudice sur la base d’une faute commise par
l’employeur). L’article L. 56 du Code du travail prévoit que le montant des
dommages et intérêts est fixé par le juge compte tenu de tous les éléments qui
peuvent justifier l’existence et l’étendue du préjudice. Le juge en fixe le montant
en tenant en compte la nature des services engagés, l’ancienneté des services,
l’âge du salarié, et des droits acquis à quelques titres que ce soit. Le juge est
tenu d’une obligation de motivation quant à la fixation du montant des
dommages et intérêts.

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