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Partie II : Le droit des groupes de sociétés

Le groupe de société est une figure incontournable de l’économie contemporaine, c’est une
technique qui permet aux sociétés commerciales de se regrouper pour mieux s’adapter au
marché et pour réaliser des résultats meilleurs.

Il convient de prime abord, de cerner la notion de groupe de sociétés (chapitre premier), et


d’énumérer ensuite, les opérations de groupe (chapitre deuxième), pour pouvoir enfin,
mettre en relief la protection des intérêts catégoriels au sein du groupe (chapitre troisième).

Chapitre premier : la notion de groupe de sociétés :


Le groupe de sociétés est réglementé au sein du code des sociétés commerciales, au niveau
du livre cinq, auquel la loi n°2001-117 du 06 novembre 2001 a ajouté un titre six, intitulé
« du groupe de sociétés »

L’article 461 le définit comme étant un ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité
juridique, mais liées par des intérêts communs, en vertu desquels l’une d’elles, dite société
mère, tient les autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce son contrôle, assurant,
ainsi, une unité de décision.

La lecture de l’article précité, met en relief la nature juridique du groupe (section 3), qui bien
que constituant une unité économique (section 2) se caractérise par la spécificité des
relations liant ses membres (section 1)

Section 1 : la nature des liens au sein du groupe de sociétés :


Les sociétés du groupe sont juridiquement indépendantes en raison de leur personnalité
morale (paragraphe 1) mais elles demeurent liées économiquement et financièrement
(paragraphe 2)

Paragraphe 1 : l’indépendance juridique des sociétés membres du groupe :

La notion de groupe de sociétés est basée sur l’idée qui consiste à permettre à une société,
personne morale, de devenir elle même associée dans une autre société commerciale.

A l’exception de la société en participation, toutes les sociétés, abstraction faite de leurs


formes, peuvent appartenir à un groupe.

Chaque société de groupe garde son indépendance juridique en préservant sa personnalité


morale et les attributs qui lui sont liés.

Paragraphe 2 : la dépendance économique des sociétés membre du groupe :


La technique du groupe exige une unité au niveau économique, qui est traduit par un intérêt
commun qui se concrétise au niveau de la prise de décision.

Section 2 : l’unité du groupe :


L’unité du groupe est reconnue à travers la société mère et le rôle qu’elle exerce à l’égard
des autres sociétés du groupe.

Paragraphe 1 : la société mère :

La société mère pilote l’ensemble des sociétés afin d’assurer l’unité du groupe.

A) la forme sociale de la société mère :

L’article 462 du C.S.C. stipule expressément que la société mère doit avoir la forme d’une
société anonyme.

Contrairement aux autres sociétés du groupe, à propos de la forme desquelles aucune


exigence n’est exprimée, l’exigence de la forme sociale de la société mère semble se fonder
sur l’efficacité de la société anonyme.

La société mère doit mentionner au registre national des entreprises les sociétés
appartenant au groupe.

B) la société mère holding :

La société mère peut ne pas avoir une activité industrielle ou commerciale, qui lui est
propre, et restreindre son activité à la détention et à la gestion des participations dans les
autres sociétés du groupe.

La société holding doit, également avoir la forme de la société anonyme et mentionner sa


qualité de holding dans tout document qui en émane. (Art. 463 C.S.C.)

Il s’agit alors d’une pure structure de gestion des participations.

Paragraphe 2 : le rôle de la société mère à l’égard des autres sociétés du groupe :

Lors de la définition du groupe de sociétés, le législateur précise que la société mère, tient
les autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce son contrôle, assurant ainsi, une
unité de décision.

A) le pouvoir de la société mère :


La place qu’occupe la société mère dans le groupe de société est remarquable à deux
niveaux, à savoir le pouvoir de droit et le pouvoir de fait.

1) le pouvoir de droit : ce type de pouvoir est vérifié lorsque la société mère dispose d’une
participation dans le capital social de la société membre, qui lui permet d’influencer son
fonctionnement.

L’article 461, al.2 du C.S.C. énumère deux illustrations :

Soit qu’elle détienne une fraction u capital lui conférant la majorité des droits de vote (à titre
personnel)

Soit qu’elle détienne la majorité des droits de vote, seule, ou en vertu ‘un accord conclu avec
d’autres associés, si bien évidemment la société à besoin pour assurer cette majorité de
signer un accord avec une autre société qui détient elle aussi une participation dans le même
capital (à titre conjoint)

2) le pouvoir de fait : l’article 461, al. 3, tiret 3 fait allusion au cas dans lequel elle détienne
en fait les décisions prises dans les assemblées générales en vertu des droits de vote dont
elle dispose en fait, c'est-à-dire qu’elle détient directement ou indirectement quarante pour
cent au moins des droits de vote dans une autre société, et qu’aucun autre associé n’en
détienne une fraction supérieure à la sienne.

C’est la conséquence de la dispersion des parts dans laquelle, un associé, même ne


disposant pas d’une majorité, et en meure d’influencer les décisions prises.

B) le contrôle exercé par la société mère :

Qu’elle soit holding ou société mère exerçant une activité commerciale ou industrielle, la
société mère s’identifie à travers le contrôle qu’elle exerce sur les sociétés membres du
groupe.

Le contrôle est la conséquence d’un pouvoir qu’elle tient en vertu d’une participation dans le
capital.

1) la nature des participations :

Au sens de l’article 465 du code, la participation peut être directe, indirecte ou réciproque.

La participation est dite directe lorsque la société mère détient une fraction du capital de
chacune des sociétés appartenant au groupe de sociétés,

Elle est dite indirecte lorsqu’une société appartenant à un groupe de sociétés détient une
fraction u capital ‘une autre société qui possède à son tour une fraction du capital d’une
autre société de façon à permettre à la société mère d’exercer son contrôle sur toutes ces
sociétés par l’enchainement.
Quant à la participation réciproque elle et vérifiée lorsqu’une société appartenant à un
groupe de sociétés détient une fraction du capital d’une ou de plusieurs autres sociétés
appartenant à ce même groupe, ayant une participation dans son capital.

2) la notion de filiale :

Une filiale est une société dont le capital est détenu par une autre société à hauteur d’une
proportion qui permet de lui attribuer le contrôle. C’est ce qu’affirme l’article 461, al.5 du
code selon lequel la filiale est toute société dont plus de cinquante pour cent du capital est
détenu directement ou indirectement par la société mère.

Section 3 : la nature juridique du groupe :


La question se pose de savoir s’il s’agit d’une société commerciale ou d‘une entreprise
économique.

Paragraphe 1 : s’agit-il d’une société commerciale ?

En dépit du fait qu’il soit réglementé au sein du code des sociétés commerciales et qu’il soit
composé de sociétés commerciales, le groupe de sociétés ne réunit pas les éléments de
définition du contrat de société, notamment l’absence de l’apport ; d’autant plus qu’il est
dépourvu de la personnalité morale.

C’est plutôt un instrument mis à la disposition des sociétés commerciales pour mieux
s’organiser et réussir à affronter l’obstacle de la concurrence.

Paragraphe 2 : s’agit-il d’une entreprise économique ?

Comme toute entreprise économique, le groupe de société exerce, bel et bien, une activité
économique ; reste à savoir si cette activité est destinée à satisfaire une demande sur un
marché ?

La réponse semble être négative étant donné qu’elle est souvent destinée à répondre à des
besoins de coordination et d’organisation internes au groupe et ses membres.

Toutefois, si on admet que le groupe est une structure qui favorise l’efficacité des
entreprises membres du groupe, il serait ainsi indirectement lié au marché ; d’où alors il
peut ressembler, à certains égards, à une entreprise économique.
Chapitre deuxième : les opérations entre sociétés de groupe :
Les sociétés de groupe sont amenées à conclure entre elles des conventions diverses, elles
peuvent en effet, s’échanger des biens et des services comme avec n’importe quelle autre
client ou fournisseur.

Ces opérations financières inter groupe (section 1) sont accomplies sous le regard de la
société mère (section 2) chose qui pourrait engager sa responsabilité et celle des filiales
(section 3)

Section 1 : les conventions entre sociétés de groupe :


Le groupe de sociétés doit traduire l’intérêt qu’il a pour ses membres à travers une gestion
financière qui prend en considération la communauté d’intérêts , dans ce cadre là,
l’attention du législateur n’a été retenue qu’en matière d’opérations financières entre
sociétés de groupe, en effet l’article 474 C.S.C. déclare qu’il est permis d’effectuer des
opérations financières entre les sociétés de groupe, qu’il prend la peine de définir
(paragraphe 1) et d’en énumérer les conditions (paragraphe 2)

Paragraphe premier : définition des opérations financières :

Sont considérées opérations financières, tout prêt au sens de la législation relative aux
établissements de crédit, toute avance en compte courant ou garantie, qu’elles qu’en soient
la nature et la durée.

La définition légale des opérations financières entre sociétés de groupe fait renvoi à la loi
n°2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit, ce qui nous met face à
une dérogation au principe de monopole reconnu aux banques pour les opérations de prêt
d’argent.

Les crédits intergroupe sont ainsi une facilité qui se justifie comme étant un avantage que le
mécanisme de groupe octroi à ses membres, sans pour autant en abuser.

Paragraphe deuxième : les conditions de validité des opérations financières :

Les opérations financières dans un groupe de sociétés doivent respecter les exigences du
droit des sociétés relatives à l’interdiction de l’abus et de la fraude, en effet et au sens de
l’article 474 :

- Il faut que l’opération financière soit normale et n’engendre pas de difficultés pour
la partie qui l’a effectuée, tel par exemple le fait de s’inscrire dans une procédure de
redressement,
- Il faut, également, que l’opération soit justifiée par un besoin effectif pour la société
concernée et qu’elle ne résulte pas de considérations fiscales, c'est-à-dire qu’elle ne
vise pas une soustraction à une obligation fiscale,
- Il faut, en outre, que l’opération comporte une contrepartie effective ou prévisible
pour la société qui l’a effectuée,
- Il faut, enfin, que l’opération ne vise pas la réalisation d’objectifs personnels, directs
ou indirects, pour les dirigeants de la société.

Dans le même ordre d’idées, l’article 475 du C.S.C. soumet les conventions autres que
courantes passées à des conditions normales, à une procédure e contrôle par
l’assemblée générale lorsqu’elles sont conclues entre des sociétés ayant les mêmes
dirigeants.

L’obtention d’une autorisation est exigée, donc, si deux ou plusieurs sociétés de groupe
ayant les mêmes dirigeants, concluent des conventions avec la société mère ou entre les
sociétés appartenant au groupe.

Section 2 : les obligations de la société mère :


Les obligations qui incombent à la charge de la société mère, relèvent des exigences de
la matière comptable (paragraphe 1) et du devoir d’information des membres du groupe
(paragraphe 2)

Paragraphe premier : l’établissement des états financiers consolidés :

L’exigence de l’établissement des états financiers consolidée est justifiée par la


recherche d’une transparence de nature à mettre en évidence la dimension économique
du groupe de société.

Les états consolidés sont les états financiers d’n groupe présentés comme ceux ‘une
entreprise unique (Norme comptable relative aux états financiers consolidés /N.C. :35/,
système comptable des entreprises, J.O.R.T., 2013, page 415)

A cet égard, il convient de rappeler que l’indépendance juridique de chaque membre du


groupe est illustrée à travers les états financiers propres à chaque membre. Néanmoins,
les états financiers consolidés expriment l’idée de dépendance économique et l’unité du
groupe.

En vertu de l’article 471 du C.S.C., les états consolidés sont soumis à l’audit du ou des
commissaires aux comptes de la société mère qui doit, avant de certifier les comptes
consolidés, consulter les rapports des commissaires aux comptes des sociétés membres
du groupe. Il est aussi, autorisé, s’il le juge opportun, de procéder aux investigations
nécessaires auprès des membres du groupe.

Paragraphe deuxième : l’information des membres du groupe :


L’article 472 C.S.C. met à la charge de la société mère une obligation d’information
envers ses associés qui consiste à mettre, à son siège, à leur disposition les documents
suivants :

- Les états financiers consolidés,


- Le rapport de gestion de groupe,
- Et le rapport du commissaire aux comptes.

Il convient de préciser que le rapport de gestion du groupe doit indiquer :

- La situation de toutes les sociétés concernées par la consolidation,


- L’évolution prévisible de la situation du groupe,
- Les différentes activités en matière de recherche, de développement et
d’investissement relatives au groupe de sociétés.
- Les modifications ayant affecté les participations dans les sociétés groupées.

Section 3 : la responsabilité dans le cadre du groupe de sociétés :


La responsabilité pénale des dirigeants du groupe de société est réglementée au sein
de l’article 479 du C.S.C., qui énumère les délits punissables d’une amende de cinq milles
dinars, il s’agit de :

- L’abstention d’aviser l’autre société en cas de dépassement des seuils fixés par les
articles 466, 467 et 468 C.S.C.,
- Le non respect des exigences relatives à l’information des associés édictées par
l’article 472 du code,
- L’absence de publicité de la perte de la société de sa nature de holding à raison de
l’exercice d’activités autres que celles visées par l’article 463 du code.

Quant à la responsabilité civile, elle peut être engagée aussi bien contre la société mère
(paragraphe 1) que les filiales (paragraphe 2).

Paragraphe premier : la responsabilité d’une société mère du fait d’une filiale :

Il est possible d’exploiter le critère de communauté d’intérêts pour défendre une possible
responsabilité du fait d’autrui.

L’article 554 du code des obligations et des contrats stipule que « celui qui a les avantages a
les charges et les risques »

D’où alors, on peut fonder la responsabilité de la société mère sur le risque que crée la
communauté d’intérêts, en effet ce lien ne peut exonérer la société mère de la sphère des
personnes responsables.

Paragraphe deuxième : l’extension des procédures collectives :


Les procédures de faillite et de redressement ouvertes contre l’une des sociétés appartenant
au groupe de sociétés peuvent être étendues aux autres sociétés y appartenant.

La procédure peut s’étendre à tout membre du groupe dans l’une des hypothèses suivantes :

Tout d’abord, en cas de confusion des patrimoines de deux ou plusieurs sociétés de groupe,
chose qui contredit le principe de l’indépendance des membres du groupe qui est censé se
traduire par une indépendance patrimoniale de chacun d’eux.

La confusion des patrimoines peut se déduire de la confusion des comptes dans le cas où les
mouvements relevant de la société « A » s’inscrivent dans les comptes de la société « B » ou
le contraire.

Ensuite, dans le cas où la société débitrice est fictive, et que les autres sociétés du groupe
étaient au courant de cet aspect fictif et ont, malgré cela, donné l’apparence d’y être
associés.

Enfin, si le patrimoine de la société soumise aux procédures collectives a fait l’objet


d’escroquerie ou d’abus des biens sociaux commis par l’une ou plusieurs des sociétés
membres de groupe et que ces agissements fautifs étaient à l’origine du sort de la société
débitrice.

Il convient de signaler également que la faillite d’une société de groupe peut s’étendre aux
dirigeants des autres sociétés de groupe dans le cas où on peut leur imputer une faute de
gestion qui était à l’origine de la faillite de la société. Le dirigeant fautif pourrait, également
voir sa responsabilité pénale, engagée.

Chapitre troisième : les créances et le groupe de sociétés :


L’article 461 in fine du C.S.C., stipule que « le groupe de sociétés ne jouit pas de la
personnalité juridique », il en résulte que l’apparition du groupe de sociétés ne donne pas
naissance à une personnalité nouvelle, en conséquence, les créanciers continuent à exercer
leur droit au paiement contre les sociétés avec lesquelles ils ont contracté.
A ce principe, l’article 476 du C.S.C. apporte une dérogation, permettant, ainsi, au créancier
d’une société appartenant à un groupe de sociétés de réclamer le paiement à une autre
société appartenant au même groupe ou aux deux sociétés solidairement dans les deux cas
suivants :

- Lorsqu’il y a immixtion dans l’activité de la société débitrice dans ses rapports avec
les tiers,
- Lorsqu’on a fait croire que les autres sociétés ou l’une d’elles contribue aux
engagements de la société débitrice

Le législateur semble donner le choix au créancier d’agir contre le débiteur seul ou


solidairement avec une autre société du groupe, en se basant soit sur l’apparence ou
l’immixtion fautive dans la gestion.

Section 1 : l’apparence :
L’apparence est le premier fondement de l’action du créancier contre une société de groupe
avec laquelle, il n’a pas contracté.

L’action est généralement intentée contre la société mère qui agit de manière à faire croire
qu’elle contribue aux engagements de la société débitrice appartenant au groupe.

Elle laisse s’établir l’apparence chez les tiers qui contractent, ce qui en découle que le
créancier bénéficierait alors de l’apparence crée.

Section 2 : l’immixtion fautive dans la gestion :


Le créancier peut se prévaloir de la faute délictuelle contre la société mère ou l’une des
sociétés appartenant au groupe qui s’est, sciemment, immiscée dans l’activité de la société
débitrice dans ses rapports avec les tiers.

L’inobservation du principe de non-immixtion entraine une requalification du statut de celui


qui s’immisce qui bascule en un dirigeant de fait et encourt alors la responsabilité

Le fait qu’une société soit contrôlée n’autorise pas la société mère à se substituer aux
organes sociaux, et si elle s’immisce, le créancier pourrait lui demander satisfaction en
dehors de la cessation des paiements du débiteur avec qui il a contracté.

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