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1 Les régimes juridiques de l’activité

professionnelle
PROGRAMME
121. Les régimes juri- Les principes communautaires et constitutionnels affirment le droit d’accès à Liberté d’établissement, liberté de circula-
diques de l’activité pro- une activité professionnelle. Le choix de cette activité entraîne l’application tion, liberté d’entreprendre, liberté de
fessionnelle d’un ou de plusieurs régimes juridiques. travail, droit à l’emploi (121-1)
Quel que soit le régime, l’accès à l’activité est encadré par le législateur. Régime juridique du salarié de droit privé :
Chaque régime confère des droits et assujettit à des obligations. contrat de travail, droit du recrutement,
L’objectif de l’étude des différents régimes juridiques du travail est de mon- droits et obligations du salarié de droit
trer : privé (121-2)
• que la relation de travail peut s’inscrire soit dans un contexte de subordi- Régime juridique du fonctionnaire : statut,
nation juridique à l’égard d’un employeur privé ou public, soit dans un conditions d’accès, droits et obligations du
contexte d’indépendance ; fonctionnaire (121-3)
• que les spécificités de chacun d’eux s’analysent en référence à l’intérêt Régime juridique du travailleur indépen-
général ou à l’intérêt de l’entreprise. dant : déclaration d’existence, droit d’accès
à la profession, droits et obligations (121-4)
Compétences attendues Particularités du régime juridique : Indé-
• Identifier les différents régimes juridiques d’exercice de l’activité profes- pendance ou subordination, durée de
sionnelle et leurs effets dans une situation donnée l’engagement, rémunération, protection
• Apprécier l’opportunité du choix d’un statut dans une situation donnée sociale, responsabilités, déontologie (121-5)
• Analyser tout ou partie d’un engagement professionnel
• Vérifier la légalité des formalités et des conditions d’accès à une profes-
sion et d’une procédure de recrutement

SYNTHÈSE

1. Les principes communautaires et constitutionnels de l’activité professionnelle


A. La protection des droits et des libertés
Les libertés et les droits fondamentaux sont garantis par des principes qui relèvent du droit communautaire et du
droit constitutionnel. Ainsi, la libre circulation des personnes et la liberté d’établissement sont rappelées par les
articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ce sont des principes permettant
à tout citoyen européen de chercher un emploi, de travailler dans les États membres de l’Union européenne (UE)
et d’exercer une activité dans les mêmes conditions que celles qui sont énoncées par le droit interne pour leurs
propres ressortissants.
Le droit à l’emploi, la liberté du travail et la liberté du commerce sont des principes reconnus dans les textes du
préambule de la Constitution de 1946, de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et dans le décret
d’Allarde. Ces textes reconnaissent à chaque individu le droit de travailler et d’obtenir un emploi (Préambule de
1946), de travailler ou non et d’exercer la profession de son choix (article 23 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948), de réorganiser le travail pour permettre la libre concurrence (article 7
du décret d’Allarde).
B. Les limites aux droits et aux libertés
Certaines professions sont incompatibles avec l’activité commerciale (professions notariales, fonctionnaires ou
libérales) ou interdites pour certains (mineurs ou individus condamnés). D’autres professions sont réglementées
par des dispositions législatives ou administratives qui fixent les critères d’accès. C’est le cas pour les professions
notariales, les avocats, les pharmaciens, etc.

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2. Les différents statuts de l’activité professionnelle
A. Le salariat
La relation de travail entre salarié et employeur est concrétisée par le contrat de travail. Le contrat de travail en-
traîne des obligations pour les deux parties : le salarié fournit une prestation de travail sous la subordination de
l’employeur, ce dernier verse en contrepartie une rémunération. Des clauses spécifiques peuvent être insérées
dans le contrat de travail afin d’adapter l’entreprise aux fluctuations de l’environnement économique (clause de
mobilité ou clause de non concurrence).
La subordination se traduit par le fait d’exercer un travail sous l’autorité d’un employeur. Le respect des consignes
et instructions de l’employeur, le fait de se voir imposer les conditions de travail (horaires, rémunération…) et
contrôler l’exécution du travail sont autant d’éléments qui caractérisent la subordination. La subordination est
valable également dans la relation de l’employé public.
Le recrutement est un processus par lequel l’employeur suscite l'intérêt et sélectionne des candidats potentiels à
un poste de travail au sein d´une entreprise. Le recrutement concilie à la fois la possibilité pour l’employeur de
choisir librement ses salariés et les libertés individuelles du candidat. Le refus d'embaucher ne doit pas reposer
sur un motif discriminatoire : le caractère discriminatoire de l’embauche est pénalement réprimé par les ar-
ticles 225-1 et 225-2 du Code pénal.
B. Le travail indépendant
Le travailleur indépendant exerce une activité en son nom et pour son propre compte. Ce statut concerne les
commerçants, les artisans et les professions libérales. Le travailleur indépendant doit accomplir des formalités
juridiques, sociales et fiscales auprès d'organismes sociaux (URSSAF, impôts…) pour déclarer l’existence de son
activité.
Le professionnel libéral est tenu par des règles déontologiques qui régissent sa profession. Certaines d’entre elles
sont soumises à des conseils de l’Ordre (médecin, avocat, notaire, pharmaciens…) qui permettent de contrôler les
pratiques des professionnels.
Le législateur a mis en place l’insaisissabilité immobilière pour protéger l’entrepreneur individuel (loi Macron,
6 août 2016).
C. L’accès à la fonction publique
Pour intégrer la fonction publique, il est nécessaire de réussir un concours d’entrée permettant ainsi au candidat
d’être titulaire de son poste. Le fonctionnaire appartient à l'une des trois catégories de corps (A, B et C). Le fonc-
tionnaire est lié à l’Administration par un statut et non par un contrat de travail. Il est soumis à différentes obliga-
tions : de réserve, de services et de discrétion, etc. Il dispose également d'un certain nombre de droits, comme la
protection fonctionnelle.

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2 Les évolutions de l’activité professionnelle

PROGRAMME
122. L’adaptation aux Le système légal tend à inciter les salariés et les employeurs à anticiper les Formation professionnelle, adaptation à
évolutions de l’activité changements de leur environnement professionnel et à développer l’emploi (122-1)
professionnelle l’employabilité. Dans ce contexte la formation professionnelle apparaît pour les Modification des conditions de travail,
différentes parties prenantes à la fois comme un droit, une obligation et un transfert d’entreprise (122-2)
facteur d’évolution.
Ces changements peuvent remettre en cause les conditions de travail, la locali-
sation de l’activité ou le statut professionnel, voire conduire au licenciement.
Le droit intervient pour assurer une protection adaptée à la nouvelle situation
ou pour encadrer le licenciement.
L’enjeu de cette partie est de s’interroger sur les dispositifs d’adaptation mis
en place par le législateur, d’une part pour anticiper les évolutions de l’activité
économique et d’autre part, pour protéger le salarié face à ces mutations.

Compétences attendues
• Analyser des dispositifs de formation professionnelle
• Qualifier les modifications de la relation de travail et en déduire les
conséquences juridiques

SYNTHÈSE

1. L’adaptation de la situation du salarié


A. À l’initiative du salarié
Deux dispositifs de formation permettent au salarié de choisir volontairement de se former afin de s'adapter à
l'évolution de son activité professionnelle.
Le compte personnel de formation (CPF, intégré en 2017 au compte personnel d'activité) est un dispositif qui
permet au salarié de cumuler des droits à la formation à hauteur de 24 heures par an dans la limite de 150 heures
maximum. Le salarié cumule et conserve ses heures de formation même s'il change d'entreprise. Le salarié peut
utiliser ces droits à la formation pour suivre des formations qualifiantes de courte durée, passer une validation
des acquis de l'expérience (VAE).
Le CPF présente de nombreux avantages : il permet à toute personne, dès l'âge de 16 ans, de cumuler des droits à
la formation tout au long de sa vie professionnelle et de les conserver même en cas de changement d’entreprise
ou de chômage.
La formation doit normalement profiter au salarié comme à l'entreprise qui l'emploie (ou permettre l’acquisition
de connaissances de base incluses dans le socle de compétences ou bien permettre une VAE). L'employeur peut
refuser l'action de formation lorsque celle-ci ne profite pas à l'entreprise et qu'elle se déroule pendant les heures
de travail.
Le compte personnel d'activité (CPA, entré en vigueur en janvier 2017) généralise et étend les droits à la forma-
tion. Le CPA qui intègre le CPF, améliore en effet le droit à la formation par différentes mesures :
• une majoration des heures de formation du CPF pour les personnes peu ou pas qualifiées (48
heures par an au lieu de 24 heures dans la limite de 400 heures maximum) ;
• l'instauration du droit à une formation qualifiante gratuite pour tout jeune de moins de 26 ans
sorti du système éducatif sans diplôme ;
• la création d'un accompagnement vers la création ou la reprise d'une entreprise ;
• le compte pénibilité permet aux salariés exerçant des emplois pénibles d'obtenir des droits sup-
plémentaires pour se former ;
• le compte d'engagement citoyen qui permet désormais de recenser toutes les activités béné-
voles ou volontaires afin de faciliter la reconnaissance des compétences par le biais d'une valida-
tion des acquis de l'expérience.
Par ailleurs, il existe le congé individuel de formation (CIF) qui, contrairement au CPF, est un dispositif

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permettant au salarié de se reconvertir en suivant une formation diplômante d'un an maximum. Cette
formation ne profite pas nécessairement à l'entreprise dans laquelle le salarié est employé (ex. : une
hôtesse de l'air souhaitant préparer un BTS banque).
L'employeur ne peut refuser un CIF mais il peut le reporter dans un délai maximum de deux ans. À l'issu du CIF,
l'employeur a l'obligation de réintégrer le salarié qui n'aurait pas obtenu le diplôme qu'il visait.
B. À l’initiative de l’employeur
L'employeur a deux obligations en matière de formation professionnelle selon l'article L. 6321-1 du Code du tra-
vail :
• assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur poste de travail ;
• assurer la capacité des salariés à occuper un emploi en dehors de l'entreprise, notamment au re-
gard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (entreprises).
La jurisprudence renforce les obligations de l'employeur en matière de formation professionnelle puisqu'il a été
jugé, dans un arrêt du 18 juin 2014, que l'employeur est tenu à cette obligation même si le salarié n'a émis au-
cune demande. Par ailleurs, l'employeur doit assurer l'employabilité du salarié au regard du marché du travail
même si le poste du salarié dans l'entreprise ne connaît aucune évolution.
L'employeur peut répondre à ces obligations en proposant des actions de formation (bilan de compétences ou
validation des acquis de l'expérience) aux salariés dans le cadre d'un plan de formation propre à l'entreprise. Ces
actions de formation peuvent être financés par un plan de formation réalisé en interne par l'entreprise.
C. Les dispositifs à la disposition de l’employeur et du salarié
En dehors des dispositifs de formation tels que le CPF, le CIF et le plan de formation, deux autres dispositifs per-
mettent une évolution de l'activité professionnelle du salarié.
La validation des acquis de l’expérience (VAE) permet au salarié d'obtenir la totalité ou la partie d'un diplôme
grâce à son expérience professionnelle sans avoir l'obligation de passer d'examen. La validation du diplôme ne
repose alors que sur les compétences exigées par le référentiel du diplôme que le salarié a obtenues par le biais
de l'expérience. C'est un jury composé d'enseignants ou de professionnels qui vérifie les compétences du candi-
dat.
Le bilan de compétences est la première étape dans la construction d’un projet d'évolution professionnelle. Il
permet de faire le point sur ses aptitudes, son potentiel et motivations personnelles et professionnelles afin de
définir un projet professionnel cohérent et réaliste et de déterminer les besoins en formation du salarié.
Ces deux dispositifs peuvent être proposés par l'employeur au salarié dans le cadre d'un plan de formation d'en-
treprise ou ben être demandés par le salarié dans le cadre des droits à la formation acquis grâce au CPF.

2. Les règles encadrant l’adaptation de la relation de travail


A. En cas de modification de la situation juridique de l’employeur
Lorsqu'une entreprise est vendue, fusionne avec une autre ou transmise à l’héritier du propriétaire défunt, la
situation juridique de l'employeur est modifiée. Selon le principe de l'effet relatif des contrats de l’article L. 1109
du Code civil, « les conventions [c’est-à-dire les contrats de travail] n'ont d'effet qu'entre les parties contrac-
tantes ».
Or, afin d'éviter toute rupture de contrat préjudiciable pour les salariés comme pour le nouvel employeur, l'article
L. 1124-1 du Code du travail prévoit le maintien automatique des contrats de travail en cours au jour de la modifi-
cation juridique de l'employeur.
B. En cas de modification arbitraire du contrat du salarié
Le monde de l'entreprise est confronté à un environnement qui ne cesse d'évoluer (attente des consommateurs,
concurrence, etc.). L'entreprise doit parfois s'adapter à ces changements si elle souhaite assurer sa pérennité. Ces
changements peuvent affecter la relation de travail entre l'employeur et ses salariés. Or, selon l'article 1134 du
Code du travail, un contrat ne peut être modifié ou rompu par l'une des parties sans l'accord de l'autre. La juris-
prudence distingue :
• la modification des conditions de travail ;
• la modification d'un élément essentiel du contrat.
Le salarié peut refuser les modifications des conditions de travail telles que :
• le changement des horaires de travail, à condition que le changement ne constitue pas un chan-

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gement trop important comme le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit ;
• le changement du lieu de travail, à condition que le nouveau lieu de travail se situe dans le
même secteur géographique ou que le contrat contienne une clause de mobilité ;
• le fait de confier de nouvelles tâches, à condition que celles-ci correspondent à la qualification du
salarié.
Le refus de la modification des conditions de travail par le salarié constitue un motif de licenciement pour faute.
Au contraire, le salarié n'est pas obligé d'accepter un changement d'un élément essentiel du contrat. La loi ne
précise pas les éléments de la relation de travail qui constituent des éléments essentiels du contrat. C'est la juris-
prudence qui permet de faire la distinction. Sont considérés comme des éléments essentiels du contrat :
• la rémunération (salaires et primes) ;
• la durée de travail (passage d'un 35h à un travail à temps partiel) ;
• le lieu de travail, si la mutation s'effectue en dehors du secteur géographique dans lequel se si-
tue l’entreprise et en l'absence de clause de mobilité ;
• de même que tout élément qui a été contractualisé, c’est-à-dire qui a fait l'objet d'une clause
dans le contrat (ex. : le salarié disposera d'un bureau personnel ou le salarié n'exercera ses fonc-
tions qu'à cette adresse).
En cas de refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail, l'employeur ne pourra pas licen-
cier le salarié pour faute.
Cependant, l'entreprise peut rencontrer des difficultés économiques nécessitant des licenciements économiques.
Dans ce cas, la loi impose à l'employeur de proposer au salarié dont le poste est supprimé un autre poste au sein
de l'entreprise avant de le licencier pour motif économique.
Si le salarié refuse le nouveau poste de travail, l'employeur peut le licencier pour motif économique à condition
de prouver que le licenciement économique est justifié (cf. chapitre 3).

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3 La protection de la relation de travail

PROGRAMME
122. L’adaptation aux Le système légal tend à inciter les salariés et les employeurs à anticiper les Rôle des représentants des salariés (122-3)
évolutions de l’activité changements de leur environnement professionnel et à développer Protection de la relation de travail : rupture
professionnelle l’employabilité. Dans ce contexte la formation professionnelle apparaît pour les de la relation de travail, obligation de
différentes parties prenantes à la fois comme un droit, une obligation et un reclassement, évolution dans le cadre
facteur d’évolution. communautaire, européen et international
Ces changements peuvent remettre en cause les conditions de travail, la locali- (122-4)
sation de l’activité ou le statut professionnel, voire conduire au licenciement.
Le droit intervient pour assurer une protection adaptée à la nouvelle situation
ou pour encadrer le licenciement.
L’enjeu de cette partie est de s’interroger sur les dispositifs d’adaptation mis
en place par le législateur, d’une part pour anticiper les évolutions de l’activité
économique et d’autre part, pour protéger le salarié face à ces mutations.
Compétences attendues
• Qualifier les modifications de la relation de travail et en déduire les
conséquences juridiques
• Apprécier l’efficacité de l’information et de la protection des salariés dans
une situation donnée

SYNTHÈSE

1. La protection des salariés dans le cadre national


A. L’encadrement de la rupture du contrat de travail
La rupture du contrat de travail est encadrée par le droit du travail, elle peut prendre la forme.
La démission
C'est une rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative du salarié. Le salarié qui propose une dé-
mission doit manifester de façon claire et non équivoque sa volonté de démissionner. Aucune procédure
particulière n’est exigée mais l’employeur peut demander au salarié démissionnaire de respecter un
délai de préavis.
La rupture à l’amiable ou rupture conventionnelle
Elle s’effectue à condition que l'employeur et le salarié soient d'accord sur le principe de la rupture. Les
raisons de la rupture peuvent être personnelles ou économiques. Les deux parties tirent un avantage
réciproque de la rupture conventionnelle : le salarié perçoit une indemnité de licenciement, l’employeur
se libère d’un salarié qu’il ne souhaitait pas garder.
Le licenciement
C'est la rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Le licenciement peut avoir
un motif personnel ou économique. Il faut un motif réel et sérieux de licenciement, c’est-à-dire un motif
qui est suffisamment important pour justifier la rupture du contrat. La faute, par exemple, est un motif
légitime : elle peut prendre plusieurs formes (légère, grave ou lourde). Le licenciement peut également
avoir lieu même en l’absence de faute dans le cas de l’insuffisance professionnelle, lorsque le salarié, en
raison de son inaptitude, ne remplit pas les tâches pour lesquelles il a été employé.
Le licenciement pour motif économique est un motif non inhérent « à la personne du salarié résultant
d’une suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, refu-
sée par le salarié, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technolo-
giques » (art. L. 1233-3, C. trav.).
Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, l’employeur doit respecter un délai de préavis,
accorder une indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité légale de licenciement.
L’employeur doit remettre au salarié un solde de tout compte faisant l’inventaire des sommes versées

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au salarié lors de la rupture du contrat de travail. La procédure de licenciement imposée à l’employeur
est très stricte. Elle permet de protéger le salarié contre d’éventuels abus de la part de l’employeur.
Dans le cas d’un licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés, l’employeur est tenu de
réunir les représentants du personnel ou le comité d’entreprise pour consultation.
B. Les obligations de prévention en cas de licenciement économique
En cas de licenciement économique, l'employeur est tenu à respecter deux obligations.
Une obligation de reclassement
L’employeur ne peut en effet licencier un salarié pour motif économique sans avoir au préalable prouvé
que tous les efforts de formation et d’adaptation ont été effectués. L’obligation préalable de reclasse-
ment en matière de licenciement pour motif économique est donc obligatoire, sinon le licenciement est
qualifié de « licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
La mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi
En effet, dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur est tenu d’élaborer un plan de sauve-
garde de l’emploi (PSE) dans le cadre d’une procédure de licenciement. Le reclassement peut prendre
différentes formes : réduction ou aménagement du temps de travail, actions d’aide à la création ou à la
reprise d’activité, actions de formation et de validation des acquis de l’expérience, opérations de reclas-
sement interne ou externe.

2. La protection des salariés dans le cadre européen et international


A. Les normes internationales
La relation de travail est très encadrée par le droit dans un souci de protection du salarié car ce dernier
est soumis à l’autorité de l’employeur. La relation de travail est déséquilibrée.
Les sources internationales du droit du travail sont variées : conventions internationales issues de
l’Organisation internationale du travail (OIT), conventions du Conseil de l’Europe et du droit communau-
taire.
Les conventions issues de ces organisations internationales ont pour but d’inciter les États membres à
respecter les droits de l’homme dans le cadre du travail. Mais les États doivent auparavant les ratifier
pour qu’elles soient applicables.
B. Le cas particulier des normes européennes
La protection de la relation de travail est assurée au niveau communautaire par les traités, règlements
et directives. Les traités et règlements s’imposent aux États membres, les directives doivent être trans-
posées dans les droits de chaque état membre. Malgré une volonté d’harmonisation des pratiques et
des législations en matière de droit social, les traitements entre travailleurs ressortissants des États
membres restent encore différents (ex. : l'égalité salariale entre hommes et femmes).

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4 L’adaptation de la relation de travail par le
droit négocié
PROGRAMME
123. L’adaptation de la Le contexte économique de concurrence accrue exerce une influence sur la Négociation collective : acteurs, objets,
relation de travail par le sphère juridique dont il convient de mesurer le sens et la portée. La relation de procédures d’adoption, principe
droit négocié travail se définit de plus en plus par la négociation collective. d’articulation des niveaux de
négociation.
Compétences attendues Enjeux et conséquences (123-1)
• Identifier les enjeux d’une négociation collective
• Repérer l’articulation de diverses sources de droit dans une situation de
travail donnée

SYNTHÈSE

1. Le cadre de la négociation collective


A. Les acteurs de la négociation collective
La négociation collective a lieu entre un employeur ou un groupement d’employeurs d’une part, et, d'autre part,
une ou plusieurs organisations de travailleurs : ce sont les partenaires sociaux.
Les syndicats doivent prouver leur représentativité en remplissant les critères suivants : le respect des valeurs
républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté de deux ans dans le champ profession-
nel ou géographique concerné, un effectif d’adhérents suffisant, le montant des cotisations collectées, la mesure
de l’audience en fonction des suffrages des élections précédentes.
B. Le contenu de la négociation collective
L’intérêt de la négociation collective pour les salariés est d’améliorer les dispositions du Code du travail. Elle per-
met également d’anticiper les difficultés éventuelles ou de résoudre les conflits par le dialogue entre les repré-
sentants salariés et les groupements d’employeurs. Contrairement à la loi, jugée parfois trop rigoureuse, la négo-
ciation collective permet de s’adapter plus aisément aux réalités économiques et sociales du monde profession-
nel.
La négociation collective permet d’aboutir à une convention collective ou à un accord collectif. La convention
collective porte sur l’ensemble des matières concernant les conditions d’emploi des salariés, du contenu des for-
mations professionnelles et des garanties sociales (article L. 2221-1 du Code du travail). L’accord collectif aborde
un ou plusieurs de ces sujets. Certains sujets doivent faire l’objet d’une négociation tous les ans, c’est le cas des
salaires par exemple, d’autres tous les trois ans, c’est le cas de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compé-
tences (GPEC).

2. Les différents niveaux de la négociation


A. Les niveaux nationaux, de branche et d’entreprise
La négociation collective peut se tenir au niveau d’une entreprise, c’est un accord collectif d’entreprise ; elle peut
se tenir au niveau d’une branche professionnelle, c’est un accord collectif de branche ; au niveau interprofession-
nel, c’est un accord national interprofessionnel.
Le principe veut que chaque accord collectif ne s’applique que dans le champ territorial ou professionnel corres-
pondant au niveau où il a été négocié. Ainsi, un accord signé au niveau de la branche hôtellerie et restauration ne
pourra s’appliquer qu’aux entreprises signataires et aux entreprises ou membres de l’organisation patronale si-
gnataire.
Ce principe connaît des exceptions avec l’extension ou l’élargissement de la convention ou de l’accord collectif.
L’extension va permettre d’étendre l’accord ou la convention aux entreprises de la branche concernée, qu’elles

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soient adhérentes ou non à une organisation patronale signataire. L’élargissement rend obligatoire une conven-
tion ou un accord dans un secteur géographique ou dans une autre branche professionnelle alors qu’il y a impos-
sibilité de conclure un accord ou une convention, suite à des carences ou à une absence d’organisations syndi-
cales.
B. La place de la négociation dans la hiérarchie des normes
En vertu du principe de légalité, les conventions et accords collectifs doivent se conformer à l’ensemble des règles
en vigueur en respectant la hiérarchie des normes. Autrement dit, les conventions et accords sont soumis à la
Constitution, lois et règlements hiérarchiquement supérieurs. Néanmoins, une jurisprudence constante de la Cour
de cassation a instauré le principe de faveur. Il prévoit qu’en cas de conflit entre plusieurs sources de droit, c’est
la source la plus favorable au salarié qui s’applique.
La loi du 4 mai 2004, dite « loi Fillon », ainsi que la loi El Khomeri, ont remis en cause le principe de faveur en
permettant aux accords collectifs d’entreprise de déroger dans un sens moins favorable à une convention ou ac-
cords de rang supérieur à l’exception de certaines matières énoncées par la loi. Par exemple, des accords collec-
tifs peuvent fixer le taux de rémunération des heures supplémentaires à un minimum de 10 %.
Les accords portant sur les salaires minima, les classifications des emplois, les garanties collectives de protection
sociale et le financement de la formation professionnelle ne sont cependant pas impactés par les lois Fillon et
El Khomeri.

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5 Le choix d’une structure juridique

PROGRAMME
221. Le choix d’une struc- La création d’une organisation nécessite de lui donner une structure juridique But lucratif ou non lucratif (221-1)
ture juridique pour lui permettre d’effectuer des opérations juridiques. Le choix de cette Pouvoir, régime matrimonial, statut fiscal,
structure juridique dépend des motivations du créateur. Celles ci peuvent être statut social, responsabilité (221-2)
liées à des choix de finalités, patrimoniaux, fiscaux, sociaux et financiers. Il
s’agit de mettre en évidence les vocations possibles d’un statut : organisation
de l’entreprise, organisation patrimoniale.

Compétences attendues
• Identifier les motivations du ou des créateurs
• Justifier le choix d’une structure adaptée à une situation donnée

SYNTHÈSE
1. L’influence de l’activité de l’entreprise
A. La nature de l’activité de l’entreprise
Le terme « entreprise » a plusieurs significations. Il désigne entre autres les différentes structures juridiques per-
mettant d’entreprendre une activité lucrative.
Il peut s’agir d’un seul entrepreneur qui souhaite entreprendre une activité sous la forme d’une entreprise indivi-
duelle (EI). Dans ce cas, l’entrepreneur et l’entreprise ne forment qu’une seule et même personne et il n’existe
qu’un seul patrimoine qui englobe les biens personnels de l’entrepreneur et ceux qu’il dédie à son activité profes-
sionnelle.
Mais un entrepreneur peut également créer seul une société : l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée
(EURL).
Enfin, un entrepreneur peut aussi souhaiter créer son entreprise en s’associant à d’autres entrepreneurs en
créant une société comme la société anonyme (SA), la société anonyme à responsabilité limitée (SARL), la société
par actions simplifiées(SAS), la société européenne (SE), etc.
Cependant, le choix de la structure juridique dépend parfois de la nature de l’activité entreprise. À titre
d’exemple, un débit de tabac ne peut être exploité sous la forme d’une EURL, SARL, SA ou d’une SAS.
B. La finalité de l’activité de l’entreprise
Une organisation peut chercher à poursuivre une finalité non lucrative. Dans ce cas, la structure juridique la plus
adéquate est l’association puisqu’elle permet à l’organisation de ne pas être imposée sur ses bénéfices.
Les associations peuvent exercer leur activité dans des secteurs très variés : l’humanitaire, le sport, la santé, le
social... mais ces activités entrent parfois en concurrence avec les activités des entreprises privées.
Pour ne pas concurrencer de manière déloyale les entreprises commerciales dont les bénéfices sont imposés, une
association peut réaliser des bénéfices à condition de ne pas les distribuer à ses membres. Ainsi, le bénéfice réali-
sé doit obligatoirement être réinvesti pour financer les activités de l'association (ex. : une association dont
l’activité serait la poterie pourrait vendre ses poteries au public mais les bénéfices réalisés ne pourront pas être
distribués à ses membres. Ils devront obligatoirement servir au fonctionnement de l’association (achat de maté-
riel…)).
En cas de doute sur la finalité non lucrative de l’association, l’administration fiscale peut enquêter. L’association
devra alors prouver la légitimité de la qualification d’activité non lucrative en répondant à l’un des deux critères
suivants :
• ne pas faire concurrence à une entreprise commerciale proposant les mêmes biens et/ou ser-
vices ;
• présenter une utilité sociale bien établie (avec des tarifs, des publics cibles, des modes de publi-
cité et des projets cohérents de réemploi des bénéfices).
À défaut de prouver le caractère non lucratif de son activité, l’association pourra être requalifiée d’entreprise à
but lucratif et devra alors s’acquitter de l’impôt au même titre qu’une société commerciale.
La finalité poursuivie par les membres d’une organisation peut aussi conduire au choix d’une structure juridique

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particulière qui permet de poursuivre une finalité à la fois économique et sociale. C’est par exemple le cas de la
Scop : sa finalité est lucrative mais elle permet d’organiser le fonctionnement de l’entreprise en fonction des inté-
rêts des salariés qui en sont propriétaires et qui prennent les décisions de manière démocratique selon le principe
« une personne = une voix ». Contrairement au principe de libre répartition des bénéfices dans les sociétés tradi-
tionnelles, le partage du profit est équitable : une part du bénéfice est distribuée à tous les salariés sous forme de
participation et d’intéressement (au minimum 25 %), une autre part aux salariés associés sous forme de divi-
dendes (au maximum 33 %), une dernière part réservée au développement et aux financements de l’entreprise
(16 % au minimum).
Le groupement d'intérêt économique (GIE) poursuit également une finalité hybride puisque sa finalité principale
n’est pas de rechercher des bénéfices mais de permettre et de faciliter le développement de l’activité écono-
mique de ses membres sans pour autant leur faire perdre leur indépendance les uns vis-à-vis des autres.

2. L’influence des considérations patrimoniales


A. Le montant du capital social engagé
Le capital social sert au moment de la création de la société à financer son lancement et/ou le cycle d’exploitation
de la société. C’est pourquoi il doit être précisément évalué s’il y a des investissements importants à réaliser.
En cas de difficultés financières, dans la plupart des sociétés, les associés ne sont financièrement responsables
qu’à hauteur de leurs apports dans le capital social. Toutefois, s’il est nécessaire de constituer un montant de
capital d’au moins 37 000 € pour créer une société anonyme (SA), toutes les structures juridiques ne nécessitent
pas un montant minimum de capital social. Depuis plusieurs années, la loi tend d’ailleurs à faciliter et à encoura-
ger la création d’entreprise en supprimant le montant minimum de capital nécessaire à la création de certaines
sociétés (la création d’une SARL à 1 € est possible depuis 2003).
Or, si le montant du capital social est insuffisant, les créanciers risquent de ne pas être remboursés. C’est la raison
pour laquelle les créanciers (banque ou fournisseurs) accorderont plus facilement un crédit financier à une entre-
prise disposant d’un montant de capital social suffisamment important. Le capital sert donc à afficher la solidité
financière de la société aux partenaires.
B. La protection du patrimoine personnel et du conjoint
La création d’une société permet de protéger le patrimoine privé de l’entrepreneur mais, dans certains cas, la
séparation privée/professionnel est illusoire. En effet, des formes de sociétés prévoient une responsabilité indéfi-
nie des associés : SNC, société en commandite par actions (SCA), société civile professionnelle (SCP)… Dans ce cas,
le patrimoine privé des associés est aussi engagé.
Par ailleurs, certains organismes financiers exigent une caution personnelle pour accorder un prêt à la société (la
situation peut être identique avec une EIRL) : dans ce cas, les biens privés peuvent aussi être engagés.
Enfin, la responsabilité financière d’un dirigeant peut être engagée en cas de faute de gestion : mauvaise tenue de
la comptabilité, dépenses excessives, montant du capital social dérisoire par rapport aux besoins de l’entreprise…
Le choix du régime matrimonial comporte un enjeu important pour l’entrepreneur et son conjoint. En effet, il
existe deux principaux régimes matrimoniaux : le régime de la communauté réduite aux acquêts et celui de la
séparation des biens.
Si les époux optent pour le régime de la communauté réduite aux acquêts, ils conservent la propriété des biens
qu’ils ont acquis avant le mariage mais partagent la propriété de tous les biens acquis pendant le mariage. Ils par-
tagent donc le même patrimoine pendant le mariage (actif et passif).
Un entrepreneur souhaitant protéger le patrimoine de son époux aura tout intérêt à opter pour le régime de la
séparation des biens. En effet, les époux mariés sous le régime de la séparation des biens ne partagent pas le
même patrimoine. Chacun d’eux conserve la propriété des biens acquis avant et pendant le mariage. L’avantage
est de protéger le conjoint des aléas économiques de la vie d’entreprise et de laisser une plus grande liberté à
l’entrepreneur dans la gestion de son entreprise.
C. Le choix du régime social
Si le statut social est une motivation du créateur, il devra choisir une structure juridique permettant d’accéder au
statut social qui le motive :
• le travailleur non salarié (indépendant) : EI, associé unique d’EURL, associé de société en nom collectif,
gérant majoritaire de SARL ;
• le salarié : gérant minoritaire ou égalitaire rémunéré de SARL, président rémunéré (associé ou non) de SA.
La différence entre ces deux régimes réside dans l’absence de protection contre le risque chômage pour les tra-

12
vailleurs non salariés. Cela dit, la protection sera la même à coût équivalent par le biais des assurances complé-
mentaires.
D. Le choix du régime fiscal
La motivation fiscale influence le choix entre des structures permettant l’imposition de la personne, celles per-
mettant l’imposition de la structure juridique et celles permettant le choix entre les deux options.
Les structures juridiques fiscalement transparentes soumises à l’impôt sur le revenu
Certaines structures n’existent pas en tant que contribuable pour l’administration fiscale. Ainsi, aucune distinction
n’est faite au niveau fiscal entre le bénéfice de l’entreprise et la rémunération des dirigeants et associés. Les bé-
néfices de l’entreprise ainsi que les revenus du dirigeant ou de l’associé sont imposés en même temps au titre de
l’impôt sur le revenu (IR). Selon le montant du revenu imposable, le taux d’imposition peut être plus élevé que
celui des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS, ex. : EI).
Les structures fiscalement opaques soumises à l’impôt sur les sociétés
La société est le contribuable, les bénéfices sont donc soumis à l’IS. Les associés ou actionnaires ne sont impo-
sables qu’au titre de l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices qui leur est distribuée (dividendes). Le taux
de l’IS est plus intéressant lorsque les bénéfices sont importants (ex. : SA).
Les structures laissant le choix
Certaines structures juridiques permettent le choix entre les deux options. Selon l’option choisie, le contribuable
sera soit l’entreprise soit les associés ou actionnaires (ex. : SARL, SNC).
L’option pour l’IR est révocable, alors que l’option pour l’IS est irrévocable. Dans le cas d’un faible montant de
bénéfice, l’IR est le plus intéressant.

13
14
6 L'évolution de la structure juridique

PROGRAMME
221. Le choix d’une struc- Le développement peut susciter un changement de structure. Il peut s’agir Structures juridiques et évolution (221-3)
ture juridique notamment de l’apport en société d’une entreprise individuelle ou de la modi-
fication de la forme sociale en fonction des motivations nouvelles des déci-
deurs.
Compétences attendues
• Identifier les motivations du ou des créateurs
• Justifier le choix d’une structure adaptée à une situation donnée

SYNTHÈSE
Plusieurs structures juridiques permettent d’entreprendre une activité lucrative. Au cours de la vie d’une entre-
prise (entreprise individuelle, EI, ou société), il peut être nécessaire de changer de structure juridique. Il peut
s’agir de transformer une EI dans le but de s'associer à d’autres entrepreneurs, de changer la structure juridique
afin d’accéder à de nouvelles sources de financement ou pour faciliter la transmission de l’entreprise.

1. De l’entreprise individuelle à la société pluripersonnelle


A. Les raisons qui poussent les entrepreneurs à se réunir en société
Un entrepreneur peut décider de s’associer afin de séparer son patrimoine privé du patrimoine affecté à son acti-
vité professionnelle. Bien entendu, d’autres raisons motivent un entrepreneur à s’associer :
• le besoin de compétences complémentaires (commerciales, techniques…) ;
• le besoin d’un carnet d’adresses, voire d’une crédibilité : s’entourer d’entrepreneurs expérimen-
tés donne du poids à son projet face aux investisseurs ;
• le besoin de fonds pour démarrer sa société ou la développer et en constituer le capital social.
B. L’évolution d’une entreprise individuelle en société
Deux techniques permettent de transformer une entreprise individuelle en société.
• L’apport du fonds de commerce : l’entrepreneur transfère la propriété du fonds de commerce au
capital social de la société qu’il crée en même temps. L’entrepreneur deviendra alors l’associé de
la société et recevra des parts sociales en contrepartie de son apport en nature (apport du fonds
de commerce).
• La cession du fonds de commerce suppose la création d’une société préalablement à la vente du
fonds de commerce à cette société. Comme il s’agit d’une vente, la société paie en retour le prix
de la cession du fonds à l’entrepreneur. L’entrepreneur n’est alors pas associé de la société à la-
quelle il vend le fond. Il est libre de conserver le prix de la vente ou d’apporter cette somme
d’argent dans le capital social de l’entreprise. Dans ce dernier cas, il devient associé et reçoit en
contrepartie des parts sociales.

2. L’évolution de la structure juridique liée à son fonctionnement


A. La répartition du pouvoir de décision
L’organisation du pouvoir est un facteur déterminant pour le choix de la structure juridique et son évolution. En
effet, si un entrepreneur s’associe, il souhaitera peut-être conserver son pouvoir de décision. S’il pense conserver
la majorité du capital social de la société, il pourra opter pour une société dont les règles de vote prévoient un
fort pouvoir de décision pour les associés qui détiennent la plus grande partie du capital social (on les appelle les
sociétés de capitaux).

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Dans d’autres cas, des entrepreneurs peuvent décider de s’associer en prévoyant une répartition égale du pouvoir
de décision entre les associés. Cette volonté se rencontre dans les sociétés où les associés se sont choisis et ont
établi les statuts en s'attachant à la personnalité de chacun et non aux montants des apports. Il s'agit alors d'un
contrat dit « intuitu personæ ». On retrouve assez souvent ce choix de structure juridique dans les entreprises
familiales où les associés, qui sont les membres d’une même famille, veulent pouvoir décider de manière démo-
cratique selon le principe « une personne = une voix ». C’est le cas de la société en nom collectif (SNC) que l’on
appelle « société de personnes ».
Enfin, un entrepreneur peut aussi être associé minoritaire mais parvenir à conserver un fort pouvoir de décision
en optant pour la société par actions simplifiées (SAS). En effet, la loi peut laisser les associés décider des règles
de vote, ce qui est le cas de la SAS.
B. Les besoins en financement
Une entreprise peut souhaiter obtenir un financement de la part d’un établissement bancaire afin, par exemple,
de financer son développement ou investir dans de nouvelles machines. Dans certains cas, le montant souhaité
du financement est trop important pour qu’une banque accepte compte tenu du risque. Une société peut alors se
tourner vers d’autres sources de financement :
• une introduction en Bourse : la société vend des parts de sa propriété à de nouveaux associés,
appelés actionnaires, qui recevront en contrepartie une part du bénéfice de la société, appelé
« dividende » ; l‘introduction en Bourse présente un risque car le capital social est dilué entre
tous les actionnaires, exposant certains actionnaires (ou association d’actionnaires) à la perte de
leur pouvoir de décision ;
• une émission d’obligations : une entreprise peut obtenir des financements de la part
d’investisseurs qui désirent prêter de l’argent moyennant le versement d’intérêts.
C. La transmission de l’entreprise
L’entreprise individuelle ne peut appartenir qu’à une seule personne contrairement à une société. De ce fait, en
cas de décès de l’entrepreneur individuel, l’entreprise sera transmise à ses héritiers. Or, s’il y a plusieurs héritiers,
l’entreprise (le fonds de commerce et les locaux) devra être vendue et le prix de cession réparti. En effet, il n’est
pas possible d’en découper la propriété. La seule solution serait que l’héritier qui souhaite poursuivre
l’exploitation de l’entreprise désintéresse les autres en leur versant une somme d’argent, à condition de disposer
d’une telle somme. À défaut, le fonds de commerce est vendu et l’entreprise ne peut pas être poursuivie par l’un
des héritiers.
Transformer une EI en société est alors un bon moyen d’anticiper sa cession. La société présente en effet
l’avantage d’avoir un patrimoine propre et donc de permettre son partage en parts sociales ou en actions (pour
les SA). Ainsi, au décès de l’associé, ses parts sont distribuées équitablement entre les héritiers qui deviennent
associés de la société. Chaque associé est ensuite libre de vendre ses parts sociales ou de les conserver, sans que
cela ne vienne mettre en péril la pérennité de l’entreprise.
Les règles de transmission des parts sociales d’une société influencent le choix de la structure juridique. La ces-
sion des parts sociales d’un associé à un tiers ou à ses héritiers n’est pas toujours libre. Les règles de cession des
parts sociales diffèrent d’une structure sociétaire à une autre. Par exemple, dans une SARL, la cession des parts
est soumise à l’accord des associés détenant au moins 50 % du capital social ; dans une SNC, la cession est encore
plus difficile puisqu’elle est soumise à l’accord unanime des associés.

16
7 La pérennité de l’entreprise

PROGRAMME
222. La pérennité de L’entreprise peut connaître des difficultés. La prévention est privilégiée par le Prévention (222-1)
l’entreprise droit. Le législateur se fixe trois objectifs : le redressement de l’entreprise, le Cessation des paiements. Procédures :
maintien de l’emploi et le paiement des créanciers. conciliation sauvegarde, redressement et
L’étude prend appui sur les finalités du droit des entreprises en difficulté. Il liquidation judiciaires (222-2)
convient également de montrer que le droit des entreprises en difficulté est un Conséquences de la procédure pour les
droit marqué par la nécessité d’arbitrages entre des intérêts contradictoires : créanciers dont les salariés (222-3)
intérêt de l’entreprise, des salariés, des créanciers. L’étude de ce thème est
centrée sur les objectifs des mesures et non sur la technicité des règles de
droit.
Compétence attendue
• Analyser les difficultés d’une entreprise et caractériser la procédure à
mettre en œuvre ou à préconiser

SYNTHÈSE
La loi de « sauvegarde des entreprises » du 27 juillet 2005 modifiée par l'ordonnance du 18 décembre
2008, réforme en profondeur le droit des entreprises en difficulté. Elle met l'accent sur la prévention. En
effet, en matière de sauvegarde des entreprises, plus on intervient tôt, plus l'entreprise a de chances de
s'en sortir, les créanciers d'être payés et l'emploi maintenu.

1. Les dispositifs de prévention des difficultés des entreprises


A. L’obligation d’information
La loi de 2005 impose aux entreprises des obligations d'information afin de détecter précocement leurs
difficultés. Les sociétés commerciales doivent ainsi publier leurs comptes (bilan, compte de résultat et
annexes). En outre, pour les grandes entreprises, ce sont des comptes prévisionnels qui sont exigés.
Cette obligation permet de présenter une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des
résultats comptables des sociétés.

B. Les procédures d’alerte


Elles peuvent être déclenchées par plusieurs types de parties prenantes pour « des faits de nature à
compromettre la continuité de l'exploitation ».

L’origine de l’alerte
peut être…

… interne à … externe à
l’entreprise l’entreprise

Par le président du Par les


Par le commissaire Par le Comité
Par les associés tribunal de groupements de
aux comptes d’entreprise
commerce prévention agréés

17
C. Les procédures de traitement amiable des difficultés
Certaines procédures peuvent être mises en œuvre, à la demande du dirigeant qui constate des difficul-
tés et souhaite intervenir avant que la situation ne se détériore. Pour des difficultés prévisibles, le re-
cours au mandat ad hoc peut être opportun. Pour des difficultés plus importantes, une procédure de
conciliation peut être engagée.
Ÿ Le mandat ad hoc : c'est une procédure simple, flexible et confidentielle. Le tribunal nomme un
mandataire sur proposition du chef d'entreprise. Le mandataire apporte son aide et facilite la
conclusion d'un accord entre le débiteur et les créanciers.
Ÿ La procédure de conciliation : le tribunal désigne un conciliateur dont la mission est la conclusion
d'un accord entre le débiteur et les créanciers. Lorsqu'un accord est intervenu le président du
tribunal le constate et lui confère force exécutoire.

2. Les procédures judiciaires pour répondre aux difficultés des entreprises


A. Des procédures de sauvegarde et de redressement à la liquidation judiciaire
Sauvegarde Redressement judiciaire

État et situation financière Le débiteur doit justifier « de difficultés qu'il n'est Être en état de cessation des paiements : c'est la situation où l'entreprise
de l'entreprise pas en mesure de surmonter » mais sans être en est dans l'impossibilité « de faire face à son passif exigible avec son actif
état de cessation des paiements. disponible ».
Le passif exigible correspond à l'ensemble des dettes arrivées à l'échéance
et dont le paiement peut-être exigé immédiatement par les créanciers.
L'actif disponible correspond aux sommes immédiatement mobilisables
dont l'entreprise peut disposer sans délai.

Objectifs Elle est destinée à faciliter la réorganisation de Cette procédure est destinée « à permettre la poursuite de l'activité de
l'entreprise, afin de permettre la poursuite de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ».
l'activité économique, le maintien de l'emploi et
l'apurement du passif.

Texte de référence Article L. 620-1 du Code de commerce Article L. 631-1 du Code de commerce

Demandeur de l'ouverture Seulement le débiteur Ÿ Le débiteur qui doit « déposer son bilan », dans les 45 jours qui
de la procédure par saisine suivent le début de l'état de cessation des paiements.
du tribunal Ÿ Un créancier.
Ÿ Le tribunal qui peut se saisir d'office après l'échec d'une procédure
de conciliation.
Ÿ Le ministère public.

B. La procédure de liquidation judiciaire


Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur en cessation des paiements
et dont le redressement est manifestement impossible.
Elle met fin à l'activité du débiteur, dont les biens sont vendus pour permettre le paiement des diffé-
rents créanciers. Elle peut être ouverte directement ou dans le courant d'une procédure si aucun re-
dressement n'est possible.
C. Les conséquences de la procédure pour les créanciers
Dès l'ouverture d'une procédure, les créanciers doivent déclarer leurs créances au représentant des
créanciers désigné dans le jugement. La déclaration des créances est indispensable pour avoir le droit de
participer aux répartitions éventuelles de fonds.
Les créances postérieures à l'ouverture de la procédure bénéficient d'un traitement préférentiel, dans la
mesure où elles permettent la continuation de l'activité. Elles doivent être payées à l'échéance. À défaut
de règlement à l'échéance, ces créanciers postérieurs auront un privilège de paiement par rapport aux
créanciers antérieurs.
Le cas particulier des salariés : ils bénéficient d'un « superprivilège » pour les 60 derniers jours de travail
avant le jugement et d'un privilège pour les six derniers mois. Le paiement de ces créances est garanti
par l'association pour la gestion du régime d'assurance des salariés (AGS). Les employeurs sont obligés
de souscrire à ce régime d'assurance. Après paiement, l'AGS est subrogée dans les droits des salariés et
peut donc bénéficier des privilèges.

18
8 La formation des contrats entre
professionnels
PROGRAMME
321 - Les relations con- Les contrats entre professionnels relèvent du droit général des contrats mais Conditions de validité des contrats passés
tractuelles entre parte- présentent des spécificités. En particulier, la force du principe de l’autonomie entre professionnels (321-1)
naires privés de volonté s’amoindrit, d’autres principes fondateurs peuvent être sollicités : Négociation : processus et représentation
égalité, équilibre, loyauté, par exemple. (321-2)
Les contrats conclus entre professionnels le sont rarement en un seul moment.
Les enjeux étant importants, la conclusion du contrat est souvent précédée
d’une longue période de négociation ponctuée d’accords préparatoires dont il
convient de qualifier la nature juridique. Les relations contractuelles entre
professionnels conduisent parfois à différencier la personne juridique qui
s’engage et le signataire du contrat, ce que permet la technique de la représen-
tation juridique.
Compétences attendues
• Qualifier une situation précontractuelle ou contractuelle
• Apprécier l’opportunité, la validité et les effets juridiques d’arrangements
contractuels
• Rédiger et/ou adapter tout ou partie d’un contrat

SYNTHÈSE

1. Le régime juridique des contrats entre professionnels


A. La notion de contrat Acte
Le contrat est un acte juridique par lequel se manifestent des vo- juridique

lontés pour produire un effet juridique. Il a pour objet de créer une


obligation (contrat de bail) ou de transférer la propriété (contrat de Convention

vente).
L'article 1101 du Code civil énonce : « le contrat est un accord de
volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modi-
Contrat
fier, transmettre ou éteindre des obligations ».
L'article 1102 ajoute : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas
contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le conte-
nu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ».

La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public ».
Signature Fin du contrat

Période précontractuelle Exécution du contrat Période post-contractuelle

B. Les conditions de validité des contrats


Les conditions de validité d'un contrat sont énoncées par l'article 1128 du Code civil :
« Sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;

19
3° Un contenu licite et certain. »
La qualité du consentement
Le consentement doit être libre pour s’engager et pour rédiger le contrat.
L’article 1130 du Code civil dispose : « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils
sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des
conditions substantiellement différentes [...] ».
L’erreur
Résulte de l’idée fausse ou inexacte que se fait l’une des parties de l’un
des éléments du contrat. Elle permet l’annulation du contrat lorsqu’elle
porte sur une qualité essentielle de la chose, objet du contrat, ou sur la
personne du cocontractant, lorsque la considération de cette personne
est déterminante.

VICE DU
CONSENTEMENT

Le dol La violence
Est constitué par des manoeuvres Résulte de la crainte, d’une menace
frauduleuses provoquant une erreur. qui contraint le cocontractant à donner
Ces manoeuvres doivent émaner du son accord.
cocontractant, impliquer l’intention de
nuire et avoir été déterminantes dans Contrainte physique, morale ou
la conclusion du contrat. économique.

C. Le principe de l’autonomie de la volonté


Cela signifie que l'homme est apte à créer ses règles juridiques. Ce principe se traduit par trois libertés :
celle de contracter ou de ne pas contracter, celle de choisir son cocontractant et celle de déterminer le
contenu du contrat, avec l'accord des autres parties, dans les limites du respect de l'ordre public et des
bonnes mœurs.

2. La négociation des contrats entre professionnels


A. Le processus de négociation
Ce processus est formé de pourparlers qui sont des négociations informelles, sans le cadre contractuel
des avant-contrats. Ces discussions vont permettre aux parties de s'entendre sur le contenu des con-
trats et cela va se traduire par la rédaction des clauses.
Ces négociations ne font apparaître aucune obligation contractuelle, les parties sont libres de cesser les
négociations, mais elles peuvent engager leur responsabilité délictuelle si la rupture est abusive. Est
considéré comme abusive par exemple une rupture brutale, sans raison valable. Par extension les juges
assimilent à une rupture abusive les négociations déloyales (ex. : une partie qui a négocié sans intention
sérieuse de conclure ou qui a négocié pour obtenir des informations confidentielles).
B. La rédaction d’avant-contrats
Les avant-contrats se distinguent des pourparlers car ils procèdent d'un véritable accord entre parte-
naires en vue de la conclusion du contrat définitif. Cela fait basculer le régime juridique de la négocia-
tion de la responsabilité délictuelle à celui de la responsabilité contractuelle.

20
Avant-contrats Caractéristiques

L'offre Acte unilatéral qui ne lie que l'offrant pour une durée déterminée ou indéterminée.
Le devis par exemple est une offre d'effectuer certaines prestations ; il devient un
contrat lorsqu'il est accepté par son destinataire.

La promesse unilatérale Convention par laquelle une personne, le promettant, s'engage envers une autre qui
accepte, le bénéficiaire de la promesse, à conclure avec elle dans un certain délai un
contrat à des conditions déterminées.

La promesse synallagmatique Convention par laquelle deux parties s'engagent réciproquement à conclure un
contrat déterminé.

C. Le mécanisme de la représentation
La représentation est une technique juridique qui permet à une personne qui ne peut ou ne veut ac-
complir un acte juridique personnellement de le faire par l'intermédiaire d'autrui.
Ceux qui contractent avec une société doivent bien prendre soin de vérifier les pouvoirs de celui qui
prétend la représenter (consultation du K-bis pour vérifier l'identité du dirigeant ou du pouvoir pour
vérifier l'étendue des attributions du mandataire). Si la personne qui a signé l'accord n'avait pas le pou-
voir de représentation, la société qu'il était sensé représenter n'est pas engagée.

21
22
9 L’exécution du contrat entre professionnels

PROGRAMME
321 - Les relations con- La multiplication des échanges conduit à standardiser les clauses des contrats Loi contractuelle : clauses particulières,
tractuelles entre parte- mais laisse aux parties une marge de créativité contractuelle. Le législateur et exécution, évolution, résiliation, résolution
naires privés le juge sont amenés à intervenir de plus en plus fréquemment pour encadrer (321-3)
cette créativité.
L’aménagement du contrat en matière d’exécution et d’évolution permet de
garantir la pérennité de la relation. dans le cadre des objectifs de l’entreprise.
Dans certains cas, la rupture de la relation peut
s’imposer.
Compétences attendues
• Qualifier une situation précontractuelle ou contractuelle
• Apprécier l’opportunité, la validité et les effets juridiques d’arrangements
contractuels
• Rédiger et/ou adapter tout ou partie d’un contrat

SYNTHÈSE

1. Les effets juridiques d'un contrat


A. La naissance d'obligations
La force obligatoire du contrat
L'article 1103 du Code civil énonce : « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L'article 1104 du Code civil ajoute : « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».
Enfin, l'article 1193 du Code civil dispose : « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consente-
ment mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise ».
Ces articles sont l'expression du principe de l'autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle. Le contrat
constitue la loi des parties.
Ils énoncent par ailleurs le principe de bonne foi qui doit présider à l'exécution des contrats.
Ces principes excluent toute modification unilatérale du contenu du contrat par l'une des parties et toute inter-
vention du juge pour modifier le contrat.
L'effet relatif du contrat
Si les cocontractants subissent directement les effets du contrat, il en va différemment des tiers, qui ne sont pas
directement concernés par l’acte. L’article 1199 du Code civil dispose ainsi que « le contrat ne crée d’obligations
qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter
[...] ».
Les parties sont les personnes présentes lors de la conclusion du contrat. Ce sont celles strictement concernées
par le contrat : elles l’ont signé et se sont engagées à en respecter les termes. En revanche, les tiers n'ont pas à
être engagés par le contrat.
Ce principe est tempéré par des exceptions pour protéger une des parties au contrat. Par exemple, les ayants
cause à titre particulier qui vont acheter un bien immobilier ou le recevoir par donation vont devoir poursuivre les
baux conclus par le vendeur ou le donateur.
B. L'intervention du juge pour restaurer l'équilibre contractuel
C'est le cas lorsqu'il existe un déséquilibre significatif. Le déséquilibre significatif est une situation appréhendée et
sanctionnée par l'article L. 442-6-I du Code du commerce qui retient la responsabilité de tout producteur, com-
merçant, industriel, et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, de soumettre ou de tenter de soumettre un
partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des
parties.
Cet article touche, en conséquence, directement le contrat en ce qu'il conduit au contrôle de sa formation et de
son exécution, ce qui va amener le juge à apprécier l'équilibre de ce contrat et vraisemblablement à porter at-

23
teinte au principe de l'autonomie de la volonté consacré par l'article 1134 du Code civil.

2. L'évolution des rapports contractuels


A. La modification des obligations
La fixation du prix de vente
En établissant un contrat de vente, l’entreprise s’engage à fournir une marchandise ou un service à une autre
entreprise, qui, elle, s’engage à acheter ses produits ou services. Par sécurité, il est conseillé de préciser le prix
dans le contrat de vente.
Lorsqu’une convention cadre (convention qui fixe les modalités des engagements respectifs sur une longue pé-
riode) lie deux entreprises, elle fait mention des marchandises ou services concernés par cet accord. Quant au
prix de vente, il n’est pas nécessaire de le mentionner dans la convention cadre car les achats s’étalent dans le
temps. Mais, lorsque des ventes se réaliseront, elles devront mentionner le prix des marchandises ou services.
Lorsque la convention aborde le sujet des paiements futurs, il peut être intégré une clause de variation de prix.
Dans ce cas, le prix fixé au moment de la signature de la convention est révisé selon un indice. Une clause
d’indexation permettra de faire varier les prix de vente en fonction d’un indice qui doit être en lien direct avec
l’activité professionnelle.
La renégociation du prix
Il peut être prévu dans un contrat qu’en cas de modification importante de l’équilibre du contrat, le prix pourra
être modifié. Ce type de clause de renégociation est parfois appelé clause de « hardship ». Elle jouera si l’équilibre
du contrat est profondément modifié du fait d’un événement imprévisible d’ordre économique ou politique (ex. :
un contrat de fourniture de biens d’un pays connaît un bouleversement politique entraînant une augmentation
du prix de ce bien).
Cet événement se distingue de la force majeure car celle-ci empêche l’exécution du contrat, ce qui n’est pas le cas
ici, l’événement ayant pour effet seulement de rendre plus onéreux le contrat pour l’une des parties.
B. La fin du contrat : résiliation, résolution et rupture
En cas d'inexécution totale ou partielle d'une obligation par l'une des parties au contrat, l'autre partie peut, tout
d’abord, s’abstenir d’exécuter ses propres obligations. Elle met ainsi en œuvre l’exception d’inexécution afin de
faire pression sur le débiteur pour qu’il assume spontanément sa part de l’engagement. Elle peut également solli-
citer du juge l’exécution forcée des obligations du débiteur, notamment sous astreinte. Enfin, elle peut souhaiter
que le contrat soit anéanti afin d’être libérée de cette relation contractuelle devenue défectueuse : c’est la résolu-
tion du contrat.
En parallèle, le créancier peut obtenir des dommages-intérêts du débiteur sur le fondement de la responsabilité
contractuelle.
Résiliation et résolution
Quand le juge prononce la résolution d'un contrat synallagmatique, les effets du jugement rétroagissent à la date
du contrat et les parties doivent se restituer les prestations qu'elles se sont faites en exécution du contrat, depuis
sa signature.
En revanche, la résiliation porte essentiellement sur des contrats à exécution successive (contrat de travail, con-
trat d'assurance, contrat de bail). Les effets de cette mise à néant des obligations ne vaudront que pour l'avenir et
n'auront pas d'effets rétroactifs.
La rupture du contrat commercial
Les relations commerciales entre professionnels ne sont pas toujours idéales et il apparaît parfois nécessaire de
mettre fin aux engagements pris. L’inexécution d’une obligation contractuelle donne droit au cocontractant de
rompre le contrat mais cette rupture ne doit pas être abusive.
La loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001 a instauré un délit de rupture brutale
des relations commerciales. Cette loi a notamment fixé les règles relatives au préavis qui doit être respecté avant
toute rupture. Ce délai de préavis doit être écrit dans le contrat, être conforme aux usages du secteur et doit tenir
compte de la durée de la relation commerciale. Cette loi traduit la volonté du législateur de protéger les fournis-
seurs de la grande distribution qui avait recours à la pratique du déréférencement.

24
10 Les relations contractuelles avec la
personne publique
PROGRAMME
322 - Les relations con- Les contrats que peuvent passer les entreprises privées ne sont pas exclusive- Caractéristiques du contrat administratif :
tractuelles avec la per- ment de droit privé. Elles sont appelées également à passer des marchés qualité des parties et clause exorbitante de
sonne publique publics. La qualité particulière d’un des contractants (personne publique) droit commun, ou contrat lié à l’exécution
appelle l’application de règles impératives se rattachant au droit public tant au du service public (322-1)
niveau de la formation que de l’exécution. Formation du contrat : négociation et
marché public, procédures de passation.
Compétences attendues (322-2)
• Qualifier une situation précontractuelle ou contractuelle Exécution du contrat : prérogative de la
• Apprécier l’opportunité, la validité et les effets juridiques d’arrangements puissance publique, résiliation unilatérale
contractuels (322-3)
• Rédiger et/ou adapter tout ou partie d’un contrat

SYNTHÈSE

1. Le contrat administratif
A. Une catégorie de contrats conclus par l’administration
Un contrat administratif est un acte juridique entre une personne privée et une personne publique qui contient
des clauses exorbitantes de droit commun ou qui prévoit l’organisation d’une mission de service public. La juris-
prudence retient deux critères alternatifs, c’est-à-dire non cumulatifs : la présence de clauses exorbitantes de
droit commun ou l’exécution du service public.
B. Un contrat facilitant le fonctionnement du service public
Une clause exorbitante est un pouvoir permettant à l'administration d’imposer des conditions qui lui donnent
indubitablement un avantage sur la personne privée, par exemple le pouvoir de suspendre l’exécution du contrat
sans mise en demeure préalable. Les avantages conférés à la personne publique lui permettent d’agir dans
l’intérêt général.

2. Les marchés publics


A. Une forme de contrat administratif
Les marchés publics sont une forme de contrat administratif. Ils constituent un enjeu fort car ils représentent de
nombreux contrats, donc des opportunités à saisir par les entreprises surtout en période de crise. Il existe trois
types de marchés publics : le marché public de fournitures, le marché public de services, le marché public de tra-
vaux.
Les cas de corruption des marchés publics favorisant certaines entreprises au détriment d’autres révèlent bien
l’enjeu de ce type de marché.
Les marchés publics sont donc fortement réglementés. D’abord avec le droit communautaire qui souhaite favori-
ser la concurrence et lutter contre la corruption. Ces préoccupations européennes ont été transposées en droit
français grâce à l’élaboration du Code des marchés publics qui repose sur la liberté dans le choix des contractants
et la responsabilité dans le respect des principes fondamentaux de commande publique : liberté d’accès à la
commande, égalité des traitements des candidats et transparence de la procédure.
Une évolution récente concerne l’accès des PME aux marchés publics. L’objectif est de faciliter leur participation à
ces marchés (directive communautaire du 26 février 2014).

25
B. Une procédure particulière à suivre
Voici les principales étapes de l’appel d’offres.

4. Analyse des
1. Lancement de 2. Rédaction des réponses par la 5. Choix d'une 6. Informations
3. Publicité aux entreprises
l'offre documents personne entreprise
publique non retenues

Voici les procédures de l'achat public (applicables du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et révisable chaque
année).
Si commande publique Si commande publique Si commande publique
< 25 000 € HT ³ 25 000 € HT Fournitures et services Travaux
³ 135 000 € HT pour l’État et les établisse- ³ 5 225 000 €
ments publics HT
³ 209 000 € HT pour les collectivités et les
établissements publics de santé

Marché de faible montant : marché Marché passé selon une procédure Marché passé selon une procédure formalisée : l’appel
de gré à gré) adaptée (MAPA) d’offres (AO)
• Respect des principes des • Possibilité de négocier les • Négociation interdite.
marchés publics. délais de livraison, les prix, la • Appel d’offres ouvert (AOO) : tous les candidats peu-
• La mise en concurrence est qualité technique de l’offre vent remettre une offre.
largement simplifiée, il peut avec certains ou tous les can-
didats. • Appel d’offres restreint (AOR) : seuls les candidats
être demandé 3 à 5 devis à présélectionnés pourront déposer une offre.
des fournisseurs potentiels, • Choix libre des modalités de
par exemple. procédure à condition • Publicité de l’offre au Bulletin officiel des annonces de
qu’elles soient clairement marchés publics, au Journal officiel de l’Union euro-
• La publicité n’est pas obliga- péenne (JOUE) et sur le profil d’acheteur (site internet
toire. précisées.
qui centralise les outils nécessaires à la dématérialisa-
• Le contrat n’est pas obligatoi- • Publicité dans le journal local tion des procédures de marchés publics) de la personne
rement écrit. ou sur le site internet de la publique.
personne publique…

26
11 Le contrat électronique

PROGRAMME
421. Le contrat Les activités économiques exigent le support d’un contrat. À l’origine du con- Offre commerciale électronique : protec-
électronique trat on trouve souvent une offre commerciale qui peut recourir à des moyens tion du co-contractant, respect de l’ordre
virtuels. Ces moyens peuvent être très intrusifs. Ils supposent donc une protec- public, respect de la vie privée, obligation
tion spécifique du co-contractant. de loyauté et de transparence (421-1)
L’offre commerciale peut déboucher sur un contrat. Comme toute convention, Contrat électronique : écrit électronique,
le contrat étapes du processus de formation du
électronique passe par deux stades : la formation et l’exécution. Toutefois, contrat électronique, exécution du contrat
comme ils s’effectuent dans l’univers virtuel, ils supposent le développement électronique et paiement électronique
de règles spécifiques et / ou une adaptation des règles de l’univers matériel à (421-2).
celui de l’immatériel.
Compétences attendues
• Apprécier la validité de tout ou partie d’un contrat électronique et explici-
ter ses effets juridiques
• Apprécier si l’offre commerciale électronique est conforme au droit
positif
• Rédiger et qualifier quelques clauses d’un contrat électronique

SYNTHÈSE

1. Les règles de l’offre commerciale électronique


A. Les règles relatives à l’envoi d’une publicité
Lors de l’envoi d’une publicité sur support électronique, le cyber-vendeur est tenu de respecter.
• Les règles d’ordre public : ces règles sont des mesures impératives d’orientation de l’activité
économique ou de protection de la partie en état de faiblesse, en l’espèce, le cyber-
consommateur. Les parties ne peuvent, y compris par leur consentement mutuel, déroger à ces
mesures. Ainsi, le commerce de médicaments sur Internet est réglementé : le site doit être ados-
sé à une officine de pharmacie physique et seuls les médicaments non soumis à prescription
obligatoire peuvent être vendus sur Internet.
• La loyauté des pratiques : le cyber-vendeur ne doit pas manquer aux exigences de la diligence
professionnelle légitimement attendue par le consommateur. Il en découle notamment
l’interdiction des pratiques trompeuses : même sans mensonge explicite, elles génèrent une
fausse croyance du consommateur par des formules imprécises ou équivoques.
Lors de l’envoi d’une publicité par support électronique, les principales règles sont prévues par le cha-
pitre 2 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).
Selon l’article 20, « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de com-
munication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clai-
rement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ».
Selon l’article 22, il est par ailleurs interdit d’adresser une publicité électronique à une personne sans
avoir préalablement recueilli son consentement explicite (ex. : pas de case pré-cochée en remplissant un
formulaire).
B. Les règles informant sur le vendeur, le produit et le prix
Le cyber-vendeur est tenu en ce domaine à une obligation de transparence qui lui impose notamment
de présenter :
• l’éditeur du site ;
• l’éditeur de l’offre ;
• les caractéristiques essentielles quantitatives et qualitatives du produit ;

27
• le prix qui devra être effectivement payé.

2. Les règles du contrat de vente en ligne


A. Les règles à respecter lors de la formation du contrat
Les trois principales obligations imposées à un cyber-vendeur lors de son offre de contracter sont :
• la mise à disposition des conditions générales de vente que le client doit accepter explicitement
(pas de case pré-cochée) ;
• l’obligation de permettre au client de confirmer sa commande avant de considérer celle-ci
comme effective ;
• l’obligation de présenter un récapitulatif de sa commande lui permettant de la vérifier, la modi-
fier, l'annuler le cas échéant.
Pour valider la commande, le client doit confirmer sa demande après consultation de ce récapitulatif. Ce
principe est communément appelé le « double-clic ».
B. Les règles à respecter lors de l’exécution du contrat
Une fois que le contrat de vente électronique est formé, le cyber-vendeur doit respecter différentes
obligations dont les principales sont :
• après réception de la commande, le cyber-vendeur doit adresser un accusé de réception de sa
commande au client sans délai injustifié, par voie électronique (courriel, page imprimable sur le
site...) ;
• de livrer le bien acheté par Internet à la date indiquée dans son offre commerciale. À défaut
d’indication d’une date de livraison, le professionnel est tenu de livrer au plus tard dans les
30 jours ;
• si le fournisseur ne peut respecter ce délai, par exemple suite à une rupture de stock, le client
doit en être informé clairement et, surtout, il peut, s'il le souhaite, être remboursé dans un délai
maximal de 14 jours suivant le paiement en cas de rupture de stock, et, à la seule condition que
cette possibilité ait été prévue lors de la conclusion initiale du contrat, le vendeur peut proposer
à son client un autre produit à un prix équivalent ;
• en cas d’indisponibilité du produit, d'archiver 10 ans si la valeur du contrat est supérieure à
120 € ;
• de permettre au consommateur de bénéficier d’un temps de réflexion suite à une commande en
ligne en le faisant bénéficier d’un droit de rétractation de 14 jours ;
• d’archiver le contrat électronique pendant 10 ans si celui-ci porte sur une somme supérieure ou
égale à 120 €.
Relativement au paiement de cette vente électronique, différentes règles sont en vigueur :
• le paiement peut être effectué lors de la commande ou à la livraison contre remboursement
(dans ce cas des frais supplémentaires peuvent être appliqués) ;
• le vendeur peut proposer différents types de paiement : paiement crypté, par carte bleue (CB),
par porte-monnaie électronique, par SMS, par le fournisseur d'accès à Internet (FAI), etc. ;
• pour le paiement par CB, le commerçant doit souscrire un contrat de vente à distance avec sa
banque ;
• en cas de contestation ou d'utilisation frauduleuse, le commerçant doit assumer les coûts de la
vente et le client n'est pas responsable si le paiement a été fait à distance sans utilisation phy-
sique de la CB (utilisation du numéro de la CB) ;
• les sommes sont créditées sur le compte du détenteur de la CB ou restituées sans frais 1 mois au
plus tard à partir de la réception de la contestation.

28
12 Les productions immatérielles

PROGRAMME
422. Les productions Les activités économiques intellectuelles sont directement concernées par la Droit d’auteur et univers numérique :
immatérielles dématérialisation. Non seulement les productions intellectuelles peuvent être régime général, droits des auteurs, défense
effectuées directement sur les réseaux numériques mais ceux-ci peuvent aussi du droit (422-1)
être le support d’une utilisation, d’une reproduction ou d’une représentation Droit des créations numériques : bases de
d’éléments protégés ou protégeables par le droit de la propriété intellectuelle. données, sites Internet (422-2)
Dans la société de la connaissance, les créations numériques jouent un rôle de
plus en plus fondamental. Elles sont source de valeurs nouvelles et doivent être
protégées.
Compétences attendues
• Apprécier la légalité d’une situation au regard de la protection de la
personne dans la sphère privée et professionnelle
• Caractériser les éléments principaux de cette protection et son évolution
• Rédiger et qualifier quelques clauses d’un document relatif à l’usage des
TIC

SYNTHÈSE

1. Le droit d’auteur dans l’univers numérique


A. Les prérogatives du droit d’auteur
Un auteur est la personne physique à l’origine d’une œuvre de l’esprit. Dans cette œuvre, il peut avoir exprimé sa
personnalité, ses choix originaux, ses convictions, sa sensibilité... Il doit donc pour cela bénéficier d’une protection
de son œuvre contre des actes qui la dénatureraient : ce sont les prérogatives du droit moral.
• Le droit de divulgation : il permet à l’auteur de décider du moment et des conditions selon lesquelles il
communiquera son œuvre au public (art. L. 121-2, Code de la propriété intellectuelle, CPI).
• Le droit à la paternité : il permet à l’auteur d’exiger et de revendiquer à tout moment la mention de son
nom et de ses qualités sur tout mode de publication de son œuvre. En outre, tout utilisateur de l’œuvre a
l'obligation d’indiquer le nom de l’auteur. Ce droit ne fait nullement obstacle à l’anonymat ou à l’usage d’un
pseudonyme.
• Le droit au respect : il permet à l’auteur de s’opposer à toute modification susceptible de dénaturer son
œuvre. Ce devoir de respect de l’œuvre s’impose tant au cessionnaire des droits d’exploitation qu’au pro-
priétaire du support matériel de l’œuvre.
• Le droit de repentir ou de retrait : il permet à l’auteur, nonobstant la cession de ses droits d’exploitation, de
faire cesser l’exploitation de son œuvre ou des droits cédés, à condition d’indemniser son cocontractant du
préjudice causé (art. L. 121-4 CPI).
Par ailleurs, cette œuvre a nécessité du temps, des matières premières, des équipements : elle représente donc
un coût ou, pour le moins, un temps de la vie d’une personne. Son auteur doit donc trouver une juste rémunéra-
tion de son labeur car « toute peine mérite salaire ». En effet, s’il ne perçoit plus assez de rémunération par rap-
port au travail fourni, ou si tout simplement il ne peut plus y consacrer assez de temps car il lui faut une activité
complémentaire pour vivre, il cessera tout simplement de pouvoir créer. L’auteur bénéficie donc également de
droits patrimoniaux.
• Le droit de reproduction : il consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre au public par tous les procédés
qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte (art. L. 122-3 CPI). Le CPI cite notamment
« l’imprimerie, la photographie et tout procédé des arts graphiques et plastiques ainsi que l’enregistrement
mécanique cinématographique ou magnétique ».
• Le droit de représentation : il consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quel-
conque (art. L. 122-2 CPI), notamment par récitation publique, exécution lyrique, représentation drama-
tique, présentation publique, télédiffusion (diffusion par tout procédé de télécommunication de sons,
d’images, de documents, de données et de messages de toute nature), projection publique et transmission
dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée et mise à la disposition à la demande sur les réseaux numé-
riques.

29
B. Les conditions pour bénéficier du droit d’auteur
Pour bénéficier du droit d’auteur, la création doit être qualifiée d’œuvre de l’esprit. Une œuvre de l’esprit se défi-
nit comme une création intellectuelle originale réalisée sous une forme. On repère donc trois conditions cumula-
tives.
• Une création intellectuelle : peu importe le type de création. L’article L. 112-2 du CPI dresse une liste non
exhaustive de ces différents types : « les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scienti-
fiques ; les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries […] ; les œuvres chorégraphiques, les numéros et
tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en œuvre est fixée par écrit ou autrement ; les compositions
musicales avec ou sans paroles ; les œuvres cinématographiques […] ».
• L’originalité : l’œuvre est marquée par la personnalité de son auteur. Une autre personne n’aurait donc pas
créé la même œuvre.
• Une forme : l’œuvre de l’esprit n’est protégée que si elle est matérialisée. Une idée n’est donc pas proté-
gée : « les idées sont de libre parcours » (adage attribué à Desbois).
Le non-respect du droit d’auteur peut être principalement sanctionné par une condamnation pour contrefaçon. Il
s’agit d’un délit qui est donc une sanction pénale. En effet, la contrefaçon nuit à l’intérêt général : c’est un vol et,
dans le cas du téléchargement d’œuvres de l’esprit, elle peut nuire à la production culturelle d’une nation. Le
contrefacteur encourt une amende de 300 000 € et une peine de prison maximale de 3 ans (art. L 335-2 CPI).
Dans le cadre des dispositions de la loi Hadopi, la qualification de négligence caractérisée peut être retenue
contre le titulaire d'un accès à Internet qui n’aurait pas mis en place un moyen de sécurisation de son accès pour
empêcher que sa ligne soit utilisée pour permettre une atteinte au droit d’auteur.
Parallèlement, l’auteur du livre peut obtenir réparation de son préjudice sur le plan civil par l’octroi de dommages
et intérêts fondés sur l’article 1240 du Code civil.

2. Les principales créations dans l’univers numérique


A. Les bases de données
Une base de données est définie par l’article L. 112-3 du CPI comme :
• un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants ;
• disposés de manière systématique ou méthodique ;
• et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.
Ainsi, un fichier clients est une base de données : chaque information propre à un client est indépendante des
autres informations. Le fichier est classé selon un critère et toutes les fiches sont construites d’une façon métho-
dique. Enfin, une requête peut permettre d’accéder au contenu de cette base.
La base de données est protégée par :
• le droit d’auteur : toujours dans l’article L. 112-3 du CPI, le droit reconnaît la protection des dispositions du
droit d’auteur aux personnes qui, « par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations in-
tellectuelles » (les conditions sont donc les mêmes que celles présentées dans le 1. B) ;
• le droit du producteur : c’est un droit sui generis accordé à la personne qui « prend l'initiative et le risque
des investissements correspondants ». Il est néanmoins nécessaire que ces investissements matériels et/ou
humains et /ou financiers soient « substantiels » (art. 341-1 CPI) ;
• cette qualification de producteur permet d’interdire une extraction ou un transfert de la totalité ou d'une
partie « qualitativement ou quantitativement substantielle » du contenu de la base. (art. 342-1 CPI).
B. Les sites internet
Un site internet est officiellement défini comme un « ensemble de documents et d’applications placés sous une
même autorité et accessibles par la toile à partir d’une même adresse universelle ». Il peut être protégé par :
• le nom de domaine : dépôt à l’Afnic pour bénéficier de la règle du « premier arrivé premier servi ». Cela
permet de se prévaloir d’une concurrence déloyale contre un concurrent ou un cyber-squatter. En déposant
le nom de domaine comme une marque auprès de l’INPI, l’action en contrefaçon peut alors être exercée ;
• la présentation du site : les créations graphiques et plastiques d’un site internet peuvent faire l’objet d’un
dépôt de dessins (deux dimensions) et modèles (trois dimensions) auprès de l’INPI. Ce dépôt confère une
protection valable 25 ans ;
• le logiciel et le contenu (textes et éventuelles bases de données) : ils sont protégés par le droit d’auteur
et/ou le droit du producteur.

30
13 L’immatériel et la protection de la personne
au quotidien
PROGRAMME
423. L’immatériel et la L’information est devenue une valeur essentielle de l’activité économique. À ce Données à caractère personnel : notion,
protection de la personne titre elle est particulièrement convoitée par les organisations. Le développe- traitement, règles de protection des droits
ment des activités numériques et les performances croissantes des outils de la personne, obligations des respon-
informatiques favorisent la collecte et le traitement de données, particulière- sables du traitement, organes de contrôle
ment à caractère personnel. Les personnes bénéficient de droits et libertés qui (423-1)
sont protégés par le droit en toutes circonstances y compris dans le monde Respect des données à caractère personnel
virtuel ou lors de l’utilisation d’outils informatiques. collectées lors de conclusion et de
Le développement des TIC permet d’envisager l’expansion de formes particu- l’exécution du contrat de travail. (423-2)
lières d’organisation du travail qui peuvent avoir un impact sur le régime Statut des formes particulières de travail
juridique des personnes au travail. salarié : application des règles générales du
droit social ; aménagements spécifiques.
Compétences attendues (423-3)
• Apprécier la légalité d’une situation au regard de la protection de la
personne dans la sphère privée et professionnelle
• Caractériser les éléments principaux de cette protection et son évolution
• Rédiger et qualifier quelques clauses d’un document relatif à l’usage des
TIC

SYNTHÈSE

1. L’utilisation des données à caractère personnel (DCP)


A La collecte et le traitement des DCP
La donnée est dite DCP lorsqu’une personne est identifiée ou identifiable par des éléments qui lui sont propres.
Cette identification peut être directe (nom et adresse d’un client d’un magasin) ou indirecte (numéro d’anonymat
d’un candidat lors d’un examen puisqu’il faut, outre le numéro, une table avec l’identité des personnes selon leur
numéro). Certaines de ces données sont de plus qualifiées « sensibles » si elles portent sur des aspects particuliè-
rement délicats relatifs à la vie privée d’une personne : convictions, état de santé, origines ethniques, vie
sexuelle…
B. L’utilisation des DCP
Les règles relatives aux DCP s’appliquent dès qu’il y a traitement d’une DCP : opération ou ensemble d’opérations
sur ce type de données. La forme de cette opération est très large : collecte, saisie, requête, modification, trans-
mission…
Les obligations relatives aux DCP ne s’appliquent pas exclusivement à l’opérateur agissant sur ces données. Le
droit considère comme responsable de ce traitement la personne qui détermine la finalité et les moyens du trai-
tement des DCP.

2. La réglementation et le contrôle en matière de DCP


La présence du numérique dans notre quotidien est une source de grande praticité pour la vie courante, l’étude,
le travail… et un enjeu économique majeur. Ce numérique peut néanmoins se révéler être un danger pour la vie
privée des personnes et même exposer certains consommateurs à des offres commerciales tellement bien ciblées
qu’elles peuvent devenir dangereuses en cas d’intempérance. Permettre l’usage de cet outil en limitant ses effets
négatifs : tel est l’objectif de la règle de droit en ce domaine.
A. La CNIL : principal organe de contrôle des DCP
En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est une autorité administrative dont
les principales missions sont : informer les personnes sur leurs droits, préciser aux responsables du traitement des

31
DCP leurs obligations, enregistrer voire autoriser la création de fichiers, contrôler le respect de la loi Informatique
et Libertés et, le cas échéant, sanctionner les transgressions à cette loi.
B. La réglementation en vigueur
Les obligations en matière de DCP
• La sécurité des fichiers : tout responsable de traitement informatique de données personnelles doit adop-
ter des mesures de sécurité physiques (sécurité des locaux), logiques (sécurité des systèmes
d’information) et adaptées à la nature des données et aux risques présentés par le traitement.
• La confidentialité des données : seules les personnes autorisées peuvent accéder aux données person-
nelles contenues dans un fichier. Il s’agit des destinataires explicitement désignés pour en obtenir réguliè-
rement communication et des « tiers autorisés » ayant qualité pour les recevoir de façon ponctuelle et
motivée (ex. : la police, le fisc).
• La durée de conservation des informations : les données personnelles ont une date de péremption. Le
responsable d’un fichier fixe une durée de conservation raisonnable en fonction de l’objectif du fichier.
• L’information des personnes : le responsable d’un fichier doit permettre aux personnes concernées par
les informations qu’il détient d'exercer pleinement leurs droits. Pour cela, il doit leur communiquer : son
identité, la finalité de son traitement, le caractère obligatoire ou facultatif des réponses, les destinataires
des informations, l’existence de droits, les transmissions envisagées.
• L'autorisation de la CNIL : les traitements informatiques de données personnelles qui présentent des
risques particuliers d’atteinte aux droits et aux libertés doivent, avant leur mise en œuvre, être soumis à
l'autorisation de la CNIL.
• La finalité des traitements : un fichier doit avoir un objectif précis. Les informations exploitées dans un fi-
chier doivent être cohérentes par rapport à son objectif. Les informations ne peuvent pas être réutilisées
de manière incompatible avec la finalité pour laquelle elles ont été collectées.
Les droits en matière de DCP
• Le droit d'accès : une personne fichée peut demander directement au responsable d'un fichier s'il détient
des informations sur elle (site web, magasin, banque...), et demander qu’on lui communique l’intégralité
de ces données. L'exercice du droit d’accès permet de contrôler l'exactitude des données et, au besoin,
de les faire rectifier ou effacer.
• Le droit de rectification : toute personne peut demander la rectification des informations inexactes la
concernant. Le droit de rectification complète le droit d’accès. Il permet d’éviter qu’un organisme ne
traite ou ne diffuse de fausses informations sur une personne.
• Le droit d'opposition : toute personne a la possibilité de s'opposer, pour des motifs légitimes, à figurer
dans un fichier. En matière de prospection, notamment commerciale, ce droit peut s'exercer sans avoir à
justifier d'un motif légitime. La personne peut s’opposer à ce que les données vous concernant soient dif-
fusées, transmises ou conservées.
• Le droit au déréférencement : les internautes peuvent saisir les moteurs de recherche de demandes de
déréférencement d’une page web associée à leurs nom et prénom.

32
14 L’immatériel et la protection de la personne
au travail
PROGRAMME
423. L’immatériel et la L’information est devenue une valeur essentielle de l’activité économique. À ce Données à caractère personnel : notion,
protection de la personne titre elle est particulièrement convoitée par les organisations. Le développe- traitement, règles de protection des droits
ment des activités numériques et les performances croissantes des outils de la personne, obligations des respon-
informatiques favorisent la collecte et le traitement de données, particulière- sables du traitement, organes de contrôle
ment à caractère personnel. Les personnes bénéficient de droits et libertés qui (423-1)
sont protégés par le droit en toutes circonstances y compris dans le monde Respect des données à caractère personnel
virtuel ou lors de l’utilisation d’outils informatiques. collectées lors de conclusion et de
Le développement des TIC permet d’envisager l’expansion de formes particu- l’exécution du contrat de travail. (423-2)
lières d’organisation du travail qui peuvent avoir un impact sur le régime Statut des formes particulières de travail
juridique des personnes au travail. salarié : application des règles générales du
droit social ; aménagements spécifiques.
Compétences attendues (423-3)
• Apprécier la légalité d’une situation au regard de la protection de la
personne dans la sphère privée et professionnelle
• Caractériser les éléments principaux de cette protection et son évolution
• - Rédiger et qualifier quelques clauses d’un document relatif à l’usage des
TIC

SYNTHÈSE
Caméras, badges d’accès, identifiant pour les accès informatiques ou les photocopieurs, enregistrement des ap-
pels téléphoniques, procédés plus élaborés comme la biométrie, etc. Les supports électroniques dont disposent
un employeur pour surveiller ses locaux et ses salariés sont nombreux. Si ces différents supports sont d’une in-
contestable utilité pour dissuader des comportements répréhensibles ou collecter des preuves en vue de sanc-
tionner, la nécessité d’encadrer le recours à ces outils se justifie par leur caractère intrusif, discret et permanent.

1. Les règles applicables au salarié et à l’employeur dans l’utilisation des TIC


A Les principes fondamentaux
L’utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) par un employeur doit obéir à trois
grands principes :
• le principe de transparence (art. L. 1221-9 et L. 1222-4 C. trav.) : il impose de prévenir un candi-
dat ou un salarié des méthodes par lesquelles des informations sont collectées à leur sujet ;
• le principe de proportionnalité (art. L. 1121-1 du C. trav.) : un employeur peut porter atteinte à
certains droits des personnes ou libertés individuelles (ex. : liberté d’expression, liberté de circu-
lation…) ; il ne peut néanmoins limiter les prérogatives de ses salariés que si cela est justifié et
que si la limite qu’il impose n’est pas excessive au regard de la cause qui la justifie (ex. : le port
d’un vêtement de sécurité est une atteinte à la liberté individuelle de se vêtir ; cette obligation
est licite si elle limite l’exposition du salarié à un danger) ;
• le respect de la vie privée : l’article 9 du Code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa
vie privée ». Une jurisprudence constante applique ce droit à la vie en entreprise.
B. Lors de la formation du contrat de travail
Lors d’une procédure de recrutement, plusieurs obligations découlant des trois grands principes évoqués dans le
1. A. sont à respecter pour un employeur :
• les candidats doivent être informés de l’identité du responsable du fichier, de l’objectif poursuivi,
du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ainsi que des conséquences à leur égard d’un
défaut de réponse, des destinataires des informations, des conditions d’exercice de leurs droits

33
d’opposition, d’accès et de rectification ;
• les données collectées ne doivent servir qu’à évaluer la capacité du candidat à occuper l’emploi
proposé : il est par exemple interdit de demander à un candidat son numéro de Sécurité sociale
(cela informe sur l’âge et le lieu de naissance, voire le sexe...) ; il est également prohibé de collec-
ter des informations sur ses parents, sa fratrie, ses opinions politiques ou son appartenance syn-
dicale ;
• seules les personnes intervenant dans le processus de recrutement peuvent accéder aux infor-
mations d’un candidat ; les supérieurs hiérarchiques peuvent accéder aux informations néces-
saires à l’exercice de leur fonction ;
• sur simple demande et sans avoir à la motiver, un candidat peut obtenir une copie des données
qui le concernent (notes prises pendant son entretien, résultats aux tests, éventuelles évalua-
tions de ses compétences...).
C. Lors de l’exécution du contrat de travail
La surveillance d’un salarié par son employeur est en soi légitime ; il rémunère en effet son salarié pendant la
durée du temps de travail et attend donc que ce travail soit effectif. Son pouvoir de direction lui confère un droit
de contrôle du travail de son salarié.
Pour autant, les TIC rendent cette surveillance de plus en plus poussée (ex. : biométrie) et constante (enregistre-
ments). Quoi de commun, en effet, entre le passage d’un responsable à un instant T de la journée dans un atelier
et les enregistrements d’une caméra ou d’un logiciel de navigation ? Le droit doit donc permettre de préserver le
but légitime mais en veillant à ce que cela ne se fasse pas par des moyens excessifs envers le salarié.
Les principales règles présentées sont :
• en lien avec l’obligation de transparence : consultation des représentants du personnel, du comi-
té d’entreprise, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et des salariés ;
• en lien avec l’obligation de proportionnalité : les procédés de surveillance sont justifiés et non
disproportionnés.
En cas de manquement à ses différentes obligations, l’employeur peut se voir sanctionner :
• sur le plan du droit du travail : impossibilité d’utiliser la preuve collectée à l’encontre du salarié ;
• sur le plan civil : dommages et intérêts envers le salarié ;
• sur le plan pénal : un an d’emprisonnement et 3 750 € d’amende en cas d’absence de consulta-
tion du conseil d'entreprise ; 45 000 € d’amende en cas d’atteinte à la vie privée ; 300 000 €
d’amende en cas d’absence de déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des li-
bertés (CNIL).
Concernant le cas particulier de la surveillance du support informatique, la jurisprudence est constante sur cette
question : il n’est pas possible d’interdire complètement à un salarié d’effectuer des actions en lien avec sa vie
personnelle sur son temps et lieu de travail. Néanmoins, il est normal qu’un employeur puisse vérifier que le sala-
rié consacre l’essentiel de son temps de travail à effectuer la prestation pour laquelle il est rémunéré. Dès lors, un
salarié peut être sanctionné pour une utilisation excessive de son ordinateur professionnel ou d’un nombre là
encore excessif de connexions (et de durée) à Internet.
Si dans de nombreuses jurisprudences l’on peut constater que les juges sont sensibles à la question de la désor-
ganisation du travail du salarié ou de son service liée à cet usage important d’Internet, cette conséquence n’est
plus nécessaire (depuis l’arrêt du 18 décembre 2013 de la Cour de cassation) pour pouvoir sanctionner le salarié :
l’usage excessif suffit pour sanctionner le salarié fautif.

2. Les règles spécifiques au télétravailleur


A. Identifier et justifier une situation de télétravail
Trois éléments permettent la qualification de télétravailleur :
• un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur ;
• est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire ;
• en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Les frais liés à la mise en place d’une situation de télétravail incombent à l’employeur.

34
B. Les règles de droit spécifiques au télétravailleur
Le statut de télétravailleur doit être un choix volontaire du salarié. Trois principaux éléments garantissent ce ca-
ractère volontaire :
• ce statut doit être fixé dès l’embauche ou par un avenant, ce qui impose un consentement mu-
tuel ;
• le refus de cet avenant ne peut pas être un motif de licenciement ;
• le salarié qui, après avoir accepté ce statut, aimerait revenir à un poste sans télétravail bénéficie
d’un droit de priorité pour cela.
Le télétravailleur étant un salarié en situation de télétravail, le pouvoir de direction de l’employeur continue de
s’exercer. Il prend néanmoins une forme particulière pour s’adapter aux spécificités de cette organisation :
• l’employeur peut toujours contrôler le travail, même si les modalités de ce contrôle font l’objet
d’une négociation individuelle ou collective ;
• l’employeur peut sanctionner un non-respect d’une restriction imposée sur l’usage d’un maté-
riel.

35
36
15 Identifier le risque pour protéger

PROGRAMME
521 - Identifier le risque La faute et le risque constituent les fondements de la responsabilité civile. Le Risque : notion, effets. (521-1)
pour protéger risque apparaît historiquement dans la jurisprudence puis dans la loi pour De la faute au risque : objectivation de la
fonder le droit à réparation dans certains domaines d’activité générant des responsabilité et socialisation du risque.
dommages accidentels. Le fait générateur est soit une faute soit un événement (521-2)
occasionnant un risque qui, s’il se réalise, peut donner lieu à un dommage.
Dans les deux cas, le droit prévoît une réparation.
Avec la responsabilité sans faute, la responsabilité civile délictuelle connaît
alors un vaste mouvement d’objectivation et de collectivisation. En outre, le
regard du droit s’élargit : de la prise en compte du risque individuel au risque
collectif. Sa préoccupation majeure est de prévenir, garantir les droits, réparer
les dommages subis et éventuellement réprimer. Le droit témoigne de la
volonté de privilégier la victime. La saisie du risque par le droit s’est effectuée
de manière pragmatique et concerne différentes branches du droit.
Compétences attendues
• Caractériser le risque inhérent à une situation professionnelle donnée et
déterminer le droit applicable
• Analyser l’évolution des principes juridiques en matière de risques

SYNTHÈSE

1. Les causes et les conséquences du risque


A Les multiples facettes du risque
De nombreux risques menacent les entreprises : vol, incendie, insolvabilité d’un client, contrefaçon, insécurité des
produits, virus informatiques, salariés victimes d’accidents ou de maladies professionnelles….
Les entreprises se prémunissent contre le risque pour différentes raisons : les coûts (humains, financiers, maté-
riels) générés par la réalisation de risques, l’image de l’entreprise, la législation (obligation de sécurité de
l’employeur vis-à-vis des salariés, du producteur vis-à-vis de consommateurs…).
Le risque est un événement incertain susceptible d’entraîner des dommages aux personnes et/ou aux biens.
B. Le droit à réparation du risque
L’article 1240 du Code civil précise que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Trois conditions sont donc nécessaires pour mettre en
œuvre la responsabilité : un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre les deux. Si la responsabili-
té est bien établie, alors le responsable doit réparer le dommage, le plus souvent sous forme de dommages-
intérêts dont le montant sera évalué par le juge.

37
2. Les évolutions de la perception du risque
A. De la notion de faute vers la notion de risque

INDEMNISATION FONDÉE SUR LA FAUTE INDEMNISATION FONDÉE SUR LE RISQUE

Le développement des techniques


(révolutions industrielles, produits
industrialisés, énergie nucléaire, produits
L’individu accepte sa propre défaillance, il
polluants, traitements médicaux…) et de la
maîtrise son environnement et ses actes, par
valorisation de la personne remet en cause la
conséquent il doit assumer ses
maîtrise que l’homme peut avoir sur son
responsabilités en cas de dommage commis.
environnement. On ne se concentre plus sur
la faute mais sur le dommage subi qu’il faut
indemniser.

B. Une évolution actuelle vers la socialisation des risques


Lorsque des risques de grande ampleur se réalisent, c’est la société qui prend en charge la réparation avec une
forte implication de l’État. C’est ce qu’on appelle la socialisation des risques justifiée juridiquement par
l’alinéa 12 du préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les
Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. » Cela se justifie aussi par la difficulté à identi-
fier le(s) responsable(s) et la volonté d’indemniser rapidement les victimes.

38
16 Principe de prévention et obligation de
sécurité
PROGRAMME
522 - Anticiper le risque Face à l’apparition de nouveaux risques et à la volonté sociale d’en éliminer les Principe de prévention (522-1)
pour éviter sa réalisation conséquences négatives, la prévention consiste à anticiper afin de prendre les
mesures permettant de les éviter ou de les réduire.
Le principe de prévention s’applique notamment à la préservation de la santé
au travail, au risque technologique et environnemental
Compétences attendues
• Déterminer le dispositif juridique adapté pour prévenir un risque
• Analyser la pertinence juridique de clauses insérées dans un contrat au
regard de l’anticipation de risque recherchée

SYNTHÈSE

1. L’application du principe de prévention à la préservation de la santé au travail


A L’évaluation des risques
La prévention consiste à anticiper afin de prendre les mesures permettant d’éviter les risques, voire de les ré-
duire. Ce principe s’applique à la préservation de la santé au travail. Pour respecter ce principe, le Code du travail
énonce les principes généraux de prévention qui s’imposent à l’employeur : éviter les risques, évaluer les risques,
combattre les risques à la source, adapter le travail à la femme/l’homme, tenir compte de l’évolution de la tech-
nique, remplacer ce qui est dangereux, planifier la prévention, prendre des mesures de protection collective en
leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner des instructions appropriées aux tra-
vailleurs.
L’employeur doit à ce titre élaborer un document unique d’évaluation des risques (DUER). Toute entreprise qui
emploie un ou plusieurs salariés doit réaliser ce document. L’employeur, pour rédiger ce document, pourra con-
sulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les délégués du personnel (DP), les
salariés, le médecin du travail et l’inspection du travail. Le DU recensera tous les risques présents dans
l’entreprise ainsi que toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité du personnel dans
l’entreprise. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions
d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
B L’anticipation des risques
Pour anticiper les risques, l’employeur dispose de mesures d’actions d’information et de formation.
L’employeur doit informer ses salariés sur les risques présents dans les diverses situations professionnelles. Pour
cela, il doit mettre en place des équipements de protection collective afin d’assurer la sécurité des salariés. On
distingue les moyens de protection par éloignement (balisage, déviation), par obstacle (rambarde de sécurité),
par atténuation d’une nuisance (insonorisation d’un local, aspiration de poussière, ventilation…), par consignation
d’une fonction dangereuse.
D’autre part, il doit les informer sur une bonne utilisation des moyens de protection individuelle, les équipements
de protection individuelle (EPI) : bottes et chaussures, bouchons d’oreilles, lunettes de protection, combinaisons,
tabliers, gants, appareils de protection respiratoire… Il s’agit de protéger les salariés contre les risques méca-
niques, thermiques, électriques, chimiques, les rayonnements et les bruits…
Cette information peut s’inscrire dans la politique de formation de l’entreprise.
Les salariés doivent signaler immédiatement à l’employeur toute situation de travail dont il a un motif raisonnable
de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que toute défectuosité qu’il
constate dans les systèmes de protection (art. L. 4131-1 C. trav.). C’est le droit d’alerte du salarié.
Si le salarié pense être dans une situation qui l’expose à un danger grave et imminent, il peut se retirer de cette
situation de travail. C’est le droit de retrait du salarié (art. L. 4131-1 C. trav.).

39
L’employeur a une obligation générale de sécurité, c’est une obligation de résultat. Il ne peut pas déroger à celle-
ci car il est le seul responsable.

2. L’application du principe de prévention au risque technologique et environnemental


Le principe de prévention répond à la même logique, il faut dans un premier temps évaluer les risques afin de
pouvoir les anticiper.
Pour les risques technologiques, l’évaluation est prévue avec les directives Seveso dont l’objectif est d’identifier
et de classer les entreprises industrielles potentiellement dangereuses du fait de leur activité. Ces dispositions
communautaires sont complétées au niveau national, notamment avec la loi Bachelot.
Pour les risques environnementaux, la directive sur la responsabilité environnementale (DRE) transposée par la loi
sur la responsabilité environnementale (LRE) de 2008 vise à prévenir la menace de dommage ainsi qu'à réparer
les dommages causés à l’environnement.
Il faut dans un premier temps évaluer les risques en les mesurant, puis mettre en place des mesures de préven-
tion avant les risques pour les éviter, mais aussi après la réalisation du risque pour y mettre fin ou limiter son ag-
gravation.
L’idée nouvelle est de reconnaître le préjudice écologique (en l’intégrant dans le Code civil) afin de pouvoir en
assurer la réparation. Il s’agit donc d’accorder au végétal, à l’animal sauvage, même sans propriétaire, une valeur
qui ouvre droit à des réparations.

40
17 Le principe de précaution

PROGRAMME
522 - Anticiper le risque Si le risque est inconnu (environnement, santé publique, sécurité alimentaire) il Principe de précaution (522-2)
pour éviter sa réalisation est impossible de le prévenir, il s’agit alors de guider les actes du décideur en Obligation de sécurité (522-3)
renforçant l’expertise, la transparence, l’anticipation. Le principe de précaution
doit permettre un bon équilibre entre anticipation et prudence d’une part,
développement et innovation d’autre part.
Le risque sécurité inhérent aux ventes de biens et services articule les principes
de prévention et de précaution.
Compétences attendues
• Déterminer le dispositif juridique adapté pour prévenir un risque
• Analyser la pertinence juridique de clauses insérées dans un contrat au
regard de l’anticipation de risque recherchée

SYNTHÈSE

1. Définition et interprétations par les juridictions


Source des textes Référence des textes Contenus

Internationale Principe 15 de la Déclaration « Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement
de Rio appliquées par les États selon leurs capacités […]. »
1992 www.un.org/

Communautaire Art. 191-2 du TFUE (traité sur « La politique de l'Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protec-
le fonctionnement de l’Union tion élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de
européenne) qui remplace l'Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le
l’art. 130 R-2 du traité de principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le
Maastricht du 07/02/1992 principe du pollueur-payeur. »
eur-lex.europa.eu

Nationale Loi Barnier de 1995 « L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à
prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût
économique acceptable. »
www.vie-publique.fr

Charte de l’environnement de « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances
2004 insérée dans le préam- scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les
bule de la Constitution autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs do-
maines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à
l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du
dommage. »
www.legifrance.gouv.fr

On va constater que la jurisprudence communautaire va faire application du principe de précaution dans des af-
faires concernant surtout la santé alors que le traité n’énonce le principe qu’en ce qui concerne la politique de la
communauté dans le domaine de l’environnement. Le tribunal de 1re instance de l'Union européenne a même
qualifié le principe de précaution de principe général du droit communautaire.
Le Conseil d’État refuse pour l’instant l’application du principe de précaution.
Le juge judiciaire reconnaît le principe de précaution et fonde ses décisions sur ce dernier à condition d’ignorer les
effets sur la santé ou l’environnement.

41
2. Les domaines d’application
Les domaines d’application du principe de précaution sont par exemple :
• les scandales alimentaires, comme celui dans la filière du cheval. On ne connaît pas les risques
pour la santé, car la viande était issue de chevaux passés dans des laboratoires scientifiques. Ces
animaux avaient fait l’objet d’expériences et des substances médicales avaient été injectées dans
leur corps ;
• l’utilisation de la cigarette électronique. Les données toxicologiques se rapportant à la cigarette
électronique (vapotage) ne sont pas à ce jour connues. De plus, l’Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé (ANSM) estime que la consommation de cigarettes électro-
niques peut induire une dépendance quelle que soit la quantité de nicotine présente. En outre,
plusieurs chercheurs sur le sujet s’accordent sur le fait que de nombreux paramètres influent sur
l’impact de ce dispositif sur la santé et l’environnement et qu’il ne peut être conclu, à l’heure ac-
tuelle, à l’absence de risque pour l’entourage du consommateur ;
• les organismes génétiquement modifiés (OGM).

42
18 La responsabilité civile de l’entreprise

PROGRAMME
523 - Assumer le L’activité de l’entreprise peut générer des dommages corporels, matériels et Notions de dommage, de réparation, de
risque moraux qui engagent sa responsabilité. Le droit commun de la responsabilité responsabilité contractuelle et délictuelle
civile permet à la victime d’un dommage d’obtenir réparation en invoquant la (523-1)
responsabilité contractuelle ou délictuelle de son auteur. Notions de producteur et de produit, condi-
Lorsque le dommage est dû à la défectuosité d’un produit, la responsabilité du tions de mise en œuvre, causes
fournisseur fait l’objet d’un régime légal spécifique. d’exonération (523-2)
Compétences attendues
• Identifier la nature juridique de la responsabilité dans une situation
donnée
• Analyser une situation de dommage

SYNTHÈSE

1. Les dommages qui engagent la responsabilité de l’entreprise


A La notion de dommage
On évoque souvent indifféremment le dommage ou le préjudice en considérant les deux termes comme
synonymes.
Au sens strict, on peut définir le dommage comme l’atteinte à la personne ou aux biens de la victime. Le
préjudice désigne quant à lui les conséquences d’ordre matériel ou moral qui résultent du dommage.
B. Les différents dommages
Les dommages pouvant entraîner la mise en œuvre de la responsabilité civile peuvent être de natures
diverses.
On distingue généralement :
• les dommages corporels : c’est l’atteinte à l’intégrité physique de la victime (ex. : fracture) ;
• les dommages matériels : c’est l’atteinte aux biens de la victime (ex. : incendie détruisant un lo-
cal).
Les dommages corporels et matériels peuvent induire d’autres préjudices (ex. : pretium doloris, préju-
dice esthétique, préjudice d’agrément, préjudice économique). Ces dommages, souvent qualifiés
d’immatériels, économiques ou financiers, peuvent résulter ou non d’un dommage corporel ou maté-
riel. On parle dans ce dernier cas de dommages immatériels purs (ex. : interruption de travaux suite à
l’annulation d’un permis de construire).
On peut également retenir comme critères de distinction le caractère patrimonial ou non du dommage
ainsi que la qualité de la personne subissant le dommage (victime directe ou victime par ricochet).
On distinguera alors :
• les préjudices de la victime directe qui peuvent être de nature patrimoniale (ex. : frais médicaux,
pertes de revenus, frais d’aménagement) ou extrapatrimoniale (ex. : pretium doloris, préjudice
esthétique, préjudice d’agrément) ;
• les préjudices subis par les victimes par ricochet qui peuvent également être de nature patrimo-
niale (ex. : perte de revenus des proches) ou extrapatrimoniale (ex. : préjudice d’affection).
C. Le dommage : une notion évolutive
Classiquement, on considère que, pour être réparable, un dommage doit être licite, certain, direct et
personnel.
La reconnaissance par la loi de la spécificité du préjudice écologique conduit à remettre en cause cette
conception.

43
On peut considérer qu’il convient désormais de distinguer deux types de préjudices :
• les préjudices subjectifs : subis par des sujets de droit (personnes physiques ou morales) et ré-
pondant aux conditions classiques de réparabilité. Ces préjudices subjectifs peuvent être de na-
ture patrimoniale ou extrapatrimoniale ;
• les préjudices objectifs : ne portant pas atteinte à des sujets de droit mais à des intérêts que le
droit entend protéger (ex. : atteinte à l’environnement). Ces préjudices étant de nature spéci-
fique, ils ne peuvent répondre aux conditions classiques de réparabilité et au caractère person-
nel du dommage.

2. La réparation des dommages par l’entreprise


A. La nature de la responsabilité civile
Selon que le fait générateur du dommage a pour origine l’inexécution d’un contrat (ou sa mauvaise exé-
cution) ou pas, la réparation de ce dommage devra s’effectuer selon les modalités de la responsabilité
civile contractuelle, dans le premier cas, ou selon celles de la responsabilité civile délictuelle, dans le
second cas, sans possibilité de cumul ou d’option.
Toutefois, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux revêt un caractère spécifique.
B. La réparation du dommage selon le type de responsabilité civile
En matière de responsabilité civile contractuelle, les parties peuvent convenir contractuellement de li-
miter la réparation du dommage, sous réserve que de telles clauses ne soient réputées abusives.
Le créancier qui entend obtenir réparation sur le fondement de l’article 1217 du Code civil doit en prin-
cipe démontrer le caractère fautif de l’inexécution d’une obligation contractuelle. Toutefois, la jurispru-
dence qualifie parfois certaines obligations d’obligations de résultat, ce qui a pour effet de renverser la
charge de la preuve. La simple inexécution d’une obligation de résultat suffit en effet à entraîner la res-
ponsabilité de plein droit de son débiteur. Il en est ainsi notamment de l’obligation de sécurité à la
charge de l’employeur ou du transporteur. Toutefois, il n’y a lieu à aucune réparation, et le responsable
est exonéré, lorsque le dommage est dû à un événement de force majeure (événement imprévisible et
irrésistible).
En matière de responsabilité civile délictuelle, la réparation du dommage ne peut être limitée.
La victime du dommage doit en principe démontrer la faute de l’auteur du fait générateur (article 1240
C. civ.).
Toutefois, comme en matière de responsabilité contractuelle, la jurisprudence tend à alléger la charge
de la preuve pour la victime en reconnaissant l’existence d’une responsabilité de plein droit en ce qui
concerne la responsabilité du fait d’autrui ou du fait des choses dont on a la garde (article 1242 C. civ.). Il
en est ainsi notamment de la responsabilité du commettant du fait de ses préposés.
C. La réparation du dommage dans le cadre de la responsabilité du fait des produits dé-
fectueux
Selon l’article 1245 du Code civil, le producteur peut être responsable du dommage causé par un défaut
de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Cet article instaure un régime de responsabilité civile spécifique. En effet, le producteur ne peut
s’exonérer qu’en démontrant l’existence d’un événement de force majeure (responsabilité de plein
droit). En outre, la responsabilité peut être étendue au distributeur ou au fournisseur si le producteur ne
peut être identifié.
Toutefois, seuls les dommages résultant d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit
défectueux lui-même sont susceptibles d’engager la responsabilité du producteur.

44
19 La mutualisation des risques

PROGRAMME
523 - Assumer le risque Les biens sont exposés à des événements accidentels. Souscrire un contrat Notion de sinistre, de bien assurable, de
d’assurances de biens permet de transférer les risques que l’entreprise n’est garantie
pas en mesure d’assumer seule. Principe de mutualisation
L’assurance de responsabilité a pour objet de garantir les conséquences finan- Spécificités du contrat d’assurance de biens
cières des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui (les Spécificités du contrat d’assurance de
tiers et les clients) du fait de l’activité de l’entreprise. Le poids de la réparation responsabilité (523-3)
repose sur la collectivité des assurés à travers les primes qu’ils versent. Avec
l’obligation légale de s’assurer, le champ est libre à l’extension de la responsa-
bilité.

Compétences attendues
• Identifier les garanties nécessaires pour se prémunir des risques
• Délimiter le contenu et l’étendue des garanties dans une situation don-
née
• Analyser tout ou partie d’un contrat d’assurance

SYNTHÈSE

1. Les spécificités du contrat d’assurance


L’entreprise peut avoir recours à l’assurance pour couvrir tout ou partie des conséquences financières
liées aux risques que fait naître son activité.
A Le principe de l’assurance
L’assurance repose sur le principe de mutualisation. La mutualisation consiste à réunir un groupe de
personnes physiques ou morales (appelé mutualité) soumis à des risques similaires (dits homogènes).
Ces personnes, réunies au sein d’une mutualité, mettent en commun des fonds, préalablement à la réa-
lisation de tout sinistre (ces fonds sont appelés « primes » du fait de leur versement préalable).
Ces primes, collectées et gérées par l’assureur, serviront alors à indemniser les membres de la mutualité
ayant subi un sinistre (réalisation du risque garanti).
La devise du Lloyd’s, marché londonien de l’assurance de risques spécifiques, en est une illustration re-
marquable : « contribution of the many to the misfortune of the few » (la contribution de tous aux infor-
tunes de quelques-uns).
B. Les limites de l’assurance
Le caractère aléatoire du risque constitue la condition première de son assurabilité. Pour autant, l’aléa
doit être mesurable pour pouvoir être assuré. En effet, l’assureur doit établir la probabilité statistique de
réalisation du risque afin de pouvoir fixer au plus juste la prime qu’il réclamera aux membres de la mu-
tualité.
Les travaux de Bernouilli, au 17e siècle, ont démontré la possibilité d’estimer avec fiabilité la probabilité
de réalisation d’un événement aléatoire sur un large échantillon. La loi des grands nombres qui énonce
cette possibilité repose sur un certain nombre d’hypothèses qui constituent autant de limites à
l’assurabilité des risques.
Ainsi, un risque n’est assurable que s’il repose sur un nombre important d’individus. La réalisation effec-
tive du risque sera alors proche de sa probabilité statistique.
Le calcul de la probabilité statistique de réalisation du risque ne peut être fiable que s’il repose sur un
groupe homogène d’individus.
Enfin, la réalisation de l’événement aléatoire pour un individu doit être indépendante de la réalisation
de ce même événement pour un autre individu.
Aussi, l’assureur a la possibilité de refuser de garantir certains risques :

45
• lors de la conclusion du contrat : refus de contracter, clauses d’exclusion de garanties, plafonds
de garantie, franchise ;
• après la conclusion du contrat : résiliation après sinistre, résiliation pour aggravation du risque,
nullité du contrat en cas de faute intentionnelle de l’assuré.
C. Les obligations des parties au contrat d’assurance
Le contrat d’assurance est un contrat aléatoire qui repose sur la réalisation d’un événement incertain
(art. 1964 C. civ.). C’est par ailleurs un contrat d’adhésion dans lequel l’une des deux parties ne peut
discuter les différentes clauses et n’a que la possibilité d’accepter ou de refuser le contenu global de la
proposition faite par l’autre partie.
Il résulte de ces deux caractéristiques du contrat d’assurance un certain nombre d’obligations spéci-
fiques pour chacune des parties.
• Le caractère aléatoire du contrat d’assurance n’est pas forcément équivalent pour les deux par-
ties. En effet, il peut exister une asymétrie d’information sur le risque entre l’assureur et l’assuré
au profit de ce dernier (l’assuré peut avoir tendance à minimiser le risque pour réduire le coût de
l’assurance). Aussi, le législateur fait-il reposer sur l’assuré une obligation de loyauté en matière
de déclaration des risques. Cette obligation existe non seulement lors de la conclusion du contrat
(déclaration initiale des risques) mais également en cours de contrat (déclaration d’aggravation
de risque).
• Parallèlement, le législateur fait peser sur l’assureur une obligation d’information spécifique qui
résulte du caractère d’adhésion du contrat. Ainsi, l’assureur est-il tenu de formuler de manière
claire, précise et en caractères très apparents les exclusions de garanties (article L. 112-4 C. ass.).

2. Les différents contrats d’assurance qui garantissent l’entreprise


Même si certains contrats regroupent l’ensemble de ces garanties sous l’appellation « assurance multi-
risque professionnelle », on peut distinguer deux types de garanties.
A. Les assurances garantissant les biens de l’entreprise
Ces contrats visent à compenser les pertes financières résultant de dommages subis par l’entreprise lors
de la réalisation d’un événement aléatoire garanti (dégât des eaux, vol, incendie…).
Ces contrats garantissent les atteintes aux biens de l’entreprise. Ces biens peuvent être des biens
meubles (matériel, stocks) ou immeubles (bâtiments).
Ces contrats garantissent également la perte d’exploitation, c’est-à-dire la perte de marge brute entraî-
née par une baisse du chiffre d’affaires résultant de l’arrêt ou du ralentissement de l’activité à la suite
d’un sinistre.
B. Les assurances garantissant la responsabilité civile de l’entreprise
Ces contrats visent à compenser les pertes financières résultant de dommages causés par l’entreprise
ou dont elle serait déclarée civilement responsable.
La responsabilité civile délictuelle de l’entreprise peut être engagée pour les dommages causés à des
tiers dans le cadre de son activité (dommages causés par ses salariés, dommages causés par les choses
qu’elle a sous sa garde).
La responsabilité civile contractuelle de l’entreprise peut être engagée pour les dommages causés à des
tiers et qui résultent de l’inexécution d’un contrat (retard de livraison, non-conformité de la chose li-
vrée).
La responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée enfin pour les dommages causés par un défaut
des produits qu’elle a mis en circulation.
Ces contrats garantissent l’indemnisation des dommages corporels, des dommages matériels ainsi que
des dommages immatériels consécutifs (perte financière consécutive à un dommage corporel ou maté-
riel).
Les franchises et plafonds de garantie varient selon les contrats et selon les garanties.

46
20 La socialisation des risques

PROGRAMME
523 - Assumer le risque Les fonds de garantie ou d’indemnisation assurent la réparation de dommages Indemnisation de la victime par des fonds
sans le préalable d’une recherche de responsabilité et contribuent à réaliser de garantie (523-4)
une véritable socialisation du risque. Un transfert de responsabilité s’opère de
l’individu à la collectivité par le recours à ces fonds d’indemnisation.
Compétences attendues
• Identifier les garanties nécessaires pour se prémunir des risques
• Délimiter le contenu et l’étendue des garanties dans une situation don-
née
• Analyser une situation de dommage

SYNTHÈSE
À partir du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, la mécanisation des processus de production a entraîné un
développement des risques au sein et en dehors des entreprises. Cela s’est traduit par une multiplication des
actions en responsabilité civile de la part des victimes. Les tribunaux ont accueilli de plus en plus favorablement
ces demandes en instaurant un régime de responsabilité sans faute. Cette évolution du régime de la responsabili-
té civile a été rendue possible et favorisée par l’essor de l’assurance permettant l’indemnisation des victimes
(syndrome du deep pocket). Toutefois, dans certains cas, le recours à l’assurance peut s’avérer insuffisant pour
garantir l’indemnisation des victimes. Le législateur est alors intervenu afin de permettre la prise en charge de ces
dommages par la collectivité. On parle alors non plus de mutualisation mais de socialisation des risques.

1. Les fonctions de la socialisation des risques


La socialisation des risques vise à permettre l’indemnisation des victimes par la collectivité en lieu et place ou en
complément de l’assureur.
A Faciliter l’indemnisation des victimes
Il existe différents cas dans lesquels les victimes ne peuvent être indemnisées par les mécanismes traditionnels de
la responsabilité civile ou de l’assurance : le responsable du dommage n’a pu être identifié, il n'est pas assuré et
s’avère insolvable, ou l’assureur refuse sa garantie.
Pour faire face à ces situations, le législateur a créé différents fonds de garantie :
• le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) qui prend en charge
l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation lorsque le responsable de l’accident est
inconnu ou n’est pas assuré ;
• le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) qui prend
en charge l’indemnisation des victimes d’infractions lorsque l’auteur de l’acte est inconnu ou in-
solvable ;
• l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (ONIAM) qui prend en
charge l’indemnisation en l’absence de faute de la part d’un professionnel de santé (aléa théra-
peutique) ou lorsque ce dernier n’est pas assuré.
Dans la plupart des cas, la demande est instruite préalablement par une commission (ex. : Commission
d’indemnisation des victimes d’infractions) qui émet un avis sur sa recevabilité auprès du fonds d’indemnisation.
B. Indemniser les dommages que les assurances ne peuvent garantir
Tous les risques ne sont pas assurables. En effet, la mutualisation des risques nécessite que ceux-ci réunissent
certaines caractéristiques : grand nombre d’individus concernés, homogénéité des risques, indépendance des
risques (cf. chapitre 19).
Or certains risques, tels que les catastrophes naturelles, ne réunissent pas toutes ces conditions :
• la répartition de ce risque sur le territoire est non homogène, ce qui peut entraîner un phéno-

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mène d’anti-sélection, seules les personnes vivant dans les zones exposées acceptant de
s’assurer ;
• ces risques ne sont pas indépendants : les personnes vivant dans une même zone supportent la
même probabilité de sinistre. En cas de sinistre, l’assureur peut se trouver dans l’incapacité
d’indemniser les victimes.
Un tel risque était souvent exclu des contrats d’assurance avant 1982. Le régime « catastrophes naturelles » (Cat
Nat) mis en place par la loi du 13 juillet 1982 a permis de socialiser ce risque.
Cette garantie est obligatoirement associée aux contrats d’assurance multirisque habitation et aux contrats cou-
vrant les dommages aux corps des véhicules terrestres à moteur. Une surprime proportionnelle à la prime du
contrat principal est alors appliquée.
Pour que les dommages puissent être indemnisés au titre de cette garantie, l’événement doit faire l’objet d’un
arrêté interministériel de catastrophe naturelle.
L’assureur prend alors en charge une partie de l’indemnisation du sinistre. La Caisse centrale de réassurance
(CCR) réassure les entreprises d’assurance pour une part des sinistres et au-delà d’un certain montant. L’État ap-
porte sa garantie à la CCR en cas de sinistre d’ampleur exceptionnelle.

2. Les limites de la socialisation des risques


Pour certains risques, le recours à la solidarité paraît nécessaire. Toutefois, un tel mécanisme ne peut être généra-
lisé compte tenu des limites qu’il présente.
A. La déresponsabilisation des auteurs et des victimes de dommages
Le poids financier du risque peut s’avérer considérable pour la collectivité. Aussi, convient-il de ne pas dérespon-
sabiliser les auteurs et les victimes des dommages liés à ces risques sous peine de voir ce poids s’accroître.
Les fonds de garantie sont ainsi amenés à développer des campagnes de prévention visant à sensibiliser les indi-
vidus sur la nécessité de s’assurer et sur les conséquences d’un défaut d’assurance en cas de sinistre.
En outre, ces fonds disposent d’un recours subrogatoire contre les responsables des dommages qu’ils ont indem-
nisés.
En matière de catastrophes naturelles, une franchise légale est déduite de l’indemnisation. Cette franchise est
augmentée dans les communes n’ayant pas mis en place de plan de prévention des risques naturels.
B. Les enjeux de la sanction pénale pour les victimes
Au-delà de la réparation des conséquences pécuniaires du dommage qu’elles ont subi, les victimes réclament
également une punition du ou des responsable(s) de ce dommage.
Cette punition peut se traduire par la condamnation du responsable au paiement de dommages-intérêts en ma-
tière civile.
Toutefois, le développement de l’assurance et de la socialisation des risques tend à réduire largement le caractère
punitif du versement de dommages-intérêts dans la mesure où le poids financier est pris en charge par la mutuali-
té ou par la collectivité.
Ce caractère punitif est donc recherché à travers la mise en cause de la responsabilité pénale de l’auteur du
dommage et sa condamnation à une sanction pénale sous la forme d’une amende ou d’une peine
d’emprisonnement.

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