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Chapitre 1 : La productivité du travail et les avantages comparatifs :

le modèle ricardien

Les différences de technologie sont historiquement la première explication avancée aux


échanges entre les Nations. Elles désignent des différences de compétences se traduisant par
des différences de productivité des facteurs de production. Les économistes classiques Adam
Smith (1723-1790) et David Ricardo (1772-1823) sont les premiers à avoir expliqué les
échanges internationaux par ces différences.

Section 1 : Le principe des avantages comparatifs


Les mercantilistes ont développé durant le 17ème siècle une vision protectionniste de
l’économie. Ils considèrent qu’un pays doit encourager les exportations et mettre des barrières
devant les importations. La raison est liée à leur conception du commerce international comme
un jeu à somme nulle : ce qui est gagné par un pays est perdu par un autre pays.
C’est contre cette vision de nations à intérêts contradictoires que David Ricardo et, avant lui,
Adam Smith, ont réagi aux 18ème et 19ème siècles. Le premier a développé son analyse sur la
base de la notion des coûts absolus et le second sur celle des coûts relatifs.

1.1. L’avantage absolu de Smith :


Adam Smith considère que la division du travail et la spécialisation qui en découle sont sources
d’augmentation des productivités et des richesses. Ceci est vrai aussi bien pour les individus
que pour les pays. Dans ce dernier cas, un pays se spécialiserait dans la production des biens
qu’il arriverait à fabriquer aux meilleurs coûts en termes absolus que les autres pays. Ces biens
dans lesquels le pays disposerait d’un avantage absolu seront en partie exportés. Cependant, les
biens dans lesquels le pays disposerait d’un désavantage absolu seront achetés de l’étranger,
c’est à dire importés. Le paragraphe ci-après illustre bien les idées de Smith :
« La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose
qui lui coûtera moins cher à acheter qu’à faire. Le tailleur ne cherche pas à faire ses souliers,
mais il les achète au cordonnier…
Ce qui est prudence dans la conduite de chaque famille en particulier ne peut guère être folie
dans celle d’un grand empire. Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur
marché que nous ne sommes en mesure de la fabriquer nous-mêmes, il vaut bien mieux que
nous la lui achetions avec une certaine partie du produit de notre propre industrie, et utiliser
ainsi notre industrie à notre avantage1». Le raisonnement de Smith peut être illustré par
l’exemple suivant :

Supposons qu’on est en présence de deux pays A et B qui produisent deux biens, l’un est
agricole (le bien X), et l’autre est industriel (le bien Y). La production d’une unité du bien
industriel nécessite 4 heures de travail dans le pays A et 6 heures dans le pays B. D’un autre
côté, la production d’une unité du bien agricole nécessite respectivement 3 heures de travail
dans le pays A et 2 heures de travail dans le pays B.

Nombre d’heures de travail par unité produite


Bien agricole (X) Bien industriel (Y)
Pays A 3 4
Pays B 2 6

La comparaison des deux coûts implique que le pays A dispose d’un avantage absolu dans la
production du bien industriel. Le pays B dispose donc d’un avantage absolu dans la production
du bien agricole.
Pour Smith, l’ouverture à l’échange serait intéressante pour les deux pays dans la mesure où
elle va permettre à chacun d’entre eux de se spécialiser dans la production du bien qu’il produit
au coût le plus faible par rapport à l’autre.

Le problème avec cette conception de la spécialisation et de l’échange est qu’elle peut conduire
à l’exclusion de quelques pays de l’échange international. En effet, si on considère dans
l’exemple précédent que la production d’une unité du bien agricole nécessite 4 heures de travail
dans le pays B, alors ce dernier n’aura aucun intérêt à se spécialiser et à participer à l’échange
international. C’est en partie pour montrer que cette dernière situation n’est pas envisageable
que le raisonnement de Ricardo va conduire.

1
Adam Smith (1776): « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Collection Idées,
Gallimard, Paris, 1976, pp257-258. Chapitre 2. P36.
1.2. L’avantage comparatif de Ricardo :
David Ricardo s’est basé sur la notion de l’avantage comparatif pour montrer que, même en
absence d’avantages absolus, un pays peut avoir intérêt à se spécialiser et à entrer dans
l’échange international. La seule condition est que la comparaison des coûts relatifs des deux
biens dans les deux pays montre qu’ils sont différents.

Pour illustrer cette dernière idée, reprenons l’exemple précédent en apportant une seule
modification (le coût du bien X dans le pays B devient 4 au lieu de 2) pour supposer que le pays
A dispose d’un avantage absolu dans la production de chacun des deux biens, c’est à dire que :

Nombre d’heures de travail par unité produite


Bien agricole (X) Bien industriel (Y)
Pays A 3 4
Pays B 4 6

Le coût relatif du bien X en termes du bien Y est le rapport du coût du bien X au coût du
bien Y. Il est égal à 3/4 dans le pays A et à 4/6 dans le pays B :

(CrX/Y)A = 3/4 < (CrX/Y)B = 4/6


Le coût relatif du bien X en termes de Y est donc plus faible dans le pays B que dans le pays
A. On dit que le bien X coûte relativement moins cher dans le pays B que dans le pays A. Le
pays B possède donc un avantage comparatif dans la production du bien X.

Le même raisonnement conduit à montrer que le coût relatif du bien Y en termes du bien X est
plus faible dans le pays A que ce qu’il est dans le pays B:

(CrY/X)A = 4/3 < (CrY/X)B = 6/4


Le pays A possède donc un avantage comparatif dans la production du bien Y par rapport au
pays B.

Pour Ricardo, l’intérêt de chaque pays serait de se spécialiser dans la production du bien qui
a le coût relatif le plus faible par rapport à l’autre pays. Le pays A aura donc intérêt à se
spécialiser dans la production du bien Y et le pays B dans celui du bien X.
Chez Ricardo, comme chez Smith, l’origine de la différence dans les coûts de production est
une différence de productivités, elles-mêmes expliquées par des différences de technologies de
production. Le pays A serait ainsi comparativement plus productif dans la production du bien
Y par rapport au bien X que le pays B. On dit que le pays A possède un avantage comparatif en
termes de productivité dans la production du bien Y. Pour Ricardo, les pays A et B gagneront
en se spécialisant respectivement dans la production du bien Y et du bien X. Tous les pays
gagnent ainsi de la spécialisation et de l’échange international par rapport à la situation
d’autarcie. Cette situation est toutefois conditionnée par la comparaison des coûts internes au
prix relatif qui s’établirait sur le marché mondial.

1.3. A quelle condition les deux pays gagnent à l’échange ?


Dans l’exemple précédent, il a été démontré que le pays A se spécialise dans la production du
bien Y et que le pays B se spécialise dans la production du bien X. Cette spécialisation est liée
aux différences constatées entre les coûts relatifs internes des deux pays.
L’échange international serait intéressant aux deux pays si :
- Le pays A arrive à importer (donc à acheter) du pays B le bien X à un prix relatif inférieur à
son coût relatif interne c’est à dire à 3/4:
P*X/Y < (CrX/Y)A = 3/4, tel que P*X/Y est le prix mondial du bien X en termes du bien Y.

- Le pays B arrive à exporter (donc à vendre) au pays A le bien X à un prix supérieur à son coût
relatif interne c’est à dire à 4/6 :
CrX/Y)B = 4/6 < P*X/Y, tel que P*X/Y est le prix mondial du bien X en termes du bien Y.

Les deux pays gagnent donc à l’échange international lorsque le prix mondial du bien X en
termes du bien Y est compris entre les deux prix autarciques représentés par les coûts relatifs
internes, c’est à dire que :
(CrX/Y)B = 4/6 <PX/Y*< (CrX/Y)A = 3/4

La conclusion relative à la condition dans laquelle les deux pays gagnent à l’échange peut aussi
être obtenue en tenant compte du coût relatif du bien Y en termes du bien X :
- Le pays B arrive à importer (donc à acheter) du pays A le bien Y à un prix relatif inférieur à
son coût relatif interne c’est à dire à 6/4 :
P*Y/X < (CrY/X)B = 6/4, tel que P*Y/X est le prix mondial du bien Y en termes du bien X.
- Le pays A arrive à exporter (donc à vendre) au pays B le bien Y à un prix supérieur à son coût
relatif interne c’est à dire à 4/3 :
(CrY/X)A = 4/3 < P*Y/X, tel que P*Y/X est le prix mondial du bien Y en termes du bien X.

Les deux pays gagnent donc à l’échange international lorsque le prix mondial du bien Y en
termes du bien X est compris entre les deux prix autarciques représentés par les coûts relatifs
internes, c’est à dire que :
(CrY/X)A = 4/3 <PY/X*< (CrY/X)B = 6/4

1.4. De quoi la répartition des gains dépendrait-elle ?


Il est à signaler que la répartition des gains entre les deux pays n’est pas nécessairement
équitable. Elle dépend de l’écart entre le prix mondial (ou termes de l’échange) et les coûts
relatifs internes.

John Stuart Mill (1806-1873) a été le premier à suggérer que les termes de l’échange vont
refléter les demandes mondiales se portant sur chacun des deux biens. Les prix internationaux
(termes de l’échange) résulteraient de la confrontation entre l’offre et la demande mondiales
pour chaque catégorie de bien. Du moment que les demandes relatives à chacun des deux biens
ne sont pas identiques, la répartition du gain mondial procuré par l’échange ne peut être
qu’inégale.

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