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Frédéric STASIAK
Agrégé des Facultés de droit
Professeur à l'Université de Nancy 2
septembre 2007
Généralités 1 - 2
§ 1 - Initiés primaires 3
§ 2 - Initiés secondaires 4
§ 3 - Initiés tertiaires 5
§ 1 - Élément matériel 6 - 12
§ 2 - Élément intellectuel 13 - 14
Art. 3 - Répression 15 - 22
§ 1 - Action publique 15 - 20
§ 2 - Action civile 21 - 22
§ 1 - Élément matériel 23 - 24
§ 2 - Élément intellectuel 25
Art. 2 - Répression 26 - 27
§ 1 - Action publique 26
§ 2 - Action civile 27
§ 1 - Élément matériel 28
§ 2 - Élément intellectuel 29
Art. 2 - Répression 30 - 31
§ 1 - Action publique 30
§ 2 - Action civile 31
§ 2 - Obligations d'abstention 38 - 42
§ 1 - Manipulations de cours 43 - 47
§ 1 - Montant 51
§ 2 - Destinataires 52
Bibliographie
ACTUALISATION
Bibliographie. - LOYRETTE, Le contentieux des abus de marché, Joly, éd. 2007. – SALOMON,
Le risque boursier : délits et manquements d'initié, de manipulation de cours et de fausse
information, Cah. dr. entr., janv.-févr. 2008, p. 56. – GARRIGUES, La Cour de justice de l'Union
et la sanction des abus de marché, Bull. Joly Bourse mars-avr. 2010, éditorial 79. –
RONTCHEVSKY, L'utilisation de la notion d'intérêt social en droit des sociétés, en droit pénal et
en droit boursier, Bull. Joly Bourse juill.-août 2010. 355. – de TOCQUEVILLE et QUENTIN,
La prévention des manquements d'initiés par les dirigeants des sociétés cotées : l'AMF présente ses
recommandations, Option Finance 22 nov. 2010, p. 41. – MARPEAU et NEZAM, Manquement
d'initiés : l'AMF guide les dirigeants des sociétés cotées, Lamy Droit des affaires déc. 2010, p. 10. –
ROUSSILLE, La perte de chance en matière boursière : sanction de l'obligation de mise en garde
des intermédiaires financiers, Gaz. Pal. 25-26 févr. 2011, p. 16. – RONTCHEVSKY, Information
financière, le temps de l'insécurité, Bull. Joly Bourse 2012, Éditorial 389. – TIEU, Du mauvais
usage du faisceau d'indices en matière de manquement d'initié, Bull. Joly Bourse 2012. 512. –
LASSERRE CAPDEVILLE, Propositions de la Commission européenne pour lutter contre la
manipulation des taux interbancaires, Bull. Joly Bourse 2012.396 (Communiqué, Comm. UE,
25 juill. 2012, no IP 12/846). Les incidences en droit pénal financier de la reconnaissance du délit
de violation du secret des affaires, Bull. Joly Bourse 2013. 207. – CHIRON, Le droit des sociétés à
l'ère des nouvelles technologies, Dr. sociétés 2013. Étude 5. – RAPONE, Le droit français doit-il
s'inspirer du droit américain pour réparer le préjudice causé par de fausses informations ?, Dr.
sociétés 2013. Étude 4. – MARTIN LAPRADE, L'AMF actualise son document sur le montant
de la sanction pécuniaire, Bull. Joly Bourse 2013. 467. – MARTIN, DEZEUZE et BOUAZIZ, en
coll. avec FRANÇON, Les abus de marché, Manquements administratifs et infractions pénales,
2013, coll. Droit professionnel, LexisNexis. – RONTCHEVSKY, Renforcement de la répression
des abus de marché, Bull. Joly Bourse 2013. 614. – CONAC, Rapport sur le prononcé, l'exécution
de la sanction et le post-sentenciel. Groupe de travail présidé par Claude Nocquet, présidente de
la Commission des sanctions de l'AMF, Octobre 2013, Rev. sociétés 2014. 60 .
Généralités
1. Initialement cantonnée à l'incrimination de l'article 419 de l'ancien code pénal, la répression boursière
s'est progressivement développée pour répondre à l'internationalisation et la compétitivité croissantes des
marchés financiers. À l'heure actuelle, cette répression vise, pour l'essentiel, des comportements qui
portent atteinte à l'égalité de traitement des investisseurs et à la transparence du marché. Si le principe
même de la répression ne soulève guère de discussions s'agissant des atteintes à la transparence que
constituent les manipulations de marché et les diffusions d'informations fausses ou trompeuses (V. H. DE
VAUPLANE et O. SIMART, Délits boursiers : propositions de réforme. Pour une réparation des
compétences répressives selon le caractère économique ou moral de l'infraction, RD bancaire et bourse
1997, no 61, p. 85), il n'en va pas de même pour le délit d'initié (V. not. H. DE VAUPLANE et J.-
P. BORNET, Droit des marchés financiers, 3e éd., 2001, Litec, nos 1001 et s.). L'égalité d'accès à
l'information suppose d'interdire temporairement à certaines personnes d'utiliser ou de communiquer les
informations confidentielles qu'elles détiennent soit à raison de leur situation au sein de l'émetteur, soit à
raison des relations professionnelles qu'elles entretiennent avec celui-ci. À défaut, ces personnes
bénéficient d'un avantage informationnel réduisant considérablement l'aléa de leurs transactions, au
détriment des investisseurs sous-informés qui interviennent sur les marchés financiers. Les « initiés »
s'enrichissent alors au détriment des investisseurs individuels, qui vont devoir déployer davantage
d'efforts pour tenter d'accéder, parfois vainement, aux informations pertinentes. Le marché n'accomplit
plus sa fonction au moindre coût dans la mesure où le rendement de l'actif des initiés n'est plus une
fonction croissante de son risque (H. DE VAUPLANE et J.-P. BORNET, op. cit., no 1010). Pourtant, il
serait possible de considérer que les initiés ne font qu'introduire sur le marché une information exacte
qui, par sa diffusion progressive, serait de nature à éviter dans certains cas un effet « krach », autrement
dit, l'effondrement brutal du cours d'un titre. D'un point de vue économique, les profits retirés par les
initiés pourraient s'analyser comme la rémunération de ce « service rendu » au marché, et toute répression
devrait être exclue à leur égard. Aussi séduisante soit-elle, cette approche omet une autre donnée
fondamentale dans le bon fonctionnement d'un marché financier : la confiance des investisseurs. Si le
« jeu boursier » apparaît truqué, parce que certains s'enrichissent sans effort en raison de leur seule
situation au sein de la société émettrice, il n'incite plus les épargnants à investir et c'est l'équilibre général
du marché qui peut alors être fragilisé. Dans les années 2000 en particulier, l'éclatement de la bulle
internet et la révélation de plusieurs scandales financiers, tels qu'Enron ou Worldcom par exemple, ont
profondément altéré la confiance des investisseurs dans les marchés financiers. Aussi le législateur
français est-il intervenu à de nombreuses reprises pour tenter de moraliser le marché et préserver – ou
restaurer – la confiance des investisseurs individuels. Le droit communautaire s'est fait l'écho de ces
tentatives, notamment avec la directive no 89/592/CEE du Conseil du 13 novembre 1989, aujourd'hui
abrogée, et la directive no 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003, dite
« abus de marché » (JOCE, no L 96, 12 avr.). Cette dernière se fixe également pour objectif d'assurer
l'intégrité et la transparence du marché financier en luttant efficacement contre les abus de marché afin
de restaurer la confiance des investisseurs (considérants 2, 12 et 15).
ACTUALISATION
ACTUALISATION
2, 53. Abus de marché. Système de répression. Réforme. - La loi no 2016-819 du 21 juin 2016
réformant le système de répression des abus de marchés (JO 22 juin) modifie le code monétaire et
financier en apportant des précisions importantes quant au champ d'application et aux sanctions
applicables aux abus de marché, réglant ainsi un certain nombre d'interrogations en suspens,
notamment quant au cumul des poursuites pénales et administratives. Cette loi, prise pour
l'application de la directive no 2014/57/UE du 16 avril 2014, se conforme à la décision du Conseil
constitutionnel du 18 mars 2015 qui avait imposé en la matière le respect de la règle non bis in idem
(Cons. const. décis. nos 2014-453 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, Rev. sociétés 2015.
380, note H. Matsopoulou ; BRDA 6/15 inf. 6). L'interdiction du cumul des poursuites pénales
et administratives à l'encontre d'une même personne ayant commis les mêmes faits est ainsi
consacrée à l'article L. 465-3-6 du code monétaire et financier, dont les conditions d'application
devront être déterminées par décret. La loi alourdit également les peines applicables aux abus de
marché, désormais punissables de cinq ans de prison et 100 millions d'euros d'amende quelle que
soit la nature de l'abus commis. Elle élargit le champ d'application du délit d'initié, qui est
caractérisé non seulement lorsqu'un initié fait usage d'une information privilégiée en réalisant une
ou plusieurs opérations sur les instruments financiers d'une société, mais aussi dorénavant lorsqu'il
annule ou modifie un ou plusieurs ordres qu'il a passés avant de détenir l'information privilégiée
(C. mon. fin., art. L. 465-1 ). Enfin, la loi détaille plus précisément la liste des initiés, en
complétant l'article L. 465-1, I du code monétaire et financier.
Chapitre 1er - Délits pénaux
3. L'article L. 465-1, alinéa 1er, du code monétaire et financier vise les dirigeants sociaux énumérés par
l'article L. 225-109 du code de commerce, c'est-à-dire le président, les directeurs généraux, les membres
du directoire, les personnes physiques ou morales exerçant dans la société les fonctions d'administrateur
ou de membre du conseil de surveillance, ainsi que les représentants permanents des personnes morales
qui exercent ces fonctions. Ces personnes deviennent initiés, au sens pénal du terme, lorsque, sur le
fondement d'informations privilégiées, elles réalisent ou permettent de réaliser, directement ou
indirectement, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations. Une
interprétation excessivement littérale du texte d'incrimination conduirait à considérer que seule
l'utilisation de plusieurs informations privilégiées est pénalement réprimée. En réalité, il faut y voir un
regrettable manque de rigueur du législateur qui emploie tantôt le singulier (al. 2), tantôt le pluriel (al. 1
et 3) au sein de l'article L. 465-1. En tout état de cause, l'utilisation d'une seule information privilégiée
suffit pour caractériser le délit (Comp. C. mon. fin., art. L. 465-1 , al. 2). L'article L. 465-1, alinéa 1er,
ne précisant nullement l'origine des informations privilégiées ayant fondé l'opération ou les opérations
réalisées, il est permis d'en déduire qu'il n'est pas nécessaire que l'intervenant ait reçu ces informations
d'un tiers : il serait donc possible d'être l'« initié de soi-même » (contra, mais avec nuance :
A. VIANDIER, Observations sur le délit d'utilisation d'une information privilégiée, Bull. Joly
1992. 255). Mais il convient d'ajouter que le droit communautaire apparaît plus nuancé puisqu'il
considère qu'« étant donné que l'acquisition ou la cession d'instruments financiers suppose
nécessairement une décision préalable d'acquérir ou de céder de la part de la personne qui procède à l'une
ou l'autre de ces opérations, le fait d'effectuer cette acquisition ou cette cession ne devrait pas être réputé
constituer en soi une utilisation d'une information privilégiée » (Direct. no 2003/6/CE du 28 janv. 2003,
considérant 30). La jurisprudence fait peser sur ces personnes, encore qualifiées d'initiés internes ou par
nature, une présomption simple de connaissance des informations privilégiées en raison des fonctions
qu'elles exercent au sein de l'émetteur (Cass. crim. 15 mars 1993, Bull. crim., no 113, D. 1993. 610, note
C. Ducouloux-Favard , Rev. sociétés 1993. 847, note B. Bouloc ). Si cette présomption supporte
théoriquement la preuve contraire, il paraît difficilement concevable, en pratique, que les dirigeants
sociaux puissent ignorer une information importante concernant leur propre société. Il semble bien, par
conséquent, que la situation du dirigeant de l'émetteur qui utilise une information privilégiée (V. infra,
no 6) se résume à l'alternative suivante : être de mauvaise foi et délinquant ou être de bonne foi et
incompétent. Toutefois, ces dirigeants peuvent utilement invoquer une délégation de pouvoirs régulière,
respectant les exigences jurisprudentielles relatives aux compétences du délégataire notamment, pour
éviter de voir leur responsabilité pénale engagée, à moins qu'ils n'aient pris une part personnelle à la
réalisation de l'infraction (Cass. crim. 19 oct. 1995, Bull. crim., no 317, Rev. sociétés 1996. 323, note
B. Bouloc ).
ACTUALISATION
3 s. Délit d'initié. - La France n'a pas violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de
l'homme en raison de la prétendue insuffisante prévisibilité de la loi applicable au délit d'initié
(CEDH, 5e sect., 6 oct. 2011, aff. 50425/06 , Soros c/ France, Bull. Joly Bourse 2012. 11, note
Morel-Maroger).
La tentative est répréhensible (C. mon. fin., art. L. 465-1 , dern. al., 1re phrase, mod. L. no 2013-
672 du 26 juill. 2013, art. 20).
3-1. Délit d'initié. Conservation des données. - La conservation généralisée et indifférenciée des
données de trafic pendant un an à compter du jour de l'enregistrement par les opérateurs de services
de communications électroniques n'est pas autorisée, à titre préventif, aux fins de la lutte contre les
infractions d'abus de marché, dont font partie les opérations d'initiés. Une juridiction nationale ne
peut en outre limiter dans le temps les effets d'une déclaration d'invalidité d'une législation
nationale prévoyant une telle conservation (CJUE 20 sept. 2022, aff. C-339/20 , D. 2022. Actu.
1660 ).
§ 2 - Initiés secondaires
4. L'article L. 465-1, alinéa 1er, du code monétaire et financier définit ces initiés comme « les personnes
disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions d'informations privilégiées ».
La remarque précédemment faite sur l'indifférence de l'origine des informations privilégiées peut être ici
reprise (V. supra, no 3). Si la jurisprudence ne fait peser aucune présomption sur ces initiés indirects ou
par occasion, elle se montre particulièrement extensive sur l'appréciation du lien entre leur profession et
l'information privilégiée. Cette catégorie comprend des personnes qui appartiennent à la société
émettrice et ont eu accès à des informations privilégiées, sans être pour autant des initiés primaires. Il
peut ainsi s'agir d'un secrétaire général (TGI Paris, 17 mars 1976, JCP 1976. II. 18496, note A. Tunc),
d'un directeur financier, voire d'un simple employé. Mais il peut s'agir également de personnes
extérieures à la société qui ont eu accès à une information privilégiée en raison des relations
professionnelles entretenues avec celle-ci : tel peut être le cas d'un commissaire aux comptes, d'un
liquidateur amiable (TGI Paris, 30 mars 1979, JCP 1980. II. 19306, note A. Tunc), d'un directeur de
cabinet d'un ministre (TGI Paris, 13 mai 1986, Gaz. Pal. 1986. 2. 459, note J.-P. Marchi ; Cass. crim.
26 oct. 1995, Bull. crim., no 324), d'un journaliste financier (TGI Paris, 12 mai 1976, JCP 1976. II.
18496, note A. Tunc), d'un avocat ou d'un conseiller technique voyant sortir de son bureau les présidents
de deux sociétés distinctes, et qui savait qu'un accord se préparait entre lesdites sociétés (TGI Paris,
15 oct. 1976, JCP 1977. I. 18543, note A. Tunc, Rev. sociétés 1977. 123, obs. B. Bouloc). À la limite, un
coiffeur ou un chauffeur de taxi ayant obtenu une information privilégiée à l'occasion de sa profession
pourrait être considéré comme un initié secondaire.
§ 3 - Initiés tertiaires
5. Le « syndrome des Twins Towers » (W. JEANDIDIER, Droit pénal des affaires, 6e éd., 2005, Dalloz,
no 129, in fine) a incité le législateur français à insérer, non sans précipitation, dans l'article L. 465-1 du
code monétaire et financier un nouvel alinéa 3, résultant de la loi no 2001-1062 du 15 novembre 2001
et incriminant « toute personne autre que celles visées aux deux alinéas précédents, possédant en
connaissance de cause des informations privilégiées ». Dès lors que ne se retrouve pas l'exigence posée
par l'ancien article 5 du règlement COB no 90-08 selon laquelle l'information privilégiée devait provenir
d'un initié primaire ou secondaire, il est possible d'affirmer que nous sommes tous des initiés potentiels.
Il ne saurait par conséquent plus être question du délit de quelques-uns, mais du délit de tout un chacun,
ce qui ne semble guère cohérent avec le sens du terme « initié ». Cette extension du champ de la
répression figure également dans le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers, qui prévoit
dans son article 622-2 que les « obligations d'abstention s'appliquent également à toute personne
détenant une information privilégiée et qui sait ou aurait dû savoir qu'il s'agit d'une information
privilégiée » (V. infra, no 38). Cette catégorie d'initié est de nature à remettre en question la
jurisprudence admettant le recel de délit d'initié (V. J.-H. ROBERT et H. MATSOPOULOU, Traité
de droit pénal des affaires, 2004, PUF, no 283). Dans l'affaire Péchiney-Triangle du 26 octobre 1995
(Bull. crim., no 324, Rev. sociétés 1996. 326, obs. B. Bouloc ). La chambre criminelle de la Cour de
cassation avait estimé que « si le recel de délit d'initié ne peut résulter de la simple détention
d'informations privilégiées, il est caractérisé à l'égard de celui qui, réalisant, en connaissance de cause, des
opérations sur le marché avant que ces informations soient connues du public, bénéficie du produit du
délit d'initié ainsi consommé ». Le législateur a donc procédé sur ce point à une relative – mais
certainement involontaire – dépénalisation puisque les peines désormais prévues à l'encontre de l'initié
tertiaire s'avèrent plus clémentes que celles visant le receleur : un an d'emprisonnement et 150 000 euros
d'amende pouvant être portés jusqu'au décuple du montant du profit réalisé pour le premier, cinq ans
d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende pour le second.
1° - Objet
6. L'article L. 465-1, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoit que l'information privilégiée doit
porter soit « sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché
réglementé », soit « sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché
réglementé » (C. mon. fin., art. L. 465-1 , al. 1er ; comp. C. mon. fin., art. L. 422-1 , pour les marchés
réglementés européens, et art. L. 423-1 , pour les marchés étrangers reconnus dans des conditions
fixées par décret et sous réserve de réciprocité). Ces deux aspects sont en partie liés puisqu'une
information relative à la situation ou aux perspectives de l'émetteur (publication des comptes, dépôt d'un
brevet, projet de fusion, etc.) aura certainement des répercussions sur l'évolution de ses titres. Les
instruments financiers sont énumérés par l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, récemment
modifié par l'ordonnance no 2007-544 du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers, et
comprennent notamment les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès directement ou
indirectement au capital ou aux droits de vote, les titres de créance représentant chacun un droit de
créance sur la personne morale ou le fonds commun de créances qui les émet, les parts ou actions
d'organismes de placements collectifs, les instruments financiers à terme figurant sur une liste fixée par
décret et tous instruments financiers équivalents à ceux précédemment mentionnés, ainsi que les droits
représentatifs d'un placement financier dans une entité «émis sur le fondement de droits étrangers ». Il
importe de remarquer que le champ de l'incrimination se limite aux marchés réglementés définis par
l'article L. 421-1 du code monétaire et financier comme étant « un système multilatéral qui assure ou
facilite la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs
et vendeurs exprimés par des tiers sur des instruments financiers, d'une manière qui aboutisse à la
conclusion d'un contrat portant sur les instruments financiers admis à la négociation dans le cadre des
règles et systèmes de ce marché, et qui fonctionne régulièrement conformément aux dispositions qui lui
sont applicables ». La reconnaissance, la réunion et le retrait de la qualité de marché réglementé sont
décidés par le ministre chargé de l'économie sur proposition de l'Autorité des marchés financiers (C. mon.
fin., art. L. 421-4 et L. 421-5 ). Il est également précisé que « les marchés réglementés fonctionnant
régulièrement à la date du 1er novembre 2007 sont reconnus comme des marchés réglementés au sens de
l'article L. 421-1 » (C. mon. fin., art. L. 421-6 ). Cette restriction de l'incrimination aux seuls marchés
réglementés peut sembler regrettable puisqu'en sont exclus le marché libre et Alternext, pour lesquels le
fonctionnement régulier n'est pas garanti. Cette limitation tend à inciter les investisseurs non
professionnels à privilégier les marchés réglementés où ils bénéficient d'une protection accrue contre les
abus de marché. Au contraire, les marchés non réglementés concernent généralement des investisseurs
professionnels « mieux à même d'apprécier ce type de risque et de s'en prémunir » (V. en ce sens,
S. JANIN, Le premier cas pratique d'approche « Lamfalussy ». Les mesures d'exécution de la directive
sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché [abus de marché], Rev. Marché commun 2003.
658, spéc. p. 661). Pourtant, certains auteurs estiment fâcheuse cette limitation de la protection aux seuls
marchés réglementés « à l'heure où les professionnels s'interrogent sur la notion d'initié en matière de
dérivés de crédit » (H. DE VAUPLANE et J.-J. DAIGRE, Rev. Banque et Droit, no 89, mai-juin 2003,
p. 36).
ACTUALISATION
6. Le champ de l'incrimination est étendu aux instruments « ou négociés sur un système multilatéral
de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d'admission
à la négociation sur un tel marché a été présentée » (C. mon. fin., art. L. 465-1 , et L. 465-2 ,
mod. L. préc. art. 21).
6-1. Information privilégiée. Article de presse. - L'information sur la publication prochaine dans la
presse d'un article relayant une rumeur d'offre publique d'achat sur des titres cotés peut constituer
une information privilégiée lorsque la rumeur est suffisamment crédible (CJUE 15 mars 2022, aff.
302/20, BRDA 8/22, inf. 5 ; Rev. sociétés 2022. 447, note A.-C. Muller ).
6-2. Information privilégiée. Origine. - Il n'est pas nécessaire de détailler les circonstances par
lesquelles une information privilégiée est parvenue à une personne poursuivie pour délit d'initié
dès lors que la détention d'une telle information résulte d'éléments graves précis et concordants
(Crim. 30 mars 2022, no 21-83.500 , BRDA 11/22, inf. 7 ; Rev. sociétés 2023. 638, note
J. Prorok ).
La cour d'appel de Paris, appliquant à son tour la solution récemment dégagée par la CJUE,
condamne un journaliste pour avoir informé l'une de ses sources qu'il allait publier un article
relayant une rumeur d'offre publique suffisamment crédible, ce qui constituait une information
privilégiée (Paris 30 mars 2023, no 18/28497, BRDA 9/23, inf. 8).
2° - Caractères cumulatifs
a. - Confidentialité
7. L'information est considérée comme confidentielle tant qu'elle est ignorée du public. Par conséquent,
les obligations d'abstention de l'initié cessent avec la publicité de l'information. Toutefois, le fait qu'une
information soit connue par plusieurs initiés, comme l'ensemble des administrateurs d'une société, ne lui
fait pas perdre sa confidentialité (CA Paris, 14 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993. 1. 198, note J.-P. Marchi). Ce
caractère disparaît lorsque l'information fait l'objet d'un communiqué officiel de la société ou d'une
publication d'un avis dans la presse spécialisée (CA Paris, 26 mai 1977, JCP 1978. II. 18789, note
A. Tunc ; 15 mars 1995, Bull. Joly bourse 1995. 181, note N. Decoopman). Cependant, la jurisprudence
a pu décider qu'une information publiée de manière fragmentaire dans un périodique au tirage limité et
d'audience restreinte restait confidentielle (CA Paris, 26 mai 1977, préc.). En tout état de cause, le délit
est constitué si l'information révélée au public diffère de celle détenue par l'initié (Cass. crim. 29 nov.
2000, Bull. crim., no 359).
b. - Précision
8. La précision permet de distinguer l'information de la simple rumeur, par nature plus vague. Ainsi, la
jurisprudence décide « qu'en admettant même que certains bruits alarmants aient eu cours à l'époque en
raison des difficultés des échéances, des modifications de structure accompagnées de mesures de
licenciement, de certains échecs commerciaux, ceux-ci ne présentent pas le caractère précis […] que doit
revêtir tout renseignement pour constituer l'information » (CA Paris, 30 mars 1977, JCP 1978. II.
18789, note A. Tunc). Au contraire, l'information est précise lorsqu'elle porte sur la connaissance de la
date et sur les titres d'une opération de stellage (Cass. crim. 29 nov. 2000, Bull. crim., no 359), sur la
préparation d'une offre publique d'achat (Cass. crim. 26 oct. 1995, préc. supra, no 5), sur des résultats
bénéficiaires entraînant une augmentation importante et imprévue des dividendes à distribuer (TGI
Paris, 28 janv. 1985, D. 1985. 357, note J.-P. Marchi), ou encore sur de lourdes pertes subies par la
société (TGI Paris, 19 déc. 1975, D. 1976. 53, note Delmas-Marty). La jurisprudence avait un temps
exigé la certitude de l'information (CA Paris, 30 mars 1977, préc. ; TGI Paris, 3 déc. 1993, Gaz. Pal.
1994. 1. 352, note J.-P. Marchi), mais elle s'est finalement ravisée pour le manquement administratif
d'abord (CA Paris, 26 mai 1993, Bull. Joly bourse 1993. 579, note M. Jeantin ; Cass. com. 5 oct. 1999,
Rev. sociétés 1999. 850, note S. Robineau ) et pour le délit d'initié ensuite (CA Paris, 13 mai 1997,
Rev. sociétés 1997. 855, obs. B. Bouloc ; Cass. crim. 15 oct. 1998, Bull. Joly bourse 1999. 67, note
S. Noémie).
9. La chambre criminelle de la Cour de cassation retient une approche objective du caractère privilégié
des informations en estimant qu'il « ne saurait résulter de l'analyse que peut en faire celui qui les reçoit et
les utilise, mais doit s'apprécier de manière objective, excluant tout arbitraire et en fonction de leur seul
contenu » (Cass. crim. 26 juin 1995, Bull. crim., no 233). Les compétences de l'investisseur ou la façon
dont il utilise l'information reçue importent peu. Le problème est alors de déterminer le modèle abstrait
- le bon boursicoteur de famille ? – auquel les juges du fond devront se référer. La remarque peut toutefois
être tempérée par le fait que les profits éventuellement réalisés peuvent être pris en compte pour
déterminer le montant de l'amende (V. infra, no 15) : or, entre le petit épargnant et l'analyste financier,
les profits issus de l'utilisation d'une même information privilégiée peuvent être très différents.
d. - Caractère déterminant
10. L'information doit encore avoir déterminé les opérations illicites réalisées par l'initié, ce qui suppose
de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre la première et les secondes. Cette exigence, plus
récente que les précédentes, résulte notamment d'un arrêt de la chambre criminelle du 26 juin 1995
(Bull. crim., no 233, Rev. sociétés 1995. 562, obs. B. Bouloc , Bull. Joly bourse 1995. 285, note P. Le
Cannu). L'initié peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il parvient à établir que ce n'est pas la
connaissance d'une information privilégiée et la recherche d'un intérêt personnel qui ont déterminé la
réalisation de l'opération mais, par exemple, la nécessité de se défendre face à une menace de prise de
contrôle inamicale, ou d'acquérir une position stratégique sur le marché. La chambre commerciale s'est
fait l'écho de cette position dans un arrêt du 9 avril 1996 (JCP, éd. E, 1996. II. 589, p. 391, obs. Viandier
et Caussain, Bull. Joly bourse 1996. 305, note F. Peltier ; V. égal. Cass. com. 5 oct. 1999, D. 1999, AJ 55,
obs. V. A.-R ., Bull. Joly bourse 2000. 38, note N. Rontchevsky, rappelant que l'initié doit rapporter la
preuve, non établie en l'espèce, du fait justificatif allégué) en estimant que les juges du fond auraient dû
rechercher si la cession de titres réalisée n'avait pas été justifiée « par un intérêt autre que personnel ».
En l'espèce, l'initié poursuivi soutenait que la cession de titres était intervenue dans le cadre d'un plan de
restructuration de capital décidé par le conseil d'administration afin de libérer la société de l'emprise de
son actionnaire principal. Mais dès lors que c'est bien l'obtention d'une information privilégiée qui a
déterminé les opérations réalisées, le délit est constitué (Cass. crim. 16 juin 2006, Bull. crim., no 178, Dr.
sociétés 2006, comm. 132, note R. Salomon). Cette cause d'exonération, d'origine jurisprudentielle,
n'apparaît guère pertinente dans la mesure où le délit d'initié n'a pas pour vocation de protéger l'intérêt
personnel de l'émetteur. Il tend à garantir l'égalité d'accès à l'information des investisseurs. Qui plus est,
en tenant compte des mobiles de l'intervenant, la jurisprudence renie un principe établi du droit pénal –
l'indifférence des mobiles – tout en compliquant la tâche du ministère public, car l'initié aura beau jeu de
prétendre que ses opérations n'ont pas été déterminées par une information privilégiée (par ex., CA Paris,
26 oct. 1999, Bull. Joly Bourse 2000. 153, note N. Rontchevsky). Plutôt que de s'en tenir à une cause
d'exonération aussi vague que peu convaincante, la jurisprudence devrait s'inspirer davantage des
dispositions plus précises de la directive du 28 janvier 2003. L'article 2, paragraphe 3, de ce texte prévoit
que l'interdiction pour un initié d'utiliser une information privilégiée « ne s'applique pas aux opérations
effectuées pour assurer l'exécution d'une obligation d'acquisition ou de cession d'instruments financiers
devenue exigible, lorsque cette obligation résulte d'une convention conclue avant que la personne
concernée ne détienne une information privilégiée ». L'article 8 de la directive énonce pour sa part que
« les interdictions prévues par la présente directive ne s'appliquent pas aux opérations sur actions propres
effectuées dans le cadre de programmes de “rachat”, ni aux mesures de stabilisation d'un instrument
financier, sous réserve que ces opérations s'effectuent conformément aux mesures d'exécution arrêtées
selon la procédure visée à l'article 17 paragraphe 2 ».
11. L'article L. 465-1 du code monétaire et financier incrimine le fait « de réaliser ou de permettre de
réaliser, directement ou par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait
connaissance de ces informations » privilégiées. En d'autres termes, l'initié sera poursuivi s'il réalise lui-
même ou par personne interposée une opération interdite. Le délit se consomme alors normalement par
le lancement de l'ordre de vente ou d'achat, et non par son exécution. L'infraction est constituée
indépendamment de l'exécution de l'ordre, mais elle n'est pas réalisée si la connaissance de l'information
privilégiée intervient entre le lancement de l'ordre et son exécution (CA Paris, 30 mai 1977, JCP
1977. II. 18789, note A. Tunc), sauf réitération de son ordre par l'initié (TGI Paris, 30 mars 1979, JCP
1980. II. 19306, note A. Tunc). Le profit n'est pas un élément constitutif de l'infraction : il ne sert qu'à
déterminer, le cas échéant, le montant de l'amende encourue (TGI Paris, 28 janv. 1985, D. 1985. 357,
note J.-P. Marchi). Le délit d'initié peut donc être réalisé en l'absence de profit, voire en présence de perte
si l'initié a mal utilisé son information privilégiée. Le délit s'apparente ainsi à une infraction formelle
puisqu'il se consomme indépendamment de tout résultat préjudiciable. L'initié est encore punissable s'il
permet, directement ou indirectement à un tiers de réaliser une telle opération. Il est indifférent ici que
le tiers réalise effectivement ou non l'opération ; l'initié doit simplement lui fournir le moyen de le faire.
Le texte ne fournissant aucune indication à cet égard, tous les moyens peuvent être appréhendés, y
compris le simple conseil ou la simple recommandation émanant de l'initié. Mais, curieusement, si ce
moyen consiste à communiquer au tiers une information privilégiée, l'initié encourt les peines, bien plus
faibles, de l'alinéa 2 de l'article L. 465-1 (V. infra, no 12). Dans l'affaire Triangle-Péchiney, la Cour de
cassation a considéré que l'infraction était réputée commise en France dès lors qu'un acte caractérisant
un élément constitutif était accompli sur le territoire de la République (Cass. crim. 3 nov. 1992, Bull.
crim., no 352, Rev. sociétés 1993. 436, obs. W. Jeandidier ; 26 oct. 1995, préc. supra, no 5). Mais en
l'espèce, l'acte caractérisant un élément constitutif résidait dans le lancement en France d'un ordre de
bourse exécuté à l'étranger. La solution jure avec celle précédemment relatée et affirmant que le délit
d'initié se consomme précisément par le lancement de l'ordre boursier. Si ce comportement se produit en
France, l'infraction ne saurait être réputée commise sur le territoire de la République : elle est commise
en France, et le recours à l'article 693 du code de procédure pénale – ou à l'article 113-2 du code pénal –
est parfaitement inutile pour justifier la compétence de la loi et des juridictions françaises.
ACTUALISATION
11. Opération d'initié : finalité de la directive du 28 janvier 2003. - Le fait qu'un initié primaire qui
détient une information privilégiée effectue une opération de marché sur les instruments financiers
auxquels se rapporte cette information implique qu'il a "utilisé cette information" au sens de la
directive 2003/6, sous réserve du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit de
pouvoir renverser cette présomption. Toutefois, afin d'éviter que la prohibition des opérations
d'initiés ne soit étendue au-delà de ce qui est approprié et nécessaire, la CJUE estime qu'il convient
de se référer à la finalité de la directive, qui est de protéger l'intégrité des marchés financiers et de
renforcer la confiance des investisseurs, laquelle repose, notamment, sur l'assurance que ces
derniers seront placés sur un même pied d'égalité et protégés contre l'utilisation indue
d'informations privilégiées. Ainsi, la prohibition des opérations d'initiés s'applique lorsqu'un initié
primaire qui détient une information privilégiée fait une utilisation indue de l'avantage que lui
procure cette information en effectuant une opération de marché concordant avec cette
information (CJUE, 23 déc. 2009, C-45/08 , Bull. Joly Bourse 2010. 92, note Torck ; Rev.
sociétés 2010. 325 ; D. 2010. 2313, note de Tocqueville ).
Information privilégiée à caractère sensible. La chambre commerciale poursuit son alignement sur
l'information privilégiée développée par l'arrêt Spector du 23 déc. 2009, précité (Com. 27 avr.
2011, no 10-12.125 , Rev. sociétés 2011. 701, note Gaudemet ).
12. L'article L. 465-1, alinéa 2, du code monétaire et financier vise « le fait, pour toute personne disposant
dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions d'une information privilégiée […] de la communiquer
à un tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions », incriminant ce que l'on appelle
parfois un délit de « dîner en ville ». Si cette disposition s'applique sans problème aux initiés primaires,
elle s'articule mal avec le premier alinéa du texte qui définit les initiés secondaires comme « les personnes
disposant à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées »,
catégorie plus large que les personnes disposant de telles informations « dans » l'exercice de leurs
fonctions. C'est dire que, logiquement, une partie seulement des initiés secondaires serait concernée par
l'interdiction de communiquer une information privilégiée. Ainsi a-t-il été admis qu'« en instituant le délit
de communication d'information privilégiée, le législateur a voulu limiter strictement l'infraction à ceux
qui reçoivent l'information privilégiée ès qualités de leurs fonctions ou dans l'exercice de leur contrat de
travail ou de leur profession » (TGI Paris, 13 févr. 2002, Banque et Droit, mai-juin 2002, p. 28, chron.
J.-J. Daigre et H. de Vauplane). Il ne saurait donc y avoir de répression lorsque les faits ont « été commis
à l'occasion [des] activités professionnelles ou des fonctions mais pas directement dans leur exercice »
(même décision). La manière dont l'information privilégiée est communiquée est indifférente et l'initié
trop loquace sera puni, que le tiers réalise ou non l'opération après la communication de l'information
privilégiée. L'incrimination du délit de communication d'une information privilégiée n'exige pas que le
public ignore ladite information, contrairement au délit d'utilisation d'une telle information. Dans
l'absolu, le délit pourrait être caractérisé alors même que le bénéficiaire de cette communication
connaîtrait déjà l'information en cause. Fort heureusement, le législateur permet la communication d'une
information privilégiée dans le cadre normal de la profession ou des fonctions de l'auteur de cette
communication, pour la préparation d'une offre publique d'achat par exemple. Le tiers bénéficiaire de la
communication d'une information privilégiée échappe à toute poursuite s'il s'abstient de communiquer
une telle information ou de réaliser une opération fondée sur celle-ci. Dans le cas contraire, il devient
initié secondaire ou tertiaire selon que l'obtention de l'information privilégiée est intervenue à titre
professionnel ou non.
ACTUALISATION
12. Délit de communication d'une information privilégiée. - La loi du 22 mars 2012 aggrave la
peine d'amende encourue en cas de communication d'une information privilégiée (C. mon. fin.,
art. L. 465-1 , al. 2, mod. L. no 201-387 relative à la simplification du droit et à l'allégement des
démarches administratives, art. 132, Bull. Joly Bourse 2012. 244, note Lasserre Capdeville).
§ 2 - Élément intellectuel
14. Pour la même raison que précédemment, la communication d'une information privilégiée est un délit
intentionnel. La profession ou les fonctions exercées par l'initié indiscret sont de nature à faciliter la
preuve de la volonté de communiquer, en connaissance de cause, une information privilégiée. Il devrait
cependant en aller différemment pour les initiés tertiaires puisque la communication de l'information
privilégiée peut intervenir en dehors du cadre d'une profession ou d'une fonction.
Art. 3 - Répression
15. Les peines prévues par l'article L. 465-1, alinéa 1er, du code monétaire et financier sont un
emprisonnement de deux ans et une amende de 1 500 000 €, « dont le montant peut être porté au-delà
de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse
être inférieure à ce même profit ». Deux remarques peuvent être formulées à l'égard de ce texte. D'abord,
le fait qu'en tout état de cause l'amende ne puisse pas être inférieure au profit réalisé participe d'une
politique criminelle efficiente en matière de délinquance d'affaires qui, malheureusement, fait défaut
pour le manquement administratif (V. infra, no 51). Ensuite, il convient de souligner la présence de
l'adverbe « éventuellement », qui ne se retrouve pas pour les initiés tertiaires. Il serait légitime de
considérer que cette précision textuelle induit la prise en compte du simple profit potentiel comme du
profit réalisé : il serait donc indifférent que l'initié ait revendu ou conservé ses titres. Si la jurisprudence
a admis la prise en compte de ce profit potentiel pour le manquement d'initié (CA Paris, 26 mai 1993,
Petites Affiches no 74, 21 juin 1993, p. 14, note C. Ducouloux-Favard), elle en a décidé autrement pour
le délit d'initié en estimant qu'« on ne saurait assimiler à un “profit réalisé” la plus-value potentielle
résultant de l'opération incriminée » (TGI Paris, 3 déc. 1993, Petites Affiches 19 janv. 1994, no 8, p. 8,
note C. Ducouloux-Favard). Les juges du fond doivent préciser le montant des profits réalisés s'ils
décident de porter le montant de l'amende au-delà du plafond fixe de 1 500 000 € prévu par le texte. À
défaut, ils ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la peine
d'amende prononcée (Cass. crim. 14 juin 2006, Bull. crim., no 178, Dr. sociétés 2006, comm. 132, note
R. Salomon). Il faut encore préciser que, contrairement à l'article 2, paragraphe 1er, de la directive
no 2003/6/CE du 28 janvier 2003, le droit français ne réprime pas la tentative du présent délit. Il
convient également de signaler que la loi no 2001-1062 du 15 novembre 2001 fait figurer le délit d'initié
parmi les infractions terroristes de l'article 421-1 du code pénal. Il en résulte l'application des règles de
fond et de forme spécifiques aux infractions terroristes ainsi que le doublement de l'emprisonnement
puisque l'article 421-3, 7o, du code pénal prévoit cette aggravation « lorsque l'infraction est punie d'un
emprisonnement de trois au plus ».
16. L'initié encourt également l'incapacité de l'article L. 500-1 du code monétaire et financier. Ce texte
prévoit que « nul ne peut, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte
d'autrui […] 1o Diriger, gérer, administrer ni être membre d'un organe collégial de contrôle d'un organisme
mentionné aux articles L. 213-8, L. 511-9, L. 517-1, L. 517-4, L. 531-1, L. 542-1 et L. 543-1, ni disposer
du pouvoir de signer pour le compte de cet organisme ; 2o Exercer l'une des professions ou activités
mentionnées aux articles L. 341-1, L. 519-1, L. 520-1, L. 541-1 et L. 550-1 » s'il a fait l'objet depuis moins
de dix ans d'une condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme ou d'au moins six mois
avec sursis pour « l'une des infractions prévues au présent code » (art. L. 500-1-II, q). D'autres
dispositions du code monétaire et financier renvoient à l'article L. 500-1 pour le jeu de cette interdiction :
il s'agit de l'article L. 312-9 concernant les membres du directoire et du conseil de surveillance du fonds
de garantie des dépôts ; de l'article L. 322-4, alinéa 3, visant les deux représentants des adhérents au
conseil de surveillance du fonds de garantie des dépôts ; de l'article L. 341-9 concernant les personnes
exerçant le démarchage bancaire et financier ; de l'article L. 541-7 pour les conseillers en investissement
financier. Cette incapacité constitue une peine accessoire puisque l'article L. 500-1-VI du code
monétaire et financier dispose que « sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 132-
21 du code pénal, la juridiction prononçant la décision qui entraîne l'incapacité peut en réduire le délai ».
Ce n'est donc pas la juridiction qui prononce l'incapacité puisque celle-ci résulte automatiquement de la
condamnation prononcée. Par principe, de telles peines sont prohibées par le code pénal (art. 132-17)
mais elles sont autorisées hors de celui-ci dans la mesure où l'article 132-21, alinéa 2, dudit code prévoit
le relèvement total ou partiel des personnes frappées d'une interdiction, déchéance ou incapacité
quelconque résultant « de plein droit » d'une condamnation pénale. La personne visée doit cesser son
activité dans un délai d'un mois depuis la date à laquelle la décision du juge est devenue définitive, ce
délai pouvant être réduit ou supprimé par la juridiction ayant rendu la décision (art. L. 500-1 ; V. égal.
art. L. 500-1-VI, pour la condamnation prononcée par une juridiction étrangère). La violation de cette
incapacité est punie de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende par l'article L. 570-1 du
code monétaire et financier. La sanction est à double détente, car la personne condamnée sur le
fondement de cette dernière disposition ne peut plus être employée à quelque titre que ce soit, dans
l'organisme dans lequel elle exerçait des fonctions de direction, de gestion, d'administration ou de membre
d'un organe collégial de contrôle ou dont elle avait la signature, ainsi que dans toute filiale de cette
entreprise. À défaut, cette personne et l'employeur ayant agi en connaissance de cause s'exposent aux
peines de l'article L. 570-1 (pour l'application dans le temps des dispositions relatives à cette incapacité,
V. Ord. no 2005-429 du 6 mai 2005, art. 9, ayant institué ladite incapacité).
17. L'article L. 465-1, alinéa 2, du code monétaire et financier prévoit des peines d'un an
d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende. À l'égard des initiés primaires et secondaires, le droit pénal
considère par conséquent que la communication d'une information privilégiée est un comportement
moins grave que l'exploitation de celle-ci. L'infraction relève du terrorisme lorsqu'elle est
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur (C. pén., art. 421-1 , 7o). Comme
précédemment (V. supra, no 15), le régime spécifique et l'aggravation des peines prévues par l'article 421-
3, 7o, du code pénal en matière de terrorisme peuvent recevoir application. L'initié encourt également
l'incapacité prévue par l'article L. 500-1 du code monétaire et financier.
18. L'article L. 465-1, alinéa 3, du code monétaire et financier réprime indifféremment les initiés
tertiaires qui soit réalisent ou permettent de réaliser directement ou indirectement une opération fondée
sur des informations privilégiées, soit communiquent à un tiers des informations privilégiées. Dans les
deux cas, les peines sont ici d'un an d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende, « dont le montant peut
être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit réalisé, sans que l'amende puisse
être inférieure à ce même profit ». Plusieurs incohérences apparaissent entre ces peines et celles
encourues par les initiés primaires ou secondaires. En premier lieu, il est permis de se demander pourquoi
les peines sont identiques pour l'initié tertiaire qui exploite ou qui communique une information
privilégiée, alors qu'elles sont différentes pour les autres initiés (V. supra, nos 15 et 17). En deuxième lieu,
la communication d'une information privilégiée est plus sévèrement réprimée pour les initiés tertiaires
que pour les initiés primaires ou secondaires. Alors que les dirigeants de l'émetteur ou les personnes
détenant une information privilégiée dans un cadre professionnel encourent un an d'emprisonnement et
150 000 € d'amende pour la communication de celle-ci (V. supra, no 17), les initiés tertiaires qui
communiquent une information privilégiée peuvent voir leur amende portée jusqu'au décuple du
montant du profit réalisé. Ces derniers se trouvent donc soumis à une sorte de « secret non professionnel »
(F. STASIAK, Droit pénal des affaires, 2005, coll. Manuels, LGDJ, p. 259). En troisième lieu, l'article
L. 465-1, alinéa 3, énonce que « lorsque les informations en cause concernent la commission d'un crime
ou d'un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et 1 500 000 € d'amende si
le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre ». Quid si les profits réalisés sont supérieurs à ce
chiffre ? Le principe de légalité permettra-t-il de considérer, en pareille situation, que le montant de
l'amende peut être porté au décuple des profits réalisés ? Et pourquoi ne pas avoir précisé que l'amende
ne pouvait pas être inférieure au profit (éventuellement) réalisé ? De surcroît, ces peines aggravées
concernent exclusivement les initiés tertiaires et s'appliquent, faute de distinction dans l'article L. 465-1,
alinéa 3, aussi bien à l'exploitation qu'à la communication d'informations privilégiées. Autant
d'incohérences laissent à penser que le législateur du 15 novembre 2001 a confondu vitesse et
précipitation. Le montant de l'emprisonnement encouru permet de faire jouer, le cas échéant,
l'aggravation prévue pour le terrorisme par l'article 421-3, 6o, du code pénal, ce qui porte la peine à dix
ans. Ici encore et contrairement aux exigences du droit communautaire, la tentative n'est pas réprimée.
B - Procédure
20. L'avis de l'AMF doit obligatoirement être recueilli par les autorités judiciaires chargées des poursuites
pour délit d'initié (C. mon. fin., art. L. 466-1 in fine). En contrepartie, cette dernière doit transmettre
immédiatement son rapport d'enquête au procureur de la République près le tribunal de grande instance
de Paris si elle considère que le manquement dont elle est saisie constitue un délit d'initié (C. mon. fin.,
art. L. 621-15-1 ). La chambre criminelle a estimé que constitue l'avis de l'AMF, le rapport transmis
par celle-ci au procureur de la République en vue de poursuites judiciaires (Cass. crim. 26 oct. 1995,
Bull. crim., no 324, Rev. sociétés 1996. 326, obs. B. Bouloc ; Cass. crim. 1er mars 2000, D. 2000,
AJ 229, obs. A. Lienhard , Bull. Joly bourse 2000. 443, note N. Rontchevsky). La prescription de
l'action publique est de trois ans, le point de départ du délai de prescription étant fixé soit au jour de la
passation de l'ordre de bourse ou au jour où l'initié a permis à un tiers de réaliser une opération, soit au
jour de la communication de l'information privilégiée. La question se pose aussi de savoir si le rapport
adressé par l'AMF au procureur de la République et l'informant d'un éventuel délit d'initié est susceptible
d'interrompre la prescription de l'action publique. En droit de la concurrence, la situation est réglée par
l'article L. 462-6 du code de commerce selon lequel le Conseil de la concurrence considère que les faits
lui paraissent de nature à justifier l'application de l'article L. 420-6 dudit code, il adresse le dossier au
procureur de la République ; « cette transmission interrompt la prescription de l'action publique. La
prescription est interrompue également lorsque les faits visés dans la saisine font l'objet d'un acte tendant
à leur recherche, leur constatation ou leur sanction par la Commission européenne ou par une autorité
de concurrence d'un autre État membre de la Communauté européenne ». En droit boursier, aucun texte
ne résout le problème, mais deux arguments principaux pourraient permettre de transposer la solution
retenue en droit de la concurrence : d'une part, l'hostilité manifeste de la jurisprudence pénale à l'égard
de la prescription des infractions en général et de celle des infractions d'affaires en particulier ; d'autre
part, l'économie générale des différentes dispositions du code monétaire et financier organisant une
collaboration entre l'AMF et le juge pénal afin de renforcer la lutte contre les abus de marché.
§ 2 - Action civile
21. La chambre criminelle a décidé, dans un arrêt du 11 décembre 2002 (Bull. crim., no 224, Dr. pénal
2003, comm. no 35, obs. Robert, Bull. Joly bourse 2003. 149, note Stasiak), « qu'à le supposer établi le
délit d'initié est susceptible de causer un préjudice personnel direct aux actionnaires ». La Cour de
cassation admet ainsi la recevabilité de la constitution de partie civile d'un actionnaire. Toutefois, une
chose est d'admettre la recevabilité de l'action civile, autre chose est d'évaluer le préjudice effectivement
subi par l'actionnaire (V. par ex., T. corr. Paris, 12 sept. 2006, Bull. Joly bourse 2007. 37, note
E. Dezeuze). Concernant un autre délit boursier, la diffusion d'informations fausses ou trompeuses, la
jurisprudence a estimé que si la conservation de titres acquis avant la diffusion illicite ne constitue pas
un préjudice réparable, il en va différemment de l'acquisition de titres pendant la période de diffusion
des informations fausses ou trompeuses (Cass. crim. 15 mars 1993, Bull. crim., no 113, Rev. sociétés
1993. 847, obs. B. Bouloc , D. 1993. 610, note C. Ducouloux-Favard , Bull. Joly bourse 1993. 365,
note M. Jeantin). Ce préjudice résulterait de la différence entre le cours normal du titre et sa valeur après
la diffusion de l'information. Mais, indépendamment de la difficulté à caractériser un « cours normal »,
la question se pose de savoir si une telle solution peut être admise pour un délit d'initié. Au contraire de
l'auteur d'une diffusion d'informations fausses ou trompeuses, l'initié introduit sur le marché une
information exacte et contribue ainsi à rapprocher le cours du titre de sa valeur véritable. Et le préjudice
ne semble pas être de même nature selon que l'initié a anticipé une baisse ou une hausse des titres. Dans
le premier cas, le préjudice consiste en une perte financière, car les victimes ont acquis à un prix élevé
des titres qui ont vu leur valeur chuter par la suite. Dans le second cas, il réside dans une perte de chance,
car les victimes ont cédé leurs titres avant une hausse. Une autre source de difficulté réside dans le fait
que, suite au comportement de l'auteur du délit boursier, tous les investisseurs n'ont pas réagi
simultanément. Cette succession d'opérations boursières a certainement influé sur le cours du titre,
contribuant ainsi, par une sorte d'effet « boule de neige », à aggraver progressivement la situation. Il n'est
donc pas certain que l'initié soit directement à l'origine de tous les maux des épargnants victimes. La
jurisprudence ne semble pas toujours s'encombrer de telles considérations pour indemniser les
préjudices individuels, et tend à fixer l'indemnisation de façon forfaitaire (CA Paris, 18 déc. 1995, JCP,
éd. E, 1996, panor. 482, Banque et droit juill.-août 1996, no 48, p. 35, chron. F. Peltier et H. De
Vauplane), même si des signes d'évolution apparaissent (T. corr. Paris, 12 sept. 2006, préc.).
ACTUALISATION
21, 27. Réparation d'un préjudice personnel d'investissement et perte de chance. - Le préjudice
direct et personnel subi par les actionnaires, en achetant ou conservant une action aux perspectives
prometteuses surévaluées, est distinct de celui subi par la société elle-même. Il ne se confond pas
avec le montant des pertes subies par les parties civiles lors de la revente des titres, en raison du
risque et de l'aléa propre à tout investissement boursier. Le préjudice d'investissement se confond
avec la perte de chance (Paris, 31 oct. 2008, req. no 06/09036, D. 2009. AJ 2867 ).
Préjudice boursier. A violé l'article L. 225-252 du code de commerce la cour d'appel qui retient que
le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs
leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des
informations tronquées portées à leur connaissance (Com. 9 mars 2010, no 08-21.547 , Bull. Joly
Bourse 2010. 316, note Rontchevesky). V. aussi SCHMIDT, Fausse information et « préjudice
boursier », Bull. Joly Bourse 2012. 1.
22. L'AMF peut également exercer les droits de la partie civile à condition de ne pas exercer son pouvoir
de sanction à l'égard de la même personne et pour les mêmes faits (C. mon. fin., art. L. 621-16-1 ). Il est
permis de se demander dans quelles situations l'autorité de régulation utilisera cette possibilité car, d'une
part, il lui faudra évaluer l'atteinte portée au marché et, d'autre part, elle devra renoncer à la certitude
d'une sanction pour l'éventualité d'une indemnisation. Par ailleurs, l'article L. 452-1, alinéa 1er, du code
monétaire et financier prévoit que, sous certaines conditions, les associations régulièrement déclarées qui
ont pour objet statutaire explicite la défense des investissements en valeurs mobilières ou en produits
financiers peuvent agir en justice devant toutes juridictions, même par voie de constitution de partie
civile, relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des investisseurs
ou de certaines catégories d'entre eux (CA Paris, 7 nov. 1990, Bull. Joly 1991. 62, note P. Le Cannu).
Ces associations peuvent également demander au président du tribunal de grande instance du siège social
de la société en cause statuant en référé qu'il soit ordonné à la personne responsable d'une pratique
contraire aux dispositions législatives et réglementaires et de nature à porter atteinte aux droits des
épargnants, qu'elle mette fin à l'irrégularité ou qu'elle en supprime les effets (C. mon. fin., art. L. 452-1 ,
al. 2). Enfin, ces associations peuvent être mandatées pour agir en réparation devant toute juridiction, y
compris répressive, au nom de plusieurs personnes physiques, identifiées en leur qualité d'investisseur,
ayant subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'une même personne et qui ont une
origine commune (C. mon. fin., art. L. 452-2 , al. 1er, pour les conditions).
23. La diffusion d'informations fausses ou trompeuses peut dissimuler un délit d'initié afin de permettre
à son auteur de maximiser ses profits en divulguant de fausses informations qui induisent le public en
erreur (Cass. crim. 15 mai 1997, Rev. sociétés 1998. 135, note B. Bouloc ). Depuis la loi no 2005-842
du 26 juillet 2005, l'incrimination figure dans l'alinéa 2 de l'article L. 465-2 du code monétaire et
financier qui prévoit : « est puni des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 465-1 le fait, pour
toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses
ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un
marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché
réglementé, de nature à agir sur les cours ». L'infraction peut être commise par « toute personne » à la
différence du délit d'initié, même si ce dernier terme apparaît galvaudé depuis la réforme opérée par la
loi no 2001-1062 du 15 novembre 2001 qui permet d'appréhender les initiés tertiaires (V. supra, no 5).
Le délit suppose une diffusion d'informations, ces dernières ne devant pas, en principe, être confondues
avec de simples rumeurs beaucoup plus imprécises. Toutefois, l'article 1er, paragraphe 2, c, de la directive
no 2003/6/CE du 28 janvier 2003 relative aux opérations d'initiés et aux manipulations de marché, vise
expressément le fait de « répandre des rumeurs » parmi les comportements susceptibles de caractériser
une manipulation de marché. Pour sa part, la jurisprudence française semble adopter une conception
relativement large de l'information fausse ou trompeuse puisqu'elle a pu retenir ici de simples indications
(CA Paris, 15 janv. 1992, Dr. sociétés 1992, comm. 189, RTD com. 1992. 884, no 16, obs. P. Bouzat ),
ce qui diffère de la solution retenue pour appréhender l'information privilégiée dans le cadre du délit
d'initié (V. supra, no 8). Les informations diffusées doivent être soit fausses, autrement dit mensongères
(Cass. crim. 15 mars 1993, Bull. crim., no 113, Rev. sociétés 1993. 847, note B. Bouloc ; Cass. crim.
29 nov. 2000, Bull. crim., no 359, Rev. sociétés 2001. 380, note B. Bouloc ), soit trompeuses, c'est-à-
dire de nature à induire en erreur sans pour autant être nécessairement fausses (Cass. crim. 4 nov. 2004,
Bull. Joly bourse 2005. 257, note N. Rontchevsky), en raison notamment de leur caractère ambigu,
imprécis ou incomplet (CA Paris, 25 janv. 2000, Bull. Joly 2000. 262, note N. Rontchevsky, à propos du
règlement COB no 90-02). La notion même de diffusion suppose, a priori, un comportement positif
excluant la simple abstention, même délibérée. Rappelons toutefois qu'en matière d'abus de biens
sociaux, la jurisprudence pénale a pu décider que « l'usage des biens ou du crédit de la société contraire
à l'intérêt de celle-ci peut résulter non seulement d'une action, mais aussi d'une abstention volontaire »
(Cass. crim. 28 janv. 2004, Rev. sociétés 2004. 722, note B. Bouloc ). Les termes particulièrement
larges de l'article L. 465-1, « voies et moyens quelconques », permettent d'appréhender tous les supports
de l'information : presse (T. corr. Paris, 20 déc. 1990, Gaz. Pal. 1991. 1. 461, note J.-P. Marchi), radio,
télévision, minitel (CA Paris, 15 déc. 1989, Dr. pénal 1990, comm. 327, note J.-H. Robert), internet. Les
informations en cause doivent porter soit sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres
sont négociés sur un marché réglementé, soit sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier
admis sur un marché réglementé. Mais elles doivent être également « de nature à agir sur les cours », ce
qui apparente alors l'infraction à un délit formel puisqu'il n'est pas nécessaire qu'elles aient effectivement
agi sur les cours, ni même que des opérations aient été réalisées (CA Paris, 30 nov. 1994, Bull. Joly bourse
1995. 31, note N. Decoopman). La diffusion des informations doit encore se faire « dans le public », ce
qui n'est pas le cas pour des informations trompeuses communiquées aux membres d'un conseil
d'administration. En revanche, l'infraction est constituée par des propos tenus lors d'une conférence
donnée à des analystes financiers (Cass. crim. 15 mai 1997, Rev. sociétés 1998. 135, note B. Bouloc ).
ACTUALISATION
23. Information optimiste sur la situation de la société. - Les dispositions de l'article 632-1 du
règlement général de l'AMF n'exigent pas d'établir le caractère intentionnel de la communication
d'une information donnant des indications inexactes, imprécises ou trompeuses. Peut être
sanctionné le dirigeant qui, en qualité de responsable de la communication financière au sein du
groupe, a communiqué des informations trop optimistes sur la situation de la société :
Com. 18 nov. 2008, no 08-10.246 , D. 2008. AJ 3084 ; BRDA 15 déc. 2008, no 8, p. 5.
23-1. Diffusion de fausse information. Agence de presse. - La condamnation prononcée par l'AMF
contre une agence de presse ayant relayé, sans le vérifier, un faux communiqué est confirmée en
appel, mais le montant de la sanction pécuniaire est réduit compte tenu de la réactivité dont avait
fait preuve l'agence pour démentir l'information (Paris 16 sept. 2021, no 20/0303, BRDA 20/21,
inf. 7).
24. L'infraction peut être rapprochée du délit général de l'article L. 443-2 du code de commerce,
récemment remanié par la loi no 2005-882 du 2 août 2005, qui punit de deux ans d'emprisonnement et
de 30 000 € d'amende – 45 000 s'il s'agit de produits alimentaires – l'action illicite sur les prix. Le
rapprochement peut également être fait avec l'infraction prévue par l'article L. 462-1 du code monétaire
et financier qui punit de deux ans d'emprisonnement et de 6 000 € d'amende le fait pour toute personne
de porter à la connaissance du public par voie de publication, de communication de circulaires ou
autrement tout cours qui ne serait pas extrait de la cote ou d'un relevé de cours établi dans les conditions
fixées par décret. Les mêmes peines sont encourues par toute personne qui procède à une communication
de cours sans mentionner expressément, avec indication de la date, la référence à la cote ou au relevé d'où
ledit cours est extrait.
§ 2 - Élément intellectuel
25. Le délit est intentionnel, l'auteur de l'infraction devant avoir agi sciemment, en connaissant le
caractère faux ou trompeur des informations répandues dans le public (Cass. crim. 29 nov. 2000, préc. ;
4 nov. 2004, préc.). Il en résulte notamment que l'infraction n'est pas constituée à l'égard d'un directeur
de publication d'un service télématique qui n'avait aucune possibilité de contrôler préalablement le
contenu des messages diffusés (CA Paris, 15 déc. 1989, préc.).
Art. 2 - Répression
26. Les peines encourues sont identiques à celles du délit d'initié : deux ans d'emprisonnement et
1 500 000 € d'amende, dont le montant peut être porté jusqu'au décuple du montant du profit
éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit. Mais le délit ne peut
constituer un acte de terrorisme dans la mesure où l'article 421-1 du code pénal ne vise que « les délits
d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier ». En revanche, l'incapacité de l'article
L. 500-1 du code monétaire et financier interviendra dès lors que les seuils de la condamnation sont
atteints (V. supra, no 16). La tentative n'est pas réprimée, mais le complice peut être poursuivi dans les
conditions du droit commun (pour des commissaires aux comptes : TGI, Paris, 27 févr. 1998, Bull. Joly
1998. 927, obs. N. Rontchevsky). Avant l'entrée en vigueur de l'article 54 de la loi no 2004-204 du 9 mars
2004, les personnes morales pouvaient déjà être déclarées pénalement responsables du délit sur le
fondement de l'article L. 465-3 du code monétaire et financier. L'avis de l'AMF peut être requis par les
autorités judiciaires chargées de la poursuite (C. mon. fin., art. L. 466-1 ). L'action publique se prescrit
par un délai de trois ans courant depuis le jour où l'information fausse ou trompeuse a été répandue dans
le public.
ACTUALISATION
§ 2 - Action civile
27. Selon la Cour de cassation, la diffusion d'informations fausses ou trompeuses pouvait causer deux
types de préjudices individuels : un préjudice, non réparable, résultant de la conservation de titres acquis
préalablement au délit, et un préjudice, réparable, provenant de l'acquisition de titres pendant la période
de diffusion des informations fausses ou trompeuses (Cass. crim. 15 mars 1993, Bull. crim., no 113, Rev.
sociétés 1993. 847, obs. B. Bouloc , D. 1993. 610, note C. Ducouloux-Favard , Bull. Joly bourse
1993. 365, note M. Jeantin). Mais, plus récemment, une décision a admis que la conservation de titres
acquis antérieurement à la diffusion d'une fausse information constituait également un préjudice
réparable (T. corr. Paris, 12 sept. 2006, Bull. Joly Bourse 2007. 37, note E. Dezeuze). L'évaluation de ce
préjudice se fait, pour chaque titre, par la différence entre le cours normal de celui-ci et sa valeur après
la diffusion de l'information, ce qui n'est pas pleinement convaincant, comme cela a été précédemment
démontré à propos du délit d'initié (V. supra, no 21). Les victimes ayant subi un préjudice, matériel ou
moral, résultant directement de l'infraction peuvent se constituer partie civile (Cass. crim. 15 mars 1993,
préc. ; CA Paris, 12 févr. 1998, Dr. pénal 1998, comm. no 68, note Robert), sous réserve qu'elles sachent
qu'elles ont été trompées. Comme pour le délit d'initié, l'AMF peut se constituer partie civile si elle
renonce à exercer son pouvoir de sanction, et les associations de défense des investisseurs peuvent
intervenir selon les modalités précédemment rappelées (V. supra, no 22).
ACTUALISATION
21, 27. Réparation d'un préjudice personnel d'investissement et perte de chance. - Le préjudice
direct et personnel subi par les actionnaires, en achetant ou conservant une action aux perspectives
prometteuses surévaluées, est distinct de celui subi par la société elle-même. Il ne se confond pas
avec le montant des pertes subies par les parties civiles lors de la revente des titres, en raison du
risque et de l'aléa propre à tout investissement boursier. Le préjudice d'investissement se confond
avec la perte de chance (Paris, 31 oct. 2008, req. no 06/09036, D. 2009. AJ 2867 ).
Préjudice boursier. A violé l'article L. 225-252 du code de commerce la cour d'appel qui retient que
le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs
leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des
informations tronquées portées à leur connaissance (Com. 9 mars 2010, no 08-21.547 , Bull. Joly
Bourse 2010. 316, note Rontchevesky). V. aussi SCHMIDT, Fausse information et « préjudice
boursier », Bull. Joly Bourse 2012. 1.
28. Le délit de manipulation de cours, ou agiotage, est le plus ancien des délits boursiers, mais
paradoxalement, il est aussi le moins sanctionné. Le siège de la répression est actuellement l'article
L. 465-2 du code monétaire et financier, récemment retouché par la loi no 2005-842 du 26 juillet 2005
qui limite la portée aux seuls marchés réglementés afin d'aligner le champ de la répression sur celui des
deux autres délits précédemment étudiés. La « manœuvre » requise – mais non définie – par l'article
L. 465-2 du code monétaire et financier relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. La
technique dite de la bouilloire en constitue une illustration classique. Il s'agit, dans un premier temps, de
faire « monter la pression » en passant de nombreux ordres d'achat sur un marché étroit et sensible, mais
sans disposer de la couverture suffisante, afin de convaincre les investisseurs d'une hausse imminente.
Dans un second temps, l'auteur de la manœuvre revend ces titres alors que le marché est à la hausse, et
retire les bénéfices réalisés (V. not. : TGI Paris, 14 mai 1990, Gaz. Pal. 1990. 1. 355, note J.-P. Marchi ;
CA Paris, 19 févr. 1991, Dr. pénal 1991, comm. no 202, note Robert). D'autres exemples sont fournis
par la directive no 2003/6/CE du 28 janvier 2003, dont l'article 1er, paragraphe 2, vise notamment « le
fait pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée de s'assurer une
position dominante sur l'offre ou la demande d'un instrument financier, avec pour effet la fixation directe
ou indirecte des prix d'achat ou des prix de vente ou la création d'autres conditions de transactions
inéquitables, [ou] le fait d'acheter ou de vendre des instruments financiers au moment de la clôture du
marché, avec pour effet d'induire en erreur les investisseurs agissant sur la base des cours de clôture, [ou
encore] le fait de tirer parti d'un accès occasionnel ou régulier aux médias traditionnels ou électroniques
en émettant un avis sur un instrument financier (ou indirectement, sur l'émetteur de celui-ci) après avoir
pris des positions sur cet instrument financier, et de profiter par la suite de l'impact dudit avis sur le cours
de cet instrument sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit
d'intérêts ». La directive ajoute que « les définitions des manipulations de marché sont adaptées de
manière à pouvoir couvrir les nouveaux comportements qui constituent de fait des manipulations de
marché » (art. 1er, in fine). L'article L. 465-2 du code monétaire et financier appréhende les manœuvres
« ayant pour objet d'entraver le fonctionnement régulier d'un marché réglementé ». La manœuvre illicite
est celle qui a pour but – et non pour résultat – d'entraver le fonctionnement normal du marché en cause.
Il importe donc peu que ce marché subisse une influence réelle très faible (CA Paris, 30 nov. 2004, Dr.
sociétés 2005, comm. 203, note R. Salomon), voire aucune influence puisque le délit – formel – n'exige
pas le succès des manœuvres, mais la simple possibilité de réussite. Toutefois, un lien de causalité paraît
devoir être établi entre la manœuvre et le résultat espéré ou éventuellement obtenu, ce qu'induit
l'expression « ayant pour objet » qui s'avère moins large que l'expression « de nature à » caractérisant la
diffusion d'informations fausses ou trompeuses (V. supra, no 23). La loi no 2005-842 du 26 juillet 2005
ayant restreint le champ d'application de l'infraction aux marchés réglementés, la manipulation de cours
ne saurait être constituée sur un titre qui dépendait du marché libre (CA Paris, 16 janv. 2006, Dr. sociétés
2006, comm. 97, note R. Salomon). Enfin, la manœuvre doit avoir été réalisée « en induisant autrui en
erreur ». Cette condition obscurcit la distinction, déjà délicate, entre la manipulation de cours et la
diffusion de fausses informations que la directive no 2003/6/CE du 28 janvier 2003 et le règlement
général de l'Autorité des marchés financier ont supprimée : la diffusion d'informations fausses ou
trompeuses constitue une modalité de la manipulation de marché. Mais cette condition permet
également, a contrario, les interventions utiles sur le marché. Ainsi, la stabilisation des cours durant la
période précédant une cession de bloc de contrôles permettant aux investisseurs individuels de profiter
de conditions identiques à celles de l'opérateur principal échappe à l'incrimination de l'article L. 465-2
du code monétaire et financier dès lors qu'il n'y a aucune intention d'induire autrui en erreur (TGI Paris,
5 mars 1993, RJDA 1993, no 813 : intervention massive sur des titres devant faire l'objet d'une offre
publique d'échange).
ACTUALISATION
28. Manipulation de cours. - V. Crim. 28 janv. 2009, no 07-81.674 , Dr. sociétés 2009. Comm.
83, note Salomon. – D'une part l'absence d'opérations sur le marché du titre est indifférente au
regard de la qualification du délit, celles-ci n'étant pas exigées par l'article L. 465-2, alinéa 1er, du
code monétaire et financier, d'autre part la réévaluation de prétentions financières en vue d'obtenir
réparation d'un préjudice ne caractérise pas le délit (Crim. 27 mars 2013, no 12-81.047 , Bull.
Joly Bourse 2013. 281, note Lasserre Capdeville).
§ 2 - Élément intellectuel
29. Le délit doit être considéré comme intentionnel, la notion même de manœuvre supposant un
comportement délibéré. Mais l'infraction comporte également un dol spécial : la manœuvre doit
intervenir dans le but d'entraver le fonctionnement régulier du marché et d'induire autrui en erreur.
Cette exigence complique singulièrement l'appréciation du juge pénal dans la mesure où celui-ci doit
établir que l'auteur du délit a voulu tromper le ou les spéculateurs ayant acquis ou cédé des titres en raison
de la manœuvre illicite. Cependant, le mobile est indifférent et il importe peu, pour entrer en voie de
condamnation, que le prévenu invoque une simple volonté de tester le marché dès lors qu'il a bien agi en
vue de modifier le cours normal du titre, en ayant pleinement conscience des conséquences très probables
d'écrasement de ce dernier (CA Paris, 30 nov. 2004, préc.).
Art. 2 - Répression
§ 1er - Action publique
30. Les peines encourues sont identiques à celles prévues pour le délit d'initié et la diffusion
d'informations fausses ou trompeuses : deux ans d'emprisonnement et 1 500 000 € d'amende, dont le
montant peut être porté, au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement
réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit. L'incapacité de l'article L. 500-1 joue
dans les conditions précédemment décrites (V. supra, no 16). Mais, comme pour la diffusion
d'informations fausses ou trompeuses, la nature terroriste du comportement ne peut être admise
(V. supra, no 26). Déjà prévue par l'article L. 465-3 du code monétaire et financier avant l'entrée en
vigueur de l'article 54 de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, la responsabilité pénale des personnes
morales peut être admise dans les conditions de droit commun prévues par l'article 121-2 du code pénal.
Mais, à la différence des autres délits, la tentative de manipulation de cours est réprimée (C. mon. fin.,
art. L. 465-2 ) et l'avis de l'Autorité des marchés financiers n'a pas à être obligatoirement demandé par
les autorités judiciaires compétentes (V. art. L. 466-1 , in fine). Le délai de prescription triennale de
l'action publique court depuis le jour où la manœuvre est réalisée ou simplement tentée.
§ 2 - Action civile
31. Les victimes d'une manipulation de cours peuvent assurément se constituer partie civile si elles
parviennent à établir que la manœuvre a pu les induire en erreur en les incitant à acheter ou à vendre des
titres. Le faux signal émis par le manipulateur étant susceptible de constituer la fausse information de
l'article L. 465-1, alinéa 4, les solutions retenues par la chambre criminelle dans son arrêt précité du
15 mars 1993 (V. supra, no 27) peuvent parfaitement être admises pour le délit de manipulation de cours.
33. À cet égard, il faut rappeler que la COB s'était déjà fondée sur cette notion d'entité. Dans une décision
du 30 juin 1992 (Bull. COB no 259, juin 1992), elle décidait que « l'opération de fusion […] n'a pas
interrompu la continuité de l'entité économique préexistante ». Cette décision n'ayant pas fait l'objet d'un
recours, la COB réitéra son argumentation dans plusieurs décisions du 12 décembre 1996 (Bull. COB,
févr. 1997, p. 3, Bull. Joly bourse 1997. 379, note N. Rontchevsky ; V. égal. Bull. COB no 259, juin
1992). Elle se fondait sur la règle de la transmission universelle du patrimoine, prévue par l'article L. 236-
3 du code de commerce et sur la notion « d'entreprise […] qui assure la continuité économique de l'entité
préexistante » pour sanctionner les sociétés résultant d'une scission postérieure à la notification des griefs.
Cette analyse avait été toutefois censurée par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 14 mai 1997, Rev.
sociétés 1997. 827, note H. Le Nabasque ), avec l'approbation de la chambre commerciale de la Cour
de cassation (Cass. com. 15 juin 1999, Bull. Joly bourse 1999. 579, note N. Rontchevsky) : « Le principe
de la personnalité des poursuites et des sanctions s'oppose, en l'absence de dispositions textuelles
dérogatoires, à ce que la notion “de continuité économique de l'entité préexistante” puisse être substituée
à la qualification légale strictement entendue d'auteur du manquement […] dès lors que le sujet de la
réglementation boursière n'est pas l'entreprise mais la personne physique ou morale ». Mais avec l'actuel
article 611-1 du Règlement général de l'AMF, la fusion ou la scission de la société poursuivie ne devrait
plus permettre à cette dernière d'échapper à la répression, car si la personne morale disparaît, l'entité
subsiste. La solution serait à rapprocher de celle du droit communautaire de la concurrence qui permet
de sanctionner une entreprise malgré un changement de forme juridique (V. not., CJCE, 16 déc. 1975,
Suiker c/ Commission, Rec. CJCE I. 1663, points 84 et 87, p. 1926 ; CJCE, 28 mars 1984, Cie royale
asturienne des mines SA et Rheinzink GmbH c/ Commission, Rec. CJCE I. 1679, spéc. p. 1699 ;
TPICE, 17 déc. 1991, Enichem-Anic SpA c/ Commission, Rec. CJCE II. 1623, RTD com. 1992. 735,
obs. C. Bolze ; V. égal., TPICE, 28 avr. 1994, All Weather Sports Benelux BV, Rec. CJCE II. 211).
34. Selon l'article 611-1 du Règlement général, et sauf dispositions particulières, les opérations d'initiés
et les manipulations de marché portent sur : 1o les instruments financiers mentionnés à l'article L. 211-1
du code monétaire et financier admis soit aux négociations sur un marché réglementé au sens de l'article
L. 421-1 dudit code ou pour lesquels une demande d'admission sur un tel marché a été présentée ; soit
aux négociations sur un système multilatéral de négociation organisé, prévu par l'article L. 525-1 ; 2o les
opérations portant sur ces instruments, que celles-ci aient été effectivement exécutées ou non sur un
marché réglementé ou lorsqu'elles ont lieu sur un système multilatéral de négociation organisée. L'article
611-1, ajoute dans son dernier alinéa, que « les articles 622-1 et 622-2 s'appliquent également aux
instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système
multilatéral de négociation organisé mais dont la valeur dépend d'un instrument financier admis aux
négociations, un tel marché ou système ».
ACTUALISATION
34. Opérations financières. - La commission des sanctions de l'AMF inflige à la société LVMH une
sanction de 8 millions d'euros, notamment pour s'être abstenu d'informer le marché de la
préparation d'une opération financière, en l'occurrence une montée dans le capital d'Hermès
international par la conclusion de plusieurs contrats d', alors que l'article 223-6 du règlement
général de l'AMF rend obligatoire l'information du public dès lors qu'une opération financière est
« susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier ou sur la
situation des droits des porteurs de cet instrument financier » (AMF, Comm. sanctions, 25 juin
2013, D. 2013. Actu. 1681, obs. Delpech ; Bull. Joly Bourse 2013. 471, note Schmidt).
36. Il est également prévu que l'AMF procède périodiquement au réexamen des pratiques de marché
admises, notamment pour prendre en compte « les évolutions significatives dans l'environnement du
marché concerné, telles que des modifications de règles de négociation ou de l'infrastructure de marché »
(art. 612-2-II). L'article 612-3 du Règlement général précise que lorsqu'une demande d'acceptation d'une
pratique est présentée à l'AMF, celle-ci doit consulter certains organismes. Un parallélisme des formes a
également été institué puisque le texte ajoute qu'« une pratique de marché qui a été acceptée à l'issue de
la procédure de consultation ne peut être modifiée qu'après mise en œuvre de la même procédure ». Mais,
en tout état de cause, il ne doit pas y avoir d'enquêtes ou de contrôles en cours, sinon la procédure de
consultation peut être reportée dans l'attente de la conclusion de ces contrôles ou enquêtes et des
sanctions éventuelles (art. 612-3, al. 3). Enfin, l'article 612-4 du Règlement général énonce que « l'AMF
publie au Bulletin des annonces légales obligatoires et sur son site la décision d'acceptation ou de refus
d'une pratique de marché en l'accompagnant d'une description appropriée de celle-ci. Elle précise quels
ont été les facteurs pris en compte pour déterminer l'acceptabilité de la pratique concernée, en particulier
lorsque ses conclusions concernant cette acceptabilité diffèrent de celles retenues sur les marchés
comparables d'autres États membres de la Communauté européenne ».
37. L'article 621-1 du Règlement général de l'AMF, énonce qu'« une information privilégiée est une
information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou
plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était
rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers
concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés ». Cette définition s'inspire largement de
celle retenue par l'article 1er, paragraphe 1er, de la directive no 2003/6/CE du 28 janvier 2003. On
retrouve les caractères classiques de l'information privilégiée déjà examinés avec le délit pénal (V. supra,
nos 7 et s.), à une différence près : la sensibilité de son influence sur le cours. D'abord, l'article 621-1,
alinéa 2, du Règlement général de l'AMF dispose que l'information est réputée précise « si elle fait
mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se
produire et qu'il soit possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de
cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur
sont liés ». Ensuite, il est prévu que l'information publique susceptible d'avoir une influence sensible sur
les cours est celle qu'un « investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements
de ses décisions d'investissement » (art. 621-1, al. 3 ; pour les instruments dérivés sur produits de base,
V. art. 621-2). Enfin et surtout, la définition administrative de l'information privilégiée se distingue de
celle retenue par le juge pénal (V. supra, no 6), puisque l'exigence d'un seuil de sensibilité n'est pas
retenue par ce dernier. L'exigence d'un seuil de sensibilité ne s'imposait peut-être pas en droit boursier
dans la mesure où elle paraît de nature à restreindre le champ de la répression boursière : elle permet, a
contrario, à l'initié de réaliser des opérations illicites non sensibles. Pourtant, la sensibilité peut dépendre
du marché concerné, voire des instruments financiers en cause, ce qui introduit une certaine incertitude
dans une matière déjà complexe (en ce sens, A. DETHOMAS, L'évolution du manquement d'initié,
D. 2005. 706 ). De plus, l'initié peut fractionner ses opérations pour les rendre moins sensibles et
maximiser ainsi ses profits. Cette condition pourrait permettre à l'initié de nier le caractère sensible de
ses propres interventions sur le marché en soutenant que c'est l'attitude des autres investisseurs, dont les
opérations se sont additionnées aux siennes, qui a affecté sensiblement le marché par une sorte d'effet
« boule de neige ». La remarque peut cependant être tempérée par le fait que l'article 621-1 vise une
information qui « serait susceptible d'influencer de façon sensible » le marché et non une information qui
a effectivement influé sensiblement sur le marché.
ACTUALISATION
37. Manquement d'initié. Preuve. Faisceau d'indices. - N'a pas donné de base légale à sa décision la
cour d'appel qui décide que le manquement d'initié reproché n'était pas établi sans examiner les
indices invoqués par l'AMF ni préciser en quoi ils étaient entachés d'équivoque (Com. 1er juin
2010, no 09-14.684 , Bull. Joly Bourse juill.-août 2010. 298, note Schmidt).
Sur le recours et la portée du faisceau d'indices, voir également l'arrêt de la Cour de cassation du
28 mai 2013 (Com. 28 mai 2013, no 12-60.060, Rev. sociétés 2013. 632, note Dezeuze ).
Le chiffre d'affaires peut être une information privilégiée. La commission des sanctions de l'AMF a
prononcé une sanction pécuniaire à l'encontre d'une société pour manquement, dans le cadre d'un
programme de rachat d'actions, à son obligation de s'abstenir d'intervenir sur ses propres titres alors
qu'elle avait connaissance d'une information privilégiée tenant à son chiffre d'affaires consolidé
(AMF, Comm. sanctions, 22 janv. 2009, D. 2009. AJ, obs. Lienhard. – Conf. Paris, 23 févr. 2010,
RG no 2009/08268, Bull. Joly Bourse 2010. 214, note Schmidt. – Et approuvé par Com. 29 mars
2011, no 10-15.866 ; Rev. sociétés 2011. 501, note Dezeuze . – MARPEAU et
PASTERNAK, Manquement aux obligations d'abstention : illustration dans la jurisprudence
récente ; Lamy Droit des affaires, juill-aout 2011. 29).
Information due au marché. Faute d'avoir été complète et d'avoir fait référence aux clauses d'un
avenant du contrat qui remettait en cause la comptabilisation du chiffre d'affaires, l'information
ainsi communiquée au public était inexacte, imprécise et trompeuse (Com. 3 mars 2009, Rev.
sociétés 2009. 643, note Daigre ).
Sondage préalable à l'émission d'un emprunt obligataire. En ce sens que des informations
communiquées à l'occasion d'un sondage caractérisent une information privilégiée au sens de
l'article 621-1 du règlement général de l'AMF et un manquement imputable aux prestataires qui
n'ont pas respecté les dispositions de l'article 216-1 du règlement général de l'AMF (Sanct. AMF,
17 mars 2011, Bull. Joly Bourse 2011, p. 512, note Daigre).
Voir également l'arrêt du Conseil d'État du 12 juin 2013 (CE 12 juin 2013, req. nos 359245 et
349185 , Bull. Joly Bourse 2013. 517, note Martin Laprade) sur l'application à une émission
obligataire de l'article 216-1 du règlement général de l'AMF relatif aux sondages de marché et sur
l'application de l'article 621-1 du même règlement relatif à l'information privilégiée lorsqu'il s'agit
de titres de créance.
Pour la preuve de la détention d'une information privilégiée : CE 24 avr. 2012, nos 338786 et
338929, BRDA 31 mai 2012, p. 5.
En ce sens que la préparation d'une opération financière significative est une information
privilégiée : Paris 31 mai 2012, P5, ch 7, no 2011/05307, Bull. Joly Bourse 2012. 404, note
Daigre. – Peuvent constituer des informations à caractère précis non seulement la circonstance ou
l'évènement mais également les étapes intermédiaires du processus étalé dans le temps qui sont liées
à leur réalisation (CJUE 28 juin 2012, no C-19/11 , Bull. Joly Bourse 2012. 898, note Storck, à
propos de l'information de la démission du président du directoire de Daimler).
Par un arrêt du 11 mars 2015 (aff. C-628/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour
droit que l'article 1er, point 1, de la directive no 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), et
l'article 1er, § 1, de la directive no 2003/124/CE de la Commission, du 22 décembre 2003, portant
modalités d'application de la directive no 2003/6/CE en ce qui concerne la définition et la
publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, doivent être
interprétés en ce sens qu'ils n'exigent pas, pour que des informations puissent être considérées
comme des informations à caractère précis au sens de ces dispositions, qu'il soit possible de déduire,
avec un degré de probabilité suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments
financiers concernés s'exercera dans un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques.
Le moyen, qui soutient une thèse contraire, ne peut qu'être rejeté (Com. 27 mai 2015, no 12-
21.361 , D. 2015. Actu. 1206 ).
Une information relative à la cession d'une participation majoritaire peut être précise même si un
aléa subsiste quant au choix entre les acquéreurs potentiels et quant au nombre et au prix des titres
cédés, dès lors que le projet de cession était, à la date du manquement d'initié, suffisamment défini
pour avoir des chances raisonnables d'aboutir (Com. 30 nov. 2022, no 20-19.251 , Rev. sociétés
2023. 98, note T. Bonneau ).
§ 2 - Obligations d'abstention
38. À l'instar du volet pénal de la répression boursière, l'article 622-2 du Règlement général de l'AMF
désigne largement toute personne détenant une information privilégiée en raison de : 1o sa qualité de
membre des organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l'émetteur ; 2o sa
participation dans le capital de l'émetteur ; 3o son accès à l'information du fait de son travail, de sa
profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l'exécution d'une
opération financière ; 4o de ses activités susceptibles d'être qualifiées de crimes ou de délits. Le texte vise
également, comme initié tertiaire, toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait
ou aurait dû savoir qu'il s'agit d'une information privilégiée. L'article 622-2 prévoit, in fine, que « lorsque
la personne mentionnée au présent article est une personne morale, ces obligations d'abstention
s'appliquent également aux personnes physiques qui participent à la décision de procéder à l'opération
pour le compte de la personne morale en question ».
39. Selon l'article 622-1, toutes les personnes mentionnées à l'article 622-2 doivent s'abstenir d'utiliser
l'information privilégiée qu'elles détiennent en acquérant ou en cédant, pour leur propre compte ou pour
le compte d'autrui, soit directement, soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte
cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés.
ACTUALISATION
39. L'obligation d'abstention d'utilisation d'une information privilégiée n'est pas absolue : « Dès lors
qu'est établie la matérialité du manquement défini par l'article 622-1 du règlement général de
l'AMF, il appartient à la personne mise en cause à ce titre de démontrer que l'opération incriminée
a été justifiée par un motif impérieux. » (Com. 23 mars 2010, F-P+B, no 09-11.366 et Comm.
sanctions AMF 6 déc. 2007, RTDF 2008. 89, obs. Dezeuze).
40. Les personnes précédemment énumérées doivent également s'abstenir de communiquer une
information privilégiée à d'autres personnes en dehors du cadre normal de leur travail, de leur profession
ou de leur fonction ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle leur a été communiquée (Règl.
gén. AMF, art. 622-1, 1o).
ACTUALISATION
40. Commet un manquement boursier le dirigeant d'une société cotée qui communique
intentionnellement à des analystes financiers des informations privilégiées sur sa société en
s'abstenant d'assurer la diffusion simultanée au public de celles-ci (Com. 13 déc. 2011, F-P+B,
no 10-28.337 , RTD com. 2012. 287, note Teller ).
41. L'article 622-1, 2o, du Règlement général de l'AMF se distingue de l'article L. 465-1 du code
monétaire et financier en ce qu'il interdit le simple fait de recommander à une autre personne d'acquérir
ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d'une information
privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments
financiers auxquels ces instruments sont liés. Mais dans la mesure où l'article L. 465-1 du code monétaire
et financier appréhende également l'initié qui permet à un tiers de réaliser une ou plusieurs opérations
(V. supra, no 11), la distinction tend à s'estomper.
42. Le dernier alinéa de l'article 622-1 du Règlement général de l'AMF énonce que les obligations
d'abstention susvisées « ne s'appliquent pas aux opérations effectuées pour assurer l'exécution d'une
obligation d'acquisition ou de cession d'instruments financiers devenue exigible, lorsque cette obligation
résulte d'une convention conclue avant que la personne concernée détienne une information
privilégiée ».
Art. 2 - Manipulations de marché
A - Obligations d'abstention
43. Selon l'article 631-1 du Règlement général de l'AMF, « toute personne doit s'abstenir de procéder à
des manipulations de cours ». Le texte énumère différents comportements caractéristiques d'une telle
manipulation. Est visé en premier lieu, le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres soit qui
donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l'offre, la demande ou
le cours d'instruments financiers ; soit qui fixent par l'action d'une ou de plusieurs personnes agissant de
manière concertée, le cours d'un ou plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel.
Deux précisions doivent être apportées : d'abord, l'article 631-1 du Règlement général de l'AMF réserve
l'hypothèse dans laquelle la personne ayant effectué les opérations ou émis les ordres établit « la légitimité
de ces opérations ou de ces ordres et leur conformité aux pratiques de marché admises sur le marché
réglementé concerné ». Ensuite, l'article 631-2 du Règlement général de l'AMF fournit une liste non
exhaustive de sept éléments d'appréciation de ces pratiques par l'AMF, sans que ces éléments constituent
en eux-mêmes une manipulation de cours. Ces éléments sont les suivants : 1o importance de la part de
volume quotidien des transactions représentées par les ordres émis ou les opérations effectuées sur
l'instrument financier concerné, en particulier lorsque ces interventions entraînent une variation sensible
du cours de cet instrument ou de l'instrument sous-jacent ; 2o importance de la variation du cours de cet
instrument ou de l'instrument sous-jacent ou dérivé correspondant admis à la négociation sur un marché
réglementé, résultant des ordres émis ou des opérations effectuées par des personnes détenant une
position vendeuse ou acheteuse significative sur un instrument financier ; 3o réalisation d'opérations
n'entraînant aucun changement de propriétaire d'un instrument financier admis à la négociation sur un
marché réglementé ; 4o renversements de position sur une courte période résultant des ordres émis ou
des opérations effectuées sur le marché réglementé de l'instrument financier, associés éventuellement à
des variations sensibles du cours d'un instrument financier admis à la négociation sur un marché
réglementé ; 5o concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps
durant la séance de négociation entraînant une variation de cours qui est ensuite inversée ; 6o effet des
ordres qui sont émis sur les meilleurs prix affichés à l'offre et à la demande de l'instrument financier, ou
plus généralement de la représentation du carnet d'ordres auquel ont accès les participants au marché et
qui sont annulés avant leur exécution ; 7o variations de cours résultant des ordres émis ou des opérations
effectuées au moment précis ou à un moment proche de celui où sont calculés les cours de référence, les
cours de compensation et les évaluations.
ACTUALISATION
43. Manipulation de cours. - Pour la responsabilité pénale d'un PSI : Paris, 2 févr. 2007, req.
no 06/08079, RTD com. 2007. 413, obs. Rontchevsky . – Pour un manquement retenu pour des
ordres en rafales : AMF, Comm. sanctions, 12 mai 2011, Banque et droit juill.-août 2011, p. 20.
44. L'article 631-1 vise, en second lieu, le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres qui
recourent à des procédés donnant une image fictive de l'état du marché ou à toute autre forme de
tromperie ou d'artifice. Deux types de comportements sont, en particulier, constitutifs du manquement.
Le premier réside dans le fait, pour une ou plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s'assurer
une position dominante sur le marché d'un instrument financier, avec pour effet la fixation directe ou
indirecte des prix d'achat ou des prix de vente ou la création d'autres conditions de transactions
inéquitables. Le second consiste à émettre au moment de l'ouverture ou de la clôture ou, le cas échéant,
lors du fixage, des ordres d'achat ou de vente d'instruments financiers du marché ayant pour objet
d'entraver l'établissement du prix sur ce marché, ou pour effet d'induire en erreur les investisseurs
agissant sur la base des cours concernés. Ici encore, l'article 613-3 du Règlement général de l'AMF prévoit
deux éléments d'appréciation, non constitutifs en eux-mêmes d'une manipulation de cours. Il s'agit, d'une
part, de la diffusion d'informations fausses ou trompeuses par les mêmes personnes ou des personnes qui
leur sont liées et, d'autre part, de la production ou de la diffusion des travaux de recherche ou des
recommandations d'investissement, qui sont faux ou biaisés ou manifestement influencés par un intérêt
significatif par les mêmes personnes ou des personnes qui leur sont liées. L'article 631-4 prévoit encore
que toute personne ayant transmis des ordres sur le marché doit être en mesure d'expliquer
« publiquement » les raisons et les modalités de cette transmission, si l'AMF le lui demande à l'occasion
d'une enquête ou d'un contrôle. Sur le fondement de l'ancien Règlement COB 90-04, l'AMF a sanctionné
la dépréciation d'un titre résultant de ventes massives dans un laps de temps très bref, afin de faire
bénéficier certains clients de rachats à bas prix (Décis. AMF, 7 oct. 2004, Banque et Droit janv.-févr.
2005, p. 45, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre).
ACTUALISATION
44. Inefficacité d'une délégation en cas de manipulation de cours. - Un dirigeant d'une société
d'investissement qui n'a pas matériellement passé des ordres de bourse, qui a donné mandat
d'accomplir en son nom et pour son compte des opérations dont il connaissait le caractère illicite,
était l'un des auteurs des pratiques prohibées de manipulation de cours et ces manquements lui
étaient imputables : Com. 4 nov. 2008, no 07-21.312 , D. 2008. AJ 2935 .
B - Exemptions
45. Les deux causes d'exemption admises reprennent, pour l'essentiel, celles prévues par l'article 8 de la
directive no 2003/6/CE du 28 janvier 2003 : « Les interdictions prévues par la présente directive
[opérations d'initiés et manipulations de marché] ne s'appliquent pas aux opérations sur actions propres
effectuées dans le cadre de programmes de “rachat”, ni aux mesures de stabilisation d'un instrument
financier ». Dès lors, la question peut se poser de savoir dans quelle mesure ces exemptions, résultant
d'une norme communautaire, pourraient être invoquées par les auteurs de délits boursiers devant le juge
pénal puisque la chambre criminelle de la Cour de cassation décide constamment que les juridictions
répressives doivent faire prévaloir la norme communautaire sur la norme interne en cas de contrariété
entre les deux (Cass. crim. 22 oct. 1970, Sté Les Fils d'Henri Ramel, D. 1971. 221, rapp. J. Mazard, note
J. Rideau, JCP 1971. 16671, note P. L. ; la solution vaut même pour les lois postérieures : Cass. ch. mixte
24 mai 1974, Sté des Cafés Jacques Vabre, D. 1975. 497, concl. A. Touffait).
46. L'article 631-5 du Règlement général de l'AMF précise que les obligations d'abstention ne
s'appliquent pas aux opérations effectuées par un émetteur sur ses propres titres dans le cadre d'un
programme de rachat dans deux situations. Il s'agit d'abord des opérations qui sont réalisées
conformément au règlement no 2273/2003/CE de la Commission des Communautés européennes du
22 décembre 2003. Cependant, les titres ainsi acquis doivent faire l'objet d'une affectation immédiate
par objectif sans pouvoir être réaffectés à d'autres objectifs que ceux prévus par le Règlement
susmentionné. Il s'agit ensuite des opérations conformes à une pratique de marché admise et
respectueuses des modalités d'acquisition définies par le règlement no 2273/2003/CE, sauf pour les
dispositions de ce règlement écartées par l'acceptation de la pratique mentionnée à l'article 612-4
(V. supra, no 36, in fine).
47. Globalement, les articles 631-7 à 631-10 du Règlement général de l'AMF prévoient que les
obligations d'abstention en matière de manipulation de cours ne concernent pas les opérations réalisées
par des prestataires de services d'investissement dans le cadre de la stabilisation d'un instrument financier
dès lors que ces opérations s'effectuent conformément aux dispositions du règlement no 2273/2003/CE
de la Commission européenne du 22 décembre 2003 (préc.).
48. L'article 632-1 du Règlement général de l'AMF énonce que « toute personne doit s'abstenir de
communiquer, ou de diffuser sciemment des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent
ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments
financiers émis par voie d'appel public à l'épargne au sens de l'article L. 411-1 du code monétaire et
financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses,
alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ».
Il est toutefois surprenant que le Règlement général affirme expressément, par le recours à l'adverbe
« sciemment », le caractère intentionnel de ce manquement alors qu'il ne le fait ni pour la communication
d'une information privilégiée (Règl. gén. AMF, art. 622-1, 1o), ni pour la manipulation de cours (Règl.
gén. AMF, art. 631-1). Faut-il en déduire que, contrairement à la diffusion de fausses informations, ces
deux derniers manquements pourraient être sanctionnés alors même qu'ils résulteraient d'une
imprudence ou d'une négligence ? Cela semble douteux, tant les verbes « communiquer » et
« manipuler » supposent un comportement délibéré. L'article 632-1 prévoit également que « constitue en
particulier la diffusion d'une fausse information le fait d'émettre, sur quelque support que ce soit, un avis
sur un instrument financier ou indirectement sur l'émetteur de celui-ci, après avoir pris des positions sur
cet instrument financier et de tirer profit de la situation qui en résulte, sans avoir simultanément rendu
public, de manière appropriée et efficace, le conflit d'intérêts existant ». Il est enfin prévu que, s'agissant
des journalistes agissant dans le cadre de leur profession, le non-respect de l'interdiction doit être apprécié
« en tenant compte de la réglementation applicable à cette profession ». Mais, ce non-respect est
susceptible de constituer par lui-même un manquement dès lors que les intéressés retirent, directement
ou indirectement, un avantage ou des profits de la diffusion de telles informations. Sur le fondement de
l'article 632-1 du Règlement général, l'AMF a prononcé une sanction pécuniaire de 500 000 € à
l'encontre du président du conseil d'administration d'un émetteur qui avait, d'une part, délibérément
trompé le marché sur la situation et les perspectives de l'émetteur en majorant artificiellement (de 34
fois !) le chiffre d'affaires et, d'autre part, caché au public les risques pris par la société depuis sa mise sur
le marché jusqu'à sa liquidation (Décis. AMF, 8 juill. 2004, Bull. Joly bourse 2004. 749, note
G. Dolidon).
ACTUALISATION
28-1 et 48-1. Manquement ou délit de manipulation d'un indice. - La loi de séparation et de
régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013, anticipant sur la directive « Abus de marché »
et à la suite du scandale de la manipulation du taux du Libor de 2012, ajoute le délit et le
manquement de manipulation d'indices (C. mon. fin., art. L. 465-2-1 , nouv., réd. L. art. 22).
L'indice est défini comme « toute donnée diffusée et calculée à partir de la valeur ou du prix,
constaté ou estimé, d'un ou plusieurs sous-jacents, taux d'intérêts constatés ou estimés et toute autre
valeur ou mesure, et par référence à laquelle est déterminé le montant payable au titre d'un
instrument financier ».
48. Information inexacte et trompeuse : Com. 19 déc. 2007, Rev. sociétés 2007. 335, note
Navarro . – Communication d'informations inexactes et manquement d'initié commis par un
directeur général d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur Euronext Paris : Com.
27 avr. 2011, no 10-12.125 . – MARPEAU et PASTERNAK, Manquement aux obligations
d'abstention : illustration dans la jurisprudence récente ; Lamy Droit des affaires, juill-aout 2011,
p. 29 ; Bull. Joly 2011. 800, note Torck.
Section 3 - Sanctions
49. Selon l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, modifié par l'ordonnance no 2007-544 du
12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers, les personnes concernées par ce type de
sanctions sont, en premier lieu, celles énumérées aux 1o à 8o et 11o, 12o et 15o du II de l'article L. 621-9
du code monétaire et financier qui visent notamment : les prestataires de services d'investissement agréés
ou exerçant leur activité en libre établissement en France ainsi que les personnes morales placées sous
leur autorité ou agissant pour leur compte ; les personnes autorisées à exercer l'activité de conservation
ou d'administration d'instruments financiers et mentionnées à l'article L. 542-1 ; les dépositaires centraux
et les gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers ; les membres des
marchés réglementés non prestataires de services d'investissement ; les entreprises de marché ; les
chambres de compensation d'instruments financiers ; les organismes de placements collectifs et leurs
sociétés de gestion ; les intermédiaires en biens divers ; les personnes autres que les prestataires de
services d'investissement agréés et les organismes de placements collectifs ainsi que leurs sociétés de
gestion, qui produisent des analyses financières ; les dépositaires d'organismes de placement collectif. Ces
différentes personnes encourent un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire ou définitive
de l'exercice de tout ou partie des services fournis et soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une
sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du
montant des profits éventuellement réalisés (C. mon. fin., art. L. 621-15-III, a).
ACTUALISATION
49. L'article L. 621-15 étend la sanction des manquements à « un instrument financier négocié sur
un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une
demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée » (C. mon. fin.,
art. L. 621-15 , II, c, d, mod. L. préc. art. 21).
50. Sont concernées, en second lieu, les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le
compte des personnes précédemment énumérées (C. mon. fin., art. L. 621-15-II, a et b). Les sanctions
prévues sont l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle,
l'interdiction temporaire ou définitive de l'exercice de tout ou partie des activités et soit à la place, soit en
sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros
ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées au c et d
du II, ou à 300 000 € ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas (C. mon.
fin., art. L. 621-15-III, b). Dans tous les cas, le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la
gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de
ces manquements (C. mon. fin., art. L. 621-15-III, al. 2).
§ 1er - Montant
51. L'article L. 621-15-III, c, du code monétaire et financier prévoit une sanction pécuniaire dont le
montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits
éventuellement réalisés contre tout auteur des manquements précédemment décrits. Les sommes sont
versées au Trésor public. Le montant des sanctions administratives doit également être fixé en fonction
de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement
tirés de ces manquements (C. mon. fin., art. L. 621-15-III, al. 2). Mais il convient de remarquer, et de
regretter, que contrairement à l'amende pénale, la sanction administrative peut être inférieure au profit
réalisé, ce qui n'apparaît guère dissuasif. Dans une décision du 1er juin 2006 (Bull. Joly bourse 2006. 764,
note F. Stasiak), l'AMF, tenant compte « des circonstances particulières dans lesquelles le manquement
a été commis et des efforts entrepris, au sein de la société, dès le début de l'enquête, pour prévenir le
renouvellement de faits de cette nature », a prononcé une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 €,
à l'encontre d'un initié ayant dégagé un profit de 133 300 €, lui permettant ainsi de réaliser un gain
résiduel de 83 300 €. Ce faisant, l'AMF semble reprendre certains travers de la COB qui punissait moins
sévèrement que le juge pénal les ventes de titres par un initié en possession d'une information privilégiée,
avant une baisse des cours (V. not., C. SONNTAG, Préjudice et sanctions des infractions d'initiés :
approche juridique et économique, in L'organisation des dispositifs spécialisés de lutte contre la
criminalité économique et financière en Europe, sous la direction de B. DEFFAINS, F. STASIAK et
alii, 2004, LGDJ, p. 152). Pourtant, lorsqu'une infraction se caractérise par son faible taux et son
important coût de détection, ce qui est le cas des opérations d'initiés, l'analyse économique recommande
le recours à une sanction élevée pour assurer l'efficacité de la répression et « permettre aux individus de
mesurer le dommage exact qu'engendre leur comportement, non pas à travers la perception biaisée qu'ils
ont du sort des autres, mais à travers le coût que la sanction leur impose » (C. SONNTAG, article préc.,
p. 140). Aussi, le prononcé d'une sanction pécuniaire inférieure au profit retiré par la commission d'un
délit boursier ne constitue pas le meilleur moyen d'assurer pleinement l'intégrité des marchés financiers
et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés.
ACTUALISATION
51. DEZEUZE et STERU, Sur la proportionnalité dissuasive des sanctions pécuniaires en cas de
manquement d'initié, commentaire de Sanct. AMF, 17 mai 2013, Bull. Joly Bourse 2013. 396. –
MARTIN LAPRADE, L'AMF actualise son document sur le montant de la sanction pécuniaire,
Bull. Joly Bourse 2013. 467.
51-1. Sur le montant de la sanction : « Les dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et
financier n'imposent pas de fixer la sanction pécuniaire en relation avec le profit éventuellement
retiré des opérations incriminées, dès lors que cette sanction reste inférieure au plafond applicable
en l'absence de profit. » (Com. 23 mars 2010, F-P+B, no 09-11.366 , préc., D. 2010. Actu. 890,
note Lienhard ).
§ 2 - Destinataires
52. À la différence des sanctions disciplinaires qui punissent des manquements commis par des
professionnels, les sanctions administratives visent toute personne. Plus précisément, ces sanctions
administratives peuvent d'abord être prononcées à l'encontre de « toute personne qui, sur le territoire
français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une
manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné
au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier
émis par une personne ou une entité faisant appel public à l'épargne ou admis aux négociations sur un
marché d'instruments financiers ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur tel
marché a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des
marchés financiers » (C. mon. fin., art. L. 621-15-II, c). La répression de la tentative du seul manquement
d'initié mérite d'être soulignée. Ces sanctions visent ensuite toute personne qui, sur le territoire français,
a eu un comportement identique concernant « un instrument financier admis aux négociations sur un
marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur
l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel
marché a été présentée » (C. mon. fin., art. L. 621-15-II, d).
ACTUALISATION
52. Personnes susceptibles d'être sanctionnées. Dirigeant de l'émetteur. - Le dirigeant d'un
émetteur peut être sanctionné pour manquement à l'information ainsi qu'il résulte de la
combinaison des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier et de l'article 1er du
règlement no 98-07 de la COB, alors applicable (Com. 30 mai 2007, no 06-11.314 , D. 2007. AJ
1669 ; JCP E 2007, no 2461, note de Watrigant. – Pour un exemple concernant l'imputabilité
de la sanction à des commissaires aux comptes : AMF, déc. 5 juill. 2007, Bull. Joly 2007. 1261,
note Barbièri).
A - Étendue du cumul
53. Alors que le pouvoir de sanction de la COB se limitait aux manquements à ses propres règlements
(F. STASIAK, Les cumuls de sanctions en droit boursier, Bull. Joly bourse 1997. 181), l'actuel article
L. 621-4 du code monétaire et financier prévoit que le collège de l'AMF peut ordonner qu'il soit mis fin
« en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou
réglementaires ou des règles professionnelles » qui visent à protéger les investisseurs contre les opérations
d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, « ou à tout autre manquement
de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ». Cette
prérogative concerne également les manquements relatifs aux opérations d'initiés, aux manipulations de
cours et à la diffusion de fausses informations « commis sur le territoire français et concernant des
instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la
Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lesquels une
demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée » (art. L. 621-14-I, al. 2). Pour
sa part, l'article L. 621-16 du code monétaire et financier dispose que « lorsque la commission des
sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive
avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut
ordonner que la sanction pécuniaire s'impute sur l'amende qu'il prononce ». Mais on se demande ce que
le juge pénal peut effectivement imputer dès lors que, l'emprisonnement mis à part, tous les
manquements sont punis d'une sanction pécuniaire équivalente au maximum de l'amende encourue pour
les délits boursiers les plus sévèrement réprimés. Il convient de rappeler que l'amende encourue pour le
délit de communication d'une information privilégiée est de 150 000 € (C. mon. fin., art. L. 465-1 ,
al. 2) alors que la sanction pécuniaire encourue pour le manquement d'initié de l'article 622-1, alinéa 2,
1o, du Règlement général de l'AMF est de 1,5 million d'euros ou du décuple du montant des profits
éventuellement réalisés. Qui plus est, c'est l'AMF qui dénonce l'essentiel des comportements délictueux
au juge pénal. L'article L. 621-15-1 du code monétaire et financier prévoit que si l'un des griefs notifiés
« est susceptible de constituer un des délits mentionnés aux articles L. 465-1 et L. 465-2, le collège
transmet immédiatement le rapport d'enquête ou de contrôle au procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Paris ». Mais les délais de réponse pénale en droit boursier sont tels que la
décision de sanction de l'AMF sera définitive bien avant que le tribunal correctionnel de Paris soit saisi.
ACTUALISATION
2, 53. Abus de marché. Système de répression. Réforme. - La loi no 2016-819 du 21 juin 2016
réformant le système de répression des abus de marchés (JO 22 juin) modifie le code monétaire et
financier en apportant des précisions importantes quant au champ d'application et aux sanctions
applicables aux abus de marché, réglant ainsi un certain nombre d'interrogations en suspens,
notamment quant au cumul des poursuites pénales et administratives. Cette loi, prise pour
l'application de la directive no 2014/57/UE du 16 avril 2014, se conforme à la décision du Conseil
constitutionnel du 18 mars 2015 qui avait imposé en la matière le respect de la règle non bis in idem
(Cons. const. décis. nos 2014-453 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, Rev. sociétés 2015.
380, note H. Matsopoulou ; BRDA 6/15 inf. 6). L'interdiction du cumul des poursuites pénales
et administratives à l'encontre d'une même personne ayant commis les mêmes faits est ainsi
consacrée à l'article L. 465-3-6 du code monétaire et financier, dont les conditions d'application
devront être déterminées par décret. La loi alourdit également les peines applicables aux abus de
marché, désormais punissables de cinq ans de prison et 100 millions d'euros d'amende quelle que
soit la nature de l'abus commis. Elle élargit le champ d'application du délit d'initié, qui est
caractérisé non seulement lorsqu'un initié fait usage d'une information privilégiée en réalisant une
ou plusieurs opérations sur les instruments financiers d'une société, mais aussi dorénavant lorsqu'il
annule ou modifie un ou plusieurs ordres qu'il a passés avant de détenir l'information privilégiée
(C. mon. fin., art. L. 465-1 ). Enfin, la loi détaille plus précisément la liste des initiés, en
complétant l'article L. 465-1, I du code monétaire et financier.
53. Abus de marché. Aiguillage. Réquisitoire introductif. Absence de consultation préalable - Une
personne qui n'est pas mise en examen pour un des délits visés aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3
du code monétaire et financier est sans qualité pour critiquer la régularité du réquisitoire introductif
pris de l'absence de toute information préalable de l'AMF en violation des dispositions de l'article
L. 465-3-6, II, du même code (Crim. 1er avr. 2020, no 19-80.900 , Rev. sociétés 2020. 556, note
E. Dezeuze et C. Méléard ).
54. Le cumul des poursuites administratives et pénales dans le domaine boursier (F. STASIAK, Non bis
in idem et droit pénal boursier, in B. DEFFAINS [sous la direction de], L'analyse économique du droit
dans les pays de droit civil, 2002, Cujas, p. 333) paraît conforme aux exigences communautaires issues
de la directive no 2003/6/CE du 28 janvier 2003 bien que celle-ci n'apparaisse pas pleinement
cohérente dans la mise en œuvre de la règle non bis in idem. D'une part, en effet, l'article 14 de la directive
dispose que « sans préjudice de leur droit d'imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à
ce que, conformément à leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être
prises ou des sanctions administratives appliquées à l'encontre des personnes responsables d'une violation
des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les États membres garantissent que ces
mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives ». Cette disposition incite fortement les États
membres à recourir aux sanctions administratives, sans exclure un éventuel cumul avec des sanctions
pénales alors que, parallèlement, le droit communautaire porte une attention particulière à la règle non
bis in idem en procédure pénale (V. Livre vert de la Commission sur les conflits de compétence et le
principe non bis in idem dans le cadre des procédures pénales du 23 déc. 2005 ; V. égal. CJCE, 11 févr.
2003, H. Gözütok et K. Brügge, aff. jointes C-187/01 et C-385/01, Rec. I. 1345). D'autre part, l'article
16 de la directive « abus de marché » du 28 janvier 2003 permet de refuser de donner suite à une
demande d'information des autorités administratives compétentes ou de refuser de procéder à une
enquête « lorsqu'une procédure judiciaire est déjà engagée pour les mêmes faits et à l'encontre des mêmes
personnes devant les autorités de cet État, ou lorsque ces personnes ont déjà été définitivement jugées
pour les mêmes faits dans cet État ». L'article 16 semble donc exclure, par principe, un cumul entre une
procédure d'enquête administrative et une procédure judiciaire pour des faits identiques poursuivis à
l'encontre de mêmes personnes dans deux États distincts, tandis que l'article 14 de la directive admet le
cumul de sanctions – donc de poursuites – administratives et pénales au sein d'un même État. Autrement
dit, la règle ne bis in idem semble admise pour un même abus de marché poursuivi dans des États
différents (Direct., art. 16) alors qu'elle paraît rejetée pour un abus de marché poursuivi au sein d'un
même État (Direct., art. 14). Une double explication peut être avancée : soit la directive considère que le
cumul de sanctions de l'article 14 ne porte pas sur les mêmes faits, soit elle ne souhaite condamner aucun
système répressif a priori.
55. Mais il conviendrait alors de concilier cette dernière position avec celle adoptée par la Cour
européenne des droits de l'homme qui applique justement la règle non bis in idem à des poursuites
pénales et administratives au sein d'un même État. L'article 4 du Protocole no 7 à la Convention
européenne des droits de l'homme pose le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois. Sur ce fondement, la
Cour européenne avait décidé, dans son arrêt Gradinger c/ Autriche du 23 octobre 1995 (Série A,
no 328-C), pour un cumul de poursuites pénale et administrative à raison des mêmes faits, qu'elle
« n'ignore pas que les dispositions en cause se distinguent non seulement sur le plan de l'appellation des
infractions [pénale et administrative] mais sur celui, plus fondamental, de leur nature et de leur but […]
Néanmoins, les deux décisions litigieuses se fondent sur le même comportement. Partant, il y a eu
violation de l'article 4 du Protocole no 7 ». Mais les errements ultérieurs de la Cour ont altéré la clarté de
cette décision. En particulier, dans son arrêt De Oliveira c/ Suisse du 30 juillet 1998 (Rec. 1998-V), elle
admet la possibilité de juger deux infractions issues d'un même fait matériel : « Il aurait été certes plus
conforme aux principes d'une bonne administration de la justice que, les deux infractions provenant d'un
même fait pénal, elles fussent sanctionnées par une seule juridiction, dans une procédure unique.
[Toutefois] l'article 4 du Protocole no 7 […] ne s'oppose pas à ce que des juridictions distinctes connaissent
d'infractions différentes, fussent-elles les éléments d'un même fait pénal et cela d'autant moins qu'en
l'occurrence, il n'y pas eu cumul des peines mais absorption de la plus légère par la plus lourde ».
ACTUALISATION
55. Cumul des sanctions administratives et pénales. - L'interdiction d'une double condamnation en
raison des mêmes faits prévue par l'article 4 du protocole no 7, additionnel à la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les
réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit
français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de
sanctions administratives parallèlement aux peines infligées par le juge répressif. Ainsi jugé pour
un manquement d'initié (Com. 8 févr. 2011, no 10-10.965 , D. 2011. Actu. 593, obs.
Lienhard ; Rev. sociétés 2011. 432, note Deseuze (aff. Marionnaud). – COHEN-
BRANCHE, Le manquement d'initié et l'arrêt Frydman de la Cour de cassation (8 févr. 2011) :
qui doit prouver quoi ?, Bull. Joly Bourse 2011. 301 ; Bull. Joly Bourse 2011. 360, note
Rontchevsky).
56. D'une manière générale, le juge pénal français rechigne à condamner ce cumul répressif, avec l'aval
du Conseil constitutionnel (Décis. Cons. const. no 89-25 du 28 juill. 1989, Rec. Cons. const., p. 71), au
motif que les éléments constitutifs des manquements administratifs sont distincts de ceux des délits
pénaux (CA Paris, 16 mars 1994, JCP 1994. II. 22321, note J.-H. Robert). Pourtant, il a été
précédemment démontré que la répression administrative était plus large que la répression pénale : s'il
peut y avoir un manquement administratif sans coexistence d'un délit pénal, la réciproque n'est, a priori,
pas vraie. Pour sa part, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 1er mars 2000, que « la règle non
bis in idem consacrée par l'article 4 du Protocole no 7, additionnel à la Convention européenne des droits
de l'homme, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que
pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale
[et qu'elle] n'interdit pas l'exercice des poursuites devant le juge répressif parallèlement à une procédure
conduite devant la COB aux fins de sanctions administratives » (Cass. crim. 1er mars 2000, Bull. crim.,
no 98, JCP, éd. E, 2001, p. 30, note J.-J. Daigre). Cette position semble méconnaître la jurisprudence de
la Cour européenne qui se livre à une interprétation autonome des notions de « matière pénale » et de
« tribunal » au sens de l'article 6 de la Convention. De surcroît, il convient de rappeler que, dans l'affaire
Gradinger précitée, le Gouvernement autrichien avait formulé une réserve identique à celle de la France
pour l'application du Protocole no 7, sans pour autant échapper à une condamnation par la Cour
européenne des droits de l'homme. Celle-ci estimait que « certes, on peut déduire du libellé de la
“déclaration” que l'Autriche a entendu exclure l'application des articles 3 et 4 à toutes les procédures qui
ne seraient pas “pénales au sens du code pénal autrichien” ; que le Gouvernement le souligne à juste
titre. Il n'empêche que munie d'une telle désignation, non exhaustive, la “déclaration” n'offre pas à un
degré suffisant “la garantie [qu'elle] ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées” par
l'Autriche […]. Par conséquent, elle méconnaît l'article 64, § 2. Cette conclusion suffit à fonder l'invalidité
de la « déclaration » sans qu'il s'impose de se pencher de surcroît sur le respect des autres conditions
formulées par l'article 64 » (§ 51). Il n'est donc pas certain que tous les doutes soient levés sur la
conformité de la répression boursière française aux principes européens issus du droit à un procès
équitable.
Index alphabétique
�Abstention 23, 38
�Abusde marché 1, 54
�Acte de terrorisme
�
délit d'initié 15, 17, 19, 26
�
diffusion d'information fausse ou trompeuse 26
�Action civile
�
AMF, exercice de l' 22
�
association de défense 22
�
délit d'initié 21 s.
�
diffusion d'information fausse et trompeuse 27
�
manipulation de cours 31
�Action publique
�
délit d'initié 15 s.
�
diffusion d'information fausse et trompeuse 26
�
manipulation de cours 30
�
peines 15
�
prescription 20, 26
�
procédure 20 s.
�Actionnaire
�
constitution de partie civile 21
�Administrateur 3, 7
�Agiotage 28
�Alternext 6
�Amende
�
imputation de la sanction pécuniaire sur l' 53
�
montant 9, 11, 15, 53
�Analyste financier 23
�Association 32
�Avertissement 49
�Avocat 4
�Blâme 49
�Bonne foi 3
�Chambre de compensation 49
�Chauffeur de taxi 4
�Code pénal 1 s.
�Coiffeur 4
�Confidentialité 2, 7
�Conseil 11
�Conseiller technique 4
�Cours du titre
�
communication 24
�
normal 21
�
préjudice, évaluation 21, 27
�Délit d'initié 1 s.
�
AMF, avis 20
�
formel 11
�
intentionnel 13 s.
�
matériel 13
�
peines 15 s.
�
potentiel 15
�
recel 5
�
tentative 15
V. Information privilégiée (notion pénale), Initié
�Délit pénal 3 s.
�Dépositaire central 49
�Dérivé de crédit 6
�Directeur financier 4
�Directeur général 3
�Directoire et conseil de surveillance (membre du) 3, 16
�Dirigeant 3 s.
�
incapacité 16
�Dissolution 19
�Droit communautaire
�
directive abus de marché 1
�
information privilégiée 3
�Employé 4
�Enquête 2
�
administrative et procédure judiciaire 54
�Entité
�
continuité économique 33
�
notion 32 s.
�Entreprise de marché 49
�Fonction 4, 12 s.
�Fusion 32
�Groupe de sociétés 32
�Incapacité
�
ordonnance du 6 mai 2005 16, 26, 30
�
peine accessoire 16
�Information
�
confidentielle 2, 7
�
égalité d'accès à l' 10
�Infraction terroriste
�
aggravation des peines 15, 17
�
délit d'initié 15 s.
�
diffusion d'information fausse ou trompeuse 26
�
dissolution de la société 19
�
manipulation de cours 30
�Initié
�
délit 1 s.
�
indirect 4
�
interne 3
�
liste d' 2
�
opération d' 37 s.
�
de soi-même 3
�Initié primaire 3
�
délit matériel 13
�
interne 3
�
peines 15 s.
�
présomption simple 3
�Initié secondaire 4
�
indirect 4
�
peines 15, 18
�Initié tertiaire 5
�
peines 15, 18
�Instrument financier 6, 34
�
acquisition, cession 10
�
stabilisation 47
�Intention 12 s.
�
de communiquer une information privilégiée 14
�
d'utiliser une information privilégiée 13
�
spéculative 13
�Internet 23
�Journaliste
�
fausse information 48
�
financier 4
�Juge pénal
�
AMF, collaboration 20
�Liquidateur 4
�Liste d'initié 2
�Manipulation de marché 43 s.
�
obligation d'abstention 43
�
exemption 45 s.
�
rachat d'action 45
�Manœuvre 28 s.
�Manquement administratif 32 s.
�
auteur 32
�
diffusion de fausse information 48
�
entité 32
�
manipulation de cours 43
�
objet 34
�
opération d'initié 37
�
pratique de marché admise 35
�
sanction
�
administrative 51 s.
�
disciplinaire 49 s.
�Marché
�
Alternext 6
�
libre 28
�
réglementé 6, 28
�
transparence 1
�Marché réglementé
�
manipulation de cours 28
�
manquement 34
�
reconnaissance 6
�
retrait 6
�Mauvaise foi 3, 13
�Opération d'initié 37 s.
�Ordre de bourse 11
�
exécuté à l'étranger 11
�Peine 15 s.
�Personne morale
�
notion 32
�
peine 19, 26, 30
�Plus-value
�
potentielle 15
�Préjudice 21, 27
�Président 3
�Présomption
�
simple 3
�Presse 23
�Procureur de la République
�
avis de l'AMF, transmission 20
�Profession 4, 12 s.
�Profit 9, 11
�
réalisé 15
�Publication 7
�Rachat d'action 10
�
manipulation de marché, exemption 45
�Radio 23
�Recommandation 11
�Représentant permanent 3
�Responsabilité pénale des personnes morales 19, 26, 30
�Résultats 8
�Rumeur 8
�
diffusion d'information fausse ou trompeuse 23
�Sanction administrative 51
�
enquête, cumul 54
�
montant 51
�
non bis in idem 54
�
personne concernée 52
�
sanction pénale, cumul 53 s.
�Sanction disciplinaire 49
�
personne concernée 49
�
sanction 50
�Sanction pénale
�
délit 15 s.
�
sanction administrative, cumul 53 s.
�Scission 32
�Secrétaire général 4
�Seuil de sensibilité 37
�Société de gestion 49
�Société en participation 32
�Technique de la bouilloire 28
�Télévision 23
�Tentative
�
délit d'initié 15, 18
�
diffusion d'information fausse ou trompeuse 26
�
manquement d'initié 52
�Terrorisme
V. Infraction terroriste
Bibliographie. - LOYRETTE, Le contentieux des abus de marché, Joly, éd. 2007. – SALOMON, Le
risque boursier : délits et manquements d'initié, de manipulation de cours et de fausse information, Cah.
dr. entr., janv.-févr. 2008, p. 56. – GARRIGUES, La Cour de justice de l'Union et la sanction des abus
de marché, Bull. Joly Bourse mars-avr. 2010, éditorial 79. – RONTCHEVSKY, L'utilisation de la notion
d'intérêt social en droit des sociétés, en droit pénal et en droit boursier, Bull. Joly Bourse juill.-août 2010.
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des sociétés cotées : l'AMF présente ses recommandations, Option Finance 22 nov. 2010, p. 41. –
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Droit des affaires déc. 2010, p. 10. – ROUSSILLE, La perte de chance en matière boursière : sanction
de l'obligation de mise en garde des intermédiaires financiers, Gaz. Pal. 25-26 févr. 2011, p. 16. –
RONTCHEVSKY, Information financière, le temps de l'insécurité, Bull. Joly Bourse 2012, Éditorial
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Bourse 2012. 512. – LASSERRE CAPDEVILLE, Propositions de la Commission européenne pour
lutter contre la manipulation des taux interbancaires, Bull. Joly Bourse 2012.396 (Communiqué, Comm.
UE, 25 juill. 2012, no IP 12/846). Les incidences en droit pénal financier de la reconnaissance du délit
de violation du secret des affaires, Bull. Joly Bourse 2013. 207. – CHIRON, Le droit des sociétés à l'ère
des nouvelles technologies, Dr. sociétés 2013. Étude 5. – RAPONE, Le droit français doit-il s'inspirer du
droit américain pour réparer le préjudice causé par de fausses informations ?, Dr. sociétés 2013.
Étude 4. – MARTIN LAPRADE, L'AMF actualise son document sur le montant de la sanction
pécuniaire, Bull. Joly Bourse 2013. 467. – MARTIN, DEZEUZE et BOUAZIZ, en coll. avec
FRANÇON, Les abus de marché, Manquements administratifs et infractions pénales, 2013, coll. Droit
professionnel, LexisNexis. – RONTCHEVSKY, Renforcement de la répression des abus de marché,
Bull. Joly Bourse 2013. 614. – CONAC, Rapport sur le prononcé, l'exécution de la sanction et le post-
sentenciel. Groupe de travail présidé par Claude Nocquet, présidente de la Commission des sanctions
de l'AMF, Octobre 2013, Rev. sociétés 2014. 60 .
2, 53. Abus de marché. Système de répression. Réforme. - La loi no 2016-819 du 21 juin 2016 réformant
le système de répression des abus de marchés (JO 22 juin) modifie le code monétaire et financier en
apportant des précisions importantes quant au champ d'application et aux sanctions applicables aux abus
de marché, réglant ainsi un certain nombre d'interrogations en suspens, notamment quant au cumul des
poursuites pénales et administratives. Cette loi, prise pour l'application de la directive no 2014/57/UE
du 16 avril 2014, se conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 qui avait imposé
en la matière le respect de la règle non bis in idem (Cons. const. décis. nos 2014-453 QPC et 2015-462
QPC du 18 mars 2015, Rev. sociétés 2015. 380, note H. Matsopoulou ; BRDA 6/15 inf. 6).
L'interdiction du cumul des poursuites pénales et administratives à l'encontre d'une même personne
ayant commis les mêmes faits est ainsi consacrée à l'article L. 465-3-6 du code monétaire et financier,
dont les conditions d'application devront être déterminées par décret. La loi alourdit également les peines
applicables aux abus de marché, désormais punissables de cinq ans de prison et 100 millions d'euros
d'amende quelle que soit la nature de l'abus commis. Elle élargit le champ d'application du délit d'initié,
qui est caractérisé non seulement lorsqu'un initié fait usage d'une information privilégiée en réalisant une
ou plusieurs opérations sur les instruments financiers d'une société, mais aussi dorénavant lorsqu'il
annule ou modifie un ou plusieurs ordres qu'il a passés avant de détenir l'information privilégiée (C. mon.
fin., art. L. 465-1 ). Enfin, la loi détaille plus précisément la liste des initiés, en complétant l'article
L. 465-1, I du code monétaire et financier.
3 s. Délit d'initié. - La France n'a pas violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme
en raison de la prétendue insuffisante prévisibilité de la loi applicable au délit d'initié (CEDH, 5e sect.,
6 oct. 2011, aff. 50425/06 , Soros c/ France, Bull. Joly Bourse 2012. 11, note Morel-Maroger).
La tentative est répréhensible (C. mon. fin., art. L. 465-1 , dern. al., 1re phrase, mod. L. no 2013-672
du 26 juill. 2013, art. 20).
3-1. Délit d'initié. Conservation des données. - La conservation généralisée et indifférenciée des données
de trafic pendant un an à compter du jour de l'enregistrement par les opérateurs de services de
communications électroniques n'est pas autorisée, à titre préventif, aux fins de la lutte contre les
infractions d'abus de marché, dont font partie les opérations d'initiés. Une juridiction nationale ne peut
en outre limiter dans le temps les effets d'une déclaration d'invalidité d'une législation nationale
prévoyant une telle conservation (CJUE 20 sept. 2022, aff. C-339/20 , D. 2022. Actu. 1660 ).
6. Le champ de l'incrimination est étendu aux instruments « ou négociés sur un système multilatéral de
négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d'admission à la
négociation sur un tel marché a été présentée » (C. mon. fin., art. L. 465-1 , et L. 465-2 , mod. L. préc.
art. 21).
6-1. Information privilégiée. Article de presse. - L'information sur la publication prochaine dans la presse
d'un article relayant une rumeur d'offre publique d'achat sur des titres cotés peut constituer une
information privilégiée lorsque la rumeur est suffisamment crédible (CJUE 15 mars 2022, aff. 302/20,
BRDA 8/22, inf. 5 ; Rev. sociétés 2022. 447, note A.-C. Muller ).
6-2. Information privilégiée. Origine. - Il n'est pas nécessaire de détailler les circonstances par lesquelles
une information privilégiée est parvenue à une personne poursuivie pour délit d'initié dès lors que la
détention d'une telle information résulte d'éléments graves précis et concordants (Crim. 30 mars 2022,
no 21-83.500 , BRDA 11/22, inf. 7 ; Rev. sociétés 2023. 638, note J. Prorok ).
La cour d'appel de Paris, appliquant à son tour la solution récemment dégagée par la CJUE, condamne
un journaliste pour avoir informé l'une de ses sources qu'il allait publier un article relayant une rumeur
d'offre publique suffisamment crédible, ce qui constituait une information privilégiée (Paris 30 mars
2023, no 18/28497, BRDA 9/23, inf. 8).
11. Opération d'initié : finalité de la directive du 28 janvier 2003. - Le fait qu'un initié primaire qui
détient une information privilégiée effectue une opération de marché sur les instruments financiers
auxquels se rapporte cette information implique qu'il a "utilisé cette information" au sens de la directive
2003/6, sous réserve du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit de pouvoir renverser
cette présomption. Toutefois, afin d'éviter que la prohibition des opérations d'initiés ne soit étendue au-
delà de ce qui est approprié et nécessaire, la CJUE estime qu'il convient de se référer à la finalité de la
directive, qui est de protéger l'intégrité des marchés financiers et de renforcer la confiance des
investisseurs, laquelle repose, notamment, sur l'assurance que ces derniers seront placés sur un même
pied d'égalité et protégés contre l'utilisation indue d'informations privilégiées. Ainsi, la prohibition des
opérations d'initiés s'applique lorsqu'un initié primaire qui détient une information privilégiée fait une
utilisation indue de l'avantage que lui procure cette information en effectuant une opération de marché
concordant avec cette information (CJUE, 23 déc. 2009, C-45/08 , Bull. Joly Bourse 2010. 92, note
Torck ; Rev. sociétés 2010. 325 ; D. 2010. 2313, note de Tocqueville ).
Information privilégiée à caractère sensible. La chambre commerciale poursuit son alignement sur
l'information privilégiée développée par l'arrêt Spector du 23 déc. 2009, précité (Com. 27 avr. 2011,
no 10-12.125 , Rev. sociétés 2011. 701, note Gaudemet ).
12. Délit de communication d'une information privilégiée. - La loi du 22 mars 2012 aggrave la peine
d'amende encourue en cas de communication d'une information privilégiée (C. mon. fin., art. L. 465-1
, al. 2, mod. L. no 201-387 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches
administratives, art. 132, Bull. Joly Bourse 2012. 244, note Lasserre Capdeville).
21, 27. Réparation d'un préjudice personnel d'investissement et perte de chance. - Le préjudice direct et
personnel subi par les actionnaires, en achetant ou conservant une action aux perspectives prometteuses
surévaluées, est distinct de celui subi par la société elle-même. Il ne se confond pas avec le montant des
pertes subies par les parties civiles lors de la revente des titres, en raison du risque et de l'aléa propre à
tout investissement boursier. Le préjudice d'investissement se confond avec la perte de chance (Paris,
31 oct. 2008, req. no 06/09036, D. 2009. AJ 2867 ).
Préjudice boursier. A violé l'article L. 225-252 du code de commerce la cour d'appel qui retient que le
préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs leurs
économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des informations
tronquées portées à leur connaissance (Com. 9 mars 2010, no 08-21.547 , Bull. Joly Bourse 2010. 316,
note Rontchevesky). V. aussi SCHMIDT, Fausse information et « préjudice boursier », Bull. Joly Bourse
2012. 1.
23. Information optimiste sur la situation de la société. - Les dispositions de l'article 632-1 du règlement
général de l'AMF n'exigent pas d'établir le caractère intentionnel de la communication d'une information
donnant des indications inexactes, imprécises ou trompeuses. Peut être sanctionné le dirigeant qui, en
qualité de responsable de la communication financière au sein du groupe, a communiqué des
informations trop optimistes sur la situation de la société : Com. 18 nov. 2008, no 08-10.246 , D. 2008.
AJ 3084 ; BRDA 15 déc. 2008, no 8, p. 5.
23-1. Diffusion de fausse information. Agence de presse. - La condamnation prononcée par l'AMF contre
une agence de presse ayant relayé, sans le vérifier, un faux communiqué est confirmée en appel, mais le
montant de la sanction pécuniaire est réduit compte tenu de la réactivité dont avait fait preuve l'agence
pour démentir l'information (Paris 16 sept. 2021, no 20/0303, BRDA 20/21, inf. 7).
26-1. Diffusion de fausse information. QPC. - Dans sa décision no 2016-572 QPC du 30 septembre
2016, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le second alinéa de l'article L. 465-2
du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d'une fausse information » figurant au c) et au
d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du même code dans leur rédaction résultant de la loi no 2010-
1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière (Cons. const. décis. no 2016-572 QPC,
30 sept. 2016, Rev. sociétés 2016. 638, obs. B. François ).
27-1. Diffusion d'informations inexactes. Indemnisation. - Des actionnaires, incités à conserver leurs
actions en raison des fausses informations diffusées par le dirigeant de la société, doivent être indemnisés
de la perte de chance d'avoir pu céder leurs actions (Paris 20 janv. 2022, no 20/04801, BRDA 13/22,
inf. 3).
28. Manipulation de cours. - V. Crim. 28 janv. 2009, no 07-81.674 , Dr. sociétés 2009. Comm. 83,
note Salomon. – D'une part l'absence d'opérations sur le marché du titre est indifférente au regard de la
qualification du délit, celles-ci n'étant pas exigées par l'article L. 465-2, alinéa 1er, du code monétaire et
financier, d'autre part la réévaluation de prétentions financières en vue d'obtenir réparation d'un
préjudice ne caractérise pas le délit (Crim. 27 mars 2013, no 12-81.047 , Bull. Joly Bourse 2013. 281,
note Lasserre Capdeville).
28-1 et 48-1. Manquement ou délit de manipulation d'un indice. - La loi de séparation et de régulation
des activités bancaires du 26 juillet 2013, anticipant sur la directive « Abus de marché » et à la suite du
scandale de la manipulation du taux du Libor de 2012, ajoute le délit et le manquement de manipulation
d'indices (C. mon. fin., art. L. 465-2-1 , nouv., réd. L. art. 22). L'indice est défini comme « toute donnée
diffusée et calculée à partir de la valeur ou du prix, constaté ou estimé, d'un ou plusieurs sous-jacents,
taux d'intérêts constatés ou estimés et toute autre valeur ou mesure, et par référence à laquelle est
déterminé le montant payable au titre d'un instrument financier ».
34. Opérations financières. - La commission des sanctions de l'AMF inflige à la société LVMH une
sanction de 8 millions d'euros, notamment pour s'être abstenu d'informer le marché de la préparation
d'une opération financière, en l'occurrence une montée dans le capital d'Hermès international par la
conclusion de plusieurs contrats d', alors que l'article 223-6 du règlement général de l'AMF rend
obligatoire l'information du public dès lors qu'une opération financière est « susceptible d'avoir une
incidence significative sur le cours d'un instrument financier ou sur la situation des droits des porteurs de
cet instrument financier » (AMF, Comm. sanctions, 25 juin 2013, D. 2013. Actu. 1681, obs.
Delpech ; Bull. Joly Bourse 2013. 471, note Schmidt).
37. Manquement d'initié. Preuve. Faisceau d'indices. - N'a pas donné de base légale à sa décision la cour
d'appel qui décide que le manquement d'initié reproché n'était pas établi sans examiner les indices
invoqués par l'AMF ni préciser en quoi ils étaient entachés d'équivoque (Com. 1er juin 2010, no 09-
14.684 , Bull. Joly Bourse juill.-août 2010. 298, note Schmidt).
Sur le recours et la portée du faisceau d'indices, voir également l'arrêt de la Cour de cassation du 28 mai
2013 (Com. 28 mai 2013, no 12-60.060, Rev. sociétés 2013. 632, note Dezeuze ).
Le chiffre d'affaires peut être une information privilégiée. La commission des sanctions de l'AMF a
prononcé une sanction pécuniaire à l'encontre d'une société pour manquement, dans le cadre d'un
programme de rachat d'actions, à son obligation de s'abstenir d'intervenir sur ses propres titres alors qu'elle
avait connaissance d'une information privilégiée tenant à son chiffre d'affaires consolidé (AMF, Comm.
sanctions, 22 janv. 2009, D. 2009. AJ, obs. Lienhard. – Conf. Paris, 23 févr. 2010, RG no 2009/08268,
Bull. Joly Bourse 2010. 214, note Schmidt. – Et approuvé par Com. 29 mars 2011, no 10-15.866 ;
Rev. sociétés 2011. 501, note Dezeuze . – MARPEAU et PASTERNAK, Manquement aux
obligations d'abstention : illustration dans la jurisprudence récente ; Lamy Droit des affaires, juill-aout
2011. 29).
Information due au marché. Faute d'avoir été complète et d'avoir fait référence aux clauses d'un avenant
du contrat qui remettait en cause la comptabilisation du chiffre d'affaires, l'information ainsi
communiquée au public était inexacte, imprécise et trompeuse (Com. 3 mars 2009, Rev. sociétés 2009.
643, note Daigre ).
Sondage préalable à l'émission d'un emprunt obligataire. En ce sens que des informations communiquées
à l'occasion d'un sondage caractérisent une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement
général de l'AMF et un manquement imputable aux prestataires qui n'ont pas respecté les dispositions
de l'article 216-1 du règlement général de l'AMF (Sanct. AMF, 17 mars 2011, Bull. Joly Bourse 2011,
p. 512, note Daigre).
Voir également l'arrêt du Conseil d'État du 12 juin 2013 (CE 12 juin 2013, req. nos 359245 et
349185 , Bull. Joly Bourse 2013. 517, note Martin Laprade) sur l'application à une émission obligataire
de l'article 216-1 du règlement général de l'AMF relatif aux sondages de marché et sur l'application de
l'article 621-1 du même règlement relatif à l'information privilégiée lorsqu'il s'agit de titres de créance.
Pour la preuve de la détention d'une information privilégiée : CE 24 avr. 2012, nos 338786 et 338929,
BRDA 31 mai 2012, p. 5.
En ce sens que la préparation d'une opération financière significative est une information privilégiée :
Paris 31 mai 2012, P5, ch 7, no 2011/05307, Bull. Joly Bourse 2012. 404, note Daigre. – Peuvent
constituer des informations à caractère précis non seulement la circonstance ou l'évènement mais
également les étapes intermédiaires du processus étalé dans le temps qui sont liées à leur réalisation
(CJUE 28 juin 2012, no C-19/11 , Bull. Joly Bourse 2012. 898, note Storck, à propos de l'information
de la démission du président du directoire de Daimler).
Par un arrêt du 11 mars 2015 (aff. C-628/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit
que l'article 1er, point 1, de la directive no 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du
28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), et l'article
1er, § 1, de la directive no 2003/124/CE de la Commission, du 22 décembre 2003, portant modalités
d'application de la directive no 2003/6/CE en ce qui concerne la définition et la publication des
informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, doivent être interprétés en ce sens
qu'ils n'exigent pas, pour que des informations puissent être considérées comme des informations à
caractère précis au sens de ces dispositions, qu'il soit possible de déduire, avec un degré de probabilité
suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments financiers concernés s'exercera dans
un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques. Le moyen, qui soutient une thèse contraire,
ne peut qu'être rejeté (Com. 27 mai 2015, no 12-21.361 , D. 2015. Actu. 1206 ).
Une information relative à la cession d'une participation majoritaire peut être précise même si un aléa
subsiste quant au choix entre les acquéreurs potentiels et quant au nombre et au prix des titres cédés, dès
lors que le projet de cession était, à la date du manquement d'initié, suffisamment défini pour avoir des
chances raisonnables d'aboutir (Com. 30 nov. 2022, no 20-19.251 , Rev. sociétés 2023. 98, note
T. Bonneau ).
39. L'obligation d'abstention d'utilisation d'une information privilégiée n'est pas absolue : « Dès lors qu'est
établie la matérialité du manquement défini par l'article 622-1 du règlement général de l'AMF, il
appartient à la personne mise en cause à ce titre de démontrer que l'opération incriminée a été justifiée
par un motif impérieux. » (Com. 23 mars 2010, F-P+B, no 09-11.366 et Comm. sanctions AMF 6 déc.
2007, RTDF 2008. 89, obs. Dezeuze).
40. Commet un manquement boursier le dirigeant d'une société cotée qui communique
intentionnellement à des analystes financiers des informations privilégiées sur sa société en s'abstenant
d'assurer la diffusion simultanée au public de celles-ci (Com. 13 déc. 2011, F-P+B, no 10-28.337 ,
RTD com. 2012. 287, note Teller ).
43. Manipulation de cours. - Pour la responsabilité pénale d'un PSI : Paris, 2 févr. 2007, req.
no 06/08079, RTD com. 2007. 413, obs. Rontchevsky . – Pour un manquement retenu pour des
ordres en rafales : AMF, Comm. sanctions, 12 mai 2011, Banque et droit juill.-août 2011, p. 20.
44. Inefficacité d'une délégation en cas de manipulation de cours. - Un dirigeant d'une société
d'investissement qui n'a pas matériellement passé des ordres de bourse, qui a donné mandat d'accomplir
en son nom et pour son compte des opérations dont il connaissait le caractère illicite, était l'un des auteurs
des pratiques prohibées de manipulation de cours et ces manquements lui étaient imputables :
Com. 4 nov. 2008, no 07-21.312 , D. 2008. AJ 2935 .
48. Information inexacte et trompeuse : Com. 19 déc. 2007, Rev. sociétés 2007. 335, note Navarro . –
Communication d'informations inexactes et manquement d'initié commis par un directeur général d'une
société dont les titres sont admis aux négociations sur Euronext Paris : Com. 27 avr. 2011, no 10-
12.125 . – MARPEAU et PASTERNAK, Manquement aux obligations d'abstention : illustration
dans la jurisprudence récente ; Lamy Droit des affaires, juill-aout 2011, p. 29 ; Bull. Joly 2011. 800, note
Torck.
49. L'article L. 621-15 étend la sanction des manquements à « un instrument financier négocié sur un
système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une demande
d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée » (C. mon. fin., art. L. 621-15 , II, c, d,
mod. L. préc. art. 21).
51. DEZEUZE et STERU, Sur la proportionnalité dissuasive des sanctions pécuniaires en cas de
manquement d'initié, commentaire de Sanct. AMF, 17 mai 2013, Bull. Joly Bourse 2013. 396. –
MARTIN LAPRADE, L'AMF actualise son document sur le montant de la sanction pécuniaire, Bull.
Joly Bourse 2013. 467.
51-1. Sur le montant de la sanction : « Les dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et
financier n'imposent pas de fixer la sanction pécuniaire en relation avec le profit éventuellement retiré
des opérations incriminées, dès lors que cette sanction reste inférieure au plafond applicable en l'absence
de profit. » (Com. 23 mars 2010, F-P+B, no 09-11.366 , préc., D. 2010. Actu. 890, note Lienhard ).
52. Personnes susceptibles d'être sanctionnées. Dirigeant de l'émetteur. - Le dirigeant d'un émetteur peut
être sanctionné pour manquement à l'information ainsi qu'il résulte de la combinaison des articles L. 621-
14 et L. 621-15 du code monétaire et financier et de l'article 1er du règlement no 98-07 de la COB, alors
applicable (Com. 30 mai 2007, no 06-11.314 , D. 2007. AJ 1669 ; JCP E 2007, no 2461, note de
Watrigant. – Pour un exemple concernant l'imputabilité de la sanction à des commissaires aux comptes :
AMF, déc. 5 juill. 2007, Bull. Joly 2007. 1261, note Barbièri).
Conseiller en investissements financiers. La commission des sanctions de l'AMF a prononcé une sanction
pécuniaire d'un montant de 10 000 € à l'encontre d'une société exerçant l'activité de conseiller en
investissements financiers pour divers manquements dans ses obligations d'information et de conseil
(AMF, commission des sanctions, 28 oct. 2013).
53. Abus de marché. Aiguillage. Réquisitoire introductif. Absence de consultation préalable - Une
personne qui n'est pas mise en examen pour un des délits visés aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code
monétaire et financier est sans qualité pour critiquer la régularité du réquisitoire introductif pris de
l'absence de toute information préalable de l'AMF en violation des dispositions de l'article L. 465-3-6, II,
du même code (Crim. 1er avr. 2020, no 19-80.900 , Rev. sociétés 2020. 556, note E. Dezeuze et
C. Méléard ).
55. Cumul des sanctions administratives et pénales. - L'interdiction d'une double condamnation en
raison des mêmes faits prévue par l'article 4 du protocole no 7, additionnel à la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par
la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence
des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions administratives
parallèlement aux peines infligées par le juge répressif. Ainsi jugé pour un manquement d'initié (Com.
8 févr. 2011, no 10-10.965 , D. 2011. Actu. 593, obs. Lienhard ; Rev. sociétés 2011. 432, note
Deseuze (aff. Marionnaud). – COHEN-BRANCHE, Le manquement d'initié et l'arrêt Frydman de
la Cour de cassation (8 févr. 2011) : qui doit prouver quoi ?, Bull. Joly Bourse 2011. 301 ; Bull. Joly
Bourse 2011. 360, note Rontchevsky).