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Code la Propriété Intellectuelle – Articles L. 122-4 et L. 335-1 à


L. 335-10
Loi n°92-597 du 1er juillet 1992, publiée au Journal Officiel du 2
juillet 1992
http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg-droi.php
http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm
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Université Toulouse 1 Capitole (UT1 Capitole)

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BOUTKHIL Hasna
le lundi 4 juillet 2016
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Le rôle de l'inspection du travail dans l'application du droit du travail au Maroc


à la lumière du droit français

²DPMF EPDUPSBMF et discipline ou spécialité  


ED SJP : Sciences Politiques

6OJUÏEFSFDIFSDIF
IDETCOM

%JSFDUFVSUSJDF T EFʾÒTF

Monsieur Alain Pousson

Jury :
Monsieur Philippe AUVERGNON, Directeur de recherche CNRS, Université de Bordeaux -
Rapporteur
Monsieur Jean-Michel LATTES, Maître de conférences, Université de Toulouse 1 Capitole
Madame Monique LUBY-GAUCHER, Professeur, Vice-Doyen, Université de Pau et des Pays de
l'Addour - Rapporteur
Monsieur Alain POUSSON, Professeur émérite, Université Toulouse 1 Capitole
SOMMAIRE

INTRODUCTION

Première Partie : Les conceptions de l’inspection du travail


Chapitre 1 : La pluralité des sources normatives
Section 1 : Le soubassement commun : les conventions de l’OIT

Section 2 : Les ferments d’originalité : les réglementations régionales

Chapitre 2 : La diversité des systèmes nationaux d’inspection du travail


Section 1 : Les structures des services extérieurs de l’administration du travail

Section 2 : La collaboration technique

Deuxième Partie: missions et moyens d’action


Chapitre 1 : La promotion de l’emploi par la conciliation et l’exercice
d’un pouvoir de décision
Section 1 : Pouvoir de décision dans de nombreux domaines

Section 2 : La conciliation

Chapitre 2 : Le contrôle et ses suites


Section 1 : Le contrôle d’application de la réglementation générale du travail

Section 2 : Les suites du contrôle

Conclusion générale

1
TABLE DES ABRÉVIATIONS

AFDT Association française de droit du travail


AHJUCAF/Juricaf Association des Cours Judiciaires Suprêmes Francophones
Art.cité article cité
Ass. plén Assemblée plénière
BIT Bureau International du travail
BAT Bureau Arabe du Travail
B.O Bulletin officiel
BACS Bulletin des arrêts de la Cour suprême
BESM Bulletin économique et social du Maroc

BICS Bulletin d’information de la Cour suprême

BIT Bureau International du Travail


BS Lefebvre Bulletin social Francis Lefebvre

Bull. Ass. Plén Bulletin de l’Assemblée plénière

Bull. civ Bulletin civil


CA Cour d’appel
C.cass Cour de cassation
C.S Cour suprême
CGEM Confédération Générale des Entreprises du Maroc

Ch.soc Chambre sociale


Chr Chronique
CIT Conférence Internationale du Travail

CPDJ Centre de publication et de documentation judiciaire


CSBP Cahiers sociaux du barreau de Paris
D.O.C Dahir des Obligations et des Contrats

D.S Droit social


DARES Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des
Statistiques
DESA Diplôme d’études supérieures approfondies
Dos.soc Dossier social

2
Dr. ouvrier Droit ouvrier
Gaz. Pal Gazette du palais
GTM La Gazette des Tribunaux du Maroc
HCP Haut commissariat au plan
J.-Cl Jurisclasseur
J.-Cl. Trav Jurisclasseur travail
JCP. E La Semaine juridique édition Entreprises et affaires
JCP. G La Semaine juridique édition générale

JCP. S La Semaine juridique édition sociale


JCS Jurisprudence de la Cour suprême

JORF Journal officiel de la République française

JSL Jurisprudence sociale Lamy


LPA Les petites affiches
Mém.cité Mémoire cité
OAT Organisation Arabe du Travail
OIT Organisation Internationale du Travail
Ouvr.cité Ouvrage cité

RACAR Recueil des Arrêts de la Cour d’Appel de Rabat


Rapp.cité Rapport cité
RDA Revue de droit d’Assas
RJLJM Revue de jurisprudence et de loi
RDR Revue de droit rural
RDT Revue de droit du travail
REMADAE Revue marocaine de droit des affaires et des entreprises
REMALD Revue marocaine d’administration locale et de développement
RFAS Revue Française des Affaires Sociales
Rép. dr. trav Répertoire de Droit du Travail Dalloz
RIDC Revue international de droit comparé
RIT Revue Internationale du Travail
RJPEM Revue Juridique, Politique et Economique du Maroc
RJS Revue de Jurisprudence Sociale
RRJ Revue de la recherche juridique. Droit prospectif

3
RDTE Revue trimestrielle de droit européen

RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

SSL Semaine sociale Lamy


TA Tribunal administratif
TASS Tribunal des affaires de sécurité sociale
Th.citée Thèse citée
TPI Tribunal de première instance
UGTM Union Générale des Travailleurs du Maroc
UMT Union Marocaine du Travail

4
INTRODUCTION

L’évolution de l’inspection du travail a été lente et progressive depuis ses débuts.


Cette évolution est liée à l’état de la législation sociale et de la politique sociale. Sa
conception est passée d’une protection de certaines catégories de travailleurs notamment
enfants et femmes, à une conception de protection sociale générale accompagnée d’une
politique économique C’est ce qui est désigné par « le passage du droit du travail au
droit au travail » (1).

À partir du milieu du XIXème siècle, les conditions de travail de la classe ouvrière


étaient très dures : la durée journalière du travail était longue, les conditions d’hygiène et
de sécurité étaient éprouvantes imposées notamment à des femmes et des enfants même
très jeunes en l’absence de toute protection et de toute législation sociale.

Ces conditions de misère ouvrière avaient été jugées inqualifiables par le Dr Louis-
René Villermé, et avaient été décriées dans une étude publiée en 1840 « Tableau de l’état
physique et moral des ouvriers des manufactures de coton, de laine et de soie » (2), dans
laquelle il révélait pour la première fois, l’état de la condition ouvrière et particulièrement
le travail des enfants (3).

La publication de cette étude était à l’origine du vote de la loi CUNIN- GRIDAINE


du 22 mars 1841 sur le travail des enfants, qui prévoit pour la première fois la création
d’une fonction d’inspection pour en assurer l’exécution. Les articles 10 et 11 de ladite loi
disposent consécutivement : « Les inspecteurs pourront dans chaque établissement, se
faire représenter les registres relatifs à l’exécution de la présente loi, les règlements
intérieurs, les livres des enfants et les enfants eux-mêmes ; ils pourront se faire

1
Frédérique GUICHAUD, L’inspection du travail : histoire, structure, pouvoirs, Th. Paris 2, 1984, p. 4

2
Louis-René VILLERMÉ, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les
manufactures de coton, de laine et de soie, Jules Renouard et Cie, Librairies, Paris 1840.

3
RAMACKERS Paul et VILBOEUF Laurent, l’inspection du travail, 1ère éd. PUF, 1997, Coll. Que sais-
je ?, n° 3195, p. 12.

5
accompagner par un médecin commis par le préfet ». « En cas de contravention, les
inspecteurs dresseront des procès-verbaux qui feront foi jusqu’à preuve contraire » (4).

Ce service d’inspection avait pour mission de réglementer et de surveiller les


conditions de travail et d’emploi d’une catégorie d’enfants travailleurs particulièrement
fragile et assurer l’application de la loi, à savoir l’interdiction de travail de nuit des
enfants, et le respect de l’âge minimum d’admission au travail qui était fixé à huit ans
avec une réglementation de la durée de la journée du travail qui était fixée à huit heures et
douze heures pour les enfants âgés consécutivement de huit à douze ans et de douze à
seize ans (5).

La loi du 22 mars1841, ne s’appliquera que très peu. Elle a connu un échec puisque le
gouvernement qui devait organiser l’institution du contrôle n’a fait que charger des
hommes exerçant cette fonction bénévolement (6) d’une part, d’autre part, les dispositions
de la loi avaient concerné uniquement les ateliers ayant plus de vingt ouvriers et avaient
oublié les petites fabriques, moins organisées, où les enfants s’exposaient le plus au
danger. « Elle avait oublié que la plus grande partie de la jeune population ouvrière est
précisément employée dans ces ateliers modestes qui, par leur peu d’importance,
échappent au contrôle de l’opinion publique, et appellent d’autant plus celui de l’Etat »
(7).

Il faudra attendre la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures
employées dans l’industrie, qui prévoit une limite d’âge pour que l’enfant puisse être
embauché et un début d’organisation de l’inspection du travail. La loi interdit en effet
l'emploi d'enfants de moins de douze ans dans les établissements industriels, sous
certaines conditions. Elle fixe à 12 heures maximum la durée de la journée de travail pour
les enfants plus de douze ans et pour les femmes. Le travail de nuit, celui des jours fériés

4
Frédérique GUICHAUD, L’inspection du travail : histoire, structure, pouvoirs, Th.citée, p. 7.

5
Loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines ou ateliers.
6
Frédérique GUICHAUD, L’inspection du travail : histoire, structure, pouvoirs, Th.citée, p. 7.

7
Ernest NUSSE et Jules PERIN, Commentaire de la Loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des
filles mineurs employés dans l’industrie, suivi des documents législatifs et administratifs relatifs à son
interprétation, PARIS, LGJ, 1878, p. XXVII. Livre consultable sur le site
http://www.archive.org/stream/commentairedela00manugoog#page/n11/mode/1u.

6
et des dimanches, est interdit avant l'âge de seize ans, de vingt et un ans pour les filles
dans les usines et manufactures. Elle prévoit également une scolarisation obligatoire
jusqu’à douze ans (8).

En effet, la loi de 1874 était le succès quant à la création d'un service de


fonctionnaires spécialisés composé de 15 inspecteurs divisionnaires, chargés du contrôle
de l’exécution de cette loi, ayant le droit d'entrer dans les établissements et de constater
les contraventions par procès-verbal (9). À cet effet, des commissions locales devaient,
contrôler les fonctionnaires et réaliser elles-mêmes de l’inspection (10). Mais en l’absence
de sanction, et en raison des moyens insuffisants ainsi que la faiblesse du nombre des
inspecteurs qui dépendaient des commissions locales dans l’exercice de leurs fonctions, la
loi de 1874 s’est montrée insuffisante (11).

La Conférence internationale sur le travail de Berlin du 15 mars 1890 avait prévu


d’instaurer une législation internationale du travail, et un corps des inspecteurs ( 12).
Incontestablement c’est la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles
mineures et des femmes dans les établissements industriels qui avait limité la durée du
travail de ces catégories des travailleurs, tout comme les lois précédentes (13), et qui
marque aussi la création d’un véritable service d’Etat de l’inspection du travail chargé
non seulement de veiller aux droits des « faibles » de l’industrie mais aussi de la sécurité
et de l’hygiène de tous les ouvriers.

La particularité de cette loi était l’indépendance, de ce corps de fonctionnaires, des


notables locaux. L’inspecteur dépendait alors du ministère du commerce et de l’industrie

8
Article 8 de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie. (Bulletin de
l’Assemblée nationale, XII, B. CCIV, n° 3094).
9
Article 18 de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie.
10
Article 20 de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie.

11
William GROSSIN, La création de l’inspection du travail : la condition ouvrière d’après les débats
parlementaires, éd. l’Harmattan, 1992, p. 12.

12
Paul RAMACKERS et Laurent VILBOEUF, « Inspection du travail : organisation », JCL. trav., fasc. 10-
20, n° 1.

13
Les lois de 1841, 1874 et 1892, dans les dispositions relatives aux services d’inspection avaient attribué
uniquement la mission de surveillance de l’application de la loi protégeant certaines catégories de
travailleurs. In Frédérique GUICHAUD, L’inspection du travail : histoire, structure, pouvoirs, Th.citée, p.
7.

7
(14) et était placé uniquement sous l’autorité de l’inspecteur divisionnaire ( 15). Plus
encore, l’inspecteur du travail possédait un droit d’entrée dans tous les établissements
visés par la même loi, se faire présenter le registre, les livrets et les documents
obligatoires ainsi que le pouvoir de dresser des procès-verbaux, qui feront foi jusqu’à
preuve contraire (16). En cas d’obstacle à l’accomplissement des devoirs de l’inspecteur,
la loi avait prévu des sanctions à l’encontre de l’employeur (17).

Mais cette loi avait suscité des débats parlementaires de la part de ses opposants
concernant les interventions des inspecteurs du travail les qualifiants d’ « ingérence et
d’abus de pouvoirs (18). Sur ce point, comme l’avait souligné M. Grossin, « La raison
majeure pour laquelle la loi de 1892 fut tant combattue provient de ce qu’elle prévoit-fait
nouveau- l’intervention effective de l’Etat dans les usines et manufactures. Des
inspecteurs du travail, nommés et rétribués par le ministère de l’industrie jusqu’à
l’échelon départemental, vont être autorisés à pénétrer, sans prévenir, sur les lieux de
travail, propriété privée de l’industriel, pour verbaliser ». C’est surtout, « contre le
contrôle sérieux de la réglementation, contre la présence efficace du pouvoir exécutif
dans les ateliers et les usines » (19) que se sont manifestés les opposants à cette loi.

L’idée de la création de l’inspection du travail en France, avant d’être une décision


internationale, était déjà présente au niveau national. Sa création avait précédé celle du
ministère du travail et la prévoyance sociale qui a vu le jour en 1906 ( 20), date à laquelle
l’inspection du travail y a été attachée (21).

14
Décret du 13 décembre 1892 concernant l’organisation de l’inspection du travail dans l’industrie.
15
Ibid.
16
Article 20 de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie.
17
Article 29 de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie.

18
Paul RAMACKERS et Laurent VILBOEUF, l’inspection du travail, éd. PUF, 1997, p. 16.

19
William GROSSIN, ouvr.cité, p. 12.

20
Crée par le décret du 25 octobre 1906, le ministère du travail et de la prévoyance sociale était doté, par
décret du 20 juillet 1907, de trois directions : la direction du travail, direction de l’assurance et de la
prévoyance sociale et la direction de mutualité.

21
DANZER-KANTOF Boris , LEFEBVRE Véronique , TORRES Félix et LUCAS Michel, Un siècle de
réformes sociales : une histoire du ministère du travail 1906-2006, La Documentation Française, 2006, p.
26.

8
Le fonctionnement interne et l’organisation administrative de l’inspection du travail
n’ont pas connu de modification importante. Jusqu’au début des années quarante, la
situation des inspecteurs du travail, au sein de l’administration, a connu plusieurs
modifications (22) ; les inspecteurs divisionnaires ont été nommés directeurs régionaux du
travail et de la main-d’œuvre (23).

L’inspection du travail a, depuis, connu plusieurs évolutions, suivant ainsi celle de la


législation sociale. La plus marquante est celle de sa réorganisation en 2009, en
fusionnant les inspections du travail de l’agriculture, du travail et des transports au sein
du ministère du travail. Elle est désormais regroupée au sein des Directions régionales des
entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
(DIRECCTE) (24).

S’ensuit alors le projet d’un « ministère fort » qui a débuté en 2013 et qui énonce trois
principaux volets, à savoir : l’organisation de l’inspection du travail en unités de contrôle
constituées de plusieurs sections afin d’améliorer l’efficacité de l’action des inspecteurs
(25), la transformation progressive, par voie d’examen, de postes de contrôleurs en postes
d’inspecteurs et un élargissement des pouvoirs des inspecteurs.

En France, la naissance de la législation sociale a été d’abord dans le but d’améliorer


les conditions du travail et de protéger la santé et la sécurité des travailleurs, le processus
historique était différent au Maroc avant, durant et après le protectorat (26).

Si le machinisme, a été l’élément principal qui a contribué à la naissance d’une


législation sociale en France en réponse aux abus des employeurs et aux revendications
principales des ouvriers, le processus historique n’a pas été le même au Maroc.

22
CHETCUTI Claude, « À propos de la convention 81 », RFAS., n° 4, 1992, p. 15.

23
CHETCUTI Claude, « structure du ministère du travail depuis 1939 », Cahier du CHATEFP., n° 2,
janvier 2000, p. 2.
24
Décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à l’organisation et aux missions des directions
régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
25
Décret n° 2014-359 du 20 mars 2014 relatif à l'organisation du système d'inspection du travail.

26
BOUDAHRAIN Abdellah, Droit social marocain, éd. Sochepress-Université, Casablanca, 1984, p. 17.

9
En effet, avant le protectorat français, le Maroc ne possédait pas une infrastructure
industrielle à laquelle pouvait s’appliquer une législation sociale moderne à l’image de la
France. Néanmoins, en l’absence d’une législation du travail, les rapports du travail
étaient régis uniquement par le droit coutumier.

L’inexistence d’une industrie et, en l’occurrence, d’une classe ouvrière rendait


difficile l’usage de la notion même du droit du travail. À ce propos, M. Khatibi soulignait
qu’« il paraît inutile de nous demander si au Maroc il existe des classes ou non, ou bien
on entend par classes, le type de stratification et de différenciation des sociétés
industrielles, et dans ce cas là on tombe dans le nominalisme du réalisme naïf, on
s’interdisant l’accèsErreur ! Signet non défini. à tout corps de concepts utilisables pour
l’analyse comparative des sociétés ou bien on veut suggérer que le système de la
stratification varie, d’une société à l’autre et dans cet autre cas on pêche par évidence »
(27).

L’exercice des métiers était principalement, dans les villes, appelées des médinas (28),
où existait une concentration des métiers et professions, en particulier le commerce et
l’artisanat qui s’organisaient en corporations. Ces corporations étaient composées,
uniquement, de la même organisation qu’en France, de maître, ouvriers ou compagnon et
apprentis, (29). Mais leur organisation interne et leur évolution, n’étaient pas les mêmes
(30).

Les rapports au sein des corporations marocaines étaient différents de celles en


France. L’accès à la corporation, au Maroc, et en l’occurrence avoir un métier était plus
facile et libre et le passage de l’apprenti au compagnon n’exigeait pas de qualification. À
l’intérieur de la corporation, deux types de rapports existaient : un rapport maître
compagnon et un rapport compagnon apprenti.

27
KHATIBI Abdelkébir, « Etat et classes sociales », Bulletin économique et social du Maroc (BESM),
1971, p. 4.

28
Il s’agit d’un terme arabe qui désigne la ville. Actuellement, il est utilisé pour qualifier les quartiers
traditionnels et anciens par rapport aux quartiers modernes ou récents. Mais à l’époque, seules les médinas
existaient, tout en étant entourées d’une banlieue campagnarde. In BOUDAHRAIN Abdellah, le droit du
travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité. p. 70.

29
Louis MASSIGNON, « Enquête sur les corporations d’artisans et de commerçants au Maroc », Revue du
monde musulman., t. 58, 1924, p. 139.

30
Ibid.

10
S’agissant du maître artisan, il est souvent appelé par « maâlem », il est en même
temps patron et employeur au même degré que le compagnon. Il est soumis aux mêmes
exigences en matière de qualification que les compagnons, et ce, malgré sa contribution
au capital et sa propriété des moyens de production.

Les rapports entre maître et compagnon sont avant tout « des rapports d’exploitation
d’employeur à employé » (31). Exploitation, moyennant un salaire, en argent ou en nature,
ou indemnisation soit à la tâche soit par période de travail même si elle ne rémunère pas
tout le travail fourni.

Néanmoins, ces rapports sont régulés par un cadre familial dans lesquels ils agissent,
et surtout par l’exploitation du Makhzen (ou l’État) et du capital marchand à laquelle est
soumis l’ensemble de la classe des artisans (32).

Pour l’apprenti, qui peut être pratiqué sans limite d’âge même à un très jeune âge, il
est soumis au même type d’exploitation que le compagnon. L’accès à l’apprentissage
exige de lui d’exécuter les ordres et d’accomplir différentes tâches pour le compte du
Maâlem même celles qui n’ont aucune relation avec l’apprentissage. Or, la contradiction
principale entre le Maâlem et l’apprenti se situe au niveau de l’apprentissage, puisque
c’est lui qui décide du temps d’apprentissage, sauf si l’apprenti décide d’interrompre ce
temps et de quitter la corporation (33).

Quant au compagnon, c’est à lui que revient la tâche de qualifier l’apprenti, quoique
qu’ils dépendent tous les deux du maître; une dépendance financière pour le compagnon
et une double dépendance financière et technique pour l’apprenti.

Les corporations marocaines se composent d’un conseil représentatif présidé par des
hommes, les plus puissants du métier (34), il s’agit du « mohtassib » et de « l’amine ».

31
EL AOUANI Ahmed, Introduction à l’étude du droit du travail marocain, Th. Droit, Univ. Paris 1, 1982,
p. 94.

32
TOUBA Keltoum, Réflexions sur le contrat de travail au Maroc, Th. Paris X, 1993, p. 14.
33
GÉRARD Étienne, « apprentissage et scolarisation en milieu artisanal marocain », Cahier de la
recherche sur l’éducation et les savoirs., n° 4, 2005, p. 171. (163-186).
34
TOUBA Keltoum, Réflexions sur le contrat de travail au Maroc, Th.citée, p. 14.

11
C’est l’ « amine » (35), qui est à la tête de chaque corporation. Il s’agit du maître
artisan, choisi par voie d’élection parmi les maîtres qu’ils considèrent le plus apte. Il a un
rôle de « médiateur » entre les membres d’une même corporation en réglant, à l’amiable,
leurs conflits. En cas d’échec de la médiation, l’affaire est portée au « mohtassib » (36) (le
prévôt) qui, suite aux avis et conseils de l’amine, (37) procède à régler les différends. Le
règlement de ces différends portait souvent entre les maîtres d’une corporation. Mais il
pouvait aussi concerner, rarement, les relations entre le maître et l’apprenti.

Même en l’absence d’une législation moderne du travail à cette époque, les


institutions de l’amine et du mohtassib, disposait chacune en ce qui concerne sa
corporation, de fonction d’inspection puisque elles étaient à la fois les conciliateurs à
l’amiable lors des conflits litiges ou contestation au sein des corporations, et contrôleurs.
Ce sont les attributions du Mohtassib qui portaient aussi sur le contrôle, contrôle des
fraudes de marchandises de l’artisanat, des produits agricoles, et des denrées alimentaires,
ainsi que le contrôle du respect des conditions d’hygiène et de salubrité dans les locaux
professionnels, commerciaux et dans les marchés (38).

Le cadre corporatif marocain ne présente aucune similitude avec celui en France pour
plusieurs raisons. M. El Aouani explique que « pour un certain nombre de chercheurs
français, la corporation représentait un moyen d’empêcher la poussée syndicale ; quant
aux juristes marocains qui devaient s’y intéresser, ils ne lui reconnaissent aucune
contribution ni apport minime soit-il au droit syndical actuel et en l’occurrence, au droit
du travail » (39). L’exclusion de la corporation est probablement le prix payé par celle-ci à
défaut de ne pas pouvoir mener le travailleur à une prise de conscience de sa condition de

35
Il s’agit d’un terme arabe signifiant homme de confiance.
36
« Le mohtassib est l’agent qui exerce la hisba, terme arabe qui vient du verbe ihtassaba signifiant l’action
de faire soi-même le compte de ses actions ou de l’action des autres, une institution qui est en rapport direct
avec la conscience ». In, BOUKNANI Salah, « Le Mohtassib et la protection du consommateur », Revue
Franco-Maghrébine de droit, n° 3, 1995, p. 110. Au Maroc, il s’agit d’un homme d’autorité, « agent du
makhzen, assermenté pour les transactions monétaires et commerciales » in, GUESSOUS Chakib,
L’exploitation de l’innocence : le travail des enfants au Maroc, éd. EDDIF, 2002, p. 105.
37
CA de Béni Mellal., arrêt du 26 décembre 1990, Al Ichaa., n° 5/1991, p.134.
38
L’institution du mohtassib et de l’amine existe toujours et a fait l’objet d’une loi n° 02-82, promulguée
par le dahir n° 1-82-70 du 21 juin 1982, B.O n° 3636 du 7 juillet 1982, p. 352.
39
EL AOUANI Ahmed, Introduction à l’étude du droit du travail marocain, Th.citée, p 93.

12
classe d’une part, et de n’avoir contribué à la création de syndicats et de droit social à
l’instar de son homologue française d’autre part (40).

Tout au plus, l’évolution historique de la corporation a connu une rupture suite à la


colonisation française. La situation qu’elle a connue à la veille du protectorat n’a pu
suffisamment mettre en évidence les antagonismes entre maîtres et compagnons et
compagnons et apprentis. En outre, elle était totalement soumise à un double contrôle de
l’Etat par l’Amin et le Mohtassib interposés (41).

Le Maroc est un pays agricole et artisanal et d’une agriculture et d’un artisanat


traditionnels. Avec l’avènement du protectorat, l’installation des français au Maroc et
l’implantation de l’industrie et du commerce, il a fallu un droit nouveau afin de régir les
relations du travail entre les ressortissants français uniquement (42). C’est ainsi que les
premiers textes concernant la réglementation du travail ont vu le jour au Maroc, et de ce
fait l’adoption d’une législation du travail dont les marocains n’ont pu en bénéficier que
tardivement (43).

La présence d’une industrie et d’une économie européenne moderne au Maroc


impliquait nécessairement l’existence d’une législation appropriée. L’exigence d’un droit
européen, face à un droit coutumier était donc destinée à combler cette lacune. En réalité,
les codes et lois introduits au Maroc ont donc formé « un système juridique composite
essentiellement européen et accessoirement marocain » (44)

C’est, probablement, ce qui explique la difficulté de parler de l’influence de la


législation sociale française sur le droit du travail marocain, car elle était un privilège
pour les européens dans la mesure où ils étaient les seuls à en bénéficier et que les
travailleurs marocains ne pouvaient acquérir qu’à long terme.

40
Ibid.
41
TOUBA Keltoum, Réflexions sur le contrat de travail au Maroc, Th.citée, p.24.

42
DALMAU Rolland, Evolution de la législation marocaine du travail : code du travail de 1995, mémoire
de DEA, Perpignan, 2000, p. 4.

43
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 77.

44
SOUHAIR Abdelaziz, La réception du droit français du travail au Maroc, Th. Bordeaux I, 1986, p 14.

13
Plusieurs réformes institutionnelles, politiques et administratives avaient été
introduites avec l’avènement du protectorat français au Maroc (45). La législation du
travail n’a fait son apparition qu’avec la promulgation du code civil, nommé « Code des
obligations et contrats » le 12 août 1913, qui a consacré quelques unes de ses dispositions
au contrat de « louage de services » (46). Le droit du travail n’a fait l’objet d’aucune
codification jusqu’en 2004. Deux dahirs ont apporté la première initiative d’une
législation du travail, il s’agit du dahir de 1926 (47) et du dahir de 1928 qui portaient tous
les deux sur le travail des enfants et des femmes. Mais c’est le dahir de 1926 (48) qui a
crée l’inspection du travail au Maroc qui s’avère essentiel, deux chapitres y sont
consacrés. Le chapitre II concerne les inspecteurs du travail (49), c’est ainsi que dans son
article 44 (50) il est indiqué que le fonctionnaire chargé du bureau du travail et les
inspecteurs sont chargés de veiller à l’exécution du dit dahir.ces agents avaient pour

45
C’est en 1912 que la France a instauré son régime de protectorat sur le Maroc. L’acte de Fès, qui est le
document juridique qui légitime cette mainmise de la France sur le Maroc, stipule dans son article premier
que « le Maroc et la France étaient d’accord pour instituer au Maroc un nouveau régime comportant les
réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières et militaires que le gouvernement
jugerait utile d’introduire sur le terrain marocain ». Sur la notion du protectorat et son évolution, voir
MELIANI Mohamed, L’impact du protectorat sur les institutions pénales marocaines, Th. Bordeaux I,
1982.

46
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, op. cit, p. 72.

47
B.O n° 724 du 7 septembre 1926, p. 1674.

48
B.O n° 724 du 7 septembre 1926, p. 1689. En présence du développement remarquable du commerce et
de l’industrie au Maroc, le gouvernement du protectorat a estimé en 1926 que le moment était venu de
réglementer le travail. À cet effet, le Résident général de l’époque, a promulgué le dahir du 13 juillet 1926
qui est la loi fondamentale de la réglementation du travail. Ce dahir a été modifié, par la suite, par le dahir
du 22 mai 1928. Ce texte inspiré très étroitement du livre II du code français du travail, est relatif aux
conditions du travail (âge d’admission, durée du travail, travail de nuit, repos des femmes en couches et des
femmes allaitant leurs enfants), à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs, à l’inspection du travail. Ce
dahir est applicable aux « … établissements industriels et commerciaux ou leurs dépendances, de quelque
nature qu’ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s’ils ont un caractère d’enseignement
professionnel. Les bureaux, quelle que soit leur nature, sont soumis aux mêmes dispositions ». la portée de
ce texte est donc très générale. Alors qu’en France le titre 1 er du livre II du code du travail n’est pas
applicable en grande partie aux établissements commerciaux, au Maroc, la réglementation du travail
s’applique en totalité aux établissements industriels et commerciaux et aux bureaux de toute nature. Quant
au chapitre II du dit dahir, alors que la loi française interdit aux femmes et aux enfants de faire plus de huit
heures de travail par jours, l’article 5 du dahir de 1926 fixe à 10 heures la durée du travail des femmes et
des enfants de moins de 16 ans.

49
Dans ce dahir, il est fait référence au bureau du travail, en l’absence d’un ministère du travail à cette
époque, il s’agit de l’administration centrale du travail.
50
Ce sont les articles 44 à 55 qui concernent les inspecteurs du travail et les articles 56 à 58 au troisième
chapitre sont consacrés à la protection de corps.

14
missions la surveillance et les enquêtes dans les établissements assujettis ainsi que la
constatation des infractions à la réglementation du travail par des procès-verbaux.
Postérieurement, d’autres textes avaient été adoptés depuis cette date.

Mais le système d’inspection du travail a connu une réforme fondamentale et une


amélioration de son cadre juridique avec la promulgation du dahir du 2 juillet 1947
portant réglementation du travail (51). C’est le texte de référence en la matière, son
importance s’explique par son maintien, avec plusieurs modifications successives, jusqu’à
la promulgation du code du travail de 2004.

Ce dahir avait crée la direction du travail et des questions sociales. Il avait développé
le système de l’inspection du travail par la création de l’inspection du travail à bord des
navires qui, désormais, coexiste avec l’inspection du travail (industrie et commerce),
l’inspection du travail (mines) et l’inspection technique des établissements insalubres
incommodes et dangereux (52).

Finalement, le code du travail marocain a vu le jour et a été promulgué par dahir n° 1-


03-194 du 11 septembre 2003 et publié par l’édition générale (en arabe) du bulletin
officiel n° 5167 du 8 décembre 2003 et, partant, il est entré en vigueur le 18 juin 2004. Ce
même code a abrogé pas moins de trente six textes (53). Il a fait souvent preuve
d’innovation à l’occasion de la reprise de leurs dispositions en opèrant cependant de
manière sélective, excluant, dans des cas, des textes anciens dont la révision est à l’ordre
du jour (54).

À l'occasion de la réforme de la législation marocaine du travail, l'inspection du


travail en tant qu’institution de contrôle de l'application de la législation du travail et de
gestion de relations professionnelles a connu une revalorisation importante, ses
compétences ont été étendues corrélativement avec celles du code du travail dont les
dispositions s’appliquent lorsqu'il y a existence de relations de travail.
51
B.O n° 1825 du 17 octobre 1947, p. 1028.
52
BOUHARROU Ahmed, le système marocain d’inspection du travail, Dar Essalam Rabat, 2006, p. 47.
53
À titre d’exemple le dahir du 27 septembre 1921 relatifs aux bureaux de placement qui avait fait l’objet
d’abrogation par l’article 18 de la loi portant création de l’Agence Nationale de Promotion d’Emploi et des
Compétences (ANAPEC).
54
Il s’agit du dahir de 1963 sur les accidents de travail et les maladies professionnelles dont les principales
dispositions remontent à 1927.

15
Les missions de l'inspection du travail s'exercent de plus en plus dans un contexte
économique marqué par la mondialisation et ses conséquences, les mutations sociales
profondes dont notamment : la reconversion, la délocalisation, le développement de l'off-
shoring, la réduction des effectifs, la précarisation de l'emploi, le recul du syndicalisme et
l'extension du secteur informel.

Devant cette situation, certains acteurs économiques préconisent plutôt la fonction de


conseil, d'information, et d'accompagnement de l'inspection du travail. À l'opposé,
d'autres acteurs privilégient la fonction de contrôle et le renforcement du rôle répressif de
l'inspection du travail en faisant bénéficier de son action de protection de plus en plus de
secteurs d'activité et de travailleurs d'abord, par l'application du droit du travail, ensuite,
par la promotion de la négociation sociale et du dialogue social, ainsi que son intervention
dans le processus de règlement des conflits. La fonction de contrôle ne peut céder le pas
aux autres fonctions et domaines de compétences.

Notre étude portera sur la problématique qui se pose pour l'inspection du travail en
termes de dilemme. Une application trop stricte de la législation sociale menacerait
d'extinction des activités génératrices de richesses et d'emplois. À l'opposé, la non
application des normes de travail créerait une situation de concurrence déloyale à l'égard
du secteur structuré, indépendamment de l'injustice sociale dont sont victimes les salariés
concernés.

Nous supposerons que pour dépasser cette situation, il faudra s'acheminer vers une
application progressive du droit de travail et l'adoption d'une législation sociale adaptée,
réaliste et évolutive. En tout cas, l’objet de notre étude porte sur l’évaluation des missions
de l’inspecteur du travail tant conciliatrice que répressive.

À noter aussi que certaines « dispositions relatives aux pouvoirs et obligations des
inspecteurs du travail s’étendent aux médecins et ingénieurs chargés de l’inspection du
travail chacun dans la limite de sa spécialité » (55). Et que les attributions et les missions
de ce corps technique seront également analysées.

Dès lors, un certain nombre de questions et d'interrogations, mérite des éclairages en


tenant compte à la fois de la nécessité de réaliser la mission du contrôle mais sans se

55
Articles L. 8123-2 et L. 8123-4 du code du travail français et l’article 535 du code du travail marocain.

16
soucier du manque de moyens pour mener à bien leur mission, ni de la réalité et des
contraintes internes et externes que subissent les inspecteurs.

Notre étude sur l’inspection du travail et son rôle dans l’application du droit travail ne
peut cerner la totalité d’un sujet qui implique des recherches approfondies tant dans sa
théorie que dans sa pratique. Dans cette perspective, nous avons essayé d’analyser les
pouvoirs de l’inspecteur du travail dans leur réalité sociale, dans leur réalité juridique.

Notre projet retiendra ce sujet qui n’a pas suscité un grand débat dans le milieu des
juristes marocains et se révèle comme un des plus problématiques en matière sociale.

Dans le cadre de cette étude, nous n’aborderons pas le sujet de l’inspection maritime,
la raison en est qu’un projet de code maritime est en instance depuis un certain temps et
devra réaménager le régime de l’inspection maritime. C’est une étude qui prend appui sur
la réalité de l’institution de l’inspection du travail au Maroc à la lumière droit français. La
comparaison des deux droits permettra ainsi d’éclairer les textes marocains et d’indiquer,
dans le contexte actuel de mondialisation, l’orientation la plus pertinente aux intérêts du
Maroc.

Une première partie sera consacrée aux conceptions internationale et nationale de


l’inspection du travail. Cette étude nous conduira, ensuite, dans une seconde partie aux
missions de l’inspection du travail et ses suites.

17
Première Partie : Les conceptions de l’inspection du travail

La création du système d’inspection du travail doit ses débuts aux pays industrialisés
qui avaient adopté une législation du travail (56). La carence de la loi sociale française du
22 mars 1841 (57) sur le travail des enfants par l’inexistence d’un corps d’inspection du
travail fut d’elle une loi inapplicable. Elle fut remplacée par celle de 1874 (58), créant
ainsi un corps d’inspection du travail. Notons brièvement que cette inspection concernait
d’abord le contrôle du travail des enfants. Le besoin de se doter d’un service national
d’inspection du travail fut nécessaire avant même la naissance des conventions
internationales

Ce besoin fut annoncé par la commission de la législation internationale du travail en


1919 (59), dans le cadre de la conférence de paix et du traité de Versailles. Dans sa partie
XIII, le traité évoque qu’il est d’une importance particulière et urgente que « chaque État
devra organiser un service d’inspection qui comprendra des femmes afin d’assurer
l’application des lois et règlements pour la protection des travailleurs » (60). L’ancien
article 41 de la Constitution originale de l’OIT, remplacé par la déclaration de
Philadelphie, énonçait à son point 9 le principe utile d’une tâche essentielle du service de
l’inspection du travail, dont devait s’inspirer la politique de ses membres, qui était celle
d’assurer l’application de toutes les normes : conventions, lois ou règlements de
protection ouvrière.

56
BAHRAMY Ahmad-Ali, La législation internationale du travail et son influence sur le droit iranien.
Aspects internationaux du problème de développement économique et social, Genève, Librairie Droz, 1963,
p. 188.
57
Loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants employés dans les manufactures usines et ateliers,
Bulletin des lois n° 795.
58
Loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et filles mineures dans l’industrie, Bulletin de l’Assemblée
nationale, XII, B. CCIV, n° 3094.

59
Commission de la législation internationale du travail, réunie pendant la Conférence de la paix de Paris,
février-mars 1919. Cette commission était chargée de rédiger la Constitution de l'OIT, qui fut ensuite
intégrée au Traité de Versailles.

60
Article 427 al. 9, partie III du traité de paix de Versailles (traité de paix signé le 28 juin 1919 entre
l'Allemagne et les Alliés à l'issue de la Première Guerre mondiale).

18
S’il est vrai que toutes les normes internationales (61) en cette matière sont d’une
même importance, ce sont la Convention et la recommandation n° 81 qui constituent « le
noyau central de l’inspection du travail » (62). Cette convention est ratifiée par plusieurs
pays dont ceux en voie de développement et utilisée pour l’instauration des services
nationaux d’inspection.

L’Organisation Internationale du Travail (ci-après OIT), et son secrétariat permanent


le Bureau International du Travail (ci-après BIT), avaient pour objectif l’amélioration des
normes du travail afin d’éliminer l’injustice sociale et d’assurer la protection des
travailleurs (63) et une « paix universelle et durable » qui « ne peut être fondée que sur la
base de la justice sociale » (64). Ces préoccupations humanitaires à la base de la création
de l’OIT avaient longtemps été mises en évidence. Mais il convient de noter cependant
qu’elles s’alliaient étroitement au souci de la concurrence internationale.

Dans les rapports entre le droit national et le droit international du travail, ce dernier
ne représente pas le simple reflet des constructions juridiques nationales, il a été pensé
comme une réglementation juridique que la concurrence internationale entre les
économies nationales rendait nécessaire. L’universalisme est une nécessité économique
avant d’être motivée par des préoccupations de justice sociale.

Le mandat de l’OIT envisagé à l’origine dans un esprit d’égalité universelle


soulignait la nécessité de soustraire à la concurrence internationale la condition du

61
BAHRAMY Ahmad-Ali, La législation internationale du travail et son influence sur le droit iranien.
Aspects internationaux du problème de développement économique et social, ouvr.cité, p. 196. V, aussi les
conventions et recommandations de l’OIT :
 Convention n° 81 concernant l’inspection du travail, 1947,
 Convention n° 129 sur l’inspection du travail (agriculture),
 Recommandation n° 5 concernant l’inspection du travail (service d’hygiène), 1919,
 Recommandation n° 20 concernant l’inspection du travail, 1923,
 Recommandation n° 28 concernant l’inspection du travail (gens de mer), 1926,
 Recommandation n° 31 concernant la prévention des accidents du travail, 1929,
 Recommandation n° 54 concernant l’inspection du travail (bâtiment), 1937 (retirée),
 Recommandation n° 55 concernant la collaboration pour la prévention des accidents (bâtiment),
1937.

62
ARRIGO Gianni, CASALE Giuseppe, FASANI Mario, « L’inspection du travail, la conformité et
questions relatives à SST : quelques réflexions », janvier 2011, l’OIT, p. 5.
63
Philippe EGGER et Jean MAJERES, « Justice sociale et libéralisations : les dilemmes de l’OIT », Tiers
Monde, n° 151, 1997, p. 603.
64
Préambule de la Constitution de l’Organisation Internationale du Travail.

19
travailleur. Cette problématique de la concurrence internationale a été finalement intégrée
dans le préambule de la constitution de l’OIT en ces termes : « Attendu que la non-
adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait
obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des
travailleurs dans leurs propres pays » (65). Mais à la sortie de la seconde guerre
mondiale, cet idéal universaliste affirmé par la Constitution de l’OIT ne pouvait plus être
maintenu dans un monde meurtri par la guerre et où existaient des différences
considérables entre les conditions sociales et économiques des continents, des régions ou
des pays auxquels on voudrait appliquer des normes sociales identiques. Sous peine de
légiférer dans l’abstrait, l’OIT a été fatalement conduite à élaborer des systèmes
juridiques régionaux

Il n’est pas dans notre propos de nous livrer à une étude approfondie de l’histoire du
droit international du travail ; il nous parait plus opportun de retracer les origines de cette
matière pour développer ensuite les conventions concernant l’inspection du travail. Le
système d’inspection du travail faisant l’objet de plusieurs normes élaborées à plusieurs
niveaux, la démarche incite à jeter un regard sur cette matière du droit du travail, dans ses
dimensions, internationale (Chapitre 1), régionale et nationale (Chapitre 2).

65
Constitution de l’OIT, Préambule, 1919. V, également la Déclaration concernant les buts et les objectifs
de l’OIT du 10 mai 1944, dite Déclaration de Philadelphie, affirmant dans son article 1 er que « le travail
n’est pas une marchandise ».

20
Chapitre 1 : La pluralité des sources normatives

Depuis sa création en 1919, l’OIT a adopté un ensemble de normes internationales du


travail issues d’un consensus tripartite, désigné généralement comme « un code
international du travail » (66) et c’est sous cette appellation que le BIT a rendu public le
recueil complet des conventions et recommandations du travail (67). Ce qui caractérise les
normes internationales du travail c’est qu’elles doivent répondre aux conditions
nationales particulières. À cet égard, l’article 19 al. 3 de la constitution de l’OIT rapporte
qu’ « en formant une convention ou une recommandation d’une application générale, la
conférence devra avoir égard aux pays dans lesquels le climat, le développement
incomplet de l’organisation industrielle ou d’autres circonstances particulière rendent
les conditions de l’industrie, essentiellement différentes, et elle aura à suggérer telles
modifications qu’elle considèrerait comme pouvant être nécessaires pour répondre aux
conditions propres à ces pays ».

Depuis sa création, l’OIT a pour vocation d’œuvrer à la résolution collective des


problèmes qui se posent dans chaque pays par rapport aux autres pays membres. Ses
normes expriment la recherche d’universalité et de justice sociale qui sous-tend toute son
activité. Mais cet expansionnisme que les normes de l’OIT contiennent en germe, s’est
toujours heurté à des formes de concurrence y compris en Europe. La construction
européenne par le biais du Conseil de l’Europe, né en 1949, dispose d’une activité
normative importante qui vient brider l’universalisme de l’OIT. Corrélativement, le droit
marocain a tenté de répondre au développement du droit du travail en général, et au

66
Cette appellation peut désigner d’une part l’ensemble d’accords internationaux à savoir les conventions et
recommandations internationales adoptées par l’OIT et, d’autre part, quelques ouvrages de l’OIT
« comportant une présentation avec commentaires de certaines normes du travail », in LA HOVARY
Claire, Les droits fondamentaux au travail, origines, statut et impact en droit international, éd. PUF, Coll.
Publications de l’institut universitaire des Hautes Etudes internationales, Genève, 2009, p. 7. La première
édition de ce code a paru en anglais en 1939. La deuxième édition, intitulée le code international du travail
1951, a paru en anglais en 1952 et en français en 1954. L’édition espagnole parue en 1957, porte sur l’état
du code en 1955. Sa publication fait l’objet de deux volumes importants qui comportent, dans l’ensemble,
près de 3000 pages. Le premier de ces volumes constitue le code proprement dit et le second, les annexes
audit code. Le premier volume contient essentiellement la codification systématique des conventions et des
recommandations qui ont été adoptées par la CIT de 1919 à 1951. Le second volume de la publication est
consacré aux annexes au code international du travail. Ces annexes, au nombre de 13, sont fort
importantes ; elles occupent un livre entier de même volume que le code lui-même.

67
LYON-CAEN Gérard et LYON-CAEN Antoine, Droit social international et européen, 8ème éd. Dalloz,
1993, p. 137 ; VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, 2ème éd. Dalloz, 1983, p. 133.

21
système d’inspection du travail en particulier, en adoptant outre le schéma international
incarné par l’OIT, un autre schéma territorial d’intégration : le régionalisme arabe dans le
cadre de l’Organisation Arabe du Travail (ci-après OAT) (Section 2).

Cette juxtaposition des niveaux de régulation offre l’occasion d’aborder la question


de l’articulation de ces niveaux. La question est donc de savoir quelle est la force du droit
international face à ces organisations régionales aspirant à développer leurs propres
normes dans leur zone d’influence et les conditions nécessaires pour que ce droit
international soit un moyen efficace de favoriser l’universalisation du système
d’inspection du travail (Section 1) grâce à une harmonisation du droit par le haut et non
par le bas.

22
Section 1 : Le soubassement commun : les conventions de l’OIT

Par la création de normes internationales ayant trait à l’inspection du travail, l’OIT va


être au cœur d’un processus de développement normatif dans ce domaine. Il sera d’autant
plus significatif qu’il aura pour conséquence un certain enrichissement du droit parce
qu’il passe par un renforcement de la coopération internationale.

En plus d’avoir un système d’inspection du travail, pour chaque pays membre de


l’OIT, le législateur international a tenu compte de la sauvegarde de la santé et la sécurité.
Pour cela, dans la recommandation n° 5, adoptée le 28 novembre 1919, sur l’inspection
du travail (hygiène et sécurité) (68), la conférence recommandait que « chaque membre de
l’organisation internationale du travail établisse aussitôt que possible- s’il ne l’a déjà
fait- non seulement un système assurant une inspection du travail efficace des usines et
ateliers, mais, en outre, un service public spécialement chargé de sauvegarder la santé et
la sécurité des ouvriers et qui se mettra en rapport avec le Bureau International du
Travail ». Cette priorité pour l’hygiène en matière d’inspection s’explique par le rôle et
les pratiques des inspecteurs du travail de l’époque, qui étaient compétents presque
exclusivement dans l’hygiène du travail (69).

Ces conventions et recommandations portent sur les droits fondamentaux, les


conditions du travail, la protection des travailleurs, la sécurité sociale, l’emploi et la
formation. Elles visent à éliminer les abus en matière de conditions de travail et à prévenir
certains risques professionnels (70).

D’autres recommandations ont été adoptées au sujet de l’inspection du travail. Il


s’agit d’abord de la recommandation n° 20 sur l’inspection du travail (71) qui détermine
les principes généraux destinés à gouverner l’inspection du travail et qui définit l’objet de
l’inspection, décrit ses fonctions, ses pouvoirs et ses règles d’organisation et indique les
rapports qu’elle devrait établir.
68
Recommandation n° 5 sur l’inspection du travail (service d’hygiène) de 1919 a été retirée en 2002, CIT,
90ème session, Rapport VII (1).

69
Ahmed BOUHAROU, Le système marocain de l’inspection du travail pour une unité au-delà de la
diversité, éd. Dar Essalam, Rabat, 2006, pp. 16 et s.

70
BIT, L’inspection du travail : manuel d’éducation ouvrière, Bureau International du Travail, Genève,
2ème édition (révisée), 1999, p. 8.

71
Adoptée par la Conférence le 29 octobre 1923.

23
Ensuite, des recommandations concernant des occupations particulières, comme pour
les gens de mer (72), les bâtiments (73) et les travailleurs indigènes (74) et des dispositions
sur l’inspection du travail ont été insérées dans des textes portant sur des domaines
spécialisés (75). Jusqu’en 1939, les principales normes internationales du travail
concernant l’inspection du travail étaient des recommandations.

La promulgation par l’OIT de ces recommandations, caractérisées par la


spécialisation et la graduation, a permis à l’action normative de se développer sous forme
de conventions internationales. Ainsi, l’année 1947 a été la date à laquelle l’organisation
de l’inspection du travail a été concrétisée par l’adoption de la première Convention n° 81
sur l’inspection du travail (76), convention applicable à l’industrie et au commerce, ainsi
que la recommandation n° 81 qui la complète (77). Reste que cette Convention n° 81
présentait une insuffisance quant à l’inspection du travail dans l’agriculture. Cette
insuffisance fut complétée par la Convention n° 129 (78) et la recommandation n° 133 sur
l’inspection du travail (agriculture).

72
Recommandation n° 28 sur l’inspection du travail (gens de mer), adoptée par la CIT à la 9 ème session le 22
juin 1926, (statut : recommandation remplacée).

73
Recommandation n° 54 sur l’inspection du travail dans l’industrie du bâtiment, adoptée à la 23 ème session
CIT le 23 juin 1937. Cette recommandation a été retirée le 3 juin 2002.

74
Recommandation n° 59 sur l’inspection du travail pour les travailleurs indigènes, adoptée par la CIT à la
25ème session le 27 juin 1939. Cette recommandation a été retirée le 3 juin 2002.

75
Il s’agit notamment de la recommandation n° 30 sur les méthodes de fixation de salaire minima, adoptée
à la 11ème session CIT le 16 juin 1928, et de la recommandation n° 31 sur la prévention des accidents du
travail, adoptée par la CIT à la 12ème session le 21 juin 1929.

76
Convention entrée en vigueur le 7 avril 1950, ratifiée par la France le 16 décembre 1950 et par le Maroc
le 14 mars 1958.
77
Ces deux normes ont été complétées par l’adoption le 22 juin 1995 d’un Protocole qui élargit le champ
d’application des normes aux activités du secteur des services non commerciaux. Ces activités comprennent
l’administration publique, les forces armées, les services de police, les prisons, les services de lutte contre
les incendies et autres services de secours, les services de santé, les postes et télécommunications, les
chemins de fer, les ports et aéroports, ainsi que d’autres services publics comme la distribution de gaz,
d’eau d’électricité, etc. V, CIT, Extension de la Convention n° 81 sur l’inspection du travail,1947, aux
activités du secteur des services non commerciaux, 82ème session, 1995, Rapport VI (I), 1 ère éd. BIT, Genève
1947, n° 20. Il est à signaler que ce protocole n’a été ratifié ni par la France, ni par le Maroc. Par cette
position, la fonction publique en France comme au Maroc échappe à tout contrôle de l’inspection du travail.
78
La Convention internationale du travail n° 129 sur l’inspection du travail en agriculture (1969) reproduit
dans un libellé presque identique les principes et le fondement des pouvoirs, de l’organisation et du
fonctionnement de l’inspection du travail établis par la Convention n° 81. La Convention n° 129 est entrée

24
Avec son ’entrée en vigueur en avril 1950, la Convention n° 81 concernant
l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce crée des obligations, comme toutes
autres conventions internationales, pour les États membres l’ayant ratifiée en imposant
d’avoir un système d’inspection du travail. L’objectif d’un tel système est « d’assurer
l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection
des travailleurs dans l’exercice de leur profession… (79) ».

En vérité, la préexistence des systèmes d’inspection du travail nationaux aux


conventions internationales n’explique pas à elle seule les disparités qui subsistent tant
dans leur organisation que dans la conception qui en est faite. Les pratiques nationales se
sont encore diversifiées après l’adoption de la Convention n° 81 en 1947. Cette question
est à examiner au regard de la dynamique d’élaboration du droit international (§ 1) et
notamment du supranationalisme. Elle mérite d’être prolongée en tentant de préciser la
teneur de ces normes internationales (§ 2).

§ 1. L’élaboration des normes de l’OIT et leur intégration dans les droits


nationaux

L’OIT, organisation internationale créée pour développer un droit international censé


garantir des droits minimums à l’ensemble des travailleurs du monde. Droit qui
transcende les États et qui protègent les travailleurs. Elle a aussi pour objectifs, depuis sa
création, de faire respecter les droits de l’homme au travail, assurer et promouvoir la
justice sociale et améliorer les conditions de travail. À ce jour, elle regroupe 187 États
membres (80) sur les 193 pays membres de l’ONU (81). Pour cette raison, l’OIT dispose
d’un certain nombre d’instruments dont l’effet est significatif eu égard à l’influence qu’ils
exercent sur la législation du travail des pays membres.

en vigueur le 19 janvier 1972, elle a été ratifiée par la France le 28 décembre 1972 et par le Maroc le 11 mai
1979.

79
Article 3-1-a de la Convention n° 81

80
La liste des pays membres de l’OIT mise à jour le 24 novembre 2015 indique le nombre de 187 États
membres. V, http://www.ilo.org/public/english/standards/relm/country.htm. De ce fait, les décisions de
l’OIT ne sont pas opposables à 6 États membres de l’ONU.
81
Liste arrêtée après l’admission comme membre de l’ONU de l’État du Soudan du Sud le 14 juillet 2011.

25
Ses instruments couvrent les conventions internationales du travail, les
recommandations et l’assistance technique (82). L’ensemble des modes d’actions de l’OIT
constitue un facteur essentiel au progrès économique et à la stabilité sociale. Jusqu’à
présent, 189 conventions ont été adoptées entre la première en 1919 sur la durée du travail
dans l’industrie et la 189ème en 2011 concernant les travailleuses et les travailleurs
domestiques (83). Aussi, 204 recommandations ont été rédigées et la dernière en 2015
concerne la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle.

L’adoption de ces normes est basée généralement sur un large consensus international
de principe tripartite (84), fondé sur les discussions et décisions des États membres, des
organisations des travailleurs et des employeurs (85). Par ce consensus, les normes
internationales contribuent à inspirer et influencer les droits nationaux exprimant ainsi un
caractère d’universalité puisqu’elles sont l’aboutissement d’une jonction des plusieurs
positions exprimées par les différentes parties (86).

A) La place d’une approche universelle des normes de l’OIT

Dès l’élaboration de la norme internationale du travail, le choix des sujets échappe en


partie au système étatique, et dès la ratification d’une convention internationale, les États
membres acceptent un certain nombre d’obligations. Ils s’obligent de ce fait à transcrire la
convention dans le droit national, à l’appliquer de manière effective et à en rendre compte
à l’OIT.

82
BARTHÉLEMY Philippe, « Normes sociales internationales et conditions de travail dans les pays en
développement », Région et développement., n° 22, 2005, p. 135.

83
La Convention n° 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques et sa recommandation n° 201
visent la protection des travailleurs domestiques. Elles établissent les principes et droits fondamentaux en
vue de garantir un travail décent pour cette catégorie de travailleurs. Parmi les mesures à observer : le
respect et la protection des droits humains de tous les travailleurs domestiques, le respect des principes et
droits fondamentaux, l’obligation de fixer un âge minimum pour les travailleurs domestiques, l’obligation
d’assurer la sécurité et la santé au travail.

84
SERVAIS Jean-Michel, Droits en synergie sur le travail, éd. Bruylant, Bruxelles, 1997, p. 26.

85
La mise en œuvre du tripartisme face aux États n’était pas chose facile pour les constituants de l’OIT. Les
pays membres voyaient mal la désignation de délégués de leur État échapper de fait à leur liberté de
désignation et surtout à leur autorité une fois désignés. HARLE Sabine, L’OIT : une action internationale
originale en questionnement, Mém. Master 2 « Droit de l’action publique », Perpignan, 2007, p. 27.
86
Ibid.

26
Depuis ses débuts, le système des normes internationales à vocation universelle,
même si les États membres ne ratifient pas toutes les conventions, est soumis à de « rudes
critiques » par nombre d’acteurs économiques (87) qui décrient, non seulement « le
principe des normes au nom de la dérèglementation des marchés » (88), mais encore la
disparité de la société internationale et la différence entre les conditions économiques,
sociales et politiques des divers pays du monde. Le problème n’est sans doute pas récent,
mais il était plus ou moins atténué ou masqué avant la seconde guerre mondiale par le
nombre limité et homogène des États indépendants, une proportion importante des pays
sous-développés ayant alors le statut colonial (89).

L’évolution est aussi, depuis quelques années, le fait par les délégués
gouvernementaux des nouveaux pays industriels d’essayer déjà de réduire la portée
contraignante des propositions en invoquant un problème de préserver leur compétitivité
économique liée généralement au faible coût social de production (90).

1) L’adhésion universelle des États par la ratification des conventions

Certes la disparité n’est pas, en elle-même, un obstacle à l’instauration de normes


universelles mais une difficulté et un élément de complexité réels. À cet égard, la
déclaration de Philadelphie de 1944 (91) affirmait que les principes qu’elle énonçait «
sont pleinement applicables à tous les peuples du monde, et que, si, dans les modalités de
leur application, il doit être dûment tenu compte du degré de développement social et
économique de chaque peuple, leur application progressive aux peuples qui sont encore

87
JAVILLIER Jean-Claude, Les obstacles juridiques à l’application des normes internationales du travail,
Rapport introductif, Institut International d’Etudes Sociales, BIT, Genève, 12 janvier 2007, p. 4. Rapport
consultable sur le site du Centre de Recherche Interuniversitaire sur la Mondialisation et le Travail
(CRIMT), url : http://www.crimt.org/PDFs/JAVILLIER_Obstacles.pdf.

88
BARTHÉLEMY Philippe, « Normes sociales internationales et conditions de travail dans les pays en
développement », art.cité, p. 136.

89
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, ouvr.cité, p. 222.

90
HARLE Sabine, L’OIT : une action internationale originale en questionnement, Mém.cité, p. 29.

91
La Conférence internationale du travail, réunie à Philadelphie en 1944 pour sa 26 ème session, avait adopté
à l’unanimité une déclaration solennelle concernant les buts et objectifs de l’OIT et les principes dont devait
s’inspirer la politique de ses membres. Cette déclaration a été incorporée dans la constitution de l’OIT. LEE
Eddy, « La Déclaration de Philadelphie : rétrospective et prospective », RIT., n° 4, 1994, vol. 133, p. 513.

27
dépendants, aussi bien qu’à ceux qui ont atteint le stade où ils se gouvernent eux-mêmes,
intéresse l’ensemble du monde civilisé ».

Plus encore, le conseil d’administration du BIT avait reconnu que les normes doivent
prendre en considération les conditions économiques et sociales propres à chaque État
membre, et particulièrement ceux des pays en voie de développement. À cet égard, M.
Valticos rapporte que : « rendre [les normes] souples risque de leur faire perdre leur
efficacité et leur influence comme moyens d’assurer le progrès social ou de cesser de
représenter une norme commune » (92). Aussi, le processus d’élaboration et d’adoption
d’une convention comprend ainsi une analyse comparative de la législation et de la
pratique dans les États membres, de la consultation des gouvernements au sein de
l’assemblée générale tripartite de l’Organisation, nommée aussi « Conférence
93
internationale du travail » ( ). L’élaboration de la norme est le fruit de la concertation
entre trois parties dont les États.

Le législateur international se trouve inévitablement confronté à divers problèmes en


raison de la diversité des conditions économiques et sociales et des systèmes juridiques
des pays membres. Les objectifs contradictoires, les tensions entre les intérêts divergents
des employeurs et des travailleurs, et aussi des gouvernements posent divers problèmes
(94). Des choix doivent être faits, résultats de négociations et de concessions réciproques,
de façon à obtenir ce minimum de consensus qui permettra à la norme d’être réellement
observée.

2) Influence du tripartisme sur l’application des normes et son contrôle

Les conventions internationales constituent un instrument juridique créant ainsi des


obligations internationales pour les États qui les ratifient. À cet effet, les États membres
sont alors tenus de fournir des rapports au BIT, à intervalles réguliers, sur la conformité
de leur droit avec ces normes. Conformément à l’article 22 de la constitution de l’OIT,
chaque État membre « s’engage à présenter au BIT un rapport annuel sur les mesures
prises par lui pour mettre à exécution les conventions auxquelles il a adhéré. Ces
92
Voir document GB 199/9/22 (Rev.) du conseil d’administration du BIT, 1976, Annexe, § 14, in
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, ouvr.cité, p. 223.

93
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, ouvr.cité, p. 223.

94
SERVAIS Jean-Michel, Droit international du travail, éd. Larcier, Bruxelles, 2015, p. 55.

28
rapports seront rédigés sous la forme indiquée par le conseil d’administration et devront
contenir les précisions demandées par ce dernier ». Un résumé des informations et
rapports qui auront été communiqués, par les États membres, au directeur général sera
soumis par ce dernier à la Conférence internationale du travail (95).

Ces rapports sont, ensuite, contrôlés et examinés par une commission d’experts, en
l’occurrence la conférence internationale du travail, qui étudie tous les rapports fournis
par les gouvernements. Elle est ensuite amenée à décider des suites à donner.
Parallèlement à ce mécanisme régulier, qui est systématique et concerne tous les États
membres, il existe une autre forme de contrôle existe, différente de la précédente, qui
s’exerce à la suite des plaintes ou réclamations contre des États membres qui n’auraient
pas appliqué une convention ratifiée.

En outre, les États sont alors tenus de fournir des rapports réguliers sur la conformité
de leur droit et de leur pratique avec ces instruments. Une fois la convention ou la
recommandation adoptée, les États membres doivent la soumettre à leurs autorités
compétentes, c’est-à-dire normalement au parlement, « en vue de la transformer en loi ou
de prendre des mesures d’un autre ordre » (96). Mais le caractère hybride (97) de l’OIT
explique l’application de méthodes qui vont bien au-delà des règles traditionnelles du
droit international classique pour s’accommoder du principe du tripartisme qui a
influencé les conditions de la ratification.

La décision de ratifier une norme n’incombe pas au seul pouvoir exécutif seul, malgré
qu’il possède la compétence de ratifier. Elle résulte aussi d’une concertation nationale
entre État et organisations d’employeurs et de salariés du pays. Par contre, comme pour
tout traité, la ratification demeure le privilège du seul État. C’est un acte purement

95
Article 23 de la constitution de l’OIT.

96
Article 19-5-b et 19-6-b de la Constitution de l’OIT. Toutefois, si les États ne sont tenus d’appliquer que
les conventions ratifiées et si les recommandations n’ont jamais cet effet obligatoire d’être appliquées, les
conventions non ratifiées et les recommandations font l’objet de l’obligation, de la part de tous les États
membres de l’OIT, de fournir un rapport à leur sujet, à la demande du Conseil d’administration du BIT, sur
les difficultés de mise en œuvre, etc. Il incombe aux États membres de l’OIT de respecter certaines normes
fondamentales, que contient la constitution de l’OIT, même sans en avoir ratifié les conventions
particulières sur la question. La procédure de plaintes en violation de la liberté syndicale en constitue
l’exemple.

97
LA ROSA Anne‐Marie et DUPLESSIS Isabelle, L’expérience singulière du tripartisme au sein de l’OIT,
Centre international de formation de l’OIT, Turin, 2003, p. 3, (23 p).

29
volontaire et souverain par lequel l’État assume l’engagement formel de mettre en œuvre
les dispositions d’une convention. Cette norme doit donc entrainer ratification, puis
transposition dans le droit national du pays signataire.

Comme la plupart des pays en voie de développement, l’adhésion du Maroc aux


conventions internationales devient importante au point que les préambules de toutes les
constitutions qui se sont succédées depuis 1962 (98) n’ont pas manqué de « proclamer »
que le « Royaume du Maroc, membre actif au sein des organisations internationales,
s’engage à souscrire aux principes, droits et obligations énoncés dans leurs chartes et
conventions respectives » et son attachement « aux droits de l’Homme tels qu’ils sont
universellement reconnus » (99).

Sans en passer sous silence la particularité, le droit français mieux connu, sera
analysé plus rapidement.

B) L’intégration limitée des normes internationales du travail

Pendant la période du protectorat (100), la France a ratifié quatre conventions au nom


du Maroc (101). Lorsque ce dernier a acquis son indépendance, il n’a pas remis en cause
ses responsabilités vis-à-vis des quatre conventions ratifiées précédemment (102). Il a
ensuite entrepris la ratification de plusieurs autres conventions à partir du 13 juin 1956
date à laquelle il devient membre de l’OIT. Et jusqu’à présent, le Maroc a ratifié soixante
deux conventions internationales du travail, dont quarante neuf sont en vigueur, sept sont
fondamentales, quatre prioritaires et douze sont dénoncées (103). D’autre part, plusieurs
conventions n’ont pas été ratifiées par le Maroc dont la Convention n° 87 sur la liberté

98
Constitutions de 1962, 1970, 1972, 1992, 1996 et 2011.
99
Préambule de la Constitution du Maroc du 29 juillet 2011, B.O., n° 5964 bis du 30 juillet 2011, p. 1902.
100
Le Maroc est resté sous protectorat français de 1912 à 1956.
101
La France a ratifié, en vertu du traité du protectorat, quatre conventions de l’OIT : la Convention n° 4 et
41 sur le travail de nuit des femmes de 1919, la Convention n° 13 de 1929 sur la céruse (peinture), la
Convention n° 19 sur l’égalité de traitement (accident du travail) de 1925. SOUHAIR Abdelaziz, La
réception du droit français du travail au Maroc, Th. Bordeaux I, 1986, pp. 178-179.
102
EL AOUANI Ahmed, Introduction à l’étude du droit du travail marocain, Th. Droit, Univ. Paris I,
1982, p. 153.
103
http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:11200:0::NO:11200:P11200_COUNTRY_ID:102993.

30
syndicale et la protection du droit syndical, ainsi que 42 autres conventions techniques
(104). Parmi les conventions non ratifiées ou proposées à la ratification, apparait aussi la
Convention n° 95 sur la protection des salaires et la recommandation n° 85 qui la
complète.

1) L’État et l’approche universelle des conventions de l’OIT

Malgré le nombre de ratification des conventions, la question de l’application des


normes internationales sur le plan interne reste sensible. Une conclusion corroborée par
une étude du professeur Filali Meknassi rappelle que « le droit marocain ne prévoit pas
expressément la suprématie du traité international sur les règles internes, ce qui a
autorisé certaines hésitations des tribunaux » (105). Le professeur Benabdallah s’attachera
à prolonger cette réflexion en égrenant quelques considérations sur la question en
soulignant que : « dans le corps des articles [des constitutions marocaines] il n’est
nullement précisé que les traités contenant ces principes, droits et obligations auront tel
ou tel rang dans l’ordonnancement juridique » (106).

On notera aussi bien que le préambule de la Constitution nationale prévoit, sous


conditions, que « le Maroc … réaffirme ce qui suit et s’y engage : … accorder aux
conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la
constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable,
et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et
harmoniser en conséquence les dispositions de sa législation internationale ».

On trouvera aussi au sein du préambule du Code du travail marocain une analyse


selon laquelle :« la présente législation du travail se caractérise par sa conformité avec
les principes de bases fixés par la constitution et avec les normes internationales telles
que prévues dans les conventions des Nations Unies et de ses organisations spécialisées
en relation avec le domaine du travail », il ajoute : «… les droits protégés et dont
l’exercice, l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, est garanti par la loi

104
Ibid.

105
FILALI MEKNASSI Rachid, « La codification de la législation du travail au Maroc, une étape dans la
modernisation du système des relations professionnelles », Bulletin de Droit Comparé du Travail et de la
Sécurité Sociale., 2004, p. 84.

106
BENABDALLAH Mohammed Amine, « Les traités en droit marocain », REMALD., n° 94, septembre-
octobre 2010, p. 10.

31
comprennent les droits contenus dans les conventions internationales du travail ratifiées
d’une part, et les droits prévus par les conventions principales de l’organisation
internationale du travail, qui comprennent notamment :

- La liberté syndicale et l’adoption effective du droit d’organisation et de


négociation collective ;
- L’interdiction de toutes formes de travail par contrainte ;
- L’élimination effective du travail des enfants ;
- L’interdiction de la discrimination en matière d’emploi et de profession ;
- L’égalité des salaires ».

À la lecture de ces dispositions, le législateur semble donner une priorité aussi bien
aux conventions internationales ratifiées qu’à la déclaration de l’OIT sur les principes et
droits fondamentaux au travail. Pourtant, les exemples qui posent problème sont légions
dans la mesure où la loi est au même degré que la norme internationale. Ensuite, ces
dispositions limitent l’application aux seules conventions internationales ratifiées par le
Maroc. Le cas de la procédure de règlement des conflits du travail individuels ou
collectifs offre un exemple éclairant de cette règle. Le code du travail (107) donne la
priorité, d’abord, aux : « 1. Dispositions de la présente loi, ensuite aux conventions et
chartes internationales ratifiées en la matière ;
2. conventions collectives ;
3. ( ….. ) ».

Pourtant, il est difficile de nier l’influence des normes internationales du travail sur le
droit social marocain (108), ainsi que sur ses structures administratives (109) ou judiciaires.
Sur ce dernier point, quoique les normes internationales, particulièrement, en matière de
relations de travail ne sont que timidement appliquées par les magistrats (110), il est

107
Le préambule du Code du travail marocain.
108
EL AOUANI Ahmed, Introduction à l’étude du droit du travail marocain, Th.citée., p. 157.
109
Ibid.

110
Il est rare de rencontrer une décision faisant référence au droit international pour renforcer une solution
fondée sur le droit national : TPI de Sidi Slimane, Mounir OUHARRO C./ Ismail ALAOUI, 25 mai 2005,
n° 58/2005, consolidation des dispositions du code du travail relatives au licenciement par celles de la
Convention n° 158 de l’OIT. V, http://compendium.itcilo.org/fr/compendium-decisions/tribunal-de-
premiere-instance-de-sidi-slimane-mounir-ouharro-c.-c.-ismail-alaoui-25-mai-2005-nb0-58-2005. En 2010,
la Cour suprême (actuelle Cour de cassation) a eu l’occasion d’illustrer ce principe dans une affaire de

32
possible d’avancer que certaines décisions jurisprudentielles ont contribué à améliorer la
situation des femmes salariées. Cela peut être décelé à travers l’examen de certaines
décisions concernant la clause de célibat et la protection de la maternité (111). Cependant,
et malgré la rareté du recours au droit international du travail par les magistrats, nous
souscrivons totalement aux remarques de M. Filali Meknassi qu’ « Il n’en demeure pas
moins que la référence explicite aux normes internationales du travail et aux droits
fondamentaux les pousse à interpréter les énonciations légales à la lumière du droit
international et, en tous cas, en conformité avec les conventions ratifiées qui couvrent la
quasi-totalité des droits fondamentaux. » (112).

Si la position du législateur marocain peut apparaître ambiguë, cela peut s’expliquer,


d’une certaine manière, par le fait qu’il été balloté ente d’une part, la volonté de faire une
législation moderne qui tienne compte de l’évolution du droit international, et d’autre
part, par la tendance à suivre une doctrine encore souvent marquée par les théories
traditionnelles. Le code du travail postérieur à la ratification de la plupart des conventions
internationales du travail n’a pas su s’adapter à la nécessité d’intégrer leurs dispositions.

En second lieu, les conventions internationales du travail créent des obligations pour
les États membres qui les ratifient. La Constitution de l’OIT oblige ces pays à rendre
effectives les dispositions des conventions ratifiées. On retrouve ici une approche qui
s’apparente à la conception française qui, dans sa Constitution du 4 octobre 1958 ( 113),
adhère à la doctrine moniste du droit international, la convention est introduite dans la loi
nationale du seul fait de la ratification (114). Toutefois, la pratique du droit français

licenciement disciplinaire d’un délégué syndical, en le faisant bénéficier du statut protecteur en vertu de la
Convention internationale n° 135, C.S., Ch. soc., arrêt n° 306 du 8 avril 2010, Dos. soc n° 498/1/5/2009,
Bulletin des arrêts de la Cour suprême spécialisé., n° 7, 2011, p. 59.

111
Le souci de protection de la femme salariée par la jurisprudence se manifeste également par le recours au
droit international du travail. Cette position a été prise par la Cour d’appel de Rabat qui a essayé de protéger
la maternité non seulement en conformité avec les articles 154 et 159 du code du travail mais également en
faisant usage des instruments internationaux du travail à savoir la Convention n° 3 sur la protection de la
maternité de 1919 et la Convention n° 103 sur la protection de la maternité (révisée) en 1952. CA de Rabat,
arrêt n° 323 du 24 juillet 2007 (non publié), in SBIA Rachid, Th.citée, p. 177.

112
FILALI MEKNASSI Rachid, « La codification de la législation du travail au Maroc, une étape dans la
modernisation du système des relations professionnelles », art.cité, p. 85.

113
V, article 55 de la Constitution de 1958.
114
Cass.soc., 29 mars 2006, n° 04-46.499, Bull. civ., V, n° 131 : « sont d’application directe devant les
juridictions nationales les articles 1°, le b) du paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 11 de la Convention

33
consiste à transposer, dans la plupart des cas, les clauses de la convention par la voie
d’une adaptation formelle de la loi interne. La force normative de la norme internationale
lui est conférée par le droit national qui lui sert de relais (115).

2) Les limites de l’influence des normes de l’OIT sur le droit interne

L’élaboration du droit du travail dans les pays en développement, dont le Maroc, reste
marquée par le rôle primordial de l’Organisation internationale du travail. Le Maroc a
adhéré à cette Organisation en juin 1956. En devenant membre, il déclare souscrire aux
principes, droits et obligations émanant de la constitution de l’OIT. De ce fait, les normes
internationales contribuent à l’élaboration du droit travail marocain (116). Cette
collaboration semble toutefois poser des problèmes rendant ainsi difficile l’adaptation des
normes internationales avec la législation nationale.

Après des années de proclamations « vertueuses » (117), et de ratification d’un certain


nombre de conventions internationales, le législateur marocain se vante d’être en
conformité avec le droit international. Or, plusieurs autres conventions non ratifiées par le
Maroc ne sont pas moins négligeables vis-à-vis de leur influence sur la législation interne
du pays (118). Tel est le cas de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale. Convention
qui contient certaines clauses spéciales ou certaines dérogations qui empêchent sa
ratification par des États membres comme le Maroc, en fonction de leurs convictions
politiques économiques ou sociales.

Quoique les normes de l’OIT constituent des exemples d’inspiration que les États
doivent suivre pour l’élaboration de leur législation sociale (119), elles sont établies à

internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de


l’employeur adoptée à Genève et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990 ». Par cet arrêt, la Cour de
cassation admet que les normes de l’OIT, lorsqu’elles sont ratifiées par la France sont d’applicabilité directe
sans qu’il soit besoin d’adopter des règles d’application dès lors que la formulation de la norme
internationale est complète et précise.
115
CHISS Romain, « L’articulation de la norme nationale française avec la norme internationale », JCP.S.,
n° 17-18, mai 2016, 1158.
116
SOUHAIR Abdelaziz, La réception du droit français du travail au Maroc, Th.citée, p.177.
117
On pourrait facilement établir un florilège des déclarations qui en témoignent.
118
EL AOUANI Ahmed, « Introduction à l’étude du droit du travail marocain », Th. citée, p. 155.

119
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, 2ème éd. Dalloz, 1983, p. 123 et s.

34
partir de l’expérience industrielle des pays développés, et pêchent par l’uniformisation de
la réflexion sur les problèmes du travail dans les différents pays membres. Aussi, la
plupart des conventions de l’OIT ont trait à l’industrie et le commerce. La part de
l’agriculture est réduite alors qu’elle occupe la majorité de la population active des pays
en développement. Le secteur informel qui occupe un grand nombre de travailleurs dans
ces mêmes pays, n’est qu’effleuré par les normes internationales (120). Ce constat,
s’explique par les difficultés d’adaptation des normes internationales en tant que modèle
de référence (121) avec la législation interne des pays en développement.

À l’origine, l’une des principales raisons de l’adhésion des pays en développement à


l’Organisation internationale du travail et l’adoption de certaines de ses normes, est la
volonté d’approcher et d’harmoniser leur législations nationales avec les normes
fondamentales de l’OIT. Mais l’influence des normes internationales est encore limitée
est loin de remplacer l’efficacité que détient le processus interne de chaque pays. Les
conditions économiques et sociales propres à chaque pays ainsi que leur niveau de
développement expliquent pourquoi le droit international du travail « ne peut atteindre le
degré de détails et de précision des législations nationales …et ne peut couvrir tous les
aspects » comme l’a bien souligné M. Valticos (122).

Ces constatations révèlent le problème d’adaptation du modèle de référence (123)


transposé dans les législations internes des pays en développement. Des dispositions plus
simples, mieux adaptées aux réalités, faciliteraient la ratification et l’application des
conventions par les États membres. La valeur juridique des normes internationales
découle de l’origine de l’Organisation internationale créée par les États dans un but de
coopération international commun. La politique de l’OIT et les mesures adoptées à
l’égard des pays à économie modeste devraient donc prendre en considération leur degré
de développement et leur besoin de réformes institutionnelles dans le domaine du travail
et de l’emploi. L'intérêt d'une convention est d'amener les forces vives d'un pays à
120
SOUHAIR Abdelaziz, Th.citée, p. 194. L’approche de l’OIT doit être axée sur l’élargissement à toutes
les catégories de travailleurs des norms du travail fondamentales, de la protection sociale.

121
BOUDAHRAIN Abdellah, Le régime international des travailleurs migrants marocains, Th. Paris1,
1978, p. 905 et s.

122
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, ouvr.cité, p.647.

123
BOUDAHRAIN Abdellah, Le régime international des travailleurs migrants marocains, Th. Paris 1,
1978, p. 905.

35
s'accorder sur les valeurs reconnues par la communauté nationale et internationale et de
fixer les grandes orientations.

Enfin, si les avis divergent sur les résultats obtenus et l’opportunité des moyens mis
en œuvre par l’OIT, tous reconnaissent quelques résultats positifs. D’abord que la
condition des travailleurs serait pire sans l’OIT. Ensuite que l’OIT a une capacité
novatrice qui a fait et qui peut faire avancer le droit international du travail.

§ 2. Le contenu des normes de l’OIT : le statut de l’inspecteur du travail

Consciente que ses normes resteraient sans écho s’il n’existait pas dans chaque pays
une inspection efficace aux attributions larges couvrant tous les domaines du droit du
travail, l’OIT s’est penchée sur la question très tôt en adoptant les Conventions n° 81 et
129 constituant un cadre indispensable et universel pour le statut et le fonctionnement de
l’inspection du travail (124). Certes, le contenu effectif de ces normes internationales du
travail n’est, parfois, pas bien connu même dans les pays membres ayant ratifié ces
instruments (125). Mais cela ne saurait servir à empêcher d’établir des analogies et à
étendre, par cet effet, leur influence d’autant que, dans cette matière il n’est pas de
meilleur point de vue que le niveau global ou international.

Les législations nationales ont construit et adopté des systèmes d’inspection du travail
(126) et l’institutionnalisation de cette matière du droit du travail a été alors relayée par

124
RICE Annie, Boîte à outils à l’intention des inspecteurs du travail : un modèle de politique d’inspection
du travail – un manuel de formation et de pratiques – un code de déontologie, éd. BIT, Dakar : BIT, 2010,
p. 26. D’autres conventions peuvent contenir des dispositions sur l’inspection du travail, telle la Convention
n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, adoptée à la 67 ème session CIT, le 22 juin 1981 ; la
Convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, adoptée à la 95 ème
session CIT, le 15 juin 2006 ; ou la Convention n° 178 sur l’inspection du travail (gens de mer), adoptée à
la 84ème session CIT, le 22 octobre 1996 et révisée par la Convention sur le travail maritime (MLC, 2006),
adoptée à la 94ème session CIT, le 23 février 2006 et entrée en vigueur le 20 août 2013.
125
WISSKIRCHEN Alfred, « Le système normatif de l’OIT : pratique et questions juridiques », RIT., n° 3,
2005, vol. 144, p. 267.
126
L’expression « système d’inspection » est d’usage, à maintes reprises, dans les Conventions n° 81 et 129
relatives à l’inspection du travail, les recommandations qui y sont relatives, notamment n° 81 et 133
concernant l’inspection du travail respectivement dans l’industrie et le commerce et dans l’agriculture, ainsi
que dans certaines recommandations et conventions dont la Convention n° 32 relative à la protection des
dockers contre les accidents. Elle concerne la protection des travailleurs occupés au chargement et au
déchargement des bateaux contre les accidents (révisée en 1932 et entrée en vigueur le 30 octobre 1934.
Cette convention a été révisée par la Convention n° 152 et à la suite de l’entrée en vigueur de cette dernière,
la Convention n° 32 n’est plus ouverte à la ratification.

36
l’activité normative de l’OIT (127). Dans l’idéal, chaque État présente un système
d’inspection qui peut être différent de celui des autres États. Mais, au-delà des
spécificités, tous les systèmes ont une mission fondamentale en commun qui détermine
les grandes fonctions de l’inspection, à savoir, la protection des travailleurs dans
l’exercice de leur profession. L’OIT a internationalisé l’inspection du travail plus que
jamais. Cela appelle, malgré l’existence d’un modèle national initial, à réfléchir sur son
rôle et à bien comprendre son fonctionnement dans le cadre des conventions
internationales.

A) Le cadre général : Les missions de l’inspection du travail

L’inspection du travail est fermement ancrée dans les normes internationales du


travail. Les Conventions n° 81 et 129 de l’OIT concernant l’inspection du travail dans
l’industrie et le commerce et dans l’agriculture se situent parmi les conventions qui
réunissent un nombre important de ratifications dont celles du Maroc et de la France. La
Convention n° 81 impose aux États qui la ratifient de disposer d’un corps de contrôle
dans les établissements industriels et commerciaux. Toutefois, l’application de cette
convention aux établissements commerciaux se fait sur une base facultative (128). Les
entreprises minières et de transport ou des parties de telles entreprises peuvent également
être exemptées de l’application de cette convention par la législation nationale (129).

De la lecture des Conventions n° 81 et 129, ainsi que des recommandations n° 81 et


133 correspondantes, plusieurs catégories de missions ressortent, comportant ainsi des
missions principales et des missions secondaires.

127
GRAVEL Éric et DELPECH Quentin, « Notes, débats et communiqués. Contrôle des normes
internationales du travail et complémentarité des systèmes nationaux et internationaux : récentes
évolutions », RIT., n° 4, 2008, vol. 147, p. 440.
128
La France et le Maroc ont accepté les deux parties de la Convention. Sur les 145 pays ayant ratifié cette
convention, 16 seulement ont exclu la deuxième partie relative aux établissements commerciaux. Il s’agit
de : Antigua-et-Barbuda, Australie, Barbade, Cameroun, Colombie, Grenade, Guyana, Inde, Jamaïque,
Malte, Nigéria, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Royaume-Uni, Sierra-Léone et Tanzanie.
http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/, consulté le 20 mai 2016.
129
Articles 1, 2 §2, 22 et 25 de la Convention n° 81.

37
1) Les missions principales

En vertu des articles 3 de la Convention n° 81 (130) et 6 de la Convention 129 (131), le


rôle principal de l’inspection du travail est d’assurer l’application des dispositions légales
(132) relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice
de leur profession. Ces deux domaines regroupent la sécurité, la santé, l’hygiène et la
sécurité des travailleurs, et les conditions de travail.

a) La protection des travailleurs

Par le terme « protection des travailleurs », on entend la protection de la santé, de


l’hygiène et de la sécurité des travailleurs, ainsi que la prévention des maladies
professionnelles et les accidents du travail. C’est un domaine commun à l’ensemble des
États. Il s’agit de «…maintenir le plus haut degré de bien être physique, mental et social
des travailleurs dans toutes les professions ; prévenir de tout dommage causé à la santé
de ceux-ci par leurs conditions de travail ; les protéger dans leur emploi contre les
risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé ; placer et maintenir
le travailleur dans un emploi convenant à ses capacités physiologiques et
psychologiques » (133). En ce sens, l’Organisation internationale prescrit ainsi, par le

130
L’article 3, §1, a de la Convention n° 81 de l’OIT précise que « Le système d’Inspection du Travail sera
chargé … d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la
protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée
du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents
et à d’autres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer
l’application de ces dispositions ». Cet article délimite le champ d’application des systèmes d’inspection du
travail mais laisse une marge importante d’appréciations aux pays pour déterminer l’étendue du champ de
compétences de leur propre système d’inspection. Les États disposent de la possibilité de donner une
interprétation plus ou moins extensive du terme de « matières connexes ». COSTE Carine, Les systèmes
d’inspection du travail au sein de l’Union européenne, Mém. DEA, Bordeaux IV, 2003-2004, p. 35.

131
Article 6 de la convention n° 129 de l’OIT : « le système d’inspection du travail dans l’agriculture sera
chargé d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection
des travailleurs dans l’exercice de leur profession … »

132
Une explication du terme « dispositions légales » peut être fournie par l’article 27 de la Convention n°
81. En effet, ce terme comprend, outre la législation, les sentences arbitrales et les contrats collectifs ayant
force de loi et dont les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application.

133
Définition adoptée par le Comité mixte OIT/OMS, in MAGER STELLMAN Jeanne, Encyclopédie de
sécurité et de santé au travail, 3ème édition française, traduction de la 4ème édition anglaise, Genève, BIT,
2000, vol. 1, p. 16.21.

38
système d’inspection du travail, qu’il convient de prendre des précautions nécessaires afin
de protéger les travailleurs contre la pénibilité et le risque au travail.

L’objectif assigné à l’inspection du travail est, en effet, d’obtenir l’application de la


réglementation assurant la protection des travailleurs. Elle est donc tenue de favoriser une
garantie de sécurité et de bien être au sein de l’entreprise. (134).

b) Les conditions de travail

Les conditions de travail, selon la Convention n° 81 de l’OIT, regroupent le temps de


travail et son aménagement, le repos hebdomadaire, les congés et les fêtes légales, le
salaire et les conditions de la rémunération, l’âge minimum d’admission au travail des
enfants, ainsi que les travaux interdits aux femmes et aux jeunes travailleurs et sont
considérées comme le deuxième champ d’intervention dévolu à l’inspection du travail.
Ces conditions sont stipulées dans l’article 3-1-a de la Convention n° 81 et sont reprises
par la Convention n° 129, article 6-1-a qui ajoute toutefois une indication expresse au
repos hebdomadaire, au congé, ainsi qu’à l’emploi des femmes.

Ces dispositions concernent la plupart des systèmes d’inspection du travail avec une
particularité qui se renforce de plus en plus en matière de respect de l’égalité et de la
diversité sur le lieu de travail (135). Une priorité marquée aux domaines de l’hygiène, du
bien être, de la santé et de la sécurité au travail apparait toutefois. La notion de santé au
travail qui avait remplacé celle d’ « hygiène » reste souvent associée à celle de sécurité au
travail (136); et si l’on tente alors de définir la « santé », il s’agit selon le préambule de la
Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (137), de l’ « état de complet
bien-être physique, mental et social » et ne consiste pas seulement en une « absence de
maladie ou d’infirmité ». Il est certain, d’ailleurs, qu’il ne s’agit pas seulement de la santé

134
LAFOUGERE Michel, « L’inspection du travail dans un monde en mutation ». RFAS., n° 4, 1992, p.
43.

135
CIT, 95ème session, 2006, rapport III (partie 1B) sur l’inspection du travail, p. 19.

136
Ibid.

137
La Constitution a été adoptée par la Conférence internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin
au 22 juillet 1946, et est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements sont entrés en vigueur le 3
février 1977, le 20 janvier 1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement; ils sont
incorporés au présent texte. V, site de l’OMS, url: http://apps.who.int/gb/bd/PDF/bd47/FR/constitution-
fr.pdf.

39
physique des salariés, mais également de la santé mentale. Le développement des
connaissances scientifiques et psychologiques a mis en lumière l’influence des conditions
de travail, surtout les nouvelles formes d’organisation du travail, sur la santé physique et
mentale des travailleurs, entraînant parfois des conséquences significatives sur la
productivité des entreprises.

L’énumération des éléments faisant partie des conditions de travail n’est pas
exhaustive, elle vient à titre indicatif. Ce caractère non limitatif permet d’englober
certains aspects de la protection du travail non mentionnés (138) expressément dans les
conventions n° 81 et 129.

Les normes internationales font de l’inspection du travail l’instrument nécessaire et


indispensable de l’application de la législation du travail et la protection des travailleurs.
Elles lui confèrent en outre un rôle signifiant dans la conception et l’amélioration de
celle-ci. L’inspection du travail est ainsi chargée « d'assurer l'application des dispositions
légales… » (139). Ces dispositions comprennent selon la Convention n° 81, outre la
législation (les lois et les règlements), les sentences arbitrales et les contrats collectifs
ayant force de loi, dont les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application.

Les dispositions légales auxquelles se référent les inspecteurs du travail pourraient


apparaître comme une restriction à leur action, dans la mesure où ceux-ci ne peuvent
imposer toute amélioration des conditions de travail qui leur paraîtrait souhaitable. Sur ce
plan, l’inspection du travail est chargée aussi « de porter à l’attention de l’autorité
compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les
dispositions légales existantes » (140). Autant dire que cette autre disposition fait de
l’inspecteur du travail l’agent du « progrès social » (141) en lui permettant d’intervenir
pour la protection des travailleurs. Cette fonction se justifie par le fait que l’inspecteur du

138
C’est le cas par exemple des dispositions en matière de protection des représentants des salariés contre le
licenciement qui sont soumises au contrôle de l’inspection du travail. En France, articles L. 2411-1 à L.
2422-4, R. 2411-1 à R. 2422-1 du Code du travail. Au Maroc, articles 457 à 459 du Code du travail.

139
Article 3-1-a de la Convention n° 81.

140
Article 3 al. 3 de la Convention n° 81.

40
travail, « seul fonctionnaire en contact avec le milieu de travail» (142), est le mieux placé
et renseigné pour connaître les insuffisances de la législation sociale » (143).

2) Des missions secondaires

La mission principale doit néanmoins rester le contrôle de l’application des


dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs
dans l’exercice de leur mission. La 95ème session de la Conférence internationale du
travail avait déclaré que « la fonction principale des inspecteurs du travail consiste à
veiller à la protection des travailleurs » (144). Et que « si d’autres fonctions sont confiées
aux inspecteurs du travail, celles-ci ne doivent pas faire obstacle à l’exercice de leurs
fonctions principales ni porter préjudice d’une manière quelconque à l’autorité et à
l’impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les
travailleurs » (145).

En plus des missions principales, l’inspecteur du travail exerce certaines fonctions


même si elles ne lui sont pas confiées. Il s’agit, à titre d’exemple, de la conciliation.
Quoiqu’il n’est nullement fait mention d’un rôle de conciliation dans la convention n° 81
(146), elle est expressément insérée dans les droits internes (147). Néanmoins, la
recommandation n° 81, englobe un ensemble de suggestions sur « la mission

141
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, ouvr.cité, p.11.

142
Le milieu de travail comprend d’abord en ce domaine une mission préventive des accidents du travail et
des maladies professionnelles notamment la notification des accidents du travail et des maladies
professionnelles (Convention n° 81, article 14; Convention n° 129, article 19 al. 1 er) et la tenue d’enquêtes
sur ces accidents et maladies (Convention n° 129, article 19 al. 2). Il comprend également le contrôle
préalable des nouveaux établissements, installations, substances et procédés (Convention n° 129, article 17 ;
Recommandation n° 81, 1ère partie ; Recommandation n° 133, article 11).

143
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, ouvr.cité, p.11.

144
CIT, 95ème session, 2006, rapport III (partie 1B) sur l’inspection du travail, p. 27, n° 78.

145
Article 3 al. 2 de la Convention n° 81.

146
Philippe AUVERGNON, « L’intervention médiatrice de l’administration du travail dans les conflits
collectifs », Dr. ouvr., décembre 2003, p. 504.

147
Article L. 2522-1 du Code du travail français et articles 41 concernant la conciliation dans les conflits
individuels et 550 et suivants concernant la conciliation dans les conflits collectifs du Code du travail
marocain.

41
préventive » (148) des inspecteurs en ce qui concerne les différends du travail (149). Elle
écarte clairement la conciliation du champ d’exercice des inspecteurs. À cet effet, l’article
8 de ladite recommandation dispose que « les fonctions des inspecteurs du travail ne
devraient pas comprendre la fonction d’agir en qualité de conciliateurs ou d’arbitres »
(150).

Et pour tenir compte des conditions particulières que comporte l’agriculture, la


recommandation n° 133 admet que « Lorsqu'il n'existe pas, dans le secteur agricole,
d'organes spéciaux chargés de la conciliation, les inspecteurs du travail dans
l'agriculture pourraient être appelés, à titre transitoire, à assumer ces fonctions » (151).

B) Pratique de l’inspection du travail : les moyens d’action

À l’origine, la mission essentielle de l’inspection du travail consistait en l’application


des dispositions légales en matière sociale. Cependant, vu la complexité croissante des
problèmes, l’inspection du travail s’est vue conférée d’autres missions telles que celles
exercées dans le cadre des règlements des conflits notamment par la conciliation et
l’arbitrage. Le contrôle qui est sa fonction classique, est conçu largement par le
législateur.

Afin de donner aux inspecteurs du travail les moyens nécessaires pour leur permettre
d’exercer convenablement leur mission, les Convention n° 81 et 129 prévoient que
certains pouvoirs leur soient attribués. En l’occurrence, des pouvoirs de contrôle et
d’injonction assortis d’obligations à leur charge.

1) Les pouvoirs de contrôle et d’injonction

Il s’agit d’une mission primordiale qui se compose, selon les normes internationales,
de trois fonctions. La première fonction concerne le contrôle sur les lieux de travail de

148
Sur ce point, voir les articles 1 à 3 de la recommandation n° 81.

149
Dans ce sens, l’article 3 al. 1er de la recommandation n° 133 sur l’inspection du travail (agriculture)
prévoit que : « les fonctions des inspecteurs du travail dans l’agriculture ne devraient normalement pas
comprendre la fonction d’agir en qualité de conciliateurs ou d’arbitres dans les différends du travail ».

150
Article 8 de la recommandation n° 81 de 1947, annexée à la Convention n° 81 de l’OIT.

151
Recommandation n° 133, article 3 al. 2 et 3.

42
l’application de la législation. Ce contrôle permet à l’inspection de remplir sa
fonction prioritaire; faire appliquer les dispositions légales se basant, avant tout, sur les
visites dans les établissements assujettis à ce dernier. Le droit d’entrée des inspecteurs
dans les locaux de travail, a été prévu par la Convention n° 81 (152), et s’exerce à tout
moment. Afin de pouvoir accomplir leurs missions, les inspecteurs du travail, munis de
pièces justificatives de leurs fonctions, sont autorisés à pénétrer librement, sans
avertissement préalable.

La seconde fonction consiste à fournir des informations et des conseils aux


employeurs et aux travailleurs « sur les moyens les plus efficaces d’observer les
dispositions légales » (153). Cette fonction, est fortement liée à celle du contrôle, qui
consiste à assurer l’application effective de la législation (154).

À cet effet, elle peut avoir plusieurs aspects. Au cours de ses visites, l’inspecteur du
travail est appelé à donner des conseils et informations sur les dispositions à prendre en
vue d’assurer la sécurité sur le lieu du travail, qui peuvent prendre la forme de demandes
d’avis écrits ou verbaux. Cette fonction « consultative » (155) est suivie par une action
« éducative » (156). Mais Le problème d’exercer l’ensemble des fonctions dont
l’inspecteur à la charge selon chaque droit national, se pose pour plusieurs pays en
développement en raison du manque ou d’absence de moyens ce qui constitue un
problème majeur à une couverture satisfaisante des besoins (157).

152
Article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT.

153
Article 3-1-b de la Convention n° 81 et article. 6-2-b de la Convention n° 129.

154
Article 3-1-a de la Convention n° 81.
155
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, ouvr.cité, p. 42.

156
Expression citée dans la recommandation n° 133 concernant l’inspection du travail dans l’agriculture,
article 14 : « les membres devraient entreprendre ou promouvoir une action éducative suivie…».
Notamment l’article 7 de la recommandation n° 81 et l’article 14 de la recommandation n° 129 qui
soulignent à titre indicatif les méthodes à utiliser : « Des mesures appropriées devraient être prises pour
que les employeurs et les travailleurs soient instruits de la législation du travail et des questions d’hygiène
et de sécurité et puissent recevoir des conseils à ce sujet, notamment par les moyens ci-après :(…),
particulièrement des conférences, cours, expositions … ».

157
CIT, 95ème session, Genève, 2006, Rapport III (Partie 1 B) sur l’inspection du travail, p. 24.

43
Une troisième fonction enfin, « porter à l’attention de l’autorité compétente les
déficiences et les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions
légales existantes » (158). Cette disposition se justifie par le fait que l’inspecteur du travail,
en contact direct avec le milieu de travail, est particulièrement à même de connaitre les
insuffisances de la législation sociale et d’alerter les autorités concernées. C’est ainsi
qu’en cas de problèmes ou de carences qui font que la législation ne garantit pas la
protection de certaines catégories de travailleurs (159) ou contre certaines pratiques ou
certains dangers (160), les inspecteurs devraient être en mesure, de soumettre à l’autorité
compétente « des propositions sur l’amélioration de la législation » (161). Bien que cette
fonction d’information correspond à une part significative de l’activité des inspections du
travail, son rôle est souvent minimisé même par la Convention n° 81, qui semble la
reléguer au rang d’une fonction secondaire.

a) Le contrôle au cœur des missions de l’inspection du travail

Dans le cadre de leur pouvoir de contrôle, les inspecteurs du travail disposent d’un
droit de libre entrée dans les lieux du travail et d’un droit de libre contrôle. C’est en vertu
de l’article 12 de la Convention n° 81 et de l’article 16 de la Convention n° 129, qu’ils
sont autorisés à effectuer des visites de manière inopinée et à tout moment, sur les
établissements soumis à leur contrôle (162). Cette faculté de pénétrer librement et à tout
moment, doit être appliquée à bon escient (163) et à toute heure raisonnable. En revanche,
le droit d’entrée peut être limité soit vis-à-vis de l’heure à laquelle il peut s’exercer, soit

158
Article 3-1-c de la Convention n° 81.

159
Travailleurs migrants, saisonniers ou temporaires, etc.
160
Pratiques ou dangers qui peuvent être éventuellement causés par des nouvelles techniques ou tout
simplement les accidents qui peuvent survenir suite à la manipulation de produits chimiques, surtout dans le
secteur de l’agriculture.

161
Article 6-1-c de la Convention n° 129.

162
L’article 12 de la Convention n° 81 précise que : « … pénétrer librement sans avertissement préalable à
toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement assujetti au contrôle de l’inspection… ».

163
C’est pour cette raison que la Recommandation n° 133 précise, dans son article 9, que les contrôles de
nuit ne portent que sur les questions qui ne peuvent utilement faire l’objet d’une vérification de jour.

44
lorsque le domicile peut constituer un lieu de travail comme c’est le cas dans l’agriculture
où les locaux de travail et les locaux d’habitation peuvent se confondre (164).

À ce propos, la Convention n° 129 a prévu une restriction au pouvoir d’entrée des


inspecteurs qui doivent « obtenir l’accord de l’exploitant ou avoir une autorisation
spéciale délivrée par l’autorité compétente » (165). Et une fois sur les lieux de
l’exploitation, les inspecteurs auront le droit de procéder à tous contrôles, examens,
communications des livres, de registres et des documents et le droit de prélever des
échantillons aux fins d’analyse (166).

Les inspecteurs sont dotés des outils juridiques nécessaires à l’accomplissement de la


fonction de contrôle. C’est ainsi qu’en cas de danger menaçant la santé ou la sécurité des
travailleurs, ils ont le droit d’ordonner ou de faire ordonner des modifications, soit dans
un certain délai, soit immédiatement en cas de danger grave et imminent pour la santé et
la sécurité des travailleurs. Mais si cette procédure n’est pas compatible avec la pratique
administrative et judiciaire de l’ tat membre, les agents d’inspection ont le droit de saisir
l’autorité compétente afin qu’elle formule des injonctions ou fasse prendre des mesures
immédiatement exécutoires (167). Toutefois, lorsque l’inspecteur constate une situation
dangereuse dans l’entreprise résultant de la violation d’une disposition légale en matière
de sécurité et d’hygiène, il doit suivre les procédures réservées à de telles situations.

b) La collaboration

Dans la plupart des cas, l’inspection du travail, dans le cadre de ses fonctions, est
amenée à coopérer avec d’autres services au niveau interne ou externe. Cette coopération
est prescrite par la législation internationale (168). Aux termes de ces dispositions,
l’inspection du travail est appelée à coopérer, d’une part, avec l’autorité compétente, et
d’autre part, avec les autres services gouvernementaux et les institutions publiques ou

164
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, 1ère édition révisée, Genève, BIT, 1986, p.35.
165
Article 16-2 de la Convention n° 129.

166
Articles 12-1 de la Convention n° 81 et 16-1 de la Convention n° 129.

167
Articles 13 de la Convention n° 81 et 18 de la Convention n° 129 de l’OIT.

168
Articles 5 de la Convention n° 81 et 12 de la Convention n° 129 de l’OIT.

45
privées exerçant des activités similaires. L’inspection du travail est confrontée à une
évolution technologique, rapide et complexe, qui lui impose une adaptation régulière et
une collaboration avec d’autres organismes et institutions à la recherche d’une efficacité
plus grande.

Cette collaboration peut être élargie avec des organismes publics, que ce soit dans le
domaine de la médecine du travail ou avec l’inspection sociale (169) ou s’étendre à
d’autres services externes compte tenu des missions conférées aux inspecteurs du travail.
L’inspection du travail peut aussi chercher la collaboration d’autres autorités telles que la
justice (170) ou les forces de police dans des situations périlleuses ou des opérations
criminelles (171). Lors de la 71ème session de la Conférence internationale du travail, la
commission avait signalé l’importance d’une collaboration d’un aspect nouveau, il
s’agissait de la collaboration de l’inspection avec des institutions chargées de
l’environnement (172).

Outre cette collaboration avec les institutions publiques, l’article 5 de la Convention


n° 81, ainsi que l’article 13 de la Convention n° 129, regroupent les employeurs et les
travailleurs. Une prescription, dans ce sens, est édictée par l’article 5 de la Convention n°
81 qui insiste sur l’importance de la coopération entre les services de l’inspection du
travail et les employeurs et les travailleurs ou leurs organisations respectives. La
recommandation n° 81 et la recommandation n° 133 ajoutent des indications sur les
modalités possibles de cette collaboration qui devrait être facilitée par l’organisation de
conférences, de commissions mixtes ou d’autres organismes analogues. Elle peut associer
les agents chargés de l’inspection du travail, les directions des établissements et les
représentants des travailleurs, délégués du personnel, comité d’entreprise, comité
d’hygiène et de sécurité (173). Ce dernier comité chargé des questions de sécurité et de

169
En vue de rassembler et de comparer les données et de mettre au point des actions ciblées.
170
La CEACR avait indiqué en 2008 qu’une collaboration entre les services de l’inspection du travail et le
système judiciaire est essentielle pour l’efficacité de l’inspection du travail elle-même. CEACR,
Observation générale concernant la Convention n° 81, 2008.
171
Il peut s’agir, par exemple, de la traite des êtres humains, du travail forcé ou du travail des enfants.

172
Il s’agit de la 71ème session de la CIT, 1985, l’inspection du travail, chapitre III, Organisation des
services d’inspection du travail et personnel de l’inspection, n° 135.

173
La Recommandation n° 81, article 6 : « La collaboration entre les fonctionnaires des services
d'inspection et les organisations d'employeurs et de travailleurs devrait être facilitée par l'organisation de
conférences, de commissions mixtes ou d'autres organismes analogues, au sein desquels des représentants

46
santé au travail dans certaines entreprises (174), a un pouvoir autonome, notamment en
matière de risques professionnels. Cependant, dans les pays en développement, une
situation paradoxale peut être constatée. Les moyens et le fonctionnement de cette
instance accuse des retards remarquables en l’absence de textes d’application des
dispositions légales adoptées à cette fin ou plus simplement l’insuffisance des moyens de
contrôle.

2) Les obligations des inspecteurs du travail

En contrepartie des pouvoirs qui leur sont attribués, les inspecteurs sont tenus par
certaines obligations nécessaires afin de mener à bien leurs missions : il s’agit de la
discrétion et de l’impartialité. La Convention n° 81 de l’OIT (175) prévoit que les
inspecteurs « n’auront pas le droit d’avoir un intérêt quelconque, direct ou indirect, dans
les entreprises placées sous leur contrôle ». Tout conflit d’intérêt, entendu comme la
situation où l’inspecteur du travail pourrait être soupçonné de faire prévaloir ses intérêts
où ceux des siens sur ceux en cause, doit naturellement être rigoureusement proscrit. Il
peut, par exemple, être aussi interdit à l’agent de l’inspection de contrôler un
établissement dans lequel il a déjà été salarié.

Au cours de leurs activités de contrôle, les inspecteurs sont amenés à accéder à des
informations dont l’entreprise peut avoir intérêt à conserver confidentielles. L’intérêt de
l’entreprise suppose de mettre à l’abri de la curiosité des concurrents un certain nombre
d’informations importantes en raison de leur valeur économique. Ainsi, ils sont tenus à

des services d'inspection du travail pourraient discuter avec les représentants des organisations
d'employeurs et de travailleurs des questions concernant l'application de la législation du travail ainsi que
la santé et la sécurité des travailleurs». Notamment, la Recommandation n° 133, article 10 : « le recours,
dans l’agriculture, à des comités d’hygiène et de sécurité comprenant des représentants d’employeurs et de
travailleurs pourrait être l’une des formes de collaboration entre les fonctionnaires du service de
l’inspection du travail dans l’agriculture et les employeurs et les travailleurs, ou leurs organisations, s’il en
existe ». En ce sens, la première Recommandation consacre sa partie II à la description des formes et des
méthodes de collaboration, quant à la seconde, elle préconise le recours, dans l’agriculture, à des comités
d’hygiène et de sécurité comprenant des représentants d’employeurs et de travailleurs comme l’une des
formes de cette collaboration.

174
En France, c’est Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les
établissements occupant au moins 50 salariés, il a pour mission de contribuer à la protection de la santé et
de la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Au Maroc, ces comités ne
sont institués obligatoirement que dans les entreprises industrielles, commerciales, artisanales ainsi que
dans les exploitations agricoles et forestières qui occupent au moins 50 salariés, (article 336 du Code du
travail).

175
Article 15-a de la Convention n° 81 et article 20-a de la Convention n° 129 de l’OIT.

47
une obligation générale de discrétion et de secret professionnel pendant et après la durée
de leur emploi, ils doivent prêter serment de ne pas révéler les secrets de fabrication et les
procédés d’exploitation dont ils pourraient prendre connaissance lors de l’exercice de
leurs fonctions (176).

L’obligation de discrétion accompagne constamment l’action d’inspection du travail.


Elle relève de dispositions particulières à l’inspection du travail, quoique le statut général
de la fonction publique puisse également contenir des dispositions similaires (177).

Cette obligation de discrétion concerne les informations, faits ou documents dont


l’agent a pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Pratiquement,
l’information peut être révélée au cours d’une visite d’entreprise, d’une enquête
ponctuelle, dans le cadre de demandes d’autorisation de licenciements de représentants du
personnel ou même à l’occasion d’une permanence d’accueil et de renseignements du
public (178). Elle trouve à s’appliquer à l’intérieur du service, mais surtout à l’extérieur
dans les relations avec la presse, les élus locaux, la justice, les organisations syndicales ou
les salariés (179).

De cette obligation de discrétion professionnelle qui pèse sur les agents de


l’inspection du travail, peut naître une difficulté relative à l’appréciation du caractère vital
ou confidentiel de l’information en cause. En particulier, la discrétion recherchée

176
L’article 15-b de la Convention n° 81 et l’article 20-b de la Convention n° 129 prévoient que « les
inspecteurs du travail seront tenus, sous peine de sanctions pénales ou de mesures disciplinaires
appropriées, de ne point révéler, même après avoir quitté le service, les secrets de fabrication ou de
commerce ou les procédés d’exploitation dont ils peuvent avoir eu connaissance dans l’exercice de leurs
fonctions ».

177
En France, l’obligation de désintéressement est affirmée par l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet
1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : leur est interdit « La prise, par eux-mêmes ou par
personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle ils
appartiennent ou en relation avec cette dernière, d’intérêts de nature à compromettre leur indépendance ».
Au Maroc, le dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique,(BO., n°
2372 du 11 avril 1958, p. 631 à 636 ), prévoit dans son article 16 qu’ « il est interdit à tout fonctionnaire,
quelle que soit sa position, d’avoir, par lui-même ou par personne interposée et sous quelque dénomination
que ce soit, des intérêts de nature à compromettre son indépendance dans une entreprise soumise au
contrôle de l’administration ou services dont il fait partie ou en relation avec son administration ou
service ».

178
RAMACKERS Paul et VILLBOEUF Laurent, L’inspection du travail, 1ère éd. PUF, 1997, Coll. Que
sais-je ?, n° 3195, p. 73.
179
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, 2ème éd. Liaisons, 2013, p. 349.

48
n’apparait pas comme un droit ou à l’inverse une obligation aussi absolue. Si elle est
souvent voulue par les parties, elle ne semble pas pouvoir s’imposer complètement. Elle
va devoir cependant être combinée avec le devoir d’information du public. Les contours
de l’obligation de discrétion ne sont pas déterminés avec précision, mais ils peuvent être
tracés par les limites du devoir d’information (180).

Outre ces obligations générales applicables à tous les inspecteurs du travail, il en


existe une autre plus forte, l’obligation de confidentialité, notion plus exigeante que la
discrétion (181). Elle s’étend aux sources des plaintes. Elle est consacrée au niveau
international par les Convention n° 81 et n° 129 (182) qui imposent aux inspecteurs du
travail de « traiter comme absolument confidentielle la source de toute plainte leur
signalant un défaut dans l'installation ou une infraction aux dispositions légales et
devront s'abstenir de révéler à l'employeur ou à son représentant qu'il a été procédé à
une visite d'inspection comme suite à une plainte ». Il s’agit d’une obligation
fondamentale dont le respect est indispensable pour rendre le travail des inspecteurs plus
efficace.

Cette obligation de confidentialité de la plainte porte sur sa source. Elle exige non
seulement de ne pas faire état du nom du plaignant éventuel ou de tout élément
permettant son identification, mais aussi de l’existence même de la plainte ou de son
contenu (183). Elle a une importance pratique pour les salariés amenés à révéler à
l’inspecteur du travail des cas d’inobservation de la législation par leur employeur et à
solliciter son intervention. Sa raison d’être est d’éviter qu’un salarié puisse être victime de
mesures de rétorsion de la part de son employeur qui apprendrait que le contrôle de
l’inspection du travail a été déclenché à la suite de sa plainte (184).

180
Ibid, p. 348.
181
Stricto sensu, il est possible d'opérer des distinctions sémantiques parmi les notions de « discrétion » et
de « confidentialité ». ainsi, La « discrétion » renvoie étymologiquement au discernement qui se définit
comme le « fait de taire ou [la] qualité de celui qui tait des informations confidentielles », la
« confidentialité » est le caractère de ce qui est communiqué à quelqu’un « sous le sceau du secret », en
confiance, croyance en la bonne foi, loyauté, sincérité et fidélité d’autrui. CORNU Gérard, Vocabulaire
juridique, 11ème éd. PUF, 2016. En pratique, ces notions sont néanmoins fréquemment confondues.
182
Article 15-c de la Convention n° 81 de l’OIT et l’article 20-c de la Convention n° 129.
183
CHETCUTI Claude, « À propos de la convention 81 », RFAS., n° 4, octobre-décembre 1992, p. 10.
184
GRÉGOIRE Frédéric, « Administration du travail », J.-Cl. Trav., Fasc. 10-10, 1er septembre 2015, n° 88.

49
Lorsqu’il est saisi d’une plainte par un salarié, l’inspecteur du travail n’a pas à en
faire état, mais doit effectuer un contrôle ordinaire de l’entreprise en usant des moyens
que lui confère la loi. Il doit également s’abstenir de se focaliser sur la situation
personnelle du salarié plaignant afin que son intervention n’apparaisse pas motivée par
une plainte (185).

Dans la pratique néanmoins, la recherche de certaines infractions en droit du travail


rend difficile le respect de l’obligation de confidentialité des plaintes, car la conduite et la
conclusion d’enquête s’intéressant à la situation individuelle de salariés (186) s’avèrent
difficilement compatibles avec ce principe (187). D’ailleurs, une atténuation à ce principe
général de confidentialité est cependant prévue par l’article 15 de la Convention n° 81 qui
envisage des exceptions à la règle de confidentialité édictées par la loi interne en précisant
que « sous réserve des exceptions que la législation nationale pourrait prévoir… ». Cette
réserve est à rapprocher des droits internes qui peuvent imposer une certaine collaboration
avec d’autres services (188).

185
RAMACKERS Paul et VILLBOEUF Laurent, L’inspection du travail, ouvr.cité, p. 74.
186
C’est le cas, par exemple, des enquêtes menées par l’inspection du travail dans des domaines où entendre
des victimes ou des témoins nommément désignés est primordial. Il peut s’agir d’enquête en matière de
harcèlement ou de discrimination ou autres.
187
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p. 356.
188
Pour évoquer rapidement une illustration de cette atténuation, il convient de rappeler qu’en droit
français, par exemple, l’article L. 8271-2 du code du travail prévoit qu’en matière de lutte contre le travail
illégal les agents de l’inspection peuvent transmettre aux autres agents habilités à lutter contre cette forme
de travail tous renseignements et documents nécessaires à cette mission.

50
Section 2 : Les ferments d’originalité : les réglementations régionales

La consolidation du droit du travail dans le sillage du droit international est portée


aussi par les efforts d’autres mouvements qui l’appuient dans la même direction,
notamment le droit régional. La régionalisation (189 est devenue une caractéristique de
l’activité normative internationale (190), et de manière générale de l’élaboration de droit
international. Cette émergence du régionalisme fait superposer deux niveaux de règles
parfois pratiquement identiques. Le niveau global ou universel incarné par l’OIT et le
niveau régional incarné par l’OAT (§ 1) concernant le Maroc et par le droit
communautaire (§ 2) concernant la France.

Les particularités régionales des États arabes ont été prises en compte au sein de
l’OIT puisque, parmi les cinq bureaux régionaux, elle en a installé un spécifique aux pays
arabes à Beyrouth au Liban. À cet égard, la création du Bureau Arabe du Travail (ci-après
BAT) devrait permettre, en collaboration avec le BIT, une plus grande activité dans la
recherche objective des moyens pour appliquer les normes internationales du travail et
trouver des solutions pour les problèmes qui entravent l’essor de la législation sociale
dans le monde arabe.

§ 1. L’Organisation Arabe du Travail : une dynamique contrastée et


contrariée

Outre les normes internationales du travail, les normes de l’Organisation arabe du


travail constituent une source régionale de la législation marocaine du travail. Ces normes
sont élaborées et adoptées par cette organisation, institution spécialisée de la ligue arabe
dont le fonctionnement et les structures sont semblables à ceux de l’OIT.

189
Une organisation internationale à vocation régionale serait une organisation constituée d’un nombre
limité d’États, regroupés selon des affinités objectives, notamment géopolitiques, ou subjectives. V, DIEZ
DE VELASCO VALLEJO Manuel, Les organisations internationales, Paris, Economica, 1999, pp. 17-18.
190
GOLSONG Héribert, « Le développement du droit international régional », in Régionalisme et
universalisme dans le droit international contemporain, Colloque de la Société Française pour le Droit
International (SFDI), Paris, Pedone, 1977, p. 233

51
Si cette organisation est le seul organe de la ligue arabe à caractère tripartite tente,
« sans trop de succès » (191), de maintenir le caractère régional dans ses conventions et
recommandations, sa structure ressemble à celle de l’OIT dans sa composition, de ses
différents organes délibérants à savoir la Conférence générale, le Conseil d’administration
et le Bureau arabe du travail. Ainsi, les normes de l’OAT représentent 19 conventions et 9
recommandations adoptées irrégulièrement (192).

Les conditions sociales, le niveau de développement économique différent d’un pays


arabe à l’autre ainsi que les divergences politiques entre les États membres constituent
autant de facteurs qui ont aggravé la crise de l’OAT. Ainsi, par l’adhésion de la plupart
des pays arabes à l’Organisation internationale du travail, et du fait du niveau supérieur
de ses normes par rapport à l’OAT, cette dernière est discréditée par la majorité de ses
membres (193).

A) Une régionalisation encouragée par l’OIT

Dès ses débuts, l’OAT est composée de plusieurs organismes et instituts annexes
répartis dans plusieurs pays arabes ayant pour but l’évolution et l’unification de la
législation arabe du travail et le renforcement de la promotion des prestations sociales et
des recherches syndicales (194).

1) L’OAT et ses émanations, organes, compétences, interventions

Cette organisation de la Ligue arabe spécialisée dans les affaires de la main d’œuvre
et du domaine du travail, créée en 1965 (195), regroupe actuellement 22 États arabes (196),

191
BOUDAHRAIN Abdellah, Le régime international des travailleurs migrants marocains, Th.citée, p.
905.

192
Tableau des ratifications des Conventions arabes du travail au 1 er avril 2015, « Conventions et
recommandations arabes du travail », V, site de l’OAT : http://alolabor.org/agreements.

193
BOUDAHRAIN Abdellah, ouvr.cité, 2005, t. 1, p. 158.

194
HADHRI Mohieddine, « L’OIT et le Monde arabe (1985-2008) : un demi-siècle de coopération et de
coordination en rapport avec le monde du travail », in LESPINET-MORET Isabelle et VIET Vincent (dir.),
L’Organisation internationale du travail : Origine-Développement-Avenir, éd. Presses Universitaires de
Rennes, 2011, p. 194.

195
La première Conférence des ministres du travail arabes du travail et des affaires sociales est organisée à
Bagdad en 1965. Elle a abouti à l’adoption de « la charte arabe du travail » dont l’objectif est de constituer
l’OAT, d’unifier les conditions du travail, d’améliorer le niveau de vie des travailleurs et de réaliser la
justice sociale dans les pays arabes. Ce n’est qu’en 1970 qu’est annoncée la création effective de l’OAT.

52
est composée à l’instar l’OIT de trois organes : la Conférence générale (197), le Conseil
d’Administration (198) et le Bureau Arabe du Travail (199). Son fonctionnement est
identique à celui de l’OIT. L’OAT a crée d’autres organes dans différents pays arabes
afin de renforcer ses objectifs, il s’agit de l’établissement arabe du travail au Maroc,
l’institut arabe des études ouvrières et de la recherche de travail en Algérie, l’institut
arabe de la formation professionnelle et la formation de moniteur en Libye, l’institut
arabe de la sécurité sociale au Soudan, et l’institut arabe de l’hygiène et de la sécurité
professionnelle en Syrie (200).

L’influence des normes de l’OIT sur la législation sociale de l’OAT a été concrétisée
par la conclusion d’un accord de coopération, en 1958, entre l’OIT et la Ligue Arabe,
accord qui établit les principales règles de cette collaboration tel que l’échange

HADHRI Mohieddine, « L’OIT et le Monde arabe (1985-2008) : Un demi-siècle de coopération et de


coordination en rapport avec le monde du travail », art.cité, p. 194.

196
Ces pays sont : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, la Mauritanie, le Liban, le Djibouti,
les Comores, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, la Palestine, la Jordanie, l’Irak, le Koweït, la
Syrie, le Yémen, le Soudan, le Bahreïn, le Qatar, le Sultanat d’Oman et la Somalie.

197
Il s’agit de la plus haute autorité de l’organisation, composée de représentants des États membres, qui se
réunit une fois par an au mois de mars, soit au siège de l’OAT en Égypte soit dans un des pays arabes
membres par une décision de la Conférence. Elle peut aussi se réunir en session extraordinaire à la demande
d’un ou plusieurs pays membres, sur décision du conseil d’administration avec l’approbation des deux tiers
de ses membres. La délégation de chaque État est composée de quatre représentants : deux représentants
gouvernementaux, un représentant travailleur et un représentant employeur. C’est la Conférence arabe du
travail qui se prononce sur les grandes lignes de la politique sociale des pays arabe, elle élabore et adopte
les conventions et recommandations. V, http://alolabor.org.

198
Le Conseil d’administration composé, de représentants de l’ensemble des pays membres, qui procèdent à
son renouvellement tous les deux ans par la Conférence arabe du travail. Il s’agit de : huit membres
permanents : quatre membres gouvernementaux, deux membres représentant les employeurs et de deux
membres représentants les travailleurs et de trois membres suppléants, représentant le gouvernement, les
travailleurs et les employeurs et participant aux réunions du conseil en tant qu’observateurs. Le Conseil a
pour mission le suivi d’exécution des décisions et recommandations de l’OAT, du suivi de son organisation
et de son budget, le suivi des réunions des experts, ainsi que d’autres missions telle que d’établir l’ordre du
jour de la Conférence arabe du travail en collaboration avec le bureau arabe du travail (BAT). Le Conseil
d’administration tient deux sessions ordinaires par an, une fois au cours du mois de mai et une seconde au
mois de novembre. Il peut tenir une session extraordinaire à la demande des deux tiers de ses membres.
http://alolabor.org.

199
Il constitue le secrétariat permanent de l’OAT basé, selon la constitution, au siège, au Caire. Présidé par
le directeur général, élu tous les cinq ans par le congrès général, et assisté par un directeur adjoint et un
conseiller. Le BAT a pour fonction de rassembler et de transmettre les informations relatives aux problèmes
concernant le monde du travail dans les pays arabes. In HADHRI Mohieddine, « L’OIT et le Monde arabe
(1985-2008) : Un demi-siècle de coopération et de coordination en rapport avec le monde du travail »,
art.cité, p. 195.

200
ALI Rasheed, Le droit social irakien à la lumière des normes internationales du travail, Th. Lille 2,
1998, p. 35.

53
d’information, l’assistance des représentants de la ligue arabe dans les conventions
internationales (201). Chaque année, le programme de l’OAT comporte une série de
réunions (202) réparties dans les diverses capitales arabes avec la collaboration de
plusieurs délégations du monde du travail et des syndicats.

D’abord, la section des affaires sociales de la Ligue Arabe a procédé à la traduction et


la publication en langue arabe des Conventions internationales du travail ainsi que les
recommandations de l’OIT. Ensuite, c’est le Bureau Arabe du Travail (BAT) qui a
poursuivi cette action de traduction de toute norme nouvelle adoptée par l’OIT, et il le
reste toujours.

Les normes de l’OIT ont été déterminantes à l’unification de la législation sociale


dans les pays arabes. Lors de l’élaboration de la Convention arabe sur les normes du
travail en 1966 révisée en 1976 (203), ses articles 11 et 15 sur la formation
professionnelle des travailleurs sont inspirées des dispositions de la recommandation n°
117 de l’OIT de 1962 sur la même matière. Également, les articles 16 à 19, relatifs à
l’emploi et au placement des travailleurs arabes des Conventions arabes n° 1 de 1966 et
n° 6 (révisée) de 1976 sur les normes du travail, s’inspirent de la Convention de l’OIT n°
88 sur le service de l’emploi (1948). De surcroit, les dispositions des articles 20 à 33 sur
le contrat de travail sont influencées par les dispositions des Conventions de l’OIT n° 64
(204) et 86 sur le contrat de travail (travailleurs indigènes) (205). L’influence de l’OIT
s’exerce également sur la Convention n° 3 de 1971 relative à la norme minimum des
assurances sociales qui s’inspire de la Convention de l’OIT n° 102 concernant la sécurité
sociale (norme minimum) de 1952. Elle s’aperçoit de même sur les autres Conventions

201
KAMEL Mahmoud, L’Arabisme : fondement socio-politique des relations internationales panarabes, Le
Caire, L’Organisation égyptienne du livre, 1977, p. 241.

202
Il s’agit des Conférences annuelles de l’Organisation. Jusqu’en avril 2016, quarante trois (43) sessions
de Conférences arabes du travail (CAT) ont été organisées. La 43 ème session a eu lieu au Caire du 10 au 17
avril 2016. http://alolabor.org.

203
MOULAY RCHID Abderrazak, Les droits de l’enfant dans les conventions internationales et les
solutions retenues dans les pays arabo-musulmans, Recueil des Cours (Collected Courses), Académie de
Droit International de La Haye, vol. 268, 1997, p. 104.

204
Adoptée en 1939, (mise à l’écart : dont l’application n’est plus contrôlée de façon régulière).

205
Adoptée en 1947, (mise à l’écart).

54
arabes relatives au déplacement de la main d’œuvre (1967) ou (1975 révisée) qui
s’inspirent de la Convention n° 97 sur les travailleurs migrants (révisée) de 1949 (206).

2) La nécessité d’un contrôle efficace : l’inspection du travail

Il a fallu attendre 1998 pour que l’OAT adopte deux normes spécifiques au domaine
de l’inspection du travail, suivant ainsi l’OIT dans la nécessité d’un organe de contrôle. Il
s’agit de la Convention n° 19 et la recommandation n° 8. En cette matière, deux
Conventions arabes concernant les normes du travail n° 1 et 6 prévoient également des
dispositions relatives à l’inspection du travail (207). Il faut préciser que ces normes
reproduisent les principales dispositions de la Convention n° 81 de l’OIT sur l’inspection
du travail de 1947.

Cependant, et contrairement aux conventions n° 81 et n° 129 de l’OIT qui


s’appliquent respectivement dans l’industrie, le commerce ainsi qu’en agriculture, les
normes arabes, s’appliquent à toutes les activités économiques sans aucune précision,
qu’elles soient industrielles, commerciales ou agricoles. Exception faite dans l’article
premier de la Convention arabe n° 19 qui permet à ses États membres, en cas de
nécessité, d’exclure, certaines branches d’activités ou certaines catégories de travailleurs.
Il est un autre article (n° 22) plus pratique de la même Convention arabe qui a apporté un
point nouveau par rapport aux normes internationales selon lequel l’inspecteur du travail
a le pouvoir de contrôler l’application des Conventions arabes et internationales ratifiées
par son pays.

206
Il existe actuellement 19 Conventions arabes en matière sociale :(1) Convention arabe sur les normes du
travail de 1966 ; (2) Convention arabe sur le déplacement de la main d’œuvre de 1967 ; (3) Convention
arabe sur la norme minimum des assurances sociales de 1971 ; (4) Convention arabe sur le déplacement de
la main d’œuvre (révisée) de 1975 ; (5) Convention arabe sur la femme salariée de 1976 ; (6) Convention
arabe sur les normes du travail (révisée) de 1976 ; (7) Convention arabe sur l’hygiène et la sécurité du
travail de 1977 ; (8) Convention arabe sur les libertés et droits syndicaux de 1977 ; (9) Convention arabe
sur l’orientation et l’apprentissage professionnel de 1977 ; (10) Convention arabe sur le congé-éducation
payé de 1979 ; (11) Convention arabe sur la négociation collective de 1979 ; (12) Convention arabe sur les
travailleurs agricoles de 1980 ; (13) Convention arabe sur le milieu du travail de 1981 ; (14) Convention
arabe sur le droit des travailleurs arabes aux assurances sociales lors du déplacement pour travailler dans un
pays arabe de 1981 ; (15) Convention arabe sur l’identification et la protection des salaires de 1983 ; (16) la
convention arabe sur les services sociaux des travailleurs de 1983 ; (17) Convention arabe sur la
réadaptation et l’emploi des personnes handicapées de 1993 ; (18) Convention arabe sur le travail des
enfants de 1996 ; (19) Convention arabe sur l’inspection du travail de 1998.

207
Il s’agit des articles 96 à 98 de la Convention arabe n° 1 de 1966 et les articles 96 à 100 de la Convention
n° 6 de 1976. D’autres dispositions concernant l’inspection du travail sont également prévues par la
Convention arabe n° 7 sur l’hygiène et la sécurité du travail (article 12) et la Convention n° 12 sur les
travailleurs agricoles (article 26).

55
D’autres exemples peuvent être fournis en faveur de l’influence des normes
internationales de l’OIT sur les normes arabes du travail. Mais, au-delà de cette influence
qui « traduit le caractère universel des normes de l’OIT » (208), les institutions régionales,
en l’occurrence l’OAT, ne reflètent pas, à travers les normes qu’elles élaborent, la
spécificité de la région et les problèmes sociaux propres à la population active de la
région en question. Elles servent de bouclier à l’OIT et à ses normes. Au demeurant,
plusieurs États membres de l’OAT n’ont pas trouvé de motivation les poussant à ratifier
la Convention n° 19 en raison de leur engagement par des dispositions normatives
internationales traitant la même matière.

Sur les 19 Conventions arabes du travail, certaines peuvent paraitre, au regard de


leurs objets, redondantes avec celles de l’OIT et ceci d’autant plus que les États arabes
ont également adhéré aux conventions internationales sur la même matière. À ce titre, il
ne serait pas inutile d’attirer l’attention sur le fait que la Convention n° 19 et la
recommandation n° 8 se sont évertuées à entrer dans des détails partiels que les
dispositions normatives sont censées évitées, internationales soient-elles ou arabes (209).
En effet, la tentation est grande pour l’OIT de canaliser tout courant régionaliste en la
matière dans l’espoir de l’orienter vers la réalisation de son idéal universaliste (210).

Bien qu’il soit membre de l’OAT, le Maroc n’a ratifié, au total, que six Conventions
arabes. Les premières ratifications concernent quatre conventions uniquement. Il s’agit
d’abord des conventions relatives aux normes du travail n° 1 de 1966 ratifiée en 1969, au
déplacement des travailleurs arabes n° 2 de 1967 ratifiée en 1995, à la négociation
collective n° 11 de 1979 ratifiée en 1992 et au droit du travailleur aux assurances sociales
en cas de migration dans un autre pays arabe n°14 de 1981 ratifiée en 1992. Ensuite, ce
n’est qu’en 2013 que le Maroc a ratifié deux autres Conventions de l’OAT, à savoir la

208
VALTICOS Nicolas, « Normes internationales du travail et droits de l’homme. Où en est-on à
l’approche de l’an 2000 ? », Revue Internationale du Travail, vol. 137, n° 2/1998, p. 157.

209
ILYASS Youssef, L’inspection du travail dans les pays arabes entre les crises du présent et les défis de
l’avenir, Publications du Centre Arabe pour l’Administration du Travail et de l’Emploi, Tunis, 2011, p. 50,
(en arabe).

210
SOUHAIR Abdelaziz, Th.citée, p. 189, note 1.

56
Convention n° 18 de 1996 relative au travail des enfants et la Convention n° 19 de 1998
portant sur l’inspection du travail (211)

L’Organisation arabe n’est devenue opérationnelle qu’en 1972. Néanmoins, le Maroc


ne s’est intéressé à cette organisation qu’à la période allant de 1980 à 1990 durant
laquelle un marocain était à la tête du Bureau Arabe du travail (212). Mais cette limite,
voire absence d’influence des normes arabes du travail sur la législation marocaine, est
marquante puisqu’au sein du code du travail il ne leur est nullement fait référence en tant
que source du droit travail (213). On en voudra également pour preuve l’influence du droit
international du travail sur la réforme du droit du travail en 2004 et qui ne tient
aucunement à l’avancée du projet de régionalisation du droit du travail dans le cadre de
l’OAT.

B) Un cadre régional dépassé par les réalités arabes

Le chômage des jeunes représente l’un des problèmes majeurs de la société arabe et
qui est généralement le sujet des discours politiques. Après les révolutions, le monde
arabe traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Le taux élevé du
chômage (214) était l’une des principales raisons, même si elle n’était pas la seule, de ces
manifestations populaires, mettant ainsi les jeunes au cœur de l’agitation politique.

Ces conditions sociales de chômage et de précarité sont le résultat d’échec d’un


ensemble de décisions prises, à la fin des années soixante-dix et quatre-vingt, au niveau
économique avec la privatisation, l’application des programmes d’ajustement structurel et

211
Voir le site de l’OAT : http://alolabor.org.

212
Il s’agit de feu Hachemi BENNANI, syndicaliste et un des hauts responsables de l’Union Marocaine du
Travail (UMT). In BOUDAHRAIN Abdellah, ouvr.cité, 2005, t. 1, p.160.

213
Ibid.

214
Sachant que la population arabe est d’environ 333,1 millions d’habitants en 2008 selon les statistiques de
l’OAT, et qu’en 2010, les taux de chômage ont atteint 9,8% en Afrique du Nord et 10,1 % au Moyen-
Orient, et que les taux relevés étant particulièrement élevés pour les femmes de 15% à 17% en Afrique du
Nord et au Moyen-Orient, respectivement, et le taux de chômage des jeûnes est de 23,6% en Afrique du
Nord et 25,1% au Moyen-Orient. In OIT, « Le chômage des jeunes dans le monde arabe est une cause
majeure de révolte », BIT, Genève, 5 avril 2010. Pour le Maroc, le taux de chômage pour le premier
trimestre de l’année 2015 était de 9,9 % et pour la population féminine est de 11 %. Statistiques du Haut
Commissariat au Plan (HCP), premier trimestre 2015, www.hcp.ma. Consulté le 29 mars 2016.

57
la fin du monopole de l’État en matière d’embauche (215). À cela s’ajoute les
conséquences d’une forte croissance démographique (216), qui a crée, un mouvement de
migration tant interne engendrant ainsi une désertification des campagnes et une
urbanisation rapide non structurée et non planifiée, qu’externe vers les pays du Golfe
surtout. Mais face à la crise économique ainsi qu’à la crise du marché de l’emploi dans
les pays du Golfe, on assiste, au niveau social, « à une déflagration des mécanismes de
socialisation et d’intégration sociale » (217).

1) Une régionalisation limitée par des responsabilités unitaires

La question de la circulation de la main d’œuvre a été souvent le sujet de discussion


entre nos dirigeants politiques et ceux des pays du Golfe. Ce point mérite qu’on s’y arrête
un peu longuement d’autant qu’il a été accordé beaucoup moins d’attention aux
conséquences des flux de cette main-d’œuvre, non qualifiée surtout.

Dès les années soixante dix date du « boom pétrolier », des accords ont été conclus
entre les pays du Golfe « importateurs » de la main d’œuvre et les autres pays arabes
notamment le Maroc « fournisseurs » de cette main d’œuvre (218). Mais ces accords sont
restés à peu de chose près « des déclarations d’intention » (219) puisque, à titre d’exemple,
l’accord qui prévoyait le transfert d’un certain nombre de travailleurs marocains vers

215
Cas des anciens Bureaux de placement au Maroc. Dahir du 27 septembre 1921 relatif aux bureaux de
placement des travailleurs, B.O n° 468 du 11 octobre 1921, p. 1591.

216
Cette forte croissance démographique a engendré un phénomène nommé « un boom de la jeunesse ». Il
s’agit d’une partie importante de la population arabe active de la tranche d’âge des 15-30 ans et qui
constitue une forte pression sur le marché du travail. V. BICHARA Khader, Le monde arabe expliqué à
l’Europe, Paris, l’Harmattan, 2009, p. 467.

217
CATUSSE Myriam, « L’action publique face aux « débordements » du social au Maroc : décharge et
métamorphoses d’un « État social » ? », communication au colloque État et régulation sociale, Paris, CES-
Matisse, 11-13 septembre 2006, p. 3.

218
KHACHANI Mohamed, « La migration circulaire : cas du Maroc », CARIM (Consortium euro-
méditerranéen pour la recherche appliquée sur les migrations internationales), notes d’analyse et de
synthèse 2008/07, série sur la migration circulaire, module démographique et économique, Florence 28-29
janvier 2008, p. 6.

219
SECCOMBE Ian et LAWLESS Richard Ivor, « L’intervention de l’État et le marché international du
travail : Examen des politiques à l’égard de l’émigration des travailleurs dans le monde arabe », in
APPLEYARD Reginald (dir.), L’incidence des migrations internationales sur les pays en développement,
éd. OCDE, Paris, 1989, p. 87.

58
l’Arabie Saoudite n’a jamais vu le jour (220) et la coopération régionale dans le domaine
de mouvement transfrontalier (221) de la main-d’œuvre s’est trouvée peu claire (222).

L’objectif principal de l’OAT étant la coopération et l’amélioration des conditions de


travail et la coordination entre les dispositions législatives relatives au travail aux plans
arabe et international (223), c’est la Convention arabe n° 2 relative au déplacement de la
main d’œuvre conclue en 1967 qui a pour objectif de faciliter les transferts et les
déplacements de main d’œuvre, avec préférence et priorité arabes, entre pays arabes.
Mais si la Convention n° 2 a été ratifiée par un certain nombre de pays arabes à savoir la
Syrie, la Jordanie, la Lybie, l’Egypte et l’Irak (224), elle ne l’a pas été par aucun des pays
de golfe concernés à savoir les Emirats arabes unis (EAU) (225), le Bahreïn (226), l’Arabie
Saoudite (227), le Sultanat d’Oman (228), le Qatar (229) et le Koweït (230).

220
Ibid.

221
Le Maroc avait conclu plusieurs autres accords de main d’œuvre : intermaghrébins avec la Libye en
1965 et entre le monde arabe avec le Qatar et les Emirats Arabes Unies en 1981, l’Irak en 1982 et la
Jordanie en 1983. Récemment, en octobre 2015 et dans le cadre de l’accord de recrutement de la main-
d’œuvre marocaine au Qatar signé en 1981, un bureau d’emploi marocain a été inauguré à Doha afin
d’organiser et de gérer le placement et le recrutement de la main-d’œuvre au Qatar. In Le Matin, « Maroc-
Qatar, inauguration d’un bureau d’emploi marocain à Doha », 22 octobre 2015.
222
SECCOMBE Ian et LAWLESS Richard Ivor, « L’intervention de l’Etat et le marché international du
travail : Examen des politiques à l’égard de l’émigration des travailleurs dans le monde arabe », art.cité, p.
87.

223
L’article 3 de la Constitution de l’OAT de 1965 précise que l’un de ses objectifs est « Le développement
et la sauvegarde des droits et libertés syndicales…l’unification des législations et des conditions de travail
dans les pays arabes … ». V. AWAD ALDEEB ABU-SAHLIEH Sami, Les musulmans face aux droits de
l’homme (religion, droit et politique : études et documents), Bochum, Winkler, 1994, p. 286.

224
L’Irak a ratifié la version révisée en 1975.

225
Les EAU ont ratifiés deux des dix neuf Conventions arabes, il s’agit de la Convention n° 18 sur le travail
des enfants et la Convention n° 19 sur l’inspection du travail. In www.alolabor.org.

226
Le Bahreïn a ratifié cinq Conventions arabes, à savoir les Conventions : n° 7 sur l’hygiène et la sécurité
du travail, n° 13 sur le milieu du travail, n° 15 sur l’identification et la protection des salaires, n° 17 sur la
réadaptation et l’emploi des personnes handicapées et n° 18 sur le travail des enfants.

227
Il s’agit uniquement de la Convention arabe n° 19 sur l’inspection du travail.

228
Il s’agit de la Convention arabe n° 18 sur le travail des enfants et la convention arabe n° 19 sur
l’inspection du travail.

229
À notre grande surprise, ce pays n’a ratifié aucune des Conventions de l’OAT.

59
Mais devant le développement et la croissance économiques (231) des pays du Golfe
(232), producteurs de pétrole ou de gaz, le besoin en main d’œuvre abondante augmente
fortement, d’où le recours aux à la main d’œuvre étrangère (233) indispensable pour
garantir le développement dans ces pays qui disposent d’une démographie
particulièrement faible.

Ce développement mène vers une réalité moins lyrique celle d’une économie et d’un
progrès qui fonctionnent aux dépens d’un esclavagisme et d’une surexploitation de la
main-d’œuvre (234), réalité dépourvue de tout humanisme. Ainsi, ne cache t-il pas une
autre réalité celle du mépris du droit régional et même universel, par certains pays, et dont
la cause principale n’est-elle pas l’application d’un système propre aux pays du Golfe par

230
Il s’agit des Conventions arabes n° 13 sur le milieu du travail, n° 18 sur le travail des enfants et n° 19
sur l’inspection du travail.

231
Les pays du Golfe ont connu des transformations économiques rapides et remarquables depuis les années
90. La présence d’un taux élevé en main d’œuvre étrangère dans la plupart des secteurs, s’explique à la fois
par le faible taux de la population des pays du Golfe et l’exploitation des richesses pétrolières qui a
engendré un développement de tous les secteurs nécessitant une main d’œuvre qualifiée et moins qualifiée.
In BENNAFLA karine, PAGES-EL KAROUI Delphine et SANMARTIN Olivier, Géopolitique du
Maghreb et du Moyen-Orient, éd. Sedes, Paris, Coll. Impulsion, 2007, p. 79.

232
Il s’agit des six États membres du Conseil de coopération du Golfe, l’Arabie Saoudite, le Qatar, le
Koweït, les EAU, le Bahreïn et Oman. Crée en 1981, le Conseil a pour objectif l’unification et l’alliance du
système économique et politique de ses membres. Récemment, le sommet des monarchies du golfe s’est
tenu en mai 2011, suite à la situation dans les pays arabes secoués par les révolutions, pour une éventuelle
adhésion du Maroc et de la Jordanie à leur groupe régional. La Jordanie, géographiquement, est un pays
voisin de l’Arabie Saoudite, le Maroc est en revanche plus éloigné. V. DA LAGE Olivier « L’émergence
d’une identité « khalijienne » (1971-2004) », in LEVEAU Rémy et CHARILLON Frédéric (dir.),
Monarchies du Golfe, La documentation Française, 2005, p. 27. Mais en adhérant le Maroc et la Jordanie,
le CCG ne veut-il pas changer ses objectifs ? Cherche-t-il, probablement, à renforcer toutes les monarchies
arabes pour mieux se protéger ?
233
La proportion des étrangers par rapport aux nationaux est de 17% en Arabie Saoudite, bien que le pays
constitue la particularité dans les États du Golfe d’avoir une superficie de plus de 2 millions de km² et une
population plus importante que ses voisins. Selon les statistiques du Département Central des Statistiques et
des Informations de 2010, elle s’estime à 27.136.977 habitants. www.cdsi.gov.sa. Consulté le 06 juin 2011.
Aux EAU, cette proportion d’étrangers est de 80% ; au Bahreïn, elle est de 32% ; au Koweït, elle est de
50% ; au Qatar, de 77% et de 30% pour Oman, (estimations avancées par l’OAT 2008). Mais ces chiffres
sont encore plus importants si l’on examine la proportion d’étrangers au sein de la population active. In
Annuaire statistique n° 08 de l’OAT, www.alolabor.org. Consulté le 06 juin 2011.
234
La première motivation de l’immigration de la main d’œuvre arabe vers les pays du Golfe aurait été son
appartenance et son rapprochement à la « nation arabe » par la langue, la religion, la culture. Toutefois, le
recours, par les pays du Golfe, à une main-d’œuvre asiatique à « bas coût » devient très important, ce qui
explique que les exigences et les préoccupations économiques l’emportent sur les préoccupations
communautaires, qui ne présentent qu’un rôle secondaire . LAVERGNE Marc, « Golfe arabo-persique : un
système migratoire de plus en plus tourné vers l’Asie » Revue européenne des migrations internationales.,
n° 3, 2003, vol. 19, p. 232.

60
une soustraction au droit international et régional ? Le système de kafala en est
l’illustration typique.

2) La kafala ou la tentation de ne pas appliquer les dispositions


protectrices des salariés

Ce système répandu de la kafala (235), représente un « privilège » réservé aux


nationaux leur permettant une retenue sur les revenus du travail et de l’investissement des
étrangers (236). Par là même, tout travailleur étranger et toute entreprise étrangère (237)
sont sous tutelle, protection et caution d’un kafil qui, devant les autorités administratives,
sera le garant et le responsable de leurs agissements et de leurs activités ( 238). Plus encore,
les travailleurs sont dans l’obligation de remettre leurs passeports soit à leur garant soit
aux autorités et ne peuvent donc quitter le pays ni changer d’emploi (239) sans leurs
autorisations (240).

À cela s’ajoutent d’autres pratiques similaires à l’image d’une part, de l’intermédiaire


ou le fournisseur des visas libres (241), qui est un national mais n’est pas un employeur tel

235
Il s’agit d’une nomenclature arabe de droit musulman qui signifie recueil légal ou tutelle légale. C’est
l’engagement par le titulaire de ce droit « kafil » de prendre en charge bénévolement l’entretien, l’éducation
et la protection de l’enfant mineur « makfoul » au même titre qu’un parent (père) mais sans aucun lien de
filiation, qu’il s’agisse du droit à l’héritage ou au même nom du kafil. POUSSON-PETIT Jacqueline, Les
droits maghrébins des personnes et de la famille à l’épreuve du droit français, L’Harmattan, 2009, p. 491.

236
LAVERGNE Marc, « Du grand commerce caravanier à la mondialisation contemporaine : à la recherche
du paradigme de l’économie arabe », Villes et Territoires du Moyen-Orient, revue en ligne, Beyrouth, 2007,
p. 6, http://www.ifporient.org.

237
Pour la création d’une entreprise, tout étranger est tenu de trouver un « kafil » qui soit associé aussi
ayant la nationalité du pays de résidence, et qui a pour rôle de prélever une partie des bénéfices. In
FARAJALLAH Boutros Samaan, « Le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe », Recueil des
Cours, Académie de Droit International de La Haye, vol. 3, 1991, p. 88.

238
BEAUGE Gilbert, « La kafala : un système de gestion transitoire de la main-d’œuvre et du capital dans
les pays du golfe », Revue européenne des migrations internationales., vol. 2, n° 1, septembre 1986, p. 112.

239
Le fait de changer d’emploi, donc de changer de Kafil, reste du ressort de l’étranger, à condition
d’obtenir l’accord du précédent kafil et de sortir du pays pour y rentrer à nouveau. In BEAUGE Gilbert,
art.cité, p. 112.

240
BOUZID Samir, Mythes, utopie et messianisme dans le discours politique arabe moderne et
contemporain, l’Harmattan, 1997, Coll. Histoire et perspectives méditerranéennes, p. 241.

241
Le système de la kafala connait des spécificités propres à chaque pays du Golfe. Dans le cas de l’Arabie
Saoudite, par exemple, le Kafil, selon son importance, possède un nombre de visas. Il peut donc être kafil de
plusieurs entreprises, dans les limites du nombre de visas qu’il possède. NANCY Michel, « Le travail entre

61
le kafil. Sa mission est de faire appel à des travailleurs étrangers qu’il loue aux entreprises
ou, dans des cas, les laisse chercher librement du travail à condition de confisquer leurs
passeports pour garantir une contrepartie financière. Il est le kafil de la main-d’œuvre
qu’il a « importée » (242). D’autre part, ce sont les cabinets de recrutements situés dans les
pays d’origine qui gèrent des centres où sont placés les travailleurs avant de pouvoir partir
à l’étranger (243) ou qui prennent, directement, en charge le recrutement et assurent le
transport des travailleurs jusqu’au pays de destination.

Devant toutes ces pratiques, le travailleur immigré est privé de ses simples droits
fondamentaux au travail. Les grèves et les droits syndicaux sont interdits dans les
législations nationales de ces pays (244) et toute contestation expose le travailleur étranger
à l’arrestation et l’expulsion.

On ne peut alors s’empêcher de constater que le système de kafala (245) n’a fait
qu’accentuer les inégalités sociales entre les nationaux des pays du Golfe et les

deux codes au Koweït : la Kafala », in BLEUCHOT Hervé (dir.), Les institutions traditionnelles dans le
monde arabe, éd. Karthala et IREMAM, 1996, p. 202.

242
LABIB Ali, « L’immigration dans les pays du Golfe : quelques aspects spécifiques », Revue de
l’occident musulman et de la Méditerranée., n° 43, 1987, p. 57.

243
BIT, Le coût de la coercition, Rapport global en vertu du suivi de la déclaration de l’OIT relative aux
principes et droits fondamentaux au travail, BIT, Genève, 2009, p. 27. Les personnes placées dans ces
centres sont des hommes mais souvent des femmes destinées à être employées de maison dans les pays du
Golfe, annonce le BIT. Les délais d’attente dans ces centres peuvent être longs. Le BIT, dans un rapport de
2011, a mis le point sur les conditions de travail d’un certain nombre de travailleurs migrants notamment les
travailleurs domestiques, ainsi que les pratiques illégales commises par leurs employeurs. CIT, Compte
rendu provisoire n° 15, Quatrième question à l’ordre du jour : un travail de la Commission des travailleurs
domestiques, 100ème session, juin 2011, p. 15. L’Organisation internationale Human Rights Watch a révélé,
dans un rapport, la situation précaire des travailleurs ainsi que le mauvais traitement qu’ils subissent, le cas
de l’Arabie Saoudite. In VARIA Nisha, « As if I Am Not Human : Abuses against Asian Domestics
Workers in Saudi Arabia », Human Rights Watch, juillet 2008, (comme si je n’étais pas un être humain :
abus contre les travailleurs domestiques asiatiques en Arabie Saoudite).

244
Les droits syndicaux lorsqu’ils existent, sont fortement restreints voire interdits lorsqu’il s’agit des
travailleurs étrangers.

245
Il ya quelques années, tant au Bahreïn qu’au Koweït, le gouvernement a pris des mesures visant à
modifier voire à supprimer le système de la kafala, respectivement en août 2010 et février 2011. Anonyme,
« Le Koweït annule le système du Kafil en février », Al Wassat (quotidien bahreïnien arabophone), n° 2943,
27 septembre 2010. Mais le système de la kafala est toujours en vigueur dans tous les pays du Golfe, même
s’il est vivement condamné par l’OMC. LAVERGNE Marc, « Dubaï, utile ou futile ? Portrait d’une ville
rêvée à l’heure de la crise », Hérodote., n° 133, 2ème trimestre 2009, p. 52.

62
travailleurs étrangers, ce qui ne manque pas de provoquer des contestations et même des
actes de violence au premier moment (246).

Il est admis qu’il y a un grand décalage entre la réalité, le discours des responsables
arabes et les Conventions arabes en matière de main-d’œuvre, ratifiées seulement par
certains pays pourvoyeurs de main-d’œuvre mais nullement par les pays concernés à
savoir les pays du golfe.

§ 2. Les normes établies par le droit communautaire

La sphère du droit social n’a pas échappé au mouvement de mondialisation et de


régionalisation du droit qui s’est globalement amorcé au début du XXe siècle, exposant
les droits nationaux à des influences normatives « extérieures » d’origines et d’intensités
diverses.

La dynamique d’ensemble que nous allons parcourir fait passer d’une absence de
prise en compte de la dimension sociale de la construction du marché commun à un
progrès important de l’harmonisation sociale (247). Il n’est pas aisé de proposer un
diagnostic d’ensemble. Pourtant, il est possible de mettre à jour les différentes phases
historiques qui se sont succédé dans l’édification du modèle social européen.

A) La construction de l’Europe : des objectifs sociaux sous-


produits de l’intégration économique

Instituée par le Traité de Maastricht du 7 février 1992, l’Union européenne s’est


d’abord fondée sur les Communautés déjà établies (Communauté économique

246
Devant les conditions de vie inhumaines, des mouvements sans précédent ont conduit, des milliers
d’ouvriers à des grèves et manifestations. Ainsi, en 2006, et 2007 aux EAU, 2500 ouvriers employés du
groupe Naboodah, chargé de la construction de la tour Burj Dubaï avaient fait grève ; et en 2008, le Bahreïn
a connu des manifestations des travailleurs indiens et le Koweït celles des travailleurs du Bangladesh,
protestant contre le non paiement de leurs salaires. Ces mouvements de contestation constituent l’ultime
moyen de défense contre « la violation des clauses de leurs contrats et non contre les principes de
ségrégation ou d’inégalité justifiés par le principe de souveraineté territoriale et intensifiés par le
fonctionnement sur la base d’une population citoyenne réduite des régimes des pays du Golfe ».
BEAUGRAND Claire, « Politiques de non-intégration dans les monarchies du Golfe », transcontinentales,
8 septembre 2010, document n° 8, mis en ligne le 31 décembre 2010, consulté le 15 juin 2011.
http://transcontinentales.revues.org/793.

247
DE SCHUTTER Olivier, « L’équilibre entre l’économique et le social dans les traités européens »,
Revue Française des Affaires Sociales (RFAS)., n° 1, 2006, p. 152.

63
européenne, Communauté européenne de l’énergie atomique) complétées par les
politiques et formes de coopération instaurées par ce même Traité. Le 1 er décembre 2009
(248) l’Union, en application du Traité de Lisbonne, s'est dotée d'une personnalité
juridique et a repris les compétences auparavant conférées à la Communauté européenne
à laquelle elle a été substituée (mais non à la Communauté européenne de l’énergie
atomique, laquelle continue à exister aux côtés de l’Union) (249). Désormais, Le droit
communautaire est devenu le droit de l'Union comprenant également toutes les
dispositions adoptées par le passé en vertu du Traité sur l'Union européenne dans sa
version antérieure au Traité de Lisbonne, l’Union est porteuse d’un droit en expansion,
non seulement thématique (en ce qu’un nombre croissant de questions relève de son
empire), mais aussi géographique.

Le droit communautaire est constitué par les traités européens que l’on appelle le
droit primaire et les actes adoptés par le législateur européen (Parlement européen et
Conseil) sur proposition de la Commission européenne. L’essentiel de cette
« législation » est constitué par les règlements, les directives et les décisions ; cet
ensemble de textes étant appelé le droit communautaire dérivé (250). De ce fait, ne font
pas partie du droit communautaire les textes régissant les deux autres piliers de l’Union
(politique extérieure et de sécurité commune et justice et affaires intérieures).

Ce droit est fondé sur le Traité de Rome (251) qui a d’abord visé la mise en place d’un
marché commun, puis d’une Communauté économique européenne et enfin d’une Union
européenne. C’est un droit général, à dominante économique, qui repose sur un certain
nombre de principes, qui sont, pour la plupart, non écrits et qui ont souvent résulté de la

248
Date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007.

249
TEYSSIÉ Bernard, Droit européen du travail, Litec, 4ème éd. 2010, p. 24.

250
RICHEVAUX Marc et TOP Dan, Les grands principes du droit communautaire de travail, Paris,
L’Harmattan, 2007, p. 8.

251
Traité du 25 mars 1957 créant la CEE et la CEEA. VENTURA Deisy, Les asymétries entre le Mercosur
et l’Union européenne : les enjeux d’une association interrégionale, Paris, l’Harmattan, 2003, p. 119.

64
jurisprudence de la CJCE (252) et dans lequel les questions sociales n’ont eu qu’un rôle
accessoire (253).

1) Les questions sociales : un objectif de second plan

Aux débuts de la construction européenne, le droit du travail et les questions sociales


en général, n’a pas été la préoccupation dominante des auteurs du Traité de Rome et
l’intervention sociale communautaire n’a fait l’objet que d’une reconnaissance très
progressive (254). Cela demeure un domaine de compétence des États membres. Le droit
communautaire ne l’appréhende, de manière résiduelle, que comme un instrument au
service du projet économique européen. L’essentiel des compétences dévolues à la
Communauté Européenne concerne, en effet, le développement économique. Seule figure
dans la mission conférée par son article 2 à la Communauté une allusion à « un
relèvement accéléré du niveau de vie » découlant du marché commun, devenu marché
intérieur ou marché unique, et du rapprochement progressif des politiques économiques
des États membres (255). Nul besoin, sauf exception ou nécessité particulière, d’un
interventionnisme communautaire.

Des traités européens ont permis le développement d’actions sociales parallèlement


au Traité de Rome (256). Le Traité de Paris du 18 avril 1951 qui a donné naissance à la
Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) prévoyait une action sociale
directe et indirecte d’envergure mais limitée au domaine du charbon et de l’acier (257),

252
GROSSMAN Emiliano, IRONDELLE Bastien et SAURUGGER Sabine, « Droit communautaire », in
QUERMONNE Jean-Louis (dir.), Les mots de l’Europe, lexique de l’intégration européenne, Paris, Presses
de Sciences Po, 2001, p. 114. La Cour de Justice des Communautés Européennes est devenue la Cour de
Justice de l’Union Européenne (CJUE), avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1 er décembre
2009.

253
LAROQUE Michel, « L’impact du droit communautaire sur les concepts de la protection sociale
française », D.S., n° 11, 1997, p. 961.

254
DUTHEILLET DE LAMOTHE Olivier, « Du Traité de Rome au Traité de Maastricht : la longue
marche de l’Europe sociale », D.S., n° 2, 1993, p. 196.

255
SARAMITO Francis, « Le progrès social est-il encore un objectif du droit communautaire ? », in Le
droit collectif du travail : questions fondamentales-évolutions récentes, études offertes à Madame le
Professeur Hélène Sinay, éd. Peter Lang, Frankfurt, 1994, p. 299.

256
MOIZARD Nicolas, Harmonisation communautaire et protection nationale renforcée : l’exemple du
droit du travail français, Th. Paris 1, 1999, p. 1.

257
Le Traité de Paris de 1951 prévoit que la CECA contribue « au développement de l’emploi et au
relèvement du niveau de vie dans les Etats membres » (article 2) et doive « promouvoir l’amélioration des

65
suivi, en 1957, des deux Traités de Rome créant la Communauté Economique
Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (EURATOM)
ayant permis le développement des mesures circonscrites à la lutte contre les nuisances et
à la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants (258).

À partir de ces objectifs parcellaires, assez modestes en apparence, le renforcement


du social au sein du processus d’intégration (259) a pris de l’ampleur (260). La plupart de
ces Traités répond à une logique de communautés sectorielles et le social est plus présent
dans les communautés sectorielles que dans le Traité CEE (261). L’idée se dégageant des
Traités de Paris et de Rome est que le progrès social résulte avant tout de l’expansion
économique (262).

Du Traité de Rome au Traité modificatif de Lisbonne, le cadre institutionnel du droit


social communautaire s’est beaucoup enrichi et a évolué sensiblement. Dès 1957, le
Traité de Rome, qui prévoit la création d’un marché commun, porte en germes les
conditions d’une instrumentalisation croissante du droit social communautaire (263) et
faisait reposer l’ « Europe sociale » sur une double base : la libre circulation des
travailleurs, c'est-à-dire des ressortissants communautaires actifs ; une politique sociale,

conditions de vie et de travail de la main d’œuvre, permettant leur égalisation dans le progrès » (article 3).
Le Traité CECA prévoit également la levée des restrictions à la libre circulation de la main d’œuvre (article
69).

258
L’EURATOM a pour objectif de contribuer à l’élévation du niveau de vie (article 1) et doit, en vue de
réaliser sa mission « établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et
des travailleurs, et veiller à leur application » (article 2 b). L’EURATOM doit également « assurer la liberté
d’emploi des spécialistes dans la Communauté » (article 2 g). Une action est prévue en matière de
protection sanitaire et de la sécurité de la population des travailleurs contre les dangers nucléaires.

259
SCHMITT Mélanie, Droit du travail de l’Union européenne, éd. Larcier, Bruxelles, 2012, p. 11.

260
RODIERE Pierre, Droit social de l’Union Européenne, LGDJ, 2008, p. 1.

261
THOMAS Elisabeth, L’influence du droit communautaire en droit du travail français, Mém. DEA de
droit social, Univ. Lille 2, 2002-2003, p. 16.

262
Idem, p. 17.

263
SCHMITT Mélanie, ouvr.cité, p. 14.

66
dont les objectifs ne manquaient pas d’ambition, mais dont les moyens d’action étaient
limités (264).

Les dispositions sociales du Traité de Rome ont été complétées par l’acte unique
européen, signé à Luxembourg le 17 février 1986 et à La Haye le 28 février 1986 et qui a
prévu une relance de la construction communautaire par la réalisation d’un marché
intérieur (265) en prévoyant l’élimination des frontières physiques, techniques et fiscales.
Il n’a pas modifié les structures et ses effets ont principalement été de permettre un essor
de la politique sociale. Dans ce contexte, tout au moins, l’Acte unique européen innove
en insérant dans le Traité CEE la première disposition prévoyant l’adoption de directives
fixant des prescriptions minimales visant à la protection des travailleurs dans le milieu du
travail (article 118 A).

Cet objectif d’amélioration du milieu du travail rejoint et renforce l’objectif social


initial de la construction communautaire, l’amélioration des conditions de vie et de travail
(266). l’Acte unique européen, en ajoutant au Traité l’article 118 A, réserve à la
compétence communautaire une partie de la politique sociale dans laquelle les décisions
seront prises désormais à la seule majorité qualifiée du Conseil (267), en coopération avec
le Parlement, alors qu’auparavant elle requérait toujours un vote unanime du Conseil. Le
dialogue social est institutionnalisé par l’article 118 B (268).

Ensuite, le Traité de Maastricht constitutif de l’Union européenne signé le 7 février


1992, s’inscrit dans le prolongement de l’Acte unique européen (269) et constitue une
étape supplémentaire et décisive dans le rééquilibrage des finalités économiques et

264
RODIERE Pierre, Droit social de l’Union Européenne, ouvr.cité, p. 11.

265
MOIZARD Nicolas, Th.citée, p. 2.

266
SALISCH Heinrich, Document de travail sur « La notion de milieu de travail et le champ d’application
de l’article 118 A du Traité CEE », Parlement Européen, document WG(3)0179FR, 21 octobre 1988.

267
SARAMITO Francis, « Le progrès social est-il encore un objectif du droit communautaire ? », art.cité, p.
301.

268
Article 118 B : « La Commission s’efforce de développer le dialogue entre les partenaires sociaux au
niveau européen, pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations
conventionnelles ».

269
MASSON Antoine, Droit communautaire : droit institutionnel et droit matériel, Larcier, Bruxelles, 2ème
éd. 2009, p. 13.

67
sociales (270). Ce traité a annexé au Traité CE un Protocole sur la politique sociale
(protocole n° 14) qui autorise onze États membres de la Communauté européenne, à
l’exception du Royaume Uni, à étendre à l’ensemble du domaine social le système
introduit par l’Acte Unique en adhérant à un accord sur la politique sociale (271).

Ce Protocole annexé au Traité de Maastricht a approfondi les objectifs de cette


politique sociale en visant notamment la promotion de l’emploi, l’amélioration des
conditions de vie et de travail, le dialogue social, le développement des ressources
humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions
(272).

Quoi qu’il en soit, un droit social européen est né dans le cadre des compétences
communautaires ci-dessus décrites. Comme pour tout autre droit régissant leurs
conditions de vie et de travail, il appartient aux travailleurs et à leurs organisations
d’essayer d’en tirer le meilleur profit, d’en obtenir des juridictions compétentes, du
premier chef la CJCE (273) une interprétation et une application qui soient les plus
favorables possibles à leurs intérêts.

À cet égard, on ne saurait donc méconnaitre que l’intervention de la communauté


dans le domaine social doit normalement réaliser un « progrès ». Toutefois, les
modifications successives apportées au Traité de Rome apparaissent de nature à limiter la
portée de cette condition initiale à l’intervention communautaire.

2) Les objectifs sociaux : une concrétisation confiée à la croissance


économique et aux politiques nationales

En mai 1997, le Royaume-Uni a annoncé son intention de se rallier aux dispositions


de l’Accord sur la politique sociale. Cette réorientation du Royaume-Uni sur la politique
sociale communautaire permettait au Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 qui a révisé
le Traité CE, de modifier les dispositions sociales du Traité CE, en reprenant en grande

270
DRUESNE Gérard, Droit de l’Union Européenne et politiques communautaires, PUF, 8ème éd. 2006,
Coll. Droit Fondamental, p. 15.

271
SARAMITO Francis, art.cité, p. 301.

272
SCHMITT Mélanie, ouvr.cité, p. 19.

273
Devenue depuis le 1er décembre 2009 la Cour de justice de l’Union européenne.

68
partie les dispositions de l’Accord sur la politique sociale. Le Traité d’Amsterdam ne
semble guère avoir déchaîné les passions. Il emporterait, en vérité, des résultats plutôt
modestes au plan des politiques communautaires (274). Cependant, il a apporté certaines
avancées sociales. Un nouveau titre consacré à l’emploi (275) est crée, prévoyant une
coordination des stratégies de l’emploi et fixant l’objectif d’un niveau d’emploi élevé par
le biais des programmes annuels que doivent adresser les États au Conseil. Au sein du
préambule est ajoutée une référence aux droits sociaux fondamentaux.

Le Traité de Lisbonne, signé le 17 décembre 2007 et entré en vigueur le 1 er décembre,


s’inspire fortement du projet de Constitution européenne et remédie à l’échec subi par le
traité constitutionnel du 29 octobre 2004 (276), dont il reste proche, par sa complexité
notamment. Le Traité de Lisbonne conserve un traité sur l’Union européenne et fait
apparaître un traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui se substitue au traité
instituant la Communauté européenne (277). Le changement opéré touche l’ensemble de
l’architecture. Le nouveau traité énonce des principes, fixe des bases, mais sur le fond il
n’y a pas de grands changements concernant le domaine social. Les mêmes règles
qu’auparavant se retrouvent, avec des ajustements de détail, au sein du traité sur le
fonctionnement de l’Union, pour la citoyenneté, la libre circulation des personnes, la
politique sociale, l’emploi (278)…

L’ambition des institutions communautaires n’est toujours pas d’unifier les droits
nationaux du travail. Le droit de l’Union européenne, en matière de politique sociale, vise
uniquement le rapprochement ou l’harmonisation des législations nationales, caractérisées
par une grande disparité279, ce qui est moins que leur unification. Cette harmonisation

274
MARTIN Philippe, « Le Traité d’Amsterdam inaugure-t-il une politique communautaire de l’emploi »,
RTDE., n° 1 du 15 mars 2000, p. 47.

275
Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, article 145 et s.

276
Ce traité n’est jamais entré en application, ayant été rejeté par les citoyens français, néerlandais et
irlandais.

277
Le Traité de Lisbonne conserve les traités existants tout en les modifiant : le Traité de Rome instituant la
Communauté européenne est rebaptisé traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Traité de
Maastricht sur l’Union européenne.

278
RODIERE Pierre, Droit social de l’Union Européenne, ouvr.cité, p. 13.

279
LHERNOULD Jean-Philippe, « L’Europe sociale après l’élargissement », RJS., n° 11, 2004, p. 771.

69
sociale communautaire a trouvé des bases juridiques explicites dans le Traité CEE à partir
de l’Acte Unique Européen introduisant l’article 118 A relatif à l’amélioration de la santé
et de la sécurité dans le milieu de travail. L’ex-article 118 A a permis au Conseil
d’arrêter, par voie de directives, les prescriptions minimales nécessaires et d’en décider à
la majorité qualifiée, en coopération avec le Parlement, suivant la procédure de l’ex-
article 189 C (280). Cet article 118 A a été à l’origine d’une dynamique normative en
permettant notamment l’adoption de la directive cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin
1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la
sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

La Communauté européenne n’a pas pour ambition d’unifier les droits nationaux des
États membres mais de les harmoniser (281). L’idée couramment répandue était que par
l’effet du marché, les règles sociales des États membres vont s’harmoniser d’elles-mêmes
(282). Au sein de l’Union européenne, les États membres bénéficient, en principe d’une
compétence prédominante en matière sociale. C’est donc naturellement que le droit
communautaire autorise la différenciation nationale en ce domaine (283). Il s’est plus
particulièrement intéressé aux effets des directives sociales sur les droits internes en
adhérant à l’une des finalités du droit du travail : la recherche d’une protection plus
élevée des travailleurs (284). À défaut d’intervention des États membres, le droit
communautaire est compétent en matière sociale.

L’idée de l’harmonisation est celle d’un rapprochement des législations des États
membres en mettant en place une norme modèle qui n’est pas obligatoire en tant que telle.
Les destinataires de la norme, c’est-à-dire les États membres, vont se référer à celle-ci
afin de faire converger leurs systèmes. L’harmonisation est supposée être la technique la
280
Article 252 CE, abrogé par le Traité de Lisbonne.

281
En 1969, Gérard Lyon-Caen observait, s’agissant de l’harmonisation sociale communautaire,
qu’ « aucun exposé du droit positif n’est concevable » mais que « les voies de l’harmonisation sont
impénétrables ». LYON-CAEN Gérard, Droit social européen, Paris, Dalloz, 1969, p. 411.

282
BOSSU Bernard, « Harmonisation européenne et contrat de travail », in JAMIN Christophe et
MAZEAUD Denis (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Economica, 2001, p. 97.

283
Pour plus de précisions sur les dérogations aux directives communautaires par les règles nationales de
transposition, V. RODIERE Pierre, Droit social de l’Union européenne, ouvr.cité, p. 125 et s.

284
MOIZARD Nicolas, Harmonisation communautaire et protection nationale renforcée : l’exemple du
droit du travail français, Th.citée, p. 38.

70
plus appropriée au droit social, et avec elle, l’usage de la directive comme instrument de
l’action normative communautaire (285). C’est cette solution qui a été retenue pour le droit
du travail (286).

Les institutions communautaires utilisent le rapprochement des législations comme


l’un des moyens permettant l’égalisation dans le progrès des conditions de vie et de
travail de la main d’œuvre (287). Mais depuis le Traité sur l’Union Européenne,
l’harmonisation sociale communautaire est soumise au principe de subsidiarité comme
l’ensemble des actions communautaires partagées avec les Etats membres (288).

Le problème de l’application du droit du travail ne peut plus être isolé de chaque


contexte sociologique et traité comme problème de technique juridique. Il importe
d’adopter une démarche analytique des difficultés posées par cette application. Force est
de constater que les évolutions dans chaque pays ne facilitent pas la détermination de
normes acceptables par tous (289). Des convergences concrètes s’observent : chaque
système national sécrète des organes, des procédures et des sanctions spécifiques à
l’application du droit du travail, est ébranlé par les mêmes changements290. Les
particularismes de chaque système restent encore très forts.

Les droits sociaux nationaux ont évolué sous l’effet des dispositions communautaires
ayant, directement, cet objet. Mais ils ont aussi évolué sous l’influence d’autres politiques

285
LYON-CAEN Antoine, « La réception du droit communautaire à la lueur du droit du travail », in
BERGÉ Jean-Sylvestre et NIBOYET Marie-Laure (dir.), La réception du droit communautaire en droit
privé des Etats membres, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 78.

286
BOSSU Bernard, « Harmonisation européenne et contrat de travail », art.cité, p. 98.

287
MOIZARD Nicolas, Th.citée, p. 7.

288
Le principe de subsidiarité était déjà présent dans la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux des travailleurs du 9 décembre 1989, qui rappelait que la mise en œuvre des droits sociaux
fondamentaux relève de la responsabilité des États membres conformément aux pratiques nationales,
notamment par voie de législation et par voie de convention collective.

289
JAVILLIER Jean-Claude, « Le droit du travail communautaire : un droit en construction ? », in Les
orientations sociales du droit contemporain, Ecrits en l’honneur du Professeur Jean SAVATIER, PUF, 1ère
éd. 1992, p. 224.

290
SUPIOT Alain, « L’application du droit du travail en Europe », Travail et Emploi., n° 41, 1991, p. 4.

71
communautaires, qui ont atteint par corrosion, les systèmes sociaux nationaux (291). Dès
lors, il devient difficile de réduire cette complexité et tracer une perspective réaliste des
changements que les droits nationaux ont connus et connaissent sous l’effet du droit
communautaire. Le Professeur Antoine Lyon-Caen avait, à juste titre, observé que
« tenter de préciser et d’interpréter les changements intervenus dans les systèmes
nationaux, qui seraient ou sont imputables au droit social communautaire, est une tâche
démesurée et l’on comprend pourquoi ceux qui s’efforcent d’analyser les interactions
entre droit communautaire et droits nationaux du travail se réfugient dans des études
circonscrites » (292).

Fort de cet éclairage il nous faut maintenant revenir sur la construction européenne et
les changements qu’elle entraîne, affectant les organes d’application du droit du travail et
particulièrement les systèmes nationaux d’inspection du travail.

B) Cadre général de l’action communautaire et inspection du


travail

Pour appréhender convenablement les termes du débat que provoque la perspective


d’une inspection du travail communautaire et répondre à la question en titre de ce
passage, il importe de préciser que l’un des enseignements les plus sûrs de l’histoire et du
droit comparé du travail est l’existence d’un lien nécessaire entre l’édiction de normes de
fond et l’institution d’organismes de contrôle. Ce lien s’observe également en droit
international du travail en particulier dans la Convention n° 81 de l’OIT (293).

Cela dit, dans le cadre de l’espace social européen, l’application et la mise en œuvre
des directives communautaires dans le droit national et particulièrement dans les
entreprises revêt une grande importance. C’est pourquoi revient de manière récurrente
une réflexion sur le principe d’une compétence communautaire (294). Mais une chose ici

291
Au premier rang de ces politiques corrosives, il faut placer les politiques menées au nom des exigences
de la libre circulation, et la politique de la concurrence. LYON-CAEN Antoine, « La réception du droit
communautaire à la lueur du droit du travail », art.cité, p. 79.

292
Idem, pp. 78-79.

293
SUPIOT Alain, « L’application du droit du travail en Europe », art.cité, p. 12.

294
PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 80.

72
encore est certaine : il faudra tenir compte des divergences et des convergences que
l’analyse comparative aura révélé (295), car entre le mouvement européen d’intégration du
droit et le cloisonnement des législations nationales, le débat sur la nécessité et les
moyens de l’harmonisation du droit du travail en Europe et dans le monde divise avec
passion la doctrine depuis longtemps (296).

1) La nécessité ou l’opportunité d’un corps communautaire


d’inspecteurs du travail

L’effectivité du droit du travail communautaire dépend des règles et des pratiques des
différents États membres. Plus synthétiquement, le droit communautaire détermine des
règles de fond, le droit national détermine des sanctions et des procédures (297). Au niveau
communautaire, il est particulièrement intéressant de signaler l’apparition de méthodes
hybrides d’application et de mise en œuvre du droit du travail combinant voies
administrative, judiciaire et conventionnelle (298).

La compétence communautaire en matière de contrôle de l’application du droit


communautaire, et plus particulièrement en ce qui concerne l’inspection du travail, se
trouve confrontée au principe de subsidiarité résultant de l’article 3B du traité sur l’Union
européenne (Traité de Maastricht). Ainsi, en vertu de ce principe, la mise en application
de la législation communautaire et son contrôle relèvent de la compétence des États
membres. Et dans ce contexte de subsidiarité, l’inspection du travail relève de la
puissance publique des États et non de la compétence communautaire (299).

295
SUPIOT Alain, « L’application du droit du travail en Europe », art.cité, p. 12.

296
CASSIA Paul et VAN CŒSTER Suzanne, « L’application de la Charte des droits fondamentaux de
l’Union Européenne par le juge national », JCP. G., n° 10 du 5 mars 2012, 298.

297
BERCUSSON Brian, « Application du droit du travail : les interactions entre droits nationaux et
communautaire », Travail et Emploi., n° 100, octobre 2004, p. 28.

298
Idem, p. 32.

299
PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 88.

73
Mais l’engouement pour la création de services d’inspection du travail ainsi que
l’évolution dont ils ont fait l’objet (300), n’ont pas été sans rapport avec le contexte
européen. La Commission européenne a eu l’occasion de se prononcer en 1991 sur la
possibilité d’un contrôle communautaire de l’inspection du travail dans les États membres
(301). La question écrite (302) en date du 23 septembre 1991, interrogeait la Commission
sur la possibilité de promouvoir la responsabilité communautaire en matière d’inspection
du travail, notamment au regard de l’article 4 de la directive-cadre du 12 juin 1989 (303).

La Commission répond à la question posée par l’interprétation faite par elle de cet
article qui impose aux États membres de contrôler et de surveiller la mise en œuvre
effective des dispositions de droit interne transposant la directive-cadre. Elle ajoute que
celui-ci crée « une obligation pour ces Etats de disposer des moyens suffisants afin de
leur permettre d’assurer ce contrôle et cette surveillance » et dans ce sens « une
inspection nationale du travail peut être un de ces moyens ». Dans cette optique se
dessine la volonté de la Commission de ne pas proposer des dispositions législatives, telle
une directive, en la matière (304).

Dans le même registre mais de façon plus vigoureuse, d’autres débats ont été ouverts
et parmi lesquels il en était un qui concernait l’adoption d’une directive relative aux
300
COSTE Carine, Les systèmes d’inspection du travail au sein de l’Union européenne, Mém. DEA Droit
social, Bordeaux IV, 2004, p. 5.

301
CHASSINE Jean-Pierre, « Le centenaire de l’inspection du travail ou l’engagement de l’Etat dans les
relations sociales », Préventique., n° 47, 1992, p. 5 : « Le Traité ne parle (…) pas du tout de l’inspection du
travail. C’est une question qui relève de la souveraineté de chaque Etat » ; V. BRUNET Olivier, « La
difficile association des systèmes européens », Revue de l’Association Villermé, n° 50-51, décembre 1992,
p. 35 : « Il n’existe pas, à proprement parler, de compétences communautaires dans le domaine de
l’inspection du travail, celle-ci continuant à relever, quant à son organisation et son fonctionnement, de la
seule autorité des Etats » ; V. également l’allocution d’ouverture de M. GOUVRAS Georgios in Compte
rendu de la réunion organisée par le BIT et la CEE sur l’inspection du travail en Europe, Genève, 16-18
septembre 1992, p. 11, où l’auteur rappelle que le contrôle de l’application du droit communautaire dérivé
« intéresse au premier chef les services d’inspection du travail dont l’organisation et le fondement
relèvent… de la seule compétence des Etats membres… ». Cités par PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 88,
note 225.

302
V. Question écrite n° 2018/91 de M. Ernest Glinne le 23 septembre 1991, 92/C 66/90, J.O. CE C 66/48
du 16 mars 1992, p. 48.

303
Directive-cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989 sur l’amélioration de la sécurité et de la santé des
travailleurs, J.O. CE n° L 183 du 29 juin 1989, article 4, al. 2 : « Les Etats membres assurent notamment un
contrôle et une surveillance adéquats », p. 3.

304
Réponse donnée par Mme Papandreou au nom de la Commission le 5 novembre 1991, à la question
écrite n° 2018/91, J.O. CE n° C 66 du 16 mars 1992, p. 48-49.

74
systèmes d’inspection du travail. L’idée d’une telle directive a été avancée non seulement
par le Parlement européen (305) mais aussi par les syndicats européens (306). Plusieurs
arguments ont été versés aux débats de nature à corroborer la thèse de l’harmonisation des
normes minimales, des procédures d’inspection du travail, des méthodes d’inspection à
partir de l’évaluation des risques ou d’une coopération des inspections avec les acteurs de
l’entreprise, les services de prévention et les tribunaux.

Il y aurait, en vérité, beaucoup à dire à propos de ces enthousiasmes et de ces


engouements (307), mais il faut convenir qu’une compétence communautaire par
l’adoption d’une directive sur l’inspection n’est pas envisageable par la Commission vu
sa position prise en 1991, ni par les États membres compte tenu de leur compétence
actuelle (308). La réserve exprimée par ces derniers et à laquelle se sont associés
également certains organes communautaires reconnait qu’une telle proposition
constituerait un aveu flagrant de méfiance à l’encontre des inspections nationales du
travail (309).

Plusieurs raisons peuvent être à l’origine de cette position. Tout d’abord, la


persistance de la diversité des pratiques et des systèmes dans la plupart des États de
l’union (310), ensuite l’approche qu’adoptent les services d’inspection du travail (311)

305
BRUNET Olivier, « Pour une application effective et équivalente d’un droit communautaire », Echange-
Travail, n° 45-46, 1990, pp. 81-82.

306
TEYSSIÉ Bernard, Droit européen du travail, Litec, 2002, pp. 285-288.

307
La question d’une inspection du travail européenne s’est aussi posée afin que soient évités les impacts
négatifs des effets de compétence territoriale limitée que ce soient en matière de détachement, ou de
chantiers transnationaux (chantier TGV Lyon-Turin par exemple). V. ESCANDE-VARNIOL Marie-Cécile,
« Rapport de synthèse transnational sur le thème de l’égalité », in Impact et perspectives des normes
sociales européennes. Egalité de traitement et restructurations dans neuf pays de l’Union Européenne,
Centre de Recherche en Droit Social, Université Lumière Lyon 2/Commission européenne, Colloque
international, novembre 2005, p. 35

308
V. BRUNET Olivier, « La difficile association des systèmes européens », art.cité, p. 35, qui souligne que
« cette difficulté juridique (de la compétence communautaire sur l’inspection), qui s’ajoute à un contexte
politique où le thème de l’application du droit n’est pas… suffisamment perçu comme un problème majeur,
permet de douter que la Communauté s’engage à court terme sur la voie d’une directive sur l’inspection du
travail ».

309
PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 90.

310
La diversité des modèles s’est accrue à la suite des élargissements successifs de l’Union. Elargissement
en faveur de pays à systèmes disparates et inégalement développés. V. VANDAMME François,
« Convergences et divergences dans l’application du droit social communautaire. Essai sur l’influence de

75
dépend là encore en grande partie du contexte national (312). Par conséquent, les domaines
sur lesquels porte le contrôle, les priorités d’action mises en œuvre, les outils juridiques et
les pratiques d’intervention ne sont pas les mêmes. Ces différences influent sur la nature
des informations recherchées par l'administration, ou au contraire, sur sa capacité à
répondre aux demandes d'information qui lui parviennent des autres pays. C’est en partie
en raison de choix politiques mais aussi parce que la nature du contrôle et les parties
intéressées diffèrent d’un pays à l’autre.

Dans ces conditions, devant la disparité des conceptions rencontrées, il n’est pas
étonnant que les instances communautaires aient reculé pour tenter de déceler certaines
convergences même si leur appréhension est certainement délicate. Aussi, faut-il se
tourner vers un autre regard suggérant la création par la Commission, d’abord de manière
informelle en 1982 (313) puis officielle en 1995 (314), d’un Comité des Hauts Responsables
de l’Inspection du Travail (CHRIT) dans le but de faciliter le rapprochement des
pratiques et législations nationales dans le domaine de la santé et de la sécurité et de
remédier à l’absence de corps d’inspection communautaire.

l’Europe sociale », in Reges-Forum, Discussion paper, juin 2009, p. 9, www.reges-forum.eu. Consulté le


25 mars 2012.

311
Les systèmes nationaux d’inspection développent des particularismes et des disparités avec d’autres
inspections nationales qui s’expriment également dans les domaines de compétence, les modalités
d’organisation et les moyens juridiques mis à disposition. V. PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 64 et
COSTE Carine, mém.cité, p. 10.

312
OIT, L’inspection du travail en Europe : travail non déclaré, migration et la traire des êtres humains,
Programme d’administration et d’inspection du travail LAB/ADMIN, Document de travail n° 7, BIT,
Genève, 2010, p. 4.

313
BRUNET Olivier, « Pour une application effective et équivalente d’un droit communautaire », art.cité,
p. 39.

314
Le CHRIT a été créé officiellement par la décision de la Commission n° 95/319/CE du 12 juillet 1995,
J.O. CE n° L 188 du 9 août 1995, p. 11. À la suite des récents élargissements de l’Union européenne, cette
décision a été modifiée par la Commission par la décision n° 2008/823/CE du 22 octobre 2008, J.O. UE n°
L 288 du 30 octobre 2008, p. 5-6.

76
2) Recherche de convergences et coopération entre les systèmes
d’inspection du travail

La base législative du champ d’action de l’inspection du travail au sein de l’Union


européenne réside dans la directive-cadre (315) qui définit l’application générale du droit
communautaire en matière de santé et de sécurité (316). Le champ de la santé et de la
sécurité étant largement couvert et influencé (317) par plusieurs directives européennes
(318), un travail important d’évaluation de leurs mesures d’application doit être réalisé au
niveau national.

La directive-cadre s’applique pour ainsi dire à l’ensemble des secteurs d’activité (319).
Elle établit des principes généraux (320) qui ont un domaine d’application général et qui
encadrent une série de directives particulières (321). Le CHRIT aspire avant tout à la mise
en œuvre correcte et uniforme et au respect des directives communautaires, et ces
principes communs l’y aident.

315
La Directive cadre n° 89/391 du 12 juin 1989 s’est en partie inspirée de la Convention n° 155 (1981) de
l’OIT, Convention générale sur la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail (non ratifiée par la
France). Cette directive a été transposée en droit français par la loi du 31 décembre 1991, JORF du 7 janvier
1992, p. 319.

316
Commission européenne, Principes communs d’inspection du travail en rapport avec la santé et la
sécurité sur le lieu du travail, Luxembourg, 2004, p. 2.

317
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, éd. Liaisons, 2009, p. 139.

318
Mis à part la directive-cadre, 69 directives européennes visent le domaine de la santé et de la sécurité en
milieu de travail au 1er juin 2012. Statistiques de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au
Travail : https://osha.europa.eu/fr/legislation/directives.

319
Secteurs privés ou publics, industriels, commerciaux, agricoles ou autres (article 2 § 1 de la directive).
Exception faite lorsque les particularités inhérentes à certaines activités de la fonction publique (police,
forces armées) ou de la protection civile « s’y opposent de manière contraignante » (article 2 § 2 de la
directive). V. RODIERE Pierre, Droit social de l’Union européenne, ouvr.cité, p. 463.

320
Toutefois, le droit communautaire ne précise pas la valeur juridique qu’il entend attribuer à ces
principes. En droit français, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une espèce relative aux
principes issus de la directive n° 89/391 concernant le principe de l’adaptation du travail à l’homme, a
constaté que les principes de l’ancien article L. 230-2 (actuel article L. 4121-2) du Code du travail « ne sont
pas pénalement sanctionnés ». Cass.crim., 14 octobre 1997, Droit pénal, février 1998, p. 18, cité par
MOIZARD Nicolas, « Droit du travail communautaire et droit du travail français », SSL., n° 1000 suppl,
1980-2000 : Regards sur 20 ans de droit du travail, 23 octobre 2000, p. 75.

321
L’annexe de la directive n° 89/391 indique les domaines que les directives particulières devront couvrir.

77
La formation de ce comité résultait de la volonté de la Commission à rechercher et
encourager les convergences entre les inspections européennes. À cet effet, l’échange
d’expériences sur le fonctionnement des services d’inspection du travail et les difficultés
éventuelles d’application du droit communautaire était réaffirmé et intensifié par
l’officialisation des réunions de cette instance (322).

L’officialisation du CHRIT par la Commission constitue le « cadre adéquat pour


s’assurer… de l’exécution efficace et uniforme du droit communautaire dérivé en matière
de santé et de sécurité sur le lieu de travail… » (323). À ce titre, ce comité à compétence
consultative, composé de représentants des services de l’inspection du travail des États
membres, a pour mission d’aider la Commission européenne en rendant des avis, soit à la
demande de celle-ci, soit de sa propre initiative, sur toute question liée à l’application par
les États membres du droit communautaire en matière de santé et de sécurité sur le lieu de
travail (324), dans le but de rapprocher les pratiques nationales d’inspection concernant ce
domaine.

Mais en raison de la diversité des responsabilités des services nationaux d’inspection


du travail, qui peuvent aller au-delà du domaine de la santé et de la sécurité, le comité, à
la demande de la Commission, remet également des avis sur l’application d’autres aspects
de la législation sociale communautaire ayant une incidence sur la santé et la sécurité au
travail (325).

Afin de répondre à ces objectifs, une approche pratique a été mise en place,
notamment par des échanges d’inspecteurs du travail au sein de la Communauté (326). Ce

322
Résolution du Conseil du 27 février 1984, concernant un deuxième programme d’action des
Communautés européennes en matière de sécurité et de santé sur le lieu de travail, J.O. CE n° C 67 du 8
mars 1984, p. 3, point 11 : « Organiser des échanges d’expériences dans le but d’établir plus clairement les
principes et les méthodes d’organisation et de formation des services d’inspection… », in PREVOSTEAU
Pierre, Th.citée, p. 100, note 264.

323
Décision de la Commission n° 95/319/CE précitée, exposé des motifs.

324
DE CONINCK Jean-Marie, « Action coordonnée dans le secteur de la construction en Europe », in
Mesures pour l’amélioration de la santé et de la sécurité dans la construction, Magazine de l’Agence
européenne pour la sécurité et la santé au travail, Luxembourg, 2004, p. 5.

325
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p.139.

326
La première mission d’un inspecteur du travail français dans ce cadre a été effectué en 1984 par M.
Sciberras sur le thème de l’organisation de l’inspection du travail britannique : V. SCIBERRAS Jean-

78
mécanisme présentant de réelles limites (327), le comité doit compléter ce rôle d’échange
par l’élaboration de documents d’information et des actions dans le domaine de
formation. L’analyse comparative systématique avec d’autres pays pourrait apporter des
avantages importants à la fois en termes d’efficacité et d’efficience (328).

Il apparait en définitive que l’éventuelle harmonisation des pratiques d’inspection


entre les États membres par le biais d’échange d’inspecteurs, de la formation reçue par
ceux-ci et de manière générale, de la connaissance qu’ils ont du droit communautaire en
matière de santé et de sécurité au travail (329), reste difficilement réalisable du fait que
cette approche n’est ni contraignante ni générale. Ce mécanisme aboutirait davantage à
une convergence des systèmes nationaux confrontés d’une part, à des problèmes
semblables tels que les mutations technologiques rapides, la faiblesse des sanctions et
d’autre part, à des évolutions communes telle que la transposition des directives
communautaires, obligeant les inspections du travail à s’adapter.

Le constat précédent vaut sans doute d’être fait. Et il est, au moins pour partie, exact.
Cependant, malgré le décalage, qu’il faut admettre courageusement sur le plan politique,
entre l’ambition affichée, les évolutions projetées et la portée réelle des instruments
communautaires en matière d’application du droit du travail en Europe, cela ne doit pas
nécessairement conduire à un affadissement des concepts issus des droits nationaux (330).
La diversité des systèmes nationaux augmenterait la marge de manœuvre des États
membres qui défendent un modèle social européen dans la compétition mondiale.

Se trouve donc en balance la nécessité de mesurer l’influence de la norme


supranationale sur le droit du travail français. À ce point de l’analyse, on pressent que ce

Christophe, « L’inspection du travail en Grande-Bretagne », Echange-Travail., n° 29, avril-juin 1986, p. 53


et s.

327
Les échanges effectués entre les Etats restent relativement peu nombreux, V. BRUNET Olivier, « Pour
une application effective et équivalente d’un droit communautaire », art.cité, p. 40.

328
ARRIGO Gianni, CASALE Giuseppe et FASANI Mario, L’inspection du travail, la conformité et les
questions relatives à SST : quelques réflexions, traduction de l’original par BALLE Tiffany et CASALE
Nicole, Document de travail, Programme d’administration et d’inspection du travail (LAB/ADMIN), BIT,
Genève, 5 janvier 2011, p. 18.

329
PREVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 106.

330
SUPIOT Alain, « L’application du droit du travail en Europe », art.cité, p. 12.

79
dernier se trouve à la croisée de chemins fort différents que les uns et les autres veulent
ou non emprunter. D’autant que la déterminante question, en droit du travail, de
l’articulation entre les ordres juridiques internationaux, communautaires et nationaux ne
peut pas passer sous silence.

C) Droit communautaire et droit international : conflit de normes

En matière de droit du travail, la France est liée par des textes internationaux
d’origines diverses qui peuvent concerner les mêmes sujets ; c’est le cas notamment des
normes européennes et des normes internationales du travail (331). L’importance du droit
international du travail tient au fait qu’il a largement inspiré les textes communautaires. Il
a grandement inspiré les principes et domaines de développement du droit
communautaire (332).

La question délicate présentant un intérêt majeur est celle de la découverte


d’antinomies entre les ordres juridiques international et communautaire pour l’application
quotidienne du droit du travail.

1) Autonomie et antinomie du droit communautaire

Non moins dénuée d’intérêt, apparaît la question préjudicielle posée par le tribunal de
police d’Illkirch. Au fait, un employeur alsacien avait été poursuivi, après un contrôle de
la Direction du travail et de l’emploi du Bas-Rhin le 28 octobre 1988, pour avoir signé un
accord avec les organisations syndicales pour organiser le travail de nuit des femmes. Il
se prévalut des normes communautaires, notamment l’article 5 de la directive 76/207 du 9
février 1976 (333), et le tribunal de police décida de surseoir à statuer jusqu’à ce que la

331
MARCHAND Daniel, « Rivalité entre normes européennes et normes internationales du travail », D.S.,
n° 7-8, 1993, p. 702.

332
JAVILLIER Jean-Claude, « Le droit du travail communautaire : un droit en construction ? », art.cité, p.
232.

333
Relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui
concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

80
Cour de justice des Communautés européennes se prononce sur l’applicabilité directe de
cet article (334).

Même étant encore ajouté que l’interdiction du travail de nuit des femmes découlait
de la Convention n° 89 de l’OIT ratifiée par la France, la Cour de justice des
Communautés en son arrêt Stoeckel, du 25 juillet 1991 (335), n’a point été impressionnée
par les arguments présentés par les gouvernements français comme italien (336) et a
considéré sans ambiguïté que la règle de droit français comportant cette interdiction dans
les emplois de nature industrielle (337) est contraire, malgré les dérogations, au principe
général de non discrimination du droit communautaire dans la mesure où aucune
interdiction semblable n'existe pour les hommes.

Dans cette affaire, la CJCE a tranché en faveur de la thèse de l’égalité contre la thèse
de la spécificité défendue par la France. Primauté du droit communautaire, tant de fois
affirmée par la Cour. Cependant, il n’est pas sûr qu’un tel principe suffise à résoudre une
antinomie en droit français. Les Conventions de l’OIT, ratifiées, bénéficient tout autant de
ce principe de primauté sur le droit national (338). Serait-ce là impasse normative ?

À la suite de cette décision de la CJCE, la Commission des communautés


européennes a adressé, le 18 décembre 1991, une mise en demeure au Gouvernement
français de dénoncer la Convention n° 89 de l’OIT. Dans ces conditions et pour ne pas
rompre avec ses engagements communautaires, la France, comme la Belgique, l’Espagne,
la Grèce, l’Irlande, l’Italie et les Pays-Bas, a décidé de dénoncer cette convention avant le
27 février 1992, date prévue par celle-ci dans le but de permettre sa dénonciation tous les

334
MOREAU Marie-Ange, « Travail de nuit des femmes, observations sur l’arrêt de la CJCE du 25 juillet
1991 », D.S., n° 2, 1992, p. 174.

335
CJCE, Affaire C-345/89, Rec. Dalloz-Sirey, 1991, Jur., p. 443, note J.-G. Huglo.

336
JAVILLIER Jean-Claude, « Le droit du travail communautaire : un droit en construction ? », art.cité, p.
237.

337
Ancien article L. 213-1 du Code du travail. Même si cet article n’a été abrogé qu’en 2001, il n’a pas
donné lieu à une condamnation pour son irrespect durant plusieurs années. V. BOUTILLIER Sophie et
LESTRADE Brigitte, Le travail des femmes : axes d’émancipation, éd. Innoval, 2004, p. 91.

338
JAVILLIER Jean-Claude, « Le droit du travail communautaire : un droit en construction ? », art.cité, p.
237.

81
dix ans (339). Cette décision a pris effet dans le délai d’un an (340). Cette position n’est pas
sans placer l’ordre juridique français face à des choix délicats ; les points de contact et
d’association entre le droit international et le droit communautaire étant courants (341).

2) La norme communautaire à l’épreuve des droits interne et


international

Le système communautaire est en effet issu d’une création de droit international, ne


serait-ce que par les traités institutifs eux-mêmes (342), quoiqu’au fil des années et des
progrès de la construction européenne, les Communautés vont affermir leur autonomie
par un affranchissement progressif à l’égard du droit international, ce qui exclut, par
conséquent, de les analyser sous l’angle classique du droit international régional par
rapport au droit international universel (343). Ce n’est qu’en tant qu’ensembles séparés que
les relations réciproques entre ces deux types de normes peuvent être pensées (344).

Tout en affirmant son autonomie par rapport à l’ordre international, l’ordre juridique
communautaire en devient ainsi, dans le même temps, l’interlocuteur privilégié. Comme
le droit international, le droit communautaire affirme sa primauté mais à la différence de
celui-ci, il dispose de moyens raisonnablement efficaces pour l’imposer (345), avec un

339
Cette dénonciation peut intervenir tous les dix ans, et durant une période de douze mois, courant depuis
le 27 février 1991. V. VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, traité du droit du travail,
ouvr.cité, n° 730.

340
MARCHAND Daniel, « Rivalité entre normes européennes et normes internationales du travail »,
art.cité, p. 704.

341
PELLET Alain, « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », Académie de
droit européen, Florence, Recueil des cours (1994), Kluwer, Dordrecht, 1997, vol. V, t. 2, pp. 193-271.

342
La Cour de justice a d’abord considéré avec l’arrêt Van Gend en Loos que les Communautés
européennes constituaient un nouvel ordre de droit international, pour ensuite et très rapidement leur
reconnaitre une spécificité, le traité ayant créé « un ordre juridique nouveau ». V. CJCE, 5 février 1963, aff.
26/62 Van Gend en Loos, in BOULOUIS Jean et CHEVALIER Roger-Michel, Les grands arrêts de la
CJCE, 4ème éd. Dalloz, 1987, pp. 2 et s ; CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64 Flaminio Costa, ibid, pp. 175 et s.

343
DAUDET Yves, « Le droit international tire-t-il profit du droit communautaire ? », in L’Europe et le
droit, mélanges en hommage à Jean Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 99. (97-112).

344
DUBOUT Edouard, « La relativité de la distinction des normes du droit de l’Union européenne et du
droit international », in BURGORGUE-LARSEN De Laurence, DUBOUT Edouard, MAITROT DE LA
MOTTE Alexandre et TOUZÉ Sébastien (dir.), Les interactions normatives : droit de l’Union européenne
et droit international, Paris, Pedone, 2012, p. 18.

345
PELLET Alain, « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », art.cité, p. 266.

82
ordre juridique fortement intégré et un appareil institutionnel puissant. En pratique, la
pression exercée sur l’ordre interne par le droit communautaire est plus forte que celle qui
serait susceptible d’émaner du droit international.

La question est sensible et continue d’alimenter la controverse. Aborder la distinction


des normes européennes et internationales, revient à réinterroger la problématique de la
spécificité des unes par rapport aux autres (346). Tant en droit international qu’en droit
interne, la réponse est hésitante. Et la question du statut de ces normes en droit interne
n’est pas nettement tranchée (347). Cette compétition des souverainetés juridiques rend
insoluble le conflit de normes (348).

À cet égard, il peut paraitre surprenant de constater que malgré l’abondance d’études
doctrinales consacrées à ce thème, on ne trouve généralement pas de précision sur le
discriminant à l’aune duquel la distinction est effectuée.

Finalement, il est nécessaire de ne pas avoir une lecture figée du droit européen et du
droit international car il s’agit de deux ensembles en interaction constante et qui évoluent
non seulement dans leur relation mutuelle mais aussi intrinsèquement au regard l’un de
l’autre. Cette relation est complexe, ambivalente même, le droit européen étant tiraillé
entre l’attachement à son origine internationale qu’il ne saurait totalement ignorer sous

346
Le débat oppose avant tout les européanistes aux internationalistes, selon que les premiers voient dans
les deux types de normes une différence de nature, là où les seconds ne reconnaissent qu’une différence de
degré entre elles. V. du côté européaniste, CONSTANTINESCO Léontin-Jean, « La spécificité du droit
communautaire », RTDE, 1966, pp. 1-30 ; PESCATORE Pierre, Le droit de l’intégration : émergence d’un
phénomène nouveau dans les relations internationales selon l’expérience des Communautés européennes,
Genève, IHEI, Leyde, Sijthoff, 1972, 99 p., réed. Bruylant, 2005 ; SIMON Denys, « Les fondements de
l’autonomie du droit communautaire », in SFDI, Colloque de Bordeaux, Droit international et droit
communautaire. Perspectives actuelles, Paris, Pedone, 2000, pp. 209-249 ; RITLENG Dominique, « De
l'utilité du principe de primauté du droit de l'Union », RTDE., n° 4, 2009, pp. 677-696 ; et du côté
internationaliste, WYATT Derrick, « New Legal Order, or Old ? », European Law Review, 1982, pp. 147-
166 ; LEBEN Charles, « À propos de la nature juridique des Communautés européennes », Droits, 1991,
vol. 14, pp. 61-72 ; KLEIN Pierre, « La Cour de justice des Communautés européennes et le droit
international. De quelques incohérences », in Mélanges en hommage à Michel Wælbrœk, Bruxelles,
Bruylant, 1999, vol. 1 (suppl.), pp. 3-18.

347
DUBOUT Edouard, « La relativité de la distinction des normes du droit de l’Union européenne et du
droit international », art.cité, p. 21.

348
RITLENG Dominique, « De l'utilité du principe de primauté du droit de l'Union », art.cité, p. 678.

83
peine de se renier lui-même, et le dépassement des limites propres à celles-ci en vue
d’atteindre les finalités pour lesquelles il a vu le jour (349).

À tous points de vue, on ne peut que se rallier aux remarques de M. Pellet : « c’est
une grande différence ; mais il reste cependant qu’à la fin des fins, le respect de la
primauté dépend de la (bonne) volonté de l’Etat ; et ceci est vrai aussi bien pour le droit
international que pour le droit communautaire » (350).

349
DUBOUT Edouard, « La relativité de la distinction des normes du droit de l’Union européenne et du
droit international », art.cité, p. 18.

350
PELLET Alain, « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », art.cité, p. 267.

84
Chapitre 2 : La diversité des systèmes nationaux d’inspection du
travail

Les États ont adopté deux modes d’organisation de l’inspection du travail,


l’inspection générale et l’inspection spécialisée. Chacune d’elles étant considérée
compatible avec les Conventions internationales relatives aux inspections du travail. Dans
ce contexte, les deux systèmes témoignent, chacun, de deux points de vue différents.
Dans le mode généraliste (ou unique), l’inspecteur du travail est un « arbitre » (351) qui
incarne une position centrale puisqu’il essaie de régler directement les problèmes et
conflits que peut présenter un lieu de travail précis. Quant à l’inspection spécialisée, elle
ne s’intéresse qu’au seul domaine de l’hygiène et de la sécurité au travail.

Sous cette rubrique, M. Auvergnon, l’a souligné également dans un article (352), dont
il convient de détacher l’extrait suivant : « … En réalité, on doit distinguer « approche
généraliste ou spécialisée » de la relation de travail, et système généraliste ou spécialisé.
L’approche « généraliste » affirme une compétence générale et une volonté
d’appréhension globale de la relation de travail alors qu’une approche « spécialisée »
emporte intervention uniquement sur certains aspects, le plus souvent la « santé-
sécurité ». Un système en tant qu’organisation peut être « spécialisé » sur un secteur
d’activité et traiter, pour ce secteur, de l’ensemble de la relation de travail comme d’un
seul aspect. De même un système unique d’inspection est compétent pour tous les secteurs
d’activité professionnelle en abordant l’ensemble de la relation de travail ou en s’en
tenant à l’un des aspects ». Une telle conception apparaît quelque peu atypique au regard
d’autres pays de européens (353), et dans la plupart des pays francophones d’Afrique, tel
que le Maroc.

351
Expression employée par le BIT. V. VEGA RUIZ Maria Luz, « L’inspection du travail et les relations
professionnelles », in MAGER STELLMAN Jeanne (dir.), Encyclopédie de sécurité et de santé au travail,
3e édition française, traduction de la 4ème édition anglaise, Genève, BIT, 2000, vol 1, p. 21.32.

352
AUVERGNON Philippe, « Pour l’effectivité du droit du travail : Quel système d’inspection et quelle
indépendance des inspecteurs ? », in AUVERGNON Philippe (dir.), L’effectivité du droit du travail. À
quelles conditions ?, actes du séminaire international de droit comparé du travail, des relations
professionnelles et de la sécurité sociale, Presses Universitaires de Bordeaux, 2006, pp. 245 et s.

353
RAMACKERS Paul et VILBOEUF Laurent, L’inspection du travail, PUF, Coll. Que sais-je ?, n° 3195,
1997, p. 31.

85
Le système français d’inspection du travail est caractérisé par un champ très vaste
d’interventions des inspecteurs du travail qui correspond à celui d’une extension
substantielle liée directement à une législation dont les dispositions prévalent lorsqu’il y a
existence de relations de travail et que les services déconcentrés (Section 1) qui forment
la structure sont chargés également de mettre en œuvre. Ce système s’est forgé une
identité propre, le distinguant des autres systèmes existants, et que l’OIT a qualifié
d’ « inspection du travail à la française » (354).

Le caractère généraliste de l’inspection justifie cette identité. Cette institution


intervient dans les relations individuelles et collectives des travailleurs, les relations
professionnelles, la promotion d’emploi… (355). Bien que généraliste, l’inspection du
travail française bénéficie d’un appui de spécialistes. Contrairement à d’autres pays
européens, la France n’a pas attribué le contrôle des règles de santé et de sécurité au
travail à un corps technique spécialisé (356).

Ce caractère généraliste trouve sa source dans l’existence de relations étroites entre le


respect des règles de santé et de sécurité dans l’entreprise et le respect des autres règles de
droit du travail, du moment que les inspecteurs et contrôleurs du travail peuvent être
assistés par des médecins inspecteurs du travail en matière de médecine du travail, ou des
ingénieurs de préventions ( Section 2) (357).

Ainsi, alors que le Maroc affiche un système plutôt généraliste, l’activité d’inspection
est concentrée sur le conseil et l’information des employeurs et salariés et la conciliation
individuelle faute de juridiction de travail spécialisée, puisque les agents chargés de

354
Expression empruntée à l’OIT. BIT, Rapport de la mission tripartite d’évaluation de l’efficacité de
l’inspection du travail en France, BIT, Genève, 1981, p. 5. Ce rapport revient amplement sur la question :
inspection spécialiste et inspection généraliste.

355
COLIN Thierry et ROUYER Régis, « Régulation de l’emploi et plans sociaux : les limites de
l’intervention de l’Etat », in l’Etat à l’épreuve du social, éd. Syllepse, 1998, p. 282.

356
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul., TERRIER Jean-Pierre., Le système d’inspection du travail en
France, Liaisons, 2ème éd., 2013, p 64.

357
Ministère du Travail, de la solidarité et de la fonction publique, Condition de travail bilan 2009,
Direction Général du Travail, Paris, 2010, p. 26.

86
l’inspection se contentent de faire des observations générales en relation avec
l’application de la législation (358).

358
Point que Nous développerons plus loin dans la seconde partie.

87
Section 1 : Les structures des services extérieurs de l’administration du
travail

Les missions confiées à l’inspection du travail depuis sa création se sont intéressées à


la préservation et l’intégrité physique des travailleurs. Plus tard, le contrôle de
l’application des lois sociales en matière de conflits et de négociation lui était dédié.
D’autres attributions sont venues s’y ajouter par l’effet du développement et mutations
techniques et technologiques (359).

L’inspection du travail a toujours procédé au partage de la tâche du suivi des


établissements entre ses différents services, même en France, bien que ces derniers soient
fusionnés. Le corps de l’inspection du travail relève généralement au niveau central d’une
direction du travail chargée de son administration, orientation et contrôle (§ 1). Il est
affecté pour l’exercice de ses fonctions aux services territoriaux déconcentrés constitués
autour des directions régionales (§ 2). Ceci témoigne de l’importance qu’il faut accorder
aux relais administratifs locaux appelés services extérieurs.

Afin que cette étude soit centrée sur l’organisation du système d’inspection du travail
ainsi qu’au corps de l’inspection, nous nous attacherons de développer le rôle de conseil
et d’information aux employeurs et aux salariés (§ 3) dont il est chargé et dont on ne peut
point s’en passer.

§ 1. L’organisation centrale

Le rattachement des systèmes d’inspection du travail à une autorité centrale facilite le


développement et la concrétisation de l’action administrative décidée à l’échelle centrale
et à l’application d’une politique uniforme en matière d’inspection sur l’ensemble du
territoire national.

À cet égard, la Convention n° 81 de l’OIT souligne la pertinence de placer


l’inspection du travail sous la surveillance d’une autorité centrale pour autant que cela

359
AUVERGNON Philippe, « Inspection du travail : quelle utilité aujourd’hui ? », RFAS., n° 4, octobre-
décembre, 1992, p. 21.

88
soit compatible avec la pratique administrative nationale (360). Ces dispositions ont été
formulées « de manière à laisser une certaine souplesse dans leur application. Elles
permettent ainsi de tenir compte de certains arrangements particuliers reconnus utiles
dans la pratique administrative nationale » (361).

Ces dispositions, pour claires qu’elles soient, ne sont pas pour autant applicables.
Ainsi, derrière cette souplesse, nombre de questions se profilent dont certaines
apparaissent déterminantes à l’image des problèmes dus aux structures administratives ou
à la fragmentation de la compétence des inspecteurs du travail.

A) En France : La réorganisation des services de l’inspection du travail,


une fusion au niveau central

En France, l’organisation de l’inspection du travail est en pleine mutation. La


nouveauté la plus marquante consiste en la fusion des services d’inspection du travail.
Les agents de cette institution étaient, jusqu’en 2008 (362), affectés entre les ministères
chargés du travail, des transports et de l’agriculture. L’idée d’un seul système
d’inspection a suscité un débat très important pour les services concernés au long de ces
dernières années, concernant la fusion des trois services d’inspection.

Cette fusion des principaux systèmes d’inspection, déjà préconisée par le rapport
Jouvin (363) avant d’être annoncée dans un discours du Président de la République
François Mitterrand en 1993 (364), a mis fin à la spécialisation des agents affectés dans ces

360
Articles 4 de la Convention n° 81 et 7 de la Convention n° 129 de l’OIT.
361
CIT, L’inspection du travail, étude d’ensemble de la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations, 71ème session, BIT, Genève, 1ère éd. 1985, n° 61, p. 110.

362
Les décrets n° 2008-1503 et 2008-1510, du 30 décembre 2008 relatifs à la fusion des services
d’inspection du travail, JORF du 31 décembre 2008.

363
Le conseiller d’Etat Bernard JOUVIN, dans son rapport du même nom sur l’inspection du travail en
1973, avait préconisé la création d’un corps unique d’inspecteurs du travail.

364
L’unification des inspections du travail du régime général, de l’agriculture et des transports était
annoncée par le Président de la République française François Mitterrand, à l’occasion du centenaire de
l’inspection du travail, le 19 janvier 1993.. Aussi, le ministre délégué au travail Gérard Larcher avait
revendiqué, dans le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail (PMDIT), qui
réunit des propositions issues du rapport de janvier 2005 de Jean Bessière, rendu public le 9 mars 2006,
l’expérimentation d’un rapprochement des trois services d’inspection du travail.

89
services (365). C’est en janvier 2009, dans le cadre de la révision générale des politiques
publiques (RGPP) et de la création des directions régionales des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) dont
l’inspection du travail y sera directement rattachée, que le ministre du travail a pris la
responsabilité du service d’inspection issu de la fusion selon les dispositions de l’article
R. 8111-1 du Code du travail français (366).

1) Recherche d’une rationalisation des structures

En plus des directions consacrées à des fonctions d’organisation, de statistique ou de


gestion et de plusieurs autres directions qui composent l’administration centrale placée au
Ministère du travail, la direction générale du travail (DGT) (367) exerce les fonctions
d’autorité centrale et d’organe central pour les agents de l’inspection du travail placés
sous l’autorité du ministre chargé du travail conformément aux Conventions 81 (368), 129
(369), et 178 (370) de l’Organisation Internationale du Travail, et à l’article R. 8121- 13 du
Code du travail (371).

365
HAUBRY Xavier, Le contrôle de l’inspection du travail et ses suites, l’Harmattan, 2010, p. 22.

366
L’article R. 8111-1 dispose : « … les missions d’inspection du travail sont exercées par les inspecteurs et
contrôleurs du travail placés sous l’autorité du ministre chargé du travail ».

367
La Direction générale du travail a été créée par le décret 2006-1033 du 22 août 2006, dont l’article 3 lui
a confié pour mission de coordonner d’animer et de préparer la politique du travail. A cet effet, elle est
chargée de l’application et de l’élaboration des textes réglementaires et législatifs et assure le
développement des actions concernant les relations du travail, l’accompagnement et le suivi de la
négociation collective, les conditions de travail et la protection de la santé et de la sécurité en milieu de
travail. L’arrêté du 22 août 2006 relatif à l’organisation de la DGT indique les attributions du service des
relations et des conditions de travail et un service de l’animation territoriale de la politique du travail et de
l’action de l’inspection du travail constitués respectivement de :
-Deux directions, dont l’une relative aux relations individuelles et collectives du travail et l’autre des
conditions de travail qui a un rôle important sur le champ de la santé et la sécurité au travail.
-Département de l’animation de la politique du travail et du contrôle ; département du soutien et de l’appui
au contrôle ; l’inspection médicale du travail et de la main d’œuvre (IMTMO). www.travail-emploi-
santé.gouv.fr.

368
L’article 4 de cette Convention dispose que « Pour autant que cela sera compatible avec la pratique
administrative du membre, l’inspection du travail sera placée sous la surveillance et le contrôle d’une
autorité centrale ».

369
L’article 7 de cette Convention prévoit que « Pour autant que cela est compatible avec la pratique
administrative du membre, l’inspection du travail dans l’agriculture sera placée sous la surveillance et le
contrôle d’un organe central ».

90
Cette fusion comprend les principaux systèmes d’inspection du travail qu’ils
s’agissent des services d’inspection du Ministère du travail, l’ensemble des services du
travail des transports, l’inspection du travail maritime ainsi que les services d’inspection
du travail agricole (372). D’ailleurs, pour cette dernière, le Code du travail précise (373),
que « Dans chaque département, une section est chargée du contrôle des professions
agricoles telles que définies par l’article L. 717-1 du Code rural, sauf exception prévue
par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et du travail. Le directeur régional des
entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi peut, par
référence à la nomenclature d’activités française, modifier le champ de compétence de la
section agricole tel qu’il résulte de l’application de l’article L. 717-1 du Code rural ». En
d’autres termes, dans chaque département, une section est chargée du contrôle des
professions agricoles (374). Concernant le contrôle des entreprises de transport, les
méthodes d’organisation sont déterminées au niveau régional.

Seuls trois secteurs d’activité conservent une mission d’inspection du travail exercée
indépendamment de ce cadre par d’autres départements ministériels. Il s’agit des mines et
carrières et leurs dépendances, sauf pour celles situées sur le domaine de l’État mis à la
disposition du ministère de la défense, les missions d’inspection sont exercées par des

370
L’article 2 a 2 partie II précise que « L’autorité centrale de coordination devra coordonner les
inspections entièrement ou partiellement consacrées aux conditions de travail et de vie des gens de mer, et
établir des principes à respecter ».

371
L’article R- 8121-13 énonce « … Elle exerce à ce titre pour les agents de l’inspection du travail la
fonction d’autorité centrale, d’organe central et d’autorité centrale de coordination prévue par ces
conventions… ».

372
À l’exception de ces derniers, ne sont concernées par la fusion que les fonctions d’inspection du travail
proprement dites, comprenant l’ensemble des missions accomplies dans le domaine de la négociation
collective et de l’extension des accords. Les autres missions de ces services, notamment la protection
sociale et l’emploi, restent au sein du Ministère de l’agriculture, au niveau régional. Quant au contrôle des
entreprises des transports, l’organisation est définie au niveau régional. Circulaire interministérielle
(Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
Ministère de l’agriculture et de la pêche ; Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la
solidarité) n° 2008-18 du 10 octobre 2008 relative à l’organisation territoriale de l’inspection du travail dans
le cadre de la fusion des services.
Les services d’inspection du travail des transports et d’agriculture ont intégré les unités territoriales de
DIRECCTE.

373
Article R. 8122-4 al 2 du Code du travail, modifié par décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif
à l’organisation des DIRECCTE.

374
Sauf exception prévue par arrêté ministériel du 23 juillet 2009 portant création et répartition de sections
d’inspection du travail (JORF n° 0176 du 1er août 2009, texte n° 17), qui a dressé dans son article 2 une liste
des départements, considérés plus petits, pour lesquels il est dérogé à la création d’une section agricole.

91
fonctionnaires habilités à cet effet par les directeurs régionaux de l’environnement, de
l’aménagement et du logement (DREAL) parmi les agents placés sous leur autorité ( 375).
Dans les autres établissements (376), le Code du travail a également déterminé les
personnes chargées de l’exercice des missions d’inspection du travail.

Il faut rappeler que la décision de la fusion remonte au drame de Saussignac en


Dordogne. En septembre 2004, l’assassinat de Sylvie Tremouille, contrôleur du travail et
Daniel Buffière, agent du service de contrôle de la mutualité sociale agricole (MSA), par
un exploitant agricole, lors d’un contrôle inopiné, a provoqué un choc voire un
traumatisme non seulement pour les familles des victimes mais pour l’ensemble des
agents d’inspection, tant par la gravité de l’évènement que par le manque de réaction
officielle et la façon dont l’État a réagi (377).

Depuis plus de cent vingt ans d’existence de ce corps de fonctionnaires chargés de


faire respecter le droit du travail, c’était la première fois que des inspecteurs du travail
étaient tués, dans l’exercice de leurs fonctions ; ce qui a fortement marqué les inspecteurs
du travail qui, lors de l’exercice de leurs missions peuvent être confrontés à des risques et
dangers imminents.

Ce meurtre avait engendré une tentative de rapprochement restreinte à titre


d’expérience dans les départements du Pas-de-Calais et de la Dordogne, qui consistait en
la création, au sein de chacune des directions départementales du travail, de l’emploi et de
la formation professionnelles, d’une section d’inspection du travail spécialisée pour

375
Articles R. 8111-8 et R. 8111-9 du Code du travail français.

376
Il s’agit des aménagements hydroélectriques concédés, des ouvrages du réseau public de transport
d’électricité, des installations nucléaires dans les centrales de production d’électricité et des établissements
placés sous l’autorité du ministre de la défense et dont l’accès est surveillé en permanence, cités
respectivement dans les articles R. 8111-10, R. 8111-11 et R. 8111-12.

377
À l’époque, ce meurtre avait suscité une grande déception au sein de la communauté des fonctionnaires
de l’inspection du travail ayant reproché l’insuffisance de réaction officielle des ministères de l’agriculture
et du travail ou celle des télévisions publiques. Lorsque l’ancien ministre de l’agriculture Hervé Gaymard
avait publié un communiqué, et avait qualifié le « meurtre » des inspecteurs par un « décès" ou « drame » à
la suite du décès des deux inspecteurs du travail, en Dordogne. « … je tiens à faire part de ma vive émotion
au sujet du drame qui vient de se dérouler en Dordogne… ». Site du Ministère de l’agriculture :
http://agriculture.gouv.fr/message-d-herve-gaymard-a-la-suite.
Cette remarque a été aussi soulevée par plusieurs inspecteurs notamment par l’inspecteur du travail Pierre
Mériaux : « …L’Etat est resté coi, illustrant l’importance relative accordée au contrôle du droit du travail :
l’Elysée a plus communiqué sur la mort d’un ours abattu que sur celle de nos deux collègues, les premiers
discours ministériels étaient indignes… », in TRIOMPHE Claude-Emmanuel et MERIAUX Pierre, « Sur la
réforme de l’inspection du travail », RDT., n° 6, décembre 2006, p. 356.

92
l’ensemble des professions agricoles dépendant du régime de protection sociale agricole
(378).

Autant dire que le meurtre des deux inspecteurs avait amené, en 2006, à une
mobilisation de la moitié des inspecteurs et contrôleurs regroupés, pendant deux jours,
pour « les états généraux de l’inspection du travail face au libéralisme et à la
déréglementation» (379), ainsi qu’à une accélération sur le plan de modernisation et de
développement de l’inspection du travail (PMDIT) (380).

2) La nouvelle organisation : un enrichissement des modes d’intervention

Cette fusion a pu mettre fin à la multiplication des systèmes et constitue un avantage


en ce qui concerne les règles de répartition de compétences entre les services d’inspection
étant compliquées ; et pour cause l’évolution de l’entreprise et l’émergence de nouveaux
types d’organisation du travail (381). Cela complique la tâche des agents de l’inspection
ayant des fois du mal, avant la fusion, à déterminer le service compétent pour le contrôle.
Les illustrations les plus dramatiques sont celles de l’incendie de la maternité du centre

378
Arrêté du 11 mai 2006 portant création de deux sections d’inspection du travail, JORF n° 110 du 12 mai
2006, texte n° 9.

379
« …Pour les agents de contrôle, les pistes d’une vraie réforme… sont autres :
… le doublement des effectifs de l’inspection du travail avec la création d’un service unique d’inspection
du travail ; l’inspection du travail maritime, l’inspection du travail en agriculture et l’inspection du travail
des transports…
… un renforcement des sanctions pénales et des moyens juridiques de l’inspection, par l’extension de la
procédure d’arrêt immédiat des travaux par décision administrative à toutes les situations de danger grave
… et la création de sanctions administratives permettant d’aboutir à des actions rapides… ». In TRIOMPHE
Claude-Emmanuel et MERIAUX Pierre, « Sur la réforme de l’inspection du travail », art.cité, p. 360.

380
Xavier HAUBRY, Le contrôle de l’inspection du travail et ses suites, l’Harmattan, 2010, p. 16. En juillet
2004, le ministre délégué à l’emploi, Gérard Larcher a demandé un rapport sur l’inspection du travail à Jean
Bessière, alors directeur de l’Institut National du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle
(INTEFP). Dans ce rapport, l’auteur présente ses observations concernant l’évolution de l’organisation de
l’inspection du travail, il évoque les compétences, les moyens et pratiques de l’inspection du travail ainsi
que les difficultés que peuvent rencontrer les inspecteurs et contrôleurs dans l’exercice de leurs missions.
Ce plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, est assorti de l’annonce de
l’accroissement des effectifs pour les services de l’inspection du travail sur la période de 2007-2010 et
prévoit également le renforcement de l’appui aux contrôleurs et inspecteurs du travail dans leur travail, ainsi
que d’autres modifications d’organisation des services. Présenté le 9 mars 2006 par Gérard Larcher, ce plan
s’appuie sur les travaux de Jean Bessière et Jacques Rapoport, alors secrétaire général des ministères
chargés des affaires sociales.

381
AUVERGNON Philippe, « Pour l’effectivité du droit du travail : quel système d’inspection et quelle
indépendance des inspecteurs ? », art.cité, p. 249.

93
hospitalier d’Arles (382), dont le contrôleur n’avait jamais réalisé un contrôle efficace
parce qu’il n’avait jamais signalé, à son employeur, l’absence de collaboration de la
direction de l’établissement qui devait participer à cette tâche.

L’autre affaire relative à l’accident de Pic de Bure (383), a montré que la répartition
des compétences entre plusieurs systèmes d’inspection pouvait avoir des répercussions
sur la compétence du contrôle puisque, dans cette affaire, les agents du régime général
n’avaient jamais réalisé de contrôle, faute de compétences techniques (384) ; sachant que
le contrôle des téléphériques de France est de la compétence du service technique des
remontées mécaniques et des transports guidées (STRMTG), rattaché à la direction
générale des infrastructures, des transports et de la mer du Ministère de l’écologie, du
développement durable, des transports et du logement (385).

D’autres exemples peuvent exister certes, mais notre choix s’est fixé sur ces deux cas
de figure particulièrement dramatiques et d’exception, parce qu’ils se focalisent sur
l’intervention des contrôleurs et les mettent en cause devant les juridictions pénales. On
pourrait se demander si ces exemples d’accidents ne sont-ils pas à l’origine de la
répartition des compétences entre les services d’inspection du travail (386).

382
Le 20 février 2003, un incendie s’est déclaré dans un bloc de bâtiment de préfabriqué qui abrite la
maternité du centre hospitalier d’Arles (Bouches-du-Rhône), créé provisoirement pour cause de rénovation
du bâtiment principal pour abriter les différents services du centre hospitalier, provoquant la mort d’une
maman et intoxiquant gravement sa petite fille. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait confirmé la
culpabilité du constructeur et de l’architecte et avait condamné le contrôleur, pourtant relaxé en première
instance. BIEN Fabrice, « Souffrance au travail, risques psychosociaux et corporate governance », in
DELGA Jacques, (dir.), Souffrance au travail dans les grandes entreprises, ESKA, septembre 2010, p. 148.

383
En juillet 1999, une cabine de téléphérique du Pic du Bure (Hautes Alpes) avait fait une chute, pendant
sa montée, de plus de 80 mètres, à la suite de la défaillance de l’attache assurant la liaison du chariot au
câble tracteur. Cet accident tragique avait causé le décès de 20 personnes. Les experts avaient conclu que la
cause directe de l’accident est l’absence du système de freinage, puisque le frein de chariot avait été
désactivé en 1984 puis retiré en 1986. Les personnes condamnées sont l’ancien responsable de la
maintenance du téléphérique, la société qui exploitait le téléphérique et le contrôleur technique qui avait
confirmé le retrait du frein. TRINQUET Pierre, « Les dégâts du travail : un fléau économique et social ? »,
in TRINQUET Pierre (dir.), Prévenir les dégâts du travail : l’ergoprévention, PUF, 2009, p. 36.

384
HAUBRY Xavier, ouvr.cité, p. 22.

385
Arrêté du 20 mai 2010 modifiant l'arrêté du 7 août 2009 relatif à la conception, à la réalisation, à la
modification, à l'exploitation et à la maintenance des téléphériques, JORF n° 0132 du 10 juin 2010 p.
10627, texte n° 8. Le STRMTG est régi par le décret n° 2010-1580 du 17 décembre 2010 qui rattache au
STRMTG les bureaux interdépartementaux et départementaux des remontées mécaniques et des transports
guidés à partir du 1er janvier 2011. JORF n° 0293 du 18 décembre 2010, p. 22308, texte n° 11.

386
AUVERGNON Philippe, « Pour l’effectivité du droit du travail : Quel système d’inspection et quelle
indépendance des inspecteurs ? », art.cité, p. 249 ; HAUBRY Xavier, Le contrôle de l’inspection du travail

94
B) Au Maroc : Réforme de l’organisation du ministère de l’emploi,
permanence des objectifs et des missions

Au Maroc, les services de l’inspection du travail, en tant que seul corps de contrôle,
sont rattachés au ministère de l’emploi et des affaires sociales. En vertu du décret n° 2-
14-280 du 18 juin 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère ( 387), ce
dernier est doté en plus du secrétariat général, de l’inspection générale, de la direction de
l’emploi et de la direction du travail, de quatre autres directions qui se sont vues confier la
protection sociale ; les ressources humaines, le budget et les affaires générales ; la
coopération internationale et l’observatoire national du marché du travail (388).

L’inspection du travail relève de la direction du travail (389). Cette dernière comprend


quatre divisions qui sont en charge de l’inspection à savoir :
La division du contrôle et de l’animation de l’inspection du travail (390), la division de
la promotion des relations professionnelles (391), la division de la réglementation des
normes du travail (392) ainsi que la division de la médecine du travail, de la santé et de la
sécurité professionnelle (393).
La direction du travail est chargée de la mise en œuvre des politiques publiques dans
les domaines de l’amélioration des conditions de travail, de la promotion des relations
professionnelles et de la prévention des risques professionnels. Elle veille également à

et ses suites, ouvr.cité, p. 22 ; TIANO Vincent, Les inspecteurs du travail à l’épreuve de l’évaluation des
risques, Th. Aix-Marseille II, 2003, p. 76 ; LEGROS Bérengère, « La nécessaire réforme des procédures de
contrôle des risques liées à la sécurité sur les lieux de travail », JCP. S., 2010, n° 1110.

387
Décret n° 2-14-280 du 18 juin 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère de l’emploi et
des affaires sociales, B.O n° 6322 du 1er janvier 2015, p. 229.
388
Article 3 du Décret n° 2-14-280 du 18 juin 2014, B.O n° 6344 du 19 mars 2015, p. 1096, rectificatif au
B.O n° 6322 du 1er janvier 2015
389
Arrêté du ministre de l’emploi et des affaires sociales n° 2681-14 du 18 juillet 2014 relatif à la création
des divisions et services des directions centrales du ministère de l’emploi et des affaires sociales, B.O n°
6322 du 1er janvier 2015, p. 235.
390
Cette division regroupe le service de la programmation et du contrôle et le service des statistiques et de
l’évaluation.
391
Elle se compose des services : du suivi des conflits du travail et celui des négociations collectives et des
conventions du travail.
392
Elle réunit le service des affaires juridiques et le service des normes internationales du travail.
393
Cette division regroupe le service de la médecine du travail et le service de l’hygiène de la sécurité
professionnelle.

95
l’application de la législation du travail, à cet effet elle est chargée d’élaborer les projets
de textes législatifs et réglementaires en matière de travail ; d’animer les inspections du
travail et le contrôle de l’application de la législation du travail ; d’encourager les
négociations collectives entre les partenaires sociaux, de promouvoir les relations
professionnelles, de contribuer au règlement des conflits individuels et collectifs du
travail et de dynamiser la procédure d’arbitrage et de réconciliation.

Elle est aussi chargée de promouvoir la médecine du travail, et de proposer les


mesures essentielles afin de préserver la santé et la sécurité des salariés ; de suivre les
règlements intérieurs des établissements assujettis au code du travail ; de suivre les
normes internationales du travail et d’assurer leurs mise en œuvre ; de promouvoir les
programmes spécifiques relatifs au genre et à la lutte contre le travail des enfants, et de
développer les partenariats avec la société civile dans ces domaines, ainsi que d’animer
les mécanismes de concertation en matière de promotion du travail (394).

On notera cependant que la fusion des services d’inspection du travail en France, et la


réorganisation du ministère chargé de l’emploi au Maroc ont changé l’organisation des
services de l’administration centrale au niveau régional et départemental.

§ 2. L’organisation territoriale

Sous l’autorité des directeurs régionaux, les directions de l’emploi représentent le


département à l’échelle territoriale, exercent les fonctions administratives déconcentrées
et organisent l’activité de l’inspection du travail.

A) En France : la disparition des DRTEFP et DDTEFP au profit des


DIRECCTE

La rénovation des principes de gestion de l’inspection avec la création de la direction


générale du travail (DGT) en tant qu’autorité centrale de l’inspection du travail, puis du
conseil national de l’inspection du travail (CNIT) (395) comme moyen de garantie des

394
Article 8 du décret n° 2-14-280 du 18 juin 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère de
l’emploi et des affaires sociales, B.O n° 6322 du 1er janvier 2015, p. 230.

395
Le CNIT a été créé par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, dont les dispositions ont été codifiées aux
articles D. 8121-1 à D. 8121-21 du Code du travail français, JORF n° 0061 du 12 mars 2008, p. 4482, texte

96
conditions d’intervention de l’inspection du travail, et l’adoption du PMDIT, affectent la
volonté de conforter l’organisation du système d’inspection du travail (396).

La fusion des services d’inspection du travail a modifié l’organisation des services


déconcentrés du ministère du travail tant au niveau régional que départemental.
L’organisation territoriale de l’inspection du travail marquée particulièrement par la
création du service unique est le résultat de la fusion par la mise en place des DIRECCTE
(397),

1) Mutualisation des fonctions entre les unités territoriales et le niveau


régional

La création des DIRECCTE (398) est le résultat des travaux menés dans le cadre de la
RGPP. Ces directions sont des services déconcentrés communs au Ministère de
l’Economie, de l’industrie et de l’Emploi et au Ministère du travail, des relations sociales,
de la famille, de la solidarité et de la ville. Chaque direction comprend un pôle politique
du travail, un pôle entreprise, emploi et économie, et un pôle concurrence, consommation,
répression des fraudes et métrologie (399).

n° 32. Les attributions du CNIT ainsi que la composition et mandat sont précisés aux articles D. 8121-1 à D.
8121-8 du Code du travail, quant au fonctionnement il est prévu par les articles D. 8121-9 à D. 8121-12 du
même code. Le CNIT doit contribuer à assurer, par ses attributions consultatives, l’exercice des missions et
garanties de l’inspection du travail. Il est institué auprès du ministre chargé du travail, il se compose d’un
conseiller d’État, d’un conseiller à la cour de cassation, d’un inspecteur général des affaires sociales et de
membre du corps de l’inspection du travail. Leur mandat est de trois ans renouvelable une fois.

396
Sans oublier le reste de l’administration centrale, qu’il s’agisse de la DAGEMO, de l’IGAS, de
l’INTEFP et du CHRIT.

397
La création de DIRECCTE a été introduite dès la fin de l’année 2007 pour plus de détails, voir les
rapports du BIT : L’inspection du travail en France en 2007, p. 40 ; L’inspection du travail en France en
2008, pp. 59 et 60 ; L’inspection du travail en France en 2009, p. 90 et s.

398
Àla date de la création de la dernière DIRECCTE, la division en sections du chapitre II du titre II du livre
1er de la huitième partie du Code du travail est supprimée, les articles R. 8122-1 à R. 8122-7 sont abrogés, et
les articles R. 8122-8, R. 8122-9, R. 8122-10 et R. 8122-11 deviennent, simultanément, les articles R. 8122-
3, R. 8122-4, R. 8122-1, R. 8122-2.

399
ANADON Coralie, « Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du
travail et de l’emploi », Revue Lamy droit des affaires., n° 44, décembre 2009, p. 45.

97
L’objectif à atteindre est de réorganiser l’administration territoriale de l’État (400). Ces
directions ont vocation à contenir certains services déconcentrés, dont les directions
régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) ainsi que
leur échelon départemental (DDTEFP) (401). Chaque DIRECCTE comprend ainsi
plusieurs « unités territoriales », dont la compétence géographique ne correspond pas
forcément au département, comprenant à leur tour des unités de contrôle, chaque unité de
contrôle est composée de huit à douze sections (agents de contrôle) (402). Par ailleurs, la
ligne hiérarchique de l’inspection du travail a été organisée, elle comporte au niveau
national : la direction générale du travail, le groupe national de veille, d'appui et de
contrôle (403) : Il s’agit d’un groupe d’inspecteurs et des contrôleurs du travail qui assure
un appui à des opérations qui nécessitent une expertise particulière, un accompagnement
des services, un contrôle spécifique ou une coordination des contrôles sur tout le
territoire (404). Cette fonction de contrôle, s’exerce à partir de la veille et des sollicitations
des services. Elle présente toujours une dimension collective, en lien avec les unités de
contrôle des DIRECCTE (405).

Les agents de ce groupe national sont dotés de pouvoirs de contrôle et de constatation


des infractions, mais aucune fonction d’autorité administrative ne leur est attribuée. Leur
intervention s’inscrit dans le cadre de l’appui des unités de contrôle dans des opérations
nécessitant une expertise particulière ou un contrôle spécifique (406).

400
Décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à l’organisation et aux missions des DIRECCTE.
JORF n° 0263 du 13 novembre 2009, texte n° 11. Conformément à l’article 2 du décret n° 2010-687 du 24
juin 2010, les dispositions du décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 s’appliquent à la région Ile-de-
France à compter du 1er juillet 2010.

401
Rédaction SSL, « DIRECCTE : quelles prérogatives pour les unités territoriales ? » SSL., n° 1445, 10
mai 2010, p. 2.

402
Annexe à l’instruction du gouvernement du 29 octobre 2013 relative à la mise en œuvre du projet
« ministère fort » sur le système d’inspection du travail p. 9.
403
Article premier du décret n° 2014-359 du 20 mars 2014, relatif à l’organisation du système d’inspection
du travail, ajoutant l’article R. 8121-15.
404
Article R. 8121-15 du code du travail.
405
Annexe à l’instruction du gouvernement du 29 octobre 2013 relative à la mise en œuvre du projet
« ministère fort » sur le système d’inspection du travail p.13.
406
Ibid.

98
Au niveau régional, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) comportent un siège régional
composé de trois « pôles » (407). Sont créées des « unités territoriales » devenues « unités
départementales » (408) c’est la nouvelle dénomination des anciennes directions
départementales du travail, de l’emploi, et de la formation professionnelle (DDTEFP).

La nouvelle organisation de l’inspection du travail est organisée en unités de contrôle


territoriales (UC). Les inspecteurs et les contrôleurs du travail exercent leur mission dans
des unités de contrôle départementale ou infra-départementale ; interdépartementale ;
régionale et interrégionale (409).

Les unités de contrôle de niveau infra-départemental, départemental ou


interdépartemental sont rattachées à une unité départementale, et les unités de contrôle
interrégionales, rattachées à une DIRECCTE (410). Chaque unité est composée de section
d’inspection, leur nombre est fixé pour chaque région chacune de ses unités est placée
sous l’autorité d’un inspecteur du travail (411).

Afin de lutter contre le travail illégal, et de contrôler le respect des dispositions


relatives aux salariés détachés temporairement en France par une entreprise non établie en
France, dans chaque région est installé une unité régionale d’appui de contrôle du travail
illégal, rattachée au pôle « politique du travail » de la DIRECCTE (412). Il en est ainsi
pour prévenir les risques particuliers ou d’assurer le renfort des agents des unités de
contrôle, « un réseau composé d’ingénieurs ou de médecins de la cellule
pluridisciplinaire régionale et des agents de contrôle des sections territoriales appuiera
l’action pour prévenir le risque d’exposition à l’amiante. Ces agents…pourront

407
Il s’agit des pôles : 3 E (Economie, Entreprise, Emploi), T (politique du Travail) et C (Concurrence,
Consommation, Répression des fraudes et Métrologie).
408
Article 4 du décret n° 2015-1689 du 17 décembre 2015 portant diverses mesures d'organisation et de
fonctionnement dans les régions de l'administration territoriale de l'État et de commissions administratives.
409
Article R. 8122-3 du code du travail.
410
Article R. 8122-4 du code du travail.
411
Article R. 8122-10 du code du travail.
412
Article R. 8122-8 du code du travail.

99
intervenir en zone confinée en appui des agents de l’unité de contrôle si cela s’avère
nécessaire » (413).

Ce groupe intervient en accompagnement à des agents à leur demande mais aussi sur
« la base d’un diagnostic territorial mettant en évidence un besoin d’action spécifique qui
fait l’objet d’une programmation qui lui est propre et qui est débattu en comité de
direction de la DIRECCTE et fait l’objet d’une communication à l’ensemble des agents »
(414). Des inspecteurs et contrôleurs y sont affectés. Ce groupe est placé sous l’autorité
d’un inspecteur du travail. (415).

2) DIRECCTE : une construction autour d’une logique économique

La DIRECCTE est en charge, dans chaque région, des actions de contrôle et du bon
fonctionnement des marchés et des relations commerciales entre entreprises, des actions
de développement des entreprises et de l’emploi et des actions d’inspection de la
législation du travail.

Quant aux pouvoirs, auparavant, conférés aux directeurs départementaux, c’est au


directeur régional, placé sous l’autorité du directeur général du travail en matière
d’actions d’inspection de la législation du travail de les exercer (416). C’est donc
désormais à la DIRECCTE qu’incombent les décisions telles que l’apprentissage,
l’homologation ou non des ruptures conventionnelles (417), l’avis sur la procédure de
licenciement collectif, ou de constater présenter, le cas échéant, toute proposition pour
compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l’emploi (418).

413
CALVEZ Yves, « pour une inspection du travail forte et adaptée à notre temps », Dr. Ouvrier, n° 799,
février 2015, p. 124-125.
414
Annexe à l’instruction du gouvernement du 29 octobre 2013 relative à la mise en œuvre du projet
« ministère fort » sur le système d’inspection du travail, p. 12.
415
Article R. 8121-15 du Code du travail.

416
Instruction du 12 mars 2010 relative à l’exercice des fonctions hiérarchiques en matière d’inspection de
la législation du travail au sein des DIRECCTE.

417
Article R. 1237-3 du Code du travail français.

418
Article L. 1233-56 du Code du travail français.

100
Pour ce qui est de l’exercice des compétences, en matière d’actions d’inspection de la
législation du travail, le directeur peut déléguer sa signature au chef de pôle en charge des
questions de travail et aux responsables d’unités départementales chargées des politiques
du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et de développement des
entreprises conformément aux dispositions de l’article R. 8122-2 du Code du travail (419).
Les chefs de pôle et les responsables d’unité territoriale ont la faculté de subdélégation
aux agents du corps de l’inspection du travail placés sous leur autorité (420).

Néanmoins, cette faculté de subdélégation atténue les conséquences pratiques de la


réorganisation des services déconcentrés. Avant cette réorganisation, pour certaines
décisions du ressort, en principe, de la DDTEFP, les entreprises traitaient avec les
inspecteurs du travail, qui avaient hérité de ces prérogatives par délégation. La
réorganisation a certes fait remonter les compétences de la DDTEFP à la DIRECCTE,
toutefois, la subdélégation favorise une atténuation de certaines prérogatives au niveau de
l’inspection du travail (421).

Avec la création des premières cellules régionales pluridisciplinaires (422), les


médecins inspecteurs du travail et les ingénieurs de prévention, le niveau régional
constitue un élément essentiel de soutien aux agents de l’inspection du travail, notamment
en matière de prévention des risques professionnels (423). C’est en application du plan
santé au travail (PST) (424), que l’appui technique, scientifique et méthodologique a été

419
Décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009.

420
RF Social, « La DIRECCTE, nouvel interlocuteur de l’employeur », RF Social, n° 100, septembre 2010,
p. 33.

421
Rédaction SSL, « DIRECCTE : quelles prérogatives pour les unités territoriales ? », art.cité, p. 3.

422
Circulaire DRT 2005/07 du 23 juin 2005 relative à la mise en place des cellules régionales
pluridisciplinaires d’appui en matière de santé au travail. B.O Ministère du travail n° 1, 30 janvier 2006, p.
29.

423
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul, et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, éd. Liaisons, 2009, p. 142.

424
Il s’agit du premier plan santé au travail (2005-2009), élaboré par la direction des relations du travail
sous l’autorité du ministre délégué aux relations du travail, Gérard LARCHER et présenté, en février 2005,
au conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Ayant pour objectif de réduire le nombre
d’accidents du travail et de maladies professionnelles. In Direction des relations du travail, Plan santé au
travail 2005-2009, Ministère délégué aux relations du travail, Direction des relations du travail, 2005.
Il faut noter qu’un nouveau plan avait succédé au premier (2010-2014), présenté le 15 janvier 2010 par
Xavier DARCOS, alors ministre du travail, fixant deux objectifs :

101
renforcé par la création des cellules régionales d’appui aux agents de contrôle de
l’inspection du travail. En outre, ces cellules comportent un responsable chargé de la
coordination, un ou des ingénieurs de prévention, un ou plusieurs médecins inspecteurs
du travail.

B) Au Maroc : l’angle de vue de la réorganisation, un changement dans la


continuité

Le ministère de l’Emploi et des affaires sociales est représenté au niveau local par les
directions régionales de l’emploi (425). Elles sont placées dans chaque région sous la
direction des directeurs régionaux du travail. Chaque direction régionale dirige plusieurs
directions provinciales (426).

Les directions régionales de l’emploi et des affaires sociales comprennent, outre les
directions provinciales de l’emploi et des affaires sociales qui relèvent de leur
compétence territoriale, le service du contrôle de l’application de la législation du travail,
des relations professionnelles et de l’emploi et le service de l’hygiène, de la sécurité au
travail et de la protection sociale des travailleurs (427).

1) Un changement des dénominations sans effet sur l’organisation du


service d’inspection du travail

Ces directions régionales sont chargées de veiller à la mise en œuvre et à l’exécution


des politiques du ministère, dans les domaines de l’emploi, du travail, des relations
professionnelles et de la protection sociale, au niveau de la région qui relève de leur

Diminuer les expositions aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles et développer
une politique de prévention active contre ces risques.
425
Avant la réforme des services déconcentrés du ministère de l’emploi fixée par l’arrêté ministériel du 18
juillet 2014, certaines directions, anciennement appelées délégations, n’avaient aucun fondement juridique.
La réforme a crée neuf directions régionales, il s’agit des directions des villes suivantes : Oujda,
Casablanca, Rabat, Safi, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir et Laâyoune.
426
Il existe cinquante trois directions provinciales.
427
Article 2 de l’arrêté du ministre de l’emploi et des affaires sociale n° 2680-14 du 18 juillet 2014 fixant
les attributions et l’organisation des services déconcentrés du ministère de l’emploi et des affaires sociales,
B.O n° 6322 du 1er janvier 2015, p. 234.

102
compétence territoriale, ainsi que de superviser les ressources humaines qui relèvent de
leurs directions ainsi que les directions provinciales qui relèvent de leur compétence (428).

Quant aux directions provinciales, elles sont chargées de veiller à l’application de la


législation du travail, au règlement des conflits individuels et collectifs du travail et à
l’encouragement de la négociation collective au niveau de l’entreprise. Les directions
régionales sont assimilées aux divisions de l’administration centrale et les directions
provinciales aux services de l’administration centrale (429).

Mais cette nouvelle organisation, encore en projet, avait suscité plusieurs


commentaires. Parmi lesquels deux questions principales ont été évoquées. Il s’agit
d’abord de la question orale du Groupe Fédéral pour l’Unité et la Démocratie de la
chambre des conseillers adressée au ministre de l’emploi concernant la nouvelle
organisation du ministère de l’emploi et des affaires sociales, qui a été ainsi posée : « le
projet d’arrêté ministériel fixant les attributions et l’organisation des services
déconcentrés du ministère de l’emploi et des affaires sociales a été élaboré d’une
manière individuelle sans concertation avec les organisations salariales et patronales et
ses dispositions sont jugées contraires à la Convention n° 150 de l’OIT sur
l’administration du travail et ne répond pas aux objectifs de la convention que ce soit au
niveau de la structure formant administration du travail ou de ses prérogatives » (430).

La critique adressée par ce groupe ne parait cependant pas hâtive. Il ajoute que
l’administration marocaine n’a pas su s’adapter à l’évolution du marché du travail,
puisque depuis 1996 (431), elle n’a pas connu d’organisation nouvelle au niveau central et
depuis 1984 (432) au niveau régional. Pire encore plusieurs délégations créées n’ont aucun

428
Article 3 de l’arrêté du ministre de l’emploi et des affaires sociale n° 2680-14 du 18 juillet 2014.
429
Article 5 de l’arrêté du ministre de l’emploi et des affaires sociale n° 2680-14 du 18 juillet 2014.
430
Question orale n° 115/14 du Groupe Fédéral pour l’Unité et la Démocratie de la chambre des conseillers
du 14 mai 2014 concernant la nouvelle organisation du ministère de l’emploi, restée sans réponse, (en
arabe).
431
Décret n° 2-95-321 du 22 novembre 1996 fixant les attributions et l’organisation du ministère de
l’emploi et des affaires sociales. Il est Chargé d'élaborer et de mettre en œuvre la politique du
Gouvernement en matière d'emploi, de travail, de protection et de prévoyance sociales ainsi que de lutte
contre l'analphabétisme. B.O n° 4454 du 06 février 1997, p. 123-127.
432
Arrêté du ministre de l’emploi n° 152-85 du 20 novembre 1984 fixant les attributions et l’organisation
des services extérieurs du ministère de l’emploi. B.O n° 3799 du 21 août 1985, p. 319, (abrogé).

103
fondement juridique, il avait rapporté (433). Le groupe avait conclu que le fonctionnement
de l’administration du travail demeure inadapté et marqué par une inadéquation comparé
aux besoins réels du marché du travail (434).

2) Des structures à compétence générale

Bien que cette nouvelle réforme ait prévu la collaboration entre différents
départements ministériels, « ses dispositions restent dans une large mesure formelles »
(435). L’organisation de l’administration n’a toujours pas permis de résoudre les
problèmes majeurs de l’institution de l’inspection du travail. À commencer par la
collaboration entre les différents ministères, Ceci est dû à plusieurs difficultés. L’une de
ces principales difficultés à laquelle se heurte cette institution est la centralisation, et la
hiérarchisation excessive du pouvoir de décision avec une prédominance de l’anonymat et
de l’impersonnalité des rapports dans l’administration ou de cette dernière avec ses
usagers (436), d’où l’absence de communication et d’information entre les différents
services.

Le fonctionnement interne de l’administration est principalement oral (437), la


communication est souvent non structurée et les fonctionnaires font souvent état
d’obéissance hiérarchique (438) et de discrétion sous prétexte qu’ils sont tenus par le secret
professionnel (439). Face à ces situations, l’administration se renferme sur elle-même (440),

433
Il s’agit des délégations des villes suivantes : Berkane, Taourirt, Zouagha moulay yaacoub (région de
Fès), Taounate, Benguerir, Bernoussi-znata (l'une des préfectures d'arrondissement de Casablanca),
Taroudant, Chtoukkka-ait-baha et Ifrane.
434
Question orale n° 07/13 du Groupe Fédéral pour l’Unité et la Démocratie de la chambre des conseillers
du 10 janvier 2013 concernant la nouvelle organisation du ministère de l’emploi. (En arabe).
435
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p. 87.
436
SEDJARI Ali, La mise à niveau de l’administration face à la mondialisation, l’Harmattan 1999, p. 276.
437
EL CAID Hammouda, L’administration et le problème de l’emploi au Maroc, Société Nouvelle des
Impressions et Cartonnages Idéale, 1992, p. 178.
438
Conformément aux dispositions de l’article 17 du dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut
général de la fonction publique « Tout fonctionnaire quel que soit son rang dans la hiérarchie est
responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Le fonctionnaire chargé d’assurer la marche
d’un service est responsable à l’égard de ses supérieurs de l’autorité qui lui a été conférée pour cet objet et
de l’exécution des ordres qu’il a donnés. La responsabilité propre de ses subordonnés ne le dégage en rien
des responsabilités qui lui incombent ».
439
L’article 18 du dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique
dispose « Indépendamment des règles instituées dans le code pénal en matière de secret professionnel, tout

104
et les échanges avec les autres services deviennent difficiles, ce qui s’explique par un
retard et une lenteur pesant ainsi sur l’accomplissement de ses missions (441).

Outre ces problèmes, l’administration marocaine chargée du travail se heurte à


d’autres obstacles, parmi lesquels l’insuffisance budgétaire du ministère de l’emploi et
des affaires sociales qui représente seulement 0, 21% du budget général prévu par la loi
de finance de 2015 (442), ce qui se traduit par le manque d’effectifs (443) et de moyens. Ces
carences de moyens « expliqueraient le fait que les missions principales du système
d’administration du travail soient très imparfaitement assurées, voire que celles-ci ne
s’en tiennent qu’à telle ou telle mission » (444).

Devant la complexité des problèmes précités, on ne peut guère espérer une


amélioration de sitôt au sein de l’administration du travail marocaine puisque, d’une
manière générale, son fonctionnement demeure limité, et cette limite au pouvoir
d’intervention des directions du travail est propre à un système de décentralisation qui ne
confère aux entités décentralisées que les compétences que l’Etat décide de leur attribuer
dans des proportions plus ou moins importantes (445).

C) statut des agents de l’inspection du travail

Les agents du corps de l’inspection du travail sont des agents soumis au statut de la
fonction publique, mais surtout, bénéficient d’un statut spécial. Ce texte censé améliorer

fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et
informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Tout
détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou documents de services à des tiers
sont formellement interdits. En dehors des cas prévus par les règles en vigueur, seule l’autorité du ministre
dont dépend le fonctionnaire peut délier celui-ci de cette obligation de discrétion ou le relever de
l’interdiction édictée ci-dessus ».
440
EL CAID Hammouda, l’administration et le problème de l’emploi au Maroc, ouvr.cité., p. 178.
441
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p. 93.
442
Loi de finance marocaine de 2015.
443
Aucun concours de recrutement des inspecteurs du travail n’a été lancé de 2011 à 2014. En 2015 cinq
postes uniquement ont été crées pour cette institution.
444
AUVERGNON Philippe, LAVIOLETTE Sandrine, OUMAROU Moussa, « Des fonctions et limites des
administrations du travail en Afrique subsaharienne : actualité de la convention n° 150 de l’OIT », RIT., n°
1-2, 2011, vol. 150, p. 102.
445
ROUSSET Michel, « éclairage sur les réformes institutionnelles du royaume du Maroc », la semaine
juridique, éditions administrations et collectivités territoriales, n° 45 du 9 novembre 2015, 2319.

105
la situation matérielle et administrative des membres de ce corps accuse des retards
importants accumulés depuis des années.

1) En France : une consolidation toujours revendiquée

En France, l’inspecteur du travail constitue un corps interministériel classé dans la


catégorie A (446). Il s’agit d’un fonctionnaire d’État dont la gestion est assurée par le
ministère chargé du travail, de l’emploi de la formation professionnelle et du dialogue
social. Le corps d’inspection du travail comprend quatre grades ; le grade de directeur du
travail hors classe qui comprend quatre échelons et un échelon spécial ; le grade de
directeur du travail qui comprend six échelons ; le grade de directeur adjoint du travail
qui comprend huit échelons, et le grade d’inspecteur du travail qui comprend dix
échelons et un échelon d’inspecteur-élève (447).

Le recrutement des inspecteurs du travail se fait par concours ( 448), ou par voie
d’examen professionnelle parmi les contrôleurs justifiant de huit ans de services effectifs
dans le corps du travail. Les candidats reçus aux concours suivent à l’institut national du
travail, de l’emploi et de la formation professionnelle une formation obligatoire d’une
durée de dix-huit mois en deux parties : une partie d’une durée de quinze mois en tant
qu’inspecteurs élèves, la deuxième partie de la formation de trois mois est personnalisée
et intervient dans un délai maximum de trois ans après la titularisation (449).

La réforme de l’inspection du travail intitulée « Pour un ministère fort » avait lancé


sur plusieurs années un plan de transformation d’emplois (PTE) prévoyant la
transformation des postes de contrôleurs du travail en postes d’inspecteur du travail par

446
Article 1er du décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l’inspection du
travail et relatif à certains emplois des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi tel que modifié par le décret n° 2011-181 du 15 février 2011.
447
Article 2 du décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l’inspection du
travail et relatif à certains emplois des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi tel que modifié par le décret n° 2016-558 du 6 mai 2016 portant
dispositions relatives au corps de l’inspection du travail, JORF n° 0107 du 8 mai 2016, texte n° 11.
448
Les conditions du concours sont précisées dans l’article 5 du décret n° 2003-770 du 20 août 2003 précité.
449
Article 8 du décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l’inspection du
travail et relatif à certains emplois des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi tel que modifié par le décret n° 2009-1382 du 9 novembre 2009.

106
un examen professionnel (450), et que sur les trois années (2012-2015), 540 postes de
contrôleurs en section seront transformés en postes d’inspecteurs. La date prévue
d’achèvement du plan de transformation des contrôleurs en inspecteurs était en 2015, elle
a été prolongée jusqu’en 2017 (451).

Le code du travail précise que « les contrôleurs du travail chargés de contrôles,


d’enquêtes et de missions dans le cadre de l’inspection du travail exercent leur
compétence sous l’autorité des inspecteurs du travail » (452).

Généralement la mission des contrôleurs est de veiller à l’application du droit du


travail mais dans les établissements occupant moins de cinquante salariés. Il s’agit d’une
pratique uniquement « administrative et non une règle légale ou statutaire » (453), mais
les inspecteurs et les contrôleurs, partagent ensemble le contrôle de l’entreprise.
Toutefois, la réforme de fusion progressive des deux corps va aboutir à un corps unique
d’inspecteur (454) et mettra fin aux répartitions antérieur des établissements à contrôler
selon leur taille (455). Encore, « après l’unification des inspections, il faut sans doute en

450
Le plan de transformation d’emploi (PTE) avait suscité des réactions de la part du Syndicat National
Travail Emploi Formation (LE SYNTEF-CFDT). Dans un communiqué intitulé « PTE des contrôleurs du
travail L’EPIT doit évoluer ! », le syndicat, qualifiant, l’examen professionnel d’inspecteur du travail EPIT)
« d’inadapté et doit être évolué », a vivement contesté ce dernier puisque, selon le communiqué, l’examen
« génère chez les contrôleurs trop d’incompréhension et de doute par manque de transparence, en cas
d’échec surtout, de la phase de sélection du dossier écrit ». Le déroulement d’un examen oral uniquement
sans passer par une épreuve écrite, ainsi qu’une revalorisation pour tous les contrôleurs sont les
revendications initiales du communiqué.
451
Rapport intitulé : L’inspection du travail : une modernisation nécessaire, Cour des comptes, Rapport
public annuel 2016, février 2016, p. 378.
452
Article L. 8112-5 du code du travail.
453
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul, TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p, 270.
454
QUINQUETON Patrick, « le nouveau rôle de l’inspection du travail », Association Française de Droit
du travail et la Sécurité sociale (AFDT), séance du 25 janvier 2013, p. 3.
455
Rapport intitulé : L’inspection du travail : une modernisation nécessaire, cour des comptes, rapport
public annuel 2016, février 2016, p. 378. La cour a précisé que cette « réforme n’es pas sans impact sur le
fonctionnement du réseau : le passage à l’INTEFP (l’institut national du travail de l’emploi et de la
formation professionnelle) de 205, puis 250 contrôleurs par an pendant six mois oblige à les remplacer, en
affectant leur portefeuille à des contrôleurs assurant leur intérim. Alors que la revalorisation du statut des
contrôleurs devrait être un facteur d’apaisement social et de plus grande flexibilité dans l’organisation du
travail, ces remplacements sont, pendant la période de transition, source de désorganisation et de tension
dans le réseau », p. 379.

107
diversifier les modes d’organisation, au risque de rendre la compréhension plus difficile
pour les entreprises et les salariés, ou de traiter inégalement les situations » (456).

2) Au Maroc : une reconnaissance relative à ce corps de contrôle

Le système d’inspection du travail couvre toutes les entreprises industrielles,


commerciales, artisanales et les exploitations agricoles et forestières et leurs dépendances.
Il couvre également les établissements à caractère industriel, commercial ou agricole
relevant de l’État et des collectivités locales, les coopératives, les professions libérales
(457).

Les inspecteurs du travail sont des fonctionnaires publics, régis par le dahir du 24
février 1958 (458). Ils sont principalement composés de différents niveaux hiérarchiques :
au sommet se trouve l’inspecteur divisionnaire en chef du travail, appelé aussi inspecteur
du premier grade, l’inspecteur divisionnaire du travail, l’inspecteur du travail, l’inspecteur
adjoint principal du travail, l’inspecteur adjoint du travail, le contrôleur principal du
travail et le contrôleur du travail (459).

L’inspection du travail est composée de fonctionnaires dépendant du ministère chargé


du travail, d’autres fonctionnaires relèvent d’autres départements ministériels notamment
ceux relevant de l’administration chargée des mines, de la marine marchande et tous
agents commissionnés à cet effet par d’autres administrations.

Le corps d’inspection du travail relevant du ministère chargé du travail comprend :


les inspecteurs du travail dans les secteurs d’industrie, du commerce et des services, les
inspecteurs des lois sociales en agriculture, les médecins et ingénieurs chargés de
l’inspection du travail. Le code du travail marocain prévoit, dans son article 530, les
catégories d’agents chargés du contrôle. ainsi, il indique que « Sont chargés de
l’inspection du travail, dans les conditions définies par la présente loi, les inspecteurs et
contrôleurs du travail et des affaires sociales, les inspecteurs et contrôleurs des lois

456
QUINQUETON Patrick, « le nouveau rôle de l’inspection du travail », art.cité, p. 3.
457
Article 3 du décret n° 2.08.69 du 9 juillet 2008 relatif au statut du corps de l’inspection du travail, B.O n°
5649 du 21 juillet 2008, p. 2268, (en arabe).
458
Dahir n° 1.58.008 portant statut général de la fonction publique, B.O n° 2372 du 11 avril 1958, p. 631.
459
Décret n° 2.08.69 du 9 juillet 2008 relatif au statut du corps de l’inspection du travail.

108
sociales en agriculture, les agents relevant de l’administration chargée des mines en ce
qui concerne l’inspection du travail dans les entreprises minières ainsi que tous agents
commissionnés à cet effet par d’autres administrations avec les pouvoirs découlant de
leurs missions et selon le partage de compétences opéré entre eu par eux par celles-ci, à
raison de la nature des entreprises ou établissements ».

Aux organes de contrôle relevant du ministère de l’emploi s’ajoutent les inspecteurs


et les contrôleurs du travail et des affaires sociales ainsi que les inspecteurs et les
contrôleurs des lois sociales en agriculture qui « dans le cadre de leur mission, sont
chargés, du contrôle de l’application des textes législatifs et réglementaires en vigueur
dans les entreprises et établissements relevant de l’Etat et des collectivités locales, sauf si
cette mission est dévolue en vertu d’un texte particulier à d’autres agents » (460).

Selon les dispositions du code du travail (461), les inspecteurs du travail sont chargés
du contrôle de l’application de la législation du travail. Ils effectuent également des
contrôles dans le domaine d’activité de la CNSS. Puisque le système marocain de sécurité
sociale est un système déclaratif qui se base sur les déclarations des employeurs, le
contrôle du respect de ces règles est confié aux agents de la CNSS qui sont chargés de
contrôler l’effectif du personnel, de vérifier les déclarations des employeurs en particulier
le livre de paie prescrit par la législation en vigueur (462).

Sauf qu’en réalité, d’un point de vue général, ces agents se contentent de s’assurer de
l’authenticité de l’assiette des salaires versés et du paiement des cotisations sociales sur
les sommes déclarées, sans pour autant sanctionner l’inobservation (463). Leur contrôle ne
peut pas se reporter à la structure des salaires déclarés, par les employeurs eux-mêmes, à
la caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS). Naturellement, le constat de
manquement peut théoriquement être transmis à l’inspecteur et déclencher des contrôles

460
Alinéa 2 de l’article 530 du Code du travail marocain.
461
Article 530 du Code du travail marocain.
462
Article 16 du dahir portant loi n° 1-72-184 du 27 juillet 1972 relatif au régime de sécurité sociale.
463
CAA Rabat, arrêt n° 9/11/241 du 22 décembre 2011, (non publié).

109
voire un recouvrement des cotisations et des prestations indûment conservées par
l’employeur, mais la procédure est rarement mise en application (464).

Le corps des inspecteurs du travail comporte trois grades ; l’inspecteur du travail du


premier grade, l’inspecteur du deuxième grade, l’inspecteur du troisième grade ainsi
qu’un poste supérieur d’inspecteur général du travail (465). En ce qui concerne le
recrutement, les inspecteurs du troisième grade doivent être soit : des lauréats de l’Ecole
Nationale de l’Administration (ENA) section gestion administrative, soit après réussite au
concours des candidats ayants les diplômes suivants : une licence en sciences juridiques,
économiques, sociales ou de gestion ou encore tous diplômes nationaux (466) requis pour
l’accès aux différents grades et cadres des administrations publiques qui sont fixés par
arrêté de l’autorité gouvernementale chargée de la fonction publique, pris sur proposition
de l’autorité gouvernementale concernée (467).

Les inspecteurs du deuxième grade sont recrutés directement s’il s’agit des lauréats
du : grade supérieur de l’ENA ou de l’institut supérieur de l’administration. Sinon ils sont
recrutés par concours pour les candidats ayant obtenu des diplômes des études supérieures
approfondies, spécialisées, en sciences juridiques, économiques, sociales ou de gestion ou
un master de sciences juridiques, économiques, sociales ou de gestion (468). Quant aux
inspecteurs du premier grade, ils sont recrutés au choix parmi ceux du deuxième grade
(469). Enfin, sont nommés pour le poste supérieur d’inspecteur général du travail, les
inspecteurs du premier grade justifiant de six années, au minimum, de services effectifs,

464
SBIA Rachid, L’identification du contrat de travail en droit marocain, Th. Perpignan. 2011, p. 70. Le
même point a été soulevé par l’ex directeur du travail du ministère de l’’emploi indiquant que même si les
agents de la CNSS disposent comme les inspecteurs du travail de la possibilité de dresser un procès-verbal
en cas d’infraction, ils n’y font recours presque jamais. In BOUHARROU Ahmed, le système
d’administration du travail au Maroc de 1919 à 2011, El Maarif Al Jadida Rabat, 2011, p. 98.
465
Article 5 du décret n° 2.08.69 du 9 juillet 2008 relatif au statut du corps de l’inspection du travail, B.O n°
5649 du 21 juillet 2008, p. 2268. (en arabe).
466
Ou ceux dont l’équivalence a été prononcée préalablement par l’autorité gouvernementale chargée de
l’enseignement supérieur ou par l’autorité gouvernementale chargée de l’éducation nationale et ce
conformément aux dispositions du dahir n° 1-59-072 et du décret n° 2-03-333.
467
Article premier du décret n° 2-04-23 du 4 mai 2004 relatif aux modalités de fixation des diplômes requis
pour l’accès aux différents grades et cadres des administrations publiques. B.O n° 5214 du 20 mai 2004, p.
752.
468
Article 10 du décret n° 2-04-23 du 4 mai 2004.
469
Article 11 du décret n° 2-04-23 du 4 mai 2004.

110
leur nombre ne peut excéder dix pour cent du nombre de postes réservés au budget
réservé aux inspecteurs du premier grade.

S’agissant du corps des inspecteurs adjoints du travail, il comprend quatre grades.


L’avancement de grade en grade se fait par recrutement. Les inspecteurs adjoints, pour
être recruté, doivent satisfaire à l’examen professionnel ou peuvent être sélectionné après
inscription au tableau de la promotion annuelle conformément aux dispositions du décret
n° 2.04.403 du 2 décembre 2005.

§ 3. L’inspection du travail : le conseil et l’information, un élan de


proximité

Les Conventions internationales de l’OIT n° 81 et 129, dont le Maroc et la France


sont signataires, confient à l’inspection du travail, outre le fait d’exercer un contrôle sur
« l’application des dispositions relatives aux conditions de travail et à la protection des
travailleurs, dans l’exercice de leur profession », de « fournir des informations et des
conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces
d’observer les dispositions légales » (470). Par ailleurs, elle a un rôle d’information de
l’autorité compétente sur les déficiences ou abus constatés et qui ne sont pas
spécifiquement couverts par la législation du travail (471).

A) Légitimité relative de la mission de conseil-information

Malgré le fait que sur le plan international, il n’est que peu traité de ces fonctions et
en ne les évoquant que comme l’une des modalités de la mission de contrôle de
l’application de la législation du travail (472), il importe de constater qu’au niveau national

470
Il s’agit respectivement des articles 3 de la Convention n° 81 de l’OIT sur l’inspection du travail (1947),
ratifiée par la France le 16 décembre 1950, et par le Maroc le 14 mars 1958, et de l’article 6 de la
Convention n° 129 sur l’inspection du travail en agriculture (1969), ratifiée par la France le 28 décembre
1972 et par le Maroc le 11 mai 1979.
471
Article 3-1 (c) de la Convention n° 81 et article 6-1 (c) de la Convention n° 129 de l’OIT.
472
RAMACKERS Paul et VILBOEUF Laurent, L’inspection du travail, 1ère éd. PUF, 1997, Coll. que sais-
je ?, n° 3195, p. 26.

111
un glissement significatif (473) s’est instauré dans la définition des tâches de l’inspection
du travail, parmi lesquelles apparait ce rôle de conseil et d’information.

1) En France : absence de vocation pour le conseil

En France, même si le code du travail ne donne aucune vocation à l’inspecteur pour


intervenir en tant que conseil des partenaires sociaux, l’administration a encouragé ce rôle
et l’a formellement consacré. Ainsi la circulaire ministérielle du 25 mai 1979 (474) en a
fixé les objectifs en donnant une définition de la fonction d’inspection du travail. Il s’agit
d’ « obtenir l’application des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles
étendues relatives au travail salarié, par une action de contrôle exercée sur les lieux de
travail et accompagnée d’une action d’information et de conseil à l’adresse des
travailleurs et des employeurs concernés (…) L’efficacité implique la collaboration de
ces fonctionnaires aussi bien avec les employeurs qu’avec les travailleurs et leurs
organisations ».

Aussi, le décret du 24 novembre 1977 portant organisation des services extérieurs du


travail et de l’emploi (475) rappelle que les inspecteurs du travail assurent un rôle de
conseil et de conciliation en vue de la prévention et du règlement des conflits. Il est à
rappeler que ce texte a mis parmi les missions de l’inspection du travail, le conseil et la
conciliation au même titre que le contrôle (476). La même formule précisant que « Les
inspecteurs du travail assurent, en outre, un rôle de conseil et de conciliation en vue de la
prévention des conflits » a été reprise dans l’article 8 du décret du 28 décembre 1994
organisant les services déconcentrés du ministère du travail, de l’emploi et de la
formation professionnelle (477).

Mise à part l’annexion de la conciliation des conflits du travail aux missions


principales de l’inspection du travail, on ne peut que constater que celle-ci et la mission

473
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 147.
474
Circulaire ministérielle n° 223 non parue au journal officiel. TEP 19/25/6731, citée par FROMONT
Yves, Th.citée, p. 183, note 275.
475
Décret n° 77-1288 du 24 novembre 1977, article 2, JORF du 26 novembre 1977, p. 5547.
476
COLOMBIER Jean-Pierre (pseudonyme collectif d’un groupe d’inspecteurs du travail),
« L’administration du travail et le droit », D.S., n° 12, 1982, p. 761.
477
Décret n° 94-1166 du 28 décembre 1994, JORF du 30 décembre 1994, p. 18804.

112
de conseil sont liées (478) par l’objectif commun de préserver et améliorer la paix sociale.
Ces deux missions restent les moyens les plus diplomatiques de résoudre les difficultés et
facilitent le fonctionnement des institutions de prévention (479). En effet, l’inspection du
travail ne disposerait, dans ses structures, de mécanismes pour résoudre les conflits du
travail que si elle était capable de fournir aux acteurs sociaux des informations opportunes
sur le contenu du droit du travail (480).

Cette fonction de conseil et d’information est déjà admise en pratique par


l’administration qui la considère comme faisant partie de la mission de service public de
l’inspection du travail. Les conséquences de cette impression trouvent leur traduction
dans les réponses données aux demandes de renseignements en matière de réglementation
du travail, de droit conventionnel et de formation professionnelle. De plus, la loi du 13
juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (481), dans son article 27, pose
le principe d’un devoir d’information auquel sont tenus les agents de la fonction publique
de l’État : « les fonctionnaires ont le devoir de satisfaire aux demandes d’information du
public (…) dans le respect des règles relatives à la discrétion et au secret professionnel ».

De même, la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec les administrations (482) accueille ce devoir d’information (483) dans la
mesure où l’inspection du travail est une administration d’État et que chaque administré
est considéré, au travers de cette loi, comme un citoyen, détenteur de droits vis-à-vis de

478
AUVERGNON Philippe, Th. Citée, p. 148.
479
MICHAUT Anne-Claire, volution et mutation de l’inspection du travail, Mém. Master 2 Dr. social,
Univ. Aix Marseille III, 2008, p. 17.
480
CASALE Giuseppe et SIVANANTHRIAN Alagandram, Les fondamentaux de l’administration du
travail, BIT, Genève, 1ère éd. 2011, p. 27.
481
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, JORF du 14 juillet
1983, p. 2174.
482
Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, JORF n° 0088 du 13 avril 2000, p. 5646.
483
Article 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : « Le droit de toute personne à l'information est précisé
et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de droit applicables aux
citoyens.
Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent.
La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon
accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller… ».

113
l’administration (484). Au regard de cette mission de service public, les agents de
l’inspection du travail se doivent de respecter leurs obligations de discrétion
professionnelle et de neutralité.

Fort de cet éclairage et dès le 15 février 1989 (485), une circulaire ministérielle
reconnait à l’inspection du travail ce pouvoir d’information et retient que « consulté par
un employeur ou un salarié, l’inspecteur doit être à même d’expliciter la signification de
dispositions législatives ou réglementaires. Cette information doit revêtir une forme
neutre et pouvoir être donnée dans les mêmes termes à tout intervenant… ». Ainsi, le
principe de neutralité ou d’impartialité impose de veiller à l’objectivité des informations
apportées, la même information devant pouvoir être donnée aux différentes parties.

On peut notamment citer le décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut


particulier du corps de l’inspection du travail (486) qui confirme cette mission
d’information et de conseil. Ainsi, dans l’article 3 II, il est rappelé que « Les membres du
corps de l’inspection du travail apportent leur concours aux missions d’information et de
conseil auprès du public dans le domaine de leurs compétences ainsi qu’à celles de
conciliation… ». De même, on retrouve cette notion de conseil à l’article R. 8112-2 du
code du travail : « L’inspecteur du travail assure un rôle de conseil et de conciliation en
vue de la prévention et du règlement des conflits ». Plus récemment, la communication du
ministre chargé du travail (487), sur la réforme du système d’inspection du travail, au
conseil des ministres tenu le 6 novembre 2013, était l’occasion de réaffirmer la
continuation de l’exercice de la mission d’information auprès des salariés et des
entreprises par cet organe.

2) Information et conseil : une fonction mise en évidence en droit


marocain

484
DGT, Principes de déontologie pour l’inspection du travail, Paris, Ministère du Travail, des Relations
sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville , février 2010, p. 25.
485
Circulaire ministérielle du 15 février 1989 relative à la discrétion professionnelle et à l’indépendance de
jugement, Bulletin officiel du ministère chargé du travail n° 89/17, p. 19-21.
486
Décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l’inspection du travail, JORF
n° 192 du 21 août 2003, p. 14270.
487
Compte-rendu du Conseil des ministres du mercredi 6 novembre 2013, p. 11. Disponible sur :
http://www.elysee.fr/assets/pdf/0611-Compte-rendu-du-Conseil-des-ministres.pdf.

114
En droit marocain, nous retrouvons également cette représentation des contours de la
mission d’information et de conseil conférée aux agents de contrôle de l’inspection du
travail. Cette mission figure parmi les quatre domaines d’intervention prévus par l’article
532 du code du travail (488). Elle suppose une connaissance dans le détail de la législation
du travail, qui doit apparaître comme sans faille, d’où l’importance de leur formation et
leur perfectionnement sur les plans juridique et humain. Mais dans la réalité, la
complexité de la réglementation ne permet pas de garantir une maîtrise absolue.

Sans persévérer dans un débat politique, il y a lieu seulement de rappeler que même si
la mission de l’inspection du travail est indispensable pour consacrer le droit à une saine
information des partenaires sociaux, ces derniers n’en bénéficient pas véritablement ni
équitablement. Le taux d’analphabétisme et les légions de travailleurs dans les structures
informelles ne contribuent pas à résoudre cette inégalité. Le contexte marocain est
marqué par un déficit extrême dans les possibilités d’accès au conseil-information (489).
Cette mission exclue, en quelque sorte, les pauvres, les analphabètes et les travailleurs qui
ne peuvent utiliser d’autres langues que leur langue maternelle pour formuler leurs
doléances. Le vocabulaire à utiliser pour faire sens avec les demandes n’est pas de toute
aisance, surtout que les sollicitations peuvent être de tous ordres. Seule une infime
minorité des travailleurs est alors susceptible d’en tirer partie.

488
L’article 532-2 du Code du travail marocain précise que « Les agents de l’inspection du travail sont
chargés (…) 2) de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux salariés sur
les moyens les plus efficaces en conformité avec les dispositions légales ». Cette formulation est, à notre
sens, quelque peu maladroite. « En conformité avec » est une locution de renvoi qui est un des groupes de
locutions prépositives. La locution prépositive établit un lien de subordination différent entre un fait et le
texte s’y appliquant. Grammaticalement, la locution prépositive est un groupe de mots, à valeur de
préposition, dont la fonction dans la phrase est d’introduire un complément en marquant le rapport qui unit
le complément au mot complété. V, PICOTTE Jacques, Juridictionnaire, recueil des difficultés et des
ressources du français juridique, réalisé pour le compte du Centre de Traduction et de Terminologie
Juridique, Université de Moncton, Canada, 2009 (actualisé), p. 1831. Dans notre cas, le sens de l’obligation
de fait assignée aux inspecteurs du travail a été amputé. Des formules similaires, mais tout aussi nettes et
claires se retrouvent dans les dispositions des conventions de l’OIT, notamment les articles 3, b) de la
Convention n° 81 et 6, b) de la Convention n° 129 formulés comme suit : « Le système d'inspection du
travail sera chargé: (…) de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux
travailleurs sur les moyens les plus efficaces d'observer les dispositions légales… ». Il est à noter que la
version de cet article en langue arabe a respecté le sens des dispositions de l’OIT.
489
On peut sérieusement douter de l’efficacité d’une inspection des lois sociales dans l’agriculture ayant ses
sièges dans les milieux urbains alors qu’elle est censée s’implanter dans des zones à vocation agricole.
Cette situation est source de conflit et soulève de nombreuses questions. On conçoit difficilement que dans
le milieu rural où les relations de travail dans l’agriculture sont peu claires et dans d’une activité où l’on
fait usage de matériel agricole moderne et de substances chimiques, l’inspection soit loin des exploitations
concernées. V, BOUHARROU Ahmed, Le système marocain de l’inspection du travail, ouvr.cité, p. 122.

115
a) Absence de reconnaissance explicite d’un droit à l’information pour
tous

Au Maroc, en dépit des affirmations solennelles de la nécessité d’instaurer un droit


d’accès à l’information, le rôle stratégique dévolu à ce dernier dans les mécanismes des
administrations est rarement reconnu comme attribuant des droits dont l’exigibilité peut
être exercée par toutes les catégories de la population, à l’exception du droit d’accès aux
documents publics. Le droit à l’information se présente plutôt comme « un concept qui
cristallise un ensemble de valeurs ayant en commun la prise en considération des intérêts
du public récepteur de l’information » (490).

Il aura fallu attendre la Constitution de 2011 pour que le droit d’accès à l’information
y soit expressément inscrit dans l’article 27 (491). A priori, ce nouveau droit octroyé
semble constituer un réel progrès, mais ni la législation actuelle, ni la pratique ne peuvent
le garantir. La Constitution fait référence à une loi organique (492) sur le droit d’accès à
l’information qui devra préciser les exceptions à cette règle générale. Même si un projet
de loi y afférent a été dernièrement approuvé par le conseil du gouvernement, ce texte
continue de faire des vagues (493).

490
TRUDEL Pierre, Cours de droit de l’information et de la communication, Faculté de l’éducation
permanente, Université de Montréal, Canada, (non daté, non paginé), url :
http://www.chairelrwilson.ca/cours/drt3805g/droitalinformation.html.
491
L’article 27 de la constitution prévoit que « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à
l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis de
mission de service public. Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la
protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, et la
vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux libertés et droits fondamentaux énoncés dans la
présente Constitution et de protéger les sources des informations et les domaines déterminés avec précision
par la loi ».
492
Le processus de promulgation de cette loi est en cours. Ainsi, le projet de loi n° 31-13 relatif au droit
d’accès à l’information a été approuvé par le conseil du gouvernement le 31 juillet 2014. V, Royaume du
Maroc, Secrétariat général du gouvernement (cabinet), Compte rendu du conseil du gouvernement 3
chaoual 1435 (31 juillet 2014), disponible sur :
http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/conseil_gouvernement/CR/2014/crcg_310714_Fr.pdf.
493
En effet, le réseau marocain pour le droit d’accès à l’information (REMDI), constitué de plusieurs ONG
dont Transparency Maroc considère que des « régressions substantielles ont affecté la nouvelle version du
texte ». Et sur le champ des critiques formulées par Transparency Maroc, ce « projet de loi vide de leur
substance les dispositions constitutionnelles et rompt avec les standards internationaux en la matière », et
« au lieu d’organiser la mise en œuvre de l’article 27 de la Constitution qui consacre explicitement le
droit d’accès à l’information, il en codifie plutôt l’inaccessibilité », in Communiqué de presse de
Transparency Maroc au sujet de l’adoption par le conseil de gouvernement du projet de loi n° 31-13 relatif

116
Il importe aussi de signaler que des dispositions dans le statut de la fonction publique
et le code pénal (494) interdisent et pénalisent les fonctionnaires communiquant des
informations ou des documents de service à des tiers sans l’autorisation de leurs
supérieurs. Ainsi, l’article 18 du statut général de la fonction publique ( 495) précise que :
« Indépendamment des règles instituées dans le code pénal en matière de secret
professionnel, tout fonctionnaire est lié par l'obligation de discrétion professionnelle
pour tout ce qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice
ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Tout détournement, toute communication
contraire au règlement de pièces ou documents de service à des tiers sont formellement
interdits. En dehors des cas prévus par les règles en vigueur, seule l'autorité du ministre
dont dépend le fonctionnaire peut délier celui-ci de cette obligation de discrétion ou le
relever de l'interdiction édictée ci-dessus ». En effet, Il est contradictoire de pénaliser les
fonctionnaires qui refusent de diffuser l’information au moment où d’autres lois toujours
en vigueur les pénalisent pour diffusion de l’information sans autorisation.

En conséquence, l’accès aux informations monopolisées par les pouvoirs publics


n’est pas rationnellement limité. Ce droit demeure arbitrairement censuré et dépend du
bon vouloir des gouvernants qui sont loin de faire preuve d’une éthique professionnelle
rompue à toutes épreuves, au lieu d’une déontologie sans portée réelle. Toutes les
informations détenues par les administrations resteront confidentielles tant que les
ministres dont dépendent ces administrations n’ont pas décidé de lever l’interdiction de
les diffuser (496).

au droit d’accès à l’information, Le bureau exécutif, le 5 août 2014, consultable sur :


http://transparencymaroc.ma/TM/sites/default/files/com_tm_acces_info%20_0814_fr.pdf .
494
L’article 446 du Code pénal marocain prévoit que : « Les médecins, chirurgiens […] ou toutes autres
personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes ou temporaires, des secrets
qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé
ces secrets, sont punis de l’emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 1200 à 20000
dirhams ».
495
Dahir n°1-58-008 du 24 février 1958 portant statut de la fonction publique, B.O n° 2372 du 11 avril
1958, p. 631.
496
ESSOULAMI Said, Plaidoyer pour le droit de l’information au Maroc, rapport CMF.MENA (Centre for
Media Freedom. Middle East and North Africa), novembre 2005, p. 5, url:
http://www.mafhoum.com/press9/256T43.pdf.

117
b) Une consécration d’ampleur limitée en droit marocain

Cette interdiction générale fondée sur une culture du secret s’inscrit dans la suite des
obstacles qui mettent un frein aux réformes incitant les gouvernants à agir dans la
transparence et la responsabilité. L’absence d’une loi spécifique obligeant
l’administration à diffuser les informations et les documents relevant du champ public
engendre une regrettable situation d’insécurité juridique. Mais pour expliquer que le
législateur éclairé, n’a pu réellement se méprendre, ne faut-il pas rechercher un consensus
« utile » entre l’interdiction d’accès aux informations jugées secrètes ou confidentielles et
le droit des citoyens à l’information consacrée par la Constitution.

Pour dénoncer cette situation, déjà dans le passé, un groupe de travail sur la réforme
du statut de la fonction publique, a jugé excessif l’usage du secret professionnel. Il a
même recommandé l’amendement de l’article 18 dudit statut afin que « l’information du
public devienne la règle et le secret professionnel l’exception et que ce secret soit
justifié » (497). Aujourd’hui encore, des voix (498) s’élèvent pour dénoncer cette situation
et demandent la révision des textes législatifs restreignant l’effectivité de ce droit,
notamment ce fameux article 18 relatif au secret professionnel.

À un moindre degré de généralité, l’inspection du travail reçoit un grand nombre de


demandes de conseils et d’informations extrêmement variées. Faut-il y voir le signe que
cet organe est, dans les perceptions communes, ce qui se rapproche le plus d’une idée de
défense juste, accessible. En tout cas, la réponse aux demandes de renseignement en
matière de règlementation du travail, ou de droit conventionnel fait partie de la mission de
service public de l’inspection du travail (499). Les inspecteurs du travail ont un rôle de
conseil vis-à-vis des salariés et de l’employeur sur les dispositions en vigueur. Ils ont
aussi un rôle d’information du ministère chargé du travail sur les insuffisances ou
transgressions constatés et qui ne sont pas couverts par le droit du travail.
497
Séminaire sur « L’Ethique dans l’administration publique », octobre 1999, groupe de travail sur la
justification de la décision administrative,
http://www.idarati.ma/siteAra/publication/nadwawataniaalakiat.pdf, (site renommé depuis : maroc.ma) p.
22, cité par ESSOULAMI Said, Plaidoyer pour le droit de l’information au Maroc, rapp.cité, p. 6.
498
Intervention de M. HARSI Abdallah (membre du bureau exécutif de Transparency Maroc et professeur
universitaire), « Le droit d’accès à l’information et les nouveaux rôles du journaliste », Colloque organisé
par l’association des anciens lauréats de l’ISIC (Institut Supérieur de l’Information et de la
Communication), Rabat, BNRM, mardi 25 février 2014.
499
RAMACKERS Paul et VILBOEUF Laurent, L’inspection du travail, ouvr.cité, p. 34.

118
B) Des voies de droit à l’information ouvertes aux salariés et aux
employeurs

La fonction de conseil qui s’associe légitimement à celle d’information constitue une


partie des missions destinées à l’inspecteur du travail. Elle est une des missions les plus
traditionnelles de l’inspection du travail dans le cadre des relations de travail et de la paix
sociale. Elle a pour but d’assurer une protection des travailleurs. Ainsi par la fonction de
conseil, l’inspecteur du travail se voit attribuer un rôle de prévention qui passe par la
compréhension et l’explication des dispositions légales et réglementaires, et qui a toujours
été préféré à un rôle coercitif (500).

Le vocabulaire n’étant toutefois pas entièrement stabilisé, de nombreux auteurs


adoptent une trilogie distinguant obligation de renseigner, obligation de conseiller et
obligation d’informer. Même si cette typologie ne sera pas retenue, elle fournit des
indications utiles à la compréhension des finalités de cette mission.

1) Les différents degrés de l’information : le conseil et le renseignement

Selon Mme Fabre-Magnan, renseigner c’est dit-on « communiquer à autrui un


élément objectif, à l’état brut » (501). Conseiller consiste à « [mettre] en relation [un]
renseignement brut avec l’objectif poursuivi par le créancier de l’obligation » (502), alors
qu’informer parait être particulièrement répandue dans la langue du droit comme
l’activité consistant à transmettre des données à autrui, appréhendée souvent en se plaçant
du point de vue du destinataire de cette action (503).

Cette classification comporte le désavantage d’être basée sur une stratification de


deux types de registres. Lorsque le renseignement et le conseil sont distingués, c’est en
fonction du message : élément objectif dans un cas, mise en relation dans l’autre. En
500
FONTAINE Laurence, La mission de l’inspecteur du travail en matière d’emploi, Mém. DEA de droit,
Univ. Toulouse 1, 1998, p. 61.
501
FABRE-MAGNAN Muriel, De l’obligation d’information dans les contrats, essai d’une théorie, LGDJ,
1992, p. 8.
502
Ibid, p. 385.
503
DABOSVILLE Benjamin, L’information du salarié. Contribution à l’étude de l’obligation d’informer,
éd. Dalloz, 2013, Coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. 123, p. 8.

119
revanche, c’est en fonction de la manière dont s’opère la transmission des données qu’est
caractérisée l’obligation d’informer.

Pour être distincts, les concepts de conseil et d’information n’en entretiennent pas
moins d’étroites relations. L’esprit qui anime les deux notions est différent. Le rôle de
conseil recouvre ou même investit la fonction d’information mais, du même pas, ne s’y
résout pas. Il est appréhendé clairement dans la vision d’un encadrement, d’une assistance
(504) des relations du travail (505). En revanche, la fonction d’information porte sur les
normes régissant les relations de travail. La distinction à établir oriente les préférences
d’actions de certains agents de contrôle.

Il faut dont retenir de ces brefs développements que la notion d’information recouvre
des concepts très différents. Les textes utilisent le terme d’information ou des termes
voisins mais n’en donnent aucune définition. Cependant, la distinction opérée entre
l’information et les notions voisines dévoile que l’information a nécessairement une
forme et une signification (506). Selon M. Dabosville, « une acception du mot
« information », peut être identifiée, dans laquelle le terme désigne la mise en forme de
l’esprit que produit l’opération consistant à instruire une affaire ou à communiquer des
données à autrui. L’information n’est alors plus un objet particulier, ni même une action
déterminée, mais le résultat d’un processus » (507). Cette démarche semble pragmatique.
Cette acception paraît être particulièrement dans la langue du droit, car entendue au sens
de transmission des données à autrui, l’information est souvent appréhendée dans l’ordre
juridique sous le prisme du destinataire de cette communication (508).

a) Contribution au développement de l’attente des salariés comme des


employeurs

504
C’est en cela qu’on peut rejoindre l’observation d’auteurs selon laquelle la notion de conseil sous-tend
une implication forte dans un processus de décision. Il s’agit de l’opinion donnée à quelqu’un sur ce qu’il
doit faire. KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail
en France. Missions, organisation et prérogatives, 2ème éd. Liaisons, 2013, p. 72.
505
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 148.
506
DARAGON Elise, « Étude sur le statut juridique de l’information », Recueil Dalloz, 1998, p. 64.
507
DABOSVILLE Benjamin, L’information du salarié : contribution à l’étude de l’obligation d’informer,
ouvr.cité, p. 8.
508
Ibid, p. 9.

120
Envisagée du point de vue du destinataire d’une mesure, l’information traduit une
conception particulière des rapports des partenaires sociaux avec l’administration du
travail. Les interlocuteurs de l’inspection du travail ont des attentes très variées et souvent
contradictoires et les services de l’inspection du travail sont situés avec certitude dans la
défense du faible et comme les seuls à pouvoir fournir l’information nécessaire aux
protagonistes sociaux (509).

A priori, ce rôle de conseil souhaité par l’OIT s’annonce plus redoutable qu’il n’y
parait (510). L’intérêt tient sans doute à ce que l’inspecteur du travail dépend de
l’administration du travail et intimement de l’État. Est-il besoin de rappeler que ce
fonctionnaire représente, pour le sens commun, l’administration elle-même. Il est la partie
visible de celle-ci, celui avec qui les salariés et les employeurs se trouvent souvent en
contact direct. On comprend alors aisément pourquoi la question de l’impartialité de
l’inspecteur dans la dispense du conseil constitue pour ce dernier un devoir principal.

L’impartialité signifie que l’agent de contrôle, fonctionnaire, assure un service public


et il doit l’assurer à l’égard de tous dans les mêmes conditions, à savoir « formuler les
conseils ou les renseignements dans les mêmes termes auprès du salarié et de
l’employeur » (511). L’information et les conseils techniques fournis par l’inspecteur du
travail doivent permettre de renseigner le salarié et l’employeur et expliciter la
signification des dispositions législatives ou réglementaires et leurs modalités de mise en
œuvre, et aussi assurer l’orientation vers d’autres organismes, institutions ou experts. Au
sens de l’article 27 de la Convention n° 81 de l’OIT, ce devoir d’information porte sur
l’ensemble du champ de la législation du travail. L’inspecteur du travail ne peut à cette
occasion passer outre l’obligation du secret professionnel qui protège les informations
confidentielles dont la divulgation pourrait être néfaste à l’entreprise comme aux salariés,
ni enfreindre l’obligation de discrétion qui concerne des informations dont le caractère

509
FROMONT Yves, Th.citée, p. 183.
510
JUSTET Luc, L’inspection du travail. Une expérience du droit, éd. PUR, Coll. Pour une Histoire du
Travail, 2013, p. 42.
511
RAMACKERS Paul et VILBOEUF Laurent, L’inspection du travail, ouvr.cité, p. 72.

121
confidentiel ne nécessite pas une protection aussi rigoureuse que celle prévue par
l’obligation du secret professionnel (512).

Les informations et les conseils techniques font partie intégrante de la mission de


contrôle et s’exercent donc naturellement à l’occasion des visites dans les entreprises
(513), au travers notamment des observations formulées. Ils sont aussi dispensés sous
forme de renseignements et d'explication au cours des permanences assurées par les
agents de contrôle, au cours desquelles ils recueillent les sollicitations individuelles, les
plaintes notamment.

b) Asymétrie de connaissance devant l’information et le conseil

Les inspecteurs du travail sont amenés à exercer leur rôle de conseil et d’information
parfois à l'intention des employeurs, souvent à l'intention des salariés ou de leurs
représentants. Mais, ce sont surtout les salariés les moins armés socialement qui ont
recours à l’inspection du travail. Ceux venant massivement des petites entreprises, sans
délégué du personnel ni délégué syndical, assez démunis du point de vue du droit. C’est
souvent à partir d’une dispute, parfois un licenciement en cours ou dès les premiers signes
d’un conflit au travail qu’est formulée la demande d’aide et de conseil. Les employeurs
auront à leur tour l’occasion d’obtenir des informations et des explications et de
rechercher utilement des conseils gracieux sur les moyens d’assurer les mesures
contribuant utilement au respect de la réglementation (514).

Le premier effet à nuire au bon déroulement de cette mission est le rapport des parties
avec cette administration et leur divergence d’appréhension de ce rôle de conseil et
d’information. Les salariés considèrent d’ordinaire que le recours à l’inspecteur du travail
est le moyen de riposter immédiatement à leurs patrons. Ils pensent qu’il peut leur trouver
rapidement une solution. L’inspecteur du travail sonne comme une sommation
immédiate. Pour les employeurs, la communication des informations permet de les
renseigner sur les revendications de leurs salariés.

512
Circulaire du 15 février 1989 relative à la discrétion professionnelle et à l'indépendance de jugement,
Bulletin officiel du ministère chargé du travail, n° 89/17 p. 19-21.

513
FROMONT Yves, Th.citée, p. 186.
514
Rép. Min., n° 8387, J.O. Sénat, Q, 5 décembre 1982, p. 6329. Question : visite d’un inspecteur du
travail : présence du chef d’entreprise.

122
Les employeurs peuvent aussi faire appel aux services de l’inspection du travail,
demander des explications essentiellement sur des points complexes de la législation (515).
Mais en pratique, ce sont les petits et moyens établissements qui procèdent à cette
démarche. Les petits employeurs non équipés en service et conseil juridiques, ignorants
du droit (516) sont partiellement démunis par rapport à la masse des contraintes imposées
par les textes et l’inspecteur du travail les renseigne souvent sur l’état de la législation
(517). Cet appel de la part des employeurs, signe de la volonté de connaître le droit et de
le respecter, peut paraître a priori positif. Cependant, la fonction de conseil et
d’information s’exerce surtout lors des visites (518) en entreprise sous forme
d’observations sur les manquements et les propositions de solution.

On aurait pu craindre par là que s’instaure habituellement la confusion sur ce rôle mis
à la charge de l’inspection du travail. Dans un cadre non contentieux, les employeurs
s’efforcent de faire sortir l’inspecteur de son rôle formel pour l’entrainer dans des
discussions juridiques alors qu’ils sont déjà équipés en conseil juridique. On assiste à
l’apparition d’une nouvelle forme de conseil de l’entreprise dispensée gratuitement par un
service de l’État et surtout efficace pour le maintien de la paix sociale, voire de
l’amélioration des relations entre « partenaires sociaux ».

2) Une fonction non liée à une prise de décision

Si le conseil résulte de la mise en relation d’une donnée brute avec les besoins du
créancier (519), les inspecteurs du travail sont confrontés à un problème de compréhension
de cette fonction par les employeurs. Ces derniers cherchent à faire partager leur manière
de voir et à obtenir une forme d’assentiment de la part des salariés en passant par la mise

515
MICHAUT Anne-Claire, volution et mutation de l’inspection du travail, Mém.cité, p. 64.
516
DANIELLOU François, DAVEZIES Philippe, CHASSAING Karine, DUGUÉ Bernard et PETIT
Johann, Le travail vivant des agents de contrôle de l’inspection du travail, Rapport remis à la DIRECCTE
d’Île-de-France, 2012, p. 104, (117 p).
517
FROMONT Yves, Th.citée, p. 186.
518
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France. Missions, organisation et prérogatives, ouvr.cité, p. 72.
519
FABRE-MAGNAN Muriel, De l’obligation d’information dans les contrats, essai d’une théorie, LGDJ,
1992, Coll. BDP, t. 221, p. 384.

123
à contribution de l’inspecteur du travail (520) afin de déboucher sur une adhésion totale
aux idées émises, alors qu’ils disposent déjà de compétences internes pouvant leur
prodiguer les conseils et leur fournir les renseignements. L’effort d’explication accompli
par cet agent afin de persuader les travailleurs que c’est leur intérêt n’en demeure pas
moins utile, car il permet de tempérer la raideur liée au caractère unilatéral de la décision
prise par le patron. Ce recours à l’inspecteur pourrait limiter la contestation du personnel
ou des syndicats (521). Les décisions « cautionnées » par l’inspecteur se verront
certainement moins critiquées. Cette démarche vise à impliquer l’agent de contrôle afin
d’enrayer toute forme de répression (522) future de sa part.

Il est évident de dire que la fonction de conseil ne s’exerce pas de la même manière
quand l’intervention de l’inspecteur n’a pas été sollicitée par l’employeur. Dans ce cas, la
situation devient compliquée et les rapports entre la direction et l’inspecteur changent.
L’employeur contredit l’agent de contrôle, oppose une forme de résistance à ses avis et il
ne tolère pas de recevoir de ce dernier « la seule réponse juridique » (523) à une situation
donnée. Il préfère l’information au conseil (524). C’est là que réside toute la nuance de
cette mission. Les conseils donnés par l’inspecteur du travail traduisant son interprétation
(525) des dispositions législatives et réglementaires ou au sujet d’un différend né à
l’occasion d’un contrat de travail, ne sont pas pour autant des décisions susceptibles de
recours (526). Ils n’ont qu’une valeur d’avis, émis sous réserve de l’appréciation

520
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 153.
521
FROMONT Yves, Th.citée, p. 187.
522
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 153.
523
Ibid, p. 152.
524
FONTAINE Laurence, La mission de l’inspecteur du travail en matière d’emploi, Mém.cité, p. 65.
525
En indiquant par lettre à une société, à la suite de l’entretien qu’il avait eu avec l’un de ses dirigeants
qu’il y avait lieu de convoquer à la négociation d’entreprise les deux délégués syndicaux présents dans
l’entreprise, sous peine de poursuites pénales, l’inspecteur du travail, de même que le ministre qui a fait
savoir à l’employeur qu’il confirmait l’interprétation donnée par son subordonné, s’est borné à faire
connaitre l’interprétation que devraient recevoir, selon lui, les dispositions de l’article L. 132-20 (L. 2232-
17) du Code du travail et à rappeler les conséquences que pouvait comporter leur méconnaissance. Par
suite, ni la lettre de l’inspecteur du travail, ni celle du ministre n’ont le caractère de décisions faisant grief et
comme telles susceptibles de donner lieu à un recours contentieux. CE., 15 février 1991, n° 94413, 1 e s.-s.,
Sté Machines Chambon, inédit au Recueil Lebon.
526
La réponse donnée par lettre par l’inspecteur du travail à une demande de renseignements formulée par
un employeur au sujet de la protection des salariés exposés aux risques liés à l'utilisation du mercure et du
fonctionnement du service de la médecine du travail s'est bornée à fournir au requérant des éléments
d'information et ne peut pas être regardée comme ayant le caractère d'une décision faisant grief de nature à

124
souveraine des tribunaux (527). Pourtant, une décision de la Cour de cassation française
accorde une importance particulière à cette fonction de conseil et d’information. En effet,
dans son arrêt du 5 mars 1997 (528), la Cour de cassation affirme que l’inspection du
travail aurait pu expliciter les textes objets du litige.

Enfin, on doit constater que cette fonction d’information s’exerce aussi dans la
direction du ministère du travail.

C) Information de la hiérarchie : une mission pratiquée par l’inspecteur


du travail

Cette fonction est traditionnellement peu mise en évidence, voire même négligée.
Pourtant, elle est explicitement mentionnée (529) dans les articles 3-1 c) et 6-1 c) des
Conventions n° 81 et n° 129 de l’OIT qui mettent à la charge de l’inspecteur du travail le
devoir de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne
sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes. Le « principe »
(esprit) de cette disposition trouve son siège dans l’article 532-3 du Code du travail
marocain et aussi dans l’article 24 de la Convention arabe du travail n° 19 (530). Sauf que
le législateur marocain a déformé la formulation de cette disposition en se contentant de
limiter l’intervention de l’inspecteur à porter à la connaissance de l’administration

faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, le recours aux fins d’annulation de ladite lettre est
irrecevable. CE., 31 mai 1995, n° 162652, 1 e s.-s., Jouan, inédit au Recueil Lebon.
527
Réponse ministérielle, J.O Sénat, 9 mai 1978, p. 751 : « Rien n’interdit à l’inspecteur du travail de
répondre à l’employeur ou au salarié qui lui demande un avis au sujet d’un différend né à l’occasion d’un
contrat de travail. Cet avis, toujours émis sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, ne peut
porter atteinte à l’indépendance de la juridiction éventuellement saisie qui n’est nullement tenue de le
prendre en considération s’il en est fait état devant elle ».
528
Cass. crim., 5 mars 1997, n° 95-83.492, Bull. crim. V, n° 84, p. 283 : L'erreur sur la portée de certaines
dispositions de l'ordonnance du 16 janvier 1982 ayant institué la semaine de 39 heures, qui pouvait être
évitée par une consultation auprès de l'inspection du travail ne présente pas un caractère insurmontable.
Voir notamment, Mémento pratique Francis Lefèbvre : social, éd. Francis Lefèbvre, 2000, p. 1011.
529
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, 2ème édition révisée, Genève, BIT, 1999, p.
42.
530
Convention arabe du travail n° 19 de 1998 concernant l’inspection du travail, ratifiée par le Maroc en
2013, Dahir n° 1-09-127 du 6 mars 2014 portant publication de la Convention arable n° 19 pour l’année
1998 relative à l’inspection du travail, adoptée par la Conférence arabe du travail lors de sa 25 ème session
tenue à Louxor du 2 au 9 mars 1998, B.O n° 6280 du 7 août 2014, p. 3750 (en français).

125
chargée du travail, les lacunes ou les dépassements de certaines dispositions législatives
et réglementaires en vigueur.

En France, aucun texte de droit ne prévoit d’exception à ce devoir issu de normes


internationales ratifiées depuis le 16 décembre 1950 (531) et le 28 décembre 1972 (532).
Les agents de l’inspection du travail ont, conformément aux Conventions n° 81 et 129, la
mission de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne
sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.

En prenant appui sur l’étude d’ensemble sur l’inspection du travail de la Commission


d’experts pour l’application des conventions et recommandations du Bureau International
du Travail en 2006 : « Les formes et cadres des relations de travail, les techniques de
production et les technologies utilisées dans le milieu de travail évoluent de plus en plus
rapidement. Il importe que la législation pertinente s’adapte à cette évolution afin que les
travailleurs occupés en vertu de relations de travail nouvelles ou subissant des conditions
de travail abusives ne pâtissent pas de ses lacunes[…]Les inspecteurs du travail peuvent
être les agents publics les mieux placés, du fait de leur libre accès aux lieux de travail
ainsi que les relations privilégiées qu'ils ont vocation à entretenir avec les employeurs et
les travailleurs pour détecter des situations susceptibles d'appeler des solutions
juridiques en vue d'une meilleure protection au travail » (533).

1) Une obligation d’informer désignée timidement par les textes

Quoiqu’il en soit, cette pratique des agents de l’inspection du travail est affirmée en
France et devrait l’être au Maroc. On en voudra pour preuve les problèmes non couverts
par les lois et règlements existants que peuvent rencontrer les inspecteurs dans le cadre de
leurs fonctions et qui créent une injustice sociale évidente. Ceux-ci devraient être
identifiés, décrits et expliqués, pour ensuite être signalés à la hiérarchie.

531
Convention n° 81 de l’OIT de 1947 sur l’inspection du travail.
532
Convention n° 129 de l’OIT de 1969 sur l’inspection du travail en agriculture.
533
Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, L’inspection du travail en France en 2005 :
les chiffres clés, Rapport au BIT, date de remise : juillet 2007, p. 30, (225 p).

126
En France, les agents de l’inspection du travail contribuent à l’amélioration du droit
du travail en assurant, conformément à l’article 3 de la Convention n° 81 ( 534), la mission
de porter à la connaissance de l’autorité compétente les insuffisances de la législation et
des abus constatés, notamment les contournements, évitements ou détournements
juridiques dont ces dispositions seraient l’objet (535).

a) Transmission des rapports à l’autorité compétente : une pratique


révélatrice des lacunes du droit du travail marocain

Dans la pratique, l’inspection du travail transmet des rapports périodiques sur les
résultats de ses activités, faisant ressortir les principaux éléments relatifs à l’état de
l’application des dispositions dont elle est chargée d’assurer l’exécution, aux
insuffisances de la législation et les propositions d’évolution de la réglementation qui
seraient de nature à mieux assurer la santé et la sécurité au travail, aux mesures à prendre
pour surmonter les difficultés de toute nature rencontrées par les agents. Par une mise en
relation ordonnée, les informations périodiques remontent des sections d’inspection au
ministère du travail, et sur la base de ces remontées, l'administration centrale pourra, le
cas échéant, projeter la modification de la législation du travail, afin de l'adapter aux
réalités techniques et sociales (536) et enfin, d’établir le rapport annuel (537) adressé au
Bureau International du Travail (538).

534
Ainsi que l’article 6 de la convention n° 129.
535
Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Direction
générale du travail, L’inspection du travail en France en 2013, Rapport publié en janvier 2015, p. 151, (163
p).
536
HAUBRY Xavier, Le contrôle de l’inspection du travail et ses suites, éd. Paris, L’Harmattan, 2010, p.
45.
537
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, 2ème éd. 2013, ouvr.cité, p. 73.
538
Il ressort du rapport annuel adressé au BIT sur « l’inspection du travail en France en 2013 » que la
contribution à l’amélioration du droit s’exerce suivant trois modalités formelles, sans que celles-ci excluent
d’autres voies de signalement des difficultés : 1) conformément à une instruction du 23 mars 2013, les
directeurs régionaux (Direccte et Dieccte) sollicitent leur pôle T (politique du travail) pour adresser tous les
quinze jours à l’autorité centrale (DGT) une note sur l’activité et l’environnement de l’inspection du travail
faisant ressortir les principaux éléments relatifs à la conjoncture économique, au climat social, aux relations
et conditions de travail dans la région. Cette périodicité rapprochée permet que soient évoqués certains
dossiers précis. A partir des éléments transmis sur le contexte et l’activité des services, une note bimestrielle
restitue un éventail de faits notable, révélateur de tendances ou sortant de l’ordinaire ; 2) une synthèse sur
les relations du travail et l’action de l’inspection du travail est rédigée annuellement par chaque Direccte et
transmise à la DGT. Ces rapports régionaux intègrent les observations en provenance essentiellement des

127
La situation est un peu différente en droit marocain. À la lecture du code du travail,
aucune disposition n’envisage expressément pour l’inspecteur l’obligation de relever et
signaler les déficiences et les abus non couverts par la législation du travail observés dans
les établissements contrôlés. Il est vrai que le texte marocain a suggéré une déformation
de cette mission. Le Code du travail marocain postérieur à la ratification de ces
conventions n’a pas bien intégré cette disposition (539). L’approche de ce code n’éclaire
que très peu le contenu de cette fonction et ne regroupe pas l’ensemble des actions qu’elle
doit recouvrir.

Mais malgré le manque d’une mention expresse, dans le Code du travail marocain, de
l’obligation de signaler les déficiences et abus non couverts par la législation en vigueur,
elle pourrait être considérée comme omniprésente dans le cadre du droit du travail à
travers l’article 3 du Décret n° 2-08-69 relatif au statut particulier du corps des
inspecteurs du travail (540) qui précise que « Les inspecteurs du travail sont chargés des
fonctions déterminées par le code du travail et notamment : […] – l’information des
autorités compétentes sur les difficultés et les lacunes dans l’application du code du
travail ; […] ». Et il importe de noter que bien souvent les difficultés et les lacunes
existent (541). La capacité d’identifier ces problèmes est nécessaire pour adapter le droit
du travail au changement des conditions ambiantes, elle est considérée comme un
préalable fonctionnel de l’adaptation de la législation au changement des conditions de
travail. Ces mesures sont aussi de nature à améliorer la politique législative en matière
sociale et à soutenir des approches plus soucieuses de la réalité du travail.

sections d’inspection du travail sur l’application des dispositions dont elles sont chargées d’assurer
l’exécution. Une compilation nationale permet tout à la fois l’information hiérarchique et transversale sur
les grandes tendances du monde du travail ainsi que le recueil des questions juridiques ou techniques. Ces
questions sont transmises aux différents bureaux compétents de la DGT qui participent en fonction de leur
disponibilité à l’élaboration des réponses qui sont diffusées au fur et à mesure de leur production par
l’intranet professionnel SITERE ; 3) enfin, la même instruction précise les informations devant être
transmises sans délai par l’inspection du travail à la DGT à l’occasion de tout accident mortel ou très grave.
Cette procédure vise à une connaissance centralisée et quasiment en temps réel, d’éventuels phénomènes
émergents, grâce à des informations permettant une analyse rapide sans attendre les statistiques annuelles.
L’inspection du travail en France en 2013, Rapport.cité, p. 152.
539
Articles 3-1 c) et 6-1 c) des Conventions n° 81 et n° 129 de l’OIT.
540
Décret n° 2-08-69 du 9 juillet 2008 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs du travail, B.O
n° 5649 du 21 juillet 2008, p. 2268, (en arabe). Ce texte reprend une partie des attributions de l’inspection
du travail et précise la portée d’autres.
541
CHETCUTI Claude, « Réflexions sur l’inspection du travail », D.S., n° 2, 1976, p. 26.

128
b) Insuffisance des réponses transmises dans les rapports à l’OIT

Cette présentation serait incomplète si l’on restait à l’horizon national (542) ou interne.
Les législations nationales doivent s’inscrire dans le prolongement des constructions
juridiques de l’OIT. Une telle appréciation incite alors nécessairement à rechercher une
plus grande cohérence quant à la manière d’appréhender la mise en œuvre pratique des
conventions internationales et l’adaptation globale des politiques déployées à cet effet et
non seulement se limiter, pour l’appréciation de la conformité du droit interne avec les
dispositions internationales pertinentes, au rapprochement de leurs dispositions (543).

Cette orientation conduit à épouser les observations de l’étude d’ensemble, en 1985,


sur l’inspection du travail de la Commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations (CEACR) du Bureau International du Travail (544) : « […] Cette
fonction, dont l’importance a été soulignée par la commission, est la base du progrès
social. Bien compris et bien exécuté, son exercice devrait permettre l’adoption de
nouvelles mesures de protection. De par les connaissances concrètes qu’ils ont du milieu
de travail, les inspecteurs sont en effet particulièrement bien placés pour alerter les
autorités sur la nécessités de nouvelles réglementations mieux adaptées aux besoins de
travailleurs . […] En faisant rapport sur les insuffisances de la législation, les services
d’inspection du travail sont associés, dans une certaines mesure, au processus
d’élaboration de la réglementation sociale […] ».

De ce point de vue, le Maroc s’exposerait aux mêmes critiques que celles soulevées
par la CEACR prononcées dans son observation sur l’application de la Convention n° 81,
notamment ses articles 20 et 21 sur les rapports annuels relatifs aux activités de
l’inspection du travail, adoptée en 2014 et publiée à la 104ème Conférence Internationale

542
DUGHERA Jacques, LENOIR Christian, RICOCHON Michel et TRIOMPHE Claude, « L’inspection du
travail en quête d’une nouvelle légitimité », D.S., n° 2, 1983, p. 138.
543
FILALI MEKNASSI Rachid, « Examen du code du travail à la lumière des normes internationales du
travail », in Ministère de l’emploi et des affaires sociales /OIT, Le code du travail après dix ans de son
entrée en vigueur, entre les exigences du développement économique et la garantie du travail décent,
Colloque national, 22-23 septembre 2014, p. 7.
544
CIT, 71ème session, 1985, Etude d’ensemble des rapports concernant le convention (n° 81) et la
recommandation (n° 81) sur l’inspection du travail, la recommandation (n° 82) sur l’inspection du travail
(mines et transports) ainsi que la convention (n° 129) et la recommandation (n° 133) sur l’inspection du
travail (agriculture), Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations (articles 19, 22 et 35 de la Constitution), Rapport III (Partie 4 B), BIT, Genève, 1 ère éd.
1985, pp. 38-39, (188 p).

129
du Travail, où elle s’intéresse à l’absence de statistiques détaillées et le défaut de
régularité dans la présentation des rapports afférents à l’inspection du travail (545).

Ces précisions semblent impliquer que l’inspection du travail au Maroc n’intervient


que dans le cadre de la législation en vigueur. Elle ne peut rendre compte de nouvelles
situations qui ne correspondent pas ou que partiellement aux qualifications juridiques
usuelles (546). En revanche, on pourra s’interroger sur l’adéquation de cette mission au
regard de l’objectif visé par le texte international. La solution à adopter suggère plutôt
qu’une correspondance soit établie entre le texte national et les dispositions normatives
internationales qui, d’une manière ou d’une autre, traduisent, concrétisent, donnent corps
et consistance à cette mission. L’annulation, la négligence ou la déformation de cette
obligation attribuée à l’inspecteur du travail bouleverse l’économie de l’ensemble de cette
mission.

2) Les limites imposées à l’inspecteur du travail

Déjà en 1992, la CEACR notait les commentaires formulés par l’UGTM et la CDT
concernant l’application de la Convention n° 81 et qui invoquaient : « […] b) Aucune
mesure n’est prise par les inspecteurs pour porter à l’attention de l’autorité compétente
les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par la législation
existante […] » (547). Les mêmes remarquent furent reproduites dans l’observation de
cette même Commission en 1993, où elle mentionnait à propos de l’application de

545
La Commission « note avec intérêt que, pour la première fois en cinq ans, des rapports annuels sur
l’inspection du travail au sens de la convention ont été reçus et qu’ils contiennent les statistiques détaillées
pour 2012 et 2013 sur la majorité des sujets énumérés à l’article 21. Le rapport de 2012 inclut également
des données sur les maladies professionnelles recueillies dans 30 des 51 départements en charge de
l’emploi au ministère de l’Emploi et des Affaires sociales (délégations régionales de l’emploi) […] », et elle
conclue en « priant le gouvernement (marocain) de fournir des informations sur les mesures prises ou
envisagées pour l’instauration d’un système d’information sur les activités de l’inspection du travail. Elle
prie le gouvernement de veiller à ce que les rapports annuels d’inspection continuent d’être publiés et
communiqués au Bureau sur une base régulière et à ce qu’ils incluent des informations sur tous les sujets
couverts par l’article 21 a) à g), y compris les statistiques sur les cas de maladies professionnelles ».
Observation (CEACR) – adoptée en 2014, publiée in CIT, 104ème session 2015, Application des normes
internationales du travail, 2015 (I), Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations, Rapport III (Partie 1A), Rapport général et observations concernant certains pays,
BIT, Genève, 1ère éd. 2015, p. 339, (649 p).
546
FILALI MEKNASSI Rachid, « L’ineffectivité : la revanche des faits sur les prétentions de la règle
formelle », in AUVERGNON Philippe (dir.), L’effectivité du droit du travail. À quelles conditions ?, 2ème
éd. PUB, 2008, p. 70.
547
Observation (CEACR) – adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992).

130
l’article 3, paragraphe 1 c) de la Convention n° 81 « […] qu'aucune mesure inscrite dans
la loi ou dans la pratique n'empêche les inspecteurs de porter à l'attention de l'autorité
compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par la
législation existante. La commission saurait gré au gouvernement de signaler quelles
mesures autorisent expressément les inspecteurs du travail à agir en ce sens et de fournir
des extraits de rapports d'inspection, tels qu'ils sont prévus à l'article 19, portant sur ce
point […]» (548).

ème ème
À l’occasion des 85 et 86 sessions de la CIT, le gouvernement marocain
indiquait que « des réunions périodiques sont organisées avec les délégués régionaux
sous la présidence du ministère de l’emploi et des affaires sociales pour exposer et faire
des propositions sur les lacunes ou difficultés constatées par les inspecteurs du travail
dues à l’absence de dispositions légales » (549). La commission avait relevé que « le
projet de code du travail (1995) avait tenu compte, dans son article 453, de ses
commentaires sur ce point […] » (550).

Depuis quelques années, des informations communiquées par le gouvernement


marocain annonçaient que « les rapports périodiques sur les activités des inspecteurs
doivent indiquer les accidents du travail et leurs causes, les motifs des conflits du travail
individuels et collectifs ainsi que toute information pouvant contribuer à la relance de
l’économie régionale ou nationale, au renforcement des relations professionnelles sur le lieu
de travail et à l’amélioration des conditions de travail » (551). Si cette option est déjà admise
en pratique en droit marocain, il conviendrait de l’inscrire dans la loi afin de garantir son
exercice et éviter qu’elle ne soit appréciée de manière exceptionnelle.

La conception actuelle révèle les limites d’une appréhension de cette fonction comme
simple mesure ne permettant pas à l’inspecteur d’informer ses responsables sur toutes les
insuffisances ou carences contenues dans la législation en vigueur (552). La lecture de

548
Observation (CEACR) – adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993).
549
Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998), Observation (CEACR) -
adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997).
550
Ibid.
551
CIT, 100ème session, 2011, Administration du travail et inspection du travail, Cinquième question à
l’ordre du jour, Rapport V, BIT, Genève, 1 ère éd. 2011, pp. 111-112, (129 p).
552
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p. 126

131
cette disposition n’apporte pas de réponse claire, même si elle fait référence aux termes
de lacunes et dépassements. Une formulation conforme au sens des articles des
Conventions n° 81 et 129 de l’OIT (553) et la Convention arabe du travail n° 19 (554),
aurait permis de lever toute ambigüité. Le devoir d’informer l’administration centrale ne
saurait se réduire, à nos yeux, au seul mécanisme d’attirer l’attention sur les lacunes et les
dépassements des dispositions existantes. En prenant appui sur le fait que le Maroc a
ratifié les trois conventions précitées, nous suggérons que cette fonction inclut
nécessairement le fait de porter à la connaissance de l’administration même les abus et
déficiences non couverts par la législation en place.

On trouve donc, au sein de la doctrine, une analyse selon laquelle il faut retenir dans
de nombreux pays une volonté affirmée pour l’évaluation de la législation, souvent plus
affichée dans le discours que véritablement mise en application (555). L’état des
ratifications des conventions est lui aussi loin de constituer un indicateur fiable de niveau
d’application du droit (556). Ces simples effets d’annonce cachent semble-t-il une
résistance aux normes sociales qui pourrait être expliquée, selon le professeur Auvergnon,
par « l’existence d’une culture d’inaccomplissement, d’une coutume enracinée de
contournement de la loi dès lors que celle-ci est synonyme de coût (557) et de restriction »
(558).

553
La Convention 129 de l’OIT dans article 6 (c) va plus loin et complète la mission de rendre compte par :
« … et de lui [l’autorité centrale] soumettre des propositions sur l’amélioration de la législation ».
554
L’article 24 de la Convention arabe du travail n° 19 précise que le signalement, de la part de l’inspecteur
du travail à l’autorité compétente, des déficiences et lacunes qu’il découvre à l’occasion du contrôle
d’application de la législation du travail se fait dans le but de prendre les mesures nécessaires pour les
éviter.
555
AUVERGNON Philippe, « Une approche comparative de la question de l’effectivité du droit du
travail », in AUVERGNON Philippe (dir.), L’effectivité du droit du travail. À quelles conditions ?,
ouvr.cité, p. 11.
556
FILALI MEKNASSI Rachid, « L’ineffectivité : la revanche des faits sur les prétentions de la règle
formelle », art.cité, p. 63.
557
Ce problème de coût rappelle déjà la position du gouvernement marocain en 2008 plaidant le manque de
moyens techniques et financiers pour justifier l’absence de publication des rapports d’activité de
l’inspection du travail : « Le gouvernement [marocain] précise que, pour des raisons techniques et
financières, il n’existe pas de support d’information diffusant les données statistiques sur l’inspection du
travail. Il indique toutefois que le ministère de l’Emploi publie périodiquement sur son site Internet toutes
les données, y compris celles portant sur l’inspection du travail ». Sauf que la commission répond qu’elle
« n’a pas réussi à accéder à la page correspondante. Se référant à son précédent commentaire, elle espère
que le gouvernement sera bientôt en mesure de communiquer au BIT un rapport annuel sur les activités

132
Face à tous ces problèmes, mêmes sommairement esquissés, on est conduit à estimer
que le contrôle et l’évaluation des insuffisances de la législation du travail et des abus
constatés font partie intégrante des fonctions assurées par les inspecteurs du travail. Les
critiques ou remarques fondées sur une pratique quotidienne ne pourraient leur être
déniées (559). Et ils ne pourraient se contenter d’interpréter les textes selon une situation
politique ou conjoncturelle en se conformant scrupuleusement aux instructions,
circulaires et directives de leur hiérarchie.

Au-delà de cette critique, une évolution de la fonction de conseil et d’information


n’est pas niable dans la mesure où son efficacité permet de conclure à sa bonne
application. Par ailleurs, elle s’inscrit dans une logique d’intervention et de prise de
décision de la part de ce corps de contrôle afin d’apprécier les conditions dans lesquelles
une disposition générale doit être adoptée aux besoins particuliers d’une entreprise (560).

d’inspection qui aura été publié par l’autorité centrale et contiendra des informations sur chacun des sujets
énumérés à l’article 21[…] ». Demande directe (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (28
mai – 13 juin 2008). D’ailleurs, les mêmes arguments étaient invoqués en 2000 : « Selon le gouvernement,
les informations qui devraient figurer dans les rapports annuels d'inspection en application de ces articles
[20 et 21 de la Convention n° 81 de l’OIT] sont incluses dans le rapport d'activité du ministère chargé du
travail. Toutefois, pour des raisons d'ordre technique et financier, la brochure au moyen de laquelle ces
informations étaient publiées ne paraît plus depuis plusieurs années », in Observation (CEACR) - adoptée
1999, publiée 88ème session CIT (30 mai – 15 juin 2000).
558
AUVERGNON Philippe, « Une approche comparative de la question de l’effectivité du droit du
travail », art.cité, p. 17.
559
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p. 127.
560
DIFFEMBACH Florence, L’inspection du travail inspectante, Mém. D.E.A Dr. social, Univ. Bordeaux
I, 1991-1992, p. 25.

133
Section 2 : La collaboration technique

Les fonctions d’inspection du travail sont dévolues, en principe, au corps de


fonctionnaires chargés de cette mission, du ministère de l’emploi et au corps de
fonctionnaires spécialisés (§ 1) constitué au sein du département chargé de l’emploi.
Toutefois, l’article 530 du Code du travail marocain opère une distinction entre différents
agents de contrôle en fonction de la nature des entreprises et établissements. Ainsi et à
titre complémentaire, d’autres agents commissionnés spécialement par des
administrations se voient confier la charge du contrôle des conditions de travail dans leur
domaine exclusif d’activité, particulièrement les départements chargés des mines (§ 2), et
de la marine marchande.

§ 1. L’inspection médicale du travail

Le développement des activités industrielles a conduit à la création d’un corps


technique de contrôle de la protection de la santé au travail : l’inspection médicale du
travail. Mais son statut a, à tous points de vue, un caractère ambigu. Cette ambigüité fait
surgir plusieurs interrogations : le médecin inspecteur est-il un véritable médecin, dans la
perspective qui est déjà celle du médecin du travail ? Ou bien est-il un vrai inspecteur
détenant tous les droits et prérogatives attachés à l’exercice d’une telle fonction ? Cette
dénomination hybride de médecin inspecteur reflète bien la multiplicité et la complexité
des tâches qui sont les siennes (561).

L’application de certaines dispositions du Code du travail relatives à l’hygiène du


travailleur avait relevé, à partir des années trente en France, l’intérêt pour l’inspection du
travail en la personne du Ministre du travail, de pouvoir désigner des « médecins-
conseils » chargés de missions spéciales temporaires concernant l’application des
dispositions relatives à la santé des travailleurs (562).

561
GUÉRIN Odile, Le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre, Mém., DEA Droit,
Bordeaux 1, 1993, p. 17.

562
Les lois du 17 juillet 1937 et du 10 mai 1946 avaient prévu des interventions médicales temporaires, au
début intermittentes, elles se sont transformées de manière progressive en action permanente exercée en
liaison avec les inspecteurs du travail. En effet, c’est un décret du 16 janvier 1947 qui a fixé les cadres, la

134
De façon analogue, le législateur marocain a consacré un intérêt majeur à la question
de la protection de la santé des salariés et leur stabilité sociale dès la promulgation du
Dahir des obligations et des contrats en 1913. Dans ce sens, il a instauré une garantie de
la sécurité et de la santé des travailleurs afin de favoriser la prévention des risques
professionnels, à la charge de l’employeur qui doit s’engager sur les objectifs, les
modalités et les moyens permettant de créer une démarche durable (563).

Ce faisant, plusieurs décisions étaient venues s’inscrire à l’effectif de cet ensemble.


Ainsi, un employeur avait été condamné (564) car sa société avait violé les dispositions de
l'article 749 du D.O.C et n'avait pas prouvé les cas d'exonération de la responsabilité tels
qu'ils sont prévus par l'article 88 du même texte. Cette position sera reprise par la même
juridiction dans une autre espèce du 12 avril 1921 (565). Un autre arrêt de la même cour
rappelle la même position (566). Mais force est de constater que ce n’est qu’en 2008 qu’un
arrêté du ministre marocain de l’emploi et de la formation professionnelle fixant les

rémunération, le statut et les attributions du personnel de l’inspection médicale du travail et de la main-


d’œuvre. Il s’agit, actuellement des articles : L. 8123-6, R. 8123-8 et R. 8123-9 du Code du travail français.

563
Article 749 du D.O.C : « Le patron ou maître, et généralement tout employeur, est tenu :
1° De veiller à ce que les chambres, ateliers et généralement tous locaux qu'il fournit à ses ouvriers, gens
de services et employés, présentent toutes les conditions de salubrité et de sécurité nécessaires ; il doit les
entretenir au même état pendant la durée du contrat;

2° De veiller à ce que les appareils, machines, instruments et généralement tous autres objets qu'il fournit,
et au moyen desquels doit s'accomplir le travail, soient en état de garantir contre tout danger la vie ou la
santé de ceux qu'il emploie, dans la mesure où le comporte la nature des services à prêter par eux ;il est
tenu de les entretenir au même état pendant la durée du contrat;

3° De prendre toutes les mesures de précaution nécessaires afin de garantir la vie et la santé de ses
ouvriers, gens de services et employés, dans l'accomplissement des travaux qu'ils exécutent sous sa
direction ou pour son compte.
Le maître répond de toute contravention aux dispositions du présent article, d'après les dispositions
établies pour les délits et quasi-délits ».

564
CA de Rabat, 19 novembre 1918, RJLM., 1919, p. 2.

565
CA de Rabat, 21 avril 1921, RACAR., t. 1, p. 270 : « L'article 749 du D.O.C fait un devoir à tout
employeur de prendre de sévères mesures pour garantir la sécurité de son personnel. Doit être considéré
comme ayant commis une grave imprudence et engagé par conséquent sa responsabilité civile, l’employeur
qui laisse un ouvrier, préposé en qualité d’aide mécanicien ou de chauffeur à la conduite d’un appareil
moteur, porter des vêtements flottants, susceptibles d’être happés par cet appareil, au lieu de l’obliger à se
munir de vêtements appropriés à son genre de travail ».

566
CA de Rabat, 20 février 1924, RACAR., n° XXIV, vol. 12, p. 72.

135
mesures d’application générales et particulières relatives aux principes énoncés par les
articles 281 à 291 du Code du travail (567), a vu le jour.

Il convient alors de suivre ces évolutions. Ainsi, c’est à l’employeur qu’il revient de
répondre des infractions au Code du travail en général et des infractions aux dispositions
relatives à la protection de la santé et la sécurité des travailleurs en particulier, puisqu’il
détient le pouvoir décisionnel et les moyens financiers (568). De ce point de vue, la
répression gagnerait à être rapprochée à la fois avec la prévention et avec la réparation
(569).

En principe, les infractions sont constatées par l’inspecteur ou le contrôleur du travail.


Et conformément à la Convention n° 81 de l’OIT ratifiée par le Maroc, les inspecteurs du
travail disposent des moyens habituels d’investigation : droit de visite aménagé par les
textes, droit d’effectuer des prélèvements sur les produits mis en œuvre, droit de procéder
à tous examens, contrôles et enquêtes qu’ils jugent nécessaires pour s’assurer que les
dispositions législatives et réglementaires sont effectivement observées. Ils ont aussi des
pouvoirs d’action sur les conditions de travail : ils peuvent donner des conseils ou des
avertissements, prescrire l’adoption de mesures de prévention dans un délai déterminé et
relever les infractions constatées par procès-verbal faisant foi jusqu’à preuve du contraire
(570).

Seulement, ces investigations effectuées directement par l’inspecteur du travail


peuvent sensiblement être handicapées non seulement par une formation générale
insuffisante, mais aussi par une compétence technique limitée ne permettant pas la mise
en œuvre du contrôle de la bonne application des règles, notamment sur les plans
scientifique, technique ou technologique ; et par la complexification des situations de

567
Arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 93-08 du 12 mai 2008, B.O n° 5680
du 6 novembre 2008, p. 1410. L’article 39 de cet arrêté dispose : « Il est interdit aux salariés portant des
vêtements non ajustés ou flottants de s’installer près des machines ou des pièces mobiles de machines ».

568
MANAOUIL Cécile, La responsabilité du médecin du travail, Mém. DEA de droit social, Lille 2, 1999-
2000, p. 25.

569
BOUDAHRAIN Abdellah, La sécurité sociale au Maghreb du nouveau millénaire : carences et défis
(Maroc), 1ère éd. Al Madariss, Casablanca, 2000, p. 171.

570
LARAQUI HOSSINI Chakib El Houssine, Du droit de la santé des travailleurs au droit de la santé des
travailleurs marocains : contraintes et perspectives, Th. Droit, Lyon 3, 2005, p. 148.

136
travail, au développement de la réglementation et à l’arrivée de nouvelles technologies
aux risques méconnus ou à effets différés (571).

Aussi l’inspecteur du travail, dont le rôle essentiel est d’assurer une réelle effectivité
du droit du travail et une diffusion de la culture de la prévention sur les lieux de travail,
sera-t-il contraint de se faire assister, le cas échéant, voire fréquemment par des experts,
des laboratoires d’analyses ou d’essais publics ou privés (572), ou généralement par une
personne techniquement compétente. C’est dans ce sens que l’article 533-3 du Code du
travail marocain a prévu le « concours d’experts dans les domaines scientifiques et
techniques, tels que la médecine, le génie ou la chimie ».

Toujours est-il qu’il est difficile de parvenir à une coordination efficiente entre
l’expert et l’inspecteur du travail. Ces turbulences dans le relationnel direct perturbent le
processus d’implantation de l’inspecteur du travail dans la mentalité de ceux qui font
appel à lui pour conseil (573). Mais les interventions de l’inspection du travail peuvent être
spécifiques lorsqu’elles mettent en jeu une technicité propre, ou conjuguées quand le but
à atteindre implique qu’inspecteurs et médecins inspecteurs agissent ensemble (574).

A) Une collaboration difficile

La synthèse de ces éléments a été donnée par l’article 9 de la Convention n° 81 de


l’OIT énonçant que : « Chaque membre prendra les mesures nécessaires pour assurer la
collaboration d’experts et de techniciens dûment qualifiés, y compris des techniciens en

571
JARRY Mireille, « Présentation du plan santé-travail : de sa conception à sa mise en œuvre », Colloque :
Santé et travail : de la connaissance à l’action, session 4 : Initiatives nationales et actions locales, Résumé
des interventions, Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, 16 octobre 2007, p.
31.

572
À l’exemple de la procédure en cas de contrôle effectué dans le cadre de la législation relative à la
répression des fraudes (loi n° 13-83 du 5 octobre 1984, B.O n° 3777 du 20 mars 1985, p. 152). V.
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit de la consommation au Maroc, Casablanca, Al Madariss, 1999, p. 160
et s. Il en va de même en ce qui concerne la liste des laboratoires agrées, établie par les ministères de
l’emploi, de la santé et de l’agriculture.

573
THOMAS Florian, « La fusion des services de l’inspection du travail. Quelle place pour l’inspection du
travail en milieu maritime ? Un enjeu national et international », Neptunus, revue électronique, Centre de
Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, vol. 17, 2011/2, p. 4. Consulté le 21 avril 2012 sur :
http://www.droit.univ-nantes.fr/labos/cdmo/centre-droit-maritime-oceanique/cdmo/cdmo/cdmo.php.

574
MAGER STELLMAN Jeanne, Encyclopédie de sécurité et de santé au travail, vol. 1, BIT, Genève,
2000, n° 16-27.

137
médecine, en mécanique en électricité et en chimie, au fonctionnement de l’inspection,
selon les méthodes jugées les plus appropriées aux conditions nationales, afin d’assurer
l’application des dispositions légales relatives à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs
dans l’exercice de leur profession… ».

En effet, Les médecins inspecteurs du travail constituent les principaux médiateurs


entre les services de la santé au travail et les inspections du travail. En France, les
médecins inspecteurs régionaux du travail (575), placés sous l’autorité administrative du
directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et sous
l’autorité du chef de service de l’inspection médicale centrale (576), ont un rôle d’appui
technique aux services de l’inspection du travail, aux services de l’inspection médicale du
travail (577) et aux services chargés des politiques de l’emploi (578).

Nous retrouvons quasiment le même schéma au Maroc, où le décret du 8 février 1958


(579) portant application du dahir du 8 juillet 1957 portant sur les services médicaux du
travail (580) a organisé, dans le cadre de son titre V : l’inspection médicale du travail afin
de promouvoir la santé au travail. L’article 24 du même décret précise que : « Les
médecins inspecteurs du travail sont désignés par le ministre chargé du travail après
accord du ministre de la santé publique. Ils travaillent en liaison avec le ministère de la
santé publique sur le plan médical et en reçoivent des directives pour que tout ce qui
concerne les questions sanitaires d’ordre général ».

575
Le rattachement du médecin inspecteur à l’échelon régional fait qu’il est encore dénommé : médecin
inspecteur régional du travail (MIRT). Précédemment appelé médecin inspecteur régional du travail et de
main-d’œuvre (MIRTMO), cette dénomination est abandonnée dans le cadre de la recodification du Code
du travail. V. KAPP Thomas, « La contestation de l’avis du médecin du travail devant l’inspecteur du
travail », D.S., n° 2, 2011, p. 164.

576
Articles R. 8123-6 et R. 8123-7 du Code du travail français.

577
C’est surtout la protection de la santé physique et mentale des travailleurs sur leur lieu de travail.

578
Direction Générale du Travail (DGT), L’inspection du travail en France en 2009, Rapport rédigé en
application des articles 20 et 21 de la Convention n° 81, des articles 26 et 27 de la Convention n° 129, de
l’article 8 de la Convention n° 178 de l’OIT, éd. Ministère du travail, de l'emploi et de la santé, Paris, 2010,
p. 88. (378 p).

579
B.O n° 2368 du 14 mars 1958, p. 463. Décret abrogé par l’article 486 du Code du travail.

580
B.O n° 2341 du 6 septembre 1957, p. 1162. Dahir abrogé par l’article 486 du Code du travail.

138
1) L’inspection médicale du travail : un organe spécifique d’appui
technique à la médecine et à l’inspection du travail

Les inspecteurs du travail s’appliquaient-ils peu dans le domaine de la santé au travail


et des maladies professionnelles. Ils sont encouragés dans cette attitude par l’existence,
ancienne dans leur administration, d’experts, les médecins inspecteurs du travail, avec
lesquels leur collaboration est réduite (581). Les médecins inspecteurs du travail ont pour
mission de coopérer avec l’inspecteur du travail à l’application de la réglementation
relative à la santé au travail. Ils assistent ce dernier dans l’application de la législation
relative à l’hygiène du travail et appuient l’action du médecin du travail en vue de la
protection de la santé des travailleurs. L’inspection du travail et l’inspection médicale du
travail sont les principaux interlocuteurs et correspondants du médecin du travail en
dehors de l’entreprise (582).

Plus exactement, ils exercent une action permanente en vue de la protection de la


santé physique et mentale des travailleurs sur leur lieu de travail (583). Cette action porte
en particulier sur le contrôle du fonctionnement des services de santé au travail.
D’ailleurs, le Code du travail français prévoit que « le médecin inspecteur du travail
communique aux comités techniques des caisses de sécurité sociale les renseignements
qu’il possède sur les risques de maladies professionnelles et d’accidents du travail
inhérents aux différentes entreprises » (584).

Au nombre de 42 en 2009 (585) en France, inscrits à l’ordre des médecins et soumis au


code de déontologie médicale (586), les médecins inspecteurs sont des médecins

581
TIANO Vincent, Les inspecteurs du travail à l’épreuve de l’évolution des risques, Th. Sociologie, Aix-
Marseille II, 2003, p. 137.

582
LARAQUI HOSSINI Chakib El Houssine, Du droit de la santé des travailleurs au droit de la santé des
travailleurs marocains : contraintes et perspectives, Th.citée, p. 145.

583
Article L. 8123-1 du Code du travail français.

584
Article D. 8123-4 du Code du travail français.

585
DGT, L’inspection du travail en France en 2009, Rapp.cité, p. 7, V. tableau.

586
Article L. 4127-1 et articles R. 4127-1 à R. 4127-108 du Code de la santé publique.

139
spécialisés en médecine du travail (587), relèvent d’une double autorité : agents publics, ils
relèvent de l’autorité du directeur régional du travail, sauf dans l’exercice des
compétences qu’ils tiennent directement des dispositions légales (588) ; ils sont également
placés sous l’autorité du chef de service de l’inspection médicale du travail (DGT) pour
l’exercice de leurs compétences techniques (589), « travaillant en régulation collective peu
connus hors des cercles de l’administration du travail » (590).

Ils sont chargés d’assister les services de l’inspection dans la surveillance de


l’application de la législation du travail relative à l’hygiène du travail et à la protection de
la santé des travailleurs au lieu de leur travail et participent à la veille sanitaire au profit
des travailleurs (591). Enfin, en vue de la prévention des maladies professionnelles, les
médecins inspecteurs du travail sont autorisés à examiner les travailleurs et à faire ou
faire effectuer, aux fins d’analyse, des prélèvements sur les matières et produits utilisés
(592).

Il s’ensuit que la direction du travail est aussi « chargée de promouvoir la médecine


du travail, et de proposer les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité
des salariés et de veiller à leurs suivi et contrôle, et ce, en collaboration avec les
départements ministériels concernés… » (593). Elle comprend la division de la médecine
du travail, de la santé et de la sécurité professionnelle qui regroupe le service de la
médecine du travail et le service de l’hygiène et de la sécurité professionnelle (594).

587
Les missions des médecins inspecteurs sont définies par les articles L. 8123-1, L. 8123-2 et L. 8123-3.

588
Article R. 8123-6 du Code du travail français.

589
Article R. 8123-7 du Code du travail français

590
Rapport annuel IGAS, Les médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main d’œuvre (MIRTMO),
septembre 2006, p. 3.

591
Article L. 8123-1 du Code du travail français.

592
Article L. 8123-3 du Code du travail français

593
Article 8 du décret n° 2-14-280 du 18 juin 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère de
l’emploi et des affaires sociales au Maroc.

594
Article 3 de l’arrêté du ministre de l’emploi et des affaires sociales n° 2681-14 du 18 juillet 2014 relatif à
la création des divisions et services des directions centrales du ministère de l’emploi et des affaires sociales,
B.O n° 6322 du 1er janvier 2015, p. 234.

140
Le droit marocain présente des similitudes importantes. Les dispositions relatives aux
attributions et obligations des agents de contrôle s’étendent aux médecins et ingénieurs
chargés de l’inspection du travail dans la limite de leurs spécialités (595). Les médecins
inspecteurs (596) du travail sont des fonctionnaires du Ministère de l’emploi et de la
formation professionnelle, désignés par le ministre de l’emploi, après accord du ministre
de la santé publique (597), chargés de veiller à l’application de la législation relative à
l’hygiène du travail et à la protection de la santé des salariés. Ils se distinguent du
médecin du travail qui est salarié de l’entreprise (598). Ils ont un rôle technique et d’appui

595
Article 535 al. 1er du Code du travail marocain.

596
L’inspection médicale du travail a été créée par le décret n° 2-56-248 du 8 février 1958 qui fixe les
modalités des services médicaux du travail instituées par le dahir du 8 juillet 1957, B.O n° 2368 du 14 mars
1958, p. 463.

597
Généralement, chaque ministère dispose d’un service spécialisé dans le domaine de la santé au travail, à
l’exemple du service de médecine du travail qui a été créé en 1990, au sein du ministère de la santé
publique. Cette structure a pour mission de participer, avec les autres départements gouvernementaux, à la
conception et à la formulation de la politique nationale en matière de santé au travail, à la préparation des
textes législatifs et réglementaires relatifs à la protection de la santé des travailleurs et au suivi de la
politique sanitaire en milieu du travail. Il convient de signaler que l’inspection médicale du travail est
attachée à ce département. BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p.
620.

598
L’examen des jurisprudences marocaine et française montre que le contrat conclu avec un médecin du
travail est un contrat de travail. Telle est la position dès longtemps adoptée par le Tribunal d’Oujda le 10
janvier 1944, confirmant la compétence de ce dernier s’agissant d’un contrat conclu entre un médecin et une
entreprise : Tribunal d’Oujda, section industrie, 10 janvier 1944, GTM., 15 avril 1944, p. 55, cité par
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 1, 2005,
ouvr.cité, p. 566, note 1688 ; et TOUBA Keltoum, Th.citée, 1993, p. 257, note 5. Les juridictions
marocaines ont de temps à autre l’occasion d’illustrer ce principe codifié à l’article 312 du Code du travail
(article R. 4623-4 du Code du travail français). Ainsi, Dans un litige exposé devant le TPI d’Agadir, le
tribunal a considéré que le contrat liant un médecin du travail et l’entreprise est un contrat civil, et s’est
prononcé en faveur du médecin en lui accordant une indemnité de rupture en se basant sur son pouvoir
discrétionnaire, sans chercher à s’enquérir de la vérité de la relation contractuelle entre le médecin du travail
et l’entreprise. Sachant qu’à cette époque, la médecine du travail était régie par le Dahir du 8 juillet 1957
(organisant les services médicaux du travail, abrogé par l’article 586 du Code du travail) : TPI d’Agadir,
jugement du 27 octobre 2003, Dos.civ n° 337/03, cité par HACHIMI Abderrahim, « La nature de la relation
contractuelle entre le médecin du travail et l’entreprise », in Les contrats de travail et les conflits sociaux à
travers la jurisprudence de la Cour suprême, 9ème Colloque régional, Agadir 5-6 juillet 2007, Cour
suprême, p. 225. Dans le même sens, le TPI d’Agadir a considéré dans une autre espèce opposant un
médecin du travail à une entreprise, que le contrat qui les lie est un contrat de travail en se fondant sur les
dispositions de l’article 312 du Code du travail. Sauf qu’on reproche à ce jugement son fondement sur la
subordination telle qu’elle était considérée par la jurisprudence pour déterminer la nature du contrat, alors
qu’il suffisait de se baser sur l’article 312 du Code du travail sans l’appuyer de positions jurisprudentielles
antérieures attendu que l’article 312 du Code du travail a mis fin à toute polémique pouvant être amorcée
par rapport à la nature du contrat : TPI d’Agadir, jugement n° 682/05 du 25 juillet 2005, Dos n° 1646/04,
cité par HACHIMI Abderrahim, « La nature de la relation contractuelle entre le médecin du travail et
l’entreprise », art.cité, p. 226. La jurisprudence française a procédé de la même manière et ce, dès la fin des
années trente en admettant que les obligations pesant sur un médecin en vertu du contrat le liant au
propriétaire d’un sanatorium suffisaient à caractériser sa dépendance alors qu’il conservait « une pleine
indépendance dans l’exercice de son art » : Civ., 25 juillet 1938, DH (Recueil Hebdomadaire de
Jurisprudence Dalloz : années antérieures à 1941) 1938. 530, in PELISSIER Jean, LYON-CAEN Antoine,

141
aux agents de contrôle, qu’ils accompagnent parfois dans leurs visites, pour l’application
de la législation en matière d’hygiène, de sécurité et de santé au travail ; mais leur faible
nombre (599), insuffisant pour couvrir l’ensemble du pays, ainsi que le dénuement relatif
de leurs moyens d’action constituent une véritable entrave au bon fonctionnement de leur
service.

2) Des articulations administratives imprécises

Il importe de souligner qu’en France, les médecins inspecteurs du travail ne disposent


d’aucun pouvoir de sanction (600), ils n’ont pas compétence pour constater des infractions
ni pour dresser des procès-verbaux ou des mises en demeure (601) ; ils disposent des
pouvoirs et obligations des inspecteurs du travail, ils sont autorisés, dans un but préventif,
à faire des prélèvements portant sur les matières mises en œuvre et les produits utilisés
(602). C’est surtout en matière de contrôle du fonctionnement des services de santé et à la

JEAMMAUD Antoine et DOCKES Emmanuel, Les grands arrêts du droit du travail, Paris, Dalloz, 4ème éd.
2008, p. 8.
Cet exposé est aussi l’occasion de souligner que depuis quelques années, les médecins titulaires d’un
diplôme étranger de médecine du travail se voyaient refuser leur demande d’inscription à l’ordre national
des médecins. Mais la jurisprudence consacrée par la Cour suprême a donné raison aux postulants à
l’attestation de capacité en médecine du travail et science du travail du moment que ladite attestation
requiert uniquement l’obtention d’un diplôme dans la spécialité demandée et le respect de la procédure en
vigueur lors du dépôt de la demande ; abstraction faite du lieu et du pays de délivrance du diplôme
concerné, qu’il soit délivré par une université marocaine ou étrangère. V, TA de Rabat, jugement n° 786 du
19 avril 2006, Dos n° 15/07, Jurisprudence des Tribunaux administratifs : Rabat, Section des recours en
annulation, t. 2, 2007 p. 170,
http://adala.justice.gov.ma/production/jurisprudence/ar/tribunaux_administratifs_pi/rabat/2007/2 2007‫اإلغاء‬
‫قضاء‬.pdf ; TA de Rabat, jugement n° 1416 du 16 novembre 2006, Dos n° 514/1/05, Jurisprudence des
Tribunaux administratifs : Rabat, Section des recours en annulation 2006, p. 21,
http://adala.justice.gov.ma/production/jurisprudence/ar/tribunaux_administratifs_pi/rabat/2006/1 2006 ‫اإلغاء‬
‫قضاء‬.pdf

599
Actuellement, on dénombre douze (12) inspections médicales comptant vingt deux (22) médecins
inspecteurs sur tout le territoire marocain répartis au sein des délégations de l’emploi de plusieurs villes ;
Casablanca compte 7 médecins inspecteurs, Rabat 4, Agadir 2, Marrakech 2, Tanger 2, Fès 1, Meknès 1,
Kénitra 1,Oujda 1, et El Jadida 1. Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Exposé de la
rencontre de M. Abdelouahed Souhail Ministre de l’emploi et de la Formation Professionnelle avec la
Chambre Française du Commerce et d’Industrie au Maroc, Casablanca le 26 avril 2012, p. 27.

600
Aux termes de l’article L. 8123-2 du Code du travail français : « Les dispositions du présent code
relatives aux pouvoirs et obligations des inspecteurs du travail sont étendues aux médecins inspecteurs du
travail à l’exception des dispositions de l’article L. 8113-7, relatives aux procès-verbaux, et de l’article L.
4721-4, relatives aux mises en demeure ».

601
GUICHAUX Frédérique, Th.citée, p. 364.

602
Article L. 8123-3 du Code du travail français.

142
sécurité au travail (603) que le rôle apparait important bien qu’il soit souvent d’ordre
consultatif (604). C’est de ce fait que résulte la différence majeure concernant les pouvoirs
des médecins inspecteurs dans les deux pays. Car contrairement à la situation en France,
les médecins inspecteurs du travail au Maroc peuvent établir des procès-verbaux
d’infraction à la législation du travail dans les domaines relevant de leurs attributions
(605).

Cette nouvelle disposition consacre un principe tant réclamé par ces agents à savoir
leur indépendance à l’égard des inspecteurs du travail. Elle met aussi fin à un
ressentiment durable entre les médecins inspecteurs du travail et les inspecteurs du travail
au profit d’une meilleure application de la réglementation du travail en matière de santé et
de sécurité au travail. Mais on retiendra surtout que l’article 535 du Code du travail
marocain qui renvoie aux attributions et aux obligations ne fait pas référence à l’article
531 du même code, qui soumet les inspecteurs en tant qu’agents verbalisateurs à
l’assermentation et à la tenue du secret professionnel (606). En dépit de cela, en application
des dispositions du dahir du 1er mai 1914 (607) tout agent verbalisateur doit prêter serment.

Mais quoi qu’il en soit de la portée exacte de cette disposition, de nombreux obstacles
et une conjonction de facteurs amènent à une collaboration insatisfaisante entre les

603
Article D. 8123-3 al. 2 du Code du travail français.

604
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 93.

605
Bien que la formule de l’article 535 paraisse relativement étroite, elle dissipe les équivoques car elle
comprend un renvoi à l’article 539 du Code du travail marocain qui porte sur le procès verbal d’infraction et
étant donné qu’aucune disposition de ce texte n’exclut de manière explicite ou implicite ce droit au médecin
inspecteur du travail ou le contredit, il est donc permis d’estimer que le médecin inspecteur du travail se
trouve habilité à dresser les procès-verbaux d’infractions. V. BOUHARROU Ahmed, Le système marocain
de l’inspection du travail, ouvr.cité, p. 78.

606
La révélation de ce secret est réprimée en application des peines prescrites à l’article 446 du Code pénal
marocain (emprisonnement d’un mois à six mois et amende de 120 à 1000 Dirhams). Les sanctions prévues
par cet article sont initialement destinées à certains professionnels de la santé « Les médecins, chirurgiens
ou officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes… », tout en s’étendant également à
«… toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession ou par fonctions permanentes ou
temporaires, des secrets qu’on leur confie », à moins que la loi les oblige ou les autorise à y déroger, V,
C.S., arrêt n° 2391 du 26 mai 1994, Dos.civ n° 90/3804, JCS., n° 48, 1996, p. 51. Cette obligation du secret
trouve aussi son fondement dans le Code de déontologie médicale. L'article 4 de ce dernier dispose : « Le
médecin doit à son malade le secret absolu en tout ce qui lui a été confié ou qu'il aura pu connaître en
raison de confiance qui lui a été accordée », V, arrêté résidentiel du 8 juin 1953 relatif au code de
déontologie des médecins, B.O n° 2121 du 19 juin 1953, p. 828.

607
Dahir relatif au serment des agents verbalisateurs, B.O n° 82 du 22 mai 1914, p. 358.

143
inspecteurs du travail, les médecins inspecteurs du travail, les médecins du travail et les
partenaires sociaux. Ceci peut s’expliquer par le nombre limité de ces inspecteurs pour
une charge de travail importante, l’absence de communication entre ces professionnels et
le manque de moyens techniques d’action (608) indispensables à l’exercice de leurs
missions d’information, de communication, d’appui et de conseil auprès des médecins du
travail, des employeurs et des travailleurs.

Cette complémentarité dans l’approche des problèmes et de leur association conduit à


se pencher, bien que brièvement, sur l’existence et la valeur des relations qui s’établissent
entre médecins et inspecteurs du travail au cours de leurs missions communes.

B) Le médecin inspecteur : conseiller dans le cadre particulier de


l’aptitude médicale

La question ainsi formulée ne va pas sans difficulté. La compétence sur les avis du
médecin du travail appartient exclusivement à l’inspecteur du travail. Étant amené à
prendre une décision dans un domaine dans lequel il n’a aucune compétence et ne
disposant d’aucun document relatif à l’état de santé (609), objet de sa décision, la loi (610)
prévoit ainsi l’intervention du médecin inspecteur du travail (611).

608
Outils documentaires, bases de données informatiques, guides d’enquêtes, dépliants, affiches, etc. V,
LARAQUI HOSSINI Chakib El Houssine, Du droit de la santé des travailleurs au droit de la santé des
travailleurs marocains : contraintes et perspectives, Th.citée, p. 148.

609
En raison de la confidentialité des données médicales personnelles et du secret médical, la
communication du dossier médical doit être refusée à toute personne n’appartenant pas au corps médical, y
compris au service administratif, au chef de l’entreprise et à l’inspecteur du travail. Ce dossier ne peut être
communiqué qu’au médecin inspecteur du travail ou au médecin traitant après accord du salarié. V,
LARAQUI HOSSINI Chakib El Houssine, Du droit de la santé des travailleurs au droit de la santé des
travailleurs marocains : contraintes et perspectives, Th.citée, p. 137 ; V, aussi annexe II de l’arrêté du
ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2625-12 du 16 juillet 2012 fixant les modalités
d’application des dispositions de l’article 327 du Code du travail Dossier médical, B.O n° 6092 du 18
octobre 2012, p. 2699.

610
Article L. 4624-1 du Code du travail français.

611
LEININGER Audrey, La contestation de l’avis d’aptitude émis par le médecin du travail : approche
historique et juridique, caractéristiques et évolution à partir d’une étude des contestations en Lorraine de
2003 à 2010, Th. Médecine, Nancy 1, 2011, p. 56.

144
Des critiques s’étaient élevées (612) en France contre le texte de loi sur le recours
contre l’avis du médecin du travail en le considérant comme « à l’origine de l’une des
situations les plus extravagantes du droit du travail français », puisqu’il autorise les
inspecteurs du travail « qui ont une formation juridique, à pratiquer des actes médicaux,
en décidant éventuellement contre les médecins du travail, que les salariés sont
physiquement aptes ou inaptes à tenir leur emploi ». Car, il est vrai que cette voie de
recours fondée sur l’ancien article L. 241-10-1 du Code du travail (613), ne résulte pas
naturellement de la lettre de cet article qui ne mentionnait que la possibilité d’action de
l’employeur. C’est par le biais d’une construction prétorienne de la chambre sociale de la
Cour de cassation (614) et du Conseil d’Etat (615) que cet article est devenu la voie de
recours contre les avis des médecins du travail, ouverte bien à l’employeur qu’au salarié.
La recodification a définitivement entériné la faculté de contestation aux deux parties.

Au regard des enseignements tirés par la jurisprudence de cette disposition apparaît le


rôle de contrôle étroit et le plus souvent subordonné du médecin inspecteur à travers les
limites rappelées du pouvoir de décision de l’inspecteur du travail en la matière. Ainsi, la
position retenue dans une espèce par le tribunal administratif de Grenoble (616) vient

612
GOSSELIN Hervé, Aptitude et inaptitude médicale au travail : diagnostic et perspectives, Rapport pour
le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, 2007, p. 29.

613
Article L. 4624-1 du Code du travail français.

614
Cass.soc, 24 avril 1980, n° 78-41.875, Bull. civ., V, n° 350 : « En l'absence de contestation par
l'employeur de l'avis du médecin du travail quant à l'état de santé d'un salarié victime d'un accident de
trajet et au genre de poste pouvant lui convenir compte tenu de cet état, il n'existe pas de difficulté ou de
désaccord imposant l'intervention de l'inspecteur du travail prévue par l'article L. 241-10-1 du Code du
travail et les juges du fond qui constatent par une appréciation de fait qui échappe au contrôle de la Cour
de cassation qu'il n'existe dans l'entreprise aucun poste disponible correspondant aux aptitudes physiques
réduites du salarié peuvent en déduire que son licenciement n'était pas abusif quelles qu'aient pu être les
positions prises par le comité d'établissement et par l'inspecteur du travail ». Pour un exemple plus récent,
V. Cass.soc., 28 juin 2006, pourvoi n° 04-45.600, Bull. civ., 2006, V, n° 234, p. 224.

615
CE, Section du 27 juillet 1984, n° 37075, SA Creusot-Loire, Lebon : « Il résulte des dispositions de
l'article L. 241-10-1 du code du travail que l'inspecteur du travail ne peut intervenir, en vertu de cet article
, qu'en cas de contestation de l'appréciation émise par le médecin du travail sur l'état de santé du
travailleur ou la nature des postes que cet état de santé lui permet d'occuper » ; CE, 1ère et 6ème sous-
sections réunies, 27 septembre 2006, n° 275845, SNC Pneu Laurent, Lebon : « Il résulte des dispositions de
l'article L. 241-10-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la fin de l'année 1997, qu'en cas de
désaccord de l'employeur sur les propositions du médecin du travail en matière de mutation ou de
transformation de poste pour les salariés inaptes à tenir leur poste, il appartient à l'inspecteur du travail,
éclairé par l'avis du médecin-inspecteur, de prendre la décision finale, sans pouvoir enjoindre au médecin
du travail de formuler de nouvelles propositions après avoir annulé celles qu'il a déjà émises ».

616
TA. Grenoble, 28 janvier 1981, Société UNION CARBIDE France c. /Ministère du travail, Cahiers
Prud’homaux, n° 4, 1981, p. 55, cité par AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 95.

145
rappeler que, l’obligation faite au chef d’entreprise de prendre en considération la
proposition du médecin du travail, en cas de désaccord de s’en remettre à la décision de
l’inspecteur du travail après avis du médecin inspecteur, a pour objet de protéger la santé
ou la sécurité du salarié et non, de subordonner l’éventuelle rupture du contrat de travail
pour inaptitude médicalement constatée, à l’accord préalable de l’autorité administrative.
La compétence de l’inspecteur du travail est donc directement liée aux actes du médecin
du travail et non aux décisions de l’employeur qui peuvent découler de ces actes (617).

1) Le constat de l’aptitude/inaptitude médicale du salarié : l’exclusivité


de la compétence du médecin du travail

Si l'avis du médecin du travail s'impose aux parties au contrat et que l'employeur doit
prendre en considération ses propositions d'adaptation du poste pour permettre le
maintien du salarié dans l'emploi, Il y aurait beaucoup d'illusion à croire que pour
nécessaire qu'il soit, le seul respect des règles de droit suffit à assurer le maintien du
salarié dans son emploi antérieur ou, plus généralement, dans l'emploi (618). Si cette
question ne va pas sans poser des difficultés en droit français, elle se complique encore en
droit marocain.

Avant la promulgation du nouveau Code du travail marocain en 2004, le salarié


reconnu inapte par le médecin du travail était souvent congédié alors que l’article 17 du
décret du 8 février 1958 (619), dont il convient de rappeler la formule « Le chef
d'entreprise sera tenu de prendre en considération les avis qui lui seront présentés par le
médecin, notamment en ce qui concerne les mutations de postes et les améliorations des
conditions d'hygiène du travail », offrait déjà la possibilité d’une réinsertion ou d’un
reclassement (620) qui auraient pu pallier à ces abus. Le législateur marocain n’avait-il pas
donné l’exemple sur ce terrain voisin ?

617
LEININGER Audrey, Th.citée, p. 58.

618
VERKINDT Pierre-Yves, « Le rôle de l’inspecteur du travail et du médecin du travail en matière
d’inaptitude médicale », JCP. S., n° 3, 19 janvier 2010, 1010.

619
Décret n° 2-56-248 du 8 février 1958 portant application du dahir n° 1-56-093 du 8 juillet 1957
organisant les services médicaux du travail, (abrogé).

620
À notre grand étonnement, nous avons fait la découverte d’un texte faisant mention de la notion de
reclassement professionnel au sein des entreprises marocaines. Il s’agit d’un texte spécial déterminant les

146
Dans le contexte à l’étude, l’état du droit du travail et l’interprétation qui en est faite
considéraient que l’inaptitude médicalement constatée était une cause licite de
licenciement pour l’employeur (621) et un obstacle à la conclusion du contrat au moment
de la visite d’embauchage (622). La jurisprudence marocaine n’imposait pas à l’employeur
une obligation de reclassement. Un employeur ne pouvait être tenu de fournir un emploi
différent au salarié physiquement inapte à accomplir la tâche pour laquelle il a été engagé.
Les règles du droit contractuel s’y opposaient fermement. L’employeur et le salarié
étaient liés par leurs engagements réciproques et par leurs seuls engagements. Le salarié
ne pouvant plus faire le travail promis, l’employeur n’avait pas l’obligation de lui

mesures d’hygiène applicables dans les établissements exposant le personnel aux dangers d’intoxication
benzolique. V. Arrêté du directeur du travail et des questions sociales du 28 août 1952 (abrogé par l’article
2 de l’arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2627-12 du 16 juillet 2012 fixant
les termes des recommandations pour les visites médicales du personnel exposé aux dangers d’intoxication
benzolique, B.O n° 6092 du 18 octobre 2012, p. 2705 fixant les termes des recommandations pour les
visites médicales effectuées en vertu de l’arrêté viziriel du 18 août 1952 (abrogé par l’article 17 du décret n°
2-08-528 du 21 mai 2009 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus au benzène et aux
produits dont le taux en benzène est supérieur à 1% en volume, B.O n° 5740 du 4 juin 2009, p. 925)
déterminant les mesures d’hygiène applicables dans les établissements dont le personnel est exposé aux
dangers d’intoxication benzolique, article 1, II, 3°, d, : « Il y a lieu de souligner que l’inaptitude aux travaux
susceptibles d’exposer à l’intoxication benzolique n’est pas nécessairement une aptitude à tout autre
travail.
Toutes les possibilités de reclassement professionnel au sein de l’entreprise ou, à défaut, en dehors de
celle-ci, doivent être examinées chaque fois qu’un changement d’emploi s’avère indispensable », B.O n°
2080 du 5 septembre 1952, p. 1234.
Cela se confirme aussi à l’examen d’une espèce rendue par la Cour d’appel de Casablanca, où celle-ci avait
ordonné des instructions complémentaires et posé plusieurs interrogations à l’établissement pour essayer de
s’assurer de l’existence d’un poste adapté à l’état du salarié licencié. Mais en raison du faible nombre des
travailleurs et de l’inexistence d’un travail adapté à l’état de santé du salarié, l’établissement serait dans
l’incapacité de le garder et cette position ne constitue pas une faute de la part de ce dernier. CA de
Casablanca, arrêt n° 1544 du 5 décembre 1983, Dos n° 82314, (non publié), cité par BENNANI Mohamed-
Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du code du travail, t. 2, livre 2, éd. Najah Al Jadida, 2007,
p. 1033, note 854.

621
Telle était la solution retenue par les juridictions marocaines et consacrée par la Cour suprême. V, C.S.,
Ch.soc., arrêt n° 271, Dos.soc n° 777/5/1/2002 du 25 mars 2003, JCS., n° 62, juillet 2003, p.
239 : « L’employeur n'est pas tenu de réaffecter l'employée devenue inapte à exercer son travail d'hôtesse
de l'air, comme le spécifie le contrat de travail qui prévoit également sa résolution en cas d'incapacité,
dans un autre service au sol; dès lors l'employée ne peut prétendre à aucune indemnité pour rupture
abusive du contrat devenu impossible à exécuter » ; un autre exemple peut nous être fourni par l’arrêt de la
Cour suprême dans lequel un steward reconnu inapte par le médecin du travail suite à un accident du
travail, demandant à être réintégré comme cadre non navigant mais étant licencié. Ce dernier étant
incapable de reprendre son poste était considéré comme démissionnaire et ne pouvait prétendre à aucune
indemnité : C.S., Ch.soc., arrêt n° 562, Dos.soc n° 127/5/1/2000 du 21 juin 2000, Revue de la
Jurisprudence et de la Loi, n° 147, 2003, p. 243.

622
D’ailleurs, cette disposition reste maintenue dans le Code du travail aux articles 318 et 327-1°, (article R.
4624-10 du Code du travail français).

147
proposer un autre emploi. Pour faire bonne mesure, les juges n’hésitaient pas à insister sur
le caractère synallagmatique des obligations (623).

Les appréciations du médecin du travail se répercutent aussi sur l’exécution même du


contrat de travail. L’examen médical annuel auquel tout salarié doit obligatoirement être
soumis en vertu de l’article 327 (624) du Code du travail et les autres examens médicaux
auxquels les salariés doivent être soumis dans d’autres circonstances, peuvent conduire le
médecin à recommander des mutations de poste, des adaptations des conditions de travail,
des adaptations du poste de travail lui-même, etc. (625). Ces propositions de mutations ou
d’adaptations pourront entrainer la cessation du contrat de travail si l’employeur estime
ne pas pouvoir y faire face et préfère licencier l’intéressé, ou si ce dernier n’accepte pas la
modification unilatéralement apportée par l’employeur à ses conditions de travail
conformément à l’avis du médecin du travail.

2) Rôle du médecin inspecteur dans l’élaboration de l’avis d’aptitude

Le médecin du travail apparaît dans le cadre de ce rôle comme un « donneur d’avis »


(626), et les raisons qui s’opposent à ce qu’il soit donné suite à ces avis ne sont pas
clairement précisées par le Code du travail marocain. L’on est tenté d’appliquer ici le
dernier alinéa de l’article 320 du Code du travail marocain. Après avoir énoncé que le
chef d’entreprise est tenu de prendre en considération les propositions faites par le
médecin du travail, le texte prévoit : « En cas de difficulté ou de désaccord…»
notamment dans les hypothèses où l’avis du médecin du travail doit être pris en
considération, l’inspecteur du travail peut être saisi. Celui-ci prend la décision après avis
du médecin inspecteur du travail. Il reste cependant à déterminer si le salarié peut
623
Il est paradoxal de présenter un raisonnement qui repose sur l’immutabilité des obligations contractuelles
alors que, en droit du travail, les clauses de mobilité se multiplient : CA de Casablanca, arrêt n° 4704 du 28
avril 2004, Dos n° 3909/2003 (Cabinet Bassamat) : « Le contrat de travail ayant prévu une clause de
mobilité, le salarié qui refuse la mutation est considéré en état d’abandon de poste ». Il n’est pas
raisonnable de prétendre que les obligations du salarié peuvent être fréquemment modifiées en raison des
impératifs économiques de l’entreprise et refuser, dans le même temps, au salarié le droit à une
modification d’emploi lorsque son inaptitude la rend nécessaire et que l’organisation de l’entreprise la
permet. PELISSIER Jean, « Inaptitude et modification d’emploi », D.S., n° 7-8, 1991, p. 610.

624
L’article R. 4624-16 du Code du travail français prévoit des examens médicaux périodiques, au moins
tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail.

625
Article 320 al. 1er du Code du travail marocain.

626
SAVATIER Jean, « Le médecin du travail et le sort du salarié », D.S., n° 7-8, 1987, p. 604.

148
contester l’appréciation portée par le médecin du travail sur son aptitude à occuper le
poste de travail qui est le sien.

Ce texte, dont la portée demeure encore incertaine, est, cependant, de peu de secours
au salarié. Des critiques auxquelles nous nous associons, se sont élevées ( 627) contre la
jurisprudence marocaine ayant paru toujours interpréter les anciens textes comme
réservant à l’employeur la faculté de contester devant l’inspecteur du travail l’avis du
médecin du travail sur l’état de santé du salarié. Aujourd’hui, nous estimons que le
salarié, en désaccord avec l’appréciation du médecin du travail sur son état de santé,
pourrait saisir l’inspecteur du travail. Seule une solution de ce type semblerait en accord
avec les dispositions de l’article 320 du Code du travail.

Ce texte, dans son dernier alinéa, prévoit que « En cas de difficulté ou de désaccord,
la décision est prise par l’inspecteur du travail après avis du médecin inspecteur du
travail ». Il semble que cette disposition organise une procédure administrative afin de
trancher les difficultés ou désaccords, sans préciser pour autant en quoi doit consister la
difficulté, ni entre qui doit exister le désaccord (628). La loi reste silencieuse sur les
conflits internes à l’entreprise pouvant opposer l’employeur, le médecin et le salarié.
L’article 320 ne précise pas l’identité des personnes compétentes pour saisir l’inspecteur
du travail, lequel ne peut se saisir lui-même (629). La difficulté ou le désaccord,
alternativement envisagés, peuvent alors s’entendre aussi bien de ceux qui peuvent
survenir dans le cas du conflit entre le médecin et le chef d’entreprise envisagé par
l’alinéa 2 du texte, que de ceux qui peuvent survenir entre le médecin, les syndicats, et les
institutions représentatives du personnel au sujet des mesures proposées par le médecin
du travail, telles qu’elles sont définies par l’alinéa 1er du texte.

Le terme “ désaccord ” qui renvoie à l’alinéa 2 de l’article 320 du code du travail,


semble viser l’hypothèse d’une contestation entre employeur et médecin du travail
concernant uniquement des éléments qui relèvent de l’appréciation du médecin du travail.
Le mot “ difficulté ” peut être diversement interprété. Son acception semble plus large.
627
BENNANI Mohamed-Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, éd.
Darassalam, t. 3, 2009, p. 301.

628
CHAUMETTE Patrick, « Le médecin du travail, l’employeur et l’inspecteur du travail », D.S., n° 3,
1983, p. 185.

629
TA de Grenoble, 28 janvier 1981, Jurispr. Soc, UIMM, 1981. 295.

149
Elle pourrait justifier, dans une lecture autonome de l’alinéa 3, l’intervention de
l’inspecteur du travail chaque fois que les propositions émises par le médecin du travail
ne recevaient pas une suite favorable (630).

La nécessité d’une interprétation plus large de cette disposition se fait sentir. Il


semble que l’article 320 du code du travail puisse offrir, dans sa rédaction actuelle, à la
jurisprudence la possibilité d’admettre ces voies de recours. Elle amènera les juridictions
marocaines à décider d’ouvrir au salarié la faculté de contester l’avis du médecin du
travail devant l’inspecteur du travail (631). D’autres objecteront (632) alors que dans ce
cas, le salarié licencié suite à un avis d’inaptitude « ne peut que requérir du tribunal une
expertise médicale puis le paiement d’indemnités, faute de pouvoir être réintégré dans
son poste de travail », et que la possibilité pour le salarié de contester l’avis du médecin
du travail devant l’inspecteur du travail lui ferme en même temps la voie de l’expertise
judiciaire pour cette contestation devant les juridictions judiciaires.

A ce titre, il ne serait pas inutile d’attirer l’attention sur le droit français où cette
question a été vivement controversée. L’étude des solutions admises en droit français peut
apporter des éléments de réflexion. On retiendra plus utilement la solution consacrée par
la jurisprudence française qui accorde à l’inspecteur du travail l’exclusivité de la
réception des contestations des avis du médecin du travail en matière d’aptitude médicale.
En vertu de l’article L. 4624-1 du Code du travail l’avis du médecin du travail ne peut
être contesté que par la voie d’un recours à l’administration (633). Ni un autre médecin, ni

630
FILLETTE Jean-Luc, L’inaptitude physique du salarié : contribution à une conception personnalisée du
contrat de travail, Th. Montpellier 1, 1992, p. 171.
631
Il faut signaler que les avis des médecins du travail ne comportent aucune mention de la faculté
d’exercer un recours, et qu’ainsi la possibilité de contestation et l’autorité compétente auprès de laquelle il
convient de l’exercer ne sont pas portées directement à la connaissance des parties . V. annexe III de l’arrêté
du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2625-12 du 16 juillet 2012 (modèle de fiche
d’aptitude médicale), B.O n° 6092 du 18 octobre 2012, p. 2702. C’était d’ailleurs aussi le cas en France
avant l’entrée en vigueur du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine
du travail, créant un nouvel article R. 4624-34 du Code du travail : « L'avis médical d'aptitude ou
d'inaptitude mentionne les délais et voies de recours ».
632
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1, 2005, ouvr.cité, p. 635.

633
Si par commodité de langage on accepte de dire « recours administratif », cette expression est
critiquable, V, DUMORTIER Gaëlle, « L’appréciation de l’inspecteur du travail sur l’aptitude du salarié se
substitue rétroactivement à celle du médecin du travail », D.S., n° 6, 2010, p. 631.

150
un organisme de sécurité sociale, ni le juge ne peuvent se prononcer sur le contenu de
l’avis.

Plus sérieux est, en revanche, l’argument tiré par la Cour de Cassation dans des arrêts
cassés et annulés attendu que « l’employeur est tenu de prendre en considération l’avis du
médecin du travail et les textes ne prévoient aucune expertise aux fins d’en contrôler le
bien-fondé » (634). De même, la chambre sociale de cette même cour s’est prononcé à
plusieurs reprises sur l’incompétence des juridictions judiciaires d’ordonner des
expertises judiciaires pour apprécier le bien-fondé de l’avis du médecin du travail (635). Le
juge judiciaire ne saurait non plus substituer son appréciation à celle du médecin du
travail (636). L’inspecteur du travail a donc une compétence exclusive en matière de
contestation de l’avis du médecin du travail.

Pour l’instant, et de façon assez paradoxale, nous sommes amenés à constater que
l’avis d’inaptitude physique émanant du médecin du travail justifie le licenciement sans
que l’employeur soit tenu de chercher à reclasser le travailleur dans un autre poste. Le
médecin du travail a constaté que le salarié ne pouvait, sans risque pour sa santé, exécuter
son contrat de travail. L’employeur ne saurait sans engager sa responsabilité le maintenir
dans son poste (637).

Le procédé peut à première vue paraître incongru, mais la jurisprudence marocaine a


toujours décidé que l’employeur ne peut se voir reprocher de s’être conformé à l’avis du
médecin du travail en rompant le contrat que le salarié est devenu incapable d’exécuter
(638). Le médecin du travail ne pouvait enfin et, conformément à sa mission, que proposer
une transformation du poste de travail ou la mutation du salarié dans un autre poste.

634
Cass.soc., 8 juin 1983, Bull.civ., V, n° 314.
635
Cass.soc., 12 mars 1987, n° 85-16121, Bull.civ., V, 1987, n° 165, Etablissements Bergougnan.
636
Cass.soc., 14 janvier 1997, n° 93-46.633, Société Sogara, non publié, cité par KAPP Thomas, « La
contestation de l’avis du médecin du travail devant l’inspecteur du travail » ?, art.cité, p. 163, note 37.

637
SAVATIER Jean, « Le médecin du travail et le sort du salarié », art.cité, p. 608.

638
C.S, Ch.soc arrêt n° 562, Dos.soc n° 127/5/1/2000 du 21 juin 2000 et C.S, Ch.soc arrêt n° 271, Dos.soc
n° 777/5/1/2002 du 25 mars 2003, précités. C’était d’ailleurs la position antérieure de la jurisprudence
française : Soc., 14 octobre 1982, n° 80-41.401, Bull. civ., V, n° 558, p. 410.

151
Cette disposition prévue à l’article 320 du Code du travail indique de plus, que
l’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail.
Il ne pourra aller à l’encontre de cet avis qu’autant qu’il existe un motif valable qu’il aura
fait connaître. Cette obligation répond à la volonté d’éviter une solution arbitraire ou
précipitée (639). Ces motifs résident généralement dans l’impossibilité invoquée par
l’employeur d’offrir au travailleur un poste compatible avec son état de santé. Il est alors
regrettable de voir la protection de la santé aboutir à la perte de l’emploi.

§ 2. Le contentieux en matière d’aptitude ou d’inaptitude

Les propositions du médecin du travail sont susceptibles d’avoir des répercussions


importantes sur le devenir de l’entreprise (qui devra supporter les coûts des
transformations requises) et celui du salarié. C’est pourquoi le code du travail aménage
l’exercice de recours devant l’inspecteur du travail. Son intervention est prévue dans ou
hors le cadre de dispositions spécifiques à certains salariés.

L’article 320 emporte des contraintes pour l’employeur puisque le médecin du travail
peut proposer des « mutations, transformations de postes justifiées par des considérations
relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé des
travailleurs ». Le pouvoir du médecin du travail est loin d’être négligeable.

Selon l’article 2 de l’arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle


n° 2625-12 du 16 juillet 2012 fixant les modalités d’application des dispositions de
l’article 327 du Code du travail (640), le médecin du travail doit exercer une surveillance
particulière pour les salariés affectés à certains travaux comportant des exigences ou des
risques déterminés par ce même arrêté (641). Cette surveillance spéciale a été précisée par

639
PAISANT Gilles, « Sur la protection du salarié jugé médicalement inapte à son emploi : (les difficultés
d’interprétation de l’article L. 241-10-1 code du travail) », D.S., n° 2, 1986, p. 104.

640
B.O n° 6092 du 18 octobre 2012, p. 2697.

641
Annexe 1 de l’arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2625-12 du 16 juillet
2012 fixant les modalités d’application des dispositions de l’article 327 du Code du travail : liste indicative
des travaux nécessitant une surveillance médicale particulière, B.O n° 6092 du 18 octobre 2012, p. 2698. A
titre d’illustration, sont concernés les travaux d’application de peintures et vernis par pulvérisation, les
travaux effectués dans les égouts ou en rapport avec la collecte et le traitement d’ordures, ceux exposant
aux poussières ou émanations toxiques et concernant le traitement et l’extraction de minerais, la production
des métaux et les verreries ainsi que ceux exposant à des agents tels que le fluor, le chlore, le plomb, le
nickel, l’iode…l’article 1. b) de l’arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 3126-
10 du 22 novembre 2010 fixant le temps minimum que le ou les médecins du travail doivent consacrer aux

152
différents textes (642). Le médecin du travail est juge de la fréquence et de la nature de ces
examens. Leur régime est celui de l’examen annuel obligatoire.

L’article 3 de ce même arrêté précise qu’à l’issue de la période de suspension


consécutive à :

 une absence de plus de trois semaines pour cause d’accident autre que
l’accident du travail ou de maladie autre que professionnelle ;
 une absence pour cause d’accident du travail ou de maladie
professionnelle ;
 et en cas d’absences répétées pour raison de santé, le salarié doit
obligatoirement bénéficier d’une visite de reprise par le médecin du travail.

A) Les modalités du constat de l’aptitude

S’il est déclaré apte à la reprise du travail, un seul examen médical suffit. A l’inverse,
si le médecin envisage de prononcer son inaptitude, les risques qui peuvent affecter
l’avenir professionnel du salarié exigent l’application de l’article 4 du même arrêté. Alors,
pareille inaptitude du salarié à son poste ne peut être constatée qu’après une étude du
poste et des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux espacés de
quatre semaines (643). La déclaration d’inaptitude doit être menée avec soin de telle sorte
que l’écueil d’une grande précipitation conduisant à hâter la fin de la période de
suspension soit évité.

1) L’exigence d’un double examen espacé de quatre semaines et


l’exception à cette exigence

salariés (B.O n° 6084 du 20 septembre 2012, p. 2590), prévoit que le médecin du travail consacrera une
heure par mois pour dix salariés à la surveillance.

642
Décret n° 2-12-387 du 14 septembre 2012 modifiant et complétant le décret n° 2-98-975 du 23 janvier
2001 relatif à la protection des travailleurs exposés aux poussières d’amiante, B.O n° 6088 du 4 octobre
2012, p. 2647 ; Arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 93-08 du 12 mai 2008
fixant les mesures d’application générales et particulières relatives aux principes énoncés par les articles
281 à 291 du Code du travail, B.O n° 5680 du 6 novembre 2008, p. 1410 ; Décret n° 2-08-528 du 21 mai
2009 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus au benzène et aux produits dont le taux en
benzène est supérieur à 1% en volume, B.O n° 5740 du 4 juin 2009, p. 925.

643
Article 4 de l’arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2625-12 du 16 juillet
2012.

153
La visite de reprise doit avoir lieu lors de la reprise du travail et, et au plus tard, dans
un délai de quinze jours, « Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de
travail entraîne un danger immédiat…, le médecin du travail ne peut constater
l’inaptitude… qu’après deux examens médicaux espacés de quatre semaines… ». À peine
la législation semble-t-elle stabilisée sur une question que de nouvelles interrogations
naissent en matière d’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail (644) : celle de
savoir qui d’entre le salarié et l’employeur doit prendre l’initiative de la visite de reprise
(645).

Il reste aussi à déterminer la situation juridique du travailleur pendant ces périodes.


Lorsqu’il demande à reprendre son activité avant l’accomplissement de la première visite,
l’employeur ne peut s’y opposer. En effet, le salarié n’est plus en arrêt de travail, il doit
donc pouvoir légitimement obtenir l’exécution de son contrat de travail. Dès lors, s’il
fournit une prestation de travail avant le premier examen médical, il doit être rémunéré.

Ce premier examen médical met fin à la période de suspension. Mais ce n’est qu’à
l’issue du dernier examen médical, pratiqué quatre semaines après, que l’inaptitude du
salarié est définitivement acquise (646), sauf « danger immédiat » (647). En effet, l’article 4
de l’arrêté n° 2625-12 du 16 juillet 2012 (648) réserve la possibilité de déclarer une
inaptitude au terme d’un seul examen dans le cas où « le maintien du salarié à son poste
de travail entraine un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celle
de tiers ».

644
VERKINDT Pierre-Yves, « Inaptitude. L’employeur doit prendre l’initiative de la visite de reprise »,
JCP. S., n° 42, 17 octobre 2006, n° 1813-1814.
645
La jurisprudence française a déjà tranché cette question à la lumière de l’ancien article R. 241-51 al. 4
du Code du travail (devenu article R. 4624-23) en considérant que l'organisation de la visite de reprise
incombe, par principe, à l'employeur. Il s'agit même d'une composante de son obligation de sécurité de
résultat (Cass.soc., 16 juin 2009, n° 08-41.519 ; JCP. S., 2009, 1438, note Pierre-Yves Verkindt) qui peut
être palliée par le salarié, pour autant qu'il en informe au préalable son employeur (Cass.soc., 12 novembre
1997, n° 94-43.839, Bull. civ., 1997, V, n° 365).
646
D’ORNANO Pierre-Henri, « L’inaptitude du salarié », JCP. S., n° 42, 17 octobre 2006, n° 1811.

647
Il revient alors au médecin d’attester dans son avis de la situation d’urgence autorisant à déroger à
l’exigence de deux examens médicaux. Cass.soc., 4 juin 2002, n° 00-42.873, Bull. civ., 2002, V, n° 192 :
« Si le médecin du travail constate une situation de danger, l’employeur peut procéder au licenciement du
salarié à l’issue de la première visite médicale. Si l’avis d’inaptitude ne mentionne pas la situation de
danger, le licenciement prononcé est nul ». C’est à cette fin que l’avis doit respecter un certain formalisme
et mentionner en toutes lettres la notion de danger immédiat et faire référence à l’article 4 de l’arrêté n°
2625-12 du 16 juillet 2012 (correspondant à l’article R. 4624-31 du Code du travail français) en précisant
qu’une seule visite est effectuée : Cass.soc., 21 mai 2008, RJS., 2008, 711, n° 884.

154
Chacun de ces deux examens doit donner lieu à l’établissement d’une fiche médicale
(649). En fait, il n’y a pas à proprement parler de reconnaissance de l’aptitude médicale au
travail, mais une constatation de l’absence de toute contre-indication médicale. On
assimile abusivement la notion d’aptitude médicale à celle d’aptitude professionnelle
(650). Cette dernière se caractérise par l’état de celui qui pourra exécuter correctement le
travail demandé, conformément à ce qu’a prévu l’employeur. Or, il arrive au médecin du
travail de déclarer inapte, médicalement, un salarié qui exécute son travail à la grande
satisfaction de son employeur, si le sujet est atteint d’une maladie contagieuse (651).

2) Les garanties applicables en cas de décision d’aptitude/inaptitude

L’avis d’aptitude doit être exprimé sans ambiguïté car si la décision du médecin du
travail peut être contestée, les possibilités de recours sont limitées (652). Selon l’article
320 du Code du travail, le médecin inspecteur du travail est saisi officiellement et
transmet son avis, après avoir instruit le dossier et pris en compte les critères médicaux et
techniques. Il faut préciser, dans certains cas, que l’inspecteur du travail est tenu de l’avis
donné par le médecin inspecteur ; il doit alors rendre une décision conforme. Ainsi,

648
Équivalant à l’article R. 4624-31 du Code du travail français.

649
Article 5 al. 4 de l’arrêté n° 2625-12 du 16 juillet 2012.

650
C.S., Ch.soc, arrêt n° 998 du 18 avril 1985, Dos n° 1259/83 (inédit), cité par ALAOUI Bouchra, Le
licenciement abusif à la lumière de la jurisprudence, Dar Annachr Al Maghribia, Casablanca, 2007, p. 188
(en arabe) : « Il ne faut pas confondre aptitude professionnelle et travail approprié à l’aptitude physique et
médicale du salarié. Pourrait paraitre impossible l’exécution d’un travail consistant à porter des sacs
pesant presque 50 kg durant 9 heures par jour, surtout que le salarié est âgé (né en 1925) ».

651
De même, l’état de santé n’est pas, ipso facto, une garantie d’aptitude médicale : une femme en état de
grossesse médicalement constatée ou en période d’allaitement ne doit pas être occupée à des travaux
comportant l’exposition au benzène ou aux produits contenant plus de 1% de benzène en volume. Article 9
al. 2 du décret n° 2-08-528 du 21 mai 2009 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus au
benzène et aux produits dont le taux en benzène est supérieur à 1% en volume, B.O n° 5740 du 4 juin 2009,
p. 925.

652
En France et à compter du 1er juillet 2012, les modalités de cette contestation sont encadrées. L’avis du
médecin doit comporter les délais et voies de recours. Le délai de contestation est limité à deux mois. Les
recours hiérarchique et contentieux contre la décision de l’inspecteur du travail, dont relève l’entreprise,
s’exercent dans un délai de deux mois. Décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l'organisation de la
médecine du travail, JORF n° 0026 du 31 janvier 2012, p. 1779, texte n° 36.

155
lorsque les salariés sont soumis à des travaux les exposant au bruit (653), le médecin du
travail doit établir une attestation précisant l’absence de contre-indication.

L’employeur ou le salarié peut contester les mentions protées sur cette attestation
dans les quinze jours qui suivent sa délivrance auprès de l’inspecteur du travail (654). Saisi
officiellement, le médecin inspecteur ne se positionne pas en expert et ne pratique pas
d’examen clinique sur le salarié. Il a pour rôle d’instruire le dossier en vérifiant que le
médecin du travail a agi en conformité avec les obligations légales pesant sur lui (655). Il
doit aussi prendre en compte les critères médicaux et techniques, et procéder, s’il le juge
utile, à des examens complémentaires, aux frais de l’employeur. L’instruction terminée,
le médecin inspecteur rend son avis qui devra être suivi par l’inspecteur du travail. Cette
procédure particulière doit, en principe, renforcer la portée de l’avis donné par le médecin
inspecteur. Son intervention est prévue expressément dans le but d’assurer une meilleure
protection aux salariés soumis à un risque spécial (656).

Le mécanisme de cette législation mettait donc entre les mains du médecin du travail
un pouvoir très important qui livrait le salarié à la compétence et à la conscience de ce
premier (657). Pour le travailleur, le médecin du travail risque alors d’être perçu comme
celui qui peut révéler des déficiences physiques jusque-là ignorées ou courageusement
surmontées et cachées aux tiers. La plupart du temps, les salariés ne ressentent pas que la
médecine du travail a été instituée en leur faveur (658). Ils considèrent que le médecin du

653
L’arrêté n° 93-08 du 12 mai 2008 fixant les mesures d'application générales et particulières relatives
aux« principes énoncés par les articles de 281 à 291 du Code du travail, B.O n° 5680 du 6 novembre 2008,
p. 1410.

654
Article 19 al. 3 et 4 de l’arrêté n° 93-08 du 12 mai 2008 : « Le salarié ou l'employeur peut contester les
mentions portées sur la fiche d'aptitude, dans les quinze jours qui suivent sa délivrance, auprès de l'agent
chargé de l'inspection du travail.
Ce dernier statue, après avis conforme du médecin chargé de l’inspection du travail… ».
655
KAPP Thomas, « La contestation de l’avis du médecin du travail devant l’inspecteur du travail », D.S.,
n° 2, 2011, p. 165.
656
GUÉRIN Odile, Le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre, Mém.cité, p. 43.

657
Le Professeur Savatier écrivait à ce sujet que « La liberté de diagnostic du médecin qui est, elle aussi,
une liberté fondamentale et nécessaire, engendre ici, en l’absence de tout recours, un pouvoir à l’égard
duquel la liberté du travailleur est désarmée ». SAVATIER Jean, « La visite de reprise effectuée par le
médecin du travail à l’issue d’une absence pour maladie ou accident de travail », D.S., n° 1, 1997, p. 4-9.

658
PAISANT Gilles, « Sur la protection du salarié jugé médicalement inapte à son emploi », D.S., n° 2,
1986, p. 100.

156
travail fait partie des dirigeants de l’entreprise (659), et à ce titre, ils redoutent quelque peu
les visites médicales auxquelles la loi les astreint (660).

Pour conclure généralement sur cette question, Il peut également être soutenu que par
le biais de cette procédure, l’appréciation de caractère consultatif portée par le médecin
du travail se transforme, dans la mesure où elle recueille l’approbation de l’inspecteur du
travail, pour prendre le caractère d’une décision revêtue de la force exécutoire des
décisions administratives (661) ; après mise en demeure son inexécution pourra être
pénalement sanctionnée.

B) Le contentieux en matière d’aptitude

Le principe de la contestation ne peut être remis en cause, mais il est nécessaire de


mieux encadrer les conditions de son exercice. Le recours doit à présent être exercé dans

659
Beaucoup d’employeurs croient que la médecine du travail est un outil qui leur donne un blanc-seing
pour licencier, alors que l’avis d’inaptitude émis par cet organe n’est que le constat qui, marque en réalité,
pour l’employeur, le point de départ d’une obligation d’adaptation destinée à préserver l’emploi du salarié
en question : C.S., arrêt n° 22 du 14 janvier 1997, Dos.soc n° 1003/4/1/95, CPDJ, Arrêts de la Chambre
Sociale ,50 ans, Cour suprême, Centre de publication et de Documentation Judiciaire, 2007, p. 84 :
« L'article 6 du statut-type de 1948 dispense tacitement le tribunal de recourir à son pouvoir d'appréciation
dans l'évaluation de la gravité de la faute, étant donné qu'il a été établi que l'injure proférée par le salarié
était adressée au personnel de direction ; dès lors que la loi dispose expressément que ce genre d'insulte
constitue une faute grave, elle n'a pas donné au tribunal la possibilité de l'apprécier autrement ; par contre,
pour les autres fautes qui ne sont pas considérées par l'article 6 comme des fautes graves, l'évaluation de
leur gravité relève du tribunal même si l'injure n'était pas adressée au personnel de direction (médecin du
travail), du moment que les fautes graves ne sont pas limitées par la loi ». Cela se passe aussi sous d’autres
cieux. D’ailleurs, dans une affaire jugée devant le Conseil d’Etat français le 29 janvier 1986, le requérant,
un salarié, s’était adressé aux juridictions administratives dans un litige qui l’opposait à un service de
médecine du travail. La juridiction avait considéré que ce litige concernait des relations entre des personnes
de droit privé et qu’il n’appartenait qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire d’en connaître. Le requérant
demandait à ce que la médecine du travail soit condamnée au paiement d’une indemnité en réparation du
préjudice subi du fait d’un avis d’inaptitude émis à son encontre. Sa requête a été rejetée. CE., 29 janvier
1986, M. Qautremère c./ministre du travail, D.S., 1986, pp. 791-792.

660
C.S., Ch.soc., arrêt n° 1125 du 12 décembre 2000, Dos.soc n° 718/5/1/1999, JCS., n° 59-60, janvier-
juillet 2002, p. 305 : « Le refus d’un commandant de bord de se soumettre à un examen neurologique
approfondi, malgré trois incidents successifs, non couverts par l’examen professionnel, intervenus en
l’espace de deux mois, au cours desquels il s’est cogné la tête deux fois contre le plafond de la cabine et
une fois contre la porte du bus, constitue une faute grave justifiant son licenciement immédiat, sans préavis
ni indemnité ».

661
Le caractère exécutoire d’une décision administrative « est la règle fondamentale du droit public », CE,
Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres, n° 25288, 25323, AJDA., 1982, p. 657, concl. Biancarelli, note
Lutiazzewicz. Cette règle fondamentale du droit public se justifie par le souci d’éviter la paralysie de
l’activité administrative par des recours qui pourraient être intentés à des fins purement dilatoires. V,
BENABDALLAH Mohammed Amine, « L’octroi du sursis à exécution d’une décision administrative
négative », note sous TA., Casablanca, 31 décembre 2007, Charid et autres, REMALD., n° 81-82, 2008, p.
159.

157
un certain délai, car en théorie, en droit marocain, il est ouvert indéfiniment.
Indéniablement, cette situation est problématique. Ouvrir la possibilité de contester une
décision du médecin du travail plusieurs années (662) après sa notification est source d'une
complexité folle, d'autant que l'inspecteur du travail devrait se prononcer en fonction des
considérations de fait et de droit existant au moment où il statuerait. Le délai institué pour
l'exercice du recours devrait limiter les difficultés résultant de l'articulation de cette
contestation et de la rupture du contrat de travail.

L’inspecteur du travail n’a pas le pouvoir de donner son avis sur le bien ou le mal
fondé du refus opposé par l’employeur. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation
française, les dispositions de l’article L. 241-10-1 du code du travail ne permettent pas à
l’inspecteur du travail « de se faire juge de la validité de la rupture du contrat » (663). Sa
mission ne vise pas à créer une nouvelle catégorie de salariés protégés. Le texte, ne
subordonne pas le licenciement d’un salarié inapte à une autorisation préalable (664).
L’employeur ne peut être contraint de suspendre une mesure de licenciement déjà prise
(665).

Ce flou législatif et ce « bricolage » administratif qui en découle ne peuvent satisfaire


(666), et posent deux principales séries de difficultés. L’une relative à la contestation des
avis médicaux d'aptitude ou d'inaptitude, l'autre relative à la contestation de la décision
administrative qui en résulte (667). Comment s’exerce la contestation, quel en est le

662
Selon les données recueillies par l’étude d’Hervé Gosselin, le délai de saisine de l’inspecteur du travail
après la date d’émission de l’avis peut aller jusqu’à 22 mois, mais la moitié des recours sont formés dans un
délai inférieur ou égal à deux semaines. GOSSELIN Hervé, Aptitude et inaptitude médicale au travail :
diagnostic et perspectives, rapport pour le ministre chargé du Travail, janvier 2007, p. 31.

663
Cass.crim., 5 mai 1981, Bull. crim., 1981, p. 412.

664
Cass.soc., 19 février 1992, RJS., n° 4, 1992, n° 412.

665
Cass.soc., 18 décembre 1979, Dr.ouvrier., 1980, p. 208, note Michèle Bonnechère.

666
HÉAS Franck, Le reclassement du salarié en droit du travail, Paris, LGDJ, 2000, Coll. BDS, t. 34, p.
51.
667
Jusqu’à aujourd’hui, aucune condition de délai n’est prévue par le Code du travail marocain entre la date
de l’avis du médecin du travail et la saisine de l’inspection du travail. En France, ce n’est qu’à compter du
1er juillet 2012 que l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude devra mentionner les délais et voies de recours
de l’employeur ou du salarié. V, décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la
médecine du travail, (articles R. 4624-34 à R. 4624-36 du Code du travail, entrés en vigueur le 1 er juillet
2012). Le seul texte marocain, à notre connaissance, qui a précisé un délai de quinze jours suivant la
délivrance de la fiche d’aptitude pour contester les mentions qui y sont portées est l’article 19 al. 2 de
l'arrêté n° 93-08 du 12 mai 2008 fixant les mesures d'application générales et particulières relatives aux

158
champ, selon quelles modalités est prise la décision consécutive à la contestation, quelle
en est la portée, quels sont les délais dont disposent les parties pour contester l’avis et
l’administration pour prendre sa décision, etc. ? Ces questions mettent en mouvement
plusieurs acteurs : salarié, employeur, médecin du travail, inspecteur du travail, médecin
inspecteur du travail, juge judiciaire et juge administratif. Toujours est-il que le souci
d’encadrer le recours devant l’inspecteur du travail paraît légitime.

1) Les conditions de l’intervention de l’inspection du travail

Le contenu des décisions qu’est susceptible de prendre l’inspecteur du travail n’est


guère aisé à définir (668). La nature de sa décision est longtemps restée incertaine. En
France, il a fallu attendre une décision du Conseil d’Etat en 1991 (669), pour qu’il soit
affirmé explicitement que l’inspecteur du travail prenait une véritable décision
administrative et non une simple recommandation non susceptible de recours ( 670). A
priori, le texte utilisant le terme de « décision », ne prévoit pas la consultation de
l’inspecteur du travail ; il lui remet le pouvoir d’imposer aux intéressés son point de vue
dans la contestation née de l’avis médical (671). Si ce dernier « décide », il semble logique
de considérer que les parties concernées disposent du droit d’exercer les recours contre sa
décision, formée après le recours contre l'avis du médecin du travail devant le ministre
chargé du travail et les juridictions administratives, dénué d’effet suspensif de la décision.
Cette disposition ne fait que rappeler la possibilité d'un recours hiérarchique, qui peut être
exercé même sans texte et qui constitue un principe général du droit (672).

principes énoncés par les articles de 281 à 291 du Code du travail, B.O n° 5680 du 6 novembre 2008, p.
1410 : « … Le salarié ou l'employeur peut contester les mentions portées sur la fiche d'aptitude, dans les
quinze jours qui suivent sa délivrance, auprès de l'agent chargé de l'inspection du travail… ».
668
CHAUMETTE Patrick, « Le médecin du travail, l’employeur et l’inspecteur du travail », D.S., n° 3,
1983, p. 188.
669
CE, section du Contentieux, 4 octobre 1991, n° 112032, société Office Commercial Pharmaceutique
Répartition (OCPR) c./Mme Barbier, Recueil Dalloz., 1991, t. 2, p. 1224.
670
KELLER Rémi, « Le salarié peut-il contester indéfiniment l’avis du médecin du travail sur son aptitude
physique ?, Conseil d’Etat, 27 juin 2011 », D.S., n° 11, 2011, p. 1044.
671
PAISANT Gilles, « Sur la protection du salarié jugé médicalement inapte à son emploi : (les difficultés
d’interprétation de l’article L. 241-10-1 code du travail) », art.cité, p. 102.
672
KAPP Thomas, « La contestation des avis du médecin du travail encadrée », JCP. S., n° 12, 20 mars
2012, n° 1117.

159
Ce type de contestation est d’ailleurs très rare en pratique, voire inexistant, au Maroc,
compte tenu déjà des conditions restrictives auxquelles est subordonnée l’intervention de
l’inspecteur du travail (673) et à cause du caractère inopportun de la jurisprudence (674).
Cette dernière réduit à presque rien l’intervention de l’inspecteur du travail et laisse
pratiquement sans garantie face au licenciement le salarié médicalement inapte.

La décision fait nécessairement grief et est susceptible d’un recours hiérarchique. Le


recours dont il est fait mention ne fait pas l'objet d'un aménagement particulier ; c’est un
recours en annulation adressé à l’autorité hiérarchique supérieure de l’auteur de l’acte. Il
sera introduit devant le ministre chargé de l’emploi (675) et dans le délai de droit commun.
Il s’agit d’un recours administratif non contentieux de droit commun, en principe,
facultatif (676). L’avantage de ce recours est qu’il est toujours possible, et qu’il peut

673
GUÉRIN Odile, Le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre, Mém., D.E.A Droit,
Bordeaux 1, 1993, p. 44.
674
Selon Gilles Paisant, on ne s’étonnera pas de constater le manque de jurisprudence sur la portée des
« décisions » que l’article L. 241-10-1 (devenu article L. 4624-1 du Code du travail) invite l’inspecteur du
travail à prendre. PAISANT Gilles, « Sur la protection du salarié jugé médicalement inapte à son emploi :
(les difficultés d’interprétation de l’article L. 241-10-1 code du travail) », art.cité, p. 102. Et au Maroc, les
propos du Professeur El Aouani paraissent dans ce cas particulièrement intéressants quand il estime que le
législateur est à la traîne des événements tout comme la jurisprudence, qui ne peut se targuer d’être en
mesure de formuler un historique de l’évolution d’un problème de droit social sans céder à l’improvisation.
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 161.
675
Au Maroc, en vertu de l’article 3 du décret n° 2-12-06 du 7 mars 2012 fixant les attributions et pouvoirs
du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle (B.O n° 6029 du 12 mars 2012, p. 930 (en
arabe)), le ministre de l’emploi « exerce la tutelle sur tous les établissements publics et organismes
relevant du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle en vertu des dispositions en vigueur ».
En France, les dispositions réglementaires du Code du travail organisent ce recours devant le ministre.
L’article R. 2422-1 du Code du travail (ancien article R. 436- 6) prévoit que : « Le ministre chargé du
travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du
salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet … ».
676
L’article 14 du dahir du 27 septembre 1957 relatif à la Cour suprême (B.O n° 2347 du 18 octobre 1957,
p. 1365) avait rendu obligatoire le recours administratif préalable avant de former un recours pour excès de
pouvoir devant la Cour suprême. Ce recours préalable devait être fait auprès de l’autorité de l’acte ou
auprès de celle qui lui est supérieure, et ce, dans le délai d’un mois à compter de la publication ou de la
notification de la décision attaquée. La règle du recours administratif préalable était appliquée d’une
manière rigoureuse par la Cour suprême, qui a décidé que cette règle était d’ordre public, et que son défaut
devait être relevé d’office (C.S., Ch.adm, sieur Chevrier, 19 décembre 1959, Recueil 1957-60, p. 78). Le
contentieux de l’excès de pouvoir était supprimé par l’article 360 al. 2 du Code de Procédure Civile.
Désormais, le recours administratif est facultatif.

160
parfois mêler des arguments d’opportunité aux arguments de droit, il évite souvent que
l’on arrive au stade véritablement contentieux (677).

Un recours directement exercé devant le juge administratif est possible suite au rejet
du recours gracieux ou hiérarchique ou directement contre la décision de l’inspecteur.
Lorsque le recours administratif est un préalable, cette procédure exclut la possibilité de
former tout autre recours administratif ou contentieux que celui prévu par le texte. Mais
rien ne permet de retenir que le recours contre la décision de l'inspecteur du travail
statuant sur l'aptitude d'un salarié est un recours administratif obligatoire ; du moins, le
droit français adopte une solution explicite et expresse car aucun caractère impératif ne
résulte de la rédaction du texte. Tout porte à croire qu'un recours contentieux peut être
exercé sans exercice préalable du recours hiérarchique, qui ne reste qu'une faculté,
comme pour le licenciement d’un salarié protégé (678).

2) Les recours contre la décision de l’inspecteur du travail

Conformément aux principes du droit administratif, l’annulation de la décision de


l’inspecteur du travail a un effet rétroactif. Cette décision est censée n’avoir pas existé
(679). Il est certain que le juge administratif n’a pas à se prononcer lui-même sur l’aptitude
ou l’inaptitude du salarié à son poste de travail. Il doit seulement déterminer si la
décision de l’inspecteur du travail qui lui est déférée a été légalement prise. Mais cette
décision, soumise aux recours habituels, n’en resterait pas moins importante puisqu’elle
commanderait le caractère légitime ou non du licenciement intervenu et donc de la
question de l’indemnisation du salarié.

La solution retenue par la jurisprudence française se trouve dans une brèche ouverte,
au grand soulagement des Hauts Magistrats, qui vont s’y engouffrer. À l’origine, il
existait une base au licenciement, l’inaptitude constatée par le médecin du travail et
confirmée par l’inspecteur du travail. Elle disparait ; disparait aussi la cause. C’est la suite

677
BOUZIR Riadh, La protection des droits et libertés des administrés contre les abus de la puissance
publique en droit marocain, Th. Perpignan, 2003, p. 63.
678
Article R. 2422-1 du Code du travail français.
679
HAUTEFORT Marie, « Inaptitude confirmée par l’inspecteur du travail, annulée par le juge : quelle
conséquence ? », JSL., n° 145, 11 mai 2004, p. 14.

161
du raisonnement qui devient gênante car, une fois reconnue cette absence de cause, il faut
bien en tirer les conséquences. La Cour de cassation précise quelle doit être la conduite à
tenir vis-à-vis du salarié dans cette situation. Le licenciement n’est pas nul mais dépourvu
de cause, avec toutes les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
(680). Elle lui alloue alors une indemnité égale à l’indemnité de licenciement sans cause
réelle et sérieuse (681).

Ce faisant, on se trouve dans un cas de figure inédit où on fait payer à l’employeur,


qui n’a pas démérité, des indemnités au salarié à l’égard duquel il a rempli toutes ses
obligations (682), alors que l’erreur provient de l’administration. Ne faudrait-il pas
suggérer que le payeur se retourne contre le mauvais conseilleur, en termes plus précis,
que l’employeur mette en cause la responsabilité de l’État (683).

On n’épiloguera pas ici sur les incertitudes relatives à la portée des décisions des
juridictions administratives. Il faut se réjouir de la fixation, en France, d’un cadre
juridique précis pour l’exercice du recours contre les décisions des médecins du travail.
La question du délai de contestation est désormais organisée. Toutefois, cette mesure
pourrait générer un risque important d’inflation des contestations. Enfin, reste à préciser
les conditions et les conséquences du recours contentieux contre la décision de
l’inspecteur du travail et son articulation avec la procédure judiciaire.

La ressemblance avec le droit marocain s’arrête là, car force est d’admettre que le
recours hiérarchique formé contre les décisions de l’inspecteur du travail se plie

680
KAPP Thomas, « La contestation de l’avis du médecin du travail devant l’inspecteur du travail »,
art.cité, p. 167.
681
Cass.soc., 8 avril 2004, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Charente Maritime et des Deux
Sèvres, n° 01-45.693, Bull. civ., V, n° 118 ; Cass.soc., 26 novembre 2008, Société Luresse (Intermarché), n°
07-43.598, Bull. civ., V, n° 233.
682
KELLER Rémi, « Le salarié peut-il contester indéfiniment l’avis du médecin du travail sur son aptitude
physique ?, Conseil d’Etat, 27 juin 2011 », art.cité, p. 1045.

683
Par un jugement en date du 13 juin 2006 (requête n° 052243), le Tribunal administratif de Nantes a
condamné l'Etat à indemniser une entreprise du préjudice qu'elle avait subi du fait de l'illégalité de la
décision d'un inspecteur du travail. Cité par COLLET Gaël, « Le recours de l’employeur contre une
décision de l’inspecteur du travail », URL : http://avocats.fr/space/gael.collet/content/_d265144d-a75a-
438a-9833-a99a8816a934, publié le 11/09/2007.

162
difficilement aux grilles d’analyse (684) de la jurisprudence marocaine. L’examen des
jurisprudences marocaine et française en cette matière, montre une différence de
traitement. De plus, la doctrine marocaine ne s’est pas, à notre connaissance, penchée sur
la question.

Cet exposé est l’occasion de souligner que les recours contentieux et administratif
demeurent encore extrêmement limités au Maroc. Les causes à l’origine de cette situation
sont nombreuses, on peut citer à titre d’exemple l’appréciation rigoureuse des conditions
de délai et d’intérêt par les juges, la pusillanimité du justiciable marocain ( 685) qui préfère
plutôt la négociation que l’affrontement de l’autorité par le biais du juge.

D’autres facteurs de nature psychologique méritent d’être relevés. Ils se résument


dans la quasi-sacralisation de l’administration par les administrés. Cela provient du fait
que le citoyen marocain a tendance à confondre administration et État en identifiant la
première au second (686). Cette sacralisation de l’État dont l’administration est la
manifestation la plus matérielle, la plus quotidienne et la plus difficilement franchissable
(687) s’explique historiquement par la persistance de la conception makhzénienne ( 688) de
l’administration.

Le citoyen ordinaire est, en effet, peu disposé à aller en justice contre le Makhzen
689
( ). Par ailleurs, l’administration de la justice est considérée comme les autres

684
STRUILLOU Yves, « Recours hiérarchique devant le ministre contre les décisions de l’inspecteur du
travail autorisant ou refusant le licenciement des salariés protégés », D.S., n° 12, 2008, p. 1252.
685
FARISSI Mustapha, L’ineffectivité du droit administratif français au Maroc : mythe ou réalité, Th. Droit
public, Perpignan, 2009, p. 421.
686
EL YAÂGOUBI Mohammed, « Le juge protecteur de l’administré », in Indépendance nationale et
système juridique au Maroc, Mélanges en hommage à Michel Rousset, éd. PUG, 2000, p. 184.
687
BOUZIR Riadh, La protection et la défense des droits et libertés des administrés contre les abus de la
puissance publique en droit marocain, Th. Droit public, Perpignan, 2003, p. 63.
688
Le Makhzen : commandement, autorité désignait à la fois la fonction d’autorité et le titulaire de la
fonction. Le Makhzen appartient au vécu social comme un système de représentation de pouvoir.
BENZAKOUR Fouzia, GAADI Driss et QUEFELÉC Ambroise, Le français au Maroc : lexique et
contacts de langues, Bruxelles, De Boeck et Larcier, 2000, p. 252, V, Makhzen, Maghzan, Maghzen.
689
Un exemple significatif de l’état d’esprit de certains requérants peut nous être fourni par une affaire où
un requérant devant la haute juridiction avait jugé nécessaire d’adresser au ministre de l’intérieur une
demande tendant à être autorisé à ester en justice contre la décision du Pacha de Khouribga lui ayant refusé
l’autorisation de morcellement d’un terrain : C.S., Ch.ad, arrêt n° 147 du 29 juin 1961, Hadj Saïd Ben
Mohamed c./ministre de l’intérieur, Recueil des Arrêts de la Cour Suprême Chambre Administrative,
(RACSA), année judiciaire 1960-61, p. 76.

163
administrations. On voit mal comment alors mettre en cause le Makhzen devant le
Makhzen. L’image de l’État constitue dans ce contexte « une composante essentielle de
représentations collectives qui structurent une société (…) d’autant plus qu’elle fait appel
à des pulsions profondes ; l’Etat inspire la crainte, l’amour et la haine ; mythifié,
fétichiste, il relève du sacré » (690). Ainsi, le citoyen marocain voit dans son
administration un robot impersonnel, puissant, un monde tout à fait à part (691).

Ce choix reste injustifiable. Ce qui pousse la curiosité scientifique de tout chercheur à


échafauder des explications rationnelles pour une situation qui est loin de l’être. On peut
hésiter sur la réponse à cette question d’autant qu’on sait qu’ « il est demeuré un passif
que constituent certaines insuffisances et lacunes dues au système du contrôle
juridictionnel lui-même, encore inachevé, mais dues aussi à des facteurs liés aux
difficultés de son intégration dans le quotidien des relations entre l’administration et ses
usagers » (692). Il pourrait arriver pourtant que le juge administratif sacrifie le confort
intellectuel que représente pour lui la garantie de la justice judiciaire et rende parfois une
solution nouvelle.

Le parallèle que l’on peut ainsi dégager entre les deux droits en matière de règles
juridiques relatives à l’avis d’inaptitude et sa contestation présente un intérêt théorique,
mais sa portée demeure malgré tout limitée. Les solutions formulées par le Code du
travail marocain ne suffisent pas à résoudre toutes les difficultés. Elles doivent se
combiner avec une jurisprudence interprétée conformément au vœu de la loi. Aussi, la
carence des textes offre à cette jurisprudence la possibilité de faire œuvre créatrice.

Enfin, si on attendait de cette étude une débauche de solutions originales, riches


d’audace et de paradoxes, on n’échapperait pas maintenant à une certaine déception :
« des textes peu utilisés, des tribunaux très réservés, des employeurs s’accrochant à leur
pouvoir, des conventions collectives qui, au mieux éludent le problème de l’inaptitude, et

690
CHEVALIER Jacques et LOSCHAK Danièle, La Science administrative, Paris, PUF, 1980, p. 40.
691
BOUZIR Riadh, Th.citée, p. 203.
692
BENABDELLAH Mohammed Amine, « L’évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc »,
Communication au colloque, La réception des modèles européens de justice administrative dans les pays du
Maghreb, organisé les 4, 5 et 6 novembre 2006 à Sousse, Tunisie, REMALD., n° 74, 2007, p. 10.

164
au pire autoriseraient la rupture du contrat de travail sans indemnité, voilà la situation à
laquelle devrait faire face le salarié inapte ».

Cette vision n'est cependant guère optimiste. Face aux nouvelles dispositions du code
du travail, notamment l’article 320 (693), reprenant fidèlement les termes de l’ancien
article L. 241-10-1 du Code du travail français (694), nous devrons assister à un nouvel
essor de la jurisprudence marocaine.

§ 3. L’inspection du travail dans les mines : un contrôle et une surveillance


particuliers

On aurait pu écarter de nos propos l’examen de l’application de la législation du


travail et son contrôle dans les entreprises minières du moment que l’alinéa 1er de l’article
3 du Code du travail marocain dispose expressément que les salariés occupés dans les
mines demeurent régis par les dispositions de leurs statuts propres, sans qu’elles puissent
être moins favorables aux dispositions du Code. Mais le choix d’étudier cette catégorie
pourrait être, le cas échéant, complété par le droit commun du travail.

L’observateur du monde industriel marocain n’a pas besoin d’être informé de la place
estimée qu’occupent les mines dans les structures économiques du pays. Mais
paradoxalement, l’existence d’un corps d’inspection du travail dans les mines est ignorée
du grand public. Et pourtant, le Maroc possède depuis longtemps de ce service à
compétence sectorielle (695). Le texte qui, à l’époque, commandait la matière trouve son
siège au dahir du 13 juillet 1926 (696)

693
L’article 320 du Code du travail marocain dispose : « Le médecin du travail est habilité à proposer des
mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations
relatives, notamment, à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des salariés.
Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire
connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'agent chargé de l'inspection du travail après
avis du médecin-inspecteur du travail ».

694
Article L. 4624-1 du Code du travail français.

695
En 1928 déjà, le nombre de visites effectuées au titre de l’inspection du travail dans les trois subdivisions
minières exploitées de Marrakech, Oujda et Rabat a été de 58 ; 4 mises en demeure ont été faites et un
procès-verbal dressé. Et dans les carrières, il a été procédé au cours de la même année à 4 visites. V, BOUY
Ernest, Le problème de la main-d’œuvre et la législation du travail au Maroc, Th. Université de Lyon,
1929, p.129.

165
Cette section d’inspection du travail demeure méconnue et traverse une véritable crise
d’identité. Pour mieux la connaître, c’est d’abord du côté du code du travail que
l’appellation de ces inspecteurs commande de se pencher. Mais cette recherche d’identité
dépasse la question de leurs statuts pour se transporter sur le terrain de leur champ
d’action. La tâche n’est pas simple. Elle pourrait être facilitée par un éclairage utile venu
de l’étude de la relation de travail dans le secteur minier.

A) L’étendue de l’intervention et du contrôle de


l’administration dans le secteur minier

Il ressort de l’article 1er du Code du travail que les entreprises minières, qu’elles
soient publiques ou privées font partie des organismes employeurs entrant dans le
domaine d’application de ce texte (697). D’ailleurs, le Dahir n° 1-60-007 du 24 décembre
1960 relatif au statut du personnel des entreprises minières (698) se reporte expressément
au Dahir du 23 octobre 1948 portant statut-type fixant les rapports entre les salariés qui
exercent une profession commerciale, industrielle ou libérale et leurs employeurs (699).

1) Le travail dans les mines : une législation spécifique

L’article 1er du Dahir du 24 décembre 1960 précise que le statut des salariés de ce
secteur est applicable, dans les entreprises qui exploitent une mine dans les conditions
prévues par le Dahir du 16 avril 1951 portant règlement minier (700), au personnel
employé par ces entreprises et aux activités annexes à cet effet, si l’effectif est supérieur à

696
Dahir du 13 juillet 1926 portant réglementation du travail dans les établissements industriels et
commerciaux, B.O n° 724 du 7 septembre 1926, p. 1689.
697
C.S, Ch.soc, arrêt n° 467 du 6 mai 2003, Dos.soc n° 974/02, BICS, n° 14/2004, pp. 16-17 : « La cour de
par son autorité souveraine d'appréciation des preuves et présomptions conformément à l'article 449 du
D.O.C, a considéré que l'accident qui a coûté la vie à l'employé, suite à sa noyade au barrage qu'il gardait
pour le compte de son employeur, constitue un accident du travail conformément aux dispositions de
l'article 3 du Dahir du 6 Février 1963». Il ressort des documents du dossier et de l'arrêt attaqué que le 27
avril 1995 le défunt exerçait son travail au profit de son employeur, la Société minière Ah…, qu'il a glissé
du barrage et s'est noyé, tel qu'il ressort de la déclaration d'accident faite par le directeur de la société et du
certificat médical qui lui est joint.
698
B.O n° 2514 du 30 décembre 1960, p. 2159. Texte modifié et complété à plusieurs reprises.
699
Abrogé par l’article 586 du Code du travail.

700
B.O n° 2012 du 18 mai 1951, p. 772.

166
trois cents personnes. Aussi, ce statut pourra être applicable dans les entreprises minières
employant plus de cent personnes par arrêté du ministre chargé des mines.

Dans un effort de définition de la « mine », l’alinéa 3 de l’article 1er du Dahir de 1960


précise qu’elle représente l’ensemble des centres d’exploitation ayant des ateliers et
installations d’enrichissement communs. Cependant plusieurs dispositions (701) de ce
texte particulier laissent dans l’ombre, opportunément, la question des entreprises de
recherche et d’exploitation des hydrocarbures (702).

Si le Dahir du 24 décembre 1960 fait prévaloir plusieurs dispositions considérées à


l’époque plus favorables que les dispositions générales du Code du travail, notamment en
matière de commission du statut et du personnel (703), du comité consultatif et des
sanctions et licenciements, la comparaison avec le Code du travail est devenue plus
précise, car ce dernier comporte parfois des dispositions meilleures. Il est une situation
claire où l’augmentation du salaire basée sur l’ancienneté arrive à 25% ( 704) dans le Code
du travail, ce qui impose son respect partant de l’article 11 de ce Code qui affirme que ce
texte est d’ordre public. C’est dans cette optique que doit se dessiner l’orientation des
juges appliquant au salarié dans les mines la disposition la plus favorable (705).

Le personnel des entreprises minières est soumis à un statut spécial édicté par le dahir
du 24 décembre 1960. Ce statut régit des catégories différentes de travailleurs, en
l’occurrence les ouvriers et employés ; les techniciens, agents de maitrise et cadres
administratifs ; les ingénieurs et assimilés. Cette dernière catégorie faisant partie du

701
Articles 14 à 20 et 24 à 34 du Dahir du 24 décembre 1960.

702
Ce secteur est régi par le Dahir n° 1-91-118 du 1er avril 1992 portant promulgation de la loi n° 21-90
relative à la recherche et à l’exploitation des gisements d’hydrocarbures, B.O n° 4146 du 15 avril 1992, p.
182 ; et décret n° 2-93-786 du 3 novembre 1993 pris pour l’application de cette loi, B.O n° 4231 du 1er
décembre 1993, p. 672.
703
Arrêté du ministre du commerce, de l’industrie, des mines, de l’artisanat et de la marine marchande n°
247-61 du 5 mai 1961 fixant les modalités de constitution des commissions du statut et du personnel dans
les entreprises minières et entreprises de recherches et d’exploitations d’hydrocarbure. B.O n° 2537, du 9
juin 1961, p. 816, modifié et complété par l’arrêté ministériel n° 186-74 du 18 février 1974, B.O n° 3205,
du 3 avril 1974, p. 517.
704
Article 350 du Code du travail. Alors qu’elle arrive à 20% seulement selon l’article 18 du Dahir du 24
décembre 1960.
705
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 1, 2005,
ouvr.cité, p. 581.

167
personnel dirigeant devait avoir un statut propre fixé par décret (706). Ce statut résultant
du Dahir de 1960 ne dispose des modes d’embauche qu’en ce qui concerne les agents de
maitrise, techniciens et cadres administratifs. Autrement, l’employeur conserve toute la
liberté pour l’embauche des différentes catégories du personnel.

Le code du travail a confirmé la spécificité des mines. Ainsi, en matière de contrôle


d’application de la législation du travail, l’article 530 du code du travail confie aux
agents relevant de l'administration chargée des mines les attributions des inspecteurs du
travail dans les exploitations minières s’attachant au fait que l’une des fonctions
principales assignées aux ingénieurs des mines a été, de tout temps, la prévention des
accidents et l’organisation des secours. La familiarité avec la vie minière dans ce qu’elle
avait de plus tragique a pu influencer les rapports entre ces fonctionnaires et les ouvriers
des mines. Et enfin, n’avaient-ils pas été chargés d’abord de surveiller le travail des
enfants puis de l’inspection du travail dans les mines.

À vrai dire, le passage d’un ingénieur des mines au ministère du travail était la
conséquence logique de toute l’action des ingénieurs des mines, à la fois sur le plan des
statistiques et sur celui de la législation du travail.

2) Un rayon de contrôle étendu par une inspection du travail spécialisée

Le système d’inspection existant se caractérise d’une part, par la création d’un corps
spécialisé composé d’ingénieurs des mines qui sont chargés de l’inspection de la sécurité
et de l’hygiène au fond des mines et des techniques d’exploitation car ces travaux sont de
nature à compromettre la sûreté et l’hygiène des mineurs (707). Le contrôle des conditions
de travail en surface, c’est-à-dire à ciel ouvert, incombe toujours aux agents chargés de
l’inspection du travail. D’autre part, ce système est marqué par l’association, plus ou
moins étroite, avec des pouvoirs plus ou moins étendus des délégués mineurs à
l’inspection du travail (708).

706
Article 6 du Dahir du 24 décembre 1960.
707
DEFRANCE Gustave et PIÉRIN Marcel, « L’inspection du travail dans les mines et les carrières »,
RFAS., 1992, p. 110.
708
OIT, L’inspection du travail. Manuel d’éducation ouvrière, 2ème édition révisée, Genève, BIT, 1999, p.
21.

168
Il faut rappeler qu’en droit français, pour les mines et carrières, les règles d’hygiène
et de sécurité échappent au droit commun du travail (709) et relèvent du décret n° 80-330
du 7 mai 1980 relatif à la police des mines et des carrières ( 710). Dans cette hypothèse, les
fonctions d’inspection du travail sont alors exercées par les ingénieurs des mines (711).
Ces caractéristiques essentielles et précises du droit français en matière de contrôle
d’hygiène et de sécurité dans les mines ne semblent pas se retrouver en droit marocain.
Les éléments de réponse à cette question doivent être apportés par des prescriptions fixées
par voie réglementaire. Prescriptions qui se font toujours attendre (712). En effet, les
mesures d’application ne suivent pas toujours la prise des textes législatifs, engendrant
ainsi une insécurité juridique. Des exemples sont légions dans ce domaine et on peut citer,
dans notre cas, l’absence de parution du décret d’application de l’article 294 du Code du
travail, rendant impossible sa mise en œuvre (713).

La situation dégagée par le droit marocain peut en revanche surprendre, lorsqu’on sait
que seul l’article 530 du Code du travail fait mention des ingénieurs chargés de
l’inspection du travail dans les mines. Ce même texte se contente de rappeler le partage
des compétences entre ces derniers et tous agents commissionnés à cet effet par d’autres
administrations. Compétences dont le fondement fait défaut en raison de l’abrogation du
dahir du 2 juillet 1947 (714) qui prévoyait dès cette date et de manière précise les pouvoirs
et les attributions des différents agents de contrôle.

Sans se livrer à un panorama qui ne pourrait être exhaustif, notons cependant que ce
dahir avait tracé un cadre juridique pour le système national de l’inspection du travail et
les pénalités à prononcer en cas d’infractions à la législation du travail et les dispositions

709
Article L. 4111-4 du Code du travail (ancien article L. 231-1-1).
710
Abrogé par le décret n° 99-116 du 12 février 1999 relatif à l’exercice de la police des carrières en
application de l’article 107 du Code minier, JORF n° 43 du 20 février 1999, p. 2670.
711
Articles R. 8111-8 et R. 8111-9 du Code du travail (ancien article L. 711-12).
712
Depuis l’entrée en vigueur, en juin 2004, du Code du travail, plusieurs textes d’application sont attendus.
C’est ainsi qu’entre les lois votées et leurs mesures d’application, il peut s’écouler plusieurs années.
713
L’article 294 du Code du travail dispose : « Les conditions de sécurité et d'hygiène dans lesquelles
s'effectuent les travaux dans les mines, carrières et installations chimiques doivent garantir aux salariés
une hygiène et une sécurité particulières conformes aux prescriptions fixées par voie réglementaire ».
714
Dahir du 2 juillet 1947 portant réglementation du travail, B.O n° 1825 du 17 octobre 1947, p. 1028,
abrogé par l’article 586 du Code du travail.

169
transitoires. Ce texte a consacré son Titre IVème aux mesures destinées à permettre le
contrôle (715) et aux agents chargés de l’inspection du travail.

Les fonctions des inspecteurs du travail ont été théoriquement définies par ce dahir
dans ses articles 51 à 58, c’est dire avec quel soin l’ancien législateur avait voulu préciser
ces points. Dans le cadre du travail minier, l’article 52 précisait avec force que « Dans les
mines ou dans les carrières où l’exploitation nécessite des travaux souterrains, les
attributions visées à l’article 51(716) sont conférées aux ingénieurs des mines ». Mais leur
compétence s’étendait en fait à « toutes les entreprises privées installées sur le carreau
des exploitations minières et y effectuant des travaux relevant de la technique des mines,
notamment les entreprises de forage et de fonçage de puits ». La rédaction de cet article
était suffisamment générale pour justifier toute intervention. Cet article disait aussi que
les ingénieurs des mines « demeurent compétents pour la surveillance des appareils à
vapeur ».

Les pouvoirs de ces ingénieurs, en tant qu’inspecteurs du travail, étaient eux aussi,
fixés avec précision. Il résulte de l’application de l’article 56 du dahir de 1947 que ces
derniers sont autorisés à pénétrer dans tout établissement visé par les dispositions dont ils
ont à assurer l’exécution, à procéder tout examen ou enquête jugés utiles. Le but du
travail des ingénieurs des mines était principalement d’inspecter les entreprises minières
et d’assurer, par une surveillance constante, l’application de la législation du travail sur
l’exploitation et la sécurité. Ce dahir prévoyait en outre par son article 58 que les
ingénieurs des mines en tant qu’agents verbalisateurs assermentés, sont habilités à
constater par des procès verbaux, faisant foi jusqu’à preuve contraire les infractions aux
prescriptions de la législation du travail. Leurs procès-verbaux d’infractions étaient
établis en trois exemplaires, dont l’un est adressé au chef de la région et les deux autres au
chef de la division du travail qui transmettra, s’il y a lieu, le procès-verbal à la juridiction
compétente.

715
Articles 41 à 50 du dahir du 2 juillet 1947.
716
L’article 51 du dahir de 1947 porte sur la mission des agents chargés de l’inspection du travail : « Le
chef de bureau du travail, les inspecteurs et les sous-inspecteurs du travail sont chargés de veiller à
l’exécution du présent dahir et des arrêtés pris pour son exécution et, d’une manière générale, à l’exécution
de la législation du travail ».

170
La différence sensible avec le dahir du 24 décembre 1960 reste la procédure
d’établissement de procès verbaux d’infractions. Dans le contexte à l’étude, et en
application de l’article 40 de ce dahir, les agents chargés de l’inspection du travail dans
les mines constatent les infractions par procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du
contraire. Ils sont dressés en double exemplaire, l’un destiné au service des mines, l’autre
au parquet.

On ne saurait trop souligner la portée, à tous égards, de cette procédure de


transmission des procès-verbaux dressés par les ingénieurs des mines chargés de
l’inspection du travail directement au parquet. C’était donner en fait à ces agents une
possibilité d’intervention lorsqu’ils savaient tirer le meilleur parti possible de leurs
compétences administrative, scientifique et technique.

Il est à noter la création, par le dahir du 24 décembre 1960, de plusieurs organes de


participation : la commission du statut et du personnel, le comité consultatif et les
délégués à la sécurité. Il a aussi établi les conditions et les modalités de recrutement et de
titularisation du personnel, sa rémunération, les mesures disciplinaires et la cessation de la
relation de travail, les congés payés, les avantages en nature, le travail des enfants et des
femmes. Mais pour assister les ingénieurs des mines, il est fait appel à des ouvriers
mineurs possédant une expérience reconnue, élus par les travailleurs.

B) L’institution des délégués à la sécurité : un complément


de contrôle

Le dahir du 24 décembre 1960 fixe que les mineurs de fond élisent tous les trois ans
717
des délégués à la sécurité ( ). Ces derniers sont élus dans le cadre de circonscriptions
souterraines (718). Pour être élu, le candidat, également un agent titulaire, doit d’abord
remplir les conditions requises pour être électeur, puis remplir plusieurs autres
conditions : avoir 28 ans révolus, exercer le métier de mineur de fond depuis au moins
cinq ans dont les deux dernières années comme ouvrier qualifié dans l’exploitation, savoir

717
Article 31. a) du dahir du 24 décembre 1960. Ce texte rappelle curieusement la loi française du 8 juillet
1890 sur les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs, (Journal Officiel du 9 juillet 1890).
718
Article 3 de l’arrêté conjoint du ministre du commerce, de l’industrie, des mines et de la marine
marchande et du ministre délégué au travail et aux affaires sociales n° 390-63 du 18 juin 1963 relatif aux
élections des délégués à la sécurité dans les entreprises minières, B.O n° 2650 du 9 août 1963, p. 1301.

171
lire et écrire l’arabe ou le français ou l’espagnol (719), obligation qui ne pourrait que
favoriser l’exclusion d’une grande majorité de mineurs.

1) Les délégués à la sécurité : une mission intermittente

Les délégués ont pour rôle de visiter régulièrement (720) les travaux souterrains ou à la
suite d’accidents ou pour accompagner les inspecteurs des mines en tournées. À cette
occasion, ils doivent s’assurer dans les limites de leur circonscription que les conditions
de la sécurité et de l’hygiène sont respectées. Ils sont tenus de signaler tout point touchant
la sécurité des ouvriers et consigner leurs observations sur le registre mis à leur
disposition par l’exploitant (721). Ce dernier peut faire connaître ses remarques et réponses
sur ce même support. Ces observations sont adressées à l’administration des mines. Les
délégués peuvent aussi être appelés à donner leur avis en cas d’accident (722).

Dans toutes ses visites, le délégué ne peut et ne doit s’occuper que des questions
techniques relatives à la sécurité des ouvriers ; il doit éviter toute immixtion dans des
questions ou revendications hors de la sphère de ses fonctions (723). Aussi, pour se
consacrer pleinement à ses nouvelles fonctions, le délégué est détaché de l’entreprise et
perçoit sa rémunération sous couvert du service régional des mines sous forme de mandat
établi par l’entreprise (724). Une description est à emprunter aux annales du Musée
social : « Le délégué mineur, n’est ni un fonctionnaire, ni un contre-maître. C’est
simplement un visiteur-rapporteur, dont le rôle consiste à signaler les infractions qu’il
constate… » (725). D’ailleurs, avec le délégué à la sécurité est née une institution que

719
Article 31 du dahir du 24 décembre 1960.
720
Deux fois par mois. Article 28 du même dahir.
721
Article 30 du même texte.
722
Article 29 al. 2 du même texte.
723
HESSE Jean-Philippe, « Les délégués de la sécurité des ouvriers mineurs dans quelques de l’Ouest
(1890-1940) », in Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 104, n° 3, 1997, Mines, carrières et
sociétés dans l’histoire de l’Ouest de la France, Textes réunis par Jean-Luc Marais, p. 221.
724
Article 34 al. 2 du dahir du 24 décembre 1960.
725
Annales du Musée Social, vol. 5, (Paris, France), 1900, p. 287.

172
mêmes certains avertis (726) placent sur le même plan que l’inspection du travail ou celle
des mines (727).

Dans ses diverses tournées, le délégué peut être seul ou en compagnie d’un
représentant de la direction, mais jamais d’un autre ouvrier. À cet égard, il faut conclure à
un désavantage inapproprié dans deux cas : les visites réglementaires et les visites
supplémentaires (728). Il peut paraître surprenant de constater qu’une disposition du dahir
de 1960 (729), après avoir assujetti le délégué à certaines obligations dans l’exercice de ses
fonctions et lui avoir imposé d’aviser de ses visites l’exploitant ou son représentant des
lieux douze heures au moins à l’avance, fait obligation à l’exploitant de ne pas s’opposer
aux visites réglementaires du délégué.

Ceci revient à affirmer qu’il faut se tourner vers un autre regard suggérant de laisser à
la discrétion de l’exploitant d’accepter ou de refuser les visites dites supplémentaires
prévues par le même dahir (730). Ces visites peuvent en principe avoir lieu suite à la
demande des ouvriers ou dans les parties de l’exploitation où le délégué a des raisons de
craindre que l’hygiène ou la sécurité du personnel ne soit compromise.

Au cours de leurs tournées, les ingénieurs des mines peuvent se faire accompagner
par le délégué à la sécurité de la circonscription. Mais si déjà en France, la consultation

726
Dans son ouvrage relatif au droit du travail au Maroc à la lumière du code du travail, M. Bennani expose
une doctrine conduisant à établir que le législateur a exclu les inspecteurs du travail de veiller à garantir la
sécurité des travailleurs dans les entreprises minières, en conférant cette mission de contrôle aux délégués à
la sécurité dans les mines. In BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code
du travail, t. 3, éd. Darassalam, 2009, p. 663.
727
VIET Vincent, Les voltigeurs de la République. L’inspection du travail en France jusqu’en 1914, éd. du
CNRS, 1994, p. 237.
728
Article 28. 1°) du dahir du 24 décembre 1960.
729
Article 29 du dahir du 24 décembre 1960.
730
Le dahir de 1960 régit les visites réglementaires et les visites supplémentaires dans son article 28. Par
ailleurs, l’article 29 interdit à l’exploitant de s’opposer aux visites réglementaires. Le législateur s’abstient
donc d’imposer à l’exploitant d’approuver les visites supplémentaires comme c’est le cas pour les visites
réglementaires. Les dispositions donnant injonction aux entreprises minières de faciliter le travail du
délégué ne tiennent sûrement pas compte de ce point précis, car elles précisent que ces facilités concernent
la mise à la disposition du délégué des moyens dont il pourrait avoir besoin pour la rédaction de ses
rapports. V, ZERHOUNI Mohammed, Contribution à l’étude du droit minier marocain, Th. Dr. public,
Bordeaux 1, 1991, p. 330.

173
des dossiers concernant les mines (731) fait ressortir que les délégués n’accompagnent pas
les ingénieurs des mines lors des visites, et aussi que les délégués ne sont pas cités dans
les rapports après accidents ; la situation au Maroc est plus compliquée, ne serait-ce que
parce que l’application effective de ces différentes dispositions ne semble guère se
vérifier (732).

2) Un rôle controversé et des moyens d’action limités

Le Dahir de 1960 dans sa partie relative aux délégués à la sécurité dans les entreprises
minières, ne prescrit aucune relation directe des ingénieurs des mines avec ces
derniers : « les ingénieurs des mines en fait doivent vérifier l’état des journées employées
aux visites et du travail en résultant, dressé mensuellement par le délégué ; lequel état,
est arrêté par le chef du service des mines après vérification de l’ingénieur » (733). Il est
donc permis d’estimer, à l’instar du droit français, que « les ingénieurs des mines doivent
profiter de leurs tournées tant pour se renseigner auprès des délégués sur tous les faits
pouvant avoir de l’intérêt que pour leur donner toutes explications utiles sur
l’accomplissement de leur mandat » (734). Ils doivent aussi exercer une véritable
surveillance sur eux afin de s’assurer, par les examens des itinéraires, que le délégué s’est
acquitté ponctuellement de l’obligation à lui imposée par l’article 28. 1°). al. 2 du dahir de
1960. Mais la loi ne leur donne à aucun degré le droit de diriger les délégués ( 735). En
revanche, les ingénieurs des mines ne sont pas tenus étroitement par les rapports des
délégués. Ces premiers et l’Administration en feront tel usage qu’ils estimeront opportun.
On ne saurait finalement s’étonner de voir l’action et l’efficacité des délégués à la

731
HESSE Jean-Philippe, « Les délégués de la sécurité des ouvriers mineurs dans quelques de l’Ouest
(1890-1940) », art.cité, p. 222.
732
Beaucoup d’accidents surviennent dans les mines, mais peu d’entre eux sont rapportés par la presse
reprenant les communiqués des entreprises minières qui ne font que réduire les conséquences de ces
sinistres à l’adresse d’une opinion publique généralement insouciante. Afin d’illustrer cette difficulté il est
fait appel aux accidents mortels survenus dans ce secteur et à la suite desquels trois ouvriers avaient trouvé
la mort, (R.-I, le 10 octobre 2012, F.-M, le 22 du même mois et Z.-S, le 6 novembre 2012), in BAHRI
Mostapha, « Troisième accident de travail mortel dans les mines de la société Touissit en moins d’un
mois », Almounadil-a (journal arabophone, travailliste, féministe), n° 41, 6 novembre 2012.
733
Article 33 du dahir de 1960.
734
Note aux Préfets sur les relations entre les ingénieurs des mines et les délégués à la sécurité des mineurs,
17 février 1891, in Anales des Mines. Adm., 1891, p. 34.
735
THÉPOT André, Les ingénieurs des mines du XIXe siècle. Histoire d’un corps technique d’ tat : 1810-
1914, t. 1, éd. ESKA/IDHI, Paris, 1998, p. 184.

174
sécurité, dépendre de la volonté des ingénieurs alors qu’ils ne disposent d’aucun droit à
les diriger.

Enfin, ne suffit-il pas de préciser qu’il ne serait excessif d’écrire que l’inspection du
travail dans les mines suivra certainement les aléas miniers et restera bien entendu
maintenue. Il reste néanmoins beaucoup de chemin à parcourir pour une meilleure prise
en compte des problèmes de sécurité et d’hygiène, d’intervention d’organismes de
contrôle extérieurs et indépendants, notamment dans les carrières, du travail de délégué à
la sécurité des ouvriers mineurs. Une conjonction de divers facteurs amènerait à obtenir
de meilleurs résultats en matière de santé et de sécurité. La réforme de la politique sociale
minière et la reconsidération des moyens, notamment juridiques (736), deviennent ainsi
inéluctables.

736
Réforme du code minier et refonte des textes techniques.

175
Conclusion de la Partie 1

Le Maroc étant membre de l’OIT et de l’OAT, se pose alors la question de la place du


droit international dans l’ordre juridique interne marocain. En effet, elle est relativement
controversée, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de l’inspection du travail. Sa politique
du système d’inspection du travail n’est pas parfaitement adoptée et basées sur les normes
internationales du travail.

Celles-ci sont une source d’inspiration et un guide des modèles et des cadres sur
lesquels peuvent être bâties des politiques nationales, la législation, les structures, les
pouvoirs ainsi que les actions des organes de contrôle. La réalité du système marocain de
l’inspection du travail diversifié, requiert une vision intégrant les mutations du monde du
travail et les nouveaux risques. Une approche intégrée qui facilite la collaboration entre
les services ordinaires, techniques et médicaux est nécessaire.

176
Deuxième Partie: missions et moyens d’action

L’ensemble des missions de l’inspecteur du travail est contenu dans le code du


travail, les textes réglementaires et les circulaires en vigueur. La compétence généraliste
de l’inspection du travail en France et au Maroc oriente les modalités d’exécution de ses
missions. Outre la mission de contrôle assortie de pouvoirs et de prérogatives visant la
répression des infractions (Chapitre 2), la Convention n° 81 de l’OIT ainsi que le droit
du travail en France et au Maroc confèrent à l’inspecteur du travail une mission de
conciliation, pratiquement consacrée, dans les conflits collectifs et individuels qui
s’élèvent à l’occasion du travail, ainsi qu’un pouvoir de décision dans certains domaines
(Chapitre 1).

Mais si précises soient les missions de l’inspection du travail, elles peuvent pourtant
subir la complexité croissante des environnements du travail et les variations de son
organisation. Les missions restent alors identiques à leurs nominations, mais leur contenu
a fait l’objet d’une longue évolution. C’est dans sa mission de contrôle que l’inspecteur
du travail trouve sa crédibilité (737) et ce contrôle ne s’avère utile qu’à partir du moment
où le constat d’infraction est pénalement sanctionné.

737
MINÉ Michel, « Inspection du travail et entreprises : contrôle et accompagnement », atelier 2, in
Journée nationale du Centenaire de l’inspection du travail, 19 janvier 1993, Les Cahiers du Comité
d’Histoire, Cahier n° 11, octobre 2009, p. 29.

177
Chapitre 1 : La promotion de l’emploi par la conciliation et
l’exercice d’un pouvoir de décision

Après l’extension de son champ d’intervention et la diversification de ses moyens


d’action, l’inspection du travail a dû faire face au choix de la méthode permettant
d’optimiser l’utilisation de ses ressources et à la volonté politique de la faire participer à
la mise en œuvre des politiques de l’emploi et la déporter de sa mission de contrôle (738).
L’inspection du travail est dans une relation de proximité avec les établissements et les
entreprises situés sur son territoire de compétence. Cette relation passe par une tentative
de redynamisation, certes faible, du dialogue social et un rôle de pacification des rapports
sociaux par le bais de la conciliation (Section 2).

Face à ces enjeux et dans un contexte où les illusions d’un égalitarisme juridique
entre les parties au contrat de travail, auquel ne correspond décidément pas la réalité
sociale, se sont dissipées et en l’absence d’un interlocuteur représentant les intérêts des
travailleurs, l’inspection du travail a été aussi amenée à contrôler la décision patronale
(Section 1) dégageant des solutions en fonction des intérêts en jeu.

738
OSVATH Jean-Louis, « L’inspection du travail, ses missions ses moyens d’actions », Session formation
continue en droit social des avocats du barreau de Paris, Conférence débat le 11 octobre 2007, publié le 23
octobre 2007, p. 5.

178
Section 1 : Pouvoir de décision dans de nombreux domaines

La conception généraliste de l’inspection du travail, en France comme au Maroc ( 739),


l’investit d’un pouvoir de décision dans de nombreux domaines. Cette dimension entraine
notamment l’intervention sur l’ensemble des dispositions du code du travail et des autres
dispositions légales relatives au « régime du travail » (740). Elle confère un rôle
d’importance à l’inspection du travail dans divers domaines concernant essentiellement
les droits fondamentaux et les libertés individuelles (règlement intérieur, discrimination,
harcèlements), l’emploi de certaines catégories de travailleurs (enfants mineurs, femmes,
handicapés), la protection des salariés pourvus d’un mandat représentatif… il n’est pas
dans notre propos de nous attarder sur l’ensemble de ces questions, nous nous bornerons à
exposer l’étude du rôle de l’inspection du travail dans le contrôle du règlement intérieur
(§ 1) et la protection des représentants des salariés (§ 2).

§ 1. Règlement intérieur : une action unilatérale de l’employeur


érigée en catégorie juridique

Le règlement intérieur, parce que longtemps élaboré par le seul employeur, a été
source de nombreux abus. Particulièrement astreignant, édictant parfois les interdictions
et les obligations les plus diverses (741), il demeure aujourd’hui l’expression du pouvoir
reconnu à l’employeur pour l’organisation et la direction de l’entreprise, et est également
devenu pour lui une source d’obligations dans la mesure où la loi tend à exiger qu’il
détermine a priori les règles dont il entend faire application, l’observation valant
particulièrement dans le domaine de la discipline (742).

739
Au moins dans le principe pour ce dernier. Alors que le discours officiel affiche un système plutôt
généraliste de l’inspection du travail, l’activité de celle-ci est axée sur une médiation individuelle déguisée
en conciliation en l’absence de juridiction spécialisée. KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER
Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en France, 2ème éd. ouvr.cité, p. 64.
740
COMBREXELLE Jean-Denis et LAVAURE Anouk, « Inspection du travail », Rép. trav., mars 2013, n°
136, p. 19. V, aussi les articles L. 8112-1 du Code du travail français et 532-1° du Code du travail marocain.
741
DESBARATS Isabelle, L’entreprise à établissements multiples en droit du travail, éd. LGDJ, Coll.
Bibliothèque de droit social, t. 28, 1996, p. 130.
742
CHELLE Dominique et PRETOT Xavier, « Le contrôle administratif du règlement intérieur de
l’entreprise : évolution récente de la jurisprudence », RJS., n° 10, 1993 p. 371.

179
A) La finalité du pouvoir permanent de l’employeur non précisée

C’est lors de l’établissement ou à l’occasion de la modification du règlement intérieur


ou en raison d’un litige qui entraine l’intervention des agents de l’inspection du travail
que s’exercera le contrôle par ces derniers de la légalité des clauses de ce règlement au
regard des prescriptions fixées par le législateur, notamment dans les domaines des règles
générales et permanentes relatives à l’embauchage, à l’ordre des licenciements, aux
congés et absences, à l’organisation du travail, à la discipline, à l’hygiène et à la sécurité
des salariés et à l’organisation de la réadaptation professionnelle en cas de survenance
d’un handicap à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle en droit
marocain (743). Concernant le droit français, en plus des dispositions générales et
permanentes ayant trait à la discipline s’ajoutent celles relatives aux droits de la défense
des salariés et de celles relatives au harcèlement sexuel.

Il est à noter qu’en France, avant la réforme apportée par la loi Auroux de 1982 ( 744),
le contenu du règlement intérieur était libre, d’où certains abus commis par les chefs
d’entreprises (745). Mais depuis cette date, l’employeur n’est plus libre de choisir les
thèmes du règlement intérieur. L’important ancien article L. 122-34 du Code du travail
(actuel article L. 1321-1) avait décidé de fixer le contenu exclusif de cet acte. Cette
restriction au niveau du contenu du règlement intérieur en droit français contraste avec le
droit marocain qui ne saisit pas strictement ce contenu. L’employeur de droit marocain
dispose d’une plus grande liberté d’aborder les thèmes qui lui conviennent.

À la suite, la lettre de l’alinéa 1er de l’article 139 (746) du Code du travail marocain
appelle quelques nuances. L’emploi de l’adverbe « notamment » dans une disposition
ayant pour objet de fixer, avec d’autres, le contenu obligatoire du règlement intérieur ne

743
Article 139 du Code du travail marocain.
744
Loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, JORF du 6 août
1982, p. 2518.
745
La période antérieure à la loi Auroux connaissait une prolifération de « règlements intérieurs déguisés »,
sous forme de notes de service qui, jusque là, n’étaient soumises à aucun contrôle de l’inspection du travail
et qui permettaient de détourner la loi et laisser libre cours à l’arbitraire. Voir les propos de Mme Toutain,
rapporteur du projet de loi, JO Ass. nat., 2ème séance du Lundi 17 mai 1982, p. 2298.
746
L’article 139 al. 1er du Code du travail marocain dispose : « Le modèle du règlement intérieur est fixé
par l’autorité gouvernementale chargée du travail en consultation avec les organisations syndicales des
salariés les plus représentatives professionnelles des employeurs et doit comporter notamment : […] ».

180
peut que laisser circonspect. Il est d’abord possible de considérer que l’adverbe
« notamment » ouvre sur une liste a minima qui impose seulement à l’employeur de
reproduire dans le règlement intérieur certaines dispositions spécifiques en lui ouvrant,
néanmoins, la possibilité d’en ajouter d’autres (747).

Ce point a été mis en relief par M. Bennani qui considère que la seule disposition
dont l’insertion dans le règlement intérieur est jugée obligatoire par le législateur
marocain est l’obligation de fixer les jours et heures auxquels l’employeur reçoit
individuellement tout salarié à la demande accompagné ou non d’un délégué du personnel
ou, le cas échéant, d’un délégué syndical dans l’entreprise, ainsi que le lieu et les
conditions de cette audience, sans qu’il puisse y avoir moins d’un jour de réception par
mois (748). Les autres dispositions, avec l’avènement de l’arrêté (749) du ministre chargé
du travail relatif au modèle du règlement intérieur prévu à l’article 139 du Code du
travail, constituent une imbrication des dispositions légales et un rappel des textes
réglementaires. Le degré d’approfondissement du règlement intérieur et l’apport réalisé
en comparaison aux dispositions légales est très faiblement nourri.

Dans le même registre, mais de façon plus novatrice, il convient de noter la


suppression, par le Code du travail marocain, de l’amende pécuniaire que pouvait infliger

747
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 1, 2005,
ouvr.cité, p. 535.
748
Article 141 du Code du travail marocain.
749
Arrêté du ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2710-12 du 31 juillet 2012 relatif au
modèle de règlement intérieur prévu à l’article 139 du Code du travail, B.O n° 6094 du 25 octobre 2012, p.
5610, (version arabe). L’examen de ce modèle de règlement intérieur révèle que les dispositions qu’il
comporte constituent une simple et inutile représentation des textes du code du travail. C’est une simple
transcription des dispositions légales. Ce modèle est subdivisé en cinq chapitres, et plusieurs sections. Il
comprend trente et un (31) articles complétés presque chacun par plusieurs alinéas. Les thèmes de
l’embauchage, la période d’essai, l’organisation du travail, la rémunération, l’hygiène et la sécurité et la
discipline constituent les points essentiels, mais les développements qui leur sont consacrés sont inégaux.
C’est ainsi que les dispositions relatives à l’hygiène et la sécurité se réduisent à de brefs rappels de
l’obligation de l’employeur en matière de propreté des locaux et des conditions d’hygiène et de salubrité
nécessaires à la santé des salariés (article 21), et de l’obligation pour les salariés de faire usage des moyens
de prévention individuels et collectifs mis à leur disposition par l’employeur selon les travaux et les dangers
qu’ils peuvent provoquer (article 22). Le comble étant, sans doute, l’obligation faite au personnel de se
conformer strictement aux instructions relatives à l’hygiène et à la sécurité (article 21 al. 3). Pour ce qui est
des accidents du travail et des maladies professionnelles, les dispositions se réduisent à l’obligation de
déclaration immédiate à l’employeur ou à son représentant (article 23) imposée à la victime. On parait
ignorer que les victimes peuvent ne pas être en état d’accomplir ces formalités. Il aurait été plus judicieux
d’assortir cette obligation de la réserve « si son état le lui permet » par exemple.

181
l’employeur au salarié dans l’ancienne législation (750), en raison de manquements aux
prescriptions concernant les règles d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise. Il serait dès
lors inapproprié qu’un règlement intérieur envisage le retour à de telles sanctions (751).

Plus précisément, le règlement intérieur peut être rédigé, en fait, par l’employeur lui-
même ou bien inspiré par le modèle-type fourni par l’autorité gouvernementale chargée
du travail. Si cette dernière méthode présente l’avantage d’unifier les normes
réglementaires et disciplinaires suivies et constitue un facteur d’égalité entre les salariés
(752), elle est également trop imprécise pour pouvoir être entièrement satisfaisante et ce
modèle-type est le support de dispositions très diverses. De plus, ce document qui émane
d’une louable intention ne saurait exprimer que des opinions de l’administration centrale
et ne peut s’imposer aux employeurs et aux salariés (753).

Le règlement intérieur est un acte réglementaire de droit privé ( 754) qui s’impose par
effet de la loi (755) à tous les salariés de l’entreprise comme au chef d’entreprise (756), dès
lors qu’il est régulièrement pris (757) et dès l’instant où ces premiers entrent dans la
collectivité de travail. Aucune acceptation individuelle des salariés n’est requise (758). Il

750
Article 13 de l’arrêté résidentiel du 23 octobre 1948 portant détermination du statut-type fixant les
rapports entre les salariés qui exercent une profession commerciale, industrielle ou libérale et leur
employeur (abrogé), B.O n° 1878 bis du 26 octobre 1948, p. 1179.
751
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 1, 2005,
ouvr.cité, p. 523.
752
MIALON Marie-France, Les pouvoirs de l’employeur, Paris, LGDJ, 1996, p. 109.
753
JEAMMAUD Antoine, « Les contrôles de la légalité du règlement intérieur », D.S., n° 9-10, 1983, p.
520.
754
L’expression retenue par la Cour de cassation française « acte réglementaire de droit privé » : Cass.soc.,
16 décembre 1992, n° 4498, RJS., n° 2, 1993, n° 148, avait clos le débat sur la nature contractuelle ou
réglementaire de cet instrument. V, JEAMMAUD Antoine, « De l’action en annulation du règlement
intérieur devant le juge de droit commun », D.S., n° 3, 1993, p. 270.
755
Article 140 du Code du travail marocain.
756
Le règlement intérieur prévoyant que la mise à pied ne pouvait excéder trois jours, l’employeur ne peut
prononcer une mise à pied de cinq jours : Cass.soc., 27 février 1987, n° 83-44.955P, Bull.civ., V, n° 122.
757
« Le règlement intérieur s’impose à tous les membres du personnel comme au chef d’entreprise, dès lors
qu’il est régulièrement pris, et constitue un acte réglementaire de droit privé » : Cass.soc., 25 septembre
1991, RJS., n° 11, 1991, 1207.
758
Cass.soc., 24 février 1974, Bull. civ., V, n° 146.

182
est soumis à une procédure facile à éluder, à des conditions de fond réduites (759), mais le
contrôle de légalité par l’administration du travail demeure le moyen privilégié d’assurer
la régularité juridique de ses dispositions.

1) Contrôle de légalité par l’administration

L’essentiel des dispositions législatives consacrées au règlement intérieur en France


traite de la procédure d’élaboration : caractère obligatoire dans les entreprises de vingt
salariés et plus, avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi
que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du CHSCT, transmission à
l’inspection du travail, publicité (760). En apparence, le droit marocain présente des
similitudes avec le droit français concernant cette matière. L’employeur marocain est
obligé d’élaborer un règlement intérieur à partir d’un seuil d’effectif minimum de dix
salariés, il doit communiquer ce règlement aux délégués des salariés et, le cas échéant,
aux représentants syndicaux et enfin soumettre cet acte à l’approbation de
l’administration chargée du travail (761).

Cette procédure s’applique également en cas de modification ou de retrait de


certaines dispositions du règlement intérieur (762) et aux notes de services ou tout autre
document qui portent prescriptions générales et permanentes dans les matières qui
relèvent du règlement intérieur (763).

2) Communication du règlement intérieur à l’administration du travail :


une condition substantielle au Maroc

Loin de l’imprécision quant aux formalités de dépôt et de publicité du règlement


intérieur, qui revêtent un intérêt particulier dans la mesure où elles déterminent le point de
départ du délai pour son entrée en vigueur, le droit français reste un peu plus clair que le
droit marocain et précise que le règlement intérieur entre en vigueur un mois après

759
RIVÉRO Jean, « Note sur le règlement intérieur », D.S., n° 1, 1979, p. 2.
760
Article L. 1321-4 du Code du travail français.
761
Article 138 du Code du travail marocain.
762
Articles L. 1321-4 du Code du travail français et 138 al. 2 du Code du travail marocain.
763
Article L. 1321-5 du Code du travail français.

183
l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité (764) qui le rendent opposable à
tous les salariés présents dans l’entreprise (765).

En France, et en l’absence de textes plus détaillés, il est admis que l’ordre


d’accomplissement de ces formalités ne présente aucune importance particulière (766). En
même temps qu’il fait l’objet de la publicité par affichage, le règlement intérieur doit être
communiqué en double exemplaire (767) à l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise
ou l’établissement, accompagné de l’avis des représentants du personnel et du CHSCT
pour les matières relevant de sa compétence (768). Cependant, au Maroc et faute de
dispositions précises, tout laisse à penser que le règlement intérieur doit d’abord être
approuvé par l’autorité chargée du travail pour être ensuite affiché dans l’entreprise.

En droit marocain, la saisine et surtout l’approbation de l’administration du travail


possèdent un effet suspensif. Le fait que l’administration n’ait pas donné une décision
favorable reporte l’entrée en application du règlement intérieur (769). Cette question
marque précisément une divergence entre les droits français et marocain. En France, la
communication du règlement intérieur à l’inspecteur du travail est une formalité
obligatoire (770), mais dont ne dépend pas l’entrée en vigueur de cet instrument.
D’ailleurs, le manquement même de l’employeur, caractérisé par la non-communication
du règlement intérieur à l’inspecteur du travail n’empêche pas les salariés de se prévaloir

764
Si le droit français parle de « dépôt et publicité » (article L. 1321-4 al. 2 du Code du travail), le droit
marocain n’évoque que la formalité d’affichage ou publicité. D’une part, cet affichage doit être effectué
« dans un lieu habituellement fréquenté par [les salariés] et dans le lieu où les salaires leur sont
habituellement payés », d’autre part, l’employeur est tenu d’informer directement les salariés de l’existence
de ce règlement, V, article 140 du Code du travail marocain.
765
Articles L. 1321-4 et R. 1321-1 et 2 du Code du travail français.
766
CLAVEL-FAUQUENOT Marie-Françoise et RIGAUD Frédérique, « Le règlement intérieur », Liaisons
sociales Quotidien., janvier 2007, p. 17.
767
Article R. 1321-4 du Code du travail français.
768
Article L. 1322-2 du Code du travail français.
769
Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Direction du travail (Royaume du Maroc),
Guide méthodologique d’élaboration d’un règlement intérieur d’établissement, (document non daté), p. 6,
(33 p), (en arabe), URL : http://www.emploi.gov.ma/index.php/fr/documentations-publications.html.
770
Circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983 relative à l’application des articles 1 er à 5 de la loi du 4 août
1982 concernant les libertés des travailleurs dans l’entreprise, Bulletin Officiel du Ministère chargé de
l’emploi, n° 16 du 21 mai 1983, p. 19, n° 141, (les pouvoirs de l’inspecteur du travail).

184
d’une disposition de ce règlement (771). En revanche, il est douteux que l’employeur
puisse en faire autant. Au demeurant, le problème reste entier, à savoir le défaut de
communication du règlement à l’inspecteur le rend-il inopposable (772) aux salariés ?
Dans tous les cas, auteur de la carence, l’employeur ne peut invoquer sa propre faute en
application de l’adage « Nul ne peut invoquer sa propre turpitude » (773). En même temps,
rien ne vient limiter les possibilités de défense du salarié (774).

Ces observations relèvent déjà de la description de la procédure de ce contrôle par


l’administration. En effet, par la procédure même d’élaboration du règlement intérieur,
l’employeur se voit imposer de le communiquer simultanément aux représentants du
personnel puis le transmettre à l’inspection du travail (775). La destination collective du

771
Cass.soc., 28 mars 2000, n° 97-43.411, Bull. civ., V, n° 136.
772
CLAVEL-FAUQUENOT Marie-Françoise et RIGAUD Frédérique, « Le règlement intérieur », art.cité,
p. 16.
773
La position choisie par la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mars 2000 est de rejeter le pourvoi
formé par un employeur qui soutenait que le défaut de communication du règlement intérieur à l’inspecteur
du travail ôtait toute portée à ses dispositions. La Cour a estimé in fine que cette carence de l’employeur «
ne privait pas le salarié de la possibilité de se prévaloir de ce règlement », V, Cass.soc., 28 mars 2000, n°
97-43.411, arrêt cité.
774
La prudence de la formule utilisée par la haute juridiction dans son arrêt du 28 mars 2000, en déclarant
que le salarié a « la possibilité de se prévaloir du règlement » non communiqué à l’inspection du travail,
laisse en suspens la question de l’opposabilité au salarié des clauses du règlement intérieur lui imposant des
obligations lorsque la formalité permettant le contrôle de l’administration sur les clauses n’a pas été
accomplie. On est donc tenté d’interpréter la formule incertaine de cet arrêt comme limitée au cas où, en
dépit du non-accomplissement de l’obligation de communication du règlement à l’inspection du travail, le
salarié pourrait se prévaloir de ce règlement et l’opposer à l’employeur, alors que ce dernier ne saurait
l’invoquer à l’encontre du salarié. V, PONTIF Valérie, « Règlement intérieur : incidence de l’absence de
consultation préalable des représentants du personnel et de communication à l’inspecteur du travail », Dr.
trav., n° 10, 2012, p. 564.
775
Le caractère substantiel de la consultation préalable des représentants du personnel, car elle conditionne
la validité du règlement intérieur et notes de service, a été déjà posé par l’arrêt de la Cour de cassation du 4
juin 1969. L’interrogation qui se pose alors est qu’en est-il si l’employeur s’abstient seulement de
communiquer le règlement intérieur à l’inspecteur du travail ? Un arrêt de la Cour de cassation du 9 mai
2012 a apporté un début de réponse. La solution adoptée par la Cour laisse penser que le non-respect des
diligences légales (consultation des organes représentatifs et communication du règlement à l’inspecteur du
travail) empêche le règlement intérieur et les notes de service de produire effet sans distinguer suivant la
formalité en cause. V, Cass.soc., 9 mai 2012, n° 11-13.687, Mme X c/ Sté Magasins Galeries Lafayette,
Bull. civ., V, n° 134 : « Le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne peuvent produire
effet que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du Code du travail.
Lorsque l’employeur ne justifie pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et
communiqué le règlement à l’inspecteur du travail, il ne peut reprocher à sa salariée un manquement aux
obligations édictées par ce règlement et par une note de service ». Faut-il y voir le signe que la
communication du règlement intérieur à l’inspecteur du travail constitue désormais, au même titre que la
soumission pour avis aux représentants du personnel, une formalité substantielle ? À l’inverse, doit-on
considérer, suivant la ligne tracée par la décision précitée du 28 mars 2000, que le salarié dispose toujours
de la possibilité d’invoquer le règlement intérieur quand bien même celui-ci n’a pas été communiqué à
l’inspecteur du travail ? L’incidence du non-respect de cette diligence reste tintée d’incertitudes. Un arrêt de

185
règlement intérieur affecte son mode d’élaboration, en imposant à l’employeur de
respecter cette procédure. S’agissant d’un acte unilatéral, l’avis des représentants du
personnel est requis (776), mais leur accord n’est pas nécessaire (777). La consultation
préalable de ceux qui représentent collectivement les salariés face à l’employeur n’a pas
pour objet d’obtenir l’accord ou l’acceptation de l’acte en cause (778). Pour autant, cela ne
dispense pas l’employeur de les consulter (779) le plus rapidement possible quand ils
existent. La consultation des délégués reste une condition substantielle et son
inobservation rend le règlement inopposable aux salariés (780) et conduit à la poursuite de
l’employeur (781).

B) Vérification des dispositions du règlement intérieur

Le règlement intérieur est obligatoirement soumis dans sa procédure d’élaboration ou


de modification au contrôle de l’administration du travail. Celle-ci intervient pour mieux
contrôler aussi bien la régularité de l’élaboration du règlement que la conformité et la
légalité de son contenu. L'inspecteur du travail compétent est, par application des règles
générales, l'inspecteur du travail auquel est rattachée l'entreprise ou l’établissement s’il
s’agit d’un règlement intérieur spécifique d’établissement. Lorsqu'une entreprise
composée d’établissements multiples, où sont employés habituellement au moins vingt

la Cour de cassation du 24 septembre 2014 est venu approuver la thèse de la communication du règlement
intérieur à l’inspecteur du travail formalité substantielle, en affirmant que : « les notes de service
comportant des obligations générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur, et
notamment en matière de discipline et en matière de sécurité dans l'entreprise sont en toute hypothèse, c'est
à dire même lorsqu'il n'existe pas de règlement intérieur dans l'entreprise, soumises aux conditions
d'élaboration et de contrôle prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, à défaut de quoi elles sont
inopposables au salarié », V, Cass.soc., 24 septembre 2014, n° 13-16.629, inédit.
776
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 1, 2005,
ouvr.cité, p. 530.
777
Cass.soc., 16 octobre 1980, n° 79-13.894, Bull. civ., V, n° 752, p. 554.
778
GOURVES Martine, La volonté du salarié dans le rapport de travail, Th. Lyon 2, 2010, p. 289.
779
La consultation ne s’inscrit pas ici dans une logique de contrat. Contrairement à la négociation, elle n’a
pas pour finalité la conclusion d’un accord mais l’expression d’un avis dans le cadre d’une décision
unilatérale prise par autrui. V, SBIA Rachid, Th.citée, p. 233.
780
Cass.soc., 9 mai 2012, n° 11-13.687, Bull. civ., V, no 134 : « L'opposabilité du règlement intérieur est
toutefois subordonnée au respect des conditions de sa mise œuvre, que ce soit au niveau de la consultation
préalable des représentants du personnel ou de sa communication à l'inspecteur du travail ».
781
Article R. 1323-1 du Code du travail français qui prévoit une amende pénale pour les contraventions de
4ème classe, soit 750 euros au plus.

186
salariés, adopte un règlement identique et applicable à chaque établissement, l'inspecteur
du travail compétent est celui qui exerce dans le ressort du siège social de l'entreprise et
doit être saisi après la consultation du comité central d’entreprise (782).

1) Une mission non enfermée dans un délai

Cette compétence permet à l’inspecteur du travail d’exiger à tout moment la


modification ou le retrait des clauses qu’il jugerait non conformes aux dispositions légales
(783), sans aller jusqu’à l’exercice d’un pouvoir de compléter ou d’annuler le règlement
intérieur. Il transmet sa décision non seulement à l’employeur mais aussi, pour
information, à chacune des instances représentatives du personnel consultées sur le projet
(784). En droit français, l’inspecteur du travail n’est légalement tenu par aucun délai.
L’article L. 1322-1 du Code du travail permet en effet à l’inspecteur du travail
d’intervenir à tout moment (785). Le fait qu’à l’expiration du délai d’un mois, imposé par
l’article L. 1321-4 al. 2 du Code du travail entre les formalités de dépôt et de publicité et
l’entrée en vigueur du règlement intérieur, il ne se soit pas manifesté ou n’ait pas fait
connaitre ses observations ne lui enlève aucun pouvoir en la matière (786) et ne reporte pas
l’entrée en vigueur du règlement (787) ; la saisine de l’inspecteur du travail n’ayant pas un
caractère suspensif en droit français (788). Son silence ne peut être interprété par

782
CE, 22 avril 1988, n° 85.139 ; CE, 5 mai 1993, n° 96.676, RJS., n° 7, 1993, n° 741. Cette jurisprudence
pose une procédure inverse à celle prévue par la DRT du 15 mars 1983 malgré qu’elle lui soit postérieure.
Elle considère que l’inspecteur du travail du siège social est compétent pour l’examen d’un règlement
intérieur unique. L’administration a été conduite à mettre à jour ce texte en reprenant cette solution dans
une nouvelle circulaire : Circ. min. DGT n° 2009-09 du 17 avril 2009 relative à la compétence territoriale
des membres de l’inspection du travail saisis d’un règlement intérieur unique, Bulletin Officiel du Ministère
du Travail, des Relations Sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, 30 mai 2009, - Travail
2009/5 – Texte 11/65, p. 1.
783
Article L. 1322-1 du Code du travail français.
784
Article L. 1322-2 du Code du travail français et circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983, n° 1411, (le
contrôle au moment de l’élaboration).
785
CHALARON Yves, « Règlement intérieur et notes de service », Rép. trav., avril 2003, (date de la
dernière mise à jour : juin 2014), n° 116.
786
MARTIN-CUENOT Stéphanie, « Le contrôle du règlement intérieur », Lexbase Hebdo., n° 87, édition
sociale, 25 septembre 2003, n° Lexbase : N8831AAC.
787
Encore que les circulaires ministérielles manifestent le souci d’une certaine diligence et souhaitent que
l'inspecteur du travail fasse connaître sa décision avant l'expiration du délai d'un mois pendant lequel, à
partir des formalités de dépôt, son entrée en vigueur est suspendue. V, JEAMMAUD Antoine, « « Les
contrôles de la légalité du règlement intérieur », art.cité, p. 525.
788
Circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983, p. 19, n° 133 (entrée en vigueur).

187
l’employeur comme un acquiescement implicite (789) ou une approbation tacite et
définitive.

Cette démarche ne doit pas emporter l’adhésion des employeurs qui éprouvent le
souci de préciser « la finalité de ce pouvoir permanent de contrôle » (790) et opter pour
une stabilité des situations juridiques dans l’entreprise. À cette fin, il n’est pas sûr que la
loi ait voulu permettre ainsi à l’inspecteur de « remettre en cause de manière permanente
et sans avoir à s’en expliquer, la position qu’il a pu prendre antérieurement » (791). Cette
possibilité d’adresser, sans condition de délai, une injonction d’avoir à retoucher le
règlement intérieur doit néanmoins être envisagée avec la plus grande circonspection et
seulement dans l’hypothèse où « des circonstances importantes ou un fait nouveau le
justifient » (792). L’administration doit, tout de même, pouvoir s'opposer à une illégalité
qui lui aurait échappé pour une raison quelconque à l'époque de l'élaboration.

La singularité de ce contrôle a pour conséquence que l'absence de réaction de


l’inspecteur ou de délai imposé à l'administration ne saurait nécessairement valoir
décision administrative, même implicite. L'inspecteur du travail qui n'a pas constaté
d'illégalité, même si c'est après un réel examen, n'est pas tenu par la loi de se manifester
auprès de l'employeur (793). Seules les décisions d’exiger le retrait, la modification des
dispositions illégales ou l’adjonction de dispositions obligatoires sont pourvues d’une
base légale (794). La notification de ces décisions à l’employeur et leur communication
aux institutions représentatives du personnel ouvrent le délai d’exercice d’un recours

789
SAINT-GIRONS Nadine, « Règlement intérieur : étude pratique », LPA., 31 juillet 1995, n° 91, p. 12.
790
JEAMMAUD Antoine, art.cité, p. 526.
791
Circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983, p. 21, n° 1412, (le contrôle à « tout moment »).
792
Ibid. la circulaire a donné quelques exemples, d’un esprit assez restrictif, des circonstances ou faits
nouveaux permettant à l’inspecteur du travail de se saisir à nouveau du dossier : modification de la
réglementation ou des accords collectifs, évolution jurisprudentielle, changement d'activité principale de
l'entreprise, intervention des représentants du personnel, décision de justice. V, p. 21.
793
Quoique la circulaire du 18 avril 1983, tel que le fait remarquer M. Jeammaud, prescrit-elle à
l’inspecteur du travail « dans un but de sécurité juridique, à informer par écrit l'employeur et les
représentants du personnel qu'il n'a aucune critique à adresser au règlement, cette information porte
seulement sur un point de vue toujours provisoire et ne vaut pas décision de n'exiger aucun remaniement ».
V, JEAMMAUD Antoine, « De l’action en annulation du règlement intérieur devant le juge de droit
commun », D.S., 1993, p. 267.
794
JEAMMAUD Antoine, art.cité, p. 526.

188
hiérarchique spécial (795) devant le directeur régional ou devant le ministre (796) et d’un
recours devant le juge administratif (797).

Aussi, et bien que le contrôle de légalité du règlement intérieur soit une compétence
de l’inspecteur du travail, cet acte n’en demeure pas moins un acte juridique de droit privé
(798). Il peut dès lors donner lieu à un contentieux judiciaire. Le juge judiciaire peut être
amené à se prononcer sur la légalité d’une disposition d’un règlement intérieur ( 799) ainsi
que sur la régularité de la procédure d’élaboration qui conditionne sa légalité (800). Dans
ce cas, et en application de l’article L. 1322-4 du Code du travail français, une copie du
jugement devra être transmise à l’inspecteur du travail pour l’inciter à un examen ou
réexamen du règlement (801). L’occasion d’une telle appréciation sera fournie dans le
cadre d’un contentieux disciplinaire ou par la contestation d’un licenciement pris en
application d’une clause de ce règlement (802).

2) Établissement d’une condition d’approbation par l’inspecteur du


travail

795
Article L. 1322-3 du Code du travail français.
796
Dans un avis du Conseil d’État du 23 juillet 1993, il est rappelé que le directeur régional du travail et le
ministre saisis d’un recours hiérarchique « peuvent, dans l’exercice de leur pouvoir hiérarchique contrôler
la légalité de dispositions du règlement dont l’inspecteur du travail s’est abstenu d’exiger la modification ou
le retrait ». CE, 23 juillet 1993, n° 99-391, Min. des Affaires sociales et de l'emploi c/ Institution privée
mixte de Monistrol-sur-Loire, AJDA., 1993.728, concl. Comm. gouv. M. Pochard.
797
FAVENNEC-HÉRY Françoise et VERKINDT Pierre-Yves, Droit du travail, LGDJ, 4ème éd. 2012, n°
333.
798
SAINT–GIRONS Nadine, « Règlement intérieur : étude pratique », art.cité, p. 13.
799
Dans un arrêt rendu le 16 décembre 1992, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis la
recevabilité de l’action en annulation d’une ou plusieurs clauses d’un règlement intérieur devant le tribunal
de grande instance, et l’aptitude de cette juridiction à apprécier la légalité des dispositions sur lesquelles
l’inspecteur du travail n’a pas antérieurement pris parti à l’occasion du contrôle de cet acte. Cass.soc., 16
décembre 1992, n° 90-14.337, Bull.civ., V, n° 602, p. 380.
800
L’arrêt du 9 mai 2012 (Cass.soc., 9 mai 2012, n° 11-13.687, arrêt cité) est également important à plus
d’un titre. Il retient que le contrôle du juge prud’homal ne se limite pas à la légalité du règlement intérieur
ou de l’une de ses dispositions, mais concerne également l’accomplissement de toutes les formalités
requises à son élaboration. Si son irrégularité se confirme, le juge prud’homal ne peut l’annuler (CA Paris,
28 avril 1987, D., 1987, Inf. rap. 128), mais il doit l'écarter.
801
SANGARE Yacouba, Les sanctions en droit du travail : Étude comparative entre le droit français et le
droit malien du travail, Th. Cergy-Pontoise, 2012, p. 422.
802
JEAMMAUD Antoine, « Les contrôles de la légalité du règlement intérieur », art.cité, p. 529.

189
Si les systèmes juridiques français et marocain admettent, dans une certaine mesure,
la nécessité du contrôle par l’inspecteur du travail, ils n’empruntent pour ce faire pas les
mêmes voies. Ainsi en France, l’autorité administrative n’est pas chargée de donner son
approbation à un règlement intérieur avant son entrée en application. Cependant, la
démarche proposée au Maroc conduit à retenir que si l’approbation par l’administration
du travail du règlement intérieur est une condition substantielle de validité de celui-ci, il
faut alors admettre du même coup que l’administration ne pourra plus, par la suite, sans
se contredire, exiger la modification ou le retrait de l’acte qu’elle a déjà approuvé.

Cette spécificité du droit marocain, malgré ses inconvénients, a été maintenue faute
d’un système adéquat de remplacement. Ceci remonte à une tradition ancienne ; on parlait
alors de statut-type prévu par le dahir du 23 octobre 1948 datant du protectorat français.
Si l’employeur, étant donné son incompétence en matière normative, avait, à cette
époque, le pouvoir de fixer les règles d’organisation et de discipline du travail dans
l’entreprise, il était aussi tenu de suivre les lignes directrices tracées par les
gouvernements, voire se limiter à reproduire les dispositions du statut-type ou même
l’afficher parce qu’il faisait souvent office de règlement intérieur (803).

Ces aperçus nous confirment que si le droit français considère que la validité du
règlement intérieur repose essentiellement sur le respect de l’obligation de consultation
des organes représentatifs du personnel, source d’acceptabilité de l’acte, peu importerait
alors l’accomplissement de la formalité de communication de ce document à l’inspecteur
du travail, cette position amoindrirait le rôle confié à ce fonctionnaire au regard de
l’intérêt général. Le droit marocain, quant à lui, entend enraciner la procédure
d’approbation préalable et obligatoire de l’autorité administrative dans le but de modérer
l’unilatéralisme de l’employeur et d’éviter que le pouvoir patronal s’exerce de façon
arbitraire (804).

803
Sous l’empire de l’ancienne législation datant du protectorat français, les employeurs optaient rarement
pour l’élaboration d’un règlement intérieur ou d’un règlement d’atelier, et surtout, n’impliquaient par leurs
salariés ou leurs représentants dans ce processus. MARZOUK Mounir, La faute grave du salarié en droit
comparé, Th. Perpignan, 2006, p. 89.
804
Alors que, pour reprendre la formule d’un auteur « il est réellement rare que le règlement intérieur joue
un rôle d’autolimitation du pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, par l’établissement de normes que
celui-ci s’engagerait à respecter lors de l’application de sanctions. Cela joue en matière d’échelle de
sanctions ou de respect des droits de la défense, mais cela ne joue guère en matière de définition de la faute
disciplinaire ». In SAVATIER Jean, « Le contrôle administratif du règlement intérieur », art.cité, p. 649.

190
Le raisonnement serait-il différent vis-à-vis des directions des entreprises et
établissements publics à caractère industriel, commercial ou agricole et dont le personnel
est soumis à un statut promulgué par décret, tenues, elles aussi, d’élaborer un règlement
intérieur ?

Une solution proche de celle admise par le droit français pourrait alors être envisagée.
L’existence d’un tel statut ne servirait aucunement à faire échec à l’élaboration d’un
règlement intérieur par la direction (805). Ces entreprises et établissements à statut
employant du personnel salarié sont saisis par l’énumération de l’article premier du Code
du travail marocain (806). Le droit français a, pour sa part, inscrit dans le code du travail
cette obligation d’élaborer un règlement intérieur aux établissements publics à caractère
industriel et commercial (807).

Face à cette situation, le droit français a pris position très tôt en prévoyant dans la
circulaire du 15 mars 1983 (808), pour les entreprises publiques à statut, la possibilité d’un
renvoi par le règlement intérieur aux dispositions statutaires (809). Mais outre le fait que le
règlement intérieur peut contenir des clauses d’un statut qui ne sauraient y figurer en
raison de leur incompatibilité avec une ou plusieurs composantes du « bloc de légalité »,
l’inspecteur du travail ne pouvant les prendre en considération pour apprécier la régularité
du règlement n’a pas le pouvoir d’en exiger le retrait ou la modification puisque le juge
administratif est seul compétent pour contrôler la légalité d’un statut émanant du pouvoir
réglementaire du gouvernement (810). Une solution, pour les inspecteurs du travail,

805
JEAMMAUD Antoine, « Les contrôles de la légalité du règlement intérieur », art.cité, p. 525.
806
L’article 138 du Code du travail marocain dispose que « Tout employeur occupant habituellement dix
salariés est tenu […] d’établir […] un règlement intérieur et de le soumettre à l’approbation de l’autorité
chargée du travail ». Or, la définition de l’employeur a été précisé par l’article 6 du même code qui prévoit
que « […] est considérée comme employeur, toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui
loue les services d’une ou plusieurs personnes physiques ». Plus encore, l’article premier du code du travail
cite les entreprises et établissements à caractère industriel, commercial ou agricole relevant de l’Etat et des
collectivités locales, comme étant assujetties aux dispositions de ce code dans leur relation avec les
personnes qui leur sont liées par un contrat de travail.
807
Équivalant à l’article L. 1311-1 du Code du travail français.
808
Circulaire du 15 mars 1983, n° 127 (articulation entre statut et règlement intérieur), p. 17.
809
MAGGI-GERMAIN Nicole, Négociation collective et transformations de l’entreprise publique, éd.
LGDJ, 1994, Coll. Bibliothèque de droit social, t. 30, p. 94.
810
JEAMMAUD Antoine, art.cité, p. 525.

191
pourrait être d’alerter l’autorité responsable du statut en cause afin qu’elle procède à sa
modification (811).

Corrélativement, et contrairement au droit français, le droit marocain ne prévoit


aucune disposition en la matière. Le législateur marocain a de tout temps adopté une
position de retrait, répondant à la politique bien connue du laissez-faire. La stipulation
d’une possibilité de faire référence aux clauses statutaires aurait servi à faire échec à cette
confusion grandissante.

Également, aucun cadre n’a été prévu pour la modification des règlements intérieurs
élaborés avant l’avènement du code du travail. Le droit français se distingue ici encore du
droit marocain par son anticipation, dès la loi Auroux (812), en fixant le délai d’un an aux
employeurs pour effectuer des règlements intérieurs conformes à la législation en vigueur.
La position prise par le droit marocain n’est pas sans risque en ce qu’elle peut permettre à
l’employeur l’application de sanctions disciplinaires contenues dans un règlement
intérieur en déphasage avec le code du travail et qui pourraient remonter au temps du
statut-type de 1948.

Ce marasme du droit du travail au Maroc s’en trouve, en partie justifié par le fait que
le législateur se bornerait à utiliser des connaissances juridiques dépourvues de sens
critique et cela ne permet guère de voir loin (813). Le droit français aurait pu être
révélateur pour le droit marocain des possibilités offertes dans le sens d’une amélioration
des dispositions dans cette matière. Or, le droit marocain n’en tire aucune conséquence
concrète.

On est alors fondé à se demander quelle protection a été réservée par ce droit aux
représentants des salariés.

§ 2. Les règles spécifiques aux représentants des travailleurs

Les systèmes français et marocain de la représentation du personnel et des syndicats


se caractérisent par leur diversification issue de textes successifs qui, à chaque fois, ont

811
Circulaire du 15 mars 1983, n° 127 (articulation entre statut et règlement intérieur), p. 17.
812
Article 5 de la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise.
813
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 124.

192
institué un nouveau type de représentation en lui assignant un nouveau rôle, mais sans
remettre en cause les fonctions dévolues jusque là aux institutions déjà mises en place.

De la création de ces diverses institutions représentatives du personnel résulte la


nécessité d’aménager un statut protecteur aux représentants du personnel exposés, en
particulier dans l’exercice de leur mandat, à des mesures arbitraires et de leur garantir
l’indépendance nécessaire à l’exercice de celui-ci. Cette protection, consacrée tant au
niveau international que national (814), apparait étendue.

A) Étendue de la protection spéciale

Depuis la création du statut protecteur en 1945 et au fil des ans, le législateur français
a fait bénéficier un nombre important de salariés à mesure qu’il additionnait les instances
représentatives du personnel (815). Singularité française (816), que le Maroc n’a pas en
partage.

1) Une protection étroitement corrélée aux limites relatives au mandat du


salarié au Maroc

Au Maroc, les bénéficiaires de la protection sont d’abord les délégués des salariés
élus, titulaires et suppléants (817), les candidats aux fonctions de délégué des salariés dès
l’établissement des listes électorales et pendant une durée de trois mois à compter de la
proclamation des résultats des élections (818). Les anciens délégués sont, eux aussi,
protégés pendant une durée de six mois à partir de l’expiration de leur mandat ( 819). Ce
statut protecteur profite également aux représentants syndicaux en leur qualité de

814
ROSE Hubert et STRUILLOU Yves, Droit du licenciement des salariés protégés, 3ème éd. Economica,
2007, p. 8.
815
OUAISSI Haïba, Les incidences des restructurations d’entreprise sur la situation collectives des
salariés, éd. LGDJ, 2006, Coll. Bibliothèque de droit privé, t. 462, p. 87.
816
TEYSSIÉ Bernard, « Faut-il réformer les institutions représentatives du personnel ? Libres propos en
guise d’introduction », RDA., n° 7, 2013, p. 95.
817
Article 457 du Code du travail marocain.
818
Article 458 al. 2 du Code du travail marocain
819
Article 458 al. 1er du Code du travail marocain

193
membres du comité d’entreprise (820) ou du comité de sécurité et d’hygiène (821) et leurs
homologues désignés par le ou les syndicats les plus représentatifs (822).

L’ordre juridique français obéit de façon très proche au même schéma. Les
bénéficiaires sont les représentants du personnel et des syndicats, à savoir les membres du
comité d’entreprise élus et représentants syndicaux, les délégués du personnel, les
représentants du CHSCT et les délégués syndicaux (823). Ils sont protégés pendant toute la
durée de leurs mandats, mais également pour une garantie plus efficace, avant même
l’élection, le salarié candidat est protégé dès que l’employeur est averti de cette
candidature et même si l’intéressé n’est pas élu (824). Une protection est aussi assurée aux
anciens délégués après la fin de leurs mandats (825).

Au sein du Code du travail marocain sont pourtant toujours présentés comme salariés
protégés, les seuls délégués des salariés et les représentants syndicaux. Avant
l’avènement du Code du travail, les délégués du personnel étaient la seule institution
représentative du personnel au sein de l’entreprise. Le dahir du 16 septembre 1955 (826)
reconnaissait, quant à lui, pour la première fois l’existence de la « jemâa ouvrière » (827)
et des comités sociaux, groupant en leur sein, par établissement employant plus de
cinquante salariés, des délégués du personnel. À cette époque, le droit syndical n’était pas
encore reconnu aux travailleurs marocains.

820
Article 465 al. 2 du Code du travail marocain.
821
Article 337 du Code du travail marocain.
822
Article 472 du Code du travail marocain.
823
Article L. 2411-1 du Code du travail français.
824
Article L. 2411-7 du Code du travail français.
825
Article L. 2411-5 al. 2 du Code du travail français.
826
Dahir du 16 septembre 1955 fixant le statut des délégués du personnel dans les établissements
industriels, commerciaux et agricoles, B.O n° 2239 du 23 septembre 1955, p. 1425.
827
La « jemâa ouvrière » est « un organe intérieur de l’entreprise, sans ingérence de l’administration,
assurant les contacts entre la direction et le personnel, et ses membres se formant au rôle de délégués et se
préparant dans un effort de longue haleine à remplir objectivement leur mission », in LERICHE Joseph, Le
logement des Nord-africains, éd. Paris, E.S.N.A (Etudes Sociales Nord-Africaines), cahiers n° 11-12,
janvier-février 1951, p. 46.

194
Bien qu’à partir de 1957 (828) les syndicats ne soient pas étrangers à l’activité
professionnelle dans cet espace de travail, la représentation légale demeure reconnue aux
seuls délégués du personnel. Ensuite, le dahir de 1955 fut abrogé par le dahir du 29
octobre 1962 (829), qui avait repris presque toutes les dispositions antérieures. Il supprima
toutefois le « comité social » et étendit le champ d’application de l’institution de la
représentation élue des salariés (830).

Malgré une forte inspiration de la législation française, la loi marocaine offre une
combinaison du texte français de 1946 (831) avec toutefois une intervention remarquable
du législateur teintée d’une forte intention d’opérer une stricte séparation entre
l’institution élue du délégué du personnel et l’activité syndicale locale et professionnelle.
C’est précisément ce que souligne M. El Aouani : « la portée des amendements et
abrogations dont le dahir de 1962 a fait l’objet témoignent de l’existence certaine d’une
volonté de mettre cette institution à l’abri des influences syndicales » (832).

Ce sont ces textes qui ont été reconduits par le Code du travail marocain, dans ses
articles 430 à 469, tout en les modifiant et complétant parfois sur certains points.

2) Un élargissement du champ d’application du régime protecteur en


droit français

En France, la liste des salariés protégés dressée par l’article L. 2411-1 du code du
travail, s’est constamment étendue, mais elle reste limitative (833). Au début, aucune

828
Dahir n° 1-57-119 du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels, B.O n° 2339 du 23 août 1957, p.
1110.
829
Dahir n° 1-61-116 du 29 octobre 1962 relatif à la représentation du personnel des les entreprises, B.O n°
2612 du 16 novembre 1962, p. 1609.
830
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, p. 388.
831
Loi n° 46-730 du 16 avril 1946 fixant le statut des délégués du personnel dans les entreprises, JORF du
17 avril 1946, p. 3224.
832
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 318. À ce propos, le terme même de syndicat a été cité une seule fois
(article 1er), dans l’énumération des différentes catégories de personnes morales dans lesquelles les délégués
du personnel peuvent être institués, sur l’ensemble des 18 articles de ce texte et sans relation avec la
fonction de délégué du personnel.
833
CERF-HOLLENDER Agnès, « Les nouveaux salariés à protéger : les témoins et les lanceurs d’alerte »,
in Politique(s) criminelle(s), Mélanges en l’honneur de Christine Lazerges, Dalloz, 2014, p. 515.

195
mesure de protection n’est prévue par la loi du 24 juin 1936 ( 834). La loi du 4 septembre
1942 (835) a subordonné à autorisation préalable de l’inspection du travail toute embauche
et tout licenciement dans les entreprises industrielles et commerciales. À partir de 1945, il
est acquis que le représentant du personnel, étant élu, doit jouir d’un statut particulier
d’ordre public (836) dans son intérêt, et surtout dans l’intérêt de ses mandants. Les articles
22 et 24 de l’ordonnance du 22 février 1945 (837), ainsi que les articles 16 et 18 de la loi
du 16 avril 1946 (838), instituent une procédure spéciale pour le licenciement des
représentants du personnel et des sanctions pénales pour entrave au fonctionnement
régulier de ces institutions.

La loi du 28 octobre 1982 a modifié profondément le dispositif légal de protection


des représentants du personnel en renforçant les garanties (839). Toutes les instances
représentatives créées ultérieurement, et notamment les représentants élus aux conseils
d’administration et de surveillance des entreprises du secteur public ( 840) et les
représentants des salariés mis en place dans les entreprises soumises à une procédure

834
Loi du 24 juin 1936 modifiant et complétant le chapitre IV bis du titre II du livre 1 er du code du travail :
« De la convention collective de travail », JORF du 26 juin 1936, p. 6698.
835
Article 5 de la loi du 4 septembre 1942 relative à l’utilisation et à l’orientation de la main d’œuvre,
JORF du 13 septembre 1942, p. 3122.
836
Autrement dit, et pour reprendre les propos de M. Verdier « le statut protecteur est un statut d’ordre
public, imposé par la loi, pour des raisons impérieuses, et non le résultat d’une négociation entre
partenaires sociaux », VERDIER Jean-Maurice, « Les représentants des salariés : « protégés » ou exposés ?
Liberté fondamentale et logique du statut », in Analyse juridique et valeurs en droit social, Mélanges en
l’honneur de Jean Pélissier, Dalloz, 2004, p. 572.
837
Ordonnance n° 45-280 du 22 février 1945 relative à l’institution de comités d’entreprises, JORF du 23
février 1945, p. 954.
838
Loi n° 46-730 du 17 avril 1946 fixant le statut des délégués du personnel dans les entreprises, JORF du
17 avril 1946, p. 3224.
839
Loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du
personnel (dite loi Auroux 2), JORF du 29 octobre 1982, p. 3255. Ce texte a prévu l’extension de la
protection aux salariés ayant demandé à l’employeur l’organisation d’élections dans l’entreprise et aux
représentants conventionnellement élus et désignés ; l’unification de la procédure protectrice en imposant
l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail pour tout salarié protégé ; l’application de la protection
légale au transfert partiel d’entreprise, à l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée, ainsi qu’en cas de
rupture anticipée ; la reconnaissance légale du droit à réintégration et l’indemnisation du salarié protégé
dont l’autorisation administrative de licenciement est annulée sur recours hiérarchique ou contentieux et
renforcement de la protection des salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée. V, ROSE Hubert et
STRUILLOU Yves, Droit du licenciement des salariés protégés, ouvr.cité, p. 11.
840
Loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, JORF du 27 juillet 1983,
p. 2326.

196
collective, issus de la loi du 25 janvier 1985 (841) bénéficient de la protection légale. Il en
va de même pour certains représentants dits conventionnels ou mandatés parce
qu’institués non par la loi mais par convention ou accord collectif, dans les limites de la
liberté de négociation sur la représentation des salariés que permet la loi (842). La loi de
1982 leur a reconnu le droit à la protection spéciale (843).

Le terme de « représentants des travailleurs », employé habituellement pour désigner


les salariés élus ou mandatés, ainsi que les candidats et les anciens représentants sera
utilisé par souci de compréhension. Cette expression de « représentants des travailleurs »
utilisée dans les conventions de l’OIT (844), semblerait bien adaptée.

Les enjeux de la protection ne se limitent pas à de simples détails de procédure. Le


statut protecteur étant un moyen au service d’une fin : le libre exercice des fonctions
représentatives ; la question de la protection constitue un enjeu majeur (845). Ces salariés

841
Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises,
JORF du 26 janvier 1985, p. 1097.
842
VERDIER Jean-Maurice, « Vulnérabilité des représentants des salariés : des protections spéciales
évincées en jurisprudence », D.S., n° 7-8, 2010, p. 833.
843
Anciens articles L. 412-18 al. 5 ; L. 436-1 al. 9 du Code du travail, repris sous l’actuel article L. 2411-2.
Cette extension est la consécration de prises de positions successives et concordantes du Conseil d’État et
de la Cour de cassation. Cette jurisprudence ayant pris la peine de noter que ces représentants
« conventionnels » exerçant « les mêmes fonctions » étaient exposés aux mêmes risques que ceux institués
par la loi (Cass.soc., 9 juillet 1976 n°S 76-60.056 et 76-60.057, Bull. civ., V, n° 453 ; Cass.crim., 4
novembre 1981, n° 81-90.402, Bull. crim., V, n° 294 ; CE. Avis, 22 mars 1973, n° 310.108, Dr. ouvr., 1973,
p. 190 ; CE, 31 octobre 1980, n° 12767 12797, Lebon., p. 404). En 1991, la Cour de cassation a
curieusement posé une limite à cette extension par un arrêt du 20 février de la même année, selon laquelle
« les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs
membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel
et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le Code du travail », en excluant par exemple
un représentant syndical au CHSCT (Cass.soc., 20 février 1991, n° 89-42.288, Bull. civ., V, n° 85). La
formulation du Conseil d’État réservant le bénéfice de la protection spéciale aux représentants
conventionnels est à dessein très proche. La protection ne peut être étendue que dans le cas où les
représentants institués par voie conventionnelle relèvent « d’une catégorie de même nature que celle qui est
prévue par la loi » (CE. 29 décembre 1995, n° 122643, Lebon., p. 482). Mais depuis l’arrêt de la chambre
sociale de la Cour de cassation du 23 octobre 2007 (Cass.soc., 23 octobre 2007, n° 06-44.438, Bull. civ., V,
n° 174), posant à nouveau le problème du périmètre de la protection des représentants conventionnels, on a
pu déceler un premier pas vers un revirement de jurisprudence ou un retour aux sources. La chambre sociale
s’écarte ainsi de la jurisprudence retracée et la décision souligne l’artifice de la construction
jurisprudentielle rappelée. Car en maintenant l'exigence d'une « même nature » à l'identité des fonctions
exercées entre un représentant légal et un représentant conventionnel pour reconnaitre à ce dernier le
bénéfice de la protection légale conduit, non sans paradoxe, à renouer avec l'analyse jurisprudentielle
antérieure à celle qui a prévalu à partir de la fin des années 1980.
844
Convention n° 135, adoptée le 23 juin 1971 concernant la protection des représentants des travailleurs
dans l’entreprise et les facilités à leur accorder. Cette convention a été ratifiée par le Maroc le 5 avril 2002,
et par la France le 30 juin 1972.
845
ROSE Hubert et STRUILLOU Yves, Droit du licenciement des salariés protégés, ouvr.cité, pp. 16-17.

197
sont titulaires d’un mandat qui les amène à assumer, parallèlement à leur travail, des
activités et responsabilités variées. L’exercice de ce mandat peut être mal perçu par le
chef d’entreprise. Tenu de leur octroyer les moyens d’exercer leurs fonctions, de leur
laisser le temps nécessaire pour les accomplir, et de les rémunérer comme temps de
travail, il peut en outre voir dans cette mission, lorsqu’elle s’exerce au sein de
l’entreprise, une opposition à son pouvoir de direction (846).

Cela explique le parti pris de la loi de protéger ces salariés, en imposant à


l’employeur de mettre en œuvre une procédure spéciale en vue de leur licenciement. Une
autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise.

B) Refonte de la procédure de licenciement des représentants des


travailleurs

Sous statut dérogatoire du droit commun, le salarié investi de fonction représentative,


toujours subordonné à son employeur, est plus exposé en termes de carrière et de
présence dans l’entreprise que les autres salariés aux décisions prises par son patron ( 847).
Ce faisant, et afin d’éviter que cette situation de subordination juridique ne fasse obstacle
au libre exercice par les représentants de leurs droits, le législateur a fait bénéficié ces
salariés d’un statut exorbitant en dépossédant l’employeur d’un de ses pouvoirs
essentiels : celui de rompre unilatéralement le contrat de travail du salarié représentant
des travailleurs (848).

Cette situation tire en effet son fondement juridique des missions qui leurs incombent.
Du fait de leur mandat, les représentants des travailleurs sont appelés à défendre les

846
CERF-HOLLENDER Agnès, « Les nouveaux salariés à protéger : les témoins et les lanceurs d’alerte »,
art.cité, pp. 515-516
847
MAGGI-GERMAIN Nicole, « Le licenciement des salariés protégés : processus et enjeux », Droit et
société., n° 1, 2006, vol. 62, p. 182. V, le rapport de la Cour de cassation française pour l’année 2009, qui
consacre sa troisième partie « Étude » aux « personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de
cassation », et y retient notamment, dans les « contributions de la chambre sociale », les « salariés
protégés ». Il affirme que « les représentants élus du personnel et les représentants syndicaux sont
particulièrement vulnérables aux discriminations de la part d’employeurs qui peuvent être tentés de les
évincer en usant de leur pouvoir disciplinaire ou de leur pouvoir de direction » et que « c’est pour écarter
ce risque que le législateur leur a accordé un statut protecteur spécifique », Cour de cassation, Les
personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Rapport annuel 2009, La
Documentation française, 2010, p. 63.
848
ROSE Hubert et STRUILLOU Yves, Droit du licenciement des salariés protégés, ouvr.cité, p. 17.

198
intérêts de ces derniers, à présenter des revendications collectives et à négocier le statut
du personnel. Mais il apparait que ce régime se révèle contraignant pour l’employeur. Il
lui « impose le maintien du salarié protégé dans l’entreprise dans le but de garantir la
continuité du mandat et porte, de facto, atteinte à son pouvoir de direction » (849).

Ce n’est certes pas dans sa qualité de salarié, scellée juridiquement par le contrat de
travail, qu’il conviendrait de rechercher le fondement de cette protection, mais bien dans
l’émergence de la logique du statut prévalant sur celle du contrat et dont les normes
relèvent des libertés publiques (850).

Le régime de protection en droit marocain s’inspire dans une large mesure de celui
des délégués du personnel en France. Il tente notamment de prévoir les conditions
d’application du statut protecteur auxquelles le salarié investi d’un mandat représentatif
ou en voie de l’être bénéficie de la procédure spéciale de licenciement qui exige
l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail. Le législateur évoque le cas du
licenciement, toutefois, la jurisprudence (française) a étendu la protection à toutes les
ruptures du contrat à durée indéterminée (851) autres que la démission (852). Par ailleurs, le
code du travail étend cette protection aussi en cas de contrat de travail à durée déterminée.

Le cadre légal des cas de figure imposant l’intervention de l’inspecteur du travail a


été défini par le Code du travail marocain dans son article 457, posant expressément le
principe selon lequel aucune mesure disciplinaire consistant en un changement de service

849
MAGGI-GERMAIN Nicole, « Le licenciement des salariés protégés : processus et enjeux », art.cité, p.
188.
850
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, p. 415.
851
Si le droit français applique également, avec des adaptations, l’autorisation de l’inspecteur du travail en
cas de rupture conventionnelle entre un salarié protégé et son employeur. La jurisprudence marocaine
d’avant le code du travail semblait ignorait cette formalité lorsqu’un salarié protégé conclue une transaction
avec son patron : « La qualité de délégué du personnel n’a aucune conséquence sur le non respect de la
procédure en cas de transaction entre les parties au contrat de travail », C.S., Ch. soc., arrêt n° 748 du 1 er
octobre 2002, Dos. soc n° 30/5/1/2002, BICS., n° 14/2004, p. 17.
852
La démission du salarié protégé doit être exprimée par un acte clair et non équivoque : Cass.soc., 12
décembre 1990, Bull. civ., V, n° 667 ; Cass.soc., 30 avril 1997, RJS, 1997, n° 706. Quant à la jurisprudence
marocaine, elle ne parait pas totalement insensible à la question de la protection du délégué des salariés
ayant démissionné de son mandat (le 23 janvier 1984) et quelques années plus tard, lors de son licenciement
(le 16 octobre 1989), il invoque son statut de délégué et reproche à l’employeur le fait de ne pas avoir
consulté préalablement l’inspecteur du travail. La Cour suprême avait alors décidé que la démission du
délégué des salariés de son mandat est effective par le simple fait de la présenter au bureau des délégués. Il
n’est nullement nécessaire d’obtenir l’assentiment de l’employeur qui ne détient pas le pouvoir d’accepter
ou de refuser la démission du délégué des salariés de son mandat. C.S., Ch. soc., arrêt n° 1027 du 20
octobre 1998, Dos. soc n° 211/4/1/97, JCS., n° 55, 2000, p. 265.

199
ou tâche, de mise à pied ou de licenciement d’un délégué des salariés titulaire ou
suppléant, ne peut être prise sans autorisation préalable de l’agent chargé de l’inspection
du travail.

Cette dernière mesure peut soit être prise à titre individuel, soit concerner un
représentant des travailleurs à l’occasion d’un licenciement collectif. On relèvera que ce
texte n’inclut pas aussi la rétrogradation, bien qu’une mutation puisse aboutir à ce
résultat. Mais surtout il n’est pas prévu le cas du non renouvellement d’un contrat à durée
déterminée. Cette lacune peut s’expliquer par le fait que la représentation ne concerne
généralement que les travailleurs permanents et non les salariés occupés dans des emplois
atypiques. Toutefois, du moment que les délégués peuvent être élus par le personnel d’un
établissement dont l’activité est saisonnière ou temporaire, il aurait fallu prendre
également en compte cette situation, en plus des cas des salariés agricoles (853).

1) Caractère impératif de la procédure d’autorisation


administrative

La caractéristique essentielle de cette procédure consiste en l’exigence d’une


autorisation administrative préalable donnée par l’inspecteur du travail (854). Elle se
cumule avec la procédure de droit commun. Le droit français prévoit, en sus de
l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, que soit consulté le comité d’entreprise
sur le projet de licenciement des salariés investis de fonctions représentatives (855).

853
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, p. 417.
854
Au Maroc, plusieurs opinions s’étaient formées à propos de l’obligation de consultation de l’inspecteur
du travail avant le licenciement du délégué des salariés. Un premier arrêt de la Cour suprême (actuelle Cour
de cassation) du 2 juillet 1982 est venu confirmer que cette démarche « constitue la prise d’un avis
consultatif ». Mais la haute cour a changé de position quelques années plus tard en considérant que la
consultation de l’inspecteur du travail était obligatoire et que son avis s’impose. C.S., Ch. soc., arrêt n° 458
du 21 septembre 1987, Dos. soc n° 6317/85, JCS., n° 41, 1988, p. 164 (en arabe). Voir aussi C.S., Ch. soc.,
arrêt n° 345 du 29 septembre 1986, Dos. soc n° 6319/85, Revue de Jurisprudence et de Loi., n° 138, février
1988, p. 231 ; C.S., Ch. soc., arrêt n° 376 du 10 mai 1993, Dos. soc n° 8576/91 (non publié). Avec
l’avènement du code du travail en 2004, il est clairement disposé que l’employeur qui souhaite procéder au
licenciement d’un représentant des salariés doit non seulement consulter l’inspecteur du travail, mais
surtout obtenir son autorisation (article 457).
855
Le statut protecteur est assurément lié au mandat. Cependant, pour être efficace, il s’applique aussi à
ceux qui ont fait acte de candidature et ceux ayant déjà exercé ce mandat pendant certaines durées. Le droit
à l’application du statut protecteur est donc attaché à l’accomplissement même de l’acte qui en crée le
bénéfice. La question est en apparence plus délicate pour les représentants syndicaux en droit marocain
désignés ou les anciens représentants syndicaux, pour lesquels la loi ne prévoit pas explicitement de durée
de leur protection spéciale autre que celle de leur mandat lui-même. Le droit français, quant à lui, est plus

200
D’ordre public, le statut protecteur déclenche la compétence de l’autorité administrative
pour vérifier que les décisions de l’employeur ne sont pas en lien avec le mandat exercé
(856).

L’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, constituant la pièce maitresse du


statut protecteur, est nécessaire quelle que soit la nature du mandat, la nature du
licenciement et quel qu’ait été l’avis du comité d’entreprise (857). Toute violation de cette
règle entraine des sanctions.

a) Procédure incontournable en cas de sanction disciplinaire ou de


licenciement

Les textes organisent une procédure protectrice en matière de licenciement ou de


prise de sanctions disciplinaires précises à l’égard des représentants des travailleurs.
L’intervention de l’inspecteur du travail est expressément prévue. Mais en l’absence de
précisions en droit marocain, il est difficile de savoir quels fondements théoriques
attribuer à cette procédure. L’accent n’est mis que timidement sur le rôle de l’inspecteur
du travail (858), et le peu de jurisprudence dans ce domaine, contrairement à la France, ne
permet pas d’apprécier l’interprétation et l’usage qui sont faits de la protection de ces
représentants.

L’efficacité de cette procédure ne peut s’apprécier toutefois que sur le plan de la


théorie. Pour s’en convaincre, les propos de M. El Aouani nous paraissent dès lors
particulièrement intéressants. Il écrit : « Les usages, logiquement, ne peuvent que
contredire les dispositions législatives si l’on considère le bannissement de l’action
syndicale judiciaire et l’inefficacité ou la complaisance des agents du ministère du travail

précis sur ce point en prévoyant que le délégué syndical ou le représentant syndical au comité d’entreprise
est protégé dès lors que la lettre du syndicat notifiant à l’employeur sa désignation a bien été reçue par
celui-ci. Cette protection dure douze mois pour l’ancien délégué syndical après la cessation de ses
fonctions, à condition de les avoir exercées pendant au moins un an (article L. 2411-3 du Code du travail
français). V, Cass.soc., 25 octobre 2005, n° 02-45.158, cité par SIMONNEAU Maryline et COUVRET
Jeannine, Protection des représentants du personnel, Liaisons Sociales Quotidien, n° 14922 du 27 juillet
2007, Cahier n° 2, p. 14, n° 25.
856
PÉCAUT-RIVOLIER Laurence, ROSE Hubert et STRUILLOU Yves, « Représentants du personnel
(Statut protecteur) », Rép. trav., juin 2013 (actualisation : octobre 2015), n° 23.
857
Mesure spécifique au droit français et qui n’existe pas en droit marocain.
858
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 322.

201
dont la formation et la connaissance même du droit, très superficielle n’est point pour
assurer une protection à ceux-ci. La bonne foi et la conscience professionnelle de ces
agents même quand elles existent ne résistent pas trop aux intimidations des chefs
d’entreprise aux bras longs » (859).

Ceci dit, les dispositions de protection des délégués du personnel en France ont été
reprises dans des termes, en grande partie, similaires dans le Code du travail marocain.
Les deux systèmes ont néanmoins en commun l’essentiel. Mais le droit français se
distingue ici encore du droit marocain par la précision du déroulement de la procédure de
protection. Là où le régime de protection est explicitement précisé en droit français, le
droit marocain ne s’y intéresse que de façon incidente.

Ainsi, l’article 457 du Code du travail marocain ne donne généralement aucune


précision quant à la procédure à suivre en la matière si ce n’est une disposition prévue par
l’article 459 du même texte que les chefs d’entreprise ont vite pris à leur compte en usant
et abusant (860). Cette disposition prévoit qu’en cas de faute grave du délégué des salariés,
l’employeur peut prononcer immédiatement sa mise à pied “conservatoire” en attendant
la décision de l’inspecteur du travail qui doit intervenir dans un délai de huit jours suivant
sa saisine (861). Il s’agit d’une mise à pied spéciale, simple mesure d’attente qui n’a pas la
même nature que la mise à pied disciplinaire (862). La mise à pied conservatoire ne peut
être qualifiée de mesure d’attente que si elle s’accompagne de manière concomitante de la
procédure de saisine de l’inspecteur du travail sans délai. Cette simultanéité fait

859
Ibid, p. 330.
860
Dans ce sens, deux observations ont été relayées par le professeur Kettani : « L’employeur procédera
généralement à un licenciement immédiat mais provisoire en attendant l’avis [la décision] de l’inspecteur
du travail. Après ce délai, le licenciement peut devenir définitif », KETTANI Azzeddine, Cours de droit
social, Faculté de droit de Casablanca, (non daté), cité par EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 331.
861
Contrairement au droit marocain, le droit français marque toutefois une divergence sensible dans son
interprétation et son appréhension de la mise à pied conservatoire. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation en
date du 3 février 2010, la mise à pied à titre conservatoire n’a pas forcément l’obligation de prendre un
caractère disciplinaire et ne fixe pas la nature du licenciement. Cass.soc., 3 février 2010, n° 07-44.491,
RDT., 2010, p. 299. Pour sa part, le législateur marocain s’est voulu plus restrictif estimant avec constance
que le recours à cette mesure impliquait l’existence d’une faute grave (article 459 al. 1 er du Code du travail
marocain).
862
Si la mise à pied comme sanction disciplinaire ne doit pas dépasser huit jours selon l’article 37 al. 3 du
Code du travail marocain, et la mise à pied conservatoire comme mesure temporaire dans l’attente d’une
autorisation administrative de licencier dans un délai n’excédant pas la même durée, c’est-à-dire huit jours,
cela est le fait du hasard et ne veut pas dire que les deux mesures ont le même fondement. V, BENNANI
Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du code du travail : les relations individuelles du
travail, t. 2, livre 2, éd. Najah Al Jadida, 2007, p. 916 (en arabe).

202
apparaitre qu’il ne s’agit pas d’une sanction autonome mais d’un moyen destiné à écarter
immédiatement le salarié de l’entreprise (863). La mise à pied conservatoire suspend le
contrat de travail mais le délégué des salariés reste lié à son employeur jusqu’à ce que
celui-ci obtienne l’autorisation de licencier.

b) La sanction des représentants des travailleurs : une voie encadrée

Quoi qu’il en soit de la portée exacte de l’article 457 CTM, on ne peut sans
circonspection l’employer au titre de règle en cette matière. Il est en contradiction avec
les idéaux de plusieurs auteurs qui considèrent que l’intervention administrative qui ne se
manifeste que sous forme d’un acquiescement ou d’un refus de licencier les délégués, est
en elle-même une mesure insuffisante pour protéger ces salariés (864).

Cet article se limite à disposer que le licenciement ou l’une des mesures disciplinaires
y indiquées ne doivent être prononcées que sur « décision ayant l’accord de l’agent
chargé de l’inspection du travail ». Il s’ensuit que la décision de l’employeur est
conditionnée par le contrôle a priori de l’inspecteur du travail. Mais le droit marocain ne
fixe aucune forme particulière pour la présentation de cette demande. Pour cette raison et
par raisonnement par analogie avec le droit français, ce dernier pourrait être révélateur
pour le droit marocain. Ainsi, dans un souci probatoire, l’employeur aura plutôt intérêt à
présenter sa demande d’autorisation à l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement
où est employé le salarié concerné (865) sous la forme d’une lettre recommandée avec avis
de réception (866). Il est aussi tenu d’indiquer à cet agent les motifs de la sanction

863
BLAISE Henri, « La mise à pied conservatoire », D.S., n° 3, 1986, p. 220.
864
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 332 ; BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2,
2005, p. 417.
865
Article L. 2421-3 al. 3 du Code du travail français. Il est de jurisprudence constante en France que
l’établissement auquel est rattaché le salarié doit disposer d’une autonomie de gestion et de décision
suffisante pour fonder la compétence de l’inspecteur du travail, V, CE, 12 octobre 2006, n° 287489, cité par
SIMONNEAU Maryline et COUVRET Jeannine, Protection des représentants du personnel, art.cité, p. 39,
n° 77; CE, 12 avril 1991, n° 77540, RJS., n° 6, 1991, n° 727 ; V, aussi Circ. DGT n° 07-2012 du 30 juillet
2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des
salariés protégés. Cette circulaire vient préciser les modalités d’instruction des demandes d’autorisation
relatives à la rupture du contrat de travail des salariés protégés et la portée du contrôle à opérer par l’autorité
administrative.
866
Le respect de la lettre recommandée avec avis de réception est, à notre avis, une formalité importante
pour des raisons évidentes de preuve et parce qu’elle fait courir le délai dont dispose l’inspecteur du travail
pour statuer sur la demande.

203
envisagée, le ou les mandats du salarié visé et le procès-verbal de la réunion du comité
d’entreprise (867), dans les cas où le mandat du salarié l’exige, afin de permettre à
l’inspecteur du travail d’exercer son contrôle. Il est également recommandé de joindre,
dès la formulation de la demande, l’ensemble des pièces justificatives nécessaires ( 868) à
la bonne instruction du dossier par cet agent.

Il appartient alors à l’inspecteur du travail de vérifier la matérialité du motif avancé


par l’employeur pour justifier la sanction envisagée. Ainsi, la sanction, qui ne doit pas
être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance
syndicale de l’intéressé, ne sera prononcée qu’avec l’autorisation de l’inspecteur du
travail, mais pas avant d’avoir entendu le salarié intéressé.

2) Intervention de l’inspecteur du travail

Les deux systèmes juridiques marocain et français ont en commun de reconnaitre


qu’aucune sanction disciplinaire à l’égard d’un représentant des travailleurs ne peut être
prononcée sans l’autorisation de l’inspecteur du travail. Toutefois, il existe pour les
inspecteurs du travail marocains une difficulté que ne connaissent pas leurs homologues
français. Le Code du travail marocain n’a pas donné d’indication quant à la façon dont il
convenait d’exercer le contrôle ou l’audition des parties. La rédaction de ce code laisse
une large place à l’interprétation et les règles qu’il consacre sont relativement vagues. Le
droit marocain laisse donc, pour ainsi dire, la question entièrement aux mains des
inspecteurs du travail.

Dans cette perspective, il serait davantage nécessaire pour le législateur marocain de


fixer les modalités de cette procédure de contrôle par l’agent chargé de l’inspection du
867
Cette mesure est spécifique au droit français. Selon l’article L. 2421-3 du Code du travail français, le
projet de licenciement d’un salarié protégé est obligatoirement soumis à la consultation du comité
d’entreprise s’il existe (sauf si le licenciement concerne un délégué syndical ou un salarié assimilé au regard
de la protection). Celui-ci est saisi et consulté postérieurement à l’entretien préalable (article R. 2421-8) et
préalablement à la demande adressée à l’inspecteur du travail et qui doit être accompagnée du procès-verbal
de la réunion du comité d’entreprise (articles R. 2421-10 et R. 2421-6 en cas de mise à pied). Le comité
d’entreprise est simplement consulté sur le projet de licenciement du salarié protégé, l’inspecteur du travail
doit être saisi, quel que soit cet avis. À défaut de comité, l’inspecteur est immédiatement saisi après
l’entretien préalable (article L. 2412-3 al. 2).
868
Les documents qui ont déterminé l’employeur à former sa décision de licenciement ; les témoignages
éventuels et toutes les pièces justificatives du motif du projet de licenciement ; la lettre de convocation à
l’entretien préalable, etc. La jurisprudence a été précise sur ce point en décidant que l’inspecteur du travail
doit refuser l’autorisation sollicitée lorsque la demande n’indique pas le motif de licenciement, mais renvoie
à des pièces justificatives jointes, notamment le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise, CE. 20
mars 2009, n° 308346, RJS., n° 7, 2009, n° 646.

204
travail, dans la mesure où les articles font peu d’allusions au rôle exact de ce dernier dans
cette procédure. Ils se contentent, notamment l’article 459 al. 2 du Code du travail
marocain, de prévoir que l’inspecteur du travail est tenu, d’une part, de faire connaitre sa
décision d’autorisation ou de refus dans les huit jours suivant sa saisine et, d’autre part, de
motiver sa décision.

Pour les raisons exposées, nous croyons pouvoir dire qu’un tel développement aurait
été souhaitable pour simplifier le travail de l’inspecteur. Mais une fois encore, cet aperçu
nous confirme que des éléments pertinents de comparaison avec le droit marocain
peuvent être trouvés en droit français.

L’intervention de l’administration du travail, au travers de l’analyse du droit,


constitue la garantie de la mise en œuvre de la protection des représentants des
travailleurs (869). C’est précisément ce que souligne une partie de la doctrine : « la saisine
de l’inspecteur du travail constitue un moment fort dans ses relations avec l’entreprise,
car ses pouvoirs cantonnent directement et symboliquement ceux du chef d’entreprise et
peuvent remettre en cause son autorité » (870). Ce domaine est d’autant plus sensible que
la demande peut révéler des enjeux et des stratégies qui dépassent parfois les motifs
affichés par les parties (volonté discriminatoire, climat social dégradé, etc.), l’inspecteur
restant techniquement tenu par les termes de la demande et ne devant pas la requalifier
(871).

a) Défaut d’encadrement par le code du travail de l’enquête


contradictoire

L’encadrement par le Code du travail marocain de l’enquête à laquelle doit procéder


l’inspecteur du travail avant de statuer sur la demande d’autorisation de licenciement est

869
MAGGI-GERMAIN Nicole, « Le licenciement des salariés protégés : processus et enjeux », art.cité, p.
193.
870
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, 2ème éd. 2013, ouvr.cité, p. 107.
871
CA de Casablanca., arrêt n° 1289 du 24 octobre 1983, Dos. soc n° 2485/9 et 2496/9, cité par BENNANI
Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du Code du travail, t. 2, livre 2, ouvr.cité, p. 915,
note 372 : « S’il est du droit de l’inspecteur du travail de donner son avis sur le refus ou l’acceptation du
licenciement d’un délégué des salariés, il ne lui appartient pas de suggérer, par lettre n° 7858, à
l’employeur de modifier la sanction de licenciement en mise à pied ».

205
inexistant, mais il n’est pas inutile de replacer cette enquête dans le cadre plus général de
la procédure que doit respecter l’employeur.

Ainsi, l’inspecteur du travail saisi procède à plusieurs vérifications. Après s’être


assuré que le salarié visé par la demande travaille bien dans un établissement qui relève
géographiquement de son contrôle, il doit vérifier que la demande d’autorisation de
licenciement comporte une qualification et énonce des motifs suffisants pour solliciter
cette autorisation. Il doit aussi examiner la ou les qualités en vertu desquelles le salarié
bénéficie d’une protection (872) et que celle-ci existe bien à la date à laquelle a été
envoyée la convocation à l’entretien préalable au licenciement (873). D’après les exigences
de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat français, il appartient au seul inspecteur du
travail de vérifier la régularité de la procédure préalable à sa saisine (874).

Une fois valablement saisi, l’inspecteur du travail doit, au terme d’une enquête
contradictoire (875), entendre personnellement et individuellement le salarié (876), mais
également l’employeur. Le salarié peut, sur sa demande, se faire assister par un
877
représentant de son syndicat ( ). L’employeur a aussi le droit de se faire représenter par

872
Ainsi comme certains auteurs, on peut dire que « cette exigence est naturelle, bien qu’elle ne figure pas
dans le code du travail. L’inspecteur du travail doit en effet s’assurer que le salarié bénéficie de la
protection légale », in ROSE Hubert et STRUILLOU Yves, Droit du licenciement des salariés protégés,
ouvr.cité, p. 311.
873
Cass.soc., 26 mars 2013, n° 11-27.964 : « L’existence du statut protecteur d’un salarié licencié
s’apprécie au jour de l’envoi de la convocation à entretien préalable au licenciement peu important que le
courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l’expiration de la période de
protection », in TOURREIL Jean-Emmanuel, « L’existence du statut protecteur d’un salarié licencié
s’apprécie au jour de l’envoi de la convocation à entretien préalable », JSL., n° 343, 14 mai 2013, p. 19.
874
Convocation à l’entretien préalable, éventuelle consultation du comité d’entreprise, etc., avec un contrôle
approfondi des délais et des écrits établis en fonction de la motivation de la demande. V, Cass.soc., 23
février 2005, n° 02-47.482, Bull. civ. V, n° 65 ; CE. 22 mai 2002, Sté civile Darbonne, n° 221600, RJS., n°
8-9, 2002, n° 1000.
875
Articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du Code du travail français. L’enquête de l’inspecteur du travail
constitue une formalité essentielle et son absence aboutit à la nullité de la procédure, V, CE. 4 décembre
1987, n° 73279, Sté Monoplast ; CE. 23 décembre 2010, n° 333169, RJS., n° 3, 2011, p. 225. En effet,
l’imposante Circulaire DGT n° 07-2012 du 30 juillet 2012 est venue préciser le formalisme qu'il convient
de donner à cette enquête : convocation personnelle et individuelle des parties, assistance des parties,
modalités de l'enquête, respect du contradictoire, communication aux deux parties des pièces et
témoignages recueillis par l'inspecteur. Les délais à respecter afin de permettre aux parties de préparer cette
enquête sont également rappelés.
876
CE. 23 février 1983, n° 41325, ministre du travail c/Machinet, Lebon., p. 78.
877
Cette question, en droit marocain, n’a pas échappé aux critiques de M. Boudahrain. Ainsi, il écrit : « En
l’absence de précision, on n’est pas certain que cet agent [l’inspecteur du travail] le fera [entendre
l’intéressé], ni même s’il acceptera que le délégué soit accompagné d’un représentant syndical, d’un avocat

206
son avocat (878). L’inspecteur vérifie l’absence de lien entre la mesure envisagée et le
mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par le salarié intéressé ( 879). Si la
demande d’autorisation est en rapport avec le mandat et la fonction du salarié, il est tenu
de refuser l’autorisation de licenciement (880). Il peut, toutefois, refuser d'autoriser le
licenciement en retenant des motifs d'intérêt général (881).

L’inspecteur prend en principe sa décision dans un délai de quinze jours (réduit à huit
jours en cas de mise à pied conservatoire) (882) qui suivent la réception de la demande
d’autorisation à moins que les nécessités de l’enquête ne justifient une prolongation de ce
délai (883). En droit marocain, le délai dans lequel l’inspecteur du travail doit prendre sa
décision est de huit jours dans les deux cas (884). Cette décision doit être motivée et

ou d’une autre personne susceptible de l’assister et/ou de le défendre. De même, on ne sait pas si
l’inspecteur du travail accédera à la demande d’audition des témoins à décharge, proposés éventuellement
par le délégué du personnel ou l’autre salarié visé par la future sanction ». BOUDAHRAIN Abdellah, Le
droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 417.
878
Circ. DGT n° 07-2012 du 30 juillet 2012 ; CE. 16 février 1996, n° 151401, RJS., n° 4, 1996, n° 424.
879
Articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du Code du travail français.
880
CE. 20 mai 1994, n° 106197, RJS., n° 8-9, 1994, n° 1017.
881
L’inspecteur du travail peut, pour refuser l’autorisation de licencier un représentant du personnel, retenir
un ou des motifs d’intérêt général relevant de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité sous réserve
qu’une atteinte excessive ne soit pas portée à l’un ou l’autre des intérêts en présence. CE. 28 février 2007,
n° 289390 ; CE. 3 mai 2006, n° 277079, cités par SIMONNEAU Maryline et COUVRET Jeannine,
Protection des représentants du personnel, ouvr.cité, p. 66, n° 134. Et dans une décision plus récente, le
Conseil d’État va plus loin, il pose ainsi que « Si les dispositions du Code du travail ne sauraient permettre
à une protection acquise postérieurement à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation à
l'entretien préalable au licenciement de produire des effets sur la procédure de licenciement engagée par
cet envoi, l'autorité administrative doit toutefois avoir connaissance de l'ensemble des mandats détenus à la
date de sa décision, y compris ceux obtenus le cas échéant postérieurement à cette convocation, afin d'être
mise à même d'exercer son pouvoir d'appréciation de l'opportunité du licenciement au regard de motifs
d'intérêt général », CE. 27 mars 2015, n° 366166, SAS Établissements Cuny et a., in KERBOUC’H Jean-
Yves, « L’autorité administrative doit être informée des mandats obtenus après convocation à l’entretien
préalable au licenciement », JCP. S., n° 39, 22 septembre 2015, 1332.
882
Articles R. 2421-4 al. 2 et R. 2421-11 al. 2 du Code du travail français.
883
Les parties doivent normalement être avisées de la prolongation. Cependant, l'intervention de la décision
postérieurement à l'expiration du délai sans que celui-ci ait été expressément prorogé, n’entache toutefois
pas la procédure d’illégalité. V, CE. 31 juillet 1992, n° 90146, cité par Rédaction des Éditions Francis
Lefebvre, Représentation du personnel, 2013-2014, éd. Francis Lefebvre, 2012, p. 915, n° 87760.
884
Article 459 al. 2 du Code du travail marocain. Force est de constater que même si cet alinéa fait partie
des dispositions relatives à la procédure de licenciement pour faute grave du représentant des travailleurs, il
s’applique aussi aux autres sanctions disciplinaires, y compris à un licenciement non motivé par la faute
grave puisqu’il renvoie expressément aux articles 457 et 458 du même code. BOUDAHRAIN Abdellah, Le
droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 418. Il est aussi à noter que les sanctions disciplinaires
sont plus générales que les mesures disciplinaires prises à l’encontre du représentant des travailleurs dont
l’avertissement et le blâme n’y figurent pas (article 37- 1 et 2 du Code du travail marocain).

207
notifiée à l’employeur et au salarié (et à l’organisation syndicale concernée s’il s’agit
d’un délégué syndical) (885). Le silence gardé au-delà de ce délai ne peut valoir
autorisation de licenciement ; en revanche, seule la venue à expiration des délais de droit
commun propres aux décisions administratives est susceptible de faire naître une décision
implicite de rejet de la demande de l’employeur (886).

b) Répartition des compétences administratives et judiciaires

Dans le contentieux des décisions prises par l'autorité administrative saisie d'une
demande d'autorisation, la partie qui entend contester le bien-fondé de la décision
d'autorisation doit en contester la légalité devant l'autorité administrative et/ou le juge
administratif (887). Les parties disposent d'abord d’un recours hiérarchique devant le
ministre compétent : ce dernier soit confirme la décision de l'inspecteur, soit l'annule et,
dans ce cas, statue sur la demande d'autorisation (888). Ensuite, d’un recours contentieux
devant le juge administratif : ce dernier apprécie alors le respect de la procédure et le
bien-fondé du licenciement, ce qui peut le conduire à approuver la décision prise par
l'inspecteur du travail et/ou le ministre compétent ou à annuler cette décision.

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs de l'ordre administratif et


judiciaire, il appartient exclusivement au juge administratif de se prononcer sur la légalité
des décisions prises par l’autorité administrative dans l’exercice des compétences qui lui
sont reconnues. S'agissant des décisions prises sur les demandes concernant les salariés
protégés, elles doivent être considérées comme créatrices de droits soit au profit du salarié
et de son syndicat, en cas de refus, soit au profit de l’employeur, en cas d’autorisation. La
juridiction administrative jouit dès lors d'une compétence apparemment exclusive en cette

885
L'obligation de motivation de la décision résulte, en droit français, des dispositions des articles R. 2421-5
et R. 2421-12 du code du travail, et en droit marocain de l’alinéa 2 de l’article 459 du Code du travail et de
l’article 1er de la loi n° 03-01 relative à l'obligation de la motivation des décisions administratives émanant
des administrations publiques, des collectivités locales et des établissements publics. Elle implique
l'obligation pour l'Administration d'indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée.
886
CE. 22 février 1988, Sté Vachette et Martel, no 73747, inédit.
887
Ces recours n’ont, en principe, pas d’effet suspensif sur la décision attaquée, laquelle est applicable
immédiatement. V, Cass.soc., 12 mai 1998, n° 95-44.214, RJS., n° 6, 1998, n° 777 ; Cass.soc., 5 mars 1991,
n° R 90-81.886 D, RJS., n° 5, 1991, n° 608.
888
Article R. 2422-1 du Code du travail français.

208
matière. Le juge judiciaire n’a donc plus aucune compétence pour ce qui est du principe
du licenciement (889).

Toutefois, et à notre connaissance, l'exercice par l'administration du travail de ses


pouvoirs de décision et de contrôle des licenciements des salariés protégés n'a donné lieu
qu'à un contentieux très réduit et aucune jurisprudence administrative n’est venue valider
ce principe. Cette situation nous semble, cependant, très nuancée puisque, dans les faits et
avant la création des tribunaux administratifs (890), une jurisprudence constante (891) ne
considérait pas comme « administratives » les décisions prises par des entreprises
publiques poursuivant des activités industrielles ou commerciales, lorsque ces actes
portaient sur le licenciement des travailleurs liés à elles par des contrats individuels de
travail (de droit privé) et partant, ce sont les tribunaux ordinaires qui étaient compétents.
De l'intrusion des juridictions de l'ordre administratif dans le contentieux de certains
licenciements (892) résultent ainsi des éléments de complication et d'incertitude (893).

Lorsque, sur recours hiérarchique ou contentieux, la décision autorisant le


licenciement est annulée, le salarié est normalement en droit de demander sa réintégration
dans son emploi ou dans un emploi équivalent assortie d’une indemnisation
correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son

889
La Cour suprême marocaine (actuelle Cour de cassation) a rendu depuis longtemps une décision
admettant que « le juge du fait devait s’en tenir à l’avis favorable de cet agent [l’inspecteur du travail] à
propos du licenciement d’un délégué du personnel, les autres considérations du tribunal du travail n’ayant
aucun effet sur le jugement », C.S., Ch. soc., n° 211 du 10 juin 1974, Dos. soc n° 33.992 (non publié), cité
par BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 261, note 1.
890
Loi n° 41-90 promulguée par le dahir n° 1-91-225 du 10 septembre 1993 instituant des tribunaux
administratifs, B.O n° 4227 du 3 novembre 1993, p. 595.
891
Cass.adm., n° 231 du 25 décembre 1986, Dos adm., n° 7125/85, JCS., n° 40, 1988, p. 223 ; Cass.soc., n°
103 du 15 avril 1992, Dos soc., n° 8138/90, JCS., n° 46, 1992, p. 194.
892
Si le salarié entend obtenir la condamnation de l'employeur pour des chefs de préjudice échappant à la
compétence du juge judiciaire, il doit, alors, contester la légalité de la décision administrative et demander à
ce que la juridiction judiciaire décide de surseoir à statuer en attendant que le juge administratif s’y
prononce. La règle reste que le juge administratif dispose du monopole de l'appréciation de la légalité des
actes administratifs. Il est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant, par voie de question
préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige
relevant à titre principal de l'autorité judiciaire : V, article 44 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux
administratifs au Maroc et la décision du Tribunal des conflits en France : T. confl. 17 octobre 2011, req.
no 3828, SCEA du Chéneau et autres c/ l'interprofession nationale porcine (INAPORC) et autres, AJDA., n°
1, 2012, p. 27.
893
CHELLE Dominique, « Le licenciement du salarié devant la Cour de cassation et le Conseil d’État »,
D.S., n° 3, 1991, p. 211.

209
licenciement et sa réintégration (894). Le même principe est applicable en cas de
licenciement prononcé sans autorisation ou malgré un refus d’autorisation.

3) Violation de la procédure et qualification de l’acte

Si le licenciement, la plus grave mesure prise par l’employeur, est prononcé en


méconnaissance de la procédure impartie, cela ne doit-il pas entraîner immanquablement
sa nullité ? Par rapport au droit français, le droit marocain ne connait pas, à ce jour, une
telle conception. Si, en droit français, ce licenciement est considéré comme nul (895), le
droit marocain adopte une conception civiliste contractuelle qui permet de le qualifier
d’abusif (896).

Ainsi, si comme M. Guiomard, on peut qualifier la nullité de « sanction du défaut de


validité d’un acte juridique [qui] aurait pu être envisagée comme l’une des sanctions du
licenciement prononcé au mépris des règles de fond et de procédure » (897), cette
argumentation ne trouve pas grâce aux yeux du droit marocain où le principe « pas de
nullité sans texte » est tantôt invoqué comme un principe qui transcende toutes les
branches du droit, tantôt renvoyé à sa catégorie d’origine, le droit processuel, celui de la
procédure civile (898).

894
Articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du Code du travail français.
895
Tout licenciement d’un salarié protégé prononcé sans autorisation ou malgré un refus d’autorisation de
l’inspecteur du travail est irrégulier et automatiquement frappé de nullité : Circ. DGT n° 07-2012 du 30
juillet 2012, fiche 19. En France, la nullité du licenciement du salarié protégé, lorsque l’autorisation
administrative fait défaut, a été proclamée depuis 1948 : Cass.soc., 3 juin 1948, Bull. civ., V, n° 557 ; Cass.
soc. 12 mars 1959, Bull. civ., V, n° 369, p. 302 ; Cass.soc., 28 octobre 1975, Bull. civ., V, n° 488, p. 426.
896
Cass.soc., arrêt n° 238 du 5 mars 2008, Dos. soc n° 564/5/1/2007, JCS., n° 71, 2009, p. 338 : « Toute
mesure disciplinaire envisagée par l’employeur à l’encontre d’un délégué du personnel doit être soumise à
l’accord préalable de l’inspecteur du travail sous peine de considérer la décision de l’employeur entachée
d’abus et ouvrant droit à réparation au profit du salarié » ; Cass.soc., n° 78 du 24 janvier 2007, Dos. soc n°
822/5/1/2006, Rehab Al Mahakim (Places des Tribunaux)., n° 9, 2010, p. 125 : « L'employeur ne peut en
effet pas arguer de l'ignorance du statut protecteur du salarié pour s'exonérer de la procédure spéciale de
licenciement. La saisine de l’inspecteur du travail afin qu’il s’exprime sur le licenciement du délégué des
salariés est une formalité substantielle et obligatoire sous peine de considérer le licenciement comme
abusif ». Il est à noter que le licenciement abusif correspond au licenciement sans cause réelle et sérieuse en
droit français.
897
GUIOMARD Frédéric, La justification des mesures de gestion du personnel. Essai sur le contrôle du
pouvoir de l’employeur, Th. Paris X, 2000, p. 217.
898
GAURIAU Bernard, « Licenciement nul et droit à réintégration : la salariée enceinte est un salarié
comme les autres. Cour de cassation, ch. sociale 30 avril 2003, Velmon », D.S., n° 9-10, 2003, p. 828.

210
L’existence d’une véritable protection des représentants des travailleurs exige la
reconnaissance de l’illégalité du licenciement et après qu’ait été constatée la nullité (899)
de cette mesure, du moins en principe, la remise en l’état, c'est-à-dire que la réintégration
(900) du salarié doit être faite dans l’emploi qu’il occupait précédemment ainsi que dans
ses fonctions représentatives. Il doit aussi recouvrer ses salaires. Malheureusement, tous
ceux dont la « nullité » du licenciement était proclamée n’en bénéficient pas. La logique
indemnitaire gouverne l’essentiel des sanctions (901) relatives aux licenciements
irréguliers ou ceux dont l’autorisation a été annulée par voie de recours.

a) L’évitement de la nullité/réintégration par la prévalence d’une logique


indemnitaire

Telle semble la voie suivie par la Cour de cassation marocaine dans l’hypothèse d’un
licenciement prononcé en méconnaissance de la procédure spéciale de protection des
représentants ou en cas d’autorisation annulée. Elle le sanctionne par les règles
applicables au licenciement abusif. Or, la sanction du licenciement abusif se traduit, dans
la plupart des cas, par la réparation par l’employeur du préjudice subi, puisque la
réintégration ne peut qu’être proposée par le juge et nécessite en outre une acceptation de
chacune des parties.

Le fondement de l’indemnisation en l’absence de texte reste malgré tout incertain. La


loi marocaine prévoit une sanction pécuniaire dérisoire (902) à l’égard du contrevenant,
sans que soit désigné nommément l’employeur ou son représentant, ayant méconnu les
formalités de licenciement des représentants des travailleurs et ne dit mot sur les
modalités de la réparation du préjudice en résultant. Les textes n’ont jamais affirmé
explicitement la règle. La jurisprudence marocaine, de sa part, a posé le principe de

899
La nullité du licenciement doit être distinguée d’un licenciement jugé abusif (sans cause réelle et
sérieuse). Le licenciement nul est réputé ne jamais avoir existé. ESPIÉ Christine, Le licenciement pour
motif personnel, éd. Dunod, Paris, 2010, p. 50.
900
En France, la terminologie délaisse peu à peu l’utilisation du mot “réintégration” au profit d’une
expression mieux adaptée juridiquement : “la poursuite de l’exécution du contrat de travail”.
901
RIEU Alexandrine, Le droit du travail et les concepts de droit administratif, Th. Cergy-Pontoise, 2006,
p. 157.
902
L’article 462 al. 2 du Code du travail marocain prévoit une amende de 10000 à 20000 Dirhams (environ
920 à 1840 euros) en cas de non respect de la procédure prévue par les articles 457, 458 et 459 dans les cas
prévus par lesdits articles.

211
l’assimilation du licenciement irrégulier ou nul et du licenciement abusif et le principe
d’une indemnisation due à raison de l’inobservation des formalités protectrices dans
l’hypothèse où la réintégration n’est pas réclamée par le salarié.

Il est difficile d’admettre, comme cela peut être le cas pour un salarié ordinaire
licencié abusivement, la substitution de la réintégration par l’allocation de dommages-
intérêts, même si son montant est majoré de 100% (903). Le licenciement en cause ne
visait-il pas principalement à entraver les fonctions représentatives du salarié ? (904).

b) Réintégration : les difficultés du recours à l’équité

La protection des représentants des travailleurs pourrait être recherchée dans une
action du juge orientée vers la protection de la victime plutôt que vers la réparation
pécuniaire ou la condamnation de son auteur (905). Le juge peut ordonner en référé la
réintégration provisoire du salarié dans ses fonctions initiales, dès lors que le licenciement
non autorisé peut constituer une voie de fait ou un trouble grave (906) qu’il convient de
faire cesser d’urgence. Le juge ordonne provisoirement la remise des parties dans leur état
antérieur sans examiner le fond du litige, ni préjuger sa solution.

Mais ce à quoi se sont attachées la pratique et la jurisprudence, c’est transformer la


réintégration ou le refus de réintégrer le salarié en indemnités dont le montant était laissé
903
L’article 58 du Code du travail marocain dispose : « Conformément aux dispositions prévues à l'article
53 ci- dessus, l'indemnité due au délégué des salariés et, le cas échéant, au représentant syndical dans
l'entreprise, licenciés au cours de leur mandat, est majorée de 100% ». V, C.S., Ch. soc., n° 600 du 20 mai
2009, Dos. soc n° 940/5/1/2008, Bulletin des arrêts de la Cour suprême : chambre sociale., n° 7, 2011, p.
65 : « Le représentant des salariés et le représentant syndical bénéficient d’une indemnité double même en
cas de licenciement pour motif économique et non seulement en cas de licenciement disciplinaire » ; C.S.,
Ch. soc., n° 318 du 30 mars 2005, Dos. soc n° 1151/05, inédit, cité par ALAOUI Bouchra, Le licenciement
abusif du salarié à la lumière de la jurisprudence, ouvr.cité, p. 348. Ce qui n’était pas le cas avant l’entrée
en vigueur du Code du travail en 2004 qui prévoit dans son article 472 que les représentants syndicaux
bénéficient de la même protection que les délégués des salariés ; C.S., Ch. soc n° 1398 du 28 décembre
1999, Dos. soc n° 660/98, Cabinet Bassamat, url :
http://www.jurisprudence.ma/decision/ccass2812199966098 : « Aux termes de l’article 2 du décret royal
du 14 août 1967, seuls les délégués du personnel ont droit à une indemnité doublée en cas de licenciement
à l’exclusion des représentants syndicaux ».
904
Le délit d’entrave aux fonctions des représentants entraine, s’il est justifié, la condamnation à une
amende de de 10000 à 20000 Dirhams (environ 920 à 1840 euros) selon l’article 462 al. 2 du Code du
travail marocain.
905
RIVÉRO Jean, « Les libertés publiques dans l’entreprise », D.S., n° 5, 1982, p. 421
906
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 421.

212
à l’appréciation des tribunaux dans l’ancien droit (907) et qui est aujourd’hui calculée de
manière plus claire (908). L’obstination des juges et leur préoccupation d’exécuter les
décisions de justice fondent sans aucun doute l’application qui pourrait être faite de
l’article 448 du Code de procédure civile marocain (909). Seulement, la Cour suprême,
après avoir admis pendant un certain temps la possibilité pour les juges du fond de
prononcer la réintégration (910), a levé l’obstacle que pouvait constituer l’application de ce
texte en permettant au juge de prononcer une astreinte (911), moyen de pression destiné à
contraindre l’employeur à une exécution effective et rapide. La Cour suprême
n’approuvant plus les juges du fond n’a pas retenu cet argument et a eu une position très
tranchée en posant le principe qu’en droit du travail, le salarié dont l’employeur refuse la
réintégration ne peut que recourir à une demande d’indemnisation du préjudice subi par le
licenciement abusif (912).

907
Article 754 al. 4 du D.O.C. l’obligation de réintégration constituant une obligation de faire dont
l’inexécution ne peut donner lieu qu’à des dommages-intérêts. V, C.S., Ch. soc., n° 1117 du 23 novembre
2005, Dos. soc n° 823/5/1/2005, Al Ichâa., n° 33, 2008 : « Doit être cassé l’arrêt qui a revu à la hausse les
dommages-intérêts pour licenciement abusif sans mettre en exergue les éléments de calcul visés à l’article
754 du D.O.C ».
908
Article 41 du Code du travail marocain.
909
L’article 448 du Code de procédure civile marocain prévoit que : « Lorsque le poursuivi se refuse à
accomplir une obligation de faire ou contrevient à une obligation de ne pas faire, l'agent chargé de
l'exécution le constate dans son procès-verbal et rend compte au président, lequel prononce une astreinte si
cela n'avait été fait.
Le bénéficiaire de la décision peut, en outre, solliciter de la juridiction l'ayant prononcée, l'allocation de
dommages-intérêts ».
910
C.S., Ch. soc., n° 376 du 28 mai 1984, Dos. soc n° 5099, Revue de Jurisprudence et de Loi., n° 135-136,
1986, p. 191.
911
C.S., Ch. soc., n° 1581 du 10 juin 1991, Dos. soc n° 8519/90, GTM., n° 66, 1992, p. 105 : « Expose son
arrêt à la cassation, la Cour d’appel qui condamne l’employeur à une astreinte pour refus d’exécuter la
décision de réintégration. L’employeur ne peut être contraint de réintégrer un salarié. Ce dernier dispose
uniquement du droit de solliciter l’allocation d’indemnités de rupture ».
912
C.S., Ch. civ., n° 2182 du 1er novembre 1989, Dos., n° 477/ 83, JCS., n° 45, 1991, p. 17 : « En cas de
manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, le salarié, a le droit, conformément aux
principes généraux applicables en la matière dont notamment l'article 6 de l'arrêté viziriel de 1948, de
demander soit la réintégration à son poste de travail qui est une forme d'exécution réelle du contrat, ou à
défaut une indemnisation correspondante. Dans le cas de la demande de sa réintégration, celle-ci englobe
implicitement celle de tous les autres droits. Si le salarié en a été débouté, ou si son employeur refusait
d'exécuter le jugement de sa réintégration, il est en droit de demander l'indemnité pour licenciement
abusif ».

213
Les arguments mis en avant sont ceux du réalisme et de la bonne marche des
entreprises. Pourtant, le code du travail n’exclut pas toute place pour la réintégration (913).
Mais un obstacle majeur demeure. L’obligation de réintégration étant une obligation de
faire se heurte à l’article 261 du D.O.C (914), elle se résout en dommages-intérêts. Dans
ces conditions, tout l’effet de la sanction est neutralisé (915), et les bienfaits de la solution
(allocation de dommages-intérêts) profiteraient au seul représentant et non au groupe
représenté.

913
Aux termes de l’article 41 du Code du travail marocain : « … Le salarié licencié pour un motif qu’il juge
abusif peut avoir recours à la procédure de conciliation préliminaire prévue au 4 ème alinéa de l’article 532
ci-dessous aux fins de réintégrer son poste ou d’obtenir des dommages-intérêts […] À défaut d’accord
obtenu au moyen de la conciliation préliminaire, le salarié est en droit de saisir le tribunal compétent qui
peut statuer, dans le cas d’un licenciement abusif du salarié, soit par la réintégration du salarié dans son
poste ou par des dommages-intérêts dont le montant est fixé sur la base du salaire d’un mois et demi par
année ou fraction d’année de travail sans toutefois dépasser le plafond de 36 mois ». Toutefois, malgré la
lettre de cet article, il ne peut constituer un fondement solide aux décisions judiciaires pouvant accorder
facilement la réintégration du représentant des travailleurs, puisqu’il laisse au tribunal compétent le choix
entre la réintégration et l’allocation de dommages-intérêts. Ce texte demeure inexploité, sans doute trop
jeune pou cela.
914
En vertu de cet article : « L’obligation de faire se résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution… ».
Ce texte correspondrait à l’article 1142 du Code civil français. Version en vigueur jusqu’au 1 er octobre
2016. Article modifié par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (article 2) portant réforme du droit
des contrats, du régime général de la preuve des obligations.
915
Cette remarque semble avoir déjà été mise en lumière par M. Bruneau qui affirme que « c’est ainsi
pourtant que l’a entendu la Cour de cassation [française] pendant un certain temps : Cass.soc., 27
novembre 1952, D., 1953, p. 239 », in BRUNEAU Laurent, Contribution à l’étude des fondements de la
protection du contractant, Th. Toulouse 1, 2005, p. 185.

214
Section 2 : La conciliation

Confier la responsabilité de la conciliation à l’organe chargé de l’inspection du travail


pose en permanence la question de l’articulation des missions de contrôle et de
conciliation. Dans ce sens, la Convention n° 81 de l’OIT indique « … que si d’autres
fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, elles ne devront pas faire obstacle à
l’exercice de leurs fonctions principales » (916). La mission première de l’inspecteur du
travail est une mission de contrôle. Il est donc atypique d’envisager l’inspecteur comme
agent de contrôle à un moment et comme agent de pacification à un autre (917).

Les procédures prévues par la législation du travail s’avèrent inadaptées à la


complexité des conflits du travail. Le Code du travail français distingue entre les conflits
individuels qui relèvent de la compétence prud’homale, laquelle implique la conciliation
prud’homale prévue aux articles L. 1411 et suivants, et les conflits collectifs soumis aux
procédures de conciliation, de médiation et d’arbitrage prévues aux articles L. 2522-1 et
suivants. En droit marocain, la loi admet la mise en œuvre de la procédure de conciliation
par l’inspecteur du travail dans les conflits individuels (§ 1) et collectifs (§ 2) avec deux
régimes différents.

Avant l’avènement du code du travail marocain, les inspecteurs du travail ont


toujours été amenés à intervenir de manière informelle pour trouver des solutions
amiables aux conflits en raison de leur position d’interlocuteur et de leur connaissance de
l’entreprise. La conciliation n’est ni une transposition, ni une imitation. Elle s’inscrit dans
le contexte de traditions nationales dans la mesure où elle repose principalement sur
l’accord des parties. Elle renoue, d’une certaine manière, avec l’histoire de l’institution du
mohtassib.

Aujourd’hui, la conciliation occupe une place de premier plan dans les procédures de
règlement des conflits du travail au Maroc. Son développement est fortement encouragé
par les pouvoirs publics soucieux, surtout en matière de conflits collectifs, de maintenir la
paix sociale et de s’assurer que l’issue ou le règlement intervenu est compatible avec leur

916
Article 3 a 2 de la Convention n° 81 de l’OIT.
917
BARRET Emma, Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail, Th. Bordeaux IV,
2006, p. 60.

215
politique économique. Des résultats probants lui sont attribués par les officiels. Toutefois,
l’image de ce succès serait davantage à nuancer.

§ 1. La conciliation dans les conflits individuels au Maroc

Le recours au processus de conciliation de l’inspecteur du travail constitue sans doute


un trait marquant dans le traitement des conflits du travail au Maroc, même si la diversité
des hypothèses de l’individuel au collectif, rend toujours hasardeuses les affirmations
aussi générales. Face au processus juridictionnel de règlement des litiges, très largement
décrit par des règles textuelles, l’activité consistant à rechercher une solution de type
amiable est beaucoup moins encadrée (918). Les conflits du travail ont servi de berceau à
la pratique du recours à la conciliation de l’inspection du travail, bien avant que celle-ci
ne soit encadrée par des textes au niveau des conflits individuels au Maroc.

A s’interroger sur l’adéquation de cette forme négociée de résolution des conflits du


travail, on peut examiner le fonctionnement de ce processus de conciliation de
l’inspecteur du travail. Mais outre que le contexte de la recherche d’un accord est ici bien
différent de celui ayant généré la pratique des juridictions étatiques, la question demeure
de savoir comment mesurer l’efficacité de ce préalable, parfois nécessaire, de
conciliation. Le taux des affaires donnant lieu à un procès-verbal de conciliation ne donne
sans doute pas une image complète des cas dans lesquels cette première phase a abouti à
une solution négociée du conflit, dans la mesure où l’accord intervenu n’est pas
nécessairement constaté par un procès verbal (919).

A) La conciliation dans les conflits individuels au Maroc : une


institutionnalisation manifeste

918
RIVIER Marie-Claire, « Modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail », Justices, Revue
Générale de Droit Processuel, n° 8, 1997, p. 35.
919
C’est le cas dans la procédure de conciliation préliminaire prévue par l’article 41 du Code du travail
marocain où le salarié licencié pour un motif qu’il juge abusif peut recourir à cette procédure afin d’obtenir
des dommages-intérêts ou une réintégration à son poste. Dans le cas d’obtention de dommages-intérêts, seul
un récépissé de remise du montant est signé par le salarié et l’employeur et également contresigné par
l’agent chargé de l’inspection du travail. Il n’est point fait mention à la constatation dans un procès-verbal
de l’accord obtenu.

216
Compte tenu du caractère préoccupant des conflits du travail, les incitations
législatives entrent à présent en phase avec la demande de régulation conventionnelle. La
méthode de conciliation et de prévention est depuis longtemps privilégiée au Maroc, tant
pour les conflits individuels que pour les conflits collectifs du travail.

Le droit français, en revanche, a opté pour un système un peu différent. En effet, les
procédures de règlement des conflits contenues dans le Code du travail français attestent
du choix du législateur de distinguer les conflits collectifs et les conflits individuels. Cette
distinction n’est pas en cause. Il est indéniable que les deux types de conflits qui
concernent des relations très différentes appellent un traitement adapté aux
problématiques qui les gouvernent. Le dirigisme étatique présent dans les procédures de
règlement des conflits collectifs et le monopole de la conciliation prud’homale procèdent
de l’idée parfaitement légitime qu’il est inconcevable de laisser les parties régler
discrétionnairement leur conflit dans une matière dominée par l’ordre public,
particulièrement en matière individuelle.

1) Une fonction légitimée par les textes

Depuis longtemps, l’inspecteur du travail s’est vu assigner le rôle d’intervention dans


les règlements des conflits du travail appelant, par nature, conciliation et arbitrage. Mais
l’action était dans un premier temps, officieuse (920) et avait lieu sans fondement légal. Un
pareil rôle de conciliation dans le cadre d’un conflit individuel était souvent tenu de fait
par l’inspecteur du travail marocain. Il s’agissait de pratique professionnelle ne reposant
sur aucune compétence juridique reconnue. L’approfondissement des problèmes d’emploi
et la crise des représentations du personnel poussaient de plus en plus les salariés, à titre
individuel, à la demande d’informations, de conseils ou d’intervention de l’inspection du
travail (921).

Toute l’ampleur de l’entrée en conciliation de l’inspection du travail à l’occasion des


conflits du travail se révèle avant l’arrivée du nouveau code du travail en 2004. L’idée

920
FONTAINE Laurence, La mission de l’inspecteur du travail en matière d’emploi, Mém. DEA Droit du
travail et de l’emploi, Toulouse 1, juin 1998, p. 68.
921
AUVERGNON Philippe, HAMDAN Leïla, BOULENOUAR Malika, « L’inspection du travail au regard
de la norme internationale. Proposition de comparaison Algérie-France », Revue Algérienne des Sciences
Juridiques, Economiques et Politiques, n° 4, 1997, p. 1236.

217
d’un inspecteur-conciliateur, apparue pragmatiquement, s’est développée de manière
informelle, s’est imposée et sa mission est officialisée (922).

Au niveau international, l’OIT émet des réserves sur l’exercice de ces fonctions. Il est
alors recommandé d’éviter de confier la mission de conciliation à l’inspecteur du travail
(923). C’est l’argument développé par cette organisation afin d’éviter aux inspecteurs une
surcharge de travail au détriment de la fonction principale (924). À ce titre, et à travers les
recommandations complémentaires des Conventions n° 81 et 86, l’OIT confirme son
souhait de décharger l’inspecteur du travail de la mission de conciliation, en principe,
non comprise dans le cadre de ses fonctions (925). La même réserve a été émise dans de
nombreux rapports de la commission d’experts pour l’application des conventions ( 926) et
du Bureau International du Travail (927).

D’ailleurs la fonction conciliatrice de l’inspection du travail en matière de conflits


individuels avait fait l’objet des remarques de la mission multidisciplinaire du BIT lors de
sa visite au Maroc (928). Le constat d’une surcharge de fonctions s’applique à cette

922
En France, l’ampleur de cette mission s’est révélée à partir de 1936 avec la loi du 31 décembre de la
même année ( J.O du 1er janvier 1937) mettant en place des dispositifs légaux de résolution des conflits par
la conciliation et l’arbitrage avant le recours à la grève ; loi du 24 juin 1936 : création de la possibilité
d’introduire dans les conventions collectives une procédure de conciliation permettant de solliciter la
présence de l’inspecteur du travail au sein d’une commission mixte à l’occasion de difficultés
d’interprétation, de d’application ou de révision.
923
La recommandation formulée en 1947 par la CIT désapprouve clairement la mission de conciliation.
(Recommandation n° 81 de 1947 annexée à la convention 81).
924
ZITOUNI.-A., « L’inspection du travail et le traitement des différends individuels de travail », Revue
Algérienne du Travail, n° 22, 1998, p. 87 (81-91).
925
VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, ouvr.cité, n° 569 à 577. V, également l’article 8 de
la recommandation n° 81 concernant l’inspection du travail : « Les fonctions des inspecteurs du travail ne
devraient pas comprendre la fonction d’agir en qualité de conciliateurs ou d’arbitres dans les différends du
travail ».
926
CIT, 71ème session, L’inspection du travail, Etude d’ensemble de la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations, Genève, 1985, p. 30.
927
Un rapport du BIT datant de 1971 avait émis de fortes réserves sur cette pratique en énonçant que : « les
fonctions des inspecteurs du travail ne devaient pas comprendre la fonction d’agir en qualité de
conciliateur dans les différends du travail ». BIT, L’inspection du travail – sa mission – ses méthodes,
Genève 1971, cité par PRÉVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 124, note 327.
928
Visite organisée entre le 13 mars et le 15 avril 1978 dans le cadre du Programme International pour
l'Amélioration des Conditions et du Milieu de Travail (PIACT). Il n’est meilleure illustration des difficultés
et incompatibilités occasionnées par la fonction de conciliation que celle relevée par cette mission
multidisciplinaire dans un accord obtenu suite à une conciliation comportant la mise à pied d’un salarié
d’une période de plus de huit jours, alors que l’article 6 du statut-type du 23 octobre 1948 (abrogé) dispose
que la mise à pied comme mesure disciplinaire ne peut excéder huit jours. V. SQUALLI Ali, Les conflits

218
mission qui prend un temps important des activités des agents et constitue une ponction
considérable sur le corps de l’inspection, déjà déficitaire par ses effectifs, au détriment
des tâches pour lesquelles ce corps existe.

Malgré que cette position a été controversée et a eu un écho au niveau national au


Maroc et en France, la tendance d’une institutionnalisation de la conciliation devant
l’inspecteur du travail se dessine, quoiqu’en France elle ne concerne que les conflits
collectifs. Dans ce même pays, Pierre Laroque invoquait très tôt l’incompatibilité de la
conciliation devant l’inspecteur du travail avec sa fonction répressive (929), mais la loi du
11 février 1950 (930) a consacré définitivement ce rôle.

a) La conciliation devant l’inspecteur du travail, une démarche qui vise


le règlement du litige

L’intervention de l’inspecteur du travail est essentiellement orientée sur les moyens


de maintenir une interaction positive entre les parties et les amener à un terrain d’entente.
Il entre progressivement dans un travail de conciliation, d’arrangement et de compromis.
Il tente de rapprocher les parties, de les éclairer sur les possibilités d’aboutir à une entente
qui pourrait satisfaire les intérêts essentiels (931) de chacune d’elles et de les faire adhérer
à un accord mettant fin à leur conflit. Là encore, c’est sa bonne connaissance de
l’entreprise qui favorise la mission de conciliation. On sollicite volontiers son aide pour
régler les conflits du travail, mais aussi pour les prévenir.

Au Maroc, la conciliation est considérée comme l’une des missions les plus
importantes de l’inspecteur du travail surtout au niveau des conflits individuels, peut-être

collectifs du travail et leurs modes de règlement pacifique en droits marocain et comparé, Th. Droit privé,
Univ. Fès, 1988/1989, p. 340 (en arabe).
929
Selon Pierre Laroque, « il est difficile pour (les inspecteurs du travail) de cumuler ces fonctions de
conciliation avec leurs habituelles fonctions de surveillance et de dépistage des violations de la loi et de
répression. Une telle hétérogénéité de fonction nuit à l’efficacité de la conciliation », V, VIANO Pierre,
« Le rôle de l’inspection du travail dans le règlement dans conflits collectifs, D.S., 1977, p. 96.
930
Loi n° 50-205 du 11 février 1950 relatives aux conventions collectives et aux procédures de règlement
des conflits collectifs du travail, J.O du 12 février 1950. Cette loi a introduit l’article R. 523-1 (actuel article
R. 2522-1) dans le Code du travail. Selon l’alinéa 1er de cet article « tout conflit collectif du travail est
immédiatement notifié par la partie la plus diligente, au préfet qui, en liaison avec l’inspecteur du travail
compétent, intervient pour rechercher une solution amiable ».
931
EL-HAKIM Jacques, « Les modes alternatifs de règlement des conflits dans le droit des contrats »,
RIDC., n° 2, avril-juin 1997, vol. 49, p. 348.

219
même la tâche la plus essentielle. Elle est exercée de façon isolée des autres fonctions de
contrôle et de surveillance de l’application la législation du travail (932) qui, bénéficient
quant à elles, d’une compétence générale du point vue des établissements contrôlés (933).

La caractéristique principale de la conciliation devant l’inspecteur du travail en


matière de conflits individuels est qu’elle se déroule en dehors de l’institution judiciaire.
Elle se distingue généralement par la célérité, l’absence de formalisme, l’économie des
débats purement juridiques ou processuels et la confidentialité. Le choix de ce mode
préalable répond aussi au souci de favoriser la proximité dans le règlement du conflit et la
recherche de solutions négociées (934). Il s’explique aussi par la croissance considérable
des conflits, l’encombrement des prétoires et la volonté de décharger les tribunaux.

b) Prépondérance des conflits individuels liés à la cessation de la relation


de travail

A travers ce processus de négociation, les parties en conflit ont la possibilité de porter


et sans formalités leur demande de règlement amiable en dehors de l’institution judiciaire
devant l’inspecteur du travail. Ce dernier, tenu à une obligation d’impartialité et de
discrétion, tend à recueillir l’adhésion des parties en conflit à un accord ou à une
transaction qui règle leurs différends (935). Nulle part les textes ne proposent un mode
d’emploi ou une procédure stricte pour une conciliation. La fonction de l’inspecteur-
conciliateur n’étant pas de donner son avis sur le litige mais de rapprocher les parties en
vue d’obtenir un accord.

Tel que mentionné dans le code du travail, le processus de conciliation est prévu aux
articles 41 et 532 du Code du travail marocain. Ainsi, les agents chargés de l’inspection

932
DESMARAIS Jacques, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail », RIDC., n°
2, 1997, vol. 49, p. 413.
933
AUVERGNON Philippe, LAVIOLETTE Sandrine et OUMAROU Moussa, Les fonctions assurées par
des inspecteurs et contrôleurs du travail dans le système d’administration du travail en Afrique
francophone subsaharienne, Service du dialogue social, de la législation du travail et de l’administration du
travail, Document n° 15, BIT, novembre 2007, p. 10.
934
KORICHE Mohammed Nasr-Eddine, « Justice et règlement des conflits du travail en Algérie »,
L’Année du Maghreb., III, 2007, p. 47.
935
EL-HAKIM Jacques, « Les modes alternatifs de règlement des conflits dans le droit des contrats »,
art.cité, p. 347.

220
du travail sont notamment appelés à procéder à des tentatives de conciliation en matière
de conflits individuels du travail. La demande de règlement à l’amiable peut être
présentée indifféremment par le travailleur ou l’employeur. Bien que le texte ne le précise
pas, on pense que cette possibilité est laissée à l’une ou l’autre des parties, importe peu
celle qui prendra, plus tard et éventuellement, l’initiative d’une procédure devant les
tribunaux (936). Mais le plus souvent, l’inspection du travail est saisie suite à la demande
de règlement amiable par le travailleur, rarement par l’employeur ( 937). D’ailleurs,
l’article 41 al. 3 du Code du travail marocain précise que dans le cas où un salarié
s’estime lésé suite à un licenciement qu’il juge abusif, il « peut avoir recours à la
procédure de conciliation préliminaire » (938) devant l’inspection du travail.

Il convient de signaler que cette procédure devant l’inspection du travail reste une
phase préliminaire et facultative. Elle constitue une alternative potentiellement attirante
pour éviter, aux salariés surtout, les embûches rencontrées lors d’une procédure judiciaire
traditionnelle : les coûts, les délais d’attente, mais principalement la lourdeur que peut
représenter le traitement d’une plainte. Malgré sa légalisation, le Code du travail ne fait
pas expressément de cette phase préalable au contentieux du travail un passage obligé. Il
la met à la charge de l’inspecteur du travail sans lui donner de directives précises ou
contraignantes.

2) La tentative de conciliation devant l’inspecteur du travail : une


procédure facultative d’origine légale

En fait, l’interprétation littérale du texte de l’article 532-4 du Code du travail


marocain fait valoir qu’il n’oblige l’agent chargé de l’inspection du travail que lorsqu’il

936
ISSA-SAYEGH Joseph, « La conciliation devant l’inspection du travail en matière de conflits
individuels », Penant., 1979, p. 389.
937
TPI de Settat, jugement n° 100 du 21 juin 2010, Dos.soc n° 549/13/10 (non publié). Il ressort de ce
jugement que c’est l’employeur qui a pris l’initiative de saisir l’inspecteur du travail en vue d’une tentative
de conciliation.
938
L’expression « peut avoir recours » confirme cette possibilité de choix et c’est d’ailleurs dans ce sens
que va la jurisprudence marocaine. C.A de Casablanca, arrêt n° 23/24 du 7 janvier 2008, Dos.soc n°
295/300 (non publié), cité par MAROUSSI Zouhir, « Le rôle de l’inspecteur du travail dans de la paix
sociale », Revue Marocaine des Etudes juridiques et judiciaires, n° 6, 2011, p. 142 (pp. 135-165), (en
arabe).

221
est saisi par l’une des parties au conflit, mais n’oblige aucune des deux parties à la
relation de travail de s’adresser à lui (939).

L’intervention de l’inspecteur du travail est matérialisée par un procès-verbal signé


par les parties au conflit et contresigné par ce premier. En effet, si les parties
comparaissent, l’inspecteur du travail procède à la tentative de conciliation et la
procédure de conciliation se termine sur un constat d’accord ou de désaccord, total ou
partiel ; un procès-verbal est dressé. Il énonce les points d’accord et de désaccord.

Mais la critique est ailleurs. Il faut relever le regrettable échec de règlement de


nombreux conflits qui pourraient ou devraient trouver facilement une solution auprès de
l’inspecteur du travail ; cependant, les parties refusent soit de comparaitre, soit de
procéder à la conciliation devant l’inspection du travail, préférant de loin, saisir les
juridictions, pratique qui éroderait l’autorité et le crédit moral de ce fonctionnaire et
risquerait d’encombrer les tribunaux.

a) Les pouvoirs de l’inspecteur du travail dans la recherche de l’accord

Du jour de la réception de la demande, l’inspecteur est saisi ; il ne peut refuser


d’essayer de concilier les parties au conflit et sa mission ne prendra fin qu’avec
l’établissement d’un procès-verbal de conciliation ou de non conciliation qui met fin de la
procédure à son niveau et le dessaisit du dossier. Ce schéma est simple, trop, d’ailleurs,
pour être exact car plusieurs points restent à envisager, d’ordre apparemment plus
technique. Dans ce sens, il n’a jamais été question dans les textes relatifs à la conciliation
dans les conflits individuels devant l’inspection du travail de déterminer ni de limiter la
durée de la mission de l’inspecteur conciliateur, ni quelle mesure sera prise par cet agent
au cas où l’une des parties refuse de se présenter à la conciliation (940).

939
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, p. 270.
940
Cette situation est décriée par certains, qui demandent à incriminer la carence de comparution devant
l’inspecteur du travail par analogie à l’incrimination du fait de mettre les agents chargés de l’inspection
dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions (art. 546 CTM), V. HATTAB Hassan, La relation entre
l’inspection du travail et la justice, quel pari ?, Mém. DESA, Univ. Mohammed V Rabat Souissi, 2008, p.
16 (en arabe). Sauf que cela porte atteinte au principe d’interdiction de l’incrimination par analogie, qui
interdit au juge de créer une incrimination ou même d’étendre un texte incriminateur à des cas voisins à
celui que la loi réglemente mais qu’elle ne prévoit pas explicitement.

222
Le Code du travail ne dévoile pas l’acte par lequel l’inspecteur est saisi. Dans son
article 41, il fait allusion à la demande de conciliation introduite, pour le cas sous examen,
par le travailleur licencié. Quant à la forme de cette demande, la loi reste muette. Mais on
pourrait légitimement considérer que l’inspecteur du travail pourrait se considérer comme
valablement saisi par une demande formulée oralement. Il suffirait, à notre sens, de faire
consigner les déclarations du requérant sur un registre spécialement tenu à cet effet. Il
permettra sans doute de constater la date d’introduction de la demande, donc de la saisine
et surtout de déterminer l’objet du litige.

D’un point de vue formel, la lecture des articles 41 et 532 du Code du travail
marocain rend énigmatique la procédure de conciliation devant l’inspecteur surtout que
ces deux textes prêtent à confusion, présentent une certaine contradiction et une sorte
d’incompatibilité. Ainsi selon l’article 41 al. 3 du Code du travail marocain, avant que le
salarié, licencié pour un motif qu’il juge abusif, ne saisisse le tribunal, il est invité à
recourir à la procédure de conciliation préliminaire dont est maintenant chargé
l’inspecteur du travail en vertu de l’article 532 al. 4 Code du travail marocain. Il est
attendu de cette procédure qu’elle débouche soit sur la réintégration ( 941) du salarié dans
son ancien poste, soit sur l’obtention par le travailleur de dommages et intérêts si
l’employeur persiste dans sa décision de mettre fin définitivement à sa relation avec le
salarié concerné.

Il est dès lors logique de retrouver sous la plume du Professeur Boudahrain que le
caractère préalable de la procédure ne se vérifie qu’en cas d’échec de la conciliation ( 942).
Dans le cas contraire et en cas de versement de dommages et intérêts au salarié, le
récépissé de remise du montant est signé par les deux parties au conflit, la signature
dûment légalisée par l’autorité compétente. Il est également contresigné par l’inspecteur
du travail (943). Mais contrairement à ce qui est prévu pour le procès-verbal de
conciliation disposé à l’article 532 du Code du travail marocain, l’article 41 al. 5 du Code

941
TPI de Rabat, jugement n° 1770 du 7 juillet 2007, Dos.soc n° 11/1257/06 (non publié), cité par
HATTAB Hassan, La relation entre l’inspection du travail et la justice, quel pari ?,ouvr.cité, p. 17 : « vu
qu’il ressort du procès-verbal de conciliation versé au dossier qu’un accord était convenu devant
l’inspecteur du travail sur la réintégration du salarié à son poste, sauf que ce dernier n’a pas pu présenter
à la cour la preuve qu’il a rejoint son travail et que la reprise de celui-ci lui a été interdite ».
942
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, p. 160.
943
Article 41 al. 4 du Code du travail marocain.

223
du travail marocain prévoit que l’accord intervenu entre les deux parties au conflit est
considéré comme « définitif » et non susceptible de recours judiciaire. L’article 532 du
Code du travail marocain, quant à lui, ne donne au procès-verbal signé par les parties et
contresigné par l’inspecteur du travail suite à une tentative de conciliation qu’une « force
probante dans la limite des montants y indiqués ».

b) La rédaction contestable des articles 41 et 532 du Code du travail


marocain

Schématiquement, les formules de ces deux articles n’ont jamais cessé d’attirer
l’attention de la doctrine marocaine sur la nécessité de mettre au clair cette situation qui, à
son avis, est une situation de contradiction (944). Il est vrai qu’une première comparaison
des dispositions de ces deux articles est susceptible de vider la conciliation de sa
substance (945).

Dans un souci de justifier l’absence de contradiction entre ces deux textes, une partie
de la doctrine (946) invoque que l’article 41 du Code du travail marocain est le texte à la
base du principe de la tentative de conciliation en cas de licenciement abusif. D’ailleurs
l’alinéa 3 de cet article prévoit que : « Le salarié licencié pour un motif qu’il juge abusif
peut avoir recours à la procédure de conciliation préliminaire prévue au 4e alinéa de
l’article 532 ci-dessous aux fins de réintégrer son poste ou d’obtenir des dommages-
intérêts ». D’autres éléments de réponse sont apportés par le fait que l’article 532 al. 5 du
Code du travail marocain concerne, en général, tous les procès-verbaux de conciliation à
l’exception des affaires de licenciement abusif.

944
BOUHARROU Ahmed, Le système marocain de l’inspection du travail, ouvr.cité, p. 73 ; FARSI
Fouad, La conciliation dans les conflits individuels du travail entre les règles générales et le code du
travail, Mém. DESA Droit privé, Univ. Mohammed 1 er Oujda, 2006-2007, p. 12, (en arabe).
945
ALAOUI Bouchra, « La conciliation comme moyen de règlement des conflits individuels du travail à la
lumière du nouveau code du travail », Revue Marocaine de Droit des Affaires et des Entreprises
(REMADAE), n° 8, 2005, p. 30, (en arabe). Ce courant ajoute que le législateur marocain est appelé à
changer l’ordre des articles 41 et 532 du Code du travail marocain en avançant les dispositions de ce dernier
sur celles de l’article 41 car, selon ce même courant doctrinal, la procédure de l’article 532 est une règle de
procédure de la tentative de conciliation et non une procédure basée sur l’accord des parties.
946
ASBOUL Mohamed, La réalité de la conciliation en matière sociale, étude théorique et pratique, Mém.
DESA Droit privé, Univ. Mohammed 1er Oujda, 2004-2005, p. 92, (en arabe).

224
Malgré que ce point de vue a sa part de pertinence, cette interprétation a été critiquée
par certains auteurs (947) qui considèrent que la lecture de l’article 41 du Code du travail
marocain se veut une approche d’une interprétation globale et plus ample. Car même s’il
prévoit le droit du salarié licencié abusivement de recourir à la procédure de conciliation
préliminaire, cela ne peut, à lui seul, expliquer que cette procédure est consacrée
exclusivement aux cas de licenciement abusif. Pour les tenants de cette critique, ce même
article précise également dans son 2ème alinéa que « Les parties ne peuvent renoncer à
l’avance au droit éventuel de demander des dommages-intérêts résultant de la rupture du
contrat qu’elle soit abusive ou non ».

Dans cette divergence, oser entreprendre de nouvelles réflexions comporte le risque


d’ajouter à la confusion. Mais, pour bien situer le problème, il faut comprendre qu’une
lecture éclairée de l’article 41 al. 3 du Code du travail marocain autorise à dire que la
procédure de conciliation préliminaire devant l’inspecteur du travail a pour effet de clore
un litige résultant d’un licenciement, elle ne peut être valablement entamée qu’une fois le
licenciement prononcé (948). On ne peut envisager un litige d’une rupture qui n’existe pas
ou n’existe qu’en théorie. Il reste alors à rechercher si, au-delà de leur imperfection
formelle, ces deux articles présentent un véritable intérêt.

B) L’acte de clôture de la conciliation

A l’issu de la tentative de conciliation, les problèmes juridiques liés au procès-verbal


de clôture et les solutions qu’ils exigent diffèrent selon qu’il s’agit d’un procès-verbal de
conciliation ou non. Dans ce deuxième cas de figure, il ne semble pas y avoir de
problèmes particulièrement délicats à résoudre. En effet, si l’inspecteur du travail échoue
dans sa mission, le procès-verbal de non-conciliation atteste que les parties ne se sont pas
conciliées mais cela ne leur fait nullement grief et elles peuvent aussitôt saisir la
juridiction compétente et se concilier devant elle.
947
OUZIANE Mohammed, « La procédure de conciliation dans les conflits individuels du travail à la
lumière du nouveau code du travail marocain », La Gazette du Palais, Revue trimestrielle d’études et de
documentation juridiques (Revue marocaine), n° 17, 2007, p. 115, (en arabe).
948
On voit ainsi se dégager la conduite que va s’imposer le juge marocain toutes les fois qu’il est question
d’un accord signé dans le cadre de la conciliation préliminaire prévue à l’article 41 du Code du travail
marocain au gré des espèces soumises aux tribunaux. Les magistrats se contentent de vérifier si l’accord
conclu obéit aux exigences de forme prévues dans ce même article 41. Alors que dans les faits et dans
plusieurs cas, le salarié et l’employeur se mettent d’accord à l’avance pour mettre fin à leur relation en
matérialisant cette entente par un accord de conciliation préliminaire passé devant l’inspecteur du travail.

225
Par contre, le procès-verbal de conciliation, parce qu’il est appelé à produire des
effets entre les parties pose des problèmes parfois délicats à résoudre, voire insolubles. En
vertu de l’article 41 du Code du travail marocain, l’accord obtenu dans le cadre de la
conciliation préliminaire requiert la signature des deux parties dûment légalisées par
l’autorité compétente et la contresignature de l’inspecteur du travail. Cela explique à la
fois la possibilité que le procès-verbal contienne une transaction et qu’il ait
nécessairement une force obligatoire dont on peut trouver le fondement dans l’article 230
du D.O.C (949).

1) Multiplicité et inadéquation des sources du droit de la


conciliation en matière de conflits individuels

Ce formalisme ne donne pas à l’accord conclu ou au procès-verbal de conciliation le


caractère authentique ni la force exécutoire des actes juridictionnels (950). Il est constant
que l’accord obtenu dans ce cadre ne peut faire l’objet d’un recours. Cela constitue un
obstacle, non seulement au succès d’une prétention ultérieure qui le méconnaitrait, mais
même à la saisine du juge. L’accord obtenu lie certes les parties (effet obligatoire) mais
ne permet pas de requérir la force publique pour contraindre les parties à l’exécute (effet
exécutoire), et s’il n’est pas respecté par l’employeur, le conflit qui en résulte prend une
autre tournure juridique et peut être porté devant le juge.

D’autre part, le procès-verbal signé par les parties au conflit et contresigné par l’agent
chargé de l’inspection du travail lors d’une tentative de conciliation devant l’inspection
du travail dans le cadre de l’article 532-4 du Code du travail marocain, devra en principe
être pris en compte par le tribunal en cas de conflit. Ce document dispose maintenant
d’une valeur juridique qui n’était pas conférée au formulaire remis par cet agent dans le
cadre la procédure d’avant le code du travail (951). Cette disposition précise que « ce
procès-verbal tient lieu de quitus à concurrence des sommes qui y sont portées ».

949
Mais on doit se demander s’il est opportun de laisser jouer intégralement la liberté contractuelle dans un
domaine où elle risque d’aboutir à priver le salarié des droits que lui confère la loi ou la convention
collective en cas de licenciement.
950
ISSA-SAYEGH Joseph, « La conciliation devant l’inspection du travail en matière de conflits
individuels », art.cité, p. 400.
951
Cass.soc., arrêt n° 186 du 31 octobre 1977, Dos.soc n° 59913 (non publié), cité par BOUDAHRAIN
Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 270.

226
Par ailleurs, il est regrettable que la loi ait réservé seulement au procès-verbal de
conciliation une force probante assez limitée qui dévalorise l’effort accompli par
l’inspecteur du travail quoiqu’elle semble reconnaître à ce dernier un rôle décisionnel en
sa qualité de conciliateur, en exigeant non seulement un écrit mais un acte établi sous
l’autorité de ce fonctionnaire public qui se prononce d’autant plus sur des points
juridiques qu’il est généralement chargé lui aussi du contrôle de l’application de la
législation du travail et de la faire respecter.

a) La faible vitalité des dispositions du code du travail

À l’examen de l’article 41-2 du Code du travail marocain, censé avoir mis un terme
aux tâtonnements doctrinaux et jurisprudentiels, on constate que le législateur veut
délaisser la conciliation dans sa conception civile comme moyen de régulation en matière
sociale. Sans doute c’est la recherche de sécurité qui a engagé le législateur dans une
course folle au verrouillage des accords entre salariés et employeur. D’ailleurs, cette
orientation a été confirmée par l’article 73 du Code du travail marocain ( 952) qui prévoit
que : « Est nul tout quitus ou conciliation conformément à l’article 1098 du D.O.C
portant renonciation à tout paiement dû au salarié en raison de l’exécution ou à la
cessation du contrat ». Cette atteinte pourrait être constituée par une renonciation pure et
simple du salarié, ferme ou conditionnelle, ou par une acceptation moindre d’un montant
moindre que celui auquel le salarié aurait obtenu s’il avait été licencié. Il semble en effet
que le législateur ne veut plus que soit possible une transaction sur de tels droits dont le
travailleur doit être complètement rempli.

L’intention du législateur est, en l’espèce, parfaitement claire. Il redoute qu’un


salarié, pour percevoir immédiatement des indemnités suite à la rupture de son contrat de
travail, accepte facilement de solder définitivement tous ses comptes avec l’employeur
(953). Le législateur a, contrairement à toutes les règles de droit commun, décidé que le
salarié pourrait dénoncer le solde de tout compte dans les soixante jours suivant la date de

952
Il faut cependant remarquer que le législateur se réfère également à l’article 1098 D.O.C pour la
« conciliation » alors que ce texte ne vise que la « transaction ». D’ailleurs, le D.O.C ne comporte aucune
disposition régissant un tel mode ou technique de règlement des différends.
953
BENNANI Mohamed Said, Le droit du travail au Maroc à la lumière du code du travail, t. 3, éd. Najah-
Al-Jadida, 2009, p.693.

227
sa signature (954) sans avoir à établir un vice du consentement. Cela devrait amener les
juges à décider que tout autre moyen juridique, permettant à un employeur d’obtenir du
salarié une renonciation définitive et irrévocable au moment de la rupture du contrat à ses
droits est nul.

Mais l’absence de limites précises à l’application des règles de la liberté contractuelle


parait largement opposée aux dispositions protectrices dont le législateur a entendu
entourer la rupture d’un contrat de travail (955). Sans contredit, il est toujours admis que
l’employeur et le salarié puissent valablement signer une transaction (956) avant même que
le contrat ait cessé de produire tous ses effets (957) ; les employeurs demandent, en
conséquence, de plus en plus fréquemment aux salariés de signer une transaction plutôt
qu’un reçu pour solde de tout compte (958).

b) La fréquente qualification de transaction

954
Article 75 du Code du travail marocain. Alors qu’en France la loi de modernisation du marché du travail
du 25 juin 2008 a restauré l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte. Désormais ce reçu pourra
être dénoncé dans les six mois suivant sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour
l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées : article L 1234-20 du Code du travail. V. QUÉTANT
Guy-Patrice, « Le reçu pour solde de tout compte, vraie ou fausse résurrection ? », JSL., n° 272, 25 février
2010, pp. 4-7.
955
BLAISE Henry, « Une transaction sans concessions… », D.S., n° 5, 1988, p. 433.
956
Cette solution a été fortement consacrée par la Cour suprême, v, C.S., Ch.soc arrêt n° 751 du 1 er octobre
2002, Dos.soc n° 216/2001, cité par BENZAHIR Malika, « La conciliation et l’arbitrage volontaire pour le
règlement des conflits individuels du travail », in 3ème Colloque de la justice sociale, Publications du
Ministère de la justice, Institut Supérieur de la Magistrature, 2004, p. 150, (en arabe) : « …Les dispositions
des articles 1098 à 1116 du D.O.C ne comportent aucune exception aux affaires sociales et conflits du
travail ».
957
TPI de Casablanca, jugement n° 6168 du 24 septembre 2008, Dos.soc n° 4866/08, in RIFKI Rachid, La
transaction et la conciliation en matière sociale, Casablanca, Najah Al Jadida, 2010, p. 293 : « La
transaction conclue entre le salarié et l’employeur dans le cadre de l’article 1098 du D.O.C et suivants
met fin à tout litige. La transaction suppose une négociation amiable mettant fin au contrat de travail et
soumise au principe : les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faites…, disposé à l’article 230 du D.O.C et donc n’est pas susceptible de recours » ; dans le même
sens, v. TPI de Casablanca, jugements n°s 6165 à 6184 du 24 septembre 2008, Dos n° s 4863/08 à 4882/08
(non publiés), cités par RIFKI Rachid, La transaction et la conciliation en matière sociale, ouvr.cité, p.
293.
958
C.S., Ch.soc, arrêt n° 748 du 1er octobre 2002, Dos.soc n° 30/5/1/2002, BICS., n° 14, 2004, p. 17 : « La
transaction a pour effet d'éteindre définitivement les droits et les prétentions de l'employé conformément
aux dispositions de l'article 1105 et suivants du D.O.C, et conformément aux dispositions du contrat lui-
même, d'autant plus que l'employé n'a pas précisé ce qu'il a prétendu être une contrainte et une pression ».

228
Il s’ensuit que si l’accord conclu pour solde de tout compte entre l’employeur et
l’employé a pour base une intention commune de transaction sur un différend, il échappe
comme tel aux règles de forme de l’article 745 ter du D.O.C. Il devient définitif par sa
seule signature et ne peut plus être dénoncé par le salarié (959).

Il est toutefois arrivé qu’une jurisprudence plus ancienne ait rejeté une transaction,
probablement imposée par l’employeur, en décidant qu’une « quittance donnée par
l’employé pour solde de tous comptes ne doit pas être considérée comme une transaction
sur l’action en dommages et intérêts pouvant lui être ouverte du fait de son renvoi » (960).
On peut se demander si c’est vraiment en réaction à une jurisprudence mal assise que la
formulation de l’alinéa 2 de l’article 73 du Code du travail a été dégagée, en se référant en
particulier à l’article 1098 du D.O.C qui définit la transaction (961).

On peut cependant reprocher à la jurisprudence marocaine de continuer à confondre


l’accord de résiliation ou de rupture amiable du contrat de travail et la transaction ( 962).
Cette fusion notionnelle ne peut se réaliser que par une altération du concept de cause en
matière de transaction. La distinction entre ces deux types de conventions s'appuie sur une
opposition entre deux textes du D.O.C. la rupture amiable relève de l’article 230, la
transaction est régie par l’article 1098. Ce sont des régimes juridiques différents.

2) La portée douteuse du procès-verbal de conciliation

959
C.A de Casablanca, arrêt n° 6867 du 22 juin 2004, Dos. n° 5893/01 (Cabinet Bassamat): « Un employé
qui a signé un accord avec son employeur suite à la rupture du contrat de travail, ne peut en aucun cas
revenir sur la transaction et assigner son employeur en justice en vertu de l'article 1105 D.O.C » ; TPI de
Casablanca, jugement n° 3185 du 30 juin 1987, RMD., n° 14, septembre-octobre 1987, p. 247: « Le droit
aux commissions, accessoires au salaire, se prescrit par une année. La transaction réglant les suites d'un
licenciement a un caractère définitif dès lors qu'elle a été consentie en connaissance de cause, cet élément
ayant été établi par enquête » ; TPI de Casablanca, jugement du 30 novembre 1964, GTM., 1964, p. 118.
960
Trib. Paix. Casablanca, 31 octobre 1918, RJL., 1919, p. 29, in BOUDAHRAIN Abdellah, Le Droit du
travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 208.
961
Cet article dispose : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent ou préviennent une
contestation moyennant la renonciation de chacune d’elles à une partie de ses prétentions réciproques, ou
la cession qu’elle fait d’une valeur ou d’un droit à l’autre partie ».
962
C.S., Ch.soc arrêt n° 748 du 1er octobre 2002, Dos.soc n° 30/5/1/2002, BICS., n° 14, 2004, p. 17 : « La
transaction signée conforme par l’employé et paraphée par l’expression lu et approuvé, suspend toute
action devant la justice concernant le contrat de travail, vu que l’employé a accepté l’offre de son
employeur de mettre fin à ce contrat par une transaction et a reçu l’indemnité déterminée par sa propre
volonté ».

229
L’étude de la jurisprudence en cette matière se révèle décevante. La qualification de
l’acte est douteuse mêlant rupture du contrat de travail et règlement d’un litige, ce qui n’a
pourtant pas empêché les juges du fond et même la haute cour de considérer que l’acte, “
improprement qualifié de transaction ”, vaut rupture du contrat de travail d’un commun
accord dans la mesure où les droits du salarié avaient été respectés. On comprend qu’il
soit dès lors quasiment impossible de faire une synthèse de la jurisprudence qui ne
trahisse pas sa richesse et sa diversité. S’il parait possible de se rallier aux conclusions des
tribunaux, les raisonnements qui leur permettent d’y parvenir n’emportent pas pleinement
la conviction. Les solutions consacrées à des affaires similaires pourraient être tranchées
sur des bases différentes.

La continuité des solutions de l’ancien droit parait résister dans le système de


règlement des conflits individuels du travail. On aurait pu espérer trouver dans l’analyse
de la jurisprudence un précieux outil pour dégager l’intérêt de l’article 1098 du D.O.C.
Mais quoi qu’il en soit de la portée exacte de cet article on ne peut sans circonspection
l’employer, lui comme l’article 230 du même texte. Il se peut qu’un acte consacre le
règlement amiable de conflit sans qu’il s’agisse nécessairement d’une transaction. C’est le
cas du procès-verbal de conciliation.

La situation est différente en droit français où la jurisprudence déduit des articles


1134 et 2044 du code civil que « si les parties à un contrat de travail décident, d’un
commun accord, d’y mettre fin, elles se bornent à organiser les conditions de la cessation
de leur relation de travail, tandis que la transaction, consécutive à une rupture du contrat
de travail par l’une ou l’autre des parties, a pour objet de mettre fin, par des concessions
réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture ; il s’ensuit
que la transaction ne peut être conclue qu’une fois la rupture intervenue et définitive et
ne peut porter sur l’imputabilité de cette dernière, laquelle conditionne l’existence de
concessions réciproques » (963).

En ce sens, la radicalité des effets de la transaction et, notamment, la fermeture de


tout recours au salarié signataire, ont conduit la jurisprudence française à une extrême

963
Cass.soc., 16 juillet 1997, Bull. civ. V, n° 278.

230
vigilance en cette matière et à encadrer strictement la pratique. L'effort prétorien a porté
sur la question des conditions de validité ainsi que sur les effets (964).

La solution ainsi adoptée par la Cour de cassation est d'une parfaite rectitude
juridique. La transaction a pour objet de régler une situation litigieuse. Tant que le litige
n’est pas né, la transaction est dépourvue d’objet. La transaction ne peut donc intervenir
qu’une fois le contrat de travail rompu.

Cette position n’a pas été choisie par la jurisprudence marocaine ni antérieurement, ni
postérieurement à l’entrée en vigueur du code du travail en 2004. Les tribunaux se
contentent de vérifier, seulement, le respect des conditions de forme particulières posées
par l’article 1098 D.O.C concernant la transaction en matière de conflits individuels du
travail. A ce titre, il faut souligner qu’il convenait de suivre la sagesse des conclusions de
la Cour de cassation française, mais l’évolution des règles juridiques et des opinions ne
sont pas également perceptibles et rapides dans les diverses contrées.

Selon ce raisonnement, le droit marocain admettrait, par conséquent, les deux figures
en matière de conflits individuels du travail, à savoir la conciliation et la transaction
même si l’esprit qui anime les deux notions est différent. Dans l’exploration du droit de
règlement des conflits individuels du travail, le juriste marocain s’est toujours confronté à
des difficultés particulières liées à la terminologie juridique. La traduction n’est pas fidèle
au texte original, que ce soit de la langue française à la langue arabe concernant l’article
1098 D.O.C, ou dans le sens inverse concernant les articles 41 et 532 du Code du travail
marocain.

Alors que l’article 1098 D.O.C, texte source en langue française, parle de transaction,
la traduction en arabe reprend le terme « solh » qui veut dire conciliation. De même, les
articles 41 et 532 du Code du travail marocain parlent, dans la version en langue française
de conciliation, mais les traductions qui en ont été faites sont différentes dans les deux
textes. Dans l’article 41, la conciliation a été traduite en « solh », et dans l’article 532, le
terme « tassaloh », qui veut dire transaction, lui a été attribué (965). Cette impression est

964
VERKINDT Pierre-Yves, « Contentieux du travail : transaction et procès-verbal de conciliation », note
sous arrêt, JCP. S., n° 18, 04 mai 2010, 1178.
965
Ces termes ont été vérifiés dans JABBOUR Abdel-Nour, Dictionnaire moderne Abdel-Nour : arabe-
français, 7e éd. Dar El-Ilm Lilmalayin, 1997.

231
largement confirmée aussi bien par l’œuvre législative que par les constructions
doctrinales.

Le recours à l’article 1098 du D.O.C est la position retenue avant l’entrée en vigueur
du code du travail. Il est alors légitime de penser même que l’on peut donner une ligne de
départ à cette action avec les fortes sollicitations des inspecteurs du travail que l’on
estime investis d’un pouvoir ou d’une influence capable de rendre justice ( 966). Le salarié
qui s’estime lésé est souvent isolé, sans intermédiaire entre lui-même et le patron, sans
organes représentatifs. Le contrôleur ou l’inspecteur ne peut que devenir l’interprète dans
sa relation avec l’employeur.

a) L’efficacité de la tentative de conciliation : une limite à son


application

Sous la poussée des nécessités pratiques, le recours généralisé à l’inspection du


travail, dans un espoir d’efficacité, a abouti à un détournement de l’esprit initial de ce
remède. Si l’intervention de l’inspection du travail pour régler un conflit est souvent
considérée comme un moyen de protéger la partie faible contre les éventuels abus de la
partie au plus fort pouvoir économique ou de négociation, les inspecteurs du travail
étaient appelés à trouver un fondement juridique à leur intervention (967) et ont, en effet,
fini par s’arroger le rôle de régler les conflits individuels du travail qui n’est pas compris
expressément dans la législation d’avant le code du travail. Il semblait donc possible
d’admettre que les parties recours à l’office de l’inspecteur du travail pour résoudre le
conflit, sans pour autant contredire la loi.

Mais cette intervention de l’inspecteur du travail avait posé le problème de la valeur


juridique des accords qu’il était amené à dresser dans le cadre de la procédure de l’article
1098 D.O.C avant l’entrée en vigueur du code du travail. A cet égard, et à l’exception de
quelques décisions des tribunaux de première instance de Casablanca ( 968) et de

966
SALVI Joseph, « Les recours informels à l’administration du travail », D.S., n° 6, 1987, p. 490.
967
L’article 1098 du D.O.C.
968
TPI de Casablanca, jugements (non numérotés), du 6 avril 1987, Dos n° S 738/87, 738/87, 740/87, 741/87
et 742/87, cités par KETTANI Azzedine, « Transaction et droit social », Revue Marocaine de Droit et
d’Economie de Développement., n° 22, 1990, p. 161.

232
Mohammédia (969), la plupart des juridictions du fond (970) admettaient que la transaction
est un moyen de règlement des conflits individuels du travail. D’autres estimaient qu’elles
n’étaient pas tenues par l’accord rédigé par l’inspecteur du travail, mais considéraient
que ce dernier était de nature à les éclairer dans les prises de décisions.

b) Absence de cohérence entre les compétences de l’inspecteur du


travail et les suites de la tentative de conciliation

Mais la position des tribunaux qui ne reconnaissaient pas de valeur juridique à la


transaction ni à l’accord rédigé en présence de l’inspecteur du travail, n’a pas tenue face à
l’ancrage de la transaction dans les autres juridictions du fond. Il faut dire que ces
décisions obtenues dans une minorité de juridictions n’allaient pas suffire à fixer la
jurisprudence. La tendance qui s’était déjà manifestée par des décisions de la Cour
suprême (971) allait chercher à triompher l’octroi d’une valeur juridique à la transaction
conclue devant l’inspecteur du travail (972). La convergence des décisions des TPI de
Casablanca (973) et de Mohammédia par la suite montre que le principe de prise en
compte des transactions est en voie de généralisation.

969
TPI de Mohammédia, jugement (sans numéro), du 18 septembre 1986, Dos.soc n° 135/85 : « le salarié
ne peut renoncer aux droits découlant d’un licenciement abusif parce que ces droits sont d’ordre public »,
cité par ASBOUL Mohamed, La réalité de la conciliation en matière sociale, étude théorique et pratique,
Mém. cité, p. 90.
970
TPI d’Oujda, jugement (non numéroté) du 18 juillet 2007, Dos n° 240/07, (non publié) ; TPI d’Oujda,
jugement n° 2136 du 20 novembre 2002, Dos n° 115/02 (non publié) ; TPI de Kénitra, jugement (non
numéroté), du 22 octobre 1998, Dos.soc n° 662/97, AL ICHÂA., n° 19, juin 1999, p. 181 ; CA d’Oujda,
arrêt n° 581 du 20 mars 2001, Dos n° 2284/99 (non publié) : « Vu que l’appelante a présenté, par le
ministère de son avocat, un mémoire par lequel elle requiert l’inscription de son désistement de l’appel
suite à la conclusion d’un accord de conciliation avec la partie intimée, ce qui a conduit la cour à le
certifier et à l’inscrire… » ; CA de Casablanca, arrêt n° 211 du 18 janvier 1981, Dos.soc n° 1984/87, cité
par OUZIANE Mohammed, « La procédure de conciliation dans les conflits individuels du travail à la
lumière du nouveau code du travail marocain », art.cité, p. 115.
971
C.S., Ch.soc., arrêt n° 355 du 23 avril 2002, Dos.soc n° 605/2001 (non publié) ; C.S., Ch.soc., arrêt n°
751 du 1er octobre 2002, Dos.soc n° 216/2001 (non publié), cité par BENZAHIR Malika, « La conciliation
et l’arbitrage volontaire pour le règlement des conflits individuels du travail », art.cité, p. 150, (en arabe).
972
C’est à tort selon nous que, avant l’élaboration du Code du travail, l’arrêt de la Cour suprême n° 751 du
1er octobre 2002 cité plus haut, a paradoxalement considéré que la conciliation en matière de conflits
individuels du travail devant l’inspecteur du travail était une attribution légale. Elle pose ainsi que « Vu que
le législateur a attribué à l’inspecteur du travail la tâche de procéder à une tentative de conciliation entre
le salarié et l’employeur pour mettre fin au conflit né à l’occasion du contrat qui les lie, le recours du
salarié à l’inspecteur du travail s’est fait alors pour la réalisation de cet objectif ».
973
TPI de Casablanca, jugement du 6 décembre 1988, Dos.soc n° 246/87, cité par KETTANI Azzedine,
« Transaction et droit social », art.cité, p. 161. Cette décision, rendue sous le visa de l’article 1106 du

233
Au début pratiquée de manière informelle, aujourd’hui annoncée et assurée, la
conciliation de l’inspection du travail dans les conflits individuels du travail déploie ses
effets. Cette pratique s’avère adaptée à la résolution des conflits individuels dans la
mesure où le salarié est pressé de percevoir son dû, et l’employeur répugne à apparaître
comme un mauvais patron aux yeux de ses pairs et du reste du personnel. Elle se montre
non seulement pertinente, mais aussi rapide et économique tant pour le salarié que pour
l’employeur ou le tribunal. Elle produit des résultats appréciables dans la mesure où de
nombreux conflits sont réglés à l’amiable, réduisant d’autant le nombre des cas portés
devant les tribunaux.

En optant pour la conciliation, employeur et salarié espèrent régler le conflit qui les
oppose, sans avoir à attendre l’issue d’un procès souvent long, coûteux et aux résultats
aléatoires. Mais, cette mesure effectuée, il faut encore l’évaluer qualitativement en
recherchant son efficacité. Une autre difficulté inhérente à cette démarche consiste à
s’assurer que la fin supposée servie par la procédure de conciliation est réellement et
pleinement atteinte. D’ailleurs, qu’il ait eu conciliation ou non, les inspecteurs eux-
mêmes ignorent, en général, le sort final qui a été réservé aux conflits dont ils ont connu.

§ 2. Un rôle de conciliation dans les conflits collectifs

Comme déjà souligné, il convient, pour traiter la conciliation en droit du travail, de


faire une distinction entre les conflits individuels et les conflits collectifs car la procédure
applicable à ces deux catégories de conflits diffère profondément. Les conflits collectifs
du travail ne sont pas soumis au même régime de conciliation que les conflits individuels,
mais ils ne dérogent pas pour autant au principe conciliatoire.

La conflictualité dans l’entreprise est un sujet fréquemment évoqué. C’est le lieu où


les relations du travail, les affrontements et les discussions entre patronat et salariés sont

D.O.C, semble bien admettre que « la transaction ne peut être révoquée, même du consentement des
parties, à moins qu’elle n’ait eu simplement la nature d’un contrat commutatif ». Plusieurs décisions de
nombreuses juridictions du fond sont venues confirmer le ralliement à cette tendance jurisprudentielle. V.
par exemple, TPI d’Oujda, jugement n° 2136 du 20 novembre 2002, Dos.soc n° 115/2001, (non publié), cité
par TOUISS Ahmed, Le rôle de l’inspection du travail dans la limitation des conflits du travail, Mém.
Master 2, droit privé, Université d’Oujda, 2008/2009, p. 62. Dans son jugement, le tribunal ajoute in fine
que : « Attendu, en fait, qu’en se référant au Procès-verbal de conciliation conclu entre les parties devant
l’inspecteur du travail en date du 25 juillet 2000, le tribunal retient qu’un accord passé entre les parties,
précisant que la rupture du contrat les liant est intervenu après que la salariée a reçu ses droits restés entre
les mains de l’employeur ; et attendu que cette première a conclu une transaction avec l’employeur dans le
cadre de laquelle elle a reçu tous ses droits, et se sont séparées par consentement mutuel, il en ressort que
sa demande d’indemnisation suite à un licenciement abusif, est dépourvue de base légale et est rejetée ».

234
en interaction permanente. L’action des employeurs se trouve fondée par le droit de
propriété et la liberté d’entreprendre, les travailleurs de leur côté se trouvent engagés dans
l’action. Chacun des protagonistes s’efforce d’imposer à l’autre une meilleure prise en
compte de ses intérêts (974).

Sans doute correcte, l’analyse qui suppose que les notions de conflit collectif du
travail et d’action collective semblent étroitement liées (975), mériterait néanmoins d’être
approfondie. Mais encore faut-il que l’action collective puisse peser effectivement et
efficacement. Cet examen nécessaire doit être conduit dans deux directions. Il doit viser
tout d’abord ce que recouvre cette notion de conflit collectif, perçu comme une
perturbation de l’état normal des rapports de travail. Il doit en second lieu rappeler
l’importance, au Maroc et en France, de l’intervention des pouvoirs publics dans les
relations du travail à travers le rôle actif que joue l’inspection du travail dans le règlement
des conflits collectifs.

A) Absence de cohérence entre les compétences de l’inspecteur du travail


et les suites de la tentative de conciliation

La notion de conflit collectif, à l’instar de la grève, n’est généralement pas définie


dans les réglementations. On parle de « conflits du travail » ou « différends du travail »
ou « différends professionnels », mais sans toutefois préciser ce qu’il faut entendre par la
notion visée (976). En France, il n’existe aucune définition légale des conflits collectifs,
même si tout le livre V du code du travail leur est consacré (977). Pour sa part et dans un

974
COUTURIER Gérard, Traité de droit du travail : les relations collectives de travail, 1ère éd. PUF, 2001,
389.
975
RIGAUX Marc, « L’intervention du juge dans les conflits collectifs du travail : marginale mais
essentielle », in RIGAUX Marc et HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une
régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ?, Bruxelles,
Bruylant, 2011, p. 79.
976
DU BLED Sophie, DE QUENAUDON René, « Les modes alternatifs de règlement des conflits
(collectifs) du travail : généralités », in RIGAUX Marc et HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation,
médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits
(collectifs) du travail ?, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 5.
977
AUVERGNON Philippe, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs
du travail », in RIGAUX Marc et HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une
régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ?, ouvr.cité, p.
119

235
souci d’innovation, le législateur marocain s’est essayé à définir ce qu’il faut entendre par
conflit collectif de travail.

En effet, l’article 549 du code du travail a tenté de proposer les critères du conflit
collectif et donner un contenu à celui-ci. Mais au lieu de se contenter d’une définition
conforme aux analyses de droit comparé (978) et qui nous apprend que « les conflits
collectifs sont les conflits qui naissent entre un groupe de travailleurs (une organisation
syndicale ou toute autre collectivité de travailleurs plus ou moins organisée) et un ou
plusieurs employeurs au sujet des conditions de travail au sens large », le législateur s’est
placé dans une optique contentieuse en disposant au second alinéa de ce même article
(979) que « Sont également considérés comme des conflits collectifs du travail, tous
différends qui naissent à l'occasion du travail et dont l'une des parties est un ou plusieurs
employeurs ou une organisation professionnelle des employeurs, ayant pour objet la
défense des intérêts du ou des employeurs ou de l'organisation professionnelle des
employeurs intéressés ».

1) Une approche favorable à l’employeur

Par rapport à la prise en compte des intérêts des parties au conflit, le choix du
législateur national n’a pas été du tout neutre. En prenant en compte non seulement le
collectif des travailleurs et leurs intérêts propres mais également les intérêts
professionnels des employeurs, le législateur a penché en faveur du patronat qui cherche
continuellement à avoir une influence sur les dispositions portant sur le code du travail et
qui ont une conséquence directe sur sa situation.

Partant, il nous semble important de soutenir, dans le même temps, que l’alinéa 2 de
l’article 549 du Code du travail marocain emprunte les principales caractéristiques de
l’alinéa qui le précède. A suivre un tel raisonnement, on devrait retenir que cet article
pose le principe d’une égalité juridique et socio-économique entre les deux parties au
contrat de travail. Or, sans risque de se répéter, il importe de rappeler que le droit du
travail est né d’une critique de l’égalité juridique au nom de laquelle l’analyse
978
DU BLED Sophie, DE QUENAUDON René, « Les modes alternatifs de règlement des conflits
(collectifs) du travail : généralités », art.cité, p. 10.
979
L’alinéa 1er de l’article 549 CTM précise que : « Constitue " un conflit collectif du travail " tout
différend qui survient à l'occasion du travail et dont l'une des parties est une organisation syndicale de
salariés ou un groupe de salariés, ayant pour objet la défense des intérêts collectifs et professionnels
desdits salariés ».

236
contractuelle de la relation de travail a été critiquée. Il importe alors de préciser que le
droit du travail s’est développé sur cette perspective d’un approfondissement de l’idée
d’égalité dans le contrat (980).

Cette interprétation signifierait un retour en arrière qui est en contradiction avec les
objectifs du droit du travail et qui serait difficile à obtenir dans les faits car la réalité
sociale montre que la relation du travail est manifestement inégalitaire. Il est curieux de
voir les textes céder pour des raisons économiques ou de maintien d’un climat social
harmonieux. L’alibi du progrès social et de la paix sociale ne devrait plus être avancé.
Ces faveurs légales devraient trouver une justification d’une autre nature.

Dans cette optique, la formule est, on le voit, superflue. Il convient, selon nous, de
l’abandonner afin d’éviter les divergences d’interprétation qu’elle peut faire naître. Une
autre formulation de l’article 549 du Code du travail marocain pourrait lui être préférée :
« Constitue " un conflit collectif du travail " tout différend qui survient à l'occasion du
travail et qui oppose une organisation syndicale de salariés ou un groupe de salariés à
un ou plusieurs employeurs et ayant pour objet la défense des intérêts collectifs et
professionnels desdits salariés ».

Au soutien de cette définition, on fait valoir qu’elle retient deux critères du conflit
collectif. En premier lieu, la naissance d’un litige entre un groupe de travailleurs (une
organisation syndicale ou toute autre collectivité de travailleurs plus ou moins organisée)
et un ou plusieurs employeurs. Un second critère est alors avancé, le conflit collectif doit
avoir pour objet une revendication d’intérêt collectif.

Cette définition du conflit collectif est à rapprocher de celle que la jurisprudence


marocaine a tenté de proposer en se basant sur ces deux critères qu’elle considérait
comme essentiels. Ainsi, selon la Cour suprême (981), un conflit est qualifié de
« collectif » lorsque l’une des parties est un collectif de travailleurs juridiquement
organisé, un syndicat par exemple, ou même non juridiquement organisé mais
représentant une profession donnée. Ce conflit doit, en outre, porter sur un « intérêt

980
SUPIOT Alain, « Principe d'égalité et limites du droit du travail (en marge de l'arrêt Stoeckel) », D.S., n°
4/1992, p. 382.

981
C.S., Ch. soc, arrêt n° 2247 du 24 septembre 1990, Dos.soc n° 9750/89, GTM., n° 66, 1992, p. 131.

237
collectif », qui vise à modifier ce qui a été convenu ou prescrit par une loi en vigueur dans
le sens de l’amélioration du statut des travailleurs et non pour demander seulement
l’application d’une loi ou d’une convention déjà en vigueur.

En filigrane de cet arrêt se trouve le canevas des critères du conflit collectif et sa


typologie. Ainsi, deux grandes figures se présentent dans la nomenclature des conflits
collectifs du travail. Les deux distinctions les plus courantes s’établissent entre les
conflits de droits et les conflits d’intérêts. Les conflits de droit ou conflits juridiques sont
ceux qui proviennent de l’interprétation ou de l’application de règles existantes, légales
ou conventionnelles. Les conflits d’intérêts ou conflits non juridiques ou conflits
économiques, quant à eux, sont ceux qui se produisent pendant la négociation d’une
convention collective, sur les clauses qu’il s’agit d’y insérer, relatives à son objet (982).
Ainsi, les parties ne peuvent pas se mettre d’accord sur la formulation d’une nouvelle
norme. Il s’agit donc de la création d’un droit nouveau par la modification de la règle
existante ou par l’instauration d’une nouvelle règle (983).

a) Une combinaison de critères contestable

Cette distinction entre conflit de droits et conflit d’intérêts est assez formelle. Elle
démarque en général le terrain d’action du juge qui n’intervient que dans des conflits de
nature juridique. En principe, dans le cas d’un conflit économique, il n’y a pas de norme à
appliquer ou à interpréter. Lorsqu’un collectif de travailleurs et un ou plusieurs
employeurs ne peuvent parvenir à un compromis ou à une entente sur un sujet concernant
les conditions de travail et ayant un impact collectif, on ne saurait décider qui a tort ou
raison. Ce genre de conflit n’appelle pas une décision judiciaire. Il s’agit plutôt du libre
jeu des forces économiques. Les parties vont préférer leur propre solution et essayer de
porter le conflit devant un conciliateur éventuellement.

982
BAHRAMY Ahmad-Ali, La législation internationale du travail et son influence sur le droit iranien.
Aspects internationaux du problème de développement économique et social, Librairie Droz, Genève, 1963,
p. 174.
983
DU BLED Sophie, DE QUENAUDON René, « Les modes alternatifs de règlement des conflits
(collectifs) du travail : généralités », art.cité, p. 9.

238
La distinction établie entre ces différents types de conflits est loin d’être universelle et
même souvent floue. Ainsi ne présente-t-elle guère d’intérêt dans plusieurs pays (984).
Cette distinction semble d’autant moins marquée dans un pays comme le Maroc, dans la
mesure où l’exercice du droit de grève subit diverses restrictions et au moment où le
contexte marocain est peu favorable à la négociation collective.

Mais le peu d’importance accordé en pratique à la distinction entre les conflits


d’intérêts et les conflits de droits est en liaison significative avec le classement qui a été
établi à l’occasion d’une réunion de la commission nationale du suivi du dialogue social
(985) de ce que les membres de cet organe appellent généralement « conflits sociaux », à la
manière dont les autorités gouvernementales et d’autres instances publiques appréhendent
cette question (986).

Avec une telle qualification, la notion de « conflits sociaux » se départit de la


distinction entre conflits d’intérêts et conflits de droits. De plus, la généralité du terme
« social » reprend les doutes habituels d’un élargissement aussi important de la notion de
conflit collectif du travail qui se révèle toutefois excessif. L’expression concurrente de
« conflits sociaux » ne permet pas toujours de clarifier le débat. L’intention présumée des
pouvoirs publics n’est-elle pas que les conflits sociaux sont représentatifs d’une vaste
structure sociale ou même de la « société civile » toute entière ?

En effet, la notion interrogée de « conflits collectifs » subit une inflexion sémantique


dans le temps et les réalités représentées. On constate l’effacement progressif de la
thématique juridique dominée par la précision au profit d’une approche de faux fuyants.
Il s’agit, pour les officiels et leurs acolytes comme les puissances de l’argent,
d’emprunter des notions à des catégories issues d’une analyse d’une toute autre matière
ou nature qui, même réinterprétées n’en restent pas moins dépendantes de l’imaginaire

984
Au Royaume-Uni, par exemple, où l’élaboration des nouvelles règles est liée de manière si complexe à
l’interprétation des règles en vigueur de la négociation collective qu’un différend sur les « droits » peut
facilement se transformer en un conflit d’intérêts. V. CASALE Giuseppe, « Prévention et règlement des
conflits du travail », in RIGAUX Marc et HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage.
Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ?,
ouvr.cité, p. 29.
985
Dans ce sens, voir la réunion du 17 octobre 1996, Le Matin du 19 octobre 1996.
986
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 502.

239
dans lequel elles ont été construites. Psychiquement parlant, pour exprimer une « drôle »
de mentalité, craignent même d’utiliser le mot « grève » (987).

b) L’importance de l’intervention des pouvoirs publics dans le règlement


des conflits collectifs

En réalité, l’entreprise est profondément ancrée dans le marché national. Elle est alors
particulièrement vulnérable à l’action des travailleurs. L’harmonie dans les relations de
travail conforte l’équilibre économique et la paix sociale qui constituent la situation
normale des relations du travail, fixée par le droit. Dès lors, tout conflit collectif est
analysé comme une perturbation de cet état normal des rapports de travail.

La recherche de la prévention ou de l’encadrement des conflits collectifs, en assurer


un règlement rapide, parfois avant même que leur déclenchement ne soit effectif, dès la
formulation des revendications (988), a trouvé une traduction dans l’importance, au Maroc
comme en France, de l’intervention de l’Etat dans les relations professionnelles. Ainsi,
dans l’évolution générale on constate une poursuite et une consolidation de cette
intervention grâce à la création d’institutions et de procédures pour le règlement de ces
conflits sous forme de conciliation et parfois d’arbitrage. Le droit français connait
quelques particularités avec l’existence d’une procédure de médiation, qui peut être
considérée comme une phase intermédiaire intervenant entre celle de la conciliation et
celle de l’arbitrage.

2) La tentative manquée du législateur marocain dans le dahir de 1946

Au Maroc, à partir de 1946, les dispositions qui règlent les conflits collectifs du
travail ont été fixées par le dahir du 19 janvier relatif à la conciliation et à l’arbitrage (989).
Cette procédure était fondée sur un principe essentiel prévoyant le recours obligatoire à la

987
BOUDAHRAIN ABDELLAH, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 503.
988
DIOUF Birame, Les responsabilités à l’occasion des conflits collectifs du travail : une étude du droit
sénégalais des conflits collectifs à la lumière du droit français, Th. Univ. Cergy-Pontoise, 2010, p. 79.
989
Voir B.O n° 1746 du 12 avril 1946, p. 274. Comme plusieurs dispositions de cette époque du protectorat,
ce texte excluait du bénéfice de cette procédure les travailleurs ainsi que les employeurs autochtones. Dans
ce sens, l’article 1er al. 2 de ce dahir précise que : « toutes les dispositions du présent dahir ne sont pas
applicables aux établissements dirigés par des employeurs marocains, travaillant dans le cadre de leurs
traditions corporatives avec le concours d’un personnel exclusivement marocain ».

240
conciliation et à l’arbitrage avant toute grève ou lock-out (990). Cela signifie l’illégalité de
toute grève ou lock-out n’ayant pas été précédé par l’application de cette procédure.

Cette constatation mise à part, ce texte abrogé et remplacé par les articles 551 à 584
du code du travail n’avait jamais reçu application (991) et tienai compte du rôle dévolu, de
fait, à l’autorité politique dans la résolution des conflits du travail, au cours des dernières
décennies (992). On s’accorde à considérer ce système comme « mort-né » selon la
formule du professeur Boudahrain (993). Même si le dahir de 1946 pouvait se révéler
efficace, il a souvent été vu comme un obstacle à l’exercice du droit de grève plutôt
qu’une volonté réelle de résoudre les conflits collectifs.

En effet, la procédure de conciliation et d’arbitrage obligatoire imposée avant


l’exercice du droit de grève en tant que phénomène social collectif ou l’utilisation du
lock-out, laissait présager les contraintes qui pesaient sur les protagonistes, en particulier
les salariés et leurs syndicats en position désavantageuse. La procédure marocaine de
l’époque ne permettant pas le recours à la grève (994), les conditions d’un déroulement
accepté par les syndicats ne sont pas objectivement réunies.

Aussi, certaines anomalies existaient dont la plus importante réside dans cette
superposition ou ce chevauchement incohérent des textes de lois relatifs au droit syndical
et au droit de grève. Rappelons que le dahir de 1946 a vu le jour bien avant le dahir de
1957 relatif au droit syndical et qu’en 1962, la première constitution du royaume
reconnait solennellement le droit de grève.

990
Article 1er du dahir de 1946.
991
CES, Prévention et résolution amiable des conflits collectifs du travail, Rapport du Conseil Economique
et Social, Auto-Saisine n° 6/2012, p. 34.
992
FILALI-MEKNASSI Rachid, « La codification de la législation du travail au Maroc, une étape dans la
modernisation du système des relations professionnelles », Bulletin de Droit Comparé du Travail et de la
Sécurité Sociale., janvier 2005, p. 98.
993
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 558.
994
L’article 34 du dahir du 19 janvier 1946 dispose : « Toute personne qui aura prononcé un lock-out,
provoqué une grève ou participé à une grève avant que tous les moyens de conciliation aient été épuisés
sera passible d’une amende de 200 francs à 30000 francs. En cas de récidive, l’amende sera portée de 600
francs à 60000 francs ».

241
L’étude du dahir de 1946 (995) permet de connaitre qu’il a prévu d’abord la création
d’une commission de conciliation au siège de chaque province ou préfecture. Ces
commissions sont paritaires car composées d’un nombre égal de représentants
d’employeurs et de représentants de salariés sans que le nombre des uns et des autres
puisse être inférieur à deux. Les membres de ces organes sont choisis sur des listes
établies en principe annuellement par les gouverneurs après consultation des
organisations professionnelles d’employeurs et des syndicats de travailleurs.

Comme il n’est pas dans notre propos de nous attarder sur l’ensemble de la question
du déroulement de la procédure de conciliation dans le texte du dahir de 1946, nous nous
bornerons à exposer les quelques remarques qu’elle nous inspire à propos du rôle de
l’inspection du travail dans ce processus. Ainsi, à l’occasion d’un conflit collectif non
résolu à l’amiable, la partie la plus diligente est appelée à saisir la commission de
conciliation compétente au moyen d’une requête précisant les points sur lesquels porte le
différend. Si aucune partie concernée ne prend l’initiative de le faire, cette commission
peut être saisie d’office par les autorités locales, l’agent chargé de l’inspection du travail
ou le ministère chargé de l’emploi (996).

La commission de conciliation dont la composition et les prérogatives sont fixées par


l’arrêté viziriel du 19 janvier 1946 (997) doit se réunir dans un délai maximum de quatre
jours francs à compter du jour de la réception de la requête et statue dans un délai
maximum de six jours à partir de sa saisine (998). Cette commission est convoquée et
présidée par le gouverneur ou son représentant. L’inspecteur du travail assiste aux
séances de travail de cet organe avec une voix consultative (999).

Si l’on pousse un peu ce raisonnement, on retiendra que ce sont les autorités


gouvernementales ou administratives qui peuvent amener les parties au conflit à un

995
Modifié et complété par les dahirs des 23 octobre 1948 (B.O n° 1878 bis du 26 octobre 1948, p. 1177) et
11 décembre 1950 (B.O n° 1998 du 9 février 1951, p. 193).
996
Article 4 du dahir du 19 janvier 1946.
997
B.O n° 1746 du 12 avril 1946, p. 277. Cet arrêté a été modifié et complété par des textes similaires datés
des 23 octobre 1948 (B.O n° 1878 bis du 26 octobre 1946, p. 1177), 20 décembre 1948 (B.O n° 1892 du 28
janvier 1949, p. 83), 2 mai 1949 (B.O n° 1911 du 10 juin 1949, p. 709) et 14 novembre 1949 (B.O n° 1940
du 30 décembre 1949, p. 1582).
998
Article 5 du dahir du 19 janvier 1946.
999
Article 4 de l’arrêté viziriel du 19 janvier 1946.

242
arrangement amiable. Cette procédure peut être initiée par l’inspecteur du travail ou par
les autorités locales dépendantes du ministère de l’intérieur. L’intervention de cet agent
de l’administration du travail peut s’analyser comme une un préalable au déroulement
d’une procédure informelle de conciliation en vue d’un règlement du conflit.

A cet égard, le texte n’est pas défectueux dans sa première mouture et offre un tel
outil. Mais les effets pervers étaient nombreux. D’abord, le droit de grève devenu réalité
depuis la première constitution du pays de 1962, déborde le cadre de la procédure de
conciliation. Ensuite et en reprenant l’argument du professeur El Aouani, la conciliation
et l’arbitrage, dans le cadre marocain, apparaissent davantage comme une technique
efficace et sibylline de faire obstruction à la grève que comme l’expression d’une paix
sociale (1000). Enfin, nous croyons que cette pratique n’a pas pu se développer pour des
raisons d’ordre technique.

a) Les raisons de l’indéniable échec de la procédure de conciliation dans


le dahir de 1946

Même si le dahir du 19 janvier 1946 a posé le principe de la composition des


commissions de conciliation et d’arbitrage en matière de conflits du travail et un arrêté de
la même date en a précisé les modalités, ces commissions n’ont jamais vu le jour. Pour
preuve, un jugement du tribunal de première instance de Casablanca en date du 11 juin
1984 (1001) opposant une salarié licenciée suite à une grève à la société Aiglemer et dans
lequel la défenderesse (cette dernière) reprochait aux salariés d’avoir déclenché une grève
illicite au motif qu’il n’avaient pas respecté la procédure annoncée à l’article 1er du dahir
du 19 janvier 1946 de soumettre le conflit à la procédure obligatoire de conciliation et
d’arbitrage. Le tribunal a répondu, qu’après enquête, la défenderesse n’a pas pu prouver
que la procédure citée dans l’article précité était applicable ou praticable et n’a pas été
respectée. Aussi, que l’inexistence des commissions de conciliation et d’arbitrage rendent
impossible l’application de l’article précité.

1000
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 408.
1001
TPI de Casablanca, jugement n° 2027 du 11 juin 1984, Dos.soc n° 8330, Halima M. c/ Aiglemer S.A,
GTM., n° 39, 1985, p. 191.

243
Il faut dire que cette résistance au recours à la procédure a trouvé dans le laxisme des
pouvoirs publics un appui sérieux. Il est vrai que les conflits du travail ne peuvent être
résolus par une simple combinaison de textes efficaces en théorie. Mais fallait-il attendre
aussi longtemps pour en concocter un autre tout en s’inspirant des grandes lignes du texte
précédent ? Les pouvoirs publics sont demeurés inactifs en la matière et ont privilégié un
laisser-aller nuisible à la « paix sociale » qu’ils cherchent, parait-il à préserver.

b) Apport limité du système légal en vigueur

Sur le plan normatif et attendant le code du travail, on peut signaler, par exemple, que
l’article 24 du dahir du 16 juillet 1957 relatif aux syndicats n’a prévu expressément que la
faculté pour ces organisations d’agir, au civil, devant les tribunaux. De même, l’article 17
du dahir du 17 juillet 1957 concernant la convention collective de travail prône lui aussi
seulement l’intervention des syndicats en justice pour la défense des intérêts de leurs
membres ou des travailleurs en général.

A retenir toutefois que l’article 19 des mêmes textes renvoie, quoique implicitement,
à l’application du dahir de 1946. Il stipule, en effet, que les conditions dans lesquelles
sont réglés les différends collectifs ou individuels entre les parties liées par un accord
collectif sont déterminées par les dispositions légales en la matière.

Cette situation est loin d’être satisfaisante. Le dépassement de la procédure de


conciliation et d’arbitrage ne se pose plus simplement eu égard à la pratique, mais aussi
constitutionnellement. Le régime et la pratique juridiques de la grève à cette époque nous
emprisonne dans la phase du phénomène de la grève-délit alors que les dispositions de la
première constitution marocaine se devaient de l’en sortir. La procédure du dahir de 1946
à l’origine de la consécration de la grève-délit devait être dépassée du seul fait de
l’existence de l’article 14 de la constitution du pays. Le législateur marocain ne s’est pas
montré très averti quant aux conséquences de laisser en suspens le problème de la
constitutionnalité de la procédure de conciliation et d’arbitrage, laquelle dans la pratique
fait obstacle à l’exercice du droit de grève.

L’intrusion systématique du droit pénal qui prend la relève de la procédure de


conciliation et d’arbitrage par l’entremise des articles 288, 590 et 596, tend souvent à

244
déclarer la grève comme constituant un délit d’entrave à la liberté du travail ou
d’infraction à la loi pénale par détérioration des instruments de travail.

En France, le recours à des modes de règlement pacifique des conflits du travail


susceptibles d’éviter les grèves s’inscrit dans une tradition ancienne (1002). Tel a été, à la
fois, le souci et l’espoir vivace du législateur (1003) depuis 1892. En effet, dès la fin du
XIXe siècle, une première formulation législative avec la loi du 27 décembre 1892
instaura pour la première fois une procédure de conciliation et d’arbitrage à caractère
facultatif, sous l’égide du juge de paix (1004). Cette loi prévoyait alors des comités de
conciliation et des conseils d’arbitrage, auxquels le recours était facultatif. Mais le bilan
n’était guère satisfaisant sauf pour la période exceptionnellement efficace de 1936-1939
en raison de l’admission de l’arbitrage obligatoire (1005) par la loi du 31 décembre 1936.
Ces procédures instituées et utilisées pendant cette période ont été suspendues à cause de
la seconde guerre mondiale (1006).

Ce n’est que dans les années 50 que le législateur français allait ressusciter ces
pratiques, notamment avec la loi n° 50-205 du 11 février 1950 (1007) relative aux
conventions collectives, instituant une procédure de conciliation obligatoire et d’arbitrage
facultatif et créant une Cour supérieure d’arbitrage (1008). Mais ce compromis était loin
d’avoir donné les résultats souhaités (1009).

1002
AUVERGNON Philippe, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs
du travail en France », in RIGAUX Marc, HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage.
Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ?,
Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 121.
1003
SINAY Hélène, Traité de droit du travail : t. VI : La grève, Paris, Dalloz, 1966, p. 421.
1004
DIOUF Birame, Les responsabilités à l’occasion des conflits collectifs du travail : une étude du droit
sénégalais des conflits collectifs à la lumière du droit français, Th. citée, p. 82.
1005
SINAY Hélène, Traité de droit du travail : t. VI : La grève, ouvr.cité, p. 421.
1006
JAVILLIER Jean-Claude, Les conflits du travail, 1ère éd. PUF, 1976, Coll. Que-sais-je ?, p. 112.
1007
Devenue, après codification, articles L. 522-1 et suivants du code du travail. JORF du 12 février 1950,
p. 1688.
1008
BACHY Jean-Paul, « Evolution et modes de règlement des grèves en France », D.S., n° 3, 1976, p. 102.
1009
Un rapide bilan peut être dressé à partir des informations recueillies par le ministère du travail. En effet,
entre 1950 et 1974 et pour une moyenne d’environ 3500 conflits observés chaque année, 85 seulement ont
connu une procédure légale de conciliation avec 70 % d’échec. V. FROMONT Yves, Th.citée, pp. 163-164.

245
La loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 (1010) est venue dans la perspective de
proposer quelques modifications, en rendant les procédures de résolution des conflits
collectifs prévues au code du travail facultatives depuis cette date, malgré une volonté
affirmée de s’inscrire dans un contexte de continuation, n’étant que des tentatives
d’adaptation des règles déjà en place et peu appliquées.

Enfin, il est difficile de dire que l’efficacité des procédures de règlement des conflits
collectifs est forcément liée au caractère obligatoire ou non du recours à celles-ci. Le
résultat de la tentative de conciliation dépend, en dernière analyse, de la volonté des
parties. L’organe conciliateur ne peut pas forcer l’accord des parties (1011).

Dans le système marocain où ces procédures sont obligatoires, la participation de


l’inspecteur du travail à la recherche de solutions aux conflits collectifs a été envisagée
très tôt dans le dahir de 1946 et peut s’analyser comme une phase préalable au
déroulement de la procédure de conciliation en vue du règlement du conflit. L’issue de
cette intervention dépendra cependant des moyens de persuasion suffisants que peut avoir
cet agent.

En France, la situation est tout autre. Les procédures de règlement des conflits
collectifs n’ont pratiquement jamais obtenu la faveur des partenaires sociaux (1012). Et
malgré la désaffection croissante qu’ont connue ces procédures légales de règlement des
conflits du travail, les pouvoirs de l’inspecteur du travail n’ont pas été altérés (1013).

B) L’intervention de l’inspecteur du travail dans la procédure de


conciliation : un cadre normatif perfectible

Dans la plupart des pays, la prévention et le règlement des conflits collectifs du


travail restent une des pierres angulaires de l’administration du travail et du maintien d’un

1010
Loi relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs de travail, JORF du 14
novembre 1982, p. 3414.
1011
Commission des Communautés Européennes, Prévention et règlement des conflits collectifs du travail
dans les pays membres de la Communauté, Luxembourg, Office des publications officielles des
Communautés européennes, 1984, p. 148.
1012
TEYSSIE Bernard, Droit du travail : Relations collectives, Paris, Litec, 6e éd. 2009, p. 716.
1013
FROMONT Yves, Les pouvoirs de l’inspecteur du travail, Th. 3e cycle, Montpellier 1, 1980, p .168.

246
climat propice à la croissance économique (1014). Mais l’action de l’inspection du travail
offre à cet égard une illustration du débat et des questions essentielles posées à cet
organe : contrôler l’application du droit du travail ou concilier ? (1015).

En France, il n’existe aucune procédure de saisine directe de l’inspecteur du travail en


cas de conflit collectif. Seule une disposition réglementaire précise que « tout conflit
collectif du travail est immédiatement notifié par la partie la plus diligente au préfet qui,
en liaison avec l’inspecteur du travail compétent, intervient en vue de rechercher une
solution amiable » (1016). Il n’en reste pas moins qu’il est légitime de s’interroger sur les
conséquences négatives de cette intervention conciliatrice sur les fonctions essentielles de
contrôle de l’inspecteur du travail. Il ne serait pas inutile de réfléchir à des formes de
spécialisation des agents du ministère du travail (1017).

Concernant les entreprises publiques et les établissements publics industriels et


commerciaux, des procédures particulières « aux fins de conciliation » des conflits
collectifs sont instaurées par « protocole établi par accord entre la direction, les
organisations syndicales les plus représentatives du personnel et le ministre dont relève
l’entreprise ou l’établissement » (1018).

1) Des procédures conventionnelles de conciliation insuffisamment


attractives

En principe, au Maroc comme en France, les procédures légales de conciliation et


d’arbitrage ne doivent s’appliquer que sous réserve de l’absence de procédures
conventionnelles de règlement des conflits collectifs du travail. La règle générale fondant
« le particularisme protecteur et progressiste du droit du travail » qui serait celle selon

1014
CASALE Guiseppe, « La prévention et le règlement des conflits du travail », in RIGAUX Marc et
HUMBLET Patrick (dir.), Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes
alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ?, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 27.
1015
DHOQUOIS-COHEN Régine, « Idéologie conciliatrice et répression des récalcitrants dans l’inspection
du travail : 1892-1970 », Droit Ouvrier., mars 1993, p. 87.
1016
Article R. 2522-1 du Code du travail français.
1017
AUVERGNON Philippe, « À propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs
du travail en France », p. 130.
1018
Article L. 2522-9 du Code du travail français.

247
laquelle toute norme de droit du travail s’applique « sauf dispositions plus favorables »
(1019), peut être tirée des articles 113 du code du travail marocain (1020) et L. 2254-1 du
code du travail français (1021).

Ainsi, selon l’article 105-5° du code du travail marocain, « les conventions collectives
de travail contiennent les dispositions concernant les relations de travail, notamment :
…5° : les procédures conventionnelles suivant lesquelles seront réglés les conflits
individuels et collectifs de travail susceptibles de survenir entre les employeurs et les
salariés liés par la convention ; ». La principale fonction est de ne pas conditionner le
bénéfice de l’application des dispositions d’une convention collective à l’affiliation des
salariés à l’un des syndicats signataires, la convention collective produit ses effets sur
l’ensemble des contrats de travail conclus par l’employeur (1022).

Il n’en reste pas moins que le principe de l’unité du régime applicable au personnel
d’une entreprise plaide pour généralisation des avantages à l’ensemble des salariés et la
non-discrimination entre les travailleurs syndiqués et les travailleurs non syndiqués, voire
entre les travailleurs membres de plusieurs syndicats de tendance opposée en se fondant
sur l’interdiction des mesures discriminatoires découlant de l’appartenance ou de
l’activité syndicale (1023) tel que cela ressort de l’article 9 du code du travail marocain, ou
suffirait-il de rappeler la lettre de l’article 113 du même code : « Les dispositions de la
convention collective de travail contractée par l’employeur s’appliquent aux contrats
conclus par lui. Dans chaque entreprise ou établissement compris dans le champ
d’application d’une convention collective (…) les dispositions de cette convention

1019
LANGLOIS Philippe, « La pluralité des conventions collectives applicables à un même contrat de
travail », in Le droit collectif du travail : questions fondamentales – évolutions récentes, Etudes en
hommage à Madame le Professeur Hélène Sinay, Nikitas ALIPRANTIS, Francis KESSLER (éd.), Frankfurt
am Main ; Berlin ; Bern ; New York ; Paris ; Wien : Lang, 1994, p. 25.
1020
Cet article dispose : « Les dispositions de la convention collective de travail contractée par l’employeur
s’appliquent aux contrats de travail conclus par lui.
Dans chaque entreprise ou établissement compris dans le champ d’application d’une convention collective
de travail, les dispositions de cette convention s’imposent, sauf dispositions plus favorables pour les
salariés dans leurs contrats de travail ».
1021
Cet article précise que : « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord,
ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables ».
1022
LANGLOIS Philippe, « La pluralité des conventions collectives applicables à un même contrat de
travail », art.cité, p. 25.
1023
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 476.

248
s’imposent sauf dispositions plus favorables pour les salariés dans leurs contrats de
travail ».

Il importe de préciser que le législateur français avait mentionné dans l’article L.


2254-1 du code du travail seulement la phrase « sauf dispositions plus favorables », que
certains auteurs (1024) soutenaient qu’il fallait lire « sauf dispositions plus favorables » du
contrat de travail. Ce qui permettrait dans certains cas d’autoriser ou de permettre au
salarié de choisir des dispositions plus favorables prévues par le contrat de travail (1025).

La conciliation conventionnelle est entièrement dépendante des clauses des


conventions et des accords collectifs. A cet égard existent généralement deux types de
commissions, les unes commissions de conciliation proprement dites, les autres
commissions d’interprétation dont le rôle est de donner une interprétation de la
convention collective et de ses avenants (1026).

Comme déjà exposé plus haut, les dispositions du code du travail concernant la
procédure de règlement des conflits collectifs ne doivent s’imposer qu’à défaut de
convention collective prévoyant cette procédure. Mais dans la pratique, cette procédure
n’a pas été encouragée et les raisons de l’absence de recours à la conciliation
conventionnelle résident dans l’existence faible des conventions collectives au Maroc et
qui, même quand elles existent sont caduques car non renouvelées après l’entrée en
vigueur du code du travail, ou disposent chichement que « pour le règlement des conflits
collectifs du travail, seront appliquées les dispositions du code du travail » (1027).

1024
LANGLOIS Philippe, « La pluralité des conventions collectives applicables à un même contrat de
travail », art.cité, p. 25.
1025
La Chambre sociale de la Cour de cassation française a adopté une approche similaire en jugeant que les
clauses du contrat de travail régulièrement conclues avec un salarié prévalent sur celles de la convention
collective applicable dans l’entreprise lorsqu’elles sont plus favorables pour l’intéressé. V. Cass.soc., 21
novembre 2012, pourvoi n° 11-10.289, Bull. civ., , V, n° 303.
La jurisprudence marocaine avait, à son tour, retenu qu’une convention collective (celle de Maroc Telecom
du 1er décembre 2004 renouvelée le 16 mars 2009 et le 25 mai 2012) prévoyant une mise à pied de deux
mois comme sanction disciplinaire en cas de faute non grave des salariés, comme étant beaucoup moins
favorable que les dispositions du code du travail sanctionnant ce même fait d’une mise à pied ne pouvant
excéder huit jours (article 37 du code du travail marocain), V, Cass.soc., arrêt n° 1845 du 22 décembre
2011, Dos soc n° 97/5/1/2011, in AZOUGGAR Omar, Jurisprudence de la Cour de cassation en matière de
dispositions du Code du travail, t. 1, éd. Najah Al Jadida, 2013, p. 213, (en arabe).
1026
SINAY Hélène et JAVILLIER Jean-Claude, “ La grève ”, Traité de Droit du Travail, t. 6, 2ème éd.
Dalloz, 1984, p. 518.
1027
Article 82 de la convention collective de Maroc Telecom, renouvelée le 25 mai 2012 et article 13 de la
convention collective de la SAMIR (Société anonyme marocaine de l'industrie du raffinage) du 25

249
2) Une conciliation légale aux effets incertains

Au Maroc, la procédure légale prévue aux articles 551 et suivants du code du travail,
est précédée (obligatoirement) d’une phase (préalable) de notification. Cette phase est
importante parce qu’elle permet de déclencher la procédure de règlement. Les parties
concernées doivent saisir d’abord un fonctionnaire du ministère de l’emploi, qu’il s’agisse
du délégué préfectoral ou provincial de cette administration lorsque le conflit s’étend à
plusieurs entreprises, ou de l’inspecteur du travail si le conflit concerne une seule
entreprise. En cas d’échec de cette tentative de conciliation, le conflit est porté devant la
commission préfectorale ou provinciale d’enquête et de conciliation ou devant la
commission nationale chargée de la même mission (1028), selon la nature et l’ampleur du
conflit collectif.

Si la procédure de conciliation devant chacun de ces organes se conforme à des


démarches spéciales, on notera que les rédacteurs du code du travail ont procédé par
économie, en renvoyant aux dispositions précédentes que celles-ci soient
exceptionnellement afférentes à la tentative de conciliation dirigée par un représentant de
l’administration du travail ou le plus souvent par la commission préfectorale ou
provinciale d’enquête et de conciliation (1029).

a) Au Maroc : une tentative de conciliation obligatoire devant


l’inspection du travail modelée sur le régime de l’ancien dahir de 1946

Au Maroc, l’obligation de procéder à la tentative de conciliation incombe non


seulement à la partie la plus diligente, mais aussi et surtout au délégué provincial ou
préfectoral quand le conflit s’étend à plusieurs entreprises, ou à l’inspecteur du travail si
le conflit se limite à une seule entreprise. L’un ou l’autre de ces fonctionnaires, selon la
dimension du conflit, est tenu d’engager la tentative de conciliation en essayant de
rapprocher les points de vue opposés, jusqu’à l’acceptation d’une solution de compromis

novembre 2005.V, URL : http://www.emploi.gov.ma/index.php/fr/presse/actualites/8-travail/5-conventions-


collectives.html.
1028
Articles 551 et 552 du code du travail marocain.
1029
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, pp. 589-590.

250
(1030). Mais encore faut-il qu’il en soit vite informé ou saisi directement par les parties ou
l’une d’elles, et fasse preuve d’une diligence alliant conviction et sérieux, diplomatie et
autorité (1031).

Là encore, c’est la bonne connaissance de l’entreprise de la part de l’inspecteur du


travail qui favorise la mission de conciliation (1032). Interlocuteur naturel des parties,
l’inspecteur du travail est généralement le premier recours dans les conflits, du moins
ceux qui ne dépassent pas le cadre d’une seule entreprise. Il est sollicité par les parties
pour régler les différends du travail et surtout pour les prévenir.

L’inspecteur du travail intervient dans le cadre de l’article 551 du Code du travail


marocain qui dispose : « Tout différend de travail susceptible d'entraîner un conflit
collectif fait l'objet d'une tentative de conciliation devant le délégué chargé du travail
auprès de la préfecture ou de la province, de l'agent chargé de l'inspection du travail, de
la commission provinciale d'enquête et de conciliation ou devant la commission nationale
d'enquête et de conciliation, selon la nature du conflit collectif ». Une fois informé du
conflit collectif relevant de sa compétence territoriale, il peut de sa propre initiative ou en
réponse à une requête (1033) de l’une des parties, intervenir directement en vue de trouver
une solution au conflit collectif.

La loi marocaine ayant imposé la saisine de l’inspecteur du travail par requête fixant
les points du différend, il semble donc que cette dernière doit être formulée par écrit.
L’article 554 du Code du travail marocain n’a fait que renvoyer aux dispositions régissant
la procédure suivie devant la commission préfectorale ou provinciale d’enquête et de
conciliation, à tel point que l’on peut valablement soutenir que la tentative effectuée par
le délégué ou l’inspecteur du travail peut être considérée comme la première étape et donc
« un passage obligé » permettant de faciliter la tâche de l’organe suivant en cas de non
conciliation (1034).

1030
PÉLISSIER Jean, SUPIOT Alain, JEAMMAUD Antoine, Droit du travail, Précis Dalloz, 20ème éd.
2000, p. 1176 ; BACHY Jean-Paul, « Évolution et modes de règlement des grèves en France », D.S., n° 3,
1976, p. 102.
1031
AUVERGNON Philippe, Th.citée, p. 352.
1032
FONTAINE Laurence, La mission de l’inspection du travail en matière d’emploi, Mém.cité, p. 67.
1033
Article 553 du code du travail marocain.
1034
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, ouvr.cité, p. 591.

251
b) En France : l’intervention de l’inspecteur du travail, un contexte
dépassant le cadre normatif

En France, il n’existe pas de disposition prévoyant la procédure de saisine directe de


l’inspection du travail en cas de conflit collectif. Seule sa participation ou association au
règlement du conflit a été envisagée dans le cadre de la procédure de conciliation par
l’article R. 2522-1 du Code du travail français qui précise que « Tout conflit collectif doit
être immédiatement notifié par la partie la plus diligente au préfet qui, en liaison avec
l'inspecteur du travail compétent, intervient en vue de rechercher une solution amiable ».

Dans ce texte, l’inspecteur du travail n’apparait qu’en second ordre avec l’usage du
terme employé « en liaison » (1035). Cette intervention conciliatrice de l’autorité publique
s’oppose, non seulement, à la mission essentielle de contrôle, mais aussi au principe de
l’indépendance de l’inspection du travail (1036) reconnu par l’article 6 de la Convention n°
81 de l’OIT (1037). En pratique néanmoins, la mission de conciliation est assurée par les
membres du corps de l’inspection du travail dont le statut rappelle qu’ils apportent leurs
concours à diverses missions dont « celle de conciliation dans la prévention des conflits
du travail » (1038).

Cette mission particulière repose sur une intervention de facto de l’inspecteur du


travail (1039) qui n’attend pas la requête du Préfet. Il agit de sa propre initiative ou à la
demande des parties. Cette action est d’autant plus naturelle que cet agent est
l’interlocuteur habituel des deux parties et n’est donc pas étranger à l’entreprise. Déjà, le
pouvoir de conciliation légal de l’inspecteur du travail est de portée limitée. L’article R.
2522-1 CTF est lui-même d’une portée toute relative. Ce texte exclut les hypothèses où

1035
SINAY Hélène, Traité de droit du travail : t. VI : La grève, p. 520.
1036
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France. Missions, organisation et prérogatives, ouvr.cité, p. 88.
1037
Convention concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce entrée en vigueur le 07
avril 1950.
1038
Décret n° 2003-770 du 20 août 2003, JORF du 21 août 2003, 14270.
1039
AUVERGNON Philippe, « À propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs
du travail en France », p. 129.

252
l’inspecteur du travail est saisi directement par les parties et où il est seul à intervenir pour
régler le différend (1040).

Dans les faits, l’inspecteur du travail conserve une marge importante d’appréciation
sur le moment et le lieu de ses premières interventions en vue de recueillir les premières
informations sur les formes et les acteurs du conflit ; ou à l’occasion d’une première
intervention suite à une demande émanant des parties dans le but d’organiser un premier
contact préalable à l’engagement d’une négociation (1041). Cette démarche requiert,
naturellement, l’accord des deux parties.

La nature informelle de cette intervention de l’inspecteur du travail est indissociable


de sa mission et explique le succès et l’efficacité de la procédure du fait de la souplesse
de la conciliation informelle (1042). Cela n’empêche pas le Préfet d’intervenir pour agir
seul à tout moment en opportunité selon les répercussions du conflit sur le plan social ou
local (1043), et prendre en fait l’initiative avec l’administration centrale du ministère, voire
directement avec le cabinet du ministre selon la gravité de la situation.

La rédaction de l’ancien article R. 523-1 CTF (1044) avait toutefois suscité certaines
réserves. Ainsi, selon M. Viano, la formulation employée révèle en premier lieu le
caractère discret qui est donné au rôle de conciliateur de l’inspecteur du travail, « rôle
(qui), pour sa première consécration légale, méritait sans doute une évocation plus
appuyée ». En second lieu, cet auteur retient le caractère ambigu de la formulation même
(1045) : « L’habile balancement entre la primauté donnée au préfet et l’indépendance de
l’inspecteur, en apparence sauvegardée par les termes « en liaison », ne doit pas faire
illusion : d’une part, cette immixtion étatique au niveau préfectoral est tout à fait hors de

1040
PRÉVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 126.
1041
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, ouvr.cité, p. 88.
1042
Le succès rencontré par cette conciliation informelle a été la base de la reconnaissance réglementaire à
travers le décret n° 77-1288 du 24 novembre 1977 qui dispose dans son article 2 que : « Les inspecteurs du
travail assurent, en outre, un rôle de conseil et de conciliation en vue de la prévention et du règlement des
conflits», succès dont le rapport du Comité Sudreau s’est fait l’écho, SUDREAU Pierre, Rapport du comité
d’étude pour la réforme de l’entreprise. Comité présidé par Pierre Sudreau, Paris, La Documentation
Française, 1975, p. 64. Voir aussi PRÉVOSTEAU Pierre, Th.citée, pp. 127-128.
1043
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, ouvr.cité, p. 89.
1044
Actuel article R. 2522-1 du Code du travail français.
1045
PRÉVOSTEAU Pierre, Th.citée, p. 125.

253
mesure, du moins en premier ressort ; d’autre part, l’inspecteur du travail, en dépit de
son indépendance, risque d’en éprouver quelque pesanteur » (1046).

Déjà la lecture des débats parlementaires montre que des discussions confuses,
quoique fort importantes, avaient eu lieu à propos des rapports entre l’inspecteur du
travail et le préfet dans le cadre d’une procédure de conciliation des conflits collectifs.
Ces débats avaient fini par retenir ce qu’il faut appeler respect de la structure
administrative, en laissant au préfet ses droits absolus (1047). Les difficultés occasionnées
par la formule de cet article autorisaient quelques doutes que la réforme de 1964 a levés
en excluant, dans l’article 4 du décret n° 64-250 du 14 mars 1964 (1048), l’inspection de la
législation du travail de la compétence préfectorale. Les attributions du préfet telles
qu’elles sont définies dans l’instruction générale du 26 mars (1049) suivent et consolident
ce raisonnement.

Cette démarche peut se heurter à plusieurs obstacles qui en rendraient le succès


aléatoire, mais on peut légitimement avancer qu’elle a au moins pour objectif de régler les
conflits. Dans le cas où cette tentative administrative de conciliation, relativement
« informelle », n’est pas couronnée de succès, la procédure proprement dite est engagée
soit par l’une des parties, soit par le ministre chargé du travail, soit par le préfet (1050).
Aucun délai n’est à cet égard imposé.

Ainsi, en France, ce n’est qu’après l’échec de cette tentative administrative de


conciliation informelle qu’est ouverte la voie d’une procédure légale proprement dite et
engagée. Cette procédure doit obéir à des modalités particulières, afin de produire des
effets. Cependant, on remarquera que le droit français a adopté une position différente du
droit marocain quant à l’obligation de recourir à la procédure légale de conciliation.

1046
VIANO Pierre, « Le rôle de l’inspection du travail dans le règlement des conflits collectifs », D.S., n° 1,
1977, p. 94.
1047
Débats parlementaires de la 4ème République et constituantes, JORF., Assemblée Nationale, 2ème séance
du 5 février 1957, p. 665.
1048
Décret relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des services de l’Etat dans les départements et à
la déconcentration administrative, JORF., du 20 mars 1964, p. 2588.
1049
Instruction générale du 26 mars 1964 prise pour l’application du décret n° 64-250 du 14 mars 1964,
JORF., du 1er avril 1964, pp. 2953-2954.
1050
Article R. 2522-2 du code du travail français. V, MARTINON Arnaud, « Conflits collectifs du travail
(procédures de règlement) », Rép.dr. trav., octobre 2008, n° 67.

254
3) La préoccupation étatique vers un règlement des conflits
collectifs

Pour qu’un conflit collectif puisse être soumis à la procédure légale de conciliation, il
est nécessaire que les parties, selon le système juridique du pays (1051), décident ou se
trouvent contraintes d’y recourir. En France, l’article L. 2522-1 du code du travail prévoit
que « Tous les conflits collectifs de travail peuvent être soumis aux procédures de
conciliation ». Il ajoute qu’en l’absence de norme conventionnelle ou pour quelque raison
que ce soit, les conflits non soumis à la procédure de conciliation peuvent être portés soit
par l’une des parties, soit par le ministre chargé du travail ou le préfet devant les
commissions mises en place par les pouvoirs publics. Suivant l’ampleur du conflit, la
commission compétente est nationale ou régionale. Ces deux commissions siègent
respectivement au ministère du travail et à la DRT (1052).

Ces commissions sont composées de représentants d’employeurs et de salariés en


nombre égal et de représentants des pouvoirs publics (1053). Avant le décret n° 2008-244
du 7 mars 2008 relatif au code du travail, il convenait de ne pas minimiser le rôle de
l’inspecteur du travail qui, en vertu des anciens articles R. 523-5 et 6 (1054) pouvait être
amené à présider la section régionale ou la section à compétence départementale de la
commission régionale de conciliation, en sa qualité de représentant du directeur régional
ou du directeur départemental du travail. Sauf qu’avec ce nouveau décret, la commission
régionale n’est désormais plus présidée par le directeur régional de l’emploi ou son
représentant, mais par le préfet de région ou de département ou son représentant (1055).

L’empreinte de l’intervention étatique dans le règlement des conflits collectifs est


aisément perceptible, les mots et les actes en témoignent. Aussitôt qu’une procédure de
conciliation est engagée, les parties au conflit sont tenues de s’y soumettre. Elles doivent
comparaitre ou se faire représenter par des personnes dûment mandatées et ayant tout
1051
La conciliation est volontaire lorsque les parties sont libres d’y recourir ou non ; elle est obligatoire
lorsqu’elles sont tenues de la faire.
1052
Mémento pratique Francis Lefebvre, Social, 2008, p. 180.
1053
Article L. 2522-7 du Code du travail français.
1054
Actuels articles R. 2522-9 et R. 2522-10 du Code du travail français.
1055
Article R. 2522-9 du Code du travail français.

255
pouvoir pour négocier et conclure un accord de conciliation (1056) conformément à
l’article L. 2231-2 du code du travail français. Sinon la non comparution, sans motif
légitime, conduit à l’établissement d’un rapport remis à l’autorité administrative et
transmis au procureur de la République.

Si cette procédure permet de parvenir à un accord, celui-ci vaudra comme accord


collectif (1057). On ne saurait mieux souligner la parenté entre l’exercice direct du droit à
la négociation, et son exercice sous l’égide d’une commission de conciliation (1058). A
l’issue des réunions de commission, il est dressé un procès-verbal de conciliation par le
président de la commission, aussitôt adressé aux parties et qui produit les mêmes effets
d’une convention collective ou d’un accord collectif en cas d’entente entre les parties
(1059).

En cas d’échec, le conflit est soumis soit à la procédure d’arbitrage si les deux parties
en conviennent, soit à la procédure de médiation prévues par le code du travail (1060).
Toutefois, en pratique, les services centraux du ministère du travail ne recensent plus la
tenue de commissions régionales de conciliation ; sauf exceptions, notamment dans le
secteur de l’agriculture et Outre-mer, elles apparaissent pour le moins en sommeil
profond ! (1061).

a) Une mission de conciliation justifiant une application limitée

La situation est un peu différente en droit marocain où la procédure de conciliation


est obligatoire. Elle est solidement ancrée et considérée comme l’une des tâches les plus

1056
La Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 20 février 1991 qu’un employeur qui s’était abstenu de
donner tous les pouvoirs exigés par la loi à son représentant qui n’a pu donc solliciter le renvoi de la
réunion comme le lui permettait l’alinéa 3 de l’article L. 523-5 du code du travail, ne pouvait opposer à ses
salariés son propre manquement à ses obligations, pour refuser d’honorer les engagements pris en son nom
devant la commission, V, Cass.soc., 20 février 1991, pourvoi n° 87-41.016, Bull. civ., V, n° 89, p. 54.
1057
Article L. 2524-5 du Code du travail français.
1058
MORIN Marie-Laure, Le droit des salariés à la négociation collective. Principe général du droit,
LGDJ, 1994, Coll. Bibliothèque de droit social, t. 27, p. 496.
1059
Les actes résultant d’une conciliation, d’une médiation ou d’un arbitrage produisent les effets des
conventions collectives par volonté du législateur (article L. 2524-5 du code du travail français).
1060
Article L. 2522-6 du Code du travail français.
1061
AUVERGNON Philippe, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs
du travail en France », art.cité, p. 122.

256
importantes effectuée, officiellement, par l’inspecteur du travail, dans le cadre des conflits
individuels (1062) et collectifs du travail.

L’engagement de la procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail comme


dans les étapes ultérieures est décidé par voie administrative sans nécessiter l’accord des
parties en conflit. Les parties sont tenues de comparaitre en personne même de mauvaise
foi (1063), ou en cas d’empêchement majeur reconnu valable par le conciliateur, elles
doivent se faire représenter par une personne ayant pouvoir pour conclure un accord de
conciliation à leur place (1064). De même, les parties au conflit peuvent se faire assister
d’un délégué du personnel ou d’un représentant syndical en ce qui concerne les salariés,
ou d’un représentant de l’organisation patronale à laquelle appartiennent le ou les
employeurs concernés. Lorsque l’employeur est une personne morale, il doit déléguer un
représentant dûment mandaté pour négocier et conclure l’accord de conciliation.

L’inspecteur du travail essaye de superviser le respect des droits de la défense des


parties en veillant à l’échange entre elles de leurs observations sous formes de mémoires,
après les avoir reçu, sans toutefois que les dispositions de l’article 559 du Code du travail
marocain lui fixent impérativement de délai. Il est seulement question de convoquer les
parties au conflit, par télégramme (1065), dans les 48 heures suivant la saisine de l’agent
public, ou l’avis de l’échec de la procédure conventionnelle de conciliation, à l’instar de
ce qui est prescrit pour la commission d’enquête et de conciliation (1066).

L’inspecteur du travail ou le délégué du ministère de l’emploi, comme c’est le cas


pour les deux commissions de conciliation doit parvenir à concilier les parties au conflit,
formellement du moins, dans un délai ne dépassant pas six jours à partir de la saisine de
l’organe chargé de cette procédure. Passé ce délai, qui est de rigueur, sans arriver à

1062
La procédure de conciliation dans les conflits individuels n’est, par contre, pas obligatoire.
1063
Rapport CES, p. 35.
1064
Le Conseil économique, social et environnemental du Maroc a cité la « désignation par les entreprises
concernées de mandataires dépourvus de pouvoir de décision », comme l’une des principales entraves au
bon fonctionnement des commissions d’enquête et de conciliation. Rapport CES, p. 50.
1065
Dans un souci de célérité.
1066
L’article 554 du Code du travail marocain précise que : « Il est fait application de la procédure prévue
aux articles 558, 559 et 560 ci-dessous, devant le délégué chargé du travail auprès de la préfecture ou
province et devant l’agent chargé de l’inspection du travail ».

257
rapprocher les positions des parties, le conciliateur peut estimer que sa tentative a échoué
et il devra prendre les dispositions nécessaires pour passer à l’étape suivante.

Au terme de cette procédure, le conciliateur constate l’accord partiel ou total, s’il est
obtenu, ou la non-conciliation et la non-comparution des parties, le cas échéant, dans un
procès-verbal établi immédiatement, signé par l’inspecteur du travail et les parties, et
remis ou notifié à ces dernières (1067).

Si le procès-verbal relate l’échec de cette première tentative de conciliation,


l’inspecteur-conciliateur est appelé à saisir, dans un délai de trois jours, la commission
régionale chargée d’entreprendre à son tour une autre tentative de conciliation.
L’obligation des parties au conflit, ou l’une d’elles, à suivre la seconde phase de la
procédure de conciliation dépend principalement de leur seule volonté ou plutôt dès que
l’une d’elles a pris l’initiative de saisir la commission. Toutefois, l’absence de contrainte,
notamment par voie répressive, semble être détournée par la possibilité, sinon
l’obligation, de l’inspecteur de saisir cet organe (1068). C’est à l’inspecteur du travail ou au
délégué, selon le cas, de déclencher cette deuxième phase. Mais ils ne sont pas, eux aussi,
contraints d’agir sous peine de sanction ; ce qui risque de rendre le recours à la
commission préfectorale ou provinciale aléatoire.

Il faut souligner que, contrairement à la procédure de conciliation se déroulant devant


l’inspecteur du travail ou le délégué chargé de l’emploi, les parties au conflit, devant les
commissions régionale et nationale dont les présidents sont dotés de larges pouvoirs
d’investigation, sont tenues de répondre par l’obligation de collaboration, de production
de documents et renseignements liés au litige qui les oppose et de comparution
(représentation en cas d’empêchement majeur) dans le cadre d’une enquête
complémentaire (1069). Dans le cas contraire, il est dressé un procès verbal qui peut être

1067
L’article 555 du Code du travail marocain présente une similitude avec l’article 563.
1068
Article 556 du Code du travail marocain.
1069
Nous enregistrons notre grand étonnement vis-à-vis des rédacteurs du code du travail, quand nous
découvrons que ce code a prévu l’obligation de comparution des parties au conflit devant les organes de
conciliation, que ce soit l’inspecteur du travail, le délégué chargé de l’emploi, la commission préfectorale
ou la commission nationale, mais n’a prévu aucune sanction en cas de non-comparution (non-
représentation) devant ces organes. Il est allé plus loin en sanctionnant le défaut de présence ou
représentation des parties devant les commissions préfectorale et nationale seulement en cas d’enquête
complémentaire (article 583). Nul mot sur le défaut de comparution aux réunions auxquelles les parties
sont dûment convoquées par ces autorités. Certes, les articles 583, 584 et 585 ne visent pas expressément la
procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail ou le délégué chargé du travail et aucun autre texte

258
transmis au parquet en vue de leur condamnation à une amende de 10000 à 20000
dirhams (1070).

b) L’accord de fin de conflit, l’aboutissement des efforts engagés

Lorsque les négociations aboutissent à un règlement du conflit, qu’un accord soit


conclu sous les auspices de l’inspecteur du travail, cet acte produit des effets de droit.
Certes cet acte est, en droit marocain, non assimilé légalement à une convention
collective ; mais il entend substituer un rapport d’obligation à un rapport de force (1071).
L’article 581 al. 2 du Code du travail marocain ne pose pas de problème particulier, sauf
en ce qui concerne les modalités pratiques de conservation et de gestion administratives,
puisqu’il précise que « L’original de l’accord de conciliation et celui de la décision
d’arbitrage sont conservés, selon le cas, auprès du secrétariat de la commission
d’enquête et de conciliation ou auprès du secrétariat de l’arbitre ». La difficulté est tout
autre dans l’alinéa 1er de ce même texte : « L’accord de conciliation et la décision
d’arbitrage ont force exécutoire, conformément aux dispositions du code de procédure
civile » (1072).

Cette disposition manque sans doute de polissage encore. Le lexique lui-même est
peu précis. Même si elle semble partir d’un bon sentiment, la formule de ce 1er alinéa
laisse la porte ouverte à un exercice d’interprétations, surtout en l’absence de toute
précision de la part du législateur sur les dispositions exactes du CPC dont il est question.

relatif au règlement de ces conflits n’y renvoie. Mais aussi aucune disposition ne fait allusion à la sanction
de non comparution (représentation) devant les deux commissions. Or, conformément au principe de la
légalité des peines, un texte exprès dans ce sens se fait sentir.
1070
Il faut souligner que de telles sanctions ne sont pas prévues dans le cadre d’une tentative de conciliation
dirigée par le délégué du ministère de l’emploi ou par l’inspecteur du travail. A tout le moins peut-on se
demander si le législateur marocain a voulu assigner des limites au rôle de conciliateur de l’inspection du
travail au premier niveau de la procédure de conciliation, ou avait-il l’intention d’accorder à cette procédure
préalable un caractère particulier et souple ?
1071
MOREAU Marc, « Les règlements de fin de conflit (protocole, protocole d’accord ou accord de fin de
conflit) », D.S., n° 2, 2001, p. 139.
1072
Il est à noter que dans une question posée au ministre de l’emploi par des parlementaires concernant la
coopération entre son ministère et celui de la justice surtout en matière de conflits collectifs où l’on connait
plusieurs difficultés qui entravent le règlement de ces conflits et qui résultent en premier lieu du non
respect, par les employeurs, des dispositions légales et réglementaires, la réponse de ce premier ne faisait
allusion au caractère obligatoire des accords de conciliation des conflits collectifs que devant les
commissions préfectorale et nationale d’enquête et de conciliation quant à la coordination entre les deux
ministères en matière de mise en application des articles 581 et 583 du Code du travail marocain. Il n’est
point cité l’accord conclu devant l’inspecteur du travail ou le délégué du ministère de l’emploi.

259
Cette formule pourrait effectivement signifier, dans une première interprétation, que par
la force des lois, les accords de conciliation et sentences arbitrales sont revêtus de la force
exécutoire dès le dépôt de leurs originaux auprès des secrétariats respectifs. Ce premier
raisonnement en autorise un second où la partie la plus diligente est tenue de saisir le
tribunal de première instance pour qu’il appose la formule exécutoire sur l’accord de
conciliation.

A en juger par l’interprétation littérale des dispositions de l’article 581 al. 1er du Code
du travail marocain, il semble que le principe posé par cet alinéa admet que l’accord de
conciliation ou la sentence arbitrale sont dotés de la force exécutoire tels que des actes
juridictionnels et la partie la plus diligente peut en demander l’exécution sans recourir à
une ordonnance d’exequatur ou un jugement convenu, en soulignant « la spécificité du
régime établi par le code du travail en la matière » (1073).

La différence la plus pertinente et la plus éclairante qui sépare le droit français du


droit marocain réside dans la place accordée aux accords de conciliation intervenant en
application des dispositions du code du travail relatives au règlement des conflits
collectifs. Alors que le droit français considère que ces accords ont les mêmes effets que
les conventions et accords collectifs de travail (1074), le législateur marocain conçoit les
conventions collectives comme « un cadre qui porte sur l’intégralité des questions de
travail, et non pas comme un moyen destiné à consigner des engagements réciproques sur
les questions les plus pertinentes pour les parties » (1075).

Si la procédure de règlement des conflits collectifs permet à l’employeur de négocier


avec des représentants non institutionnels des travailleurs (1076), ces derniers ne peuvent
légalement pas conclure d’engagements collectifs. Les dispositions ayant trait à la
réglementation de la négociation collective ne reconnaissent le droit d’y prendre part

1073
BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 2, 2005, ouvr.cité, p. 605.
1074
Article L. 2524-5 du code du travail français.
1075
FILALI MEKNASSI Rachid, « La codification de la législation du travail au Maroc, une étape dans la
modernisation du système des relations professionnelles », art.cité, p. 99.
1076
Article 558 al. 4 du code du travail marocain.

260
qu’aux organisations syndicales les plus représentatives (1077). Elles sont seules admises à
négocier et conclure les conventions et accords collectifs de travail.

Dans ces conditions, et compte tenu de la faible présence syndicale dans les
entreprises (1078) et d’une désaffection des salariés vis-à-vis de l’engagement syndical
(1079), il est possible que le droit conventionnel du travail risque de ne pas évoluer
sensiblement et continue à être contrarié par une véritable floraison d’accords simplifiés
sous la forme de « protocoles d’accords » ou de « procès-verbaux de négociations », qui
peuvent présider au règlement des conflits, sans pour autant constituer des actes
produisant les effets des conventions et accords collectifs contribuant à l’adaptation de la
législation et à l’expansion du droit d’origine professionnelle (1080).

1077
Article 104 du code du travail marocain.
1078
Le syndicalisme marocain n’a pas pu remplir sa tâche essentielle parce qu’il a sacrifié sur l’autel du
politisme, souvent étroit, la lutte sur le plan du droit. El AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 175
1079
Ainsi en 2009, 65% des délégués du personnel élus lors des élections professionnelles sont sans
affiliation syndicale. Jointe aux convulsions politiques touchant le monde syndical ces derniers temps, cette
marginalisation relègue la négociation dans les entreprises et affaiblit les mouvements collectifs. V,
Résultats des élections des délégués du personnel organisées du 14 au 19 mai 2009. Communiqué de presse
du ministère de la modernisation des secteurs publics et du ministère de l’emploi et de la formation
professionnelle le 28 mai 2009 à Rabat. (Source) : www.mincom.gov.ma.
1080
FILALI MEKNASSI Rachid, « La codification de la législation du travail au Maroc, une étape dans la
modernisation du système des relations professionnelles », art.cité, p. 99.

261
Chapitre 2 : Le contrôle et ses suites

La mission de contrôle forme l’identité de l’inspection du travail ( 1081), évaluer,


uniquement, le contenu du pouvoir de contrôle (Section 1) ne suffit pas à en cerner
l’étendue pratique. Afin d’accentuer son efficience, et dans le but de mieux assurer son
respect, des sanctions y ont été introduites réprimant ainsi les infractions commises. En
effet, il est du ressort de l’inspecteur du travail de constater l’infraction, la sanction ainsi
infligée, constitue une suite du contrôle (Section 2) s’exprimant ainsi par des procès-
verbaux et destinée à exercer un effet dissuasif

1081
JUSTET Luc, L’inspection du travail, une expérience du droit, Presses Universitaires de Rennes, 2013,
p. 39.

262
Section 1 : Le contrôle d’application de la réglementation générale du
travail

Il est à noter que l’actuel profil d’inspection du travail ainsi conçu et fixé a
progressivement évolué depuis sa création. Il est le résultat d’un ensemble de missions
répondant à des besoins ou des urgences progressivement révélés par l’amorçage et
l’évolution du droit social et de la politique sociale, sans pour autant oublier celle de la
société française. Devant le progrès du machinisme qui a marqué la transformation de la
société française au milieu du XIXe siècle, de nouvelles législations sociales abondantes
ont vu le jour touchant de nombreuses catégories de travailleurs, et soumises au contrôle
de l’inspection du travail quant à son application (1082).

À l’origine (1083), le seul souci de l’État en matière de travail fut de protéger et de


préserver la santé des ouvriers et d’assurer leur sécurité dans les usines. Ensuite, il
institutionnalise la fonction de contrôle en organisant le corps d’inspection du travail au
sens administratif (1084), avec une fonction de contrôle et de police spéciale uniquement.

Ce n’est qu’à la veille du XXe siècle que de nouvelles méthodes d’intervention sont
venues s’ajouter au contrôle. Il s’agit de la prévention des risques des conflits ou de leur
règlement par le biais de la conciliation. Après les années soixante-dix les rôles de
conciliation et de conseil seront valorisés et associés à la mission de contrôle dans un but
de maintien de la paix sociale mais dont « la cohérence n’exclut pas les tensions voire les

1082
GUICHAUD Frédérique, L’inspection du travail : histoire, structure, pouvoirs, Th.citée, p. 10.
1083
L’évolution des missions de l’inspection du travail est passée par plusieurs étapes qu’on peut
schématiser de la manière suivante :
Les lois de 1841 et 1874 qui marquent, pour la première fois l’interdiction de travail des enfants de moins
de huit ans avec limitation de la durée du travail de huit heures par jour pour ces derniers et de douze heures
pour les enfants de douze et seize ans avec des visites d’inspection. Quant à la seconde, elle proscrit le
travail des enfants de moins de douze ans dans l’industrie et fixe à douze heures la durée de la journée de
travail.
La loi du 2 novembre 1892 à 1936, marque la création du corps d’inspecteurs du travail fonctionnaires
d’Etat qui avait qu’une fonction de contrôle et de police spéciale. Ce n’est qu’en 1936 que l’inspection du
travail a connue un élargissement des pouvoirs notamment d’intervention.
1084
GUICHAUD Frédérique, Th.citée, p. 7.

263
contradictions de logique, l’une des principales se situant dans la polarité émergente
dans les années 1970 entre l’emploi et le travail » (1085).

L’évolution du système d’inspection du travail au Maroc a été progressive ; l’on


passe ainsi à l’origine d’une inspection technique des établissements insalubres,
incommodes ou dangereux (1086), à une création d’inspection de contrôle des conditions
du travail, au sens plus large, par le dahir du 13 juillet 1926 (1087) qui sera abrogé par le
dahir du 2 juillet 1947 (1088) lui-même abrogé par la loi n° 65-99 formant Code du travail.

§ 1. Cadre des prérogatives liées à la fonction de contrôle

Le Code du travail marocain (1089) prévoit, à l’instar du Code du travail français, que
les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions de droit
du travail et de constater les infractions à ces dispositions (1090). De ce fait, ils disposent
pour l’exercice de leur mission, d’un certain nombre de prérogatives et de moyens
d’intervention qui leur permettent de constater les infractions. Parmi lesquels, le droit
d’entrée dans les établissements soumis à leur contrôle (1091), l’accès aux documents
prévus par la réglementation (1092), ils peuvent procéder, aux fins d’analyse, à des
prélèvements (1093).

1085
LE GOFF Jacques, Droit du travail et société, t. 1, Les relations individuelles de travail, Presses
Universitaires de Rennes, PUR, 2001, p. 939
1086
Il s’agit du dahir du 25 août 1914 portant réglementation des établissements insalubres, incommodes ou
dangereux, B.O n° 97 du 7 septembre 1914, p. 703.
1087
Le dahir du 13 juillet 1926 portant réglementation du travail dans les établissements industriels et
commerciaux, B.O n° 724 du 7 septembre 1926, p. 1689.
1088
Le dahir du 02 juillet 1947 portant réglementation du travail, B.O n° 1825 du 17 octobre 1947, p. 1028.
1089
Article 532 du Code du travail marocain.
1090
Articles L. 8112-1 et L. 8112-2 du Code du travail français.
1091
Article 533 du Code du travail marocain ; articles L. 8113-1, L. 8113-2-1(issus de l’article 280 de la loi
n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques) du Code du
travail français.
1092
Articles 533-3-b du Code du travail marocain et L. 8113-4 du Code du travail français.
1093
Articles 533-3-d du Code du travail marocain et L. 8113-3 du Code du travail français.

264
Il importe de souligner que la visite constitue le seul mode d’intervention à la
disposition de l’inspecteur du travail « sans laquelle toute mission de contrôle ne pourrait
être mise en œuvre » (1094). Elle peut être ordinaire de routine ou spéciale à la suite d’une
plainte d’un salarié ou de représentant du personnel ou par une demande d’enquête
formulée par l’administration du travail. Il peut s’agir, aussi, d’une visite systématique,
avec un rôle d’inspecter un type d’entreprise et de contrôler l’observation de toutes les
dispositions légales et réglementaires applicables (1095).

La mission d’inspection est principalement organisée autour du contrôle d’application


des dispositions du droit du travail et de la constatation des infractions à ces dispositions
(1096). De ce fait, pour la réalisation du contrôle, l’inspecteur du travail dispose de
différents moyens d’action, il s’agit du moyen d’entrée et d’enquête, du moyen
d’intervention et enfin celui de constatation des infractions.

A) Le droit d’entrée ou de visite : base du contrôle

La convention n° 81 de l’OIT a prévu dans son article 3 que l’inspection du travail


sera chargée « d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de
travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les
dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au
bien être, à l’emploi des enfants et des adolescents, et à autres matières connexes, dans la
mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application desdites
dispositions… ».

La formule, à première vue, claire, restreint un domaine étendu d’activités puisque


l’inspecteur du travail doit, non seulement « contrôler » mais aussi « assurer l’application

1094
BOUCHARD Valérie, « Des pouvoirs de police judiciaire de l’inspecteur du travail », RSC., n° 2, 2005,
p 274.
1095
Ainsi, selon M. Chetcuti, « l’inspecteur du travail ne peut, dans la plupart des cas, mettre en œuvre les
pouvoirs que lui confère la loi qu’à l’occasion d’une visite de l’établissement assujetti, qu’elle soit
provoquée par l’actualité (plainte d’un syndicat ou d’un salarié, accident du travail…) ou qu’elle soit
effectuée de façon systématique ». CHETCUTI Claude, « Réflexions sur l’inspection du travail », D.S., n°
2, 1976, p. 29.
1096
Article L. 8112-1 du Code du travail français.

265
des dispositions légales » (1097). La mission ainsi attribuée semble se former en termes de
fonction de surveillance essentiellement préventive caractérisée par la visite, le droit
d’entrée, le droit à la communication des documents, et de fonction de contrôle
caractérisée par la constatation des infractions, la sanction et la transmission de celle-ci
auprès des autorités compétentes (1098).

1) Le droit de visite des lieux de travail

Ces dispositions qui constituent la base commune aux activités des inspecteurs et
dont le souci est, non seulement, de protéger les entreprises ainsi que les travailleurs, mais
aussi de veiller au respect et à l’application de la législation sociale en vigueur « semblent
limiter le pouvoir de contrôle de l’inspecteur du travail dans la mesure où il n’est pas
autorisé à imposer toute amélioration des conditions de travail qu’il juge souhaitable »
(1099). En effet, le pouvoir que détient l’inspecteur ne se « définit pas uniquement par la
faculté de le posséder. Encore faut- il l’exercer » (1100).

Les inspecteurs du travail disposent d’un droit d’entrée (1101) dans tous les
établissements où sont applicables les dispositions du droit du travail (1102) « afin d’y

1097
PICKVANCE Simon, Encyclopédie de sécurité et de santé au travail BIT, partie III : gestion et
politique, chapitre 23 : les ressources institutionnelles structurelles et juridiques, 3 ème édition française
(traduction de la 4ème édition anglaise), 2004, (chapitre non paginé).
1098
BOUCHARD Valérie, « Des pouvoirs de police judiciaire de l’inspecteur du travail », art.cité, p. 273.
1099
PICKVANCE Simon, ouvr.cité.
1100
FROMONT Yves, Th.citée, p. 15
1101
L’inspecteur du travail a un droit de visite, dans les établissements, impliquant le droit d’entrée et de
circuler. Conformément à l’article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT « les inspecteurs du travail munis de
pièces justificatives de leurs fonctions seront autorisés :
- à pénétrer librement sans avertissement préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout
établissement assujetti au contrôle de l’inspection ;
- à pénétrer de jour dans tous les locaux qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer être
assujettis au contrôle de l’inspection… ». À cet égard, la Cour de cassation française a reconnu
qu’ « aucune disposition du code du travail ne restreint le pouvoir dévolu aux inspecteurs du travail de
procéder à l’intérieur des établissements où ils ont accès en raison de leurs fonctions aux enquêtes dont ils
sont chargés ». Cass.crim., 22 juillet 1981, n° 81-90.167, Bull. crim., 1981, n° 237. Si les inspecteurs du
travail disposent du droit d’entrée, les agents de police judiciaire ont, eux aussi, la possibilité d’intervenir
dans les mêmes établissements précités, mais sur ordonnance du président du Tribunal de grande instance
rendue sur réquisition du Procureur de la République. V, article L. 8271-13 du Code du travail français.
1102
À l’exception des établissements soumis en raison de leur objet à des régimes spéciaux. In SALOMON
Renaud et MARTINEL Agnès, Droit pénal social, Droit pénal du travail et de la sécurité sociale, éd.
Économica, Paris, 2014, p. 496.

266
assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés » (1103) ainsi que dans les
locaux où accomplissent leurs tâches les travailleurs à domicile à l’exception des « locaux
habités » (1104) où les inspecteurs ne peuvent accéder qu’avec la permission des personnes
qui les occupent.

La Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond relevant que les
dispositions de l’article L. 611-8 al.3 du Code du travail français ( actuel article L. 8113-
1), précisant que, lorsque les travaux sont exécutés dans des locaux habités, les
inspecteurs ne peuvent y avoir accès qu’après avoir reçu l’autorisation des personnes qui
les occupent, ne sauraient recevoir application qu’au cas particulier des travailleurs à
domicile, expressément visés par le même article, et non lorsqu’il s’agit d’un hôtel-
restaurant ouvert à la clientèle, même si une petite partie en est réservée à l’habitation des
hôteliers (1105). Pour l’exécution desdites surveillances et enquêtes, la loi exige le respect
du domicile privé des citoyens, et ne saurait être considéré comme tel pour l’inspecteur
du travail, dans ses parties ouvertes à la clientèle, ni dans celles constituant des lieux de
travail, un hôtel-restaurant dans lequel des salariés accomplissent les tâches qui leur sont
assignées (1106).

Au Maroc, la question n’est pas envisagée autrement. L’approche est comparable à


celle adoptée par le droit français. Ainsi, l’article 533 du Code du travail prévoit que les
agents chargés de l’inspection du travail sont autorisés « à pénétrer librement et sans
avertissement préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement
assujetti au contrôle de l’inspection du travail ; à pénétrer entre 6h et 22h, dans les
locaux qui leur paraissent, valablement, être assujettis au contrôle de l’inspection du
travail ainsi que dans les lieux où des salariés travaillent à domicile. Toutefois, lorsque le
travail s’effectue dans un lieu habité, les agents chargés de l’inspection du travail ne
1103
Article L. 8113-1 du Code du travail français.
1104
Sur ce point, la notion de « locaux habités » mentionnée respectivement dans les articles L. 8113-1 et
533 des codes du travail français et marocain, doit être rapprochée de celle du « domicile». Il s’agit donc du
« lieu où une personne a son principal établissement » dont l’inviolabilité est assurée, respectivement, par
les articles 9 du Code civil et 226 du Code pénal français et par les articles 230 du Code pénal marocain et
24 de la constitution de 2011. L’article 102 du Code civil français, quant à lui, définit le « domicile »
comme étant le « lieu où une personne a son principal établissement ». Il s’agit donc du lieu propre au
respect de la vie privée d’une personne. Toutefois, la notion de domicile peut être confondue avec celle de
résidence lorsqu’une personne réside au lieu où elle possède son principal établissement.
1105
Cass.crim., 19 mars 1985, n° 84-90.353, Bull. crim., 1985, n° 113.
1106
Idem.

267
peuvent y pénétrer qu’après avoir obtenu l’autorisation des habitants ; Sont autorisés à
procéder, individuellement ou avec l’aide d’experts dans les domaines scientifique et
technique tels que la médecine, le génie ou la chimie, à tous contrôles, enquêtes et
investigations jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions législatives et
réglementaires sont effectivement appliquées… ».

Ces articles confèrent aux inspecteurs du travail un pouvoir d’investigation étendu


comme nous le découvrirons ultérieurement. Ce pouvoir envisage que les inspecteurs
peuvent entrer librement dans les lieux de travail. Le terme « librement » implique le droit
d’entrée dans les lieux de travail avec ou sans le consentement de l’employeur. En effet,
le refus d’obtempérer à une visite pourrait constituer un délit d’obstacle à
l’accomplissement des devoirs de l’inspecteur du travail (1107).

Ce droit d’entrée n’est soumis à aucune condition de fond puisqu’il fait partie de la
mission générale de l’inspecteur et implique que ce dernier peut agir à l’improviste et
sans avertissement préalable. De ce fait, le contrôle peut s’effectuer inopiné (1108),
quoiqu’il est souvent mal supporté par l’employeur, il est surtout utilisé en matière
d’hygiène et de sécurité au travail, de travail illégal et de contrôle de la réglementation de
la durée du travail (1109), sous la seule réserve que l’inspecteur du travail soit muni d’une
carte professionnelle. Nonobstant, la présentation de cette dernière n’est pas obligatoire
(1110). Lors de sa visite, l’inspecteur du travail est tenu d’informer de sa présence

1107
Article L. 8114-1 du Code du travail français. V, Cass. crim., 19 juin 2012, n° 11-81.654 Mme Y. -
SARL Les Motels de Normandie.
1108
La CIT, dans sa 95ème session de 2006, a considéré que « les visites inopinées ont l’avantage de
permettre à l’inspecteur de pénétrer dans le lieu du contrôle sans avertir à l’avance l’employeur ou son
représentant toutes les fois où sont à craindre des manœuvres susceptibles de dissimuler une infraction, de
modifier dans cette intention les conditions habituelles du travail, d’éloigner un témoin ou de rendre le
contrôle impossible. La pratique habituelle de visites inopinées est d’autant plus utile qu’elle permet en
outre aux inspecteurs d’observer la confidentialité requise par l’article 15 c de la convention n° 81 et par
l’article 20 c de la convention n° 129 quant à l’objet précis du contrôle lorsque celui-ci a pour origine une
plainte ou une dénonciation », OIT, 95ème session de la Conférence internationale du travail, BIT, Genève,
2006, p. 95, n° 263. Aussi, la commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations
a estimé dans son rapport présenté à la 71 ème session de la Conférence Internationale du Travail en 1985,
que « le caractère inopiné des visites est la meilleure garantie de l’efficacité du contrôle et qu’il convient
que l’inspecteur puisse pénétrer dans l’entreprise, sans avertir à l’avance l’employeur ou son représentant,
notamment lorsqu’il est à craindre qu’une notification préalable ne permette de dissimuler une
infraction ».
1109
SALOMON Renaud, MARTINEL Agnès, Droit pénal social, Droit pénal du travail et de la sécurité
sociale, ouvr.cité, p. 495.
1110
Cass. crim., 13 juin 1989, n° 89-80.979.

268
l’employeur (1111), « à moins qu'il n'estime qu'un tel avis risque de porter préjudice à
l'efficacité du contrôle » (1112).

Une fois dans l’entreprise, à la demande d’un délégué du personnel, l’inspecteur se


fait accompagner par le délégué du personnel compétent, si ce dernier le souhaite (1113).
En revanche, si l’inspecteur du travail se rend à l’entreprise de sa propre initiative, il peut
proposer au délégué du personnel de l’accompagner (1114). Toutefois, il incombe à
l’employeur d’informer les représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail de la présence de l’inspecteur du travail ( 1115). Une fois dans
l’entreprise, l’inspecteur du travail dispose d’un droit de circulation qui s’étend à
l’ensemble des locaux où travaillent ou sont hébergés les salariés et il peut recueillir les
témoignages nécessaires (1116).

1111
Lors des visites de l’inspecteur, les représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail sont informés de sa présence par l’employeur et peuvent présenter leurs observations :
article L. 4612-7 du Code du travail français.
1112
Article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT.
1113
Article L. 2313-11 du Code du travail français.
1114
Circ. DRT n° 5 du 28 juin 1984, n° 3-2, relative à l'application des dispositions concernant les délégués
du personnel dans la loi no 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions
représentatives du personnel, BO min. Trav., n° 1984/31.
1115
Article L. 4612-7 du Code du travail français.
1116
Au Maroc, le ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, le Projet de Renforcement des
Relations Professionnelles au Maroc (BIT/USDOL) et l’Institut National du Travail de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle (INTEFP) de France ont mis à la disposition des inspecteurs du travail un guide
de méthodologie des visites, bilingue, (en langues arabe et française), sous forme de document incluant
l’ensemble des règles de procédure de préparation, de déroulement d’intervention et de suivi de l’activité de
contrôle de l’application de la législation du travail. Dans son chapitre IV, intitulé : « la réalisation de la
visite d’inspection », le guide a adopté une méthode appelée « la méthode LMNOP », ce sigle signifiant
Lieux, Machines et Matériaux, Nuisances, Organisation et Personnel. Elle a pour but de faciliter le contrôle
de la santé au travail. Au début de sa visite, l’inspecteur du travail demande à l’employeur un plan du site
ou un croquis afin de lui permettre de localiser les situations à risques, lors de la visite, il prend note de
l’ état de solidité des locaux et de leurs dépendances, des moyens de protection contre l’incendie et les
autres risques, de l’existence des issues de secours, des installations sanitaires…Ensuite, il doit s’assurer du
respect de l’affichage des consignes de sécurité par les utilisateurs pendant la mise en marche des machines
et identifier les risques qui peuvent être causés lorsqu’elles sont dépourvues de moyens de protection ainsi
que les substances et matériaux utilisés qui peuvent aussi être source de danger pour les salariés. Puis vient
l’étape de « Nuisances » qui signifie, toujours d’après le guide, tout ce qui peut altérer l’environnement de
travail et peut être visible ou ressenti à savoir bruit assourdissant, température excessive, froide ou chaude,
gaz… et en avant-dernier lieu arrive l’« Organisation » du travail et sa répercussion sur la santé physique ou
morale du personnel. Une approche ergonomique organisationnelle s’avère nécessaire en vue d’atténuer les
effets négatifs résultant de certains modes d’organisation. Au cours de sa visite l’inspecteur du travail doit
porter une attention particulière à la relation entre le personnel et son milieu de travail, comme dernière
étape, puisqu’il doit s’assurer des moyens de protection appropriés. V, Ministère marocain de l’emploi et de
la formation professionnelle, Projet de Renforcement des Relations Professionnelles au Maroc

269
Pour faciliter le contrôle, l’employeur met à la disposition de l’inspecteur, au cours de
sa visite, l’ensemble des livres, registres et documents (1117).

Le droit de visite peut être complété par un droit d’enquête si l’inspecteur le juge
nécessaire.

2) La libre entrée dans les locaux de travail : un droit reconnu

Le droit d’entrée, dont la règle a été énoncée par la Convention internationale du


travail n° 81, autorise les inspecteurs du travail « à pénétrer librement sans avertissement
préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement assujetti au contrôle
de l’inspection… ». Ce principe a été repris, en partie, par l’article L. 8113-1 du Code du
travail français : « les inspecteurs et contrôleurs du travail ont un droit d’entrée dans tout
établissement où sont applicables les règles énoncées au premier alinéa de l’article L.
8112-1 afin d’y assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés ». Mais repris
en sa totalité par l’article 533 du Code du travail marocain, puisque la formule indiquée
« à toute heure du jour et de la nuit », respectivement, dans les articles 12 et 16 des
Conventions internationales du travail n° 81 et 129 et reprise à la lettre par le code
marocain n’est toutefois pas fixée par l’article L. 8112-1 du Code du travail français.
Certes, le droit d’entrée peut s’effectuer à toute heure de jour et de nuit lorsque le travail
de nuit (1118) est organisé par l’établissement ou si l’inspecteur du travail dispose de
sérieux indices pour lui permettre de soupçonner un travail illégal.

(BIT/USDOL) et Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (INTEFP) de


France, Guide de méthodologie des visites d’inspection, 2010, (106 pages). Mais à la lecture de ce guide en
général, et de la partie réservée à la visite de l’inspecteur du travail en particulier, on se trouve devant un
écart important entre l’idéal établi par ses textes, et la réalité des faits à laquelle est confrontée l’inspection
du travail marocaine. En effet, ces textes, que nous avons qualifiés « d’utopiques», importés des législations
des pays développés, en faisant appel à des experts, ou de l’OIT, ne sont pas le résultat des acquis de la
classe ouvrière marocaine. En effet, il existe un écart de plus en plus grand entre les orientations du droit du
travail marocain et son application effective.
1117
Articles L. 8113-4 du Code du travail français et 533-3-b du Code du travail marocain.
1118
La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de
l'aménagement du temps de travail, a défini le « travail de nuit » ou « période nocturne » comme étant toute
période d’au moins sept heures, telle que définie par la législation nationale, comprenant en tous cas,
l’intervalle compris entre vingt-quatre heures et cinq heures, et que le « travailleur de nuit » signifie tout
travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier
ou une partie de son travail annuel (partie définie par les Etats membres).

270
La Cour de cassation (1119) avait confirmé que « les inspecteurs et les contrôleurs du
travail n’étant pas des officiers de police judiciaire ; que s’ils ne peuvent exiger
l’ouverture pendant la nuit des locaux d’une entreprise où le travail de jour est, en
principe, effectué, sauf indice leur permettant de penser que des activités nocturnes s’y
déroulent, rien ne leur interdit d’y pénétrer dès lors que la porte de ces locaux leur est
spontanément ouverte ; qu’il n’existe qu’une seule dérogation à cette règle, celle édictée
par l’article L. 611-8… lorsque les travaux sont effectués dans les locaux habités, cas
dans lequel les inspecteurs ou contrôleurs du travail doivent obtenir l’autorisation des
personnes qui les occupent ; que le procès-verbal dressé par les inspecteurs et
contrôleurs du travail fait foi jusqu’à preuve contraire… »

De son côté, l’article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT prévoit que les inspecteurs


du travail sont autorisés à « procéder à tous examens, contrôles ou enquêtes jugés
nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales sont effectivement observées et
notamment … à interroger, soit seul, soit en présence de témoins, l’employeur ou le
personnel de l’entreprise sur toutes les matières relatives à l’application des dispositions
légales ».

C’est dans le cadre de ses missions que l’inspecteur du travail procède à toute enquête
qu’il estime nécessaire. Aucune condition particulière ne semble encadrer le déroulement
de l’enquête, Il peut interroger, soit seul, soit en présence de témoins, l’employeur ou le
personnel de l’entreprise (1120), sur toutes les matières relatives à l’application du droit du
travail. Ce droit d’enquête permet à l’inspecteur d’entendre les salariés en les
auditionnant, ou en les convoquant, notamment dans son bureau, s’il le juge nécessaire,
pour les interroger. Les plaintes sont recueillies avec confidentialité afin de protéger la
source originaire de l’information. Mais, en l’absence de conditions de mise en œuvre
imposées à l’inspecteur du travail, le droit d’enquête se heurte à certaines limites.
L’inspecteur du travail n’a pas la qualité d’officier de police judiciaire (1121), et ne dispose
pas des mêmes pouvoirs et compétences. À cet égard, dans le cadre de la lutte contre le
travail illégal, seuls les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de

1119
Cass.crim., 11 mai 1999, n° 98-83.777, inédit.
1120
Article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT.
1121
C’est ce que prévoyait le dahir du 2 juillet 1947 portant réglementation du travail dans son article 54,
avant qu’il ne soit abrogé par l’article 586 du Code du travail marocain.

271
police judiciaire, peuvent dans le cadre des enquêtes préliminaire et sur ordonnance du
président du Tribunal de grande instance, rendue sur réquisition du procureur de la
République, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à
conviction dans les lieux de travail… y compris dans ceux n’abritant pas de salariés,
même lorsqu’il s’agit de locaux habités » (1122).

L’inspecteur du travail peut demander à l’employeur, aux salariés, et à toute personne


occupée dans l’établissement assujetti de justifier de leur identité et de leur adresse (1123).
La justification de l’identité et de l’adresse pourra se faire par la présentation de tout
document officiel, que ce soit carte d’identité, passeport, permis de conduire, carte
d’étudiant ou carte professionnelle, etc., revêtu d’une photographie, ou de toute autre
pièce probante (1124). Il peut également s’agir d’un témoignage d’un tiers mais ne
constitue qu’un commencement de preuve nécessitant une vérification complémentaire
(1125). Pour ce qui est du contrôle des travailleurs étrangers, la note précitée précise qu’ils
doivent détenir une autorisation de travail (1126), et qu’il s’agit uniquement d’un contrôle

1122
Article L. 8271-13 du Code du travail français. Cet article a fait l’objet d’une question prioritaire de
constitutionnalité (QPC), relative à la conformité aux droits et libertés garantis par l’article 61-1 de la
Constitution française et de l’article L. 8271-13 du Code du travail. Le Conseil constitutionnel saisi le 6
février 2014 par la Cour de cassation, a déclaré inconstitutionnel les dispositions de l’article L. 8271-13 du
Code du travail relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans les lieux de travail, dans le
cadre de la recherche d’un travail dissimulé. En application d’une jurisprudence constante de la Cour de
cassation, cette ordonnance ne peut faire l’objet d’un recours en nullité que si l’employeur est poursuivi.
Toutefois, en l’absence de poursuites aucune voie de recours ne permet à l’employeur de contester
l’ordonnance autorisant les visites domiciliaires, les perquisitions et les saisies dans les lieux de travail. En
revanche, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 8271-13 contraire à la constitution ; l’effet de cette
inconstitutionnalité et l’abrogation du dit article sont reportés au 1 er janvier 2015 afin de permettre au
législateur de « remédier à cette inconstitutionnalité ; que les poursuites engagées à la suite d’opérations de
visite domiciliaire, de perquisition ou de saisie mises en œuvre avant cette date en application des
dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette
inconstitutionnalité ». V, Considérant n° 9, décision Conseil constitutionnel du 4 avril 2014, n° 2014-387,
JORF du 5 avril 2014, p. 6480.
1123
Article L. 8113-2 du Code du travail français.
1124
Note du ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale du 4 juillet 2004 présentant des
dispositions de lois récentes modifiant le Code du travail français. BO min. Trav., n° 2004/16.
1125
Idem. Il ne s’agit pas du contrôle d’identité identique à celui effectué, par les officiers de police
judiciaire au sens de l’article 78-2 du Code de la procédure pénale qui dispose que « les officiers de police
judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints…
peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne », dans le cadre de soupçon
d’infraction, de délit ou autre raison avec des moyens coercitifs. Les inspecteurs du travail sont habilités à
demander à toutes les personnes occupées dans l’établissement concerné de justifier de leurs identités et de
leurs adresses. Toutefois, la vérification peut être réalisée par un officier de police judiciaire lorsque le
recours à des services de police judiciaire a été sollicité.
1126
Article R. 5221-1 du Code du travail français.

272
de situation administrative et de titre de travail et non une demande de justification de
l’identité qui n’entre pas dans les prérogatives de l’inspecteur du travail. La justification
de l’identité et de l’adresse n’est pas réservée aux seuls travailleurs étrangers, elle
concerne l’ensemble des personnes occupées dans l’établissement assujetti. Cependant,
tout refus de justifier de son identité devant l’agent du contrôle constitue un délit
d’obstacle constaté par procès-verbal (1127).

Dans le cadre des enquêtes relatives à la lutte contre le travail illégal, le Code du
travail français a donné à l’inspecteur du travail la possibilité d’ « entendre, en quelque
lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute
personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par
l’employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités
de cette personne, ses conditions d’emploi et le montant des rémunération s’y rapportant,
y compris les avantages en nature » (1128).

Le déroulement de l’enquête oblige les inspecteurs du travail, sous peine de sanctions


pénales ou de mesures disciplinaires appropriées, de ne pas révéler, même après avoir
quitté leur service, les secrets de fabrication ou de commerce ou les procédés
d’exploitation dont ils peuvent avoir eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions
(1129). L’obligation de respect du secret professionnel est reprise par le Code du travail qui
interdit à l’inspecteur de « révéler les secrets de fabrications et les procédés
d’exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l’exercice de leurs fonctions
(1130). Dans le cas contraire, ils encourent une condamnation pénale puisque la violation
du secret professionnel est un délit pénal (1131).

1127
Article L. 8114-1 du Code du travail français
1128
Article L. 8271-6-1 du Code du travail français.
1129
Article 15 al. B de la Convention n° 81 de l’OIT.
1130
Article L. 8113-11 du Code du travail français. L’article 531 du Code du travail marocain fait
référence au dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant statut général de la fonction publique qui prévoit
dans son article 18 qu’ « indépendamment des règles instituées dans le Code pénal en matière de secret
professionnel, tout fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui
concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
ses fonctions. Tout détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou documents de
service à des tiers sont formellement interdits… ».
1131
L’article 226-13 du Code pénal français énonce que « la révélation d’une information à caractère secret
par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou
d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». On retrouve

273
a) Le droit de communication : obligation de présentation de documents

L’agent de contrôle peut se faire communiquer tous les livres, registres et documents
dont la tenue est prescrite par la législation relative au travail ou par toute autre
disposition en matière sociale (1132). Il s’agit notamment du registre d’entrée et de sortie
du personnel, des bulletins de paie, du cahier des délégués du personnel, les procès-
verbaux des réunions des institutions représentatives. Il peut se faire communiquer tout
document utile au constat d’infraction relative à la discrimination, à l’inégalité
professionnelle entre les femmes et les hommes et à l’exercice du droit syndical (1133).

L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur du travail les documents permettant


de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié (1134) pendant une durée
d’un an, il en est ainsi pour le document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte
accompli chaque mois par le salarié ainsi que la compensation correspondante ; et pour
une durée de trois ans, les documents permettant de comptabiliser le nombre de jours de
travail accomplis par les salariés intéressés par des conventions de forfait (1135).

dans l’article 446 du Code pénal marocain, formulé autrement, la même signification de ce délit connue en
droit français et une peine « d’emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de mille deux cent à
vingt mille dirhams ».
1132
Articles 533 du Code du travail marocain et L. 8113-4 du Code du travail français. Ce dernier article
faisait partie du projet de la « réforme sapin » (loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à
l’emploi et à la démocratie sociale) qui visait à renforcer les pouvoirs des inspecteurs du travail ; la
proposition de l’article était : « au cours de leurs visites, les agents de contrôle de l’inspection du travail
mentionnés à l’article L. 8112-1 peuvent, sauf secret protégé par la loi, se faire communiquer et prendre
copie des documents qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission définie aux articles L. 8112-
2 et L. 8112-3, quel que soit le support de ces documents ». Cette version, si elle avait été adoptée, aurait
donné, de plus, le droit, pour les inspecteurs, d’obtenir une copie des documents qu’ils peuvent se faire
présenter. Et ce, conformément à l’article 12-1 c de la Convention n° 81 de l’OIT. Seulement, cette loi a été
adoptée sans les dispositions portant réforme de l’inspection du travail. Le droit marocain, de sa part,
influencé par le droit international, a retranscrit à la lettre les dispositions de l’article 12 précité,
notamment la « communication de tous livres, registres et documents…et de les copier ou d’en établir des
extraits » dans l’article 533 du code du travail. Reste que ce droit de communication connaîtrait des
restrictions notamment en ce qui concerne le secret professionnel.
1133
Article L. 8113-5 du Code du travail français.
1134
Article L. 3171-3 du Code du travail français.
1135
Article D. 3171-16 du Code du travail français.

274
Cependant, en cas de travail détaché, la loi (1136) vient de renforcer l’accès de
l’inspecteur du travail aux données portant sur les travailleurs détachés. De ce fait, elle
impose à l’entreprise accueillant des salariés détachés d’annexer au registre unique du
personnel les déclarations de détachement.

L’inspecteur du travail ne peut exiger que la communication des documents dont la


tenue est imposée par la loi (1137). La communication des documents est d’effet immédiat,
et tout comportement qui entrave le bon déroulement de la tâche de l’inspecteur tel que la
fourniture de renseignements incomplètes inexactes ou mensongères ou toute autre action
positive d’entrave constitue un délit d’obstacle (1138). L’absence de l’employeur pendant
la visite ne constitue pas un délit d’obstacle puisque dans le cas du contrôle des
infractions liées au travail dissimulé dans les entreprises domiciliées, l’article L. 8271-12
dispose que « les agents de contrôle sont habilités, lorsque le siège de l’entreprise est
domicilié dans des locaux occupés en commun en application de l’article L. 123-10 du
code de commerce réprimant certaines infractions en matière de registre du commerce et
des sociétés, à se faire communiquer par l’entreprise domiciliataire tous les documents
détenus dans ses locaux nécessaires à l’accomplissement de leur mission de lutte contre
le travail dissimulé ».

b) Le droit de prélèvement : un droit quasi inapplicable

l’article 12 de la Convention n° 81 de l’OIT « permet aux agents de l’inspection du


travail de prélever et emporter, aux fins d’analyse, des échantillons des matières et
substances utilisées ou manipulées, pourvu que l’employeur ou son représentant soit
averti que des matières ou substances ont été prélevées et emportées à cette fin ». Les
droits français et marocain possèdent des références quasiment identiques pour ce point.
Ainsi, Le code du travail français (1139) permet aux inspecteurs du travail concurremment
avec les officiers de police judiciaire et les agents de la concurrence, de la consommation

1136
Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, JORF n° 0159
du 11 juillet 2014, p. 11496, introduisant l’article L. 1221-15-1 du Code du travail.
1137
Cass. Crim. 17 mars 1992, Bull. crim., n° 116.
1138
Article L. 8114-1 du Code du travail français.
1139
Article L. 8113-3 du Code du travail français. Un pouvoir de prélèvement d'échantillons leur est
également accordé par les articles L. 215-1 du Code de la consommation et L. 521-12 à L. 521-15 du Code
de l’environnement.

275
et de la répression des fraudes, de procéder, aux fins d'analyse, à tous prélèvements
portant sur les matières mises en œuvre et les produits distribués ou utilisés. Cette même
compétence de l’article 12 de la Convention n° 81 a été reprise par les dispositions de
l’article 533-3-d du Code du travail marocain.

L’inspecteur du travail français fixe le délai dans lequel les résultats des analyses
doivent lui être adressés par l’employeur. Le prélèvement des échantillons de produits à
analyser et leur expédition à l’organisme agréé choisi sont effectués sous le contrôle de
l’inspecteur du travail (1140). À l’inverse, toutefois, du droit français qui n’a cessé d’être
plus clair, le droit marocain est beaucoup plus restrictif dans son acception de la
procédure de prélèvement (1141). Il prévoit que les échantillons prélevés seront emmenés
pas l’inspecteur du travail aux fins d’analyses qui, une fois effectuées, leurs résultats
seront communiqués à l’employeur. De plus, il fait subir à ce dernier l’obligation de
s’acquitter des frais de ces analyses (1142).

Il semble toutefois, que dans la pratique le droit de prélèvement n’est pas ou peu
accessible et, de fait, n’est pas pratiqué et cela pour des raisons liées soit à la formation
plus juridique que technique que subit l’inspecteur du travail lors de sa formation soit à
l’absence de matériel adapté pour réaliser des prélèvements (1143) afin de les analyser
(1144) soit au coût d’analyse des prélèvements réalisés ou encore à l’absence de laboratoire

1140
Article R. 4722-10 du Code du travail français.
1141
La procédure de prélèvement représente une double compétence partagée entre l’inspecteur du travail et
le médecin inspecteur du travail. C’est ce qui ressort de la lettre des articles 535 al. 2 du Code du travail
marocain, L. 8123-2 et L. 8123-3 du Code du travail français. Les médecins chargés de l’inspection du
travail jouissent d'une partie des prérogatives des inspecteurs du travail : droit d'entrée dans les
établissements, droit de communication des documents concernant la santé, la sécurité et les conditions de
travail, droit de prélèvement aux fins d'analyse…
1142
Article 533-3-d du Code du travail marocain.
1143
Le droit français octroie, en vertu de l’article L. 521-13 du Code de l’environnement et de l’instruction
DGT n° 2013/2 du 1er février 2013 REACH/CLP, aux inspecteurs du travail un autre droit non utilisé en
pratique : celui du contrôle des règlements REACH (enregistrement des substances chimiques) et CLP
(classification et étiquetage des produits chimiques). Mais les modalités de mise en œuvre de ce droit ne
sont pas encore assurées. V, COMBREXELLE Jean-Denis et LAVAURE Anouk, « Inspection du travail »,
Rép. dr. trav., mars 2013 (actualisation octobre 2015), n° 201.
1144
À cet égard, une disposition, en droit marocain, est particulièrement significative tant à cause de
l’époque à laquelle elle se déroule que des conditions qui l’entourent. Elle révèle le niveau de
“ développement ” frappant de l’entreprise marocaine ! En effet, l’article 21 al. 5 de l’arrêté du ministre de
l’emploi et de la formation professionnelle n° 93-08 du 12 mai 2008 fixant les mesures d’application
générales et particulières relatives aux principes énoncés par les articles de 281 à 291 du code du travail
précise que : « L’employeur doit mettre à la disposition des salariés de l’eau potable. Lorsque cette eau ne
proviendra pas d’une distribution publique, l’agent chargé de l’inspection du travail mettra en demeure

276
agréé (1145) par les ministères chargés de l’emploi en France comme au Maroc pour
analyser les produits prélevés (1146). L’inspecteur peut alors imposer à l’employeur de
réaliser des examens à sa charge quand ce dernier manque à une obligation d’évaluation
du risque (1147) ou demander l’assistance d’un ingénieur de prévention (1148).

L’enquête, prolongement logique de la visite, dote l’inspecteur du travail, dans


certains domaines (discrimination, harcèlement, dissimulation d’heures de travail, etc.) de
la possibilité de recueillir les déclarations des salariés concernés ou des témoins des faits
pouvant s’avérer indispensables. Cette prise en compte de la parole des salariés dans un
thème émergent tel le harcèlement, perturbe les inspecteurs du travail redoutant les
difficultés dans le recueil de la matérialité des éléments nécessaires à la constitution du
délit (1149).

B) L’intervention concernant les harcèlements

Le mal-être (1150) au travail est devenu un enjeu de santé publique depuis la


médiatisation de cas de suicide sur le lieu du travail. En effet, les mutations du monde du

l’employeur de faire effectuer, à ses frais, l’analyse de cette eau et lui communiquer les résultats de cette
analyse », B.O n° 5680 du 6 novembre 2008, p. 1410. L’accent porté traditionnellement sur l’étude des
seules analyses des substances et matières représentant un risque dans le milieu du travail, le Maroc, lui, est
encore au stade d’analyse de l’eau potable.
1145
Quoiqu’il reste toujours possible de recourir aux laboratoires agréés par la répression des fraudes ou
encore, en France, aux laboratoires d’analyses des services de prévention des caisses régionales d’assurance
maladie (CRAM). V, CHOPIN Frédérique, « Les pouvoirs de l’inspection du travail », AJ pénal., n° 3,
2015, p. 117.
1146
La mise en œuvre pratique de ces dispositions reste assujettie à la parution des arrêtés précisant la liste
des organismes agréés.
1147
Sur ce point, l’employeur est tenu de classer dans un document appelé document unique d’évaluation
des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ce document comporte un inventaire des risques
identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, y compris ceux liés aux
ambiances thermiques, ce document doit être mis à jour au moins chaque année. Articles 343 du Code du
travail marocain R. 4121-1, R. 4121-1-1 et R. 4121-2 du Code du travail français.
1148
Articles L. 8123-4 du Code du travail français et 533-3 du Code du travail marocain.
1149
TIANO Vincent, Th.citée, p. 199.
1150
La notion de mal-être renvoie, indirectement, à la définition de la santé mentale donnée par l’OMS : elle
est « un état de bien être par lequel l’individu reconnaît ses capacités, est capable de faire face au stress
normal de la vie, travaille de manière productive et fructueuse et apporte une contribution à sa
communauté ». In OMS, Investir dans la santé mentale, rapport, 2004, p. 4.

277
travail ont eu des répercussions sur la sécurité et la santé des salariés : les risques
psychosociaux (1151).

Ces derniers, peuvent avoir non seulement des dimensions psychologiques ( 1152),
mais aussi des manifestations physiques (1153). Les risques psychosociaux (RPS) sont un
« nouveau type de risques liés au travail en raison de leur caractère multifactoriel et
renvoyant à la subjectivité de la personne ; chacun réagit différemment face à un risque
psychosocial » (1154).

Il n’existe pas, en France, une définition réglementaire des RPS (1155), se sont un
nouveau type de risques liés en grande partie à l’environnement du travail. Il s’agit de
plusieurs facteurs qui accentuent l’intensité du travail et créent un climat de mal-être. En
effet, selon une définition du ministère du travail français, « ils recouvrent en réalité des
risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité
physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon
fonctionnement des entreprises. On les appelle "psychosociaux" car ils sont à l’interface

1151
« La grande variété des thèmes mis sous le vocable de risques psychosociaux est source d’une grande
confusion. Ces thèmes recouvrent en effet les déterminants et les effets, sans distinguer entre les causes et
les conséquences. Cette confusion tient non seulement à la diversité de ces risques mais aussi à la
complexité des liens qui les unissent et qui ne relèvent pas toujours de la causalité linéaire car,
interagissant fortement entre eux, ils sont plutôt de type circulaire ou systémique. Ainsi, anxiété ou
dépression peuvent apparaître comme conséquences du stress, des violences au travail, des harcèlements
ou d’un traumatisme; dans le cas des addictions, ce peut être tout autant la conséquence que la cause ». In
NASSE Philippe, LEGERON Patrick, Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques
psychosociaux au travail , rapport remis à Xavier BERTRAND, Ministre du Travail, des relations sociales
et de la solidarité, 2008, p. 7.
1152
Il peut s’agir, à titre non exhaustif, du stress, violence, harcèlement moral, souffrance au travail,
dépression, burn-out, suicide.
1153
À titre d’exemple les troubles musculo-squelettiques. À ce sujet, le décret n° 2011-1315 du 17 octobre
2011 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du Code de la
sécurité sociale (JORF n° 0243 du 19 octobre 2011, p. 17640) a modifié les paramètres du tableau 57A sur
les troubles musculo-squelettiques (TMS) permettant la prise en charge des pathologies de l’épaule. Cela a
provoqué une réduction drastique des reconnaissances en maladie professionnelle de ces atteintes souvent
invalidantes. Un bilan réalisé par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM-TS) à la demande de la
direction générale du travail conforte ces résultats. Anonyme, « TMS de l’épaule : un décret efficace… »,
Santé et Travail., n° 89, janvier 2015, p. 24.
1154
LEROUGE Loïc, « Droit de la santé-sécurité et risques psychosociaux au travail : où situer le système
français au regard des systèmes étrangers ? », in LEROUGE Loïc (dir.), Les risques psychosociaux au
travail en droit social : approche juridique comparée. France - Europe - Canada - Japon, Paris, Dalloz,
2014, p.4.
1155
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul, TERRIER Jean-Pierre, le système d’inspection d travail en
France, ouvr.cité, p. 141.

278
de l’individu : le "psycho", et de sa situation de travail : le contact avec les autres
(encadrement, collègues, clients...), c’est-à-dire le "social" » (1156).

En revanche, la question des risques psychosociaux est systématiquement abordée par


le facteur du harcèlement moral (1157). Cette catégorie qui a retenu notre attention dans
cette étude.

1) L’implication des risques psychosociaux dans le droit du travail

Avant même son introduction en droit du travail français en 2002, la notion de


harcèlement moral était mentionnée clairement dans plusieurs décisions de justice ( 1158).
Il existe, de ce fait, une construction du concept du harcèlement moral antérieure à la loi.
On se doit de saluer son introduction en droit interne français par la loi de modernisation
sociale du 17 janvier 2002 (1159). L’intervention du législateur avait pour objectif d’unifier
la jurisprudence en donnant une définition exacte au harcèlement moral (1160).

1156
DERIOT Gérard, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales par la
mission d’information sur le mal-être au travail, n° 642, t. 1, Sénat, 2010, p. 14.
1157
LEROUGE Loïc, « Droit de la santé-sécurité et risques psychosociaux au travail : où situer le système
français au regard des systèmes étrangers ? », art.cité, p.7.
1158
La Cour de cassation dans un arrêt du 10 décembre 1970 s’était penchée sur la conceptualisation du
harcèlement moral avant même que le concept ne soit connu :
« Attendu qu’il résulte des énonciations des juges du fond qu’étant chef d’entreprise, Bosc a cherché à se
débarrasser de son employé Fleurence, représentant syndical au Comité d’entreprise, dont l’activité dans
cette fonction avait suscité son mécontentement ; qu’après avoir vainement sollicité du Comité d’entreprise
puis de l’inspecteur du travail l’autorisation de le licencier, et devant son refus de se démettre, il a
finalement assigné pour seule tâche à ce salarié une besogne inutile, absurde, ridicule et fastidieuse ; que
ce moyen de pression humiliant a eu pour résultat non seulement de décourager l’intéressé dont l’équilibre
mental a été ébranlé, mais aussi de le déconsidérer et de saper son autorité ». In BOUAZIZ Paul,
« Harcèlement moral dans les relations de travail. Essai d’approche juridique », Dr. Ouvrier, mai, 2000, p.
205. Cette description posée par la Cour de cassation a été reprise par la même cour dans plusieurs arrêts
notamment celui du 16 juillet 1987 Yves Douchet c/ Théotime Patissou qualifiant le comportement de
l’employeur comme « une véritable guerre des nerfs qui a entrainé un état dépressif intense du salarié
l’ayant amené à cesser son travail… », ainsi que dans l’arrêt du 16 juillet 1998 Bringel c/Société Bronzes
Strassacker. La Cour de cassation avait une approche similaire et avait admis qu’ « Qu'en statuant ainsi,
après avoir relevé que le salarié, VRP ayant 15 ans d'ancienneté, avait été privé des moyens matériels
d'exécution de ses tâches dans des conditions portant atteinte à sa dignité, la Cour d'appel ne pouvait, sans
contradiction, retenir l'existence d'une faute grave du salarié résultant de l'inexécution de tâches
inhabituelles et secondaires dont le comportement de l'employeur rendait impossible l'exécution ». Idem, p.
200 et 204.
1159
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, JORF du 18 janvier 2002, p. 1008.
1160
SALAH-EDDINE Laïla, Le harcèlement moral au travail : analyse sociologique, Th. Sociologie, Paris
V, 2008, p. 82.

279
a) Harcèlement moral : carence législative et mesures préventives
inadaptées

Le droit français emploie l’expression généraliste harcèlement moral sans procéder à


d’autres distinctions. Initialement diagnostiquée dans les pays anglo-saxons, sous
l’appellation du mobbing (1161), cette détérioration pathologique des relations de travail
est certes aussi ancienne que le travail lui-même (1162). Sa nouveauté réside dans
l’ampleur inédite, la banalisation et l’aggravation du phénomène (1163) à la faveur de crise
économique.

La parution en France de l’ouvrage de Marie-France Hirigoyen (1164) a produit un


grand effet. En effet, l’ouvrage a concrétisé, avec beaucoup de talent, un malaise diffus
dont il révélera l’ampleur. Néanmoins, il s’agit d’une réalité fort ancienne, mais son
actualité consiste dans l’intégration du harcèlement aux méthodes de gestion de
l’entreprise au travers d’une pression permanente, d’un flux tendu des ressources
humaines conduisant à un stress accru des travailleurs (1165). Ce qui est récent également,
c’est l’analyse par des médecins des conséquences pathologiques du harcèlement (1166),

1161
Il s’agit d’un terme anglais, le verbe « to mob » signifiant, « assaillir, attaquer, harceler, agresser… »
1162
SBIA Rachid, Th.citée, p. 373.
1163
LE GOFF Jacques, Droit du travail et société, t.1, les relations individuelles de travail, éd. PUR, 2001,
p. 492.
1164
HIRIGOYEN Marie-France, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, éd. La
Découverte et Syros, Paris, 1998, (dernier tirage 2007).
1165
RADÉ Christophe, « Le harcèlement managérial de nouveau sanctionné », Lexbase Hebdo, n° 434,
édition sociale, 31 mars 2011, n° Lexbase : N7668BRG.
1166
Les suicides au travail ont marqué l’actualité récente en France et semblent mettre en exergue une
nouvelle donne qui repose sur de nouvelles formes de pression managériale ou organisationnelle du travail.
Les réponses juridiques en la matière ont connu des progrès importants. Ainsi, aujourd’hui, tout suicide qui
survient au temps et au lieu du travail bénéficie de la qualification juridique d’accident du travail : TASS.
Vosges, 28 février 2000, affaire R, n° 218/99, Mme C-R c/ CPAM des Vosges, n° Lexbase : A4423DUD.
Plus encore, si le suicide survient en dehors du temps et du lieu de travail, il pourra recevoir la même
qualification dès lors que le salarié ou ses ayants droits rapportent la preuve du lien avec le travail :
Cass.civ., 2ème, 22 février 2007, n° 05-13.771, Bull. civ., 2007, n° 54. La reconnaissance du suicide comme
accident du travail marque une première avancée fondamentale de la jurisprudence relative au risque
professionnel. Une présomption d’imputabilité au travail du suicide du salarié est instituée par les
dispositions de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Encore faut-il que le suicide ait un lien,
même ténu, avec le travail. Toutefois, cette présomption est simple, et peut être combattue par la preuve
contraire tirée des circonstances, témoignages ou confidences de la victime (en cas de tentative de suicide)
ou de ses ayants droits démontrant que l’acte est étranger au travail : CA Orléans., Ch. aff. Soc., 26
novembre 2014, no 13/02354, CSBP., n° 273, avril 2015, p. 214.

280
les enquêtes sur cette forme de violence dans l’entreprise (1167) et sur les rapports
nouveaux de domination (1168).

La notion de harcèlement moral a été introduite à l’ancien article L. 122-49 du Code


du travail (nouvel article L. 1152-1) issu de la loi de modernisation sociale de 2002 qui
dispose : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui
ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de
porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel » (1169).

Le harcèlement moral suppose « des agissements répétés » ( 1170) qui doivent, par
ailleurs, avoir « pour objet ou pour effet » (1171) une dégradation des conditions de travail

1167
MULLER Marie, Terreur au travail : enquête sur le harcèlement moral, éd. Fayard, 2002, p. 10.
1168
Débat sur le harcèlement moral. Entretiens avec Paul BOUAZIZ, Bernard CAILLEY, Hubert FLICHY,
Philippe RAVISY, SSL., n° 1013, 29 janvier 2001, p. 7 et s.
1169
A cela s’ajoute l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au
travail.
1170
La Chambre sociale de la Cour de cassation, a ainsi, pu considérer, dans un arrêt rendu le 9 décembre
2009, que ne pouvait s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de
l'employeur de rétrograder un salarié. Cass.soc., 9 décembre 2009, n° 07-45.521, Bull. civ., 2009, V, n° 280.
Cependant, pour la Haute juridiction, les agissements répétés peuvent se dérouler sur une brève période de
temps, le texte ne posant aucune limite à ce sujet. Ainsi, par un arrêt rendu le 26 mai 2010, la Chambre
sociale de la Cour de cassation a caractérisé un harcèlement moral concernant des faits répétés qui s'étaient
produits sur une période de deux mois. Cass.soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152, F-P, Bull. civ., 2010, V, n°
111.
1171
Par deux arrêts rendus le 10 novembre 2009, la Chambre sociale de la Cour de cassation a mis un terme
à un débat relatif à l'intention de l'auteur des faits de harcèlement. La Haute juridiction (n° 08.41-297) a, par
une stricte application du texte, décidé que le harcèlement moral ne supposait pas une intention de nuire de
la part de son auteur. Les juges n'ont donc pas à rechercher l'intention de l'auteur du harcèlement. Le même
jour, la Chambre sociale (n° 07-45.321) a, également, jugé que, dès lors que l'intention de nuire de l'auteur
de faits du harcèlement n'avait pas à être établie, alors les méthodes de gestion d'un supérieur hiérarchique
pouvaient caractériser un harcèlement moral. Cependant, dans ce cas, les méthodes de gestion ne doivent
concerner qu'un salarié en particulier. En effet, le harcèlement moral n'est pas une notion qui s'apprécie de
manière collective, mais seulement de manière individuelle. Cass.soc., 10 novembre 2009, deux arrêts, n°
08-41.497, FS-P+B+R+I, et n° 07-45.321, FS-P+B, Bull. civ., 2009, V, nos 247 et 248 ; V. aussi les obs. de
RADÉ Christophe, « Le harcèlement moral n'est pas nécessairement intentionnel », Lexbase Hebdo, n° 375,
édition sociale, 10 décembre 2009, n° Lexbase : N5940BMX. Telle est la solution retenue beaucoup plus
récemment par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 26 janvier 2016 qui apporte
des précisions concernant les critères de ce délit. Ainsi, Pour débouter une salariée partie civile de ses
demandes, après avoir relevé « la mise à l’écart » de Madame X…, la Cour d’appel de Montpellier a refusé
de reconnaître le harcèlement moral. Elle a énoncé, d’une part, que, pour constituer le délit reproché, cet
agissement « de même type » qui avait perduré n’était pas conforté par d’autres agissements de nature
différente et, d’autre part, qu’il n’était pas établi que la décision de mise à l’écart prise par Monsieur F… ,
et à laquelle ont participé les autres prévenus, ait eu initialement pour objet ou effet d’attenter à la dignité et
à la santé de Madame X… La Cour de cassation a ajouté in fine que « la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi
des conditions qu'elle ne comporte pas en retenant que la caractérisation du délit de harcèlement moral
exige, d'une part, que soient constatés des agissements répétés de nature différente, d'autre part, que ces

281
du salarié harcelé. Dans une autre mesure, aux termes de ce même article, la dégradation
des conditions de travail du salarié doit être « susceptible de porter atteinte à ses droits et
à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel (1172). Ainsi, il n’est en aucun cas nécessaire qu’une de ces atteintes soit
caractérisée en tant que tel (1173).

La définition de la notion ainsi posée a suscité et suscite toujours de vives critiques


1174
( ). Le législateur n’a pas souhaité décrire, ni même énumérer les agissements
susceptibles de constituer le délit. Il a seulement indiqué qu’il devait s’agir d’agissements
de harcèlement. Le recours à la notion de harcèlement n’apporte cependant pas assez de
précision à l’interprète. L’illustration par l’exemple aurait été une bonne manière de
pallier les carences d’une définition (1175).

Contrairement au droit français, le droit marocain ne prévoit aucune disposition


spécifique concernant le harcèlement moral. Cette notion n’a toujours pas fait son
apparition dans les textes de loi (1176) et les comportements qui le caractérisent ont
toujours été ignorés au Maroc. Ce défaut de disposition conduit à une non-dénonciation
de cette pratique. Mais il n’y a pas que l’aspect juridique qui manque, les organisations

agissements ait initialement eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime, a méconnu les textes susvisés et les
principes ci-dessus énoncés », Cass.crim., 26 janvier 2016, n° 14-80.455.
1172
La Cour de cassation rappelle régulièrement, comme dans les arrêts du 11 mars 2015, n° 13-18.603,
Bull. civ., 2015, V, n° 43, du 19 novembre 2014, n° 13-17.729, Bull. civ., 2014, V, n° 267 et du 3 février
2010, n° 08-44.019, Bull. civ., 2010, V, n° 30, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat
en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un
salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou
l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.
1173
PILLET Sophia, « Harcèlement moral : nouveau phénomène de société ou sujet de moins en moins
tabou ? », Lexbase Hebdo, n° 442, édition sociale, 2 juin 2011, n° Lexbase : N4108BSX.
1174
Certains auteurs contestent le fait que ledit article définisse le harcèlement moral. PLATEL Bruno et
VIALA Thierry, « Le fabuleux destin du concept de harcèlement moral », JCP. E., n° 20 du 16 mai 2002,
comm. 762. D’autres relèvent que le législateur a sans doute retenu une définition beaucoup trop large.
LAPÉROU-SCHNEIDER Béatrice, « Les mesures de lutte contre le harcèlement moral », D.S., n° 3, 2002,
p. 313.
1175
COCHE Arnaud, « Les conséquences pour les victimes des efforts jurisprudentiels destinés à
compenser l’imprécision de l’incrimination de harcèlement moral », JCP. S., n° 20, 12 mai 2009, 1209.
1176
Néanmoins, sont considérées comme fautes graves commises par l’employeur ou le salarié, « l’insulte
grave, la pratique de toute forme de violence ou d’agression dirigée contre un salarié, l’employeur ou son
représentant… ». Articles 39 et 40 du Code du travail marocain.

282
syndicales en sont encore à se battre essentiellement pour revendiquer les libertés
fondamentales et ne prêtent pas encore attention à cette question (1177).

Cependant, le législateur marocain ne doit pas demeurer indifférent à cette question.


La perversion morale détient un tel pouvoir de nuisance qu’il est difficile de la contenir.
Si les individus d’abord, les entreprises ensuite ne trouvent pas de solutions pour remettre
des bornes de civilité et de respect d’autrui (1178) une entreprise législative en la matière
ne manque pas de justifications. Outre la réalité et l’ampleur d’un problème pouvant
engendrer, entre autres, des conflits sociaux significatifs, on peut sans difficulté admettre
l’introduction d’un délit spécifique dont la parenté avec le harcèlement sexuel frappe dès
l’abord (1179). Ce qui a été admis dans le second cas (1180) pourrait l’être dans le premier.

Quoi qu’il en soit, l’ampleur du harcèlement moral et la gravité de ses conséquences


ne peuvent laisser indifférent. Cette indifférence est en contradiction avec l'évolution

1177
Au cours du mois de juin 2008, une association marocaine de lutte contre le harcèlement moral (Anti-
Harcenic) a vu le jour et a tenu son assemblée générale. L’initiative émane d’une vingtaine de personnes
dont la majorité est constituée de fonctionnaires, cadres et cadres supérieurs de l’Agence Nationale de
Réglementation des Télécommunications (ANRT). In I.-B, « Harcèlement moral au travail : enfin une
association ! », Finances news hebdo, 26 juin 2008. Et en 2015, une association « Noufous » (Souffles)
fraîchement fondée, s’est attaquée à la question en entamant des discussions avec les ministères de l’emploi
et de la santé et les structures œuvrant dans le secteur de l’emploi ainsi que le patronat pour aboutir à un
partenariat qui vise l’élaboration d’une loi condamnant le harcèlement moral. En octobre 2015, cette jeune
association a formulé une sollicitation auprès du ministère chargé du travail afin d’accélérer la sortie d’un
texte qui condamne cette pratique. V, Rédaction, « À quand la pénalisation du harcèlement moral au
Maroc ? », La Vie Éco., 9 novembre 2015.
1178
HIRIGOYEN Marie-France, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, éd. La
Découverte et Syros, Paris, 1998, p. 186.
1179
Au Maroc, dans une espèce où une salariée qui a subi toute sorte de pression, de rétrogradation (de
secrétaire de direction, elle est devenue employée d’archives), de privation des moyens de travail
(ordinateur, téléphone…) et de harcèlement sexuel de la part de l’employeur et de son associé, décide ne
pas retourner au travail et son employeur l’a licenciée pour faute grave d’abandon de poste. Le licenciement
a été reconnu abusif, et la salariée a été indemnisée. Ce qui retient l’attention dans cette décision, c’est que
les circonstances sont très proches de celles d’un harcèlement moral. On identifie exactement les
agissements qui relèvent du harcèlement moral donnée par la définition du droit français. Sauf qu’en
l’absence d’une incrimination spécifique du harcèlement moral et à la date du licenciement (18 mars 2004),
le Code du travail marocain n’était pas encore entré en vigueur (8 juin 2004 : C.S., Ch. soc., arrêt n° 220 du
15 mars 2006, Dos. soc n° 1203/5/1/2005, JCS., n° 67, 2007, p. 334 : « La non indication dans le code du
travail de son application rétroactive le rend applicable aux actions intentées après la date du 8 juin 2004
conformément à l’article 589 dudit code ».) même le harcèlement sexuel n’avait pas été reconnu. CA
Casablanca., 17 mai 2007 (numéros de la décision et du dossier non indiqués), in Human Rights,
Jurisprudence marocaine : annexe n° 4, (non daté), p. 5. url :
http://www.applyhumanrights.com/fr/kb/general/205--les-droits-de-lhomme-dans-les-tribunaux-arabes (en
arabe).
1180
Article 40 du Code du travail marocain.

283
actuelle du droit qui vise à améliorer la protection de la dignité humaine (1181). L'étape la
plus marquante de ce mouvement est le concept juridique de dignité qui a fait son
apparition en droit marocain, notamment dans la Constitution de 2011 (préambule et
articles 22 et 161), le Code du travail (préambule et article 24) et dans le Code pénal qui
consacre une section de son chapitre VII de son livre III aux atteintes portées à l'honneur
et à la considération des personnes et de la violation des secrets.

Il convient pourtant de souligner les difficultés auxquelles se heurte une initiative


pareille essentiellement du fait de la complexité d’un phénomène qui, s’il se traduit certes
par actes tangibles susceptibles d’être prouvés, se manifeste généralement par la création
d’une ambiance délétère difficile à établir (1182). D’où l’urgence d’attendre dans l’espoir
de la décantation d’une notion en l’état actuel de la situation malgré l’évidente réalité des
pratiques auxquelles elle renvoie.

b) Harcèlement sexuel : nécessité d’une protection accrue des salariés

L’introduction du harcèlement sexuel en droit français a été faite pour la première


fois par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal
relatives à la répression des crimes et des délits contre les personnes (1183). Ainsi, le
harcèlement sexuel a été défini comme « Le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de
menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une
personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d'un an
d'emprisonnement et de 100000 F d'amende » (1184). Ensuite, la notion de harcèlement
sexuel a fait son apparition dans le code du travail (1185) par la loi n° 92-1179 du 2
novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations au travail
(1186). Dans son article premier, introduisant l’ancien article L. 122-46 du Code du travail,
la loi énonce qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou
1181
LICARI Sandy, « De la nécessité d’une législation spécifique au harcèlement moral au travail », D.S.,
n° 5, 2000, p. 492
1182
LE GOFF Jacques, Droit du travail et société, t.1, les relations individuelles de travail, éd. PUR, 2001,
p. 497.
1183
JORF n° 169 du 23 juillet 1992, p. 9875.
1184
Article 222-33 du Code pénal français, (version en vigueur du 1er mars 1994 au 18 juin 1998).
1185
Dans les articles L. 122-46, L. 122-47 et L. 122-48 du Code du travail français (ancienne numérotation).
1186
JORF n° 257 du 4 novembre 1992, p. 15255.

284
refusé de subir les agissements de harcèlement d'un employeur… » ; Puis, tout salarié
ayant procédé aux agissements définis à l'article L. 122-46 est passible d'une sanction
disciplinaire. Finalement, c’est au chef d'entreprise qu’appartient de prendre toutes
dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes visés aux deux articles précédents.

La définition du harcèlement sexuel a été postérieurement modifiée par l’article 11 de


la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (1187) qui l’a spécifiée dans son article 11
comme « Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces,
imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d'obtenir des
faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions, est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende » (1188).

Ultérieurement, le harcèlement sexuel a fait l’objet de plusieurs définitions. D’abord


par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (1189) qui en a renforcé
la lutte (1190) mais qui a étendu le champ d’application du délit en fragilisant sa
définition ; « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature
sexuelle ». L’intervention du législateur semble donc avoir eu pour but d’uniformiser la
définition du harcèlement sexuel prévue par le code pénal, avec celle donnée par le code
du travail, « en supprimant la référence aux agissements d’un supérieur hiérarchique dès
lors que de tels comportements peuvent être le fait de toute personne, sans qu’existe
nécessairement un lien de subordination entre l’auteur et la victime » (1191). D’ailleurs,
cette infraction, insuffisamment précise, ne pouvait qu’être abrogée par le Conseil
constitutionnel (1192).

1187
JORF n°139 du 18 juin 1998, p. 9255, rectificatif JORF n° 151 du 2 juillet 1998, p. 10078 (1 ère
colonne, article 11, au lieu de : « 222-23 », lire : « 222-33 »).
1188
Article 222-33 du Code pénal français (version en vigueur du 18 juin 1998 au 1 er janvier 2002).
1189
JORF n° 15 du 18 janvier 2002, p. 1008.
1190
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul, TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p. 82.
1191
Aux termes de l’article 222-33 du Code pénal (version en vigueur du 18 janvier 2002 au 10 février 2010
« Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an
d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ». V, aussi, Olivier Bachelet, « Inconstitutionnalité, pour
défaut de précision, du délit de harcèlement sexuel », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 9
mai 2012 (non paginé), url : http://revdh.org/2011/05/29/actualites-droits-libertes-du-9-mai-2012/.
1192
Cons. const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, JORF n° 106 du 5 mai 2012, p. 8015.

285
Comme souligné dans le commentaire bien étayé de M. Ducray : « le législateur ne
s’est pas contenté de supprimer la référence à l’abus d’autorité, mais a également abrogé
les précisions relatives aux moyens par lesquels le harcèlement sexuel pouvait être
réalisé : la référence aux “ordres”, “menaces”, “contraintes” ou “pressions graves” a
depuis disparu. De tels agissements peuvent pourtant tout à fait être réalisés par des
personnes qui ne sont pas en situation de supériorité hiérarchique » (1193).

À la suite de cette décision du Conseil constitutionnel (1194), le harcèlement sexuel a


fait l’objet d’une nouvelle définition, par l’effet de la loi du 6 août 2012 (1195). Définition
inscrite par le code pénal et reprise, s’agissant des salariés, par les dispositions nouvelles
de l’article L. 1153-1 du Code du travail (1196). Il « est le fait d'imposer à une personne,
de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent
atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son
encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Cette définition plus précise et
plus large désigne d’abord que le harcèlement sexuel ne peut être caractérisé par un seul
acte (1197), ensuite, « le fait, même non répété, d’exercer une pression grave en vue
d’obtenir un acte de nature sexuelle pouvant être assimilé au harcèlement sexuel » (1198).

La formule légalement consacrée par le Code du travail marocain est plus compliquée
parce qu’elle ne traite la question du harcèlement sexuel que tout à fait incidemment. Cela
constitue l’une des principales différences avec le Code du travail français (1199). Le texte

1193
DUCRAY Gérard, « Définition du délit de harcèlement sexuel », commentaire de la décision du Conseil
constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, p. 2. Url :
www.conseilconstitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/root/bank/download/2012240QPCccc_240qpc.pdf.
1194
La définition du harcèlement sexuel a été abrogée par le Conseil constitutionnel qui a jugé « que
l’article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les
éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis; qu’ainsi, ces dispositions méconnaissent le
principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ». Cons.
const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, considérant n° 5.
1195
AUZERO Gilles, DOCKES Emmanuel, Droit du travail, Précis Dalloz, 30ème éd. 2016, p. 953.
1196
Circulaire DGT n° 2012-14 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement et à l’application de la loi n°
2012-9 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, BO min. Trav., n° 2012/12 du 30 décembre 2012,
texte 2/63.
1197
AUZERO Gilles, DOCKES Emmanuel, Droit du travail, ouvrage cité, p. 953.
1198
Circulaire DGT n° 2012-14 précitée.
1199
Ce texte y consacre plusieurs articles : L. 1153-1 à L. 1153-6 , L. 2313-2, L. 4121-1, L. 4121-2 et L.
8112-2 du Code du travail français.

286
marocain ne donne pas de définition au harcèlement sexuel mais le considère comme une
faute grave (1200). Ainsi, l’article 40 du code du travail (1201) signale quatre éventualités de
fautes graves envisageables à l’encontre de l’employeur. Sont citées de ce fait, l’insulte
grave ou toute forme de violence ou d’agression (1202) à l’encontre de la personne du
salarié et le harcèlement sexuel (1203) ou l’incitation à la débauche.

L’interdiction du harcèlement sexuel incluse dans le Code du travail marocain ne


semble pas efficace (1204), quoique le texte fondant ce principe l’a énumérée parmi les
situations constituant des fautes graves (1205). Aussi, l’employeur n’affiche aucune

1200
C.S., Ch. soc., arrêt n° 758 du 02 juin 2011, Dos. soc n° 96/5/1/2010, url : http://www.alkanounia.com
: « Licenciement disciplinaire fondé sur une faute grave (oui) : harcèlement sexuel caractérisé par l’envoi
des messages téléphonique (S.M.S.) à caractère sexuel comportant la recherche de faveur sexuelle à une
collègue sur le lieu du travail » ; Cass. soc., n° 672 du 9 mai 2013, arrêt précité.
1201
Cet article dispose : « Sont considérées comme fautes graves commises par l’employeur, le chef de
l’entreprise ou de l’établissement à l’encontre du salarié : l’insulte grave ; la pratique de toute forme de
violence ou d’agression dirigée contre le salarié ; le harcèlement sexuel ; l’incitation à la débauche.
Est assimilé à un licenciement abusif, le fait pour le salarié de quitter son travail en raison de l’une des
fautes énumérées au présent article, lorsqu’il est établi que l’employeur a commis l’une de ces fautes ».
1202
« L’agression physique avec « coups et blessures » d’un gérant de société à l’encontre d’un salarié est
considérée comme faute grave en vertu de l’article 40 du code du travail marocain. Le salarié quittant son
poste suite à cette agression et refusant de reprendre le travail est considéré comme licencié
abusivement » : Cass. soc., arrêt n° 1215 du 6 octobre 2011, Dos. soc n° 1781/5/1/2010, in AZOUGAR
Omar, Jurisprudence de la Cour de cassation relative au code du travail, Najah Al Jadida, 1ère éd. 2013, p.
167 (en arabe).
1203
En date du 17 mai 2007, la Cour d’appel de Casablanca avait reconnu coupable de harcèlement sexuel
sur le lieu de travail un employeur à l’encontre d’une assistante de direction : C.A de Casablanca, arrêt du
17 mai 2007, Dos n° 5382/2005, GTM., n° 109, 2007, p. 140 : « Le fait, par l’employeur, de toucher la
main de la salariée, de tenir des propos doux et érotiques à son égard et d’exposer des photos
pornographiques devant elle, représente un harcèlement sexuel ; ce qui rend le départ de la salarié de son
travail comme étant un licenciement abusif, car l’employeur a commis une faute grave. Dans la conception
du droit national et international, le harcèlement sexuel est considéré comme une atteinte à l’identité
sexuelle de la femme et à sa dignité. C’est une des figures d’oppression de son humanisme selon la loi
islamique et les conventions internationales ratifiées par le Maroc ».
1204
Il en est de même pour l’article 503-1 du Code pénal marocain qui, malgré les peines encourues en cas
de harcèlement sexuel, ne semble pas dissuasif.
1205
Les articles 39 et 40 du Code du travail marocain énumèrent respectivement les fautes graves commises
par le salarié et l’employeur. Ces fautes sont citées à titre d’exemple et non à titre limitatif. V, C.S., Ch.soc.,
arrêt n° 46 du 10 février 1986, RMD., n° 16, 1988, p. 36 : « les fautes graves énumérées à l’article 6 du
statut-type du 23 octobre 1948 (correspondant à l’actuel article 39 du Code du travail) concernant la
relation entre employeurs et salariés, ne sont pas prévues à titre limitatif mais à titre d’exemple », cité par
KHALFI Abdellatif, Al wassit dans le Code du travail, Imprimerie Papeterie El Watanya, 1 ère éd. 2004, p.
422, note 4 ; Cass.soc., arrêt n° 22 du 14 janvier 1997, Dos. soc n° 1003/4/1/95, JCS., n° 52, juillet 1998,
pp. 218-220 : « les fautes graves ne sont pas déterminées limitativement par la loi ».

287
information ou disposition relative au harcèlement sexuel (1206) même en présence d’un
règlement intérieur qui, souvent est, la reproduction des articles du code du travail.

2) Régime probatoire applicable aux harcèlements

Le Code du travail français (1207) prévoit que le salarié établit des faits qui permettent
de présumer l’existence d’un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie
défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement
et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
(1208). Toutefois, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié
qui n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un
harcèlement moral (1209). La Cour de cassation estime qu’on « procédant à une
appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu’il lui
appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis
laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral, et, dans l’affirmative,
d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les
mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d’appel, qui a fait
peser sur la salariée la charge de la preuve du harcèlement, a violé » les articles L. 1152-
1 et L. 1154-1 du Code du travail (1210).

a) Difficultés à caractériser les agissements de harcèlement

Néanmoins, l’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de


protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation,
lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou
1206
En droit français le raisonnement est autre, l’employeur doit afficher sur les lieux du travail, ainsi que
dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche, le texte de l’article 222-33 du Code pénal
(article L. 1153-5 du Code du travail).
1207
Article L. 1154-1 du Code du travail français.
1208
Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un
harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de
présumer l’existence d’un harcèlement… et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces
agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement : Cass.soc., 6 juin 2012, n° 10-27.766, Bull. civ., V, n° 170 ;
Cass.soc., 9 avril 2015, n° 13-25.326, inédit ; Cass.soc., 20 janvier 2016, n° 14-18.416, inédit.
1209
Cass.soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.072, inédit.
1210
Cass.soc., 11 mars 2015, n° 13-24.526, inédit.

288
sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des
mesures en vue de faire cesser ces agissements (1211). Cette obligation faite au chef de
l’entreprise pourrait engager sa responsabilité en cas d’atteinte, même en l’absence de
faute de sa part (1212). La solution s’explique par le rattachement du harcèlement moral à
l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur. Ce dernier doit donc agir en amont
pour empêcher tout harcèlement moral, à défaut sa responsabilité pourra être engagée et
ce, même s’il n’est pas l’auteur du harcèlement.

Ici encore, une particularité du droit marocain par rapport au droit français mérite
toutefois d’être signalée. La loi sur le harcèlement sexuel, au Maroc, ne punit le
harcèlement que lorsqu’une relation de pouvoir est en cause. Ainsi que l’affirme l’article
503-1 du Code pénal marocain (1213), « Est coupable de harcèlement sexuel et puni de
l'emprisonnement d'un an à deux ans et d'une amende de cinq mille à cinquante mille
dirhams, quiconque, en abusant de l'autorité que lui confère ses fonctions, harcèle autrui
en usant d'ordres, de menaces, de contraintes ou de tout autre moyen, dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » (1214).

Selon cette rédaction, le harcèlement sexuel tel qu’il est défini par le législateur
marocain suppose ainsi, pour être constitué, un abus d'autorité, des pressions exercées
dont la nature est définie : ordres, menaces, contraintes ou tout autre moyen, pour obtenir
un objectif. Le texte « subordonne ainsi la caractérisation de l’infraction à l’existence

1211
Cass.soc., 3 février 2010, n° 08-44.019, Bull. civ., V, n° 30 ; Cass.soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902, Bull.
civ., V, n° 172.
1212
Cass.soc., 1er mars 2011, n° 09-69.616, Bull. civ., V, n° 53 ; Cass.soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, JCP.
S., n° 28, 11 juillet 2006, 1566 : « l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de
résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de
harcèlement moral, et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité ».
1213
Ajouté par l’article 5 du dahir n°1-03-207 du 11 novembre 2003 portant promulgation de la loi n° 24-03
modifiant et complétant le code pénal, B.O. n° 5178 du 15 janvier 2004, p. 114.
1214
Dans un essai de définition du harcèlement sexuel, M. Filali Meknassi avait fourni qu’ « Il recouvre
tout comportement physique et tout message verbal ou autre de nature ou à connotation sexuelle qui n’est
pas sollicité par la partie à laquelle il est adressé, s’avérant déplacé ou agressif à son égard et constituant
de ce fait une atteinte à sa dignité. Il peut s’agir d’une insulte, d’un compliment déplacé, d’une
plaisanterie, d’une remarque inappropriée sur les attributs physiques, d’une invitation malvenue, d’un
geste explicite, d’un regard équivoque, de sous-entendus, ou de l’évocation hors contexte de la situation
matrimoniale, d’un effleurement, d’un geste associé à la sexualité... Le harcèlement sexuel suppose aussi
un rapport d’autorité au travail à l’égard de la victime ou du moins, une relation qui permet de percevoir le
comportement incriminé comme une condition ou une menace affectant l’exécution du travail ». FILALI
MEKNASSI Rachid, la responsabilité sociale des entreprises : les aspects relatifs au travail, CGEM, Les
Expertises CGEM Digest, mai 2009, p. 63.

289
d’un lien de subordination entre l’auteur et la victime » (1215). La question du
harcèlement sexuel au Maroc est soumise à un certain nombre de conditions qui sont très
proches de celles qu’organisait le droit français avant la réforme de la loi n° 2002-73 du
17 janvier 2002 de modernisation sociale.

À vrai dire, bien que pertinente par certains côtés, la rédaction actuelle de cet article
parait cependant trop restrictive et ne permet pas d’appréhender tous les agissements de
harcèlement sexuel (1216). Le législateur devrait retenir une terminologie plus précise en
ne se limitant pas à sanctionner uniquement les personnes abusant de l’autorité de leurs
fonctions, mais en élargissant le champ de l’incrimination à toute personne, même
n’ayant pas cette autorité. Or, en choisissant de sanctionner uniquement le harcèlement
sexuel émanant d’une personne abusant de l’autorité de ses fonctions, le législateur
marocain a toutefois choisi d’ignorer d’autres formes de harcèlement sexuel dont le
harcèlement émanant d’un collègue du travail (1217) ou d’un client par exemple.

Cela dit, cette définition n’apporte pas la solution espérée dans la mesure où elle est
inadaptée au regard de son fondement. Même si le harcèlement sexuel n'est pas seulement
le fait de personnes en situation d'autorité, il semble nécessaire que l'abus d'autorité soit
une circonstance aggravante du délit de harcèlement sexuel ( 1218). D’ailleurs, la définition
proposée nécessiterait une éventuelle intervention du législateur puisque le principe posé

1215
SALOMON Renaud et MARTINEL Agnès, Droit pénal social, Droit pénal du travail et de la sécurité
sociale, éd. Economica, 2014, p. 106.
1216
Des critiques similaires ont, d’ailleurs, été relayées par la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandation (CEACR) dans une demande directe adressée au gouvernement marocain
en 2013 : « La commission demande au gouvernement d’examiner la possibilité d’inclure dans le Code du
travail des dispositions définissant et interdisant expressément le harcèlement sexuel, sous ses deux formes
(harcèlement sexuel qui s’apparente à un chantage sexuel (quid pro quo) et le harcèlement en raison d’un
environnement de travail hostile), ainsi que des dispositions assurant une protection contre d’éventuelles
représailles. Par ailleurs, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures concrètes visant à
prévenir les actes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, notamment par le biais d’actions de
sensibilisation des employeurs, des travailleurs et de leurs organisations, et du public en général. Notant
que le projet de loi relatif à la lutte contre la violence à l’égard des femmes est toujours en cours
d’adoption, la commission prie le gouvernement de communiquer copie du texte de loi dès qu’il aura été
adopté », Demande directe (CEACR) – adoptée en 2013, publiée à la 103ème session CIT (2014),
Convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession).
1217
BENIHOUD Yasmina, Regard critique sur le droit français du harcèlement sexuel au travail à la
lumière du droit américain et du droit canadien, mém. Maitrise en droit, université de Montréal, 2000, p.
48.
1218
Expression empruntée au sénateur Courteau Roland lors de la proposition de loi relative à la définition
du délit de harcèlement sexuel, Sénat, session ordinaire de 2011-2012 n° 539.

290
expressément par le Code pénal marocain et implicitement par le code du travail n’est
plus adapté ni à la réalité ni à la jurisprudence (1219).

Le problème soulevé par cette question constitue davantage qu’une simple querelle de
mots. La dualité des prescriptions juridiques devrait s’effacer pour se fondre, comme en
droit français, en une seule. Reste que si le droit français et le droit marocain ont en
commun de reconnaitre le harcèlement sexuel au travail, il existe entre les théories
dominantes respectives des différences majeures.

Le texte marocain présente d’autres imprécisions. Il incrimine « les ordres, les


menaces, les contraintes (1220) ou tout autre moyen (1221), dans le but d’obtenir des
faveurs de nature sexuelle ». Le législateur n’a, toutefois, pas précisé si les actes émanant
de l’auteur du harcèlement peuvent être à caractère unique ou répété pour caractériser
l’infraction. Aussi, le législateur, de manière assez particulière, s’en tient en effet à une
définition restrictive de l’acte de harcèlement, il retient de manière quasi-systématique
que la finalité du harcèlement est d’obtenir une relation sexuelle. On est donc en droit de
penser que derrière le flou de cette expression le droit marocain devrait admettre que le
harcèlement peut être exercé en vue de créer une situation humiliante, intimidante, hostile
ou offensante (1222) et qui porte atteinte à la dignité de la victime.

1219
Malgré la formulation maladroite des textes marocains, les juges du fond rejoints par la Cour de
cassation, ont admis que : « le salarié ayant tenu des propos à caractère sexuel et des attitudes déplacées
à l’égard de plusieurs de ses collègues féminines a commis la faute grave de harcèlement sexuel. Son
licenciement pour cette cause est justifié ». Cass. soc., Ch. soc., arrêt n° 672 du 9 mai 2013, Dos. soc n°
1494/5/1/2012, Jurisprudence de la Cour de Cassation., n° 76, 2013, p. 267 (en arabe).
1220
Sur ce point, lors des débats de l’assemblée nationale sur le harcèlement sexuel, Mme Crozon Pascale
avait expliqué que les termes d’ « ordres », « menaces » et « contraintes », présentaient « le défaut d’être
trop proches de ceux constituant l’’élément matériel de l’agression sexuelle ou du viol, et de ce fait,
créaient une confusion entre ces deux dernières incriminations et celle de harcèlement sexuel ». CROZON
Pascale, Rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de
l’administration générale de la République sur le projet de loi n° 82, adopté par le sénat après engagement
de la procédure accélérée, relatif au harcèlement sexuel, 18 juillet 2012, p. 46.
1221
L’article 23 de la Constitution marocaine prévoit que : « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi ». Il en découle qu’en vertu du principe de
légalité des peines, le législateur a l’obligation de définir les incriminations en termes suffisamment clairs et
précis.
1222
Cette affirmation a déjà été approuvée par la CEACR qui n’a jamais cessé d’attirer l’attention du
gouvernement marocain sur la définition trop restrictive du harcèlement sexuel ne permettant pas
d’appréhender tous les comportements de harcèlement sexuel, notamment ceux qui créent un
environnement de travail hostile ou offensant. Demande directe (CEACR) – adoptée en 2013, publiée à la
103ème session CIT (2014), Convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession).

291
Sans se prononcer sur la question du harcèlement sexuel, l’autorité administrative
chargée du travail, par manque de formation et de textes législatifs, ne peut ni identifier la
présence de celui-ci au sein de l’entreprise, ni procéder à une prévention. Cette situation
est accentuée par l’absence de mesures d’information et de sensibilisation sur le lieu de
travail afin d’expliquer et détailler les comportements, gestes et propos constituant le délit
de harcèlement sexuel, ainsi que les sanctions encourues. Ici comme en bien d’autres
endroits, le sujet de harcèlement sexuel ne semble pas préoccupant, la non conscience de
l’employeur et des salariés de l’ampleur du phénomène fait que le harcèlement est présent
et que les victimes, les femmes souvent, n’osent pas le dénoncer. Elles subissent une
double victimisation si elles décident de porter plainte et finissent souvent par abandonner
sous peine d’être accusées d’avoir elles mêmes provoqué le harcèlement sexuel (1223).

Cet état de fait sera toutefois progressivement amené à changer. Un bref retour sur
l’étude de terrain réalisée dans le cadre d’un programme pilote destiné à promouvoir
l’égalité des femmes au Maroc (1224) pourrait nous donner des éléments de réponse. La
question de harcèlement sexuelle a été aussi abordée, mais compte tenu du caractère très
délicat de la question, les salariées ont indiqué que la présence d’inspectrice du travail, au
lieu d’inspecteur du travail, serait très appropriée (1225).

b) Harcèlements au travail : le positionnement de l’inspection du travail

1223
Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, Diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le
secteur de l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale, Rabat, juin 2010, p. 26,
étude dans le cadre de l’implantation du processus d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes, avec
l’appui de l’Agence canadienne de développement international (ACDI)), le Fonds d’appui à l’égalité entre
les sexes (FAES II) et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM).
1224
CHICHA Marie-Thérèse, Inégalités de genre et pratiques d’entreprise au Maroc, Bureau International
du Travail (BIT), novembre 2013, p. 88. Cette étude, a été effectuée à Casablanca et Rabat auprès de : six
entreprises (formelles), de quelques fédérations syndicales, d’association de promotion des droits des
femmes ainsi que certains représentants gouvernementaux.
1225
Car le nœud du problème serait « l’efficacité et l’efficience des mécanismes de contrôle… c’est général
par rapport aux hommes et aux femmes, mais c’est pire encore pour les femmes parce que la plupart des
inspecteurs du travail sont des hommes… ». La victime « ne peut pas parler par exemple du harcèlement
sexuel, alors pour une femme inspectrice du travail elle pourrait ». Témoignage d’une représentante
d’association féminine pour le rapport précité, p. 87. Malheureusement, le rôle des pouvoirs publics reste
très limité pour faire face à ce problème, encore une fois, comme c’est le cas du travail des enfants, l’État a
délégué sa compétence « exclusive » aux associations féminines qui interviennent, dans des cas de
harcèlement sexuel, en faisant de l’écoute, de l’orientation, et en assurant même le suivi juridique des
victimes, dans des cas individuels et même collectifs.

292
Une même différence de conception s’observe sur le terrain des prérogatives confiées
aux inspecteurs du travail dans la prévention et la protection du harcèlement. Il nous
suffira d’évoquer brièvement que le droit français se sépare profondément du droit
marocain quant la manière de relever et traiter cette infraction. Le droit français est arrivé
à un résultat différent de celui auquel a abouti le droit marocain, tout en prenant le même
point de départ : l’incrimination.

En droit français, les harcèlements sexuel et moral à l’égard d’un salarié ne sont plus
sanctionnés par le code du travail, puisque la sanction est prévue par le code pénal.
L’article L. 1155-2 du code du travail prévoyant les sanctions pénales, ne fait plus
référence à l’article L. 1153-1 ni à l’article L. 1152-1 relatif au harcèlement moral.
L’article L. 8112-2 du code du travail a été complété (1226) pour permettre aux inspecteurs
du travail la constatation des délits de harcèlement sexuel ou moral prévus par les articles
222-33 et 222-33-2 du Code pénal (1227).

Le droit d’enquête est réalisé, souvent, lorsque l’inspecteur du travail est sollicité par
un salarié dans le cadre d’une plainte pour harcèlement sexuel ou moral (1228). Ce qui
pourrait l’amener à réaliser une enquête au sein de l’entreprise, puisqu’il constate
également les infractions commises en matière de discriminations prévues au 3° et au 6°
de l’article 225-2 du Code pénal, et les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus,
dans le cadre des relations de travail par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code
(1229). Mais le conditionnel ici s’impose, car l’inspecteur du travail a un rôle passif dans le
combat ou la prévention du harcèlement. Même s’il est saisi d’une plainte, il ne peut pas
prendre de mesures immédiates pour protéger la victime.

1226
Par l’article 7 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, JORF n° 182 du 7
août 2012, p. 12921.
1227
Circulaire du 7 août 2012 de la garde des sceaux, relative à la présentation des dispositions de droit
pénal et de procédure pénale de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, p. 11.
1228
Sur ce point, il existe un vide juridique en droit marocain, puisque le législateur n’a toujours pas intégré
cette notion dans la législation. Il n’est pas de règle juridique qui traduise la volonté d’incriminer ce
phénomène, les avancées restent timides et strictement encadrées. Mais un fait demeure : cette question est
déjà posée en pratique mais non résolue par la loi et rien ne permet de penser qu’elle est destinée à
connaitre un revirement prochain.
1229
Article L. 8112-2 du Code du travail français.

293
Sans égard à cela et avant d’entreprendre l’enquête, il doit au préalable s’assurer à
partir des éléments recueillis, soit par les salariés victimes ou témoins, que les faits sont
bien constitutifs d’un harcèlement sexuel ou moral. De ce fait, il doit « vérifier que la
matérialité des faits peut être établie par des preuves tels que des écrits ou des
témoignages. À ce titre, le recueil de la plainte de la victime devra être particulièrement
méticuleux et précis » (1230). Si les faits sont constitués, l’inspecteur peut dresser un
procès verbal pour constater (1231) l’infraction de harcèlement (1232). Après avoir informé
la personne visée au procès-verbal, il est transmis au parquet et un exemplaire est
également adressé au préfet (1233). Dans le cas où l’infraction ne peut pas être établie, à
cause de la difficulté à rassembler les preuves, l’agent du contrôle doit informer le
procureur de la république (1234) conformément à l’article 40 du code de procédure pénale
(1235).

En droit français et, dans une moindre mesure, en droit marocain, comme il est
impossible à la loi d’éviter la commission des infractions, tout repose sur la force du
texte. Néanmoins, le texte marocain laisse sans réponse la question du rôle de l’inspecteur
du travail dans la prévention et la protection contre le harcèlement sexuel. Il se contente
de connaitre de l’enquête et de l’investigation de ce corps de contrôle sur le fondement

1230
Circulaire DGT n° 2012/2014 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement et à l’application de la loi
n° 2012-954 du 6 aout 2012 relative au harcèlement sexuel.
1231
La critique adressée par un inspecteur blogueur à la logique de rédaction de l’article L. 8112-2 1° du
Code du travail parait très importante. Il souligne que « D’abord « constater » les infractions en matière de
harcèlement (article L. 8112-2 1° du Code du travail – un bien grand mot : en fait, il s’agit plutôt de réunir
des moyens de preuve indirects) ». V, url : https://inspectiondutravail.wordpress.com/tag/harcelement-
moral/.
1232
Ibid.
1233
Article L. 8113-7 du Code du travail français.
1234
Circulaire DGT n° 2012/2014 du 12 novembre 2012.
1235
Cet article précise que « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et
apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert
la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République
et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Mais
au-delà de ce procédé classique, la possibilité d’utiliser les constats de l’inspecteur dans le cadre d’une
instance prud’homale est également envisageable. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation est
à l’origine de la confirmation de l’existence d’une discrimination syndicale à partir des « éléments de fait
relevés par l’inspecteur du travail dans son rapport produit à l’appui de leurs demandes par les salariés ».
V, Cass.soc., 15 janvier 2014, n°12-27.261, Bull. civ., 2014, V, n° 14.

294
spécifique de l’article 533 al. 3 du Code du travail rédigé comme suit : « le droit
d’enquête et d’investigation de l’inspection du travail inclut la possibilité d’interroger
soit seul, soit en présence de témoins, l’employeur ou les salariés de l’établissement sur
toutes les questions relatives à l’application des dispositions législatives et
réglementaires relatives au travail… ».

Le droit marocain marque un relativisme accentué par l’absence de l’inspection du


travail quant à l’appréciation du harcèlement sexuel. Ainsi, aucun comportement ne
constitue, en lui-même, un cas de harcèlement sexuel, tout dépend des circonstances dans
lesquelles l’événement invoqué s’est produit. Les inspecteurs sont, en théorie, bien armés
pour assumer ce rôle. Ils pourraient apporter une meilleure contribution à cet égard s’ils
étaient invités à maintenir des liens plus étroits avec d’autres programmes
gouvernementaux offrant des services ciblés sur cette matière.

Le délit de harcèlement sexuel fait, normalement, partie des infractions que


l’inspecteur du travail doit relever en raison de sa compétence générale reconnue pour
lutter contre les violations de la réglementation du travail. On peut certes admettre que le
contrôle des comportements assimilables au harcèlement sexuel s’inscrit dans le cadre de
la santé et de la sécurité des salariés sur le lieu de travail, mais il ne fait pas, pour autant,
partie du mandat de l’inspection du travail. Alors que l’article 503-1 du Code pénal
marocain couvre l’infraction et sa répression en général, l’article 40 du Code du travail se
satisfait d’aborder la liste particulière des comportements réprimés et sanctionnés (1236).

Une amélioration pourrait alors consister à emprunter une mesure essentielle du droit
français qui semble se retrouver en droit marocain, l’article 39 du Code de procédure
pénale marocain en l’occurrence (1237). La formule de cet article repose sur l’idée, selon
laquelle, les agents de l’inspection du travail peuvent être amenés, en application de cet

1236
Le code pénal sanctionne le comportement de harcèlement sexuel en lui-même, alors que le Code du
travail sanctionne les conséquences du harcèlement sur la situation professionnelle de la victime.
1237
Sans négliger la qualité théorique de cet exposé, il n’est pas inutile de recueillir le point de vue du
praticien confronté quotidiennement aux problèmes du terrain. Ainsi, le quotidien marocain francophone Le
Matin a reçu les propos d’un inspecteur du travail faisant observer que dans le cas où l’inspecteur du travail
prend connaissance de l’existence d’un harcèlement sexuel « il va jouer le rôle d’un intermédiaire entre les
deux parties. L’objectif est de trouver un terrain d’entente pour régler le différend à l’amiable. Ainsi, le
salarié licencié pour un motif qu’il juge abusif peut avoir recours à la procédure de conciliation prévue par
l’article 532 du Code du travail, pour réintégrer son poste ou obtenir des dommages-intérêts. À cet effet, le
salarié reçoit une indemnisation dont le montant est fixé d’un commun accord. Par ailleurs, l’inspecteur du
travail peut procéder à une tentative de conciliation en proposant une mutation du salarié, après son
accord, à un autre département ou service ». Propos recueillis par Mohamed BADRANE, Le Matin, lundi
25 mai 2009.

295
article, à transmettre sans délai tous les renseignements, procès-verbaux et actes au
procureur du Roi s’ils ont connaissance d’une infraction (crime ou délit) sur des matières
ou dans des domaines ne relevant pas d’une législation pour laquelle ils ont expressément
compétence.

Au regard de l’orientation marocaine, il semble que l’analyse restrictive des figures


du harcèlement, qui comporte de sérieuses limites, n’est pas la seule possible. Il se
pourrait que la doctrine et la jurisprudence aient à harmoniser les éléments d’une pratique
peu cohérente avec la réalité vécue. La cohérence interne du discours législatif devrait
également conduire à admettre une conception extensive du harcèlement englobant le
harcèlement moral. Ces propositions devront, enfin, contribuer à une description plus
exacte en vue de l’identification de ces agissements.

En conclusion, si le droit marocain continue de limiter l’objet de l’intervention de


l’inspection du travail, cette idée ne résulte pas formellement des textes, mais d’une
certaine interprétation qui en a été faite. Le législateur français, lui, semble avoir retenu
une conception plus extensive des pouvoirs de l’inspection du travail. L’une des missions
prioritaires de l’inspecteur du travail a donc été d’intervenir sur le champ du travail
illégal. Ce contrôle connait, en droit français, un fondement légal inscrit à l’article L.
8271-1 du Code du travail. Sans prétendre chercher à identifier cette compétence au
Maroc, l’approche marocaine nous enseigne que l’incrimination “travail illégal” ne
pourrait pas trouver application en matière de disposition légale ou réglementaire. Une
telle démarche se justifie d’autant plus que le modèle économique marocain se caractérise
par la prépondérance de l’emploi dans le secteur informel (1238) qualifié aussi d’économie
souterraine ou parallèle en comparaison avec le secteur structuré ou l’économie officielle.

La question du rapport à la loi est une question majeure mais qui n’est jamais
univoque. On ne retrouve ni légalité complète ni illégalité totale. Certaines
réglementations sont respectées, d’autres le sont moins ou pas. Cela traduit alors l’idée de
l’existence de rapports ambigus avec la loi (1239). Les pouvoirs publics continuent à être

1238
Selon la dernière enquête effectuée en 2007, le travail informel occupe 37,5 % de l’emploi non agricole.
Haut Commissariat au Plan, Direction de la statistique, Enquête nationale sur le secteur informel 2007 :
principaux résultats, 8 décembre 2009, p. 27. Url :
http://www.hcp.ma/PubData/news/InformalPresentationFr.pdf.
1239
BOUNOUA Chaib, « L’économie informelle au Maghreb », Cahiers du GRATICE., n° 8, Univ. Paris
XII, janvier 1995, p. 212.

296
confrontés à la contradiction qui nait de leur obligation de combiner, à la fois,
réglementation et tolérance. Cette méthode mène à une certaine satisfaction quant à la
réalisation du souhait des gouvernants, notamment lorsqu’il s’agit de suivre une stratégie
de développement qui ne saurait être viable que si l’on réglemente sérieusement mais en
douceur les activités parallèles (1240).

§ 2. La lutte contre le travail illégal : différence d’approche entre les droits


français et marocain

Depuis quelques années, le législateur français s’intéresse à la lutte contre le travail


illégal. Ce qui a donné lieu à de nombreuses modifications du Code du travail en vue de
renforcer l’activité des agents de contrôle mais aussi de responsabiliser les entreprises
(1241). Le champ du travail illégal est assez large puisqu’il couvre les infractions suivantes
(1242) : le travail dissimulé ; le marchandage ; le prêt illicite de main-d’œuvre ; l’emploi
d’étranger sans titre de travail ; les cumuls irréguliers d’emplois et la fraude ou fausse
déclaration pour bénéficier d’allocations de reclassement et de reconversion
professionnelle, de la prime de retour à l’emploi, d’allocation chômage (prévue aux
articles L. 5124-1 et L. 5429-1).

A) En France : renforcement des pouvoirs d’intervention en matière


de travail illégal

Le plan national de lutte contre le travail illégal PNLTI 2013-2015 (1243) a établi des
objectifs prioritaires à la lutte contre le travail illégal qui sont au nombre de cinq à savoir :

1240
L’explication apparait, en effet, sous la plume de M. Sbia qui explique que « ce comportement se
justifie, dans la logique étatique, par nombre de raisons. D’abord, parce que cela tient à l’incapacité des
pouvoirs publics de faire respecter pleinement les réglementations pour ne pas aggraver la crise
économique et sociale. Puis, étant donné que ce secteur crée des emplois et procure des revenus, on assiste
alors au phénomène de décharge de l’ tat de ses fonctions régulatrices », in SBIA Rachid, Th. citée, p. 97.
1241
NIVELLES Vanessa, « Travail illégal : entre surenchère législative et démesure réglementaire », JSL.,
n° 399, 23 décembre 2015, p. 4.
1242
Article L. 8211-1 du Code du travail français.
1243
Ce plan a été élaboré après concertation avec les partenaires sociaux, pour une durée de trois ans. Il a
été lancé pour la première fois sous l'égide du Premier ministre, décliné par une circulaire interministérielle
et plusieurs circulaires ministérielles. V, DINGEON Philippe, « Présentation de la politique de lutte contre
le travail illégal », D.S., n° 11, 2014, p. 888. Dans le cadre de ce plan, une grande opération de contrôle a
été effectuée sur plus de 1800 entreprises sur 300 chantiers des bâtiments et des travaux publics dans la

297
la lutte contre toutes formes de travail dissimulé, la lutte contre les fraudes au
détachement dans le cadre des prestations de service internationales, le contrôle des
opérations de sous-traitance en cascade, le contrôle et la sanction des recours aux faux
statuts, la sanction du recours à des étrangers sans titre de travail. En 2013, le comité
national de lutte contre la fraude a validé le plan national de lutte contre la fraude dont
une partie est consacrée aux comités opérationnels départementaux anti-fraude. Le plan
national de lutte contre la fraude reprend en matière de travail illégal les objectifs du
PNLTI 2012-2015 (1244).

La lutte contre le travail illégal revêt une importance cruciale ( 1245) en France et
constitue l’une des activités prioritaires des inspecteurs du travail. Toutefois, même en
appliquant des mesures de lutte contre ce phénomène, ils restent toujours confrontés à de
nombreuses difficultés liées à l’insuffisance de moyens.

L’inspecteur du travail peut réaliser le contrôle avec d’autres services de contrôle au-
delà des seuls services de l’inspection du travail (ex : URSSAF…). Ainsi, selon l’article
L. 8271-2 du Code du travail, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 se
communiquent réciproquement tous renseignements et tous documents utiles à
l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal. Les agents de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à leur
transmettre tous renseignements et documents nécessaires à cette mission.

Les inspecteurs du travail (1246), sont habilités à la recherche et la constatation des


infractions constitutives de travail illégal. La loi (1247) vient de renforcer leurs pouvoirs,

période du 25 et du 26 juin 2013 au niveau national. De ce fait, plus de 3000 agents de contrôle appartenant
aux différentes administrations compétentes en matière de lutte contre le travail illégal ont été mobilisés. Si
84% des entreprises contrôlées étaient en règle, les agents de contrôle ont pu constater 247 cas de travail
dissimulé, 160 infractions de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre, 42 détournements de statuts
(travailleurs indépendants et auto entrepreneur, bénévoles, stagiaires), et 41 infractions d’emploi des
travailleurs étrangers sans papiers. Cette opération a mené à envisager 223 procès-verbaux et 54 arrêts, 7
fermetures administratives sont demandées aux préfets et 14 entreprises vont se voir refuser ou devront
rembourser des aides à l’emploi. In Communiqué pour la lutte contre le travail illégal du ministère du
travail, de l’emploi et du dialogue social du 28 juin 2013. Site du ministère : travail-emploi.gouv.fr
1244
Commission nationale de lutte contre le travail illégal, 5 décembre 2013, Bilan du PNLTI 2013-2015, p.
29.
1245
JAFFRÉ Yann-Gaël, « L’offre de formation de l’INTEFP en matière de lutte contre la fraude sociale et
le travail illégal », D.S., n° 12, 2014, p. 905.
1246
Ainsi que les autres agents de contrôle compétents en matière de travail illégal mentionnés à l’article L.
8271-1-2 du Code du travail, à savoir : les officiers et agents de police judiciaire ; les agents des impôts et
des douanes ; les agents des organismes de sécurité sociale ; les administrateurs des affaires maritimes, etc.

298
ils peuvent désormais se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents
justifiant le respect des dispositions du chapitre II, relatif aux conditions de détachement
et réglementation applicable, du titre VI, concernant les salariés détachés temporairement
par une entreprise non établie en France, du livre II de la première partie du Code du
travail (1248).

Les agents de l’inspection du travail peuvent se faire présenter tous les documents,
quels que soient leur forme ou leurs supports. Il s’agit des documents d’immatriculation
de l’entreprise, les déclarations aux organismes de protection sociale, des documents
justifiant que l’entreprise a vérifié que son ou ses cocontractants ont accompli toutes leurs
obligations légales, des devis, bons de commande ou de travaux, les factures et les
contrats commerciaux relatifs aux prestations exécutées (1249).

1) Lutte contre les abus résultant des pratiques particulières de travail


illégal : le détachement

La lutte contre le travail illégal désigne aussi la fraude aux salariés détachés (1250), qui
constitue la nouvelle mission de l’inspection du travail (1251). En février 2015, le
gouvernement français a lancé un plan de lutte contre les fraudes au détachement de

1247
Article 7 de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
1248
Article L. 8271-6-2 du Code du travail.
1249
Article L. 8271-9 du Code du travail.
1250
La libre circulation des travailleurs européens constitue un principe réglementé par l’article 45 du traité
sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Elle indique que les ressortissants de l’Union Européenne
ont le droit de répondre à des emplois effectivement offerts et d’y travailler avec une égalité de traitement
en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Au sens de la directive
96/71/CE, concernant le détachement des travailleurs, la notion de travailleur détaché c’est l’action menée
par les employeurs qui consiste à envoyer les salariés sur le territoire d’un État membre de l’Union
Européenne (UE) ou de l’Espace Economique Européen (EEE), pour une durée déterminée afin d’y exercer
des prestations de travail. À cet égard, la directive a fait surgir le principe d’application du doit de l’État
membre d’accueil à condition qu’elle soit plus favorable.
Le travailleur détaché au sens de l’article L. 1261-3 du Code du travail est tout salarié d’un employeur
régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte
de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire
national dans les conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2. À cet effet, un lien de
subordination entre l’employeur et le salarié est exigé.
1251
Les priorités de l’inspection du travail sont passées en 2013 de dix huit à trois par an. S’y ajoute une
priorité décidée au niveau régional. Pour les années 2014 et 2015, tous les agents ont dû intervenir sur les
champs suivants : travail illégal, risque de chutes de hauteur, risque d’exposition à l’amiante et l’égalité
professionnelle. V, CALVEZ Yves, « Pour une inspection du travail forte et adaptée à notre temps », Dr.
Ouvrier., n° 799, février 2015, p. 125 ; « Réformer l’inspection du travail ? », RDT., n° 4, 2014, p. 232.

299
salariés en France (1252). Les secteurs les plus visés sont le secteur du bâtiment, de
l’agriculture et du transport routier de marchandises. Un rapport du sénat (1253) avait
estimé leur nombre en France, à trois cent mille, « au mépris du droit communautaire »
(1254).

Toutefois, si le but du détachement des travailleurs est de couvrir les besoins de main
d’œuvre dans des domaines précis (1255), il a fait surgir des pratiques de contournement de
règles communautaires relatives au détachement de salariés. Le phénomène du salarié
« low cost » (1256) en est-il devenu l’élément d’identification ? Les tenants de ce type de
pratique invoquent un droit du travail tellement rigide qu’il doit s’adapter aux exigences
du marché (1257). Ils considèrent même être contraints à jouer loyalement ou non le jeu de
la concurrence (1258). La manière la plus simple, à leur sens, est de donner satisfaction aux
clients en permanence et au meilleur coût et à cela s’ajoute l’avantage du coût de la main
d’œuvre.

Le constat peut donc être fait que le travail illégal évolue vers des montages
organisés, complexes et surtout transnationaux. Les actions de prévention doivent donc

1252
Le plan, a été présenté par le Premier ministre Manuel Valls et l’ancien ministre du travail François
Rebsamen (2 avril 2014 – 2 septembre 2015). Le plan de lutte contre les fraudes au détachement fait partie
du plan national d’action pour la lutte contre le travail illégal en 2015, viennent complémenter la loi n°
2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. Le décret d’application n°
2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte
contre le travail illégal (JORF n° 0076 du 31 mars 2015, p. 5872) précise les obligations des employeurs
établis hors de France détachant des salariés en France, ainsi que l’obligation de vigilance et de
responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et
cocontractants. Ainsi qu’un renforcement des sanctions en cas de détachement.
1253
Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes n° 527 (2012-2013) du
18 avril 2013 par : M. Bocquet Eric.
1254
Ibid.
1255
CREMERS Jan, À la recherche de main d’œuvre bon marché en Europe. Conditions de travail et de vie
des travailleurs détachés, CLR Studies 6, European Institute for Construction Labour Research, Rapport
élaboré à la demande de la Fédération Européenne des Travailleurs du Bâtiment et du Bois, 2011, p. 22.
1256
Terminologie citée dans le rapport du sénat. Le « low cost » est défini par le dictionnaire Larousse
comme étant une « stratégie commerciale consistant à proposer un bien ou un service (transport aérien,
par exemple) à un prix inférieur à ceux que pratiquent habituellement les entreprises concurrentes ».
Littéralement, « low cost » signifie « bas coût », est un concept économique basé sur la baisse des coûts.
Appliqué d’abord aux États Unis, dans le début des années soixante dix, par les compagnies aériennes, il se
répand aujourd’hui dans plusieurs secteurs. V, TREGUER Jean-Paul, La révolution du Low cost : les
ressorts d’un succès, éd. DUNOD, 2014, pp. 28-29.
1257
SBIA Rachid, Th.citée, p. 66.
1258
Ibid.

300
être plus efficaces, un meilleur ciblage des contrôles, une coordination accrue des corps
de contrôle et une plus grande professionnalisation des agents sont nécessaires. La lutte
contre le travail illégal s’inscrit dans la durée et mobilise de nombreux outils
institutionnels, juridiques et opérationnels. Malgré l’évolution sensible des fraudes y
afférentes, ces dernières années, l’appréhension judiciaire de ce délit est devenue, à
raison, l’objet d’une politique criminelle accomplie. Il a fait l’objet au fil du temps d’un
traitement attentif et adapté de la part des pouvoirs publics (1259) et du législateur (1260), en
ce qui concerne la recherche des situations de fraude, conforté par la jurisprudence (1261)
qui fait preuve d’une sévérité accrue notamment par une interprétation extensive des
textes (1262).

Le caractère prioritaire de la lutte contre le travail illégal a été renforcé par un


dispositif institutionnel doté de structures à caractère interministériel chargées de définir
les procédures et actions prioritaires à mettre en place en la matière. Cependant, les
identités professionnelles et les missions de chaque structure doivent être préservées et
valorisées, et le positionnement de l’inspection du travail dans la lutte contre le travail
d’étrangers sans titre de travail et le travail dissimulé doit notamment être précisé. Déjà
le mot « illégal » contribue à entretenir la confusion avec une autre illégalité, celle de
l’immigration irrégulière, la finalité de l’intervention de l’inspection du travail consiste à
veiller à la protection des droits des travailleurs et non à assurer l’application du droit de
l’immigration, problème pourtant bien distinct.

1259
Le 23 février 2016 a été signée la Convention nationale de partenariat pour la lutte contre le travail
illégal et contre les fraudes au détachement par le ministre des finances et des comptes publics, la ministre
du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social aux côtés des organisations
patronales du bâtiment et des travaux publics (CAPEB-FFB-FNTP-SCOP BTP). Une autre Convention
nationale de partenariat pour la lutte contre le travail illégal dans l’activité du transport de déménagement a
été signée, le 28 juillet 2015, par l’État, des organisations professionnelles et des organisations syndicales
des salariés de ce secteur.
1260
Désormais, la carte d’identification professionnelle est obligatoire dans le secteur du bâtiment et des
travaux publics. Le décret fixant ses conditions de délivrance, ses caractéristiques et les sanctions encourues
par l'employeur est paru. Décret n° 2016-175 du 22 février 2016 relatif à la carte d'identification
professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics a été pris en application de l’article L. 8291-
1 du Code du travail créé par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des
chances économiques dite loi Macron, JORF n° 45 du 23 février 2016, texte n° 22.
1261
GUICHAOUA Hervé, « Quarante ans de lutte contre le travail illégal », D.S., n° 1, 2014, p. 51.
1262
Cass.crim., 4 septembre 2012, n° 11-87.225, Bull. crim., V, n° 180. V, aussi PARTOUCHE Brice, « Les
mutations prétoriennes du délit de recours au travail dissimulé », RDT., n° 7-8, 2013, p. 471.

301
Par ailleurs, à plusieurs endroits du Code du travail sont apparues certaines velléités
de placer ce corps de contrôle sur le terrain de la lutte contre l’immigration irrégulière,
menant, par exemple, à étendre sa compétence aux constats des infractions à certaines
dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ( 1263), à
permettre aux agents de l’inspection de procéder à des contrôles d’identité ( 1264) ou
d’avoir accès aux traitements automatisés des cartes de séjour des étrangers (1265) dans le
cadre de la loi informatique et liberté (1266).

2) L’omniprésence de la santé sécurité et le travail illégal dans la réforme


de l’inspection du travail

De la loi Macron a résulté une réforme focalisée essentiellement sur la santé-sécurité


et le travail illégal. Il s’agit là d’avancées d’importance. Cette construction est confortée
par la mobilisation sur le seul champ « santé-sécurité » sachant qu’un agent consacrerait
déjà une part importante de son activité à cette thématique ( 1267). Mais cette nouvelle
orientation ne vient-elle pas rompre avec le modèle « généraliste » de l’inspection du
travail française ? L’importance donnée à ces deux plans d’action a renforcé les
récurrentes interrogations sur la pertinence d’un système d’inspection du travail
généraliste (1268).

Cette question nous semble avoir été soulevée par le professeur Auvergnon, tout aussi
convaincant, en exposant qu’il faudrait voir dans cette démarche « l’indice inquiétant
d’un glissement vers une spécialisation… Pourtant quid des atteintes aux libertés et

1263
Depuis la loi no 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des
étrangers en France et à la nationalité, JORF n° 274 du 27 novembre 2003, p. 20136.
1264
Article L. 8113-2 du Code du travail, introduit par l’article 62 de la loi no 2003-1119 précitée.
1265
Article L. 8271-19 du Code du travail, introduit par la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à
l’immigration et à l’intégration, JORF n° 170 du 25 juillet 2006, p. 11047.
1266
Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF du 7 janvier
1978, p. 227.
1267
AUVERGNON Philippe, « Renforcer ou réorienter l’inspection du travail ? », RDT., n° 4, 2014, p. 234.
1268
BESSIÈRE Jean, « L’activité de l’inspection du travail dans un contexte de fortes évolutions », D.S., n°
11, 2011, p. 1025.

302
droits fondamentaux, à la représentation des travailleurs, etc. ? » (1269). La protection des
droits et de la dignité des personnes en situation de travail ne se réduit pas à la lutte contre
le travail illégal et au contrôle du respect des dispositions relatives à la santé et à la
sécurité au travail.

Tandis que le système français admet généralement la pénalisation du travail illégal,


le droit marocain n’admet pas cette stipulation de manière égale : la pénalisation ne va
pas de soi. La notion d’ “illégalité” n’existe pas (1270) même en présence d’un travail
informel répandu dans le pays. Ce dernier peut s’apparenter, dans des cas, au travail
illégal (1271). Pour comprendre l’absence de qualification et de pénalisation du concept du
travail illégal au Maroc, nous nous pencherons succinctement sur la question du travail
informel, ensuite sur le régime national de sécurité sociale, en l’occurrence, la déclaration
du salarié.

B) Au Maroc : absence de compétence en matière de travail informel

La définition de l’informalité a donné lieu à des études et interprétations différentes


entre pays développés et pays non développés. Il est généralement fait référence aux
termes travail « souterrain », travail « clandestin » et travail « non déclaré », pour
désigner l’emploi qui, pour l’essentiel échappe aux assurances sociales et aux diverses

1269
Ibid. V, aussi la réflexion de ce professeur rapportée in AUVERGNON Philippe, « Un coucou dans le
nid de la loi Macron ? De nouvelles prérogatives pour l’inspection du travail », D.S., n° 10, 2015, p. 826.
1270
On ne peut y trouver nulle part la trace de la conception française du travail illégal. Le législateur
marocain ne connait pas cette incrimination. D’ailleurs, la Cour suprême marocaine (actuelle Cour de
cassation) avait repris cette position en notant qu’il n’existe pas de texte en droit marocain qui constitue le
centre de la réglementation en matière de travail illégal. Il s’agissait ici d’une demande d’extradition émise
par la France concernant l’un de ses ressortissants installé au Maroc et poursuivi dans l’État requérant pour
le délit de travail dissimulé par dissimulation de salariés et dissimulation d’activité ainsi que pour le délit de
blanchiment de travail dissimulé durant la période de septembre 2003 à septembre 2005 sur le territoire
français. M.-G. Pascal avait été placé sous écrou extraditionnel, en vertu d’une demande d’arrestation
provisoire formée en exécution d’un mandat d’arrêt décerné le 11 janvier 2008 par le TGI de Bobigny pour
les délits précités, et ne s’est alors pas opposé à son extradition en France. La Cour suprême avait ainsi émis
un avis défavorable à son extradition fondé sur l’absence de la règle de double incrimination. Selon cette
condition, prévue par la Convention judiciaire entre le Maroc et la France du 5 octobre 1957 (B.O n° 2359
du 10 janvier 1958, p. 47) et l’article 720-2 du Code de procédure pénale marocain, l’extradition n’est
possible que lorsque, l’acte en question est sanctionné par la législation tant de l’État requis que de l’État
requérant. C.cass., Ch.crim., arrêt n° 297/1 du 19 mars 2008, Dossier extradition n° 5783/08, Ministère de
la justice et des libertés, Jurisprudence en matière d’extradition des criminels, t. 1, Centre d’études et de
recherches criminelles, série Jurisprudence, n° 5, (non daté), p. 10, (en arabe).
1271
C’est le cas, par exemple, du non respect du salaire minimum SMIG, le non respect de la durée légale
du travail, ou le travail d’un étranger sans déclaration préalable du ministère, etc.

303
réglementations (1272). L’expression la plus usitée, tout au moins dans les documents
officiels de l’Union européenne (UE), est « travail non déclaré » (1273).

Le travail appelé informel, non déclaré (1274) ou activité souterraine est « toute
activité rémunérée de nature légale, mais non déclarée aux pouvoirs publics… » (1275).
La recommandation n° 169 (1276) de l’OIT concernant la politique de l’emploi invite les
pays concernés par ce phénomène, à « reconnaître l'importance comme source d'emplois
du secteur informel » et elle le définit comme étant « des activités économiques qui
s’exercent en dehors des structures économiques institutionnalisées ».

La vision « protectionniste » de l’OIT envisage que cette dernière ne doit pas


« s’occuper uniquement du marché du travail officiel mais aussi des salariés non
protégés, des travailleurs indépendants, des travailleurs à domicile… » au motif que « le
secteur informel en Afrique a créé plus de quatre vingt dix pour cent des nouveaux
emplois urbains durant la dernière décennie » (1277). L’OIT prend en considération la
dimension humaine, « qui a pour mission d’améliorer la situation des êtres humains dans
le monde du travail, la question de l’informalité est traitée avec un objectif précis, à
savoir promouvoir des possibilités de travail décent pour tous » (1278).

1) Positionnement économique et social du travail informel

1272
OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE, OCDE 2004, p. 246.
1273
DAZA José Luis, Économie informelle, travail non déclaré et administration du travail, Document 9,
Département du dialogue social, la législation et l’administration du travail, Bureau International du travail,
Genève, juin 2005, p.11.
1274
L’expression travail non déclaré semble être utilisée dans la plupart des pays européens. Certains pays
utilisent plus qu’une en même temps. Outre le fait que des expressions différentes soient utilisées dans
différents pays, le phénomène lui-même n’est pas défini dans les programmes nationaux de réforme, il n’est
donc pas clair si des expressions différentes mesurent différents aspects ou si la même est mesurée avec
différentes étiquettes. Traduit de « Feasibility study on a direct survey about undeclared work »,
VC/2005/027, final report, 22/12/2006, p. 46.
1275
Définition adoptée par la Commission européenne sur le travail non déclaré en 1998. Commission
européenne, Communication de la Commission sur le travail non déclaré, Bruxelles, COM(1998)-219 du 7
avril 1998.
1276
Paragraphe 27 al. 1.
1277
Rapport du Directeur général, BIT, Un travail décent, CIT, 87ème session, Genève, juin 1999. Non
paginé.
1278
DAZA José Luis, Économie informelle, travail non déclaré et administration du travail, document cité,
p. 1.

304
Au Maroc, on parle de « travail informel », terme qui a été préféré à ceux de « travail
illégal », ou « travail dissimulé », sans qu’aucune définition ne lui soit donnée. Seule une
reconnaissance implicite existait au début, mais ne reflétait pas la réalité grave du
phénomène (1279). Le travail informel a toujours été un sujet gênant qu’on évitait
d’évoquer et que l’État avait toujours ignoré (1280). D’ailleurs, le Maroc avait toujours
dénoncé les rapports alarmants des ONG (1281), des Organisations internationales et du
BIT, l’accablant, sur le travail informel. Il semble dès lors difficile de dire que les
gouvernants ont fait un choix irréfléchi. Ils ont forcément été alertés par ces rapports,
mais ils ont choisi de mettre en œuvre une politique de réinsertion des « travailleurs » du
secteur informel dans le secteur formel (1282). Ce faisant, il apparaîtra que ces politiques à
but réparateur ont contribué à aggraver la situation.

1279
Dans les années 80, le secteur informel avait commencé à retenir l’attention des pouvoirs publics, qui y
menaient, avec le soutien des bailleurs de fonds, plusieurs actions en matière de formation, d’organisation,
de commerce et de fiscalité. V, MALDONADO Carlos et GAUFRYAU Bertrand, L’économie informelle
en Afrique francophone : structure, dynamiques et politiques, BIT, Genève, 2001, p. VII. L’État voyait en
ces activités informelles un moindre mal dans la mesure où elles avaient au moins l’avantage d’éviter un
chômage ouvert très important. Il optait pour une vision selon laquelle le secteur formel de l’économie
aurait une fonction d’absorption du secteur informel. In MEJJATI ALAMI Rajaa, Le secteur informel au
Maroc : 1956-2004, 50 ans de développement humain et perspectives 2025, Cinquantenaire de
l’indépendance du Royaume du Maroc, Rabat, 2005, p. 442.
1280
Aujourd’hui, le Maroc s’intéresse à ce phénomène qui est la propre négation de ce que l’État représente
et l’incarnation même de l’inefficacité des règles qu’il prescrit, en créant, avec le gouvernement Benkirane
2 en 2013, un ministère délégué auprès du ministère de l’industrie, du commerce , de l’investissement et de
l’économie numérique, chargé des petites entreprises et de l’intégration du secteur informel.
1281
La délégation interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH) a dénoncé un rapport de Human Rights
Watch (Rapport mondial 2015 : Maroc. Événements de 2014) considérant qu’il a sous-estimé délibérément
les réalisations du Maroc en la matière. ALM., 2 février 2015.
1282
L’État a élaboré des programmes de promotion de l’emploi (moukawalati) et de l’intégration du secteur
informel dans l’économie formelle (programmes Idmaj, hanouty, et les souks pilotes).
Moukawalati expression en langue arabe signifiant « mon entreprise », est un programme gouvernemental
qui vise à encourager la création de très petites entreprises, et dont le coût ne dépassant pas deux cent
cinquante mille dirhams, et assurer l’accompagnement des jeunes, entre 20 et 45 ans, porteurs de projets de
première création. Cet accompagnement prévoit la prise en charge par l’ANAPEC, des frais
d’accompagnement, à hauteur de dix pour cent et les quatre-vingt-dix pour cent du montant sont financés
par les banques avec la garantie de l’Etat pour quatre-vingt cinq pour cent à travers la Caisse Centrale de
Garantie (CCG). Ce programme a vu le jour en 2006 et a visé la création de trente mille entreprises et
quatre-vingt-dix mille emplois à hauteur de 2008. Sauf que l’objectif a atteint, jusqu’en 2011, trois mille
cinq cents entreprises créées et seulement mille huit cents projets ont pu être financés par les banques. Or,
plus de cinq ans après la création du programme, seuls six pour cent des entreprises ont été créés. Le
Premier ministre de l’époque en sa qualité de président du Comité national de pilotage de Moukawalati
avait dressé un constat d’échec et dont les causes principales seraient « un déficit en termes
d’accompagnement de qualité pour les jeunes créateurs et l’absence de suivi post création » d’une part et le
rejet de financement par les banques d’autre part. In BENMANSOUR Saâd, « Moukawalati : 4 ans et demi
et un fiasco total », La Vie économique., 10 mai 2011.
Hanouty est un terme en arabe dialectal marocain signifiant « ma boutique ». Est un programme, lancé en
2006, dans le cadre du programme moukawalati , hanouty est une chaîne de supérette de quartier de

305
Ainsi, dans un souci de faire face à une branche prioritaire du secteur informel, le
gouvernement avait lancé en 2002 un programme de sédentarisation des marchands
ambulants (1283) sous forme de souks pilotes construits dans les grandes villes afin
d’organiser leurs activités. Sauf que leur nombre n’a pas cessé de croitre et ce programme
a connu un échec total. Le ministère de l’industrie et du commerce, et celui de l’intérieur
avaient lancé, en 2014, conjointement un programme appelé « commerce non sédentaire »
afin d’ « organiser et mettre à niveau le commerce ambulant dans le milieu urbain et
créer des espaces commerciaux dédiés et aménagés, et organiser et mettre à niveau les
souks ruraux ». Ce programme se caractérise par une structuration de ce type de
commerce en recasant les marchands ambulants dans des marchés hebdomadaires (1284),
et en réinsérant les marchands dans l’économie formelle en les intégrant dans des
marchés permanents structurés. Sauf que ce programme n’a toujours pas vu le jour (1285).

franchise qui était destinée aux diplômés chômeurs qui souhaitaient se mettre à leur compte, ainsi qu’à la
réorganisation du petit commerce, avec le but d’atteindre trois mille magasins et cinq mille offres d’emplois
à la fin de l’année 2008. Sauf que le projet a connu un échec total, le nombre de magasins n’a pas dépassé
cent trente dans le pays, ce qui a entrainé leur fermeture totale en 2011. La cause principale en était
l’endettement des franchisés auprès des actionnaires du groupe, et auprès de l’Etat à travers la Caisse
Centrale de Garantie (CCG) qui couvrait quatre-vingt cinq pour cent des crédits obtenus par les franchisés.
Idmaj en langue arabe signifie insertion, est un programme d’aide à l’emploi qui vise, pour
l’employeur, à développer les ressources humaines de l'entreprise et améliorer son encadrement par le
recrutement de jeunes diplômés, avec une exonération, pendant deux ans renouvelable pour une durée d’un
an en cas de recrutement définitif, des cotisations patronales et salariales dues à la Caisse Nationale de
Sécurité Sociale (CNSS) et de la taxe de formation professionnelle au titre de l'indemnité de stage pour les
demandeurs d'emploi titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur, du baccalauréat ou d'un diplôme
équivalent ou d'un diplôme de la formation professionnelle.
Ce programme a pu séduire un nombre d’employeurs grâce aux avantages d’exonération d’impôts.
Toutefois, le Conseil économique et social marocain dans son rapport de 2011 avait souligné l’inadaptation
de ces programmes d’insertion par rapport à l’ampleur du chômage. Aussi, ils aboutissent à la création de la
précarité dans la mesure où le salarié est payé avec un salaire réduit et ne bénéficie pas de couverture
sociale. In BOUMNADE Ilham, « Contrat ANAPEC : un dispositif anti-précarité », L’Economiste., n°
3580, 25 juillet 2011.
1283
Selon le ministère de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique, le
commerce ambulant qui constitue la seule source de revenu pour plus d’un million de personnes engendre
des problèmes d’encombrement de l’espace public et difficulté de contrôle des produits vendus, favorisant
la vente de produits impropres à la consommation. www.mcinet.gov.ma.
1284
D’ailleurs, juste après la « colère royale », en mars 2015, au sujet du projet de construction des souks
pilotes dans le cadre de la réhabilitation des marchands ambulants dans la ville de Rabat, le ministère
concerné a fait appel à la confédération des commerçants italiens qui a conclu un accord avec l’Union
démocratique des commerçants et artisans marocaine UDCA afin de développer des marchés populaires
structurés et modernisés. In www.lesechos.ma, 31 mars 2015.
1285
La seule information existante, sur l’aboutissement de ce projet, est celle affichée sur le site du
ministère de l’industrie indiquant que : « À cet effet, le Ministère est en cours de finaliser une étude sur le

306
Il est à noter que le phénomène des marchands ambulants s’est accentué au début des
« révolutions de certains pays arabes » notamment après l’affaire du jeune tunisien qui
s’est immolé par le feu, les colporteurs envahissent désormais les rues, sans exception, en
provoquant des encombrements. Aussi, ils représentent même une concurrence déloyale
pour les commerçants formels. De nouvelles formes sont apparues et ont évolué
rapidement, comme la représentation des femmes et des enfants (1286) spécifiquement
importante dans ce secteur privilégié de leur activité, à cause de la précarité, ou la
tendance à l’informalisation du travail (1287).

L’attention se porte ici sur les conditions et les relations de travail. Ce secteur est
certes marqué, d’ordinaire, par la faiblesse des rémunérations et l’absence de contrat de
travail (1288) et de protection sociale pour les travailleurs (1289). Mais il est intenable de

commerce ambulant en milieu urbain en partenariat avec le Ministère de l’Intérieur, et ce pour : Analyser
la structure et les caractéristiques de ce mode de commerce; évaluer les initiatives d’organisation du
commerce ambulant et identifier les facteurs clefs de réussite ainsi que les raisons d’échecs de certaines
initiatives; définir des modèles d’organisation, en fonction de la typologie du commerce ambulant, des
activités et des lieux d’exercice, permettant une meilleure adhésion des parties concernées et la pérennité
des actions engagées ». Url : http://www.mcinet.gov.ma.
1286
Les statistiques actuelles pour mesurer quantitativement le phénomène du travail des enfants, données
par le haut commissariat au plan (HCP) (l'institution officielle marocaine chargée de la production
statistique et de planification) sont inadaptées, elles fluctuent dans un sens comme dans l’autre selon les
besoins du jour et pour des raisons politiques et sociales, les admet-on comme vraies, elles ne répondent pas
aux questions intéressantes.
Ces données fournies par l'enquête permanente sur l'emploi, réalisée par le HCP sont estimées, en 2014, à
soixante-neuf mille enfants qui travaillent âgés de sept à moins de quinze ans, sans prendre en considération
les travaux ménagers, domestiques et non rémunérés, « La sous estimation de l’activité économique des
enfants est due au fait que les enfants à la recherche d’un emploi ou exerçant des activités non rémunérées
domestiques ou ménagères ne sont pas comptabilisés comme des actifs ». Ces données sont fournies sur la
base de quelques échantillons, soixante-mille ménages (près de trois-cent-mille personnes) uniquement et
non sur la base nationale. De ce fait, il n’est pas possible de traiter l’ensemble du phénomène dans la totalité
du pays. Or, la Confédération Syndicale Internationale (CSI) avait estimé leur nombre, en 2009, à six-cent
mille enfants majoritairement en milieu rural principalement dans l’agriculture, par contre, les enfants
travaillant en milieu urbain, sont répartis dans plusieurs secteurs notamment le secteur industriel, le textile,
le commerce, etc. V, Confédération Syndicale Internationale, Le Maroc et les normes fondamentales du
travail reconnues à l’échelon international, rapport en prévision de l’examen par le conseil général de
l’OMC des politiques commerciales du Maroc, Genève, 24-26 juin 2009, p. 6. (11p).
1287
SBIA Rachid, Th.citée, p. 121.
1288
BIT, Rapport sur l’emploi dans le monde 1998/99. Employabilité et mondialisation : le rôle crucial de
la formation, BIT, Genève, 1998, p. 23.
1289
Les travailleurs dans les activités informelles et artisanales demeurent exclus de toute protection sociale
organisée. Le droit de la sécurité sociale (dahir n° 1-72-184 du 27 juillet 1972, B.O n° 3121 du 23 août
1972, p. 1150) les place en marge d’un cadre légal et institutionnel pensé exclusivement pour l’économie
formelle ou structurée, industrielle à la base. Le régime actuel de la CNSS (Caisse nationale de sécurité
sociale) consiste en la généralisation de la protection modestement octroyée aux salariés du secteur privé
ainsi qu’aux membres de leur famille. L’affiliation à cette caisse est en théorie obligatoire pour les
entreprises et les salariés visés sont ceux de l’industrie, du commerce et ceux des professions libérales du

307
considérer comme alternatives, certaines activités qui font recours au travail des enfants
(artisanat, travail domestique, activités de rue, réparation...) et qui se tiennent sur des
faibles conditions d’hygiène, de salubrité et de sécurité des travailleurs (1290) et des
locaux.

2) Travail informel et rapport à la loi

Ce qui est à l’œuvre au sein de ces activités, c’est bien Le rapport à la loi qui n’est
jamais univoque. Coexistent dans l’informel, différents seuils de légalité, certaines
réglementations sont respectées et d’autres ne le sont pas. Les entreprises de ce secteur
ont un caractère semi légal (1291) et la légalité intervient plutôt au niveau du respect de la
législation fiscale que de la législation sociale (1292) car l’enjeu étant la survie de

secteur privé. Ce régime n’a été étendu aux travailleurs du secteur agricole que par le dahir n° 1-81-178 du
8 avril 1981 (B.O n° 3572 du 15 avril 1981, p. 217) et aux activités artisanales par le décret n° 2-93-1 du 29
avril 1993 (B.O n° 4203 du 19 mai 1993, p. 191).
1290
L’observation de la jurisprudence marocaine ancienne conduit à placer le droit et la jurisprudence
récents dans une situation peu enviable. En effet, dans un arrêt du 6 août 1965, dame Bérard, ayant été
blessée alors qu'elle était au service, comme domestique, des époux Guillaume, les a assigné, ainsi que la
Compagnie d'assurances Générales, en paiement des prestations prévues par la législation sur les accidents
du travail, la chambre civile de la Cour suprême relevait alors que « Lorsqu'un patron non assujetti à la
législation sur la réparation des accidents du travail a néanmoins souscrit une police d'assurances
couvrant les risques mis à la charge des employeurs par cette législation, l'assureur ne peut échapper à
l'obligation de réparer, conformément aux dispositions du dahir du 25 juin 1927, le dommage subi par la
victime, dès lors que celle-ci a consenti à être indemnisée sur cette base. Par suite, la substitution de
l'assureur doit être totale nonobstant le fait que le salaire déclaré par l'employeur dans le contrat
d'assurances était inférieur au salaire réellement versé à la victime », C.S., Ch. civ., arrêt n° 242-64/65 du
6 août 1965 (Juricaf). L’interprétation de cette décision signifierait un bouleversement de la jurisprudence
actuelle des juridictions marocaines, qui est en contradiction avec cette première. Mais, outre le fait qu’un
tel retour en arrière serait probablement impossible à obtenir dans les faits, aucune amélioration sensible n’a
procédé de la législation ni de la jurisprudence. Alors qu’aux termes de l'article 1 er du dahir du 25 juin 1927
concernant la faculté d'adhésion à la législation sur les accidents du travail (B.O n° 766 du 28 juin 1927, p.
1412), tout employeur non assujetti à cette législation peut se placer volontairement sous le régime de celle-
ci «pour tous les accidents qui surviendraient à ses ouvriers, employés ou domestiques, par le fait ou à
l'occasion du travail ». La conception proposée par le dahir n° 1-14-190 du 29 décembre 2014 portant
application de la loi n° 12-18 relative à la réparation des accidents du travail (B.O n° 6328 du 22 janvier
2015, p. 489 (en arabe)), n’offre cette possibilité que pour les employeurs, les travailleurs indépendants et
les personnes exerçant des professions libérales ainsi que les membres de leur famille (article 9). Les
ouvriers, employés ou domestiques de ces catégories se sont vus exclus de la nouvelle loi.
1291
MARCHESIN NOURI Marie-Cécile, Secteur informel et institutions : le cas des petites activités
urbaines au Maroc, Th. Sc. éco, Univ. Paris X, 2005, p. 553.
1292
C’est le cas notamment des entreprises des zones franches d’exportation au Maroc qui refusent l’entrée
des inspecteurs du travail dans les lieux de travail et dont la présence est vivement contestée par les
investisseurs privés. Ces agents rencontrent des difficultés considérables à y mener des contrôles. De leur
côté, les organisations syndicales dénoncent unanimement la passivité et l’incapacité de l’inspection du
travail. Elles reprochent à ces contrôleurs de ne pas répondre aux sollicitations des salariés pour visiter les
unités qui ne respectent pas les dispositions légales. Les inspecteurs, quant à eux, ne nient pas cette
inefficacité qu’ils estiment nécessaire d’améliorer, mais se justifient par la liberté qu’ils ont de visiter les

308
l’entreprise : le risque d’une illégalité totale pourrait compromettre l’existence même de
l’entreprise (1293).

La contribution du travail dans le secteur informel n’est ni comptabilisée ni par


conséquent évaluée. Ce travail reste largement cantonné dans le domaine de l’invisible
(1294). Ce secteur est de plus en plus ressenti comme entrant en concurrence déloyale avec
les activités formelles dans les cas de non acquittement des impôts, taxes et charges
diverses ou d’évitement d’autres coûts d’exploitation de l’économie formelle. L’argument
fiscal est souvent invoqué pour déplorer le manque à gagner découlant des pertes de
revenus de l’État dues à l’existence de l’économie informelle. Mais si l’on conçoit la
fiscalité comme un rapport de pouvoir historiquement construit, l’idée de la relation entre
impôts et services rendus par l’État ou les collectivités locales semble ne pas aller de soi
avec les micro-entrepreneurs (1295). L’État est peu redistributeur (1296), ce qui remet en
cause la légitimité de l’impôt.

unités de la zone et la ponctualité de ces visites. OIT, Maroc : zones franches, droits des travailleurs et
stratégies syndicales, Étude éditée en collaboration avec CSI (Confédération syndicale internationale), CSI
Afrique, BIT ACTRAV (Bureau des activités pour les travailleurs), OIT, 1 ère éd. 2012, p. 21. Cette situation
est aussi tributaire des ressources matérielles et humaines faibles, de l’absence de formation d’inspecteurs
spécialisés dans ce domaine, ainsi que du défaut d’un cadre juridique précis leur donnant la capacité d’agir.
1293
MALDONADO Carlos, Le secteur informel en Afrique face aux contraintes légales et institutionnelles,
BIT, Genève, 1999, p. 334.
1294
ADUAYI DIOP Rosalie, Survivre à la pauvreté et à l’exclusion : le travail des adolescents dans les
marchés de Dakar, éd. Karthala, Afrimap et Crepos, 2010, p. 212.
1295
Les travailleurs de l’économie informelle ne bénéficient ni d’assurances sociales financées par
cotisation, ni de prestations financées par l’impôt. La sécurité sociale demeure limitée aux travailleurs
occupés dans les secteurs structurés. Ces travailleurs s’affranchissent des cotisations obligatoires au régime
de sécurité sociale en attente de prestations futures aléatoires. En présence d’un travail sous-déclaré ou
même non déclaré, le salarié ne bénéfice d’aucun avantage, ni d’assurance chômage, puisqu’elle n’existe
pas, ni d’indemnité de perte d’emploi car le montant octroyé est très minime et ne permet aucune garantie
pour le salarié qui préfère être dans une situation de non déclaration que d’être déclaré et prélevé sur son
salaire.
1296
L’indemnité pour perte d’emploi (IPE), instituée par le dahir n° 1-14-143 du 22 août 2014 (B.O n°
6292 du 18 septembre 2014, p. 4085), ne couvre pas tous les salariés. Elle est octroyée uniquement aux
salariés involontairement privés d’emploi. Sur ce point, le législateur n’a pas précisé les causes du caractère
involontaire de la perte d’emploi. Les intéressés doivent justifier d’une période d’assurance au régime de
sécurité sociale d’au moins 780 jours dans les trois années qui précèdent la date de perte de l’emploi,
dont 260 jours durant les douze derniers mois qui précèdent ladite date, être inscrits comme demandeurs
d’emploi auprès de l’agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences, (ANAPEC) et
être aptes au travail. L’indemnité sera servie au maximum durant six mois aux assurés de la CNSS. Elle est
financée par l’employeur à hauteur de 0,38% du salaire plafonné à 6000 dirhams (550 euros) et par le
salarié à 0,19%. cette indemnité est égale à 70 % du salaire mensuel moyen déclaré au profit du salaire
durant les 36 derniers mois qui précèdent de la date de perte de l’emploi, sans pouvoir excéder le montant
du salaire minimum légal (un peu moins de 2600 dirhams : moins de 240 euros).

309
À cet état des choses viennent se joindre la faiblesse de l’État social (1297), son
incapacité d’arbitrage et de régulation (1298), la crise de l’emploi et les variétés d’activités
que recouvre l’emploi informel et qui ne répondent aucunement aux normes juridiques,
sociales et fiscales telles que définies par le système juridique en vigueur (1299). De là,
l’idée de l’existence de rapports ambigus avec la loi (1300).

a) Un non-respect généralisé de la législation du travail

Ainsi, la cohérence du discours législatif devrait conduire à admettre que les


gouvernants marocains ne se sont pas sentis empressés d’adopter des mesures fermes ou
répressives. Rares sont les mesures prises en vue de l’application de la législation
existante, surtout quand les mécanismes officiels de contrôle sont, par tradition, peu
efficaces (1301). Cette non application de la législation, quand elle existe, fait également
l’objet d’une tolérance de la part des pouvoirs publics. L’absence de contrôle des
conditions de travail et de vie des travailleurs ne peut être interprétée comme un simple
signe de faiblesse de l’État. Si la régulation de l’emploi informel rencontre certainement

1297
les pays développés possèdent généralement des systèmes de protection sociale mieux établis,
permettant une régulation des itinéraires des travailleurs en leur offrant la sécurité économique et plus de
solutions de rechange dans les phases d’inactivité professionnelle ou d’accroissement des dépenses en
raison de la maladie ou des charges familiales. V, FILALI MEKNASSI Rachid, « L’extension de la sécurité
sociale dans les pays en développement. Entre l’universalité du droit et la sélectivité des normes
internationales », SSL., suppl., 4 septembre 2006, n° 1272, p. 58.
1298
L’interdépendance reste un fait structurant des différents champs de l’action publique. La situation la
plus remarquable est vraisemblablement l’interférence entre les politiques du travail et de la sécurité
sociale.
1299
ADAIR Philippe, L’économie informelle : figures et discours, éd. Anthropos, Paris, 1985, p. 175.
1300
BOUNOUA Chaib, « L’économie informelle au Maghreb », art.cité, p. 212.
1301
L’ampleur du non-respect de la législation soulève la question du contrôle de son application. Au
Maroc, si l’on s’interroge sur les effets des ressources consacrées au contrôle sur le degré du respect de la
loi on constate que les difficultés sont liées en bonne partie à l’étendue et à la complexité des activités du
secteur informel, aux restrictions budgétaires et aux compressions d’effectifs dont fait face l’inspection du
travail. Le tout dans un contexte économique et réglementaire de plus en plus complexe. Le Maroc connait
une stagnation des budgets alloués à l’inspection du travail depuis plusieurs années, malgré l’évolution
continue de la population active et du nombre d’employeurs sur la même période. V, WEIL David, « Pour
une approche stratégique en matière d’inspection du travail », RIT., vol. 147, n° 4, 2008, p. 380. Ainsi, en
2011, 10 médecins inspecteurs ont été recrutés. En 2012, aucun poste budgétaire nouveau n’a été accordé au
ministère de l’emploi. En 2013, le ministère a obtenu 5 postes et autant en 2014. Et sur ces 5 postes de
2014, aucun n’a été dédié à l’inspection du travail. Enfin en 2015, 5 postes d’inspecteurs du travail ont été
créés, sachant que le nombre de départs à la retraite est en moyenne de 15 agents par an. NAZIH Ahlam,
« Inspection ) du travail. Sauver la mise, avec les moyens du bord… », L’Economiste, n° 4719 du 1er mars
2016.

310
de fortes réticences de la part de ses acteurs, il ne s’agit pas pour autant d’obstacles
insurmontables. L’État « tolère l’informalité, pour des raisons multiples, mais qui
relèvent plus de la nécessité politique que de la fonctionnalité économique » (1302).

Au soutien de cette thèse, cette articulation semble avoir été mise en lumière par M.
Daza José Luis qui observe justement, malgré le risque que présente toute généralisation,
la réaction de l’administration publique face à l’informalité qu’il résume comme suit :
« Dans les pays en développement, l’administration du travail tend à considérer les
petites et micro-entreprises comme n’étant pas assujetties à la réglementation et elle feint
de les ignorer en n’exerçant à leur encontre aucune forme de pression pour leur faire
appliquer la législation en vigueur » (1303). On se trouve dans une phase où
l’administration tente encore d’asseoir son autorité et sa domination avec de faibles
moyens, et l’on ne saurait donc considérer comme “illégales” des activités économiques
non officielles.

b) Une pratique en marge du cadre légal d’intervention de l’inspection


du travail

Au Maroc, les méthodes de visites d’inspection ont été définies pour que les contrôles
ne s’étendent pas aux entreprises du secteur informel (1304). Les visites sont programmées

1302
LAUTIER Bruno, L’économie informelle dans le tiers monde, éd. La Découverte, 1994, pp. 105-106.
1303
DAZA José Luis, Économie informelle, travail non déclaré et administration du travail, Rapp.cité, p.
17.
1304
La CEACR a noté à plusieurs reprises que « les inspecteurs du travail ne sont autorisés par la loi à
veiller à l’application de la législation du travail que dans les cas où il y a relation de travail. Par
conséquent, [ils] n’effectuent aucun contrôle sur le secteur informel ». Demande directe (CEACR), adoptée
2015, publiée 105ème session CIT (2016), Convention n° 138 sur l’âge minimum (1973), article 2,
paragraphes 1 et 3, champ d’application et scolarité obligatoire ; Observation (CEACR), adoptée 2009,
publiée 99ème session CIT (2010), Convention n° 138, article 2, paragraphes 1 et 3 : « Considérant que les
inspecteurs du travail au Maroc ne contrôlent pas le secteur informel et que l’éducation est l’un des
moyens les plus efficaces de lutte contre le travail des enfants… ». La conception qui a dominé la
législation marocaine s’explique également par le fait, qu’en principe, les dispositions de la Convention n°
81 de l’OIT ne s’appliquent qu’au secteur structuré, même si l’engagement de cette organisation d’étendre
le champ d’application de cette convention aux autres formes de travail est fortement exprimé et les États
membres peuvent décider explicitement de cette extension. V, aussi Le Protocole du 22 juin 1995 relatif à
la Convention n° 81 sur l’inspection du travail (entré en vigueur le 9 juin 1998), qui précise dans son article
1er -1 que : « Tout Membre qui ratifie le présent protocole s'engage à étendre l'application des dispositions
de la convention sur l'inspection du travail, 1947 (désignée ci-après comme "la convention»), aux activités
du secteur des services non commerciaux ».

311
suivant une liste d’établissements régulièrement enregistrés (1305). Il est alors évident que
si l’inspection du travail n’est organisée qu’en fonction de ces registres officiels des
entreprises, elle ne couvrira jamais le secteur informel (1306). De plus, ni l’effectif, ni le
matériel ne suffiront pour faire effectivement respecter les normes du travail dans ce
secteur compte tenu, notamment, de l’hétérogénéité des activités allant de celles qui
disposent d’un local et de moyens techniques et financiers relativement importants,
jusqu’aux activités de rues qui ne nécessitent que peu d’argent pour leur exercice (1307),
en passant par un nombre croissant de travailleurs domestiques et à domicile.

Dans l’hypothèse de relations de travail purement informelles, l’administration du


travail s’abstiendra généralement de prendre des initiatives de contrôle. Au mieux, elle
s’engagera dans un travail d’information visant à prévenir les risques dans le milieu de
travail. La solution dépend donc des décisions prises par les pouvoirs publics. Elle devrait
consister à fournir des instructions claires aux inspecteurs du travail, lesquelles doivent
établir des critères en vue de déterminer dans quelles éventualités concentrer les
inspections, au regard des moyens disponibles (1308) ; et poser des priorités comportant
une attention particulière accordée à la prohibition du travail des enfants et à l’atteinte aux
conditions de santé et de sécurité des travailleurs de l’informel.

À elle seule, l’analyse du travail informel d’un point de vue juridique ne peut suffire.
Sans contredit, Il peut s’agir de travail accompli en dehors du respect de la loi par des
travailleurs censés être protégés mais qui ne le sont pas. Apparaissent alors clairement les
limites d’une approche par l’aspect juridique car les travailleurs de ce secteur ne sont pas
tous des salariés. Le non-respect fréquent de la législation du travail est étroitement lié à
la précarité sur le marché du travail non structuré, et nécessite d’agir sur plusieurs fronts

1305
Circulaire du ministre de l’emploi et des affaires sociales n° 208/14 du 3 juillet 2014 relative à la liste
des entreprises assujetties à la législation du travail (non publiée).
1306
Secrétariat OCDE, Combattre le travail des enfants. Un bilan des politiques, OCDE, 2003, p. 70.
1307
NAZIH Mamoun, Les activités informelles urbaines non localisées en droit marocain, Th. Perpignan,
CERJEMAF, 2005, p. 14.
1308
ARRIGO Giani, CASALE Giuseppe et FASANI Mario, L’inspection du travail, la conformité et
questions relatives à SST : quelques réflexions, (Traduction de l’original par Mlle Tiffany Balle et Mlle
Nicole Casale de l’Université Panthéon-Sorbonne Paris I), Genève, OIT, 2011, p. 16.

312
en intégrant ce secteur dans une logique de fonctionnement rentable (1309) dans des
conditions plus stables (1310).

En fait, pour qu’il y ait une vraie réforme qui intègre tous les facteurs structurels et
favorise l’instauration d’un droit du travail adéquat, il faudrait nécessairement une
volonté réelle des pouvoirs publics. Mais l’idée à laquelle renvoie le contenu d’une telle
réponse est que, dans des pays comme la France, l’État organise dans ses moindres détails
le mode d’usage du travail. Or tel n’est pas, et ne peut pas être le cas ; ce qui oblige à
poser différemment le problème de l’informalité. Les champs dans lesquels s’inscrit la
législation du travail dans l’informel sont beaucoup plus complexes (1311) que ne laissent
entendre les acteurs et partisans de ce secteur (1312).

Une dernière remarque conclura ces propos propres au travail informel au Maroc ; si
la protection des travailleurs et la continuité de l’entreprise sont des concepts liés, chaque
système juridique n’en tire pas les mêmes conséquences. Pour que la notion de travail
illégal ait une réalité au Maroc, il faut également que le travail informel soit admis au
rang d’activité illégale, dissimulée ou interdite. La sévérité du droit français s’oppose en
principe au droit marocain, qui entend suivre quelques prescriptions minima de l’OIT,

1309
La recommandation n° 189 de l’OIT (1998) sur la création d’emplois dans les petites et moyennes
entreprises souligne l’importance de la suppression des contraintes qui pèsent sur les entreprises,
notamment « le caractère inapproprié, inadéquat ou excessif des formalités administratives relatives à
l’enregistrement, aux licences, aux rapports à fournir ou autres, et notamment de celles qui découragent le
recrutement du personnel, sans porter atteinte au niveau des conditions d’emploi ni à l’efficacité de
l’inspection du travail ou du système de contrôle des conditions de travail et des questions connexes ».
Recommandation n° 189 de l’OIT, p. 7, url : www.ilo.org/public/libdoc/ilo/2001/101B09_88_fren.pdf.
1310
BIT, Travail décent et économie informelle, CIT, 90ème session, 2002, Rapport VI, BIT, Genève, 1ère éd.
2002, p. 54.
1311
La recommandation n° 204 de l’OIT, dans sa partie II : les « principes directeurs », rend compte de la
complexité des éléments à considérer, en vue de construire des « stratégies cohérentes et intégrées » vers
l’économie formelle : spécificités nationales, coordination de plusieurs politiques dont le respect des droits
fondamentaux au travail, des normes internationales, ainsi qu’une attention prêtée « aux personnes qui sont
particulièrement exposées aux plus graves déficits de travail décent » ( femmes, enfants, migrants…). La
recommandation pousse les États à combiner mesures incitatives et sanctions (partie VI), et parmi les 42
points qu’elle comporte, le point 27 est tout aussi important puisqu’il précise que : « Les Membres devraient
disposer d’un système d’inspection adéquat et approprié, étendre la couverture de l’inspection du travail à
tous les lieux de travail dans l’économie informelle afin de protéger les travailleurs, et fournir des
orientations aux organes chargés d’assurer l’application des lois, y compris sur la façon de traiter les
conditions de travail dans l’économie informelle ». Recommandation n° 204 sur la transition de l’économie
informelle vers l’économie formelle, adoptée par la 104 ème session CIT, 12 juin 2015, Genève, aussi JEHL
Joseph, « Économie informelle : l’OIT incite les États à fixer des normes », JCP. G., n° 36, 31 août 2015,
932.
1312
LAM Abdoulaye Elhousseinou, Les pratiques informelles en Afrique sub-saharienne : contribution à
une théorie juridique de l’informel, Th. Perpignan, 2006, p. 230.

313
mais cela correspond aux standards internationaux. Elle résulte du double objectif qui est
la protection des travailleurs et de l’entreprise et repose sur une longue tradition de
contrôle.

Face à une analyse traditionnellement dissimulée derrière l’argumentaire technique


ou socio-économique et un code du travail qui prend simplement plus expressément parti
pour la reconnaissance de la protection légale des travailleurs aux seuls rapports qui se
nouent dans les entreprises structurées, d’autres catégories demeurent à la fois rebelles au
droit en vigueur et en même temps tolérables, tant elles ne sont suivies ni de
réglementations, ni d’interdictions. Le Code du travail (1313) comme la jurisprudence (1314)
excluent les employés de maison (1315) et les travailleurs du secteur traditionnel (1316),

1313
L’article 4 al. 1er du Code du travail marocain précise que : « Les conditions d'emploi et de travail des
employés de maison qui sont liés au maître de maison par une relation de travail sont fixées par une loi
spéciale. Une loi spéciale détermine les relations entre employeurs et salariés et les conditions de travail
dans les secteurs à caractère purement traditionnel ».
1314
C.S., Ch.soc, arrêt n° 34 du 10 février 1986, RMD., n° 12, 1987, p. 111 : « Les femmes de ménage
exerçant au foyer ne sont pas des salariées d'entreprise au sens de l'article 1 du Statut type du 23 octobre
1948. Elles ne sont pas concernées par les articles 723 et 754 D.O.C » ; TPI de Casablanca, jugement n°
648 du 31 décembre 1986, RMD., n° 12, 1987, p. 139 : « La femme de ménage qui aide une personne dans
son foyer ne bénéficie pas de la protection des textes formant la législation du travail : Statut type, délais de
préavis, congés payés, indemnité de licenciement, S.M.I.G. Le caractère du foyer et le principe de
l'inviolabilité du domicile ne sont pas compatibles avec les règles de la législation du travail qui prévoient
notamment la visite de l'inspecteur du travail chargé de contrôler les conditions de son application » ;
Cass. civ., n° 355 du 26 janvier 2010, Dos. civ n° 1747/1/3/2008, Revue marocaine de droit économique.,
n° 3, 2010, p. 65.
1315
Le travail domestique est une pratique courante au Maroc qui concerne en grande partie les petites
filles, majoritairement issues des milieux ruraux, dont les parents, souvent analphabètes et pauvres, se
déplacent chaque mois pour « récupérer » la rémunération, dérisoire, de leurs filles tout en ignorant ou en
« fermant l’œil » sur ce qu’elles endurent. Ces dernières chargées de s'occuper des tâches ménagères durant
de longues heures sans aucun jour de repos en échange. Aussi, elles sont fréquemment exposées à de
l’exploitation, à de la servitude et à de la maltraitance. Elles subissent régulièrement des violences
physiques et verbales. Certaines filles sont même victimes de harcèlement sexuel ou de viol, et dans des cas
de décès. V,
HRW, « Maroc : Les enfants travaillant comme domestiques sont victimes d’exactions », présentation d’un
rapport intitulé « Lonely Servitude : Child Domestic Labor in Morocco », (« Une servitude solitaire : Le
travail des enfants domestiques au Maroc »), novembre 2012, p. 2, (73 p). Même si le Maroc a ratifié la
convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, en 2001, elle ne concerne nullement
la réalité nationale. Bien que le Code du travail Marocain précise, dans son article 143, que les mineurs ne
peuvent être employés, ni être admis dans les entreprises ou chez les employeurs avant l'âge de quinze ans,
ce dernier n’a qu’un rôle accessoire dans le secteur formel et ses dispositions ne sont pas destinées au
travail informel et encore plus au travail des enfants. De plus, les inspecteurs du travail n’ont pas l’autorité
d’entrer dans des maisons privées pour enquêter d’abord, sur l’emploi des enfants de mois de 15 ans,
ensuite sur le travail des enfants à domicile. Le principal obstacle est leur visite, qui nécessite l’accès au
domicile de l’employeur, car il peut y avoir conflit entre les droits liés au lieu de travail et le principe du
respect de la vie privée à la maison. Un projet de loi n° 19-12 fixant les conditions du travail et de l’emploi
des travailleurs domestiques circule toujours entre les différentes instances qui sont en désaccord sur l’âge
minimum d’admission dans cette activité. Il propose que la relation de travail entre l’employé domestique
et ses employeurs soit à titre déclaratif uniquement, et non sous forme de contrat. Cette déclaration est à
trois exemplaires. Un exemplaire pour l’employé, un autre pour l’employeur et le troisième exemplaire pour

314
pour ne citer que ceux là, du bénéfice des dispositions protectrices de la législation
sociale. Il a reporté sur des lois spéciales (1317) la réglementation des conditions de travail
de ces deux catégories de travailleurs (1318).

Par une mise en relation ordonnée des contrôles de l’inspection du travail, ainsi
appréhendés, aux règles législatives et aux décisions de justice qui structurent la matière,
pourront être soulignées des difficultés, à tout le moins des insuffisances, nées de la faible
attention portée aux suites réservées à ces contrôles elles-mêmes.

l’inspecteur du travail. Pour ce qui est du salaire, il ne doit pas être inférieur à 50% du salaire minimum.
Seulement, le rôle de l’inspecteur du travail a été peu ou prou négligé puisqu’il ne contrôle pas mais reçoit
uniquement les plaintes afin de procéder à une conciliation. Dans le cas contraire, il dresse un procès-verbal
sur le sujet. Dans l’attente d’un cadre législatif permettant de lutter contre la servitude, la traite des
personnes et le travail forcé dans les relations ne relevant pas du code du travail, l’État, manquant à son
obligation d’instaurer un dispositif juridique adapté, a délégué sa compétence de protection des mineurs aux
associations qui n’ont aucun pouvoir juridique, ni répressif. MESFIOUI Khalid, « Lutte contre le travail des
enfants : huit associations soutenues par l’État », Le360., 30 juin 2015.
1316
Les salariés dans les secteurs à caractère purement traditionnel sont ignorés du Code du travail
marocain. C’est d’ailleurs ce que traduit l’exclusion du champ d’application de ce code des employeurs,
personnes physiques, occupant au maximum cinq salariés ou assistants et dont le revenu annuel ne doit
pas dépasser cinq fois la tranche exonérée de l’impôt sur le revenu. Ainsi, l’alinéa 1 er de l’article 4 du
Code du travail prévoit que : « …Une loi spéciale détermine les relations entre employeurs et salariés et les
conditions de travail dans les secteurs à caractère purement traditionnel ». L’alinéa 2 poursuit : « … est
considéré comme employeur dans un secteur d’activité à caractère purement traditionnel, toute
personne physique exerçant un métier manuel, avec l’assistance de son conjoint, ses ascendants et
descendants et de cinq assistants au plus, à domicile ou dans un autre lieu de travail, aux fins de
fabrication de produits traditionnels destinés au commerce ». Cette situation soulève le problème des
rapports familiaux qui s’entremêlent avec l’activité professionnelle qu’elle soit permanente ou ponctuelle.
De même, Les assistants peuvent, notamment, être de simples apprentis attendu qu’ils ne sont pas
absolument assimilés à des salariés. Le nombre plafond de cinq assistants est le critère déterminant entre le
secteur purement traditionnel et l’entreprise artisanale qui, elle, est soumise aux dispositions du code du
travail (article 1er du Code du travail). Enfin, le critère fiscal peut être à l’origine d’une gêne causée aux
personnes au service d’employeurs et artisans profitant d’une liberté nuisible. Un projet de loi n° 26-13 du
26 mars 2013 déterminant les relations entre employeurs et salariés et les conditions de travail dans les
secteurs à caractère purement traditionnel, dont l’adoption a été reportée par le conseil du gouvernement à
une date ultérieure non précisée, disposait dans son article 15 que « les inspecteurs du travail sont tenus de
relever les infractions aux dispositions de la présente loi et de les consigner dans des procès-verbaux
faisant foi jusqu’à preuve contraire ».
1317
Dans toutes ces situations, les évolutions sont restées sans écho. La formule de l’article 4 al. 1 er du Code
du travail n’a pas trouvé de réception au niveau de l’élaboration de lois spéciales sur ces deux catégories de
travailleurs. En l’absence de textes clairs, l’action légale pour l’élimination du travail des enfants dans ces
secteurs, essentiellement, continue d’être reportée. Dans ce sens et au cours de la dernière décennie, la
CEACR et le gouvernement marocain ont continué à faire le suivi des projets de textes en préparation et à
débattre des actions entreprises pour contrer le phénomène, mais l’état d’avancement annonce un
aboutissement lent et une « effectivité qui ne manquera pas d’être soulevé compte tenu des dérogations
prévues en la matière au régime général d’inspection du travail ». FILALI MEKNASSI Rachid, « Examen
du Code du travail à la lumière des normes internationales du travail », in Le code du travail après dix ans
de son entrée en vigueur, entre les exigences du développement économique et la garantie du travail
décent, Colloque national organisé par le ministère de l’emploi et des affaires sociales et l’OIT, 22-23
septembre 2014, p. 52.
1318
Article 4 du Code du travail marocain.

315
Section 2 : Les suites du contrôle

Après avoir contrôlé l’entreprise, l’inspecteur du travail est amené à officialiser (1319)
les suites de la visite. De ce fait, il confirme les irrégularités constatées par des
observations (§ 1) et constate les infractions par des procès verbaux (§ 2). En matière des
obligations relatives à la santé et à la sécurité au travail, il dispose de pouvoirs spécifiques
consistant à mettre en demeure l’employeur dans un délai précisé, de faire procéder à des
vérifications ou de faire cesser un risque (1320). S’agissant de la mise en œuvre, par
l’inspecteur du travail, de mesures et procédures d’urgence prévues pour les arrêts
temporaires de travaux ou d’activités (1321), le droit français est plus restrictif que le droit
marocain qui ne prévoit aucune disposition similaire. Par contre, le raisonnement des
deux ordres juridiques obéit pratiquement au même schéma quant à la procédure de
référé.

§ 1. Les observations et les mises en demeure

Les inspecteurs du travail disposent de par la loi, d’un pouvoir d’appréciation


personnelle de la décision à prendre lors de leurs visites. Il est fait usage, le plus souvent,
d’observations ou de mises en demeure. Ces premières restent le mode le plus employé,
mais ne constituent pas pour autant un moyen de contrainte direct.

A) L’observation : un recours alternatif non coercitif au


procès-verbal

L’observation constitue un rappel de la loi applicable (1322), concernant des règles


ignorées et non respectées par l’entreprise. Elle est aussi une pratique informelle en droit

1319
Expression empruntée du Blog d’un inspecteur du travail, expériences professionnelles et réflexions
autour du droit du travail, « Les suites du Contrôle », 11 août 2010 :
https://inspectiondutravail.wordpress.com/2010/08/.
1320
QUINQUETON Patrick, « Le nouveau rôle de l’inspection du travail », Association française de droit
du travail et de la sécurité sociale, séance du 25 janvier 2013, p. 2.
1321
Articles L. 4731-1 et suivants du Code du travail français.
1322
COUDEL Nicolas, Le contrôle de l’inspection du travail, éditions du Puits Fleuri, 2010, p. 73.

316
français. Sauf exception (1323), la formulation d’observations par l’inspecteur du travail
n’est prévue par aucun texte. Le droit marocain se présente ici différemment en disposant
explicitement à l’article 539 al. 2 du code du travail que les agents de contrôle peuvent
(1324) adresser des observations aux employeurs contrevenants (1325).

1) La communication des observations à l’employeur : un moyen


privilégié

Les observations font état d’un constat de manquement de la part de l’employeur.


Elles sont variées tant dans leur forme écrite ou orale, que dans leur contenu. Elles
résultent de la pratique et n’obéissent à aucune forme particulière en France ( 1326). Une
telle approche se distingue de la conception marocaine qui inscrit l’obligation de l’écrit
des formules d’observations dans des formes fixées par décret (1327). Au cours ou en fin
de sa visite des locaux, l’inspecteur du travail formule des avertissements et recommande
des mesures correctrices qui peuvent s’agir d’un simple rappel des dispositions
législatives et réglementaires, l’interprétation de la réglementation, l’envoi d’un
document ou la réalisation d’une action (1328), ce qui traduit, avant tout, que l’objectif

1323
Quelques dispositions du Code du travail français prévoient la conservation de certaines observations
par l’employeur, notamment, lorsqu’elles portent sur des questions d’hygiène, de sécurité, de médecine du
travail ou de prévention des risques. V, les articles L. 4711-2 et D. 4711-3.
1324
La formule permissive de cet article s’insère dans le cadre de la libre décision laissée aux inspecteurs du
travail de donner des observations, au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites (article 17 de la
Convention n° 81 de l’OIT).
1325
L’article 539 du Code du travail marocain dispose en son alinéa 2 qu’ « avant de dresser un procès-
verbal, les agents chargés de l’inspection du travail peuvent adresser des mises en demeure ou des
observations aux employeurs … ».
1326
NIEL Sylvain, « Faire face au contrôle d’un inspecteur du travail », Les cahiers du DRH., n° 189, 1er
juillet 2012, p. 15.
1327
Article 1er du décret n° 2-08-702 du 21 mai 2009 fixant les formes de signification des observations et
mises en demeure à l’employeur, B.O., n° 5746 du 25 juin 2009, p. 3682 (en arabe). L’article 4 de ce même
texte précise que les observations et les mises en demeure doivent être rédigées en trois exemplaires, dont
un est remis à l’employeur, un autre à l’administration centrale de l’autorité gouvernementale chargée du
travail et un troisième conservé dans le dossier réservé à l’établissement. Et elles (les observations et mises
en demeure) sont enregistrées dans le registre prévu à l’article 536 du Code du travail.
1328
DANIELLOU François, DAVEZIES Philippe, CHASSAING Karine, DUGUÉ Bernard, GARNIER
Ingrid et PETIT Johann, Le travail vivant des agents de contrôle de l'inspection du travail, Étude menée à
la demande de la DIRECCTE d’Ile de France en vue d’étudier les pratiques professionnelles des agents de
contrôle et comprendre la réalité du travail, DIRECCTE, 2012, p. 38. À titre d’exemple, l’aération dans les
locaux, le contrôle technique d’une installation, etc.

317
primordial « n’est pas de sanctionner une infraction mais d’obtenir effectivement le
respect par l’employeur du droit du travail » (1329).

Ces observations constituent, par ailleurs, les seules possibilités d’intervention de


l’inspection du travail lorsque la faute relevée concerne des dispositions non sanctionnées
pénalement (1330). Elles peuvent faire l’objet d’une lettre adressée à l’employeur dans
laquelle sont signalées les infractions constatées.

Toutefois, dans le système français, lorsqu’il s’agit des observations relatives à la


santé et à la sécurité des travailleurs, l’employeur est tenu d’en informer les membres du
CHSCT (1331). Il est autant tenu d’en informer les délégués du personnel, le médecin du
travail et les représentants des organismes professionnels d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail prévues à l’article L. 4643-2 du code du travail (1332). Ces
observations sont aussi portées à la connaissance du comité de l’entreprise (1333) et des
délégués du personnel des entreprises de moins de cinquante salariés (1334). L’employeur
conserve les observations de l’inspection du travail des cinq dernières années et en tout
état de cause celles des deux derniers contrôles ou vérifications (1335).

1329
AUVERGNON Philippe, tude sur les sanctions et mesures correctives de l’inspection du travail : le
cas de la France, Programme d’administration et d’inspection du travail LAB/ADMIN, Document de
travail n° 15, OIT-Genève, avril 2011, p. 10.
En France, 162 874 lettres d’observations ont été faites en 2012 contre 226 334 en 2011. Ce chiffre
constitue 70% du nombre total d’interventions. Il a connu une baisse de plus de 63000, contre, pour la
même année 2012, 814 708 observations au Maroc dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des
services, réparties en : 590 107 observations d’ordre général, 90 367 sur la santé et la sécurité au travail,
44 450 sur le SMIG, 2538 sur le travail des enfants et des femmes ; 2471 sur la représentation des salariés.
Quant au secteur agricole, les inspecteurs du travail ont adressés 40 596 observations dont 83% relatives
aux salaires et congés soit 33 531 observations concernant les salaires et les congés ; 1122 observations
relatives à l’hygiène ; 2324 observations relatives à la santé et sécurité au travail. In Ministère de l’emploi
et des affaires sociales (rapport du bilan social de 2102, pp. 23-24.
http://www.emploi.gov.ma/attachments/article/263/bilan%20Social%202012%20Fran%C3%83%C2%A7ai
s.pdf.
1330
NIEL Sylvain, « Faire face au contrôle d’un inspecteur du travail », art.cité, p. 15.
1331
Article R. 4614-5 du Code du travail français.
1332
Article L. 4711-4 du Code du travail français.
1333
Article D. 4622-7 du Code du travail français.
1334
Articles L. 4611-3 et R. 2313-3 du Code du travail français.
1335
Article D. 4711-3 du Code du travail français.

318
Il appartient à l’inspecteur d’apprécier la nature de l’infraction et la gravité des
risques qu’elle peut engendrer. Il tient ce pouvoir de constatation des conventions de
l’OIT qui prévoient qu’ « il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de
donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des
poursuites » (1336). De ces dispositions, l’inspecteur du travail, en présence d’une
infraction, a le libre choix de dresser ou non un procès-verbal, se démarquant ainsi de
l’obligation faite aux agents de la police judiciaire lorsqu’ils sont en présence d’une
infraction d’ « informer sans délai le procureur de la République…et doivent lui faire
parvenir directement l’original ainsi qu’une copie certifiée conforme des procès-verbaux
qu’ils ont dressés » (1337).

L’employeur de droit marocain, et contrairement à la règle française, subit


l’obligation de tenir un registre, numéroté et paraphé par l’agent chargé de l’inspection du
travail (1338), où sont enregistrées ses observations et mises en demeure, crée à cet effet
(1339). En France, et sauf dispositions réglementaires particulières, l’employeur n’a plus
cette obligation depuis 2004 (1340). Il a en revanche la possibilité de constituer un registre
unique de sécurité regroupant ces informations avec d’autres documents relatifs à la
sécurité (attestations, consignes, résultats de rapports de vérification) (1341).

2) Ambivalence du sort réservé aux observations

La lettre d’observation n’entraine aucune sanction vis-à-vis de l’employeur qui n’est


pas tenu d’y répondre. Toutefois il est tenu de se mettre en conformité et il lui est

1336
Articles 17 al. 2 de la Convention n° 81 et 22 al. 2 de la Convention n° 129 de l’OIT.
1337
Articles 19 du Code de procédure pénale français et 23 du Code de procédure pénal marocain. Par
ailleurs, Cette faculté peut compléter l’obligation, que l’inspecteur du travail partage avec tout officier
public ou fonctionnaire, de donner avis sans délai au procureur de la République de tout crime ou délit dont
il aurait connaissance et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y
sont relatifs
1338
Article 9 du décret n° 2-08-702 du 21 mai 2009 fixant les formes de signification des observations et
mises en demeure à l’employeur.
1339
Article 536 al. 3 du Code du travail marocain.
1340
Article 6 de l’ordonnance n° 2004-602 du juin 2004 relative à la simplification de droit dans les
domaines du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, JORF n° 147 du 26 juin 2004, texte n°
8.
1341
Article L. 4711-5 du Code du travail français.

319
recommandé de tenir informé l’inspecteur du travail des actions menées, faute de quoi, il
serait pourtant susceptible de commettre le délit d’obstacle à l’accomplissement des
missions des inspecteurs du travail (1342), infraction pénale prévue par l’article L. 8114-1
du Code du travail français.

Dans les deux systèmes juridiques, marocain et français, les observations qui se
limitent à constater un état de manquement de la part de l’employeur et à l’inviter à se
conformer aux dispositions législatives et réglementaires, ne constituent pas des décisions
administratives faisant grief et ne sont donc pas susceptibles de recours. Devant le silence
des textes des deux pays sur la nature juridique des lettres d’observations, c’est donc la
jurisprudence française qui a apporté des précisions sur la question (1343). Toutefois, il
emporte de préciser que celle-ci n’est pas parfaitement stabilisée (1344).

1342
Procédant au contrôle de l’application des dispositions relatives à la durée et à l’aménagement du temps
de travail dans une exploitation agricole, l’inspecteur du travail a constaté le défaut d’enregistrement ou
d’affichage des heures de travail. Il a donc rappelé l’employeur à ses obligations par un premier courrier.
L’exploitant n’ayant fourni aucune réponse, une lettre de rappel lui est adressée. Une contre-visite effectuée
deux mois plus tard, démontre que les observations de l’inspecteur du travail sont restées lettres mortes, en
conséquence de quoi, ce dernier dresse procès-verbal du chef d’obstacle. Cité devant le tribunal
correctionnel, l’exploitant, déclaré coupable de ce délit, a relevé appel du jugement. La Cour d’appel a
infirmé ce dernier. Mais la Cour de cassation n’approuvant pas l’analyse de la Cour d’appel, casse l’arrêt :
« Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que le prévenu avait fait l’objet de rappels réitérés d’avoir à
satisfaire à ses obligations afin de permettre le contrôle de l’application des dispositions relatives à la
durée et à l’aménagement du temps de travail dans l’exploitation agricole qu’il dirigeait, et alors que ces
rappels étaient demeurés sans effet, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des textes
susvisés », Cass. crim., 14 avril 2015, n° 14-83.267, Bull. crim., V, n° 89.
1343
CE, 22 février 1989, n° 69007, Lebon., 1989, p. 61 : « Considérant, d'une part, que, par lettre en date
du 27 octobre 1983, le directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris a informé le directeur de
l'hebdomadaire "Carrières et Emplois" qu'il avait constaté que cette publication, qui "comprenait
largement plus de la moitié de sa surface en offres d'emploi", méconnaissait ainsi les dispositions de
l'article L. 312-11 du code du travail , et l'a invité, en conséquence, "à faire cesser cette parution, faute de quoi
l'infraction sera relevée par procès-verbal" ; qu'une telle lettre, qui se bornait à avertir le directeur de
l'hebdomadaire des conséquences que pourrait comporter la poursuite de la publication, dans des
conditions non conformes aux dispositions précitées, ne présentait pas le caractère d'une décision
administrative faisant grief ; que par suite, les conclusions de la demande présentée par la société
SOCPRESSE au tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation de ladite lettre ainsi que de la
décision, résultant de son silence gardé pendant plus de quatre mois par laquelle le ministre des affaires
sociales et de la solidarité nationale a rejeté son recours hiérarchique en date du 16 novembre 1983 dirigé
contre la lettre précitée, étaient irrecevables ; que dès lors la société requérante n'est pas fondée à se
plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté lesdites conclusions
;
Considérant, d'autre part, que la lettre en date du 24 mai 1984 par laquelle le directeur départemental a
informé le même destinataire que, la publication s'étant poursuivie malgré la lettre précédente, une
infraction était relevée par procès-verbal à sa charge, ne présentait pas non plus le caractère d'une
décision administrative faisant grief ; que par suite, les conclusions de la société SOCPRESSE contre ladite
lettre du 24 mai 1984 n'étaient pas recevables ; que la société requérante n'est donc pas fondée à soutenir
que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris les a rejetées comme telles ».
1344
Les décisions des juridictions administratives ne sont pas uniformes. L’analyse des différentes positions
jurisprudentielles révèle que la solution sur « la nature juridique de la lettre d'observations semble

320
Cependant, contrairement à cette orientation que nous soutenons, un guide
méthodologique des visites d’inspection (1345) préparé par le ministère marocain chargé
de l’emploi en collaboration avec le BIT et l’INTEFP énonce curieusement que « Les
observations peuvent être formulées sous forme d’un simple rappel des dispositions
législatives et réglementaires (une finalité informative) ou sous forme d’une injonction ou
d’un ordre (une finalité impérative). Elles peuvent causer grief et par conséquent revêtir
un caractère exécutoire. Elles ont donc un caractère décisionnel susceptible de recours
pour excès de pouvoir ». Cette nouvelle “règle” proposée par le guide vient rompre avec
la logique de rédaction de l’article 541 al. 1er du code du travail, cette dernière étant
comparable à l’actuelle teneur des articles L. 4723-1 et R. 4723-1 du Code du travail
français. On constate que les textes des deux pays contiennent des dispositions
communes. Ils renseignent sur le recours contre les seules mises en demeure.

Ces observations sont utilisées généralement lors de la première étape de la visite


d’inspection. Elles permettent à l’inspecteur de rappeler à l’employeur les dispositions
législatives, réglementaires ou conventionnelles qu’il a méconnues ou n’a pas respectées
en lui demandant d’en faire application. Dans des cas limitativement énumérés,
particulièrement en matière d’hygiène et sécurité, l’agent de contrôle doit établir une mise
en demeure avant de rédiger un procès-verbal, afin que l’employeur puisse effectuer les
travaux nécessaires.

B) La mise en demeure : une adaptation aux circonstances


particulières

La mise en demeure constitue le deuxième mode de constater les infractions.


Contrairement à la lettre d’observation, il s’agit d’une procédure formelle à caractère
impératif (1346) susceptible de recours. Elle est soumise à des règles de procédure

dépendre des exigences plus ou moins grandes posées par les agents de contrôle, ou de la fixation d'un
délai à l'employeur pour se conformer aux obligations légales rappelées » dans la lettre d'observations. V,
TA Nantes, 24 octobre 2000, req. n° 95.3212, in MICHEL Jean, Les sanctions civiles, pénales et
administratives en droit du travail, t. 1, Paris, La Documentation française, 2004, p. 48 : le tribunal avait
admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir exercé contre des lettres d'observations d’un
contrôleur du travail ; CAA Lyon, 2 octobre 1998, n° 96LY01101, MICHEL Jean, ouvr.cité, p. 46 : le
tribunal s’est prononcé en sens contraire.
1345
Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, BIT/USDOL et INTEFP, Guide de
méthodologie des visites d’inspection, op.cit, p. 73.
1346
BOUCHARD Valérie, « Des pouvoirs de police judiciaire de l’inspecteur du travail », art.cité, p. 276.

321
conformément à l’article R. 8113-4 du Code du travail français et au décret n° 2-08-702
du 21 mai 2009 fixant les formes de signification des observations et mises en demeure à
l’employeur en droit marocain. À l’origine, la procédure de mise en demeure qui
intervenait, uniquement, dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité du travail a été,
progressivement, cantonnée dans d’autres domaines (1347). Ce mouvement n’étant
perceptible qu’en France.

Toutefois, la mise en demeure ne constitue pas la demande de vérification. Cette


dernière est une forme de contrôle délégué utilisé (1348) par l’inspecteur du travail afin de
s’assurer de la conformité de l’équipement de travail aux dispositions réglementaires
applicables.

L’inspecteur du travail peut demander à l’employeur de procéder à des contrôles


techniques et à des vérifications de l’état de conformité des installations et équipements
de travail, à la mesure de l’exposition des travailleurs à des nuisances physiques, à des
agents physiques, chimiques ou biologiques, à l’analyse de substances et préparations
dangereuses (1349). Ces vérifications sont réalisées par des organismes extérieurs habilités
(1350).

En France, on distingue deux types de mises en demeure. D’abord, celle établie par
l’inspecteur, elle est préalable et obligatoire lorsque l’employeur est en infraction avec
une disposition de la réglementation dont les prescriptions ainsi que le délai minimum
laissé à l’employeur sont détaillés dans l’article R. 4721-5 du Code du travail. Ensuite,
celle émanant de l’administration (DIRECCTE), établie sur rapport de l’inspecteur du
travail constatant une situation dangereuse (1351). En revanche, le droit marocain opte pour
le système de la seule mise en demeure tenue aux mains de l’inspecteur du travail.

1347
Notamment aux dispositions impliquant la modification d’immeubles ou de matériels, ou supposant une
analyse préalable des risques encourus et des non-conformités présumées ou également pour le domaine de
l’apprentissage. V, articles R. 6225-1 à R. 6225-3 du Code du travail français.
1348
LANOUZIERE Hervé, Prévenir la santé et la sécurité au travail, vol 2 : risques- acteurs- sanctions, éd.
Lamy, 2012, n° 626.
1349
Articles L. 4722-1 du Code du travail français et 533 du Code du travail marocain.
1350
Article L. 4722-2 du Code du travail français.
1351
Article L. 4721-1 du Code du travail français. Cette situation couvre le vaste champ des principes
généraux de prévention et de l’obligation générale de santé et de sécurité. V, DERUE André, « Mises en
demeure de l’administration », Les Cahiers du DRH., n° 222, juillet 2015, p. 13.

322
1) Santé et sécurité au travail : détermination fonctionnelle commune du
domaine de la mise en demeure en France et au Maroc

Elle n’est obligatoire que si elle est prévue par un texte, lorsqu’il s’agit
essentiellement de certaines dispositions relatives à l’hygiène, la santé, la sécurité et la
médecine du travail. L’inspecteur du travail doit alors, en cas d’infraction, avant de
dresser un procès-verbal, mettre l’employeur en demeure (1352). De ce fait, l’infraction
constatée ne peut être relevée par procès-verbal que si la mise en demeure n’est pas suivie
d’effet.

La mise en demeure est notifiée par écrit à l’employeur soit par remise en main
propre contre décharge, soit par lettre recommandée avec avis de réception (1353). Elle
doit être écrite, datée et signée et doit indiquer les infractions constatées et doit fixer un
délai, qui ne peut être inférieur à quatre jours (1354), à l’expiration duquel ces infractions
devront avoir disparu (1355).

Toutefois et par exception à cette obligation préalable de mise en demeure, le Code


du travail français autorise l’inspecteur du travail, lorsque les faits constatés présentent un
danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des travailleurs, à dresser
immédiatement un procès-verbal et à saisir le juge des référés (1356). Si, en droit français,
cette question ne va pas sans poser quelques difficultés, elle se complique encore en droit

1352
L’article L. 4721-4 du Code du travail dispose que : « lorsque cette procédure est prévue, l’inspecteur
et le contrôleur du travail, avant de dresser procès-verbal, mettent l’employeur en demeure de se
conformer aux prescriptions des décrets mentionnés aux articles L. 4111-6 et L. 4321-4 ».
Et l’article 540 al.1er du Code du travail marocain : « en cas de violation des dispositions législatives ou
réglementaires relatives à la sécurité et à l’hygiène ne mettant pas en danger imminent la santé ou la
sécurité des salariés, l’agent chargé de l’inspection du travail ne peut dresser un procès-verbal qu’à
l’expiration du délai imparti par une mise en demeure préalablement signifiée à l’employeur ».
1353
Le droit français et le droit marocain réglementent de façon identique la procédure de notification de la
mise en demeure à l’employeur. V, Articles R. 8113-4 du Code du travail français et 2 du décret n° 2-08-
702 du 25 juin 2009 pris pour l’application des articles 536 et 540 du Code du travail marocain.
1354
Tout comme en droit français, ce même délai est prévu par le droit marocain. Articles L. 4721-6 du
Code du travail français et 540 al. 2 du Code du travail marocain.
1355
Les articles L. 4721-6 et R. 4721-4 du Code du travail français et les articles 540 al. 2 du Code du
travail marocain et 2 al. 2 du décret n° 2-08-702 du 25 juin 2009.
1356
Article L. 4721-5 du Code du travail français.

323
marocain où l’inspecteur du travail met le chef d’établissement en demeure de
« corriger », sans délai, le danger imminent (1357).

a) La mise en demeure en cas de danger imminent : des hésitations


critiquables fragilisant la fonction coercitive

Il s’agit d’une particularité du droit marocain qui prévoit que l’agent chargé de
l’inspection du travail doit vérifier, de manière urgente et dans un délai ne dépassant pas
un jour franc de la notification dans la mise en demeure, le caractère effectif et approprié
des mesures prises par l’employeur en vue d’éliminer le danger imminent (1358). Mais si
ce dernier refuse ou néglige de se conformer aux prescriptions contenues dans la mise en
demeure (1359), l’inspecteur dresse un procès-verbal dans lequel il fait état du refus de
l’employeur de se conformer aux dites prescriptions et saisit immédiatement le juge des
référés, par une requête à laquelle est joint le dit procès-verbal (1360).

Le juge des référés, ordonne toute mesure qu’il juge adaptée afin de mettre fin au
danger imminent soit en accordant un délai à l’employeur de se conformer aux
avertissements, soit en ordonnant la fermeture de l’établissement (1361). Les décisions du
juge des référés ne peuvent entrainer ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni

1357
L’article 5 du décret n° 2-08-702 du 25 juin 2009 (en arabe) prévoit : « En cas de violation des
dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’hygiène et à la sécurité mettant en danger imminent
la santé et la sécurité des salariés, les inspecteurs du travail doivent mettre l’employeur en demeure sans
délai. La mise en demeure doit être établie par écrit et remise en mains propres à l’employeur s’il est
présent, et en cas d’absence à son représentant légal et doit être consignée dans le registre cité à l’article 4
de ce texte ».
1358
Article 8 du décret n° 2-08-702 du 25 juin 2009.
1359
L’article 7 du décret n° 2-08-702 du 25 juin 2009 précise que : « L’employeur doit informer l’agent
chargé de l’inspection des mesures prises pour se conformer aux prescriptions contenues dans la mise en
demeure et d’écarter le danger imminent, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise,
contre décharge à la délégation du ministère du travail compétente territorialement ».
1360
Procédure combinée des articles 542 al. 2 et 543 al. 1er du code du travail marocain.
1361
Il est difficile pour un magistrat, lorsqu’un chef d’entreprise refuse d’exécuter les mesures prescrites et
de se mettre dans les normes, d’ordonner la fermeture de l’établissement. Cette décision extrême risque
d’avoir des conséquences économiques et sociales négatives. Mais l’enseignement tiré par le professeur
Boudahrain est le constat désolant d’une pratique dont les dispositions en vigueur se sont substituées à
d’autres plus justes qui devaient autoriser l’inspecteur du travail à ordonner lui-même l’arrêt du travail,
voire la fermeture définitive ou temporaire de l’établissement ainsi que « de prendre ou de faire prendre les
dispositions nécessaires à l’application de cette mesure, en accord avec l’autorité publique » (article 462
du projet du code du travail d’avant 1995). BOUDAHRAIN Abdellah, Le droit du travail au Maroc, t. 1,
ouvr.cité, p. 135.

324
aucun préjudice pécuniaire à l’encontre des salariés concernés (1362). En application de
l’article 545 du Code du travail, et dans l’hypothèse où l’employeur n’a pas remédié à la
situation en respectant les prescriptions malgré l’ordonnance du juge des référés (1363),
l’inspecteur du travail établit un nouveau procès-verbal qu’il adresse cette fois au
procureur du Roi qui, à son tour, le soumet au Tribunal de première instance dans un délai
ne dépassant pas huit jours à compter de sa réception.

b) Danger imminent : une appréciation subjective de la situation

Sans doute, peut-on s’interroger, s’agissant du danger grave et imminent, sur la


qualification de sa gravité et de son imminence (1364). Malgré l’importance du sujet, le
droit marocain ne lui a accordé aucune définition. Les textes se référent à des concepts
1362
Article 544 du Code du travail marocain.
1363
À la lecture de l’article 545 al. 1er du code du travail, on peut déduire que l'inspecteur du travail est
désigné par le juge pour effectuer le constat de l'application de l'ordonnance rendue : « Si toutes les mesures
prévues par les articles 540 à 544 ci-dessus sont épuisées sans que l’employeur s’exécute, un autre procès-
verbal est adressé par l’agent chargé de l’inspection du travail au procureur du Roi ».
1364
En l’absence de définition du danger grave et imminent en droit marocain, on se contentera de la
définition présentée par le droit français. En ce sens, le législateur français a doté le salarié d’un droit de
retrait et d’alerte en cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (article L. 4131-1 du code du
travail). Toujours sous cet angle, la loi n° 2013-316 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de
santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte promulguée le 16 avril 2013 (JORF n° 90
du 17 avril 2013, p. 6465), prévoit d’exercer un droit d’alerte, au sein de l’entreprise « en cas de risque
grave sur la santé publique et l’environnement » causé par l’activité de l’entreprise au profit des
représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; ainsi
que de « tout travailleurs estimant de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis
en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement ».
Inversement, le droit et la jurisprudence marocains gardent le silence sur ce droit. Ils ignorent pratiquement
son existence.
D’ailleurs en 2014, face à la menace de risque sanitaire pouvant être engendré par le virus Ebola, certaines
compagnies aériennes ont suspendu les vols vers les pays touchés, d’autres non dont la compagnie
marocaine Royale Air Maroc (RAM) qui a continué de desservir ces destinations. Face à cette décision, les
salariés de la RAM se sont inquiétés des retombées de ce virus sur leur santé en l’absence d’un droit de
retrait. Curieusement, le ministère marocain de l’emploi publie (à ce jour) sur son site un guide
méthodologique pour l’élaboration du règlement intérieur ainsi qu’un modèle de celui-ci qui, dans son
article 24 al. 2, fait mention au droit de retrait : « En cas de danger immédiat, le salarié doit se retirer
immédiatement et en aviser l’employeur ou ses supérieurs et de porter secours à ses collègues dans la
limite du possible. Aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié », (en arabe).
Malheureusement, cette disposition n’a pas été reprise par la formule de l’arrêté ministériel n° 2710-12 du
31 juillet 2012 fixant le modèle du règlement intérieur prévu par l’article 139 du code du travail, (B.O n°
6094 du 25 octobre 2012, p. 5610). Tout différemment, la convention collective du transport routier port de
Casablanca conclue le 19 avril 2010 en a fait mention dans son article 10 : « le chauffeur de poids lourd et
son assistant peuvent s’abstenir de prendre le volant du véhicule s’il présente un défaut de conformité aux
normes de santé et de sécurité » (en arabe). On retiendra enfin qu’au Maroc, certaines entreprises
comportent des installations particulières à haut risque industriel, telle la SAMIR (Société Anonyme
Marocaine de l’industrie du raffinage), spécialisée dans le raffinage des produits pétroliers, il n’est guère
fait mention dans sa convention collective conclue le 09 janvier 2007 d’un droit d’alerte ou de retrait en cas
de danger.

325
qu’ils s’abstiennent de définir (1365). En règle générale, La notion de danger comprend des
acceptions différentes selon la discipline qui l’utilise (1366). Il peut ainsi s’agir d’une
situation, d’une menace, d’un événement, d’un effet ou d’une circonstance (1367).
L’Organisation Internationale du Travail l’a défini comme étant « la propriété intrinsèque
ou potentielle d’un produit, processus ou situation à nuire à la santé, à engendrer de
celle-ci ou à provoquer des dégâts matériels... » (1368).

À cet égard, un danger grave, est « un danger susceptible de produire un accident ou


une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente
ou temporaire prolongée ». « La gravité a donc des conséquences définitives ou en tout
cas longues à effacer et importantes ; au-delà d’un simple inconfort ». Quant au danger
imminent, il est « tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai
rapproché » (1369).

Sans avoir l’ambition de dresser une analyse exhaustive du danger grave et imminent,
ces définitions visent à montrer qu’en présence d’une situation dangereuse, constatée par
l’inspecteur du travail, émanant d’un non respect, par l’employeur, des principes
généraux de prévention prévus dans le code du travail ou d’une infraction à l’obligation
générale de santé et de sécurité, l’employeur mettra en danger la santé la sécurité voire la
vie des travailleurs. La tragédie de l’usine Rosamor (1370) à Casablanca en est l’illustration

1365
L’article 542 du Code du travail marocain évoque la notion de danger imminent dans une double
dimension. D’abord, le danger imminent en matière de sécurité du travail, ensuite le danger imminent dans
le cadre de l’hygiène du travail.
1366
LANOUZIÈRE Hervé, Prévenir la santé et la sécurité au travail : vol. 1. Démarche générale, lieux et
équipements, éd. Lamy, 2012, p. 140.
1367
Ibid.
1368
OIT, Système de gestion de la SST : un outil pour une amélioration continue, journée mondiale de la
sécurité et de la santé au travail, 28 avril 2011, 1 ère éd. 2011, p. 1, url : www.ilo.org/safeday : « … Il peut
s’agir à la base d’une substance chimique (propriété intrinsèque), d’un travail sur une échelle (situation),
d’un facteur électrique, d’une bouteille de gaz comprimé (énergie potentielle), d’une source d’incendie ou
plus simplement d’un sol glissant ».
1369
Circulaire de la direction générale du travail n° 93-15 du 25 mars 1993.
1370
La matinée du 26 avril 2008, vers dix heures du matin (GMT)), un incendie avait ravagé l’usine
ROSAMOR de fabrication de matelas et ameublements basée dans la zone industrielle Lissasfa à
Casablanca, entraînant des dégâts humains et matériels. Le bilan est de soixante quatre victimes la majorité
d’entre elles brulée, et des quarantaines de blessés dont des dizaines dans un état très grave. La plupart des
victimes était coincée à l’intérieur du bâtiment encerclée par les flammes sans pouvoir quitter les lieux.
Par arrêt de du 16 septembre 2009, la Cour de cassation a déclaré le propriétaire de la société Rosamor, son
fils (le gérant), et une troisième personne (intérimaire) coupables et sont poursuivis pour homicide et

326
la plus parfaite, un exemple illustrant à la fois l’omission, la négligence et la mise en
danger de la vie d’autrui.

Cette catastrophe, comme plusieurs d’autres, fait resurgir la problématique des


pouvoirs réels des inspecteurs du travail. Sont-ils « réellement » habilités, à l’application
des dispositions du code du travail, à savoir contrôler à toute heure, de jour comme de
nuit, tous les établissements assujettis, à enquêter et à prélever des échantillons aux fins
d’analyses ? Plus encore, l’étendue des pouvoirs de contrôle des inspecteurs du travail au
Maroc dans tous les domaines et en particulier celui de la santé et de la sécurité n’est-elle
pas restreinte ? Ceci dit, en d’autres termes, les contours des missions de cette institution
restent ambigus ; où ces missions commencent et où elles se terminent ?

L’inspection du travail au Maroc est exsangue, voire même combattue par le patronat
(1371) d’une part, et par la lenteur de l’appareil judiciaire et les lacunes de la loi d’autre

blessures involontaires et absence des conditions et d’équipements de sécurité nécessaires à la préservation


de la vie des salariés pour les deux premiers, et incendie involontaire de biens immobiliers et mobiliers
causant la mort de plus d’une personne et blessant d’autres pour la troisième personne.
Le propriétaire et l’intérimaire ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement et de mille dirhams
(moins de cent euros) d’amende quant au gérant, il a été condamné à deux ans d’emprisonnement et de
mille dirhams d’amende.

1371
Un inspecteur du travail, M. Qacha Zine El Abidine, exerçant à Marrakech, a été condamné le 8 avril
2005 à dix ans de prison ferme et deux cent mille dirhams (équivalent d’à peu près dix neuf mille euros) de
dommages et intérêts pour « préjudice causé au boulanger », par la Cour d’appel de Marrakech, après avoir
rédigé des procès-verbaux contre un employeur.
Les faits remontent à 1993, après un conflit entre salariés d’une boulangerie, à Marrakech, et leur
employeur concernant la réduction des indemnités du congé annuel. Le patron licencie quatre salariés dont
un représentant syndical. Tous les travailleurs de la boulangerie avaient observé une grève. L’employeur
licencie alors les grévistes, ferme la boulangerie et remplace ces derniers par de nouveaux salariés. M.
Qacha, en sa qualité d’inspecteur du travail, après avoir reçu des plaintes de la part des salariés, a effectué
un contrôle et a dressé trois procès-verbaux concernant le licenciement abusif, l’embauche illégale ainsi que
la fermeture de la boulangerie. En 1995, l’employeur a contre attaqué ces procès-verbaux, l’affaire a duré
huit ans. Notons que l’inspecteur du travail avait été innocenté, en 2003 pour non lieu pour insuffisance de
preuves, par le tribunal de première instance de Marrakech des chefs d’accusation à savoir la falsification
d’un procès-verbal et le faux et usage de faux avant d’être condamné en appel. La Cour suprême a cassé
l’arrêt de la Cour d’appel et a renvoyé l’affaire devant cette même cour qui, finalement, a acquitté
l’inspecteur du travail le 7 décembre 2007.
Cette condamnation avait provoqué l’indignation chez l’Association marocaine des inspecteurs du travail,
le syndicat national des inspecteurs du travail (affilié à l’Union Générale des Travailleurs Marocains :
l’UGTM), le bureau syndical des inspecteurs et fonctionnaires du ministère du Travail ; Union Marocaine
du Travail (UMT) et la Confédération Marocaine du Travail CDT, les portant à dire dans un communiqué
commun que M. Qacha a été condamné «pour avoir seulement rédigé en 1993 des procès-verbaux
concernant un licenciement collectif suivi de la fermeture de l’usine (boulangerie) ». In S.A, « Dix ans de
prison pour un inspecteur du travail », La Vie éco., 15 avril 2005, cité par SBIA Rachid, L’identification du
contrat de travail en droit Marocain : inadéquation entre pratiques sociales et cadre légal, Th. Perpignan
2011, p. 160. Pour illustrer cette difficulté, d’autres affaires se sont reproduites. La plus récente remonte à
2013 connue sous le nom « affaire Abdellah Ennadir » inspecteur du travail à Essaouira (sud ouest du
Maroc), retraité et jugé pour les mêmes faits que son confrère Qacha, à savoir la falsification d’un procès-
verbal et faux et usage de faux, il a été innocenté le 29 mai 2013 par la Cour d’appel de Safi. L’autre affaire

327
part (1372). Les violations sont traitées au cas par cas, où le but est la mise en conformité et
où les inspecteurs du travail sont compétents pour l’ensemble du code du travail, ce qui
rend impossible une approche littérale du contrôle. À en croire la réflexion rapportée par
MM. Piore et Schrank (1373) : « le modèle d’inspection du travail [dans le monde latin]
donne non seulement aux inspecteurs le pouvoir de tenir compte des coûts et avantages
relatifs de la réglementation au niveau de l’entreprise, mais les encourage simultanément
à rechercher les moyens de concilier des objectifs prétendument contradictoires, soit
l’efficacité de la production et la protection des travailleurs ».

2) Mise en demeure de l’administration : une mesure absente en droit


marocain

En cas de situation dangereuse non prévue par des textes de loi (1374), le directeur
régional (DIRECCTE) (1375) peut mettre en demeure le chef d’entreprise de prendre les
mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation de risque sur rapport de l’inspecteur
du travail la constatant (1376).

Il s’agit d’une situation dangereuse créant un risque professionnel qui trouve son
origine dans les conditions d’organisation du travail ou d’aménagement du poste de

concerne M. Omar Zaaraoui inspecteur du travail à Midelt, il avait rédigé en 2010 un procès-verbal contre
un employeur, poursuivi pour les mêmes faits et relaxé par la Cour d’appel de Meknès le 8 avril 2015.
1372
À titre d’exemple seulement, l’article 29 de la Constitution marocaine prévoit que « le droit de grève
est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les modalités de son exercice ». Ce texte existant depuis
la première constitution de 1962, a été successivement maintenu dans les constitutions qui ont suivi, celles
de 1970, 1972, 1992, 1996 et la nouvelle constitution de 2011. Cependant, cette “loi organique” n’a
toujours pas vu le jour et ce droit garanti par la constitution demeure dépourvu des conditions et des formes
de son exercice.
1373
PIORE Michael.-J et SCHRANK Andrew, « Le renouveau de l’inspection du travail dans le monde
latin », RIT., n° 1, vol. 147, 2008, p. 2.
1374
Même si les dispositions du code du travail ou des textes le complétant sont détaillées, subsistent des
risques parfois graves non couverts ou non détaillés par les textes : conditions d'organisation du travail,
aménagements des postes de travail, état des surfaces de circulation, etc.
1375
Tout au contraire du système français, cette catégorie de mise en demeure émise par l’administration
(DIRECCTE) n’existe pas en droit marocain.
1376
Article L. 4721-1 du Code du travail français.

328
travail, de l'état des surfaces de circulation, de l'état de propreté et d'ordre des lieux de
travail, dans le stockage des matériaux et des produits de fabrication (1377).

Cette situation dangereuse résulte soit d’une violation des principes généraux de
prévention (1378) prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du
travail (1379), soit d’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité (1380)
fixée à titre général dans l’article L. 4221-1, à savoir que « les établissements et locaux de
travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des
travailleurs. Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions
d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés ». Ce pouvoir donné au
DIRECCTE de notifier une mise en demeure traduit une volonté précise du législateur :
celle d'être en capacité juridique d'exiger de l'employeur qu'il mette fin à une situation de
danger réel pour les salariés, même si elle ne découle pas de l'inobservation d'une
disposition règlementaire précise (1381).

Cette mise en demeure doit être écrite, datée et signée et doit indiquer les infractions
constatées ou le risque signalé et fixe un délai d’exécution qui tient compte des difficultés

1377
Article R. 4721-1 du Code du travail français.
1378
Le Code du travail français, dans son article L. 4121-2, énumère les principes généraux de prévention
afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces principes
consistent à : éviter les risques ; évaluer les risques qui ne peuvent être évités ; combattre les risques à la
source ; adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail
ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment
de limiter le travail monotone ou cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; tenir compte de
l’état d’évolution de la technique ; remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou ce qui l’est
moins ; prendre des mesures de protection collective et leur donner la priorité sur les mesures de protection
individuelle ; donner des instructions appropriées aux travailleurs ; et planifier la prévention en y intégrant,
dans un ensemble cohérent : la technique, l’organisation, les conditions de travail et les relations sociales ;
l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement
sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail. Sur ce dernier point,
voir aussi la Circulaire DGT n° 2012-14 du 12 novembre 2012 relative au harcèlement et à l’application de
la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.
1379
CAA de Lyon, 13 décembre 2012, n° 12LYO1319, (Juricaf).
1380
L’article L. 4121-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juin
1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la
santé des travailleurs au travail, la Cour de cassation considère que : « l’employeur tenu d’une obligation de
sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise,
doit en assurer l’effectivité ». Cass. soc., 28 février 2006, n° 05-41.555, Bull. civ., V, n° 87.
1381
GRÉGOIRE Frédéric, « Inspection du travail : moyens d’actions », JCL. trav., fasc. 10-25, 1er
septembre 2015, n° 72. La possibilité donnée au DIRECCTE de délivrer une mise en demeure à une
entreprise pour lui demander de se conformer aux principes généraux de prévention a été utilisée
récemment pour lutter contre les risques psycho-sociaux (suicides au travail) dans les entreprises.

329
de réalisation, qui ne peut être inférieur à quatre jours ouvrables (1382) à l’expiration
duquel ce risque ou ces infractions devront avoir disparu (1383). Si, à l’expiration du délai,
l’inspecteur du travail constate que la mise en demeure n’a pas été suivie d’effet, il peut
dresser un procès-verbal à l’employeur. L’absence d’exécution de la mise en demeure du
DIRECCTE étant constitutive d’une contravention de cinquième classe ( 1384) dont
l’amende est appliquée autant de fois qu’il y’a de salariés directement exposés à la
situation dangereuse visée par la mise en demeure. Le recours hiérarchique contre la mise
en demeure du directeur régional s’exerce devant le ministre du travail dans un délai de
deux mois (1385).

a) Autres mises en demeure

Nous rangeons dans cette partie les mises en demeure qui n’entrent pas dans le champ
d’application de l’article L. 4721-4 du code du travail. Ces procédures suivent un régime
juridique propre défini pour chacune d’entre elles (1386). Les exemples type de ces mises
en demeure mises en œuvre par l’inspecteur du travail sont : la mise en demeure préalable
à l’arrêt temporaire d’activité, la mise en demeure de réduction d’intervalle entre les
vérifications périodiques et la mise en demeure en matière d’apprentissage.

La mise en demeure préalable à l’arrêt temporaire d’activité

L’inspecteur du travail a la possibilité d’interrompre temporairement une activité s’il


constate que les salariés se trouvent dans une situation dangereuse résultant d’une
exposition à une substance chimique cancérigène, mutagène ou toxique pour la
reproduction à un niveau en dépassement à des valeurs limites d’exposition
professionnelle (1387). De ce fait, avant d’appliquer la sanction de l’arrêt d’activité,

1382
Article R. 4721- 2 du Code du travail français. Alors que le non respect d’une mise en demeure d’un
contrôleur ou d’un inspecteur du travail est puni de peine correctionnelle selon l’article L. 4741-1.
1383
Article L. 4721-6 du Code du travail français.
1384
Article R. 4741-2 du Code du travail français.
1385
Article L. 4723-1 du Code du travail français.
1386
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p. 428.
1387
Article L. 4721-8 du Code du travail français.

330
l’inspecteur du travail met en demeure l’employeur de remédier à cette situation
dangereuse constatée dans un délai déterminé (1388).

L’employeur est tenu de prendre des mesures provisoires de protection immédiate des
travailleurs, et de mettre en œuvre un plan d’action détaillé, à moyen et long terme,
destiné à améliorer la situation de son entreprise (1389). Il est tenu d’informer sans délai les
agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, le médecin du
travail, le CHSCT, ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les salariés
concernés, du constat de situation dangereuse effectué par l’inspecteur du travail (1390).

La mise en demeure de réduction d’intervalle entre les vérifications périodiques

L’inspecteur ou le contrôleur du travail peut mettre l’employeur en demeure de


réduire l’intervalle entre les vérifications des équipements de travail ou catégories
d’équipements de travail lorsque, en raison notamment des conditions ou de la fréquence
d’utilisation, du mode de fonctionnement ou de la conception de certains organes, les
équipements de travail sont soumis à des contraintes génératrices d’une usure prématurée
susceptible d’être à l’origine de situations dangereuses (1391).

La mise en demeure en matière d’apprentissage

Elle constitue un préalable à la décision d’opposition à l’engagement d’apprentis, le


Code du travail français (1392) prévoit que l’inspection du travail ou l’inspection de
l’apprentissage met l’employeur, en demeure de régulariser la situation et de prendre les
mesures ou d’assurer les garanties de nature à permettre une formation satisfaisante
lorsque ce dernier méconnaît les obligations mises à sa charge.

b) Contentieux des mises en demeure

1388
Article R. 4721-6 du Code du travail français.
1389
Circulaire DGT n° 2007-15 du 6 décembre 2007 relative à l’arrêt temporaire d’activité mentionné au II
de l’article L. 231-12 du code du travail (actuel article L. 4721-8).
1390
Article R. 4721-7 du Code du travail français.
1391
Article R. 4721-11 du Code du travail français.
1392
Article R. 6225-1 du Code du travail français.

331
Les mises en demeure, étant des décisions administratives, peuvent faire l'objet de
recours, hiérarchiques et contentieux. Les dispositions légales aménagent toutefois ces
recours. Les mises en demeure des inspecteurs et contrôleurs du travail doivent d'abord
faire l'objet d'une réclamation devant le DIRECCTE, puis d'un recours administratif
devant le ministre. Le recours contentieux s'exerce pour sa part devant le tribunal
administratif, dans les conditions de droit commun (1393). Alors que la mise en demeure
du DIRECCTE peut faire l'objet d'un recours de droit commun, dans le délai de deux
mois, soit devant le ministre du travail, soit devant le tribunal administratif.

Le recours hiérarchique contre la mise en demeure peut porter sur la mesure elle-
même ou sur les délais imposés par l’inspecteur du travail ou la DIRECCTE. Il est
obligatoirement et dans un premier temps formé devant le directeur régional du travail
DIRECCTE (1394), avant l’expiration du délai d’exécution fixé dans la mise en demeure,
et au plus tard dans les quinze jours à compter de la date de sa notification, ce recours est
suspensif (1395).

Le directeur régional doit statuer dans un délai de vingt et un jours. Ce délai peut être
renouvelé une fois pour la même période si les besoins de l'examen de la réclamation le
nécessitent, le chef d’établissement en étant informé par lettre recommandée avec avis de
réception (1396). À l’expiration du délai de réponse, la non communication de la décision
du DIRECCTE vaut acceptation du recours (1397).

Quant à la décision du directeur régional, elle est susceptible de recours contentieux


devant les juridictions administratives pour faire annuler la mise en demeure. Ce recours
n’a pas d’effet suspensif, son délai est de deux mois à compter de la notification de la
décision administrative ou de la réponse du recours hiérarchique.

1393
Circulaire DRT n° 90-16 du 27 juillet 1990, Bulletin officiel du ministère chargé du travail, n° 90/22 p.
37-55.
1394
CE., 13 novembre 2002, Société Socopar, n° 232265, Mentionné dans les tables du recueil Lebon.
1395
Article R. 4723-1 du Code du travail français. Cette réclamation devant le DIRECCTE revêt un intérêt
évident pour l’employeur, puisqu'elle suspend les délais d'exécution prévus par la mise en demeure jusqu'à
ce que ce premier ait statué.
1396
Article R. 4723-3 du Code du travail français.
1397
Article R. 4723-4 du Code du travail français.

332
Le droit marocain se distingue peu, ici encore, du droit français, dans la mesure où
l’employeur qui entend contester la mise en demeure de l’inspecteur du travail dispose de
la possibilité de faire une réclamation adressée à l’autorité gouvernementale chargée du
travail avant l’expiration du délai imparti, si le délai de mise en demeure est inférieur à
quinze jours, et au plus tard dans les quinze jours qui suivent la réception de celle-ci
(1398). La réclamation produit un effet suspensif concernant l’établissement du procès-
verbal d’infractions.

La décision prise par le ministre concernant la suite réservée à la réclamation est


ensuite notifiée à l’intéressé dans les formes administratives et l’inspecteur en est informé
de sa teneur. La suite peut consister en l’annulation de la mise en demeure ou son
maintien. Si la décision est défavorable à l’employeur, il peut saisir la juridiction
administrative.

Toutefois, la mise en œuvre de la procédure de mise en demeure a l’inconvénient de


n’avoir aucun effet immédiat. La loi est venue donc compléter ce dispositif par la
possibilité donnée à l’inspecteur du travail (1399) de saisir le juge des référés pour obtenir
que soient ordonnées rapidement des mesures de nature à faire cesser le risque et qui
s’imposent à l’employeur. Cette possibilité est cependant très encadrée en droit marocain
(1400) et ne peut être mise en œuvre que dans le cas de violation des dispositions relatives
à l’hygiène et à la sécurité du travail, mettant en danger imminent la santé ou la sécurité
des salariés, et après mise en demeure de l’employeur de remédier à la situation
immédiatement (1401).

C) La voie civile : le recours à la procédure de référé

En France, Le Président du Tribunal de grande instance peut ordonner en référé


toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie

1398
Article 541 du Code du travail marocain.
1399
Le pouvoir de saisine du juge des référés est réservé par les différents textes du Code du travail à
l'inspecteur du travail.
1400
Article 543 du Code du travail marocain.
1401
Procédure traitée plus haut dans la thèse.

333
l’existence d’un différend (1402). Par cette procédure, le recours au juge des référés
consiste à faire cesser un risque sérieux et solliciter rapidement des mesures concrètes.

Les dispositions législatives, en matière du code du travail, autorisant l’inspecteur du


travail (1403) à saisir le juge des référés en cas d’inobservation de la réglementation par
l’employeur sont dans certains cas distincts, au nombre de quatre (1404). Il s’agit de la
santé et sécurité, le repos dominical, le travail temporaire et les accidents du travail (1405).

L’inspecteur du travail est habilité à saisir le juge des référés lorsqu’il constate un
risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur en matière d’hygiène et de
sécurité ou pour les opérations de bâtiment ou de génie civil (1406). Le code du travail
(1407) dispose qu’ «Indépendamment de la mise en œuvre des dispositions de l'article L.
4721-5, l'inspecteur du travail saisit le juge des référés pour voir ordonner toutes
mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation,
la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un
risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation
des dispositions suivantes…Le juge peut également ordonner la fermeture temporaire
d'un atelier ou chantier. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui est liquidée au
profit du Trésor » (1408).

1402
Article 808 du Code de procédure civile français.
1403
Dans le cadre du droit d’alerte, le travailleur ainsi que le représentant du personnel au comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail peuvent demander l’inspecteur du travail qui peut, dans le cadre de
ses prérogatives, déclencher la procédure de référé. Articles L. 4131-1 et L. 4131-2 du Code du travail
français.
1404
AUVERGNON Philippe, Étude sur les sanctions et mesures correctives de l’inspection du travail : le
cas de la France, BIT, Document de travail n° 15, avril 2011, p. 6.
1405
La Cour de cassation a apporté une précision importante relative au recours par l’inspecteur au juge des
référés. Elle a en effet décidé que, lorsque les faits qui conduisent l'agent de l'inspection du travail à saisir le
juge des référés sont également constitutifs d'une infraction pénale, l'établissement d'un procès-verbal
d'infractions n'est pas un préalable indispensable à l'engagement de la procédure de référé, V, Cass.soc.,
10 mars 2010, n° 08-17.044, Bull. civ., V, n° 64.
1406
Article L. 4732-2 du Code du travail français.
1407
Article L. 4732-1 du Code du travail français.
1408
Cass.soc., 20 novembre 2013, n° 12-14.658 (Légifrance) : la présence d’amiante friable justifie le retrait
immédiat des salariés. Ce retrait peut être décidé par le juge des référés, à l’initiative de l’inspecteur du
travail, dans l’attente d’un désamiantage : « En application des dispositions de l'article L.4732-1 du code du
travail, le juge des référés peut, à la demande de l'inspecteur du travail, ordonner toutes mesures propres à
faire cesser un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation

334
Cette procédure (1409) envisage de faire cesser un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité
physique du travailleur (1410, sans que se soit exigé un danger grave ou imminent pour la
santé et la sécurité des travailleurs (1411). Le risque sérieux peut résulter de l’inobservation
d’une disposition impérative touchant la santé ou la sécurité (1412). Dans le cas du
bâtiment et des travaux publics, l’inspecteur du travail doit constater et prouver qu’il
existe un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un intervenant sur le chantier,
résulte, lors de la réalisation des travaux, ou peut résulter, lors de travaux ultérieurs, de
l'inobservation des dispositions incombant au maître d'ouvrage. Cette procédure de référé
présente l’inconvénient de complexifier l’action de l’inspecteur et reste en effet
relativement lourde à mettre en œuvre.

Matériellement, l'inspecteur du travail saisit le juge des référés pour voir ordonner
toutes mesures propres à faire cesser ou à prévenir ce risque et notamment la mise en
œuvre effective d'une coordination en matière de sécurité et de santé sur le chantier ou la
détermination de délais de préparation et d'exécution des travaux compatibles avec la
prévention des risques professionnels. Il peut également provoquer la réunion des maîtres
d'ouvrage intéressés et la rédaction en commun d'un plan général de coordination,

par l'employeur des dispositions du code du travail. À ce titre, la présence de fibres d'amiante dans l'atelier
de l’établissement peut justifier le retrait immédiat des salariés, retrait décidé par le juge des référés, à
l’initiative de l’inspecteur du travail. De ce fait, le retour des salariés dans l'atelier concerné ne pourra se
faire qu'à l'issue des opérations de décontamination des zones et surfaces polluées ».
1409
L’inspection du travail avait réalisé durant l’année 2013, 63 procédures de référé, V, Ministère du
travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, DGT, L’inspection du travail en
France en 2013, Bilans et rapports, janvier 2015, p. 6.
1410
CA Caen, 1ère Ch. civ., 2 octobre 2012, n° 12/00595, DIRECCTE Basse-Normandie c/ SAS Adrexo,
cité par RICHEVAUX Marc, « Température insuffisante dans les locaux de travail et référés hygiène et
sécurité de l’inspecteur du travail », Gaz. Pal., n° 334 du 29 novembre 2012, p. 10.
1411
L’ article 13 de la Convention n° 81 de l’OIT prévoit que : « Les inspecteurs du travail seront autorisés
à provoquer des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un
aménagement ou des méthodes de travail qu'ils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme
une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs… les inspecteurs auront le droit d’ordonner ou de
faire ordonner que des mesures immédiatement exécutoires soient prises dans les cas de danger imminent
pour la santé et la sécurité des travailleurs ».
1412
Équipe de rédaction, « Obligation de sécurité, CHSCT., conditions de travail, prévention des risques,
contrôles, sanctions », t. 1, partie 3, organismes ou services extérieurs à l’entreprise, Lamy hygiène et
sécurité, juin 2007, p. 320.

335
ordonner la fermeture temporaire d'un atelier ou chantier, ou assortir sa décision d'une
astreinte liquidée au profit du Trésor (1413).

En matière de repos hebdomadaire dominical, l’inspecteur du travail peut saisir en


référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les
établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi
illicite (1414) de salariés en infraction aux dispositions relatives au repos dominical (1415).
Le juge des référés peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des
établissements concernés (1416). Il peut assortir sa décision d'une astreinte (1417) liquidée
au profit du Trésor (1418).

1413
Article L. 4732-2 du Code du travail français. V, Cass. soc., 1er juin 2005, n° 03-18.897, Bull. civ., V, n°
188 : L'instance en liquidation de l'astreinte n'étant que la suite de celle ayant conduit à son prononcé,
l'inspecteur du travail à qui la loi donne qualité pour demander en référé, en vue de la garantie du repos
dominical, une mesure que le juge peut assortir d'une astreinte au profit du Trésor, a qualité pour demander
la liquidation de l'astreinte prononcée.
1414
Cass.soc., 19 mars 2014, n° 12-28.411, Bull. civ., V, n° 80 : « Le principe selon lequel nul ne peut se
constituer un titre à lui-même n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques. Il appartient à
l'inspecteur du travail, qui saisit en référé le président du tribunal de grande instance, afin qu'il prenne
toutes mesures propres à faire cesser le travail illicite du dimanche de salariés d'établissements de vente au
détail et de prestations de services au consommateur, d'établir par tous moyens, et en usant des pouvoirs
qu'il tient des articles L. 8113-1, L. 8113-2 et L. 8113-4 du code du travail, l'emploi illicite qu'il entend
faire cesser et dont il atteste dans le cadre de l'assignation ».
1415
Cass.soc., 6 avril 2011, n° 09-68.413, Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation
professionnelle et a. c/ Sté Tolodis, Bull. civ., V, n° 93. V, aussi Article L. 3132-31 du Code du travail
français. Sur ce point, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a modifié l’article L. 3132-13 du code du travail
relatif au repos dominical : « Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être
donné le dimanche à partir de treize heures.
Les salariés âgés de moins de vingt et un ans logés chez leurs employeurs bénéficient d'un repos
compensateur, par roulement et par semaine, d'un autre après-midi.
Les autres salariés bénéficient d'un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d'une journée
entière.
Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au
premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de
certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient
d'une rémunération majorée d'au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une
durée équivalente ».
1416
La procédure de référé pouvait être engagée par l’inspecteur du travail en cas de violation par
l'employeur d'un arrêté préfectoral de fermeture imposant la fermeture des établissements le dimanche,
même s'ils bénéficient normalement d'une dérogation de droit pour faire travailler le personnel le
dimanche : Cass.soc., 6 avril 2011, n° 09-68.413, Bull. civ., V, n° 93 ; Cass.soc., 12 décembre 2012, n° 11-
13.100, Bull. civ., V, n° 330 ; Cass.soc., 13 janvier 2016, n° 14-10.023, inédit.
1417
TGI Pontoise, 6 janvier 2012, n° 11/011082, Gaz. Pal., n° 45 du 14 février 2013.
1418
Article L. 3132-31 du Code du travail français. V, Cass.soc., 1er juin 2005, n° 03-18.897, JCP. S., 2005,
1097, obs. Bernard GAURIAU.

336
Le code du travail (1419) autorise aussi l’inspecteur du travail, après avoir adressé une
mise en demeure, préalable à la saisine du juge des référés (1420), restée sans suite, à saisir
ce dernier pour la fermeture provisoire de l’entreprise de travail temporaire lorsqu’un
entrepreneur de travail temporaire exerce son activité sans avoir accompli les déclarations
préalables auprès de l’autorité administrative (1421) ou sans avoir obtenu la garantie
financière (1422) prévue à l’article L. 1251-49 et qu’il en résulte un risque sérieux de
préjudice pour le salarié temporaire. Lorsque ces mesures entraînent le licenciement du
personnel permanent, celui-ci a droit aux indemnités prévues aux articles L. 1235-2, L.
1235-3 ou L. 1235-5.

À la différence de la procédure du droit français, le droit marocain adopte une autre


démarche consistant à ordonner la fermeture de l’agence de recrutement privé, par la
juridiction compétente, sur la base d’un procès-verbal rédigé par l’inspecteur du travail
(1423) constatant les manquements de l’agence de prendre les mesures nécessaires pour se
conformer aux dispositions du Code du travail (1424).

L’article L. 4741-11 du code du travail prévoit que lorsqu’un accident du travail


survient dans une entreprise où ont été relevés des manquements graves ou répétés aux
règles de santé et sécurité au travail la juridiction saisie…, fait obligation à l'entreprise de
prendre toutes mesures pour rétablir des conditions normales de santé et sécurité au
travail, et lui enjoint de présenter, dans un délai qu'elle fixe, un plan de réalisation de ces
mesures... Le contrôle de l'exécution des mesures prescrites est exercé par l'inspecteur du
travail. S'il y a lieu, celui-ci saisit le juge des référés, qui peut ordonner la fermeture totale
ou partielle de l'établissement pendant le temps nécessaire pour assurer cette exécution.

1419
Article L. 1251-47 du Code du travail français.
1420
MICHEL Jean, Les sanctions civiles, pénales et administratives en droit du travail, t. 1, ouvr.cité, p. 41.
1421
Article L. 1251-45 du Code du travail français.
1422
Garantie financière destinée à garantir les salaires et charges sociales.
1423
Article 506 al. 2 du Code du travail marocain.
1424
Il y a lieu de signaler que les agences d’emploi privées n’étaient pas réglementées avant l’adoption
du Code du travail, alors que le Maroc avait ratifié la Convention n° 181 de l’OIT le 10 mai 1999. Selon le
ministère de l’emploi, 55 agences de recrutement sont autorisées à exercer au Maroc au 26 janvier 2016. V,
http://www.emploi.gov.ma/index.php/fr/emploi/liste-des-agences-autorisees.html.

337
Malheureusement, la procédure de référé n’a pas eu le succès que l’on espérait. En
2013, 63 procédures de référés ont été engagées par l’inspection du travail pour 31 en
2012 (1425). Ce qui représente peu par rapport au nombre d’accidents du travail et de
procès-verbaux (1426) dressés. Devant ces bilans mitigés et le faible usage par les salariés
de leur droit de retrait, les inspecteurs du travail se sont vus reconnaitre le droit
d’initiative (1427) par des mesures coercitives extrêmes en vue de faire cesser une situation
dangereuse.

D) La décision d’arrêt de travaux ou d’activité

Sur un chantier du bâtiment et des travaux publics (1428), l'inspecteur du travail peut
prendre toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement un salarié qui ne s'est pas
retiré d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, pour les risques
de chutes de hauteur, d'ensevelissement, ou l’absence de protection de nature à éviter les
risques liés aux opérations de confinement et de retrait de l'amiante (1429).

Cette procédure est conçue comme un moyen pour l’inspecteur du travail de se


« substituer au travailleur qui n’exerce pas le droit de retrait dans une situation de danger
constatée » (1430). Il s’agit d’une décision administrative (1431), rédigée manuellement sur
le chantier par l’inspecteur du travail qui a constaté le risque (1432). L'inspecteur du travail

1425
Ministère du travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, DGT,
L’inspection du travail en France en 2013, ouvr.cité, p. 8.
1426
En 2013, 6374 procès-verbaux ont été dressés. Ibid, p. 6.
1427
COLOMBIES Catherine, L’inspection du travail et l’action pénale, Mém. DEA de droit, Toulouse 1,
2003, p. 59.
1428
Dans le secteur de la construction, plus précisément, les sous-secteurs de «travaux de charpente» et
«travaux de couverture par éléments», présentent un risque d’accident du travail particulièrement élevé,
supérieur à 75 accidents par million d’heures rémunérées. In, INAN Ceren, « Les accidents du travail entre
2005 et 2010 : une fréquence en baisse », Dares Analyses., n° 010, février 2014, p. 6.
1429
Article L. 4731-1 du Code du travail français.
1430
Ministère du travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, DGT,
L’inspection du travail en France en 2013, ouvr.cité, p. 106.
1431
Aux termes de l’article L. 4731-5 du code du travail, cette sanction administrative ne peut entraîner ni
rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice financier pour les salariés.
1432
LE CORRE Gérald, « Une catastrophe de type AZF Toulouse est encore possible », Dr. Ouvrier., n°
799, février 2015, p. 102.

338
vérifie d'urgence, et au plus tard dans un délai de deux jours à compter de la date de
remise ou de réception de la lettre de l'employeur ou de son représentant, le caractère
approprié des mesures prises pour faire cesser la cause de danger grave et imminent (1433).
Si L'employeur conteste la réalité du danger ou les moyens préconisés pour y mettre fin,
comme l'ensemble des décisions jalonnant la procédure d'arrêt d'activité et les décisions
de refus de reprise, il a la possibilité de saisir le Président du tribunal de grande instance
afin qu’il statue en référé (1434). Cette voie de recours spécifique innove en « renversant la
saisine juridique » (1435), dès lors que la décision d’arrêt des travaux s’impose sauf
contestation devant le Président du TGI, alors même que la décision de l’inspecteur du
travail constitue une décision administrative.

Quant à l’arrêt d’activité pour les risques de dépassement de la valeur limite de


concentration d'une substance chimique cancérogène, mutagène ou toxique (1436) pour la
reproduction, même après une mise en demeure, l'inspecteur du travail peut ordonner
l'arrêt temporaire de l'activité concernée (1437). Il vérifie, au plus tard dans un délai de huit
jours le caractère approprié des mesures prises par ce dernier pour faire cesser la situation
dangereuse (1438).

Aussi, en cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale


de l'apprenti (1439), l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose

1433
Article R. 4731-5 du Code du travail français.
1434
Article R. 4731-8 du Code du travail français.
1435
PRÉVOSTEAU Pierre, Conceptions et mutations de l’inspection du travail, Th. citée, p. 225.
1436
L’article R. 4412-149 du code du travail fixe les valeurs limites d’exposition à ces produits.
1437
Article L. 4731-2 du Code du travail français.
1438
Article R. 4731-12 du Code du travail français. En 2013 ont été notifiés, hors observations, plus de
5200 actes visant en urgence une situation de danger pour la santé et/ou la sécurité d’un ou plusieurs
travailleurs, dont 2160 arrêts de travaux pour risque de chute, 60 pour risque d’ensevelissement, 36 pour
risque chimique, plus de 3000 mises en demeure (sur plus de 5000 notifiées au total) et une trentaine de
référés ». In, Ministère du travail, L’inspection du travail en France en 2013, ouvr.cité, p. 107.
1439
CAA Nantes, ch. 3, 3 juin 2010, n° 09NT01706, Sté. Mod Express c/ Min. économie, industrie et
emploi, (Légifrance) : « les conditions de travail difficiles engendrées, notamment, par l'absence de respect
par le gérant des règles en matière de durée de travail, de paiement et de versement de salaires, d'adhésion à
un service de santé au travail, de tutorat et de définition de la nature des tâches des apprenties, conditions
aggravées par des relations irrespectueuses ou agressives, étaient de nature à porter gravement atteinte à la
santé morale et physique de l'apprentie, au sens des dispositions susvisées de l'article L. 6223-1 du Code du
travail et que la matérialité des faits n'était pas sérieusement contestée, l'administration n'a pas fait une
inexacte application des dispositions du Code du travail ».

339
au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et
de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage (1440). Il en informe sans délai
l’employeur et adresse cette proposition au DIRECCTE qui se prononce sans délai et, le
cas échéant, dès la fin de l’enquête contradictoire (1441). Après enquête, dans un délai de
quinze jours qui suit le constat de l'inspecteur du travail, le directeur départemental se
prononce sur la reprise de l’exécution du contrat d’apprentissage (1442), ainsi que sur la
possibilité pour l'entreprise de recruter des apprentis ou des jeunes en insertion ou en
alternance (1443).

Au Maroc, ces mesures pratiquées en droit français, relèvent largement de l’ordre des
récits fictifs. À ce propos, dans certains métiers à risque surtout le secteur du bâtiment et
de construction où se produit un taux anormalement élevé d’accidents de travail (1444),
l’ouvrier est embauché en qualité d’indépendant bien que le législateur marocain ne
donne aucune définition du travail indépendant. Seule la Direction des statistiques avait
proposé la définition suivante « l’indépendant est toute personne active occupée
travaillant pour son propre compte, et n’employant aucun salarié d’une façon
permanente » (1445).

Cette pratique appelée notamment le « tâcheronnat » est très répandue au pays et


consiste à faire appel à une main d’œuvre que le tâcheron recrute et rémunère lui-même à
la tâche ou à la durée. Cette main d’œuvre supporte seule les risques du métier. Ce
système est informel et n’est assujetti à aucune réglementation ni à aucun régime
juridique propre (1446) à l’exception d’une infime minorité travaillant dans des entreprises

1440
Article L. 6225-4 du Code du travail français.
1441
Article R. 6225-9 du Code du travail français.
1442
Article L. 6225-5 du Code du travail français.
1443
Article L. 6225-6 du Code du travail français.
1444
Chaque année, sont enregistrés 60000 accidents du travail et 2000 décès dans le secteur du bâtiment. La
cause principale en est la chute de hauteur, l’utilisation d’engins et la manutention. In EL ARIF Hassan,
« Sécurité sur les chantiers : le prix des négligences », L’Economiste., 10 juin 2013, édition électronique.
1445
KORRI YOUSSOUFI Mohamed, La protection des travailleurs dans le cadre de la relation du travail
au Maroc, Étude menée dans le cadre d’une série d’études sur la protection des travailleurs réalisée par des
experts auprès de l’OIT de 29 pays dont le Maroc en 1999, p. 43, cité par SBIA Rachid, L’identification du
contrat de travail en droit marocain, Th.citée, p. 52.
1446
Pour expliquer ce point, un aperçu général sur les formes du travail indépendant dans le contexte
marocain révèle qu’il existe de multiples modes de ce travail. Il y a d’abord le travail indépendant dit

340
de construction structurées et assujetties au droit social. Ce qui signifie que même en cas
de chute ou d’accident du travail, les ouvriers ne bénéficient d’aucune protection.
L’exemple du puisatier (1447) en est une illustration à cet égard.

En effet, s’il est interdit au juge de statuer par une décision de principe reconnaissant
à l’ensemble d’une profession le caractère a priori d’une activité salariée ou non, ce n’est
pas le cas au Maroc où l’on constate que les juges se sont totalement appropriés la
jurisprudence du puisatier travailleur indépendant, jusqu’à prendre leurs décisions sur le
fondement de décisions similaires. Comme en droit français, le bénéfice de la législation
protectrice est subordonné à une analyse préalable au cas par cas des circonstances de fait
par les juges du fond, où aucun élément en tant que tel n’est en lui-même concluant.

C’est sous cet angle que nous avons précisé la divergence de conception existant
entre les droits français et marocain quant aux moyens juridiques dont dispose
l’inspecteur du travail pour constater les infractions. Ces procédures spécifiques au droit
français viennent utilement renforcer l’action pénale des agents de contrôle vu leur
caractère moins contraignant et permettant une application modulée de la réglementation.
Mais elles demeurent exceptionnelles au regard de leur faible utilisation ( 1448) en
comparaison des procès-verbaux d’infractions.

réglementé, qui ne bénéficie d’aucun régime de couverture sociale. Il est propre aux professions libérales
(les médecins, les avocats, les notaires…). Il y a ensuite le travail indépendant du commerce et de
l’industrie tel que les artisans, les petits commerçants, les chauffeurs de taxis, les pêcheurs ainsi que les
travailleurs des exploitations agricoles. Ces derniers représentent 40% des travailleurs indépendants soit
plus d’un million au total ; toutes ces catégories de travailleurs ne bénéficient, non plus, d’aucune
couverture sociale.
1447
Le métier du puisatier au Maroc consiste à creuser, à nettoyer ou à approfondir un puits. Le puisatier
travaille d’une manière traditionnelle manuellement à l’aide de pioches et de quelques matériaux. Il est
engagé moyennant une rémunération, il organise son travail seul sous sa responsabilité.
1448
Dans sa thèse relative à l’effectivité du droit, M. Leroy expose une idée conduisant à établir un lien
entre le développement de certaines pratiques liées à la constatation des infractions lors des visites de
contrôle en entreprise, effectuées par les inspecteurs du travail et l’ineffectivité du droit du travail. Leroy
Yann, L’effectivité du droit au travers d’un questionnement en droit du travail, Th. Nancy 2, 2008, p. 47.

341
§ 2. La constatation des infractions par procès-verbal et la transmission au
parquet

Dans l’exercice de ses prérogatives de veiller à l’application des dispositions du code


du travail et des autres dispositions légales et conventionnelles en matière du travail (1449),
l’inspecteur du travail dispose d’un pouvoir de constatation des infractions par des
procès-verbaux (1450) ainsi que celui de les transmettre au parquet.

A) Le relevé d’infraction par procès-verbal : une attitude répressive

L’inspecteur du travail dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour dresser un


procès-verbal (1451). Ce qui signifie qu’il est d’abord libre des suites données à ses
constatations (1452). Ce principe ne signifie pas la liberté de faire ou de ne pas faire mais
face aux infractions constatées, l’inspecteur du travail ne peut s’abstenir d’agir et il n’a
que le choix de ses modalités d’action (1453). Cette règle a été rappelée par le Conseil
constitutionnel français « l'indépendance de l'inspection du travail doit être rangée au
nombre des principes fondamentaux du droit du travail au sens de l'article 34 de la
Constitution » (1454).

En effet, la Convention n° 81 de l’OIT confirme cette idée. Dans son article 17, elle
prévoit « qu’il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des
avertissements ou des conseils au lieu de recommander des poursuites ». Le Conseil
d’État français avait affirmé notamment : « …Que ni la législation nationale, ni la
Convention internationale n° 81 concernant l'inspection du travail ne limitent les

1449
Articles L. 8112-1 du Code du travail français et 530 et 128 du Code du travail marocain.
1450
Articles L. 8113-7 du Code du travail français et 539 du Code du travail marocain.
1451
La formule de l’article 539 du Code du travail marocain qui dispose que « les agents chargés de
l’inspection du travail constatent par des procès-verbaux… », utilise un style indicatif qui ne donne pas un
caractère obligatoire.
1452
Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, DGT, Principes
de déontologie pour l’inspection du travail, février 2010, p.17.
1453
Ibid, p. 22.
1454
Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007
relative au code du travail (partie législative), JORF n° 0018 du 22 janvier 2008, p. 1131.

342
attributions des inspecteurs du travail à la tâche exclusive du contrôle de la législation et
de la réglementation du travail dans les entreprises » (1455).

Dans les systèmes français et marocain, le code du travail reconnait aux inspecteurs le
pouvoir de constater et de verbaliser les infractions. L’importance du procès-verbal en
tant qu’instrument à disposition de l’inspecteur du travail doit permettre d’une part,
d’obtenir le respect du droit qui est le caractère essentiel de la mission éducative de
l’inspecteur du travail (1456), et d’autre part, permettre la sanction des infractions les plus
graves (1457) qui, dans certaines circonstances, doit être envisagée systématiquement
(1458). Le pouvoir de sanction « est consubstantiel à l’action de l’inspection du travail »
(1459), même si ce n’est pas «tant la sanction qui importe, mais davantage le
rétablissement de l’ordre social qui avait été perturbé » (1460).

Il est également précisé dans ce texte que les inspecteurs du travail, les contrôleurs du
travail (1461) et, disposition spécifique au droit français, les fonctionnaires de contrôle
assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux (1462) qui font foi jusqu’à
preuve du contraire (1463). Ce qui signifie que « les constatations forment la preuve légale

1455
CE., 3 juillet 1981, n° 10858 10899, Lebon., 1981, p. 301.
1456
MORSA Marc, Infractions et sanctions en droit social, éd. Larcier, 2013, p. 92.
1457
Instruction DGT n° 11-2012, p. 1.
1458
Ibid,p. 1.
1459
BESSIÈRE Jean, « L’inspection du travail, entre stabilité et évolution », in WAQUET Philippe (dir.),
13 Paradoxes en droit du travail, éd. Lamy, 2012, p. 41.
1460
DE RUE Maïté, « La flexibilité des sanctions en droit pénal social », in KAMINSKI Dan (dir.), La
flexibilité des sanctions : XXIes journées juridiques Jean DABIN, éd. Bruylant, 2012, p. 344.

1461
Cass.crim., 13 novembre 1990, Charpin : « Selon les dispositions de l’article L. 611-12 du code du
travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juillet 1989, les contrôleurs du travail ont qualité pour
constater et relever les infractions ; que ce pouvoir implique celui de rédiger les procès-verbaux relatant
leurs constatations ». In LAZERGES Christine, « Procès-verbaux. Compétence des contrôleurs du travail.
Travaux de nuit, articles L. 611-10 et L. 611-12 du code du travail », RSC., 1991, p. 597.

1462
L’inspection du travail en France avait réalisé, pour l’année 2013, 294 000 interventions et avait dressé
5382 procès-verbaux. Au Maroc, les inspecteurs du travail avaient réalisé 31818 visites en 2014 et rédigé
248 procès-verbaux. Exposé du résultat social du 1er mai 2015, Ministère de l’emploi et des affaires
sociales.
1463
Articles L. 8113-7 du Code du travail français et 539 du code du travail marocain.

343
de l’infraction » (1464) et qu’ « un simple doute manifesté par le juge sur la réalité des
infractions ne saurait constituer la preuve contraire des faits établis» (1465). L’inspecteur
du travail est « tenu de rapporter ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement, le
procès-verbal a pour le surplus valeur de simples renseignements » (1466).

1) Validité du procès-verbal : absence de forme particulière à respecter

Dans les deux pays, aucune forme particulière n’est imposée pour la rédaction du
procès-verbal (1467). Sur ce point, l’instruction DGT n°11 du 12 septembre 2012 fixe des
modalités particulières du constat de l’infraction, de sa qualification ainsi que la
rédaction, la transmission et la conservation du procès-verbal. Elle vise aussi à renforcer
l’action pénale et à faciliter la rédaction des procès-verbaux afin de garantir l’efficacité
des contrôles et d’assurer l’effectivité du droit. L’instruction ministérielle ( 1468) précise
aussi les modalités de rédaction puisque la « qualité rédactionnelle du procès-verbal
constitue par ailleurs une variable forte de l’avenir du procès-verbal » (1469), de
transmission et de conservation du procès-verbal.

Le code du travail (1470) prescrit à l’inspecteur du travail la transmission des procès-


verbaux en double exemplaire, l’un au procureur de la République et l’autre au
représentant de l’État dans le département (1471). Le droit marocain prévoit ici trois
exemplaires, dont un est adressé directement à la juridiction compétente par le directeur
provincial chargé du travail, un autre à la direction du travail de l’administration centrale
et le troisième est conservé dans le dossier réservé à l’établissement (1472).

1464
AUVERGNON Philippe et LAVIOLETTE Sandrine, Le respect du droit du travail : entre politique de
contrôle et politique pénale, Rapport DRTEFP, 2004, p. 14.
1465
Ibid.
1466
Cass.crim., 4 avril 1991, n° 90-82.040, Lamy social., 2013, n° 5336.
1467
Cass.crim. 2 octobre 1987, n° 86-95.640, Bull. crim., V, n° 332.
1468
Instruction DGT n° 11 du 12 septembre 2012 sur les procès-verbaux de l’inspection du travail.
1469
AUVERGNON Philipe, Étude sur les sanctions et mesures correctives de l’inspection du travail : le cas
de la France, ouvr.cité, p. 14
1470
Article L. 8113-7 du Code du travail français.
1471
Ibid.
1472
Article 539 du Code du travail marocain.

344
Il n’est pas prévu qu’un autre exemplaire de procès- verbal soit remis à l’employeur.
Toutefois, le législateur français (1473) a indiqué qu’ « avant la transmission au procureur
de la république, l’agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits
susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues ».

L’obligation d’information, le contrevenant, s’impose quelle que soit l’infraction


constatée. Cependant, il ne s’agit pas d’une reprise des constats figurant dans le procès-
verbal (1474), mais qu’un procès-verbal lui a été dressé en indiquant les sanctions
encourues (1475) sans aucune autre précision. Notons que le code du travail (1476) a
supprimé l’obligation de communication du procès-verbal lorsqu’il s’agit d’infraction à la
durée du travail. Cette obligation d’information de l’employeur reste méconnue par le
droit marocain.

2) Le procès-verbal : un enjeu procédural important

Le procès- verbal constitue, pour l’inspecteur du travail, un outil essentiel d’action


1477
( ). Le code du travail assigne à l’inspecteur du travail un rôle quant à la constatation
de l’infraction en matière pénale proche de celui exercé par la police judiciaire, sauf que
certaines prérogatives ou dérogations reconnues à cette dernière « en raison de la
spécificité des investigations menées en droit pénal du travail » (1478) ne sont pas
applicables à l’inspecteur du travail. C’est le cas de l’obligation de transmission des
procès-verbaux au procureur de la république.

À ce titre, le procès-verbal de l’inspecteur du travail doit être distingué de celui de la


police judiciaire, puisque « les inspecteurs du travail, pour les constatations des
infractions et l’établissement des procès-verbaux, sont soumis à une procédure autonome

1473
Article L. 8113-7 al.2 du Code du travail français.
1474
RAMACKERS Paul, KAPP Thomas et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p. 450.
1475
Ibid.
1476
L’article L.8113-7 du Code du travail français dans sa nouvelle version.
1477
Instruction DGT n° 11 du 12 septembre 2012 sur les procès-verbaux de l’inspection du travail, p. 1.
1478
BOUCHARD Valérie, « Des pouvoirs de police judiciaire de l’inspecteur du travail », art.cité, p. 275.

345
tout à fait distincte des règles du code de procédure pénale » (1479) et « que la nullité de
la procédure initiale n'entache nullement celle de l'inspection du travail, en l'absence de
prescriptions légales spéciales définissant les modalités d'action de cette administration »
(1480).

Il faut dire par ailleurs que « le procès-verbal ne constitue pas une décision
administrative, il est un acte de poursuite établi dans le cadre des règles de procédure
pénale et de droit international Convention n° 81 de l’OIT » (1481). Pourtant, le refus de
dresser un procès-verbal ou d’engager des poursuites pénales constitue une décision
administrative unilatérale susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le tribunal
administratif. Ainsi, dans l’arrêt Gaillard Bans (1482), le Conseil d’État a jugé que l’agent
de contrôle, en refusant de dresser un procès-verbal, n’avait pas commis une erreur
manifeste d’appréciation dès lors que la requérante (déléguée du personnel) «n’a apporté
aucune précision sur l’ampleur et la gravité des manquements qu’elle entendait dénoncer
et dont la réalité ne ressort d’aucune autre pièce du dossier ».

Sur ce point, le droit marocain garde le silence. Seul le guide de méthodologie des
visites d’inspection explique que « si le non-établissement des procès-verbaux par l’agent
chargé de l’inspection du travail n’est pas sanctionné, un non établissement systématique
de ces procès-verbaux peut être interprété comme une négligence ou une renonciation à
l’utilisation des procès-verbaux d’infractions en tant que procédé d’effectivité du droit »
(1483).

1479
Cass.crim., 29 octobre 1991, n° 90-80968, (Légifrance).
1480
Ibid.
1481
KAPP Thomas, RAMACKERS Paul et TERRIER Jean-Pierre, Le système d’inspection du travail en
France, ouvr.cité, p. 435.
1482
CE., 3 octobre 1997, n° 161520, Gaillard Bans, Lebon., V, n° 420, p. 332.
1483
Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, BIT/USDOL et INTEFP, Guide de
méthodologie des visites d’inspection, op.cit, p. 78. Cette situation rappelle celle d’un inspecteur du travail
(M. Elkebir.-J) convoqué par la police le 11 mars 2013 suite à une plainte déposée contre lui par son
supérieur hiérarchique, lui reprochant de refuser de dresser des procès-verbaux et de les signer. D’ailleurs,
un autre inspecteur (Ismail A.-T) a été déféré, en 2013, devant le conseil de discipline du ministère de
l’emploi, pour des faits similaires, suite à un courrier adressé par le délégué provincial au ministère de
tutelle.

346
Le procès-verbal d’une infraction à la réglementation du travail établi par l’inspecteur
du travail fait foi jusqu’à preuve du contraire (1484). Il n’a de valeur probante que s’il est
régulier en la forme (1485) et comporte des faits précis qui caractérisent l’infraction (1486).
Il constitue la preuve de cette infraction. Son simple constat suffit à établir la réalité des
faits tant que l’employeur n’en apporte pas la preuve contraire (1487). Cette force probante
ne joue toutefois que pour les constats opérés personnellement par l’inspecteur lui-même,
mais en aucun cas pour déductions qu’il en a tirées (1488), ni à la qualification juridique
qu’il donne aux faits qui ne valent qu’à titre de renseignements (1489) laissés à
l’appréciation des juges du fond (1490). Par ailleurs, l’inspecteur du travail peut se référer à
d’autres services (1491) « à condition que les éléments pertinents du procès-verbal soient
corroborés par les constats recueillis personnellement par cet agent » (1492).

Au regard de la pratique, l’action pénale est considérée comme le recours ultime pour
faire respecter la législation du travail. Cette étape passée, la mise en mouvement de
l’action publique est du ressort du ministère public (1493).

B) Suites de l’intervention et mise en mouvement de l’action pénale

1484
Articles L. 8113-7 du Code du travail français et 539 du Code du travail marocain.
1485
Articles 429 du Code de procédure pénale français et 289 du Code de procédure pénale marocain.
1486
Cass.crim., 27 mai 2015, n° 14-82.126, Bull. crim., V, n° 123.
1487
Cass.crim., 28 mai 1991, no 90-82.359, Bull. crim., V, no 227 : Les simples allégations ou dénégations
de l'employeur ne constituent pas la preuve contraire.
1488
Cass.crim., 28 avril 1975, Bull. crim., V, n° 111 ; Cass.crim., 3 juin 1986, n° 85-93.994, JCP. E., 1987,
I, 16746, p. 370.
1489
Articles 291 du Code de procédure pénale marocain et 430 du Code de procédure pénale français.
1490
Bouchard Valérie, « Des pouvoirs de police judiciaire de l’inspecteur du travail », art.cité, p. 279.
1491
Article L. 8271-2 du Code du travail français relatif au contrôle du travail illégal comme exemple.
1492
Cass.crim., 26 septembre 2000, n° 99-86.454, in COMBREXELLE Jean-Denis et LAVAURE Anouk,
« Inspection du travail », Rép. trav. Dalloz., mars 2013, V, n° 240 : Un procès-verbal peut se référer, pour
le déroulement des faits, non à des constats personnels, mais au rapport de synthèse de la gendarmerie et
renvoyer, pour le fondement de l'accident, au rapport de l'expert judiciaire requis par le procureur de la
République.
1493
FROMONT Yves, Les pouvoirs de l’inspecteur du travail, Th.citée, p. 273.

347
En France, L’inspection du travail semble obéir à un régime spécifique en matière de
procès-verbaux (1494). Alors même que l’infraction relevée est un délit, les agents
d’inspection ne sont pas tenus par les dispositions de l’article 40 du Code de procédure
pénale. Ce pouvoir d’appréciation qui leur est reconnu dans la cadre de leurs fonctions de
contrôle trouve son origine dans les Conventions n° 81 et 129 de l’OIT.

Il résulte de cet article 40 al. 2 du Code de procédure pénale français que « Toute
autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses
fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans
délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les
renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Sur le fondement de cet
article, l’inspecteur du travail peut faire un signalement au procureur de la République.
Ce signalement ne s’impose que pour les crimes et délits de droit commun (1495).

La Cour de cassation française a considéré que « les renseignements fournis au


parquet faisant présumer l’existence d’une infraction ne sont astreints à aucune condition
de forme » (1496), et que « la dénonciation de faits criminels ou délictuels au procureur de
la République, telle que visée à l'article 40 du Code de procédure pénale n'est soumise à
aucune forme particulière et que, de surcroît, les termes de l'article 40 du Code de
procédure pénale font l'objet d'une interprétation extrêmement large » (1497).

Contrairement au procès-verbal (1498), le procureur de la République avise les


personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des décisions qui
ont été prises suite à leur plainte ou à leur signalement (1499).

1494
SILHOL Bruno, « L’inspection du travail et le choix de l’action pénale », D.S., n° 11, 2000, p. 960.
1495
D’après le professeur Auvergnon, la règle de l’article 40 du Code de procédure pénale pourrait recevoir
application pour les inspecteurs du travail, lorsque, dans l’exercice de leur contrôle, ils ont connaissance
d’une infraction qui ne relève de la compétence qui leur est dévolus par les articles L. 8112-1 et L. 8112-2
du code du travail, et qu’ils ne peuvent de ce fait relever par procès-verbal. In AUVERGNON Philippe,
tude sur les sanctions et mesures correctives de l’inspection du travail : le cas de la France, ouvr.cité, p.
15.
1496
Cass.crim., 28 janvier 1992, n° 90-84940/ 90-84941, Bull. crim., V, n° 34.
1497
Cass.crim., 14 décembre 2000, n° 00-86.595, Bull. crim., V, n° 380.
1498
AUVERGNON Philippe, tude sur les sanctions et mesures correctives de l’inspection du travail : le
cas de la France, ouvr.cité, p. 16.
1499
Article 40-2 du Code de procédure pénale français.

348
En règle générale, si l’inspecteur du travail dispose de la liberté de dresser ou non des
procès-verbaux, il ne peut décider des suites qui lui seront réservées par le parquet (1500).
Les procès-verbaux sont transmis au DIRECCTE qui effectue un examen de forme et de
légalité (1501) pour les transmettre au parquet. Le Code du travail français dans son article
R. 8122-1 dispose que « le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi est chargé des relations avec les autorités
judiciaires, sous réserve des attributions confiées par la loi aux inspecteurs du
travail… ».

1) Transmission des procès-verbaux : contrôle hiérarchique et contrôle


d’opportunité

Cette transmission du procès-verbal à l’autorité hiérarchique avait suscité plusieurs


débats, suite à l’instruction ministérielle de 1986 (1502) quant à la pratique du « filtrage »
des procès-verbaux et qui, selon certains, constitue une source d’allongement des délais
(1503) alors que « le non respect de cette formalité était sans incidence sur la régularité de
la procédure pénale » et qu’ « aucun texte de loi n’impose la transmission du procès-
verbal de l’inspecteur du travail au directeur départemental » (1504), Il s’agit d’un «
élément désormais obsolète » (1505). Mais « Si l’inspecteur du travail, dans ses relations
avec l’employeur, considère le procès-verbal comme l’acte de sanction ultime, celui-ci
n’est, pour le parquet, qu’un « acte de constat faisant foi » (1506).

Les suites réservées, par les autorités judiciaires, aux procès-verbaux dépendent de la
qualité, de la rigueur des documents communiqués (1507) ainsi que de la rapidité des

1500
AUVERGNON Philippe, ibid.
1501
Instruction DGT n° 11 du 12 septembre 2012 sur les procès-verbaux de l’inspection du travail, p. 18.
1502
Instruction ministérielle du 14 mars 1986 relative à l’établissement, la transmission et le suivi des
procès-verbaux.
1503
MICHEL Jean, Les sanctions civiles, pénales et administratives en droit du travail, ouvr.cité, p. 735.
1504
Cass.crim., 28 janvier 1997, n° 95-84.257, inédit.
1505
SILHOL Bruno, « L’inspection du travail et le choix de l’action pénale », art.cité, p. 961.
1506
DODIER Nicolas, « Les actes de l’inspection du travail en matière de sécurité : la place du droit dans la
justification des relevés d’infraction », Sciences Sociales et Santé, n° 1, vol. 6, 1988, p. 18.
1507
Ibid.

349
transmissions au parquet. Les actes de l’inspection sont soumis à un impératif de solidité
juridique, au risque d’être classés sans suite ou d’aboutir à une relaxe (1508).

L’inspecteur du travail n’a pas le pouvoir de mettre en mouvement l’action publique


(1509). Elle relève de la seule responsabilité des magistrats du parquet. C’est dans cet esprit
que la loi est venue compléter l’article 31 du Code de procédure pénale français pour
préciser que le ministère public exerce l’action publique « dans le respect du principe
d’impartialité auquel il est tenu » (1510)

C’est au parquet qu’appartient l’initiative de poursuite des procès-verbaux (1511) afin


d’exercer l’action publique (1512). Il peut engager des poursuites ou classer l’affaire sans
suite (1513). Or, c’est cet élément que déplorent les inspecteurs du travail qui explique le
fort taux de classement sans suite et le faible nombre de condamnation (1514). Ce reproche

1508
Selon M. Dodier « l’enjeu pour l’inspecteur est de deux ordres : face au parquet, il en va de la
reconnaissance de sa compétence en tant que spécialiste du droit du travail ; face aux établissements, il en
va de la crédibilité de ses actes, et donc de l’attention que lui accordent les employeurs. La solidité du
procès-verbal d’infraction à la réglementation de sécurité repose sur trois critères : une objection
convaincante des risques constatés, un rattachement juridiquement rigoureux des risques aux textes, et le
recours à des articles de poids ». In DODIER Nicolas, « Les actes de l’inspection du travail en matière de
sécurité : la place du droit dans la justification des relevés d’infraction », art.cité, p. 19.

1509
Cass. crim., 26 septembre 1995, n° 94-80.983, Bull. crim., V, n° 287 ; 5 mars 2002, n° 01-82.866,
inédit : « les agents de la direction du travail et de l’emploi n’ont pas qualité pour engager les poursuites
relatives aux infractions qu’ils sont chargés de constater ; que, dès lors, c’est à bon droit que la juridiction
de jugement a procédé en l’espèce à l’audition de l’inspecteur du travail comme témoin, serment
préalablement prêté conformément à l’article 446 du code de procédure pénale ».

1510
Circulaire du 31 janvier 2014 de présentation et d’application de la loi n°2013-669 du 25 juillet 2013
relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique
pénale et de mise en œuvre de l'action publique, Bulletin Officiel du ministère de la justice, Bulletin officiel
complémentaire du 14 février 2014, p. 1/13.

1511
Les suites judiciaires aux procès-verbaux, pour les années 2007 et 2008, font apparaître que :
39% et 33% des procédures ont fait l’objet de poursuites par décision des parquets et qu’un quart des
décisions respectivement 23% et 27% a fait l’objet de classement sans suite » les statistiques de l’année
2013 « n’ont pas encore de suite connue à la mi-2014 ; cela est dû au délai de traitement par l’autorité
judiciaire, il faut en moyenne 5 à 6 ans pour avoir connaissance de la suite réservée à une procédure ».
In Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Direction
générale du travail, « L’inspection du travail en France en 2013 », Rapport rédigé en application des articles
20 et 21 de la Convention n° 81 (industrie et commerce) des articles 26 et 27 de la convention n° 129
(agriculture) de l’article 8 de la convention n° 178 (gens de mer) de l’organisation international du travail,
publié en janvier 2015 (selon le ministère), p. 149.
1512
Articles 31 du Code de procédure pénale français et 37 du Code de procédure pénale marocain.
1513
Conformément aux articles 40 du Code de procédure pénale français et 38 du Code de procédure pénale
marocain.
1514
LEROY Yann, Th.citée, p. 36.

350
adressé au magistrat se justifie pour certains par l’absence de gravité des infractions et au
fait qu’elles ne touchent pas l’ordre public (1515).

Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des
dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont
l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République
territorialement compétent décide s'il est opportun, soit d'engager des poursuites, soit de
mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la
procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le
justifient.

En revenant au droit marocain, il faut dire que l’inspecteur du travail transmet le


procès-verbal au directeur provincial chargé du travail, et à la direction du travail de
l’administration centrale (1516). Les directeurs provinciaux vérifient la qualité des procès-
verbaux établis par les inspecteurs. Dans la pratique, les procès-verbaux des inspecteurs
du travail pourront être transmis au parquet, après examen effectué par la direction
provinciale, qui décidera de façon souveraine des suites à donner. Ce contrôle englobe le
fond et la forme des rapports de visites (1517). C’est aussi à ces directions qu’incombe la
mission de transmission des procès-verbaux au parquet (1518).

2) Force probante dérogatoire du procès-verbal

1515
JAVILLIER Jean-Claude, « Ambivalence, effectivité et adéquation du droit pénal du travail : quelques
réflexions en guise d’introduction », D.S., 1975, p. 386.
1516
Procédure posée par l’article 539 al. 3 du Code du travail marocain. La transmission d’un deuxième
procès-verbal d’infraction à la direction du travail est justifiée par la compétence dont elle jouit en matière
de suivi et de contrôle de l’application de la législation du travail, conférée par l’article 8 du décret n° 2-14-
280 du 18 juin 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère de l’emploi et des affaires sociales,
B.O n° 6322 du 1er janvier 2015, p. 229.
1517
Circulaire n° 390 du 17 octobre 1995 sur la méthodologie de l’intervention de l’inspection du travail et
l’amélioration de la qualité du contrôle au Maroc.
1518
Cette pratique est ancrée dans la démarche de l’inspection du travail puisque, dès le dahir du 13 juillet
1926 portant réglementation du travail dans les établissements industriels et commerciaux (article 46), (B.O
n° 724 du 7 septembre 1926, p. 1689), il est fait obligation aux inspecteurs du travail de transmettre leurs
procès-verbaux au chef de la division du travail, lequel les vise et décide s’il y’a lieu de les transmettre ou
non au parquet, s’en est suivi un dahir du 2 juillet 1947 portant réglementation du travail (article 58), puis
le code du travail en 2004 consacrant la pratique de la centralisation et de la transmission hiérarchique.

351
Le procès-verbal difficile à remettre en cause, bénéficie d’une force probante mais ne
permet pas à l’inspecteur d’engager les poursuites. On comprend d’ailleurs la raison pour
laquelle ces agents se montrent peu enclins à verbaliser. Le législateur reconnait en réalité
le droit de constater ou non les infractions à l’inspecteur du travail, le choix de déclencher
les poursuites au procureur (1519) et celui de transmettre ou non les procès-verbaux au
directeur provincial. Mais, plus profondément, si le rôle de l’inspecteur du travail déroge
au droit commun, il répond parfaitement à la volonté conciliatrice voulue par le
législateur et l’orientation prise dans la définition de la politique pénale par les
gouvernants.

La direction provinciale joue donc un rôle de contrôle dans la logique répressive de


l’inspecteur du travail. Le fait pour elle de transmettre au parquet son avis ne risque-t-il
pas de discréditer l’agent de contrôle. Et entre application stricte et interprétation
restrictive, il est alors légitime de se demander si le parquet n’interprète pas de façon
singulière le procès-verbal. Il faudra donc concilier le procès verbal, dans sa lettre et son
esprit, avec les finalités de la répression, sans altérer les uns, ni malmener les autres.

Le doit marocain, qui ne semble d’ailleurs pas étranger à cette tendance, présente une
particularité de plus par rapport au droit français en ce qu’il envisage une nouvelle
attribution qui vient surcharger les activités pratiques de l’inspecteur du travail :
l’établissement d’un procès-verbal de constat de « l’atteinte au fonctionnement de
l’entreprise » (1520), portant essentiellement sur une faute du salarié et non sur un
manquement imputable à l’employeur.

Disposition d’ordre processuel introduite dans le Code du travail suite aux pressions
exercées par l’organisation des employeurs marocains (CGEM) dans le but ‘‘déclaré’’ est
de protéger la liberté de travail dans les circonstances de conflit collectif ( 1521). Elle
s’avère singulière au regard des missions traditionnelles de l’inspection du travail et
semble contradictoire avec celle de conciliation (1522) tant espérée. La réflexion

1519
SEBE François, Essai sur l’effectivité du droit de la représentation collective dans l’entreprise, Th.
Paris II, 2013, p. 204.
1520
Article 39 du Code du travail marocain.
1521
C’est qu’en effet, le législateur marocain réagit bien plus qu’il n’agit. Il intervient en fonction des
concessions que chacune des parties (patronat et salariés) est prête à faire sans réelle vision d’ensemble.
1522
FILALI MEKNASSI Rachid, « Examen du code du travail à la lumière des normes internationales du
travail », in Ministère de l’emploi et des affaires sociales /OIT, Le code du travail après dix ans de son

352
inévitablement suscitée est que cette disposition nous entraine inéluctablement sur le
terrain répressif.

Au plan juridique, elle représente une source de conflit potentiel de compétence avec
les officiers de police judiciaire qui sont habilités à constater l’atteinte à la liberté de
travail et agir pour y mettre fin en usant, le cas échéant, de la force publique. Et
abstraction faite de la mise en œuvre de l’article 288 du Code pénal par le parquet,
l’employeur aura la possibilité d’écarter commodément chacun des salariés grévistes sans
préavis ni indemnités. L’établissement d’un tel constat par l’inspecteur du travail aura
permis d’inverser la charge de la preuve en matière de licenciement justifié par
« l’atteinte au fonctionnement de l’entreprise ».

Se voir confier une telle mission pourvue de très mauvaises intentions doit être
considéré comme une remise en cause des priorités de l’inspection du travail et un risque
considérable pour sa neutralité et son indépendance. Ici se manifeste un réel décalage
entre les préoccupations des gouvernants, généralement obnubilés par la politique de
l’emploi et comprenant les décisions des chefs d’entreprise comme étant soumises tout
particulièrement à la pression du succès, et les inspecteurs, plus directement préoccupés
par leur mission propre (1523).

Assurer de telles missions suppose évidemment un service d’inspection comportant


un cadre suffisant d’agents, et disposant non seulement de facilités au niveau de leurs
déplacements mais également des moyens nécessaires.

entrée en vigueur, entre les exigences du développement économique et la garantie du travail décent,
Colloque national, 22-23 septembre 2014, p. 60.
1523
TRIOMPHE Claude-Emmanuel, « L’inspecteur du travail au quotidien », Séminaire Confidences
organisé par Les Amis de l’école de Paris, séance du 19 novembre 1996, compte rendu rédigé par Elisabeth
Bourguinat, p. 2.

353
Conclusion de la deuxième partie

Le droit français comme le droit marocain connaissent en matière d’inspection du


travail, des fondements spécifiques. Il s’agit de la législation du travail et des normes
internationales du travail. Toutefois, il faut prendre en compte qu’en droit marocain cette
distinction est plus d’ordre théorique que d’ordre pratique. Le droit marocain a, en effet,
toujours manifesté un certain recul par rapports aux conventions internationales.

La généralité du discours législatif quant à la place de l’inspection du travail s’intègre


d’ailleurs parfaitement dans le mouvement de « l’obsession pour la paix sociale ». Le
législateur n’a pas défini avec précision ce qui est impératif et ce qui est dispositif dans le
code du travail. Entre la mission est attribué à ce corps de contrôle et le rôle qu’il joue
effectivement une réelle fracture le fragilise.

Il ressort alors que le droit marocain semble encourager le développement de la


mission de conciliation dans les relations individuelles et collectives. Les inspecteurs du
travail se trouvent à la rencontre du droit et du fait. Leur intervention répond à des
conditions qui tiennent essentiellement à quelques dispositions de la loi.

354
Conclusion générale

Au terme de cette étude relative à l’inspection du travail, plusieurs points de


conclusion se dégagent. Nous essayerons donc d’éviter l’écueil d’une généralisation
hâtive, risque majeur de toute conclusion générale, en mettant en évidence les
caractéristiques de la construction de cette étude plutôt que d’en répéter le contenu. C’est
dire qu’il nous faut, en fin de cette réflexion formuler un jugement d’ensemble sur
l’inspection du travail en fonction de la situation actuelle du droit du travail au Maroc.

L’approche de l’inspection du travail proposée dans cette étude ne prétend pas


proposer une théorie générale de cette institution. L’objectif poursuivi a été de suggérer
quelques éléments de recherche fondés sur la réalité du travail, spécifique au cadre socio-
économique de la société marocaine, face à ce système de contrôle incapable de
l’organiser et de la contrôler.

Le droit du travail ne peut, à lui seul, servir à la compréhension de la diversité des


formes d’emploi et la nature des rapports de travail observées actuellement. Ce droit
répond à une situation ponctuelle largement dépassée par les faits. La réglementation du
travail ne peut prétendre expliquer et organiser des formes de travail qui, de par leur
nature, échappent à l’application d’un droit préconçu.

Cette observation entend éclairer, contre une vision de sens commun que partagent
largement les juristes du travail, sur ce qu’est aujourd’hui le travail. En tout cas, le droit
du travail appliqué, tant bien que mal, dans le secteur moderne de l’économie n’est pas
toujours présent là où il y a relation de travail. Les pratiques en place mettent en doute le
bien-fondé des textes existants et engagent par la-même un débat qui mériterait une action
législative et réglementaire nouvelle. L’analyse juridique dissociée du milieu social ne
peut produire que des normes creuses, incapables d’ordonner les conduites et de les
expliquer.

Le droit du travail est un droit impératif et répressif, son effectivité requiert une
importance considérable en raison de son enjeu. Elle donne du poids à toutes les activités
qui assurent la continuité entre différents registres de normativité, entre la légalité

355
formelle et les normes issues des pratiques quotidiennes. Le Maroc dispose certes d’un
droit du travail, mais sans que ses textes aient pour autant le monopole effectif sur le fait
social. La technicité du droit du travail n’a d’égal que son inadéquation au milieu social
auquel il est destiné. La réalité vécue compte plus que la lettre des lois.

En initiant notre réflexion, nous postulions que la compréhension du système


d’inspection du travail nécessite d’établir ses formes visibles, mais aussi de rendre
apparentes les formes dissimulées qui sont susceptibles d’en caractériser l’état profond.

Il faut alors se garder de juger l’inspection du travail marocaine sur la base exclusive
des textes. Il y a les apparents, les formels mais il y a aussi la pratique du droit et les
limites que celle-ci apporte à cette institution. Au Maroc, alors que les activités
informelles représentent une forme importante de l’emploi et ignorent le droit positif, la
doctrine et les débats juridiques se focalisent sur le contrôle de l’inspection du travail
dans le secteur formel.

La démarche descriptive ne fait que privilégier l’apparent et ne convier qu’ à la


découverte de ce qui est matériellement visible et le champ du contrôle des inspecteurs du
travail, tout comme le droit du travail, serait alors réduit au secteur formel alors que
d’autres relations socioprofessionnelles éprouvent des difficultés à se soumettre à ce
cadre normatif de référence. Il apparait souhaitable qu’il y ait une correspondance entre le
niveau auquel est élaborée la réponse juridique et son champ d’application.

Cette étude constate l’ineffectivité du droit du travail travers l’analyse du travail


informel et d’autres formes de travail (faux indépendants …) issus la plupart du temps de
mouvement d’externalisation des tâches effectuées par les entreprises qui visent à
comprimer davantage les coûts de production.

Force est aussi de constater qu’il existe un fossé toujours plus grand entre les
orientations du droit du travail et son application effective, en raison notamment du
développement de la précarité qui limite singulièrement ses effets positifs par l’absence
de recours devant la justice de la part des travailleurs. Il ne s’agit guère ici de porter un
jugement sur la responsabilité de cet état de fait, car il ne serait pas judicieux d’accuser
les premières victimes de passivité quand on sait la difficulté des partenaires sociaux à
s’entendre ne serait-ce que sur l’application de la durée légale du travail par exemple,
mais aussi sur la difficulté des syndicats de salariés à être représentatifs et protéger les

356
intérêts des travailleurs, mais de relever que ces dérapages risqueraient de créer un droit
du travail à deux vitesses, qui s’appliquerait avec rigueur pour les salariés les plus
protégés, et avec une application partielle ou inexistante avec le développement de faux
statuts.

De plus, la réforme du droit du travail n’a pas apporté de changements substantiels


aux règles de protection des travailleurs. Le nouveau discours des officiels d’inspiration
néolibérale, réhabilite la discussion juridique au profit des thèses des employeurs et leur
favorise la poursuite de nouveaux objectifs, sans faire toujours cas des règles, même
impératives (1524). Les conséquences de cette situation trouvent leur traduction dans la
crise latente de l’ordre public social marocain. Il est question précisément de l’existence
d’un fondement de principes et de normes intangibles, soustrait au jeu du contrat, garant
de la stabilité et de la fiabilité de l’édifice juridique (1525). Mais devant le manque de
moyens et la passivité des agents de l’inspection du travail, certaines règles ne sont plus
observées par les employeurs et on assiste alors une mise à l’écart du droit du travail.

Le code du travail marocain est né d’une juxtaposition de textes successifs qui ne


procèdent d’aucune logique forte. Parfois excessivement tatillon, le droit du travail feint
d’ignorer des pans entiers des relations entre les salariés et leurs employeurs.

Mais on ne peut raisonnablement penser, comme le souligne le professeur El Aouani,


que « les problèmes qui touchent directement à leurs compétences, les inspecteurs du
travail soient sans opinion, sans réaction. Ils sont prisonniers de leur propre isolement,
privés de toute possibilité de participer à un débat où seraient confrontées les
expériences et échangées les connaissances » (1526).

En apparence ainsi, les droits français et marocain présentent des similitudes


importantes. Mais ces analogies ne doivent pourtant pas être exagérées. Le droit marocain
et le droit français présentent aussi d’importantes différences qui tiennent non seulement à
la différence de méthode entre les deux systèmes, mais aussi aux qualifications juridiques
distinctes qui peuvent être appliquées aux deux législations.

1524
KORICHE Mohammed Nasr Eddine, Transformation du droit algérien du travail: entre statut et
contrat, Th. Bordeaux IV, 2008, p. 602.
1525
TOUBA Keltoum, Th.citée, 1993, p. 691.
1526
EL AOUANI Ahmed, Th.citée, p. 127.

357
Le droit français est généralement présenté comme un droit complet, prévoyant les
situations juridiques dans leur moindre détail. À l’inverse, le droit marocain se limiterait à
un cadre juridique énonçant les grands principes. La jurisprudence française procède
différemment se rattachant, en toute hypothèse, à une démonstration technique. Et pour
des raisons qui ont trait, à la fois, au façonnement des deux systèmes juridiques et à la
situation politique et sociale des deux pays, le droit du travail au Maroc est beaucoup
moins axé sur la nécessité de protection de la personnalité du salarié, en tant qu’individu,
que le droit français du travail.

Dans ces conditions, on voit bien qu’il faudra bien plus que de petites réformes pour
que le droit du travail marocain puisse répondre à la fin collective de la protection du
travailleur. Car jusqu’à présent, toutes ces transformations avec la promulgation du
nouveau Code du travail en 2004, ne sont que tendances, et non certitudes, il y a moins
qu’évolution, des germes d’évolution.

358
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390
INDEX ALPHABETIQUE

A D

Amiante 97, 152, 303, 339, 343 117, 118, 119, 120, 121, 122, 132,
Amine 8 136, 142, 255, 266, 311, 319, 351
Arrêt d’activité 335, 344 Convention collective68, 196, 227, 240,
Arrêt de travaux 343 246, 250, 251, 252, 259, 262, 330
Autorisation de licenciement206, 207, Corporation 6, 7, 8, 9
208 Danger imminent327, 328, 329, 330,
331, 338, 340
DIRECCTE5, 87, 88, 94, 95, 96, 97, 98,
B 99, 121, 321, 327, 333, 334, 336, 337,
340, 344, 354
BIT15, 17, 19, 20, 23, 24, 25, 32, 35, 41, Droit communautaire48, 60, 61, 62, 63,
48, 54, 59, 71, 73, 76, 82, 83, 86, 94, 64, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75,
110, 123, 124, 126, 128, 130, 131, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 304
136, 168, 219, 221, 268, 271, 272, Droit de prélèvement 278, 279
296, 308, 309, 311, 312, 313, 317,
325, 339, 351
E
C Enquête45, 46, 170, 206, 207, 208, 230,
245, 252, 253, 254, 260, 261, 262,
Comité d’entreprise43, 182, 194, 201, 267, 268, 272, 274, 276, 280, 283,
204, 207 297, 298, 300, 311, 344
Conciliation38, 39, 84, 110, 112, 177,
178, 214, 215, 216, 217, 218, 219,
220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, F
227, 228, 229, 230, 231, 232, 233,
234, 235, 236, 237, 242, 243, 244, Fusion 37
245, 246, 247, 248, 249, 250, 251,
252, 253, 254, 255, 256, 257, 258,
259, 260, 261, 262, 263, 266, 299, H
318, 358, 359
Conditions de travail 37 Harcèlement moral281, 282, 283, 284,
Conflits collectifs38, 177, 216, 218, 220, 285, 286, 291, 292, 296, 300, 333
236, 237, 238, 240, 241, 242, 243, Harcèlement sexuel180, 286, 287, 288,
247, 248, 249, 250, 251, 255, 256, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295,
257, 258, 259, 262, 263 296, 297, 298, 299, 318, 333
Conflits individuels38, 93, 100, 216, Hisba 8
217, 218, 219, 221, 222, 224, 225, Hygiène et sécurité 19, 325, 340
226, 227, 228, 230, 232, 233, 234,
235, 236, 250, 259
Conseil8, 12, 24, 25, 49, 50, 84, 85, 94, I
99, 108, 109, 110, 112, 113, 114, 116,

391
Inaptitude143, 144, 145, 146, 148, 149, 271, 320, 321, 322, 323, 324, 325,
150, 151, 152, 153, 154, 156, 157, 326, 344
158, 161, 164 OIT14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25,
Information12, 40, 45, 50, 73, 76, 84, 85, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35,
102, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 46, 48, 49,
114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 50, 51, 52, 53, 54, 59, 70, 73, 74, 78,
121, 122, 123, 126, 127, 128, 130, 79, 83, 86, 101, 103, 108, 109, 112,
131, 132, 142, 187, 188, 274, 276, 119, 123, 124, 126, 127, 130, 131,
281, 291, 295, 304, 310, 316, 350 135, 136, 137, 168, 175, 176, 198,
Ingénieurs des mines167, 168, 169, 170, 215, 219, 254, 268, 269, 271, 272,
173, 174 273, 274, 276, 277, 278, 308, 312,
K 315, 316, 317, 318, 319, 321, 322,
323, 330, 340, 342, 345, 347, 351,
Kafala 58, 59, 60 353, 358
Kafil 58, 59 Organisation Arabe du Travail 47, 48
Organisation Internationale du Travail 15

L’amine 8 P

Procès-verbal3, 107, 135, 165, 170, 204,


M 214, 217, 223, 224, 225, 227, 228,
231, 232, 259, 260, 273, 275, 298,
Maâlem 7 318, 320, 321, 323, 324, 326, 327,
Médecin du travail133, 134, 136, 137, 328, 329, 332, 334, 337, 339, 342,
140, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 346, 347, 349, 350, 351, 352, 353,
149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 354, 355, 356, 357
156, 157, 158, 159, 161, 164, 322, 335
Médecin inspecteur du travail138, 141,
143, 147, 148, 155, 158, 278 R
Mines11, 89, 106, 128, 133, 164, 165,
166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, Référé213, 320, 338, 339, 340, 341, 342,
173, 174 344
Mise en demeure79, 157, 325, 326, 327, Règlement intérieur178, 179, 180, 181,
328, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188,
341, 344 189, 190, 191, 192, 291, 330
Mohtassib 8, 216

S
N
Solh 233
Normes internationales 31, 48, 52

T
O
Tassaloh 233
OAT18, 48, 49, 50, 52, 53, 54, 56, 57, Transaction199, 222, 227, 229, 230, 231,
175 232, 233, 234, 235
Observations78, 84, 90, 120, 121, 126,
127, 128, 171, 185, 187, 202, 260,

392
V

Visite45, 46, 120, 135, 146, 152, 153,


156, 219, 267, 268, 269, 270, 271,
272, 274, 277, 280, 318, 320, 321,
324, 325

393
TABLE DES MATIERES

Sommaire
TABLE DES ABRÉVIATIONS ...................................................................................................... 2
INTRODUCTION ............................................................................................................................ 5
Première Partie : Les conceptions de l’inspection du travail .......................................................... 18
Chapitre 1 : La pluralité des sources normatives ............................................................................ 21
Section 1 : Le soubassement commun : les conventions de l’OIT ............................................. 23
§ 1. L’élaboration des normes de l’OIT et leur intégration dans les droits nationaux............... 25
A) La place d’une approche universelle des normes de l’OIT ............................................ 26
1) L’adhésion universelle des États par la ratification des conventions ............................. 27
2) Influence du tripartisme sur l’application des normes et son contrôle ........................... 28
B) L’intégration limitée des normes internationales du travail ........................................... 30
1) L’État et l’approche universelle des conventions de l’OIT ............................................ 31
2) Les limites de l’influence des normes de l’OIT sur le droit interne ............................... 34
§ 2. Le contenu des normes de l’OIT : le statut de l’inspecteur du travail ................................. 36
A) Le cadre général : Les missions de l’inspection du travail ............................................. 37
1) Les missions principales ................................................................................................. 38
a) La protection des travailleurs ......................................................................................... 38
b) Les conditions de travail ................................................................................................. 39
2) Des missions secondaires ............................................................................................... 41
B) Pratique de l’inspection du travail : les moyens d’action ............................................... 42
1) Les pouvoirs de contrôle et d’injonction ........................................................................ 42
a) Le contrôle au cœur des missions de l’inspection du travail .......................................... 44
b) La collaboration .............................................................................................................. 45
2) Les obligations des inspecteurs du travail ...................................................................... 47
Section 2 : Les ferments d’originalité : les réglementations régionales ..................................... 51
§ 1. L’Organisation Arabe du Travail : une dynamique contrastée et contrariée ........................... 51
A) Une régionalisation encouragée par l’OIT ..................................................................... 52
1) L’OAT et ses émanations, organes, compétences, interventions ................................... 52

394
2) La nécessité d’un contrôle efficace : l’inspection du travail .......................................... 55
B) Un cadre régional dépassé par les réalités arabes ................................................................. 57
1) Une régionalisation limitée par des responsabilités unitaires ......................................... 58
2) La kafala ou la tentation de ne pas appliquer les dispositions protectrices des salariés . 61
§ 2. Les normes établies par le droit communautaire ................................................................. 63
A) La construction de l’Europe : des objectifs sociaux sous-produits de l’intégration
économique ................................................................................................................................ 63
1) Les questions sociales : un objectif de second plan........................................................ 65
2) Les objectifs sociaux : une concrétisation confiée à la croissance économique et aux
politiques nationales ............................................................................................................... 68
B) Cadre général de l’action communautaire et inspection du travail ................................. 72
1) La nécessité ou l’opportunité d’un corps communautaire d’inspecteurs du travail........ 73
2) Recherche de convergences et coopération entre les systèmes d’inspection du travail . 77
C) Droit communautaire et droit international : conflit de normes ..................................... 80
1) Autonomie et antinomie du droit communautaire .......................................................... 80
2) La norme communautaire à l’épreuve des droits interne et international....................... 82
Chapitre 2 : La diversité des systèmes nationaux d’inspection du travail ...................................... 85
Section 1 : Les structures des services extérieurs de l’administration du travail ....................... 88
§ 1. L’organisation centrale ............................................................................................................ 88
A) En France : La réorganisation des services de l’inspection du travail, une fusion au
niveau central ............................................................................................................................. 89
1) Recherche d’une rationalisation des structures............................................................... 90
2) La nouvelle organisation : un enrichissement des modes d’intervention ....................... 93
B) Au Maroc : Réforme de l’organisation du ministère de l’emploi, permanence des
objectifs et des missions ............................................................................................................. 95
§ 2. L’organisation territoriale .................................................................................................... 96
A) En France : la disparition des DRTEFP et DDTEFP au profit des DIRECCTE ............ 96
1) Mutualisation des fonctions entre les unités territoriales et le niveau régional .............. 97
2) DIRECCTE : une construction autour d’une logique économique .............................. 100
B) Au Maroc : l’angle de vue de la réorganisation, un changement dans la continuité ........... 102
1) Un changement des dénominations sans effet sur l’organisation du service d’inspection
du travail ............................................................................................................................... 102
2) Des structures à compétence générale .......................................................................... 104
C) statut des agents de l’inspection du travail .......................................................................... 105
1) En France : une consolidation toujours revendiquée .................................................... 106

395
2) Au Maroc : une reconnaissance relative à ce corps de contrôle ................................... 108
§ 3. L’inspection du travail : le conseil et l’information, un élan de proximité ....................... 111
A) Légitimité relative de la mission de conseil-information ............................................. 111
1) En France : absence de vocation pour le conseil .......................................................... 112
2) Information et conseil : une fonction mise en évidence en droit marocain .................. 114
a) Absence de reconnaissance explicite d’un droit à l’information pour tous .................. 116
b) Une consécration d’ampleur limitée en droit marocain ................................................ 118
B) Des voies de droit à l’information ouvertes aux salariés et aux employeurs ................ 119
1) Les différents degrés de l’information : le conseil et le renseignement ....................... 119
a) Contribution au développement de l’attente des salariés comme des employeurs ....... 120
b) Asymétrie de connaissance devant l’information et le conseil ..................................... 122
2) Une fonction non liée à une prise de décision .............................................................. 123
C) Information de la hiérarchie : une mission pratiquée par l’inspecteur du travail ......... 125
1) Une obligation d’informer désignée timidement par les textes .................................... 126
a) Transmission des rapports à l’autorité compétente : une pratique révélatrice des lacunes
du droit du travail marocain.................................................................................................. 127
b) Insuffisance des réponses transmises dans les rapports à l’OIT ................................... 129
2) Les limites imposées à l’inspecteur du travail .............................................................. 130
Section 2 : La collaboration technique ..................................................................................... 134
§ 1. L’inspection médicale du travail ....................................................................................... 134
A) Une collaboration difficile ............................................................................................ 137
1) L’inspection médicale du travail : un organe spécifique d’appui technique à la
médecine et à l’inspection du travail .................................................................................... 139
2) Des articulations administratives imprécises ................................................................ 142
B) Le médecin inspecteur : conseiller dans le cadre particulier de l’aptitude médicale .... 144
1) Le constat de l’aptitude/inaptitude médicale du salarié : l’exclusivité de la compétence
du médecin du travail ........................................................................................................... 146
2) Rôle du médecin inspecteur dans l’élaboration de l’avis d’aptitude ............................ 148
§ 2. Le contentieux en matière d’aptitude ou d’inaptitude ....................................................... 152
A) Les modalités du constat de l’aptitude ......................................................................... 153
1) L’exigence d’un double examen espacé de quatre semaines et l’exception à cette
exigence ................................................................................................................................ 153
2) Les garanties applicables en cas de décision d’aptitude/inaptitude .............................. 155
B) Le contentieux en matière d’aptitude ........................................................................... 157
1) Les conditions de l’intervention de l’inspection du travail .......................................... 159

396
2) Les recours contre la décision de l’inspecteur du travail .............................................. 161
§ 3. L’inspection du travail dans les mines : un contrôle et une surveillance particuliers........ 165
A) L’étendue de l’intervention et du contrôle de l’administration dans le secteur minier 166
1) Le travail dans les mines : une législation spécifique................................................... 166
2) Un rayon de contrôle étendu par une inspection du travail spécialisée ........................ 168
B) L’institution des délégués à la sécurité : un complément de contrôle .......................... 171
1) Les délégués à la sécurité : une mission intermittente .................................................. 172
2) Un rôle controversé et des moyens d’action limités ..................................................... 174
Conclusion de la Partie 1 .............................................................................................................. 176
Deuxième Partie: missions et moyens d’action ............................................................................ 177
Chapitre 1 : La promotion de l’emploi par la conciliation et l’exercice d’un pouvoir de décision
...................................................................................................................................................... 178
Section 1 : Pouvoir de décision dans de nombreux domaines .................................................. 179
§ 1. Règlement intérieur : une action unilatérale de l’employeur érigée en catégorie juridique
.................................................................................................................................................. 179
A) La finalité du pouvoir permanent de l’employeur non précisée .......................................... 180
1) Contrôle de légalité par l’administration ...................................................................... 183
2) Communication du règlement intérieur à l’administration du travail : une condition
substantielle au Maroc .......................................................................................................... 183
B) Vérification des dispositions du règlement intérieur .................................................... 186
1) Une mission non enfermée dans un délai ..................................................................... 187
2) Établissement d’une condition d’approbation par l’inspecteur du travail .................... 189
§ 2. Les règles spécifiques aux représentants des travailleurs .................................................. 192
A) Étendue de la protection spéciale ................................................................................. 193
1) Une protection étroitement corrélée aux limites relatives au mandat du salarié au Maroc
193
2) Un élargissement du champ d’application du régime protecteur en droit français ...... 195
B) Refonte de la procédure de licenciement des représentants des travailleurs ................ 198
1) Caractère impératif de la procédure d’autorisation administrative ............................... 200
a) Procédure incontournable en cas de sanction disciplinaire ou de licenciement ........... 201
b) La sanction des représentants des travailleurs : une voie encadrée .............................. 203
2) Intervention de l’inspecteur du travail .......................................................................... 204
a) Défaut d’encadrement par le code du travail de l’enquête contradictoire .................... 205
b) Répartition des compétences administratives et judiciaires ......................................... 208
3) Violation de la procédure et qualification de l’acte ...................................................... 210

397
a) L’évitement de la nullité/réintégration par la prévalence d’une logique indemnitaire . 211
b) Réintégration : les difficultés du recours à l’équité ...................................................... 212
Section 2 : La conciliation ........................................................................................................ 215
§ 1. La conciliation dans les conflits individuels au Maroc ..................................................... 216
A) La conciliation dans les conflits individuels au Maroc : une institutionnalisation
manifeste .................................................................................................................................. 216
1) Une fonction légitimée par les textes ........................................................................... 217
a) La conciliation devant l’inspecteur du travail, une démarche qui vise le règlement du
litige ...................................................................................................................................... 219
b) Prépondérance des conflits individuels liés à la cessation de la relation de travail ...... 220
2) La tentative de conciliation devant l’inspecteur du travail : une procédure facultative
d’origine légale ..................................................................................................................... 221
a) Les pouvoirs de l’inspecteur du travail dans la recherche de l’accord ........................ 222
b) La rédaction contestable des articles 41 et 532 du Code du travail marocain .............. 224
B) L’acte de clôture de la conciliation............................................................................... 225
1) Multiplicité et inadéquation des sources du droit de la conciliation en matière de conflits
individuels ............................................................................................................................ 226
a) La faible vitalité des dispositions du code du travail .................................................... 227
b) La fréquente qualification de transaction ..................................................................... 228
2) La portée douteuse du procès-verbal de conciliation ................................................... 229
a) L’efficacité de la tentative de conciliation : une limite à son application .................... 232
b) Absence de cohérence entre les compétences de l’inspecteur du travail et les suites de la
tentative de conciliation ........................................................................................................ 233
§ 2. Un rôle de conciliation dans les conflits collectifs ............................................................ 234
A) Absence de cohérence entre les compétences de l’inspecteur du travail et les suites de la
tentative de conciliation............................................................................................................ 235
1) Une approche favorable à l’employeur ........................................................................ 236
a) Une combinaison de critères contestable...................................................................... 238
b) L’importance de l’intervention des pouvoirs publics dans le règlement des conflits
collectifs ............................................................................................................................... 240
2) La tentative manquée du législateur marocain dans le dahir de 1946 .......................... 240
a) Les raisons de l’indéniable échec de la procédure de conciliation dans le dahir de 1946
…………………………………………………………………………………………………………………………………243
b) Apport limité du système légal en vigueur ................................................................... 244
B) L’intervention de l’inspecteur du travail dans la procédure de conciliation : un cadre
normatif perfectible .................................................................................................................. 246
1) Des procédures conventionnelles de conciliation insuffisamment attractives .............. 247

398
2) Une conciliation légale aux effets incertains ................................................................ 250
a) Au Maroc : une tentative de conciliation obligatoire devant l’inspection du travail
modelée sur le régime de l’ancien dahir de 1946 ................................................................. 250
b) En France : l’intervention de l’inspecteur du travail, un contexte dépassant le cadre
normatif ................................................................................................................................ 252
3) La préoccupation étatique vers un règlement des conflits collectifs ............................ 255
a) Une mission de conciliation justifiant une application limitée ..................................... 256
b) L’accord de fin de conflit, l’aboutissement des efforts engagés................................... 259
Chapitre 2 : Le contrôle et ses suites ............................................................................................ 262
Section 1 : Le contrôle d’application de la réglementation générale du travail ....................... 263
§ 1. Cadre des prérogatives liées à la fonction de contrôle ...................................................... 264
A) Le droit d’entrée ou de visite : base du contrôle........................................................... 265
1) Le droit de visite des lieux de travail ............................................................................ 266
2) La libre entrée dans les locaux de travail : un droit reconnu ........................................ 270
a) Le droit de communication : obligation de présentation de documents ....................... 274
b) Le droit de prélèvement : un droit quasi inapplicable .................................................. 275
B) L’intervention concernant les harcèlements ................................................................. 277
1) L’implication des risques psychosociaux dans le droit du travail ................................ 279
a) Harcèlement moral : carence législative et mesures préventives inadaptées ................ 280
b) Harcèlement sexuel : nécessité d’une protection accrue des salariés ........................... 284
2) Régime probatoire applicable aux harcèlements .......................................................... 288
a) Difficultés à caractériser les agissements de harcèlement ............................................ 288
b) Harcèlements au travail : le positionnement de l’inspection du travail ........................ 292
§ 2. La lutte contre le travail illégal : différence d’approche entre les droits français et marocain
.................................................................................................................................................. 297
A) En France : renforcement des pouvoirs d’intervention en matière de travail illégal .... 297
1) Lutte contre les abus résultant des pratiques particulières de travail illégal : le
détachement .......................................................................................................................... 299
2) L’omniprésence de la santé sécurité et le travail illégal dans la réforme de l’inspection
du travail ............................................................................................................................... 302
B) Au Maroc : absence de compétence en matière de travail informel ............................. 303
1) Positionnement économique et social du travail informel ............................................ 304
2) Travail informel et rapport à la loi................................................................................ 308
a) Un non-respect généralisé de la législation du travail .................................................. 310
b) Une pratique en marge du cadre légal d’intervention de l’inspection du travail .......... 311

399
Section 2 : Les suites du contrôle ............................................................................................. 316
§ 1. Les observations et les mises en demeure ......................................................................... 316
A) L’observation : un recours alternatif non coercitif au procès-verbal ............................ 316
1) La communication des observations à l’employeur : un moyen privilégié .................. 317
2) Ambivalence du sort réservé aux observations ............................................................ 319
B) La mise en demeure : une adaptation aux circonstances particulières ......................... 321
1) Santé et sécurité au travail : détermination fonctionnelle commune du domaine de la
mise en demeure en France et au Maroc .............................................................................. 323
a) La mise en demeure en cas de danger imminent : des hésitations critiquables fragilisant
la fonction coercitive ............................................................................................................ 324
b) Danger imminent : une appréciation subjective de la situation .................................... 325
2) Mise en demeure de l’administration : une mesure absente en droit marocain................ 328
a) Autres mises en demeure .............................................................................................. 330
b) Contentieux des mises en demeure ............................................................................... 331
C) La voie civile : le recours à la procédure de référé ....................................................... 333
D) La décision d’arrêt de travaux ou d’activité ................................................................. 338
§ 2. La constatation des infractions par procès-verbal et la transmission au parquet ............... 342
A) Le relevé d’infraction par procès-verbal : une attitude répressive................................ 342
1) Validité du procès-verbal : absence de forme particulière à respecter ......................... 344
2) Le procès-verbal : un enjeu procédural important ........................................................ 345
B) Suites de l’intervention et mise en mouvement de l’action pénale............................... 347
1) Transmission des procès-verbaux : contrôle hiérarchique et contrôle d’opportunité ... 349
2) Force probante dérogatoire du procès-verbal ............................................................... 351
Conclusion de la deuxième partie................................................................................................. 354
Conclusion générale ..................................................................................................................... 355
Bibliographie ................................................................................................................................ 359
I) Droit français .................................................................................................................... 359
1) Ouvrages ........................................................................................................................... 359
2) Thèses et mémoires .............................................................................................................. 365
3) Articles et chroniques ........................................................................................................... 367
4) Rapports ............................................................................................................................... 379
II) Droit marocain ..................................................................................................................... 383
1) Ouvrages ........................................................................................................................... 383
2) Thèses et mémoires .......................................................................................................... 385
3) Articles et chroniques ....................................................................................................... 386

400
III) Autres droits ....................................................................................................................... 389
INDEX ALPHABETIQUE .......................................................................................................... 391
TABLE DES MATIERES ............................................................................................................ 394

401

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