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ET DE LA SECURITE SOCIALE
(Collection Précis de droit burkinabè)
Paul KIEMDE
Maître-assistant à l’Université de Ouagadougou
2e tirage 2007
1
2
ABREVIATIONS
3
C.P.C. Code de procédure civile
C.pén. Code pénal
C.P.S.HV. Caisse de prévoyance sociale de Haute –Volta
C.S.B.P. Cahiers sociaux du Barreau de Paris
C.S. Cour suprême (du Burkina Faso)
C.S.S. Code de sécurité sociale
C.T.N.C.H.S. Comité technique national consultatif d’hygiène
et de sécurité
C. trav. Code du travail
D. Recueil Dalloz
Dir. Direction
D.P. Dalloz périodique
Dr. soc. Revue Droit social
Echo.CNSS Revue trimestrielle publiée par la CNSS
Ed. Édition
Enc.jur.de l’Afrique Encyclopédie juridique de l’Afrique
E.P.A. Etablissement public à caractère administratif
E.P.I.C. Etablissement public à caractère industriel et commercial
Ex. Exemple
Fasc. Fascicule
F.A.S.S. Fonds d’action sanitaire et sociale
FPT Fonction publique et travail (ministère de la )
G.A.D.T. Les grands arrêts du droit du travail
G.A.J.A. Les grands arrêts de la jurisprudence administrative
G.A.S.S. Grands arrêts de la sécurité sociale
Gaz.Pal. La Gazette du palais
Ibid. Ibidem
Idem même auteur
I.G.T.L.S. Inspection générale du travail et des lois sociales
I.P.R.A.O. Institut de prévoyance retraite de l’Afrique occidentale
J.C.P. Juris-classeur périodique (Semaine juridique)
J.O. Journal officiel
J.O. AOF Journal officiel de l’Afrique occidentale française
J.O.BF. Journal officiel du Burkina Faso
J.O. RHV Journal officiel de la République de Haute Volta
Jurispr. Soc.UIMM Jurisprudence sociale UIMM (Union des industries
métallurgiques et minières)
Kiti Décret (sous la révolution)
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence
Litec Librairies techniques
Mél. Mélanges
M.E.T.J. Ministère de l’emploi, du travail et de la jeunesse
M.E.T.S.S. Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale
M.T.S.S. Ministère du travail et de la sécurité sociale
4
N° Numéro
N.E.A. Nouvelles éditions africaines
Obs. Observation(s)
O.C.A.M. Organisation commune africaine et malgache
O.H.A.D.A. Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit
des affaires
O.I.T. Organisation internationale du travail
Op. cit. Opere citato
Ord. Ordonnance
O.S.T. Office de santé des travailleurs
O.U.A. Organisation de l’unité africaine
p. (ou pp.) page(s)
précit. Précité (e) (s)
P.U.F. Presses universitaires de France
Penant Recueil Penant
Raabo Arrêté (sous la révolution)
R.A.N. Régie Abidjan-Niger
R.B.D (ou R.V.D.) Revue burkinabè de droit ()
R.D.P Revue de droit public et de la science politique
Rec. Recueil
Recueil annoté Recueil annoté des textes applicables au Droit du travail en
Haute-Volta (publié par la Chambre de commerce)
Rép. trav. Répertoire de droit du travail Dalloz
R.F.D.A. Revue française de droit administratif
R.G.D.I.P. Revue générale de droit international public
R.I.D.C. Revue internationale de droit comparé
(ou Rev.int.dr.comp.)
R.I.S.S. Revue internationale de sécurité sociale
R. I.T. Revue internationale du travail
R.J.S. Revue de jurisprudence sociale (F. Lefebvre)
R.J.P.I.C. Revue juridique et politique. Indépendance et coopération
R.P.D.S. Revue pratique de droit social
R.V.D. Revue voltaïque de droit
S. Recueil Sirey
s. (ou ss.) Suivant(e) (s)
Soc. Cour de cassation, chambre sociale
SMIC Salaire minimum de croissance
SMIG Salaire minimum interprofessionnel garanti
t. tome (s)
T.C. (ou T.confl.) Tribunal des conflits
T.G.I. Tribunal de grande instance
T.P.O.M. Travail et profession d’Outre-mer
T.P.S. Travail et protection sociale
Trad. Traduction
5
Trib. trav. Tribunal du travail
U.A. Union africaine
U.E. Union européenne
U.E.M.O.A. Union économique et monétaire Ouest africaine
V. ou Voy. Voyez
V° Verbo
Vol(s) Volume(s)
Zatu Ordonnance ou loi (sous la révolution)
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LIVRE I
DROIT DU TRAVAIL
7
8
INTRODUCTION GENERALE
1. Le droit du travail est une des branches du droit qui demande à des citoyens
de plus en plus nombreux (les employeurs et les salariés) d’en avoir quelques
connaissances, ne serait-ce que générales. A l’instar du droit en général, qui repose sur
une philosophie des rapports sociaux, le droit du travail repose sur une philosophie
particulière des rapports individuels et collectifs entre travailleurs et employeurs,
d’une part et, d’autre part, entre ceux-ci et l’Etat, qu’il soit qualifié d’Etat gendarme,
d’Etat providence ou d’Etat régulateur, selon l’évolution du rôle conféré à l’Etat. Il
n’y a pas lieu de s’étendre, dans le cadre d’un précis, sur cette philosophie particulière
du droit du travail, mais des rappels sur les notions fondatrices permettent d’éviter une
approche et des connaissances désincarnées des règles produites par ce droit.
Aussi, qu’est-ce que le droit du travail ? Quelle est l’histoire du droit du travail
et quelles sont ses caractéristiques ? Telles sont les questions qui seront abordées dans
cette introduction générale.
2. Le droit du travail, c’est le droit qui régit les rapports entre les employeurs
qui font travailler et les salariés qui travaillent pour eux. Cette définition comporte
deux ambiguïtés par rapport au sens commun du mot travail et à la division du droit en
branches.
La première ambiguïté porte sur le mot travail. Dans toute société humaine, à
partir d’un certain âge, toute personne, qui n’est pas impotente, travaille ou devrait le
faire. Elle exerce une activité productrice de biens ou de service, qui lui permet de
« gagner sa vie », de satisfaire ses besoins élémentaires (se nourrir, se loger, se
vêtir…) et moins élémentaires (s’offrir des agréments, s’élever dans le rang social…).
Le fait de ne pas travailler ne peut qu’être accidentel : maladie physique ou mentale,
chômage dans les temps modernes. Même le monarque de droit divin travaille. Il en
est de même de l’élève qui n’a pas de bonnes notes à l’école dont on dit qu’il ne
travaille pas. Le chef d’entreprise et l’ouvrier travaillent tous deux. Le travail pris
dans ce sens général, peut être l’exercice d’une activité manuelle ou intellectuelle,
artistique ou littéraire etc. Si l’on s’en tenait à ce sens commun le droit du travail
régirait tous les rapports sociaux. Tel ne peut être le cas.
Le droit du travail est lié au travail salarié. Il ne vise pas toute relation de
travail, mais seulement le travail dépendant. Par exemple, lorsqu’un individu confit
son tissu à un tailleur pour en faire un habit, les rapports entre le tailleur et le
propriétaire du tissu ne sont pas régis par le droit du travail, parce que le tailleur n’est
9
pas sous la dépendance du propriétaire du tissu. Celui-ci est un client du tailleur et non
pas son employeur. Le tailleur est un artisan s’il fait le travail lui-même et tout seul.
Par contre, si le tailleur se fait aider dans la couture des habits par une autre personne
qu’il rémunère, cette personne est un salarié et le tailleur est un employeur. On ne
parle de droit du travail que lorsque l’activité professionnelle est exercée non pour soi-
même, mais pour autrui. La notion de travail n’est pas prise au sens commun, mais au
sens où l’exercice de l’activité implique l’assujettissement d’une personne à une autre.
C’est cet assujettissement qui explique la nécessité d’une réglementation particulière
des rapports entre les deux personnes, pour éviter que la partie la plus forte n’abuse de
sa position dominante. Les individus qui exercent leurs activités pour leur propre
compte se trouvent exclus du champ d’application du droit du travail, parce que celui-
ci vise seulement le travail salarié. Il en est ainsi des commerçants, des artisans, des
agriculteurs, des avocats etc., qui ne travaillent pas en général sous la dépendance de
quelqu’un. Mais nous verrons que cette affirmation doit être nuancée, car le champ
d’application du droit du travail a beaucoup évolué.
Il ressort de ces deux considérations que le droit du travail est le droit qui régit
les rapports entre employeurs personnes privées et les salariés qui travaillent pour eux.
Les origines de ce droit expliquent cette délimitation.
10
activité et son dévouement. Les esclaves et les serfs n’étaient pas des citoyens libres.
Le travail salarié suppose des rapports entre citoyens libres.
Le droit du travail tire ses origines des corporations de métiers apparues aux
environs du 12ème siècle en Europe. Durant cette période, il s’est créé, dans les
manufactures, des corps de métiers structurés et hiérarchisés, comprenant les
apprentis, les compagnons et les maîtres. Chaque profession était réglementée par ses
membres. La réglementation professionnelle précisait les droits et devoirs de chaque
catégorie de corps, les conditions d’accès à la profession et les conditions d’évolution
dans la hiérarchie.
Vers le 18ème siècle, cette réglementation était devenue trop injuste parce que
la situation s’était figée au détriment des apprentis et des compagnons qui ne
pouvaient plus accéder aux corps des maîtres.
11
- beaucoup de rapports ont attiré l’attention sur la situation très déplorable des
ouvriers de l’époque ; parmi ces rapports le plus célèbre est le « tableau de
l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de soie,
coton et laine » du Docteur Villermé, paru en 1840, qui montre que la journée
de travail de l’ouvrier atteignait 14 à 15 heures. Des enfants de cinq ans
travaillaient 10 heures par jour ;
- par ailleurs les doctrines philosophiques, politiques et économiques
connaissent des changements : sur le plan philosophique et politique, les
doctrines socialistes et les partis socialistes montent en puissance ; et sur le
plan économique, les doctrines interventionnistes font leur apparition, sous les
effets des crises provoquées par la concentration du capital et la transformation
du capitalisme concurrentiel en capitalisme monopoliste.
Tous ces facteurs conduiront les pouvoirs publics à réorienter le sens de leurs
interventions dans les rapports de travail. La réglementation deviendra plus protectrice
du travailleur. La première loi protectrice, en France, fut celle du 22 mars 1841 sur le
travail des enfants employés dans les manufactures1. Bien plus tard, seront reconnus le
droit d’association, par la loi du 25 mai 1864 portant suppression du délit de coalition,
puis le droit syndical par la loi du 21 mars 1884.
1) L’esclavage
1 Voy. G.H. CAMERLYNCK Gérard LYON-CAEN, droit du travail, précis Dalloz, 4e éd., 1970, n° 7.
2Voyez, pour un tableau plus approfondi, P.F. GONIDEC, avec la collaboration de Martin Kirsch, Droit du travail
des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris, LGDJ, 1958.
12
est remarquable, c’est l’ampleur avec laquelle elle a subi la traite des esclaves
pratiquée sur elle par les conquérants européens dans le commerce triangulaire Europe
-Afrique-Amérique, du début du 16e siècle jusqu’au milieu du 19e siècle. La
constitution française de 1793 avait certes prohibé l’esclavage1 mais ce fut un acte
éphémère qui ne fut pas appliqué. L’abolition de l’esclavage ne commencera à être
effective qu’après la seconde moitié du 19e siècle2.
2) Le travail forcé
1 Voy. P.F. GONIDEC, Droit du travail des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris, LGDJ, 1958, p. 23.
2 Voy. Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Paris, EDICEF /AUPELF, 1989, pp. 21
et s.; LENGELLE, « l’esclavage », Coll. que sais-je ?, Paris, PUF, 1955.
3 V. P.F. GONIDEC, op. cit. P. 25.
4 Article 2, 1 de la convention internationale de l’OIT n° 29 du 26 juin 1930 sur le travail forcé, ratifiée par le
Burkina Faso le 21 novembre 1960, v. Coppietiers’t Wallant et Ouattara Karim, Recueil annoté des textes
applicables en Droit du travail au Burkina Faso, 1982, annexe 2 ; Codes et lois du Burkina Faso, Tome IX, Code
social, p. 299. V. également la convention O.I.T. n° 105 de 1957 concernant l’abolition du travail forcé.
13
Le recours au travail forcé dans les colonies avait été présenté comme une
nécessité économique et un devoir social pour les colonisés. Il fallait recourir à cette
forme pour développer les colonies par la réalisation de grands travaux. Ainsi les
populations furent forcées de travailler dans l’intérêt de particuliers, notamment les
grandes compagnies coloniales concessionnaires. L’administration avait eu recours au
travail forcé, dans l’intérêt des colonies dit-elle, pour faire exécuter les grands travaux
de chemins de fer, de ports et de routes. Ainsi, en A.O.F., les populations de l’ex.
Colonie de Haute-Volta furent exportées par la contrainte dans les territoires voisins
pour participer gratuitement à la réalisation des grands projets de mise en valeur des
colonies. Des services de main-d’œuvre furent créés et ces services recouraient
essentiellement à cette forme de recrutement obligatoire. Au travail forcé dans les
grands chantiers s’ajoutaient, à l’intérieur des circonscriptions administratives, les
travaux forcés sous forme de prestations en nature : transport du matériel ou du
personnel administratif, appelé « levée de porteurs », culture gratuite, plantation
d’arbres, etc.
Le travail forcé ne sera réellement aboli dans les colonies françaises d’Afrique
qu’après la deuxième guerre mondiale. Mais dès 1930, une convention internationale
conclue sous l’égide de l’OIT, la convention n°29, a posé le principe de l’interdiction
du travail forcé. Cette convention exclut du terme « travail forcé ou obligatoire » :
- tout travail ou service exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire
et affecté à des travaux d’un caractère purement militaire ;
- tout travail ou service faisant partie des obligations civiques normales des
citoyens d’un pays se gouvernant pleinement lui-même ;
- tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une
condamnation prononcée par une décision judiciaire (...) ;
- les menus travaux de village, c’est à dire les travaux exécutés dans l’intérêt
direct de la collectivité par les membres de celle-ci (...).
Cette convention, qui faisait d’ailleurs preuve de souplesse, fut non appliquée
avant la fin de la seconde guerre mondiale. Toutefois il est apparu durant cette période
1Expression traduite d’une critique douce d’un chanteur traditionnel appelé « Zouanga Youngo », qui dit dans sa
chanson que « le règne de Naba KOM fut bon sauf sur un point : donnez un enfant pour payer au blanc ».
14
une réglementation éparse prise sous la pression de l’OIT et de puissances comme les
Etats-Unis d’Amérique (USA) et l’Union des républiques socialistes soviétiques
(URSS), principalement, qui n’avaient pas de colonies et qui, en partant de raisons
idéologiques opposées, se rejoignaient dans l’anti-colonialisme. Cette réglementation
était élaborée par les gouverneurs des colonies.
7. Après la seconde guerre mondiale, l’O.I.T. fit adopter une convention n°82
du 19 juin 1947 qui donnait force obligatoire à un certain nombre de principes, parmi
lesquels le principe de non discrimination. Ce principe faisait obligation à la
métropole d’étendre à ses territoires d’Outre-Mer la législation du travail en vigueur.
Dans les années 1960, après les indépendances, chaque Etat africain
francophone élaborera son propre code du travail, en s’inspirant largement du code du
travail d’Outre-mer de 1952. C’est ainsi que le premier code du travail burkinabè fut
établi par la loi n°26-62 AN du 7 juillet 19622. Ce premier code fut modifié par la loi
n°9-73 AN du 7 juin 19733, qui fut remplacée par la loi n°11-92-ADP du 22 décembre
1 Pour le texte du code de 1952, v. J.O.RF. n° 1067, Code du travail dans les territoires d’Outre-Mer, 1956,
Imprimerie du journal officiel ; Pierre HUGUET, Code du travail d’Outre-Mer, texte et commentaire, Recueil
Sirey, 1953.
2
Loi n° 26-62/AN du 7juillet 1962 portant adoption du Code du travail, J.O.RHV. n° 33 bis spécial du
18 août 1962, p. 826.
3
Loi n° 9-73 AN du 7 juin 1973, J.O.RHV n° 31 du 26 juillet 1973, p. 418. V. le recueil annoté de
Coppieters’t Wallant et K. Ouattara, qui porte sur ces textes.
15
19921. Celle-ci est aussi abrogée et aujourd’hui remplacée par la loi n° 033-2004/AN
du 14 septembre 20042.
1 J.O. B.F. spécial du 7 janvier 1993 : Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, Code social, pp. 4 et s.
2 J.O.BF spécial n° 2 du 29 octobre 2004.
3 Arrêt n° 32 du 18 mai 1993, BIB c/ M.R.
4 Il s’agit du Conseil national de la révolution, gouvernement dirigé par Thomas SANKARA du 4 août 1983 au 15
octobre 1987.
16
d’achat, et un renforcement du pouvoir de l’employeur notamment dans le pouvoir de
réorganiser ou restructurer son entreprise. Toutefois, même s’il connaît des variations
dans son contenu, le droit du travail s’étend de manière continue à d’autres catégories
de personnes.
10. L’on dit que le droit du travail est progressiste parce qu’il est orienté, en
relation avec l’idée de droit acquis, vers l’amélioration continue des conditions de vie
du travailleur. Celui-ci, a bien de points de vue, apparaît mieux couvert que les
personnes relevant d’autres régimes juridiques : les artisans et les commerçants, par
1 V. dans le sens d’une remise en cause globale, non pas de l’expansion mais de la limitation du droit du travail au
travail salarié, l’étude prospective commandée par l’Union Européenne et réalisée sous la direction du professeur
Alain SUPIOT, dont le titre est illustratif de l’évolution : « Au-delà de l’emploi, transformation du travail et
devenir du droit du travail en Europe », Flammarion, 1999; présentation dans Dr. Soc. N° spécial 1999.
17
exemple. Les salariés bénéficient d’avantages dont les artisans et les commerçants ne
bénéficient pas : ils bénéficient de la sécurité sociale, du régime protecteur de rupture
du contrat de travail et d’une réglementation protectrice des conditions de travail. Du
fait de ce caractère progressiste, l’on entend souvent dire, au Burkina Faso, que le
droit du travail a pour finalité de protéger le travailleur contre l’employeur. Cette
assertion, qui a généralement pour objectif de réclamer une interprétation conforme à
l’intérêt du travailleur d’une règle de droit, reste tout de même inexacte : la finalité du
droit du travail, comme de tout droit, est de réguler des rapports sociaux et, ici, les
rapports entre employés et employeurs. Si le droit du travail est plus protecteur du
travailleur, c’est que, selon l’adage, « entre le fort et le faible, c’est le droit qui libère
et la liberté qui opprime ». Le droit du travail ne peut donc être réduit à la protection
d’une seule partie, même si le législateur doit porter son attention sur le déséquilibre
de force entre les contractants, comme d’ailleurs il doit le faire dans les rapports entre
le consommateur et le vendeur professionnel en droit commercial.
C – LE CARACTERE AMBIVALENT
11. Mais malgré cet effort de consolidation des avantages matériels (les
revenus par exemple) et juridiques (stabilité de l’emploi), le droit du travail reste
ambivalent. Il est très tributaire de l’économie et de ce fait, il est marqué d’instabilité
voir d’ineffectivité. L’illustration de cette instabilité liée aux facteurs économiques est
donnée par les mouvements de révision des codes du travail en Afrique, en même
temps que l’adoption des programmes d’ajustement structurel et de privatisations, qui
traduisent des difficultés économiques et/ou un changement de politiques
économiques.
18
profit1. Selon MM Ghestin et Langlois, plutôt qu’une opposition, il faudrait dire que
les questions sociales et économiques sont étroitement liées. Le progrès social est,
disent-ils, lui-même tributaire du progrès économique car « à l’échelon de l’entreprise,
seule une entreprise économiquement saine, prospère, peut supporter des charges
sociales importantes et sur le plan national, des charges sociales excessives peuvent
ôter tout caractère compétitif dans la concurrence internationale »2. A l’inverse,
l’expansion économique est elle-même tributaire du progrès social parce que
l’amélioration du niveau de vie des travailleurs fait apparaître des débouchés
nouveaux qui favoriseront l’expansion. Toujours est-il que l’influence de l’économie
sur le droit du travail est très profonde : « si le droit du travail cherche à consacrer ce
qui est socialement désirable, il ne peut réaliser que ce qui est économiquement
possible »3.
12. Divers facteurs ont contribué à donner au droit du travail une certaine
autonomie, un certain particularisme par rapport au droit civil et au droit public. Il
s’agit de l’intervention importante de l’Etat et des conventions collectives.
1 Voy. G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, Droit du travail, précis Dalloz, 18 e éd. p.26.
2 Voy. Jacques GHESTIN et Philippe LANGLOIS, Droit du travail, Sirey, 1977, 2e éd. n°32, p.16.
3 G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit. p.26.
19
techniques juridiques qui lui sont propres. C’est le cas notamment en ce qui concerne
les relations collectives de travail : conventions collectives, conflits collectifs,
syndicats. D’une manière générale, ces rapports collectifs sont régis par la loi. Cette
intervention poussée du législateur entraîne une « publicisation » du Droit du travail.
Commentant le code du travail de 1952, P.F. Gonidec disait qu’on peut se demander
ce qui reste du droit privé dans le droit du travail1. En effet, les rapports de travail sont
plus déterminés par la loi que par le contrat de travail. Le contenu des conventions
collectives est très largement déterminé par le législateur. Ce caractère est accentué au
Burkina Faso par le fait que l’unique convention collective générale (la convention
collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974)2, date de 1974 alors que le code du
travail a été modifié en 1992 et en 2004. Le code a intégré, dès 1992, ce qui pouvait
être considéré comme des acquis de cette convention collective. Celle-ci est, sur
certains points, en retard par rapport au code. Il en est ainsi, par exemple, de la
réglementation du licenciement pour motif économique où la CCIP en est restée à la
notion de licenciement collectif, qui est plus restreinte.
A. SUPIOT, op. cit. p ; 24 : « le phénomène des groupes et des collectivités, à l’antipode du droit civil, caractérise
ainsi le droit du travail ».
20
TITRE I - LES SOURCES DU DROIT DU TRAVAIL
13. Le terme « source du droit » désigne « l’ensemble des règles juridiques
applicables dans un Etat à un moment donné »1. Les règles du droit du travail tirent
leurs origines de sources internes et de sources internationales. Cette distinction
classique prend encore plus de relief en droit du travail africain, car celui-ci est né et a
évolué sous l’influence des organisations internationales s’occupant des questions du
travail.
1 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 8e éd., 1993, p.499; voy. Également,
Hugues THUILLIER, Contribution à la théorie des sources du droit du travail, J.C.P., I, 2649; Bernard MATHIEU,
Les sources du droit du travail, Que-sais-je? P.U.F., 1ère édition, 1992.
21
22
CHAPITRE I - LES SOURCES INTERNES
Les sources internes du droit du travail se subdivisent, d’une part, en sources
étatiques ou sources publiques ou encore sources hétéronomes et, d’autre part, en
sources professionnelles ou sources privées ou encore sources autonomes.
§ 1 - La constitution
14. Les constitutions sont en général laconiques sur le droit social (droit du
travail et de la sécurité sociale). Elles affirment les principes essentiels - directement
ou par référence aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme - et
renvoient à la loi pour leur mise en oeuvre.
Selon l’article 19 « le droit au travail est reconnu et égal pour tous. Il est
interdit de faire des discriminations en matière d’emploi et de rémunération en se
fondant notamment sur le sexe, la couleur, l’origine sociale, l’ethnie ou l’opinion
politique ».
23
Enfin, l’article 22 dispose que : « le droit de grève est garanti. Il s’exerce
conformément aux lois en vigueur ». Cette liberté peut donc, comme toute liberté, être
aménagée par le législateur.
Outre ces dispositions qui font référence aux relations de travail, il faut tenir
compte de deux autres sources constitutionnelles : les « principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République », selon le langage du juge constitutionnel
français et les principes généraux du droit d’origines diverses susceptibles d’être
appliqués en droit du travail1. Sont par exemple applicables au droit du travail, les
principes de liberté personnelle, la liberté d’entreprendre, le principe d’égalité ou de
non discrimination, le principe de légalité des délits et des peines, le droit de propriété,
le principe de continuité des services publics …
§ 2 - La loi
15. La compétence du législateur résulte des renvois explicites à la loi (article
21 et 22 précités) mais aussi et surtout de l’article 101 de la constitution portant
définition du domaine de la loi. Selon cet article, « la loi détermine les principes
fondamentaux (...) du droit du travail, du droit syndical et des institutions sociales ».
Partant de cette répartition, il appartient au législateur de préciser et mettre en
application les principes généraux posés par la constitution et le droit international.
§ 3 - Les règlements
16. Suivant la répartition opérée par les articles 101 et 108 de la constitution,
portant respectivement détermination des domaines de la loi et du règlement, les
24
règlements mettent en application les principes fondamentaux déterminés par la loi,
les conventions internationales et la constitution.
§4 - La jurisprudence
17. En ce qui concerne la place de la jurisprudence comme source du droit du
travail, il ne faut pas seulement considérer les décisions des juridictions du travail
mais tenir compte également de celles des autres juridictions (pénales,
administratives...), car le droit du travail est à la croisée du droit public et du droit
privé4. Les juridictions administratives et pénales interviennent dans l’application du
code du travail et leurs décisions revêtent souvent une grande importance. En quoi la
jurisprudence est-elle une source importante du droit du travail?
1 Le code du travail de 2004, en disposant que « la loi fixe, pour chaque tribunal, son siège et sa compétence »,
confère désormais compétence au législateur pour la création des tribunaux du travail (V. l’art. 291 al. 3 C. trav.
2004).
2 Circulaire n’° 93-2 ETSS du 6 oct. 1993 sur l’application de l’article 90 C. trav. De 1992 (J.O.BF. du 7 octobre,
p. 1601)
3 Circulaire n° 93-3 ETSS du 5 mai 1993 relative à l’application de l’art. 13 C. trav. De 1992 (J.O.BF. du 11
25
connaissance de la jurisprudence est indispensable à qui veut avoir une vue complète
du droit du travail. M. Bertrand Mathieu, par exemple, estime que même si le
développement des textes législatifs et réglementaires a conduit la jurisprudence à
accepter une place plus réduite dans les sources du droit du travail, « la jurisprudence
reste cependant l’une des sources essentielles du droit du travail »1.
1 Bernard MATHIEU, op. Cit., pp. 86 et s. V. aussi, G. LYON-CAEN, L’état des sources du droit du travail, Dr.
Soc. 2001, 1031; H. THIBAULT, L’employeur et le juge, Dr. Soc. 1997, 93 et s.
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. cit., p.54.
3 Voy. C. A. Ouagadougou, 21 février 1986, et contra, Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, 6 mai 1985, RBD n° 12,
distinction entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail, Mélanges offerts à
Pierre Couvrat, PUF, 2001, p.101.
5 V., sur la notion d’interprétation réaliste, J. PELISSIER, A. SUPIOT et A. JEAMMAUD, Droit du travail, 21 e
3 mars 1972, Mme Maouzou communauté musulmane; C.ap. Ouagadougou, arrêt n° 64 du 7 juin 1994,
Thiombiano B. c/ Total-Texaco; arrêt n° 65 du 7 juin 1994, Mambouré Y. c/ SEA- Mercedès; arrêt n° 66 du 7 juin
1994, S.A.O. c/ Chazeau; C.A. Ouagadougou, 17 juin 1997, B.M. et 40 autres, RBD n° 33, 1 er semestre 1998, p.
153.
26
travailleur qui a accepté mois par mois le salaire convenu, sans contestation avant la
rupture, est mal venu à réclamer des reliquats de salaires pour non respect du SMIG.
28
§ 2 - Les usages
23. Les usages « sont les habitudes suivies et pratiquées de longue date et
communément adoptées comme étant le droit »1 . L’usage se caractérise par un
élément objectif qui est la pratique de longue date par les employeurs et les salariés, et
par un élément subjectif, qui est la croyance des partenaires dans la force obligatoire
de l’usage2. Les usages, comme source du droit du travail, ont aujourd’hui un rôle
réduit.
Le législateur renvoie quelques fois aux usages en cours dans des branches ou
secteurs professionnels. Il en est ainsi : de l’article 185 du code de 2004 (ex. art. 112)
qui fait référence aux usages en ce qui concerne la périodicité du paiement du salaire ;
de l’article 25 C. trav. (ex. art.42) qui dispose que « le contrat d’apprentissage est
établi en tenant compte des usages et coutumes de la profession » ; de l’article 82 al. 1
C. trav. (ex.34 al.2b) qui prévoit que le juge fixe le montant des dommages-intérêts
pour licenciement abusif en tenant compte des usages et de la nature des services
engagés, de l’ancienneté de service, de l’âge du travailleur et des droits acquis à
quelque titre que ce soit. Les usages jouent un rôle supplétif ou complémentaire
d’interprétation des contrats ou d’une règle existante. M.R. Lemesle fait la différence
entre usage et coutume surtout dans le contexte africain : « Les usages dont il est fait
état, écrit-il, sont ceux qui se forment dans le cadre de la législation applicable aux
travailleurs régis par le code, alors qu’au contraire, les travailleurs coutumiers sont
régis par les coutumes pratiquées hors du code du travail ». Leurs valeurs juridiques
diffèrent car « l’usage ne s’impose que si le législateur y renvoie expressément, tandis
que la coutume est une véritable loi non écrite qui s’impose d’elle-même »3.
Le code du travail, dans les cas ci-dessus cités, fait référence à des usages de
profession, mais on distingue aussi les usages d’entreprise qui résultent d’une pratique
du patron dans une entreprise déterminée. Cette pratique est interprétée par le juge
comme liant le patron comme un accord collectif d’établissement tacite ou au titre
d’un avantage acquis tacitement concédé au(x) salarié(s).
§ 3 - Le règlement intérieur
24. Le règlement intérieur est une source professionnelle parfois contestée.
Cette contestation porte sur le fait qu’à la différence de la convention collective, le
règlement intérieur est élaboré de manière unilatérale. Il est élaboré par le chef
d’entreprise qui, en tant que personne privée, ne bénéficie d’aucun pouvoir normatif 4.
1Paul AHIZI AKOI, l’administration du travail en Côte d’Ivoire, p.25.
2 Voy. J. ISSA-SAYEGH, op. cit., p.182 ; THUILLIER H., L’usage en droit du travail, JCP éd. C.I, 1975, II,
11619 ; BRUN et GALLAND, Droit du travail, Sirey, 1978, tome 1 n°59 ; DESPAX et PELISSIER, la gestion du
personnel, aspects juridiques, éd. Cujas, tome 1 n°33 ; G. LYON-CAEN et PELISSIER, Les grands arrêts de droit
du travail, Sirey 2e éd., p.263 et s.; B. MATHIEU, op. cit. p. 103.
3 Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Edicef/Aupelf, 1989, p.3.
4 Voy. CAMERLYNNCK et G. LYON-CAEN, op. cit., 4e éd. n° 60, p. 59.
29
Mais en droit du travail, l’employeur bénéficie, en vertu de son pouvoir de direction,
de la faculté de prendre des règles organisant le travail et ces règles s’imposent aux
employés. Ce pouvoir, qualifié de pouvoir réglementaire1, vise essentiellement à
imposer la discipline au sein de l’entreprise et dans l’exécution du travail.
1 V., à cet égard, C.S. BF, arrêt n° 24 du 18septembre 1990, SOREMIB c/ O.B. Selon la même Cour suprême, le
règlement intérieur est une source de droit inférieure : C.S. BF, arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo P. c/ SBE.
2 V. art. 134 C.trav. de 2004.
3 V. Article 135 nouveau. Sur le règlement intérieur, voyez : A. JEAMMAUD, M. LE FRIAND et A. LYON-
CAEN, L’ordonnancement des relations de travail, D. 1998, chron. 359, n° 20; A. SUPIOT, Déréglementation des
relations de travail et autoréglementation de l’entreprise, Dr. Soc. 1989, 195; et La réglementation patronale de
l’entreprise, Dr. Soc., 1992, p. 217; J. RIVERO, Note sur le règlement intérieur, Dr. Soc. 1979, 1; M. VERICEL,
Sur le pouvoir normatif de l’employeur, Dr. Soc. 1991, 120; G. LYON-CAEN, Une anomalie juridique : le
règlement intérieur, D. 1969, chron. p. 247; Du nouveau sur le règlement intérieur et la discipline dans l’entreprise,
D. 1983, chron. p. 7; D. CHELLE et X. PRETOT, Le contrôle administratif du règlement intérieur, A.J.D.A.,
1989, p. 203 M. COHEN, Le règlement intérieur et le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, Dr. Soc., 1980, p.
165.
30
CHAPITRE II - LES SOURCES INTERNATIONALES
25. Les sources internationales sont de deux sortes : les accords bilatéraux et
les conventions multilatérales qui, elles-mêmes, comprennent les accords régionaux et
les conventions universelles conclues sous l’égide de l’Organisation internationale du
travail (OIT).
Le Burkina Faso a conclu des accords bilatéraux avec certains pays mais les
deux principaux, du point de vue du nombre de personnes concernées par ces accords,
sont inappliqués ou suspendus : il s’agit des accords avec la Côte d’Ivoire et le
Gabon. La convention du 9 mars 1960 relative aux conditions d’engagement et
d’emploi des travailleurs voltaïques en Côte d’Ivoire1 et la convention du 13 août
1973 entre le gouvernement de la République de Haute Volta [Burkina Faso] et le
gouvernement de la République Gabonaise relative à la coopération technique en
matière de main d’œuvre2 peuvent être rangées dans les traités d’immigration. Ce sont
des accords restreints qui ont pour objet de préciser les droits des travailleurs
burkinabè dans ces pays.
1 J.O. H.V. n° 35 du 10 juin 1961, p.52 ; Recueil annoté des textes applicables au droit du travail au Burkina Faso,
2e éd., annexe n°99; Codes et lois du Burkina Faso, T. IX, p. 281.
2 J.O. H.V. n°23 du 8 août 1974, p.572 ; Recueil annoté, 2 e éd., annexe n°101; Codes et lois du BF, T. IX, p. 285.
3 J.O. H.V. n° 2 du 8 janvier 1970, p.15 ; Recueil annoté, op. cit., annexe n°6, p. 85.
31
l’exercice des activités professionnelles salariées et des professions libérales… ».
Ceux-ci peuvent être bénéficiaires de concessions, autorisations et permissions
administratives et peuvent conclure des marchés publics dans les mêmes conditions
que les nationaux1. En matière de droit social, l’article 10 précise que « les nationaux
des parties contractantes bénéficient sur le territoire de l’autre partie de la législation
du travail, des lois sociales et de la sécurité sociale dans les mêmes conditions que les
nationaux de cette partie ». Au moment de la signature de cette convention, le courant
d’immigration de part et d’autre était très important notamment en ce qui concerne la
création d’établissements à caractère commercial. Les deux guerres de frontière
avaient freiné ce mouvement. Mais la convention a l’avantage d’être appuyée par une
convention de sécurité sociale signée en 1992 et par un arrangement administratif
relatif aux modalités d’application2, ce qui lui donne plus de chances d’effectivité.
27. Le mot régional doit être précisé parce qu’il est ambivalent : à l’échelle
universel, l’Afrique forme une région, par opposition à l’Europe, l’Asie, l’Amérique,
etc. ; au niveau de l’Union africaine (U.A.), l’Afrique est aussi subdivisée en régions.
Nous entendons par accords régionaux les accords multilatéraux entre Etats africains,
à un niveau infra-continental. Les accords et les institutions qui les portent ne
s’insèrent pas obligatoirement dans les délimitations officielles des régions faites par
l’U.A.
1
Art. 9 de la convention.
2
V. infra, Livre II, Titre II, chapitre II.
3 Voy. Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Edicef/Aupelf, Paris, 1989, p.38.
4 Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, ratifiée par le
Burkina Faso le 18 octobre 1976, J.O.RHV du 4 novembre 1976, p. 805; Codes et lois du BF, p. 472.
5 V. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives,
32
d’intégration peuvent être l’adoption de déclaration ou de charte en matière sociale,
plus particulièrement dans le domaine des droits sociaux fondamentaux1, mais
l’Afrique n’en est pas encore là.
28. Le traité du 17 avril 1973 qui avait créé l’ex. Communauté Economique de
l’Afrique de l’Ouest (CEAO), regroupement d’Etats francophones de la région,
prévoyait que « les législations et réglementations en matière... d’emploi s’appliquent
sans discrimination aux ressortissants de tous les Etats membres, sous réserves des
dispositions applicables à la fonction publique et assimilées aux professions
réglementées ». Des accords particuliers signés dans le cadre de cette communauté
touchent le droit du travail. C’est le cas notamment de l’accord portant sur le droit
d’établissement et la libre circulation des personnes entre les Etats membres, signé à
Bamako le 27 octobre 19782. Les articles IV, V et VI de cet accord prévoyaient déjà
l’assimilation des ressortissants des Etats membres aux nationaux pour l’exercice des
droits et libertés à l’exception des droits politiques, et pour le bénéfice de la législation
sociale. Le principe d’égalité de traitement devait être mis en œuvre par des
règlements3 et grâce à une Cour arbitrale de la Communauté qui avait compétence
pour connaître des conflits portant sur l’application de l’accord.
1 V. Michèle BONNECHERE, Quelle garantie des droits sociaux fondamentaux en droit européen ? Europe n° 7,
juillet 2000, Editions du Juris-classeur, p.4.
2 Ratifié par décret n° 82-311 du 24 août 1982, J.O. RHV du 26 août 1982, p. 723.
3 Article VI alinéa 2.
33
Les dispositions utiles pour favoriser l’usage effectif du droit d’établissement
doivent être arrêtées par voie de règlement ou de directive par le Conseil des ministres
de l’Union, sur proposition de la Commission. Cette procédure qui se voulait
simplifiée ne connaît pas le même dynamisme que dans l’Union Européenne dont elle
tire son inspiration. Si les aspects tarif extérieur commun, libre circulation des
capitaux et des marchandises ont connu de grandes avancées, les questions touchant à
l’harmonisation du droit du travail et à la coordination en matière de sécurité sociale
paraissent négligées ou carrément gelées1.
29. Le traité créant la CEDEAO, signé à Lagos le 28 mai 1975, se donne aussi
pour objet, entre autres, de promouvoir la coopération et le développement dans le
domaine social. Selon l’article 62, 2, b de ce traité, « les Etats membres s’engagent à
harmoniser leurs législations du travail et leurs régimes de sécurité sociale ». L’article
57 du traité dispose que « les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de
résidence et d’établissement et les Etats membres s’engagent à reconnaître ces droits
aux citoyens de la Communauté sur leurs territoires respectifs, conformément aux
dispositions des protocoles y afférents ». Dans le cadre de la CEDEAO, un protocole
sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et la liberté d’établissement
a été adopté à Dakar le 29 mai 1979. Ce protocole se proposait d’organiser la libre
circulation, le droit de résidence et d’établissement sur une période de 15 ans divisé en
trois étapes de cinq ans2. Mais ce chronogramme, comme d’autres chronogrammes de
réalisation d’objectifs d’intégration, a été rendu caduc.
Des accords de ce genre ont également été conclus par les Etats membres des
autres regroupements sous-régionaux. Ainsi une convention sur la libre circulation a
été signée au sein de l’Union douanière des Etats de l’Afrique centrale (UDEAC) et
une convention générale de sécurité sociale a été signée au sein de la Communauté
économique des pays des grands lacs (CEPGL)3.
1 La crise politique en Côte d’Ivoire, sur fond d’antagonismes Nord-Sud du pays, de lutte contre l’immigration,
avec des dérapages xénophobes, n’est pas faite pour faciliter la mise en œuvre des principes d’intégration humaine
qui accompagnent et soutiennent l’intégration économique.
2 V. Pierre Meyer, La libre circulation des personnes dans la Communauté Économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO), in La loyauté, Mélanges offerts au professeur Etienne CEREXHE, 1997, p. 275.
3 La CEPGL regroupe les pays suivants : Burundi, Rwanda, Zaïre. Tous ces États connaissant plus ou moins une
situation de guerre civile, une convention de libre circulation n’a plus de sens.
34
général, Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
(GIE) ; Droit des sûretés ; Procédures simplifiées de recouvrement des créances et
voies d’exécution ; Procédures collectives d’apurement du passif ; Droit de
l’arbitrage ; et organisation de la comptabilité des entreprises. L’harmonisation du
droit du travail nous paraît exiger une autre technique que celle de l’adoption d’un
acte uniforme s’appliquant dans tous les Etats membres, à moins qu’il s’agisse de
dispositions représentant un minimum commun et par conséquent inaptes à maintenir
pendant un certain temps un droit harmonisé et à promouvoir la convergence et le
progrès. La grande difficulté à surmonter est de pouvoir se mettre d’accord sur un ou
des textes dans le cadre de négociations tripartites et, à la fois, de conserver à chaque
Etat membre la dynamique du dialogue tripartite entre l’administration, les travailleurs
et les employeurs.
Les conventions de l’OIT sont les plus importants accords multilatéraux, par
leur nombre, mais aussi par leurs influences sur les accords bilatéraux et régionaux.
Elles réalisent le premier niveau d’harmonisation régionale lorsque les Etats ratifient
les mêmes conventions et les appliquent dans leurs rapports. Aussi faut-il faire une
brève présentation de l’OIT1 et de son rôle avant d’examiner son influence sur
l’évolution du droit du travail africain.
1 Voy. Nicolas VALTICOS, Droit international du travail, 2e éd. Dalloz 1983 ; Encyclopédie Dalloz, Travail,
T.III, organisation international du travail, mise à jour 1986; H. BARTOLOMEI DE LA CRUZ et A. EUZEBY,
l’Organisation Internationale du Travail (OIT), Que-sais-je?, n° 836, PUF, 1997; G. LYON-CAEN et A. LYON-
CAEN, Droit social international et européen, 7 ème édition, Dalloz 1991; J. ISSA-SAYEGH, Les institutions
internationales du travail, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, pp. 65 et s.; A. EUZEBY, L’OIT a quatre-
vingts ans : quatrième âge ou nouvelle jeunesse? Dr. Soc. 2000. 1; F. MAUPAIN, Le renouveau du débat normatif
à l’OIT. De la fin de la guerre froide à la mondialisation, Bull. dr. Comp. trav., 2001, p. 3; Pour l’historique de
l’OIT, v. A. THOMAS, L’organisation internationale du travail, in Revue Internationale du travail, volume 135, n°
35
§ 1 – L’Organisation et le fonctionnement de l’OIT
Les organes principaux de l’OIT sont : La Conférence générale ou Conférence
internationale du travail, le conseil d’administration et le Bureau international du
travail (BIT). A ces organes principaux s’ajoutent des organes auxiliaires qui prennent
en charge les missions de contrôle, d’assistance technique et d’action politique de
l’OIT.
B – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION
3-4, p.283; C. ROSSILLION, Droit social international à vocation universelle, Juriscl. Droit international, fasc.
574. A. G. LYON-CAEN, Droit international du travail, Juriscl. Droit international, fasc.570 à 580.
1 La CIT a tenu sa 92e session en 2004.
36
désigner le directeur général du BIT1. Le conseil d’administration se réunit trois fois
par an.
33. Le BIT est l’organe exécutif de l’OIT. Il est dirigé par un directeur général.
Ses fonctions essentielles sont : la préparation technique des travaux de la CIT,
notamment les projets de conventions et de recommandations à soumettre à la
Conférence ; la préparation des documents pour les organes de contrôle ; et la
direction de la grande administration que constitue l’OIT. Il a également pour mission
d’apporter son aide aux gouvernements pour l’élaboration de leur législation. Le BIT
joue de manière générale le rôle de secrétariat permanent pour les différentes instances
de l’OIT (CIT, conseil d’administration) et anime la vie de l’institution à travers des
centres de recherche, de documentation et de publication.
34. En plus des trois organes ci-dessus, des organes auxiliaires ont été créés : le
Tribunal administratif de l’OIT ; L’Institut internationale d’études sociales ; le Centre
international de perfectionnement professionnel et technique ainsi que diverses
commissions et des Bureaux régionaux dans les différents continents. Parmi ces
commissions on peut citer celles, très techniques, que sont : la commission paritaire
maritime, la commission permanente agricole, la commission consultative du
développement rural, la commission paritaire de la fonction publique. Pour ce qui
concerne l’Afrique, on peut citer la commission consultative africaine et le Bureau
régional pour l’Afrique. Le Bureau régional compte à son tour des représentations
sous-régionales en Afrique.
37
§ 2 - Le rôle de l’OIT
L’OIT a reçu pour tâches d’établir partout un régime de travail « réellement
humain »1, d’instituer et faire respecter, sous réserve du respect de la souveraineté des
États, une législation internationale du travail2. Elle a pour rôle « d’être la conscience
sociale de l’humanité » selon une expression de son premier directeur du BIT3. L’OIT
a été créée pour éviter le risque de « dumping » social que fait courir la concurrence
commerciale internationale, chaque État étant tenté de faire des économies sur le prix
de la main d’œuvre et les coûts d’amélioration des conditions de travail. Ce risque est
aujourd’hui aggravé par la situation de règne sans partage du libéralisme économique :
l’ouverture de tous les États à la libre circulation des capitaux, la course à l’attrait des
capitaux drainés par les multinationales, les fusions et absorptions d’entreprises
entraînent dans les pays développés des licenciements résultant de délocalisations ou
des fusions et, dans les pays en développement, des licenciements pour raison
d’asphyxie des petites et moyennes entreprises. N’ayant plus à se défendre face à
l’attrait d’un autre système, le libéralisme économique n’associe plus croissance
économique et progrès social. La réorientation des programmes d’ajustement
structurel vers la lutte contre la pauvreté est un aveu que « le progrès économique
n’engendre pas nécessairement le progrès social »4. L’amélioration des indicateurs
macroéconomiques de gestion ne peut empêcher l’accroissement de la pauvreté sans
une action consciente et volontaire contre la dégradation des conditions sociales et le
chômage. L’action de l’OIT consiste à réintroduire la dimension sociale dans les
politiques publiques des Etats et dans les visions du développement des organisations
internationales. Sur le plan des réglementations, ses efforts se portent sur l’adoption
par les Etats membres de règles uniformes ou harmoniser en droit du travail. Cet
objectif est poursuivi à travers : l’élaboration des conventions internationales ; la prise
de recommandations ; les études et publications sur les questions du travail ;
l’assistance technique que les structures de l’OIT fournissent aux Etats membres,
particulièrement aux pays en développement. Nous traiterons dans ce paragraphe des
deux premières activités dont le contrôle de mise en œuvre assure l’universalisation
des principes fondamentaux.
A - LES CONVENTIONS
34. Les conventions internationales sont votées par la CIT à la majorité des
deux tiers. Elles sont soumises à la procédure de ratification de chaque Etat membre
1
L’on parle aussi de “travail décent”, concept qui désigne l’exigence d’un travail qui procure une
rémunération équitable et suffisante et qui assure au travailleur et à sa famille une existence conforme à
la dignité humaine. V. l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme.
2 V. A. THOMAS, RIT vol. 135 (1996), n° 3-4, p. 283.
3 in A. EUZEBY, op. cit., p. 61.
4 A. Euzéby, op. cit. p. 64; V., sur un plan plus général, Jean-Marie VERDIER, Grande pauvreté, exclusion et
droits fondamentaux : un autre regard enrichi par le croisement des savoirs, Bulletin Comptrasec, 1999, p. 4;
Georges SPYROPOULOS, Les relations professionnelles dans le tourbillon de la mondialisation, Dr. Soc. n° 3,
mars 1999, p. 230.
38
mais pas à une procédure de signature. Les Etats ont l’obligation de solliciter
l’autorisation de ratification à leur parlement ou autorité compétente. Cette ratification
ne peut pas être assortie de réserve sauf si la convention le prévoit. Certaines
conventions peuvent contenir des clauses facultatives et des clauses obligatoires, pour
tenir compte des particularités de situation entre les Etats. De même, l’on peut
proposer aux Etats la ratification de quelques clauses d’une convention ou adopter des
conventions distinctes pour les pays industriellement avancés et les pays qui sont au
premier stade de leur développement. L’interprétation de la convention est de la
compétence de la Cour internationale de justice (CIJ).
35. Mais, les conventions ne suffisent pas à assurer une bonne coordination des
législations afin d’aboutir à une meilleure protection, notamment des travailleurs
migrants, ou à une harmonie dans les politiques sociales, du fait du caractère
volontaire de la ratification des conventions et de la subsistance du principe de
réciprocité. L’OIT encourage les Etats à conclure des accords bilatéraux et
multilatéraux qui permettent de compléter cette protection. Il est aussi de plus en plus
question d’introduire une clause sociale qui rendrait la ratification et le respect de
certaines normes plus contraignantes. La clause sociale devrait permettre de tenir
explicitement compte de la dimension sociale du commerce international, en
conditionnant l’accès des produits d’un pays aux marchés des autres au respect de
certaines normes sociales. Les justifications de cette clause reposerait sur des motifs
de trois ordres : des raisons d’éthiques, notamment les besoins de promotion et de
défense des droits sociaux fondamentaux ; des raisons de concurrence internationale,
marquées par la nécessité de se prémunir des risques de régression sociale mais aussi
d’une concurrence déloyale en empêchant que certains pays se procurent des
avantages commerciaux en adoptant une politique de « moins disant social » et, en
relation avec ces motifs, le constat de l’inefficacité des procédures actuelles de
contrôle.
1 V. RIT n° 2, 1998, pp. 273-277; H. KELLERSON, La déclaration de 1998 sur les principes et droits
fondamentaux : un défi pour l’avenir? RIT n° 2, 1998, 243-248.
39
L’idée d’une clause sociale, qui n’est pas nouvelle1, n’emporte pas
l’enthousiasme de beaucoup de pays en développement qui craignent qu’elle ne se
transforme en mesure protectionniste en faveur des pays industrialisés avancés. Ces
pays disposeraient ainsi d’un moyen de chantage dans les relations politiques et
commerciales avec les pays moins avancés. Aux clauses techniques et sanitaires
s’ajouteraient les clauses sociales pour accroître les avantages des pays développés. La
clause sociale peut stimuler, sur le plan intérieur, le développement et le progrès social
mais transposé dans le commerce international, elle devient une arme uniquement aux
mains des pays industrialisés. Pour les pays en développement, derrière les motifs
éthiques et moraux, « la proposition d’une clause sociale est inspirée par un
protectionnisme déguisé qui pourrait entraver leur développement industriel et les
priver de l’un des avantages comparatifs essentiels : leur aptitude à utiliser une main
d’œuvre bon marché »2. L’adoption d’une clause sociale soulève deux problèmes
interdépendants. Le premier concerne le choix des normes qui seront considérées
comme universelles et qui ne culpabiliseraient pas seulement les pays en
développement. Contrairement aux droits fondamentaux, les normes de travail sont
fonction du niveau de développement. Par exemple, le travail des enfants, les
conditions d’hygiène au travail, interpellent presque uniquement les pays en
développement dont la production agricole et artisanale fait appel à une main d’œuvre
forte et au travail des enfants. Si par contre l’on y inclut la question de l’immigration,
les pays industrialisés peuvent se trouvés interpellés.
1 V. Alain EUZEBY, L’OIT a quatre-vingts ans : quatrième âge ou nouvelle jeunesse? Dr. Soc. N° 1, janvier 2000,
p. 65.
2 Jean-Pierre SARDIN, La loyauté dans les échanges internationaux : le débat sur l’harmonisation des normes de
travail, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, Bordeaux, 1996, p. 35. Voyez également
Hiromasa SUZUKI, Normes sociales et développement économiques, point de vue des asiatiques, même Bulletin,
p. 116 et s.; Francis MAUPAIN, La protection internationale des travailleurs et la libéralisation du commerce
mondial : un lien ou un frein? R.G.D.I.P. 1996.I, pp. 45-100.
40
selon M. Valticos1, trois fonctions essentielles : La première fonction de la
recommandation est de préparer les esprits ; lorsque le sujet n’est pas mûr pour
l’adoption d’une convention, la recommandation est indiquée car elle peut contribuer
à « créer une conscience sociale commune » ; la seconde fonction de la
recommandation est de compléter une convention ; la convention peut porter sur des
dispositions fondamentales et de principe et une recommandation peut alors prévoir
des dispositions plus détaillées et les modalités d’application ; la troisième fonction de
la recommandation est de suppléer la forme de convention. Lorsque les normes
abordées ont un caractère très technique et détaillé, ou lorsque les questions, les
situations ou les pratiques varient beaucoup d’un pays à l’autre, l’adoption d’une
recommandation est plus indiquée que celle d’une convention.
Il importe de souligner que les normes adoptées par l’OIT font l’objet d’un
contrôle d’application.
- Le premier procédé de contrôle est l’examen des rapports des Etats. Chaque
Etat doit fournir des rapports réguliers sur l’application des conventions ratifiées. De
même, Il peut être appelé à fournir un rapport sur des conventions non ratifiées et sur
des recommandations ;
- La seconde voie de contrôle est le contrôle général fondé sur des plaintes. Ce
contrôle se fait de deux manières : la première est celle de la réclamation soumise par
une organisation d’employeurs ou de travailleurs contre un Etat « qui n’aurait pas
assuré de manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Etat
membre a adhéré ». Cette réclamation est examinée par le conseil d’administration qui
peut publier la réclamation et la réponse. La deuxième manière est la plainte. Celle-ci
est la procédure contentieuse la plus formelle de l’OIT. La plainte n’est pas soumise à
l’existence d’un préjudice direct. Ainsi a-t-on abandonné la notion classique de
dommage direct au profit de celle d’intérêt général. La plainte peut être engagée soit
par un Etat contre un autre Etat, soit par le conseil d’administration qui se saisit
d’office ou sur plainte d’un délégué à la conférence. La plainte est soumise à une
41
commission d’enquête de trois (3) membres indépendants. La commission fait un
rapport et des recommandations ;
Ces conventions ont aussi influé, en second lieu, les accords bilatéraux
africains. Cette influence tient à l’antériorité des conventions de l’OIT sur les accords
bilatéraux inter-africains qui n’ont vu le jour qu’à partir de 1960, année où beaucoup
d’Etats ont accédé à l’indépendance.
42
Le troisième canal d’influence de l’OIT sur les droits africains provient de
l’impulsion donnée par l’OIT à une harmonisation régionale du droit du travail. L’OIT
a été à l’origine de la création d’organisations régionales ou sous-régionales chargées
des questions du travail. Ainsi, en plus des bureaux régionaux qu’elle a établi dans les
différents continents, deux institutions peuvent être mentionnées : La Conférence
régionale africaine et la Commission consultative africaine.
2) En second lieu, l’OIT aide les Etats africains à mieux maîtriser leurs
problèmes spécifiques de travail et d’emploi à travers des structures multilatérales de
discussion et l’assistance bilatérale. Les structures multilatérales sont les conférences
régionales et la Commission consultative. Les conférences régionales africaines de
l’OIT, dont la première s’est tenue dès 1960 à Lagos au Nigeria 1, sont des réunions
non strictement périodiques. Ces conférences n’aboutissent pas à l’adoption de
convention régionale mais elles permettent aux Etats d’examiner les problèmes de
ratification et d’application des conventions de l’OIT. Elles ont recommandé, par
exemple, de s’abstenir de ratifier les conventions incompatibles avec le niveau de
développement2. L’OIT est aussi à la base de la création de la commission
consultative régionale qui étudient les problèmes du travail concernant la région. Cette
commission, créée en 1958 par le Conseil d’administration, est chargée de donner des
avis sur les problèmes sociaux africains. Elle est associée aux travaux du conseil
d’administration de l’OIT.
Cet aperçu sur l’histoire, les caractères et les sources du droit du travail montre
une certaine communauté d’inspiration du droit du travail en Afrique francophone,
résultant de l’influence du colonisateur commun et de celle de l’OIT. Mais le droit du
travail de chaque pays n’en conserve pas moins des spécificités par rapport aux droits
des pays voisins et surtout par rapport au droit français. Si les fondements sont très
proches sinon similaires au droit français, il n’en demeure pas moins que des
différences sont fréquentes au niveau de la règle de droit et surtout au niveau des
institutions sociales.
1 La conférence régionale a été créée en 1958, avant donc que la majorité des États n’accèdent à l’indépendance.
La 10e réunion régionale africaine s’est tenue à Addis Abeba du 2 au 5 décembre 2003, la neuvième s’étant tenue à
Abidjan du 8 au 11 décembre 1999.
2 R. LEMESLE, op. cit., pp.59 et s. Le Burkina Faso a ratifié 40 conventions à la date de 2003. V. listes des
43
44
TITRE II - LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL
39. Le droit du travail s’est bâti autour de deux axes essentiels, les rapports
individuels entre l’employeur et le travailleur et les rapports collectifs au sein de
l’entreprise entre l’employeur et les employés ou, dans un champ extérieur à
l’entreprise, les rapports entre les organisations d’employeurs et les organisations de
travailleurs. Mais pour accéder au champ des rapports collectifs, le travailleur entre en
relation avec un employeur par le biais d’un contrat de travail. L’étude des relations
individuelles recouvre deux aspects : le premier aspect concerne les droits et
obligations des parties dans les différentes phases de la vie du contrat ; le second
touche aux droits et obligations des parties dans l’exécution des relations nées du
contrat. Nous examinerons donc en sous/titre I le contrat de travail et en sous/titre II
l’exécution des relations de travail.
45
46
SOUS/TITRE I - LE CONTRAT DE TRAVAIL
40. Le contrat de travail conserve une place de choix dans l’étude du droit du
travail, même si, comme l’écrit J.M. Verdier, «le rôle du contrat de travail a
considérablement diminué en raison de l’intervention croissante de l’Etat et du
développement des conventions collectives »1 . Le rôle du contrat de travail a diminué
parce que, dans l’entreprise, les travailleurs et l’employeur se trouvent, de nos jours,
dans une situation qui paraît plus statutaire que contractuelle. La preuve en est que
l’employeur est soumis à une réglementation impérative dans ses relations avec les
employés et le travailleur de son côté, en entrant dans l’entreprise, sera soumis à des
règles préétablies par le biais des conventions collectives et du règlement intérieur.
Mais malgré tout, le contrat de travail conserve un rôle capital parce que son
existence demeure la condition première de l’entrée du travailleur dans l’entreprise et
le critère du champ d’application du droit du travail2. Par ailleurs, l’existence de la
réglementation et de conventions collectives n’anéantit pas la valeur propre du
contenu du contrat de travail et l’on parle même de « renouveau du contrat de
travail »3. C’est le contrat qui définit la qualification du salarié, son emploi, sa
rémunération, les avantages éventuellement dérogatoires aux règlements et aux
conventions collectives4. Toutefois, la valeur propre du contenu du contrat peut certes
varier selon la nature du travail ou/et selon la qualification du travailleur : les
conditions du contrat sont plus ou moins négociées et peuvent être plus ou moins
particulières, selon que le salarié est cadre ou ouvrier, vendeur ou représentant-placier,
médecin ou mineur, etc.
GHESTIN), LGDJ, 2001; G.H. CAMERLYNCK, Le contrat de travail, Traité, Tome 1, Dalloz, 2 e éd., 1982; Alain
SUPIOT, Critique du contrat de travail, PUF, 2 e éd., Coll. Quadrige, 2002; A. LYON-CAEN, Actualité du contrat
de travail, Dr. Soc. 1988.540; A. JEAMMAUD, Les polyvalences du contrat de travail, Études offertes à G. Lyon-
caen, Dalloz, 1989, p.299; Ph. WAQUET, Le renouveau du contrat de travail, RJS 5/99, p. 383; P. MOUSSY, A
propos de l’effet boomerang du "renouveau" du contrat de travail, Dr. Ouvrier 1999.1.
4 Voy. J.-J. DUPEYROUX et al., op. Cit. ° 123.
47
48
CHAPITRE I - DEFINITION ET CRITERES DU CONTRAT DE
TRAVAIL
42. Avec le code de 2004, plusieurs distinctions doivent être faites dans les
personnels des personnes publiques. La première concerne les agents des
établissements publics. Ceux-ci relèvent en principe du code du travail, sauf
exceptions. Ces exceptions concernent les personnels des établissements publics à
janvier 1985, pp. 7-16 ; C. appel. Ouagadougou, 20 janvier 1984, RBD n° 10 de janvier 1986, p. 207, note F.M.
SAWADOGO ; C. appel. Ouagadougou, 19 février 1982, RBD n° 5, p.68 ; Trib. Trav. Bobo Dioulasso 26 octobre
1981, RBD n° 5, p.65; Trib. Trav. Koudougou, 5 mai 1982, RBD n° 4 p. 205; Trib. Trav. Koudougou, 5 mai 1982,
RVD n° 4, juin 1983, p. 209; (fonctionnaire détaché, irrecevabilité); C.S. ch. adm., arrêt n° 67 du 3 août 1990, in
Zombré Léontine et Sy Arouna, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), p. 18; C.S. ch. adm., 24
juin 1994 (régime disciplinaire); Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 20 du 23 avril 1991, in Zombré L et SY
A., p. 311; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 24 du 6 mars 1992, in Zombre et SY, p. 313; C.S.BF., arrêt n° 54 du
19/12/2000, Simporé S. c/ SOSUCO
49
caractère administratif ou assimilés (tels que les établissements publics de l’Etat à
caractère scientifique culturel et technique, ou les établissements publics de santé) qui
sont en majorité des agents de l’Etat affectés ou mis à la disposition de l’établissement
et non pas des personnels propres de l’établissement. Les autres types
d’établissements publics (établissements publics à caractère industriel et commercial,
ou à caractère professionnel) disposent de personnels propres soumis au code du
travail.
La seconde situation concerne les agents de l’Etat. Sous les autres codes, les
agents de l’Etat qui n’avaient pas la qualité de fonctionnaire relevaient du code du
travail : c’était le cas des agents temporaires (manœuvres, chauffeurs, gardiens...)1 et
des agents contractuels qui étaient souvent des cadres recrutés sur des emplois
permanents sans la qualité de fonctionnaire, généralement parce qu’ils ne remplissent
pas la condition d’âge limite ou de nationalité. Mais la situation est devenue plus
complexe depuis les textes de 1998 portant réforme globale de l’administration
publique2. La loi n° 13/98 du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux
emplois et aux agents de la fonction publique se propose de modifier radicalement le
système de fonction publique dit de carrière ou fonction publique fermée pour en faire
une fonction publique ouverte basée sur la contractualisation.3. Cette loi redéfinit la
qualité de fonctionnaire de manière restrictive. Selon l’article 57 de cette loi, ont la
qualité de fonctionnaire les agents qui sont titularisés dans des emplois permanents
dont les natures sont énumérées et qui devront faire l’objet d’une liste fixée par décret
en conseil des ministres. Les autres agents de l’Etat sont des agents contractuels.
Toutefois, même si la distinction entre fonctionnaire et non fonctionnaire ne part plus
du critère du caractère permanent ou non permanent de l’emploi, les agents
contractuels ne relèvent pas pour autant du code du travail car selon l’article 7 de la
loi, « les agents régis par la présente loi sont les fonctionnaires et les agents
contractuels ». L’article 4 C. trav. prend acte de cette évolution en disposant que « les
agents de la fonction publique, les magistrats et les militaires ne sont pas soumis aux
dispositions de la présente loi ». L’exclusion ne concerne plus seulement les
fonctionnaires mais les « agents de la fonction publique ». L’uniformisation semble se
faire en faveur du statut de droit public, un peu à l’image de ce qu’a essayé de faire le
tribunal des conflits en France en retenant le critère organique. Selon cette haute
juridiction française, « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un
1 V. C.S. ch. Adm., 8 avril 1983, RVD n° 7, janvier 1985, p. 85 (agent temporaire- contrat de travail – vol –
décision ministérielle de licenciement – recours en annulation – incompétence ratione materiae)
2 Voy. : loi n° 10/98 du 21 avril 1998, portant modalités d’intervention de l’État et répartition de compétences entre
l’État et les acteurs du développement; loi n° 013/98 du 28 avril 1998, portant régime juridique applicable aux
emplois et aux agents de la fonction publique; loi n° 20/98 du 5 mai 1998, portant normes de création,
d’organisation et de gestion des structures de l’administration de l’État, J.O.BF, spécial du 25 juin 1998; SGG-CM,
Réforme globale de l’administration publique, publication du Journal officiel du Faso, avril 2000; pour la loi
013/98 du 28 avril 1998et ses textes d’application, Codes et lois du Burkina Faso, Tome VIII, Code public et
administratif, vol. 2, pp. 1141 et s. Cette loi a été modifiée par la loi n° 19-2005/AN du 18 mai 2005, J.O.BF.,
spécial n° 3 du 27 juin 2005.
3 Voy. Benoît KAMBOU, Le système contractuel dans le nouveau droit de la fonction publique au Burkina Faso,
50
service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public
quels que soient la nature et les conditions de leur emploi »1.
Le troisième cas concerne les agents des collectivités locales. Ils ont eux aussi
été dotés d’un statut général fixé par la loi n° 047/96/ADP du 21 novembre 1996 2 qui
ne s’applique, selon l’article 1er, qu’à « toute personne nommée dans un emploi
permanent d’une collectivité locale ». L’article 3 précise que les agents recrutés sur les
budgets locaux pour un emploi temporaire ou non permanent, qui constituent encore
une grande partie des personnels propres de collectivités locales, relèvent du code du
travail. Mais ce texte ayant été adopté avant la réforme globale de 1998, on peut
douter que cette logique soit maintenue. Pourtant l’article 299 du code de 2004
confirme l’esprit de cette loi en disposant que « les juridictions du travail demeurent
compétentes lorsqu’une collectivité ou un établissement public est mis en cause en
matière de conflit du travail ».
1 V. Trib. Confl. (fr.), 25 mars 1996, Rec. 535, concl. Ph. Martin; D. 1996.598, note y. Saint-Jours; Dr. Soc.
1996.735, obs. X. Prétot. V. également, J. PELISSIER, X. PRETOT ET A. JEAMMAUD, Droit du travail, op. cit.
n° 125.
2 Voy., Codes et lois du Burkina Faso, Tome VIII, vol. 1, pp. 250 et s.
3 Voy. Trib. Trav. Ouagadougou, 7 juin 1977, TPOM n°514, p. 298 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 26 juin 1979,
TPOM n° 537, p.301 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 26 mai 1986, TPOM n°664, p.45 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 14
janvier 1984, TPOM n°687, p.67; Trib. Trav. Ouagadougou, 25 avril 1989, RBD n° 1, 19-20 juillet 1991, p. 117;
Trib. Trav. Koudougou, 25 février 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 98; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 14/98, GTZ c/
Zerbo née N.I.
51
§ 1 - L’activité professionnelle ou prestation de travail
45. Il faut qu’il y ait prestation de travail pour qu’il y ait contrat de travail.
Cette prestation de travail peut revêtir plusieurs formes : intellectuelle, physique ou
artistique. Par exemple, la prestation de l’ingénieur, du médecin, de l’enseignant est
intellectuelle ; celle de l’ouvrier, du manœuvre est en général physique (ou manuelle) ;
celle du musicien, du peintre ou du photographe est artistique. Le critère de la
prestation de travail est nécessaire quelle que soit la nature de la prestation. Il est un
élément du caractère synallagmatique du contrat de travail. Sans prestation de travail,
la rémunération n’aurait pas de contrepartie et deviendrait une simple libéralité.
§ 2 - La rémunération ou salaire
46. La rémunération marque également le caractère synallagmatique du contrat
de travail. Elle est la contrepartie de la prestation. Nécessaire2, ce critère n’est pas non
plus suffisant car beaucoup de prestations ou services ont pour contrepartie une
rémunération. La plupart des contrats comportent tacitement ou expressément une
rémunération. Celle-ci n’est donc pas spécifique au contrat de travail. On avait voulu
invoquer, comme critère distinctif, non pas seulement le principe de la rémunération,
mais aussi le mode de rémunération : le salarié serait rémunéré en espèce, alors que
les autres types de prestations sont rémunérés en nature ou en pourcentage. Mais en
réalité, le mode de rémunération n’est pas déterminant dans la distinction entre le
contrat de travail et les autres types de contrat. Par exemple, si le salarié est
généralement rémunéré en espèce alors que le mandataire est souvent rémunéré en
pourcentage, il n’en demeure pas moins que ce dernier peut être rémunéré en espèce.
Le salarié peut, par ailleurs recevoir son salaire, pour partie en espèce et pour partie en
pourcentage ou en nature.
1 Voy. Cass. Soc. (fr.), 14 novembre 2000, RJS, 2/01 n° 157; Cass. Soc. (fr.), 18 juillet 2001.115, obs. Y.
Rousseau.
2 C.A. Ouagadougou, arrêt n° 137 du 6/12/1994, in Zombré et Sy, Recueil, p. 12.
52
Les deux critères de la prestation de travail et de la rémunération doivent être
complétés par un troisième, qui est celui de la subordination juridique.
§ 3 - Le critère de la subordination
47. Le critère de la subordination est essentiel à l’existence d’un contrat de
travail. Il a été dégagé par la jurisprudence avant d’être consacré par le législateur.
Selon la définition de l’article 38 du nouveau code du travail, pour qu’il y ait contrat
de travail, il faut que le salarié exerce son activité professionnelle sous la direction et
l’autorité d’une autre personne, c’est-à-dire, qu’il soit placé dans une situation de
dépendance.
Il faut, par ailleurs, relever que certains liens sont incompatibles avec la notion
de subordination juridique. C’est le cas des relations d’entraide amicale 2, d’entraide
agricole, du lien conjugal ou du lien familial3. L’existence du lien familial par
exemple peut faire présumer que les prestations fournies sont placées dans le cadre de
1 Voy. A. JEAMMAUD, note sous Soc. 19 décembre 2000, Dr. Soc. 2001. 227; Pour une décision ancienne, Cass.
civ. 6 juillet 1931, Bardou, D.P. 1931. 1. 121, note PIC.
2 Trib. Trav. Koudougou, jugement n° 1 du 2 avril 1993, in Zombré Léontine et Sy Arouna, Recueil de
jurisprudence Droit du travail (1990-1995), p. 10; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 18 du 24 mars 1992, in
Zombré et Sy, Recueil, p. 8.
3Soc. 13 décembre 1973, d. 1974, IR.19 ; M. FORGIT, Pour de nouvelles relations de travail entre époux, Gaz.
Pal., 5-6 novembre 1997, p. 4 ; R. MARTIN, La coopération conjugale dans l’entreprise familiale, D. 1982, chron.
293.
53
l’entraide familiale. La subordination peut aussi reposer sur d’autres bases que celles
du contrat de travail, par exemple, le vœu religieux1.
Mais dans nombre de ces cas, des exceptions sont de plus en plus admises. On
admet qu’un contrat de travail se superpose au lien conjugal (à l’obligation d’entraide
entre époux) ou au lien familial2. Un fils peut être salarié de son père bien qu’il puisse
exécuter des travaux dans le cadre de l’entraide familiale. Ce cumul du contrat de
travail et du lien familial avait déjà été d’une autre manière consacrée avec la notion
de salaire différé : on avait recours à cette notion lors des successions pour ne pas
défavoriser le fils qui travaillait avec le de cujus sans être rémunéré.
54
B – LA NOTION DE DEPENDANCE ECONOMIQUE
Cette conception paraît plus favorable aux travailleurs parce qu’elle permet de
soumettre au droit du travail des catégories professionnelles qui, sous l’angle de la
subordination juridique, pourraient être rejetées sous l’empire moins protecteur du
droit civil ou commercial. Les contrats des VRP et des travailleurs à domicile1 se
trouveraient aisément englobés dans la qualification de contrat de travail.
Mais cette conception pêche par son caractère trop extensif et donc imprécis.
Cette notion de dépendance économique est un véritable « fourre-tout » qui n’est pas
d’un grand secours lorsqu’il s’agit d’examiner des cas précis. Où commence et où
s’arrête la dépendance économique dans la société actuelle marquée par
l’interdépendance économique?2. Aussi, cette conception n’a-t-elle pas été
formellement retenue par la jurisprudence, qui s’en tient à la notion de dépendance
juridique, celle-ci se traduisant par la possibilité pour l’employeur de donner des
ordres au travailleur, de contrôler l’exécution de ces ordres et d’infliger des sanctions.
1
A ne pas confondre avec les « gens de maison ».
2 Voy. G. LYON-CAEN, Quand cesse-t-on d’être salarié? D. 1977, chron. 49. En France, le législateur a essayé
de réagir contre l’insécurité résultant des requalifications par extension de la notion de subordination, en confortant
le critère de la subordination juridique dans l’article L. 120. 3 C. trav. V. B. TEYSSIE, Sur un fragment de la loi du
11 février 1994, commentaire de l’article L. 120.3 C. trav., Dr. Soc., 1994.467. V. aussi, Soc. 16 novembre 1996,
Société générale, Dr. Soc. 1996.1067, note J.-J. DUPEYROUX; JCP 1997, éd. E, II, 911, note J. Barthélemy; A.
SUPIOT, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc. 2000, p. 131.
3 Voy. Article L. 751 code du travail français. V. également, BRUN et GALLAND, t.1 op. cit., p.368 et s.
4 Voy. l’article 3 §1 Code de sécurité sociale du Burkina Faso qui assujettit à la sécurité sociale les travailleurs qui
« sont occupés en ordre principal sur le territoire national pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs
nonobstant la nature, la forme, la validité du contrat, la nature et le montant de la rémunération ».
55
Malgré ces consécrations partielles et limitées de la notion de dépendance
économique, le critère de la subordination juridique reste le plus pertinent et le plus
utilisé pour distinguer le contrat de travail des contrats qui lui sont proches.
51. L’expression contrats voisins est peut-être peu heureuse1 mais elle permet
d’éprouver les critères du contrat de travail par une comparaison avec des contrats
censés ne pas créer des rapports de travail dépendant. Avant de mettre à l’épreuve le
critère jurisprudentiel de la subordination comme élément essentiel qui caractérise le
contrat de travail, on peut d’abord se poser la question à savoir quels intérêts
s’attachent à cette distinction ?
§ 1 - Intérêt de la distinction
52. Les intérêts pratiques de la distinction sont multiples : d’abord les critères
de distinction permettent de résoudre de fréquents litiges relatifs à la nature réelle du
contrat qui surviennent, soit parce que les rapports juridiques entre deux personnes
n’ont pas reçu de qualification précise, soit parce que la qualification donnée est
considérée comme erronée ; ensuite, la distinction est, en elle-même, nécessaire pour
une application effective de la législation du travail.
1 Voy. J.-J. DUPEYROUX et al., op. Cit. N° 141. Celui-ci dit qu’il évitera de parler de contrats voisins.
2 V. Articles 192 à 197 C.Trav. de 2004.
56
l’article 199 du code de 2004, l’action en paiement du salaire et celles en
fournitures se prescrivent par 2 ans ;
- d’une manière générale, le contrat de travail ouvre droit à des avantages
prévus par la réglementation : congés payés, sécurité sociale, indemnité de
rupture etc.
Cette notion plutôt vague de directive est supplée ou complétée par des critères
accessoires telles que la rémunération et les conditions de réalisation du travail. (ex. :
peintre humoriste ; couleur de bronze qui vend la totalité de ses produits à une seule
personne). L’entrepreneur est rémunéré au forfait et peut se faire aider par d’autres
1 Voy. C. Appel Ouagadougou, Arrêt n° 14/98 du 03 mars 1998, GTZ c/ Zerbo N.I. (contrat de travail ou contrat de
consultant) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 25 avril 1989, RBD n° 19-20, janvier – juillet 1991, p. 117; Trib. Trav.
Koudougou, 25 juillet 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 98; Trib. Trav. Koudougou, 25 février 1984, RVD n° 9,
janvier 1986, p. 98 (éléments constitutifs, inexistence); Trib. Trav. Koudougou, 22 août 1984, RVD n° 9, janvier
1986, p. 99 (éléments d’existence de contrat de travail).
2 V. Art. L. 781-1 C. Trav. (fr.)
3 M. KIRSCH, Mémento de Droit du travail d’Outre-Mer, Paris, Penant, p.12 et s.
4 Trib. Trav., Ouagadougou, 6 janvier 1965, TPOM n°166; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 3 du 12 janvier 1993
(tâcheron, incompétence du tribunal du travail); C.A. Ouagadougou, arrêt n° 57 du 21/3/1995, in Zombré et Sy,
Recueil, p. 15; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 109 du 06 novembre 2001, Ezi M. c/ Sawadogo M. et Sanfo A.; C.
appel Bobo-Dioulasso, arrêt n° 77 du 21 août 2000, Société Colas et EBG Bobo Dioulasso c/ IDO B. et 68 autres
57
personnes1. Au contrat d’entreprise peut être assimilé (rapproché) le contrat de
tâcheronnat. Contrat d’entreprise et de tâcheronnat peuvent se combiner.
Les conditions dans lesquelles le tâcheron exerce son activité sont sources de
méprises pour le travailleur et parfois de marchandages à son détriment. Aussi, le code
du travail a-t-il expressément réglementé la conclusion de ce type de contrat et imposé
des obligations au tâcheron et à l’entrepreneur (pas au maître d’ouvrage). Lorsque le
tâcheron exerce dans le chantier ou l’atelier de l’entrepreneur, le travailleur peut croire
qu’il est embauché par une grande entreprise, alors qu’il a à faire à un sous-
entrepreneur. Pour éviter ces méprises4, certaines mesures sont imposées au tâcheron
et à l’entrepreneur :
58
- L’entrepreneur doit lui aussi afficher dans ses bureaux, la liste des tâcherons
avec lesquels il a passé un contrat, et informer les travailleurs par voie d’affichage du
règlement du tâcheron avec copie à l’inspection1.
1 Voy. l’arrêté n°76 ITLS.HV du 11 déc. 1953, modifiée par arrêté n°335 ITLS.HV du 22 mai 1954, déterminant
les conditions dans lesquelles la qualité de tâcheron et les nom et adresse de l’entrepreneur doivent être portés à la
connaissance des travailleurs, Recueil annoté, 2e édit. 1990, annexe 15; Codes et lois, T. IX, p. 80
2 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 109 du 6/11/2001, EZI Magloire, op. cit.
3 Article 87 C. trav. de 2004.
4 Cet article prévoit une amende de 5000 à 50000 Fcfa et, en cas de récidive, de 50000 à 100000 Fcfa.
5 Art. 1984 C. civ. « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre personne le
59
la nature du contrat en cause relève d’une appréciation de fait et pour faire la
distinction, le juge s’appuie sur le critère de la subordination juridique1.
56. Les dénominations utilisées sont très diverses, et peuvent recouvrir des
réalités différentes : on parle d’agent de fabrique, d’agent de gros, de représentant
général, de représentant exclusif, de commis-voyageur, d’agents commerciaux, de
voyageurs représentants placiers, etc.
1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 49 du 22 mai 2001, Tamini J. c/ COPHADIS. V. également, GADT, 3e édit. n°
10-12.
2 V. BRUN et GALLAND op. cit., p.393.
60
- il peut être payé selon une rémunération fixe ou au pourcentage des affaires
traitées ;
- enfin, il peut être plus ou moins libre dans ses démarches auprès de la
clientèle et dans le choix des produits à vendre.
B – LES GERANTS
57. Les gérants sont des personnes chargées de l’exploitation d’une succursale
ou d’un dépôt, pour le compte d’une entreprise ou d’une coopérative de
consommation. Le recours à ce type de contrat est courant dans les alimentations, les
dépôts pharmaceutiques villageois, les distributions de carburant ou « pompes
d’essence ». On distingue deux types de gérants :
- le gérant libre qui jouit d’une grande indépendance dans l’exercice de ses
fonctions. Il embauche le personnel, fixe les prix et les conditions de travail
et est rémunéré en pourcentage de ses ventes ; et,
- le gérant salarié qui, lui, est soumis à des obligations particulières dans
l’exercice de ses fonctions. Il reçoit un salaire plus éventuellement une
rémunération en pourcentage (primes).
1 L’existence des relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination
qu’elles donnent de leur convention (Soc. 19 décembre 2000, Labbane, Dr. soc. 2001, p. 227; PELISSIER et
autres, op. cit. n° 131). Ainsi, « la dénomination de placier en tant que tel n’entraîne aucune conséquence sur le
régime applicable, lequel ne peut-être déterminé que par l’appréciation des faits » (TPOM n° 577 du 16 novembre
1983). V. C. S. BF arrêt n° 17 du 21 décembre 1993, Konaté Gaoussou c/ Touré Douga (pour dénier la compétence
de la juridiction sociale, l’appelant se prévalait de la qualité de courtier)
2 Cette position est considérée comme étant à la base de la doctrine sur le critère de la subordination économique.
3 C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 06 du 18 janvier 1998, Bachour G. C/ Bachour A.
61
arrive qu’un administrateur cumule cette fonction avec celle de salarié. Ce cumul est
possible à condition que la fonction de salarié corresponde à un emploi réel. En ce cas,
sa situation juridique sera qualifiée en fonction de l’existence ou non d’un lien de
subordination juridique1. La situation est plus délicate pour les « directeurs
généraux ». Ils sont considérés comme des mandataires révocables ad nutum. Cette
qualité de mandataire est évidente en ce qui concerne le « président directeur général »
qui est, en principe, président du conseil d’administration et donc actionnaire, et
directeur général rémunéré pour cette fonction. Toutefois, au Burkina Faso, beaucoup
de directeurs généraux sont des salariés nommés à ce poste et coiffés par un président
de conseil d’administration. Le juge burkinabè fait valoir cette qualité de salarié en cas
de rupture2 : la révocation du mandat de directeur général n’entraîne pas en soi rupture
du contrat de travail. Le directeur général adjoint est un salarié si son titre est
seulement honorifique. Les directeurs techniques, par opposition au directeur général,
sont sans conteste des salariés.
D - L’ACHETEUR DE PRODUITS
1 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 32 du 18 mai 1993, Médah Raphaël c/ BIB. V. également, Soc. 14 décembre
1999, Pierre c/ SNC Sanijura, GADT 3e édit., n° 13.
2 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n°35 du 19 mars 1997, SONACIB c/ Somé B.C. : cas d’un salarié promu
directeur général de la Société nationale d’exploitation et de distribution cinématographique et licencié par décision
de l’autorité politique; C.A. Ouagadougou, 4 mars 2003, RBD n° 43-44, p. 166, note P. Kiemdé (dirigeant salarié,
nullité relative)
3 Trib. Première instance Ouagadougou, 28 juin 1989, RBD n° 19-20, juillet 1991, p. 95 (contrat de travail, salaire,
62
Les affinités se situent au niveau de l’apport et de la communauté d’intérêt 1.
Dans le contrat de société, l’associé fournit en général un apport en capital ou en
nature, mais il peut aussi comme dans un contrat de travail contribuer en industrie
(contribuer par sa force physique ou son intelligence ou expertise). Dans cette dernière
hypothèse, l’associé qui contribue en industrie peut se révéler être un simple salarié.
Au niveau de la communauté d’intérêts, qu’il s’agisse de relation entre associés ou de
relation travailleur-employeur, de leurs efforts communs dépend la marche de
l’entreprise.
Malgré ces affinités, les deux types de contrat diffèrent sur le plan juridique et
technique. Dans le contrat de société :
- les associés contribuent aux pertes ; et,
- ils sont liés par le lien « d’affectio societatis » (volonté d’union pour
atteindre un but commun).
Ces considérations sur les intérêts à protéger seront aussi à l’origine des
particularités dans la formation du contrat de travail.
63
64
CHAPITRE II - LA CONCLUSION DU CONTRAT DE TRAVAIL
62. Quelles sont les formes dans lesquelles se nouent les contrats de travail et
quelles sont les conditions de fonds exigées pour la validité de ces contrats ? En
principe, sur ces deux points, les conditions exigées répondent à celles du contrat civil.
Toutefois, au fur et à mesure de l’intervention du législateur pour protéger le
travailleur ou pour des raisons économiques, le contrat de travail a acquis une certaine
originalité par rapport au contrat civil. Les dérogations aux principes civilistes
concernent tant la forme que le fond, mais aussi le mode d’administration de la preuve
du contrat, car le mode de preuve dépend beaucoup de la forme de l’acte. Ces
similitudes et dérogations peuvent être perçues à travers l’analyse des conditions
générales de validité du contrat de travail (section I).
§ 1 - Conditions de fond
Ce sont celles généralement exigées pour la validité du contrat civil :
consentement, capacité, objet du contrat, licéité de la cause. Consentement et capacité
sont les principales conditions sur lesquelles l’attention est le plus attirée.
A – LE CONSENTEMENT
64. Le consentement de chacune des parties doit être exempt de vice. Les vices
de consentement sont l’erreur, le dol et la violence. L’existence d’un de ces vices
entraînerait la nullité du contrat.
65
Le dol pose la question de la loyauté pré-contractuelle1. Le consentement ne
doit pas avoir été arraché par des manœuvres, des mensonges ou fausses déclarations.
Lors des négociations ou entretiens, l’employeur peut faire des promesses fallacieuses
et l’employée peut faire des fausses déclarations sur ses qualifications ou ses
diplômes, sa situation matrimoniale, sa situation militaire etc. La fausse déclaration de
l’employé n’est susceptible d’entraîner la nullité du contrat que si elle est
déterminante. Par exemple, la possession d’un diplôme est une condition
déterminante, mais une fausse déclaration sur sa situation militaire n’est pas
déterminante2. Les cas de consentement vicié par l’erreur sont beaucoup plus rares3.
Mais il ne peut être exclu qu’une des parties dissimule sa véritable identité ou
emprunte l’identité d’une autre personne pour pouvoir contracter. Cette situation doit
être distinguée de la dissimulation de causes d’incompatibilité telle celle du
fonctionnaire4 qui cumulerait son emploi avec un emploi dans le secteur privé à l’insu
de son employeur privé.
B – LA CAPACITE
65. Une distinction doit être faite entre la capacité de l’employeur et celle de
l’employé. La capacité de l’employeur est appréciée dans les conditions de droit
commun (majorité de 21 ans ou émancipation par le mariage par exemple).
66
« l’âge minimum d’admission à tout type d’emploi ou de travail ne doit pas être
inférieur à 15 ans ». Depuis le code de 1992, les textes sont plus restrictifs en matière
de travail des enfants et des adolescents que l’ancien article 125 du code de 1962 qui
disposait que « les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise, même
comme apprenti avant l’âge de 14 ans, sauf dérogation édictée conjointement par le
Ministre du travail et celui de la Santé »1. Cet article 125 était conforme aux
conventions n° 5 de 1919 et n°33 de 1932 de l’OIT portant respectivement sur l’âge
minimum dans l’industrie et sur l’âge minimum pour les travaux non industriels2. Le
passage à 15 ans résulte de la ratification de la convention O.I.T. n° 138 de 1973
concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi. L’article 147 renvoie aussi à un
décret, mais pour fixer la nature des travaux et des catégories d’entreprises interdits
aux personnes âgées de moins de 18 ans. Des dérogations ne sont plus possibles pour
les enfants âgés de moins de 15 ans. Ce sont ces situations qui requéraient l’accord des
parents sous le code de 1962.
La femme peut contracter sans le consentement de son époux. Selon l’art. 295
du code des personnes et de la famille, « chacun des époux a le droit d’exercer une
profession sans le consentement de l’autre ».
C - L’OBJET ET LA CAUSE
67
l’Etat de se faire employer dans le secteur privé après la cessation de leurs fonctions
ou après une mise en disponibilité1.
§ 2 - Conditions de forme
67. Les conditions de forme du contrat sont relatives à la question de l’écrit et
aux autres formalités légales, notamment les déclarations qui peuvent être imposées.
La question de l’écrit rejaillit sur celle de la preuve de l’existence du contrat et de ses
stipulations.
A - L’ECRIT ET LA DECLARATION
1 V. l’ord. 70-73 du 31 déc. 1970 abrogeant l’art. 89 du décret n°199 du 19 nov. 1959 et définissant les conditions
dans lesquelles les agents de l’État peuvent, après leur cessation de fonction être employés dans le secteur privé
(Rec. Annoté, annexe 9); le décret. n°70.332 PRES/TFP du 31 déc. 1970, précisant les interdictions édictées à
l’encontre des fonctionnaires en disponibilité pour occuper un emploi dans le secteur privé (Rec. annoté, annexe
10). V. également, C. A. Ouagadougou, arrêt n° 13 du 10 janvier 1995, IATT c/ Ouattara B. Héma (ancien
fonctionnaire des douanes, lettre du ministre des finances relative aux articles 168, 169 et 171 du statut de la
fonction publique, licenciement abusif).
2 BRUN et GALLAND, ibid. : Selon G.H.Camerlynck, le principe civiliste selon lequel le mobile, à la différence
de la cause est sans influence sur la validité du contrat. Contra : social, 9 janv. 1974, D. 74, IR, 39.
3 Paris, 12 mai 1949, D. 49, J. 340.
4 V. C.A. Ouagadougou, ch. soc., arrêt n° 73 du 07 septembre 1990, in Zombré et Sy, Recueil, p. 3.
68
contrat à durée déterminée doit être constaté par écrit. A défaut, il est réputé conclu
pour une durée indéterminée ».
68. Les articles 64 alinéa1er, 65 et 72 du code de 2004 énoncent trois cas pour
lesquels le contrat de travail, au-delà de l’écrit sous seing privé, est soumis aux formes
plus solennelles de l’enregistrement et du visa. Il s’agit :
- suivant l’article 64, du contrat à durée déterminée stipulant une durée
supérieure à trois (3) mois ;
- suivant l’article 72, du contrat à durée indéterminée nécessitant
l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle1. Cette notion est
précisée par l’article 2 de l’arrêté n° 94-8 du 3 juin 1994 : « est présumé
nécessitant l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle, tout
contrat d’une durée indéterminée ou d’une durée déterminée de plus de 3
mois concernant un travailleur dont la résidence habituelle est distante de
plus de 50 km du lieu d’emploi à condition que le déplacement au lieu
d’emploi ait été provoqué par l’employeur. La prescription de l’article 72
C. trav. ne s’applique donc pas si le travailleur est engagé sur place ; et,
- du contrat concernant un travailleur étranger2 selon l’énoncé moins
explicite sur la forme écrite de l’article 65.
Pour ces trois cas, non seulement le contrat doit être écrit mais aussi les
formalités suivantes sont nécessaires :
- Le contrat doit être visé par le Ministre du travail ;
- il doit être enregistré par l’ANPE (anciennement ONPE);
- le travailleur devra avoir auparavant effectué une visite médicale.
1 V. l’arrêté n° 94-8/ETSS/SG/DT du 3 juin 1994 fixant les formes et les modalités d’établissement du contrat de
travail et l’engagement à l’essai J.O. n°43 du 21 juillet 1994, p.1325; Code social, p. 167.
2 Cf. arrêté n°98 TFP du 25 février 1967 fixant les conditions d’embauche des entreprises, les modalités de
déclaration de mouvement de travailleur (J.O. n° 10 du 23 févr. 1967 p.130 Rec. annoté, annexe 86; Code social, p.
114), Selon l’art. 4 de cet arrêté, il n’y aura pas de délivrance de carte de demandeur d’emploi dans les professions
où on a recensé un nombre important de chômeurs. Selon l’art. 5, l’établissement de la carte de travail pour les
étrangers sera subordonné à l’autorisation préalable du directeur du travail et de la main-d’œuvre.
3 V. Cour d’appel de Ouagadougou, 2 mai 1980, RVD n°2 juin 1982, p.128, note Karim Ouattara ; Cour d’appel de
Bobo-Dioulasso, 3 nov. 1986, S. c/ C.G., RBD n°14, 1988, p. 458, note P. Kiemdé; TPOM n°733 du 16 mars 1990
p.111, même note P. Kiemdé; C.S. BF., arrêt n° 9 du 7/3/2000, Fofana S. c/ CPSF; C.A. Ouagadougou, 4 mars
2003, RBD n° 43-44, p. 166, note P. Kiemdé.
69
au lieu choisi par le travailleur1. En réalité, sauf en ce qui concerne le contrat de
travail du travailleur étranger, l’exigence de l’écrit et même des autres formalités de
visa et d’enregistrement ne constituent pas des conditions de validité du contrat lui-
même, mais de certaines stipulations contenues dans le contrat. L’absence d’écrit et,
par conséquent, d’accomplissement des autres formalités, n’entraîne pas la nullité du
contrat lui-même.
Ainsi, l’une des grandes utilités de ces formalités concerne la preuve du contrat
et des stipulations prévues par les parties.
B – LA PREUVE DU CONTRAT
69. Le contrat de travail pouvant être verbal, le problème peut se poser de faire
la preuve de son existence et de celles des conditions arrêtées par les parties. La
preuve de l’existence du contrat de travail sera appréciée à partir principalement du
critère de subordination juridique ci-dessus évoqué. En effet, il s’agit généralement de
savoir si les rapports entre les parties peuvent être qualifiés de rapports de travail
salarié ou devraient recevoir une autre qualification. En l’absence d’écrit et même en
présence d’un écrit, cette recherche de la qualification exacte peut être effectuée par le
juge. Celui-ci n’est pas lié par la qualification donnée au contrat.
70
lors du paiement du salaire. Dans ces situations, le juge se donne le droit
d’établir l’existence du contrat par enquête ;
- parfois, la jurisprudence écarte la limitation des règles de preuve en
déduisant l’existence du lien contractuel des éléments de fait1.
70. Sur cette question, les pays d’Afrique francophone ont hérité d’une
législation plus avancée que celle du colonisateur. Le code de 1952, en son article 30,
prévoyait déjà la « preuve par tous les moyens ». Cette disposition est reprise à
l’article 38 C. trav. nouveau qui, en son alinéa 3, dispose : « l’existence du contrat est
constatée, sous réserve des articles 63, 64 et 71 ci-dessous, dans les formes qu’ils
convient aux parties d’adopter. La preuve peut être apportée par tous moyens ». La
preuve testimoniale est par conséquent admise2. Mais cette liberté de preuve
s’applique sous réserve des dispositions des articles 63, 64 et 71, c’est-à-dire des cas
pour lesquels l’écrit est obligatoire. Dans ces cas, la preuve doit être administrée par
écrit.
En dehors des cas visés par les articles 63, 64 et 71, et de la généralisation de
l’écrit par la convention collective interprofessionnelle de 1974, il existe des contrats
de travail de type particulier ou des contrats assimilés, pour lesquels la formalité de
l’écrit est indispensable. Il s’agit du contrat à l’essai, du stage probatoire et du contrat
d’apprentissage.
1 V. BRUN et GALLAND, op. cit. p.462 et s. ; J.M VERDIER, op. cit. p.83. N.B. : la loi belge du 10 mars 1900
admet la preuve testimoniale et par présomption.
2 C. A. Abidjan, 10 avril 1970 RID n°3, 1971 p.63 à 64; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 57 du 25 mars 1995, in
Zombré L. et SY A., Recueil, p. 14; C .A. Ouagadougou, arrêt n° 137 du 6 décembre 1994, in Zombré L. et SY A.,
Recueil, p. 12.
71
controverses politiques ou doctrinales. Leurs importances sont soulignées par le fait
que le code du travail leur consacre des chapitres.
§ 1 - Le contrat à l’essai
72. Le code du travail consacre les articles 51 à 55 au contrat à l’essai, dont il
convient d’en donner une définition avant d’aborder son régime juridique.
A - DEFINITION
73. Au Burkina Faso, l’engagement à l’essai doit être constaté par écrit 2. En
l’absence d’écrit, le contrat est réputé définitif3 et l’article 52 précise qu’il est réputé
être un contrat de travail à durée indéterminée. Cette précision, qui se justifie dans
l’optique d’un contrat à l’essai distinct du contrat définitif, occulte la situation où
l’existence d’une clause d’essai est invoquée dans le cadre d’un contrat à durée
du Gabon, 14 nov. 1980 TPOM n° du 2 sept. 1981 p.279 (absence de contrat formel, mais lettre d’engagement);
Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 26 octobre 1981, RBD n° 7, janvier 1985, p. 86 (nécessité d’un écrit); C.A.
Ouagadougou, 15 juillet 2003, RBD n° 43-44, p. 181, note p. Kiemdé (contrat à durée déterminée avec clause
d’essai); C.A. Ouagadougou, arrêt n° 53 du 17 avril 1992, Sawadogo Ousmane c/ Entreprise TORNO; C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 41 du 3avril 1992, Somé Florent c/ Laboratoire Roussel Lomé (rupture prévue en cours de
formation et d’essai).
72
déterminée d’une durée assez longue (deux ou trois ans par exemple). Si le contrat, à
durée indéterminée ou déterminée, est accompagné d’une clause verbale d’essai, cette
clause, non formulée par écrit est nulle et le contrat est définitif en conservant sa
nature de contrat à durée déterminée ou indéterminée.
Dans tous les cas, selon le dernier alinéa de cet article 52, l’engagement à
l’essai ne peut être renouvelé qu’une seule fois pour la même durée. Cette disposition
est plus précise que le fait de dire que la durée de l’essai ne peut excéder six mois.
74. Pendant la période de l’essai, chaque partie peut rompre le contrat si elle
s’estime insatisfaite, sans être astreinte à une indemnité1. Mais la rupture peut être
fautive, considérée par conséquent comme abusive, et donner donc lieu à des
dommages et intérêts. Il peut en être ainsi si elle n’est pas motivée par des griefs à
caractère professionnel (aptitude du travailleur, son comportement etc.) ; ou si elle
révèle une intention de nuire ou une légèreté blâmable2. Seraient par exemple
considérées comme des ruptures abusives les ruptures motivées par : l’annonce de
mariage de la salariée ; le rappel du travailleur sous les drapeaux, un problème
budgétaire. De même, c’est faire preuve de légèreté blâmable que de prolonger l’essai
pour mieux préparer le remplacement du salarié dont on n’est pas satisfait. Tous ces
actes peuvent être qualifiés de rupture abusive.
1 V., C. S. H.V. 14 nov. 1969 et 22 janv. 1971, tous deux société Marchand et Botella contre Jean Biolley, Bulletin
de la C. Sup. n°4 (sans date) et Bulletin du 2e semestre 1977, RBD n° 4, juin 1983, p. 201. V. aussi : C. A. Abidjan
: 28 fév. 1969, RID 1970 n° 1 p. 51 ; Lefebvre, n°2498 rupture sans formalités et délais de préavis ni indemnité et
sans obligation de justifier la décision de rompre.
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 45 du 25 août 1992, in Zombré L. et Sy A., Recueil, p. 206 (rupture en
période d’essai dénotant une légèreté blâmable dans la mesure où l’employeur avait déjà eu un premier contrat à
l’essai non concluant en raison du tempérament de la salariée)
73
A la fin de la période d’essai (ou de la période de prolongation), le contrat
devient définitif si aucune des parties n’exerce sa faculté de résiliation. Mais il arrive
que le contrat prévoit une période de préavis, auquel cas les parties devront respecter
le préavis.
§ 2 - Le stage probatoire
75. La formule du stage probatoire est peu utilisée sauf dans la Fonction
Publique. C’est une sorte d’essai d’une durée plus longue. Suivant l’article 14 CCIP
de juillet 1974 « l’engagement définitif pour des emplois exigeant une très haute
qualification ou comportant des responsabilités particulières pourra être soumis à un
stage probatoire d’un an si le travailleur n’a jamais occupé lesdits emplois ».
§ 3 – La durée du contrat
76. Le contrat à l’essai et le stage probatoire posent un problème de durée,
mais l’objet de ces contrats est de permettre aux parties d’apprécier les conditions
d’exécution du contrat avant que celui-ci ne les lie pour longtemps. La question de la
durée du contrat pose le problème du choix entre le contrat à durée déterminée et le
contrat à durée indéterminée. Ce choix fait généralement l’objet d’une clause
particulière dans le contrat non encore définitif. Ce choix est en principe libre mais
cette liberté n’est pas totale. Celle-ci est encadrée par de multiples conditions de forme
et de fond qui visent à guider les parties vers le contrat à durée indéterminée. A La
question de la durée du contrat peuvent aussi se rattacher les nouvelles dispositions
des articles 56 et 57 C. trav., relatives au contrat à temps partiel.
74
A – LE CONTRAT A DUREE INDETERMINEEE
Ce qui caractérise ce type de contrat, c’est que sa rupture n’est pas liée à un
terme déterminé par les parties. Et dans la mesure où nul ne peut se lier à vie, ce
contrat peut être rompu selon le principe de la libre volonté des parties. Chacune des
parties peut prendre l’initiative de se désengager. La deuxième caractéristique est la
simplicité des formes de conclusion : la forme écrite n’est pas nécessaire pour sa
validité et il n’est pas soumis à la formalité du visa de l’inspection du travail. Les
formalités de déclaration et d’enregistrement, valables pour tout contrat de travail,
répondent à des impératifs autres que de validité : immatriculation à la sécurité
sociale, statistiques sur la main-d’œuvre, etc.
1) définition
75
- le contrat de travail dont le terme est subordonné à la survenance d’un
événement futur et certain dont la date n’est pas exactement connue ».
Cette formulation modifie avec raison l’article 13 al. 1er du code de 1992 qui donnait
une définition qui ne faisait pas ressortir clairement les trois hypothèses : du contrat
dont le terme est fixé avec précision ; du contrat lié à l’exécution d’un ouvrage
(chantier, marché…) ou d’une entreprise déterminée (voyage maritime ou terrestre par
exemple) ; et du contrat dont le terme est lié à un événement futur et certain. Selon cet
article 13 ancien, « le travailleur ne peut engager ses services que dans les cas
suivants : à temps ou pour un ouvrage déterminé : c’est le contrat à durée déterminée,
dont le terme est fixé à l’avance par la volonté des deux parties ou par la survenance
d’un événement futur et certain dont la réalisation ne dépend pas exclusivement de la
volonté de l’une des parties, mais qui est indiqué avec précision ». Cette rédaction,
semblait assimiler les deux dernières hypothèses du contrat conclu pour l’exécution
d’un ouvrage et de celui dont le terme est lié à la survenance d’un événement futur et
certain. Certes la réalisation d’un ouvrage est la survenance d’un événement futur et
certain, mais le terme du contrat peut être lié à un événement autre que la réalisation
d’un ouvrage (embauche pour surcroît temporaire de travail, remplacement temporaire
d’un travailleur...).
79. Après que le code de 1992 ait timidement tenté de réhabiliter le contrat à
durée déterminé1 , le code de 2004 affirme fortement un ostracisme à l’égard de ce
type de contrat par diverses interdictions et à travers le formalisme imposé lors de sa
conclusion. Ce formalisme a été évoqué ci-dessus relativement à l’article 63, qui
prescrit la forme écrite sous peine de voir le contrat requalifié de contrat à durée
indéterminée, et à l’article 64 qui prévoit diverses formalités de visa et
d’enregistrement.
En ce qui concerne les interdictions, d’abord, l’article 66 al. 1er dispose, d’une
manière générale, que « le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni
pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de
l’entreprise ». L’alinéa 2 précise qu’il ne peut être conclu pour remplacer un
1V. l’article 14 al. 9 du code de 1992 qui disposait que « le contrat à durée déterminée des nationaux qui ne prévoit
pas de clauses de tacite reconduction peut se transformer en contrat de travail à durée indéterminée si les relations
se poursuivent au-delà du premier terme, sauf accord entre les parties », Cette disposition avait été perçue comme
ouvrant la porte à plusieurs renouvellement des CDD. La circulaire du ministère du travail n° 93-3 ETSS/SG/DT
du 5 mai 1993 (in Code social, P. 14, note sous l’article 14) donnait une interprétation allant dans ce sens.
76
travailleur dont le contrat est suspendu par suite d’un conflit collectif ou pour
effectuer des travaux particulièrement dangereux qui doivent faire l’objet d’une
surveillance médicale spéciale. Cet alinéa n’est pas en soi nouveau et découle de
d’autres dispositions visant soit à protéger le droit de grève1 soit à protéger la santé du
travailleur2. Le premier alinéa par contre vise à obliger les employeurs à recourir au
contrat à durée indéterminée tant que l’emploi lui même n’est pas précaire. C’est la
première fois que cette interdiction directe et générale s’ajoute aux mesures
dissuasives. La sanction de cette disposition sera la requalification du contrat parce
qu’ayant pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi durable. Il est à prévoir de
nombreux litiges autour de cette notion d’emploi durable ne pouvant être pourvu par
un contrat précaire.
80. Enfin, en ce qui concerne la durée totale des rapports contractuels, l’article
60 dispose que « le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu avec la
même entreprise plus de deux fois ni renouvelé plus d’une fois ». La poursuite des
rapports au-delà de deux contrats ou du renouvellement d’un contrat, précise l’alinéa
2, constitue de plein droit l’exécution d’un contrat à durée indéterminée. Cette
disposition nouvelle a peut-être l’avantage de s’aligner sur des codes qui l’avaient déjà
prévue4. Toutefois, elle est susceptible d’entraîner des difficultés d’application, malgré
les dérogations qui sont prévues. En effet, l’article 61 prévoit que les dispositions de
1 V. l’article 19 C. trav. qui impose d’arrêter les opérations de placement concernant les entreprises touchées par
une grève, ainsi que l’article 352, al. 1er, qui dispose que « la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute
lourde imputable au travailleur ».
2 V. l’article 41 qui donne pouvoir au ministre du travail d’interdire ou de limiter certains embauchages dans
contrat à durée déterminée qui est renouvelé plus d’une fois se transforme en un contrat à durée indéterminée ».
4 V. les articles L. 42 et suivants du code du travail sénégalais, les articles 20 et suivants du code du travail du Mali,
77
l’article 60 (novation du contrat en cas de conclusion de plus de deux contrats ou de
renouvellement d’un contrat plus d’une fois) ne s’appliquent pas au travailleur engagé
:
- à l’heure ou à la journée ;
- en complément d’effectif pour exécuter des travaux nés d’un surcroît
d’activités de l’entreprise ;
- pour assurer le remplacement provisoire d’un autre travailleur en
suspension légale de contrat ;
- par les entreprises relevant d’un secteur d’activités dans lequel il est
d’usage de ne pas recourir au contrat à durée déterminée en raison des
caractéristiques de l’activité exercée, lorsque l’emploi de ces travailleurs
est par nature précaire. Le dernier alinéa de cet article précise qu’une liste
de ces secteurs d’activités est fixée par voie réglementaire, après avis de la
Commission consultative du travail.
3) Le contrat journalier
1 V. L’article L. 42 dernier alinéa du code du travail sénégalais (loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant code du
travail, Les éditions des Écoles Nouvelles Africaines, Dakar, 1997) et la note introductive de P.-M. COLY, p. 9.
2 L’ancien code sénégalais contenait la même exigence du paiement chaque jour. V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du
78
journaliers alors que ceux-ci sont payés par mois et peuvent faire plusieurs mois ou
même plusieurs années dans l’entreprise. Aussi, le contrat journalier devait répondre à
deux conditions : l’occupation devait être de courte durée ; et le travailleur devait être
payé chaque jour durant la période du contrat. Faute de remplir ces conditions, le
contrat se transformerait en un contrat à durée indéterminée ou à la limite, en un
contrat saisonnier. Cette contrainte du paiement du salaire chaque jour pour échapper
à la requalification est apparue excessive. L’article 61 point 1 n’y fait plus référence,
se contentant d’exclure de la novation « le travailleur engagé à l’heure ou à la journée
pour des occupations de courte durée n’excédant pas une journée ». Certes, l’article
185, alinéa 1, relativement à la périodicité du paiement, énonce : « toutefois, le
travailleur journalier engagé à l’heure ou à la journée pour une occupation de courte
durée, doit être payé chaque jour immédiatement après la fin de son travail ». Mais la
question que l’on peut se poser est de savoir si l’impasse, à l’article 61, sur la
périodicité du paiement n’est pas susceptible d’être interprétée comme une
dissociation de la qualification de journalier du contrat et de la périodicité du
paiement. Auquel cas, le risque est de faire revenir les pratiques antérieures. Aussi,
aurait-on pu faire référence à un paiement journalier, hebdomadaire ou à la limite par
quinzaine1 pour faire la différence avec les salariés payés au mois. Le risque, si l’on
allonge le délai de paiement, est de ne plus avoir de repère dans la qualification de
contrat journalier par rapport, par exemple, à un contrat à durée déterminée d’une
semaine ou même d’un mois dont le salaire de base est journalier. La loi, dans l’article
61, se passe des questions comptables2.
1 V. l’art. 14.7 du code du travail ivoirien (loi n° 95-15 du 12 janvier 1995) : « sont assimilés aux contrats à durée
déterminée à terme imprécis, les contrats des travailleurs journaliers engagés à l’heure ou à la journée pour une
occupation de courte durée et payés à la fin de la journée, de la semaine ou de la quinzaine ». Ce code aborde le
contrat à durée déterminée selon une autre logique qui se défend. Selon l’art. 14.5, « les contrats à terme précis
peuvent être renouvelés sans limitation. Toutefois, ces renouvellements ne peuvent avoir pour effet d’entraîner un
dépassement de la durée maximale de deux ans ». Par contre, pour ce qui concerne les contrats à terme imprécis
(contrats conclus pour le remplacement d’un travailleur temporairement absent, pour la durée d’une saison, pour un
surcroît occasionnel de travail ou pour une activité inhabituelle de l’entreprise), selon l’article 14.7, ces contrats
« peuvent être renouvelés librement sans limitation de nombre et sans perte de leur qualité ». L’article 53 du code
du travail du Niger contient les mêmes dispositions (V. République du Niger, Recueil des lois sociales, édit. 2005).
Ces dispositions ont au moins l’avantage de la simplicité et il n’est pas sûr qu’elles soient moins protectrices. Par
exemple, le contrat à terme précis n’est pratiquement pas renouvelable s’il est directement conclu pour deux
ans. L’on rejoint ici l’idée de recourir à un contrat à durée indéterminée si l’emploi est assez stable ou permanent.
2 L’art. D. 86-2 c. trav. malien retient une solution médiane qui est assez précise : « le personnel de maison
journalier est celui embauché pour une occupation de courte durée, à l’heure ou à la semaine et dont le salaire est
effectivement versé en fin de travail ou de journée… ».
3 La question est évoquée dans un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou qui, confirmant un jugement du
tribunal du travail de Ouagadougou, n° 28 du 27 avril 1993, estime que le travailleur était engagé à la tâche, que
l’entreprise faisait appel à lui chaque fois qu’elle avait besoin de ses services et, par conséquent, il n’est pas du
79
4) Le contrat saisonnier
personnel de l’entreprise. V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 52 du 17 mai 1994, Zon Sidiki c/ SBTR. V. également
C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 58 du 17 mai 1999, Coulibaly M. c/ couple Werner (travailleur qualifié de journalier);
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 93 du 28 septembre 1993.
1 L’on doit comprendre, par rapprochement avec l’alinéa 1er de l’article 71, que c’est le contrat saisonnier déjà
renouvelé une fois qui est considéré comme suspendu pendant la morte saison.
80
permanent. C’est pourquoi la plupart des codes du travail le classent dans les contrats
non soumis à novation en cas de renouvellement1.
1 V. l’art. 14.6 C. trav. ivoirien, l’art. L. 20-2° du code malien, l’art. 53, al. 2, C. trav. nigérien et l’art. L. 42-2° du
code sénégalais. V. également l’art. L. 122-3-10 du code français.
2 Il est difficile de s’appuyer sur des statistiques pour mesurer l’ampleur des travailleurs qui pourront bénéficier de
ces dispositions. De grandes industries comme la Société sucrière, les sociétés de textile et de moyennes unités de
transformation agroalimentaire peuvent être concernées. Mais l’on doit aussi tenir compte du fait que les secteurs
visés sont aussi ceux dans lesquels l’on a le plus recours au contrat journalier ou à l’heure.
3 Il s’agit souvent, pour les habitants des localités proches de l’entreprise, de s’assurer un monopole ou une priorité
dans l’embauchage.
4 V. Soc.., 13 décembre 1978, Bull. civ. V, n° 854, p. 642 (salarié employé pendant 22 ans dans le même
restaurant); Soc. 6 juin 1991, RJS 7/91, n° 817 (chef de rang employé pendant toute la période d’activité de
l’établissement par contrat saisonnier). Mais le cas de contrat assez long renouvelé seulement une fois n’est pas
exclu de la novation : soc. 22 janv. 1991, RJS 3/91, n° 316.
5 A ne pas confondre avec le contrat à exécution successive dont relève également le contrat de travail.
81
des périodes d’inactivité, doivent être considérés comme des contrats à durée
déterminée »1.
85. Bien que le code du travail ne contienne pas de disposition expresse sur ce
contrat, il convient d’en dire un mot, parce que l’autorisation d’ouvrir des entreprises
privées de travail temporaire2 y renvoie nécessairement (cf. infra, Titre III, chapitre
III).
D’abord, l’objet du contrat ou les cas dans lesquels on peut y recourir – qui
sont généralement limitativement énumérés – correspondent aux situations
dérogatoires énumérées par l’article 61 C. trav. : le remplacement temporaire d’un
travailleur en suspension légale de contrat (malade, en congé…) ; le surcroît
d’activités de l’entreprise ; les entreprises relevant d’un secteur d’activité dans lequel
il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison des
caractéristiques de l’activité exercée, lorsque l’emploi de ces travailleurs est par nature
précaire. Dans ce dernier cas, l’interdiction générale de renouveler plus d’une fois le
contrat à durée déterminé peut, à terme, faire le bonheur des agences de travail
temporaire, notamment dans le cadre des travaux saisonniers où les travailleurs ne
sont pas nécessairement engagés par un contrat pour toute la saison ;
1 J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, op. cit. p. 385.V. également sur la question,
Frédéric-Jérôme PANSIER, Droit du travail, relations individuelles et collectives, 3 e édit., Litec, Paris, 2003, n°
428.
2 V. l’article 12 C. trav.
3 V. PELISSIER et autres, op. cit., pp. 403 et s.; F.-J. PANSIER, op. cit. pp. 87 et s.
82
En second lieu, il est logiquement interdit de recourir au contrat de travail
temporaire dans certaines situations : entreprise en situation de grève (art. 19 C ; trav.)
remplacement de travailleurs licenciés pour raison économique, emploi pour des
travaux dangereux faisant l’objet de réglementation spéciale1 ;
inférieurs d’au moins un cinquième de la durée légale ou conventionnelle… ». Ces contrats, dans ces codes,
doivent être passés par écrit.
5 Sur ces questions et sur l’évolution de la place du travail à temps partiel dans les pays développés, v. J.
PELISSIER et autres, op. cit. pp. 386 et s.; M. DEL SOL, Travail à temps partiel : le renforcement de la logique du
temps choisi? Dr. soc. 2001, p. 728. F. FAVENNEC-HERY, Le temps vraiment choisi, Dr. soc. 2000, p. 295; Le
travail à temps partiel : changement de cap, Dr. soc. 1999, p. 1004; J. PELISSIER, Contrats de travail à temps
partiel, in « Droit de l’emploi », Dalloz 1999, n° 870; P. HOFMAN, Choisir et/ou partager le temps de travail-Une
illusion en forme de dogme, Dr. soc. 1983.458; A. LYON-CAEN, Le recours au travail à durée limitée, Dr. soc.
1983, p. 5; J. PELISSIER, Travail à durée limitée et droits des salariés, Dr. soc., 1983, p. 17.
83
négociations collectives. Bien qu’encore sommaire, ces dispositions comblent un vide
juridique.
§ 1 - Le contrat d’apprentissage
88. Le travailleur doit généralement avoir une qualification professionnelle
correspondant à l’emploi qu’il sera amené à occuper après la conclusion du contrat de
travail. Il acquiert cette qualification professionnelle par deux voies :
- par une formation dans un établissement d’enseignement général ou
technique (CAP, BEP, Baccalauréat général ou technique...) ;
- ou par une formation dans l’entreprise.
L’apprentissage dans l’entreprise peut elle aussi se faire de deux (2) manières :
- l’apprentissage sur le tas ; et
- la formation organisée suivant la réglementation étatique.
C’est de ce dernier cas qu’il sera question. L’art. 27 C. trav. Prévoit que « le
ministre chargé du travail, après avis de la Commission consultative du travail,
détermine, par voie réglementaire, les catégories d’entreprises dans lesquelles est
imposé un pourcentage d’apprentis par rapport au nombre total des travailleurs »1.
1V. l’arrêté n° 958 FPT/ DGTLS du 7 octobre 1986 relatif au contrat d’apprentissage (J.O.RHV. du 21 octobre
1976, p. 776; Code social, p. 134; Recueil annoté, annexe 14). V. également les art. 123 à 125 du code des impôts,
qui prévoient des avantages fiscaux au profit des entreprises qui reçoivent des stagiaires.
84
A – DEFINITION DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE
89. Suivant l’art. 24, al. 1, du code de 2004, « le contrat d’apprentissage est
celui par lequel une personne appelée maître, s’oblige à donner ou à faire donner une
formation professionnelle méthodique et complète à une autre personne appelée
apprenti, et par lequel celui-ci s’oblige en retour à se conformer aux instructions qu’il
recevra et à exécuter les ouvrages qui lui seront confiés en vue de son
apprentissage »1.
La différence avec le contrat de travail2 se situe dans le fait que dans le contrat
de travail, la contrepartie de la prestation est le salaire, alors que dans le contrat
d’apprentissage, cette contrepartie est la formation reçue. Mais celle-ci n’exclut pas
une rémunération. Ainsi l’article 11 de l’arrêté n°958 du 7 oct. 1976 prévoit que
l’apprenti « est rémunéré dans la mesure de sa contribution à la production », ce qui
voudrait dire qu’il peut ne rien percevoir si son activité ne contribue pas à la
production. A titre de comparaison, le système français prévoit une rémunération
proportionnelle au SMIG : de 15 % du SMIG dès le 1er semestre à 45 % au 4e
semestre, pouvant atteindre 60 % du SMIG à la 3e année. L’apprentissage se fait en
entreprise pour la partie pratique et dans un établissement de formation agréé pour la
partie théorique, selon ce que l’on appelle l’apprentissage de type dual.
90. Du point de vue de la forme, l’article 24, al. 2, C.trav. donne les conditions
suivantes :
- Le contrat doit être constaté par écrit à peine de nullité3 ;
- Il est rédigé en français et si possible dans la langue de l’apprenti 4 ;
- Il doit être visé par le Ministre du Travail et enregistré par l’ONPE
(aujourd’hui ANPE). Aux termes de l’article 4 de l’arrêté n° 958 du
octobre 1976, l’autorité vise le contrat après les vérifications prévues par le
code du travail5 (avis de l’inspecteur, vérification d’identité, du
ascendant de l’apprenti.
4 V., Abidjan 17 avril 1961 TPOM 1981 p. 1782 ; contrat : Dakar 16 janvier 1962 TPOM, 108 p.2385 (contrat
85
consentement de l’apprenti, de la conformité du contrat à la
réglementation, que l’apprenti est libre de tout engagement, lecture et
traduction éventuelle). De ce fait, l’obligation de faire viser le contrat
constitue une garantie pour l’apprenti.
En ce qui concerne le contenu, le contrat est établi en tenant compte des usages
et coutumes de la profession. Mais certaines mentions sont obligatoires1 :
- la date et la durée du contrat. Mais la durée du contrat ne peut être
supérieure à trois ans ;
- les conditions de rémunération, de nourriture, de logement ;
- l’indication des cours professionnels ;
- les identités et adresses des parties et des parents ou du tuteur de l’apprenti,
etc.
Par mesure de sauvegarde, le maître ne peut loger de jeune fille mineure s’il ne
vit pas en communauté ou en famille4.
1 V. art. 25 C. Trav.
2 Art. 28 C. trav.
3 Art. 30 C. trav.
4 Art. 29 C. trav.
86
l’apprenti s’engage à servir son employeur pendant un certain délai, ce délai ne peut
être supérieur à deux ans.
D – LA FIN DE L’APPRENTISSAGE
87
Il n’y a pas de possibilité de résiliation unilatérale. La résiliation unilatérale est
considérée comme une rupture abusive et ouvre droit à des dommages et intérêts1.
§ 2 – Le contrat de stage
93. Le contrat de stage peut être classé parmi les contrats assimilables au
contrat de travail, de par sa proximité avec le contrat d’apprentissage. Toutefois, le
législateur n’établit pas expressément cette assimilation.
A - DEFINITION
Selon l’article 21 C. trav., « le contrat de stage est une convention par laquelle
un maître de stage s’engage à donner ou à faire donner à une personne appelée
stagiaire une formation professionnelle pratique en vue de lui faire acquérir une
expérience et des aptitudes professionnelles pour faciliter son accès à un emploi et son
insertion dans le milieu professionnelle ».
1 Cours d’appel d’Abidjan, 22 janvier 1965, TPOM n°206 p.4559 (Père condamné à des dommages et intérêts pour
rupture unilatérale sur recours de son fils).
88
Le second objectif du contrat de stage peut être « l’adaptation du stagiaire à un
emploi ou à un type d’emploi ». Cet objet ressemble au classique stage de
perfectionnement que l’on pratique souvent en envoyant les stagiaires à l’extérieur du
pays pour acquérir une qualification supplémentaire ou nouvelle ;
95. L’article 23 C. trav. dispose que le contrat de stage « est constaté par écrit
dans la langue officielle sous peine de nullité ». On peut se demander quelle sont les
conséquences de cette nullité : le contrat se mue-t-il en un contrat de travail à l’instar
du contrat d’apprentissage n’observant pas la forme écrite ? Ou s’agit-il de mettre
seulement fin aux rapports entre les parties ? Cette nullité ouvre-t-elle droit à des
dommages et intérêts au profit du stagiaire ? Cette sanction fait penser que
l’institution du contrat de stage peut avoir un quatrième objectif implicite : celui de
lutter contre les abus dans la qualification de stagiaire. A la faveur de la crise de
l’emploi, certains employeurs utilisent les services de personnes qualifiées de
stagiaires (ou de bénévoles, dans les administrations publiques), de manière prolongée
et sans rémunération fixe ou avec une rémunération nettement inférieure aux normes
légales et conventionnelles.
89
90
CHAPITRE III - MODIFICATION, SUSPENSION ET NULLITE
DU CONTRAT DE TRAVAIL
96. Le contrat de travail, une fois conclu, ne reste pas immuable, bien que l’on
parle souvent d’immutabilité des contrats. Les dispositions initiales subissent des
modifications directes ou indirectes qui n’entraînent pas de litiges. Le contrat lui-
même peut subir des vicissitudes provenant de la volonté des parties ou de situations
diverses. Ainsi, peut-il être modifié, suspendu, ou même frappé de nullité.
1 V., sur la question, BOISSARD Sophie, Modification du contrat et pouvoir de direction de l’employeur dans les
entreprises à statut, conclusions sous, C.E., 29 juin 2001, Philippe BERTON, Dr. Soc. n° 11, novembre 2001, pp.
948 à 956 ; CAMERLYNCK G.-H., La révision du contrat de travail, JCP 1965. I. 1964 ; COUTURIER Gérard,
Pot pourri autour des modifications du contrat de travail, Dr. Soc. n° 11, novembre 1998, pp. 878 à 889 ; DESPAX
Michel, Révision et dénonciation des conventions collectives de travail : aspects jurisprudentiels récents, in
Tendances du droit du travail français contemporain, Etudes offertes à G.-H. CAMERLYNCK, Dalloz, 1978, pp.
309 à 330 ; PELISSIER in J. Mélanges Pierre Couvrat, PUF, p. 101 ; PELISSER J. Modification substantielle du
contrat de travail et droit disciplinaire, D. 1992, chron. p. 30 et s. ; REPERTOIRE Dalloz, Travail, vol. I, v° contrat
de travail (modification) ; PHILIBERT A., La modification substantielle du contrat de travail, Dr. soc. 1994, p.
189 ; SAINT-JOURS Yves, note sous, Cass. Soc., 10 juillet 1996, Vanderdonckt c/ Sté Gan-Vie (1ère espèce) et
Cass. Soc. 10 juillet 1996, Le Berre c/ SA Socoren (2è espèce), JCP 1997. II. 22768 ; SAINT-JOURS Yves, note
sous, Cass. Soc. 8 octobre 1987, Raquin et Trappiez c/ Soc. anon. Jacques Marchand, Dalloz, 1988, J. 57 à 58 ;
SAVATIER Jean, La réduction du salaire : inexécution ou modification unilatérale du contrat de travail ? Dr. Soc.
n° 12, décembre 1986, pp. 867 à 872 ; SAVATIER Jean, note sous, Soc. 8 octobre 1987, Dr. Soc. 1988.135 ;
TEYSSIE Bernard, La modification du contrat de travail, instrument de gestion de l’entreprise, Dr. Soc. n° 12,
décembre 1986, pp. 852 à 866 ; THIEBAULT Hubert, L’employeur et le juge, Dr. Soc. n° 2, février 1997, pp.133 à
139 ; WAQUET Ph. Le renouveau du contrat de travail, RJS 5/99, pp. 383 et s. ; WAQUET Ph., La modification
du contrat de travail et le changement des conditions de travail, RJS 12/96, p. 791 ; Sur la jurisprudence burkinabé,
v. Paul KIEMDE, note groupée sous divers arrêts, RBD n° 42, 2e semestre 2002, pp. 122 à 146.
91
§ 1 - Modification de la situation juridique de l’entreprise
98. L’hypothèse de la modification de la situation juridique de l’entreprise doit
être distinguée de la modification de la situation économique et financière de
l’entreprise ou du contexte économique affectant l’entreprise. Dans ce dernier cas
l’employeur peut se trouver dans la nécessité de réorganiser ou de restructurer
l’entreprise et cette opération rejaillit sur les contrats. La modification de la situation
juridique affecte la forme juridique ou la propriété de l’entreprise. Ce changement
peut être consécutif à la modification du contexte économique de l’entreprise, mais les
deux choses ne sont pas liées.
Cet article pose un principe de maintien des contrats de travail quelles que
soient les vicissitudes juridiques de l’entreprise. Le contrat de travail continue, même
si l’entreprise s’adonne à des activités différentes, si le travailleur fait le même
travail1.
A – CONDITIONS D’APPLICATION
99. L’article 95 énumère une série de situations qui n’affectent pas le contrat :
succession, reprise sous une autre appellation, vente, fusion, transformation de fonds,
mise en société. Les cas cités par l’article 95 ne sont pas limitatifs. Ses dispositions
s’étendent aux situations de reprise en régie après une concession, aux cas de location,
de nationalisation ou de privatisation et dans les rapports entre une société mère et sa
filiale. Ces cas se traduisent par un changement, soit de propriétaire (vente,
succession, mise en société, nationalisation ou privatisation…) soit de la forme
1 V. C. S. CI 8 nov. 1974, RID n° 1-2, 1977, p.123 ; C.A. Abidjan, 8 juin 1975, RID n° 1-2, 1977, p.124; C.A.
Ouagadougou, 18 avril 1995, CCIA c/ B. M. et autres, RBD n° 30, 2 e semestre 1996, p. 334 : C. A. Ouagadougou,
18 avril 1995, CCIA c/ S. C. et autres, RBD n° 30, p. 337 (les deux arrêts concernent la dissolution de la
SOGEMAB, société d’économie mixte chargée de la gestion du marché central et dont cette gestion a été confiée à
la Chambre de commerce. Le personnel préalablement licencié a invoqué avec succès le principe de continuité de
l’entreprise et de maintien des contrats pour obtenir des dommages et intérêts).
92
juridique (transformation d’une entreprise individuelle en société, d’une entreprise
ayant la forme de droit public en entreprise ayant la forme de droit privé …) soit
encore du mode d’exploitation, même si ces cas ne sont pas expressément cités
(concession, affermage, location, mise en gérance…). Ces mutations n’affectent pas le
contrat de travail dans son existence et dans son contenu. Le maintien des liens
contractuels s’applique aussi au contrat d’apprentissage.
2) La continuité de l’entreprise
1 V. Civ. 27 février 1934, Goupy c. Société Union Hydro-électrique de l’Ouest constantinois, DH 1934, 252 ; Gaz.
Pal, 1934. 2. 40 ; S. 1934. I. 179 ; GADT 3e édit., n° 60.
2 Soc. 12 juin 1986. 505, concl. G. Picca, note G. Couturier ; D. 1986. 461, note J.-P. Karaquillo ; JCP 1986. II.
93
se poursuit. S’il y a cessation d’activité s’accompagnant de licenciement, les contrats
de travail n’ont pas vocation à profiter du maintien prévu par ce texte, sauf si la
cessation a été simulée et les licenciement opérées par fraude à l’article [54 C. trav.
sénégalais] »1. Cette exigence de lien de droit, abandonnée par la jurisprudence
française2 l’est aussi au Burkina, même si ce n’est pas de manière explicite.
101. Au Burkina Faso, le problème du lien de droit s’est posé dans le cadre des
privatisations des entreprises publiques. Les premières vagues de privatisation ont
concerné des entreprises régulièrement déficitaires, quasiment non rentables dans
leurs formes d’exploitation et de gestion5. L’État avait donc adopté la stratégie, soit de
les restructurer avant de les proposer à la vente, soit de dissoudre et liquider
l’entreprise afin de vendre les actifs au lieu d’un transfert de l’entité à un repreneur ou
de réaffecter une partie des biens à une autre entité à créer. Le but de cette stratégie est
de ne pas transmettre le lourd passif au repreneur (aucun repreneur privé n’étant
susceptible de l’accepter) ou à la nouvelle entité à créer. Malgré de longues périodes
d’arrêts d’activités avant la création d’une nouvelle entité ou la reprise de certaines
des activités par un repreneur, il y a eu de nombreux litiges sur le sort des contrats ou
les suites des contrats rompus. Dans un arrêt du 18 janvier 1994, la Cour d’appel de
Ouagadougou a jugé que le principe de maintien des contrats s’appliquait dans une
situation où une entreprise publique avait été dissoute et les biens reversés à l’État
pour la création d’une autre structure : « attendu qu’il résulte de la Zatu n° VIII-
rapp. Bailly.
5 V. P. KIEMDE, Privatisation et rôle de l’État dans la préservation des emplois, in Les nouveaux rôles de l’État et
les privatisations (dir. F.-P. Blanc, A. Lourde et V. Ouoba), Presses universitaires de Perpignan et Presses de
l’université des sciences sociales de Toulouse, 2005, pp. 215 à 241.
94
039/FP/PRES du 4 juin 1991 que l’A.V.V. est dissoute mais que son patrimoine est
reversé à l’État pour la mise en place d’une autre nouvelle structure; qu’en application
du texte sus-visé, les contrats en cours sont maintenus avec cette nouvelle structure;
qu’il s’ensuit que ce motif est également inopérant »1. Ici, le juge tire la continuité
juridique de l’entreprise du texte qui dit que les biens sont réaffectés à la création
d’une nouvelle structure. Cet argument devient peu évident si la nouvelle structure
n’est pas immédiatement créée. Les contrats auront été rompus depuis un certain
temps et on ne pourrait pas parler de maintien, mais à la rigueur de priorité
d’embauche, à moins qu’il y ait intention frauduleuse. En réalité le juge s’intéresse à
l’activité et non à l’entité juridique2. Le juge tirera la continuité de l’entreprise, par
exemple, de la poursuite de l’activité initiale, du travail dans les mêmes locaux avec le
même matériel et une partie du personnel du précédent employeur…3
1 C.A. Ouagadougou, 18 janvier 1994, O.E. c/ A.V.V., RBD n° 26, juillet 1994, p. 300.
2 V. GADT, observations sous n° 60-62.
3 J. ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 987.
4 Un tel motif a été invoqué par le repreneur de la société de brasserie BRAKINA en 1991 suite au conflit qui a été
soumis à arbitrage.
95
2) Le sort des conventions collectives
reproché à l’employeur d’avoir cherché à éluder les dispositions de la convention de concession prévoyant le
maintien des avantages individuels en attendant la conclusion d’une convention unique, en négociant une
convention collective d’entreprise avant même l’entrée en vigueur de la convention de concession, ce qui lui
permettait de licencier dans des conditions défavorables aux travailleurs.
96
contrat de travail doit revêtir la forme écrite et être approuvée par le travailleur. En cas
de refus de celui-ci, le contrat est considéré comme rompu du fait de l’employeur ».
Le principe est que la mutation (ou modification) du contrat ne peut être imposée par
l’employeur, ni par le travailleur, cela va de soi. Mais la loi appelle à faire la
différence entre la modification substantielle et la modification non substantielle. A
cette différentiation peut se superposer une autre, la modification, mesure individuelle
qui affecte le contrat du travailleur, et la modification, mesure collective. Cette
dernière distinction se rapproche de la jurisprudence française récente qui appelle à
faire la part entre modification du contrat et modification des conditions de travail 1.
105. Cette distinction peut être délicate à faire parce que le contrat individuel
ne détaille pas nécessairement tout ce qui est essentiel, et le substantiel peut varier
dans le temps pour le travailleur. En se basant sur les dispositions du contrat, seraient
substantielles celles qui touchent à une des conditions sans laquelle l’autre partie
n’aurait pas contracté et pourrait, par conséquent, préférer démissionner en cas de
remise en cause. Entre dans cette catégorie ce qui est relatif : à la rémunération dans
ses aspects rémunération de base, indemnités ou primes complémentaires et autres
avantages matériels ; aux modalités de détermination du salaire, fixe ou variable, au
temps ou à la tâche ; à la qualification professionnelle, qui détermine en grande partie
la rémunération ; au temps de travail en terme de diminution du temps de travail
accompagnée de diminution de la rémunération (travail à temps partiel).
1 V. Soc. 10 juillet 1996, Le Berre c. Société Socorem, Bull. civ. V, n° 278 ; GADT, 3e édit., n° 49 ; Soc. 4 mai
1999, Hczyszyn c. Sté Paul Jacottet, Bull. civ. V, n° 186 ; GADT, 3e édit., n° 50. MM. Pélissier et autres (op. cit.
n° 363) jugent assez sévèrement cette jurisprudence : « il est tout d’abord curieux de vouloir substituer cette
distinction à la distinction entre les modifications substantielles et les modifications non substantielles du contrat
dans la mesure où la loi, que le juge a mission d’appliquer, fait explicitement la distinction entre modification
substantielle et modifications non substantielles (art. L. 321-1). Il est juridiquement impossible tant que le
législateur n’a pas modifié la définition des licenciements économiques de ne pas maintenir la distinction entre les
modifications substantielles du contrat et celles qui ne le sont pas. […] Il est ensuite fallacieux de présenter la
nouvelle distinction comme une distinction entre la sphère contractuelle et l’exercice du pouvoir de direction… ».
97
plus revêtir à priori un caractère de modification substantielle, ni même un caractère
de modification, étant une application du contrat ou du règlement intérieur. Mais la
mutation entraînant une séparation durable de famille pour un travailleur ancien ayant
une famille nombreuse peut constituer objectivement un changement important de ses
conditions économiques et sociales. De même, l’affectation d’un cadre à un poste de
travail inférieur, même avec maintien de la rémunération peut constituer une
humiliation légitimant un refus1.
Le code du travail aborde un certain nombre de cas qui sont considérés comme
des modifications substantielles. Ainsi, selon l’article 94, la femme salariée en état de
grossesse mutée à un autre poste en raison de son état conserve le bénéfice de son
salaire antérieur pendant la durée de sa mutation. Aux termes de l’article 91, le salarié
qui accepte, pour nécessité de service ou pour éviter le chômage un emploi de
catégorie inférieure doit conserver son classement et son salaire, cette situation ne
pouvant excéder six mois. L’article 92 traite d’une situation inverse : le salarié nommé
par intérim à un emploi comportant un classement supérieur ne peut être éternellement
maintenu dans cette position. L’employeur doit se déterminer dans le délai d’un mois
(pour les ouvriers et employés) ou de trois mois (pour les cadres et agents de maîtrise)
et le reclasser ou lui rendre ses anciennes fonctions. Il s’agit d’une modification
favorable, mais qui peut tourner au sous-paiement si l’intérim se prolonge sans
confirmation dans le poste.
106. Le contrat peut être à tout moment modifié sur proposition du travailleur
ou de l’employeur. Les conséquences d’un rejet d’une proposition de modification
dépendent du caractère substantiel ou non substantiel de la modification envisagée. Si
la modification par l’employeur n’est pas substantielle, le travailleur qui la refuse
endosse les conséquences de la rupture : il sera considéré comme démissionnaire et
devra éventuellement observer le délai de préavis de rupture. Si la modification est
jugée substantielle, le principe est que le contrat est rompu et l’auteur de la
proposition (ici l’employeur) est responsable de la rupture. Cette conséquence découle
de l’article 73 (ex-article 28) qui dispose que « le contrat de travail à durée
1 V. C. S. ch. Jud., arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo S. P. c/ S.B.E. (mutation de poste prévue au règlement
intérieur, mais constituant un déclassement. Selon la Cour suprême, qui déclare le recours du salarié fondé, le
règlement intérieur ne saurait contenir des dispositions de nature à modifier l’objet ou la substance du contrat de
travail).
98
indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l’une des parties. Cette résiliation
est subordonnée à un préavis notifié par écrit par la partie qui prend l’initiative de la
rupture ».
a) La responsabilité de la rupture
salaire au temps, accepté par la plupart des travailleurs ; C. A.. Abidjan, 4 avril 1980, TPOM n° 538 du 2 avril
1981, p.325 : salaire au rendement à la place d’un salaire à l’heure.
4 Soc. 25 janvier 1961, Bull. civ. IV, 85; D. 61.621, JCP 196. II. 12036; Soc. 22 mars 1995, Bull. civ. V, n° 102;
99
désaccord persiste, sous peine de devoir payer les salaires aux anciennes conditions1.
La meilleure solution est de s’assurer d’une réponse explicite (écrite au mieux)2
d’acceptation. Il ne peut prétendre prendre acte d’une démission du salarié si cette
démission n’est pas expresse ou sans équivoque. Cette démission s’analyse d’ailleurs
en un licenciement qui peut être jugé légitime ou abusif.
109. Toutefois, on peut se demander s’il n’y pas de refus abusif d’une
proposition de modification justifiée, qui ne donnerait pas, par conséquent, droit aux
indemnités de préavis ou de licenciement. Quelques exemples peuvent illustrer cette
interrogation.
1 V. C.S. BF, arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo S.P. c/ SBE ; P. KIEMDE, op. cit. RBD n° 42, p. 144 ; LE
BAYON Alain, Qualification professionnelle, Répertoire Dalloz, Travail, vol. III ; DESPAX Michel, La
qualification professionnelle et ses problèmes juridiques, JCP 1962.I.1710.
2 Mais l’écrit n’est pas indispensable, car la preuve de l’acceptation peut être apporter par tout moyen. V.
licenciement et de l’indemnité compensatrice mais pas des droits normaux de licenciement. V. PELISSIER et
autres, op. cit. p. 457.
100
Le deuxième exemple est celui d’une modification imposée par les
règlements1. Le cas est rare, mais ne constitue pas une hypothèse d’école : des
illustrations peuvent être prises des mesures « d’africanisation des cadres » dans les
années 1970-80 pour tenir compte de l’arrivée sur le marché du travail de cadres
nationaux et des mesures prises sous la révolution d’août 1983 tendant à aligner ou
rapprocher les rémunérations dans les entreprises publiques de celles de la fonction
publique2.
1 Trib. Trav. Brazzaville, 8 septembre 1980, TPOM n° 540, p.379 : modification imposée par une circulaire - en
l’espèce non valable car la circulaire n’est pas réglementaire.
2 V. Filiga Michel SAWADOGO, Le nouveau régime salarial dans les entreprises publiques au Burkina Faso : vers
Gabon, 12 mai 1980 TPOM n° 536 du 2 juillet 1981, p. 286 (compression de personnel, appel abusif) ; CCIP de
1974, articles 18 et 34 ; Trib. trav. Bobo Dioulasso, 3 juin 1980, RVD n° 5 février 1984, p.72 (africanisation) ; Soc.
22 avril 1977, GADT n° 123. La SOSUCO par exemple a procédé en 1978 à une compression de personnel, suite à
l’arrivée de nouvelles machines.
4 V. les articles 101 et s. C. trav. et l’article 34 CCIP.
5 Trib. Trav. Dakar, 11 déc. 1980, TPOM n° 543 du 2 nov. 1981, p.458.
6 V. Paul KIEMDE, op. cit. RBD n° 42, 2002 pp. 122 et s.
101
portant sur les règles applicables aux contrats. Nous entendons par là, la modification
du règlement intérieur, des usages de l’entreprise, du statut du personnel, de l’accord
d’établissement ou de la convention collective. Une interprétation extensive de
l’interdiction d’une modification unilatérale du contrat de travail rendrait les
entreprises ingérables. L’employeur ne peut pas non plus être autorisé à bouleverser à
loisir les rapports individuels de travail à la faveur de mesures générales de gestion.
Plusieurs distinctions sont proposées pour différencier ces atteintes directes et
indirectes au contrat de travail : modification du contrat et modification du statut
collectif; modification des règles applicables aux contrats; modification du contrat et
modification des conditions de travail selon la nouvelle jurisprudence contestée de la
cour de cassation française. L’enjeu est de faire la part entre ce qui relève du pouvoir
de l’employeur de décider unilatéralement et ce qui requière un accord de volonté
entre l’employeur et le travailleur pris individuellement. Le principe est que la
modification est possible, mais les conditions de régularité de cette modification sont
contraignantes et aléatoires.
Il est rare que le débat porte sur la question de savoir si les mesures collectives
prises sont bien fondées. Cette question relève de l’appréciation de l’employeur qui
est « seul juge des moyens propres à assurer la bonne marche de son entreprise »1. La
jurisprudence se concentre plutôt sur la question de savoir si la mesure collective
d’organisation ou de réorganisation a été régulièrement prise, si elle ne contrevient pas
à une norme supérieure (acte réglementaire de l’Etat, convention collective)2 et,
surtout, sur les conséquences de la mesure sur les contrats individuels. Elle est
confrontée à l’exercice délicat consistant à affirmer le pouvoir de direction de
l’employeur tout en essayant d’assurer la stabilité des conditions du contrat et la
stabilité de l’emploi3.
conclusions sous, C. E. fr., 29 juin 2001, Philippe Berton, Dr. Soc. n° 11, novembre 2001, pp ; 948 à 956.
CAMERLYNCK G.-H., La révision du contrat de travail, JCP 1965. I. 1964. COUTURIER Gérard, Pot pourri
autour des modifications du contrat de travail, Dr. Soc. n° 11, novembre 1998, pp. 878 à 889. DESPAX Michel,
102
112. Ainsi, l’employeur peut revenir sur des usages de l’entreprise, à condition
que la révocation de l’usage soit régulièrement opérée. Il peut dénoncer une
convention collective dans les conditions de forme requise. Il peut, à l’occasion de
l’adoption d’un premier règlement intérieur ou de la modification du règlement
intérieur, y introduire des contraintes qui n’existaient pas, telle que la possibilité d’une
affectation du salarié dans un autre établissement ou une autre localité. Par ailleurs,
pour des raisons de difficultés économiques, des négociations avec les représentants
du personnel peuvent aboutir à des réductions d’avantages divers.
Révision et dénonciation des conventions collectives de travail : aspects jurisprudentiels récents, in Tendances du
droit du travail français contemporain, Etudes offertes à G.-H. Camerlynck, Dalloz, 1978, pp. 309 à 330.
REPERTOIRE Dalloz, Travail, vol. I, v° contrat de travail (modification).
1 V. Soc., 17 mars 1993, GADT, 3 e édit. n° 158, Dr. soc. 1993. 464; Soc. 30 novembre 1994, GADT n° 165, et
observations p. 621.
2 V. sur les usages, GADT, 3e édit., n° 170-172.
103
conséquences de la réorganisation. Ce refus n’est pas en lui-même abusif, même si les
autres l’ont accepté. La modification est généralement substantielle et peut être, pour
un travailleur, intolérable. Il n’est pas aisé, dans ce cas, de repérer, comme le propose
la jurisprudence française, les dispositions du statut collectif qui s’incorporent au
contrat et qui sont insusceptibles de modification unilatérale, et les dispositions qui ne
s ‘y incorporent pas et qui pourraient être légitimement modifiées par l’employeur
sans encourir de sanctions pour rupture abusive.
114. Au Burkina Faso, le problème s’est posé de manière cruciale dans les
entreprises publiques qui ont voulu opérer des « remises en ordre » dans le statut du
personnel. De nombreux litiges sont nés des modifications des systèmes de
classification et des classements individuels. Le statut du personnel est d’autant plus
susceptible d’être modifié qu’il peut s’analyser comme un acte de droit public à
caractère réglementaire : malgré des concertations préalables avec les représentants du
personnel, le statut est adopté par un acte unilatéral du conseil d’administration et
approuvé par l’autorité de tutelle. Certaines ex-entreprises publiques qui ont été
privatisées ont conservé la forme du statut du personnel au lieu de l’accord
d’établissement ou d’entreprise, statut qui a également fait l’objet de modification et
entraîné des litiges1. Les Cour d’appel de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, dans
de nombreuses décisions relatives à des reclassements, ont souvent condamné les
employeurs à la réintégration, au paiement de rappel de salaires ou à des dommages et
intérêts pour rupture abusive2. Ces juridictions ont souvent invoqué la notion de
préservation des avantages acquis, érigée de manière contestable en « principe de
droits acquis ». La règle de préservation des avantages acquis énoncée lors des
révisions des conventions collectives et autres négociations visent bien à éviter la
régression, mais on ne peut y tirer un principe général de droit faisant obstacle à toute
modification du contrat de travail. Toujours est-il que, en attendant de voir le contenu
la décision de la Cour de cassation dans l’arrêt SONAR, la jurisprudence des cours
d’appel rend aléatoire le sort d’une modification du statut collectif.
1 Après la privatisation de la SONAR, celle-ci a procédé à une modification du statut du personnel et des grilles de
classification, qui a provoqué un contentieux largement commenté par les journaux. Quatre travailleurs ont refusé
l’application à eux de la grille de classification qui conduisait à leur déclassement. La cour d’appel de
Ouagadougou, par un arrêt n° 46 du 22 mai 2001, avait condamné l’employeur à maintenir leur classement
antérieur. La cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, (mais la décision n’est pas encore disponible).
2 Outre les arrêts de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, n° 22 du 30/4/2001, D.I. c/ CNSS, n° 57 du 18/6/2001,
104
événements, de natures très diverses, peuvent provenir de l’entreprise (fermeture
temporaire par ex.) ou du travailleur (maladie, détention, etc.).
105
toutefois pas être considéré comme prorogé au-delà du terme initialement prévu du
seul fait de la suspension légale
La suspension des contrats saisonniers pendant la morte-saison, prévue à
l’article 96 point 17, est aussi un événement qui ne relève pas de la volonté de
l’employeur. L’article 71 C.trav. décide en effet que : « Tout contrat saisonnier, pour
lequel le travailleur engage ses services pour la durée d’une campagne agricole,
commerciale, industrielle ou artisanale dont le terme est indépendant de la volonté des
parties, est considéré comme contrat à durée indéterminée, s’il est renouvelé au moins
une fois ». Ainsi, le travailleur engagé par contrat saisonnier et réembauché une
deuxième fois après la morte-saison, voit sa situation consolidée par la suspension
légale de son contrat à chaque morte-saison.
106
l’employeur à ne pas rompre avant ce délai si la situation du travailleur n’est pas
clarifiée mais qui ne l’oblige pas à rompre immédiatement après ce délai. La mise à
pied du délégué du personnel pour faute grave ou lourde, en attendant la décision de
l’inspecteur du travail, est aussi une mesure suspensive du contrat de travail ayant un
caractère conservatoire et le licenciement éventuel (s’il n’y a pas refus de l’inspection
du travail) ne pourrait s’analyser comme une double sanction.
3) Le lock-out
107
§ 2 - La suspension tenant au travailleur
La suspension du contrat de travail peut résulter du travailleur, soit de sa
volonté, soit en raison d’évènements qui l’empêchent de remplir ses obligations.
Parmi ces causes de suspension du contrat, la maladie du travailleur et la maternité de
la femme sont les plus importantes et méritent d’être abordées à part.
A - LA MALADIE DU TRAVAILLEUR
120. La suspension pour cause de maladie est traitée par l’article 96 point 3,
relatif aux maladies et accidents non professionnels, l’article 96 point 4 relatif à
l’indisponibilité du travailleur résultant d’un accident ou d’une maladie
professionnelle, et l’article 99. Nous mettrons l’accent sur la maladie ou l’accident
d’origine non professionnelle, étant donné que l’absence pour cause de maladie ou
d’accident d’origine professionnelle bénéficie d’un régime de faveur dans le cadre de
la prise en charge par la sécurité sociale (infra livre II). Le terme maladie est ici
entendu de façon très large : c’est une interruption du travail pour un motif de santé.
La période de convalescence, qui est une période de repos sous surveillance médicale,
est assimilée à la maladie.
1 Civ. 3 décembre 1934, Terminus PLM c/ Dame Spagnoli, D. H. 1935, p.84 ; GADT, 3e édit. n°71 (absence de
certificat médical, mais la dame Spagnoli a averti l’employeur de son indisponibilité et des prolongations).
108
Si l’absence pour maladie avait été prévue pour un temps déterminé, le
travailleur doit informer l’employeur de la prolongation de la maladie. Celui-ci peut
demander une contre-visite si la prolongation a été accordée par un autre médecin. Si
une nouvelle maladie survient après la première, le travailleur doit présenter un autre
certificat médical.
109
demi salaire les 3 mois suivants ;
4) de 11 à 15 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 3 mois ;
demi salaire les 3 mois suivants ;
5) au delà de 15 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 4 mois ;
demi salaire pendant les 4 mois suivants.
Suivant cet article 142 C. trav., toute femme enceinte, dont l’état a été dûment
constaté, a le droit de suspendre son travail suivant avis médical sans que cette
interruption de service ne soit considérée comme une cause de rupture de contrat1.
A l’occasion de son accouchement, elle bénéficie d’un congé de maternité de
14 semaines, dont 8 semaines au plus tôt et 4 semaines au plus tard avant la
délivrance, que l’enfant soit né viable ou non, précise le code de 2004. Cette
suspension peut être prolongée de 3 semaines en cas de maladie résultant de la
grossesse ou de la couche. Cette période de suspension peut être dite super protégée
parce que l’employeur ne peut prononcer son licenciement. Le licenciement de la
femme enceinte est nul2. Cette interdiction s’applique au fait d’envoyer un préavis de
licenciement. L’employeur ne peut non plus l’employer, même avec son accord, dans
les six semaines qui suivent son accouchement.
1 L’article 84 du code de 1992 lui donnait le droit de rompre le contrat unilatéralement sous réserve d’un préavis
abrégé de 15 jours avant son départ, dès que son état de grossesse a été médicalement constaté ou si la grossesse est
apparente. Toutefois, si elle s’engage dans une autre entreprise avant la période normale de préavis, elle sera tenue
au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis. De même, pendant la période d’allaitement de 15 mois,
elle peut rompre son contrat sans préavis. Ces dispositions ont peut-être été jugées inutilement contraignantes pour
l’employeur et peu avisées pour l’intérêt de la femme. Il est plus réaliste, s’il s’agit de l’entretien de son enfant, de
prendre un congé sans solde quitte à démissionner par la suite dans les formes de droit. Cette démission n’exige du
travailleur que le préavis.
2 Pour la jurisprudence française, v., C. E. fr. Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet, GADT 3 e édit. n° 7 ; AJDA 1973,
110
est justifiée par la maladie grave de l’enfant dans la période. Ce droit au congé sans
solde est également accordé au salarié pour l’entretien de son enfant1.
1 Cette disposition peut prêter à sourire en raison de son décalage sociologique : elle accorde un droit qu’il serait
contraire à la mentalité sociale d’exercer.
2 Article 84 § 6.
3 V. N’GABO DAGUI, Un exemple de difficultés de mise en œuvre et d’éventuelle adaptation des législations
modernes en Afrique noire : le congé pour évènements familiaux, RJPIC, 1988, p. 98.
4 La pratique est de procéder par réquisition, par le ministère chargé des spots, des sportifs internationaux.
111
2) Pour les cas ne relevant pas de la volonté du travailleur, le contrat est
suspendu : pendant la durée du service militaire du travailleur ; en cas de force
majeure ; et, si on ne tient pas compte du fait que la détention découle d’agissements
de l’intéressé, pendant sa détention pour motifs politiques et pendant sa détention pour
faute non professionnelle ou pour faute professionnelle, dans la limite de 6 mois ;
Ces causes de nullité sont ensuite celles tenant à la violation de l’ordre public
économique ou social. Par exemple : l’article 64, alinéa 4, à propos du visa et de
l’enregistrement du contrat à durée déterminée de plus de trois mois, dispose que
« l’omission par l’employeur ou le refus de l’inspecteur du travail du visa rend le
contrat nul ». Cette disposition s’applique aussi au visa du contrat de travail du
travailleur étranger, évoqué à l’article 72 qui exonère le contrat à durée indéterminée
du visa « sauf lorsqu’il s’agit du contrat nécessitant l’installation du travailleur hors de
sa résidence habituelle ou concernant un travailleur étranger 1; l’article 69 interdit de
recourir à un contrat à durée déterminée dans les six mois qui suivent un licenciement
pour motif économique pour pourvoir un poste supprimé ; et l’article 147 interdit
l’emploi de toute personne âgée de moins de 15 ans. Toutes ces dispositions sont
d’ordre public et sont susceptibles d’entraîner l’annulation du contrat. Elles visent à
protéger l’ordre public économique (protection de la main-d’oeuvre nationale pour le
visa des contrats des travailleurs étrangers) ou l’ordre public social (protection du
travailleur ou des adolescents).
1 L’article 14 du code de 1992 soumettait à la formalité du visa et de l’enregistrement « tout contrat stipulant une
durée supérieure à trois mois ou nécessitant l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle ou
concernant un travailleur étranger… ». La précision « ou concernant un travailleur étranger » ne figure pas à
l’article 64 du code de 2004, mai l’article 72 y renvoie : « dans ce cas, il est visé dans les mêmes conditions que
celles fixées pour le contrat à durée déterminée ».
112
des travailleurs étrangers et des apprentis1. L’absence de visa, qui est un vice de
forme, peut couvrir aussi un vice de fond (violation d’une interdiction d’embaucher,
par exemple) mais il est rare que le vice de forme aboutisse réellement à l’annulation
du contrat. Le juge peut requalifier par exemple le contrat à durée déterminée, qui n’a
pas été soumis au visa parce que verbal, de contrat à durée indéterminée 2 au lieu
d’appliquer l’article 64. Il peut de même requalifier le contrat de l’apprenti de contrat
de travail3. La cour d’appel de Ouagadougou estime que l’exigence du visa, qui est
une obligation qui incombe à l’employeur, vise à assurer la protection du travailleur et
qu’il s’agit d’une nullité relative qui doit être soulevée par les parties 4. Il y a lieu, par
ailleurs, de distinguer la nullité du contrat lui-même, de la nullité d’une clause du
contrat. L’inobservation d’une disposition contraire à l’ordre public n’entraîne pas
nécessairement la nullité du contrat, mais de la clause illégale. Il en est ainsi, par
exemple, des interdictions protectrices des droits fondamentaux de la personne
humaine : clause de célibat, restriction à la liberté d’opinion et d’expression, clause
abusive de non-concurrence… La nullité de la clause ouvre droit à une indemnisation
au plan civil, et peut aussi faire l’objet de sanctions pénales. La sanction de la nullité
du contrat tient compte de la diversité des buts de l’interdiction.
1 Sur la question, à titre de droit comparé, v. Soc. 20 octobre 1965, D. 65, p.811 (apprenti) ; Soc. 2 février 1961, D.
61.236.
2 V. C. A. Ouagadougou, 18 mars 1997, C. D. c/ S., RBD n° 32, p. 320. (Administrateur adjoint engagé pour une
Savatier ; Dr. ouvrier, 1966.351 ; Rev. crit. D.I.P., 1966.620 ; GADT 2e édit. n°96 ; C.S. Sénégal, 25 juillet 1979
TPOM n°540 du 16 septembre 1981, p.370 ; T.T. Libreville 25 janvier 1980 TPOM n° 542 du 16 octobre 1981,
p.415. C. A. Ouagadougou, 2 mai 1980 RVD n° 2, juin 1982, p. 128, note K. Ouattara, précité ; C. A. Bobo 3
novembre 1986 RBD n° 14, 1988 p.458, note P. Kiemdé (Cas où la cour a refusé de condamné l’employeur à payer
les dommages et intérêts en invoquant le fait que le salarié savait son contrat irrégulier et ne l’invoque qu’après la
rupture) ; C.S. CI 29 novembre 1968, RID 1969 n° 4, p.26.
113
économique. Le travailleur, contrairement à l’employeur, a le plus à perdre dans la
nullité du contrat et, de plus, il n’a pas la responsabilité de l’accomplissement des
formalités.
Dans la pratique, les parties recourent rarement à une action en nullité. Le plus
souvent, l’annulation intervient, soit à l’occasion des contrôles administratifs comme
c’était le cas dans l’arrêt de la Cour de cassation française Entreprise Pagot, dans
lequel le travailleur était italien et la nullité avait été soulevée à la suite d’un contrôle
de l’inspecteur, soit comme dans l’arrêt de la Cour d’appel Bobo de 1986, après une
demande du travailleur à la suite d’une rupture des relations de travail.
1 Civ. sec. Soc, 8 avril 1957, D. 58, 221 ; Civ. Sect. Soc., 2 février 1961, D. 61, 236.
114
CHAPITRE IV - LA RUPTURE DU CONTRAT
129. Les modes de cessation des contrats de travail reposent sur la distinction
entre contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée. Le mode normal de
cessation du contrat à durée déterminée est l’arrivée du terme. L’autre mode de
cessation est la résolution judiciaire. Il n’y a pas de possibilité de rupture unilatérale
comme en ce qui concerne le contrat à durée indéterminée. Mais ces deux types de
contrats connaissent des causes communes de rupture et l’évolution tend à rapprocher
leurs modes de cessation. On examinera ce dernier aspect avant d’aborder
successivement les cas spécifiques de la rupture du contrat à durée déterminée, du
contrat à durée indéterminée, du licenciement pour motif économique et enfin des
obligations qui survivent à la rupture.
L’accord des parties est le mode normal et, si l’on peut dire, souhaitable de
rupture du contrat de travail. Il intervient par négociation entre l’employeur et le
travailleur en ce qui concerne le contrat à durée déterminée, y compris sur le mode
d’indemnisation de celui qui n’a pas pris l’initiative de la rupture. Il peut aussi s’agir
d’une négociation collective concernant tous les types de contrats. Le décès est
également une cause commune de cessation du contrat. Il met plus exactement fin au
contrat sans que l’on ne puisse parler d’imputabilité de la rupture. Dans le cas de la
retraite, la cessation ne peut s’analyser en une démission ou un licenciement. L’arrivée
de l’âge légal de la retraite ne contraint pas les parties, dans le secteur privé, à mettre
fin au contrat. Mais pour le travailleur, le départ à la retraite est un droit qu’il peut
115
faire valoir, tout comme l’employeur est en droit de ne pas désirer un prolongement
des relations de travail au delà de cette limite d’âge.
132. La force majeure est un fait extérieur à la volonté des parties, imprévisible
et irrésistible, rendant impossible l’exécution du contrat1. Elle n’est pas citée par
l’article 100, mais elle est explicitement citée comme cause de rupture du contrat à
durée déterminée à l’article 67 et à l’article 96 point 15, relativement à la suspension
du contrat, qui en donne une définition. Malgré le silence de l’article 100, qui semble
confiner l’effet de la force majeure à la suspension dans le cas du contrat à durée
indéterminée, elle entraîne, comme en matière de contrat à durée déterminée, la
rupture du contrat s’il ne peut y avoir espoir de réouverture de l’entreprise. Peuvent
constituer des cas de force majeure : le cataclysme naturel (inondation, tremblement
de terre etc.) ; l’incendie ; l’occupation par l’ennemi… Les motifs d’ordre
économique ou technique ne peuvent pas constituer des cas de force majeure, parce
qu’ils ne rendent pas impossible le maintien du contrat, ils rendent seulement son
exécution plus difficile ou plus onéreuse.
1 M. Kirsch, op. cit., T.1, 1 ère éd., p.137; C. S. HV., 19 février 1964, TPOM n°200, p.4424 (nécessité d’une
longue durée).
2 L’annulation légale est un fait du prince dans la mesure où elle s’impose de manière irrésistible aux parties. Mais
l’assimilation du fait du prince à la force majeure est délicate dans la mesure où la rupture du contrat par suite de
l’intervention du pouvoir politique n’est généralement admise que dans les conditions strictes. Sous la révolution
du 4 août 1983, des licenciements ont été opérés sur injonction du pouvoir politique (v. Trib. Trav. Ouagadougou,
jugement n° 30 du 9 juin 1992, Kambou François. c/ S.B.E.). Ces injonctions ne peuvent être assimilées au fait du
prince, faute de base légale, même s’il était difficile d’y résister à l’époque. Il s’agit de licenciement sur pression
d’un tiers, qui est en principe non légitime. V. sur le cas de licenciement sur pression d’un tiers : C. S. ch. Jud.,
arrêt n° 71 du 15 mai 2001, Konaté M. c/ BIB
116
du contrat à durée déterminée que du contrat à durée indéterminée. Les obligations de
l’employeur, dans ce cas, sont spécifiquement réglementées.
1 Soc. , 8 avril 1976, Badri c/ Aymé, Jurisp.UIMM, 1976, n° 365, p. 280; GADT, 2 e édit., n°116 (faute commise
par l’employé qui invoque l’impossibilité de rupture unilatérale et le fait que la résolution doit être demandée en
justice - cas d’absence injustifiée).
2 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 70 du 3 juin 1997, ADRA-BF c/ O. née Sebgo Fati.
117
SECTION II - LA RUPTURE DU CONTRAT
A DURÉE DÉTERMINÉE
A – LE PRINCIPE
136. Le contrat à durée déterminée ne doit normalement pas prendre fin avant
l’arrivée du terme. Aucune partie ne peut, par sa seule volonté, imposer la rupture.
Cette interdiction constitue à la fois un avantage et une contrainte. L’avantage est que
l’employeur peut compter sur la stabilité du travailleur jusqu’au terme convenu et ce
dernier est assuré d’une rémunération jusqu’à ce terme. La contrainte pour le
travailleur est qu’il ne peut se libérer parce qu’il se présente une opportunité d’emploi
plus intéressant. Pour l’employeur, la contrainte est qu’il ne peut se libérer, s’il
rencontre des difficultés financières ou devant des insuffisances avérées du travailleur,
qu’au pris fort.
B – LES EXCEPTIONS
137. Outre l’accord des parties et la force majeure, la rupture avant terme du
contrat de travail peut intervenir en cas de faute lourde. La rupture se présente alors
comme une sanction. La faute peut émaner de l’employeur ou du travailleur.
Constituerait une faute lourde le fait pour l’employeur ne pas verser les salaires ou de
modifier unilatéralement le contrat de travail. Il en sera de même pour le travailleur
qui n’exécute pas ses obligations contractuelles ou qui fait preuve d’indiscipline.
La rupture peut se faire par deux voies : une voie légale qui est la résolution
judiciaire, et une voie admise d’abord par la jurisprudence avant d’être consacrée par
la loi, celle de la résiliation unilatérale pour faute lourde.
118
les contrats synallagmatiques, pour les cas où l’une des parties ne satisfera point à son
engagement ». Par application de cet article, le contrat peut être rompu si, par
exemple, l’employeur ne paie pas le salaire, ou si le travailleur refuse d’exécuter des
ordres (insubordination) ou s’absente du travail sans justification. Mais la faculté de
rupture prévue par l’article 1184 C. civ. ne s’exerce pas de plein droit : la résolution
doit être demandée en justice, faute de quoi, la rupture anticipée serait fautive.
C – LA SANCTION
138. La rupture non fondée sur une faute lourde établie se traduit par
l’allocation de dommages et intérêts correspondant au préjudice subi, selon l’alinéa 2
de l’article 67, au profit de celui qui s’est vue imposer la rupture, 2 outre le paiement
éventuel de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article 68. Si la rupture est le fait
de l’employeur, l’indemnité qu’il devra payer au travailleur pourra comprendre les
rémunérations et les avantages de toute nature que celui-ci aurait perçus si le contrat
avait été exécuté jusqu’à son terme normal. Par exemple, si le contrat est de 2 ans et
la rupture intervient au bout de 1 ans et 6 mois, l’employeur auteur de la rupture devra
verser le salaire des 6 mois restant. En matière de dommages et intérêts, il revient au
juge d’apprécier le préjudice subi : il peut ne pas condamner l’employeur à payer la
contre-valeur de la totalité du temps restant à courir si le travailleur a aussitôt retrouvé
un autre emploi. En principe, le travailleur peut aussi être condamné à des dommages
et intérêts, mais ces cas sont rares car l’employeur n’estime généralement pas le
préjudice suffisant pour engager des poursuites.
119
conventions collectives. Ainsi est-il souvent stipulé que si à l’expiration du délai
prévu aucune des parties ne manifeste son intention de se libérer, le contrat est
automatiquement renouvelé pour la même durée et dans les mêmes conditions.
Dans le cas où le contrat est successivement renouvelé, celui qui veut rompre à
l’obligation de donner un préavis de rupture, en vertu de l’article 60 alinéa 2 C.trav.
pour qui la poursuite des services au-delà d’un renouvellement ou de deux contrats
« constitue de plein droit l’exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée ».
L’explication que donne la jurisprudence de la requalification du contrat à durée
déterminée successivement renouvelé en contrat à durée indéterminée est que ces
prorogations rendent indéterminée la durée totale du contrat2.
A - LA NECESSITE DE L’ECRIT
120
toujours cesser par la volonté de l’une des parties sous réserve du respect des règles
sur le préavis… ». Cette résiliation est donc subordonnée à un préavis notifié par écrit
par la partie qui prend l’initiative de la rupture1. Ni le code du travail, ni la convention
collective interprofessionnelle n’évoque un entretien préalable. Même s’il n’est pas
expressément imposé, l’entretien permet à l’employeur de bien évaluer la faute en
entendant les explications du travailleur et d’éviter le reproche de licenciement brutal.
Il permet au travailleur de présenter ses moyens de défense et peut-être d’éviter ou
d’adoucir la sanction. La notification de la décision doit être faite, suivant l’article 29
CCIP, soit par lettre recommandée, soit par remise directe de la lettre au destinataire
contre reçu ou devant témoins. Elle peut être faite par remise au délégué du personnel
avec copie à l’inspecteur du travail si la notification est rendue impossible du fait du
travailleur.
B - LE PREAVIS DE RUPTURE
1Artile 74 C.trav.
2 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 38 du 17 avril 2001, Zongo Paul c/ Le mobilier Oubda P. ; C. A. Ouagadougou,
arrêt n° 122 du 4 décembre 2001, Station ELF route de Bobo-Dioulasso c/ Sanou M.
121
1) Le délai de préavis
Jusqu’au code de 2004, la durée du délai de préavis était fixée par le contrat,
les conventions collectives ou, en l’absence de convention collective, par décret pris
en conseil des ministres après avis de la Commission consultative du travail.
1 Cass. so., 6 oct. 1971, D. 1971, J. 707 ; C. A. Abidjan, 4 février 1969, RID n°3, 1970, p.60; Trib. Trav.
Ouagadougou, 6 juin 1978, RVD n° 3, Janvier 1983, p. 75; C. A. Ouagadougou, 18 avril 1980, RVD n° 3, 1983, p.
77, note K. Ouattara.
2 Le code de 1962 accordait au travailleur un jour de liberté par semaine en précisant « pris à son choix,
122
rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur
durant le préavis. Se trouveront toutefois exclus les avantages qui ont un caractère de
libéralité. De tels avantages sont rares tant les libéralités prennent rapidement le
caractère d’usage d’entreprise et se transforment en droits. La partie à l’égard de
laquelle les obligations pendant la durée du préavis n’ont pas été respectées est
dispensée d’observer le délai de préavis restant à courir et peut réclamer des
dommages et intérêts.
Il est des cas, par contre, où le respect du préavis n’est pas nécessaire.
144. Les parties ne sont pas tenues au respect du préavis, que ce soit sous
forme de délai ou de paiement d’indemnité, lorsque la rupture est consécutive à une
faute lourde, sous réserve de l’appréciation du juge1. Le juge qualifie la faute sous le
contrôle de la cour de cassation, car l’existence de la faute est une question de fait qui
se distingue de sa qualification. L’existence de la faute est souverainement appréciée
par les juges du fond, mais l’appréciation de la gravité de la faute est un point de droit
susceptible de faire l’objet d’un recours en cassation2.
La faute lourde est définie comme « une faute excessivement grave, qui rend
impossible le maintien du travailleur au sein de l’entreprise ». On considère alors que
le maintien du travailleur aura un effet perturbateur3.
1 Article 78 C. trav.
2 C. S. Cameroun, 15 mars 1979, TPOM n°542 du 16 octobre 1981, p.433.
3 V. C.S. Cameroun, 25 janvier 1979, TPOM n°537 du 16 juillet 1981, p.303. A comparer à la définition de la
faute lourde en matière de sécurité sociale : « faute intentionnellement dolosive, ou inexcusable par sa maladresse
ou ses conséquences ». Dans la décision de la cour suprême du Cameroun, un employé a froissé et jeter une note de
service devant son chef. Ce n’est pas une faute lourde a estimé le juge : le geste résulte d’un mouvement de colère.
123
L’appréciation du degré de la faute dépend souvent des circonstances de temps
(réaction immédiate ou différée) de lieu (en public ou hors témoin) de la qualification
du travailleur (ouvrier ou cadre). Mais certaines fautes sont en général qualifiées de
fautes lourdes. Ce sont, du côté du salarié : les cas d’injures, de coups et blessures, de
détournement, de vol etc.1. Du côté de l’employeur, seront considérées comme fautes
lourdes, par exemple : le non-paiement de salaire2, les promesses non tenues d’une
situation stable ou les promesses non tenues d’augmentation de salaire…
Certaines fautes, par contre, sont considérées en général comme des fautes
graves et non des fautes lourdes. C’est le cas : du refus de travail3, du refus
d’affectation, de la participation à une grève illicite, de la négligence, de la longue
absence sans autorisation ou des absences répétées. Mais il s’agit de lignes générales
de la jurisprudence, car des appréciations particulières peuvent retenir la qualification
de faute lourde et non pas de faute grave4. A la différence de la faute lourde, la
qualification de faute grave a pour conséquence que la rupture est légitime mais
l’indemnité de préavis doit être versée5.
1 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 27 juin 1978, CM c/ SVE, RVD n°3, p.74 : violences et voies de fait sur supérieur
hiérarchique. CM a accordé des marchandises non encore en stock et signé des décharges de livraison. Il avait déjà
reçu un avertissement, 2 blâmes et 3 mises à pieds. Décision du tribunal : les coups et violences sont des fautes
autrement graves.
2 Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 30 du 27 avril 1993, in Zombré et SY, Recueil, p. 78 ; Trib. Trav. Bobo-
indiscipline caractérisée, refus de travail, refus de constituer des pièces de son dossier, refus de donner des
renseignements à son directeur lors d’une réunion en disant que la réunion est sans objet. Décision du Tribunal :
l’employé n’est pas juge des tâches qui lui sont confiées).
4 Dans ce sens de la qualification de faute lourde, voy. Trib. Trav., Bobo-DIoulasso, 5 juillet 1982, RVD n°5 de
1984, p.74 ; ce jugement qualifie de faute lourde un cuisinier qui s’est absenté trois jours sans justification.
5 Trib. Trav. Ouagadougou, 12 juillet 1988, Sienou Allassane c/ Zabré Joanny.
124
A – LA RUPTURE ABUSIVE
1) Les critères
1 Trib. Trav. Ouagadougou, 7 octobre 1986, RBD n° 12 décembre 1987, p. 549 (non-lieu pour les faits à l’origine
du licenciement); Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 20 du 15 février 1994 in Zombré L. et Sy A., Recueil, p.
217 (test pour nomination à un emploi supérieur constituant en réalité un piège pour se débarrasser d’une salariée);
C. A. Ouagadougou, 15 avril 1997, RBD n° 33, 1 er semestre 1998, p. 149 (perte de confiance invoquée); C. A.
Ouagadougou, arrêt n° 76 du 3 juillet 1997, SOREMIB c/ Nabi M.; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 110 du 21 octobre
1997, PAM c/ O. R. Le fait peut être exact mais ne pas concerner les rapports entre l’employeur et le travailleur :
C. A. Ouagadougou, 2 juin 1989, RBD n° 22, juillet 1992, p. 319 (vol de chèvres au préjudice de la belle-mère-
perte de confiance – non).
2 Trib. Trav. Ouagadougou 22 décembre 1981, TPOM n° 373 du 16 décembre 1983, p.80 (une dactylographe
estimant n’être pas classée dans la grille correspondant à sa catégorie, demande un reclassement. L’employeur la
licencie pour retards et absences injustifiées. Décision du tribunal : les absences sont justifiées par la maladie, et, de
toute façon, on ne peut sanctionner deux fois une même faute) ; Voy. aussi Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 19 mai
1981, op. cit., RVD n°7. Contra : Trib. Trav. Ouagadougou 18 décembre 1987, Kaboré Hamidou c/Nanema Jean-
Pierre (harcèlement pour obtenir une augmentation de salaire. Le tribunal conclu à la légitimité du licenciement
parce qu’il y a rupture du rapport de confiance).
125
2° La violation des règles de forme légales ou contractuelles de rupture,
notamment le non respect du préavis1, encore que cet amalgame entre forme et fond
soit critiquable.
« 1) Du fait de l’employeur :
- lorsque le licenciement n’a pas été notifié par écrit ;
- lorsque le motif invoqué est inexact ;
- lorsque le licenciement est motivé par les opinions du travailleur, son activité
syndicale, son appartenance ou non à un syndicat déterminé, son statut sérologique4 ;
- lorsque le licenciement est motivé par la grossesse de la travailleuse ou la
naissance de son enfant ;
- lorsque le licenciement est motivé par le fait que le travailleur sollicite,
exerce ou a exercé un mandat de représentation des travailleurs ;
- lorsque le licenciement est motivé par le fait que le travailleur a déposé une
plainte ou participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de
1 Trib. Trav. Ouagadougou, 6 juin 1978, RVD n°3, p.75 (l’employeur reproche à l’employé plusieurs fautes. Il lui
enjoint de démissionner, puis il le licencie le lendemain. Décision du juge : le licenciement est prononcé
hâtivement, sans respect des formes); C. A. Ouagadougou, 15 avril 1997, RBD n° 32, 2 e semestre 1997, p. 325.
2 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 67 du 7 juin 1994, in Zombré L. et SY A., p. 223; Trib. Trav. Ouagadougou, 29
décembre 1981 TPOM n°574 du 2 mars 1983, p.102, RBD n°8, 1985, p.203. Chef magasinier licencié, un autre
embauché à sa place quelque temps après. Décision du juge : compression non établie ; C. A. Ouagadougou 18
avril 1980 RVD n°3 p.77, note K. Ouattara.
3 V. C. A. Ouagadougou, 5 avril 1991, RBD n° 25, janvier 1994, p. 154, note P. Kiemdé (test de recrutement,
admission, enquête de moralité tardive, licenciement abusif); Trib. Trav. Ouagadougou, 14 janvier 1986, RBD n°
12, décembre 1987, p. 547 (promesse non tenue : test, admission, annulation plusieurs mois après pour raison
budgétaire); Trib. Trav. Ouagadougou, 27 novembre 1974, RBD n° 9, janvier 1986, p. 82 (vol insignifiant); C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 87 du 2/5/1998, Tiemtoré née S. C. c/ Fédération WENDYAM (débauchage, promesses non
tenues).
4 Il s’agit d’une innovation du code de 2004 visant à empêcher le licenciement des séropositif du SIDA. Sur la prise
en considération de l’activité syndicale, v. Trib. Trav. Ouagadougou, 19 mai 1981, RBD n° 7, janvier 1985, p. 90,
note S. Yonaba ; Trib. Trav. Ouagadougou, 30 juin 1981 RBD n° 8, 1985, p. 204.
126
violations alléguées de la législation nationale ou a saisi les autorités administratives
compétentes1 ;
- lorsque le licenciement est motivé par la race, la couleur, le sexe, l’état
matrimonial, les responsabilités familiales, la religion, l’opinion politique,
l’ascendance nationale ou l’origine sociale du travailleur.
2) Du fait du travailleur :
- lorsque la démission n’a pas été notifiée par écrit ».
L’énumération est fastidieuse mais elle mérite d’être faite pour montrer à quel
point l’entreprise est vaine. L’exigence de la notification du licenciement ou de la
démission n’appelle pas d’autres commentaires, encore que, comme le reconnaissent
certains codes, il ne s’agit pas d’un licenciement abusif. Le caractère abusif du
licenciement motivé par les opinions du travailleur, son appartenance syndicale, ou
motivé par la maternité était déjà contenu dans l’ancien code de 1962.
1 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 33 du 18 mars 1997, RBD n° 32, 2 e semestre 1997, p. 332 (licenciement après visite
de représentants du syndicat); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 45 du 8 mai 2001, Mission Baptiste c/ N. J. et autres
(arrêt rendu sur renvoi après un 1er arrêt cassé par l’arrêt n° 24 du 15 juin 1999 de la Cour suprême).
127
Il aurait donc mieux valu conserver la définition synthétique du code de 1962,
modifiée en 1973, quitte à faire suivre cette définition par des exemples pertinents ou
des cas pour lesquels le juge ne pouvait pas décider autrement sans faire œuvre de
législateur, comme le cas du travailleur séropositif.
2) La preuve de l’abus
Les codes africains ont été en avance sur la législation française parce qu’ils
comportaient des mécanismes qui rendaient plus facile l’administration de la preuve
de l’abus. Ces facilités étaient déjà contenues dans le Code du travail d’Outre-mer de
1952, alors qu’elles n’ont été introduites en France que lors de la réforme du code du
travail par la loi du 13 juillet 1973 qui substituait une procédure inquisitoire à la
procédure accusatoire2 et mettait ainsi les parties à égalité dans la charge de
l’administration de la preuve.
1 Exemple : cas de la femme en grossesse où l’employeur doit faire la preuve que le licenciement n’est pas lié à la
grossesse.
2 Voy. l’article L.122-14-3.
128
que le travailleur (le demandeur) ne fournit aucun indice de preuve, soit parce qu’il
s’estime suffisamment informé1.
On peut toutefois se demander quelle est l’utilité d’une telle opération hardie
mais qui peut heurter le sentiment premier du juriste. En effet : il a été souligné le
caractère avancé des codes africains et les techniques très protectrices du travailleur
utilisées auparavant par la juridiction du travail (caractère inquisitoire) et les
réticences du juriste lorsque l’on opère un renversement de la charge de la preuve3,
surtout dans un procès entre particuliers. Ces raisons seraient de nature à inciter à
émettre des réserves sur le bien fondé de ces dispositions.
dénoncé.
129
guise sous réserve du préavis, l’employeur ne peut rompre le contrat sans motif
légitime1. Ce motif fait défaut si sa réalité est douteuse.
B – LA RUPTURE LEGITIME
151. Les questions qui se posent sont de savoir dans quelles situations peut-on
qualifier le licenciement de légitime et quelle conséquence tire-t-on du caractère
légitime du licenciement par rapport aux droits des travailleurs.
La rupture légitime est d’abord celle qui est justifiée par une faute lourde ou
une faute grave commise par le co-contractant. Elle est aussi celle qui est motivée par
l’intérêt de l’entreprise, même en l’absence de toute faute du co-contractant. D’une
manière générale, le motif de l’intérêt de l’entreprise justifiant la rupture du contrat se
rattache à trois cas :
1 V. PELISSIER (J.) et autres, op. cit. n° 418, p. 527 : « puisque le droit de licencier n’existe qu’autant qu’il existe
une cause réelle et sérieuse, l’impossibilité pour le juge de constater une cause réelle et sérieuse doit le conduire à
constater que les conditions d’existence du droit font défaut et que le licenciement a été irrégulièrement
prononcé ». Le code français est explicite à cet égard depuis une révision de l’article L. 122-14-3 qui énonce : « si
un doute subsiste, il profite à l’accusé ».
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1984, TPOM n° 659, p.487 (refus d’exécuter une tâche.); C. A.
Ouagadougou, 16 février 1999, RBD n° 36, 2e semestre 1999 p. 319 (refus de rejoindre un poste d’affectation) ;
Trib. Trav. Ouagadougou, 12 septembre1989, RBD n° 19-20, 1991, p. 121 (Perte de confiance, actes nuisibles) ;
Trib. Trav. Ouagadougou, 26 sept. 1989, RBD n° 19-20, 1991, p. 122 (refus d’obéissance, menace, diffamation –
absence de conciliation), note YONABA ; C. A. Ouagadougou, 18 avril 1986, RBD n° 14, 1988, p. 457
(attributions de chaque employé – interprétation) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 18 décembre 1981, VOLTELEC,
RBD n° 8 janvier 1985, p. 201 (Faute lourde, infraction aux règles de sécurité, sabotage, condamnation
correctionnelle, 13e mois dû) ; Trib trav. Ouagadougou, 18 août 1981, RBD n° 8, 1985, p. 207 (gardien, retard, état
d’ébriété, double faute) note YONABA ; Trib. Trav. Ouagadougou 27 juin 1978, RBD n° 3, 1983, p. 74 (violences
sur le supérieur) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1979, RBD n° 2, juin 1982, p. 127 (refus d’exécution
d’un travail, attitude injurieuse) ; C. S. BF., arrêt n° 8 du 15 mai 1990, Barro Adama c/ TOTAL (comportement
dangereux). V. également les décisions publiées dans : L. ZOMBRE et A. SY, Recueil, pp. 127 et S.
3 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1979, TPOM n° 525, p.28 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 31 janvier
1984, TPOM n° 657, p.443; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, jugement n° 24 du 9 juin 1994, in L. Zombré et A. SY,
Recueil, p. 162 (négligences, fautes professionnelles); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 64 du 7 juin 1994, L. Zombre
et A. SY, Recueil, p. 158 (endettement auprès des subordonnés entraînant perte d’autorité) ; C. A. Ouagadougou,
arrêt n° 69 du 16 avril 1996, in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 179 (rendement insuffisant, absentéisme
chronique); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 99/97 du 1/7/1997, Ouédraogo Virginie c/ BEMES.
130
3° - L’organisation économique et technique de l’entreprise. Ce motif n’est pas
lié à une faute du travailleur. Il vise les cas de compression de personnel liée à la
situation économique et financière de l’entreprise, à une modernisation des techniques
d’exploitation faisant appel à moins de main-d’œuvre ou au cas spécifique
« d’africanisation » du personnel. La validité du motif d’africanisation est admise par
la jurisprudence, mais assez discutée par la doctrine1 et plus difficile à invoquer de nos
jours.
Pour calculer l’ancienneté dans l’entreprise, l’on tient compte des durées de
présence correspondant à plusieurs embauchages dans la même entreprise, si les
départs précédents avaient été motivés par des causes économiques. Dans ce cas, il
sera déduit de l’indemnité à verser les indemnités qui ont déjà été versées lors des
départs précédents.
1 Trib.Trav. Bobo-Dioulasso, 3 juin 1980, RVD n°5 de 1984, p.72 (licenciement d’un expatrié après suppression
de 2 postes de directeur, puis embauchage d’un travailleur comme directeur adjoint. Décision du juge : le
licenciement est légitime car la compression est réelle, la suppression des deux postes étant effective); C. A.
Ouagadougou, 20 novembre 1992, RBD n° 25, janvier 1994, p. 159 (restructuration, plan de redressement,
licenciement légitime); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 66 du 7 juin 1994, in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 160.
131
25 % du salaire global mensuel moyen pour les 5 premières années ;
30 % pour la 6ème à la 10ème année incluse ;
40 % pour la période au-delà de la 10ème année.
Exemple de calcul : soit un salarié qui a douze ans et six mois d’ancienneté de service
et 50. 000 francs comme salaire mensuel moyen des six derniers mois (total des
salaires des six derniers mois divisé par six). Son indemnité de licenciement sera de :
50.000 x 40 6 50.000 x 40 x 6
----------------- x ---- ou ---------------------
100 12 12 x 100
132
§ 3 – Les sanctions de la rupture abusive
153. L’innovation dans le domaine de la sanction de la rupture abusive date du
code de 1992 dont l’article 33 al. 2 (aujourd’hui article 79 al. 2) dispose : « tout
licenciement abusif donne lieu à la réintégration du travailleur et en cas d’opposition à
la réintégration, à des dommages et intérêts ». Le fait de prévoir l’opposition indique
que la réintégration ne peut être imposée par le juge, en ce qui concerne le salarié
ordinaire. Il y a donc deux formes alternatives de réparation, l’indemnisation par
paiement de dommages et intérêts et la réintégration.
Le mot indemnisation peut être employé dans un sens large incluant les droits
légaux et les dommages et intérêts, ou dans un sens restreint, désignant seulement les
dommages et intérêts. Nous ne considérons ici que le sens restreint.
Les dommages et intérêts sont fixés par le juge, « en tenant compte de tous les
éléments qui peuvent justifier l’existence et déterminer l’étendue du préjudice
causé »1, notamment des usages, de la nature des services engagés (catégorie du
travailleur, secteur d’activité), de l’ancienneté de service du travailleur, des droits
acquis (droits aux congés payés ou à une prime). En d’autres termes, les dommages et
intérêts sont fonction du préjudice subi par le travailleur ou du préjudice probable. Ils
ne se confondent pas avec l’indemnité représentative de préavis et l’indemnité de
licenciement prévues par le contrat, les conventions collectives ou la loi.
1V. l’article 82 C. trav. (et l’ancien article 34 du code de 1992) et l’article 67 en ce qui concerne le contrat à durée
déterminée.
133
démission. En plus des dommages et intérêts dus par le travailleur, la responsabilité
solidaire du nouvel employeur du salarié ayant abusivement démissionné peut être
engagée aux cas où cet employeur1 :
- a débauché le travailleur ;
- l’a embauché en sachant qu’il est déjà lié par un contrat de travail ;
- continue de l’employer après avoir appris que le travailleur est encore lié par
un contrat, sauf si au moment où il a été averti, le contrat de travail abusivement
rompu par le travailleur arrive à expiration.
C’est surtout sur l’évaluation du préjudice que reposent les critiques sur la
jurisprudence burkinabè.
2) L’évaluation du préjudice
1 V. article 84 C. trav. de 2004; C. A. Ouagadougou, 17 juin 1997, K.A.R. c/ I., RBD n° 34, 2 e semestre 1998, p.
285 (démission abusive, débauchage, remboursement de frais de formation); C. A. Ouagadougou, arrêt 36, du 18
mars 1997, G.J. c/ SRF (démission, débauchage).
2 Un ministre de la Justice, feu Somé Timothée, a eu à dénoncer ce procédé comme ouvrant la porte à des abus. V.
aussi, P. KIEMDE, note sous C. A. Ouagadougou, 15 avril 2003, RBD n° 43-44, 2003, pp. 172 et S.).
134
39 alinéa 6 de l’ancien code du travail ne saurait être valablement et raisonnablement
interjeté contre une décision ayant statué sur les dommages-intérêts en la matière ; que
le pouvoir souverain accordé au juge du fond par la loi le soustrait d’office au contrôle
de la Cour suprême sur le terrain de la violation de la loi ». Par contre, dans un arrêt n°
24 du 15 juin 1999, Mission Baptiste, la Cour suprême a eu à casser un arrêt de la
Cour d’appel de Ouagadougou pour absence de motif quant à la fixation des
dommages-intérêts en lui reprochant de s’être contentée de reprendre la motivation
vague du tribunal : « attendu que ces formulations aussi vagues que laconiques
s’apparentent à l’absence de motif ne permettant pas à la Cour suprême d’exercer son
contrôle ».
156. On peut tout de même relever une certaine évolution de l’attention des
juges sur cette question. Certaines décisions de la Cour d’appel font ressortir la
différence entre forme et fond. Ainsi : un arrêt n° 43 du 21 juillet 1998, SCFB contre
O.A. et 5 autres, constate, dans une affaire de licenciement collectif dont était compris
un travailleur protégé, qu’il s’agit d’un licenciement irrégulier et non d’un
licenciement abusif ; dans l’arrêt n° 45 du 15 avril 1997, Soré Z. contre ex. ORD du
centre, elle réformait un jugement en ce qui concerne la fixation des dommages et
intérêts en estimant la demande « excessive quant au quantum …., si l’on sait que le
travailleur a aussi commis une faute lourde ». (le licenciement a été opéré par le
directeur seul sans passer par le conseil de discipline) ; enfin, dans l’arrêt n° 122 du 04
décembre 2001, la Cour d’appel confirme un jugement en constatant que « le
licenciement … est abusif tant en sa forme qu’en sa motivation ». C’est l’application
du caractère abusif à la forme et au fond, mais la distinction est en soi importante,
parce qu’elle permet de faire preuve de transparence. Le mot transparence est en soi
vague et sujet à querelle sur sa réalité, mais il illustre une attente, qui n’est pas une
contestation du pouvoir du juge d’évaluer le préjudice mais de son excès
d’hermétisme ou le manque de lisibilité de ses décisions, selon un autre langage en
vogue1. Cette transparence peut être recherchée à deux niveaux.
1 Exemple de décision illisible : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 21 du 18/02/1997, R.S. Zongo c/ Faso Fani. Dans
cette décision, le jugement accorde 5.000.000 Fcfa, la Cour d’appel trouve la somme exagérée et accorde
2.000.000 tout rond sans que personne ne puisse se faire une idée des bases d’estimation. Par contre, certaines
décisions donnent la base d’évaluation : par exemple l’arrêt n° 56 du 26/6/2001, T.L. contre ONBAH, de la Cour
d’appel de Ouagadougou a condamné l’employeur à payer des dommages-intérêts de 30 mois de salaires.
135
Z.M., la Cour d’appel de Ouagadougou réformait un jugement en se référant à sa
propre jurisprudence : « attendu qu’en la matière, la Cour a toujours octroyé un mois
de salaire par année de présence ». De même, dans l’arrêt du 04 décembre 1981,
SOVOIC contre Kaboré Pivot, elle réformait un jugement par ces termes : « attendu
par contre que la somme de 175000 francs allouée à K.T.I. dit Pivot à titre de
dommages et intérêts est excessive et ne respecte pas la jurisprudence de la Cour
d’appel qui consiste à allouer en la matière un mois de salaire par année de présence ».
1 Si l’on accorde un ou deux mois par année de service ou globalement un an ou deux ans de salaires, on doit
pouvoir le dire et en spécifier les raisons. Si le législateur fait confiance au juge de fond en le laissant libre
d’apprécier le préjudice subi, c’est au juge de mériter cette confiance en partant de bases compréhensibles
d’évaluation. Il en va de l’intérêt de la justice qui limiterait ainsi les suspicions injustes ou légitimes.
2 V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 67 du 2/11/1998, Somda J.C. c/ SDV.
136
B - LA REINTEGRATION
L’employeur peut seulement prononcer une mise à pied en cas de faute lourde
en attendant la décision de l’inspecteur, qui doit intervenir dans les trois mois (au lieu
1
Article 282 al.6.
2
Article 266.
3
Article 260 al.3.
4 V. Cass. ch. mixte, fr., 26 octobre 1968, Detœuf , D. 1968, p. 706 ; GADT, 3e édit. n° 147 ; et Soc., 14 juin 1972,
Revêt–sol c/ Dal Poz, GADT, 3e édit,. n° 148.
5 V. Crim., 28 mai 1968, D. 1969, p. 471.
6
Article 388 al. 6.
137
de six mois sous le code de 1992). Il peut également exercer un recours hiérarchique
auprès du ministre chargé du travail qui peut examiner la question en légalité ou en
opportunité1. La décision du ministre est susceptible d’un recours en annulation
devant la juridiction administrative, soit par le travailleur, soit par l’employeur. La
précision de la voie de recours ouverte signifie que l’employeur ne peut user de la
voie parallèle de l’action en résolution judiciaire2.
1 V. Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 14 décembre 1981, RBD n°6, juillet 1984, p. 191.
2 V. contra : Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 4 décembre1979 et 14 décembre 1981, RBD n° 6, p. 189, note Yonaba.
3 V. Trib. Trav. Koudougou, 15 février 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 91; Trib. Trav. Koudougou, 29 février
1984, RBD n° 9, janvier 19986, p. 95; Trib. Trav. Koudougou, 13 juin 1984, RBD, n°9, p. 97.
4 V. C. A. Ouagadougou, 21 février 1986 et C .A. Bobo-Dioulasso, 6 mai 1985, RBD n° 11, juin 1987, pp. 380 et
s., note Yonaba; C. A. Ouagadougou, 6 mars 1987, RBD n° 14, juillet 1988, p. 474; C. A. Ouagadougou, 4 mai
1990, RBD n° 22, juillet 1992, p. 324.
138
SECTION IV - LE LICENCIEMENT POUR MOTIF
ÉCONOMIQUE
161. Le code d’avant 1992 ne contenait pas de disposition sur le licenciement
pour motif économique. Ce vide juridique était partiellement comblé par l’article 34
de la CCIP de 1974 relatif au licenciement collectif. Cette dernière notion est plus
restreinte que celle de licenciement pour motif économique en ce qu’elle n’envisage
pas le licenciement d’un seul travailleur pour motif économique. L’article 38 du code
de 1992 consacre pour la première fois la notion de licenciement pour motif
économique. Cette disposition a été fractionnée en plusieurs articles (101 à 106), pour
des raisons de commodité, dans le code de 2004.
A – DEFINITION
1 Bibliographie : FRIER P. L., Le contentieux administratif des grands licenciements économiques, Dr. soc. n° 6,
juin 1990 ; JEANMMAUD A., La notion de licenciement pour motif économique, Dr. soc. n° spécial, mars 1981 ;
PELISSIER (J.), Les licenciements pour motif économique, Dr. soc. n° 6, juin 1990 ; SAVATIER J., L’ordre des
licenciements dans les licenciements pour motif économique, Dr. soc. n° 6, juin 1990 ; SOISSON J.-P., Les
restructurations industrielles : un enjeu économique et social, Dr. soc. n° 1, janvier 1989, p. 2 ; charte des
licenciements économiques en France : loi du 20 décembre 1986 réformant la loi du 3 janvier 1975 ; accord
collectif interprofessionnel du 20 octobre 1986. Sur la jurisprudence burkinabè, v. Léontine ZOMBRE et Arouna
SY, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), pp. 256 à 292.
2 V. C .A. Ouagadougou, 15 mars 1994, PPIL c/ D. Z., RBD n° 26, juillet 1994, p. 302 (suppression d’un poste de
139
exemple n’entre pas dans cette définition parce qu’il y a rupture mais pas
licenciement.
B – CHAMP D’APPLICATION
163. Le champ d’application de l’article 101 C.trav. est plus large que celui de
l’article 34 CCIP de 1974 relatif au licenciement collectif. Le licenciement pour motif
économique peut concerner un travailleur ou plusieurs travailleurs. La procédure de
l’article 101 s’applique à tous les travailleurs quelles que soient leurs catégories
d’emplois, aux contrats en cours comme aux contrats suspendus. Elle s’applique de
même aux délégués du personnel. Mais quelques questions restent posées dont les
réponses sont plus ou moins certaines.
140
sanction personnelle1 ou un choix arbitraire. Mais l’employeur devra-t-il soumettre ce
seul cas aux différentes phases de la procédure décrite par l’article 102 qui prévoit
l’intervention de l’inspecteur du travail, la consultation des délégués et la transmission
du dossier au Ministre du travail ?2. La réponse ne peut être que nuancée : la phase de
consultation des délégués et de l’inspecteur doit être respectée, mais le licenciement
d’un seul travailleur n’appelle pas une procédure d’établissement de liste.
durée déterminée ne peuvent voir leur contrat rompu, avant terme, pour un motif économique, si on s’en tient à la
lettre de l’article 45 C. trav. et au fait que l’article 47 C.trav. ne concerne que la rupture du contrat à durée
indéterminée ». V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 71 du 19 juin 1992, in L. Zombré et A. SY, p. 259.
4 C. A. Ouagadougou, 18 janvier 1994, M. A. c/ N. D. et 15 autres, RBD n° 28, juillet 1995, p. 284, note Paul
Kiemdé; in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 266 (l’employeur n’est pas tenu de suivre la procédure prévue par l’art.
174 c. trav.).
141
l’administration de discuter les alternatives à la fermeture, et de contrôler la réalité des
motifs de fermeture. L’article 101 devrait pouvoir recevoir application, tout au moins
dans le cas de fermeture volontaire (liquidation amiable de société, fermeture
unilatérale de l’entreprise individuelle). Cette applicabilité serait d’autant plus utile
qu’il peut y avoir des cas de fermeture fictive1. Cette procédure apparaît par contre
difficilement applicable dans les cas de fermeture involontaire (liquidation judiciaire
ou faillite, fermeture administrative).
165. Ce n’est que lorsque les négociations échouent ou lorsque, malgré les
mesures envisagées, certains licenciements demeurent nécessaires, que la procédure
proprement dite de licenciement pour motif économique peut être engagée. Cette
procédure comprend trois phases :
1 Exemple, C. A. de Ouagadougou, arrêt n° 33 du 18 mai 1993, Balima Simon et autres contre SOFIBI (fermeture
puis réouverture sous le non de DIACFA Matériaux - contestation de la régularité de la procédure); C. S. BF, arrêt
n° 4 du 20 avril 1993, SOFIBI c/ Léné F. et Kambou T.
142
1° - l’employeur établit « l’ordre des licenciements en tenant compte des
aptitudes professionnelles, de l’ancienneté et des charges de famille... ». Il y a là un
critère primordial, l’aptitude professionnelle, et deux critères secondaires, l’ancienneté
et les charges de famille. L’article 103 précise que l’ordre des licenciements doit tenir
compte en priorité de l’aptitude professionnelle. L’aptitude professionnelle doit être
appréciée à partir des éléments objectifs tels que la formation, les titres (qualification
professionnelle) et d’éléments subjectifs tel que la manière de servir des travailleurs 1,
qui peut partiellement être objectivement appréciée à travers les notations et les
sanctions.
L’article 101 C.trav. ne donne pas de précision sur les critères de l’ancienneté
et des charges de famille. Il faut s’en référer à l’article 34 CCI de 1974 qui précise en
son §2 : « seront licenciés en premier lieu les salariés présentant les moindres
aptitudes professionnelles pour les emplois maintenus, et en cas d’égalité d’aptitudes
professionnelles les salariés les moins anciens, l’ancienneté étant majorée d’un an
pour le salarié marié et d’un an pour chaque enfant à charge aux termes de la
réglementation des prestations familiales »2.
3° - L’employeur transmet ses écrits ainsi que les réponses des délégués du
personnel au Ministre chargé du travail pour toute action utile. Le Ministre a un délai
de 8 jours, à compter de la date de réception, pour réagir. Passé ce délai, selon l’article
106 C.trav., l’employeur peut mettre en application ses mesures, sauf accord contraire
des parties.
1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 107 du 20 novembre 1992, Golané B. Jean Christophe c/ FASO FANI ; RBD,
n° 25, janvier 1994, p. 159 ; et trois arrêts publiés dans la RBD n° 30, 2e semestre 1995, p. 341 à 345 : C.A.
Ouagadougou, 18 avril 1995, O. K. c/ S., p. 341 (droit de l’employeur de privilégier la compétence
professionnelle) ; C. A. Ouagadougou, 21 février 1995, p. 345 ; C. A. Ouagadougou, 21 mars 1995, p. 347. V.
également, C. S. BF. Arrêt n° 26 du 16 juin 1998, Nagalo B. c/ SOREMIB (choix justifié par les notes et les
sanctions disciplinaires) V aussi, ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 626 ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 2/97 du 21/1/1997,
L. Onadja c/ FASO FANI ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5/97 du 21/1/1997, FASO FANI c/ Zoma B. ; C. A.
Ouagadougou, arrêt n° 18/ du 18/2/1997, SOREMIB c/ K. Tanfissi (critères de choix, état d’analphabète, non mise
à égalité des employés selon le juge. NB : le refus de ce critère d’état d’analphabète peut étonner parce que savoir
lire et écrire est généralement un avantage dans la plupart des emplois).
2 Les enfants à charge sont les enfants de moins de 14 ans non scolarisés, de moins de 18 ans s’ils sont à l’école et
de moins de 21 ans si l’enfant est handicapé, le nombre total étant limité à 6 enfants (V. infra livre 2, sécurité
sociale).
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 31 du 18/3/1997, SOCOPAO c/ Bassolet G. et autres (protocole d’accord, annexe
contenant la liste des personnes à licencier non visée, irrégularité); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 41 du 18/3/1997,
Kouraogo N. et autres, c/ FASO FANI.
143
La procédure des articles 101 à 106 est plus précise et plus lourde que celle qui
est prévue dans la CCIP de 1974. Celle-ci dit tout simplement que : « l’employeur
consulte à ce sujet, les délégués du personnel et avise les autorités compétentes des
mesures de licenciement qu’il envisage, trois mois au moins avant la notification des
préavis de licenciement ». Le code du travail prévoit donc une phase de négociation
formelle, une phase de consultations écrites, et désigne le Ministre comme autorité
compétente pour toute autre action qu’il juge utile de prendre. Cette formule peu
précise traduit la réalité que, juridiquement, le ministre ne peut pas s’opposer aux
licenciements envisagés. Il peut faire pression sur l’employeur pour une réduction du
nombre de personnes à licencier, lui proposer un soutien pour un plan de sauvetage ou
d’appui aux salariés licenciés etc., mais il n’a pas un pouvoir d’autoriser ou de ne pas
autoriser les licenciements. En général, il se borne à soumettre le litige à la procédure
d’arbitrage.
Ces articles 101 et s. contiennent deux autres précisions qui ne sont en fait
qu’un rappel. La première précision est que les délégués du personnel ne peuvent être
licenciés que si leur emploi est supprimé, et à condition d’avoir l’autorisation de
l’inspecteur du travail. Est-ce à dire qu’ils ont une priorité dans le maintien ? Non,
pensons-nous, car ils sont soumis aux mêmes critères que les autres travailleurs. S’il
en était autrement, la fonction de délégué deviendrait un avantage contraire à l’esprit
de neutralité de la fonction par rapport à la carrière du représentant. La deuxième
précision est qu’ « en cas de contestation sur le motif des licenciements, la charge de
la preuve incombe à l’employeur ». Cela revient à dire que l’employeur doit prouver
la réalité et le sérieux du motif économique (surtout dans le licenciement individuel)
et/ou la justification du choix de tel travailleur par rapport à tel autre en rapport avec
les critères arrêtés. La plupart des recours portent sur l’application des critères de
choix des personnes à licencier. L’affirmation du critère de compétence par le
législateur tient compte de ces difficultés.
144
attestant qu’il ne doit plus rien au travailleur. C’est ce qu’on appelle le « reçu pour
solde de tout compte ».
En France, la validité d’un tel reçu est acceptée mais avec beaucoup de
réserves : le reçu peut être dénoncé dans les 2 mois de sa signature ; la mention « reçu
pour solde de tout compte » doit être manuscrite et signée du travailleur ; la portée du
reçu est limitée car en sont exclues les réclamations de dommages et intérêts pour
rupture abusive1. Une loi de 2002 a d’ailleurs consacré la position de la jurisprudence
qui décidait que le reçu avait seulement valeur de reconnaissance comptable des
sommes qui y sont portées. L’effet libératoire du reçu se trouve ainsi supprimé.
Au Burkina Faso, comme dans les droits africains issus du code de 1952, ce
reçu n’a pas d’effet libératoire. Suivant l’article 188 (ex- art.114 paragraphe 5 du code
de 1992) «il ne peut être opposé au travailleur la mention ˝pour solde de tout compte˝
ou toute mention équivalente souscrite soit au cours de l’exécution soit après la
résiliation de son contrat de travail par lui, et par laquelle le travailleur renonce à tout
ou partie des droits qu’il tient de son contrat de travail ». De manière plus claire et
plus large, l’article 189 énonce : « l’acceptation, sans protestation ni réserve, par le
travailleur, d’un bulletin de paie ne vaut pas renonciation de sa part au paiement de
tout ou partie du salaire, des accessoires du salaire, des primes et indemnités de toute
autre nature qui lui sont dus en vertu des dispositions législatives, réglementaires et
contractuelles ».
§ 2 - Le certificat de travail
167. A l’expiration de son contrat, l’employeur est tenu de délivrer au
travailleur un certificat indiquant exclusivement la date de son entrée dans
l’entreprise, celle de sa sortie, la nature et les dates des emplois successivement
occupés3, sous peine de dommages-intérêts et éventuellement d’astreintes4. La
délivrance de ce certificat est exempte de tous droits de timbre et d’enregistrement.
1 V. article L.122-17 ; J. SAVATIER, Le reçu pour solde de tout compte : chronique de jurisprudence, Dr. soc.
1989.829 ; I. VACARIE, La renonciation du salarié, Dr. soc. 1990.757 ; Stéphane MUNIER, Le reçu pour solde de
tout compte, Cahiers sociaux du Barreau de Paris (CSBP) 1999, juillet - août, n° spécial.
2 V. PELISSIER et autres, pp. 607 et s.
3 Article108 C.trav. (article 41 du code de 1992).
4 Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 12 mars 1998, T.C. c/ SOGEBAF, RBD n° 35, 1 er semestre 1999, p. 135.
145
Le certificat de travail a pour but de faciliter la recherche d’un nouvel emploi,
en permettant au travailleur d’attester de ses qualifications et expériences. C’est
pourquoi l’employeur ne peut y porter des mentions qui peuvent nuire au travailleur,
tels par exemple, les motifs du départ et des appréciations sur ses qualités.
1 Soc., 8 mai 1967, GADT 2e édit., n° 93 ; D. 1967, 690 note Lyon-Caen ; soc. 21 mars 1978 GADT 2e édit., n°
94; D.1978, IR 277. V. pour la jurisprudence française récent, GADT, 3 e édit., n° 43-45; Soc. 18 décembre 1997,
Bull. civ. V, n° 458; D. 1998, somm., p. 214, note Y. Serra; GAVALDA Nicolas, Les critères de validité des
clauses de non concurrence en droit du travail, Dr. soc. N° 6, juin 1999, pp. 582-590; LAURENT Philippe, La
clause de non concurrence : une enclave commerciale en droit du travail, Gaz. Pal. 1974, 1, décembre, p. 77;
LYNDON R., Validité de la clause de non concurrence dans les contrats de louages de services, Dr. soc., n° 3,
janvier 1997; SERRA Yves, La qualification professionnelle du salarié : élément déterminant de la validité de la
clause de non concurrence en droit du travail, D. 1996, chron. p. 245.
2 V. PANSIER, op. cit., n° 171 et s.; Soc. 2 février 1999, CSBP, n° 109, S. 175, obs. F.-J. Pansier; Soc. 10 juillet
146
- que l’activité interdite soit de nature à concurrencer l’employeur.
147
148
SOUS/TITRE II - L’EXECUTION DES RELATIONS DE TRAVAIL
170. Le contrat de travail crée des obligations réciproques entre les parties.
L’obligation principale du travailleur est de fournir la prestation de travail
conformément aux instructions de l’employeur. L’obligation de ce dernier est de
fournir le travail et de rémunérer la prestation du salarié. Le contrat de travail instaure
aussi un autre type de rapport juridique, différent de celui du contrat civil : c’est le
rapport de chef à subordonné.
149
150
CHAPITRE I - LA PRESTATION DE TRAVAIL
171. Les droits principaux et obligations des parties sont la prestation du
travail et la rémunération. Les obligations du travailleur concernent les conditions
dans lesquelles il doit prester le travail. Les droits et obligations de l’employeur sont
plus complexes parce qu’ils ne se limitent pas au terme du contrat. En dehors de
l’obligation de verser la rémunération, qui sera examinée plus loin, l’employeur est
tenu à certaines obligations d’origines contractuelles ou légales et dispose, en
revanche, d’importants pouvoirs.
§ 1 - Prestation personnelle
173. En concluant un contrat, l’employé s’engage à exécuter sa prestation
« sous la direction et le contrôle » de l’employeur. Le contrat est conclu intuitu
personae. Il ne peut le faire exécuter par un tiers ou se faire aider qu’avec le
consentement de l’employeur. Cette obligation d’exécution personnelle tire son
origine de l’article 1237 C.civ. : «l’obligation de faire ne peut être exécutée par un
tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le
débiteur lui-même ». L’employeur ne peut l’obliger à effectuer des tâches ou à
assumer des fonctions pour lesquelles il n’a pas été engagé ou n’est pas qualifié1, sous
réserve des règles d’usages ou d’intérim.
§ 2 - L’exécution consciencieuse
174. L’exécution du travail doit être consciencieuse. Quelles sont les
conséquences du manquement du travailleur à cette exigence ?
1V. ISSA-SAYEGH, op. cit. ; p.478; Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 64 du 8 juin 1993, T.P. c/ Boulangerie
de la paix (employé ancien policier ayant refusé d’ouvrir une enquête).
151
En droit civil, l’exécution non consciencieuse d’un contrat peut donner lieu à
des dommages et intérêts. En droit du travail, cette sanction n’est retenue
qu’exceptionnellement. Les solutions retenues limitent le pouvoir de l’employeur
d’infliger certains types de sanctions pour exécution non consciencieuse (perte,
détérioration de matériel par ex.). L’article 202 C.trav. (ancien art 127) interdit à
l’employeur d’infliger des amendes, notamment pour malfaçon. Cette interdiction des
sanctions pécuniaires est d’ordre public. Elle ne peut souffrir de dérogation qu’en cas
de faute lourde ayant entraîné la condamnation solidaire de l’employeur à l’égard de
tiers ou supposant une intention de nuire à l’employeur. Selon la jurisprudence
française, l’ouvrier ne peut être déclaré pécuniairement responsable que s’il a commis
une faute lourde équipollente au dol1.
La doctrine explique le rejet des sanctions pécuniaires par cette idée que
« l’employeur qui est à la tête de l’entreprise et qui en perçoit les profits, en assume
également les risques. Et les malfaçons involontaires, lorsqu’elles résultent de
négligences, de fautes légères dans l’exécution du travail, comptent parmi ces
risques »2.
§ 3 - L’exécution loyale
175. Suivant le principe général posé par l’article 1134, al. 2, C.civ. : «les
conventions doivent être exécutées de bonne foi ». L’exécution de la prestation doit
être loyale. Cela signifie essentiellement que :
- le salarié ne peut concurrencer l’employeur directement ou indirectement,
même si l’on admet qu’il peut exercer une activité parallèle en dehors de ses heures de
travail3 ;
- le salarié ne doit pas divulguer les secrets de fabrication de l’entreprise ; une
telle faute est par ailleurs pénalement sanctionnée 4 ;
- il est passible de sanction pénale en cas de corruption passive ou active. Ce
délit est constitué par le fait d’accepter ou de solliciter des dons, commissions ou
1 Il y a lieu de tenir compte de la différence de sanction de la faute grave en droit français et en droit burkinabè.
Dans la jurisprudence française, la faute lourde suppose l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. V. Soc.
31 mai 1990, Bull. civ. V, n° 260; 2 déc. 1998, D. 1999, I.R.32. V. également, J. DEPREZ, Vers une évolution du
régime de responsabilité pécuniaire du salarié envers l’employeur? RJS 1992.319; B. BOSSU, La faute lourde du
salarié : responsabilité contractuelle ou responsabilité disciplinaire, Dr. soc. 1998.26
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. Cit., 4e éd., p.174; PELISSIER et al. op. cit. n° 895.
3 V. Trib. Trav. Ouagadougou, G.I.B op. Cit. ; V. également, Gabriel GUERY, Pratique du droit du travail, 11 e
152
présents pour faire ou ne pas faire le travail, cela à l’insu de l’employeur 1. Une
exception est faite en ce qui concerne les pourboires.
Dans nombre de cas, le problème se pose de savoir qui est l’employeur et cette
question appelle à faire la nuance entre l’employeur et le chef d’entreprise.
L’employeur est celui qui est lié aux salariés par contrat de travail. Il exerce par
conséquent l’autorité sur les salariés et assume les obligations contractuelles. Il n’y a
pas de difficulté lorsqu’il s’agit d’une entreprise individuelle. Dans ce cas,
l’employeur est une personne physique et les qualités d’employeur, de chef
d’entreprise et même de propriétaire se confondent. Par contre lorsque l’entreprise a la
forme de personne morale, (société, association) le personnel se retrouve souvent en
présence de plusieurs organes hiérarchiques3 et il peut être ardu de savoir qui a la
haute main sur l’entreprise4. L’employeur est, ici, la personne morale et le chef
d’entreprise est la personne physique qui représente cette personne morale et en assure
1 Art. 166 C.pén.: « est puni d’un emprisonnement de un à trois ans et d’une amende de 300.000 à 900.000 francs
ou de l’une de ces deux peines seulement, tout commis, employé ou préposé, salarié ou rémunéré sous une forme
quelconque qui, soit directement, soit par personne interposée, à l’insu et sans le consentement de son patron,
sollicite ou reçoit des dons, présents, commissions, acomptes pour faire un acte de son emploi ou s’abstenir de faire
un acte que son devoir lui commande de faire ».
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. Cit. p.286; PELISSIER et al. n° 34 et s. V. Également, l’article 2 C. trav.
sénégalais qui dispose que « toute personne … employant un ou plusieurs travailleurs est une entreprise ».
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 89 du 3 juillet 1992, Fadoul c/ Kéré Yves (employé ayant actionné le sieur
Fadoul, propriétaire de la société ou actionnaire principal). Le même problème se pose lorsque l’entreprise est une
filiale d’une société. V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 70 du 24 juillet 2001, BCAS et CICA-B c/ Ilboudo B. Moussa
(co-employeur. Chauffeur engagé par la CODIAM, société par la suite absorbée par la CICA-B qui le mis à la
disposition de la BCAS). V. également, PELISSIER et al., op. cit. n° 3; ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 754.
4 Les dénominations des responsables sont tellement diverses et quelques fois sans rapport avec la forme juridique
de l’entreprise (PDG, président du conseil d’administration, directeur général que certains opérateurs économiques
se qualifient de PDGP (Président directeur général propriétaire).
153
la direction. Encore faut-il faire, du point de vue des obligations et responsabilités, la
différence entre l’entreprise et l’établissement parce qu’il peut y avoir un chef
d’entreprise et un chef d’établissement.
1 V. l’art. 1er de l’arrêté 94-7 du 3 juin 1994 sur les délégués du personnel (J. O. BF. Du 21 juillet 1994, p. 1322,
Code social, p. 162) qui définit l’entreprise comme une organisation économique de forme juridique déterminée…
et l’établissement comme « un groupe de personnes travaillant en commun, en un lieu déterminé, sous l’autorité
d’un ou plusieurs représentants d’une même autorité directrice (personne physique ou morale, publique ou
privée) ».
2 V. PELISSIER, ibid.; N. CATALA, L’entreprise, Traité de droit du travail, T. 1, dir. G.-H. CAMERLYNCK, 2e
édit. 1980; S. HENNION-MOREAU, La notion d’entreprise en droit social communautaire, Dr. soc. 2001.957;
L’évolution du droit de l’entreprise, Ecrits en l’honneur de J. SAVATIER, PUF, 1992.
3 Cass., 31 mai 1956, S .A. Brinon c/ Delle Brière, GADT, 2 ème édit., n°79, D.58, 21. Faits : employés licenciés à
la suite d’un dépôt de bilan. Pour les employés ce dépôt de bilan est le résultat d’une mauvaise gestion, constituant
une faute lourde de l’employeur de nature quasi délictuelle. La C. cass. a refusé d’admettre une responsabilité de
l’entreprise à l’égard de son personnel; V. également, C.cass. (fr), 10 mars 1965, D. 1965, p. 550.
154
Suivant cette jurisprudence, les pouvoirs de l’employeur ne seraient limités que par la
loi et la théorie de l’abus de droit. L’employeur est ainsi souverain dans son pouvoir
de direction.
§ 2 - Le pouvoir réglementaire
178. Selon l’ex. Haute cour judiciaire, « le règlement intérieur et les notes de
service sont l’expression du pouvoir réglementaire qui s’attache aux prérogatives
patronales »4. Ce pouvoir réglementaire de l’employeur5 s’exerce principalement à
Ouédraogo Boukary. V. également, C. S. BF., arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo Sié Polycarpe c/ S.B.E.
5 V. N. CATALA, L’entreprise, op. cit., n° 191 et s. ; A. JEAMMAUD, M. Le FRIANT et A. LYON-CAEN,
L’ordonnancement des relations de travail, D. chron.359 ; J.-M. BERAUD, L’interaction du contrat de travail et du
pouvoir de l’employeur, Dr. ouvrier.529 ; GADT, 3e édit. pp. 640 et s.
155
travers l’élaboration du règlement intérieur dont le fondement a été longtemps discuté.
Aujourd’hui, l’objet du règlement intérieur est strictement défini et son élaboration est
largement encadrée par la loi et les règlements.
1 Art. 134 C.trav. (ancien art. 78); V. ISSA-SAYEGH, op. cit. pp. 360 et s. ; J. M. BERAUD La discipline dans
l ‘entreprise, in Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, p. 381 ; A. JEAMMAUD, Séparation des pouvoirs et
action en nullité des dispositions du règlement intérieur, Dr. soc. 1985.479.
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. cit., p.297.
156
licenciements pour fautes répétées, lorsque ces fautes ne sont pas commises dans une
fourchette de délai.
1 V. Soc., 25 septembre 1991, Soc. Unigrains c/ Mme Geffroy, Bull. civ. V, n° 387; Dr. soc. 1992. 24, note J.
Savatier; GADT, 3e édit. n° 171.
2 V. l’arrêté n° 94-010/ETSS/SG/DT du 3 juin 1994 fixant les modalités de communication, de dépôt et d’affichage
du règlement intérieur, ainsi que le nombre des travailleurs de l’entreprise au-dessus duquel l’exigence du
règlement intérieur est obligatoire, J.O. BF. Du 21 juillet 1994, p. 1327 ; Code social, p. 170.
157
La seconde limitation porte sur le contenu du règlement intérieur : celui-ci doit
s’en tenir aux points prévus par la loi. Toute clause portant sur des points non
énumérés est nulle de plein droit, notamment celle qui serait relative à la
rémunération ou qui instituerait des amendes ou autres sanctions pécuniaires.
Constitueraient par exemple des sanctions pécuniaires des dispositions qui
prévoiraient une rétrogradation disciplinaire ou une mutation disciplinaire aboutissant
à un déclassement1. En outre, le règlement intérieur ne pourrait, d’une manière
générale, contenir des dispositions contraires aux lois ou portant atteinte aux droits
fondamentaux du travailleur.
1 Le cas de la mutation disciplinaire doit être nuancé : la mutation peut se fonder sur l’intérêt de l’entreprise, la
faute commise par le salarié pouvant limiter sa capacité à servir efficacement dans ce milieu (social ou de travail).
Mais la mutation pouvant constituer une modification du contrat, l’employé peut la refuser, contraignant
l’employeur à se placer sur le terrain du licenciement.
2 V. article 387 point 2.
158
§ 3 – Le pouvoir disciplinaire
Deux aspects peuvent être relevés : le fondement du pouvoir disciplinaire et le
contrôle juridictionnel de l’exercice de ce pouvoir.
1) L’existence de la faute
1 Cf. art. 1134, al. 2, C.civ. : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
2 Soc., 16 juin 1945, Etablissement Poliet-Chausson c/ Vialard, GADT, 2ème édit., n° 38.
3 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 54 du 15/4/ 1997, Burkina Moto c/ Zoungrana L. Bruno.
159
de prendre son congé annuel à la suite d’un congé de maternité malgré le refus de ce
cumul par l’employeur n’est pas constitutif de faute, dans la mesure où il s’agit de
l’exercice d’un droit1. Le juge peut donc, nonobstant les dispositions du règlement
intérieur, rechercher s’il existe une cause sérieuse de licenciement et apprécier par
conséquent la gravité de la faute.
2) La gravité de la faute
3) La proportionnalité de la sanction
du 21 mars 1995, Zoungrana Simon c/ Tapsoba Evariste (accumulation de fautes, comportement ayant créé un
trouble au sein de l’entreprise) ; C. A. HV., arrêt n° 47 du 20 décembre 1974, Diarra Souleymane c/ Etablissements
Aubaret (absences répétées).
4 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 65 du 4 décembre 1981, Valmédé Richard c/ B.I.V. Ouagadougou.
5 Soc., 10 mars 1965, D. 1965. 550 ; Soc. 8 juillet 1970, D. 1970.776
160
aussi la sanction prise par l’employeur selon la théorie du détournement de pouvoir : il
s’agit de savoir si l’employeur n’a pas commis une faute en usant du pouvoir
disciplinaire dans un but autre que l’intérêt de l’entreprise1 ou en optant pour une
sanction consistant en la modification du contrat de travail2.
1 Soc., 6 novembre 1957, GADT, 2ème édit., n° 39, SITA c/ Bosse ; Soc. 6 novembre 1974, D. 1974.
2 Soc. (fr.) 27 juin 2001, Daouai, GADT, 3 e édit., n° 66 ; Soc. (fr.) 21 février 1990, Saint Michel, Bull. civ. V, n°
74 ; Dr. soc. 1991.16, chron. A. Mazeaud ; Soc. (fr.) 19 novembre 1997, Dr. soc. 1998, obs. C. Mazeaud.
3 V. C. A. Ouagadougou, 6 août 1993, Association MORIJA c/ R., RBD n° 25, p. 163.
4 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5 du 3 février 1998, ONEA c/ Kafando Josepha, et arrêt n° 10 du 17 février 1998,
Martine (altercation entre collègues, licenciement de l’un des deux et avertissement à l’autre. Disproportion entre
les deux sanctions, selon la C.A.) ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 6 du 21 janvier 1997, Kaboré G. Marcel c/ Régie
X9 (client coincé à la portière du bus, injures entre le client et le chauffeur, licenciement du chauffeur pour faute
lourde). Dans cet arrêt, la Cour d’appel estime que la sanction est disproportionnée parce que beaucoup de
chauffeurs sont décriés par les clients sans qu’il y ait eu de sanction similaire. On pourrait aussi dire que le fait que
beaucoup de chauffeurs soient décriés justifie que la direction sévisse enfin, pour ne pas légitimer le laxisme dans
les entreprises publiques. La disproportion devrait tenir à une appréciation des parts de responsabilité dans
l’altercation et non à l’habitude de laxisme de l’employeur.
161
187. L’employeur a des obligations multiformes, qui se rattachent directement
à l’exécution du contrat de travail ou qui sont simplement d’origine légale.
Ainsi, en ce qui concerne les obligations légales :
- L’employeur a le devoir d’obtenir les autorisations nécessaires et de faire les
déclarations prévues par la réglementation, notamment dans les cas
d’ouverture, de transformation, de fermeture, de mouvement de main-d’œuvre
et, de tenir les registres prévus ;
- En cours d’exercice de l’entreprise, il a l’obligation de respecter les conditions
de travail, d’hygiène et de sécurité.
B – LA RESPONSABILITE DE LEMPLOYEUR
1) La responsabilité civile
162
obligations mises à sa charge par les dispositions réglementaires protectrices des
salariés. C’est le cas de la non délivrance du certificat de travail.
Ensuite, à l’égard des tiers, l’employeur est non seulement responsable de ses
propres faits qui ont causé un dommage à autrui, mais aussi, en tant que commettant,
il est responsable des dommages causés par les salariés, qui sont ses préposés. Il
répond des condamnations civiles prononcées contre les salariés pour les faits commis
dans l’exercice de leurs fonctions. Il en est ainsi notamment, en cas d’accident de
travail provoqué par la faute d’un autre travailleur, ou en cas d’accident de véhicule
ayant causé un dommage à un tiers. Mais dans ces hypothèses, il est normalement
couvert par la sécurité sociale ou l’assurance.
2) La responsabilité pénale
L’employeur ne peut être dégagé de cette responsabilité que s’il avait délégué ses
pouvoirs à une autre personne. Selon la jurisprudence française « il appartient au chef
d’entreprise de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des
dispositions édictées par le code du travail ou les règlements pris pour son application
en vue d’assurer l’hygiène et la sécurité des travailleurs »3. Il ne peut être exonéré de
cette responsabilité que s’il avait délégué la direction du chantier ou de l’établissement
à un préposé investi de la compétence et de l’autorité nécessaire pour veiller
efficacement à l’application des dispositions en vigueur4.
163
164
165
CHAPITRE II – LES CONDITIONS DE TRAVAIL
190. Le chef d’entreprise doit veiller personnellement au respect de la
réglementation sur les conditions de travail, qui vise à protéger la santé du travailleur
au sens large (santé physique et mentale). Cette réglementation concerne trois
aspects : la durée du travail, l’hygiène et la sécurité, et la protection spéciale de
certaines catégories de travailleurs dont les femmes et les enfants.
A – LA DUREE LEGALE
191. Selon l’article 135 C.trav., « dans tous les établissements publics ou privés,
même d’enseignement ou de bienfaisance, la durée légale du travail des employés et
des ouvriers de l’un ou l’autre sexe, de tout âge, travaillant à temps, à la tâche ou aux
pièces, ne peut excéder quarante heures par semaine et huit heures par jour »1. Dans le
cadre de ces plafonds, les durées de travail peuvent être aménagées par branche
d’activité et par catégorie professionnelle, par voie réglementaire. Ainsi, dans
l’entreprise, la durée journalière de travail peut être fixée à : 8 heures de travail par
jour pour cinq jours de travail par semaine ; 6 jours de travail par semaine à
concurrence de 6 heures 40mn de travail par jour ou cinq jour et demi de travail par
semaine2. Selon l’article 1er de l’arrêté d’application n° 1243 du 9 décembre 1976, ces
40 heures de travail correspondent à 173 heures, 33 par mois. Les conventions
collectives peuvent adopter un mode de répartition pour une branche d’activité dans
une localité ou une région, qui peut être rendu obligatoire par arrêté du Ministre du
travail. Cette question de répartition concerne évidemment le nombre de jours
travaillés dans la semaine (6 jours, 5 jours ou 5 jours et demi) mais aussi les heures de
début et de fin du travail, l’exécution du travail d’une traite ou travail posté3, le travail
de jour ou de nuit. La loi renvoie à des textes réglementaires pour ces dernières
1 L’ancien article 79 C. trav. n’incluait pas expressément la durée journalière de huit heures. La nouvelle
formulation implique que l’employeur ne peut opter de faire 9 heures par jour pour quatre jours et demi de travail
dans la semaine.
2 Cf. arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976, (non publié au J. O.), Recueil annoté, annexe n° 50 ; Code social, p. 140.
Pour le secteur public, v. le décret n° 2003-240 du 20 mai 2003 portant horaires de travail dans les administrations
du service public, J. O. BF. Du 5 juin 2003, p. 830.
3 V. sur le travail posté ou en continu, PELISSIER et al., op. cit., n° 939 ; Stanislas KEHRIG, conclusions sous
166
questions1. Suivant l’article 4 de l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976, il revient à
chaque établissement, dans le respect des limites légales, de fixer un horaire de travail
daté et signé, précisant pour chaque journée la répartition des heures de travail. Le
terme journée de travail inclut le jour et la nuit. Mais le travail de nuit apparaît
exceptionnel et fait l’objet d’une réglementation particulière. La nuit est d’ailleurs
définie, de manière restrictive, comme la période allant de 22 heures à 5 heures du
matin2, ce qui laisse une grande latitude de modulation des huit heures selon les
branches d’activité, notamment dans les établissements où le travail est organisé par
équipes pour obtenir un temps de fonctionnement plus long.
192. La durée de 40 heures par semaine est d’application générale mais non
absolue. Des exceptions sont prévues pour certains secteurs, en partant de la notion de
temps de travail équivalent.
Une première exception est faite par l’article 135, al. 2, C.trav. en ce qui concerne
les exploitations agricoles. Ce terme exploitation agricole inclut les exploitations
agricoles proprement dites, les exploitations de bois et de foresterie, les exploitations
d’élevage, les coopératives agricoles, le jardinage et le cultures maraîchères, mais
exclut les établissements de transformation des produits agricoles3. Le temps de travail
n’est pas, dans ces exploitations, basé sur 40 h par semaine mais sur 2400 heures par
an. Ce système permet une modulation du temps journalier en fonction des saisons et
des types d’exploitations4. La journée peut être de 9 h, 7 h ou 8h. Cette exception
s’explique par la concentration des travaux pendant certaines saisons et l’urgence
d’exécution de ces travaux dans des périodes courtes.
Une seconde exception concerne les professions où le travail est intermittent. Des
durées supérieures à 40 h sont fixées sans exigence de paiement d’heures
supplémentaires. La durée légale de 40 h est un temps de travail effectif. Dans les
professions ci-dessous, il est fixé un temps de travail supérieur qui est considéré
comme équivalent à 40 h de travail effectif par semaine. Ainsi, suivant l’article 5 de
l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976 fixant les modalités d’application de la semaine
de 40h dans les établissements non agricoles, la durée équivalente est fixée à :
- 42 h pour le personnel de vente dans les pharmacies et le commerce de détail ;
- 45 h pour le personnel des hôpitaux, cliniques et dispensaires, les cuisiniers
des hôtels et restaurants, les stations services, etc. ;
novembre à avril et 9h de mai à octobre), les sisaleraies (10h de décembre à avril, 7 h du 15 avril au 15 décembre),
les cultures maraîchères et autres (8 h toute l’année).
167
- 48 h pour les chauffeurs affectés au transport du personnel d’une entreprise ;
- 50 h pour le personnel des salons de coiffure, spectacles forains ;
- 52 h dans les débits de boissons, restaurants et hôtels pour le personnel autre
que les cuisiniers… ;
- 56 h pour le personnel des services d’incendies ;
- 60 h pour les gens de maison1 ;
- 72 h pour les gardiens de jour et de nuit ;
- présence continue pour les gardiens et concierges logés sur les lieux, sous
réserve d’un repos de 24 h par semaine et d’un congé annuel payé de deux
semaines en sus du congé légal.
1 V. également l’article 3 de l’arrêté n° 77-311 du 17 août 1977 fixant les conditions de travail des gens de maison,
J. O. RHV du 22 décembre 1977, p. 1046, Code social, p. 144.
2 Article 3 de l’arrêté 932 FPT du 1er octobre 1976 réglementant les heures supplémentaires et les modalités de leur
rémunération, J. O. RHV. du 21 octobre 1976, p. 774; Recueil annoté, annexe n° 52 ; Code social, p. 130.
3 V. l’article 7 de l’arrêté n° 932 FPT du 1 er octobre 1976.
168
- 35% au-delà de la 48ème heure ;
- 50% pour les heures effectuées de nuit ;
- 60% pour les heures de jour de dimanche et jour férié ; et
- 120% pour les heures de nuit de dimanche et jour férié
Des exceptions au paiement d’une rémunération au taux majoré sont prévues pour
les cas de récupération d’heures perdues ou de dépassement de la durée de travail de
huit heures par jour. Ainsi, en cas d’interruption du travail pour cause accidentelle ou
de force majeure, une prolongation de la journée de travail pourra être pratiquée, à
titre de compensation des heures de travail perdues, et ces heures de récupération sont
rémunérées au taux normal1. De même, pour tenir compte de la particularité des
entreprises à feu continu, l’article 2 de l’arrêté 932 dispose que « dans les entreprises
qui ont à fonctionner sans interruption jour et nuit, y compris dimanches et jours
fériés, les heures de travail assurées par roulement en service de quart de jour et de
nuit, les dimanches et jours fériés compris, sont rétribuées au tarif horaire normal dans
les limites de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente ».
A – LE REPOS HEBDOMADAIRE
169
donner le repos hebdomadaire par roulement, sous réserve que l’inspecteur du travail
apprécie si l’industrie qui se prévaut de cette disposition répond ou non aux critères. Il
s’agit, par exemple : des entreprises agricoles ; des hôtels, restaurants et débits de
boissons ; des hôpitaux et maisons de retraite ; des entreprises de journaux
d’information et de spectacle ; des services de gardiennage et de sécurité dans les
entreprises ; des industries où sont mises en œuvre des matières susceptibles
d’altération très rapide ; etc. Dans les autres cas, lorsqu’il est établi que le repos
simultané le dimanche de tous les travailleurs serait préjudiciable au public ou
compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement, le repos pourra être
accordé, sur autorisation de l’inspecteur du travail1, soit un autre jour que le dimanche
à tout le personnel, soit par roulement à tout ou partie du personnel, soit du dimanche
midi au lundi midi, soit le dimanche après-midi, avec un repos compensateur d’une
journée, par roulement et par quinzaine. De même, dans les établissements de vente de
denrées alimentaires au détail, le repos hebdomadaire peut être réduit à une demi-
journée à condition de donner un repos compensateur d’une journée entière, par
roulement, pour deux réductions d’une demi-journée.
Le repos hebdomadaire peut être suspendu par compensation avec les fêtes
rituelles ou locales2.
B- LE CONGE ANNUEL
jour ouvrable au lieu de jours calendaires aboutit à un congé annuel pouvant atteindre 34 jours. Le code de 2004 est
revenu à la notion de jours calendaires en raison des difficultés d’application, notamment en matière de calcul de
l’allocation de congé et pour maintenir la similitude avec le secteur public. Les difficultés de mise en œuvre de
l’ancien article 90 sont attestées par la circulaire interprétative n° 93-02 ETSS du 6 octobre 1993 sur la
détermination du nombre de jours de congé et sur le calcul de l’allocation du congé payé, J .O BF. Du 7 octobre
1993, p. 160.
4 Arrêté n° 94-11/ETSS du 3 juin 1994, J. O. BF. du 21 juillet 1994, p. 1327; Droit social, p. 172; Annuaire
officiel METSS, p. 69. V. sur les congés payés, la Convention OIT n° 132, 1970, révisant la convention OIT n° 52,
J. O. BF. Du 7 mars 1974, p. 131; Code social, p. 345; et la convention OIT n° 101 concernant les congés payés
dans l’agriculture, Code social, p. 330.
170
effectivement pris et joui par le travailleur. Toute convention prévoyant l’octroi d’une
indemnité compensatrice en lieu et place du congé est interdite …». Par contre, les
conventions peuvent autoriser le report de la jouissance du congé avec cumul des
droits aux congés1. La jouissance du congé peut être fractionnée, avec l’accord du
travailleur, en période de 15 jours au moins.
Pour le calcul du congé acquis, des mesures sont prises pour éviter que le congé
soit rogné par trop de déductions. Ainsi, ne peuvent être déduites de la durée du
congé : les périodes d’absences pour accidents du travail ou maladies
professionnelles ; les périodes de congé de maternité ; les périodes d’absences pour
maladies non professionnelles dans la limite d’un an. De même, ne sont pas déduites
de la durée du congé : les permissions d’absence accordées à l’occasion d’événements
familiaux, dans la limite annuelle de vingt jours ; les autorisations d’absence pour
assister aux assemblées statutaires syndicales, dans la limite d’un mois ; et, dans la
limite de quinze jours ouvrables, les autorisations d’absence sans solde accordées au
travailleur afin de lui permettre de suivre un stage officiel, de représenter une
association ou d’assister à ses activités, ou de représenter le Burkina Faso dans une
compétition internationale. Ces différentes permissions d’absence sont des congés
spéciaux auxquels le travailleur a droit si le motif invoqué est réel, dans le cadre des
limites annuelles fixées pour chaque événement. Par contre, peuvent être déduits les
congés spéciaux accordés au-delà des limites ou en sus des jours fériés, qui n’auraient
pas fait l’objet de récupération ou d’une compensation4, et les autorisations d’absence
excédant les seuils légaux.
1 V. l’article 55 CCIP, qui autorise le report de la jouissance du congé d’un an au maximum et le cumul des droits
aux congés.
2 Cette disposition de l’article 151, al. 2, peut être très utile pour ceux qui poursuivent parallèlement de études (en
171
versée en même temps que le salaire. Cette indemnité est calculée sur la base de 1/12e
de la rémunération journalière acquise.
196. Les fêtes légales méritent d’être signalées parce que ce sont des jours chômés
et payés et leur nombre est important au Burkina Faso. Aux fêtes laïques (1er janvier, 5
août, 11 décembre) s’ajoutent les fêtes confessionnelles chrétiennes et musulmanes et
les jours chômés en commémorations d’évènements sociaux nationaux ou
internationaux (3 janvier, 1er mai, 8 mars). La loi 9-92 du 14 décembre 1992 n’en
instituait pas moins de 16 jours de repos, chômés et payés, le lendemain de certains
jours (1er mai et 11 décembre) étant de plus chômés et payés si le jour de fête tombe
un dimanche. Des efforts ont tendus vers la diminution de ce nombre, avec de fortes
résistances. La loi n° 19-2000 du 27 juin 2000 ramène le nombre de jours chômés et
payés à 14 jours1. Cette loi distingue les jours de fête légale, chômés et payés sur toute
l’étendue du territoire2 et les jours reconnus par l’Etat comme marquant des
évènements à caractère historique et qui peuvent donner lieu à des cérémonies
commémoratives3.
Par ailleurs, il n’est pas rare que le gouvernement déclare la journée de travail
continue, sur le plan national ou local, à l’occasion de certains évènements : Salon
international de l’artisanat, Semaine nationale de la culture, grande rencontre de
football, grande conférence internationale etc. Des exceptions sont généralement faites
pour les entreprises organisées en équipes successives, mais ces journées continues
aboutissent à une journée de travail de moins de huit heures ou à une semaine de
moins de quarante heures.
1 Loi n° 19-2000 AN du 27 juin 2000 portant institution de fêtes légales au Burkina Faso (J. O. BF. du 27 juillet
2000, p. 4330) modifié par la loi n° 11-2001 portant additif à la loi n° 19-2000 du 27 juin 2000 portant institution
de fêtes légales au Burkina Faso (J. O. BF. du 2 août 2001, p. 1353). Cette dernière loi ne fait qu’ajouter le 30 mars
parmi les jours pouvant donner lieu à cérémonie commémorative.
2 Le 1er janvier, le 3 janvier, le 8 mars, le 1er mai, le 5 août, le 11 décembre, le jour de noël, le jour de pâques,
l’ascension, l’assomption, la toussaint, le jour de ramadan ou Aïd el Segheir, le jour de Tabaski ou Aïr el Kébir et
le Mouloud.
3 Le 4 août, le 15 octobre et le 30 mars.
172
§ 1 – La protection de la femme salariée
198. La réglementation en matière de protection des femmes poursuit trois
objectifs : la protection de la santé de la femme, la protection de la maternité et la
protection des nourrissons. Ces trois objectifs ont pour finalité la protection de la
fonction de reproduction (bien que ce terme soit quelques fois perçu comme péjoratif
ou réducteur du rôle de la femme), qui relève de l’instinct de préservation de l’espèce.
Le code de 2004 ajoute une interdiction qui intéresse en premier chef les femmes : le
harcèlement sexuel
1 V. l’arrêté n° 5254 IGTLS/AOF du 19 juillet 1954 relatif au travail des femmes et des femmes enceintes, J. O.
AOF. Du 31 juillet 1954, p. 1337; Code social, p. 95. V. également la convention OIT n° 3, 1919, sur la protection
de la maternité, approuvée par l’ordonnance 69-32 du 24 juin 1969, J. O. RHV. Du 26 juin 1969, p. 339; Code
social, p. 324.
173
B – LA PROTECTION DE LA FEMME DANS L’INTERÊT DU NOURRISON
201. Le harcèlement sexuel est abordé dans les obligations des parties au contrat,
au titre III du code du travail relatif aux relations professionnelles. De ce fait, l’article
47 qui en traite n’est pas une disposition spécifique aux femmes. Malgré cet artifice, il
ne fait pas de doute que la disposition, qui peut être considérée comme un aspect
particulier du harcèlement moral2, vise à protéger les femmes qui ont souvent à
souffrir d’un climat moral et psychologique désagréable que les actes ou attitudes de
harcèlement sexuel peuvent provoquer. L’article 47 interdit « le harcèlement sexuel
dans le cadre du travail à l’effet d’obtenir d’autrui par ordre, parole, intimidation, acte,
geste menace ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle », de même que « le
harcèlement par abus d’autorité que confère une fonction ». L’alinéa 3 de cet article
est encore plus large puisqu’il interdit « le harcèlement sexuel entre collègues ainsi
que celui exercé par des personnes rencontrées dans le cadre du travail qui ne sont pas
employées par l’employeur de la victime tels que des fournisseurs ou des clients ». Le
harcèlement sexuel est un délit puni, conformément à l’article 388 C.trav., d’une
amende de 50.000 à 300.000 francs et/ou d’un emprisonnement d’un mois à trois ans.
174
§ 2 – La protection des enfants et des adolescents
202. La réglementation particulière en fonction de l’âge comporte trois aspects :
l’âge d’accès à l’emploi, les travaux présentant un danger pour cette catégorie de
personnes et le travail de nuit.
203. L’article 145 C.trav. définit l’enfant comme toute personne de moins de 18
ans, l’adolescent comme toute personne dont l’âge est compris entre 18 et 20 ans,
étant entendu que la majorité est de 21 ans au Burkina Faso1.
Selon l’article 147 C.trav. « l’âge minimum d’admission à tout type d’emploi ou
de travail ne devra pas être inférieur à quinze ans». L’augmentation de l’âge minimum
de 14 ans à 15 ans résulte de la ratification de la convention OIT n° 138. Le code de
1962 prévoyait la possibilité de dérogation à l’âge minimum (de 14 ans à l’époque)
accordée par arrêté conjoint du ministre du travail et de celui de la santé. Cette
possibilité de dérogation a été supprimée depuis le code de 1992. La limitation de
l’âge d’admission à l’emploi, hautement justifiée dans son principe, pose beaucoup de
problèmes d’application dans les pays pauvres. La scolarisation est le meilleur moyen
d’éviter le travail des enfants avant le délai de scolarisation obligatoire. Quand le taux
de scolarisation est faible, l’interdiction d’exercer tout emploi devient une disposition
illusoire : les enfants non scolarisés, soit travaillent avec leurs parents dans le cadre de
leur éducation au travail et par besoin de main-d’œuvre, ou tombent dans la
délinquance juvénile, la mendicité ou les petits travaux du secteur informel. De ce
point de vue, les dérogations qui étaient prévues par les codes d’avant 1992, comme
par les conventions OIT d’ailleurs, étaient plus réalistes. Mais il est vrai que le
développement, à partir des années 1990, des intermédiations en tout genre pour
recruter ou convoyer ou loger des enfants qui désirent travailler en ville, aboutit à des
pratiques de trafics d’enfants, qui n’existaient pas sous l’empire du code de 1962.
Par ailleurs, pour le travail des jeunes de 15 ans à 18 ans, l’article 147 al. 2
renvoie à un décret en conseil des ministres pour fixer la nature des travaux et les
catégories d’entreprises qui leurs sont interdites. En l’absence du décret d’application
1V. également la convention OIT n°33, 1932 sur l’âge minimum (travaux industriels) ratifiée le 21 novembre
1960, Code social, p. 306
175
prévu par cet article, c’est l’arrêté n° 539 du 29 juillet 1954 qui demeure applicable1.
Ce texte prévoit, d’une part, les travaux auxquels ils ne peuvent être employés en
raison des dangers que cela représente pour la vie, la santé ou la moralité (affichages
immoraux, graissage, nettoyage de machines, explosifs…) et, d’autre part, les travaux
auxquels ils ne peuvent être employés que sous certaines conditions et en fonction des
tranches d’âge (14 à 16 ans, 16 à 18 ans)2.
Les enfants (moins de 18 ans) ne peuvent en principe être employés à des travaux
de nuit, sauf cas de force majeure justifiant une dérogation pour les enfants de plus de
16 ans. Est considéré comme travail de nuit celui exécuté pendant les heures
comprises en 22 heures et 5 heures du matin3. Dans tous les cas, les enfants ont droit à
un repos journalier d’une durée minimale de 12 heures consécutives 4. Si, par exemple,
le travail cesse à 21 h, il ne peut être repris qu’à 9 h le lendemain.
L’article 148 C.trav. introduit une nouvelle disposition qui passerait normalement
pour superfétatoire si elle ne correspondait malheureusement à une réalité : cet article
interdit « les pires formes de travail des enfants » et précise que la disposition est
d’ordre public. Si l’interdiction de tout travail des enfants de moins de 15 ans et la
réglementation du travail de ceux de moins de 18 ans étaient respectées, il n’y aurait
plus à interdire de pires formes de travail. Cet article énumère les pires formes, qui
relèvent plus du code pénal5 que du code du travail : toutes formes d’esclavage, vente
et traite des enfants, utilisation dans des conflits armés, recrutement à des fins de
prostitution ou d’activités illicites, etc.
1 V. Arrêté n° 539 ITLS du 29 juillet 1954 relatif au travail des enfants, J. O. HV, spécial du 19 août 1954, p. 349,
Code social, p. 81, Recueil annoté, annexe n° 62.
2 V. les tableaux A et B de l’arrêté n° 539 du 29 juillet 1954 précité.
3 V. la convention OIT n° 6, 1919 sur le travail de nuit des enfants dans l’industrie, Recueil annoté, annexe 56 ;
Code social p. 293 ; et la convention OIT n° 41, (révisée en 1934) concernant le travail de nuit des femmes,
Recueil annoté, annexe, n° 57 ; Code social, p. 308.
4 Art. 146 C.trav. Cet article a porté la durée du repos de 11 heures dans le code de 1992 (ancien art. 83 C.trav.) à
12 heures.
5 V. la loi n° 38-2003/AN du 27 mai 2003 portant définition et répression du trafic d’enfant(s), J. O. BF. n° 31 du
31 juillet 2003, p. 1114. La définition que donne l’article 3 de cette loi montre que l’objet « d’exploitation
économique » n’est qu’un des objets du trafic réprimé : « est réputé trafic d’enfant(s) tout acte par lequel un enfant
est recruté, transporté, transféré, hébergé ou accueilli, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire burkinabè par un ou
plusieurs trafiquants au moyen de menaces et d’intimidation par la force ou par d’autres formes de contraintes, de
détournements, de fraudes ou supercheries, d’abus de pouvoir ou d’exploitation de la situation de vulnérabilité d’un
enfant ou dans le cas d’offre ou de réception de rémunération en vue d’obtenir le consentement d’une personne
ayant pouvoir de contrôle sur lui à des fins d’exploitation économique, sexuelle, d’adoption illicite, d’union
matrimoniale précoce ou forcée ou à toute autre fin préjudiciable à la santé, au développement physique, mental et
au bien-être de l’enfant ».
176
§ 3 – La protection des handicapés
205. La question du travail des handicapés est également abordée dans le titre III
relatif aux relations professionnelles et dans une section relative aux obligations des
parties. L’article 50 C.trav. dispose : « les personnes handicapées, ne pouvant être
occupées dans des conditions normales de travail, bénéficient d’emplois adaptés ou,
en cas de besoin, d’ateliers protégés1, ainsi que du droit à une formation spécialisée
dans les conditions fixées par voie réglementaire, après avis de la commission
consultative du travail ». Cette disposition semble mettre des obligations à la charge
de l’employeur quant aux conditions de travail de ces personnes, mais le décret
d’application n’ayant pas encore été pris, ces obligations ne recouvrent une certaine
réalité que pour les handicapés du travail ou pour l’obligation de réinsertion après un
accident ou une maladie2. C’est le décret d’application qui devra préciser les contextes
et conditions de création des ateliers protégés ainsi que le bénéfice des formations
spécialisées. La situation de chômage endémique et de sous-emploi fait que des
exigences de création d’emplois adaptés adressées à l’employeur pris
individuellement seraient difficiles à mettre en œuvre. Des actions communautaires
sont menées par les organisations caritatives plutôt que par les entreprises. Quelques
textes réglementaires spécifiques, qui ne relèvent pas strictement du droit du travail,
ont tout de même été adoptés en faveur des handicapés : carte d’invalidité, mesures
sociales en faveur des personnes handicapées3.
1 Les ateliers protégés sont des établissements destinés à faciliter l’insertion des handicapés en milieu professionnel
par des structures proches de l’entreprise ordinaire. La rémunération peut y être inférieure au SMIG. V. Laurent
VISIER, Les relations et les conditions de travail en milieu protégé, RIT, vol. 137, 1998, pp. 374 à 393.
2 V. Jean SAVATIER, La visite de reprise effectuée par le médecin du travail à l’issue d’une absence pour maladie
personnes handicapées, J. O. BF. Du 10 février 1994, p. 150; Droit social, p. 368; Zatu n° 86-5 du 16 janvier 1986
portant adoption de mesures sociales en faveur des personnes handicapées, J. O. BF. Du 23 janvier 1986, p. 58;
Code social, p. 365. V. également le Kiti n° An VI-273 du 13 février 1987 portant exécution dans le cadre de
l’éducation nationale des dispositions de la Zatu 86-5 du 16 janvier 1986 portant adoption de mesures sociales en
faveur des personnes handicapées, J. O. BF. Du 9 février 1987, p. 165, Code social, p. 366; et le Kiti n° 86-149 du
30 avril 1986 portant dispositions à prendre en faveur des handicapés dans la construction des bâtiments, J. O. BF.
du 8 mai 1986, p. 312; Code social, p. 366.
4 Les textes d’application en matière d’hygiène et de sécurité demeurent ceux pris dans les années 1954-1955 en
application du code de 1952. V. pour une liste exhaustive, Code social, pp. 50 et s., note 116.
177
l’employeur recouvrent trois aspects : la prévention des risques, la tenue d’un service
médical et la création d’organes chargés de la prévention.
Mais surtout, une des obligations nouvelles de prévention collective prévue par
l’article 225 est que l’employeur est tenu annuellement d’élaborer et de mettre en
œuvre un programme d’amélioration des conditions et du milieu de travail. Cet article
définit la prévention comme un ensemble de mesures comprenant : des mesures
d’organisation du travail ; des mesures d’organisation de la médecine du travail ; des
mesures d’organisation de la sécurité au travail ; et des mesures techniques appliquées
aux nouvelles installations ou aux nouveaux procédés lors de leur conception ou de
leur mise en place ou par des adjonctions techniques apportées aux installations ou
procédés existants. De plus, l’article 228 crée un « registre de sécurité » destiné à
permettre le respect de l’obligation de vérifier au moins une fois par trimestre toute
machine, tout matériel ou équipement dont la défectuosité est susceptible
1 V. l’arrêté n° 5253 /ITLS/AOF du 19 juillet 1954 sur les obligations de l’employeur en matière d’hygiène et de
sécurité, Recueil annoté, annexe n° 72 ; Code social, p. 397 ; et les articles 138 à 142 et 219 à 239 C.trav.
178
d’occasionner un accident. La liste des équipements soumis aux vérifications
périodiques devra être fixée par voie réglementaire.
208. Selon l’article 226, si les mesures collectives ne sont pas suffisantes pour
garantir la sécurité et la santé des travailleurs, l’employeur doit mettre en œuvre des
mesures de protection individuelle en fournissant un équipement approprié (exemple :
chaussures, casque, masque à gaz, salopette, etc.). Il lui revient de veiller au port de
cet équipement par le travailleur avant d’être admis à son poste.
concernant les services médicaux ou sanitaires d’entreprise, J. O. AOF du 29 janvier 1955, p. 213 ; Code social, p.
415 ; et l’arrêté n° 397 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la
fixation des moyens minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J. O. AOF du
29 janvier 1955, p. 215 ; Recueil annoté, annexe n° 74 ; Code social, p. 419. L’article 2 de ce dernier arrêté classe
les entreprises en cinq catégories allant des entreprises de 1000 travailleurs et plus qui doivent s’attacher les
services permanents du médecin et de plusieurs infirmiers, aux entreprises de moins de cents travailleurs qui ne
sont obligées que de s’attacher les concours périodiques d’un infirmier.
179
travail ». Cette disposition a été reprise mais appuyer par un certain nombre de
précisions sur leur rôle et leur organisation.
1 V. Le Kiti n° An IV-429 CNR/SAN du 31 juillet portant création d’un établissement public dénommé « Office de
santé de travailleur » (OST), J. O. BF du 6 août 1987, p. 761, Code social, p. 52 ; le Kiti n° An IV-430 du 31 juillet
1987 portant statut particulier de l’Office de santé des travailleurs modifié par le Kiti An VII-399 du 25 juillet
1990, Code social, p. 436 ; ainsi que l’arrêté n° 40 MSP/FP du 31 août 1986 portant tarification des actes de la
médecine du travail, Code social, p. 431.
2 V. article 242 C.trav.
180
travailleurs un comité de sécurité et de santé1 qui remplace le comité d’hygiène et de
sécurité dont la composition et le fonctionnement était précisés par arrêté 2. La
différence par rapport aux structures médicales et sociales est que les comités de
sécurité et de santé sont des structures paritaires où sièges des représentants des
travailleurs. Dans les établissements de moins de trente travailleurs, l’inspecteur du
travail peut imposer la création d’un comité de sécurité et de santé si cette mesure est
nécessaire, notamment en raison de la nature des travaux ou de l’équipement des
locaux. A partir de cinquante travailleurs, les entreprises industrielles ont l’obligation
de créer un service de sécurité. La différence nous semble être, faute pour le moment
de texte d’application, que le service de sécurité est une structure technique dépendant
de l’employeur, qui peut être l’interlocuteur quotidien du comité de sécurité et de
santé. Les représentants du personnel doivent bénéficier, à la charge de l’employeur,
de formation à l’exercice de leurs missions. Cette formation doit être renouvelée après
un mandat consécutif de six années3. L’employeur doit leur présenter annuellement,
ainsi qu’aux représentants des travailleurs, un rapport sur l’hygiène et la sécurité dans
l’entreprise, en relation avec le programme annuel d’amélioration des conditions et du
milieu de travail.
181
CHAPITRE III – LA REGLEMENTATION PORTANT SUR LE SALAIRE
212. La notion de salaire n’a pas reçu de définition légale précise. Le code du
travail burkinabè utilise indifféremment les termes rémunération, traitement ou
salaire. L’article 140-2 C. trav. français donne plutôt une définition de la
rémunération, qui montre une pluralité d’entendement du salaire : « par
rémunération… il faut entendre le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum
et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en
espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce
dernier ». Cette définition fait ressortir une nuance entre la rémunération, qui
désignerait le salaire entendu au sens large, comprenant le salaire de base augmenté
des compléments de salaire et le salaire au sens étroit qui serait la rémunération
ordinaire ou « salaire de base ».1
1V. J. PELISSIER, A. SUPIOT et A. JEAMMAUD, op. cit. n° 986. V., sur la notion de salaire : G. LYON-CAEN,
Traité de droit du travail (dir. G.-H. CAMERLYNCK), Dalloz, t. 2 ; D. HENNEBELLE, Essai sur la notion de
salaire, thèse, P .U. Aix –Marseille, 2001 ; P. -H ANTOMATTEI, La qualification du salaire, Dr. soc. 1997.571.
182
SECTION I - LES ELEMENTS DE LA REMUNERATION
213. La rémunération peut comprendre le salaire au sens strict ou salaire de
base et des accessoires de salaire. La forme de la rémunération choisie, en principe,
peut également varier.
A – LE SALAIRE AU TEMPS
183
inciter le travailleur à améliorer son rendement. Celui-ci peut même être tenté d’en
faire le minimum parce qu’il ne risque pas une baisse de rémunération1.
B – LE SALAIRE AU RENDEMENT
1 V. Soc. (fr) 12 avril 1995, Dr. soc. 1995.599, note Savatier (condamnation de la réduction de salaire pour baisse
de rendement à l’occasion d’une « grève perlée).
2 Martine MEUNIER BOFFA distingue quatre types de salaires au rendement : les primes de rendement, les
notations établies par rapport à une liste de critères, le salaire aux pièces et le salaire à la tâche : in Droit du travail
et protection sociale, Les cours de droit, Litec, 1998, p. 42.
3 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 52, 17 mai 1994, 2. K c/ SBTR (arrêt rendu sur recours contre le jugement du
184
rémunération des services est constituée, en totalité ou en partie, par des commissions,
des primes et prestations diverses ou des indemnités représentatives de ces prestations,
dans la mesure où celles-ci ne constituent pas un remboursement de frais, il en est tenu
compte pour le calcul de la rémunération pendant la durée du congé, des indemnités
de préavis, des dommages-intérêts ». Cet article laisse entendre que la rémunération
peut être en « totalité ou en partie » constituée par des commissions ou primes…En
réalité il sera peu probable que l’on se situe dans le cadre d’un contrat de travail si la
rémunération est constituée en totalité de commissions1. Mais il n’est pas rare que,
combinant la rémunération au temps et au rendement, des commissions ou primes
viennent s’ajouter à la rémunération de base, comme éléments incitatifs.
Selon l’article 180, al. 1, C. trav. (art. 109 du code de 1992), « la rémunération
d’un travail à la tâche ou aux pièces doit être calculée de telle sorte qu’elle procure au
travailleur de capacité moyenne et travaillant normalement, un salaire au moins égal à
celui du travailleur rémunéré au temps effectuant un travail analogue ». L’article 39
CCIP du 9 juillet 1974 prévoit les réserves suivantes : le travailleur doit toujours être
assuré de recevoir un salaire au moins égal au salaire minimum de la catégorie dont
relève l’emploi considéré ; les tarifs de travail doivent être établis de façon que
l’ouvrier de capacité moyenne ait la possibilité de dépasser le salaire minimum de sa
catégorie ; il ne peut être imposé au travailleur une durée de travail supérieure à celle
de son atelier ou chantier, sauf dérogation prévue par la réglementation ; des mesures
doivent être prises pour éviter le surmenage du personnel travaillant au rendement.
Pour éviter de tomber sous le coup de ces restrictions, l’employeur doit adopter une
formule combinant le salaire au temps comme rémunération de base et une prime au
rendement2. Pour que le salarié soit informé de cette réglementation limitative,
l’article 181 C.trav. impose à l’employeur d’afficher à ses bureaux et sur les lieux de
1 C. A. de Ouagadougou arrêt n° 52 du 17 mai. 1994, op. cit.
2 Voy. Issa Sayegh, op. cit. p. 516.
185
paie les taux minima de salaires ainsi que les conditions de rémunération du travail à
la tâche ou aux pièces.
186
deux heures et demi de travail1, selon l’article 5 du décret 77-312. En ce qui concerne
les gens de maison, le Kiti An VI-209 du 15 mars 1989 prévoit les sommes de 10095
FCFA pour la nourriture et de 2194 FCFA pour le logement2.
1) Les gratifications
222. Les gratifications sont des sommes d’argent remises par l’employeur au
travailleur pour marquer sa satisfaction du travail accompli, ou à l’occasion
d’événements familiaux intéressant le salarié (mariage, naissance, décès…). Ce sont
1 Décret n° 77-312/PRES/FPT du 17 novembre 1977 déterminant les cas et les conditions dans lesquelles la ration
journalière de vivres doit être fournie, J. O. RHV du 15 décembre 1977, p. 1019 ; Recueil annoté, n° 29 ; Code
social, p. 147.
2 Décret n° 77-311/PRES/FPT du 17 août 1977, J.O. RHV du 22 janvier 1977, p. 1046 ; Recueil annoté annexe n°
8 ; Code social, p. 144 ; et le Kiti n° An VI-209 du 15 mars 1989 portant modification des salaires minima des gens
de maison (non publié au J. O) ; Code social, p. 381.
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 56 du 6/11/1981, SOFITEX c/ Ouédraogo I.
4 Voy. Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 12 du 9 mars 1993 ; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 26 octobre 1981,
RVD n° 5, février 1984, p. 65 ; Cour d’appel de Ouagadougou, 19 fév. 1982, RVD n°5, février 1984, p. 68.
5 Ce sont des avantages généralement liés à l’occupation d’une fonction de responsabilité de niveau élevé.
6 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5 du 23 janvier 2001, SCFB c/ Nana D. Pierre (frais médicaux, dépassement,
187
des libéralités, c’est-à-dire des dons à titre humanitaire, amical ou de récompense, qui
ne reposent pas sur une obligation contractuelle, conventionnelle ou légale.
indiqué).
188
la moitié du salaire d’un mois sans que cela ne le lie pour l’année prochaine. S’il a
l’habitude d’accorer un supplément de salaire en décembre, les travailleurs intègrent
psychologiquement ce supplément dans leur rémunération de fin d’année. Il ne pourra
s’en dégager que par une remise en cause expresse et motivée, par le mauvais résultat
de l’entreprise, par exemple.
2) Les primes
Il faut donc faire la différence entre les primes qui constituent des
compléments de salaires et celles qui ne le sont pas ; les primes sont considérées
1 Suivant l’article 47 CCIP, la prime d’ancienneté est calculée sur le salaire minimum de la catégorie du travailleur.
Cette prime est de 3% après trois années de présence et de 1% par année supplémentaire après trois ans. V.
également le décret n° 60-72 du 26 février 1960 fixant les catégories professionnelles, les salaires minima par
catégorie professionnelle, les primes d’ancienneté, les conditions d’octroi de l’indemnité de licenciement et les
conditions et la durée du préavis pour les professions et branches d’activités non régies par les conventions
collectives, modifié par le décret 97-7 du 15 janvier 1997 (Code social, p. 103) et le décret 2000-301 du 6 avril
2000 (J. O. BF. Du 20 juillet 2000, p. 4306). Selon ce décret, la prime d’ancienneté est de 3% après trois ans de
présence continue dans l’entreprise, de 5% après cinq ans et de 1% par année de service de la 5 ème à la 15ème année
incluse.
2 V. art. 48 CCIP ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 87 du 24 août 1993, Diolompo Sansan c/ Air Afrique
(selon le tribunal, la notion d’expatrié ne peut s’appliquer à un ressortissant d’un Etat membre de la compagnie
sinon il n’y aurait que des expatriés dans la compagnie Air Afrique). V. également, sur les primes, Trib. Trav.
Koudougou, 1er juillet 1988, RBD, juillet 1989, p. 289.
189
comme des compléments de salaire dès lors qu’elles sont périodiques. Certaines
primes constituent en réalité des remboursements de frais. C’est le cas par exemple de
la prime de salissure qui vise à compenser les frais de lavages fréquents. Il peut en être
de même des primes d’habillement servies lorsque l’emploi comporte une exigence
particulière de bonne tenue vestimentaire, en dehors des uniformes de travail qui sont
à la charge de l’employeur.
3) Les indemnités
4) Les pourboires
225. Le pourboire est une somme d’argent versée au travailleur, non par
l’employeur, mais par un tiers pour marquer sa satisfaction ou par obligation imposée
par l’usage. Il est une simple libéralité. Mais dans certains cas, le pourboire peut
changer de nature pour constituer un véritable complément de salaire prévu par les
parties ou par l’usage. Dans certains pays et dans certaines professions, le pourboire
peut même être inclus dans la facture : l’employeur se charge de collecter les
pourboires et de les repartir périodiquement entre les travailleurs qui y ont droit,
généralement ceux qui sont en contact avec la clientèle. Le pourboire, dans ce cas, est
un élément du salaire. Le pourboire versé par le tiers est licite s’il ne se fait pas à
l’insu de l’employeur. Par contre, versé à son insu, il peut prendre le caractère d’une
rémunération occulte, au détriment de l’employeur, et tomber sous le coup de la
corruption constitutive d’une faute grave pour le travailleur.
1Selon l’art. 46 CCIP, c’est une indemnité servie aux travailleurs qui effectuent au moins six heures de travail de
nuit ou une séance de travail ininterrompue de dix heures dans la journée.
190
SECTION II - LA FIXATION DU TAUX DU SALAIRE
226. La fixation du salaire repose sur le principe de libre négociation entre les
parties. Le montant du salaire est en principe fixé dans le contrat par libre négociation
entre les parties. Mais cette idée de négociation est très souvent illusoire, surtout pour
les catégories de travailleurs autres que les cadres ou les travailleurs de très petites
entreprises d’un ou deux travailleurs. Une application intégrale de ce principe ferait la
part belle à l’employeur. Aussi, la législation et les conventions collectives essaient de
protéger au mieux le travailleur à travers une limitation de la liberté de l’employeur
dans la fixation du salaire. La négociation individuelle tend à perdre sa place pour
deux raisons : le rôle joué par les conventions collectives ; et l’obligation pour
l’employeur de respecter deux principes d’ordre public, le principe de non
discrimination et le SMIG.
191
collective des entreprises pétrolières1, par exemple, sont répartis en : manœuvre, aide-
ouvrier, ouvrier, ouvrier spécialisé, ouvrier qualifié, ouvrier hautement qualifié,
ouvrier très hautement qualifié. Chaque catégorie correspond à des emplois, que le
salarié peut occupé en fonction de sa formation et/ou de ses expériences
professionnelles, et est affectée d’indices de salaire. Les salaires minima de chaque
catégorie sont fixés et modifiés dans le cadre de la convention collective par une
commission mixte paritaire composée de représentants des employeurs et des
organisations syndicales signataires ou adhérentes.
1 Convention collective des entreprises pétrolière du 8 juin 1976, Code social, p. 229 et s.
2 Trib. Trav. Ouagadougou 28 juin 1988, Dao Oumarou c/ Cie aérienne UTA, RBD n° 16, juillet 1989, p. 283,
note. J. –F. Bouda.
3 Trib. Trav. de Ouagadougou, jugement n° 38 du 11 mai 1993 et jugement n° 51 du 25 mai 1993, inédits.
4 V. Ph. LANGLOIS, La Cour de cassation et le respect de la loi en droit du travail, D. 1997, chron. 45 ; F.
LEPANY, A travail égal, salaire égal, Dr. ouvrier 2001.201 ; P. RONGERE, A la recherche de la discrimination
introuvable : l’extension de l’exigence d’égalité entre salariés, Dr. soc. 1990.99 ; v. également, P. KIEMDE, note
192
A – LE PRINCIPE D’EGALITE
sous divers arrêts dans RBD n° 42, op. cit. ; Ch. RADE, observations sous, Soc. 18 janvier 2000, Dr. soc. 2000.436
et sous Soc. 18 mai 1999, Dr. soc. 1999.747.
193
1° - Une de ces difficultés peut tenir à l’emploi des travailleurs expatriés,
notamment européens, qui ont généralement des rémunérations plus élevées que celles
des travailleurs africains. La nécessité de cette disparité est reconnue à travers
l’indemnité d’expatriation dont le montant est librement fixé dans le contrat
individuel. Cette indemnité réservée, selon l’article 48 CCIP, « à tout travailleur
recruté hors du territoire national du Burkina Faso et déplacé de son lieu de résidence
habituelle », est normalement plus consistante que l’indemnité de résidence qui peut
être servie par l’employeur aux travailleurs nationaux en compensation d’une
obligation de résidence au lieu d’affectation. Elle peut être fixée de manière distincte
ou incorporée au salaire et crée, par conséquent, une différence notable de
rémunération qui peut faire penser à une discrimination raciale 1. Par ailleurs, lorsque
le salaire de base est supérieur à celui des travailleurs nationaux, le juge admet la
liberté de l’employeur d’accorder des salaires qui vont au delà des taux prévues par les
conventions collectives ou les grilles salariales de l’entreprise. Il faut dire que cette
question pose un dilemme car condamner l’employeur pour violation du principe de
non discrimination fondé sur l’origine (race ou nationalité), ce serait soit exiger un
nivellement par le haut, ce qui peut n’être pas dans les possibilités des entreprises, soit
un nivellement par le bas, ce qui équivaut à se passer des services de personnes qui
peuvent apporter leurs expériences, leurs notoriétés ou leurs relations2 ; D’une
manière générale, le même problème peut se poser avec les travailleurs très
hautement qualifiés et donc chers sur le marché du travail.
montant de cette indemnité est fixé à 4/10ème du salaire minimum de base de la catégorie professionnelle à laquelle
appartient le travailleur ».
3 Voy. Sentence arbitrale du 30 novembre 1994, projet bois de village Koudougou.
194
38 CCIP, est que « le salaire de chaque travailleur est fonction de l’emploi qui lui est
attribué dans l’entreprise ».
B – LE SMIG
1 V. également l’article 5 du décret 60- 72 du 26 février 1960 fixant les catégories professionnelles, les salaires
minima par catégories professionnelles, les primes d’ancienneté, les conditions d’octroi de l’indemnité de
licenciement et les conditions et la durée du préavis pour les professions non régies par les conventions collectives,
modifié par le décret 2000-301 du 6 avril 2000, code social, p. 103.
2 V. Trib.trav. Ouagadougou, 31 juillet 1995, RBD n° 29, 1 er semestre 1996, note L. Ibriga ; et l’arrêt rendu dans la
même affaire : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 81/96 du 20 avril 1996, Mme Konaté G. et 3 autres contre FONCIAS.
(commission irrégulièrement composée). V. également, Hubert GROUTEL, note sous Cass. Ass. Plén. (fr), Société
« Belle jardinière » c/ dame Bourasseau, JCP 1976, II, 18481.
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 82 bis du 26 juillet 1991, in Zombré et SY, Recueil, p. 70. (le salaire convenu
étant impossible à déterminer, faute de document écrit, la Cour a retenu le SMIG comme base de calcul des droits
liés à la rupture).
4 Cf. Décret n° 63/PRES/AST du 20 février 1960 portant modification du tableau type du minimum vital (non
publié).
5 Cependant, semble demeurer le décret n° 82-006/PRES/CMRPN/AET/MF du 19 janvier 1982, fixant les salaires
minima du personnel temporaire en service dans les missions diplomatiques et consulaires de Haute Volta à
l’étranger, Recueil annoté annexe n° 36.
6 Voy. Décret n° 76-188/PRES du 28 mai 1976, portant création d’une commission nationale du salaire minima
interprofessionnel garanti (J. O. RHV. du 17 juin 1976, p. 430) modifié par le décret 79-399 du 18 octobre 1979,
Recueil annoté, annexe n° 31 ; Code social, p. 380. V. également la convention OIT n° 26, 1928 sur les méthodes
de fixation des salaires minima (code social p. 298) et la convention OIT n° 131, 1970 concernant la fixation des
salaires notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement (Code social, p. 343).
195
panier du SMIG1. Contrairement au système de salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC) qui est indexé sur l’évolution de la croissance et donc de l’indice
des prix à la consommation afin de garantir le pouvoir d’achat des salariés, l’évolution
du SMIG se base sur deux critères : l’évaluation du minimum vital du travailleur non
qualifié et les conditions économiques générales du pays.
Le SMIG est actuellement fixé à 166,034 Fcfa par heure dans toutes les
professions non agricole, soit 28778,673 Fcfa par mois. Le salaire minimum
interprofessionnel garanti des travailleurs agricoles et assimilés est fixé à 152,46 Fcfa
par heure ou 1219,68 Fcfa par journée pour 8 h de travail, soit 26425,89 Fcfa2, si l’on
multiplie le salaire horaire par 173,33.
Le SMIG et le SMAG ont un caractère d’ordre public, c’est à dire que c’est un
minimum en deçà duquel l’employeur ne peut descendre. Mais la jurisprudence
burkinabè a une interprétation plus souple : en cas de réclamation de différentiel de
salaire pour non respect du SMIG ou de la grille salariale minimale de l’entreprise à
l’occasion de la rupture du contrat de travail, elle considère que le travailleur qui
1 Voy. L’arrêté 94-5 METSS du 17 mai 1994 fixant le nombre et la répartition des représentants des travailleurs et
des employeurs au sein de la commission mixte chargée de la fixation ou de la modification des salaires de la
convention collective interprofessionnelle, Code social, p. 391 ; ainsi que l’arrêté n° 94-6 du même jour relatif aux
travailleurs relevant des conventions collectives sectorielles, Code social, p. 392.
2 Voy. Décret n° 99-081 du 6 avril 1999, fixant les salaires minima interprofessionnels garantis, Annuaire officiel
du METSS, 2000, p. 106 ; ainsi que la décision de la commission mixte du 24 mai 1999, ibid, p. 107.
196
accepte mois par mois le salaire convenu a tacitement renoncé au droit qu’il tient du
SMIG ou de la grille salariale1. Pour l’appréciation du respect du SMIG, l’on prend en
compte le montant global de la rémunération versée au travailleur2, déduction faite des
sommes représentant des remboursements de frais réels. Ce montant doit être égal ou
supérieur au SMIG.
Le SMIG est fixé par décret en conseil des Ministres, mais les catégories
professionnelles et les salaires minima correspondants sont fixés par les conventions
collectives3. Ce n’est qu’à défaut ou en cas de silence des conventions collectives que
les salaires minima par catégories professionnelles peuvent être fixés par décret. Il en
est ainsi dans les branches d’activités non régies par des conventions collectives4.
1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 3 du 6 février 1970, Kam Ollé c/ BRAVOLTA, (SMIG, réajustement
rétroactif, non, renonciation tacite) ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 53 du 3 mars 1972, Maouzou née Cissé K. c/
Communauté musulmane (SMIG, renonciation tacite) ; C. A. Ouagadougou arrêt n° 64 du 7/6/1994, Thiombiano
B. c/ Total-Texaco, inédit ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 66 du 7/6/1994, Sao Jean Baptiste c/ jean Pierre
Chazeaud, inédit; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 5 juillet 1982, RVD n° 5 février 1984, p. 74; Trib. Trav.
Koudougou, 15 février 1984, RBD n° 9 janvier 1986, p. 93 ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 16 du 24 mars
1992, Dicko Oumar c/ SAED, inédit ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 55 du 13 octobre 1992, Mme Forogo
née Z.H. c/ Mme Zongo ; C. A. Ouagadougou, 17 juin 1997, Bouda M. et 40 autres c/ SELG, RBD n° 33, 1 er
semestre 1998, p. 153. Voy. Egalement Martin KIRSCH, Le droit du travail africains, T.1, p. 21. Toutefois des
requêtes de différentiel salarial sont acceptées pour sous classement dans les catégories professionnelles : Voy.
Trib. Trav. de Ouagadougou, jugement n° 38 du 11 mai 1993, Drabo Cheick Sékou c/ Entreprise Peyrissac, inédit ;
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 51 du 25 mai 1993 Sanfo Ousmane c/ Hôtel « Belle Vue » inédit ; C. A.
Ouagadougou, 8 mai 1987, RBD n° 14, 1988, p. 477.
2 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 526. L’article R.141-4 C.trav. (fr) précise que le salaire à comparer au SMIC est
celui correspondant à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses
ayant le caractère de fait d’un complément de salaire. V. PELISSIER et autres, op. cit. p. 1120.
3 Voy. l’article 179, al. 2, C. trav. (ancien art. 108) et les barèmes des salaires 1999 dans Annuaire officiel du
pour les branches d’activités non régies par les conventions collectives, J. O. BF. Du 20 juillet 2000, p. 4306
197
§ 1 – La monnaie de paiement
234. Suivant l’article 183 C. trav. (ancien article 112) « le salaire doit être payé
en monnaie ayant cours légal au Burkina Faso. Toute stipulation contraire est nulle de
plein droit ». Cette disposition exclut le paiement par bons, billet à ordre ou coupons.
Le paiement doit donc être effectuer en monnaie métallique ou fiduciaire : en espèce
dans la monnaie nationale, par chèque ou par virement dans un compte bancaire.
235. Le paiement doit être fait, sauf cas de force majeure, sur les lieux du
travail ou au bureau de l’employeur. Cette prescription ne vaut, évidemment, que pour
les paiements effectués par remise directe du salaire en espèces ou par chèque. Le
paiement par virement bancaire n’exige pas une telle précision, sauf à ne pas
contraindre inutilement le salarié à de longs déplacements. L’article 40 CCIP précise
que « le paiement a lieu pendant les heures de travail lorsque celles-ci concordent avec
les heures d’ouverture des caisses. Le paiement ne doit jamais être fait dans un débit
de boissons ou dans un magasin de vente, sauf pour les travailleurs qui y sont
normalement occupés. Le paiement ne peut être effectué le jour de repos du
travailleur. Le temps de paiement est considéré comme temps de travail.
ration journalière de vivres et le logement doivent être fournis, op. cit. Code social, p. 147 et p. 149. V. également
le décret 77-311 du 17 août 1977 fixant les conditions de travail des gens de maison (Code social, p. 144) et le Kiti
An VI-029 du 15 mars 1989 portant modification des salaires minima des gens de maison, op. cit. Code social, p.
381.
198
B – LA PERIODICITE DU PAIEMENT
236. Le salaire doit être payé à intervalles réguliers, selon une périodicité ne
pouvant excéder 15 jours pour les travailleurs engagés à l’heure ou à la journée et un
mois pour ceux engagés au mois1. Une exception peut être accordée aux professions
pour lesquelles des usages établis prévoient une périodicité différente. Le travailleur
journalier engagé à l’heure ou à la journée pour une occupation de courte durée doit
être payé chaque jour immédiatement après la fin de son travail, selon l’article 185 al.
1 C. trav. (ancien art. 113 al. I) et conformément à la définition du travailleur
journalier donnée par l’article 61, point 1, C.trav. (anciennement art. 13).
§ 3 - Le contrôle du paiement
Le contrôle du paiement est guidé par les pièces justificatives et les règles de
prescription. Les principales pièces exigées sont le bulletin de paie et le registre de
paiements.
1
Art. 185, C. trav.
2 Art. 185, al. 4.
199
A – LE BULLETIN DE PAIE ET LE REGISTRE DES PAIEMENTS
Les mentions contenues dans le bulletin de paie doivent être reprises dans un
registre dit « registre des paiements », qui doit être conservé par l’employeur pendant
un délai de dix ans à dater de sa clôture. Le registre ne doit contenir ni rature ni
surcharge. Il doit être coté, paraphé et visé par le président du tribunal du travail ou, à
défaut, par le président du tribunal de grande instance du lieu où l’employeur a son
principal établissement. Ce visa est délivré sans frais. La non tenue du registre des
paiements est sanctionnée d’une amende contraventionnelle de 5000 à 50000 FCFA
conformément à l’article 387, point 1, C.trav. Ce système de registre coté et paraphé,
qui reste dans le cadre du traitement manuel, semble quelque peu dépassé, du moins
pour les entreprises hautement informatisées. Mais le décret ne prévoit pas de formule
d’adaptation.
L’article 190 C. trav. (ancien art. 115) dispose qu’ « en cas de contestation sur
le paiement du salaire, des primes et des indemnités de toute nature, le non paiement
est présumé de manière irréfragable, sauf cas de force majeure, si l’employeur n’est
1 Trib. Trav. Ouagadougou, 26 mars 1998, RBD n° 35, 1 er semestre 1999, p. 135 (Accident du travail, obligation de
délivrer le bulletin de paie) ; C. S. BF, arrêt n° 15 du 2 juillet 1991, Congo B. c/ Tiendrébéogo B.
2 V. H. BLAISE et M.-T. LORANS, Le bulletin de paie : un mode rénové d’information et de preuve, Dr. soc.
200
pas en mesure de produire le registre des paiements dûment émargé par le travailleur
ou les témoins sous les mentions contestées, ou le double du bulletin de paie afférent
au paiement contesté, émargé dans les mêmes conditions ». les juges appliquent
strictement cette présomption irréfragable1.
Sous les régimes des codes de 1952 et de 1962 modifié en 1973, il était fait
une différence entre le délai de prescription de l’action en paiement de salaire, qui
était d’un an, et celle en fourniture ou en remboursement de prestations en nature qui
était de deux ans3. Sous la révolution d’août 1983, le délai de prescription était devenu
1 Trib. Trav. Ouagadougou, 26 avril 1988, Sawadogo Mamadou c/ Guigma Adama, inédit ; Trib. Trav.
Ouagadougou, jugement n° 20 du 13 avril 1993, Singbéogo Larba Joachin c/ Compaoré Noufou, in Zombré et SY,
Recueil, p. 76 ; C. A. Ouagadougou, 3 mars 1989, RBD n° 22 de juillet 1992, p. 317 ; Trib. Trav. Ouagadougou,
jugement n° 53 du 13 octobre 1993, in Zombré et SY, Recueil, p. 72 ; Trib. Trav. Koudougou, jugement n° 2 du 7
janvier 1994, in Zombré et Sy, Recueil, p. 76 ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 31 du 2 juin 1998, F. Guirma c/
Tapsoba E. (salaire, preuve du paiement, non paiement présumé).
2 V. R. LEMESLE, op. cit. p. 180.
3 V., sur les décisions judiciaires rendues sous l’empire des anciens codes : Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n°
85 du 24 août 1993, Zoundi Gnombi c/ Tassembédo Tasséré, inédit ; Trib. Trav. Ouagadougou, 24 juillet 1979,
RVD n° 3 de janvier 1983, p. 81 ; C. A. Ouagadougou, 15 juillet 1990, RBD n° 22 de juillet 1992, p. 328. Dans cet
arrêt, le délai de prescription n’a pas joué parce que la décision a été rendue sous l’empire de l’ordonnance 85-
201
hypothétique parce que l’ordonnance 85-45 CNR/PRES du 29 août 1985 autorisait le
juge à faire droit à toute demande manifestement juste sans tenir compte du
formalisme juridique et des délais de prescription.
45/CNR/PRES du 29 août 1985 portant fonctionnement des juridictions au Burkina Faso, qui permettait au juge de
passer outre les considérations de forme pour recevoir les demandes manifestement justes.
1 Art. 199 C. trav., (ancien art. 124 al. 1 du code de 1992). V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 1 du 18 janvier 1999,
Ouattara Sibo J. c/ CNSS (révision de carrière, prescription, demande faite 4 ans après la retraite, sans objet,
absence d’intérêt à agir).
2 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1024 ; F.-J. PANSIER, Droit du travail, op. cit. p. 127.
3 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1024, p. 1140.
4 Contra : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 42/90 du 15 juin 1990, in Zombré et Sy, Recueil, p. 68 (la méconnaissance
par les travailleurs de leurs transferts à un autre employeur fait obstacle à la prescription annale).
202
collective sans avoir été reclassé. La société FASO FANI, autre entreprise publique
aujourd’hui liquidé faute de repreneur, avait été soumise à de nombreuses actions en
paiement de différentiels de salaires, au moment même où elle était dans des
difficultés financières. Il nous semble qu’il aurait mieux valu, à l’instar de certains
codes1, porter le délai de prescription à cinq ans plutôt que d’adopter le système de la
suspension du délai de prescription tant que le travailleur demeure dans l’entreprise,
en raison du potentiel d’insécurité juridique de ce système, en contradiction avec la
logique de la courte prescription des dettes périodiques. L’article 207, alinéa 2, précise
que pour le paiement des intérêts de sommes retenues injustement, le délai de
prescription court à partir de la rupture du contrat.
Néanmoins, le travailleur dispose d’un ultime moyen prévu par l’article 200
C.trav., pour surmonter l’exception de prescription, celui de déférer le serment à
l’employeur ou à son représentant, sur la question de savoir si le salaire qu’il réclame
a été payé. Si celui-ci reconnaît sa dette, même implicitement ou refuse de prêter
serment, la prescription devient trentenaire4. L’aveu de l’existence de la dette peut être
tacite. Il peut par exemple résider dans le fait, pour l’employeur, de contester le
montant de la rémunération ou le droit du travailleur au classement ou à l’indemnité
1 L’article L. 135 C. trav. sénégalais et l’article L. 143-14 C. trav. français retiennent le délai de cinq ans, le code
civil français étendant cette prescription quinquennale aux dettes périodiques. L’article L. 118 C. trav. malien
retient le délai de trois ans, l’article 169 C. trav. nigérien celui de deux, tandis que l’article 33.5 C.trav. ivoirien
s’en tient à un délai d’un an. Tous ces codes admettent que la prescription a lieu quoiqu’il y ait continuation des
services du travailleur.
2 Terme vieilli désignant une catégorie de revenus soumise à l’impôt sur le revenu. Ce terme archaïque de cédule
aurait pu être évité dans un souci de bonne information du justiciable. Le code ivoirien, qui donne un effet
interruptif à ces actes, utilise un langage plus accessible : selon l’article 33.6 de ce code, « la prescription a lieu
quoi qu’il y ait continuation du travail. Elle n’est interrompue que par : une reconnaissance écrite de l’employeur
mentionnant le montant du salaire dû ; une réclamation du travailleur lésé adressée à son employeur par lettre
recommandée avec accusé de réception ; une requête adressée à l’inspecteur du travail et des lois sociales avec
accusé de réception ; une requête déposée au tribunal du travail et enregistrée au greffe ».
3 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. pp 551 et s. V. également les articles 2244 et s. du code
civil burkinabè, sur la distinction entre les causes qui interrompent et les causes qui suspendent le délai de
prescription.
4 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 56 du 21 mars 1995, in Zombre et Sy, Recueil, p. 82 ; C. A. Ouagadougou, arrêt
n° 55 du 15 avril 1997, Nabolé Salfo c/ NOVA SERVICE (priorité de réembauchage, salaire en deçà du SMIG,
prescription trentenaire).
203
réclamé(e). Cette contestation peut être considérée comme une tacite reconnaissance
de non paiement1.
242. Les retenues obligatoires sont évoquées de manière indirecte par l’article
203, alinéa 1, C.trav. qui interdit les retenues « en dehors des prélèvement obligatoires
et des consignations qui peuvent être prévues par les conventions collectives… ». Ces
prélèvements obligatoires concernent surtout l’impôt unique sur les traitements et
salaires (IUTS) et les cotisations de sécurité sociale dont une partie est à la charge du
salarié. En dehors de ces cas, les conventions collectives peuvent prévoir des
cotisations complémentaires d’assurance sociale ou de mutuelle de sécurité sociale
pour lesquelles l’employeur doit opérer des retenues à la source sur les salaires.
Les consignations, qui peuvent être prévues par la loi, les conventions
collectives ou les contrats, sont également des retenues obligatoires. Par exemple, les
comptables doivent constituer une caution qui est réunie par prélèvement sur le salaire
ou les indemnités de responsabilité3. Selon l’article 209 C.trav. « le cautionnement est
1 C. A. HV., arrêt n° 33 du 7 novembre 1969, Ministre du travail et de la fonction publique c/ Ouédraogo Paul. V.
également, ISSA-SAYEGH, L’appréciation par les juridictions sociales des présomptions des articles 116 et 125
du code du travail relatives à la preuve du paiement, Colloque ASEJ sur la liberté d’appréciation du juge en droit
sénégalais, Revue sénégalaise de droit, n° 28, p. 124.
2 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. pp. 538 et s. Babacar KEBE, Protection de la créance de
salaire en droit sénégalais, Revue sénégalaise de droit, n° 12, p. 263 ; B. SOINNE, Le règlement des créances
salariales dans le redressement judiciaire, Dr. soc., n° spécial, décembre 1987 ; Y. CHAGNY, La situation des
salariés de l’entreprise en difficulté, RJS 1999.743 et 819 ; Keba MBAYE, La saisie-arrêt des rémunérations du
travail, Encyclopédie juridique de l’Afrique, vol. 4, pp. 272 et s.
3 Voy. les articles 209 et s. C. trav. (anciens 131 à 134) sur le cautionnement.
204
un contrat par lequel un travailleur dépose une somme d’argent entre les mains de son
employeur au moment de la conclusion du contrat de travail à l’effet de garantir la
restitution des liquidités que ce travailleur peut perdre ou dissiper à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions ». L’article 211 C.trav. fait obligation à l’employeur de
mettre en dépôt le cautionnement dans une institution financière (caisse publique,
banque…) habilitée à recevoir des dépôts. L’alinéa 3 précise que l’employeur peut,
pour constituer le cautionnement, procéder par retenues successives sur le salaire dans
la limite de la quotité cessible et saisissable, après avis du tribunal du travail.
243. L’employeur ne doit pas porter atteinte à la libre disposition par le salarié
de ses rémunérations par des prélèvements non autorisés ou en dehors d’une cession
volontaire. L’article 202 interdit à l’employeur d’infliger des amendes au travailleur
pour quelque motif que ce soit, en précisant que cette disposition est d’ordre public.
L’employeur peut être tenté d’infliger des amendes qu’il prélève sur le salaire pour
des malfaçons, des détériorations non volontaires de matériels, des manquements à la
discipline. De telles pratiques sont illégales1.
Sont par contre autorisées certaines retenues, pourvu qu’elles se fassent dans le
cadre de la réglementation : les remboursements de fourniture de prestations en
nature, les remboursements de prêts ou avances, les compensations.
245. L’article 203 C.trav. interdit à l’employeur d’opérer des retenues sur les
salaires en dehors d’une cession volontaire à concurrence de la portion du salaire
1 Ces pratiques semblent pourtant subsister dans certains secteurs d’activités, bien qu’elles n’émergent pas dans le
contentieux social : retenues pour bris de verres dans les débits de boissons ; amendes au vigile (gardien de société
de gardiennage) qui dort ou arbore une tenue négligée etc. Les retenues, dans les débits de boissons, sur le salaire
du serveur qui a laissé partir un client sans payer peuvent être diversement interprétées : retenue illégale pour
négligence dans l’exécution des tâches, faute de gestion ou à un détournement déguisé s’il n’est pas établi que le
client est parti sans payer.
2 V. l’art. 179 C.trav. qui prévoit que des décrets fixent éventuellement les modalités d’attribution d’avantages en
205
cessible ou de saisie-arrêt1. Les retenues pour avances consenties au travailleur sont
possibles parce qu’elles reposent sur un accord entre l’employeur et le travailleur. Ce
sont des facilités de prêts à la consommation ou d’installation, concédées
unilatéralement par l’employeur ou prévues dans le cadre de négociations entre
l’employeur et les représentants des travailleurs. Pour l’application de ces textes, il
faut faire la différence entre les avances et les acomptes.
Les avances sont des prêts consentis par l’employeur pour être remboursées
par prélèvements successifs sur les salaires2. Ce sont des sommes allouées au
travailleur au-delà de la rémunération. Par exemple, les entreprises accordent souvent
des prêts pour l’achat de moyens de déplacement (bicyclette, vélomoteur,
automobile…) ou des prêts d’installation (matériaux de construction, mobiliers). Ces
avances peuvent être déduites du salaire dans le respect des quotités cessibles ou
saisissables et de la procédure de cession.
Les acomptes sont des paiements partiels sur salaire déjà acquis correspondant
à la rémunération d’une période de travail effectuée. L’acompte est entièrement
déductible. C’est le remboursement des avances qui fait l’objet d’une réglementation
spéciale3.
1 V. C. S. BF, arrêt n° 6 du 15 juin 1993, Zoungrana Pierre R. C/ Tapsoba François-Xavier. (saisie conservatoire,
plainte au pénal, application de l’adage « le criminel tient le civil en l’état ») ; C. S. BF, arrêt n° 10 du 7 décembre
1993, Toé Idrissa c/ CNCA (ordonnance d’injonction de payer, saisie-arrêt sur salaires de l’aval, procédure de
saisie annulée en appel, irrecevabilité du pourvoi pour absence de mémoire ampliatif).
2 V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 90 du 9 août 1999, GMB c/ Héma A. (indemnité de départ à la retraite,
avances).
3 V. Trib. Trav. Koudougou 19 mai 1982, RVD n° 4, p. 209 ; C. S. BF, arrêt n° 17 du 21 décembre 1993, Konaté
G. c/ Touré D. (reconnaissance de dette, vice de violence, validité de la créance reposant sur d’autres moyens de
preuve).
4 Art. 203 al. 2 C. trav.
206
l’article 1er de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 pris en application de l’article
108 de ladite loi, modifié par le décret n° 57-471 du 8 avril 19571.
3) Les compensations
207
La compensation ne peut se faire que par voie judiciaire et dans le respect de la
quotité insaisissable. L’employeur doit consigner les sommes litigieuses, représentant
tout ou partie de la fraction saisissable, entre les mains du président du tribunal du
travail. Le président fixe une date d’audience (la plus proche possible) et rend sa
décision qui est immédiatement exécutoire nonobstant opposition ou appel1. La
suspicion à l’égard de la compensation vaut aussi pour les transactions, qui ne sont
opposables au travailleur que si elles ont été faites devant l’inspecteur du travail ou
devant le juge. La nullité de la « mention pour solde de tout compte » est une façon
d’empêcher l’employeur de se prévaloir de concessions réciproques que les parties se
seraient faites pour mettre fin à une contestation sur des sommes dues.
Suivant l’article 173 AU. RVE « tout créancier muni d’un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des
rémunérations dues par un employeur à son débiteur ». Cette disposition est une
innovation plus protectrice du salarié, en ce qu’elle exige que le créancier soit
détenteur d’un titre exécutoire. Par ailleurs, selon l’article 175 de cet acte, les
rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire. Les proportions de
la rémunération pouvant être cédées ou saisies sont déterminées par chaque Etat-
partie.
1Article 186
2V. J. O. OHADA n° 6 du 01/6/98, pp. 1 et s. ; Code social, pp. 281 et s. et notamment pp. 313 et s. Sur la saisie
des rémunération, v. OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, pp. 703 et s., commentaires A.-M.
ASSI-ESSO. V. également, J. ISSA-SAYEGH, Présentation de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, Penant 1998, n° 827 pp. 204 et s.
208
Quant à la procédure de saisie, elle doit être précédée par une phase de
conciliation sur requête du créancier adressée à la juridiction compétente (la
juridiction du travail). La juridiction convoque les parties pour la conciliation et dresse
procès-verbal de conciliation ou de non conciliation. En cas de non conciliation, le
créancier peut procéder à la saisie après que le Président du tribunal ait vérifié le
montant de la créance en principal, les intérêts et les frais et éventuellement tranché
des contestations soulevées par le débiteur. Le greffier notifie l’acte de saisie dans les
huit jours de la non conciliation et cette notification frappe d’indisponibilité la quotité
saisissable du salaire. L’employeur doit adresser tous les mois le montant des sommes
retenues, en respectant la portion saisissable, au greffe du tribunal (ou à l’organisme
désigné à cet effet par chaque Etat). Il revient au greffe ou à l’organisme désigné de
reverser au créancier ou, en cas de pluralité de créanciers, de répartir la somme, en
tenant compte, s’il y a lieu, des privilèges, entre les créanciers qui ont régulièrement
fait intervention dans la procédure afin de participer à la répartition.
La cession de salaire à un tiers est analogue à celle prévue dans les rapports
entre l’employeur et le travailleur. La cession ne peut être consentie, quel qu’en soit le
montant, que par déclaration du cédant en personne au greffe de la juridiction de son
domicile ou du lieu où il demeure1. La juridiction vérifie le respect de la quotité
cessible et notifie la déclaration au cessionnaire.
privilège de la créance de salaire, Revue sénégalaise de Droit, n° 12, p. 273 ;H. BLAISE, Les créances garanties
par l’AGS, Dr. soc. 1994,.778 ; DERRIDA, Le super privilège des salaires, D. 1970.161 ; M. RAMACHERS, Le
super privilège des salariés, la subrogation de l’AGS et le redressement judiciaire : du mythe à la réalité, D. 1989,
209
A – LE PRIVILEGE GENERAL
249. Aux termes de l’article 2095 C.civ. « le privilège est un droit que la
qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers même
hypothécaires ». Les rémunérations bénéficient d’un privilège général qui s’exerce,
sans avoir été publié1, dans l’ordre de préférence prévu par les textes.
250. Les bénéficiaires de ce privilège sont les travailleurs et les apprentis, quelle
que soit la durée de leurs contrats. Sont aussi bien couverts les journaliers, les
saisonniers et les titulaires de contrats à l’essai ou de contrats de travail temporaire.
Les créances garanties sont les rémunérations au sens, selon l’article 191 C.trav., « de
salaire proprement dit quelle que soit son appellation, des accessoires de salaire, de
l’allocation de congé payé, des primes, des indemnités et des prestations en nature ».
Ce sont, selon l’expression de l’article 192 C. trav., « la créance de salaire et autres
créances du travailleur qui découle du travail… » Cette formule permet d’inclure les
indemnités de licenciement et même les dommages et intérêts ou indemnités pour
licenciement abusif, parce que, sans être des salaires, ce sont des créances relevant de
la rupture du contrat de travail et, par conséquent, de la relation de travail. N’en
seraient exclues que les dettes de l’employeur à l’égard du travailleur, extérieures à la
relation de travail. Ce privilège s’étend donc à tout le salaire et aux accessoires du
salaire, primes, indemnités de congés payés, indemnités de préavis, indemnités de
licenciement, dommages intérêts.
chron.301 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, L’efficacité des sûretés garantissant les créances salariales, Dr. soc.
1987.842.
1 V. l’article 107 AU. S. sur les privilèges généraux non soumis à publicité.
2 L’article 2101 C. civ. Concerne les biens meubles mais l’article 2104 dispose que les privilèges qui s’étendent sur
210
sur les immeubles. Selon cet article 2103, sont privilégiés sur les immeubles, au
quatrième rang, en même temps que les entrepreneurs et architectes, « …les maçons et
ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtiments, canaux, ou
autres ouvrages quelconques… » à condition qu’il ait été préalablement dressé procès-
verbal par un expert nommé par le tribunal de première instance. L’expression
« maçons et autres ouvriers » vise en réalité tous les travailleurs qui ont participés aux
travaux sur l’immeuble.
Dans le temps, la créance de salaire n’est privilégiée que pour les six (6)
derniers mois précédant la faillite, sauf en ce qui concerne les gens de maison pour
lesquels le privilège porte sur la créance d’une année échue et de l’année en cours. En
effet, selon l’article 2101, ce privilège porte sur « les salaires de gens de service, pour
l’année échue et ce qui est dû sur l’année courante, les sommes pour lesquelles un
privilège est établi à l’article 549 du code de commerce et les appointements de tous
ceux qui louent leurs services pour les six derniers mois ».
Mais la garantie offerte par le privilège général est assez illusoire, car la règle
veut que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux. Ainsi, en cas de
faillite de l’employeur, le bailleur a un privilège spécial sur les loyers dus, le vendeur
de meuble a un privilège spécial sur le produit de la vente du meuble etc. Pour éviter
qu’il n’ait rien à toucher, le législateur est intervenu pour accorder au travailleur un
superprivilège sur les créances de salaires.
B – LE SUPERPRIVILEGE
252. L’article 192 C.trav. (art. 117 ancien) dispose que « la créance de salaire
et autres créances du travailleur relevant de la relation de travail bénéficient d’un
privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux en ce qui
concerne la fraction insaisissable dudit salaire… ». On examinera la portée de ce
privilège et la procédure d’accélération du paiement.
1) La portée du superprivilège
253. Ce privilège, qui porte donc sur environ un tiers des rémunérations,
s’exerce sur les biens meubles et immeubles du débiteur. Il prime même celui du
trésor car celui-ci doit rapporter à la masse les sommes qui avaient été précomptées
sur les mandats dus à l’employeur postérieurement à la date de cessation des
paiements1.
211
salariés dans l’ordre de préférence lors de la distribution des deniers1. Selon l’article
166 AU. PC, pour la distribution des deniers provenant de la réalisation des
immeubles, les créances de salaires viennent au deuxième rang après les frais de
justice mais avant les créanciers hypothécaires et les créanciers de la masse. L’article
167 AU. PC les classe, en ce qui concerne les deniers provenant de la réalisation des
meubles, au troisième rang après les frais de justice et les frais exposés pour la
conservation de la chose. Outre le rang dans l’ordre de préférence, les créances de
salaires bénéficient d’une procédure accélérée de paiement qui augmente l’intérêt du
superprivilège.
1 V. également les articles 148 et 149 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
2 Article 194 C.trav.
3 V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. p.558.
212
travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés, acquiert le droit de les vendre, conformément
à la législation en vigueur, s’ils n’ont pas été retirés dans le délai de six mois.
En outre, les articles 113 et 114 AU. S. instituent des privilèges au profit de
certains travailleurs. Suivant l’article 113 AU. S. « le travailleur d’un exécutant
d’ouvrage à domicile a un privilège sur les sommes dues par le donneur d’ouvrage
pour garantir les créances nées du contrat de travail si celles-ci sont nées de
l’exécution de l’ouvrage ». Cette disposition protègerait spécialement les travailleurs à
domicile et les artisans. L’article 114 AU. S. accorde un privilège spécial aux
travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux sur les sommes restant dues à
l’entreprise pour les travaux déjà exécutés1.
1Certains codes du travail prévoient une disposition particulière sur les entreprises chargées d’exécuter des travaux
publics. V., art. 33.1 C.trav. ivoirien, art. L. 112 C.trav. malien et art. 165 C.trav. nigérien.
213
TITRE III - LES INSTITUTIONS DU TRAVAIL
256. Le droit du travail est marqué par une certaine publicisation, non
seulement par la stricte réglementation du contrat de travail et par des relations de
travail qui s’éloignent de la conception civiliste des rapports entre personnes privées,
mais aussi par l’intervention constante d’institutions publiques et privées qui confère
une place prééminente aux rapports collectifs de travail.
Les deux premières sont des institutions publiques ou étatiques, mais leurs
différences de nature commande que les trois types d’institutions soient abordés de
manière distincte.
214
215
SOUS -TITRE I – LES INTITUTIONS ADMINISTRATIVES
DU TRAVAIL
257. L’on entend par institutions administratives, les organes et organismes
étatiques qui interviennent dans l’administration du travail. En effet, l’Etat ne se limite
plus à édicter une réglementation que les travailleurs et les employeurs doivent
respecter. C’est ce qu’il faisait au départ, puis il est apparu par la suite indispensable
de créer des organes, d’abord pour contrôler et sanctionner l’inapplication ou la
violation de la réglementation, mais aussi pour conseiller les parties, étudier leurs
problèmes et quelquefois négocier avec eux ou les concilier. Aujourd’hui, ces
organismes sont devenus nombreux et divers.
1 V. convention O.I.T. n° 81, convention concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce, 1947,
ratifiée par le Burkina Faso le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 77, p. 332, Code social, p. 331 ; Convention
O.I.T. n° 129, sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, ratifié le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 78, p.
339, Code social, p. 337 ; Convention O.I.T. n° 150, 1978 concernant l’administration du travail : rôle, fonction et
organisation, 1978, ratifiée le 17 janvier 1981, code social, p. 352 ; Convention O.I.T. n° 141, juin 1975 concernant
les organisations des travailleurs ruraux et leur rôle dans le développement économique et social, autorisation de
ratifier promulguée le 24 avril 1997, J.O. BF du 8 mai 1997, p. 1098 ; Convention O.I.T. n° 161 du 26 juin 1985
concernant les services de santé au travail, autorisation de ratifier promulguée le 11 août 1997, J.O. BF du 8 mai
1997, p. 1098.
216
occupant un département ministériel jadis jumelée, pour des raisons pratiques, avec
celui de la fonction publique, aujourd’hui avec celui de la jeunesse.
1 Voy. le décret 2002 – 465/PPRES/PM/MTEJ du 28 octobre 2002 portant organisation du Ministère du Travail, de
l’Emploi et de la Jeunesse, J.O.B.F. n° 1 du 02 janvier 2002, p. 2134.
2 V. articles 375 à 379 C. trav. 2004 (art. 230 et 231 C. trav. de 1992) ; décret 97-10 du 12 mars 1997 portant
217
Les différentes structures comprises dans le terme administration du travail et
chargées de l’accomplissement de ces tâches se composent principalement :
- des organismes consultatifs généralement tripartites ou paritaires
(employeurs et travailleurs) ;
- de l’inspection du travail ;
- des services chargés de l’emploi, auparavant appelés services de main-
d’œuvre ;
- des différents services dits rattachés qui se composent d’organismes
bénéficiant de la personnalité morale ou simplement d’une individualité
financière.
218
219
CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE DU
DEPARTEMENT MINISTERIEL
259. Les différentes structures administratives qui s’occupent des questions de
travail et de sécurité sociale sont coiffées par un département ministériel qui est,
depuis le décret 2002-465 du 28 octobre 2002, le Ministère du Travail, de l’emploi et
de la jeunesse (MTEJ). Avant 19911 le département du travail avait toujours été
jumelé avec celui de la fonction publique sous le nom de ministère de la fonction
publique et du travail, puis de ministère du travail, de la sécurité sociale et de la
fonction publique. L’évolution des découpages ministériels a tendu de plus en plus à
mettre en relief les questions de travail et d’emploi. L’adjonction actuelle de la
jeunesse peut paraître surprenante. Elle a peut-être l’avantage de mettre en rapport les
questions de jeunesse et d’emploi, en relation avec l’accroissement du chômage des
jeunes. La direction générale de la jeunesse2 se voit par exemple chargée, entre autres,
« de plaider pour une systématisation de la prise en compte de la dimension jeunesse
dans les programmes nationaux de développement » et « de promouvoir les
programmes nationaux, régionaux et internationaux d’insertion professionnelle des
jeunes ».
Mis à part cette composante jeunesse qui a l’air ponctuelle, et qui est prise en
charge par un ministre délégué, le département ministériel comprend trois
composantes stables, le travail, l’emploi et de la sécurité sociale, regroupées dans des
services centraux et des services extérieurs ou déconcentrés et des services rattachés
ou décentralisés.
220
limité à 2 ou 3 ; un secrétariat particulier ; un service du protocole et l’inspection
technique des services du ministère. Ce rattachement vise à assurer l’autonomie de
l’inspection et, par conséquent, son ascendance sur les services contrôlés. Il n’y a donc
pas, sauf exception, de directeur de cabinet ni de chargés de missions1.
Les services centraux sont les services placés sous la coupe du secrétariat
général du ministère. On s’intéressera plutôt aux services techniques, qui reflètent les
missions du ministère. Ces services sont au nombre de deux directions générales, si
l’on exclut la jeunesse : la direction générale du travail et de la sécurité sociale et celle
chargée de l’emploi et de la formation professionnelle.
Les trois aspects de ces missions sont prises en charge par chacune des trois
directions, le directeur général jouant surtout un rôle de coordination, même s’il peut
intervenir directement ou se substituer à un directeur en vertu de son autorité
hiérarchique. En matière de travail, la direction du travail reçoit les missions d’étude
et d’élaboration de la réglementation mais se voit aussi conférer des missions qui lui
sont déléguées par arrêté3 ou par le code du travail4 : la gestion des conflits collectifs
1 Cette organisation dépouillée des cabinets ministériels a l’avantage de l’économie en personnels de cabinet et
d’éviter, par conséquent, les risques de création de postes fictifs (au sens de nomination de personne qui ne
s’occupe que des affaires du parti ou du ministre) mais peut réduire considérablement la capacité du ministère à
étudier les dossier sous les angles techniques et politiques.
2 Il est d’ailleurs heureux qu’il n’y ait qu’une seule direction générale, la tendance étant plutôt à la multiplication
du nombre de directions générales pour des raisons de prestige et de consistance des avantages de fonction. Il est à
remarquer, en outre, qu’auparavant la sécurité sociale n’apparaissait dans l’organigramme du ministère qu’à travers
un service rattaché, la C.N.S.S.
3 Voir arrêté n° 2003-22 (MTEJ du 28 août 2003, art. 17.
4 Voy. l’article 336 al. 2 C.trav. (article 207 ancien) qui dispose que le différend collectif doit être notifié au
221
ayant une envergure nationale ; contribuer aux négociations collectives à caractère
national ; suivi des négociations collectives au niveau régional ; le visa des contrats de
travailleurs étrangers…
1 Les services centraux du MTSSFP comprenait deux directions techniques (mis à part la direction des affaires
administratives et financières et la direction des études et de la planification) : la direction générale de la fonction
publique et la direction générale du travail et de la sécurité sociale. Celle-ci comprenait : une direction des relations
professionnelles, une direction des relations internationales, une direction de la sécurité sociale et de l’hygiène
professionnelle, et les directions régionales. La séparation de la fonction publique a quand même entraîné une
expansion structurelle.
2 V. article 6 de l’arrêté n° 2003-23 MTEJ du 28 août 2003 portant organisation et attributions de la direction
générale de l’emploi et de la formation professionnelle. L’énumération fastidieuse de cet article montre des
recoupements notamment en matière d’emploi des jeunes, avec les attributions de la Direction générale de la
jeunesse.
222
SECTION II – LES SERVICES DECONCENTRES
ET DECENTRALISES
Les services déconcentrés et les services décentralisés ou simplement
autonomes (les projets) constituent les bras du Ministère en matière d’administration
du travail. Certains seront étudiés en détail. Il s’agit, par conséquent, d’indiquer ici
l’ossature générale.
1 Les régions déconcentrées ont été rendues fonctionnelles par l’installation des 13 gouverneurs de région, mais la
mise en place de régions décentralisées, qui suppose des élections de conseillers régionaux, est pour le moment
rejetée dans le long terme.
2 V. aussi, l’article 31 du décret.
3 Selon l’article 3 du décret n° 75-465 du 5 décembre 1975 portant organisation et fonctionnement de l’inspection
du travail, « la direction générale du travail exerce sur le plan national les pouvoirs dévolus à l’inspection du
travail. Elle est chargée en particulier de la coordination et de contrôle des services de l’inspection du travail et de
la tutelle technique des organisations concourant à l’application de la législation du travail ». Voy. J.O.R.H.V. du
25 décembre 1975, p. 988 ; code social, p. 128.
223
d’acte relevant des fonctions d’inspection du travail1. L’organisation des structures
déconcentrées semble, de ce point de vue, transitoire.
Les organismes les plus anciens ayant le statut juridique d’établissement public
sont : la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (voir infra Livre II) et l’Office Nationale
de la Promotion de l’Emploi (ONPE) devenu Agence nationale pour l’emploi
(ANPE).
A ces organismes classiques se sont ajoutés beaucoup d’autres, sous les formes
atypiques de projets ou programmes, et concentrés surtout sur la question de l’emploi.
Ce sont : le Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE) ; le Programme national
d’appui à la réinsertion des travailleurs déflatés (PNARTD) ; le Programme national
IPEC2 ; le projet Promotion de la formation professionnelle ; l’Observatoire nationale
de l’emploi et de la formation professionnelle ; le programme Jobs for africa. Certains
autres projets ou programmes concernent les aspects nouveaux de promotion des
droits fondamentaux : projet Lutte contre le trafic des enfants en Afrique de l’Ouest et
du Centre-Burkina (LUTRENA – Burkina) et le projet Communication pour le
changement de comportement des jeunes et des adolescents en matière de santé
sexuelle et de la reproduction, qui est plutôt en relation avec l’aspect jeunesse.
1 On peut signaler, à cet égard, que le Code du travail désigne les chefs de circonscriptions administratives comme
les suppléants légaux en l’absence d’inspecteur et de contrôleur du travail (art. 228 C. Trav. ancien, art. 373 C.trav.
2004).
2
IPEC : International Programme of the Child Labour (Programme international pour l’abolition du travail des
enfants).
224
225
CHAPITRE II - L’INSPECTION DU TRAVAIL
265. L’inspection du travail est la plaque tournante de l’administration du
travail. L’emploi du singulier sert à désigner l’institution, le rôle assumé par les agents
ayant la qualité « d’inspecteur du travail ». Comme nous l’avons vu, les structures
chargées de cette mission sont multiples, centrales et déconcentrées. L’importance de
cette mission est attestée par le fait que deux conventions de l’O.I.T. lui sont
consacrées1.
1 Voy. Convention O.I.T. n° 81 de 1947 concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce ratifié
par décret 74-42 du 4 mars 1974, JORHV du 7 mars 1974, p. 131 ; code social, p. 331 ; Convention O.I.T. n° 129
de 1969 concernant l’inspection du travail dans l’agriculture, ratifié par le décret 74-42 du 7 mars 1974, Ibid Code
social, p. 337.
2 Jusqu’au Code de 1992, l’inspecteur du travail était appelé, inspecteur du travail et des lois sociales.
3 Voy. art. 4 Convention O.I.T. n° 129 : « le système d’inspection du travail dans l’agriculture s’appliquera aux
entreprises dans lesquelles sont occupées des travailleurs salariés ou des apprentis, quels que soient leur mode de
rémunération et le type, la forme ou la durée du contrat ». Selon l’article 1er de cette convention, les termes
« entreprise agricole » désignent « les entreprises ou parties d’entreprises ayant pour objet la culture, l’élevage, la
sylviculture, l’horticulture, la transformation primaire des produits agricoles par l’exploitant, ou toutes autres
formes d’activité agricole ».
4 Art. 218 du Code de 1992, article 360 du code de 2004. L’article 153 du code de 1962 modifié en 1973 était plus
exhaustif : « l’inspection du travail et des lois sociales est chargée de toutes les questions intéressant les conditions
des travailleurs, les rapports professionnels, l’emploi des travailleurs : mouvement de main d’œuvre, orientation et
formation professionnelle, placement ».
226
Cette formulation générale est détaillée par l’alinéa 2 du même article1. Selon
cet alinéa 2, l’inspecteur du travail : « participe à l’élaboration des règlements de sa
compétence ; veille à l’application des dispositions édictées en matière de travail et de
protection des travailleurs ; éclaire de ses conseils et de ses recommandations les
employeurs et les travailleurs ; porte à l’attention de l’autorité compétente les
déficiences et abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales
existantes ; coordonne et contrôle les services et organismes concourant à
l’application de la législation sociale ; procède à toutes études et enquêtes ayant trait
aux différents problèmes sociaux à l’exclusion de ceux qui relèvent des services
techniques avec lesquels l’inspection du travail peut toutefois collaborer ». Cette
longue énumération regroupe en réalité deux types de fonctions :
- des fonctions de contrôle de l’application de la réglementation ; et
- des fonctions d’information et de conseil, à l’égard des parties et du
gouvernement, et de gestion des services et organismes2.
A ces deux fonctions, les articles 302 et 337 du Code du travail 3 ajoutent une
troisième, la fonction de conciliation dans les différends individuels ou collectifs
opposant employeur(s) et travailleur(s).
A – LA GESTION ADMINISTRATIVE
227
Commission consultative du travail. La tâche d’élaboration des projets de textes
réglementaires incombe surtout aux directions centrales.
Peuvent aussi être rangées dans les tâches administratives diverses dispositions
du code du travail par lesquelles l’inspecteur du travail intervient pour :
- donner des avis1 au Ministre du travail avant une prise de décision ;
- viser des actes2 ;
- présider ou participer à des organismes3.
1 Voy. l’article 217 C. Trav. relatif à l’ouverture d’économat ; l’art. 64 C. Trav. ancien relatif au caractère
représentatif du syndicat auquel l’article 118 nouveau apporte une modification en ce qui concerne la procédure
d’appréciation de la représentativité : le ministre publie chaque année la liste des syndicats représentatifs sur la
base des élections professionnelles.
2 Voy. Les articles 64 et 65 C. Trav. relatif aux contrats soumis aux formalités de visa (art. 64 nouveau pour le
CDI de plus de 3 mois et art. 65 nouveau pour les contrats des travailleurs non nationaux).
3 Voy. article 219 nouveau relatif au comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité ; les articles 375
et 379 nouveaux relatifs à la CCT ; article 116 nouveau relatif aux commissions mixtes en vue de la conclusion de
conventions collectives ; l’ art. 101 nouveau (article 38 ancien) relatif à la consultation des délégués du personnel
en présence de l’inspecteur en cas de licenciement pour motif économique.
4 Voy. art. 260, al. 3, C. Trav. pour le comité syndical ; article 282 pour le délégué élu du personnel. L’article 266
du nouveau code ajoute la fonction longtemps réclamée de délégué syndical et son suppléant. Sont donc des
travailleurs protégés : les délégués du personnel et leurs suppléants, les délégués syndicaux et leurs suppléants, les
membres du comité syndical.
5 Voy. art. 189 C. Trav. (art. 307 nouveau).
228
conseils et d’information ont en principe un rôle préventif. Elles permettent de
prévenir la violation ou l’inapplication de la réglementation.
Pour des raisons techniques, et non pas d’incompétence juridique, l’article 371
C. trav.4 confie à d’autres agents que les inspecteurs du travail le contrôle dans les
mines, minières5 et carrières ainsi que dans les établissements et chantiers soumis au
contrôle d’un service technique. Il s’agit, pour ces derniers établissements et chantiers,
1 Même si les agents dits temporaires des administrations publiques relèvent partiellement du Code du travail.
2 Article 227 ancien.
3 Un tel arrêté ne semble pas avoir été pris. Cet arrêté n’est d’ailleurs utile que s’il y a des établissements militaires
employant de la main-d’œuvre civile. L’article 372 du code de 2004 adopte une rédaction plus évasive : « le
contrôle des dispositions applicables en matière de travail et de sécurité sociale est assuré par des fonctionnaires ou
officiers désignés à cet effet. Cette désignation est prononcée par voie réglementaire ».
4 Article 226 ancien.
5 L’article 371du code de 2004 ne cite plus les minières qui sont des mines peu profondes à ciel ouvert. Elles
peuvent s’assimiler, du point de vue de la dangerosité, aux carrières qui sont aussi des exploitations d’extraction à
ciel ouvert.
229
de ceux travaillant sur des produits dangereux (gaz, pétrole, explosifs), des
établissements dangereux, insolubles ou incommodes. La compétence de l’inspecteur
du travail n’est écartée que pour autant qu’il s’agit d’un contrôle technique spécial. Le
contrôle est exercé par les ingénieurs des mines. Au Burkina Faso, la compétence est
confiée au BUMIGEB (Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina), qui dispose
des compétences techniques nécessaires1.
La conciliation est une négociation conduite par un tiers, pour rapprocher les
points de vue antagonistes jusqu’à l’acception d’une solution de compromis. Elle se
distingue de la médiation en ce que le médiateur, en principe, ne conduit pas une
négociation, il dégage une solution après avoir entendu les parties et après
éventuellement une enquête et il soumet cette solution à l’approbation des parties. La
conciliation se distingue également de l’arbitrage dans lequel le tiers appelé arbitre est
chargé de trancher le différend en droit ou en opportunité. La décision de l’arbitre
s’impose aux parties, mais peut être refusée selon les formes légales ou
conventionnelles.
1Voy. l’arrêté n° 76 MC/DIM/BUVOGMI du 16 janvier 1980 portant réglementation des fonctions d’inspecteur
des mines, J.O. RHV. du 17 janvier 1980, p. 49, Code social, p. 429.
2Article L. 208 C.trav. malien.
230
271. Au Burkina Faso la procédure de conciliation est obligatoire1 et se fait
devant l’inspecteur du travail aussi bien en matière de différends individuels que de
différends collectifs2. La procédure de conciliation est simple et en principe rapide3 :
lorsque une des parties saisit l’inspecteur, celui-ci doit convoquer les deux parties
pour engager la conciliation ; si les parties parviennent à un accord, l’inspecteur dresse
séance tenante un procès-verbal de conciliation ; s’il ne réussit pas à rapprocher les
positions des parties, il dresse un procès-verbal de non conciliation ; si le désaccord
entre l’employeur et le travailleur est partiel, il dresse un procès-verbal de conciliation
partielle constatant les points d’accords et un procès-verbal de non conciliation pour le
surplus de la demande.
compte des dilatoires et blocages qui font traîner la phase de conciliation dans les conflits individuels. Le procès-
verbal peut faire mention du refus par l’une des parties de le signer (art. 305 al. 3) ; l’inspecteur peut dresser un
procès-verbal de non conciliation par défaut (art. 306).
4 La signature du procès-verbal de conciliation totale ou partielle vaut en quelque sorte authentification de l’acte.
Mais l’article 38 du code du travail de 2004 soumet de manière contestable, les P.V. de conciliation totale ou de
conciliation partielle à l’apposition de la formule « exécutoire » par le tribunal du travail. Il s’agissait plutôt de
soumettre le « procès-verbal d’exécution » à l’apposition de cette formule.
5 L’action en justice sur les points qui ont fait l’objet de conciliation est irrecevable. Il en de même de l’action
portant sur des points qui n’ont pas fait l’objet du préliminaire de conciliation. V., Trib. Trav. Ouagadougou, 7
février 1978 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 29 juin 1975 ; C. A. Ouagadougou, 7 septembre 1990, note S. Yonaba,
RBD n° 22, juillet 1992, p. 330.
231
272. Quant aux résultats de la mission de conciliation, l’appréciation ne peut
être la même selon qu’il s’agit du cas des différends individuels ou des différends
collectifs.
En ce qui concerne les différends collectifs les résultats sont beaucoup plus
difficiles à évaluer. Bien souvent les différends dégénèrent en épreuve de force
(grève) avant que l’inspecteur soit saisi ou ne se saisisse d’office, alors que la
procédure obligatoire de conciliation puis d’arbitrage en cas d’échec de la conciliation
sont préalables à toute grève.
1 Article 307 du code de 2004. La formulation de cet article introduit un élément d’adoucissement de ce pouvoir
sous forme de précision : « …l’inspecteur du travail peut dresser un procès-verbal d’exécution lorsque les éléments
du litige non contestés sont relatifs aux salaires légaux… ». Si ces éléments sont non contestés, ils peuvent être
mentionnés dans le P.V. de conciliation partielle.
232
Ensuite lorsque la procédure de conciliation est engagée devant l’inspecteur du
travail, l’échec partiel ou total de la conciliation n’aboutit pas toujours à l’engagement
de la procédure d’arbitrage. Malgré un regain d’intérêt pour la procédure d’arbitrage
depuis les années 1990, les voies parallèles de règlement des différends collectifs de
travail demeurent prisées. La voie parallèle la plus utilisée demeure la politisation du
conflit, c’est-à-dire le transfert du règlement du problème à l’autorité politique, le
ministre ou, mieux, le Gouvernement. L’on recourt ainsi à l’autorité politique pour
éviter les voies de droit dans lesquelles, soit l’on gagne, soit l’on perd. Par contre en
appelant à l’autorité politique, les employés espèrent avoir le soutien de l’Etat pour
une solution d’opportunité extra-légale ou extra-conventionnelle, et les employeurs
attendent des compensations par l’Etat des efforts supplémentaires qui leurs sont
demandés. En outre, l’intervention de l’autorité politique aboutit souvent à une baisse
d’intensité du conflit sans l’éteindre. Celui-ci peut resurgir à tout moment ou
périodiquement parce qu’il n’y a eu ni compromis accepté ni décision qui s’impose
aux parties. Dans ce contexte, les statistiques de règlement des différends collectifs au
stade de la conciliation ne peuvent qu’apparaître aléatoires.
1 Voy. les articles 365 à 368 nouveaux (articles 221 et 222 C. trav. ancien) .
233
A – LE LIBRE ACCES DANS LES ENTREPRISES SOUMISES AU
CONTRÔLE.
Lorsqu’il effectue une visite dans une entreprise, il peut consulter les registres
et documents de l’entreprise, procéder à tout examen ou enquête, interroger
l’employeur, le personnel ou toute personne susceptible de l’éclairer. L’employeur a
l’obligation de mettre les documents à sa disposition et est même tenu, s’il doit
s’absenter, de prendre toute disposition pour que l’inspecteur y ait accès.
1 Le code de 1973 (art. 154) disait que l’inspecteur a l’initiative de ses tournées et de ses enquêtes. Depuis le code
de 1992, la réglementation ne précise plus s’il est libre de ses tournées, c’est-à-dire de faire une tournée dans telle
ou telle localité ou effectuer une visite dans telle entreprise sans en aviser au préalable ses supérieurs hiérarchiques.
2 Article 367 C.trav. (article 212 ancien).
3 Art. 369 C.trav. (art. 222 in fine ancien).
4 Art. 369C.trav.).
5 Voy. les articles 380 et 381 C.trav. relatifs respectivement à la déclaration d’ouverture d’entreprise et au
« registre employeur ». Voy. également : l’arrêté n° 97 du 15 février 1967, pris pour l’application de l’article 232
(380 nouveau) du code du travail relatif à la déclaration des entreprises, J.O.R.H.V. du 23 février 1967, p. 128 ;
code social, p. 112.
6 V. l’arrêté 2126 IGTLS – AOF du 22 mars 1954 déterminant les modalités de la déclaration périodique de la main
d’œuvre, J.O.AOF du 22 mars 1954, p. 567, code social, p. 94 ; l’arrêté n° 934 du 1er octobre 1976 créant un
registre dit « registre d’employeur », J.O.R.H.V. du 21 oct. 1976, 775 ; code social, p. 131.
234
du travail, aux contrôleurs du travail ou à leurs suppléants constituent des délits punis
de peines d’amende allant de 50 000 à 300 000 FCFA ou/et d’emprisonnement de un
mois à trois ans. En cas de récidive, l’amende peut passer de 300 000 à 600 000 FCFA
et la peine d’emprisonnement de deux mois à cinq ans1.
B – LE POUVOIR DE REPRESSION
275. Les visites de l’inspecteur dans les entreprises ont pour but d’amener les
employeurs à respecter la réglementation. S’il découvre une situation irrégulière, il
peut contraindre l’employeur fautif à y remédier par divers moyens dont les
principaux sont : l’injonction, les poursuites pénales, les amendes. Pour les cas moins
graves, l’inspecteur peut se contenter de donner un avertissement.
1) La mise en demeure
276. Le pouvoir d’injonction se traduit par la mise en demeure, qui est un ordre
donné par l’inspecteur à l’employeur de prendre telle ou telle mesure dans un délai
déterminé. L’inspecteur peut, selon l’article 365, alinéa 2, §I « ordonner ou faire
ordonner que des mesures immédiatement exécutoires, pouvant aller jusqu’à l’arrêt du
travail, soient prises dans les cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des
travailleurs ». La mise en demeure concerne donc le domaine des règles d’hygiène et
de sécurité. Les mesures pouvant être ordonnées sont fonction de l’imminence du
danger. L’inspecteur peut même ordonner la fermeture de l’entreprise jusqu’à
exécution des mesures prescrites2. Les conditions de formes de la mise en demeure
sont précisées par les articles 222 et 223 C. trav..
La mise en demeure est faite par écrit, soit par mention sur le « registre
employeur », soit par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit préciser
les infractions ou dangers constatés et fixer les délais dans lesquels ils devront avoir
disparu. Ces délais ne peuvent être inférieure à quatre (4) jours, sauf cas d’extrême
urgence3. La mise en demeure n’est pas nécessairement liée à la commission d’une
infraction. Elle peut reposer sur « la violation de l’obligation générale de sécurité »4.
Ainsi, suivant l’article 222, al. 2, « lorsqu’il existe des conditions de travail
dangereuses pour la sécurité et la santé des travailleurs non visés par les décrets
prévus à l’article 220 ci-dessus, l’employeur est mis en demeure par l’inspecteur du
travail d’y remédier dans les formes et conditions prévues à l’article 223 suivant» 5. La
mise en demeure est immédiatement exécutoire, mais elle « peut faire l’objet d’un
recours suivant les règles prévues en matière administrative ». L’employeur peut donc
contester la mesure par recours hiérarchique ou devant le juge administratif, ce qui
235
peut poser le problème du « caractère immédiatement exécutoire » de la mise en
demeure. Il s’agit d’une situation où, en l’absence de violation d’une règle précise,
l’appréciation de l’existence ou de la gravité du danger, ou de la pertinence des
mesures prescrites, peut donner lieu à controverses.
Le procès-verbal doit être dressé en quatre (4) exemplaires dont un est adressé
au parquet du tribunal de grande instance et un autre au Ministre chargé du travail. Le
procès-verbal constitue ainsi le point de départ des poursuites pénales.
2) La poursuite pénale
Les poursuites pénales peuvent être engagées par d’autres personnes que
l’inspecteur du travail, notamment par le parquet, directement ou à la suite d’une
1 En France, l’inspecteur du travail transmet le procès-verbal au directeur département du travail, son supérieur
hiérarchique, qui le transmet au parquet s’il le juge opportun. Ce qui constitue un premier filtrage avant celui du
procureur. V. PELISSIER, SUPIOT et JEAMMAUD, op. cit. p. 1087.
2 Les poursuites pénales sont très rares au Burkina Faso, soit que les inspecteurs du travail dressent très rarement
des procès-verbaux d’infraction, soit – selon la thèse des inspecteurs du travail – les procureurs du Faso classent
souvent les procès-verbaux sans suite, donnant moins d’importance aux infractions des employeurs par rapport aux
délits de droit commun.
3 Voy. les articles 433 et 625 à 629 du code de procédure pénale.
236
plainte avec constitution de partie civile. Selon l’article 374 C.trav. de 20041 les
pouvoirs de l’inspecteur « ne portent pas atteintes aux prérogatives des officiers de
police judiciaire quant à la constatation et à la poursuite des infractions, selon le droit
commun».
Selon l’article 392, al. 1, lorsqu’une amende est prononcée, elle est encourue
autant de fois qu’il y a eu d’infractions, notamment dans le cas où plusieurs
travailleurs auraient été employés dans des conditions contraires à la loi. Mais le
montant total des amendes infligées ne peut excéder cinquante (50) fois les taux
minima prévus.
procédure de conciliation n’a pas pu avoir lieu parce que une des parties refuse de s’y présenter.
237
Un sentiment d’impuissance de l’inspecteur du travail face à une mauvaise foi
de l’employeur est à l’origine d’un autre pouvoir qui a été conféré, celui de dresser un
procès-verbal exécutoire.
- Contrairement au juge des référés dont le pouvoir est limité par l’exigence de
constater l’existence d’une urgence et l’inexistence d’une contestation sérieuse, le
pouvoir de l’inspecteur de dresser un procès-verbal exécutoire n’est pas expressément
conditionné. Il peut prendre cet acte « si les éléments du litige sont relatifs aux salaires
légaux, conventionnels ou contractuels, congés payés et primes d’ancienneté ». Ne
sont exclues que les demandes de dommages-intérêts, d’indemnités de licenciement et
de préavis, et éventuellement, les demandes de paiement de différentiels de salaires
lorsque le travailleur estime avoir été sous-classé ou sous-payé par rapport au statut
collectif. Or l’existence d’une contestation sérieuse ne peut être souverainement
apprécié par l’inspecteur parce qu’il s’agit d’un point de droit passible, dans une
décision juridictionnelle, d’un recours en cassation. Si les éléments visés du litige ne
sont pas contestés, ils sont pris en compte dans le procès-verbal de conciliation
partielle qui est un titre exécutoire, rendant inutile un autre procès-verbal exécutoire.
S’ils sont contestés, à travers l’existence du contrat de travail ou les salaires convenus
ou dus, il revient à un juge d’en décider. Certes, l’employeur peut se présenter à la
procédure de conciliation et refuser de négocier, demandant ainsi un procès-verbal de
non conciliation pour que l’affaire soit globalement portée devant la justice pour que
238
le droit soit dit. C’est ce comportement, qui peut être choquant parce qu’il peut avoir
pour seul but d’user le salarié1, que l’institution du procès-verbal exécutoire vise à
combattre. Mais alors, il aurait fallu prendre un minimum de précautions pour
préserver le fond du litige ;
- En troisième lieu, il n’est pas expressément prévu les voies de recours contre
le procès-verbal exécutoire.
1 Ce comportement de l’employeur, basé sur le sentiment qu’il a raison sur toute la ligne, fait traîner le paiement
des droits légaux conventionnels ou contractuels mais n’est pas sans risque pour lui, le tribunal pouvant avoir la
main lourde en terme de dommages-intérêts s’il a finalement tort.
2 Selon l’article 308 « les procès-verbaux de conciliation totale et de conciliation partielle, le procès-verbal
d’exécution dressé par l’inspecteur du travail et portant sur les salaires légaux, conventionnels ou contractuels, les
congés payés et la prime d’ancienneté doivent être revêtus de la formule exécutoire apposée par le tribunal du
travail ».
3 Il s’agit bien plus d’autonomie de décision en matière de contrôle et de conciliation. L’inspecteur du travail reste
largement soumis au contrôle hiérarchique. Le mot indépendance est utilisé à propos de beaucoup trop
d’institutions et ne reflète plus la différenciation réelle des statuts. L’inspecteur n’a pas la même indépendance
qu’un juge par exemple.
239
les conflits sociaux, ne serait-ce qu’à travers les entreprises publiques ; la seconde est
que l’Etat, même sans sa qualité d’employeur, est presque toujours interpellé en cas de
conflit social.
1 Article 6t de la convention n° 81 sur l’inspection du travail, ratifiée le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 77, p.
332.
2 Article 3, al. 2, de la convention n° 81.
3 Voy. article 23 de la loi 13-98 AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents
de la fonction publique, J.O.B.F. n° 1, spécial du 25 juin 1998, pp. 12 et s. ; code public et administratif, p. 1144 ;
4 Article 219 C. trav. ancien (article 362 du code de 2004. Cet article met mieux en relief la formule du serment).
5 Article 363 C.trav. de 2004 (article 219 al. 3 du code de 1992). Le fait que le code de 2004 en fait une disposition
à part semble détacher cette obligation de secret professionnel. C’est bien plus pour protéger les dénonciateurs qui
veulent garder l’anonymat.
6 L’article 374 punit d’un emprisonnement de 6 mois à deux ans et d’une amende de 300 000 à 1 000 000 de francs
CFA les médecins, chirurgiens ou agents de santé…ou toutes autres personnes dépositaires par état ou profession
ou par fonction permanente ou temporaire des secrets qu’on lui confie ou qui, hors le cas où la loi les autorise à se
porter dénonciateurs révèlent ces secrets.
240
La troisième contrainte est que les inspecteurs « ne pourront avoir un intérêt
quelconque, direct ou indirect, dans les entreprises placées sous leur contrôle » sous
réserve des exceptions prévues par les lois et règlements1. Cette obligation est
d’ailleurs déjà contenue dans l’article 16, al. 2, de la loi 13/98 du 28 avril 1998 : « les
agents de la fonction publique ne peuvent exercer, à titre professionnel, une activité
privée lucrative de quelque nature que ce soit ni avoir par eux-mêmes ou par
personnes interposées, sous quelques dénominations que ce soit, des intérêts dans une
entreprise dont ils ont ou avaient l’administration, la gestion ou le contrôle ».
Les exceptions visées par l’article 364 C.trav. de 2004, qui s’étend à
l’ensemble des agents de la fonction publique, sont plus ou moins précisées par
l’alinéa 3 de l’article 16 de la 13/98 ci-dessus citée : « toutefois, les agents de la
fonction publique peuvent être autorisées, dans les conditions définies par décret, à
effectuer des expertises ou des consultations se rapportant à leur compétence, à donner
des enseignements se rattachant à leur compétence, à faire de la production agro-
pastorale ou d’œuvres scientifiques, littéraires ou artistiques »2.
exemple punit d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 300 000 à 1 500 000 F CFA, « tout
fonctionnaire, tout officier public, tout militaire chargé en raison même de sa fonction : de la surveillance et du
contrôle d’une entreprise privée ; …et qui, pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation de la fonction,
prend ou reçoit une participation par travail, conseils ou capitaux ».
4 Article 16 du décret n° 95-395/PRES/PM/MFPMA du 29 septembre 1995, portant statut particulier du cadre des
241
ses collaborateurs que sont les contrôleurs du travail et aux fonctionnaires chargés du
contrôle technique spécial.
En l’absence d’inspecteur et de contrôleur, les chefs de circonscriptions
administratives les suppléent.
281. Les contrôleurs du travail sont recrutés parmi les titulaires du brevet de
l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature, section administration du
travail. Ils accèdent à cette école sur concours direct ouvert aux titulaires du
baccalauréat ou sur concours professionnel dit concours interne1.
Les contrôleurs du travail assistent les inspecteurs du travail aussi bien dans les
activités administratives que dans les tâches de contrôle des entreprises. Ils
bénéficient, dans l’exercice de leurs fonctions de contrôle, des mêmes compétences et
attributions que l’inspecteur. Ils prêtent serment dans les mêmes formes, mais devant
le tribunal du travail au lieu de la Cour d’appel2. Ils peuvent dresser des procès-
verbaux d’infraction qui font foi jusqu’à preuve contraire3, à la différence du procès-
verbal de l’inspecteur qui fait foi jusqu’à inscription de faux. Dans le code de 1962,
modifié en 1973, le contrôleur ne pouvait pas saisir directement l’autorité judiciaire
compétente. Il devait adresser son procès-verbal à l’inspecteur qui saisissait le
parquet. Cette restriction ne figurant plus dans le code de 1992, on en déduit que le
contrôleur peut désormais adresser son procès-verbal directement à l’autorité
judiciaire4.
242
par des rapports écrits au vue desquels l’inspecteur du travail pourra dresser un
procès-verbal d’infraction.
283. La compétence d’inspection dans les mines et carrières est délégué à des
fonctionnaires ayant les compétences techniques requises, notamment les ingénieurs
du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB)1. Ils sont chargés du
contrôle de l’application de la réglementation dans les mines et carrières ainsi que
dans les établissements et chantiers où un contrôle technique est nécessaire, en
l’occurrence les établissements dangereux, insolubles ou incommodes. Ils assurent
l’application des règlements spéciaux dans le domaine de la sécurité des travailleurs.
Ces règlements spéciaux sont très divers : réglementation minière2 ; réglementation
des substances explosives3 ; celles relatives aux appareils à vapeur ou à pression de
gaz, à la fabrication et à la vente des ouvrages en or, aux dépôts de produits dérivés du
pétrole, aux carrières, aux salles de spectacles et établissement recevant du public.
Mais la compétence des inspecteurs des mines n’exclut pas celle des
inspecteurs du travail. Ces deux types d’agents de contrôle doivent collaborer pour
mieux couvrir les divers aspects du contrôle : l’inspecteur du travail peut à tout
moment demander et effectuer avec les fonctionnaires chargés du contrôle technique
la visite des mines, carrières, établissement et chantiers soumis au contrôle technique;
et, l’inspecteur des mines doit porter à la connaissance de l’inspecteur du travail du
ressort les mesures qu’il a prescrites et les mises en demeure qui sont signifiées4.
Les inspecteurs des mines bénéficient, dans le cadre de leurs attributions, des
mêmes pouvoirs que les inspecteurs du travail : ils peuvent prescrirent à l’employeur
des mesures à prendre, faire des mises en demeure et constater les infractions par
procès-verbal. Ils peuvent se faire accompagner, lors de leurs visites, par les forces de
l’ordre. Ils prêtent serment devant la cour d’appel, de ne pas révéler et de ne pas
utiliser directement ou indirectement, même après cessation de leurs fonctions, les
secrets de fabrications et en général les procédés d’exploitation dont ils pourraient
avoir pris connaissance dans l’exercice de leurs fonctions5. Ils ont la qualité d’officiers
de police judiciaire et peuvent procéder à des enquêtes, perquisitions et saisies sur le
site ainsi qu’à des fouilles corporelles6. Ils peuvent engager des poursuites pénales par
1 Voy. l’arrêté n° 76/MEDIM/BUVOGMI du 16 janvier 1980, portant réglementation des fonctions d’inspecteurs
des mines, J.O.R.H.V., 17 janvier 1980, p. 49 ; Recueil annoté, 2ème éd., annexe 81, p. 352.
2 V. articles 87 et s. de la loi 23/97 du 22 octobre 1997 portant code minier, J.O.B.F. du 18 décembre 1997, p.
mines et carrières, J.O.R.H.V. du 15 mai 1975, p. 348 ; Code économique, p. 161 ; Décret 77-128 du 18 avril 1977
réglementant la sécurité et l’hygiène dans les mines et carrières, J.O.R.H.V. du 28 mai 1977, p. 458 ; Code
économique, p. 166.
4 Article 371 C.trav. de 2004 (article 226 C. trav. ancien).
5 V. arrêté n° 76 du 16 janvier 1980, op. cit.
6 Article 89 de la loi 23/97 du 22 octobre 1997.
243
la transmission au procureur du Faso de leurs procès-verbaux constatant des
infractions et des produits saisis1.
285. L’article 240 C. trav. dispose2 : « il est fait obligation à toute entreprise,
société ou organisme installé au Burkina Faso d’assurer la couverture sanitaire du
travailleur conformément aux conditions définies par les textes portant création,
organisation et fonctionnement de la médecine du travail ». Les textes en question
sont en grande partie assez anciens parce qu’ils ont été pris sous l’empire du code de
19523. A ces textes anciens se sont ajoutés des textes post-indépendance essayant de
rendre effectifs les services de médecine d’entreprise et d’inspection médicale. Il en
découle quelques variations d’orientation sur ces questions4.
formations sanitaire du service général et à leur personnel pour les soins médicaux et chirurgicaux et fournitures
pharmaceutiques en matière d’accident du travail (J.O.AOF du 12 mai 1951, p. 599), modifié par l’arrêté 4844
IGTLS-AOF du 1er juillet 1953 (J.O.AOF du 11 juillet 1953, p. 1066) ; l’arrêté 396 IGTLS-AOF du 18 janvier
1955 déterminant les modalités d’exécution des dispositions légales concernant les services médicaux ou sanitaires
d’entreprise, prévue [au chapitre II, titre V] du code du travail, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 213 ; l’arrêté n°397
IGTLS-AOF du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la fixation des moyens
minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 215,
Code social, p. 419 ; l’arrêté 398 IGTLS – AOF du 18 janvier 1955 déterminant les conditions dans lesquelles sont
installées et approvisionnées en médicaments et objets de pansements des infirmeries, salles de pansements et
boîtes de secours dans les entreprises, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 216, Code social, p. 421 ; l’arrêté 525 ITLS
– HV du 13 juin 1955, fixant les délais minima autorisés pour la mise en place du personnel médical et sanitaire
dans les établissements classés dans les catégories définies à l’arrêté général n° 397 IGTLS – AOF du 18 janvier
1955, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 386, Code social, p. 423 ; l’arrêté n° 530 ITLS-HV du 13 juin 1955 déterminant
les modalités de constitution et de fonctionnement des services médicaux et sanitaires communs à plusieurs
établissements, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 387, Code social, p. 425 ; l’arrêté 531 ITLS-HV du 13 juin 1955
déterminant les modalités selon lesquelles les établissements groupant moins de mille travailleurs peuvent utiliser
les services de centres médicaux ou de dispensaires officiels pour assurer un service médical et sanitaire à leurs
travailleurs, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 389, Code social, p. 427. Voy. également les articles 98 à 101 de la loi n°
23/94/ADP du 19 mai 1994 portant code de la santé publique, Recueil des lois de l’Assemblée nationale, p. 11 ;
J.O.B.F. du 13 octobre 1994, p. 2106 ; Code public et administratif, p. 1413.
4 Ainsi, à partir de 1984, les textes s’étaient orientés vers la prise en charge par des services médicaux publics avant
244
L’article 2 de ce texte classe les entreprises en cinq catégories, compte tenu de
l’effectif des travailleurs :
Les minima exigés par l’arrêté IGTLS peuvent être aménagés – sauf en baisse
– par arrêté du ministre du travail1 pour tenir compte de la dispersion des travailleurs,
de l’éloignement, de l’existence de risques sociaux…
1 Article 6 de l’arrêté n° 397 IGTLS. du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la
fixation des moyens minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J.O. AOF. du
29 janvier 1955, p. 215, Code social, p. 419.
2 Voy. l’arrêté n° 530 ITLS – HV du 13 juin 1955 déterminant les modalités de constitution et de fonctionnement
des services médicaux et sanitaires communs à plusieurs établissements, J.O. HV. du 30 juin 1955, p. 387, Code
social, p. 425.
3 Voy. Arrêté n° 396 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 déterminant les modalités d’exécution des dispositions
légales concernant les services médicaux ou sanitaires d’entreprises, J.O.A.O.F. du 29 janvier 1955, p. 213, Code
social, p. 415.
245
vigueur, en l’occurrence, la visite médicale annuelle ; de dispenser aux travailleurs
accidentés ou malades des soins immédiats ; d’assurer le service de médecine
préventive de l’établissement. Il assure la visite journalière des travailleurs malades
dans les établissements comptant au moins 100 travailleurs. Il doit dispenser à tous les
travailleurs et à leurs familles dans les locaux sanitaires des établissement, les soins
urgents et de première nécessité et, aux travailleurs logés et à leurs familles, les soins
et médicaments nécessaires au traitement de la maladie.
1 Voy. Kiti n° An IV – 429 CNR du 31 juillet 1987 portant création d’un établissement public dénommé Office de
Santé des Travailleurs (OST), J.O.B.F. du 6 août 1987, p. 761, Code social, p. 435 ; voy également le kiti n° An IV
– 430 CNR du 31 juillet 1987 portant statut particulier d’office de santé des travailleurs (J.O.B.F. du 6 coût 1987,
p. 762) modifié par le Kiti An VII – 399 du 25 juillet 1996, (J.O.B.F. du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social,
p. 436) et le décret 93-335 du 22 novembre 1993. L’OST est aujourd’hui régit par le décret 2000-212 du 24 mai
2000 portant approbation des statuts de l’OST, J.O.B.F. du 15 juin 2000, p. 4041.
2 Il est maintenant mis l’accent sur l’amélioration de l’accessibilité aux soins pour les travailleurs et la prévention
246
L’OST est géré par un conseil d’administration composé de manière tripartite
par un tiers de représentants de l’Etat (ministère de la santé, ministère des finances,
ministère chargé du travail) et 2/3 de représentants des employeurs et des travailleurs.
Les cliniques et les zones médicales ont donc des missions à la fois curatives et
préventives ouvertes aussi bien aux travailleurs du secteur public que du secteur privé.
Les employeurs du secteur privé et para-public qui ne disposent pas de leurs propres
services médicaux et sanitaires doivent passer des conventions avec l’OST pour
assurer leurs obligations3. Il en découle que la médecine du travail est structurée en
trois types : les services médicaux d’entreprise ; les services inter-entreprises ; et le
service balaie, en réalité de loin le plus important, l’O.S.T. Ce dernier est le plus
important parce que le tissu économique est composé de petites et moyennes
entreprises de moins de 100 travailleurs, par conséquent non soumis au seuil
minimum de la 5ème catégorie de l’arrêté n° 397 du 18 janvier 19554.
Ouagadougou, 2 ou 3 à Bobo-Dioulasso et 3 dans le reste du pays (SOSUCO, Faso Fani, SOREMIB), dont on
observe que deux des trois dernières sociétés ont disparu (Faso Fani, SOREMIB).
247
2) Le rôle d’inspecteur de la médecine du travail
Le médecin inspecteur dispose à peu près des mêmes pouvoirs que l’inspecteur
du travail. Il peut prescrire à l’employeur des mesures à prendre, lui adresser des
mises en demeure dans les mêmes formes que l’inspecteur du travail, dresser des
procès-verbaux constatant des infractions.
L’article 250 C. trav.5 prévoit qu’un décret pris en conseil des ministres après
avis du Comité national consultatif d’hygiène et de sécurité détermine les modalités
d’organisation et de fonctionnement de l’inspection de la médecine du travail6. Le fait
que cette inspection soit de manière anodine, prévue dans un arrêté portant
organisation d’une direction générale peut être source de l’ineffectivité persistante de
cette institution, si l’on sait qu’au Burkina Faso, la nomination par décret ou par arrêté
apparemment, le détachement de médecin spécialisé auprès de ce ministère n’est pas chose aisée.
4 Arrêté portant organisation et attribution des structures de la DGTSS, J.O.B.F. n° 33 du 25 septembre 2003 p.
1409.
5 Article 147 du code de 1992.
6 Voy. le décret 84-50 CNR du 28 février 1984 portant création d’une inspection de la médecine du travail
(J.O.R.H.V. du 2 mars 1984, p. 199, Code social, 429). Ce décret pris avant la création de l’OST et qui ne semble
pas effectif, prévoit une inspection placée sous la direction d’un médecin nommé par décret en conseil des
ministres sur proposition conjointe des ministres de la santé et du travail. Cette inspection pourra être déconcentrée
dans les provinces.
248
à une grande importance pour l’intérêt que l’on accorde au poste et sur le plan
financier.
249
CHAPITRE III - LES INSTITUTIONS D’ADMINISTRATION
DE L’EMPLOI
289. L’inspection du travail est le principal mais pas le seul service de l’Etat
intervenant dans les activités de contrôle et d’élaboration de la législation du travail.
Ces activités sont aussi assurées par le service de main-d’œuvre, incarné par l’Agence
nationale pour l’emploi (ANPE). Toutefois, ce service est chargé plus spécialement de
la question de l’emploi.
Dans un premier sens, ce mot désignerait une situation individuelle, dans les
expressions visant l’emploi que l’on tient du contrat de travail ou la place que l’on
occupe dans l’entreprise. Dans un second sens, l’emploi « s’entend d’un phénomène
collectif : un état du marché du travail », ou le volume et la composition de la main-
d’œuvre dans l’entreprise. Mais parlant de la politique publique de l’emploi, ces
auteurs la définissent comme « des actions visant à fournir aux entreprises la main-
d’œuvre nécessaire et, aux individus, un travail utile et correspondant à leurs
aptitudes ». Ils visent implicitement l’emploi salarié, mais les actions visant à fournir
« aux individus un travail utile et correspondant à leurs aptitudes » pourraient
s’appliquer aussi à des emplois non salariés. Le petit Robert donne aussi deux sens au
1 Sur l’orientation du droit du travail, voyez, Christophe RAMAUX, L’instabilité de l’emploi est-elle une fatalité ?
Une lecture économique critique du Rapport Boissonnat, du rapport Supiot et des travaux sur les marchés
transitionnels ; Dr. soc. N° 1, janvier 2000, pp. 66 et s. ; SUPIOT A. (sous la direction) et al., « Au delà de
l’emploi : transformation du travail et devenir du travail en Europe », rapport pour la Commission européenne,
Flammarion, Paris, juin 1999, 321 p ; BOISSONNAT J., « Le travail dans vingt ans », rapport de la commission du
CGP (présidée par), éd. Odile Jacob, La documentation française, 1995 ; LEJKINE J., A propos du rapport Supiot,
Droit social n° 5, mai 1999.
2 V. GAUDU F., La notion juridique d’emploi en droit privé, Dr. soc. 1987.414 ; Les notions d’emploi en droit, Dr.
soc. 1996.569 ; VINCENS J. La notion d’emploi, de l’économie au droit, Mélanges dédiés au Président M.
Despax, Presses Uni. Sc. Soc – Toulouse, 2002, p. 183 ; PELISSIER J. (dir.), Droit de l’emploi, Dalloz Action,
2ème éd. 1998 ; BENOÎT A., Droit de l’emploi, P.U. Grenoble, 1995.
3 PELISSIER J., SUPIOT A., JEAMMAUD A., op. cit. n° 4.
250
mot emploi, l’un visant le travail salarié, « ce à quoi s’applique l’activité rétribuée
d’un employé, d’un salarié », l’autre plus ouvert, « occupation de quelqu’un ».
La notion proche de marché du travail est un peu plus large. Selon le document
du cadre stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation professionnelle au
Burkina Faso, « le marché du travail, c’est le lieu de rencontre entre l’offre et la
demande de travail, le travail étant considéré comme un facteur de production »3. Le
document cadre de politique de l’emploi au Burkina Faso, préparatoire aux « Etats
généraux » sur l’emploi, parle aussi de politique de marché du travail, définie comme
« l’ensemble des mesures et interventions délibérées et sélectives des pouvoirs
publics, touchant directement ou indirectement le fonctionnement du marché du
1 Voy. RAMAUX C. op. cit., p. 66. Ce rapport propose de reconstruire les “garanties statutaires » sur le travail au
sens général, en prenant acte de l’instabilité de l’emploi.
2 Geneviève GRANGEAS et Jean-Marie LEPAGE, Les politiques d’emploi, Que sais-je ? PUF, 2ème éd. Corrigée,
1997, p. 3.
3 Lexique annexé au document intitulé « Cadre stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation
professionnelle au Burkina Faso » adopté par le décret n° 2001-474/PRES/PL/METSS du 18 septembre 2001 (non
publié au J.O.). Ce document définit le marché de l’emploi comme « le lieu de rencontre entre l’offre et la
demande… ».
251
travail et visant à lui conférer une certaine efficacité dans la résorption du chômage »1.
Cette définition rejoint celle de la politique de l’emploi.
Cette politique de l’emploi est axée au Burkina Faso sur deux problèmes
cruciaux, le chômage galopant et l’émigration. La réponse commune à ces deux
problèmes est : une politique de promotion de l’emploi et une politique de formation
professionnelle. Nous aborderons successivement ces deux problèmes puis la réponse.
§ 1 - Le problème du chômage
291. Partout dans le monde, la politique de l’emploi est essentiellement une
politique de lutte contre le chômage. Cette politique peut varier en fonction des
caractéristiques de l’économie et de celles du chômage. La situation idéale est celle du
plein emploi qui peut se définir comme « l’occupation rémunérée de toute la
population en âge de travailler »2. Cette situation idéale n’est presque jamais réalisée
mais l’évaluation du chômage peut dépendre des critères retenus.
292. Dans le sens classique, le chômage est lié à l’emploi salarié. C’est dans ce
sens que Grangeas et Lepage disent que « un mode de fonctionnement de l’économie
dans lequel la main-d’œuvre industrielle n’est pas totalement détachée de ses origines
rurales et conserve une activité agricole ne permet pas de parler véritablement de
chômage »3.
En se référant à la notion « d’emploi normal salarié », serait dite au chômage une
personne qui est sans travail, qui est disponible pour travailler et qui a fait des
démarches en vue de trouver un emploi au cours d’une période de référence (s’inscrire
par exemple comme demandeur d’emploi auprès de l’administration). Les personnes
prises en compte sont celles relevant de la population active, c’est-à-dire dont l’âge est
compris entre l’âge minimum d’accès à l’emploi et l’âge de la retraite4.
Ces critères ne sont pas récusés par le droit burkinabè qui les utilise pour
l’évaluation du chômage dans le secteur moderne urbain. Mais ils sont insuffisants
pour rendre compte des problèmes de l’emploi dans les pays en développement. Au
Burkina Faso, à défaut d’une définition consacrée, des textes sans portée juridique
montrent que la pratique, au moins, adopte une acception de l’emploi et du chômage.
Ainsi un avant projet de loi d’orientation de la politique de l’emploi, datant de 1996,
1 Ministère de l’emploi et du travail et de la sécurité sociale, Document cadre de politique de l’emploi au Burkina
Faso, septembre 1996, p. 22.
2 ISSA-SAYEGH Joseph, Droit du travail sénégalais, LGDJ 1987, n° 1418.
3 Op. cit., p. 6.
4 La population active comprend toutes les personnes des deux sexes qui fournissent, durant une période de
référence, la main-d’œuvre disponible pour la production des biens et de services. L’âge de référence pour le code
du travail, est de 15 ans à l’âge de la retraite. Mais les bornes inférieures et supérieures peuvent varier selon les
services statistiques.
252
proposait cette définition de l’emploi : « l’emploi désigne toutes les formes d’activités
salariales, indépendantes ou d’auto emploi et d’une manière générale, l’ensemble des
activités socialement utiles et licites, génératrices de revenus par lesquelles une
personne tire les moyens de sa subsistance et améliore la qualité de sa vie ». Le cadre
stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation professionnelle, dans son
lexique1 définit de manière large le chômage comme « l’inactivité forcée d’une
personne due au manque de travail ou d’emploi ». Ces définitions larges permettent de
tenir compte de la diversité des formes de chômage au Burkina Faso dans les
politiques de promotion de l’emploi.
294. Selon les documents des Etats généraux de l’emploi de 19963, l’économie
du Burkina Faso est encore tributaire du secteur primaire qui occupe 92% de la
population active, contre 6% des actifs dans le secteur tertiaire et 2% dans le secteur
secondaire. Les emplois salariés ne représentent que 3%4 des actifs, par contre le
secteur informel représente 12% de la population active dont 80% des actifs urbains.
Le secteur moderne ne concerne que 20% des actifs urbains et 1,13% des actifs
ruraux.
253
Si le secteur moderne est marqué par le chômage déclaré des « déflatés » et des
nouveaux demandeurs d’emploi, notamment des jeunes scolarisées, le secteur
informel est dominé par le sous-emploi et le chômage déguisé. Le taux de sous-emploi
dans le secteur rural est d’environ 40%1 en raison principalement d’une activité
saisonnière très courte dans l’agriculture et de sa faible rentabilité.
Le premier cas est désigné comme un sous-emploi visible, les deux autres cas
sont qualifiés de sous-emploi invisible parce qu’ils ne peuvent être évalués qu’à
travers des indicateurs indirects : l’utilisation des capacités ou la productivité.
également, R. LEMSELE, op. cit. p. 33, qui constatait le même phénomène, en Afrique, du taux de croissance
démographique qui dépasse la création d’emplois.
4 L’adoption par de nombreux Etats africains de « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » résulte de ce
constat fait par les institutions de Bretton Woods que l’application de programme d’ajustement structurel classique
ne peut suffire à inverser cette tendance.
254
le secteur moderne parce qu’il s’agit d’un chômage déguisé ou sous emploi. Le sous-
emploi est visible dans le secteur rural où l’agriculteur travaille intensivement sur
quatre mois pour subvenir à ses besoins essentiels sur 12 mois, faute d’activités
complémentaires en saison sèche. L’élevage extensif notamment de volaille et de
petits ruminants ne demande pas un important volume de travail, mais n’est pas non
plus d’une grande productivité. Dans le secteur informel urbain, le sous-emploi est
plutôt visible et découle, non pas du volume de travail, mais de son caractère peu
rémunérateur et instable.
296. Le chômage dans le secteur moderne est, en terme statistique, faible, mais
il n’est pas le moins préoccupant parce qu’il est révélateur de la faillite des politiques
économiques sur la période post-indépendance. Après les dix premières années durant
lesquelles l’administration recrutait à tour de bras, le tissu économique s’est avéré peu
dynamique et peu créateur d’emploi. A partir de 1990, la mise en œuvre de
programmes d’ajustement structurel, qui consistent au tassement des effectifs de la
fonction publique, à la fermeture des entreprises non viables sans subventions
massives, et à la privatisation1, s’accompagne de licenciements et donc
d’accroissement de la masse de chômeurs. Ceux-ci ont peu de chance de retrouver un
emploi salarié parce que le marché du travail est déjà saturé.
1 Il y a lieu de préciser que les privatisations sont associées au P.A.S. en Afrique, mais la privatisation n’est pas en
soi liée au PAS. Elle répond à une politique de libéralisation de l’économie. Dans un contexte de P.A.S., les
privatisations produisent encore plus de licenciement parce que l’on a à faire à des entreprises peu rentables.
Ailleurs, ce sont les regroupements d’entreprises qui produisent les licenciements, par libération de main-d’œuvre.
2 Voy. p. 7 du document. Celui-ci estime à près de 100 000 personnes le flux additionnel de nouveaux arrivants sur
le marché de l’emploi, constituées de non scolarisés, de déscolarisés, de diplômés en fin de cycle, de travailleurs
déflatés et de migrants de retour.
255
indépendant. Il est donc « normal » que le jeune, même s’il a reçu une qualification
professionnelle par apprentissage ou formation professionnelle, aspire d’abord à un
emploi salarié. Ce passage est très souvent indispensable même pour celui qui
voudrait s’installer à son propre compte dans le cadre du travail indépendant, s’il veut
accroître ses chances de succès.
§ 2 – L’émigration
297. Le Burkina Faso est un pays d’émigration et ce fait traduit en lui-même
un problème d’étroitesse du marché interne de l’emploi1. Nous ne traiterons pas ici
des migrations internes qui, elles-mêmes, posent le problème de la politique de
l’emploi et plus généralement d’aménagement du territoire2.
1 Même si l’on peut émigrer non pas pour la recherche d’un emploi, mais pour des raisons d’activités commerciales
et de conquête de marchés extérieures.
2 Les migrations internes s’expliquent par le sous-emploi du secteur rural et la raréfaction des terres cultivables et
sont à la base d’une urbanisation galopante des grandes villes (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso), de
l’accroissement du chômage urbain et du secteur informel, sans compter le phénomène « d’enfants des rues ».
3 La « daba » est une houe, un outil traditionnel de culture.
256
modernisation de l’agriculture1. L’émigration était d’autant plus tentante qu’il y avait
un appel de main-d’œuvre de la part de pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana
(pendant un certain temps) et le Gabon plus tard.
L’émigration burkinabè est caractérisée par le fait qu’elle est constituée d’une
main-d’œuvre peu qualifiée alimentant surtout le secteur rural (en Côte d’Ivoire) et les
emplois de manœuvre ou d’ouvrier. En Côte-d’Ivoire, l’enseignement primaire était
un débouché pour les titulaires du BEPC et du baccalauréat qui ne peuvent poursuivre
leurs études. Plus tard, l’enseignement secondaire avait commencé à présenter les
mêmes perspectives, avant la chute du cour du cacao.
1 Ce facteur a contribué à l’échec de l’expérience des « écoles rurales » associant apprentissage de travaux
agricoles et scolarisation, tentée dès les premières années des indépendances. Les sortants de ces écoles ont aussi
alimenté l’émigration.
2 Près de 93% ont moins de 35 ans selon le document du cadre stratégique de politique d’emploi et de formation
professionnelle.
3 Il existe auprès du Ministère des affaires étrangères, un conseil supérieur des burkinabè de l’étranger, créé par
décret n°93-132/PRES/PM/REX du 7 mai 1993, JOBF du 13 mai 1993, p. 762. V. également le décret n° 95-
243/PRES/PM/MAET du 30 juin 1995 portant organisation et fonctionnement du CSBE, JOBF du 20 juillet 1995,
p. 1754.
257
de son ampleur. Mais ces politiques, qui peuvent être implicites ou explicites, sont
restées éparses, du moins jusqu’à la tenue des Etats généraux sur l’emploi en 1996.
1 Convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs [burkinabè] en Côte d’Ivoire,
signée le 9 mars 1960, ratifiée par le décret n° 61-233 du 2 juin 1961, J.O.RHV. du 10 juin 1961, p. 520 ; Code
social, pp. 281 et s ; Recueil annoté, annexe 92, p. 387 ; Convention relative à la coopération technique en matière
de main-d’œuvre entre le [Burkina Faso] et le Gabon, signée à Franceville le 13 août 1973, ratifiée par le décret n°
74-165 du 30 mai 1974, J.O.RHV. du 8 août 1974, p. 571, Code social, pp. 285 et s., Recueil annoté, annexe 94, p.
394.
2 Comité Militaire de Redressement pour le progrès national dirigé par le Président Seye Zerbo du 25 novembre
12 du 19 mars 1981, p. 200, Recueil annoté, annexe n° 98, p. 414 et le décret n° 81-0135/PRES/CMRPN du 11
mars 1981 définissant les conditions de délivrance et d’utilisation du laisser-passer institué par l’ord. N° 81-008 du
11 mars 1981, J.O.R.H.V. du 19 mars 1981, p. 200, Recueil annoté, annexe 99, p. 415.
258
gouvernement à monter une opération de rapatriement volontaire (pour ceux qui
voulaient rentrer) appelée opération « Bayiri », qui est une simple action de
sauvegarde de l’intégrité physique et non pas une politique envers l’émigration. La
création d’un Conseil supérieur des burkinabè de l’étranger1 en 1993 entre dans le
cadre de la protection diplomatique et consulaire, qui constitue la seule ligne explicite
de politique mais qui reste fragile si l’on ne parvient, soit à des accords bilatéraux ou
multilatéraux, soit à une politique interne efficace de lutte contre le chômage et le sous
emploi, ou certainement les deux à la fois.
Il y a eu, certes, des réflexions, surtout à partir des années 1990, sur le
problème de l’émigration2 mais, implicitement, l’on semble considérer qu’il n’y a pas
de solution spécifique en dehors des actions sur l’emploi. La question se trouve en
quelque sorte renvoyée à l’aboutissement des actions éparses des différents
intervenants en matière de formation professionnelle et de promotion de l’emploi.
juin 1979 rattachant le projet « Promotion et développement des petites entreprises villageoises » à l’ONPE, non
publié au J.O.
4 Ce programme résulte d’un engagement pris par le Président du Faso, le 2 juin 1994, d’œuvrer au développement
259
irrigations, tant l’eau et les infrastructures routières nous semblent être les clefs du
développement du monde rural.
Ces différentes actions, qu’il est difficile d’énumérer1, sont appuyées par des
projets conduits par de nombreuses ONG. Mais ces activités, qui sont entreprises au
gré de l’obtention de financement, plus sous forme de projet que de programmes,
manquent de synergie. Elles semblent plus entretenir l’espoir de décollage qu’elles ne
réalisent le changement qualitatif attendu.
C’est à partir de 1990 que l’on constate d’intenses activités de réflexion sur le
problème de l’emploi dans les différents départements ministériels concernés 2. Les
réflexions sectorielles ont été couronnées par la tenue des Etats généraux de l’emploi
du 8 au 10 octobre 1996 sur la base de trois documents : analyse de la situation de
l’emploi ; cadre de politique de l’emploi au Burkina Faso ; et Plan d’action national
pour la promotion de l’emploi. La tenue des états généraux devait déboucher sur
l’adoption d’une loi d’orientation de la politique de l’emploi dont un avant projet avait
été élaboré, la création d’un observatoire de l’emploi et de la formation
professionnelle, la création d’un cadre de concertation des structures de financement,
etc.
1 Voy. pour une énumération, non complète, des actions en faveur de l’emploi, le document III « Plan d’action
national pour la promotion de l’emploi » introductif aux travaux des Etats généraux pour l’emploi, septembre 1996.
2 Voy. annexe du document III précité. Exemples de ces réflexions – Rapport général sur la problématique et les
choix technologiques au Burkina Faso, ONPE – Projet CTA BKF/057 BIT – PNUD, janvier 1991 ; le système de
formation professionnelle au Burkina Faso : analyse et stratégie pour une amélioration de l’efficacité de la
formation professionnelle, Rapport directeur Moll, Thoiry, octobre 1994 ; Commission de réflexion sur la politique
sectorielle de l’emploi rural, METSS – MARA, novembre 1995 ; Colloque National sur la politique de l’emploi au
Burkina Faso, rapport final, Ouagadougou, 18-23 octobre 1993 ; Avant projet d’actions du secteur de l’eau, MEE,
septembre 1995 ; Quel système de formation professionnelle au Burkina Faso ? Atelier National sur la formation
professionnelle, 13-16 février 1996 ; Plan d’action pour l’insertion professionnelle de la jeunesse urbaine, MIHU-
JVE, Ouagadougou, 1996. A ces références, il convient d’ajouter les réflexions générales sur la politique
économique et sur les problèmes de population.
260
diagnostic en lui-même, dans les deux volets de la formation professionnelle et de la
promotion de l’emploi, est intéressant en ce qu’il fait prendre conscience du retard
accumulé et de l’inorganisation qui y règne.
1) La formation professionnelle
l’ensemble des activités visant à assurer l’acquisition des connaissances, des qualifications et aptitudes nécessaires
pour exercer une profession ou une fonction avec compétence et efficacité ».
3 Par exemple, les centres publics de formation professionnelle dont les centres d’évaluation et de formation
professionnelle de Bobo-Dioulasso et Ouagadougou auxquels sont rattachés dix (10) antennes régionales, les trois
(3) centres de formation professionnelle de la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat et les centres de
formation des sociétés d’Etat (SONABEL, ONATEL, ONEA, SONAPOST) pour leur besoins personnels. Des
centres privés de formation professionnelle se développent mais sans réglementation du secteur et sans un
minimum de coordination des programmes. Le « cadre stratégique » constate que le déficit de qualification est si
important que les entreprises du secteur comme le bâtiment ont souvent paradoxalement recours à la main-d’œuvre
étrangère (v. p. 12).
4 Selon une enquête de l’INSD en 1994 – 95, quatre (4) burkinabè sur mille (1000) sont « formés » au plan
professionnel.
261
développement de la formation par apprentissage de type dual 1 ; la recherche d’un
système de financement du dispositif national par la création d’un Fonds d’appui au
financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (FAFPA) alimenté
en partie par les recettes de la taxe patronale d’apprentissage2.
2) La promotion de l’emploi
Pour la mise en œuvre de ces deux volets du « cadre stratégique », il est prévu
la mise en place, par arrêté, d’un comité de concertation et de coordination sur
l’emploi et la formation professionnelle, en attendant la création d’un cadre
permanent, le Conseil National de l’Emploi3.
1 L’apprentissage dual consiste en une formation effectuée en entreprise ou en atelier alternée avec une formation
théorique dans un centre de formation professionnelle.
2 La taxe patronale d’apprentissage est une taxe due par les employeurs et destinée au financement de la formation
professionnelle (V. art. 120 à 130 du code des impôts). Cette taxe étant établie au profit du budget national, le
Burkina a commis l’erreur de se refuser à l’affecter, se contentant de reverser une faible partie à l’ONPE alors que
dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, l’affectation de cette taxe a contribué à un développement satisfaisant
de l’enseignement technique et de la formation professionnelle.
3 Pour mesurer le retard accusé par le Burkina Faso en matière de planification de l’emploi et de la formation
professionnelle, M. ISSA-SAYEGH fait état, en 1987, de l’existence au Sénégal d’un Conseil National des
Ressources Humaines remplacé par un conseil interministériel de l’emploi, d’une commission nationale des
ressources humaines et de comités régionaux. V. ISSA-SAYEGH op. cit. pp. 655 et s.
262
SECTION II - L’AGENCE NATIONALE POUR L’EMPLOI
304. Le plus important service chargé de la main-d’œuvre, en terme de moyens
et de personnel, est l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE), même s’il existe une
direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle. L’ANPE est issu
d’une transformation, sous le code du travail de 1952, du service de main-d’œuvre en
« Office de main-d’œuvre ». Cet Office de main-d’œuvre a été à son tour érigé en
Office National de la promotion de l’emploi en 1974, par l’ordonnance n° 74-17
/PRES/FPT du 19 mars 1974 modifiée par celle du 18 octobre 19741. Cet Office était
organisé par le décret n° 2000-254 du 16 juin 2000 portant approbation des statuts de
l’ONPE2, jusqu’à sa transformation en Agence par le décret 2004-523 du 23
septembre 2004, complété par le décret n° 2004-524 du même jour qui porte
approbation de ses statuts3.
§ 1 - Organisation et fonctionnement
305. L’ANPE est un établissement public à caractère administratif, c’est-à-dire
un service détaché de l’administration centrale, bénéficiant de la personnalité
juridique et de l’autonomie financière4. Son budget est alimenté par : une subvention
au titre de la taxe patronale d’apprentissage ; les recettes propres ; et les dons, legs et
libéralités qu’elle pourrait recevoir5. Sur le plan organisationnel, les organes dirigeants
de l’ANPE se composent du conseil d’administration et de la direction générale.
1 Voy. Respectivement : J.O.RHV n° 15 du 4 avril 1974, p. 218 et J.O. RHV n° 45 du 24 octobre 1974, p. 735
Code social p. 120 ; Recueil annoté, annexe n° 87. Il était organisé par le décret n° 74-432 PRES/FPT du 2
novembre 1974 portant organisation de l’Office national de la promotion de l’emploi (J.O.RHV n° 52 du 12
décembre 1974, p. 797) modifié par le décret n° 82-0048 du 3 février 1982, Recueil annoté, annexe 88. V. aussi,
l’arrêté n° 62 FPT-ONPE du 29 janvier 1975 portant organisation, attributions et fonctionnement de l’ONPE,
successivement modifié par les arrêtés n° 429 FPT-ONPE du 18 avril 1977 et n° 1304 FPT-ONPE du 2avril 1982,
non publiés au J.O., Recueil annoté, annexe 89.
2 J.O.BF n° 26 du 19 juin 2000, p. 4161. Ce décret abroge le décret 93-210 du 15 juillet 1993 portant statut,
attributions et fonctionnement de l’ONPE (J.O.BF du 15 juillet 1993, p. 1065 ; Code social, p.155.).
3 V. décret n° 2004-523 du 23 novembre 2004 portant création de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE),
J.O.BF. du 9 décembre 2004, p. 1633 ; et décret n° 2004-524 du 23 décembre 2004 portant adoption des statuts de
l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), J.O.BF. du 9 décembre 2004, p. 1634.
4 Les établissements publics à caractère administratif sont régis par la loi n° 39-98 AN du 30 juillet 1998 portant
réglementation des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, promulguée par le décret n° 98-348
du 3 septembre 1998, J.O.BF du 10 septembre 1998, p. 5915 ; Code public et administratif, TVIII, vol.2, p. 972.
L’article 2 de cette loi définit les EPA comme « les établissements publics bénéficiant de la personnalité morale, et
des prérogatives de droit public, dotés d’un patrimoine et de moyens de gestion propres ; ils sont chargés de la
gestion d’un ou de plusieurs services administratifs détachés de l’administration générale de l’Etat ». Cette loi est
complétée par : le décret 99-51 du 5 mars 1999 portant statut général des établissements publics à caractère
administratif, J.O.BF du 25 mars 1999, p. 740 ; le décret n° 99-128 du 10 mai 1999 portant rectificatif du décret
99-51 du 5 mars 1999, J.O.BF du 13 mai 1999 p. 1197 ; et le décret 2000- 318 du 18 juillet 2000 définissant les
catégories d’établissements publics à caractère administratif, J.O.BF du 27 juillet 2000, p. 4343 ; v. Code public et
administratif, p. 975.
5 La subvention au titre de la taxe patronale d’apprentissage est en principe de 50% du produit de cette taxe mais en
réalité, l’ANPE en reçoit bien moins. Les frais de visa des contrats des travailleurs étrangers illustrent les recettes
propres. Ces frais de visa sont de 20% de la rémunération brute mensuelle du travailleur, à la charge de
l’employeur (v. arrêté n° 94-014 du 29 juillet 1994, Code social, p. 174). Certains contestent la légalité ou
l’opportunité du maintien de la perception de cette taxe au regard de l’appartenance du Burkina Faso à des
263
Le conseil d’administration, de composition tripartite - employeurs,
travailleurs, Etat - comprend neuf membres dont trois membres représentant l’Etat
(deux du ministère chargé de l’emploi et un du ministère chargé des finances), trois
membres représentant les employeurs et trois membres représentant les travailleurs
parmi lesquels un délégué du personnel de l’Agence.
organisations d’intégration, mais à vrai dire, c’est au sein de ces organisations que la suppression doit être prônée
pour être efficace et, de plus, tous les travailleurs étrangers ne sont pas membres de ces organisations
communautaires. Il ne servira à rien de se priver de cette taxe qui, comme le visa lui-même, contribue à la
protection de la main-d’œuvre nationale, sans espoir de réciprocité.
264
Cette longue énumération montre l’importance du rôle confié à l’ANPE. Des
activités classiques de contrôle, de placement et de statistique permettant la
réorientation de la politique d’emploi, il est attendu de l’ANPE de contribuer à la
régulation du marché de l’emploi par l’information, les conseils et la formation, ainsi
qu’à la création d’emplois notamment par l’appui à l’auto-emploi. Son champ d’action
couvre les secteurs régis par le code du travail et le secteur informel qui, en lui-même,
couvre plusieurs types d’activités.
A – LE CONTRÔLE DE L’EMPLOI
Le suivi des travailleurs se fait par deux moyens principaux : d’une part,
l’ANPE constitue un dossier sur chaque travailleur ; un travailleur embauché ou
quittant son emploi doit être déclaré dans les 48 heures ; cette déclaration doit contenir
tous les renseignements nécessaires à la constitution du dossier (adresse de
l’employeur, identité du travailleur, sa profession, ses emplois antérieurs, la date
d’entrée au Burkina Faso si c’est un étranger…) et, d’autre part, l’ANPE établit une
carte de travail pour chaque travailleur2. Il revient à l’employeur d’exiger du
travailleur la présentation de sa carte lors de l’embauchage et d’en faire la demande
dans les 15 jours si le travailleur n’en dispose pas. L’ANPE délivrait aussi la carte de
travailleur étranger prévue à l’article 9 C.trav.3 de 1992.
1 V. les articles 232 à 235 C.trav. (articles 380 à 385 du code de 2004). V. également les textes d’application :
Arrêté n° 98 TFP du 15 février 1967 fixant les conditions d’embauche des entreprises, les modalités de déclaration
de mouvement de travailleurs (J.O.RHV n° 10 du 23 février 1967, p. 103 ; Code social, p. 114 ; Recueil annoté
annexe 86).
2 V. l’arrêté n° 98 TFP du 15 février 1967 précité ; l’arrêté n° 94-014/METSS du 29 juillet 1994 fixant le montant
et les modalités d’acquittement des frais de visa des contrats des travailleurs étrangers, J.O.BF du 29 septembre
1994, p. 1944, Code social, p. 174, Annuaire du METSS, 2000, p. 76 ; le décret n° 97-306/
PRES/PM/MEF/METSS du 29 juillet 1997 fixant le montant et les modalités de perception des frais de délivrance
de la carte de travail et de l’attestation de soumission, J.O. BF du 7 août 1997, p. 2006, Code social, p. 185,
Annuaire du METSS, 2000, p. 77 ; et l’arrêté n° 95-014 METSS du 28 juillet 1995 fixant les conditions de
délivrance de la carte de travail, Annuaire METSS, 2000, p. 78. Cet arrêté précise que les frais de délivrance de la
carte sont à la charge du travailleur.
3 La carte de travailleur étranger a été supprimée par le code de 2004 mais pas l’exigence de visa du contrat et de
265
B – LE PLACEMENT DES TRAVAILLEURS
308. L’ANPE est chargé d’un rôle d’intermédiation sur le marché du travail,
qui consiste à recevoir les offres et les demandes d’emploi et à essayer de satisfaire les
uns et les autres. Cette attribution comporte deux aspects : le placement à l’intérieur
du territoire national et le placement des travailleurs émigrants.
1 Arrêté n° 1014 FPT/ONPE du 15 novembre 1974, J.O.RHV n° 54 du 26 décembre 1974, p. 820, Recueil annoté,
annexe 91.
2 Ces pays devaient peut-être trouver ces conventions contraignantes, mais mis à part les clauses d’épargne
obligatoire, les autres clauses relèvent des protections prévues par les codes du travail en ce qui concerne les
travailleurs déplacés, à l’intérieur ou hors du territoire national. Il faut tenir compte aussi, en ce qui concerne
l’épargne obligatoire, que le Gabon et la Côte d’Ivoire n’ont pas ratifié la Convention de N’Djamena en matière de
sécurité sociale. La clause d’épargne obligatoire joue un rôle d’assurance sociale ne serait-ce qu’à titre de
précaution complémentaire. La convention avec la Côte d’Ivoire prévoyait un taux d’épargne de 1000FCFA par
mois à verser par l’employeur. Il était prévu en outre que l’Etat Ivoirien devait verser 1500 Frs par homme et 1000
Frs par femme acheminé(e) en Côte d-Ivoire. Cette dernière clause avait une fonction de compensation
économique et n’a pas reçu d’application.
266
par décret n° 74-350 en date du 10 septembre 1974, dans le cadre de l’exécution des
conventions de main-d’œuvre1. Cette commission était chargée de réaliser des études
préparatoires et de formuler les propositions en vue de la tenue des réunions mixtes
entre la Haute-Volta et tout partenaire. Elle devait fixer, à l’occasion de chaque
convention de main-d’œuvre, le taux d’épargne obligatoire proportionnel au salaire et
transférable au [Burkina Faso]. Elle devait constituer en son sein un comité restreint
qui participerait aux réunions paritaires éventuelles avec le pays cocontractant si la
convention prévoit la réunion d’une commission paritaire permanente.
p. 1600.
267
C - LA FORMATION, L’INFORMATION ET LES CONSEILS
D – LA LIBERALISATION DU PLACEMENT
1V. pour une présentation du Centre d’évaluation et de formation professionnelle, Annuaire du METSS, 2000, p.
120.
268
d’ouverture1. Le code du travail autorise donc deux types d’institutions qui peuvent se
livrer à une activité de placement privé. Celle-ci est définie par l’alinéa 2 de cet article
comme « le fait pour toute personne physique ou morale, de servir d’intermédiaire
pour trouver un emploi à tout demandeur d’emploi ou un travailleur à un employeur,
en tirant de cette opération un profit matériel et/ou financier, direct ou indirect »2. Le
Code vise les activités d’intermédiation à but lucratif, en distinguant deux types
d’entreprises : celles de placement et celles de travail temporaire.
1 V. le décret 94-179 du 20 mai 1994 portant conditions d’ouverture des bureaux, offices privés de placement et
entreprises de travail temporaire, J.O.BF du 2 juin 1994, p. 932 ; Code social, p. 178. Le code du travail de 2004
traite de la libéralisation du placement aux articles 12 à 18 en éclatant l’article 8 du code de 1992 en plusieurs
dispositions et en y ajoutant quelques dispositions protectrices des travailleurs : interdiction de discrimination,
interdiction de mettre des frais à la charge des demandeurs.
2 L’article 13 du code de 2004 opère une extension en ajoutant que « est assimilé à une activité de placement privé,
le fait pour toute personne physique ou morale de mener des activités ayant trait à la recherche d’emploi, telle que
la fourniture d’information, sans pour autant avoir pour objet de rapprocher une offre et une demande
spécifiques ».
3 V. Article 14 du code de 2004.
4 V. Trib. trav. Bobo-Dioulasso, jugement n° 40 du 29 septembre 1994, in Zombré et SY, Recueil, p. 61.
5 V. Article L. 124-1 C.trav. fr.
6 V. PELISSIER J., SUPIOT A. et JEAMMAUD A., op. cit., pp. 403 et s.
269
Dans un système basé sur le contrat à durée indéterminé, l’esprit du travail
temporaire, qui consiste en un prêt de main-d’œuvre, est de participer à la régulation
du marché de l’emploi, en tant que mode exceptionnel de recrutement, en facilitant la
satisfaction de besoins de personnels pour des périodes courtes 1. La formule a tout de
même l’inconvénient de permettre à certains employeurs d’éluder les contraintes de la
réglementation axée sur le contrat à durée indéterminée et la recherche de la stabilité
de l’emploi.
1 Une jurisprudence récente de la Cour de cassation française se montre particulièrement sévère à l’égard du
recours estimé abusif à ce mode d’emploi des salariés. Elle a confirmé un arrêt de Cour d’appel requalifiant un
contrat de « mission » de contrat à durée déterminée en rappelant que ce contrat de travail « ne peut avoir ni pour
objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanent de l’entreprise »
L’entreprise ne peut avoir recours au travail temporaire que « pour pourvoir à l’exécution d’une tâche précise et
temporaire dénommée mission ». V. Cass. soc. 21 janvier 2004, http://www.village-justice.com Cette jurisprudence
se base sur l’interprétation de l’article L. 124-2-1 C. trav.fr qui énumère limitativement les cas où il est possible
d’avoir recours à ce type de contrat. Dans ces conditions, on peut se demander si elle est transposable au Burkina
Faso où le code est muet sur les conditions de recours à cette formule. Mais l’article alinéa 1 du code de 2004
reprend la même formule en ce qui concerne, d’une manière générale, le recours au contrat à durée déterminée.
2 Article 10 du décret 94-179 du 20 mai 1994.
3 Pélissier et autres, op. cit., p. 402.
270
prendre la forme de sous-traitance1, peuvent cacher des contrats de fourniture de
main-d’œuvre à but lucratif, notamment si les travailleurs fournissent leurs prestations
en réalité sous les instructions de l’entreprise « prestataire ». La prolifération
d’intermédiaires en matière de placement de travailleurs, sans emprunter
véritablement la forme de bureau de placement, montre que la réglementation est
encore trop fragmentaire.
1 Le contrat de sous-traitance est un contrat par lequel un entrepreneur confie à un autre entrepreneur le soin
d’exécuter partiellement ou totalement les engagements qu’il a lui-même souscrits vis-à-vis de tiers.
2 Article 4 du décret.
3 V. articles 6 et 7 du décret.
271
disposition de l’article 11 n’est pas sans danger pour les demandeurs d’emploi : le
bureau dit de placement peut percevoir des frais d’inscription sans déployer aucune
activité de placement1.
Relativement aux contrôles auxquels sont soumises les activités des bureaux de
placement et entreprises de travail temporaire, les dispositions suivantes sont prévues :
l’article 14 du décret spécifie qu’ils sont soumis au contrôle de l’inspection du travail ;
l’article 9 du décret leur fait obligation de tenir un registre de demande d’emploi et un
registre d’offre d’emploi qui peuvent être consultés par les services du travail ; et
l’article 12 leur fait également obligation de communiquer à la fin de chaque trimestre
à l’inspecteur du travail du ressort et à l’ANPE les statistiques des offres et demandes
reçues. Les bureaux de placement et entreprises de travail temporaire fonctionnent en
principe sous le contrôle de l’inspecteur du travail et en relation avec l’ONPE qui peut
ainsi disposer de données statistiques plus étendues sur la situation de l’emploi dans
les secteurs régis par le code du travail.
1L’article 18 du code de 2004 semble tirer les leçons de cas d’abus évoqués dans la presse en disposant que « les
bureaux ou offices privés de placement et les entreprises de travail temporaire ne doivent mettre à la charge des
demandeurs d’emploi de manière directe ou indirecte, en totalité ou en partie ni honoraire, ni autres frais ».
272
§ 1 - Les fonds de promotion de l’emploi
316. Le Cadre stratégique de promotion de l’emploi et de la formation
professionnelle présente comme alternative au financement bancaire de la micro et de
la petite entreprise, qui est défaillant, un schéma de financement dit « discriminatif de
type pyramidal à trois niveaux », articulé autour des instruments ci-après : le Fonds
d’Appui au Secteur Informel (FASI) : le Fonds d’Appui à la Promotion de l’Emploi
(FAPE) ; le Fonds d’Intervention Pour l’Emploi (FIPE). Un projet de société de
capital d’investissement complète ce schéma, dans une optique plus large. En matière
de formation professionnelle, un fonds d’appui a aussi été créé, le Fonds d’Appui à la
Formation professionnelle et à l’Apprentissage (FAFPA).
http://www.emploi.gov.bf.
4 En 1999, le .F.A.S.I. a financé 3957 projets, pour 1.805.317.762 F.CFA, ayant générés 5829 emplois nouveaux et
consolidé 7824 emplois. L’action demeure modeste par rapport à l’ampleur du phénomène à éradiquer.
273
Le F.I.P.E est le troisième niveau ou structure faîtière du dispositif, chargé du
financement des projets d’investissement du secteur des moyennes entreprises
rentables. Il a été créé par le décret n° 98-534 du 31 décembre 1998, sous forme de
projet, pour une durée de cinq ans renouvelable. Une des missions confiées au FIPE
est de susciter la création d’une Société de Capital Investissement (CSI) en partenariat
avec le secteur privé, pour combler le vide résultant l’inadaptation du système
financier et bancaire au financement des petites entreprises. Cette société devrait
répondre aux besoins de financement résultant des difficultés de trésorerie et du
manque structurel de fonds propres dont souffrent la plupart des PME.
1 Voy. Décret n° 93- 373/PRES/ETSS du 25 novembre 1993 portant institution et attributions d’un Programme
National d’Appui à la Réinsertion des Travailleurs Déflatés, J.O.BF du 25 novembre 1993, pp. 1889-1890 ; l’arrêté
n° 94-3/ETSS du 17 mars 1994 fixant les clauses et conditions relatives à la prise en charge des travailleurs
déflatés désireux de bénéficier des prestations du PNAR-TD, J.O.BF du 7 avril 1994, pp. 514-515 ; et l’arrêté n°
96-9/ETSS/SG/PNAR-TD du 20 juin 1996 portant organisation et fonctionnement du PNAR-TD, J.O.BF du 11
juillet 1996, pp. 1492-1493.
274
par le privé. Le PNAR-TD avait reçu pour missions : « d’aider les travailleurs ayant
perdu leur emploi suite aux mesures de restructurations économiques à accroître leur
aptitude et leur capacité à réintégrer la vie active ; de proposer toute mesure et de
mettre en œuvre toute action pouvant atténuer les coûts sociaux notamment les
chômages de longue durée consécutifs aux réformes économiques en cours »1. Le
Programme a été renouvelé (et non pas créé comme dit le décret) en 1998 avec le
même objectif principal et un second objectif apparemment plus large qu’en 1993,
celui de « développer des programmes de formation à la demande de tiers moyennant
une contribution… »2.
275
pertinence de faire gérer ces types de fonds par des organismes publics. Ainsi, selon
M. Ousmane OUEDRAOGO, les fonds ou agences gouvernementales de promotion
de l’emploi « souffrent des mêmes faiblesses que les entreprises publiques,
notamment des interférences politiques et hiérarchiques dans la gestion des
ressources. En outre, étant le plus souvent chargés de la gestion de toute la chaîne
allant de l’attribution du crédit au promoteur d’entreprise à son recouvrement, les
énergies sont davantage orientées vers la première phase du processus, celle de la
distribution de crédit, ce qui est préjudiciable à la pérennité de ces structures dont les
ressources, vite épuisées, ne se renouvellent pas »1.
1
OUEDRAOGO Ousmane, Plaidoyer macroéconomique pour l’Afrique, Karthala, 1999, p. 146.
276
277
CHAPITRE IV – LES ORGANISMES CONSULTATIFS
§ 1 - Le rôle de la Commission
1 V. l’article 230 du code de 1992 qui a été fractionnée, dans le code de 2004, en plusieurs articles : articles 375 à
377.
2 Cf. décret 97-101 du 12 mars 1997 portant composition, attributions et fonctionnement de la commission
consultative du travail, J.O.B.F. du 3 avril 1997, p. 791 ; Code social, p. 180, Annuaire officiel du METSS, 2000,
p. 61.
278
travailleurs, etc. Elle est aussi chargée d’étudier les éléments de base pouvant servir à
la détermination du salaire minimum.
Outre les cas énumérés pour lesquels l’avis est obligatoire, la Commission peut
être consultée sur toutes les questions relatives au travail et à la main-d’œuvre. Par
ailleurs, l’article 2781 spécifie un troisième type d’attribution qui concerne le
règlement de difficultés relatives aux conventions collectives. A la demande du
Ministre chargé du travail, la Commission peut : examiner toute difficulté née à
l’occasion de la négociation des conventions collectives ; et se prononcer notamment
sur les incidences économiques de la conclusion ou de l’application des conventions
collectives.
Le champ de compétence de la Commission est suffisamment large pour éviter que la
réglementation du travail ne soit unilatéralement décidée par le gouvernement2.
§ 2 - La composition de la Commission
321. La Commission consultative du travail est composée en nombre égal
d’employeurs et de travailleurs respectivement désignés par les organisations les plus
représentatives. Sa composition est à la fois paritaire et tripartite. Elle est paritaire en
ce qu’il y a un nombre égal d’employeurs et de travailleurs. Mais elle est aussi
tripartite parce que y sont représentés : l’Etat, les employeurs et les travailleurs. L’Etat
est représenté parmi les employeurs à raison de quatre représentants.
l’arrêté n° 152 du 6 mars 1974 ; 12 membres selon le raabo du 21décembre 1987 ; 16 membres soit 8 représentants
des travailleurs et 8 représentants des employeurs dont 3 représentants de l’Etat selon l’arrêté du 10 novembre
1981.
4 Cet article modifie le système d’appréciation de la représentativité de l’article 64 du code de 1992 en disposant
que les éléments d’appréciation de la représentativité sont les élections professionnelles. Selon l’alinéa 2 de cet
article 118 nouveau, le Ministre chargé du travail doit publier chaque année la liste des syndicats ou groupements
professionnels ayant un caractère représentatif. Jusqu’à cette réforme, le ministre devait déterminer la
représentativité après avoir réuni tous les éléments d’appréciation et pris l’avis de l’inspecteur du travail. Les
279
défaut d’organisation pouvant être regardée comme représentative, le ministre peut
désigner les représentants d’une composante. Les représentants de l’Etat sont proposés
par le Ministre chargé des finances, le Ministre chargé de la santé, celui chargé de
l’industrie et celui chargé de l’agriculture.
La durée du mandat de représentant est de trois (3) ans renouvelable. Les membres
doivent être âgés de 21 ans au moins, avoir au moins 3 ans d’ancienneté de service et
jouir de leurs droits civiques et du droit de vote. En cas de vacance du poste d’un
membre titulaire, il est remplacé par le suppléant dans un délai de trois mois.
§ 3 – le fonctionnement de la Commission
éléments d’appréciation devait comprendre notamment : « les effectifs et les résultats des élections des délégués du
personnel ; l’indépendance ; l’expérience du syndicat, l’étendue de la nature de son activité ». L’importance des
éléments subjectifs rendant le choix complexe conduisait à conférer la représentativité par des présomptions.
1 Voy. l’article 5 de l’arrêté n° 2003-22 du 28 août 2003 portant organisation et attributions des structures de la
de 2004).
280
Les membres de la Commission bénéficient d’une indemnité forfaitaire
journalière de session dont le montant est fixé par le décret 97-101 du 12 mars 1997.
Les membres travailleurs de la Commission bénéficient également des garanties
accordées aux travailleurs protégés dans les relations avec leurs employeurs. Ils ne
peuvent être licenciés sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail.
L’employeur ne peut que prononcer à leur encontre une mise à pied en attendant la
décision de l’inspecteur du travail.
§ 1 - Le rôle du CTNCHS
324. Le Comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité a pour
rôle d’émettre des avis sur les questions intéressant l’hygiène et la sécurité des
travailleurs et sur toute question sur laquelle son avis est requis. La formule de
l’article 2 du décret 96-17 du 30 janvier 1996 montre qu’il y a des cas où son avis est
obligatoirement requis et des cas où sa consultation est facultative : « en dehors des
cas pour lesquels son avis est obligatoirement requis en vertu des dispositions du code
du travail et des textes pris pour son application, ce comité peut être consulté sur
toutes les questions intéressant l’hygiène et la sécurité ». Le Comité doit être consulté
chaque fois qu’un texte y renvoie : fixation des conditions d’hygiène et de sécurité sur
les lieux de travail ; règles de fonctionnement du service médical d’entreprise ; forme
du registre spécial des visites médicales etc. Contrairement au décret de 1997 relatif à
la Commission consultative du travail, celui relatif au CTNCHS ne recense pas les
dispositions législatives qui renvoient à un avis obligatoire de ce comité.
comité de santé et de sécurité dans les établissements occupant moins de 30 travailleurs et un service de sécurité en
milieu de travail dans les entreprises industrielles occupant 50 travailleurs).
281
§ 2 - La composition du CTNCHS
325. Le CTNCHS est composé sur la base tripartite chère au droit social : il
comprend des représentants de l’Etat, des employeurs et des travailleurs.
Contrairement aux textes antérieurs qui assuraient une égalité de représentation des
trois composantes (5 travailleurs, 5 employeurs et 5 représentants de l’Etat), le décret
de 1996 accorde une représentation plus forte à l’Etat. Le comité comprend 24
membres dont 5 représentants des travailleurs, 5 représentants des employeurs et 14
représentants de l’Etat. Il est présidé de droit par la direction de la sécurité sociale. La
direction générale de l’Office de santé des travailleurs en assure le secrétariat1.
§ 3 - Le fonctionnement du CTNCHS
326. Le CTNCHS se réunit au moins une fois par semestre sous la présidence
du directeur de la sécurité sociale. Il peut se réunir en session extraordinaire à
l’initiative de son président ou à la demande de 2/3 de ses membres. Lors de ses
réunions, des fonctionnaires qualifiés ou des personnalités compétentes en matière
d’hygiène et de sécurité peuvent être convoqués à titre consultatif. Le président peut
recueillir tous documents ou informations utiles auprès des administrations
compétentes ou des entreprises privées.
282
prépondérante. Outre l’institution du comité permanent, le CTNCHS peut également
constituer en son sein des sous-comités pour l’étude des questions qui lui sont
soumises pour avis. Un sous-comité peut être mandaté pour émettre l’avis1.
Il est tenu un procès-verbal des séances des instances et tout membre peut
demander l’inscription au procès-verbal de ses déclarations. Il est également tenu un
registre des avis du CTNCHS à la direction de la sécurité sociale. Les frais de
fonctionnement du CTNCHS et les frais de transport et d’hébergement des membres
qui se déplacent pour prendre part aux sessions sont mis à la charge de l’Office de
Santé des Travailleurs (O.S.T.).
Mais il a fallu attendre trois ans pour voir apparaître un texte d’application, le
kiti an VIII – 218 FP/TRAV du 2 mai 1991 portant composition, attributions et
fonctionnement de la CNT4. Suivant ce Kiti, la CNT se compose de 20 représentants
des organisations syndicales de travailleurs, 20 représentants des organisations
syndicales d’employeurs et 20 représentants de l’Etat. Ces derniers sont nommés sur
proposition de certains ministères et du conseil économique et social (1 membre). Les
membres travailleurs et employeurs sont nommés sur proposition des organisations
syndicales les plus représentatives ou, en cas de défaillance, sur proposition du
Ministre chargé du travail et de la sécurité sociale.
283
Il est prévu comme organes de la CNT : une assemblée générale, un bureau
exécutif et un secrétariat permanent.
L’assemblée générale est l’organe délibérant chargé d’émettre des avis motivés
et de formuler des recommandations sur toutes les questions relatives à l’application
de la législation sociale, de faire des propositions relatives à l’amélioration des
conditions de vie et de travail des masses laborieuses, de contribuer par sa médiation
au règlement des conflits collectifs nationaux, de mener toute réflexion favorable à un
meilleur équilibre entre le développement économique et le progrès social ;
D’abord la CNT a été créée dans une période de turbulences politiques, moins
d’un an après le coup d’Etat du 17 octobre 1987. Le contexte de crise de légitimité
politique faisait apparaître la création de la CNT comme une opération de charme plus
qu’une démarche mûrie et axée sur le long terme.
284
En outre, sur le plan de la conception de la CNT, celle-ci apparaît trop proche
de la Commission consultative du travail sur les plans du nombre de membres et de
l’organisation. Seules les missions de la CNT sont plus larges mais aussi plus vague.
Une idée ambitieuse de concertation ne cadre pas avec une démarche bureaucratique.
Elle demande au contraire une flexibilité dans l’organisation et des objectifs mieux
ciblés, par exemple aboutir à des accords sur tel ou tel point.
Enfin, la CNT ne semble pas partir de la situation réelle des forces sociales :
elle part des relations triangulaire Etat-employeurs-travailleurs, comme si l’Etat était
un simple régulateur des rapports employeurs-travailleurs alors que l’Etat était le
principal pôle, avant le mouvement de privatisation du moins. D’une part, les
syndicats sont dominants dans la fonction publique et, d’autre part, c’est le secteur
public qui était le plus concerné par la crise économique en raison des réformes de
libéralisation. Par conséquent les conflits collectifs nationaux risquent d’interpeller
directement l’Etat soit comme employeur, soit en raison des objectifs politiques
poursuivis et à peine camouflés par des revendications corporatives accolées.
285
SOUS -TITRE II – LES JURIDICTIONS DU TRAVAIL
328. L’élaboration et le contrôle de l’application de la réglementation du
travail sont assurés par les institutions administratives. Le soin de trancher des
contestations qui peuvent naître de cette application ou inapplication est confié à des
juridictions spéciales, appelées en France juridictions prud’homales et en Afrique
francophone juridictions du travail. Naturellement, d’autres juridictions peuvent
intervenir dans l’application de la réglementation sociale, notamment les juridictions
pénales, qui sont chargées de la répression de la violation des dispositions législatives
et réglementaires d’ordre public ayant un caractère de contravention, de délit ou de
crime. Mais il revient aux juridictions du travail de connaître des litiges entre
employeurs et travailleurs1. Par juridictions du travail, il faut entendre essentiellement
les tribunaux du travail. Les litiges sociaux sont aussi soumis aux chambres sociales
des cours d’appel et de la Cour de cassation mais ces chambres sociales ne présentent
pas de particularités d’organisation et de composition.
1 V. articles 285 à 333 du code de 2004 (articles 178 à 205 C.trav. de 1992).
2 V. Arrêté 647 ITLS-HV du 6 octobre 1953, J.O.RHV , hors série du 1 er janvier 1954, p.9.
3 V. Décret 76-276 du 29 juillet 1976, J.O.RHV n° 33 du 12 août 1976, p. 570.
286
287
CHAPITRE I - L’ORGANISATION ET LES COMPETENCES DU
TRIBUNAL DU TRAVAIL
329. Le tribunal du travail tire sa qualification de juridiction d’exception de par
son mode d’organisation et de son champ de compétence limité aux litiges sociaux.
§ 1 - La composition du tribunal
330. Les tribunaux du travail sont des juridictions paritaires composées d’un
président, de deux assesseurs (au lieu de quatre assesseurs auparavant) 1 et d’un greffe.
Le président du tribunal est un magistrat de carrière nommé par décret sur proposition
du ministre de la justice2. Les deux assesseurs doivent comprendre un assesseur
employeur et un assesseur travailleur, désignés pour chaque affaire par le président sur
une liste d’assesseurs établie auprès de la juridiction par arrêté conjoint du Ministre
chargé de la justice et du Ministre chargé du travail.
Sous les codes antérieurs, le tribunal pouvait siéger à trois au lieu de cinq
membres lorsqu’un assesseur était défaillant et ne pouvait être remplacé par un
suppléant. En ce cas, le plus jeune membre de la catégorie en surnombre ne siégeait
pas. Cette possibilité était pratiquement devenue la règle. Par ailleurs, Il pouvait siéger
seul si après deux convocations, le tribunal n’arrivait pas à se réunir. La possibilité de
siéger seul est reprise dans le nouveau code3. C’est une disposition de sauvegarde pour
éviter la paralysie et le dénie de justice si les assesseurs sont défaillants. La prudence
du législateur peut être approuvée, mais une telle situation ou le Président siège seul
dénature la qualité de juridiction professionnelle du tribunal du travail.
1 Le code de 2004 (article 293) ramène le nombre d’assesseurs à deux, dont un assesseur travailleur et un assesseur
employeur, prenant acte du fait que depuis longtemps, les tribunaux du travail siègent à trois et non pas à cinq.
2 Article 293 du code de 2004 (article 183 C.trav.). Sous le code de 1962, il était nommé sur proposition conjointe
employeur et un assesseur travailleur, le Président ne sera pas fréquemment conduit à siéger seul pour cause de
défaillance d’un assesseur et de son suppléant.
288
des parties, son conjoint ou son allié en ligne directe ; s’il est employeur ou travailleur
de l’une des parties1.
289
SECTION II – LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU
TRAVAIL
332. Les règles de compétence du tribunal du travail peuvent être envisagées
suivant les deux aspects de la compétence territoriale ou ratione loci et de la
compétence d’attribution ou ratione materiae.
§ 1 - La compétence territoriale
333. Selon l’article 291 C.trav.1, « le tribunal compétent est celui du lieu de
travail. Toutefois, pour les litiges nés de la résiliation du contrat de travail du fait de
l’employeur et nonobstant toute attribution conventionnelle de juridiction, le
travailleur aura le choix entre le tribunal de sa résidence habituelle au Burkina Faso et
celui de son lieu de travail. Le travailleur recruté sur le territoire national aura en outre
la faculté de saisir le tribunal du lieu de conclusion du contrat ». Cette disposition pose
un principe avec des exceptions en faveur du travailleur.
A – LE PRINCIPE
B - LES EXCEPTIONS
1 La question de compétence est traité par les articles 287 à 291 de ce code.
290
Cette faculté lui est ouverte « nonobstant toute clause attributive de
juridiction ». Elle est d’ordre public et ne peut être écartée par une clause du contrat
de travail.
§ 2 - La compétence d’attribution
335. La compétence d’attribution pose le problème de la détermination des
litiges pour lesquels le tribunal du travail est compétent. Ce tribunal n’est compétent
que dans les domaines qui lui sont attribués par la loi. Selon l’article 287, al. 1, C.
trav. « les tribunaux du travail connaissent des différends individuels pouvant s’élever
entre les travailleurs et leurs employeurs, les apprentis et leurs maîtres à l’occasion du
contrat de travail et d’apprentissage ». Selon l’alinéa 2 de cet article, « ces tribunaux
sont compétents pour connaître : des litiges relatifs aux accidents de travail, aux
maladies professionnelles y compris ceux relatifs à l’application du régime de la
sécurité sociale ; des différends individuels relatifs aux conventions collectives et aux
arrêtés en tenant lieu ; des différends nés entre travailleurs à l’occasion du contrat de
travail, ainsi que des actions directes des travailleurs contre l’entrepreneur prévues à
l’article 86 de la présente loi ; des différends nés entre travailleurs et entre employeurs
à l’occasion du travail, ainsi qu’entre les institutions de sécurité sociale, leurs
bénéficiaires et les assujettis ; des actions récursoires des entrepreneurs contre les
sous-traitants » 1. Cette disposition, qui consacre des extensions de la compétence du
tribunal du travail, appelle à faire une distinction selon les trois points suivants : les
parties, le caractère individuel du différend et le domaine du litige.
1Cet article 287 innove dans sa présentation formelle tout en opérant une extension de la compétence du tribunal
du travail par des ajouts qui ne sont pas de simple explicitation des dispositions anciennes.
291
A – LES PARTIES
Le problème qui se pose en ce qui concerne les parties est de s’assurer que ces
parties ont les qualités de travailleur et d’employeur ou y sont assimilées. Il s’agit de
faire la preuve que ces parties sont liées par des rapports contractuels de travail. Pour
ce faire on se référera aux définitions que donne le code du travailleur et du contrat de
travail et aux critères distinctifs des autres contrats (infra titre II). Cette question de la
nature du lien contractuel peut quelquefois appeler à faire la distinction entre
travailleur lié par un contrat de droit privé et travailleur soumis au droit administratif,
dans la mesure ou ces derniers sont exclus de la compétence de la juridiction du
travail. Mais la question relève de l’analyse de la nature réglementaire ou
contractuelle du droit contesté et ne se pose que pour les employeurs organismes
publics ou entreprises publiques qui peuvent avoir des salariés relevant à la fois du
droit du travail et du droit administratif4.
1 V. KIRSCH Martin, Droit du travail africain, tome 2, 1 ère édit., p. 336.
2 L’article 287 alinéa 2 § 3 du code de 2004 ajoute « ainsi qu’aux actions directes des travailleurs contre
l’entrepreneur prévues à l’article 86 ». Il s’agit de l’action des salariés du tâcheron ou sous-traitant installé dans les
ateliers de l’entrepreneur, contre l’entrepreneur, lorsque les salaires n’ont pas été payés par le tâcheron. Cette
adjonction est une précision car l’on est dans un litige entre travailleurs et employeurs.
3
Le dernier paragraphe de cet article 287 dispose également que ces tribunaux connaissent « des actions
récursoires des entrepreneurs contre les sous-traitants ». C’est implicitement l’hypothèse de l’entrepreneur qui
aurait payé les salariés du sous-traitant défaillant et se retourne contre lui pour se faire rembourser. Cette extension
explicite est heureuse parce qu’il s’agit d’une dette de salaire et de l’application d’une disposition du code du
travail créant cette garantie. On se trouve alors dans un cas de compétence du tribunal du travail pour connaître
d’un litige opposant deux employeurs à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail.
4 L’article 288 du code de 2004 précise que « les personnels des services publics, lorsqu’ils sont employés dans les
conditions du droit privé, relèvent de la compétence des juridictions du travail ». L’article 289 également dispose
que « les juridictions du travail demeurent compétentes lorsqu’une collectivité ou un établissement public est mis
292
B - LE CARACTERE INDIVIDUEL DU LITIGE
en cause en matière de conflits du travail ». Ces précisions ne sont pas superflues mais elles ne lèvent pas les
incertitudes sur la nature réglementaire ou contractuelle de certaines règles applicables au personnel dans ces
institutions. Par ailleurs, l’emploi du terme collectivité sans autre précision (collectivité territoriale ou collectivité
publique) est critiquable.
1 Intégrant les apports de la jurisprudence et de la doctrine, l’article 286 donne pour la première fois une définition
du différend individuel : « le différend individuel s’entend d’un conflit qui oppose un ou plusieurs travailleurs à
l’occasion de l’exécution du contrat de travail pour la reconnaissance d’un droit individuel ». L’intérêt de cette
définition est d’opposer « la reconnaissance d’un droit » à la défense d’un « intérêt » dans le cadre du conflit
collectif définit par l’article 335.
293
cas par exemple de plusieurs travailleurs licenciés : chaque travailleur congédié agit
en tant que victime de la sanction ou de la mesure prise. Par contre, Le différend
collectif suppose la présence d’un groupe de salariés mais cet élément seul ne suffit
pas car chaque travailleur peut avoir un intérêt individuel ou personnel au litige 1. Il
faut donc que le litige porte sur un intérêt collectif. C’est cet intérêt collectif qui
soustrait le litige à la connaissance du tribunal du travail, parce que le but de l’action
ou la solution à donner peut être la création d’un droit. Ainsi, le tribunal du travail ne
sera pas compétent pour connaître d’un litige opposant le syndicat de travailleurs à
l’employeur à propos de l’activité intérieure de l’entreprise, ou des conditions
d’emploi ou d’intégration d’une catégorie de travailleurs dans un emploi.
C – LE DOMAINE DU LITIGE
338. Il ne s’agit plus, ici, des parties, mais du domaine du droit concerné :
l’objet du litige peut porter sur le contrat de travail, l’application de la réglementation
de sécurité sociale ou sur les conventions collectives ou accords d’établissement.
1 Cf., C. S. Ch. adm., 12 novembre 1968, arrêt SNEAHV : dans un contentieux de la fonction publique, la Cour
suprême a décidé qu’un arrêté reclassant 441 enseignants avec retard dans la solde s’analyse en une série de 441
mesures individuelles. V. également, C.S. HV, 14 janvier 1972, OVSL c/ Jean Lefebvre, Bulletin de la Cour
suprême, n°1, p. 9.
294
conséquences collectives désastreuses pour l’entreprise. L’article 287 alinéa 2 § 1
retient une formulation plus large qui affirme plus clairement la compétence de
principe du tribunal du travail en matière de sécurité sociale : ces tribunaux sont
compétents pour connaître « des litiges relatifs aux accidents du travail, aux maladies
professionnelles, y compris ceux relatifs à l’application du régime de la sécurité
sociale ». Le § 4 de cet alinéa complète l’élargissement en mentionnant les différends
nés « entre les instituions de sécurité sociale, leurs bénéficiaires et les assujettis ».
1 V. C. cass. fr. 23 juin 1960, Toussaint c/ Compagnie des matières colorantes, GADT, 2e édit., n° 32, D. 1960, p.
688 (les sieurs Toussaint et autres, employés comme magasiniers, ont demandés à bénéficier des dispositions d’une
convention collective. Le tribunal s’est déclaré incompétent parce que la demande est collective et non pas
individuelle : il s’agit d’une revendication d’un nouveau cadre. La chambre sociale en décide autrement. Pour elle,
les travailleurs ont entendu faire trancher, non collectivement, mais individuellement la question de leur
reclassement). V. également, C. S. BF. chambre sociale, arrêt n° 8 du 16 février 1999 (saisine collective du juge.;
conflit individuel car chaque travailleur s’est porté plaignant, par une requête collective, pour contester son
licenciement).
2 V. article 125, alinéa 1, C. trav. (article 69 du code de1992). Depuis l’arrêté portant extension de la convention
collective interprofessionnelle de 1974, il ne semble pas y avoir eu de prise d’arrêté tenant lieu de convention
collective.
295
CHAPITRE II - LA PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS
DU TRAVAIL
339. On examinera d’abord la procédure devant le tribunal du travail, puis les
voies de recours qui sont en partie relatives à la procédure devant les juridictions
supérieures : les juridictions d’appel et de cassation.
§ 1 - La saisine du tribunal
340. La procédure de saisine a été volontairement simplifiée pour permettre au
travailleur d’agir : le tribunal peut être saisi par déclaration écrite ou verbale faite au
greffe du tribunal1. Il n’est pas exigé le paiement de droit de timbre, de caution, de
droits fixes ou proportionnels. Le demandeur doit produire une copie conforme du
procès-verbal de non conciliation totale ou de conciliation partielle, compte tenu du
caractère obligatoire de la procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail.
annoté, annexe 102) fixe les délais de distance en matière de procédure devant les tribunaux du travail de la
manière suivante : de 15 jours à deux mois si la partie intéressée réside hors du territoire national et selon
l’existence d’une liaison par voie ferroviaire ou aérienne et le caractère plus ou moins éloigné du pays où il réside ;
296
Les parties peuvent se faire représenter ou assister de la manière suivante : soit
par un travailleur ou un employeur appartenant à la même branche d’activité ; soit par
un avocat ; soit encore, par un représentant des organisations syndicales auxquelles
elles sont affiliées. Les employeurs peuvent en outre se faire représenter par un
directeur ou un employé de l’entreprise. Les mandataires des parties, à l’exception des
avocats, doivent être constitués par écrit1. Les parties doivent se présenter à la
convocation au jour et à l’heure fixée. Mais la défaillance du demandeur ou du
défendeur n’a pas les mêmes conséquences : si le demandeur ne se présente pas, la
cause est rayée du rôle et ne peut être reprise qu’une seule fois2 ; si le défendeur ne
comparait pas et ne justifie pas d’un cas de force majeure, la cause est jugé par
défaut3. Mais si le défendeur s’est présenté une fois et ne se présente pas par la suite,
le jugement est réputé contradictoire. Il perd, par conséquent, le droit de faire
opposition.
§ 2 - Le jugement
341. L’audience devant le tribunal du travail est publique. Le président du
tribunal assure la police de l’audience et dirige les débats. Il interroge et confronte les
parties, fait comparaître les témoins cités à la demande des parties ou par lui-même. Il
procède à l’audition de toute personne dont il juge la déposition utile au règlement du
litige Il peut prescrire tous constats et expertises. L’affaire est en principe jugée
séance tenante. Aucun renvoi du procès ne peut être ordonné sauf accord des parties.
Mais le président du tribunal peut ordonner le renvoi par jugement motivé pour
nécessités d’enquêtes4. A la clôture des débats, le tribunal suspend l’audience pour
délibérer en secret et la reprend pour la lecture du jugement. Il peut mettre l’affaire en
délibéré mais alors, il devra prononcer le jugement à la prochaine audience. La mise
en délibéré est très fréquente : cette faculté est justifiée par les cas où le délibéré
promet d’être long mais sa fréquence semble s’expliquer par la difficulté des
juridictions à respecter l’article 196 du code de 1992 qui disposait que le jugement
« est rédigé sur l’heure »5. La minute du jugement doit être signée du président et du
greffier.
Le jugement doit être motivé, notifié aux parties6 et copie doit être envoyée à
l’inspecteur du travail du ressort des parties. Le tribunal peut en ordonner l’exécution
de six jours à un mois si la partie intéressée réside au Burkina Faso selon l’existence de liaison aérienne, ferroviaire
ou par route et selon la proximité par rapport au siège du tribunal ; pas de délai de route si la partie intéressée réside
dans un rayon de quarante (40) kilomètres du siège du tribunal, ou dans la commune ou siège le tribunal.
1 Cf. art. 191 al.2 C.trav. (art. 312 du code de 2004).
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 16 juin 1981, jugements n° 13 et 14. Les jugements de radiation ou de désistement
297
immédiate par provision, avec ou sans caution, même s’il y a possibilité d’appel ou
d’opposition. L’exécution par provision peut être ordonnée sans caution jusqu’à une
certaine somme1. Au-delà de cette somme, il faut une caution qui garantisse le
remboursement si le bénéficiaire de la provision est finalement perdant en appel ou en
cassation. Il s’agit ici de composer entre, d’une part, le caractère alimentaire des
sommes à verser au travailleur s’il est gagnant en évitant que l’employeur ne prolonge
son calvaire par l’appel ou le recours en cassation et, d’autre part, le caractère non
définitif, avant l’écoulement des délais de recours, du jugement et du risque de faire
payer des sommes qui ne pourront pas être remboursées.
1 Cette somme a été fixée par l’arrêtée conjoint n° 95-6/MJ/METSS du 16 février 1995 relatif à la mise en
application de l’article 197 C. trav. de 1992 à un million (1000.000) FCFA. L’article 318 du code de 2004 l’a porté
à deux millions (2000.000) FCFA.
298
SECTION I- LES VOIES DE RECOURS
Les voies de recours contre le jugement du tribunal du travail sont :
l’opposition, l’appel et le recours en cassation.
§ 1 - L’opposition
342. L’opposition est ouverte à la partie contre qui il a été rendu un jugement
par défaut. Cette procédure à pour but de faire respecter le principe du contradictoire,
en faisant reprendre le jugement pour permettre à la partie défaillante de présenter ses
moyens de défense. L’opposition doit être formée dans un délai de dix jours à compter
de la signification du jugement, non compris les délais de distance pouvant être
accordés. Passés ces délais, le jugement devient exécutoire. Si l’opposition est faite
dans les délais, le président convoque à nouveau les parties et rejuge l’affaire comme
précédemment indiqué. Le jugement est exécutoire nonobstant tout défaut ou appel 1.
§ 2 - L’appel
343. L’appel est interjeté dans les quinze jours du prononcé du jugement ou de
la signification quant elle est prescrite2. L’appel est formé par déclaration écrite ou
verbale faite au greffe du tribunal du travail. Le tribunal doit transmettre dans le délai
d’un mois, l’appel et le dossier de l’affaire à la juridiction d’appel. L’affaire est
affectée à la chambre sociale de la Cour d’appel3. L’appel est une voie de recours dont
le but est d’appliquer le principe du double degré de juridiction, qui est une garantie
de bonne justice, le plaideur débouté pouvant faire entendre sa cause une deuxième
fois.
Mais l’appel n’est possible que si le tribunal ne s’est pas prononcé en dernier
ressort. En effet, les jugements des tribunaux du travail sont définitifs et sans appel,
sauf du chef de la compétence, lorsque le chiffre de la demande n’excède pas cent
mille (100.000) FCFA. Au-delà de cette somme, les jugements sont susceptibles
d’appel4. Ce plafond concerne les demandes principales, reconventionnelles ou en
compensation. Mais le tribunal peut statuer en dernier ressort si seule la demande
reconventionnelle dépasse le taux de sa compétence en dernier ressort et n’est fondée
que sur des réclamations de dommages-intérêts ou a été formée uniquement en vue de
rendre le jugement susceptible d’appel. Il statue également en dernier ressort en cas de
défaut du défendeur, si seule les demandes reconventionnelles formées par celui-ci
(100.000) FCFA.
299
dépassent le taux de sa compétence en dernier ressort. L’auteur d’une demande
reconventionnelle reconnue formée uniquement pour rendre la décision susceptible
d’appel peut être condamné en appel à des dommages et intérêts.
Si l’appel est interjeté dans les délais, la chambre sociale de la Cour d’appel
rejuge l’affaire selon les mêmes règles que devant le tribunal du travail.
§ 3 - Le recours en cassation
344. La dernière voie de recours est le pourvoi en cassation. L’affaire sera
portée devant la chambre sociale de la Cour de cassation1. Le pourvoi est introduit et
jugé comme en matière civile. Le délai de recours est de deux mois à compter de la
notification du jugement rendu en dernier ressort ou de l’arrêt d’appel. Devant la cour
de cassation, le ministère d’avocat est obligatoire. La cour de cassation ne connaît pas
du fonds de l’affaire, elle doit être saisie sur la violation d’un point du droit par le
jugement ou l’arrêt de la Cour d’appel. Lorsqu’elle estime le pourvoi fondé, elle casse
et renvoie l’affaire devant la même Cour d’appel autrement composée ou devant une
autre Cour d’appel.
1V. la loi organique n° 13-2000 AN du 9 mai 2000 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour
de cassation et procédure applicable devant elle, Code judiciaire, Tome V, pp. 157 et s.
300
301
Sous-titre III - Les institutions professionnelles
345. Il découle du principe de participation et de tripartisme que la présence,
au niveau national et au niveau de l’entreprise, des institutions représentatives des
sujets du droit du travail est plus marquée que dans d’autres branches du droit. Cette
représentation est assurée par les syndicats de travailleurs et les organisations
professionnelles d’employeurs. Le terme organisation professionnelle d’employeurs
est assez vague, mais il indique la diversité de dénomination de ces institutions :
syndicat, groupement, association. Le mot syndicat s’applique aussi aux employeurs,
bien que plus utilisé en ce qui concerne les salariés. Ainsi, l’article 252 C.trav. énonce
sans précision que « les syndicats professionnels ont pour objet la promotion et la
défense des intérêts professionnels de leurs membres ». Cette disposition est éclairée
par l’article 253 C.trav. qui applique le même concept aux employeurs : « les
travailleurs…, ainsi que leurs employeurs peuvent constituer librement des syndicats
professionnels… ». Par ailleurs, la diversité des termes désignant les institutions
professionnelles est valable pour les deux types d’organisations, celles des employeurs
et celles des travailleurs. Par exemple, l’article 109 C.trav., à propos des conventions
collectives, vise « les représentants d’un ou plusieurs syndicats ou groupements
professionnels de travailleurs » et « une ou plusieurs organisations syndicales
d’employeurs ou tous autres groupements d’employeurs ».
1 La première revue du CNPB (sans date) énumérait, pour 2004, quarante six organisations. Les principales sont :
l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF), le Groupement professionnel des
industriels (GPI), le Syndicat des commerçants importateurs et exportateurs (SCIMPEX), l’Association
professionnelles des sociétés d’assurance du Burkina (APSAB), le Groupement professionnel des pétroliers (GPP),
le Groupement professionnel des miniers du Burkina (GPMB), le Syndicat national des entrepreneurs du bâtiment
et des travaux publics (SNEBTP), l’Association des hôteliers et restaurateurs du Burkina (AHRB), la Fédération
nationale des industries de l’agroalimentaire et de transformation du Burkina (FIAB), l’Organisation des
transporteurs routiers du Faso (OTRAF), le Syndicat des commerçants de céréales (SNCC), les divers ordres
professionnels, etc.
302
national et local. Au niveau de l’entreprise, les salariés sont représentés par les
syndicats mais aussi par des délégués du personnel, généralement issus des syndicats
(chapitre II).
303
CHAPITRE I - LE SYNDICAT
Le syndicat est la première institution professionnelle à partir de laquelle sont
apparues les autres : le délégué du personnel au Burkina, le comité d’entreprise
ailleurs, ou les organismes à caractère paritaire ou tripartite (commission consultative
du travail). Cette antériorité historique commande la présentation d’un bref aperçu sur
le mouvement syndical (section I) et sur le syndicalisme burkinabè (section II). On
abordera par la suite le statut du syndicat (section III) et ses activités (section IV).
304
§ 1 - Les tendances du mouvement ouvrier
347. Des tendances sont apparues au sein du mouvement ouvrier
essentiellement sur deux questions : la question de l’autonomie ou de la dépendance
du syndicat par rapport aux partis politiques et aux idéologies politiques ou de classes
sociales ; et celle de savoir si le but du syndicat est de réaliser la réforme ou la
révolution.
Ces deux questions sont complémentaires mais distinctes car si les syndicats
qui se donnent pour objectif de réaliser la révolution sont favorables à une dépendance
du syndicat par rapport au parti politique exprimant l’idéologie et les intérêts du
prolétariat, ce n’est pas le cas pour certains d’entre eux qui ont souvent refusé de se
subordonner à un parti politique. Par exemple, des syndicats d’obédience anarchiste
(ou anarcho-syndicalisme) qu prônent la révolution, se disent ˝antivotards˝ et refusent
l’allégeance au parti politique révolutionnaire. Par contre les syndicats réformistes
sont en général contre la dépendance à l’égard des partis politiques mais dans ce camp
également, certains de ces syndicats entretiennent des relations organiques ou
personnelles plus ou moins étroites avec des partis politiques. L’exemple, le plus
illustratif est donné par le parti travailliste de Grande Bretagne, crée par les syndicats.
Ce sont des syndicalistes des Trade unions ayant accédé aux fonctions parlementaires
qui ont pris l’initiative de la création de ce parti politique.
En gros, la distinction, sur ces questions, était beaucoup plus nette entre les
positions des syndicats des ex-pays socialistes d’une part et, d’autre part, ceux
d’Europe occidentale et des Etats Unis d’Amérique.
305
s’affilier au syndicat) pour consolider leur puissance1. Ces pratiques sont aujourd’hui
interdites aux USA.
- En Europe occidentale, la situation est très diversifiée mais on peut faire cette
division en deux pôles :
§ 2 - Le syndicalisme international
348. On peut, pour simplifier, distinguer deux périodes dans l’évolution du
syndicalisme international : avant et après la 2ème guerre mondiale, bien que la période
avant la première de même que la période de l’entre deux guerres aient connu
beaucoup d’effervescence2.
Les premiers regroupements sont apparus avant la 1ère guerre mondiale avec la
création des secrétariats professionnels internationaux (SPI) dont le premier fut celui
du tabac en 1889. Ces secrétariats unissent les salariés d’une même profession, de
nationalités différentes. Certains sont organisés dans le cadre de métiers (gantiers,
306
coupeurs-tailleurs, mouleurs, peintres) et d’autres dans le cadre d’une industrie
(Fédération Internationale de Chimie, de métallurgie, du textile, du bâtiment, etc.).
Ces secrétariats sont actuellement utiles et efficaces sur le plan de la solidarité
internationale en cas de grève dans les multinationales, et pour la mise en place de
documentations et d’études. Puis le mouvement s’est poursuivi sous la forme de
fédération de centrales syndicales nationales
Une brève période d’unité va être réalisée dans l’immédiat après-guerre, avec
la création à Londres du 7 au 17 février 1945 de la Fédération Syndicale Mondiale
(FSM) dont le siège fut fixé à Prague. Mais la CISC refusera d’y adhérer.
§ 3 - Le syndicalisme africain
349. Le droit syndical est introduit en AOF par le décret du 11 mars 1937,
mais dans des conditions de jouissance très restrictives. A la suite de la conférence de
Brazzaville, le syndicalisme sera reconnu par un décret du 4 août19441 et divers autres
facteurs permirent son extension : des recommandations de l’OIT appellent les pays
ayant des colonies à leur étendre l’application du droit du travail ; la constitution de
1946 reconnaît aux ressortissants des TOM la qualité de citoyens et les droits et
libertés proclamés par le préambule, dont le droit syndical. Toutefois, le syndicalisme
307
africain ne se développera de façon autonome qu’à partir de 1955, époque par ailleurs
de l’adoption des textes d’application du Code du travail d’Outre-mer de 19521.
Entre ces deux périodes, les syndicats, en Afrique, étaient des excroissances
des centrales syndicales françaises (CGT, CFDT, CFTC, notamment). Ils se
sépareront de ces centrales françaises vers 1955 avec la naissance de la CGTA en
novembre 1955 et de la CATC crée en juillet 1959 (à Ouagadougou). Ils tenteront de
se regrouper à l’échelle africaine à partir de 1957.
Dans l’ensemble, les syndicats africains ont été caractérisés dès le départ par
une forte politisation même si l’on y retrouve le débat doctrinal sur les missions du
syndicat, entre réformistes et révolutionnaires. Nés sous le joug colonial et à l’époque
des luttes pour l’indépendance, les syndicats sont apparus comme le fer de lance de
ces luttes2 et beaucoup de dirigeants politiques ont été des dirigeants syndicaux
1 V. ISSA-SAYEGH, op. cit., pp. 310 et s. ; Lambert BOVY, Histoire du mouvement syndical ouest africain, Rev.
Jur. et Pol. Indép. Coop., 1968, p. 111 ; Le mouvement syndical en Afrique noire d’expression française, Penant,
1964, n° 702, p. 383 ; P.-F. GONIDEC et M. KIRSCH, Droit du travail des TOM, LGDJ, 1958, pp. 636 et s. ; P.-F.
GONIDEC, L’évolution du syndicalisme en Afrique Noire, Penant 1962, p.117 ; Penant 1963, pp. 171 et S.
2 M. Issa-Sayegh constate que l’UGTAN « était un véritable mouvement politique, prenant parti sur tous les
problèmes politiques », op. cit., p. 314. V. la présentation plutôt ironique de la déclaration de naissance d’un
nouveau syndicat burkinabè, pour marquer la pléthore et la propension des syndicats à pendre position sur tous les
problèmes, dans l’Observateur paalga n° 6114 du vendredi 2 avril 2004 : « Il ne manquait plus qu’in syndicat
révolutionnaire et anti-impérialiste dans la pléthore de ceux qui existent déjà. Aujourd’hui nous en avons un : c’est
le syndicat des personnels et des enseignants du secondaire et du supérieur (SPESS) qui vient d’être reconnu par le
ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. A travers cette déclaration fleuve, c’est un long
réquisitoire sur l’état de la Nation version SPESS qu’il nous est donné de lire. Tout y passe, la problématique de
308
révolutionnaires (ex. Sékou Touré) ou réformistes (ex. Houphouët-Boigny)1. Cet
engagement politique se poursuivra après les indépendances sur les thèmes de la lutte
anti-impérialiste (et contre ses valets locaux), des attitudes à l’égard de l’évolution
vers l’instauration de partis uniques et, sur le plan international, de l’attitude à l’égard
des deux blocs communistes et capitalistes.
l’enseignement, la situation politique nationale, la débâcle des Etalons et même actualité internationale oblige, le
terrorisme et les attentats en Espagne ».
1 Au Burkina Faso, par exemple, Maxime Ouédraogo, ancien ministre sous la première République a été secrétaire
général de la section UGTAN et le célèbre Joseph Ouédraogo a été secrétaire général de la CNTV.
2 V. L’origine du syndicalisme burkinabè, Sidwaya n° 3754 du 30 avril au 2 ami 1999.
309
- l’UNSL/FO (Union nationale des syndicats libres/ Force ouvrière) issue
d’une scission de l’ONSL.
1 Sur les divergences de conceptions ayant été à l’origine de la création de la CGTB, voyez l’interview de M. Touré
Soumane, ancien secrétaire général de la CSB, in Observateur dimanche n° 133 du 10 au 16 juillet 1998, pp. 4 à7.
2 V. Sidwaya n° 3754, op. cit. Les autres syndicats autonomes relèvent principalement de la fonction publique:
Syndicat autonome de l’administration générale (SAPAG), Syndicat autonome des magistrats burkinabè
(SAMAB), Syndicat des magistrats du Burkina (SMB), Syndicat burkinabè des magistrats (SBM), Syndicat
national des agents de la justice (SYNAJ), Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEAB, qui a
quitté la CSB), Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base (SYNATEB, issu d’une scission du
SNEAB), Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC), Syndicat autonome du
personnel du ministère des affaires étrangères (SAMAFET), Syndicat national des travailleurs de la douane
(SYNATRAD), Syndicat autonome des infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB), Syndicat autonome des
travailleurs de l’action sociale et de la famille (SYNTAS), Syndicat autonome des travailleurs de l’administration
financière (SYNATRAF), Syndicat national des agents du cadre des affaires économiques (SYNACAB), Syndicat
national des travailleurs de la planification et de la coopération (SYNTPC). A ces syndicats autonomes s’ajoutent
généralement les syndicats de base des centrales syndicales.
310
1° - Le pluralisme syndical est une des constantes du syndicalisme burkinabè.
Il n’y a pas eu de période de syndicat unique, bien qu’il y ait eu une brève période de
parti unique par interdiction des autres partis (1960-1966) ou gel de l’activité des
partis politiques (1966 à 1969) et qu’il semble y avoir eu une velléité de création d’un
syndicat unique dans les années 1970. Ce pluralisme a constitué une force pour le
mouvement syndical, en ce qu’il a contribué à sauvegarder l’autonomie des syndicats
par rapport aux pouvoirs politiques. Il a aussi contribué à préserver de manière
générale le pluralisme politique en offrant un refuge aux activités politiques dans les
périodes où les activités des partis politiques sont interdites ou gelées. Mais ce
pluralisme a pour envers un éparpillement des syndicats qui se partagent un marché
étroit de salariés publics et privés faiblement syndiqués.
3° - Mais à l’inverse, ces alliances et affinités sont aussi cause de faiblesse, qui
constitue le troisième trait que l’on peut relever. La cristallisation des alliances et
1 Ces étiquetages ne peuvent évidemment pas être appréciés par les intéressés, au nom de l’apolitisme officiel du
syndicat ou de prétendus risques de répression. Mais le communisme a droit de cité au Burkina Faso (les deux
tendances du PAI s’en réclament et participent à des élections) et la clandestinité relève plus de la stratégie
politique que d’un risque de répression. Par ailleurs, les naissances de la CSB puis de la CGTB sont intimement
liées à l’évolution du courant révolutionnaire marxiste au Burkina Faso, dans sa lutte contre le courant réformiste
(du MLN notamment qui se réclamait de la social démocratie) et dans les scissions internes au sein du courant
marxiste au milieu des années 1970-1980.
311
affinités politiques rend pratiquement impossible toute tentative de réaliser un
optimum d’unification des syndicats ou même une unité d’action autre que
sporadique. Elle est même souvent à l’origine des scissions et de la multiplication du
nombre des centrales syndicales et des syndicats autonomes : les luttes pour le
contrôle du syndicat par les partis politiques légaux ou clandestins et les querelles de
personnes pour le leadership, qui s’y greffent ou s’expriment indépendamment,
aboutissent à des scissions ou des exclusions réciproques. Ce phénomène de
scissiparité est d’autant plus inéluctable que les syndicats révolutionnaires tolèrent
difficilement l’expression plurielle au sein d’une organisation. A cet égard, le paysage
syndical ressemble étrangement au paysage des partis politiques. L’éparpillement des
syndicats devient une cause de faiblesse.
En outre, les syndicats sont beaucoup plus présents dans la fonction publique
et le secteur public, même si l’essor du secteur privé dans ces dernières décennies
permet une plus grande possibilité d’extension vers ce secteur. La prédominance du
syndicalisme de la fonction publique et du secteur public peut expliquer en partie la
forte politisation des syndicats : en plus de la confusion entre personnel politique et
personnel syndical et de l’instrumentalisation des syndicats dans la lutte politique, la
plus grande part des actions de revendication s’adressent à l’Etat qui est leur plus gros
employeur. Les mécanismes de régulation des rapports travailleurs et employeurs ne
peuvent, dans ces conditions, être véritablement mis en œuvre.
L’article 253 C.trav. autorise les travailleurs ainsi que les employeurs à
« constituer librement des syndicats professionnels regroupant les personnes exerçant
la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes concourant à
l’établissement de produits déterminés… ». Le principe est donc celui de la libre
constitution des syndicats. L’exercice de ce principe est assorti de conditions de fonds
et de formes qui sont souples, ainsi qu’à des règles d’organisation presque totalement
libres (§2). Par ailleurs la liberté syndicale ne s’arrête pas à la libre création : elle
impose des attitudes aux partenaires du syndicat et au syndicat lui-même (§2).
§ 1 - La constitution de syndicat
355. La constitution d’un syndicat obéit à des conditions de fond et de forme
relativement simples à remplir. L’organisation du syndicat n’est pratiquement pas
réglementée.
1) La composition du syndicat
L’exercice d’une profession est une condition essentielle parce qu’elle est liée
à l’objet du syndicat. L’article 258 C.trav. autorise toutefois les personnes qui ont
cessé d’exercer leur fonction ou leur profession à continuer à faire partie d’un
syndicat, sous réserve d’avoir exercé la profession au moins un an. L’objet du
syndicat étant de défendre des intérêts matériels et moraux professionnels, les
personnes qui se donnent pour but de défendre des intérêts autres que professionnels
313
doivent avoir recours à une autre formule d’association1. Les chômeurs, les sans
emploi, les retraités, ne peuvent constituer des syndicats même s’ils peuvent se
regrouper en association. Les syndicats d’étudiants et d’élèves bénéficient de ce statut
par extension, bien que les élèves et étudiants n’exercent pas une activité
professionnelle. Le critère de l’exercice d’une même profession interdit en principe la
constitution d’un syndicat purement territorial, mais pas celle d’unions ou de
fédérations de syndicats2.
Les étrangers peuvent adhérer au syndicat mais ils ne peuvent être dirigeants
du syndicat que s’ils sont ressortissants d’un Etat avec lequel ont été passés des
accords d’établissement stipulant la réciprocité en matière de droit syndical5.
Toutefois, l’al. 3 de l’article 264 C.trav. introduit une dérogation générale plus
favorable6 : les travailleurs non nationaux peuvent accéder aux fonctions de dirigeants
syndicaux après avoir résidé de manière continu pendant cinq ans au moins au
Burkina Faso. Seule une condition de délai de résidence continue est exigée : par
exemple, l’étranger qui a fait ses études au Burkina Faso pendant cinq ans et qui y a
trouvé un emploi peut être membre dirigeant d’un syndicat.
Chaque syndicat doit élaborer ses statuts et son règlement intérieur, c’est-à-
dire définir les règles qui régissent son organisation et son fonctionnement. Les
statuts, le règlement intérieur, le procès-verbal de la réunion constitutive et la liste des
1 ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 319.
2 V. l’art. 271 C.trav. relatif aux unions au niveau local, régional ou national.
3 Art. 257 C.trav.
4 Art. 264 C.trav.
5 V. la convention d’établissement et de libre circulation des personnes entre le Burkina Faso et le Mali, signée le
chargé des libertés publiques aux syndicats d’employeurs et de travailleurs, après avis du ministre chargé du
travail. Ce système de dérogation au cas par cas était très lourd surtout pour le travailleur prétendant à une fonction
de direction dans le syndicat.
314
dirigeants doivent être déposés à la mairie ou au siège de la circonscription
administrative où le syndicat est établi, et copie des statuts doit être adressée à
l’inspecteur du travail et au procureur du Faso1. La déclaration doit être accompagnée
d’une demande manuscrite signée par deux fondateurs au moins, de trois exemplaires
des statuts, du règlement intérieur et du procès-verbal de la réunion constitutive signés
et légalisés, et de trois exemplaires signés et légalisés de la liste nominative de ceux
qui, à un titre quelconque, sont chargés de la direction du syndicat. Les
renouvellements des membres dirigeants et les modifications des statuts et règlement
intérieur doivent également faire l’objet de déclaration.
Cette question touche aux relations entre le syndicat et les pouvoirs publics ou
en d’autres termes, à l’exercice de la liberté syndicale.
C – L’ORGANISATION DU SYNDICAT
Ainsi les syndicats sont libres de créer dans les entreprises des comités
syndicaux et de désigner des délégués syndicaux. Ils peuvent créer dans les zones des
sections syndicales. La structuration concrète du syndicat dépend souvent de son
envergure. Par exemple, un « syndicat maison » ou propre à une entreprise (ex.
syndicat des cheminots) ne sera pas structuré de la même façon qu’un syndicat qui
couvre une branche d’activité ou une profession (ex. syndicat des gens de maison ou
des transporteurs routiers).
Par ailleurs, les syndicats peuvent se regrouper au niveau local, régional ou national
en unions, fédérations ou centrales syndicales. Les seules conditions sont que les
syndicats professionnels membres soient régulièrement constitués, que les statuts
315
précisent les règles selon lesquelles les syndicats adhérents à l’union seront
représentés dans les organes dirigeants et que soient accomplies les formalités de
déclaration et de dépôt des textes et listes des dirigeants conformément aux
dispositions des articles 252 à 268 C.trav. Ces unions de syndicats bénéficient des
droits et devoirs reconnus aux syndicats professionnels (art. 272 C.trav.).
§ 2 - La liberté syndicale
358. Le Code du travail proclame la libre constitution du syndicat, ce qui veut
dire que les syndicats se constituent et exercent librement leurs activités. Ce principe
de liberté prévaut à trois niveaux : dans les rapports entre le syndicat et l’Etat ; dans
les rapports entre le syndicat et l’employeur ; et dans les rapports entre le travailleur et
le syndicat lui même.
316
conforme à la convention OIT n° 87, même si, en pratique, mis à part le délai plus ou
moins long d’obtention du récépissé de déclaration, il ne semble pas y avoir eu
d’incident de remise en cause de l’existence d’un syndicat.
317
C – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT
ET LE TRAVAILLEUR
361. Dans les rapports entre le syndicat et ses membres, la liberté syndicale a
pour corollaire la liberté pour le travailleur (ou l’employeur) d’adhérer au syndicat ou
de ne pas y adhérer1 et celle de se retirer à tout moment nonobstant toute clause
contraire (art. 259 al 1). Elle exclut la pratique américaine de la clause insérée dans la
convention collective ou l’accord d’établissement selon laquelle l’employeur
n’engagera que des ouvriers syndiqués (closed shop) ou s’engageant à adhérer au
syndicat (union shop), ou celle de l’utilisation du label syndical (imposé par contrat
pour la mise en vente des produits) comme moyen de pression sur l’employeur en vue
d’obtenir un monopole d’adhésion. De telles pratiques sont contraires à l’art. 254 C.
trav. Le principe de liberté implique aussi, pour le travailleur, la liberté d’obéir ou de
ne pas suivre un mot d’ordre du syndicat. Il s’agit de la protection des droits
fondamentaux individuels contre les organisations syndicales. Ces droits individuels
sont souvent mis à mal par les pratiques de mise à l’index, d’occupation d’usine ou, au
contraire de lock-out offensif. Il est rare, sauf dans les mouvements étudiants, que des
syndicats de travailleurs obligent à suivre leurs mots d’ordre par la violence physique.
318
la défense des intérêts de la profession (création de mutuelle, de coopérative, etc.).
Dans le cas des mutuelles ou des coopératives, l’on considère que la réalisation de
bénéfice est accessoire et ne vise qu’à assurer la survie de l’activité de promotion ;
319
§ 2 – Les domaines d’action du syndicat
364. Les activités du syndicat en vue de la défense des intérêts de la profession
et de ses membres peuvent se situer à plusieurs niveaux (hors de l’entreprise ou au
sein de l’entreprise), et vont de l’intervention économique et sociale en faveur de ses
membres et de la profession, à l’engagement conflictuel avec les partenaires sociaux,
en passant par l’action participative en matière d’élaboration de la réglementation
(signature de conventions collectives, participation dans des commissions
consultatives).
Ces possibilités sont peu exploitées par les syndicats burkinabè, pour partie à
cause de leurs faiblesses financières et en adhérents, mais aussi, pour partie, par
répugnance idéologique : accorder un grand intérêt à ces questions est perçu comme
de « l’économisme », c’est-à-dire mettre l’accent sur les revendications économiques
en rejetant en second plan la transformation de la société. On peut toutefois relever le
succès des « écoles populaires », ou « cours du soir », œuvres d’éducation gérées par
les syndicats d’enseignants.
B - L’ACTION EN JUSTICE
1° - Le syndicat peut, comme toute personne morale, exercer les droits attachés
à la personnalité morale, pour la défense du groupement. Dès qu’ils sont
régulièrement constitués, les syndicats acquièrent la personnalité civile et, aux termes
320
de l’article 268 C.trav., « ont le droit d’ester en justice, d’acquérir sans autorisation, à
titre gratuit ou onéreux, des biens ». Il peut par exemple saisir les tribunaux d’une
action en diffamation, pour un vol ou une escroquerie dont il est victime.
367. Les revendications sont les formes premières et principales, en tout cas les
plus visibles, de l’action du syndicat. Dans le cadre de l’entreprise, l’action du
syndicat de travailleurs pour la défense des intérêts matériels et moraux de ses
321
membres peut prendre une forme pacifique ou une forme violente ou plus exactement,
d’épreuve de force.
322
323
CHAPITRE II - LA REPRESENTATION DU PERSONNEL
DANS L’ENTREPRISE
368. Au sein de l’entreprise, la représentation institutionnelle du personnel est
assurée par le délégué du personnel, qui a reçu une mission particulière
d’intermédiation quotidienne auprès de l’employeur pour le compte des travailleurs.
L’institution du délégué du personnel ne vise pas à occulter le rôle du syndicat, mais
au contraire vise à formaliser et organiser la représentation du personnel lorsqu’il y a
plusieurs syndicats dans l’entreprise ou même lorsqu’il n’ y a pas de syndicat dans
l’entreprise. Depuis le code de 1992, outre le délégué du personnel, la place des
représentants des syndicats a été mieux précisée à travers la possibilité de créer des
comités syndicaux bénéficiant du statut protecteur de représentant des travailleurs. Le
code de 2004 consacre une autre institution qui existait de fait, le délégué syndical, si
bien que la représentation des travailleurs auprès de l’employeur au sein de
l’entreprise est assurée par trois types d’institutions : le délégué du personnel, les
délégués des travailleurs au comité de santé et de sécurité et les organes facultatifs que
sont le délégué syndical et le comité syndical. Par ailleurs, dans les entreprises
publiques, les travailleurs peuvent être représentés dans les organes de gestion tels que
le conseil d’administration ou l’organe faisant fonction de comité de surveillance. On
se limitera ici aux institutions principales de représentation : le délégué du personnel,
d’une part, le comité syndical et le délégué syndical, d’autre part.
A – LE CHAMP D’APPLICATION
1
V. les articles 277 à 284.
2V. l’article 1er de l’arrêté n°94-007/ETSS du 03 juin 1994 sur les délégués du personnel, J. O. BF. Du 21 juillet
1994, p. 1322, Code social, p. 162. L’arrêté antérieur n° 557 du 9 septembre 1970 sur les délégués du personnel
(Recueil annoté, annexe n° 90) précisait que les établissements d’une même entreprise peuvent être regroupés pour
324
représentation est donc l’établissement et non pas l’entreprise, sauf si l’entreprise ne
comprend qu’un seul établissement.
atteindre le seuil de 11 travailleurs donnant droit à l’élection d’un délégué, lorsque ces établissements sont situés
dans la même localité et dans un rayon de 10 Km. Cette disposition n’a pas été reprise par l’arrêté de 1994.
325
B – LA PROCEDURE DE DESIGNATION
Les délégués du personnel et leurs suppléants sont élus par un collège unique2.
Ils sont élus sur des listes présentées par les organisations syndicales les plus
représentatives. Les conditions d’électorat et d’éligibilité sont les suivantes :
- Pour être électeur, il faut :
avoir 18 ans, sans condition de nationalité ;
totaliser 6 mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement ;
jouir de ses droits civiques.
- Pour être éligible, il faut :
avoir 21 ans ;
être de nationalité burkinabè ou ressortissant d’un Etat avec lequel
il a été conclu un accord de réciprocité3 ;
avoir travaillé dans l’entreprise pendant 12 mois de manière
continue ;
n’être pas parent ou allié de l’employeur.
1 La jurisprudence burkinabè a eu à se prononcer sur les cas de non organisation des élections à l’échéance prévue
et considère que le mandat des délégués en place se poursuit. V. C. A. Ouagadougou, 15 avril 2003, S. A. c/
S.C.F.B., RBD n° 43-44, 2003, p. 172, observations Paul Kiemdé. V. également, C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n°63
du 18 juin 2001, Traoré B et autres c/ SCFB ; C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 73 du 18 juin 2001, Sanou Dô et
Diallo Daouda c/ SCFB ; C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 44 du 19 juin 2000, Keita Mariam c/ Séoul Photo.
2 Art. 4 arrêté 94-007 du 3/6/94. Sous le code antérieur à 1992, les délégués étaient élus par collèges distincts et
selon l’article 5 de l’arrêté du 9 septembre 1970, la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la
répartition des sièges entre les différentes catégories devait faire l’objet d’une accord entre le chef d’établissement
et les organisations syndicales intéressées ou, à défaut d’accord, par l’inspection du travail.
3 Exemple : convention d’établissement de 1969 entre le Mali et le Burkina Faso.
326
déduction faite des bulletins blancs et nuls (c’est-à-dire les suffrages exprimés), est
inférieur à la moitié des inscrits. En ce cas, le second tour doit avoir lieu dans les 15
jours et des candidatures autres que celles des syndicats peuvent être proposées.
C – LA DUREE DU MANDAT
372. Le mandat de délégué est de deux ans depuis le code de 1992. Le délégué
est rééligible. Le délégué suppléant, élu en même temps que lui et dans les mêmes
conditions, le remplace en cas d’absence motivée, de décès, de démission, de
révocation, de changement de catégorie professionnelle (dans le cadre antérieur des
élections par collèges), de résiliation de son contrat de travail ou de perte des
conditions requises pour être éligible.
1 Article 279 C.trav. Avant le code de 2004, la compétence était dévolue au tribunal de grande instance.
2 Art. 27 arrêté 94-7 du 3 juin 1994.
3 De ce point de vue, la double représentation par des délégués du personnel et par des délégués syndicaux recrée
la confusion sur la question de savoir qui parle au nom du personnel ou au nom du syndicat.
327
conditions de travail et la protection des travailleurs ; l’application des conventions
collectives ; ainsi que l’application des classifications professionnelles et des taux de
salaires ;
Le délégué du personnel coopère avec les représentants des syndicats (il en est
généralement issu) pour l’accomplissement de sa mission. Il peut se faire assister d’un
représentant de son syndicat lors de ses rencontres avec l’employeur ou l’inspecteur
du travail. Cette précision est utile à la fois à l’employeur et au syndicat : l’élection de
délégués n’est pas un moyen d’écarter le dialogue avec les syndicats car l’employeur
évitera le piège de voir les décisions arrêtées en accord avec les délégués rejetées par
le ou les syndicats dont relèvent pourtant ces délégués. Le syndicat peut également,
par cette voie, suivre de près l’accomplissement de sa mission par le délégué.
1) Le crédit d’heures
328
modulent ce crédit d’heures en fonction de l’effectif du personnel1. L’article 20 de
l’arrêté 94-7, en spécifiant que ce temps « ne peut excéder 15 heures par mois » sauf
convention contraire, invite à cette modulation mais il aurait mieux valu le faire
directement, quitte à ce que l’employeur accorde des temps plus favorables. Ce crédit
d’heures est mensuel et ne peut en principe se reporter d’un mois sur l’autre mois
parce qu’il n’a pas été intégralement utilisé.
Les délégués peuvent faire afficher les renseignements qu’ils ont pour rôle de
porter à la connaissance du personnel, à l’exclusion de tout autre document. Les lieux
d’affichage sont choisis par l’employeur et doivent, de préférence, se situer sur les
lieux de passage du personnel. La communication avec le personnel suppose des
contacts sur les lieux de travail. La réglementation n’en dispose pas expressément,
mais ces contacts peuvent se faire sous réserve de ne pas apporter une grande gêne au
travail. Il est des cas où la réglementation prévoit que l’information doit être donnée
aux heures de travail : lecture et traduction du nouveau règlement intérieur par
exemple. De même, les délégués du personnel peuvent diffuser des tracts
d’information en relation avec leur mission, sans perturber le travail.
Les délégués du personnel doivent être reçus collectivement au moins une fois
par mois par l’employeur. Ils doivent également être reçu en cas d’urgence, sur leur
demande. Ils peuvent, d’une manière générale, demander à être reçu individuellement,
par atelier ou spécialité professionnelle, selon les questions qu’ils ont à traiter. Un
préavis de deux jours est exigé pour ces rendez-vous, sauf circonstances
exceptionnelles et, en outre, une note manuscrite exposant sommairement l’objet de la
demande d’audience doit être remise à l’employeur.
4) Le local
329
compromise. Cette protection concerne sa carrière et la préservation de son emploi. La
protection de son emploi est poursuivie à travers deux techniques exorbitantes du droit
commun, l’autorisation de licenciement et l’obligation de réintégration en cas de
licenciement jugé injustifié.
A – LA PROTECTION DE LA CARRIERE
377. L’article 281 C.trav. (ancien art. 174) édicte un certain nombre de
mesures destinées à éviter que la carrière professionnelle du délégué ne soit influencée
par sa fonction de représentant (défavorablement ou favorablement).
D’une part, la fonction de délégué du personnel ne peut être, pour celui qui
l’exerce, une entrave à une amélioration de sa rémunération, ni à un avancement
régulier. Il ne peut être muté contre son gré sauf appréciation de l’inspecteur du
travail. Le code de 2004 ne reprend plus la disposition de l’article 174 du code de
1992 qui disait que le délégué ne peut prétendre à un traitement de faveur en dehors de
garanties que lui confère son statut, mais il semble aller de soi qu’un traitement de
faveur peut être nocif pour sa fonction ou même tomber dans la discrimination
illégale. D’une manière générale, l’activité syndicale et de représentant ne doit pas
être pris en compte par l’employeur dans les sanctions et surtout, en cas de
compression de personnel, dans le choix des personnes à licencier1.
D’autre part, et cette fois pour éviter que le délégué ne se croit soustrait à
l’autorité patronale, l’article 281, en son alinéa 2, précise que le délégué est soumis à
l’horaire normal de travail de l’établissement, ses heures réglementaires de liberté
étant imputables sur cet horaire.
1 V. Trib. trav. Ouagadougou, 30 juin 1981, RBD n° 8, juin 1985, p. 204, note S. Yonaba.
2 Article 282 C.trav. (ancien art. 175)
330
être sollicitée quel que soit le motif du licenciement (individuel ou collectif)1 et même
en cas de fermeture de l’entreprise2. L’absence de demande d’autorisation confère en
soi au licenciement un caractère abusif, quitte à ce que le juge tienne compte
éventuellement du caractère réel et sérieux du motif du licenciement dans l’évaluation
des dommages et intérêts3.
1 V. Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 56 du 13 octobre 1992, in Zombré et SY, Recueil, p. 294 ; Trib. trav.
Koudougou, jugement n° 10 du 4 juin 1993, in Zombré et Sy, Recueil, p. 301.
2 Un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou en a décidé autrement : cet arrêt, a jugé sans objet la demande
Ouagadougou, arrêt n° 43 du 21 juillet 1998, SCFB c/ Ouattara Oumar et autres. Cet arrêt dit que le licenciement
est irrégulier et non abusif.
4 Le délai de réponse est de 15 jours au Sénégal (art. L. 215 al. 2) et au Mali (art. L. 277).
5 C. A. Bobo Dioulasso., 6 mai 1985, TPOM n°664, p. 55 ; C. A. Ouagadougou, 10 janvier 1984, TPOM n°668, p.
331
pouvait se demander si l’employeur n’allait pas faire semblant de réintégrer le
travailleur pour ensuite chercher un autre prétexte pour le licencier. Mais si cette
solution peut se justifier en ce qui concerne le travailleur ordinaire parce qu’en droit,
la réintégration est une obligation de faire qui ne peut se résoudre qu’en dommages et
intérêts, une solution plus contraignante est nécessaire en ce qui concerne le délégué
du personnel. C’est sous l’impulsion de la chambre criminelle et de la chambre mixte
de la cour de cassation française que la jurisprudence est devenue plus rigoureuse et
sanctionne le refus de réintégrer le délégué irrégulièrement licencié sur le double plan
civil et pénal. Elle considère le refus de réintégration comme constitutive, au plan
civil, d’une voie de fait1 passible d’une condamnation à réintégrer sous astreintes et,
au plan pénal, comme constitutif du délit d’entrave aux fonctions du délégué du
personnel2.
L’article 282 al. 3 C.trav. est à cet égard impératif : « si l’autorisation n’est pas
accordée, le délégué du personnel est réintégré avec paiement des salaires afférentes à
la période de suspension ». Il n’est donc pas, en principe, laissé de choix à
l’employeur entre la réintégration et le paiement de dommages et intérêt. Seul le
salarié, victime du licenciement irrégulier, bénéficie du droit d’option. Le refus de
réintégration est aussi passible de sanctions pénales. Deux types de sanctions pénales
sont applicables au refus de réintégration : L’article 337 C.trav. punit de peine de
police (amende de 5 000 à 50 000)3 les auteurs d’infractions aux dispositions des actes
réglementaires prévus à l’article 282 ; et l’article 388 punit de peines délictuelles
(amende de 50 000 à 300 000 Fcfa ou emprisonnement de 1 à 3 ans) « toute personne
qui aura porté ou tenté de porter atteinte, soit à la libre désignation des délégués du
personnel, soit à l’exercice régulier de leurs fonctions ». Cette dernière disposition est
incontestablement applicable puisque le refus de réintégration entraîne impossibilité
pour le délégué de remplir régulièrement ses fonctions. Le juge peut également
recourir au prononcé d’astreintes pour obtenir la réintégration effective.
code de 1992. Pourtant, cette peine légère peut sembler plus efficace en raison de son potentiel médiatique qui peut
la rendre plus dissuasive qu’une amende élevée. Peut-être, peut-on craindre des répercussions sur la continuité de
l’activité de l’entreprise en cas d’emprisonnement d’un chef de petite entreprise ou un impact exagéré de la peine
d’emprisonnement.
4 Pur les recours en France V. Soc. 7 déc. 1977, Florence c/ Aciéries du Forez, GADT, 2e édit., n°70, D. 1978, 524
note A. Jeammaud et F. Vennin (délégué affectée par vexation à une tâche inutile et ridicule, puis pris dans un
332
lorsque le licenciement a été autorisé par l’inspecteur ou le Ministre sur recours
hiérarchique. Le Ministre peut examiner la décision de l’inspecteur en légalité et en
opportunité1. Mais selon l’ex-chambre administrative de la Cour suprême, l’autorité
administrative a l’obligation de procéder à certaines vérifications dans le cas de
licenciement collectif : rechercher si la situation économique implique la suppression
de l’emploi considéré, si le mandat n’a pas influencé le choix, vérifier le respect de
l’ordre de licenciement établi par la convention collective ou le règlement intérieur2.
Mais la question s’est posée de savoir si l’employeur qui s’est vu refuser par
l’inspecteur l’autorisation de licencier le délégué peut, au lieu de la voie
administrative, demander la résiliation du contrat devant le tribunal du travail. La
jurisprudence française considère en général que la compétence de l’inspecteur est
discrétionnaire, et refuse d’en discuter, sauf inexactitude matérielle des faits. Après
avoir admis un tel recours sur la base de l’article 1184 C. civ. (la condition résolutoire
est toujours sous-entendue dans les contrats), cette jurisprudence a effectué un
revirement par la décision de la chambre mixte du 21 juin 1974 3 : les dispositions
législatives, selon cette chambre, instituées au profit de tels salariés, et dans l’intérêt
de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, constituent une protection
exceptionnelle et exorbitante du droit commun, qui interdit par suite à l’employeur de
poursuivre par d’autres moyens la résiliation du contrat. L’interdiction de licencier
sans autorisation préalable de l’inspecteur vise à déroger à l’article 1184 C. civ.
licenciement collectif. L’inspecteur accorde l’autorisation de licencier, le Ministre refuse. Le Tribunal administratif
annule la décision du Ministre. Le Conseil d’Etat réforme la décision du tribunal administratif).
1 V. Trib. trav. Bobo-Dioulasso, 14 déc. 1981, RBD n°6, p. 191.
2 V. un ensemble de décisions de la chambre administrative de la cour suprême : 13 décembre 1995, arrêt n° 15,
SAP c/ Etat ; RBD n° 41, 1er septembre 2002, p. 101 ; 13 décembre 1995, arrêt n° 18, SAP c/ Etat (METSS), ibid.,
p. 103 ; 9 mai 200, SAP c/ Etat, ibid., p. 105 ; 26 juin 1998, délégués du personnel Brakina c/ METSS, ibid., p.
109 ; 19 mai 1999, délégués du personnel SOFAPIL c/ METSS, ibid., p. 112, note commune S. Yonaba.
3 GADT, 2e édit., n°69 ; D. 1974, p. 593, conclusion Touffait.
4 Trib .Trav. Bobo 4 déc. 1979, Sopivolta c/ S.P. RBD n°6, p. 189 et 14 décembre 1981, B.V. c/ Z.S. ; R.B.D. n°6,
tribunal correctionnel à 5 000 Frs d’amende mais fut relaxé en appel. Entre temps la demande d’autorisation de
licencier fut refusée par l’inspecteur. L’employeur demanda la résolution judiciaire. Le tribunal accueillit la
demande, mais rejeta sur le fond au motif que les faits n’ont pas été sanctionnés en appel. S’agissant de la décision
du 4 décembre 1979, l’employeur a donné un avertissement à un candidat au poste de délégué quand il a vu le nom
de l’intéressé sur la liste des candidats. Il demanda une autorisation de licencier qui fut refusée. Il introduit une
action en résolution judiciaire. L’action fut accueillie, mais l’employeur est débouté car il s’agit d’évincer un
candidat indésirable.
333
rendues sous l’empire du code de 1962 modifié en 1973, qui ne précisait pas
expressément les voies de recours ouvertes. Le législateur, en spécifiant à partir du
code de 1992 les voies de recours, condamne la possibilité de demander la résolution
judiciaire devant le tribunal du travail ou le juge civil. Ce serait chercher à contourner
l’obligation d’obtenir l’autorisation de l’autorité administrative avant tout
licenciement.
383. L’article 260 C.trav. dispose « qu’il peut être créé, par tout syndicat
professionnel régulièrement constitué, un comité syndical dans tout établissement
employant habituellement au moins onze salariés et une section syndicale dans chaque
zone où il compte des adhérents ». Il s’agit bien plus de l’officialisation d’une faculté
que de la création d’un droit nouveau, dans la mesure où la proclamation de la liberté
1 V. le Raabo n° 511 T.SS.FP du 23 octobre 1986 portant création, composition et fonctionnement des comités
d’hygiène et de sécurité, Code social, p. 432.
334
de constitution de syndicat professionnel suppose la possibilité d’agir dans l’entreprise
et en dehors de l’entreprise. Il n’est pas exigé de condition de représentativité pour la
création de section syndicale1. La seule condition est que l’entreprise compte au moins
onze travailleurs, seuil de désignation par ailleurs d’un délégué du personnel. En deçà,
on tombe dans la micro entreprise où un travailleur peut fort bien être syndiqué, mais
le législateur ne juge pas opportun de formaliser l’existence du syndicat et ses rapports
avec l’employeur. Il peut être créé un comité par syndicat au niveau de l’établissement
et une section par zone. Le mot zone n’est pas précisé et ne semble pas lié à une
structuration de l’entreprise, mais à l’organisation au niveau national du syndicat.
B – LE DELEGUE SYNDICAL
384. L’article 265 C.trav. traite du délégué syndical de manière tout à fait
ambiguë : « la fonction de délégué syndical ne peut être, pour celui qui l’exerce, une
entrave à une amélioration de sa rémunération, ni à son avancement régulier… ».
L’ambiguïté provient de ce que, dans certaines législations francophones, il existe le
délégué syndical en tant qu’institution distincte du délégué du personnel et dont la
désignation et la mission font l’objet de dispositions expresses4. L’aspect bancal est
que, sans constater l’existence de l’institution, les articles 265 et 266 traitent de son
statut protecteur. Ces dispositions donnent à penser que les termes délégués syndicaux
sont ici employés au sens général de représentants syndicaux ou de dirigeants du
syndicat. Il aurait fallu, même si de fait l’institution existait déjà et bénéficiait de la
1 Une telle condition est exigée par le code malien par exemple (article L. 258).
2 V. Gabriel. GUERY, Pratique du droit du travail, 11 e édit., Montchrestien, 2003.
3 L’article 151 al. 3 du code de 1992, qui a introduit l’institution, précisait qu’un arrêté du ministre chargé du
travail, pris après avis de la commission consultative du travail, détermine la composition et les mesures de
protection des membres du comité syndical. Ce renvoi ne figure pas à l’article 260 du présent code.
4 V. pour la France, G. GUERY, op. cit., pp. 417 et s. Au Mali, l’article L.261 C.trav. dispose : « les délégués
syndicaux représentent le syndicat auprès du chef d’entreprise. Ils doivent faire partie de l’entreprise depuis un an.
Les fonctions de délégué syndical peuvent se cumuler avec celles de délégué du personnel. Les délégués syndicaux
représentent l’organisation syndicale au sein du comité de gestion ». L’article L.260 C.trav. prévoit le nombre de
délégués syndicaux, qui va de 5 à 26 en fonction de l’effectif de l’établissement, et l’article L.263 C.trav. dispose
que le délégué syndical bénéficie pour l’exercice de ses fonctions du même temps et de la protection accordée au
délégué du personnel.
335
protection accordée au délégué du personnel1, d’abord prévoir la possibilité de
désigner un délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement, indiquer ses
fonctions, avant de traiter de sa protection. L’allusion à « ses heures réglementaires de
liberté » et « aux candidats aux fonctions de délégué syndical » laissent seules penser
à un renvoi au système de double représentation analogue au système français.
L’intérêt d’ailleurs de l’institution est d’avoir un porte-parole de chaque syndicat dans
l’entreprise, bénéficiant des prérogatives et libertés liées à cette fonction, au lieu du
bureau du comité pris globalement, à moins de considérer que les membres des
bureaux des comités syndicaux sont des délégués syndicaux.
1 V. par exemple, C. S. BF. 26 juin 1998, délégués syndicaux et du personnel Brakina Bobo-Dioulasso c/ METSS,
RBD n° 41, 1er semestre 2002, p. 109, Cette décision évoque pour le moins les délégués syndicaux en tant que
salariés protégés.
2 Encore faut-il que sa désignation par le syndicat donne lieu à un formalisme impliquant un dépôt de candidatures
avant la réunion de l’instance qui doit l’élire. Le mode de désignation de ces représentants peut être la cooptation
par l’organisation syndicale sans élection formelle.
336
337
TITRE IV - LES RELATIONS COLLECTIVES
386. Les rapports de travail sont à la fois des rapports individuels et des
rapports collectifs. Dans l’entreprise, l’employeur est lié à chaque travailleur par le
contrat de travail, mais ces rapports sont, au-delà du contrat, régis par les lois et
règlements et, surtout, par les conventions ou accords collectifs, qui réorientent la
vision des rapports vers la communauté des salariés. En dehors de l’entreprise,
employeurs et travailleurs sont organisés dans des syndicats ou groupements
professionnels chargés de défendre les intérêts de leurs membres et qui, pour ce faire,
promeuvent la négociation entre eux et font pression sur l’Etat pour l’adoption ou la
modification de telle ou telle règle. Ils entrent souvent en conflits ouverts autour de
l’application ou du réaménagement du droit et ces conflits peuvent se traduirent par
des grèves d’étendue géographique et d’ampleur professionnelle variables. Les
relations collectives comportent donc trois dimensions : les organisations
professionnelles qui structurent ces relations, que nous avons déjà examiné (supra titre
III, sous titre III) ; les négociations collectives comme forme privilégiées d’émergence
des sources professionnelles du droit du travail ; et la grève ou le lock-out comme
arme de pression sur les adversaires en vue de faire aboutir des revendications, en
amenant le partenaire à négocier ou en le ramenant à la table de négociation. Nous
aborderons successivement ces deux dernières dimensions.
338
339
CHAPITRE I - LES NEGOCIATIONS COLLECTIVES DES
CONDITIONS DE TRAVAIL
387. Les accords entre syndicats patronaux et ouvriers sont des sources
essentielles du droit du travail. Ces accords ou conventions collectives ont été, avant
la loi, les facteurs premiers de l’amélioration de la condition des travailleurs1. Ils sont
un instrument de paix sociale et de progrès social.
1 V. CHAUCHARD J.-P, Encyclopédie Dalloz, V° conventions et accords collectifs ; Numéro spécial de Droit
social, avril 1998 : négociation collective et emploi ; DESPAX, Négociations, conventions et accords collectives,
2ème édition Dalloz 1989 ; ALIPRANTIS, La place de la convention collective dans la hiérarchie des normes,
LGDJ 1980 ; M.-L. MORIN, Le droit des salariés à la négociation collective, LGDJ 1994 ; G. COUTURIER,
Traité de droit du travail, t. 2, les relations collectives de travail, PUF, 2001, n° 196 et ; J. PELISSIER et al. op. cit.
pp. 863 et s. ; J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit., pp. 113 et s.
340
champ territorial, et faisait une discrimination entre les conventions négociées par les
travailleurs africains et celles négociées par les travailleurs européens1.
SECTION I – GENERALITES
388. Selon l’article 109 C.trav., « la convention collective est un accord relatif
aux conditions de travail conclu entre, d’une part, les représentants d’un ou de
plusieurs syndicats ou groupements professionnels de travailleurs et, d’autre part, une
ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs ou tous autres groupements
d’employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ». Cette définition
mérite d’être explicitée, en examinant le but et le caractère de la convention collective
et la situation de l’usage, au Burkina Faso, du droit à la négociation collective.
§ 1 - But et caractère
341
interprofessionnelle. Celle-ci, non mentionnée par la loi, obéit à la procédure
d’élaboration de la convention collective extensible. Mais tous ces types d’accords
présentent le même caractère collectif. Par ce caractère collectif, ils réalisent une
certaine uniformisation et une adaptation à la diversité des situations, dans un sens
progressif. Ils ont pour fonction d’uniformiser les relations de travail, car ils
soumettent le contenu des contrats individuels de travail à des dispositions de portée
générale, soit dans le cadre de l’entreprise, soit dans le cadre de la profession, ou
même au niveau national. Ils ont aussi pour fonction de réaliser une adaptation plus
grande à la diversité des situations, par rapport à la réglementation étatique.
Dans tous ces accords, les parties déterminent, en principe et sauf exception, le
champ d’application territorial (national, régional ou local) de l’accord et son champ
d’application professionnel (métier, profession, branche d’activité ou
interprofessionnel). Ce champ d’application dépend pour beaucoup de la qualité des
parties ou, en d’autres termes, du niveau de négociation : l’accord entre un employeur
et le ou les syndicats de l’entreprise aura nécessairement un champ plus limité qu’un
accord conclu par des confédérations syndicales. L’appellation d’accord collectif au
lieu de convention collective est parfois réservée aux conventions ayant un champ
d’application limité1. C’est d’ailleurs en ce sens que la loi fait la distinction entre
l’accord d’établissement et la convention collective ordinaire
§ 2 - Nature juridique
390. La question qui se pose est de savoir si la convention collective est-elle un
contrat ou un règlement. En effet, selon l’article 114 al 2, « lorsque l’employeur est lié
par les clauses d’une convention collective, les dispositions de cette convention
s’imposent aux rapports nés des contrats individuels, sauf dispositions plus favorables
pour les travailleurs ». En outre, certaines conventions peuvent être étendues par acte
342
réglementaire et rendues obligatoires pour des parties qui n’en étaient ni signataires ni
adhérents. L’effet obligatoire de la convention collective de par la loi et l’éventualité
d’une extension fait qu’il est difficile d’analyser la convention collective uniquement
à partir de la seule base contractuelle.
343
application. Ceux-ci constatent que la convention collective est interprétée par les
juges comme un règlement1.
344
référence constitutionnelle, les négociations collectives n’occuperaient pas
actuellement une si importante place dans les pays développés sans la culture de
négociation collective et une politique de promotion par les pouvoirs publics de la
négociation collective. Ainsi, en France, les partenaires sociaux ont conclu le 30
octobre 1995 un accord national interprofessionnel ayant pour but « de développer la
pratique contractuelle, de façon articulée, à tous les niveaux »1.
Une première réponse peut être tirée de l’existence d’une convention collective
interprofessionnelle qui, de plus, a été étendue. Certains auteurs s’étaient déjà
inquiétés du rôle de frein à la négociation que pouvaient jouer les conventions
collectives nationales interprofessionnelles en Afrique. Selon M. ISSA-SAYEGH, ces
types de conventions deviennent « de véritables textes de caractère général et
permanent, les rapprochant des lois et règlements, contrariant quelque peu le droit à la
négociation collective ». Mais ce facteur explicatif reste insuffisant parce que la CCIP,
conclue en 1974 quoique pour une durée indéterminée, devait elle-même avoir été
renégociée s’il y avait une certaine dynamique de la négociation. Plusieurs facteurs
conjugués peuvent expliquer ce désert en matière de négociation de conventions
collectives.
1V. les commentaires de divers auteurs dans Dr. soc. 1996 pp. 3 et s.
2 Les principales conventions publiées sont : la convention collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974, code
social, p. 189 ; la convention collective des établissements d’enseignement privé non conventionné (c’est-à-dire
n’ayant pas signé d’avoir avec l’Etat) du 30 mars 1979, code social, p. 210 ; la convention collective de la société
nationale des eaux du 7 avril 1976, code social, p. 229 ; la convention collective des ORD, de 1977 (ORD dissoutes
pour faillite), la convention collective des auxiliaires de transport du Burkina Faso, du 5 juillet 1979, Code social,
p. 251 ; et la convention collective sectorielle du commerce, 1er février 1982.
345
syndicats dans les entreprises et les services, empoisonnant les rapports du pouvoir
avec la plupart des syndicats.
CNR et la PAI qui exerçait une influence prépondérante dans ce syndicat. On peut en dire autant après le
346
syndicales et syndicats autonomes, allié à l’étroitesse du salariat et du pourcentage de
travailleurs effectivement syndiqués, ne leur confèrent pas une force de négociation
directe sur le plan du champ professionnel ou sur le plan des branches d’activités.
soulèvement populaire de 1966 lorsque le pouvoir militaire avait associé divers partis politiques à l’exercice du
pouvoir dont le MLN qui avait une influence prépondérante dans l’USTV.
1 V. l’art. 378 al. 2 C.trav.
2 Paul-Gérard POUGOUE et Jean-Marie TCHAKOUA, op. cit., p. 202.
347
procédure plus contraignante. Le champ d’application distingue également la
convention collective de l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement qui se
conclut également selon la procédure ordinaire. La loi précise que ce type d’accord
peut être conclu dans les entreprises et établissements publics.
A – L’ELABORATION
1 En France, depuis une loi du 13 juillet 1971, le droit de négocier les conventions collectives est réservé aux
organisations syndicales représentatives au plan national, ou au syndicat affilié à une organisation représentative au
plan national, ou encore au syndicat représentatif dans le champ d’application de la convention tel qu’un syndicat
non représentatif au plan national mais représentatif dans la profession faisant l’objet de la convention. V.
PELISSIER et al., op. cit., n° 785.
348
du syndicat qui le prévoit, soit par délibération spéciale de l’assemblée générale du
syndicat ou de l’organe habilité à le faire. A défaut de mandat, la convention doit être
ratifiée par délibération spéciale du ou des groupements professionnels.
395. La loi ne pose que deux conditions : l’écrit et la publicité. Selon l’article
113 C.trav., « la convention collective doit être écrite sous peine de nullité ». Cet
article renvoie à un décret pris en conseil des ministres après avis de la Commission
consultative du travail pour préciser lez conditions d’application.
349
soumise au visa de l’autorité compétente1. Elle doit être déposée, contre récépissé, au
greffe ou secrétariat du tribunal du travail où la convention a été passée. Cette
formalité est substantielle parce qu’elle détermine l’entrée en vigueur de la
convention. Mais selon l’alinéa 2 de l’article 2 de cet arrêté, « les parties peuvent
convenir qu’elle ne sera applicable dans le ressort du tribunal que si elle a été déposée
au secrétariat dudit tribunal », ce qui revient à dire que sauf disposition contraire, le
dépôt au siège du tribunal du lieu de conclusion suffit. Selon l’article 3, al. 2, de
l’arrêté, « le dépôt est effectué en triple exemplaire et sans frais par l’autorité
administrative compétente ». Il est curieux que l’accomplissement d’une telle
formalité, pour les conventions ordinaires, soit laissé à la diligence de l’administration
qui n’a pas une réputation de célérité. La publicité de la convention doit se faire aussi
par affichage, non pas de la convention, mais de simples avis d’entrée en vigueur,
dans tous les établissements où la convention est appliquée. Toute personne peut avoir
copie de la convention à ses frais.
1) Le principe de liberté
396. Les matières traitées peuvent être plus ou moins larges, suivant la libre
volonté des parties. Il n’y a pas de distinction entre clauses obligatoires ou
facultatives. Les parties déterminent librement le contenu de la convention. L’objet de
la convention collective (les conditions de travail) est entendu de manière très large et
les parties peuvent traiter aussi bien des questions concernant le contrat de travail
(formes, avantages, rémunération…), les relations collectives (représentation des
travailleurs, information des représentants, organisation du travail…) que des
garanties sociales (mutuelles, œuvres sociales…). La convention collective comprend
généralement le corps de la convention et des annexes consacrées aux dispositions
particulières relatives aux différentes catégories professionnelles et aux classifications.
Conformément au « principe de faveur » la convention collective « peut mentionner
des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en
vigueur ». La seule limite quant au contenu est que la convention ne peut déroger aux
dispositions d’ordre public définies par les lois et règlements.
350
public social et l’ordre public absolu. L’ordre public social est relatif, en ce sens que
la loi et les règlements accordent aux travailleurs un minimum que le contrat, la
convention ou l’accord collectif peut déroger dans un sens favorable. Ainsi : dans le
domaine des rapports individuels, la convention peut accorder un salaire minimum
plus élevé, des congés plus longs, des indemnités de licenciements plus
importantes… ; dans le domaine des rapports collectifs, elle peut augmenter le nombre
de délégués du personnel, leurs crédits d’heures, améliorer la protection des syndicats
sous réserve de ne pas porter atteinte au principe de liberté syndicale et de non
discrimination, etc. L’ordre public absolu concerne, selon le Conseil d’Etat français,
les textes d’origine étatique « qui débordent le domaine du droit du travail » ou « les
avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels »1.
D’une manière générale, les règles d’ordre public absolu qui ne peuvent faire
l’objet de dérogation, même dans un sens favorable, sont celles relatives : aux
compétences d’attribution des juridictions (compétence de la juridiction administrative
en matière de refus de visa, d’autorisation de licencier, compétence du tribunal du
travail en matière de conflits individuels…) ; les prohibitions de cession et saisie de
salaires au-delà des quotité légales ; les règles établissant l’égalité de traitement face
aux privilèges et sûretés et garanties2 ; les règles découlant de considérations
économiques telle que l’interdiction de l’indexation des salaires. En revanche, la
convention peut écarter certaines dispositions d’ordre public si ses stipulations sont
plus favorables au travailleur. Il en est ainsi lorsque la loi ne fixe qu’un minimum au
profit des salariés : SMIG, délai de préavis, congés payés, etc.
Le seconde difficulté qui apparaît ici est de déterminer ce qui est plus
favorable aux travailleurs lorsque la norme n’est pas d’ordre public absolu : certaines
dispositions conventionnelles procurent un avantage matériel, moral ou professionnel
à tous (allongement de la durée des congés payés ou de l’allocation de congés payés,
institution de primes …) ; d’autres peuvent être bénéfiques au plus grand nombre,
mais préjudiciables à un ou quelques travailleurs, telle que la modification de la grille
de classification ou des horaires de travail. En ce cas, si la convention ne précise pas
les avantages maintenus et ceux supprimés, le travailleur lésé peut prétendre s’appuyer
sur la clause de maintien des avantages acquis pour contester l’application de la
nouvelle norme. En ce cas, le principe est que l’on privilégiera la comparaison pour
l’ensemble des bénéficiaires et non pas pour un salarié isolé3.
1 V. Avis du Conseil d’Etat français, du 22 mars 1973, GADT, 2 e édit., n° 50 ; Dr. soc. 1973, p. 514 ; PELISSIER
et al. n° 795. V. également, F. GAUDU, L’ordre public en droit du travail, in Mélanges J. Ghestin, LGDJ, p. 363 ;
PH. LANGLOIS, Droit public et droit social en matière de négociation collective, Dr. soc. 1991, p. 933 ; G.
LYON-CAEN, La négociation collective et la législation d’ordre public, Dr. soc. 1973. 89.
2 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 128.
3 V. PELISSIER et al. op. Cit. n° 818, p. 908.
351
C – LA PORTEE DE LA CONVENTION
398. Selon l’article 109, al. 3, C.trav. « les conventions collectives déterminent
leur champ d’application. Celui-ci peut être national, régional ou local ». Les parties
déterminent librement la portée géographique de la convention, même pour les
conventions ordinaires. Mais cette liberté est limitée par la hiérarchisation des
partenaires : une structure locale d’un syndicat ne pourrait logiquement conclure une
convention ayant un champ d’application national. Mais des organisations régionales
ou locales peuvent fort bien conclure une convention destinée à s’appliquer dans un
cadre local (par exemple la province du Kadiogo). Les expressions « local » et
« régional » ne correspondent pas nécessairement aux découpages administratifs. La
convention régionale peut concerner la région administrative ou plusieurs régions ou
seulement quelques provinces. Si le champ d’application territorial n’est pas précisé,
celui-ci peut être déterminé en se référant à la zone d’influence des organisations
signataires. Le syndicat des chauffeurs de taxi de la ville de Ouagadougou ne saurait
conclure une convention qui aurait vocation à s’appliquer au niveau national. Les
conventions locales doivent respecter les conventions régionales ou nationales
conclues selon la procédure de la convention extensible, sauf application du principe
de faveur en prévoyant des dispositions plus favorables. Mais elles peuvent prévoir
des dispositions nouvelles sur des points non traités par la convention plus large.
352
Faso] »1. Il en est de même de la convention collective du 5 juillet 1979 qui s’intitule
« convention collective sectorielle des auxiliaires de transport du Burkina Faso ». Le
champ d’application professionnel, comme territorial d’ailleurs, dépend beaucoup de
la façon dont les organisations parties à la convention se sont structurées. Les
syndicats peuvent être organisés par métier (charpentiers, carreleurs, presse, pêcheurs
…)2 et se structurer en fédérations sur le plan national. Ces syndicats sont couramment
qualifiés de syndicats catégoriels. Ils peuvent être organisés par branche d’industrie ou
d’activité économique3 : par exemple, il peut être constitué un syndicat des
travailleurs du bâtiment (réunissant les maçons, les couvreurs, les charpentiers, les
carreleurs, les électriciens etc.) ou l’industrie du livre. Les syndicats peuvent
également être organisés de manière transversale en confédérations regroupant des
syndicats de profession, de branches d’activités et/ou des fédérations4.
qui donne « une classification internationale type par industrie de toutes les branches de l’activité économique ».
Cette classification comprend : branche 1 : agriculture, chasse, sylviculture et pêche ; branche 2 : industries
extractives ; branche 3 : industries manufacturières ; branche 4 : électricité, gaz et eau ; branche 5 : bâtiment et
travaux publics ; branche 6 : commerce de gros et de détails, restaurants et hôtels ; branche 7 : transport, entrepôts
et communications ; branche 8 : banques, assurances, affaires immobilières et services fournis aux particuliers ;
branche 9 : services fournis à la collectivité, services sociaux et services personnels ; et branche 10 : activités mal
désignées. Cette classification comptable ne lie évidemment pas les organisations syndicales qui peuvent se créer à
leur guise. V. également l’arrêté 94-5 METSS/SG/DT du 17 mai 1994 fixant le nombre et la répartition des
représentants des travailleurs et des employeurs au sein de la commission mixte chargée de la fixation ou de la
modification des salaires de la convention collective interprofessionnelle, Code social, p. 391. Pour les employeurs,
l’arrêté retient une répartition selon les branches d’activités suivantes : import-export ; entreprises du bâtiment et
des travaux publics ; industriels ; banques ; industries polygraphiques ; transports routiers ; boulangeries ;
auxiliaires de transports.
4 C’est la voie la plus prisée par le syndicalisme burkinabè avec ses sept centrales syndicales.
5 Par exemple, la convention collective des établissements d’enseignement privé non conventionnés du 30 mars
19979 a été signée par une association d’employeurs à vocation nationale, « l’association des établissements
d’enseignement privé non conventionné du Burkina Faso, d’une part et, d’autre part, des associations locales de
travailleurs, « l’association du personnel enseignant et administratif des établissements d’enseignement privé non
conventionnés de Bobo-Dioulasso et « l’association du personnel des établissements non conventionné privés de
Ouagadougou ». Le travailleur n’exerçant pas à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso sera couvert par le fait que
l’employeur membre de l’association d’employeur est tenu par la convention collective.
353
l’assujettissement de l’entreprise. L’entreprise peut être assujettie à plusieurs
conventions en fonction de ses activités et du personnel employé 1. Là aussi, une seule
convention sera applicable en fonction de l’activité principale, sauf si les activités
différentes sont menées dans des établissements différents et autonomes. Ces
questions sont minimisées par l’existence d’une convention nationale
interprofessionnelle étendue par voie réglementaire et par le fait qu’il n’y a
pratiquement pas de conventions purement locales ou de métier.
1 V. sur le concours de conventions collectives, J. PELSSIER et al. pp. 902 et s.; ISSA-SAYEGH, Droit du travail
sénégalais, op. cit. pp. 137 et s.
2 Les conventions signées après 1974 réaffirment leur adhésion à la CCIP de 1974, mais il s’agit moins d’une
adhésion que de la réaffirmation de leur appartenance à cette CCIP, dans la mesure où celle-ci est nationale et a fait
l’objet d’une extension par voie réglementaire.
3 V. PELISSIER et al. n° 801 ; ISSA-SAYEGH, op. cit. pp 133 et s.
354
401. Les parties peuvent limiter les effets de l’adhésion ou assimiler l’adhérent
aux signataires. Le problème se pose en matière de dénonciation et d’initiative de la
révision de la convention. Les conventions collectives burkinabè, à la suite de la
CCIP, font la distinction entre les syndicats adhérents représentatifs et ceux ne
bénéficiant pas de ce label. Selon l’article 6 CCIP « si le caractère représentatif, au
sens de l’article [116] du code du travail, est reconnu à l’organisation adhérant après
coup, elle jouira des mêmes droits que les organisations signataires. Si elle ne possède
pas ce caractère représentatif, elle ne pourra ni dénoncer la convention, ni demander la
révision même partielle, mais gardera la faculté de procéder au retrait de son
adhésion ; les organisations syndicales ne seront pas tenues de lui faire place dans les
organismes ou commissions paritaires prévues par la présente convention ». Cette
discrimination se comprend dans la mesure où la CCIP est une convention générale
relevant des conventions collectives susceptibles d’extension pour lesquelles il est
exigé des organisations signataires qu’elles soient représentatives. Mais les articles 5
respectivement de la Convention collective sectorielle du commerce et de la
convention collective des auxiliaires de transport reprennent la même disposition, en
précisant que la représentativité est celle conférée « sur le plan national ». Cette
reprise ne se justifie que s’il s’agit de conventions susceptibles d’extension 1. Par
contre, la reprise de la même disposition par la convention collective des
établissements d’enseignement privé non conventionnés laisse sceptique : cette
convention a été signée par des association locales et non nationales de travailleurs et,
par conséquent, la représentativité de l’adhérent aurait pu être appréciée sur le plan
national ou local ; l’avantage serait d’inciter à l’ouverture du champ d’application
géographique et professionnel par adhésion des organisations locales, au fur et à
mesure de l’extension de l’enseignement privé2.
1) La durée de la convention
402. L’article 111 C.trav. marque une certaine préférence pour la convention
collective à durée indéterminée parce qu’il laisse le choix de la durée déterminée ou
indéterminée aux parties, mais il dispose, en son alinéa 2, qu’à défaut de stipulation
contraire, la convention à durée déterminée qui arrive à expiration continue à produire
ses effets comme une convention à durée indéterminée. Comme le contrat de travail à
durée déterminée, la convention collective peut se muer en un accord à durée
indéterminée par tacite reconduction. Les parties peuvent faire échec à la limitation de
1 S’agissant de conventions collectives sectorielles pouvant être considérées comme embrassant une branche
d’activité, on peut supposer qu’elles ont été conclues selon la procédure de la convention extensible.
2 Par exemple, cette convention couvre l’enseignement préscolaire, le premier degré et le second degré, alors que
l’enseignement privé supérieur n’a commencé à apparaître que dans ces dernières années.
355
la durée à cinq ans par une révision prolongeant ou reconduisant la durée de la
convention. Le choix du législateur de la mutation tacite de la convention à durée
déterminée relève du souci d’éviter le vide juridique en cas de non renégociation par
les parties, mais l’intérêt de susciter les négociations collectives aurait commander une
option contraire consistant à imposer un délai pour engager la renégociation avant
l’expiration de la convention. Ce n’est que faute d’accord pour réviser que la
convention resterait applicable pour une durée indéterminée. Toutes les conventions
collectives ont optées pour la durée indéterminée1.
1 V. par exemple, art. 2 de la convention Collective du 30 mars 1979 sur l’enseignement privé ; art. 3 de celle du 5
juillet 1979 sur les auxiliaires de transport.
2 V. E. DOCKES, L’avantage individuel acquis, Dr. soc. 1993, p. 826 ; DESPAX, Le maintien des avantages
acquis en matière de rémunération, Dr. soc. 1990.156 ; Y. AUBREE, Le concept légal d’ »avantage acquis », RJS
11/00, chron., p. 699.
356
dénonciation. Le problème se pose de savoir si la révision doit être opérée par tous les
signataires ou peut l’être par une partie de signataires. Si elle opérée par une partie des
signataires, on risque de se retrouver devant deux conventions pour peu que de chaque
côté les organisations soient représentatives. C’est en tout cas en ce sens que décidait
la jurisprudence française, à titre de raison écrite1, jusqu’à l’intervention du législateur
pour organiser la conclusion d’avenant de révision pour déterminer dans quels cas
celui-ci est opposable ou peut faire l’objet d’opposition2.
404. Une fois conclue et entrée en vigueur, la convention collective produit des
effets contractuels à l’égard des parties contractantes et, au-delà, à l’égard des contrats
de travail, des effets normatifs.
Les parties sont tenues par une obligation contractuelle d’exécuter avec loyauté
la convention collective. Elles sont tenues de respecter les règles de forme et de
procédure en matière de révision et de renonciation, et de respecter les clauses
relatives à l’administration de la convention, notamment de mettre en œuvre les
1 Soc. 9 mars 1989, Basirico, Dr. soc. 1989.631, note Despax ; Dr. ouvrier, 1989.359, note P. Bouaziz ; J.
SAVATIER, RJS 1989, p. 491.
2 V. art. L. 132-7 C.trav. fr. ; PELISSIER et al., op. cit. n° 805; P. LANQUETIN, Etudes offertes à Hélène SINAY,
1994, p. 35 ; G. VACHET, La révision des conventions et accords collectifs, Dr. soc. 1993, p. 134 et s.; M.-L.
MORIN, La signature des accords collectifs : à propos de la réforme de la procédure de révision, RJS 1993, p. 74.
3 V. également, PELISSIER et al., p. 900.
357
institutions prévues, telles que les commissions d’interprétation ou de conciliation et
les œuvres sociales.
A – LE CHAMP D’APPLICATION
406. Selon l’article 127, al. 1, C.trav. « des accords relatifs à un ou plusieurs
établissements déterminés peuvent être conclu entre, d’une part, un employeur ou un
groupe d’employeurs et, d’autre part, des organisations de travailleurs présentes dans
l’établissement ou les établissements intéressés ». Il ressort de cette disposition que,
contrairement à l’appellation restrictive d’accord collectif d’établissement, ce type
d’accord peut concerner un établissement, une entreprise ou plusieurs entreprises.
les Etats africains de la zone franc, Bulletin Comptrasec, 1999, p. 190 ; R. LEMESLE, op. cit. p. 162.
358
Il concerne un établissement lorsque l’entreprise ne compte qu’un
établissement mais, même une entreprise qui comprend plusieurs établissements peut
négocier un accord dans le cadre d’un seul établissement. Cette situation peut créer
une différence de traitement entre des travailleurs d’une même entreprise, mais
comme le font observer MM Pélissier et autres, « il est de la nature même de la
négociation collective d’entreprise ou d’établissement de permettre les différences de
traitement entre les salariés de la même entreprise »1. Il serait plus normal que
l’accord concerne une entreprise car c’est dans ce cadre que l’accord d’établissement
peut remplir la fonction d’amélioration par le jeu du principe de faveur : les
améliorations dans une entreprise sont reprises par d’autres entreprises, puis par les
conventions collectives de branches et ensuite par les conventions générales.
359
de l’entreprise et en exacerbant les rivalités entre les syndicats de travailleurs
concernés.
La forme de l’accord d’établissement est similaire à celle de la convention
collective ordinaire : les articles 111 à 114 sont applicables. Ces articles concernent la
durée déterminée ou indéterminée, les formes de renouvellement, de révision ou de
dénonciation, l’exigence de l’écrit et de publicité, et les effets obligatoires.
407. Les objectifs limités assignés à l’accord d’établissement influent sur son
contenu. La loi leur assigne une fonction principale d’adaptation des conventions
hiérarchiquement supérieures aux situations particulières et une fonction supplétive en
cas d’absence de convention collective. Mais, l’accord d’établissement joue également
un rôle d’amélioration par l’effet du principe de faveur, qu’il ait été conclu pour
adapter une convention collective ou pour suppléer à l’absence de convention dans la
branche ou le secteur.
2) Le rôle supplétif
360
en moins de chance de jouer : il existe une convention nationale qui a été étendue,
enlevant par là un terrain à l’accord supplétif ; et le ministre du travail peut, à défaut
de convention collective ou d’accord d’établissement, réglementer les conditions de
travail pour une profession déterminée en s’inspirant des conventions existantes1.
361
l’autonomie de négociation en dispensant ces institutions de l’approbation du statut du
personnel, soit il s’agit simplement d’ajouter une formalité d’entrée en vigueur. Cette
dernière interprétation semble la plus crédible. Elle consacre plutôt l’existence
d’entreprises publiques dont le personnel est régi par un statut du personnel à côté des
entreprises qui se sont dotées d’un accord d’établissement.
1 V. arrêté 714 FPT du 3 septembre 1974 sur la procédure d’extension des conventions collectives (non publié au
J.O.), Recueil annexe n° 24, Code social, p. 122.
362
A – LA PROCEDURE D’ELABORATION
L’article 119 C.trav. précise que la publication des listes peut faire l’objet d’un
recours, dans les 15 jours de la publication, devant la juridiction administrative. En cas
de recours, il revient au ministre de transmettre à la juridiction le dossier comportant
tous les éléments d’appréciation recueillis et l’avis de l’inspecteur du travail. On peut
indirectement en déduire que la liste est publiée après avis de l’inspection du travail
ou plus exactement, la proposition de liste des organisations représentatives doit
clairement faire ressortir cet avis comme le précisait les anciennes dispositions. A ce
niveau, les critères qui étaient énumérés par l’article 64, alinéa 3, du code de 1992,
tels que l’étendue et la nature des activités peuvent probablement entrer en ligne de
363
compte1. Le critère d’indépendance du syndicat est trop sujet à polémique, de même
que les effectifs sont difficiles à cerner et, par ailleurs, le syndicat qui compte le plus
d’effectifs peut ne pas être celui qui a le plus de délégués du personnel, bien que cette
correspondance soit logique.
1) Le champ d’application
2) Le contenu
1
Selon l’art. 64, al. 3, du code de 1992, « le caractère représentatif d’un syndicat ou d’un groupement
professionnel est déterminé par le ministre chargé du travail qui réunira tous les éléments
d’appréciation et prendra l’avis de l’inspection du travail. Ces éléments comprendront notamment : les
effectifs et les résultats des élections des délégués du personnel ; l’indépendance ; l’expérience du
syndicat, l’étendue et la nature de son activité ».
2 V. l’article 122 C.trav. qui évoque implicitement une diversité du champ d’application.
3 Brun et Galland, op. cit., t.2, p. 130.
4 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit., p. 156.
5 article 120 C.trav. ; art. 65 ancien.
364
3) les modalités d’application du principe de non discrimination ;
4) les modalités d’exécution et les taux des heures supplémentaires (de jour ou
de nuit, jours ouvrables, dimanches et jours fériés) ;
5) la durée de l’engagement à l’essai et celle du préavis ;
6) les délégués du personnel ;
7) la procédure de révision, de modification et de dénonciation de la
convention ;
8) les modalités d’application du principe d’égalité de rémunération entre la
main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur
égale ;
9) les congés payés ;
10) les indemnités de déplacement ;
11) les indemnités d’expatriement, quand il y a lieu ;
12) la classe et le poids des bagages en cas de déplacement du travailleur et de
sa famille ;
13 les primes d’ancienneté ou les modalités d’avancement par échelons ;
14) les modalités de rémunération du chômage technique.
La loi ne prévoit pas de sanction si une de ces matières n’est pas traitée. Cette
éventualité est peu probable en raison, d’une part, de la présence du représentant du
Ministre qui préside la Commission mixte paritaire et doit veiller à éviter une telle
omission et, d’autre part, de la possibilité de s’en remettre au minimum légal sur une
question donnée en cas de désaccord entre les membres. L’ultime sanction peut être le
refus d’étendre la convention.
Certaines matières sont par contre facultatives. Elles peuvent ou non figurer
dans la convention. L’article 121 C.trav. énumère également une liste de quatorze
matières pouvant faire l’objet de clauses facultatives : les primes d’assiduité et de
rendement ; les primes de paniers pour ceux qui doivent prendre leur repas sur les
lieux de travail ; les conditions générales de rémunération au rendement ou à la
commission ; l’organisation et le financement des services sociaux et médicaux-
sociaux ; les diverses indemnités (de transport, pour frais professionnels, pour travaux
pénibles, dangereux, insalubres, salissants) ; les conditions particulières de travail des
femmes ou des adolescents pour certaines entreprises ; l’organisation et le
fonctionnement de l’apprentissage et de la formation professionnelle ; les conditions
particulières de travail (par roulement, repos, jours fériés) ; les procédures de
conciliation dans le cas de différends collectifs, etc. Cet article 121 précise que cette
liste des matières facultatives n’est pas limitative. Les organisations peuvent y ajouter
toutes autres matières dans leur négociation. Les dispositions facultatives reconnues
utiles peuvent être rendues obligatoires par voie réglementaire
365
3) Les conventions annexes
416. Des conventions annexes peuvent être conclues pour chacune des
principales catégories professionnelles si la convention concerne une branche
d’activités ou pour chacune des branches d’activités et chacune des catégories
professionnelles si la convention intéresse plusieurs branches d’activités1. Ces
conventions annexes sont destinées à expliciter, appliquer ou adapter sur le plan
technique certaines dispositions de la convention collective. Elles sont négociées après
la conclusion de la convention collective par les organisations professionnelles les
plus représentatives de la branche d’activités ou de la catégorie professionnelle
concernée. Par exemple, pour une branche d’activité, une convention annexe peut
préciser les différentes catégories professionnelles, les classifications et les grilles
indiciaires qui permettent d’opérer les répercussions des hausses du SMIG. La
convention collective peut aussi être appuyée de simples annexes précisant certains
points. Ces annexes font partie de la convention collective. Ils doivent être distingués
des avenants qui sont des modifications apportées ultérieurement à la convention
collective.
C – LA PROCEDURE D’EXTENSION
417. Une fois la convention conclue dans les formes et conditions prescrites,
elle peut être étendue à d’autres branches d’activités professionnelles par arrêté pris
après avis de la Commission consultative du travail. Elle s’imposera alors à des
personnes qui n’ont pas été parties à l’accord. Avant l’extension, la convention, bien
que conclue selon la procédure indiquée, reste une convention collective ordinaire.
L’extension est faite suivant une procédure précisée par voie réglementaire2.
366
Le projet d’extension doit d’abord faire l’objet de publicité : L’avis du projet
d’extension est publié dans le journal officiel et affiché à l’inspection du travail et
dans tout lieu approprié ; le texte de la convention à étendre doit être publié in extenso
au journal officiel ; et la convention doit être communiquée aux syndicats et
groupements professionnels intéressés. Ensuite, un délai de 30 jours est accordé pour
permettre aux syndicats et à toutes personnes intéressées de transmettre au directeur
du travail leurs observations et avis sur l’opportunité de l’extension. Enfin, dans les 15
jours au plus tard après l’expiration du délai de 30 jours, la commission consultative
du travail doit être convoquée par le Ministre du Travail pour recueillir son avis.
L’extension est faite par arrêté du Ministre du travail.
Les effets de l’extension peuvent prendre fin par le retrait de l’extension par le
Ministre du travail, de sa propre initiative ou à la demande de l’une des organisations
signataires, s’il s’avère que la convention ou certaines dispositions ne répondent plus à
la situation de la branche ou des branches d’activités considérées 2. Ce retrait peut être
global ou partiel. Le retrait est soumis à la même procédure de publicité et de prise de
l’avis motivé de la Commission consultative du travail.
Les effets de l’extension prennent également fin, selon l’article 124 C.trav.,
« lorsque la convention collective a cessé d’être en vigueur entre les parties par suite
de dénonciation ou de non renouvellement ». L’article 123, al. 2, C.trav. précise
d’ailleurs que « cette extension des effets et des sanctions de la convention collective
se fait pour la durée et aux conditions prévues par ladite convention ». C’est une
preuve que la convention étendue conserve son essence contractuelle.
367
§ 2 - Les conventions collectives générales ou
interprofessionnelles
Cette convention couvre toutes les entreprises exerçant leurs activités sur le
territoire national et relevant des branches professionnelles énumérées à l’article
premier « sans que la présente énumération soit limitative », est-il précisé. Les
branches professionnelles énumérées sont : auxiliaire de transport, banques, bâtiment
et travaux publics, commerce, industries de toute nature, mécanique générale,
transports routiers et hôtellerie. On constate que certaines grandes branches
d’activités n’étaient pas citées : le transport ferroviaire et le transport aérien, qui
étaient en situation de monopôle accordé dans chaque cas à une entreprise publique
1 V. l’article 3 CCIP de 1974 : « la présent convention annule et remplace toutes les conventions existantes et leurs
avenants en ce qui concerne les employeurs et les travailleurs désignés à l’article 1 er ».
2 V. R. LEMESLE, précité, p. 162, n° 8.2.5. Celui-ci cite MM. Issa-Sayegh et M. Kirsch.
368
multinationale (RAN et Air Afrique) ; l’artisanat (qui peut s’assimiler au commerce) ;
et l’agriculture. Sa portée a été renforcée par la voie de l’extension1.
1996.395 et s.
3 Selon l’article 360 C.trav., l’inspecteur du travail « … veille à l’application des dispositions édictées en matière
de travail et de protection des travailleurs ». Cette disposition vise les lois et règlement et peut difficilement être
considérée comme s’étendant aux conventions collectives. L’inspecteur peut tout au plus attirer l’attention de
l’employeur sur le respect de la convention collective et informer les travailleurs des droits qu’ils tiennent de la
convention collective et de la possibilité d’agir en justice pour les faire respecter.
369
de la présente convention ». Elle n’a pas à connaître des litiges qui ne mettent pas en
cause le sens et la portée de la convention. Elle est composée de deux membres
titulaires et deux membres suppléants de chaque organisation signataire d’employeurs
et d’un nombre égal de titulaires et de suppléants des organisations signataires de
travailleurs. La partie qui désire soumettre un différend à la commission saisit par écrit
toutes les autres parties signataires et l’autorité administrative compétente. La
commission doit être réunie dans un délai maximum d’un mois. Cet article 71 précise
que lorsque la commission donne un avis à l’unanimité des organisations représentées,
le texte de cet avis, signé par les membres de la commission, a les mêmes effets
juridiques que les clauses de la convention et doit faire l’objet d’un dépôt au
secrétariat du tribunal du travail.
1 V. PELISSIER et al., op. cit., p. 918; Y. FROUIN, L’interprétation des conventions et accords collectifs de
travail, RJS 3/96, spéc. n° 42 et s.
370
d’extension, ce d’autant plus que l’inspecteur du travail n’a pas un pouvoir d’engager
des poursuites contre l’employeur sur la base de la convention collective. Toutefois,
l’article 387, point 2, C.trav. cite parmi les contraventions de simple police punies
d’une amende « les auteurs d’infractions aux dispositions des actes réglementaires
prévues par les articles … 115… ». Cet article dispose simplement que « les
conventions collectives peuvent être étendues à un ou plusieurs secteurs d’activités
déterminés sur le plan national, régional ou local selon la procédure décrite dans les
dispositions ci-dessous ». Une interprétation large signifierait que la violation de la
convention collective étendue peut donner lieu à des sanctions pénales. Une
interprétation restrictive réserverait la possibilité de sanctions pénales aux clauses des
conventions collectives qui reprennent des dispositions d’ordre public : SMIG, droit
syndical, protection des représentants du personnel etc. Dans ce sens strict, l’article
387 point 2 punit les infractions aux actes réglementaires prévus par … l’article 115,
c’est-à-dire la non application de l’arrêté d’extension.
Sur le plan civil, l’action de la personne lésée contre une personne liée par une
convention collective peut tendre à obtenir l’exécution forcée des clauses de la
convention, au besoin par l’astreinte, ou à obtenir des dommages et intérêts en
compensation du préjudice causé par l’inexécution.
1) L’action collective
423. Suivant l’article 131 C.trav., « les groupements liés par une convention
collective de travail ou un accord prévu à l’article 127 ci-dessus, capables d’ester en
justice, peuvent en leur nom propre, intenter une action en dommages-intérêts à tous
autres groupement, à leurs membres ou à toute autre personne liée par la convention
ou l’accord collectif d’établissement qui en violent les engagement contractés ». C’est
une action collective en ce sens qu’elle est engagée par un groupement en son nom
propre dans l’intérêt du groupement ou de ses membres. Cette disposition de l’article
131 recouvre trois hypothèses.
La première est que l’action collective peut être engagée par un groupement
signataire contre l’autre partie sur la base de la responsabilité contractuelle pour
inexécution de la convention. Il s’agit d’une action contractuelle tendant à faire
respecter la lettre et l’esprit du contrat qu’est la convention collective. Un employeur
371
peut par exemple méconnaître une clause de la convention collective ou l’interpréter
faussement.
2) L’action individuelle
424. L’action individuelle est évoquée par les articles 132 et 133 C.trav. Les
actions individuelles relèvent de la compétence du tribunal du travail 2.
372
que celui-ci ait été averti et n’ait pas déclaré s’y opposer». Cette disposition est une
dérogation au droit commun, notamment à l’adage « nul ne plaide par procureur ». Le
syndicat n’a pas besoin de justifier d’un mandat ou de prouver un intérêt à agir. Il
suffit qu’il avertisse l’intéressé et que celui-ci ne s’y oppose pas. Ce dernier peut
d’ailleurs intervenir dans l’instance. La raison est de favoriser l’application des
conventions collectives : le travailleur pris individuellement peut hésiter à agir en
justice pour défendre les droits qu’il tient de la convention collective, même s’il est
théoriquement protégé par la loi contre un licenciement parce qu’il a engagé un procès
contre l’employeur.
373
CHAPITRE II - LES DIFFERENDS COLLECTIFS
425. À l’instar des rapports individuels, les rapports collectifs de travail sont
marqués par des conflits dont la forme la plus visible est la grève. Celle-ci est une
épreuve de force, dont la fréquence et/ou l’intensité peuvent être préjudiciables aux
protagonistes et à l’ensemble de l’économie du pays. Aussi, cherche-t-on à limiter au
maximum le recours à la force par deux voies : en réglementant la grève et en
prévoyant des procédures pacifiques de règlement des différends collectifs. Ceux-ci ne
peuvent pas être soumis au tribunal du travail parce que, très souvent, la solution
recherchée par l’une des parties est bien plus la modification du droit existant. Ces
différends naissent à la fois de revendications économiques et de contestations
juridiques. On examinera d’abord la notion de différend collectif, puis les deux modes
de règlement, et enfin la sanction de l’irrespect de cette procédure.
1 Le mot conflit peut avoir un autre sens, celui de contestation de compétence entre deux juridictions. On parlera
alors de conflit de compétence. Le différend devient un litige lorsqu’il est soumis aux juridictions.
2 V. PELISSIER et al. Op. cit. p. 1284 ; M.-A. SOURIAC, Conflits du travail et négociations collectives, Dr. Soc.
2001, 705. V. également, sur le célèbre protocole de Grenelle, G. LYON-CAEN, JCP 1970.16471 ; et B.
STARCK, JCP 1970.I.2363.
374
l’entreprise et devrait être la plus courante. C’est son échec ou le fait de l’avoir occulté
qui fait intervenir les autres procédés, la négociation par l’entremise d’une tierce
personne (conciliation, médiation ou arbitrage).
Le droit burkinabè retient deux modes de règlement des conflits collectifs, les
procédures de conciliation et d’arbitrage. Ces procédures sont applicables aux
différends collectifs concernant les travailleurs régis par le code du travail2. elles ne
s’appliquent aux salariés des services, entreprises et établissements publics qu’en
l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques3.
1 V. A. RAMIN, Du rôle et de l’utilité du médiateur au travers d’une grève significative : le conflit SNECMA, Dr.
Soc. 1987, p. 839.
2 V. l’article 2 C.trav.
3 Article 334, al. 2, C.trav.
375
met en cause un intérêt collectif. Ce dernier caractère est le plus difficile à cerner. Le
premier élément porte sur les parties au conflit.
Par contre, les points de différence portent sur le fait que dans le différend
collectif, il faut une collectivité de travailleurs alors que dans le conflit individuel un
seul travailleur suffit. La collectivité de salariés peut être un groupement de fait, non
organisé ou un groupement organisé et durable tel un syndicat ou groupement
professionnel régulièrement constitué. Il peut s’agir d’un syndicat représentatif on non
représentatif ou un groupement circonstanciel ou durable1. Le groupement agit
nécessairement à travers des représentants ou dirigeants de ce groupement.
1 V. l’article 335 C.trav. Cette question du groupement organisé ou non organisé renvoie à cette autre distinction
entre conflit interne à l’entreprise ou externe à l’entreprise. Dans le conflit externe il s’agit d’organisations
syndicales. Dans l’autre cas, il peut s’agir de représentants du personnels ou de représentants ad hoc. S’il s’agit
d’un groupement inorganisé, il ne se pose pas de difficulté juridique en phase de conciliation mais l’absence de
personnalité juridique pouvait poser problème sans cette disposition de l’article 335, au cas où l’affaire devait aller
jusqu’en appel ou en cassation. Mais les recours s’apparentent souvent à l’action individuelle exercée par une
collectivité de travailleurs. V. pour des actions individuelles, C. A. Ouagadougou, arrêt n° 92 du 11 septembre
2001, Collectif des déflatés de Faso Yaar c/ Faso Yaar (liquidateur) : recours en interprétation d’un arrêt sur la
question de savoir qui est débiteur d’une condamnation en dommages-intérêts, l’entreprise publique étant en
liquidation. Le Ministre des finances opposait une résistance à payer, arguant que le débiteur n’était pas indiqué.
376
1) La distinction entre intérêt individuel et intérêt collectif
430. La distinction entre intérêt individuel et intérêt collectif peut aussi être
exprimée en terme d’intérêt personnel propre du salarié (intérêt individuel) et intérêt
impersonnel, général ou collectif. Or un conflit peut juxtaposer des différends
individuels et des différends collectifs, des points de revendications reposant sur des
droits que chaque salarié ou un salarié tient du contrat de travail et des points de
revendications de portée générale et impersonnelle dont l’aboutissement profitera à
tous les salariés. Par exemple, dans un conflit ayant conduit à une décision du conseil
d’arbitrage du 25 janvier 1971, il y avait juxtaposition de revendications pour
l’annulation d’un licenciement (qui repose sur un droit individuel) et l’institution de
primes. Ce cas illustre aussi la dégénérescence d’un conflit individuel en conflit
collectif : le syndicat estime que le licenciement est abusif et lutte pour que ce procédé
ne se répète plus. En réalité, ici, l’intérêt collectif est indirect : si le travailleur est
repris, chacun espère que le cas fera jurisprudence dans l’entreprise. Mais l’on peut
souligner que cet intérêt collectif indirect peut être défendu par la voie
juridictionnelle, cadre indiqué de règlement des différends individuels.
1V. la sentence arbitrale du 02 novembre 1998 (SAP) (préavis adressé à l’employeur par un syndicat de travailleurs
pour participer à une grève de protestation au niveau national. L’employeur conteste la légalité et, par la suite
prend des sanctions contre certains grévistes après la grève. Les travailleurs ayant invoqué le caractère collectif du
conflit, l’affaire fut soumise à la procédure arbitrale. L’arbitre déclina sa compétence en estimant qu’il s’agissait
d’une question de « droit individuel » pour laquelle, outre la possibilité pour chaque travailleur de saisir le juge, le
syndicat pouvait lui aussi agir en justice soit dans le cadre de l’action collective, soit en appui aux actions
individuelles, soit encore en tant que représentant mandaté par les plaignants). V. également, dans le sens de
l’action individuelle exercée par une pluralité de travailleurs, C. S. BF. chambre sociale, arrêt n° 8 du 16 février
1999 (grève, licenciement, saisine collective du juge. Le conflit a été reconnu conflit individuel car chaque
travailleur s’est porté plaignant, par une requête collective, pour contester son licenciement).
377
législations qui ne connaissent qu’un système d’arbitrage facultatif
l’admettent en général.
Cet objet de création du droit rend la voie judiciaire non appropriée : le juge ne
pourra qu’appliquer le droit existant parce que son rôle n’est pas de légiférer ou
réglementer. Il ne peut donc résoudre le problème. Les voies non judiciaires, par
contre, permettent d’examiner le différend en droit et en opportunité, en tenant compte
de la légitimité de la revendication et des possibilités de ou des entreprises 2. Cette
classification entre différend juridique et différend économique permet aussi de régler
la question des pouvoirs de l’arbitre3.
378
impersonnel ou collectif par essence. Il a une portée générale et l’issue de la
contestation va profiter ou préjudicier à plusieurs travailleurs1.
1 V. pour des revendications supposant un droit à créer : Sentence du conseil d’arbitrage du 14 juillet 1998, RABO
Moussa, rendue sur renvoi après cassation d’une première sentence de conseil d’arbitrage (restructuration,
licenciements, demandes de dommages et intérêts pour difficultés causées par une mauvaise gestion, allocation des
droits légaux plus 5% de ces sommes. La réclamation d’un surplus aux droits légaux ne repose pas sur une base
légale ou conventionnelle) ; C. A. Ouagadougou, Sentence du conseil d’arbitrage n° 29 du 06 avril 2000, ONPF
(entreprise sous administration provisoire ; plan de restructuration prévoyant des compressions de personnel ;
contestation par les travailleurs du nombre de licenciements projeté).
2 C. S H.V., 14 janvier 1972, Bulletin de la Cour suprême, n°2, 2ème semestre 1976, p. J. 9. Cet arrêt a été rendu sur
recours contre la décision : C. A. Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage n°21 du 25 juin 1991 OVSL c/
Jean Lefèvre. Il s’agissait d’un différend né du licenciement de deux chauffeurs qui se sont battus contre un
supérieur européen auquel se sont greffées diverses revendications (manque d’eau, primes, médicaments…). La
conciliation a été faite sur les autres points sauf en ce qui concerne le licenciement des chauffeurs. V. aussi, C. A.
Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage, 19 juin 1991, BRAKINA – SOBBRA, RBD n°23 janvier 1993 ; P.
KIEMDE, Une institution peu usitée : l’arbitrage en droit du travail au Burkina Faso, RBD n°22, juillet 1992, p.
247.
3 Dans le code de 1992, il s’agit des articles 206 à 217, auxquels il faut ajouter les articles 33, 34, 38 et 39.
379
§I - La conciliation
434. La conciliation est obligatoire et se passe devant une personne qui a une
autorité juridique sur les parties, l’inspecteur du travail. Ce choix du législateur est
susceptible de critiques mais présente aussi des avantages. La principale critique porte
sur la difficulté que l’inspecteur doit éprouver pour passer de son statut d’autorité à un
statut de personne neutre, qui inspire confiance et qui ne peut user de contrainte. Le
conciliateur doit amener les parties à un accord et non leur imposer un accord. Le
statut de personne neutre est généralement mis en doute par les parties, ne serai-ce que
pour faire pression sur l’inspecteur1. La seconde difficulté est d’avoir des alternatives
à proposer (non à imposer) car on ne peut concilier sans amener à un compromis. A
cet égard, le choix de l’inspecteur du travail est un avantage parce qu’il connaît un peu
mieux les entreprises de son secteur et le droit applicable.
A – L’OUVERTURE DE LA CONCILIATION
1Les employeurs se plaignent que les inspecteurs ont des partis pris idéologiques pour les travailleurs. Par contre,
ces derniers considèrent que l’Etat est pour les employeurs et, par conséquent, son représentant ne peut qu’être
favorable à l’employeur ou, à l’inverse, avancent l’argument que « l’inspecteur a pour mission de protéger le
travailleur » Ces divers propos tendent, pour une part, à influencer l’inspecteur.
2 Art. 336 C.trav.
380
B – LE DEROULEMENT DE LA CONCILIATION
436. Une fois saisi, l’inspecteur du travail convoque sans délai1 les parties à la
tentative de conciliation. Si une des parties ne se présente pas, une deuxième
convocation est faite dans un délai de deux jours, sans préjudice de condamnation à
une amende prononcée par la juridiction compétente sur procès-verbal dressé par
l’inspecteur2. L’inspecteur dispose, certes, d’un nouveau pouvoir d’infliger des
amendes, prévu à l’article 366 C.trav., mais l’usage de ce pouvoir dans le cadre d’une
procédure de règlement amiable compromettrait sa mission de conciliation. Le recours
à la sanction de l’amende ne semble d’ailleurs indiqué qu’à l’égard de l’employeur.
Quant aux travailleurs, le refus de se soumettre à la procédure de règlement les
exposerait à des sanctions plus lourdes que l’employeur pourrait directement prendre,
en invoquant l’illégalité d’une éventuelle grève, par exemple.
Ouagadougou, n° 26 du 23 mars 2001 (un accord amiable est intervenu entre temps entre les parties eux-mêmes et
le Conseil n’a eu qu’à consacrer cet accord et communiquer la sentence au directeur du travail) ; C. A.
Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 26 du 23 mars 2001, Syndic-liquidateur de la CEMOB.
5 Art. 338 C.trav.
381
§ 2 - L’arbitrage
437. Au Burkina Faso, il s’agit d’une procédure d’arbitrage obligatoire : les
parties sont obligées d’y recourir après l’échec de la conciliation et les arbitres sont
désignés par l’Etat. Cette procédure obligatoire présente des avantages et des
inconvénients1 et peut être vivement critiquée pour son caractère contraignant,
notamment vis-à-vis de l’exercice le plus libre du droit de grève. Mais, dans un
contexte de faible tradition de négociation collective, cette contrainte peut paraître un
moindre mal. Cette procédure d’arbitrage obligatoire est restée en vigueur depuis le
code de 1952. Peu utilisée sous le code de 1962, elle a connu un grand regain à partir
des années 1992, qui correspondent, il est vrai, à une période d’instauration du
libéralisme économique, d’application de programmes d’ajustement structurel, de
restructuration et de privatisation d’entreprises publiques.
A – LA SAISINE
438. Il revient au Ministre du travail, dans les dix jours2 de la réception du P.V.
de non conciliation ou de conciliation partielle et du rapport sur l’état du litige, de
soumettre le différend à l’arbitrage et de désigner les assesseurs. Ceux-ci sont choisis
parmi une liste d’arbitres établie tous les deux ans par voie réglementaire après avis de
la commission consultative du travail, selon l’article 340, al. 1. Le caractère vague de
cet article étonne car l’article 210 du code de 1992 était plus précis : la liste est établie
par « arrêté conjoint du Ministre du Travail et du Ministre de la justice après avis de la
commission consultative ». La liste comprend des personnalités choisies en fonction
de leur autorité morale et de la compétence en matière économique et sociale, à
1 Sur ces questions, v. P. KIEMDE, Une institution peu usitée : l’arbitrage en droit du travail au Burkina Faso,
RBD n° 22, juillet 1992.Cet article fait le point de recours à l’arbitrage avant le code de 1992. Depuis lors, les
recours à l’arbitrage se sont multipliés sans pour autant effacer les critiques traditionnelles. La réforme de la
procédure en 2004 prouve que ces griefs sont restés vivaces. V. également, en droit comparé : J. M. BOHUON, Les
juridictions arbitrales, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 8, pp. 212 à 218 ; O. KAHN FREUD,
Quelques réflexions sur le règlement des conflits collectifs du travail au point de vue du droit comparé, Revue
Internationale de Droit Comparé, 1960, n° 2, pp. 352 ; C. M’BA OWONO, De la neutralisation à l’encadrement du
droit de grève au Gabon, Penant n° 830, mai à août 1989, pp. 176 et s. ; J. M. TCHAKOUA, L’arbitrabilité des
différends dans l’espace OHADA, Penant, n° 835, Janvier à avril 2001, pp. 5-29.
2 Le délai était de cinq jours sous le code de 1992.
382
l’exclusion toutefois des fonctionnaires d’autorité (préfets, inspecteur du travail en
fonction, ministres…). Les assesseurs ne sont pas nécessairement des employeurs et
des travailleurs comme en matière de conflit individuel devant le tribunal du travail1.
B – LE DEROULEMENT DE L’ARBITRAGE
En ce qui concerne les points en litige, l’arbitre est lié par le P.V. de non
conciliation. Il ne peut se prononcer sur d’autres objets que ceux déterminés par le
P.V. de non conciliation ou ceux qui sont la conséquence directe du différend en
cause4. Toute question nouvelle doit être soumise à la procédure de conciliation avant
d’être soumise à l’arbitrage.
1 La liste des assesseurs comprend surtout des inspecteurs du travail à la retraite, des cadres administratifs, des
professeurs d’université, des anciens dirigeants d’entreprises privées.
2 Même en appel devant le Conseil d’arbitrage, il se peut qu’il y ait conciliation devant le conseil d’arbitrage ou
accord intervenu entre les parties. V. entre autres, C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 42 du 14 juillet
1998, Etablissement Rabo Moussa ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 46/98 du 27 octobre 1998,
Pharmacie nouvelle.
3 Quelques fois, les sentences de conseil d’arbitrage consacrant un accord entre les parties vérifient que l’accord ne
383
de travail quand celles-ci ne sont pas fixées par les dispositions des lois, règlements,
conventions collectives ou accords d’établissements en vigueur, ainsi que sur les
différends relatifs à la négociation, à la révision des clauses des conventions
collectives »1. Par exemple, il ne va pas statuer en équité sur les indemnités de
licenciements mais en droit. Par contre il peut statuer en équité sur les demandes
d’indemnités dites négociées, exceptionnelles ou spéciales 2, qui ne sont pas prévues
par la loi, les conventions collectives ou le contrat, dans le principe ou dans le
montant. Lorsqu’il statue, Il peut avoir à interpréter la loi, la convention collective
applicable ou les contrats.
La sentence peut être étendue si elle porte sur l’interprétation d’une convention
collective, sur les salaires ou sur les conditions de travail5. Les accords de conciliation
et les sentences du conseil d’arbitrage sont publiés au journal officiel et affichés dans
les bureaux de la direction du travail et de l’inspection du travail où est né le conflit6.
Les parties ou l’une des parties peuvent refuser l’application de cette sentence
en notifiant leur refus, dans les 48 heures qui suivent la notification, au Ministre
chargé du travail. Cette possibilité de refus relativise la force de la sentence arbitrale,
mais elle constitue la différence entre la décision d’un tribunal et une décision
1 Sur l’application de cette disposition, notamment le pouvoir de statuer en équité, v. C. S. BF. Ch. Jud., arrêt n° 12
du 20 avril 1999, SONAFRI c/ 21 travailleurs.
2 L’octroi d’indemnités spéciales et autres « mesures d’accompagnement » est la plupart du temps l’enjeu du
conflit, car il s’agit souvent de situations de difficultés économiques et l’arbitre doit avoir le « flair » de ce qui est
possible. Ce contexte peut expliquer l’acharnement des parties à épuiser toutes les procédures. V. sur l’indemnité
spéciale : C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb., n° 96 du 20 septembre 1994, SEEE ; C. A. Ouagadougou,
sentence du cons. arb., n° 92 du 10 décembre 1996, ONEA ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. du 14
juillet 1998, Etablissements Rabo Moussa ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb., n° 29 du 6 avril 2000,
ONPF. Pour les cas de rares décisions qui ne portent pas sur des suites de licenciement, v. C. A. Ouagadougou,
sentence du cons. arb., n° 126 bis du 20 octobre 1995, Collège Moïse Machel ; C. A. sentence du cons. arb., n°
25/98, FONCIAS, précité.
3 L’arbitre unique devait rendre sa sentence dans les 15 jours (dans les 7 jours sous le code de 1962) et le conseil
d’arbitrage devait décider dans le délai d’un mois. Ces délais étaient rarement respectés. L’intérêt de délais assez
brefs est de ne pas laisser traîner la procédure. De même il ne semble pas que le délai de cinq jours (10 jours
actuellement) imparti au Ministre pour engager la procédure d’arbitrage soit toujours respecté. En tout état de
cause, les dépassements de ces délais ne sont pas considérés par le juge comme une cause de nullité de la sentence.
Il en est autrement des délais de recours impartis aux partis qui sont d’ordre public.
4 La procédure d’exécution forcée est critiquée pour son inefficacité. L’on incrimine les huissiers et l’ensemble de
l’appareil judiciaire, en partie avec raisons, mais l’on oublie souvent que le fait de détenir un acte exécutoire
n’empêche pas des résistances du débiteur qui peut utiliser les ressources du droit.
5 V. art. 345 et les article 123 et s. C.trav. concernant la procédure d’extension.
6 Art. 349 C.trav.
384
reposant avant tout sur le consentement des parties. La sentence n’est exécutoire que
si elle n’est pas refusée. C’est parce que l’arbitre peut statuer en équité que la sentence
peut être rejetée. Ces points ne peuvent pas, en effet, faire l’objet de pourvoi en
cassation. Par exemple, si le conseil d’arbitrage accorde aux travailleurs trente mois
d’indemnité spéciale au lieu de six mois qu’accepterait l’employeur, on ne peut
discuter de l’opportunité de ces chiffres devant le juge de cassation1.
La sentence qui a acquis force exécutoire peut faire l’objet d’un pourvoi en
cassation dans les délais de droit commun, de deux mois, devant la juridiction
administrative compétente, selon l’article 346 du code de 2004.
C – LE POURVOI EN CASSATION
1 V. C. S. ch. jud. Arrêt n° 12 du 20/4/1999, SONAFRI. Cet arrêt rejette un pourvoi contre une sentence de conseil
d’arbitrage accordant une indemnité spéciale, au motif qu’il s’agit « d’un acte relevant du pouvoir souverain que la
loi reconnaît aux seuls juges du fond ».
385
de 1992 sur la procédure de règlement pacifique des différends collectifs a consisté à
allonger les délais laissés au conciliateur, à l’arbitre et au conseil d’arbitrage pour
décider. Cet allongement, qui suspend d’autant le délai d’exercice du droit de grève,
semble avoir été l’argument1 pour supprimer une des phases de la procédure, mais la
réalité est que la procédure de règlement intervenait souvent après des mouvements de
grèves qui ont révélés la portée du conflit2. L’ancienne procédure d’arbitrage
comportant deux degrés présentait un inconvénient réel, celui de la longueur des
délais, en partant de la phase de conciliation jusqu’à l’épuisement de la procédure
après la sentence du conseil d’arbitrage3. La suppression de la phase de l’arbitre
unique permet de gagner un peu de temps, mais ce gain risque d’être dérisoire si un
effort n’est pas fourni sur les autres causes de d’allongement du temps de règlement
des différends collectifs. L’avenir de la procédure d’arbitrage obligatoire en dépend.
1 Une autre raison avancée est la fréquence des pourvois en appel contre les sentences arbitrales. Cette fréquence se
constatait aussi dans la période où il y avait peu de recours à la procédure d’arbitrage (3 pourvois sur 5 décisions).
V. P. KIEMDE, article précité.
2 Par exemple, dans la sentence du conseil d’arbitrage n° 25 du 05/05/1998, FONCIAS, l’on relève que c’est le
dossier par le ministre), le délai imparti à l’arbitre pour rendre sa décision (15 jours) et le délai imparti au conseil
d’arbitrage (un mois) donnent un fourchette de moins de deux mois, la réalité est toute autre. Certaines affaires
traînent plus d’un an avant de parvenir à la décision définitive du conseil d’arbitrage. Mais les retards énormes ne
sont pas imputables aux retards (qui sont courants ) devant l’arbitre unique, mais aussi aux périodes mortes de
désignation de l’arbitre ou des assesseurs du conseil d’arbitrage et à la procédure devant le conseil d’arbitrage. A
cela, il faut ajouter les caractéristiques des situations soumises à la procédure de règlement, celles souvent
d’entreprises en faillite, et les stratégies des parties. Tous ces facteurs contribuent à l’allongement de la procédure
et à alimenter l’argument du blocage du droit de grève.
Un examen des récapitulatifs de la procédure fournis par les sentences de conseil d’arbitrage permet de se faire une
idée des causes et niveaux d’accumulation des retards V. Sentences de conseil d’arbitrage n° 88 du 14/8/2001,
SEEE-Burkina ; n° 29 du 6/4/2000, ONPF ; n° 25/98 du 5/5/1998, FONCIAS ; n° 29 du 9/11/2002, SOTRACO.
4 Articles 216 et 217 C.trav. de 1992
386
consultative du travail, du conseil d’arbitrage ; à l’interdiction de participer sous une
forme quelconque à une entreprise de travaux ou un marché de fourniture pour le
compte de l’Etat ou d’une collectivité publique.
Ces sanctions paraissent dissuasives pour les employeurs, mais elles sont bien
plus sévères pour les travailleurs qui sont très souvent dans la situation de commettre
l’infraction et qui risquent une sanction radicale, la perte de l’emploi à l’initiative de
l’employeur.
1 V. C. A. Ouagadougou, sentence du conseil d’arbitrage n° 90 du 28 août 2001, CIMAT (Réaction des travailleurs
à l’annonce d’un projet de licenciements économiques par un préavis de grève et un sit-in devant les bureaux de la
société ; l’employeur saisit l’inspection du travail et exige l’arrêt de la grève avant l’ouverture des négociations.
Les travailleurs poursuivent la grève et la déclare illimitée ; l’employeur procède au licenciement de 40
travailleurs. En phase d’arbitrage, l’arbitre décide que l’illégalité de la grève est la conséquence d’illégalité
commise par l’employeur et par conséquent le licenciement est abusif. Cette décision est réformée par le conseil
d’arbitrage) ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 97 du 26 septembre 1994, Cours Placide Yaméogo.
387
CHAPITRE III - LA GREVE ET LE LOCK-OUT
443. La grève est aujourd’hui reconnue comme une arme aux mains des
travailleurs pour faire contrepoids au pouvoir de direction de l’employeur. C’est
l’arme ultime qui leur permet de faire aboutir les revendications professionnelles.
Mais ce droit n’a pas été acquis sans peines. Comme le droit syndical, la grève est un
phénomène qui a d’abord concerné le secteur privé, avant d’atteindre le secteur public.
Puis avec la fréquence malgré tout des grèves en marge du droit et l’émergence
de l’interventionnisme économique, l’Etat a été amené à reconnaître la nécessité de
réglementer les relations entre employeurs et travailleurs. La loi du 25 mai 1864
autorise les coalitions et dépénalise ainsi la grève qui se trouve alors reconnue comme
forme d’action mais pas protégée, dans la mesure où son exercice pouvait être
sanctionné sur le terrain contractuel. L’étape décisive de la consécration du « droit de
grève » sera la constitution de 1946 qui disposait que « le droit de grève s’exerce dans
le cadre des lois qui le réglementent ». Les premières réglementations tendront à
limiter les abus de part et d’autre (licenciement abusif par l’employeur, sabotage par
les salariés). La jurisprudence française tirera comme conséquence de la
reconnaissance du droit de grève par la constitution que la grève suspend le contrat de
travail.
1YONABA S. Le statut du droit de grève dans le Burkina Faso de la quatrième République, RBD n° 26, juillet
1994, p. 252
388
Selon l’article 22 de la Constitution, « le droit de grève est garanti. Il s’exerce dans le
cadre des lois qui le réglemente ». Cette réglementation, somme toute sommaire, dans
la tradition des droits d’inspiration française, se résume à deux textes essentiels, le
code du travail dans ses dispositions relatives au règlement des différends collectifs1 et
la loi n° 45/60/AN du 25 juillet 1960 portant réglementation du droit de grève des
fonctionnaires et agents de l’Etat2.
§ 1 - définition de la grève4
445. Aux termes de l’article 351 C.trav., « La grève est une cessation
concertée et collective du travail en vue de faire aboutir des revendications d’ordre
professionnel déjà déterminées auxquelles l’employeur refuse de donner satisfaction »
Cette définition se veut plus explicite que la définition doctrinale et jurisprudentielle
courante qui considère la grève comme « un arrêt concertée et collectif du travail en
vue de faire aboutir des revendications d’ordre professionnel »5. Le fait d’ajouter « …
1 V. les art. 206 à 217 et articles 237 notamment 238-h du code de 1992 ; et actuellement les
articles 351 à 359 C.trav. de 2004.
2 V. le texte dans : J. O. RHV du 6 août 1960, p. 704, RBD n° 26, juillet 1994 ; annexe à l’article de S. Yonaba, p.
265.
3 De deux articles dans le code de 1992 (articles 216 et 217), les dispositions sur la grève et le lock-out sont passées
à neuf articles.
4 V. BALLESTRERO Maria Vittoria, La grève en droit italien, Dr. Soc., n° 4, 2004, p. 386 ; BERNARD A. La
grève, quelle responsabilité ? Dr. Soc. 1986, p. 638 ; DURRY, La responsabilité civile des délégués syndicaux, Dr.
Soc. 1984, p. 69 ; GERNIGON Bernard, ODERO Alberto et GUIDO Horacio, Les principes de l’OIT sur le droit
de la grève, RIT 1998/4, vol. 137, n° 4, p. 473. LEVASSEUR G. La notion de grève, Dr. Soc. 1960, p. 654 ;
LYON-CAEN G. Réglementer le droit de grève ? Dr. Soc. 1988, p. 709 ; RAMIN A. Exercice du droit de grève et
responsabilité civile, Dr. Soc. 1980, p. 537 ; MUASE Ch. K., Syndicalisme et démocratie en Afrique : le cas du
Burkina Faso, INADES, Khartala, 1989 ; SAVATIER J. L’occupation des lieux de travail, Dr. Soc. 1988, p. 655 ;
SINAY H. et JAVILLIER J.-Cl, La grève, Traité de droit du travail (dir. G.H. Camerlynck) Dalloz, T. 6, 2 e édit.,
1984 ; SUPIOT A. Revisiter les droits d’action collective, Dr. Soc. 2001, 687 ; YONABA S. Le statut du droit de
grève dans le Burkina Faso de la quatrième République, op. cit., pp. 249 et s.
5 Mais, v. ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 1265: « le droit de grève doit avoir pour motif une revendication
389
déjà déterminée auxquelles l’employeur refuse de donner satisfaction » montre
l’intention du législateur de mettre l’accent sur une condition de légalité, la
présentation préalable de revendications et le refus de l’employeur. Mais cette
définition n’en reste pas moins conforme à la définition traditionnelle donnée par la
jurisprudence. Il ressort des deux définitions trois éléments constitutifs de la grève :
l’arrêt de travail ; l’interruption collective et concertée ; et le motif, une revendication
d’ordre professionnelle.
A – L’ARRET DE TRAVAIL
446. L’arrêt de travail doit être « effectif et franc »1, sous peine de pas être
considéré comme une grève. Cette question pose le problème de certaines formes
d’actions telles que la grève perlée et la grève du zèle. La grève perlée consiste à
ralentir volontairement le rythme de travail et la cadence de production tandis que la
grève du zèle consiste, au contraire, à appliquer la réglementation de manière
tatillonne, de telle sorte que la production n’avance pas. Ces deux formes aboutissent
à ralentir le travail sans arrêt effectif2. Elles peuvent être déclarées non constitutives
d’une grève mais d’une mauvaise exécution du travail. Ces formes de protestations
sont devenues moins fréquentes, en raison des risques de disqualification par le juge.
Selon la cour de cassation française « il n’ y a pas arrêt de travail, lorsque le travail est
exécuté au ralenti ou dans des conditions défectueuses »3.
mais l’avis semble avoir contribué à limiter le recours à ces formes d’actions. Le gouvernement aurait pu, en droit,
se contenter de déclarer l’action illégale et prendre des sanctions si les auteurs n’obtempèrent pas mais les
sanctions après grève ont souvent pour effet de relancer le mouvement de grève, cette fois-ci pour la levée des
sanctions.
390
grave selon les cas ».1 La première citation a été reprise à l’alinéa 2 de l’article 351 :
« le droit de grève n’autorise pas les travailleurs à exécuter leur travail dans des
conditions autres que celles prévues à leur contrat de travail ou pratiquées dans la
profession et n’emporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de
l’entreprise ». Ces formes d’actions sont fréquentes dans le secteur public et la
fonction publique où la stabilité de l’emploi est garantie, juridiquement par des
procédures disciplinaires plus lourdes à mettre en œuvre et, socialement par une sorte
de « responsabilité sociale » du supérieur hiérarchique qui provoque une perte de
l’emploi à un salarié. On rencontre des actions telles que le boycott des gardes dans la
santé, le boycott des formations pédagogiques dans l’enseignement primaire. L’impact
de ce dernier cas est plus limité.
447. L’arrêt de travail ne peut être une grève que s’il est collectif et concerté.
Un seul travailleur ne peut prétendre se mette en grève. Mais une grève minoritaire
reste une grève, pourvu qu’il y ait une pluralité de travailleurs engagés dans l’action. Il
n’est pas prévu un seuil minimum de grévistes : il est difficile de fixer un chiffre ou un
pourcentage sans modifier la philosophie en vigueur du droit de grève, en niant le
droit de grève à une minorité ou en le réservant aux syndicats représentatifs. En effet,
la grève est considérée dans certains droits, notamment en droit d’inspiration
française, comme un droit individuel d’exercice collectif. L’on considère que la grève
fait partie des droits fondamentaux appartenant à l’individu et non un « droit collectif
à exercice individuel »2. Il découle également de cette conception que la grève n’a pas
besoin de la médiation d’un syndicat, comme dans les pays qui, à l’exemple de
l’Allemagne, retiennent une conception « organique » de ce droit3. Il n’est pas besoin
que le mot d’ordre de grève soit lancé par un syndicat, a fortiori que le syndicat qui
lance un mot d’ordre de grève soit représentatif.
391
dirigeants d’un syndicat ou sur des initiatives informelles. Elle pourrait même être
spontanée ou « sauvage » sans encourir une « disqualification », mais l’obligation de
suivre une procédure préalable de règlement des différends collectifs la rendrait illicite
et déprotégerait les grévistes. L’exigence du caractère concerté exclut que soit
considéré comme une grève le mouvement d’humeur d’un travailleur qui quitterait
son poste pour protester contre un acte de l’employeur ou de quelques travailleurs qui,
spontanément, auraient ces agissements. Ceux-ci seront placés simplement sur le
terrain contractuel et justifieront de leurs actes sur le plan disciplinaire. Ils ne peuvent
se prévaloir de l’exercice d’un droit collectif.
1) La revendication préalable
449. Selon l’article 351, l’arrêt de travail doit « appuyer des revendications
professionnelles déjà déterminées auxquelles l’employeur refuse de donner
satisfaction ». Cette formulation comporte deux implications portant sur le moment
du déclenchement de la grève et sur le motif de cette grève.
392
2) La distinction entre grève politique et grève professionnelle
Mais de nos jours, sauf lorsqu’il s’agit d’une grève limitée à une entreprise, il
est souvent difficile de faire la part entre but professionnel et but politique. Les grèves
lancées par les unions ou centrales syndicales concernent plusieurs entreprises ou
l’ensemble du pays, mais peuvent être strictement professionnelles : tel serait le cas de
grève pour la modification d’une convention collective, la renégociation de salaires ou
la répercussion dans le privé des hausses du SMIG. Au Burkina Faso, ces cas sont
rares, en raison du délaissement de la négociation collective et de la procédure de
hausse des salaires liée à l’augmentation du SMIG. Cette procédure fait que l’Etat
absorbe les revendications vers lui, d’autant plus que les syndicats sont plus puissants
dans la le secteur public et la fonction publique. Les grèves lancées par les syndicats,
au-delà d’une entreprise, sont généralement mixtes : elles mêlent les revendications
strictement professionnelles et des revendications s’adressant à l’Etat pour contester la
politique globale du pouvoir ou exiger des solutions à des questions politiques ou
sociales particulières : lutte contre l’impunité, contre la corruption, pour la
préservation des libertés et droits fondamentaux. Ces motifs ne sont pas sans intérêt
pour le travailleur ou le syndicat mais ils relèvent plus généralement de l’expression
citoyenne1 et ne peuvent être traités selon les procédures prévues pour des
revendications professionnelles.
1Il est rare de trouver un mot d’ordre de grève, même d’un syndicat de base, surtout dans la fonction publique, qui
n’intègre pas un point de revendication relatif à une question politique : ces références rituelles visent à montrer
que la lutte syndicale est inséparable de l’action politique, à situer le syndicat dans l’échiquier politique et à
mobiliser les sympathies politiques.
393
institutions constitutionnelles »1. En vérité, mis à part des cas limites, le
développement des grèves générales pour protester ou s’opposer à telle politique
économique ou à telle loi, tend à effacer la distinction et conduit à tolérer les grèves
n’ayant qu’une faible relation avec des revendications professionnelles précises. La
grève purement politique est remplacée par les grèves mixtes dans lesquelles
coexistent des mobiles professionnels et des mobiles politiques. La jurisprudence
française considère la grève mixte illicite lorsque l’aspect politique est prédominant2.
Au Burkina Faso, l’article 351 al. 3 risque de n’être d’aucune utilité compte
tenu de la prévalence des grèves mixtes3. La recherche du mobile prédominant est un
exercice plutôt ardu, pour le gouvernement qui l’invoque comme argument de
discrédit vis-à-vis de l’opinion publique ou pour justifier une interdiction, et pour le
juge appelé éventuellement à connaître d’un tel litige. Sauf lorsque l’appel à l’arrêt de
travail est lancé par un parti politique, il n’est pas difficile de trouver un mobile
professionnel sérieux dans un mot d’ordre de grève. Le facteur déclenchant peut
d’ailleurs être professionnel : grève pour la levée de sanction contre un dirigeant à la
suite d’un déclaration outrageante ou incendiaire. Le législateur burkinabè se montre
souple, si l’on se réfère à son attitude face à la grève dans la fonction publique,
puisque l’article 5 de la loi n°45 AN du 25 juillet 1960 dispose que « toute grève qui
n’a pas pour objet la défense d’intérêts professionnels ou collectifs peut être interdite
par arrêté du président du conseil des Ministres ».
3) La grève de solidarité
1 V. Cass. 23 mars 1953, Grenier c/ SNCF, D. 1954 89 note Levasseur ; JCP 1953, II, 7709 ; GADT, 3e édit., n°
180 (grève de Protestation contre des incidents qui se sont déroulés au parlement, arrestation de dirigeants
syndicaux dont un cheminot qui a participé à la grève de protestation. Cas de grève mixte). V. également, Soc., 4
mai 1956, D. 1956.487 ; GUERY Gabriel, Pratique du droit du travail, Montchrestien, 11 ème édit. 2003, p. 586 :
« peut être définie comme une grève politique celle qui entend protester contre une décision de politique intérieure
ou internationale sans incidence directe sur la vie des travailleurs ».
2 Soc. 10 mars 1961, Bull. civ., IV, n° 333, Dr. Soc. 1961, p. 363, obs. J. Savatier.
3 Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, on ne peut contester le caractère courant des grèves mixtes au Burkina
Faso. Le rôle joué, dans son histoire politique, par les grèves générales ou corporatives (enseignement par
exemple), et la prédominance de l’idéologie révolutionnaire dans les syndicats ont contribué à imprimer une
culture à la lute syndicale qui rend inéluctable les grèves à mobiles professionnels et politiques. V. Pour le
recensement des grèves ayant directement eu des incidences sur les changements de régimes politiques, S. Yonaba,
précité.
394
351, al. 3. La licéité d’une telle grève est analysée en faisant la distinction entre grève
de solidarité interne et grève de solidarité externe, d’une part et, d’autre part, entre
grève de solidarité pour soutenir une cause collective ou pour soutenir une cause
individuelle. Dans l’entreprise, la grève de solidarité peut avoir pour but de soutenir
des travailleurs d’autres ateliers ou établissements et sera en général licite parce que
les revendications peuvent avoir une incidence sur leurs propres situations. Lorsque la
grève a pour but de soutenir un travailleur victime d’une sanction, la grève sera
considérée comme illicite sauf si la sanction est elle-même manifestement illicite1. Les
grèves de solidarité externe à l’entreprise peuvent se situer dans le cadre d’une grève
générale et dans ce cas, la licéité de la participation du salarié dépendra du caractère
commun ou connexe des revendications, chacun y ayant un intérêt réel. La grève de
pure solidarité sera illicite s’il n’est invoqué aucune revendication qui puisse
concerner les travailleurs de l’entreprise.
§ 2 - Le lock-out2
452. Selon l’article 356 C.trav., « le lock-out est une décision par laquelle un
employeur interdit aux salariés l’accès à l’entreprise à l’occasion d’un conflit
collectif ». La fermeture de l’entreprise peut être une réaction patronale face à un
conflit de travail. L’employeur suspend unilatéralement l’exécution des contrats pour
faire pression sur les salariés. Il refuse de mettre les instruments de travail à leur
disposition et de les payer. Le lock-out n’est pas une « grève patronale » car il n’est
pas soumis au même régime de protection que la grève. Il est un moyen de défense
dont la loi reconnaît que l’employeur peut être obligé d’y recourir. Deux raisons
incitent à une interprétation restrictive de la légitimité du recours au lock-out par
l’employeur : d’abord, face à des abus ou des illégalités commises lors du conflit
collectif, l’employeur dispose de d’autres moyens de défense, notamment du pouvoir
disciplinaire, même si ce pouvoir est insuffisant ou difficile à mettre en œuvre dans
une telle situation ; ensuite, un large recours au lock-out ruinerait la portée du droit
constitutionnel de grève. C’est pour cette dernière raison qu’un certain nombre de
mesures défensives sont interdites à l’employeur lors d’un conflit collectif :
licenciement ou remplacement des grévistes par des travailleurs sous contrat à durée
déterminée. En principe la fermeture en réponse à une grève est une inexécution
fautive des obligations contractuelles et, pour être licite, le lock-out doit être l’ultime
recours pour l’employeur. Les juges apprécient la licéité du lock-out en fonction de
son caractère préventif ou défensif et de la situation de contrainte qui pèse sur lui.
1 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1119 ; Soc. 16 novembre 1993, Dr. Soc. 1994.34, rapport Ph. Waquet, note
J.-E RAY.
2 CRISTAU A. La mise en chômage technique consécutive à un conflit collectif de travail, Dr. Soc. 2000. 1091 ;
DUQUESNE F. Le critère du lock-out licite, JCP 1996.I.3971 ; RAMIN A. Le lock-out et le chômage technique,
LGDJ 1977 ; H. SINAY et J.-Cl. JAVILLIER, op. cit. n° 307 ; SPORTOUCH J. M. La fermeture d’entreprise en
cas de conflit collectif, Dr. Soc. 1988.682.
395
A – LOCK-OUT PREVENTIF, DEFENSIF OU DE RETORSION
B – LA SITUATION CONTRAIGNANTE
454. Bien que l’article 356 ne le spécifie pas, le lock-out n’est justifié que si
l’employeur se trouve dans une situation de contrainte qui l’oblige à recourir à ce
moyen1. Cette interprétation restrictive vise à protéger le droit de grève et les droits
des non grévistes. La fermeture ne doit pas résulter d’une intention délibérée d’user de
cette arme pour faire pression sur les grévistes. Elle ne peut se justifier que par
l’impossibilité de fournir le travail. Selon la Cour de cassation française « l’employeur
qui, à la suite d’un mouvement de grève, procède à la fermeture de l’entreprise, doit
apporter la preuve d’une situation contraignante de nature à le libérer de son
obligation de fournir le travail à ses salariés ». La fermeture peut être justifiée par la
nécessité de l’ordre et de la sécurité dans l’entreprise2. La grève peut créer une
désorganisation telle que la sécurité des personnes ou du matériel est en péril. Il peut
en être ainsi des grèves accompagnées de violences et de dégradation du matériel. La
menace sérieuse de recourir à ces formes peut justifier une fermeture préventive. La
1 Faute de disposer d’une jurisprudence burkinabè, nous ne pouvons que nous référer à la jurisprudence française
qui est plus fournie et qui indique une logique juridique de base, même si le juge burkinabè n’est pas tenu de suivre
les méandres de cette jurisprudence.
2 Soc., 2 décembre 1964, D. 1965.112, Bull. civ., n° 809, GADT, 3 ème édit., n° 194 ; Soc., 7 février 1990, Bull.
civ., n° 42.
396
fermeture peut également être justifiée si la grève met l’employeur dans une situation
s’apparentant à la force majeure et donc dans l’impossibilité de fournir le travail aux
non grévistes tels que le manque d’énergie ou de matières premières. Les grèves
tournantes et les grèves avec occupation des lieux peuvent conduire à recourir à cette
solution. Mais la jurisprudence française n’accepte pas la justification de la fermeture
par l’exception d’inexécution1. Pour être dégagé de ses obligations, l’employeur doit
faire la preuve qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter ou mettre fin à la
grève. Par exemple, s’il y a occupation des lieux, il doit avoir sollicité l’évacuation
des lieux de travail. Dans les autres cas, il doit avoir cherché à redéployer les non
grévistes dans d’autres ateliers ou à d’autres tâches.
397
1) Les conditions de fond
1 Certaines grèves générales peuvent se rapprocher de la « désobéissance civile », qui suppose la commission
d’illégalités, au nom de valeurs et de principes politiques plus élevés, par l’objet des revendications ou le mobile.
La désobéissance civile ne se réclame pas de la légalité mais d’une légitimité qui ne peut être tranchée qu’après
coup. L’exemple le plus célèbre est le cas des grèves du syndicat « Solidarité » dont les grèves ont entraîné la chute
du régime communiste en Pologne. Au Burkina Faso, les grèves générales des 17 et 18 décembre 1975, pour
s’opposer à la création d’un « mouvement national du renouveau » considéré comme une préfiguration d’un parti
unique, avaient donc pour mobile d’empêcher l’évolution des institutions politiques vers le régime à parti unique.
On voit bien que l’on glisse de la question de légalité vers une question de légitimité politique de l’action.
398
2) les conditions de procédure
460. Les débrayages sont des arrêts de travail de très courtes durées. Ces arrêts
de travail peuvent être répétés de manière à gêner la production. Les grèves tournantes
consistent à organiser des grèves qui se relaient par ateliers ou par équipes, pour des
durées plus ou moins longues. Ces actions peuvent respecter les conditions de fonds et
de procédure de la grève (préavis ou épuisement des voies de conciliation et
d’arbitrage). Elles peuvent être déclarées abusives si elles manifestent une volonté de
désorganiser l’entreprise1. Ces actions manifestent une déloyauté dans le combat en
raison de la disproportion des dégâts qu’elles cherchent à atteindre sans occasionner
beaucoup de pertes de salaires chez les grévistes. Ces situations de désorganisation
sont susceptibles de justifier un lock-out.
1La jurisprudence française fait une distinction entre la désorganisation de la production, qui serait normale dans
une grève, et la volonté de désorganiser l’entreprise, qui devient illicite. Soc. 30 mai 1989, Bull. civ. V, n° 404, D.
1990, somm. 168, obs. Borenfreund ; Soc. 18 janvier 1995, Syndicat du livre CGT, Bull. civ. V, n° 27, Dr. Soc.
1995. 186, note Ph. Waquet.
399
2) La grève avec occupation des lieux ou sur le tas
3) Le piquet de grève
1 V. pour une source jurisprudentielle française, Soc. 21 juin 1984, Bull. civ. V.264, Dr. Soc. 1985.19, note J.
Savatier.
2 Sur l’expulsion en référé, v. M. CHOISEZ, La grève avec occupation devant le juge des référés, Dr. Soc. 1975,
p.367 ; Y. SAINT-JOURS, D. 1974, chron. P. 135 ; A. JEAMMAUD et M.C. RONDEAU-RIVIER, Vers une
nouvelle géométrie de l’intervention judiciaire dans les conflits du travail, D. 1988, chron. 229.
400
et ce dernier reste dans l’obligation de lui procurer le travail. L’employeur peut user
de son pouvoir de direction pour affecter des non grévistes à d’autres postes ou tâches.
Les litiges, en ce qui les concerne, peuvent survenir en cas de lock-out. L’employeur
doit faire la preuve qu’il est dans une situation de contrainte pour se libérer de
l’obligation de les rémunérer.
464. La grève licite n’a pas d’effet sur l’emploi. Le contrat de travail est
simplement suspendu et non rompu. Le licenciement du salarié gréviste ne serait pas
seulement abusif mais nul. L’article 352 al.2, C.trav. est ferme : « tout licenciement
prononcé en violation de l’alinéa premier du présent article est nul de plein droit. Dans
ces conditions, le travailleur est réintégré ». Le travailleur perd seulement son salaire
pour le temps non travaillé. Mais il peut arriver que l’accord de fin de conflit1 prévoit
le paiement du salaire intégral et/ou le rattrapage, sous forme d’heures
supplémentaires, des heures de travail perdues. Il s’agit d’un rattrapage et non d’une
récupération2, qui consisterait à faire travailler au taux normal.
1 V. sur les accords de fin de conflit : M. MOREAU, Les règlements de fin de conflit, Dr. Soc. 2001. 139 ; De
QUENAUDON, Protocole de fin de conflit, Dr. Soc. 1981.402.
2 V. PELISSIER et autres., op. cit., n° 1149, p. 1267.
3 Trib. trav. Ouagadougou 1 er déc. 1981, TPOM n° 574 du 2 mars 1983, p. 98 (grève à la VOLTELEC en 1978 ou
401
Le salarié non gréviste a droit à son salaire, même s’il ne peut travailler pour
cause de paralysie ou de fermeture par l’employeur. Mais on admet que si la fermeture
résulte d’une force majeure, l’employeur soit dégagé de cette obligation de verser le
salaire.
En réalité, l’évolution des rapports entre droit de grève et service public s’est
paradoxalement inversée parce que l’on constate une prédominance des grèves dans le
secteur public aussi bien au Burkina Faso que dans certains pays européens, du moins
ceux dit pays latins3. Le concept de « service public à la française », qui nous inspire,
s’en trouve particulièrement brouillé. La particularité de ces grèves est qu’elles sont
d’une très haute visibilité et portent plus préjudice aux usagers qu’à l’employeur et
aux travailleurs4. Ces facteurs posent comme un impératif la recherche d’un équilibre
entre le droit fondamental de grève et les autres droits fondamentaux des usagers ou
du citoyen. La distinction entre secteur public et secteur privé demeure, mais la
1 AUBY J. M. et AUBY J. B., Droit de la fonction publique, Dalloz, 3 e édit., 1997 ; GENEVOIS B., La
jurisprudence du conseil constitutionnel relative au droit de grève dans les services publics, Dr. Soc. 1989.796 ;
CHAPUS R. Droit administratif général, T. 2, 10e édit., 1997, COLSON J. Ph. et autres, La grève dans les services
publics, RFDA 1988.805 ; ORTSCHEIDT P. Grève et services publics, RID comp. n° spéc., vol. 11.347 ;
RODRIGUEZ PINERO Miguel, La grève dans les services publics essentiels et le rôle de la jurisprudence
constitutionnelle, Bulletin COMPTRASEC, 1997 ;
C. E. 7 juin 1950, JCP 1950.II.5681, concl. Gazier (acceptation de la grève dans la fonction publique en France).
2 C. E. 7 juin 1950, JCP 1950.II.5681 ; V. également, C. E., 6 février 1966, D. 66.720, JCP 66, II, 14802, GADT,
2e édit., n°6.
3 Ainsi, les conflits du travail dans le secteur public représenteraient, en France, les deux tiers des conflits recensés
(in RADÉ Christophe, Grève et services publics : le droit pour chaque syndicat de déposer son propre préavis, note
sous, Cass. Soc. 4 février 2004, CONNEX-Bordeaux, Dr. Soc., n° 4, avril 2004, p. 381) et en Italie, près de 50% en
1990 (in BALLESTRERO, op. cit., p. 389)
4 V. BALLESTRERO, ibid.
402
réglementation tient surtout compte du fait que le service public peut être assumée par
une personne publique ou une personne privée. La conciliation entre droit de grève et
intérêt général consiste à partir d’une autre notion, celle de services essentiels, ou
services indispensables dont le citoyen est en droit d’attendre une continuité de
prestation. Le code du travail burkinabè prend acte de cette évolution, en prévoyant la
possibilité d’une réquisition de travailleurs relevant du secteur privé, qui vient en
complément à la réglementation du droit de grève dans le secteur public.
403
cas dans lesquels elle peut être collective et anonyme, résultant de la publication au
journal officiel, de diffusion radiophonique ou d’affichage. Faute de texte particulier,
les procédures retenues dans la réglementation relative au secteur public semblent
transposables.
2°) une procédure particulière est aménagée pour l’exercice du droit de grève.
La grève doit être notifiée et un délai de préavis doit être observée. La durée du délai
de préavis dépend des catégories professionnelles. Les responsables du mouvement
doivent déposer auprès du gouvernement une note signée, indiquant le motif de la
grève, son étendue, la date prévue pour son déclenchement, sa durée approximative.
404
3°) Le gouvernement peut interdire une grève qui n’a pas pour objet des
revendications professionnelles ou collectives, par arrêté du « Président du conseil des
ministres ». Cette disposition vise implicitement les grèves politiques.
A notre avis le régime juridique de la grève dans le secteur public est plus
souple par rapport à celui du secteur privé, en raison de l’absence d’obligation
d’observer une procédure de règlement pacifique. Le délai de préavis interdit les
grèves surprises et permet à l’administration de prendre les dispositions pour négocier,
pour assurer la sécurité des usagers et des biens, ou pour assurer le service minimum
en ce qui concerne les prestations indispensables. Les autres principes dégagés par la
jurisprudence sont naturellement applicables à la grève dans le secteur public.
405
LIVRE II
DROIT DE LA SECURITE
SOCIALE
406
407
INTRODUCTION
469. Le droit de la sécurité sociale était un appendice du droit du travail. Il est
aujourd’hui devenu une branche distincte du droit du travail. Mais ces deux
disciplines demeurent liées à plusieurs points de vue :
Sahara, éd. Peter Lang, Frankfurt aim Main, Bern, New York, Paris, 1989, p. 13.
408
Cette sensibilité au développement des techniques et des moyens commande
que soient expliqués, au moins brièvement, le concept de sécurité sociale et son
évolution, avant de donner un aperçu historique de la sécurité sociale sur un plan
international.
1 Yves SAINT-JOURS (sous la direction), Traité de sécurité sociale, T. 1, Le Droit de la sécurité sociale, LGDJ,
1980, p. 3
2 Gilles HUTEAU, Sécurité sociale et politiques sociales, 3e édition, Collection Concours Droit, Armand Colin,
2001, p. 1.
409
En partant de cet entendement, l’apparition de la sécurité sociale est, à
l’échelle de l’histoire, très récente : elle suppose non seulement l’existence
d’institutions qui ont pour fonction de garantir collectivement les individus contre les
risques de l’existence, mais aussi de techniques susceptibles de promouvoir la
solidarité.
471. Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle, début 20ème siècle que l’on peut voir
émerger l’idée de sécurité sociale s’appuyant sur des institutions spécifiques et des
techniques particulières de garantie contre les risques sociaux.
- soit, un peu plus tard, sur des formes spontanées d’organisation (en dehors
de la puissance publique), reposant sur les techniques de l’assurance et de
la mutualité.
- elle suppose une épargne de très long terme avec des risques d’érosion
monétaire par l’inflation,
- et les risques n’étant pas partagés entre plusieurs épargnants, l’effort de très
long terme exigé peut ne pas être récompensé lorsque surviendra le risque
(vieillesse ou maladie).
410
groupe social viennent bénévolement au secours de celui sur qui est survenu un risque
social (maladie, infirmité, vieillesse…). Outre l’inconvénient psychologique d’être
assisté et la dévalorisation sociale progressive de celui qui est assisté sans pouvoir
assister autrui en retour, l’assistance est une protection précaire parce que la
générosité et la charité ne sont pas sans limites, notamment celles de la lassitude ou
des ressources de l’assistant lui-même. Il y a lieu de distinguer la forme ancienne de
l’assistance, qui est individuelle et/ou privé, et l’emploi actuel du mot assistance pour
désigner une forme de sécurité sociale basée sur des interventions publiques financées
par l’impôt dans le cadre des nouvelles missions de l’Etat providence. Le revenu
minimum d’insertion, l’assurance maladie généralisée en France ou l’assurance
sociale universelle de manière générale sont des exemples de cette forme de sécurité
sociale.
474. La mutualité repose sur le même principe que l’assurance, mais sans
intervention du tiers et sans caractère commercial : les membres d’une profession ou
d’un groupe social versent des « cotisations » qui serviront à indemniser ceux qui
seront victimes de la survenance des risques envisagés. Elle repose sur l’organisation
d’une solidarité professionnelle.
411
qu’à certains risques (accident, maladie), et sont peu adaptées pour les évènements
pouvant être de grande ampleur comme le chômage et les calamités agricoles ; et les
prestations en cas de réalisation de l’évènement couvert sont souvent très limitées.
412
Son intervention consistera à rendre obligatoire l’assurance sociale contre des risques
déterminés et pour certaines catégories sociales. Ainsi, en France, une loi du 15 juillet
1893 instituera l’assistance médicale obligatoire et, surtout, deux lois de 1898 prises
en matière d’assistance porteront respectivement statut de la mutualité et réparation
des accidents du travail.
II – L’évolution du concept
D’abord, comme déjà signalé, elle a connu une évolution dans ses techniques
juridiques, passant de la protection ancienne reposant sur les techniques individuelles
(épargne, assistance, responsabilité civile) ou collectives (assurances privées,
mutualité) à l’assurance sociale impulsée par les pouvoirs publics qui la rendent
obligatoire, organisent son financement (cotisations, subventions et parfois impôt)
413
ainsi que ses modes de gestion sous les formes d’organismes publics, semi-publics ou
privés.
En second lieu, la protection sociale a évolué dans ses buts et, partant, dans son
champ d’application matériel, conférant sa pleine signification au concept de sécurité
sociale. Celle-ci est, selon M. O. Kaufmann, « …un ensemble de mesures
externalisées ou internalisées, destinées à garantir des personnes contre certains
risques préalablement définis »1. Par « mesures externalisées » l’auteur vise les
mesures prévues par les assurances sociales, alors que les mesures internalisées sont
celles qui poursuivent des buts de sécurité sociale mais sont offertes en dehors de ce
cadre. Par exemple, les obligations mises à la charge de l’employeur, lorsqu’il n’y a
pas d’assurance maladie. Sur un plan analytique, les risques garantis sont
préalablement définis, mais leur nombre s’étend de plus en plus, dans les pays
développés du moins.
fondamentaux universels, Revue Internationale de Sécurité Sociale, vol. 57, n°1, janvier – mars 2004, pp.105 et s.
414
juridiquement l’obligation de mettre ce droit fondamental en œuvre. La convention
n°102 de 1952 de l’OIT définit cette obligation d’agir en énumérant les risques que les
systèmes nationaux de sécurité sociale devraient chercher à couvrir, en tenant compte
de son niveau de développement : la maladie (soins) ; la maladie (indemnités
compensant la perte de revenus) ; le chômage ; la vieillesse ; l’accident de travail et la
maladie professionnelle ; la maternité ; l’invalidité ; le décès ; et les charges de
famille.
1 Les salariés représentaient en 1911 déjà 47% de la population active en France, bien plus élevée qu’au Burkina
Faso actuellement et même qu’en Afrique au Sud du Sahara. Elle avoisinait 90% en Grande Bretagne. Voy. Jean-
Jacques DUPEYROUX, Michel BORGETTO, Robert LAFORE, Rolande RUELLAN, Droit de la sécurité sociale,
14ème éd. 2001, n°118.
415
Bismarck a eu l’intelligence politique de comprendre qu’il n’était pas possible
de faire face aux mouvements révolutionnaires qui menaçaient l’Etat sans de grandes
réformes, en s’accrochant à l’idéologie de l’Etat-gendarme. Ses lois de 1883, 1884 et
1889 (sur l’assurance invalidité et vieillesse) posent les bases de l’Etat-providence
« répartiteur des avantages et des charges sociales »1 ou garant de la diffusion du bien-
être à tous les citoyens.
Les lois ci-dessus seront réunies en 1911 dans un « code des assurances
sociales » en y ajoutant une assurance décès et un régime d’assurance invalidité et
vieillesse pour les employés. Puis en 1929 sera créée une assurance chômage.
Ce système aura une grande influence sur beaucoup de pays européens (Pays-
Bas, Suède, Norvège, Italie, France…), mais il reste encore limité, quant aux
bénéficiaires, par rapport à la vision de la sécurité sociale : il concerne les ouvriers de
l’industrie (avant l’extension aux employés) ayant un salaire inférieur à un chiffre-
plafond prédéterminé ; et les prestations sont destinées à compenser une partie de la
perte de salaire.
1 François EWALD, L’Etat providence, Bernard Grasset, 1986, p. 344. V. aussi, L’Etat providence nordique :
ajustement, transformations au cours des années quatre-vingt-dix, in Revue Française des Affaires Sociales, n° 4,
octobre –décembre 2003, 57e année.
2 Voy., St JOURS, op. cit. p. 25.
416
Ce système est qualifié, sur le plan juridique, d’assurances sociales, au vu de
ses objectifs et des techniques utilisées : il s’agit d’une « assurance obligatoire du
salaire des assurés, ou peut-être, plus exactement, de leur force de travail »1.
478. En France, l’exemple allemand sera suivi avec du retard par rapport
certains pays voisins ou proches (Luxembourg, Pays-Bas, Italie…). La première
grande loi en matière de protection sociale est la loi du 9 avril 1898 relative à
l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles :
417
- pour se prémunir contre cette responsabilité automatique, de nombreux
employeurs furent amenés à s’assurer auprès d’organismes d’assurances,
qui, contre versement de primes, prenaient en charge le versement des
indemnisations forfaitaires ; une loi du 31 mars 1905 consolida ce système
en faisant de l’assureur le débiteur direct de la victime d’accident du travail
ou de maladie professionnelle.
Une première loi, votée le 5 avril 1928 fut pratiquement rejetée par les
différents groupes de pression (ouvriers, patronat, organisations mutualistes, milieux
agricoles) qui, chacun, avait des griefs à formuler. Cette législation fut reprise par une
loi de 1930 qui obtint un minimum de consensus pour être applicable.
La loi du 3 avril 1930 sur les assurances sociales demeurait sur l’esprit de
l’assurance en réalisant un élargissement quant aux risques pris en compte. Les
personnes protégées sont principalement les ouvriers de l’industrie et du commerce,
liés par un contrat de travail à un employeur. Tous les salariés n’étaient pas concernés
puisque la loi institue le principe d’un plafond d’affiliation qui exclut ceux dont les
salaires sont supérieurs à un certain chiffre. Quant aux risques envisagés, la loi institue
cinq assurances sociales : maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès. Notons
qu’à ces cinq assurances s’ajouteront les allocations familiales, instituées par une loi
du 11 mars 1932 qui oblige les employeurs de l’industrie et du commerce à s’affilier à
des caisses de compensation agréées.
418
- sur le plan de la gestion administrative, sur le principe du « libre choix » de
l’organisme assureur, celui-ci devant gérer l’éventail des risques
envisagés ; les assureurs sont donc des organismes privés, mais une caisse
départementale fut instituée à titre d’option ;
- Sur le plan financier, le principe consacré est le financement par des
cotisations à part égale de l’employeur et du salarié.
480. Le rapport Beveridge élabore une théorie générale et complète qui a pour
objectif de parvenir à éliminer la pauvreté sans subordonner les prestations à
l’indigence1. Pour ce faire, il propose la création d’une assurance nationale qui
verserait des prestations forfaitaires se substituant aux revenus professionnels, en
échange de cotisations. Ainsi, toute personne qui atteindrait l’âge de la retraite se
verrait accorder des prestations forfaitaires pour sa subsistance. Ce système se fonde
sur le principe de la généralité (toute la population entre dans l’assurance nationale) et
le principe de l’uniformité (les prestations sont uniformes pour chaque cas de
réalisation du risque envisagé, quelque soit le revenu professionnel). L’assurance
nationale serait organisée sous la forme d’un service public unique financé par des
cotisations pour certains risques et par la fiscalité pour ce qui concerne les prestations
familiales et la santé. Ce système doit être complété par une politique de plein emploi
et une politique de santé consistant à créer un service national de santé chargé de
dispenser des soins gratuits.
419
L’influence de ce rapport ne réside pas dans son plan, qui sera seulement
expérimenté en Grande-Bretagne dès 1945 en révélant ses limites. L’on relève que
dans sa conception, il y a une contradiction, aboutissant à du gaspillage, à vouloir
généraliser la protection sur la base de prestations forfaitaires. Ces prestations sont
nécessairement fixées au plus bas et ne présentent d’intérêt réel que pour ceux qui
avaient des revenus professionnels peu élevés, donc les indigents. L’influence du
rapport réside dans la consécration des idées principales qui seront progressivement
traduites dans la législation des pays développés : le principe d’un régime universel
consistant en l’extension d’une protection uniforme à toute la population ; l’institution
d’un service public d’assurance sociale ; et l’institution d’une politique de prévention
et d’indemnisation pour les accidents et maladies. Les débats dans les organisations
internationales, qui s’esquissent dans la perspective de la fin de la guerre, vont
contribuer à imprimer cette nouvelle vision de la protection généralisée et de la
prévention contre certains risques sociaux que l’on qualifie d’universalisation de la
sécurité sociale. Cette protection prend le caractère d’une sécurité sociale, par
l’extension continue de son champ d’application et par la charge incombant à l’Etat de
l’organiser. La Déclaration de Philadelphie de 1944 refondant l’Organisation
Internationale du Travail (O.I.T.) et la Charte des Nations Unies vont consacrer la
notion de sécurité sociale tandis que la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948 en fait un droit, le « droit à la sécurité sociale ».
Mais la mise en oeuvre de ce droit s’est opérée à partir de 1945, selon les pays,
en partant des deux doctrines différentes, celle de Beveridge et celle dite
bismarckienne. Le système français, qui va nous inspirer, est principalement de type
bismarckien.
1Sur la question, voyez, Gilles HUTEAU, Sécurité sociale et politiques sociales, 3 e édition, 2001, pp. 11 et s. ;
Nicolas DUFOURCQ, Sécurité sociale : le mythe de l’assurance, Droit social, n° 3, mars 1994 ; J.J.
DUPEYROUX, MicHel BORGETTO, Robert LAFORE, Rolande RUELLAN, Droit de la sécurité sociale, Précis
Dalloz, 14e édition, 2001, pp. 292 et s.
420
la résistance des organisations mutualistes et des syndicats à l’étatisation, elle
reconnaît à ces caisses une autonomie de gestion et la qualité d’organismes privés, au
nom de la « démocratie sociale ». Cette démocratie s’exprime par une gestion confiée
aux employeurs et aux travailleurs à travers un conseil d’administration où les
travailleurs représentaient les trois quarts des membres (75% de représentants contre
25% pour les employeurs), sous le contrôle de l’Etat. De plus, le texte maintenait, à
titre prétendument provisoire, les régimes spéciaux gérés sous des formes mutualistes.
Ces traits vont donner une certaine originalité au système français tout en constituant
la source de sa complexité. L’ensemble du régime général est financé par des
cotisations des employeurs et des travailleurs sans subvention de l’Etat, donnant au
système une inspiration de solidarité professionnelle.
Quelques textes furent adoptés dès 1946 pour étendre le bénéfice des
assurances sociales à des catégories non salariées : les lois du 22 mai et du 13 juillet
étendant l’assurance vieillesse à l’ensemble de la population active, et la loi du 22
août accordant les prestations familiales à la quasi-totalité de la population. Mais c’est
en 1948 (loi du 17 janvier 1948) que la généralisation de l’assurance vieillesse fut
rendue effective. Toutefois, cette loi de 1948 marqua aussi l’abandon de l’unité du
système de sécurité sociale en créant trois régimes autonomes (pour l’industrie et le
commerce, pour l’artisanat et pour les professions libérales) gérés par trois caisses
nationales professionnelles. Les exploitants agricoles se virent accorder leur propre
régime d’assurance vieillesse gérée sous la forme mutualiste par une loi du 10 juillet
1952 et un régime autonome d’assurance maladie et maternité par la loi du 21 janvier
1961. Dans la même période, d’autres catégories sociales entrèrent dans le régime
général de sécurité sociale : les étudiants, les écrivains non salariés, les invalides de
guerre, les journalistes pigistes... Les autres professions non salariées non agricoles
furent dotées d’un régime autonome d’assurance maladie maternité en 1966 (loi du 12
juillet 1966).
A partir de 1967 intervint une autre réforme générale, par quatre ordonnances
du 21 août 1967, qui marqua une autre étape vers la généralisation de la sécurité
sociale mais aussi un bouleversement de l’organisation du système de gestion.
L’institution d’une assurance volontaire permit à des personnes non couvertes de
bénéficier des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité en contrepartie
de cotisations. Cette assurance volontaire sera remplacée en 1978 par l’assurance
1 Selon l’exposé des motifs de l’ordonnance, cité par Nicolas DUFOURCQ, in Dr. Soc. n° 3, mars 1994, p. 291.
421
personnelle (loi du 2 janvier 1978) qui est plus incitative à l’adhésion (cotisations
forfaitaires réduites pour certaines catégories, prises en charge totale ou partielle des
cotisations par l’aide sociale pour d’autres). Le bouleversement institutionnel réside
dans la création de trois caisses nationales de sécurité sociale correspondant aux trois
branches de risques (santé, vieillesse, famille) devant être gérés de manière autonome.
Chaque branche devait assurer son équilibre financier avec toutefois des mesures
assurant une trésorerie commune notamment par la création d’une agence centrale. De
plus, la représentation des employeurs dans les organes de gestion fut rehaussée par
l’institution du système paritaire.
Une autre extension importante fut réalisée par la loi du 4 juillet 1975 qui
concrétise la volonté de généraliser la sécurité sociale, par l’extension de l’assurance
vieillesse à toute la population active, par le rattachement des personnes jusque là non
couverte à l’un des régimes déjà existants et par la suppression de la condition
d’exercice d’une activité professionnelle pour le bénéfice des prestations familiales.
Il résulte de cette évolution marquée par des compromis tenant compte des
positions idéologiques (notamment l’attachement des syndicats à l’idée d’assurance
basée sur la solidarité professionnelle)3, ou des résistances d’intérêts (mouvements
mutualistes et catégories d’assurés bénéficiant de régimes privilégiés) que,
contrairement au projet initial de l’ordonnance de 1945 de généraliser la protection
sociale dans le cadre d’une organisation unique ou unifiée, la sécurité sociale française
a certes réalisé une couverture sociale remarquable des individus, mais dans le cadre
d’une organisation particulièrement complexe. Comme le fait remarquer M. G.
HUTEAU, elle « est constituée aujourd’hui d’une véritable mosaïque de régimes,
chacun étant doté de ses propres structures de gestion, et comportant des taux de
1 Le système du tiers payant est celui dans lequel une tierce personne (l’organisme de sécurité sociale, en général)
règle directement les dépenses à la place de l’assuré. Dans le système sans tiers payant, l’assuré paie –les
médicaments par exemple- avant de se faire rembourser par l’assureur social.
2 Cf. G. HUTEAU, op. cit., p. 15. Celui-ci évoque comme cause de difficultés d’application de la couverture
422
cotisation et des prestations diversifiées, même si l’évolution est au rapprochement
depuis les années soixante-dix ».
423
institutions sous l’égide de l’Association des régimes de retraite
complémentaires (ARRCO), puis à l’adoption en 1972 d’une loi les
rendant obligatoires pour les salariés non soumis à un régime spécial ;
- le régime d’assurance chômage institué le 31 décembre 1958 par accord
interprofessionnel signé entre le Conseil national du patronat français et les
syndicats de l’époque (Force ouvrière -FO, Confédération française des
travailleurs chrétiens -CFTC et la Confédération générale des cadres -
CGC) pour l’ensemble des salariés et des entreprises du secteur privé ;
financé par des cotisations des employeurs et des travailleurs, le régime de
l’assurance chômage est géré de manière paritaire par des représentants des
employeurs et des travailleurs, dans le cadre institutionnel des Associations
pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC), organismes de
base, et de l’Union pour l’emploi dans l’industrie et le commerce
(UNEDIC), qui est une fédération de ces organismes de base ; des régimes
de retraites complémentaires sont aussi mis en place pour les professions
non salariées (artisans) ;
- les institutions de prévoyance prévues par des conventions collectives, des
accords de branches ou d’entreprises et gérées par des mutuelles ou des
compagnies d’assurance ; ces institutions sont financées par des cotisations
des employeurs et des salariés et visent à améliorer la couverture de risques
pris en charge par le régime général (vieillesse, maladie, décès...).
1Voy., pour l’évolution dans l’Union européenne, J.-J. DUPEYROUX et al. op. cit. pp. 398 et s. ; Gérard LYON-
CAEN et Antoine LYON-CAEN, Droit social international et européen, 8e édition, 1993.
424
tous les pays européens. Cette crise est parfois qualifiée de crise de l’Etat providence 1.
La création de la CSG (Contribution Sociale Généralisée) par la loi de finances de
1991 répond à ce besoin de rationalisation et de modernisation du financement de la
sécurité sociale, sans suffire à résoudre les problèmes de déficit croissant (le fameux
« trou de la sécurité sociale ») et de complexité du système français de sécurité
sociale.
425
TITRE I – HISTORIQUE, PRINCIPES ET SOURCES
DE LA SECURITE SOCIALE BURKINABE
426
427
CHAPITRE I - HISTORIQUE ET CARACTERES
DE LA SECURITE SOCIALE BURKINABE
La sécurité sociale en tant que branche du droit présente des caractères qui
peuvent être distincts de ceux des autres branches du droit. Ces caractères auraient pu
être présentés dans un cadre général, mais il est utile de les rapprocher du contexte de
naissance et d’évolution de ce droit pour mieux faire ressortir la relation plus forte
entre l’économique et le social dans ce domaine.
1 Voyez, Otto KAUFMANN, La sécurité sociale dans les relations entre la France et les pays d’Afrique au sud du
Sahara, Peter Lang, Frankfurt aim Main – Bern – New York – Paris, 1989, p. 86 ; même auteur, La protection
sociale dans les pays francophones d’Afrique au sud du Sahara, Penant, 1986, pp.61 et s.
2 J.O.RF du 8 avril 1932.
428
ce texte a été sans apport réel pour les travailleurs africains parce qu’il comportait une
double limitation1 : pour le droit à réparation, il ne s’appliquait que si l’accident était
causé par une machine mécanique, ce qui réduisait considérablement son champ
d’application matérielle. De plus, dans son champ d’application personnelle, étaient
exclus les travailleurs saisonniers, les manœuvres et les travailleurs agricoles. Les
travailleurs demeuraient en fait soumis au régime de la loi de 1898 qui exigeait, pour
obtenir réparation, la mise en cause de la responsabilité de l’employeur, ce que le
travailleur africain ne pouvait absolument pas entreprendre à l’époque. Un autre
exemple de mesure sociale concerne un décret du 18 septembre 1936 2, relatif au
travail des femmes et des enfants, qui accordait un timide avantage à la femme
salariée africaine : celle-ci avait la faculté d’interrompre le travail, sans droit à
indemnité, pendant huit semaines avant et huit semaines après un accouchement.
1 V.Otto KAUFMANN, op. cit. p. 88 ; J. GORCE, Les accidents du travail dans les territoires d’Afrique, in Revue
juridique et Politique de l’Union Française, 1951, p. 177 ; P.F. GONIDEC, Cours de droit du travail africain et
malgache, Paris, 1966 ; P.GONIDEC et M. KIRSCH, Droit du travail des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris,
LGDJ, 1958 ; P. DARESTE et M. SAMBUC, Traité de droit colonial, Paris, 1932 ; Ferdinand Sosthène
LIKOUKA, Situation et devenir du système de protection sociale au Congo, thèse de doctorat en droit (nouveau
régime), Université Montesquieu - Bordeaux IV, 1997.
2 J.O.RF du 20 sept. 1936 ; J.O.AOF du 23 mai 1937.
429
la constitution de 1946 qui accordait la qualité de citoyens français aux populations
des territoires d’outre-mer. Enfin, dans l’ordre interne aux colonies, l’application des
plans de mise en valeur des colonies (ex. Loi du 30 avril 1946 relatif au plan
d’équipement et de développement des colonies), qui a impliqué des déplacements
volontaires ou forcés de populations, a aussi entraîné l’apparition du phénomène du
salariat, la création de centres urbains autour des plantations, des usines et des
chantiers de grands travaux, où des ouvriers peu spécialisés, mal payés, mal nourris et
mal logés rappelaient, selon P.F. GONIDEC et M. KIRSCH, les conditions des
ouvriers français du 19e siècle1. Le contexte social et politique appelait donc une
action volontariste de l’Etat.
Malgré l’échec de ces tentatives, les débats reprirent dès 1948, avec le dépôt,
le 19 mai, d’un projet de loi. Les diverses consultations amenèrent à déposer un autre
projet de loi le 12 avril 1949. Tout le monde s’accordait sur la nécessité d’une
réglementation du travail, même si certains voulaient un code universel et uniforme et
d’autres auraient préféré un code cadre, qui laisserait toute latitude pour adapter la
réglementation à la situation spécifique des territoires ou groupes de territoires.
L’appel à la prudence cachait aussi la peur des milieux conservateurs d’une évolution
et traduisait les appréhensions des employeurs dans les colonies. Les débats sur ce
projet, avec la participation active des parlementaires africains à l’Assemblée de
l’Union Française, prirent encore beaucoup de temps avant d’aboutir à l’adoption de
la loi du 15 décembre 1952, instituant un code du travail dans les territoires et
territoires associés relevant du Ministère de la France d’Outre-Mer6.
HUGUET.
430
§ 2 - L’apport du code de travail de 1952
485. C’est après l’adoption du code du travail d’Outre-Mer que la sécurité
sociale va prendre son essor. Ce fait traduit la liaison – comme dans la métropole au
départ, du moins - entre la sécurité sociale et le travail salarié. La sécurité sociale
reposant sur une base professionnelle, l’essor du droit du travail apparaît comme une
condition préalable à la protection contre les risques sociaux dans un cadre
d’assurances sociales. Avant 1952, les avancées significatives dans le domaine de la
sécurité sociale n’ont concerné que les fonctionnaires africains : avec la loi Lamine
Gueye, les agents de la fonction publique avaient obtenu une protection sociale
comparable à celle des fonctionnaires français1 en matière d’allocations familiales.
Le code de 1952 contenait des dispositions qui serviront de point d’appui pour
l’institution de la sécurité sociale. Ainsi, l’article 237 instituait légalement les
prestations familiales pour les travailleurs régis par le code, et créait des caisses de
compensation pour la gestion de ce régime. La mise en oeuvre de ce texte était
toutefois confiée aux chefs des territoires qui étaient « habilités à prendre des arrêtés,
après avis des commissions consultatives et des assemblées représentatives, instituant
des prestations familiales ... et des caisses de compensation pour assurer le versement
de ces prestations », sous réserve d’approbation de ces arrêtés par le ministre de la
France d’outre-mer. En rapport avec cette disposition générale, l’article 116 accorde à
la femme salariée, à la charge de l’employeur, jusqu’à la mise en place d’un régime de
sécurité sociale, la moitié du salaire qu’elle percevait au moment de la suspension de
son contrat pour accouchement. D’autres dispositions, sans directement créer un
régime de sécurité sociale, n’en concernent pas moins la protection contre des risques
sociaux : l’article 138 fait obligation à toute entreprise ou établissement d’assurer un
service médical ou sanitaire à ses travailleurs ; l’article 142 fait obligation à
l’employeur de fournir gratuitement les soins et les médicaments au travailleur
malade, dans des limites définis.
431
grossesses et accouchements. Plus tard seront créés deux autres régimes de la sécurité
sociale.
Notons d’abord qu’un décret du 27 février 1957 relatif aux accidents du travail
fut adopté en complément au code du travail mais sans avoir, semble-t-il, eu un rôle
notable1. Ce décret présente tout de même l’intérêt d’avoir posé les principes généraux
d’un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnels
étendu à tous les salariés2
En 1958, un régime d’assurance vieillesse fut institué, non par la loi, mais par
accord professionnel conclu le 27 mars 1958 entre les organisations patronales et
syndicales. Cet accord crée l’Institution de Prévoyance retraite de l’Afrique
occidentale française (IPRAOF) qui deviendra IPRAO après l’accession à
l’indépendance des territoires3.
1 Décret n° 57-245 du 27 février 1957, JORF du 28 février 1957, p. 3205, modifié par le décret 57-829 du 23 juillet
1957 ; pour l’AEF, il s’agit d’un décret du 24 février 1957. CF. LIKOUKA, op. Cit. p. 36.
2 Cf. P. MOUTON, L’étendue des systèmes africains de sécurité sociale, Encyclopédie Juridique de l’Afrique,
432
vieillesse, invalidité, décès (protection des survivants). Par rapport aux neufs risques
dont la couverture est recommandée par la convention n° 102 de 1952 de l’OIT, dite
norme minimum, on remarque l’absence de couverture des risques : maladies (soins
médicaux), maladie (compensation des pertes de revenus) et chômage.
1 O. KAUFMANN, op. cit. p. 92. V. Également, Théopiste BUTARE et Edwin KASEKE, La sécurité sociale en
Afrique : le poids du passé, les priorités pour l’avenir, Revue Internationale de Sécurité Sociale (RISS) volume 56,
n° 3-4/2003.
2 Ibid.
3 Luca BARBONNE et Luis-Alvaro SANCHEZ B., Les régimes de pensions et de sécurité sociale en Afrique
subsaharienne : problèmes et solutions possibles, in AISS, série africaine n° 21, 2000, p. 34.
433
Elle ne concerne, dans le champ d’application personnelle, que les salariés qui
ne représentent qu’une faible proportion de la population active (moins de 20%)1.
Même à l’intention des salariés, seuls ceux de l’Etat et du secteur du commerce et de
l’industrie, qui constitue le secteur structuré, sont couverts de manière satisfaisante.
Avant les vagues de privatisations, les salariés de l’Etat et des entreprises publiques
constituaient la part la plus importante2.
1 Au Burkina Faso, les salariés ne représentent que 3,7% des actifs occupés essentiellement dans les services (dont
l’administration publique), les secteurs du bâtiment et des travaux publics, les industries extractives et
manufacturières. V. le décret n° 2001-474/PRES/PM/METSS du 18 septembre 2001 portant adoption du document
intitulé Cadre stratégique de promotion de l’emploi et de la formation professionnelle au Burkina Faso, point 1. 1.
2, document non publié au J.O.
2 Cette part est en baisse constante en raison du tassement des effectifs de la fonction publique. Les effectifs de la
fonction publique étaient de 24% des effectifs du secteur moderne en 1996 contre 33% en 1985 et 54% en 1975.Cf.
METSS, Politique de l’emploi au Burkina Faso, document n° 1, « Analyse de la situation de l’emploi », septembre
1996.
434
B – LE CHAMP D’APPLICATION MATERIEL
Le chômage est très rarement pris en charge par le système de sécurité sociale
en Afrique. Cette carence présentait un inconvénient mineur après les indépendances
jusqu’à la fin des années 1970, en raison des besoins en personnel de l’Etat et du
boum des entreprises publiques. Les difficultés financières de l’Etat et des entreprises
publiques à partir des années 1980 et, surtout, la généralisation des politiques
d’ajustement structurel ont fait de la perte d’emploi un facteur d’exclusion sociale.
L’absence d’assurance chômage est de plus en plus dramatiquement ressentie.
1 Cf. Ahmadou Yéri DIOP, Gouvernance des régimes de sécurité sociale en Afrique : tendances au Sénégal, Revue
Internationale de sécurité sociale, vol. 56, n° 3 – 4, juillet – décembre 2003, p. 23. O. KAUFMANN, op. Cit. p.
102.
2 O. KAUFMANN, op. cit., p. 100.
435
Il résulte de son champ d’application personnel et matériel restreint que la
sécurité sociale ne concerne en Afrique subsaharienne que 5 à 10% des travailleurs 1
qui sont des catégories sociales privilégiées, en terme de sécurisation des moyens
minimum d’existence, malgré la faiblesse des prestations notamment en matière de
pension de vieillesse et les longs délais mis pour le versement des premières pensions.
436
l’assistance organisée par l’Etat sous la forme d’un financement fiscal des prestations
s’avère inopérante dans un contexte où la majorité de la population devrait être
assistée. Au Burkina Faso, par exemple, on considère que 40% de la population est en
dessous du seuil de pauvreté. Cette pauvreté limite nécessairement la capacité de
l’Etat à procéder à des transferts de revenus entre catégories sociales.
La protection des ménages contre certains aléas par la sécurité sociale favorise
la consommation. Par exemple, l’existence d’une assurance maladie, en libérant les
ménages d’un poste de dépense lourd favorise l’accroissement de la consommation
des biens de première nécessité (alimentation, soins médicaux…) parce qu’elle
« régularise les ressources des assurés sociaux »1. L’accroissement de la
consommation peut avoir un effet de relance de l’économie ou, hélas pour les pays en
développement, un effet d’accroissement des importations et de détérioration de la
balance des paiements si la consommation porte sur des biens importés.
Les prélèvements opérés par la sécurité sociale sont ressentis par les
entreprises comme des charges sociales qui peuvent grever leurs rentabilités et leur
compétitivité. Des charges sociales lourdes peuvent pousser les entreprises, du moins
les plus grandes, à adopter des techniques de production basée sur la mécanisation et
demandant moins de main-d’œuvre. Les petites entreprises seront plutôt tentées
d’éluder l’obligation d’affiliation à la sécurité sociale et de déclaration de main-
d’œuvre. Mais des cotisations trop faibles entraînent par voie de conséquence des
prestations dérisoires ne répondant pas au besoin de sécurisation du travailleur et de
maintien d’une bonne capacité de travail.
A l’égard des groupes sociaux, les fonds de réserve des systèmes de sécurité
sociale constituent d’importantes ressources pouvant être réinvesties – avec prudence
1 ibid.
437
et bonne vision – dans l’économie, dans un sens redistributif ou de manière à
conforter les catégories privilégiées. Par exemple, l’affectation de certains fonds de la
sécurité sociale à l’action sanitaire et sociale (construction de dispensaires, soins
gratuits ouverts au non assurés) opère une certaine redistribution en direction des
catégories les plus défavorisées. Des opérations comme l’abaissement ou le
relèvement de l’âge de la retraite font partie des éléments de la politique de l’emploi.
Les pays européens ont institués dans ce cadre des primes de retour pour agir sur
l’immigration tandis que certains pays africains ont institué des régimes d’assurance
immigrés pour parer aux éventuels retour sans droit à pension ou allocation1.
Le régime de prestations familiales, par exemple, joue un double rôle dans les
pays industrialisés : d’une part, celui d’offrir des revenus de remplacement à la femme
salariée à l’occasion des arrêts de travail pour maternité et de compenser le surcroît de
dépenses résultant de la charge d’un enfant ; d’autre part, les prestations familiales ont
pour objectif d’encourager la natalité. Ce second rôle fait que les allocations familiales
versées sont substantielles et constituent, avec l’assurance maladie et le niveau des
salaires, une des incitations à l’immigration.
Dans les pays pauvres, le régime de prestations familiales n’a évidemment pas
un rôle nataliste : les allocations familiales sont dérisoires (1 000 Fcfa par enfant au
Burkina Faso) et limitées quant au nombre d’enfants pris en compte ; l’accent est mis
sur les prestations en nature dans le cadre de la promotion de la santé maternelle et
infantile.
Les régimes d’assurance vieillesse ne font pas non plus face aux mêmes
problèmes. En Europe, ces régimes connaissent des tensions dues au vieillissement de
la population et à l’accroissement du nombre des pensionnés par rapport aux cotisants.
En Afrique, jusqu’à ces dernières années le nombre de pensionnés restait relativement
bas et n’occasionnait pas de tension sur le régime. Le rapport entre population active
et population inactive influence donc la politique de la sécurité sociale.
1 Par exemple, l’Ouganda a institué une allocation d’émigration pour tout affilié qui émigre de façon permanente
vers un pays avec lequel il n’existe pas d’accord de réciprocité. V. R. K. DAU, op. cit. p. 38.
438
longévité et réduisent la mortalité infantile ainsi que les accidents d’accouchement. Le
régime d’assurance vieillesse peut tendre à prolonger le vie professionnelle (par
l’allongement de l’âge de la retraite ou de manière indirecte par des prestations
insuffisantes incitant à poursuivre la vie active) ou à la raccourcir (par l’abaissement
de l’âge à la retraite ou par les demandes de départs anticipés).
1 Par exemple, au Burkina Faso, l’assurance volontaire au régime de sécurité sociale géré par la CNSS est une
assurance facultative continuée ouverte aux anciens assurés dans des conditions restrictives.
439
C – LES INTERACTIONS ENTRE SECURITE SOCIALE
ET RAPPORTS SOCIAUX
Mais il faut reconnaître que cette culture de solidarité s’effrite de plus en plus,
même en campagne, sous les effets de la diffusion de l’économie monétaire, de
l’individualisation des activités (celui qui dispose d’une charrue a moins besoin de
faire appel à la culture collective des champs par rotation et l’activité commerciale ou
artisanale ne fait pas appel à cette forme d’entraide), de l’urbanisation et du salariat.
440
§ 3 - La nécessité d’une approche adaptée de la sécurité sociale
L’inadaptation, déjà soulignée, de la sécurité sociale classique héritée des
modèles européens résulte d’une discordance entre les fins de la sécurité sociale et les
moyens mis en œuvre.
Sans avoir connu de régression, dans le champ restreint dans lequel elle a été
créée en Afrique francophone dans les premières années des indépendances, la
sécurité sociale semble avoir renoncé à sa finalité qui devait la pousser à l’extension.
En restant « ciblée sur un petit groupe de privilégiés »2, elle se mue, pour certains, en
un système qui conforte les inégalités.
441
B – LA PROBLEMATIQUE D’UNE INTEGRATION DE LA SECURITE
SOCIALE DANS LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
495. Le premier aspect est d’intégrer la sécurité sociale dans la lutte contre la
pauvreté en la considérant comme un volet de cette lutte. S’il y a un lien entre
économie et sécurité sociale, ce lien n’est pas unilatéral. Des politiques efficaces de
sécurité sociale peuvent contribuer à améliorer le contexte de la croissance
économique en Afrique1 à condition de repenser la sécurité sociale en tenant compte
des réalités du continent. Ces réalités sont que la pauvreté touche certes les salariés,
mais surtout le monde rural et le secteur non structuré urbain 2. Selon le document du
Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, dans sa version de 2000, la proportion de
burkinabè vivant en dessous de la ligne de pauvreté s’établit à 45,3% et le monde rural
contribue à cette pauvreté pour 94% contre 6,1% pour le monde urbain en 1998 3. Les
risques couverts par la sécurité sociale classique les concernent aussi, même s’il est
admis que les mêmes techniques de couverture ne peuvent y être appliquées.
1 ibid. , p. 19.
2 Selon le texte du 1er Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), p. 13, in J.O.BF n° 47 du 23 novembre
2000, p. 4964. V. également le décret n° 2004-489 du 10 novembre 2004 portant adoption du cadre stratégique
contre la pauvreté révisé.
3 Curieusement, ce document cite en tête des dix principaux facteurs de pauvreté en milieu rural : la paresse ou le
manque d’initiative, l’échec permanent, le handicap physique… En milieu urbain viennent en tête : les aléas
climatiques, la faiblesse du pouvoir d’achat, la vieillesse…
4 Cf. point 3.2.2. du CSLP.
442
2) Le problème de l’extension du système formel de sécurité sociale
Par ailleurs, même comportant des risques de déficit et, par conséquent,
d’obligation politique pour l’Etat de subventionner si des paravents efficaces ne sont
pas trouvés, il n’est pas impossible d’ajouter au système existant un régime
d’assurance maladie. En outre, un régime complémentaire à l’assurance vieillesse peut
augmenter l’efficacité et l’attrait de la sécurité sociale. Les restrictions légales
constituent, selon An Maes, un des points faibles des systèmes de sécurité sociale en
Afrique2.
443
manière générale, d’autres mécanismes devront être imaginés avec pour objectif
d’avoir un filet de protection reposant sur :
- des formalités suffisamment simples ;
- des systèmes financièrement accessibles ;
- la proximité des centres de services1.
L’on semble s’accorder sur le fait que l’extension ne peut consister à ouvrir le
système moderne au secteur informel mais à rechercher des solutions adaptées à la
spécificité des acteurs de ce secteur, quant aux conditions d’accès et de bénéfice des
prestations. Les solutions pourraient consister, selon M. MAES, à tirer partie de la
culture de solidarité et des « systèmes de protection informels et autogérés »2 basés sur
les ménages et les organisations, par exemple, les tontines ou AREC commerciales
(Associations rotatives d’épargne et de crédit) pour, soit créer de nouveaux systèmes
offrant une protection sociale adaptée, soit combiner la sécurité sociale formelle et les
protections sociales informelles.
Les deux actions permettraient d’intégrer la sécurité sociale dans la lutte contre
la pauvreté, au lieu de la confiner dans le rôle marginal (à l’échelle de l’ensemble de
la population) de protection (partielle) des seuls salariés. Ceux-ci ne représentent
qu’une faible proportion de population active et, de ce fait, la couverture de la sécurité
sociale formelle ne se situe en Afrique subsaharienne qu’entre 5 et 10 pour cent de
cette population..
444
445
CHAPITRE II – LES SOURCES DU DROIT
DE LA SECURITE SOCIALE
498. Les sources du droit de la sécurité sociale, comme le note M. Y. Saint-
jours, ne présentent pas d’originalité particulière par rapport à celles droit du travail 1.
Elles obéissent à la même hiérarchie interne générale (constitution, loi, règlement) et
les sources internationales ont une racine première commune, les conventions de
l’O.I.T., même si un droit régional tente d’émerger.
A – LA CONSTITUTION
499. Les dispositions constitutionnelles sont très peu nombreuses et ce fait peut
se comprendre aisément : la mise en œuvre de la protection sociale est tributaire d’un
arbitrage permanent entre l’économique et le social, qui relève des grandes
orientations de la politique de la nation et, par conséquent, du pouvoir exécutif.
L’article 26, qui dispose que « le droit à la santé est reconnu. L’Etat œuvre à le
promouvoir », concerne aussi la sécurité sociale, non pas l’institution mais l’idée de
protection sociale de l’individu dans la société, notamment contre le « risque
maladie »2. Les autres dispositions du chapitre 4 du Titre 1, relatif aux droits et
devoirs sociaux et culturels, traitent plus abondamment du droit du travail. On peut
446
épiloguer sur la souplesse des termes de ces articles 18 et 26 et sur la différence entre
droit garanti et droit reconnu, mais la tendance actuelle est à interpréter la mention des
droits reconnus fondamentaux (l’intitulé du titre 1 est « Des droits et devoirs
fondamentaux) comme créant une créance contre l’Etat qui devrait les mettre en
œuvre1. Très prudemment, la constitution parle de « viser » ou « œuvrer » à les
promouvoir. La balle est renvoyée au législateur et à l’exécutif qui devraient sortir
ces droits de l’état de simples déclarations d’intention et profession de foi sur l’ « Etat
social ».
La DUDH énonce, en son article 22, que « toute personne, en tant que membre
de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des
droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération
internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays ». Le
droit à la sécurité sociale y apparaît comme un « droit fondamental » malgré la réserve
relative aux ressources du pays, qui manifeste un certain réaliste quant à la mise en
œuvre des droits fondamentaux.
447
sa volonté ». Cet article crée, à la charge des Etats, des obligations de promotion de la
santé et du bien-être à travers les politiques économiques et sociales, mais aussi des
obligations de protection, pour ce qui concerne le droit à la sécurité en cas de
chômage, de maladie, d’invalidité… C’est l’objet, en particulier, des assurances
sociales.
Cette précision vise probablement à pousser les Etats à ne pas se limiter aux
mesures de promotion et de prévention (développement et facilitation de l’accès aux
services sanitaires) mais à étendre aussi les assurances sociales.
Peuvent aussi être cités au titre de ce pacte : l’article 11 qui reconnaît « …le
droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille… »
et le « droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim… » ; et l’article
12 par lequel les Etats « reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur
état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre… ». Ces dispositions
peuvent être rangées dans la lutte contre la pauvreté dont la sécurité sociale est un
élément même si elle ne peut en être le moyen principal.
La Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est moins prolixe en
matière de sécurité sociale, mais la préoccupation n’y est pas absente. Suivant l’article
16, « 1. toute personne a le droit de jouir du meilleur étant de santé physique et
mentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2. Les Etats parties à la présente charte
s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs
populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». La Charte se
montre un peu plus timide que le pacte : elle reprend l’article 12 du pacte mais préfère
s’en tenir à ce que déjà les Etats offrent plus ou moins, « l’assistance médicale en cas
de maladie ».
B - LA LOI
448
du 28 décembre 1972 instituant « un régime de sécurité sociale » pour les travailleurs
soumis au code du travail, la loi n° 33/98/AN du 18 mai 1998 portant institution d’une
coordination entre le régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et
magistrats et le régime de pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale
et la loi n° 47/94/ADP du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des
fonctionnaires, militaires et magistrats1. Pour l’essentiel, le législateur a compétence
pour créer des branches de sécurité sociale comme le précise l’art. 1er CSS : « toute
autre branche qui pourra être créée par la loi… ».
C – LE REGLEMENT
D – LA JURISPRUDENCE
502. En ce qui concerne la jurisprudence, elle est très peu fournie en droit de la
sécurité sociale, contrairement à ce qu’il en est en droit du travail. Elle a un rôle
d’interprétation et d’adaptation des règles du droit dans les rares décisions concernant
la notion d’accident du travail, la notion de faute de l’employeur ou de la victime, les
recours de la victime ou des ayants droits etc.
1 Cf., respectivement, J.O.BF. du 9 juillet 1998, p. 5314, Annuaire officiel du ministère de l’emploi, du travail et de
la sécurité sociale, p. 126, et pour le Régime général de retraite des fonctionnaires, J.O.BF du 4 mai 1995, p. 1110.
2 Tribunal des conflits français, 22/4/1974, G. arrêts soc. sociale, n° 64 et 65 ; J. P. CHAUCHARD, Droit de la
449
§ 2 - Les sources professionnelles
503. Les sources professionnelles concernent les règles de protection sociale
ayant pour origines les accords collectifs conclus entre travailleurs et employeur(s).
On peut aussi y ranger les conventions entre la sécurité sociale et les professions de
santé. Ces sources sont infimes en droit burkinabè de la sécurité sociale. Il n’y a pas
de convention collective générale ou sectorielle s’appliquant spécifiquement à la
sécurité sociale.
Ces dispositions, en dehors des règles d’hygiène et de sécurité sur les lieux du
travail, portent généralement sur les obligations mises à la charge de l’employeur en
cas de maladie ou d’accident non professionnel du travailleur ou d’un membre de sa
famille.
450
prestations en vertu des dispositions légales concernant les services médicaux et
sanitaires d’entreprise, et de la caution ou du cautionnement versé par l’employeur
auprès de l’établissement hospitalier pour garantie de paiement des frais
d’hospitalisation. L’ancienneté de cette convention collective interprofessionnelle
amoindrit l’intérêt de ses dispositions, beaucoup de ces avancées ayant été consacrées
par le code du travail de 1992.
consultations de spécialistes prescrites par le médecin de l’entreprise et les frais d’analyses à 70%, selon l’article
19, 1 de la convention collective des transports.
4 Le ticket modérateur est la « participation financière personnelle demandée aux assurés, dans le régime de
l’assurance-maladie, dans le but de les « modérer » dans la consommation des frais pharmaceutiques ou de
consultations. Cette modération consiste à mettre un pourcentage plus ou moins élevé des frais à la charge du
bénéficiaire de la protection. Voy. Jean-Pierre REY, Critique du ticket-modérateur en assurance maladie, Thèse
pour le doctorat de l’université, Bordeaux 1, janvier 1995. La modération peut aussi consister en l’absence de tiers-
payant, c’est-à-dire que le malade avance les frais et se fait rembourser la partie à la charge de l’employeur (ou de
la caisse s’il existe une assurance-maladie).
451
SECTION II - LES SOURCES INTERNATIONALES
504. Le droit de la sécurité sociale burkinabè est très largement influencé par
les sources internationales1 en raison de l’antériorité de celles-ci et de l’intense activité
de coopération avec les institutions internationales qui essaient d’aider les Etats
africains à organiser et assurer le fonctionnement de leurs systèmes de sécurité
sociale.
De manière classique, les sources internationales du droit sont les traités qui se
subdivisent en accords bilatéraux et accords multilatéraux. Les accords bilatéraux, en
matière de sécurité sociale, ont pour objet de régler les conflits entre les législations de
deux Etats2 afin d’éviter par exemple le double assujettissement ou la perte de droits
acquis ou en cours d’acquisition. Les accords multilatéraux ont pour objet de
coordonner les législations nationales dans le but de résoudre les difficultés
engendrées par les législations internes de plusieurs Etats ou par des accords
internationaux3 ou plus généralement de pousser au progrès harmonieux de la
protection sociale.
Les sources internationales qui exercent une importante influence sur les droits
africains sont celles qui émanent des organisations universelles et celles qui émanent
des institutions régionales d’intégration. Les sources bilatérales apparaissent
accessoires au Burkina Faso.
1 Voyez : Jurisclasseur de la sécurité sociale, sur le Droit international de la sécurité sociale (fasc. 207, 210) ; J.
ISSA-SAYEGH et O. KAUFMANN, Les conventions internationales multilatérales, Penant 1986, p. 302 ;
FONTENAU R ; FROMONT G., Les conventions internationales de sécurité sociale, Dr. Soc., n° spécial, 1976, p.
122 ; Pierre MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t.
8, p. 339 et s ; ISSA-SAYEGH, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale en Afrique occidentale,
communication au colloque de Dakar sur l’intégration économique en Afrique de l’ouest, 1978 ; Paul KIEMDE,
Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives, RBD n° 39-40, n°
spécial, 2001, pp. 133 à 167 ; G. LYON-CAEN et A. LYON-CAEN, Droit social européen et international, Dalloz,
9ème éd. ; P. Y. GREBER, Les principes fondamentaux du droit international de la sécurité sociale, Dr. Soc. n° 12,
1974 ; G. PERRIN, Les fondements du droit international de la sécurité sociale, dr. soc. n° 12, 1974 ; G. NAGEL,
C. THALAMRY, Le droit international de la sécurité sociale, que sais-je, PUF, 1994 ; G. LYON-CAEN, les
relations de travail internationales, éd. Liaisons, 1991.
2 Cf. Chauchard, op. cit., p. 68.
3 Chauchard, ibid.
4
V. supra, Sources constitutionnelles.
452
Les actes de l’O.I.T peuvent concerner la sécurité sociale de manière plus spécifique
ou connexe. On peut relever, parmi les plus importants :
1 Voyez à cet égard les conventions n°s 103, 121, 128 et 130. et P.Y. Gerber, op. cit. pp. 62 et s.
2 Pour la liste des conventions OIT ratifiées par le Burkina Faso, voyez, Annuaire du MTESS, p. 6, pour
l’ensemble et Code social, op. cit., p. 641 pour la sécurité sociale.
3 P. Mouton, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, p. 245.
4 Par exemple, en réalisant pour ces Etats des études actuarielles.
453
§ 2 - Les conventions régionales
Mais, les traités créant des organismes d’intégration y font plus ou moins
directement référence. L’article 61, 2 b) du traité de la CEDEAO engage les Etats
membres à « harmoniser leurs législations du travail et leurs régimes de sécurité
sociale » et à mettre en œuvre l’article 59 qui accorde aux citoyens des Etats membres
« le droit d’entrée, de résidence et d’établissement ». La mise en œuvre éventuelle de
ces dispositions devrait accroître cette exigence d’harmonisation.
La mise en œuvre de ces dispositions aurait fourni les bases d’un droit
communautaire en matière sociale, mais tel n’est pas le cas, plus de dix ans après
l’adoption de ces traités.
1Un projet d’acte uniforme en matière de droit du travail est encore en discussion au sein de l’OHADA.
2Pierre MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8,
p. 353 ; Guy Perrin, « Un nouvel instrument multilatéral pour la protection des travailleurs migrants », Revue belge
de sécurité sociale, n° 1, janvier 1973.
454
qui l’ont ratifiée sur les quinze signataires au départ. Au sein de l’UEMOA, un des
plus gros pays d’immigration, la Côte d’Ivoire, ne l’a pas ratifiée.
La seule véritable convention de sécurité sociale est celle conclue avec le Mali,
le 14 novembre 19922. Cette convention est appuyée d’un arrangement administratif
général relatifs aux modalités d’application3.
Avec la Côte d’Ivoire, il n’existe que des arrangements administratifs entre les
organismes gérant la sécurité sociale et des arrangements administratifs dans le cadre
de l’IPRAO et dans le cadre de l’ex-Régie de chemins de fer Abidjan-Niger. Même la
convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs
(burkinabè) en Côte d’Ivoire, signée le 9 mars 19604, ne faisait aucune référence à la
sécurité sociale.
Avec le Gabon, autre pays qui ne fait pas partie de la convention OCAM, un
accord bilatéral de travail a été signée, le 13 août 1973 la convention relative à la
coopération technique en matière de main d’œuvre »5. Cette convention disposait, en
1 Voy. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : Problèmes et perspectives »,
RBD n° 39-40, n° spécial, 2001, p. 133 et s.
2 Convention de sécurité sociale entre le Burkina Faso et le Mali du 4 novembre 1992, ratifiée par le décret 94-62
du 14 février, 1994, Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, code social, juillet 1997, pp. 447 et s.
3 Code social, pp. 457 et s.
4 Convention ratifiée par décret n° 61-233 du 2 juin 1961, JORHV du 10 juin 1961, p. 520 ; Code social pp. 281 et
s.
5 Ratifiée par décret 74-165 du 30 mai 1974, J.O. RHV. du 8 août 1974, p. 571 ; Code social, pp. 285 et s.
455
son article 21, que « les travailleurs bénéficieront de tous les avantages de sécurité
sociale prévus par la réglementation en faveur des travailleurs nationaux… », et
renvoyait à des accords spéciaux de réciprocité conclus entre les caisses de
prévoyance pour les modalités d’application.
Cette convention, comme celle avec la Côte d’Ivoire sont restée lettres mortes
en raison de difficultés d’application dès le départ et de manque de volonté des pays
d’immigration de mettre en œuvre certaines dispositions.
456
457
CHAPITRE III – LES PRINCIPES GENERAUX
DE LA SECURITE SOCIALE
508. Malgré une finalité commune - la protection sociale des individus, qui
explique l’émergence d’institutions publiques chargées de prendre en charge ou
d’intervenir dans cette protection - il y a une diversité de systèmes de sécurité sociale
parce que la sécurité sociale s’est construite, selon les pays ou les cultures, sur des
fondements différents et, partant, sur des logiques d’organisation différentes.
Les logiques d’organisation des systèmes sont influencées par les fondements
de base, en donnant une primauté à une organisation reposant soit sur l’assistance, soit
sur les assurés.
458
Les systèmes « stato-centrés » se différencient eux-mêmes en modèle ˝social-
démocrate˝ et en modèle « libéral ». Dans le cadre de ces systèmes centrés sur la
puissance publique, se dégagent des oppositions entre les deux modèles :
- au niveau du but, le modèle libéral est axé sur la lutte contre la pauvreté sur le
fondement du devoir d’assistance alors que le modèle social-démocrate tend à
homogénéiser les revenus du travail et affiche son objectif de redistribution du produit
et de réduction des inégalités ; et,
- au niveau des individus pris en charge, ceux-ci sont, dans le système libéral,
des « bénéficiaires » d’allocations dont les droits sont conditionnés par l’établissement
de la situation de « besoin » et par des incitations à sortir de la situation d’assisté. Par
exemple, l’allocation de chômage est concédée pendant un certain délai et peut être
dégressive.
1 Sur les difficultés de « ciblage » des bénéficiaires des politiques d’assistance dans les pays en développement,
voyez, S. GUHAN, Stratégie de sécurité sociale dans les pays en développement, R.I.T., volume 133, n° 1, 1994.
2 Le concept de prestations « universelles » est aussi appliqué dans d’autres domaines : par exemple, en matière de
téléphone, les services « universels » désigne les prestations conçues comme devant s’étendre au plus grand
nombre et qui, pour cette raison, relève du service public.
3 Logique fisco-financière ou fisco-salariale selon J. P. Dupeyroux et autres, op. cit. n° 263.
459
fiscalité peut soit être subsidiaire et subordonné à la logique du marché en se souciant
de ne pas peser sur l’économie, soit être assez lourd et constituer le mode principal.
Dans ce cas, est un moyen d’homogénéisation des revenus par le versement de
compléments de salaires et le financement de nombreux services publics largement
accessibles à tous.
Ces distinctions se basent sur les systèmes de sécurité sociale dans les pays
développés, mais elles font ressortir certains traits que partage le système de sécurité
sociale burkinabè, notamment, la logique de la sélectivité, le caractère subsidiaire de
la fiscalité, le rôle central de l’Etat. Mais le système burkinabè est plus proche des
« systèmes salariaux » par le fait que le centre de gravité des principes organisateurs
se situe « au sein des institutions de gestion du travail salarié ». Ce système est
d’ailleurs presque uniquement tourné vers les travailleurs salariés.
Le but poursuivi par la protection est le « maintien des revenus du salarié soit
en lui fournissant un revenu de remplacement (ex. pension retraite), soit en complétant
le revenu direct du salarié (ex. allocations familiales). De ce point de vue, le revenu de
remplacement est proportionnel au salaire d’activité et non pas forfaitaire comme il
l’ait logiquement dans un système d’assistance liée au « besoin ». De même, le
bénéficiaire de la protection est celui qui a « la qualité de salarié », celui qui est dans
un « statut d’emploi »1 car le dispositif de protection est organisé autour de cette
qualité.
460
Dans ces systèmes, les principes de mise en œuvre de la protection sont
marqués par le caractère contributif et une organisation institutionnelle dans le cadre
des « assurances sociales ». La contributivité se réalise par le fait que le travailleur
reçoit un salaire dont une partie alimente la protection des travailleurs retirés de
l’activité professionnelle. Elle est organisée par le système de cotisation sociale
proportionnelle au salaire et non pas proportionnelle au risque ou au montant des
prestations comme les assurances du marché. C’est donc un système de redistribution
au sein d’un groupe donné.
461
s’agit donc d’une protection contre certains risques sociaux que courent les individus
occupant un emploi salarié.
L’idée de se prémunir contre les risques n’est pas propre à la sécurité sociale,
puisqu’elle est née dans les assurances marchandes. Les assurances sont apparues au
milieu du 16ème siècle, dans les transports maritimes particulièrement soumises à
beaucoup d’aléas (naufrage, piraterie…) et se sont développées au 19ème grâce au
développement des mathématiques qui permettaient aux financiers de garantir, de
manière économiquement durable, les marchands et armateurs contre ces aléas. Dans
ce cadre, le risque peut s’entendre comme « un ensemble d’évènements, produits par
l’activité humaine (accidents, fautes, erreurs, aléas techniques, dépréciation
monétaire…) ou même en dehors d’elle ou hors de toute prise directe (catastrophes
naturelles, conflits de toutes natures)1.
Mais la sécurité sociale s’en tient à la notion de risques sociaux. Dans une
approche économique, le risque social est « tout évènement qui menace la situation
d’un individu ou d’un ménage et dont le coût correspond aux dépenses de protection
sociale engagées pour s’en prémunir ou obtenir une indemnisation »2. Ce sont des
évènements qui altèrent les revenus ou accroissent les charges de l’individu ou du
ménage. Il peut s’agir d’évènements heureux (naissance, mariage) pour lesquels
certains préfèrent parler de charges et non de risques 3. Dans une approche
institutionnelle, est un risque social « le risque qu est pris en considération par un
système de sécurité sociale »4. C’est dans ce sens institutionnel que la norme 102 de
l’OIT énumère un certain nombre de risques que la sécurité sociale devrait couvrir
(maladie, chômage, vieillesse, accident du travail et maladie professionnelle,
invalidité, décès, charges de famille). Il s’agit d’offrir une certaine sécurité
économique au travailleur « contre des aléas immédiats de l’existence »5 en les
prenant en compte comme devant faire l’objet d’une réparation ou d’une rétribution6.
462
La notion de régime est susceptible de deux entendements. Elle peut être
employée dans le sens de statut, c’est-à-dire « un ensemble de dispositions
s’appliquant à un groupe donné d’affiliés et définissant les prestations auxquelles ils
ont droit »1, et donc dans le sens classique du régime juridique d’une institution. Ainsi
parle-t-on du régime de l’assurance contre les risques professionnels ou de l’assurance
vieillesse. Elle peut aussi désigner la structure organique, « l’organisation
administrative destinée à opérer la protection sociale de catégories bénéficiant du
même statut ou, éventuellement, de statuts distincts »2 . C’est dans ce sens que
l’article 1 dispose qu’il est institué un régime de sécurité sociale « qui comprend des
branches ». Le mot branche semble alors englober le « régime » au sens de statut.
MM. Dupeyroux et autres observent que la notion de branche tend à devenir
essentiellement financière3 en tant que cadre de fixation des objectifs de dépenses et
des différences d’effort contributif ou de protection. Dans la sécurité sociale
burkinabè, cette connotation financière se perçoit par les préoccupations d’équilibre
financier des branches et de transferts entre branches.
A – LE PRINCIPE DE TERRITORIALTE
463
Burkina Faso est assujetti à la sécurité sociale, sauf convention internationale
contraire1.
1 Voy. l’art. 11 de la convention de N’Djamena, et l’article 5 de la convention entre le Burkina Faso et le Mali.
Voy. aussi l’art. 127 CSS concernant les travailleurs étrangers.
2 Cons. Const. Français, 23 janvier 1987, Gr. Arr. sec. Sociales, n°1 ; J. P. Chauchard, op. cit., p. 62.
3 Un régime de sécurité sociale créé par convention collective peut être rendu obligatoire par une loi : la diversité
464
L’application de ce principe ne pose véritablement de problèmes juridiques qu’en ce
qui concerne les travailleurs étrangers1.
1 Voy. J. P. DUPEYROUX et autres, op. cit., p. 391 et s. ; Xavier PRETOT, Le droit de l’étranger à la prestation
sociale, Dr. Soc. 1994, p. 69 ; H.Gacon-Estrada, Etrangers : La sécurité sociale se moque de la justice, Dr. Soc.
1996, p. 709 ; B. GENEVOIS, Un statut constitutionnel pour les étrangers, protection sociale, RFDA 1993, p. 871 ;
G. VACHET, Etrangers, protection sociale, JCP, 1994, p. 355.
2 Voy. Cons. Const. Décision 87-232 DC du 7 janvier 1988, RCC, p. 48.
3 Le Burkina Faso n’a pas conclu de convention de sécurité sociale avec la France.
4 Voy. J. J. DUPEYROUX et autres, op. cit., n° 526, p. 394.
5 En France, la gestion est paritaire, en l’occurrence, entre les mains des institutions représentatives des travailleurs
et des employeurs, l’Etat y exerçant un contrôle de tutelle et pouvant y être représenté en tant qu’employeur.
6 Cf. J. J. DUPEYROUX et autres, op. cit. n° 275, p. 233.
7 Sur la gestion paritaire, voy. M. BORGETTO, Sécurité sociale et démocratie : état des lieux, RFFP, n° 64, 1998,
p. 7 ; R. LAFORE, A propos de la convention Unedic du 1 er janvier 2001, où en est le paritarisme ? Dr. Soc., 2001,
p. 347.
465
gestion demeure assez centralisé, mais la représentation des employeurs et des
travailleurs n’est pas purement formelle : ceux-ci représentent les 2/3 des membres du
conseil d’administration1. Nous examinerons l’organisation générale de ce système en
deuxième titre, avant l’étude des régimes qui y sont gérés.
1 Le Conseil d’administration comprend douze membres dont quatre représentants des employeurs et quatre
représentants des travailleurs. Voy. Kiti An VI 240 du 13 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de
la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), JOBF du 20 avril 1989, p. 761, successivement modifié par le Kiti
An VII 273 bis du 4 avril 1991 (JOBF du 20 juin 1991, p. 815) et le décret 93-211 du 15 juillet 1993, (J.O.BF du
15 juillet 1993, p. 1069 ; voy. également Code social, p. 562. N.B. : le mot Kiti, terme datant du régime politique
du Conseil National de la Révolution, est équivalent à décret.
466
467
TITRE II - LE SYSTEME DE SECURITE SOCIALE BURKINABE
518. Après le rappel du contexte historique de naissance et de développement
de la sécurité sociale au Burkina Faso, on peut s’intéresser à la charpente ou
organisation générale du système (chapitre 1), avant d’aborder l’organisation
administrative et financière (chapitre 2) qui est axée sur l’institution unique, la Caisse
nationale de sécurité sociale, les institutions conventionnelles étant quasi absentes.
468
469
CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE
519. La loi de 1972 portant code du travail a entendu créer un régime unique
de sécurité sociale qui englobe toutes les branches instituées où à créer. Mais elle
évoque l’existence d’un régime particulier qui ne concerne en réalité que les
fonctionnaires ou, plus largement, les agents publics de l’Etat1. Contrairement au cas
français marqué par la coexistence de plusieurs régimes de sécurité sociale (régime
général, régimes spéciaux, régimes particuliers, régimes complémentaires), l’unicité et
la simplicité du système de sécurité sociale a pu être instaurée au Burkina Faso et en
Afrique francophone en général. Il peut par conséquent paraître injustifié de parler de
régime général et cette expression est très peu utilisée sinon quasi-inexistante.
L’on peut ajouter qu’outre ces trois situations, l’article 2 de la loi de 1972
précise que « le service des prestations est complété par une action sanitaire et
sociale », mais nous ne traiterons pas, dans ce chapitre, de cette action qui relève de la
protection sociale mais pas du régime d’assurance sociale proprement dit.
1 La distinction entre fonctionnaire et agent public acquiert plus d’importance à partir de l’adoption, en 1998, des
textes portant Réforme globale de l’administration publique. La loi n°13/98 du 31 août 1998 a restreint le nombre
des agents devant avoir la qualité de fonctionnaire.
470
A – L’ASSURANCE OBLIGATOIRE
D’abord, celle-ci couvre toutes les branches de la sécurité sociale qui ont été
instituées dans le cadre des risques pris en compte : la vieillesse, les accidents du
travail et les maladies professionnelles, la maternité, l’invalidité, le décès (survivants)
et les charges familiales.
Ensuite, la sécurité sociale concerne tous les salariés des secteurs privés et
publics. La loi touche principalement les salariés de l’industrie, du commerce et des
services mais y sont aussi concernés les salariés de tous les secteurs : agricultures,
artisanat, élevage, etc.
commerciales qui ne sont pas saisies dans les cadres classiques de la statistique et de la comptabilité nationale » ou
471
est peu touché par la sécurité sociale en raison de son mode d’exercice des activités :
travail indépendant, travail familial et travail salarié y sont difficiles à différencier.
Certains d’entre eux auraient peut-être pu être des candidats à l’assurance volontaire si
ce régime n’était pas assez fermé.
521. L’article 4 §I C.S.S. dispose : « toute personne qui, ayant été affiliée au
régime de sécurité sociale pendant six mois consécutifs au moins, cesse de remplir les
conditions d’assujettissement, a la faculté de demeurer volontairement affiliée à la
branche des pensions ou à celle des risques professionnels à condition d’en faire la
demande dans les six semaines qui suivent la date à laquelle son affiliation obligatoire
a pris fin ».
1er - avoir été affiliée pendant six mois consécutifs au moins au régime
obligatoire et ne plus remplir les conditions d’assujettissement ;
2ème - en faire la demande au plus tard six semaines après la fin de l’affiliation
obligatoire.
« les petites activités indépendantes, avec ou sans travailleurs rémunérés, exercées typiquement avec un faible
niveau d’organisation et de technologie, ayant pour objectif principal de créer des emplois et des revenus à ceux
qui y participent, selon une définition du BIT. V. Etats généraux de l’emplois, Concepts clefs de la politique de
l’emploi, p. 6 Ce secteur occupe 12% de la population active et près de 80% des actifs urbains. V. MTSS, Politique
de l’emploi, Document 1, Analyse de la situation de l’emploi, p. 24.
1 J.O.BF. du 10 février 1977, p. 71 ; Codes et lois du Burkina Faso, T. IX, Code social, p. 529.
472
Naturellement, les cotisations sont à la charge de l’assuré volontaire qui doit
« faire connaître la rémunération annuelle devant servir de base au calcul des
cotisation et à celui des prestations » (art. 9 §3). L’arrêté impose un minimum, le
SMIG, pour la base de cotisation, mais reste muet sur le plafond. En réalité, la
rémunération devant servir de base de calcul est soumise au plancher (SMIG) et au
plafond applicable pour l’ensemble du régime. Ce plafond, qui était de 200 000 F
CFA, a été relevé à 600.000 FCFA depuis le 20 juin 20031. Ces cotisations
d’assurance volontaire sont versées trimestriellement et restent dues pendant la durée
d’incapacité temporaire de travail consécutive à un accident de travail et pendant la
durée d’arrêt de travail pour rééducation fonctionnelle ou réadaptation professionnelle
de la victime. L’assuré n’en est exonéré du paiement qu’en cas d’incapacité
permanente partielle dont le taux est supérieur à 75%. Les cotisations ne sont pas non
plus dues pendant la période de service militaire légal ou d’appel sous les drapeaux2.
1 Arrêté n° 2003-012 MTEJ du 20 juin 2003 portant modification du plafond des salaires soumis à cotisation au
titre du régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs salariés, J.O.BF. du 17 juillet 2003, p. 1000.
2 V. article 11 §5 et 6
3 Loi 13-98 du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique,
473
le fait que tous les agents de la Fonction publique ne sont pas soumis au même régime
de sécurité sociale : les fonctionnaires sont soumis à un régime particulier alors que
ceux n’ayant pas la qualité de fonctionnaire étaient soumis au régime de sécurité
sociale géré par la Caisse nationale de sécurité sociale. Mais cette répartition est
remise en cause par la loi de 1998.
Les fonctionnaires sont couverts dans les trois branches de sécurité sociale
(branche des pensions, branche des prestations familiales et de maternité, branche des
risques professionnels), mais jusqu’en 1986 ces risques sociaux étaient tous
directement pris en charge par le trésor public. C’est à partir de 1986 qu’a été créée,
par Kiti n°86-178 du 7 mai 1986, la Caisse Autonome de Retraite des Fonctionnaires
(CARFO) dont les statuts actuels sont ceux approuvés par décret 98-510 du 31
décembre 19981. Cette caisse, créée sous forme d’EPIC, gère les prestations de long
terme – les pensions de retraite et d’invalidité – dont le régime est fixé par la loi 47-94
ADP du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des fonctionnaires,
militaires et magistrats2.
Les soins de santé évoqués par l’article 28 de la loi 13-98 du 28 avril 1998 ne
concernent que les prestations offertes dans le cadre de la politique générale de santé
1 Décret 98-510 du 31 décembre 1998 portant approbation des statuts de la CARFO, J.O.BF. du 14 janvier 1999, p.
175.
2 Loi 47-94 du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats,
J.O.BF. du 4 mai 1995, p. 1110 ; Code social, p. 1249. Cette loi 47-94 du 29 novembre 1994 abroge : la loi 37-61
AN du 24 juillet 1961, instituant le régime général de retraite des fonctionnaires et ses modificatifs ; la loi 5-73 du
5 juin 1973, portant régime général de pensions d’invalidité des fonctionnaires civils ; l’ordonnance 69-58 du 31
décembre 1968, portant régime général des pensions militaires d’invalidité ainsi que la loi 8-65 AN du 26 mai 1967
qui rendait applicable aux militaires la loi 37-61 AN du 24 juillet 1961.
474
ou des obligations mise à la charge de l’employeur comme dans les entreprises
privées. Elles se traduisent, dans le cas spécifique de l’agent de l’Etat, par des
réductions en cas d’hospitalisation dans les formations sanitaires publiques et des
conditions spécifiques d’évacuation sanitaire1 et un régime de congé maladie avec
maintien total ou partiel du salaire un peu plus avantageux que dans le secteur privé2.
temporaires, contractuels ou auxiliaires des services, administrations et établissement publics de l’Etat ayant
intégré un cadre régulier de la fonction publique, JOBF du 20 février 1986, p. 119 ; Codes et lois, t. 8, p. 1269.
4 Voy. convention collective des entreprises pétrolières du 8 juin 1976, codes et lois du Burkina Faso, p. 229 ;
convention collective des auxiliaires de transport du 5 juillet 1979, codes et lois du Burkina Faso, p. 251 ;
convention collective sectorielle du commerce du 1er février 1982, ibid., p. 267 ; et la convention collective des
ORD (Organismes régionaux de développement), normalement morte puisque les ORD ont été dissoutes et
liquidées en 1988 et les CRPA (Centres régionaux de promotion agropastorale), crées à leur place par kiti An V du
17 mai 1988, ont été également mis en liquidation dès 1997.
475
les intermèdes de régimes d’exception qui cassent la dynamique de négociation ; et
des syndicats très idéologistes et, par conséquent, peu enclins au compromis qui peut
paraître une compromission avec le patronat. Celui-ci, en période de récession crie à
la surprotection et réclame plus de flexibilité. Il en résulte une absence de prospection
des voies de protections complémentaires sous forme de mutuelle. Toutefois, des
formes d’assurance d’entreprise existent dans certaines grandes entreprises.
524. Il existe dans les entreprises des formes d’entraide mutuelle reposant sur
des manifestations de solidarité de type traditionnel : cotisations ponctuelles ou
organisées dans le cadre d’une « caisse de solidarité » pour soutenir un (e) collègue de
travail à l’occasion de naissances, décès ou maladies… Ces formes d’entraide ont un
impact limité et sont éphémères.
« pourvoyance ».
4 P. MOUTON, op. cit., p. 282.
476
risques sociaux comme la maladie. Leurs actions dans ce cadre sont mal connues. Les
protections complémentaires dans le cadre de l’entreprise sont par contre plus visibles.
525. Ces protections prennent d’abord leurs sources dans les obligations mises
à la charge de l’employeur par le code du travail. Selon l’article 143 C.trav.. « il est
fait obligation à toute entreprise, société ou organisme installé au Burkina Faso
d’assurer la couverture sanitaire du travailleur conformément aux conditions définies
par les textes portant création, organisation et fonctionnement de la médecine du
travail ». Ces obligations sont précisées par des arrêtés de 1955 (pris sous le Code du
travail de 1952) prescrivant la création de services médicaux ou sanitaires selon la
taille de l’entreprise1.
1 Voy., pour ces textes, Code social, note sous l’article 143. Ces obligations sont surtout précisées par la création
d’un office de santé des travailleurs (OST), auquel les employeurs doivent s’abonner à défaut de disposer d’un
service médical propre (voy. Kiti an IV 429 CNR/SAN du 31 juillet 1987, portant création d’un établissement
public dénommé l’Office de santé des travailleurs (OST), JOBF du 6 août 1987, p. 761 ; Code social, p. 435 ; kiti
An IV 430 CNR/SAN du 31 juillet 1987 portant statuts particuliers de l’office de santé des travailleurs (OST),
modifié par le kiti An VII 399 du 25 juillet 1990, JOBF du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social, p. 436.
2 Voy. article 25 C.trav. qui fixe cette limite en fonction de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise et les
477
surtout ils font une référence commune à la nécessité d’une assurance maladie : « les
parties à la présente convention conviennent de la nécessité de parvenir à une
couverture partielle des frais médicaux et pharmaceutique engagés par le travailleur
pour ses propres soins et ceux de sa famille. A cet effet, un avenant à la présente
convention sera discutée et signé ultérieurement »1. Cet article met à la charge de
l’employeur 80% des frais d’hospitalisation, d’analyse et de médicaments en
découlant et 70% des frais d’analyses hors hospitalisation2. L’article 16 de la
Convention collective sectorielle du commerce, tout en formulant les mêmes vœux
semble interpeller la sécurité sociale étatique : « les parties à la présente convention
conviennent de la nécessité de parvenir à une couverture partielle des frais médicaux,
pharmaceutiques et d’hospitalisation du travailleur suivant les possibilités de chaque
entreprise jusqu’à la mise en place d’un régime général d’assurance-maladie ».
Intervenue un peu plus de deux ans après la CC des transports, cette convention
semble avoir annoncé le recul de l’idée de création de mutuelle : elle renvoie aux
possibilités de chaque entreprise et à la mise en place d’un régime d’assurance-
maladie.
478
rapports contractuels de travail. L’existence d’un contrat de travail est l’élément
distinctif du travailleur dépendant, et donc assujetti, d’avec le travailleur indépendant
non assujetti.
La qualité d’assujetti est indiquée par renvoi au code du travail qui dispose en
son article 1er qu’est considéré comme travailleur « toute personne qui s’est engagée à
mettre son activité professionnelle moyennant rémunération, sous la direction et
l’autorité d’une autre personne, physique ou morale, publique ou privée, appelée
employeur ».
1 Voy. J. J. DUPEYROUX, Les conditions de l’affiliation obligatoire au régime de sécurité sociale, D. 1962, chron.
p. 179 ; et notes sous divers arrêts au D. 1967, 227.
2 V. Cass. Soc. Fr. 18 nov. 1981 (gérants de libre station-service), D. 1983. 242 note St jours ; cass. soc. 14 janvier.
479
La jurisprudence s’en tient donc au critère de la subordination juridique qui est
appréhendé à partir de trois critères révélateurs : l’ingérence de l’un dans l’exécution
du travail de l’autre ; l’exécution du travail dans le cadre d’un service organisé ; et
l’activité dispensée dans l’intérêt de l’entreprise.
1 Voy. Y. SAINT-JOURS, op. cit. p. 58 ; J. P. DUPEYROUX, 14ème éd., p. 454 ; J.P. CHAUCHARD, Droit de la
sécurité sociale, LGDJ, Paris, 1994, p. 111.
2 Soc. Fr. 27 septembre 1989, RJS 10/89, n° 803 ; cass. fr. plén. 8 janvier 1993, JCP 1993. II. 22040, note Saint-
jours (courtier-libre) ; Soc .fr. 27.1.1994, jurisp. UIMM mars 1994, p. 110 (travailleurs à façon) ; Cass. fr. ch.
Réunies, 23 juin 1966, affaire Prénatal, Gaz Pal. 1966, 2, 220 ; Cass. soc. fr. 1er mars 1973, affaire Michelin, JCP
1974.II. 17687, note Meysonnade.
3 Cf. Cass. ch. Réunies, affaire prénatal, op. cit.
4 V. A. ARSEGUEL et P. ISOUX, Des limites à la dérive de la notion de service organisé, Dr. Soc. 1992, p. 295 ;
Cass. Ass. Plén., 18 juin 1976, Hebdo-Presse, D. 1977, p. 173, note Jeammaud ; JCP 1977. II. 18639, note Y.
Saint-jours
5 Cass. As. Plén. 8 janvier 1993, JCP, 1993, 6, 22040, note Y. Saint-jours ; Cass. soc. 6 octobre 1994 RJS, 11/04,
480
c) Le critère de « l’activité dispensée dans l’intérêt de l’entreprise » est un
critère accessoire parfois associé à d’autres : références à « une activité profitable au
cocontractant » ou « aux risques de l’entreprise », ou à l’exercice d’une activité
« poursuivie dans le cadre d’un service organisé et selon les directives imposées par
elle » ou même, en filigrane, « à une situation de dépendance économique »1.
Par ces critères accessoires, le juge peut décider qu’il y a travail subordonné
dès lors que l’activité est exercée pour le compte de l’entreprise ou qu’elle lui est
profitable. Toutefois, la jurisprudence récente restreint la portée du critère du service
organisé et marque un retour au critère originel de la subordination juridique
« caractérisé par l’exécution du travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir
de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les
manquements de son subordonné… »2.
B – LA REMUNERATION
1 Soc. Fr. 16 avril 1992, RJS, 6/92, 811 ; voy. J.J. DUPEYROUX, 14ème éd. Op. cit. p. 458.
2 Cass. soc. fr. 13 novembre 1996, arrêt « société générale » ; cf. URSSAF de la Haute-Garonne », JCP 1997, E, II,
911, note Barthélémy ; J. J. DUPEYROUX, A propos de l’arrêt société générale, Dr. soc. 1996, p. 1067 ; cass. soc.
27 mars 1997, JCP, 1997, E, n° 21, note Taquet ; X. PRETOT, Grands arrêts, n° 11.
3 Sur l’évolution dans l’organisation du travail, voy : A SUPIOT. Les nouveaux visages de la subordination, Dr.
Soc., 2000, p. 131 ; F. GAUDU, Du statut de l’emploi au statut de l’actif, Dr. soc. 1995, p. 535 ; J.
BARTHELEMY, Le professionnel subordonné, J.C.P., 1996, E, n°47 ; A. SUPIOT, le travail, liberté partagée, Dr.
Soc. Sept. Oct. 1993 ; Lamy social, Salarié ou non salarié, n° 89, avril 1996 ; J. P. CHAUCHARD, La législation
de la sécurité sociale face aux formes particulières emploi, Dr. soc. 1990, p. 566 ; X. PRETOT, Grands arrêts, n° 9
à 11.
481
que s’il participe effectivement à l’activité à titre professionnel et constant et bénéficie
d’une rémunération correspondant au salaire normal de sa profession et non pas d’une
rémunération sans rapport avec sa participation à l’entreprise 1 En France, une loi de
1982 offre une option au conjoint d’artisan ou de commerçant travaillant dans
l’entreprise familiale entre le statut de collaborateur, d’associé ou de salarié2. Au
Burkina Faso, le problème se pose surtout de faire la part entre le travail salarié et
l’aide bénévole ou l’entraide familiale. Beaucoup de commerçants et d’artisans, même
inscrits formellement au registre du commerce, emploient des parents auxquels ils
accordent des rémunérations en nature et/ou en espèces, variables dans leur montant et
dans leurs formes (prise en charge directe de certaines dépenses occasionnelles). Le
lien familial ou conjugal n’étant pas un obstacle à l’existence d’un contrat de travail,
l’assujettissement à la sécurité sociale est liée à une requalification de leurs rapports,
qui n’est généralement demandée qu’en cas de rupture. Ainsi, des assujettis potentiels
du « secteur informel » échappent à l’affiliation à la sécurité sociale.
Malgré ces aléas d’application, l’on considère que l’article 3 CSS, en tenant
pour indifférente la forme, la nature et même la validité du contrat, s’attache à
l’existence d’une convention (verbale ou écrite) ou contrat qui traduit un rapport de
1 Cass. soc. fr. 14 mars 1974, Rev. Trim. Dr. San. Soc.1974, 720 obs. R. Jambu-Merlin; cass. Soc. 18 juin 1969,
Dr. soc. 1970, 134, obs. N. Catala.-Franjou.
2 Voy. J. Y. DUPEYROUX, 14ème éd., op. cit., n°615, p. 461 et notes.
3
Si l’on considère la situation des « bonnes » et des « boys », le cadre moyen, qui touche autour de cent mille
(100 000) CFA ne peut pas rémunérer autrui au SMIG, qui est de vingt et huit mille sept cent soixante dix huit
(28778) francs, presque un tiers de son salaire. De même le vendeur d’eau, certes non payé au juste prix ne peut
être payé au SMIG parce qu’il absorberait la totalité du bénéfice.
482
subordination entre les parties, même si elle est tacite ou nulle1, le juge n’étant pas lié
par l’appellation donnée au contrat2.
530. Mais, même s’il n’y a pas une exigence de durée minimale pour être
assujetti, le caractère très précaire de l’emploi peut poser des difficultés d’application.
Il en est ainsi des travailleurs temporaires ou occasionnels pour lesquels l’article 3, al.
4, renvoie à un arrêté pour la détermination des modalités particulières nécessaires à
l’application.
Le problème peut aussi se poser en ce qui concerne les religieux mais cette fois
sur la question de savoir si, .en ce qui concerne les religieux catholiques, le vœu
d’obéissance au supérieur est incompatible avec l’existence d’un contrat de travail.
Dans ses rapports avec la congrégation, il n’est pas assujetti à la sécurité sociale. Mais
lorsqu’il travaille hors de ce cadre, il peut être assujetti. L’essentiel est que l’on puisse
y dégager des rapports contractuels personnels de travail entre le religieux et un
employeur4.
régime particulier de sécurité sociale ne constitue pas une extension, mais un moyen d’éviter un vide juridique.
483
employeurs et l’immatriculation des travailleurs et autres assurés1 précisent que les
apprentis sont assujettis au régime des pensions alors que les élèves des écoles
d’enseignement technique et autres établissements de formation professionnelle sont
assujettis à la branche des risques professionnels. Ces assimilations n’appellent pas de
commentaires particuliers dans la mesure où elles sont de règle en matière de droit du
travail, notamment en ce qui concerne les apprentis.
484
§2 - L’immatriculation et l’affiliation
532. Les personnes assujetties au régime de sécurité sociale entrent
effectivement dans le système de sécurité sociale par la formalité de l’immatriculation.
485
B – L’IMMATRICULATION DES TRAVAILLEURS
L’immatriculation est une formalité accomplie une fois pour toutes. Elle n’a
pas à être renouvelée car l’assuré conserve le même numéro quels que soient les
changements intervenus d’employeurs ou de lieux de travail. Par exemple, lorsqu’il
perd son emploi, il conserve son numéro d’immatriculation, mais il peut être radié de
la liste des bénéficiaires de prestations s’il n’a pas contracté une assurance volontaire
(assurance facultative continuée). Même l’assuré volontaire conserve son numéro
d’immatriculation du régime obligatoire.
486
bénéficient, en particulier, des dispositions relatives aux accidents de travail et à ceux
survenus par le fait ou à l’occasion de l’enseignement ou de la formation1 .
487
CHAPITRE II - L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE
ET FINANCIERE DE LA SECURITE SOCIALE
§ 1 - Le cadre institutionnel
Trois traits peuvent illustrer ce compromis institutionnel : l’autonomie et la
gestion participative ; le statut juridique de la CNSS et la tutelle.
537. La sécurité sociale peut être organisée selon un modèle libéral, dans
lequel elle est organisée et gérée par les intéressées, ou selon un modèle étatique. Ces
solutions tranchées n’ont pratiquement plus cours parce que, d’une part, les problèmes
de protection sociale sont d’une telle ampleur que l’Etat ne peut plus être tenu à l’écart
et, d’autre part, une gestion purement étatique ne peut se concevoir que dans un
système de sécurité sociale entièrement subventionnée par l’impôt. Dans un système
de sécurité sociale reposant sur la solidarité professionnelle, dont l’organisation est
prise en main par l’Etat, la gestion participative apparaît indispensable : elle permet
d’exprimer la co-responsabilité de l’Etat et des cotisants sur la bonne marche de
l’institution, notamment par le contrôle que ces derniers peuvent exercer sur la gestion
des fonds et les investissements réalisés. Or il ne peut y avoir véritable participation
sans une certaine autonomie de l’institution.
1 Par exemple, la démagogie peut consister à militer pour la hausse des prestations et la baisse des cotisations sans
trop d’égard pour l’équilibre du régime.
2 Voy. JOBF du 20 avril 1989, p. 761 ; JOBF du 20 juin 1991, p. 815 et JOBF du 15 juillet 1993, p. 1069 ; Code
social, pp. 562 et s. Voyez également la décision n° 93-380 du 4/1/1993 du Directeur général de la CNSS portant
composition, organisation et fonctionnement de la CNSS.
3 La Caisse territoriale de compensation des prestations familiales créée en 1955 par l’arrêté n° 1029/ITLS/HV du
6/12/1955 est successivement devenue, Caisse de compensation des prestations familiales et des accidents du
travail par la loi n° 3/59 du 30 janvier 1959 et « Caisse de Prévoyance sociale » après l’adjonction de la branche
des pensions pars la loi n° 78/60/AN du 6/10/1960.
4 Ce silence apparaît normal à l’époque puisque c’est à partir de l’ord. de 1974 que seront précisées préciser les
catégories d’établissements publics en application de la constitution de 1970 (art. 71) qui réserve à la compétence
législative la création de catégories d’établissements publics.
489
Avec l’ordonnance n° 3 du 26 coût 1974 créant les catégories des
établissements à caractère administratif, à caractère industriel et commercial et à
caractère spécifique1. La CNSS fut classée dans cette catégorie fourre-tout d’E.P.S.,
qui recevait en réalité une diversité d’organismes, principalement ceux ayant un objet
financier, professionnel, scientifique et culturel2. Les catégories d’établissements
publics furent refondues en 1982 et en 1984 avec la création des catégories de l’EPA,
de l’EPIC et de l’Etablissement Public à caractère Professionnel (EPP), mais la CNSS
semble avoir fonctionné, sans reclassement officiel, comme un EPA jusqu’en 1989.
Cette classification de la CNSS dans la catégorie d’EPIC se fonde plus sur des
raisons pratiques que par « l’accomplissement habituel d’actes de commerce » selon
les exigences du caractère « industriel et commercial » dans l’ordonnance 84-58 du 15
août 1984 relative aux catégories d’établissements publics : la caisse investit et prend
des participations dans les entreprises et le statut d’EPA apparaît à cet égard trop
étroit. Celui d’EPIC lui laisse plus de latitude dans la gestion de ses réserves. L’EPP
ne semble pas non plus convenir en raison de son objet qui est la « représentation
et/ou l’organisation de membres d’une profession ».
Mais ces avantages sont restés très souvent théoriques : la preuve en est que la
législation actuelle marque une défiance certaine à l’égard de l’EPIC, dont la catégorie
devait s’éteindre par reclassement des EPIC existants soit dans les EPA soit dans les
sociétés d’Etat (S.E.).
La CNSS reste, avec la CARFO, parmi les rares entreprises publiques à arborer
l’habit d’EPIC et ce fait illustre bien toute la difficulté à lui trouver un statut juridique
pleinement adapté.
1 Voy. SAWADOGO F.M. et KIEMDE P., La réforme du droit des entreprises publiques voltaïques par les
ordonnances du 1er juin 1982, RVD n° 4, juin 1983, p. 119.
2 Voy. article 88 du décret 74 ; 295 du 26 août 1974, ibid.
490
comme son nom ne l’indique pas, coiffe aussi les établissements publics1. Mais en
réalité cette assemblée générale n’est pas un organe propre à chaque entreprise mais
un moyen d’exercice de la tutelle gouvernementale sur les sociétés à capitaux publics2
et les établissements publics. Il sera donc question des organes propres de la C.N.S.S.
A – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION
On remarque que l’Etat est représenté pour un tiers des membres et les
travailleurs et employeurs pour deux tiers. Cette répartition est censée privilégier le
rôle des organisations professionnelles dans la gestion du régime de sécurité sociale.
Mais l’Etat y joue le rôle de véritable arbitre, si ce n’est le décideur principal. Sa
position est renforcée par le fait qu’il désigne indirectement le président du conseil
d’administration et nomme discrétionnairement le directeur général.
représentants des travailleurs doivent être des assurés sociaux et non des fonctionnaires dirigeants de syndicats
représentatifs au niveau national. Aucune disposition ne le spécifiant, la réponse peut consister à privilégier la
représentativité dans le secteur privé ou résider dans le choix des candidats présentés en nombre doubles des postes
à pourvoir.
491
- voter le budget et approuver les comptes financiers, les conditions
d’émission des emprunts et les propositions d’affectation des résultats de
l’exercice ;
- prendre les mesures destinées à faire appliquer les textes législatifs,
réglementaires ou administratifs relatifs à la sécurité sociale ;
- autoriser le directeur général à contracter des emprunts et à passer des
marchés ;
- fixer les statuts des agents contractuels ;
- déterminer le programme de placement des fonds et décider des
acquisitions ou aliénation d’immeubles, etc.
1Article 15 du kiti n°An VI du 13 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de la CNSS modifié par le
kiti An VII 273 bis du 4 avril 1991 et le décret 93-211 du 15 juillet 1993, J.O.BF du 15 juillet 1993, p. 1069, Code
social, p.562.
492
réunions des instances de l’institution ou la non élaboration des rapports et comptes
financiers à soumettre à l’Assemblée générale des sociétés d’Etat1.
- du PCA,
- d’un représentant du syndicat des employeurs,
- d’un représentant du syndicat des travailleurs,
- du représentant du personnel de la CNSS membre du conseil
d’administration.
1 Cf. Le décret n° 2000-190 du 17 mai 2000 portant attributions des présidents de conseil d’administration des
entreprises publiques et sociétés à participation majoritaire de l’Etat, J.O.BF n° 22 du 1 er juin 2000, p. 3944.
2 Art. 18, alinéa 1, des statuts particuliers de la CNSS.
3 Article 18, alinéa 2, des statuts particuliers
493
le contrôle juridictionnel de la Cours des comptes. Les commissaires aux comptes, au
nombre de deux, sont chargés de contrôler la gestion du Directeur général pour le
compte du C.A. Ils ne doivent pas être des administrateurs. Ils sont choisis l’un par le
Ministre des Finances, l’autre par le conseil d’administration pour un mandat de trois
ans renouvelable. Ce mandat est renouvelable une seule fois si c’est un cadre de
l’administration.
B – LA DIRECTION GENERALE
541. La CNSS est dirigée par un directeur général nommé par décret en conseil
des ministres sur proposition conjointe des ministres chargés de la sécurité sociale et
des finances pour un an renouvelable2. Il détient les pouvoirs les plus étendus pour
agir au nom du conseil d’administration. Il est chargé d’organiser le travail des
services de la caisse, de gérer le personnel3, d’élaborer le projet de budget, de
représenter la Caisse dans les actes de la vie civile.
1 Article 96 CSS.
2 Cette disposition relative à la durée du mandat est sans grande conséquence pratique parce que les directeurs
généraux des établissements publics sont discrétionnairement remplacés.
3 La Caisse comptait 766 agents au 31 décembre 2002. Cf. Annuaire statistique n° 10, édition 2002.
494
La déconcentration spatiale en directions régionales, services provinciaux et
sections locales ou guichets peut paraître insuffisante mais elle est en rapport avec la
répartition des salariés sur le territoire national. Il serait nocif d’alourdir
excessivement les charges administratives par la création de services qui ne
couvriraient qu’un nombre insignifiant d’assurés sociaux1. La bonne gestion
financière est, en effet, un élément primordial de la mission de la Caisse.
§ 3 - La tutelle
542. La tutelle exprime le compromis entre autonomie et étatisme. L’Etat
exerce son contrôle, certains diraient sa mainmise, à travers la tutelle. Beaucoup plus
que le contrôle que l’Etat exerce sur tout organisme, même privé, ne serait-ce que du
point de vue fiscal, la tutelle exprime le droit de regard de l’Etat sur la gestion, le
fonctionnement et la manière dont l’organisme accomplit sa mission ou son objet. Le
contrôle de tutelle s’oppose au contrôle hiérarchique qui suppose juridiquement une
absence d’autonomie parce qu’elle s’opère à l’intérieur de la même personne morale.
Le mot tutelle est critiqué pour sa connotation péjorative2, notamment en matière de
décentralisation territoriale mais il permet de différencier les types de contrôle.
S’agissant des établissements publics, ce contrôle est théoriquement plus étroit par
rapport à celui exercé sur des organismes privés ou de droit privé (société d’Etat,
SEM). Cela se vérifie en ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, mais celui-ci
bénéficie de mécanismes particuliers d’aménagement de son autonomie de décision,
notamment en matière de gestion financière.
La CNSS est soumise, comme tous les établissements publics, à trois types de
tutelle : la tutelle technique, la tutelle financière et la tutelle de gestion3.
A – LA TUELLE TECHNIQUE
1 Par exemple les directions régionales de Dédougou, de Fada N’gourma et de Ouahigouya comptent
respectivement 1011, 1378 et 1699 pensionnés en 2002 contre 14102 pensionnés pour la direction régionale de
Ouagadougou et 10008 pour celle de Bobo-Dioulasso. Source : Annuaire, 10e édition, tableau 3.1.2., p. 34. Voyez
aussi tableau 1.3.9 sur la répartition des cotisations par direction régionale.
2 Voy. Y. St -JOURS, t. 1, p. 113.
3 Voyez, article 3 du kiti An VI-0240/FP/Trav. du 18 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de la
CNSS modifié par le décret 93-211 du 15 juillet 1993, JOBF du 15 juillet 1993, p. 1063, Code social, p. 562.
4 Voyez le décret n° 2002-465/PRES/PM/MTEJ du 28 octobre 2002, portant organisation du Ministère du Travail,
495
Au delà de la tutelle proprement dite sur l’organisme de sécurité sociale, ce
ministère est chargée : « de l’élaboration et de la révision des textes législatifs et
réglementaires relatifs à la protection sociale des travailleurs salariés et de leurs
familles ; de l’interprétation et du contrôle de l’application des normes, lois et
règlements en matière de sécurité sociale, de santé au travail et d’hygiène
professionnelle »1.
La tutelle sur les personnes est assez forte et, en tout cas, fait l’objet de
plusieurs dispositions dans les statuts particuliers et dans les textes relatifs aux
établissements publics. Elle s’exprime en termes de pouvoir de nomination et de
sanction et à travers la représentation de l’Etat au Conseil d’administration. Ainsi, les
membres du Conseil d’administration sont nommés par décret, y compris ceux
désignés par les organisations d’employeurs et de travailleurs 2. Le directeur général
est également nommé par décret, de manière discrétionnaire3. Le pouvoir de sanction
se fonde sur la responsabilité individuelle ou collective des dirigeants devant le
gouvernement : le Conseil d’administration est responsable devant le Conseil des
ministres et ses membres peuvent être individuellement ou collectivement révoqués
par décret sur proposition d’un des ministres de tutelle4 ; le président du C.A. est
personnellement responsable devant le Conseil des ministres qui peut le démettre de
ses fonctions et le dessaisir de son mandat d’administrateur5 ; de même, il peut être
mis fin aux fonctions du directeur général sur proposition du C.A. ou de l’un des
ministres de tutelle.
La tutelle sur les actes semble revêtir une certaine souplesse : « les
délibérations du Conseil d’administration deviennent exécutoires, soit par un avis de
non opposition des ministres de tutelle, soit par l’expiration d’un délai de quinze (15)
jours à partir de la date de dépôt aux Cabinets des ministres ». Ainsi, il n’est pas
1 Art. 11, 2) du décret 2002-255/PRES/PM du 18 juillet 2002 portant attributions des membres du gouvernement,
JOBF n° 32 du 8 août 2002, p. 1147.
2 Article 5 des statuts particuliers de la CNSS.
3 Article 19 des statuts particuliers.
4 Article 9 des statuts particuliers.
5 Art. 17, 1er des statuts particuliers.
496
évoqué un pouvoir d’autorisation1 qui soumettrait à autorisation préalable
l’acceptation de dons et legs avec charges ou donnant lieu à réclamation des familles,
ni un pouvoir d’approbation préalable de l’autorité de tutelle. Mais le pouvoir de
s’opposer à une délibération peut être exercé en se fondant sur des raisons d’illégalité
ou d’inopportunité. L’exercice de la tutelle peut donc porter sur la légalité ou sur
l’opportunité des actes.
B – LA TUTELLE FINANCIERE
C – LA TUTELLE DE GESTION
1 Sauf à se référer à l’article 23 du décret 84-304 portant statut général des EPIC.
2 Art. 33 du décret 84-304 du 15 août 1934 portant statut général des EPIC. Il est important de souligner que les
textes généraux de 1984 sur les établissements publics ont été modifiés mais pas tous abrogés. Seuls ceux portant
sur les EPA ont été abrogés par la loi 039/98/AN du 30 juillet 1998 portant réglementation des établissements
publics de l’Etat à caractère administratif, J.O.BF n° 37 du 10 septembre 1998, p. 5913, et le décret 99-51 du 5
mars 1999 portant statut général des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, Code public et
administratif, p. 975.
3 Article 7 de l’ord. 84-58 du 15 août 1984 portant réglementation générale des établissements publics de l’Etat.
4 Voy. l’article 1er du décret 2000-192 du 17 mai 2000 portant organisation de l’A.G. des S.E.
497
d’activités et leurs comptes financiers ». Cette Assemblée générale est composée du
conseil des ministres élargie aux présidents des conseils d’administration, aux
directeurs généraux, aux commissaires aux comptes, aux représentants des institutions
nationales, aux directeurs techniques des départements ministériels, aux représentants
du personnel ainsi qu’à toute personne physique ou morale dont l’avis est susceptible
d’éclairer les débats1.
L’article 35 al. 2 du décret 84-304 du 15 août 1984 précise que les EPIC « sont
suivis en permanence et peuvent être contrôlés à tout moment par les services
techniques du ministère chargé de leur tutelle de gestion ». Il s’agit d’une disposition
générale qui ne vise pas spécialement la CNSS, mais elle montre les possibilités de
contrôles multiples qui pèsent sur les établissements publics : le ministère chargé des
entreprises publiques et le ministère des finances, à travers l’Inspection générale de
finances, peuvent exercer des contrôles à tout moment.
A ces différents contrôles des ministères de tutelle s’ajoutent les contrôles des
différents corps de contrôle de l’Etat, en vertu de l’article 35 de l’ord. 84-58 du 15
août 1984 qui dispose que « les établissement publics à caractère industriel et
commercial sont soumis aux vérifications des différents corps de contrôle habilités à
cet effet » et, de l’article 2 des statuts particuliers de la CNSS qui soumet celle-ci à la
réglementation sur les établissements publics. Ces corps de contrôle sont assez
nombreux. Les principaux sont : l’Inspection générale des finances, l’Inspection
générale d’Etat, la Cour des comptes et, plus récemment, la Haute Autorité de
Coordination de la Lutte contre la Corruption (HACLC).
L’Inspection générale des finances est le bras du Ministère des finances pour
l’exercice de la tutelle financière puisqu’elle assure également (C’est-à-dire outre le
contrôle de tous les services financiers, fiscaux et comptables de l’Etat et des
collectivités territoriales) « …le contrôle de la gestion financière des projets, des
établissements publics, sociétés d’Etat, sociétés d’économie mixte, et de toutes les
sociétés dans lesquelles l’Etat possède des participations, des établissement privés qui
reçoivent des subventions de l’Etat et d’une manière générale de toutes les structures
qui reçoivent, détiennent ou gèrent des deniers publics ».3.
1 Art. 3 du décret 2000-192 du 17 mai 2000 portant organisation de l’A.G. des S.E., J.O.BF du 1 er juin 2000, p.
3947 ; Code public et administratif t. 8 vol. 2, p. 969.
2 Cf. article 33 de l’ord. 84-58 du 15 août 1984 et article 16 du Kiti An VI – 240 du 13 avril 1989 portant
du plan.
498
L’Inspection générale d’Etat est un corps de contrôle et d’enquête placé sous
l’autorité du premier ministre. Son contrôle est à la fois financier et de gestion : elle
est chargée « de contrôler dans tous les services publics de l’Etat, des collectivités
publiques locales, des établissements et tout organisme investi d’une mission du
service public, l’observation des textes législatifs et réglementaires qui en régissent le
fonctionnement administratif, financier et comptable ; d’étudier la qualité du
fonctionnement et de la gestion des services ;… »1.
1 Art. 3 de la loi 13-93 ADP du 18 mai 1993 portant création, attributions, composition et fonctionnement de
l’inspection générale d’Etat, J.O.BF du 20 octobre 1994, p. 2141, Code public et administratif, t. VIII, vol. 1, p. 39.
2 Art. 3 de la loi organique 14-2000 An du 16 mai 2000 portant composition, attributions, organisation,
fonctionnement de la cour des comptes et procédure applicable devant elle, recueil, Recueil Codes et lois du
Burkina Faso, t. V, Code judiciaire pp. 161 et s.
3 Voyez, sur la question du financement : J.J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale, op. cit. pp.857 et s. J.-P.
CHAUCHARD, Droit de la sécurité sociale, op. cit. pp. 157 et s. ; Y. SAINT-JOURS, op. cit. pp.130 et s. ; P.
MOUTON, La sécurité sociale, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, T. 8 , pp. 273 et s. ; Luca BARBONNE et
499
sur les revenus professionnels des assurés pour les affecter à la garantie collective des
risques envisagés. Cette technique est issue de l’expérience des mutuelles et est
empruntée à l’assurance. Elle est appliquée dans les systèmes de sécurité sociale dits
de type professionnel. Elle organise une solidarité dans le cadre des groupes
professionnels (salariés ou travailleurs indépendants, agriculteurs ou commerçants
etc.)
Enfin, dans le cadre des régimes – lorsqu’il existe plusieurs régimes de sécurité
sociale- ou des branches d’un même régime, le financement d’un régime ou d’une
branche peut partiellement être pris en charge par voie de compensation : une partie
des ressources d’un régime ou d’une branche excédentaire va servir à combler le
déficit d’une autre branche ou d’un régime. La compensation inter régimes est
consacrée en France1. La compensation entre branches est en principe proscrite au
Burkina Faso : selon l’article 21, 2° CSS « chacune des branches du régime fait l’objet
d’une gestion financière distincte, les ressources d’une branche ne pouvant être
affectées à la couverture des charges d’une autre branche ».
Luis-Alvaro SANCHEZ B., La gouvernance des régimes de sécurité sociale, in A.I.S.S.,La sécurité sociale en
Afrique : nouvelles réalités, Documentation de sécurité sociale, série africaine, n° 21, ; Yannick D’HAENE,
L’avenir de la sécurité sociale, in A.I.S.S., Problèmes et perspectives de la sécurité sociale dans les pays
francophones d’Afrique, Documentation de sécurité sociale n° 20, pp. 157 et s. ; PNUD/OIT, Analyse financière et
actuarielle du régime de sécurité sociale, n° UPV/81/205 , rapport établi pour le gouvernement de la République de
Haute-Volta, Genève, 1982 ; Idrissa ZAMPALIGRE, Les statistiques de sécurité sociale : rapport de synthèse du
Burkina Faso, in A.I.S.S., Documentation de sécurité sociale, n° 23, série africaine, pp. 123 et S. ; OIT, Evaluation
actuarielle du régime administré par la Caisse nationale de sécurité sociale au 31 décembre 1998, Burkina Faso,
août 2000 ; Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso, Annuaire statistique, n° 10, édition 2002, février
2004.
1 J.J. DUPEYROUX et autres, op. cit. n° 388 et n° 456.
500
§ 2 – Le principe du financement par cotisation
548. L’organisation financière de la sécurité sociale burkinabè est relativement
simplifiée par l’existence d’un régime unique de sécurité sociale : il n’y a pas de
régimes particuliers ou spéciaux, comme en France, qui sont sources d’alourdissement
de la gestion du système. S’agissant d’un système de sécurité sociale de type
professionnel, le financement du système repose, dans son principe, sur les
cotisations. Comme en matière d’assurance, la viabilité de l’institution dépend des
contributions des affiliés qui versent, en contrepartie des garanties offertes, des
prélèvements sur les revenus du travail. Mais si la base de financement est simple, il
n’en est pas de même des questions de recouvrement.
Les deux dernières rubriques paraissent assez formelles : les dons et legs sont
toujours prévus pour le principe mais ils sont très rares ; la possibilité pour la CNSS
de recevoir d’autres ressources prévues par un texte législatif ou réglementaire renvoi
à l’idée de subvention par l’Etat ou de financement par la fiscalité. Cette éventualité
ne s’est pas encore produite. Cette dernière rubrique constitue en quelque sorte une
garantie de bonne fin assurée par l’Etat : en cas de déséquilibre financier du régime, il
incombe à l’Etat de veiller à combler le déficit, soit par le relèvement des cotisations,
soit par des subventions fiscales soit même par un financement partiel par la fiscalité.
Le financement par la fiscalité serait, en Afrique subsaharienne où les plus pauvres
sont exclus de la couverture sociale, très discutable.
549. Les éléments sur lesquels sont assises les cotisations sont déterminés par
la loi. Selon l’article 22 CSS, « les cotisations dues à la Caisse sont assises sur
l’ensemble des rémunérations perçues par les personnes assujetties, y compris les
indemnités, primes, gratifications, commissions et tous autres avantages en espèces,
501
ainsi que la contre-valeur des avantages en nature, mais à l’exclusion des
remboursements de frais et des prestations familiales versées en vertu des dispositions
de la présente loi, dans la limite d’un plafond fixé par arrêté du Ministre du travail
après avis de la Commission consultative du travail. L’évaluation des avantages en
nature est faite conformément aux règles prescrites par arrêté du ministre du travail
après avis de la commission consultative du travail ».
La notion de salaire est ici entendue de façon très large. On inclut dans
l’assiette des cotisations les avantages en nature, les pourboires, les primes et
gratifications. Ne sont expressément exclus que les remboursements de frais et les
prestations familiales. Les remboursements de frais s’entendent du remboursement des
dépenses effectuées par le travailleur dans l’intérêt de l’entreprise, appelés « frais
d’entreprise » et les dépenses ayant un caractère de « frais professionnels ». Cette
dernière notion est définie en droit français comme les sommes « qui sont versées aux
travailleurs ou assimilés pour couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la
fonction ou à l’emploi »2. Cette dernière notion est elle-même assez floue. On peut y
inclure par exemple, les primes de salissures, les frais de blanchissage ou les frais
d’habillement dans les emplois où des contraintes d’habillement sont imposées aux
travailleurs. Seront aussi exonérés les frais d’alimentation et les frais de déplacement
liés aux conditions de travail telles que le travail nocturne, posté ou continu. Il peut en
être de même des frais de transport des représentants voyageurs ou du travailleur en
mission. Par contre, des frais de transport versés à l’ensemble des travailleurs en guise
de sursalaires ne pourraient être déduits. La formule très large de l’article 22 CSS
n’en laisse pas moins place à des problèmes d’interprétation. Ces problèmes
concernent d’abord l’évaluation des avantages en nature. Ces avantages en nature
doivent être pris en considération à leurs valeurs réelles, mais certains peuvent faire
l’objet d’une évaluation forfaire s’il est difficile de déterminer leurs valeurs réelles.
1 Voyez, J.-J. DUPEYROUX, pour qui cette notion est « plus souple et plus extensive que celle de salaire », op. cit.
n° 1187, p. 857. Sur la question de l’assiette des cotisations, voyez : Dr. Soc., juin 1993, n° spécial sur les
cotisations ; G. LYON-CAEN, Les salaires, in G. H. Camerlynck, Traité de droit du travail, t.2 ; X PRETOT, Le
financement de la sécurité sociale, : jurisprudence récente en matière de cotisation, Dr. Soc. 1986, p. 164.
2 Voyez, J.-J. DUPEYROUX, op. cit. n° 1202, p.870.
502
véritables remboursements de frais mais des sommes versées en relation avec le
travail. Sont par contre exclus de l’assiette de cotisation, les indemnités de
licenciement, les dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat, les indemnités
de rupture anticipée de contrat à durée déterminée, les indemnités journalières
compensatrices de la rémunération perdue pour cause de maladie ou d’accident
professionnel, les prestations familiales, les frais de logement ou toute somme
constituant un remboursement de frais réels.
1 Voy. le décret n° 99-081/PRES/PM/MEF/METSS du 6 avril 1999, fixant les Salaires Minima Interprofessionnels
Garantis et la décision de la Commission Mixte Paritaire du 24 mai 1999 qui retient 28811 Fcfa, Annuaire officiel
du Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, 2000, pp. 106-107.
2 L’étude actuarielle de 1998 recommandait que ce plafond soit ajusté automatiquement suivant la hausse du
SMIG, de manière à en préserver la valeur réelle. In, OIT, Département de la sécurité sociale, Etude actuarielle du
régime administré par la Caisse nationale de sécurité sociale au 31 décembre 1998, août 2000, p. VI.
3 Sur les cotisations en cas de travail à temps partiel en France, voyez, J.-J. DUPEYRPUX, op. cit., n° 1210.
4Voy. Y. SAINT-JOURS, op. cit. pp. 149 et s.
503
cotisations est considéré comme une orientation très moderne du financement de la
sécurité sociale1.
B – LE TAUX DE COTISATION
1 Pierre MOUTON, Les institutions de sécurité sociale, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, op. cit., p. 276.
2 Cf. Article 7 de l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1976, réglementant l’affiliation des employeurs,
l’immatriculation des travailleurs et autres assurés au régime géré par la Caisse nationale de sécurité sociale et les
obligations incombant aux employeurs dans le fonctionnement de ce régime, Code social, p. 529.
3 Cf. Article 8 de l’arrêté n° 1317, op.cit
504
Tableau d’évolution des taux de cotisations
En ce qui concerne la branche des pensions (ou assurance vieillesse) le taux est
de 11% du salaire reparties à concurrence de 5,5% à la charge de l’employeur et 5,5%
au compte du travailleur. C’est dans cette branche qu’il y a eu un relèvement des
cotisations qui étaient de 9% réparties à égalité entre l’employeur et le travailleur. Ce
relèvement, loin de pénaliser le travailleur, lui est profitable parce qu’il se répercute
sur les prestations en entraînant une augmentation des diverses pensions qui seront
505
ultérieurement versées. Cumulée avec le relèvement de l’âge de la retraite qui est
passée de 55 ans à 60 ans, la réforme de 2003 permet une amélioration des pensions1.
Ces réaménagements ont été suggérés par l’étude actuarielle et ont pour but essentiel
de repenser l’équilibre du régime de sécurité sociale, en tenant compte de l’évolution
de la structure sociale des pensionnés et des cotisants aux différentes branches du
régime (Voyez tableau comparatif, AISS n° 21, p. 28, tableau 5a).
1
Le relèvement de l’âge de la retraite peut être diversement apprécié selon les individus mais il semble plutôt bien
accueilli.
2 Voyez, P. MOUTON, op. cit. p. 275.
3 Article 23, 2e.
506
TABLEAU 5a Taux de contribution pour les programmes de sécurité sociale
Types de Total des contributions Part des employeurs
Programme Toute la Retraite Retraite Sécurité Pension Part de Part de
de sec. Soc. Sec. en sociale sec. pension
1/ Soc. (b) % de (c) (d) soc. (d/b)
(a) Sec. Soc. (c/a)
Bénin 4/ V,M,T,F 23,2 10,0 45 19,6 6,4 84 64
Burkina F. V,T,F 23,0 9,0 39 18,5 4,5 80 50
Burundi V,T 10,5 8,5 81 7,5 5,5 71 65
Cameroun V,T,F 19,0 7,0 37 16,2 4,2 85 60
Cap Vert V,M,T,F 27,0 10,0 37 20,0 7,0 74 70
R. C.A. V,T,F 20,0 5,0 25 18,0 3,0 90 60
Tchad 4/ V,T,F 14,3 6,0 41 12,3 4,0 86 67
RD Congo V,T,F 18,28 7,0 56 15,88 3,5 87 50
R.Congo V,M,F 18,48 6,0 32 13,83 3,6 75 60
RCI 4/ V,M,T,F 15,1 4,0 27 12,9 2,4 85 60
Guinée éq. V 26,0 21,5 83
Ethiopie V 10,0 6,0 60
Gabon 2/ V,M,T,F 22,6 7,5 33 20,1 5,0 89 67
Gambie 3/ V,T 20,0 19,0 95 19,0 19,0 95 100
Ghana V 17,5 12,5 71
Guinée V,M,T,F 23,0 6,5 28 18,0 4,0 78 62
Kenya V 10,0 5,0 50
Liberia V,T 7,75 6,0 77 6,0 3,0 77 50
Madagascar V,T,F 14,0 4,5 32 13 3,5 93 78
Mali 4/ V,M,T,F 23,0 9,0 45 21,0 7,0 91 78
Mauritanie V,M,T,F 16,0 3,0 19 15,0 2,0 94 67
Maurice 5/ V 9,0 6,0 67 9,0 6,0 100 100
Niger V,T,F 17,0 4,0 24 15,4 2,4 91 60
Nigeria V,M 7,5 5,0 67
Rwanda V,T 8,0 6,0 75 6,0 3,0 75 50
Sao Tome V 10,0 6,0 60 60
Sénégal 4/6 V,M,F 35,0 14,0 40 8,4 72 60
Afr. Sud V,U 2,0 0,0 1,0 0,0 50 0
Soudan V,T 27,0 25,0 93 25,0 17,0 93 68
Swaziland V 10,0 5,0 50
Tanzanie V 20,0 20,0 100 20,0 10,0 100 50
Togo 4/ V,M,T,F 20,5 6,0 29 18,1 3,6 88 60
Ouganda V,T 15,0 15,0 100 10,0 10,0 67 67
Zambie V 10,0 5,0 50
Zimbabwe 0 6,0 3,0 50
In, A.I.S.S., Documentation de sécurité sociale, série africaine, n° 21, Abidjan, 2000, p. 28.
Source : U.S. Social Security Administration, 1997, sauf où indiqué.
1/ Les chiffres n’indiquent que des programmes de sécurité sociale financés par recettes.
V= vieillesse, infirmité et mort ; M= maladie, maternité ; T= blessure au travail ; F= allocation
familiale. Quand les contributions représentent une gamme, le chiffre correspond à la valeur
supérieure. Les espaces vides, indiquent que soit une partie, soit toutes les contributions dans la
colonne (a) ne soient pas liées aux revenus.
2/ Le Gabon possède aussi le programme ACE ou la « retraite vieillesse » dans lequel l’assuré paie
5% et l’employeur paie 2%.
507
3/ Régime de retraite. La Gambie possède aussi un fonds de prévoyance dans lequel l’assuré paie
5% et l’employeur paie 10%
4/ Sources CIPRES, 1999
5/ Retraite lié aux revenus. L’Ile Maurice possède aussi une retraite universelle financée
entièrement par le gouvernement.
6/ Régime général. Le Sénégal possède aussi un régime complémentaire (2,4%, l’assuré, 3,6%,
l’employeur).
1 Les termes de cet article laissent penser que l’employeur supporte définitivement la part de cotisation de
l’employé, mais on peut supposer que l’employeur pourra se faire rembourser si le non prélèvement résulte
d’une simple erreur. Il devrait supporter définitivement cette part s’il n’a pas voulu respecter le principe de
retenue à la source. Il arrive en effet que certains organismes étrangers paient l’intégralité du salaire en laissant
le soin, dans le contrat de travail, à l’employé de se mettre en règle vis-à-vis de la sécurité sociale et de l’impôt.
Sur la question en France, voyez J.-J. DUPEYROUX et al., op. cit. n° 1237.
2 Article 24, 4e
508
système de précompte ne concerne que l’assuré volontaire qui, étant son propre
employeur, doit verser lui-même ses cotisations.
Etant débiteur vis-à-vis de la Caisse, l’employeur est tenu de verser dans les
délais impartis la cotisation globale comprenant sa part et celle du travailleur. Il ne
peut par convention faire supporter sa propre contribution par le travailleur1. Le fait
générateur de la dette de cotisation est le salaire dû et non pas le salaire
effectivement versé. En effet, pour une raison ou pour une autre, le salaire dû peut
n’avoir pas été versé, en totalité ou en partie, ou peut être versé en retard. Ce serait
accorder une prime à l’employeur que de reculer l’exigibilité de la dette de
cotisation jusqu’au versement effectif des salaires. L’arrêté n° 1317 du 24
décembre 1976 prévoit une périodicité de versement différenciée selon le nombre
de salariés employés par l’entreprise. Le principe est que le versement est mensuel
et devrait être opéré dans les quinze premiers jours du mois suivant le paiement des
rémunérations. Mais si l’employeur occupe moins de vingt travailleurs, le
versement est trimestriel et doit intervenir dans le premier mois de chaque trimestre
civil. Le montant des cotisations devient immédiatement exigible en cas de cession
de l’entreprise ou de cessation d’activité2.
B – LE CONTRÔLE DU PAIEMENT
Ces documents servent, pour la Caisse, de points d’appui pour vérifier non
seulement les bases de calcul des cotisations mais aussi le respect par l’employeur
de ses obligations préliminaires d’immatriculation de tous les travailleurs qu’il
occupe4. La déclaration permet à la CNSS de suivre le compte de l’employeur et le
compte individuel de l’assuré, notamment par la vérification des bases de
1 Article 24, 3e
2 Article 15 de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre.
3 Article 18 de l’arrêté n° 1317 du 24/12/ 1976.
4 Voy. Echo-CNSS, n° 32 et 33, 2e et 3e trimestre 1990 p. 15.
509
détermination des salaires soumis à cotisation, la détermination de la masse
salariale, le calcul des cotisations et la justification du paiement des prestations. La
caisse procède aux vérifications, redresse éventuellement les déclarations et
adresse, s’il y a lieu, à l’employeur un avis de débit au cas où ce dernier aurait payé
en dessous du montant réel ou un avis de crédit à faire valoir sur les prochains
paiements, s’il y a un trop payé.
Le recouvrement forcé n’est pas en tant que tel une sanction mais les deux
s’accompagnent en raison de l’inexécution et des retards de paiement qui donnent
lieu à des pénalités.
1) Le recouvrement forcé
510
exerçant un recours devant le tribunal du travail pour contester la réalité ou le
montant de la dette.
Par ailleurs, et d’une manière générale, la Caisse dispose aussi des voies
juridictionnelles pour obtenir le paiement des cotisations. Elle peut, par exemple,
saisir les juridictions pénales par voie de citation directe ou par plainte avec
constitution de partie civile, dans la mesure où le non paiement de cotisations
constitue une infraction pénale. Théoriquement, elle peut, devant les juridictions
civiles, mettre l’employeur débiteur en faillite à l’effet d’obtenir le paiement de ses
dettes de cotisation, mais cette solution radicale est un pis-aller dont la CNSS n’a
pas intérêt à prendre l’initiative.
1 Article 88 CSS.
2 Article 89 CSS.
3 Article 28 CSS.
511
Les sanctions civiles se traduisent par des pénalités consistant en des
majorations ou taxations d’office afin d’inciter les employeurs à s’acquitter de leurs
cotisations dans les délais ou à faire les déclarations prescrites1:
- par contre, lorsque le montant des salaires servant de base de calcul n’a
pas été communiqué à la Caisse, il est procédé à une taxation d’office sur la base
de la déclaration la plus récente de salaires majorée de 25%, ou, à défaut, sur la
base de la comptabilité de l’entreprise. Si la comptabilité de l’entreprise ne permet
pas d’établir le chiffre exact des salaires, le montant des salaires est fixé
forfaitairement par la Caisse en fonction des taux de salaires pratiqués dans la
profession.
Les sanctions pénales sont prévues par les articles 90 à 95 CSS5. L’article
90 dispose, d’une manière générale, que l’employeur qui a contrevenu aux
prescriptions du code de sécurité sociale peut être poursuivi devant les juridictions
pénales, soit à la requête du ministère public éventuellement sur demande du
ministre du travail, soit à la requête de toute personne intéressée, notamment de la
CNSS.
1 A ces sanctions civiles prononcées au profit de la CNSS peuvent s’ajouter les dommages et intérêts pouvant
être demandés par le salarié pour le préjudice résultant du défaut de cotisations régulières : C.A. Ouagadougou,
arrêt n° 50 du 20/6/2000, S.Y. c/ B. & S.
2 Article 25,2e CSS.
3 Article 16 de l’arrêté n°1317 du 24/12/1976.
4 Article 19 de l’arrêté n° 1317 du 24/12/1976.
5 Mais les articles 92 et 93 ne concernent pas le versement des cotisations par l’employeur. Le premier est
relatif à la non déclaration d’accident de travail et le second porte sur la répression des fraudes et fausses
déclarations pour obtenir des prestations qui ne sont pas dues.
512
L’employeur est passible, en sus du paiement des cotisations et majorations
de retard, d’une amende de cinq mille à dix mille (5000 à 10.000) FCFA appliquée
autant de fois qu’il y a de personnes employées dans des conditions irrégulières. En
cas de récidive (si le délinquant subi une condamnation pour une infraction
identique dans les douze mois antérieurs à la date d’expiration du délai imparti par
la mise en demeure prévue à l’article 29 CSS), l’amende passe de dix mille à
cinquante mille (10.000 à 50.000) FCFA.
En plus de ces peines, l’article 94 prévoit que le tribunal peut prononcer les
peines complémentaires de publication dans la presse et d’affichage de la sanction.
Une des formes de sanction complémentaire efficace est que l’employeur qui est en
situation irrégulière vis-à-vis du versement des cotisations ne pourra pas postuler
dans les appels d’offres pour les marchés publics (ou achats publics).
556. L’article 21, 2° CSS dispose que « chacune des branches du régime de
sécurité sociale fait l’objet d’une gestion financière distincte, les ressources d’une
branche ne pouvant être affectées à la couverture des charges d’une autre
branche ». L’article 23, 3° ajoute que « les taux de cotisation sont fixés de manière
1 Article 91 CSS.
513
que les recettes totales de chaque branche permettent de couvrir l’ensemble des
dépenses de prestation et d’action sanitaire et sociale de cette branche ainsi que la
partie des frais d’administration qui s’y rapporte et de disposer du montant
nécessaire à la constitution des diverses réserves et du fonds de roulement ». Cet
article précise, en son alinéa 4, que le taux de la branche des pensions devra être
fixé de manière à assurer la stabilité de ce taux et l’équilibre financier de la branche
pendant une période assez longue.
1 Op. cit. p. 5 ; Ce constat de confusion est aussi fait en page 3 en ce qui concerne la ventilation des
placements et produits financiers.
514
en particulier, selon le document d’évaluation actuarielle de 2000 réalisé par
l’OIT1.
557. La sécurité sociale collecte des fonds et doit en assurer une gestion à
long terme qui met les assurés à l’abri des déficits ou des dépréciations monétaires.
Cette sécurité à long terme est tributaire du système financier retenu, de la
constitution de réserves conséquentes et du placement judicieux de ces fonds.
1 Cf. Evaluation actuarielle au 31 décembre 1998, op. cit., p. 4. Voyez également P. Mouton, Les institutions de
sécurité sociale, op. cit. p. 279 : selon cet auteur, le code malien par exemple, prévoit, théoriquement, des
prélèvements pour le financement de la gestion administrative en fonction du prix de revient des opérations
administratives accomplis dans les diverses branches, mais la majorité des pays optent pour le même système
que le Burkina Faso.
2 Ibid., p. 4
3 Voyez, Caisse nationale de sécurité sociale, Annuaire statistique, n° 10, édition 2002, 2004, p. 13.
4 Cf. P. MOUTON, op. cit. p. 278.
515
relevé si nécessaire à la fin de la période, pour une autre période assez longue. Il y
a donc capitalisation et adaptation des ressources aux charges 1. Les branches des
risques professionnelles et des prestations familiales reposent plutôt sur le système
de la répartition, en tenant compte de l’équilibre entre les recettes et les différentes
charges et de la nécessité de constituer des réserves.
Les placements doivent être réalisés selon un plan financier, établi par le
conseil d’administration, qui assure une réelle sécurité aux fonds, un rendement
optimal et, dans la mesure du possible, devrait concourir à la création d’emplois, au
progrès social et au développement économique. Il s’agit, à travers ces principes
fondamentaux, de préserver la valeur réelle des sommes investies, de garantir un
taux de rentabilité assurant un accroissements des fonds, de veiller à la liquidité,
c’est-à-dire à la facilité de transformer en disponibilités monétaires des sommes
investies en ce qui concerne le placement des réserves de sécurité, et de veiller à ce
que ces investissements répondent à des conditions d’utilité économique et
sociale2.
Ces belles intentions en ce qui concerne les placements des fonds sont
limitées par deux facteurs. Le premier facteur est qu’il n’est pas aisé de trouver des
occasions de placement répondant aux critères de sécurité, de rentabilité et d’utilité
sociale ou nationale. Deux experts de la Banque mondiale relevaient parmi les
difficultés de gestion des fonds le manque d’opportunités d’investissement : « la
mauvaise gouvernance n’est pas seule responsable des problèmes rencontrés dans
la gestion des fonds de réserve. De fait, les opportunités d’investissement ont été
très limitées pendant les premières décennies »3. Le second facteur est ce qu’on a
qualifié d’immixtion de l’Etat dans les choix d’utilisation des réserves. Les caisses
1 Voyez, P. MOUTON, op. cit. p. 278 ; Analyse actuarielle 1998, p. 9.
2 Voy. André ZOMBRE, La sécurité sociale au Burkina Faso, in « Echo-CNSS », n° 21, 4e trimestre 1987, p.
19.
3 Luca BARBONNE et Luis-Alvaro SANCHEZ B., Les régimes de pensions et de sécurité sociale en Afrique
Subsaharienne : problèmes et solutions possibles, in Documentation de sécurité sociale, n° 21, série africaine,
AISS, Abidjan, p. 38)
516
drainent beaucoup de capitaux et les gouvernements n’ont pas toujours résistés à la
tentation de recourir à cet organisme pour financer des projets plus ou moins
hasardeux ou rentables. Déjà, l’analyse financière et actuarielle de 1982 constatait
que « les investissements effectués présentent un taux de rendement inférieur à
l’indice d’inflation qui a caractérisé l’économie voltaïque »1. La Revue « Echo-
CNSS », pour illustrer la « participation de la Caisse nationale de sécurité sociale
au développement économique et social du Burkina Faso », donnait des exemples
de subventions et de prêts accordés à l’Etat ainsi que de prises de participation dans
des sociétés. Selon cette revue, « au cours des deux dernières années, suite à un
ensemble de décisions du Conseil National de la Révolution sur la relance
économique, la Caisse nationale de sécurité sociale a multiplié sa participation au
capital de plusieurs sociétés » dont la SOCOGIB pour un milliard de francs CFA,
l’UREBA pour cent soixante millions, FASO YAAR pour cent millions, le projet
Cité AN II pour cinquante millions et la Société nationale d’approvisionnement
pharmaceutique (SONAPHARM). Des cinq sociétés citées, trois sont aujourd’hui
fermées (UREBA, FASO YAAR, SONAPHARM) et la société immobilière
SOCOGIB dont la CNSS était devenue actionnaire principal a été entièrement
privatisée. En outre, selon cette revue, la CNSS a accordé à l’Etat des prêts de
deux milliards pour le projet immobilier Cité AN III, de un milliard et demi pour le
projet d’aménagement de l’aéroport de Bobo-Dioulasso, ainsi que des subventions
de deux milliards et demi dans le cadre du projet d’aménagement agricole de la
vallée du Sourou2.
1 OIT/PNUD, Analyse financière et actuarielle du régime de sécurité sociale, UPV/ 81/ 205, rapport établi pour
le gouvernement de la République de Haute-Volta, Genève, 1982, p. 8 ; Voyez également, Luca BARBONNE
et Luis-Alvaro SANCHEZ, op. cit. p. 38. Une illustration de ces investissements souvent peu heureux sur
pression du gouvernement est involontairement donnée par la revue « Echo-CNSS » n° 13, 4e semestre 1985
(spécial 30e anniversaire), p.25.
2 Cf. Echo-CNSS, n° 13, op. cit., p.25. Notons qu’un célèbre opposant au pouvoir de l’époque, qui a été par
ailleurs membre travailleur du Conseil d’administration de la CNSS, pour dénier la probité du CNR, a ébranlé
l’opinion publique en accusant le CNR de détournement de plusieurs milliards à la CNSS. Ce dont il avait
raison sur le plan juridique parce qu’on peut parler de détournement de destination. Mais il avait à notre avis
tort de présenter les choses comme un détournement crapuleux.
517
TITRE III - LES BRANCHES DE LA SECURITE SOCIALE
558. Le système burkinabè de sécurité sociale comprend trois branches qui
couvrent six risques : la vieillesse, l’invalidité, le décès, les risques professionnels
(maladie et accident professionnels), la maternité et les charges de famille ou
prestations familiales. Ces trois branches sont : la branche des risques
professionnels ; la branche des pensions couvrant la vieillesse, l’invalidité et le
décès ; et la branche des prestations familiales qui est aussi chargée des prestations
de maternité. Nous aborderons successivement ces trois branches. Mais
l’organisme de sécurité sociale a reçu aussi une mission plus large d’action
complémentaire au système de santé, appelée action sanitaire et sociale, qui sera
abordé en quatrième chapitre. Enfin, un cinquième chapitre sera consacré aux
questions spécifiques du contrôle et du contentieux de la sécurité sociale.
518
519
CHAPITRE I - LA BRANCHE DES RISQUES
PROFESSIONNELS
559. La branche des risques professionnels a été créée par la loi n° 03/59 du
30 janvier 1959 instituant un régime de réparation et de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles1. Elle vise à protéger les travailleurs contre
les risques inhérents à l’exercice d’une activité professionnelle donnée. Ces risques
sont les accidents du travail et les maladies professionnelles, lesquels ont été un des
premiers facteurs d’organisation du système de sécurité sociale, en raison de leurs
caractères dramatiques et parfois massifs, si l’on pense aux accidents dans les
mines. Le système traditionnel consistant en la mise en cause de la responsabilité
civile a montré ses limites en ces domaines, en raison des difficultés à établir la
responsabilité de l’employeur dans les accidents ou les maladies. Même si la
responsabilité d’un auteur du dommage est établie, ou dans le cadre d’une
responsabilité présumée de l’employeur, il se pose souvent le problème de sa
solvabilité pour faire face à l’obligation de réparer. L’employeur étant le premier
bénéficiaire de l’activité du travailleur, il lui incombe de veiller à sa sécurité sur les
lieux de travail en prenant les mesures propres à prévenir les risques, et de réparer
en cas de réalisation du risque. C’est sur la base de la théorie du risque et de
l’obligation de sécurité2, que les cotisations en matière d’accidents du travail et de
maladies professionnelles sont entièrement à la charge de l’employeur.
520
déterminée et d’être en règle vis-à-vis des cotisations. A ces conditions générales
s’ajoutent les conditions spécifiques de fond et de forme propres à chaque branche
de la sécurité sociale. Dans le cas des risques professionnels, il y a lieu de faire la
distinction entre accident du travail et maladie professionnelle dans la mesure où
cette dernière présente un caractère spécifique.
1) Définition générale
L’accident de trajet est celui survenu entre le lieu de travail, première extrémité
du trajet, envisagée de manière extensive, et les points suivants :
Le lieu de résidence ;
Le lieu où il prend habituellement ses repas ;
Le lieu où il perçoit sa rémunération.
Le lieu du travail est tout lieu où le salarié se rend ou s’est rendu sur ordre de
son employeur, et pas nécessairement un lieu fixe où il exerce habituellement2.
1 Article 42, 2° C.SS. Voyez l’article 95 C. trav. de 1992, actuellement article 166 et s. C. trav. De 2004,
concernant les frais de voyage à la charge de l’employeur.
2 Voy. Y. SAINT-JOURS, p. 305 ; Cas. Soc., 9 mai 1967, J.C.P., 1968.II.378, note J. Ghestin.
521
En France et dans quelques législations africaines1, il est pris en compte la
résidence principale et la résidence secondaire. Par ailleurs la législation française
vise une extrémité dont l’application ne semble pas aisée : le lieu où le travailleur
se rend habituellement pour des motifs d’ordre familial2.
Résidence principale
Lieu où le travailleur se
rend habituellement
pour motifs d’ordre
familial
Source : J.J. Dupeyroux, 8e édition, p. 523
La formule de l’article 42 est très large : elle englobe tous les accidents
survenus au travailleur dans l’exercice de ses fonctions.
1 La Guinée, le Cameroun, la Centrafrique selon P. MOUTON, in L’étendue des systèmes africains de sécurité
sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t; 8, p. 301.
2 Cf. article L. 411-2 ; J.J. DUPEYROUX et al. 14 e édit., p. 644, note 5.
3 Suivant l’article 95 C. trav. (article 166 C. trav. de 2004).
4 Voy., Soc. 14.2.1980, Bull. V n° 153, Soc. 3.2.1994, Jurisp. UIMM mars 1994, p.104 ; Soc. 26 mai 1994,
522
Mais que recouvre la notion d’accident ?
2) La notion d’accident
Le critère de la violence n’est pas précis car il n’est pas fait de distinction
entre violence physique et violence psychique. Les juges y font rarement état3.
Le seul critère nécessaire est celui de la soudaineté, car c’est le critère qui
distingue l’accident du travail de la maladie professionnelle caractérisée par une
évolution lente4. Mais l’aggravation ou la révélation soudaine par l’effet du travail,
d’un état pathologique préexistant est un accident du travail5.
en Afrique et pendant le temps de la mission comme un accident de travail. Soc. 17.1.1991, RJS 3/91 n° 393.
5 SO. 21 oct. 1965, Bull. civ., IV, p. 581 n° 690 ; D. 1966, 86.
6 Revue fiduciaire n° 517, p. 163.
523
preuve. Elle écarte l’application du droit commun de la responsabilité1 pour établir
une présomption d’imputabilité de l’accident au travail2.
Toutefois, le non respect des ordres, tel que le non respect des mesures de
sécurité ou la désobéissance, ne veut pas dire soustraction à l’autorité de
l’employeur, c’est-à-dire absence de subordination. Dans le cas de violation des
consignes, le travailleur encourt seulement des réductions de prestations pour faute
inexcusable : s’il pénètre dans un lieu interdit, cela veut dire que c’est en
connaissance de cause des conséquences dommageables et qu’il a accepté d’avance
ces conséquences.
Si l’accident s’est produit hors des lieux de travail et en dehors des heures
normales de travail, il faut apprécier selon les circonstances. Par exemple, il y a
accident de travail si un travailleur est envoyé dans une localité et il est victime
d’une calamité survenue dans la zone (tremblement de terre par exemple). La
causalité est ici présumée (préjudice tenant à l’accident). Ainsi, pour certains
travailleurs tels que les VRP (voyageurs représentants placiers), les routiers, les
visiteurs (ou délégués médicaux), le personnel navigant de l’aviation civile, le
critère du lieu de travail devient inopérant. Il est écarté au profit du temps
d’exécution du travail3.
Dans le cas de l’accident de trajet 4, le travailleur est protégé dans les deux
sens s’il se rend de son lieu de travail à sa résidence ou au lieu où il prend
habituellement ses repas, ou au lieu où il se rend pour percevoir sa rémunération.
c/ Y. M. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 21 du 18/12/97, R.S.Z. c/ Faso Fani ; C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 13
du 15/2/1999, CNSS c/ S. O. ; C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 75 du 17/11/1997, K.G. c/ CNSS.
524
(ex. travailleur en congé qui se rend au lieu de travail pour des raisons
personnelles ; travailleur en grève qui s’y rend pour faire le piquet).
564. Le parcours protégé est celui qui va du lieu de travail à divers lieux
lorsque le déplacement est effectué pour les besoins du travail. Il s’agit des
itinéraires accomplis en relation ou par le fait du travail dans la limite des
extrémités définies et sans détour ou interruption. Il n’est toutefois pas imposé au
travailleur un tracé fixe et invariable. Celui-ci peut emprunter telle ou telle voie en
fonction de diverses variables : chemin plus carrossable ou présentant moins de
risques d’embouteillage, etc. Il est seulement exigé, dans son exécution, que le
trajet soit le plus direct, c’est-à-dire le plus court et le moins dangereux. Cette
exigence fait appel à la notion de trajet normal1. Le trajet doit aussi avoir été
exécuté dans un temps proche du début de la cessation du travail. Il ne doit pas y
avoir suspension c’est-à-dire interruption délibérée du parcours. La notion de
suspension pourrait aussi s’appliquer au travailleur qui reste trop longtemps au
service après la cessation du travail pour des raisons non liées au travail.
525
l’employeur, si ce n’est que la victime court le risque de perdre le bénéfice de la
présomption de causalité (la relation entre l’accident et le travail). L’employeur
doit à son tour déclarer l’accident dans les 48 heures à la CNSS et lui fournir tous
les renseignements nécessaires au calcul des indemnités (période de travail, nombre
de journées, montant du salaire, date de la paie…). Il doit remettre au salarié une
feuille d’accident de travail, pour le bénéfice des prestations en nature.
1 Art.92 CSS.
2 Cf. Echo-CNSS, n° 4 et 5, 3e et 4e trimestre 1983, p.18.
3 Voy. Décret n° 96-355/PRES/PM/MTSS du 11 octobre 1996 portant liste de maladies professionnelles,
526
les infections microbiennes, les affections présumées résulter d’une ambiance ou
d’attitudes particulières présentées par les travailleurs exposés d’une façon
habituelle à l’action d’agents nocifs et considérées comme maladies
professionnelles… ». Cette liste est accompagnée de 53 tableaux classant les
maladies professionnelles ainsi que le délai de prise en charge ou durée
d’incubation. Ce délai court à compter de la cessation de l’exposition au risque.
Lors de la première constatation médicale, le salarié ne bénéficiera de la
présomption d’imputabilité que s’il n’a pas cessé d’être exposé au risque au-delà
du délai indiqué. Ce délai varie selon les maladies et pour la même maladie selon
les symptômes cliniques. Les causes de ces maladies peuvent être classées en trois
groupes. Il s’agit :
- Soit d’agents chimiques : mercure, phosphore, chlorure, plomb, ciment,
acide, etc. Ces agent chimiques sont causes de diverses maladies se présentant
comme des manifestations morbides d’intoxications aiguës ou chroniques
(exemple : saturnisme pour le plomb, benzolisme pour le benzène, silicose…).
- Soit d’affections dues à l’ambiance et aux attitudes particulières exigées
par le travail : salariés qui utilisent des marteaux pneumatiques ; travaux dans des
conditions atmosphériques anormales etc. ;
- Soit d’infections microbiennes tels que le charbon, le tétanos, la brucellose
ou fièvre ondulante (causée par les travaux dans les laiteries, abattoirs, boucherie)1.
Le travailleur qui estime être touché par une maladie professionnelle doit
établir :
- qu’il est atteint d’une maladie inscrite sur la liste des maladies
professionnelles 2 ;
- qu’il a exercé une activité susceptible de faire contracter la maladie prévue
au tableau des maladies professionnelles ; et,
- que le délai d’incubation n’est pas dépassé3. Ce délai d’incubation prend
pour base la date de cessation de l’activité.
1 Loi n° 3/59/AL du 3/1/1959, Recueil annoté, annexe 71 ; Décret 96.355 du 11 octobre 1996 fixant la liste des
maladies professionnelles voy., code social, p. 569 et s.
2 Cas de rejet de la qualification : C.A. Ouagadougou, arrêt n° 120 du 04/12/2001, Z.Y. c/ S. (travailleur admis
à l’hôpital en psychiatrie et qui impute sa maladie à un agression subie au service) ; C.A. Ouagadougou, arrêt
n° 135 du 06/12/1994 ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 86 du 02/5/1995, S.E c/ O.
3 Voyez les tableaux indiquant les maladies, les délais d’incubations et les travaux susceptibles de les
527
à l’ancienne métropole, par rapport à la nature des activités, aux conditions
climatiques et au niveau d’industrialisation1.
528
§ 1 - Les prestations en nature
569. La Caisse prend directement en charge un certain nombre de frais qui
sont compris dans le terme de soins médicaux1 . Ces soins s’étendent à la prise en
charge des frais de réadaptation, de rééducation et de reclassement.
1 V. art. 46 CSS.
2 Les frais de transport de la résidence au cabinet médical, pour le cas d’une victime qui aurait été conduite
chez lui au lieu d’aller directement au centre médical, ne sont pas pris en considération mais ils pourraient être
pris en compte dans la notion d’évacuation dans un centre hospitalier d’une autre localité.
3 Cf. articles 101 à 105 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
529
dans un établissement public ou privé agréé, à la charge de la Caisse. Le
bénéficiaire doit se soumettre au traitement et mesures prescrites, aux visites
médicales et contrôles organisés par la Caisse, s’abstenir de toute activité non
autorisée et accomplir les exercices et travaux prescrits.
faciliter le reclassement. Y. SAINT-JOURS, Traité T.1, p. 324 ; J. SAVATIER, Examen médical de reprise et
obligation de reclassement de la victime d’un accident du travail, Dr. Soc. 1999, pp. 8 et s.
4 V. Pour les licenciements jugés abusifs : C.A. Ouagadougou, Ch. Soc., arrêt n° 10 du 18/1.1994, in ZOMBRE
Léontine et SY Arouna, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), p. 213 ; C.A. Ouagadougou,
arrêt n°21 du 18/12/1997, R.S.Z. c/ F.F. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 26 du 04/3/1997, G.N.S. c/ S.
530
son incapacité permanente. Il est servi à la victime d’accident du travail ou de
maladie professionnelle des indemnités journalières, en cas d’incapacité
temporaire, et une rente, en cas d’incapacité permanente.
A - L’INDEMNITE JOURNALIERE
EN CAS D’INCAPACITE TEMPORAIRE
(SJM X 2)
I.J. = ------------
3
La rémunération journalière moyenne (SJM) est obtenue en divisant le total
des rémunérations soumises à cotisation (TR) des trois derniers mois par 90 (ou,
s’il n’a pas travaillé trois mois, le salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé trois
mois).
TR x 3
SJM = ----------- ou SJM = (TR3) : 90
90
Exemple :
1er mois : salaire de base (S.B.) 75 000, Indemnité 25 000, soit un total de
rémunération (T.R) de 100 000 ;
2ème mois : S.B. : 75 000 ; Indemnités : 30 000 ; T.R = 105 000 ;
3ème mois : S.B. ; 75 000 ; Indemnités : 35 000 ; T.R = 110 000.
315 000
SJM = ----------- = 3 500
90
1 Art. 47 CSS.
531
SJM x 2 3 500 x 2
I.J. = ----------- = ------------------- = 2 333,33
3 3
2ème exemple
1 500 x 2
Indemnité journalière = -------------- = 1 000
3
532
temporaire reçoit une allocation calculée de manière à lui assurer son ancien
salaire.
L’indemnité est payée selon la même périodicité que le salaire, sans pouvoir
être inférieure à sept jours ou supérieure à un mois. Elle peut être révisée lorsqu’il
y a une augmentation générale de salaire après l’accident et que l’interruption de
travail atteint trois mois1.
511, note 317 ; Voy. Egalement Echo-CNSS, n° 6 et 7 des 1er et 2ème trimestre 1984, p. 15, qui précise que le
taux d’incapacité « varie de 1 à 100% mais les textes le limite à 85%)
533
Les modalités de calcul
SMM x 85 SJM x 30 x 85
RIPT = ------------- ou ------------------
100 100
RJM = 3 000
3 000 x 30 x 85
RIPT = ---------------------- = 76 500
100
SMM x 85 I
RIPP = ---------------- x -----------
100 100
1 Article 50 CSS.
534
L’allocation d’incapacité est de trois fois le montant annuel de la rente
fictive correspondant au degré d’incapacité1. Ainsi, pour une incapacité de 10%
l’allocation sera :
574. La rente est versée trimestriellement. Mais elle peut être versée
mensuellement à la demande de l’assuré si le taux d’incapacité atteint ou dépasse
75% car le montant de la rente, qui justifie le versement mensuel ou trimestriel,
dépend de la rémunération et du degré d’incapacité. Le paiement mensuel est
obligatoire pour les victimes atteintes d’une incapacité permanente totale 2.
La rente peut être majorée pour assistance d’une tierce personne. Il en est
ainsi quand la victime est dans l’impossibilité d’accomplir seul les actes de la vie
courante et est donc obligée de recourir aux services d’une tierce personne. La
majoration est de 50%.
1 Article 50 §3 C.SS.
2 Art. 72 arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
3 Articles 203 et 208 du code du travail du 14 septembre 2004 (article 129 du code du travail de 1992).
4 V. décret n°97-288 portant relèvement du taux des pensions et rentes servies par la Caisse nationale de
sécurité sociale.
5 Article 55 CSS.
535
3) Le rachat
Les orphelins sont les enfants à charge tels que définis en matière de
prestations familiales. L’orphelin doit être âgé au plus de 14 ans s’il ne fréquente
pas un établissement scolaire, au plus de 18 ans pour les apprentis ou au plus de 21
ans s’il poursuit des études ou s’il est inapte à exercer une activité. Les rentes sont
réduites au fur et à mesure que les enfants cessent d’y avoir droit.
Le droit à la rente se prescrit par 5 ans alors que le droit aux indemnités
journalières et allocations funéraires se prescrit par un an1.
1Article 57 CSS.
2V. Paul Aihizi AKOI : Droit du Travail et de la prévoyance sociale en Côte d’Ivoire CEDA, Abidjan 1975, p.
261 : à l’âge du bénéficiaire de la rente correspondant un coefficient multiplicateur.
536
L’allocation de frais funéraires est égale à la moitié du salaire mensuel
maximum retenu pour le calcul des cotisations2. Si le décès s’est produit au cours
d’un déplacement de la victime pour son travail hors de sa résidence, la Caisse
supporte également les frais de transport du corps3.
A – LA FAUTE LOURDE
578. La faute lourde n’a aucune incidence sur le droit à réparation. Elle
n’est pas considérée de la même façon qu’en droit du travail. En matière de sécurité
sociale, ses effets sont moins graves. La faute lourde est celle que n’aurait pas
commise le travailleur le plus inexpérimenté en la matière. Il peut s’agir d’une
imprudence, d’une négligence, de l’irrespect de la réglementation ou d’un ordre du
1 Article 78 CSS.
2 Art. 53 CSS.
3 V. aussi, Convention de sécurité sociale des travailleurs migrants signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, in
537
supérieur hiérarchique1. Elle contient une idée de connaissance supposée, mais pas
un élément intentionnel.
B – LA FAUTE INTENTIONNELLE
C – LA FAUTE INEXCUSABLE
580. En droit du travail burkinabè, une distinction est faite entre faute
lourde et faute grave, alors que le droit français ne fait pas cette distinction. La
distinction de la faute inexcusable par rapport à la faute lourde peut relever de la
sémantique dans la mesure où le propre de la faute lourde en droit du travail est
d’être inexcusable. Selon la cour de cassation française, la faute inexcusable
1 V. comme exemple de faute lourde d’un préposé : C.A. Ouagadougou, arrêt n° 4 du 18/1/94 (accident du
travail mortel provoqué par un treuil non solide alors même qu’après visite d’inspection le supérieur avait
donné l’ordre de le consolider).
2 Op. cit. t.1, p. 333.
3 Cass. soc. (fr.), 26 janvier 1972, Dr. soc. 1972, 471, obs. Saint-Jours.
4 Cf. Y. SAINT-JOURS, ibid., p. 334.
538
« s’entend de celle d’une gravite exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une
omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et
l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément
intentionnel de la faute intentionnelle »1.
1 C. cass. (fr.). 15 juillet 1941, Veuve Villa, D. 1941, 117, note Rouast ; J.C.P. 1941, 1705, note J.Mihura.
2 C.A. Ouagadougou, arrêt n° 14 du 18/1/1994, précité.
3 J.P. CHAUCHARD, op. cit. p. 357.
4 H. SEILLAN, L’obligation de sécurité du chef d’entreprise, Dalloz 1981 ; CHAUCHARD, op. cit. p. 356.
539
amené à payer une cotisation supplémentaire. La faute du préposé peut être une
faute de direction si le préposé a été substitué à l’employeur et est investi d’une
délégation tacite ou expresse, ou une faute d’exécution si elle émane d’un préposé
sans pouvoir1. Le préposé peut évidemment encourir des sanctions disciplinaires si
sa responsabilité est établie2, même si la réparation ne lui est pas imputable.
540
541
CHAPITRE II - LA BRANCHE DES PENSIONS
581. La branche des pensions a été instituée par la loi n° 78/60 du 6 octobre
1960. Elle est la dernière née du régime de sécurité sociale burkinabè mais c’est la
branche la plus connue et la plus sensible. Cette branche, qui relève de la catégorie
des assurances sociales, comprend : l’assurance invalidité, l’assurance vieillesse et
l’assurance décès (ou survivant), Ces assurances servent des pensions et des
allocations (V. tableau statistique ci-après).
-
Direction DRO DRB DRN DRD DRF TOTAL
régionale
Et
Nature
Rentes viagères 620 301 42 22 21 1006
Rentes de veuves 219 75 13 15 8 330
Rentes d’orphelins 367 99 16 16 2 500
Rentes 78 24 15 13 9 139
d’ascendants
TOTAL 1284 499 86 66 40 1975
Source : CNSS, Annuaire statistique, n° 10- édition 2002
DR = Direction régionale (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Nord, Dédougou, Fada Ngourma)
Le trait commun de tous ces risques assurés est que l’indemnisation sous
forme de pension ou d’allocation se calcule sur les mêmes bases1. Le régime
d’assurance de cette branche est moins généreux pour le travailleur que celui de la
branche accidents du travail et maladies professionnelles, sur deux points :
542
Les conditions à remplir pour bénéficier des prestations de cette branche et
les prestations servies diffèrent selon qu’il s’agit de l’invalidité, de la vieillesse ou
du décès.
1) L’invalidité
Selon l’article 38, 3° CSS, « est considéré comme invalide l’assuré qui, par
suite de maladie ou d’accident d’origine non professionnel, a subi une diminution
permanente de ses capacités physiques ou mentales dûment certifiée par un
médecin désigné ou agréé par la Caisse le rendant incapable de gagner plus qu’un
tiers de la rémunération qu’un travailleur ayant la même qualification ou la même
formation peut se procurer par son travail ». L’invalidité est une réduction
stabilisée de la capacité de travail ou de gain. Elle est appréciée par le médecin
désigné ou agréé par la Caisse en tenant compte des facteurs tels que l’état général
de l’assuré, son âge, ses facultés physiques et mentales, ses capacités restantes de
travail. La réduction de capacité de travail ou de gain est appréciée, non pas par
rapport à la situation antérieure de l’intéressé, mais par rapport à sa profession.
543
2) La qualité de bénéficiaire
584. Pour avoir la qualité de bénéficiaire, l’assuré doit avoir été immatriculé
à la caisse depuis au moins cinq (5) ans et doit totaliser six (6) mois d’assurance au
cours des douze (12) derniers mois précédant le début de l’invalidité. L’assuré ne
doit pas avoir atteint l’âge de la retraite car à l’âge de la retraite, l’assurance
invalidité est remplacée par l’assurance vieillesse. L’âge de la retraite varie : il est
de à 56 à 63 ans pour le secteur privé1, de 55 à 63 ans pour les agents de l’Etat.
Mais est dispensé des conditions de cinq ans d’immatriculation et six mois
d’assurance dans les douze derniers mois, l’assuré qui est devenu invalide par suite
d’un accident2. Cet assuré doit seulement avoir occupé un emploi assujetti à
l’assurance à la date de l’accident et être immatriculé avant cette date.
§ 2 - Les prestations
586. L’assuré a droit à une pension d’invalidité. Le montant de cette
pension est égal à 20% de la rémunération mensuelle moyenne. Ce taux est majoré
de 1,33% si l’assuré a eu à cotiser pendant plus de 15 ans ou, en d’autres termes,
s’il totalise plus de 180 mois d’assurance. On considère comme mois d’assurance
tout mois pendant lequel l’assuré a travaillé 15 jours au moins. Pour le calcul de ses
mois d’assurance, les années comprises entre l’âge de la retraite et l’âge effectif de
l’invalide à la date à laquelle la pension prend effet sont assimilées à des années
d’assurance à raison de six mois par année.
1 V. Le décret n° 2005-24 portant fixation de l’âge de départ à la retraite des travailleurs salariés.
2 Article 38, 2°.
3 V. articles 1 à 4 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
544
La pension d’invalidité prend effet soit à la date de la consolidation ou de la
stabilisation de l’état de l’assuré soit à l’expiration d’une période de 6 mois
consécutifs d’incapacité si, de l’avis du médecin, l’incapacité devait durer
probablement encore 6 mois au moins. La pension est concédée à titre temporaire.
La Caisse peut procéder à des examens de l’assuré en vue de déterminer si une
évolution positive de son degré d’invalidité ne lui permet pas de reprendre le
travail. Il peut en être ainsi dans le cas d’une affection mentale.
Exemple de calcul :
545
Rémunérations des 3 dernières années = 380 000
+ 360 000
+ 340 000
----------
TR = 1080 000
1080 000 x 1
SMM = ---------------- = 30 000
36
30 000 x 27,98
Pension = ---------------------- = 8394 par mois
100
La pension n’a pas un caractère définitif : elle peut être révisée, suspendue
ou même supprimée. Elle est révisée en augmentation ou en diminution s’il y a
modification de l’état de l’invalide, par exemple si son état s’aggrave ou au
contraire s’il trouve un emploi rémunéré. Elle peut être suspendue si l’invalide
trouve un emploi qui lui assure 50% de sa rémunération antérieure. Elle est
supprimée si son nouveau travail assure un salaire atteignant celui d’avant. La
pension d’invalidité est transformée en pension de vieillesse si l’assuré atteint l’âge
de la retraite.
546
§ 1 - Conditions d’admission
Une distinction doit être faite entre l’assuré qui demande l’admission aux
prestations à l’âge légal et celui qui veut bénéficier d’une retraite anticipée, même
si dans les deux cas, la notion de vieillesse est la condition essentielle.
A – LA VIEILLESSE
1 Les modifications de l’âge légal de la retraite ont été facteurs de contentieux, spécialement en ce qui
concerne la différence à faire entre les travailleurs de la fonction publique et les travailleurs des entreprises
publiques. V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 48 du 21/3/1995, ONATEL c/ D.E. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 53
du 15/4/1997, SONABEL c/ R.G.E. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 114, du 4/11/1997, ASECNA c/ C.K. ; C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 50 du 5/6/2001, SOBTRI c/ S.I.
2 Article 5 de l’arrêté n° 1318 FPT du 24 décembre 1976.
3 Au Burkina Faso, en raison de l’inefficacité des administrations publiques et parapubliques et de
l’imprévoyance des assurés, la retraite commence, pour le salarié moyen, par une pénible période
d’endettement voir de mendicité pour subsister, en attendant que les dossiers de pensions aboutissent.
547
Le droit aux pensions, rentes et allocations de vieillesse, d’invalidité,
d’incapacité ou de survivants est prescrit par cinq ans1. Cette prescription
commence à courir le lendemain du jour où les conditions requises pour le bénéfice
des prestations sont remplies.
B – LA RETRAITE ANTICIPEE
589. Lorsqu’il s’agit d’un assuré qui demande à prendre une retraite
anticipée, c’est-à-dire avant l’âge de 56, 58, 60 ou 63 ans, il doit réunir les
conditions suivantes :
- être âgé de 50 ans2 ;
- avoir cotisé pendant 180 mois ;
- avoir cessé toute activité ;
- produire à l’appui de sa demande de pension anticipée une attestation de
son employeur indiquant qu’il est inapte à remplir ses fonctions et un certificat
médical établissant l’usure prématurée de ses facultés3. La caisse peut faire
effectuer une enquête auprès de l’employeur et un examen médical par son
médecin-conseil. En cas de désaccord entre le médecin de la caisse et le médecin
de l’assuré, il est procédé à une expertise médicale. L’avis de l’expert n’est pas
susceptible de recours. Le refus de la caisse peut faire l’objet de recours gracieux et
contentieux conformément aux articles 86 et 87 CSS.
§ 2 - Les prestations
590. Les droits de l’assuré dépendent de ses années de cotisation. Il a droit à
une pension s’il a cotisé pendant 15 ans ou 180 mois, à une allocution ou à un
remboursement s’il n’a pas atteint 15 ans de cotisation Ces prestations sont
complétées par d’autres à la charge de l’employeur : l’article 35, al.8, de la
convention collective interprofessionnelle de1974 prévoit qu’il lui est versé une
indemnité de départ à la retraite calculée selon les mêmes règles que l’indemnité de
licenciement4.
A – LA PENSION DE VIEILLESSE
548
SMIG. Toutefois ce montant minimal ne doit pas dépasser 80% de la rémunération
mensuelle moyenne de l’assuré.
B - L’ALLOCATION DE VIEILLESSE
549
Par exemple, s’il a cotisé pendant 12 ans soit 144 mois, cela fait 24 périodes
de 6 mois. Il aura donc 24 fois sa pension mensuelle fictive de vieillesse.
150 000 x 20
---------------- = 30 000 Fcfa
100
- son allocation sera de 30 000 x 24 = 720 000.
C – LE REMBOURSEMENT DE COTISATION
550
vieillesse ou d’invalidité ou qui justifiait de 180 mois d’assurance, les survivants
ont droit à une pension de survivants.
Les survivants d’un assuré décédé avant l’âge de la retraite ont droit à cette
pension si l’assuré défunt justifiait de 180 mois d’assurance. Si l’assuré ne
remplissant pas ces conditions, les survivants (la veuve ou le veuf invalide ou à
défaut, les orphelins) bénéficieront d’une allocation de survivant versée en une
seule fois.
Les formalités à accomplir par les bénéficiaires sont relatives aux preuves
des conditions ouvrant droits aux pensions ou à l’allocation :
- acte de décès de l’assuré ;
- certificat de non remariage pour la veuve ou le veuf invalide ;
- certificat d’invalidité pour le veuf ;
- certificat de tutelle pour les enfants. Ce certificat en indispensable lorsqu’il
n’y a pas eu de mariage.
§ 3 – Les prestations
1 V. art. 40 § 2.
2 D. 70. 221 concl. Lindon, note Dupeyroux.
3 Cf. J.J. DUPEYROUX et al., op. cit. n° 832.
4 Cf. article 61 C.S.S.
5 V., art. 41 CSS.
551
597. Les survivants ont droits à des pourcentages de la pension qu’avait ou
aurait eu droit l’assuré. En ce qui concerne les droits hors sécurité sociale, c’est-à-
dire à la charge de l’employeur, l’article 27 CCIP prévoit que celui-ci participe aux
frais funéraires jusqu’à concurrence de cinq fois le taux du SMIG. Il verse aux
ayants droits l’équivalent de l’indemnité de départ à la retraite ou de l’indemnité de
rupture. Cette indemnité est égale à l’indemnité de licenciement.
1 Art. 40 C.S.S.
2 Art. 40 § 4.
552
553
CHAPITRE III - LES PRESTATIONS FAMILIALES
ET DE MATERNITE
598. La branche des prestations familiales est la première née du régime de
sécurité sociale burkinabè. Elle a été instituée par l’arrêté n° 1029 ITLS du 06
décembre 1955 avec effet au 1er janvier 1956. La gestion du régime était confiée à
une Caisse de compensation des prestations familiales dont le siège était fixé à
Bobo-Dioulasso avant le transfert de l’institution, grossie des branches des risques
professionnels et de l’assurance vieillesse, à Ouagadougou le 28 octobre 1963.
1 Sur la difficulté que soulève la notion de prestations familiales, v. J.J. DUPEYROUX et al., op. cit., p. 687.
554
Burkina Faso, et en Afrique en général, où l’on reconnaît que la forte natalité est un
des facteurs du blocage du développement. Cette considération peut expliquer que
les allocations familiales gardent un caractère symbolique1. L’accent est mis sur les
prestations en nature en direction de la mère et de l’enfant.
1 L’on souligne aussi, en terme de justice sociale, que les salariés n’apparaissent pas comme les plus pauvres,
selon les indicateurs de pauvreté.
2 Le taux de cotisation est passé de 8% en 1971 à 11% en 1975 avant de retomber à 7% en 2003.
555
SECTION II - CONDITIONS D’OUVERTURE AU BENEFICE
DES PRESTATIONS FAMILIALES
600. Les personnes qui bénéficient des prestations familiales sont les
femmes assurées sociales elles-mêmes ou les femmes des assurés sociaux. Il faut
donc faire la distinction entre l’allocataire et l’attributaire.
556
La seconde condition générale tient à la situation familiale, c’est-à-dire à la
notion d’enfant à charge. Les allocations familiales sont attribuées à l’assuré pour
chacun des enfants à charges dans la limite de six enfants1. Les enfants à charge
sont « ceux qui vivent avec l’assuré et dont il assure de façon permanente
l’entretien ». La condition de cohabitation reste remplie si l’absence de l’enfant du
foyer est justifiée par des raisons de santé ou d’éducation.
La limite d’âge des enfants pris en compte est de 14 ans. Cette limite
correspondait à celle de l’âge où la scolarité est obligatoire. Mais l’âge de travail
est porté à 15 ans sans répercussion pour le moment sur le texte de la sécurité
sociale. La limite d’âge a été poussée à 18 ans pour l’enfant placé en apprentissage
dans les conditions prévues par le Code du travail, et à 21 ans pour l’enfant
poursuivant des études ou infirmes ou atteint de maladie incurable. Ces différentes
limites d’âge reposent sur l’idée que l’enfant n’est pas en état d’exercer une activité
professionnelle lui permettant de subvenir à ses propres besoins. En ce qui
concerne les enfants placés en apprentissage ou poursuivant des études,
l’attribution de bourses ne fait pas obstacle à l’attribution des allocations
familiales2.
Outre la condition d’âge, il faut que l’enfant entre dans une des catégories
suivantes :
- enfant de l’assuré(e) ;
- enfant que la femme de l’assuré a eu d’un précédent mariage lorsqu’il y a
eu décès régulièrement déclaré ou divorce prononcé en justice à condition que le
premier mari ne contribue pas à l’entretien ;
- enfant adopté ou légitimé conformément aux règles du code civil ;
- enfant des mères célibataires salariées ;
- enfant d’un travailleur décédé placé sous tutelle3.
1 Art. 61 § 1 CSS.
2 Art. 61, 6° CSS.
3 V. Loi 50- 93 ADP du 16 décembre 1993.
4 Article 62 CSS. V. l’art. 35, 2° de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976 qui précise la condition de temps
moyen de travail.
557
§2 – Les conditions de forme
603. L’assuré doit faire une demande de prestations familiales. La caisse lui
attribue un numéro matricule d’allocataire et un livret familial d’allocataire. La
femme de l’assuré ou la femme elle-même assurée est tenue d’accomplir les
formalités ci-après :
1 Art. 75 CSS.
558
prélèvement sur les recettes des différentes branches de la sécurité sociale, si la
situation des réserves de ces branches le permet1.
606. Les allocations familiales sont liquidées sur la base de 1000 Fcfa par
mois d’assurance et par enfant à charge. Elles sont en principe payées à terme échu
tous les trois (3) mois, entre les mains de la mère. Mais elles peuvent être
directement payées par l’employeur au travailleur allocataire. Le paiement de ces
allocations est subordonné à des obligations particulières. L’allocataire doit
justifier :
- d’une activité salariée car l’allocation est payée par mois d’assurance. On
entend ici par mois d’assurance, tout mois civil pour lequel l’allocataire a justifié
d’une activité salariale d’au moins 18 jours ou d’au moins 120 heures. la
justification est faite par un bulletin de présence signé de l’employeur ;
- fournir un certificat de visite médicale tous les deux mois pour chaque
enfant de moins d’un an ;
- fournir un certificat de vie ou de scolarité tous les ans pour ceux de 1 à 6
ans ;
559
- fournir un certificat de scolarité ou d’apprentissage pour ceux de 14 à 21
ans, ou un certificat médical pour les infirmes1.
Dans le cas d’un repos supplémentaire justifié par une maladie résultant de
la grossesse ou de la couche, l’indemnité journalière peut être payée jusqu’à
concurrence d’une période supplémentaire de trois semaines. S’il y a erreur du
médecin dans l’estimation de la date d’accouchement, elle conserve son droit à
l’indemnité journalière à compter de la date indiquée sur le certificat jusqu’à la date
de l’accouchement.
1 V. statistique des prestations de la CNSS dans « Echo de la CNSS n°3, 2ème trimestre 1983.
2 Article 1er de l’arrêté n° 712 FPT/CNSS du 23 janvier 1981 relatif à l’indemnité journalière versée à la
femme salariée en couche, Codes et lois du B.F., t. IX, p. 560.
3 Article 3 de l’arrêté n° 712 FPT/CNSS du 23 janvier 1981.
560
561
CHAPITRE IV - LES ACTIONS COMPLEMENTAIRES :
L’ACTION SANITAIRE ET SOCIALE
608. L’article 2 CSS dispose que « le service légal des prestations est
complété par une action sanitaire et sociale ». Cette disposition est complétée par
l’article 75 CSS qui crée un Fonds d’action sanitaire et sociale (FASS) dont les
ressources peuvent être utilisées :
Le fonds d’action sanitaire et sociale est financé par deux types de recettes :
le produit des majorations de retard perçues à l’encontre des employeurs qui ne
versent pas leurs cotisations en temps utile ; et des prélèvements sur les recettes des
différentes branches du régime de sécurité sociale, si le niveau des réserves de la
branche le permet2.
1 Elles peuvent être considérées comme la base juridique sur laquelle le gouvernement à souvent amené la
Caisse à investir dans ses programmes économiques et sociaux trop généraux et risqués, tels que : « bataille du
rail » (construction de la ligne de chemin de fer Ouagadougou – Kaya), projets d’aménagements agricoles.
2 Selon l’article 1er de l’arrêté n° 1316 du 24 décembre 1976, ces prélèvements, qui doivent aussi couvrir les
frais d’administration de la Caisse, sont répartis entre les diverses branches proportionnellement à la somme
des recettes et des dépenses de prestations de chaque branche rapportée à la somme des recettes et des dépenses
de prestations de l’ensemble. Le système est peut-être simple mais il ne prend pas en compte les charges
administratives réelles de chaque branche et la part réelle des actions devant entrer dans les missions de chaque
562
Les actions principales du Fonds peuvent être classées en trois volets : La
prévention, l’action sanitaire et l’aide sociale. La participation à des institutions, les
aides individuelles ou les subventions à des organismes devraient normalement
correspondre à l’une de ces trois premières missions. Ces missions sont prises en
charge par une direction centrale, la Direction de la prévention et de l’action
sanitaire et sociale.
§ 1 - Le problème de la prévention
609. En tant qu’ « assureur » chargé d’indemniser ou de prendre en charge
les victimes des risques professionnels, la sécurité sociale est directement
intéressée par le problème de la prévention, même si la question est beaucoup plus
traitée dans le code du travail et ne fait l’objet que d’un seul article pertinent dans
le code de sécurité sociale. La fréquence des accidents du travail et maladies
professionnelles entraîne de lourdes charges de réparation pour la Caisse mais
surtout des conséquences sociales incalculables. Le décès ou l’invalidité d’un
assuré compromet généralement les conditions de vie de la famille large et les
chances d’une bonne scolarisation des enfants. L’adage « mieux vaut prévenir que
guérir » est d’autant plus de mise que les pensions et allocations qui peuvent être
servies ne compensent que partiellement la perte de capacité de travail du salarié.
branche. Par exemple, est-il juste de faire financer la prévention des risques professionnels par les cotisations
de prestations familiales ?
1 Il n’est pas rare de voir des ouvriers construire des maisons à plusieurs niveaux en faisant monter le béton
avec des sceaux ou des manutentionnaires tracter des marchandises avec des chariots à bras alors que la
quantité et la valeur des produits justifient le recours à des camionnettes.
563
transport ; Même le matériel de sécurité, lorsqu’il est utilisé, peut s’avérer obsolète
ou mal adapté aux conditions climatiques (par exemple le port de bottes qui
protégent en même temps contre le froid dans les pays tempérés, peut être un
calvaire dans les pays chauds surtout si elles sont en caoutchouc1.
Année effectifs
1991 2727
1992 2828
1993 3189
1994 3158
1995 2312
1996 3072
1997 3945
1998 4371
1999 4118
2000 3988
2001 3369
2002 3233
564
§ 2 - Le cadre légal et institutionnel
Le cadre législatif et réglementaire ainsi que les institutions qui doivent les
mettre en œuvre sont concurremment traités dans le code du travail et dans le code
de sécurité sociale.
les conditions d’hygiène et de sécurité sur les lieux de travail. Ce décret spécifique n’ayant pas été pris, c’est
l’arrêté 5253 IGTLS-AOF du 19 juillet 1954 qui est applicable. V. Code social, p. 397.
565
code du travail. Aux dispositions de l’article 75 s’ajoutent les articles 156 à 159 de
la loi 3-59 du 30 janvier 1959, qui restent en vigueur, leurs dispositions n’ayant pas
été reprises dans un autre texte1.
1 Cf. loi 3-59 ACT du 30 janvier 1959 instituant un régime de réparation et de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnels en Haute-Volta, tacitement abrogée dans la grande majorité de ses
dispositions par l’adoption d’un Code de sécurité sociale en 1972, J.O.RHV du 16 février 1959, p.105 ; Code
social, p. 525.
2 V. Article 219 C.trav. (138 code de 1992) et le décret 96-17 du 30 janvier 1996 portant composition, et
de santé des travailleurs » O.S.T., J.O.BF du 6 août 1987, p. 761 et Kiti AN IV 430 CNR/SAN du 31 juillet
1987, portant statut particuliers de l’Office de santé des travailleurs, J.O.BF du 6 août, p. 762, modifié par le
Kiti AN VII 399 du 25 juillet 1990, J.O.BF du 13 septembre 1990, p. 964.
4 V. Art. 240 à 251 C. trav. de 2004.
566
comités d’hygiène et de sécurité1 devenus Comité de sécurité et de santé2. L’article
239 C.trav. prévoit en outre la création d’un service de sécurité en milieu de travail
dans les entreprises industrielles occupant cinquante travailleurs. En matière de
médecine du travail, la loi fait obligation à toute entreprise d’assurer la couverture
sanitaire du travailleur selon des modalités qui tiennent compte de la taille de
l’entreprise : création d’un service médical propre à l’entreprise, d’un service
médical commun à plusieurs entreprises ou abonnement de l’entreprise à l’OST
pour accomplir les prestations prévues par le Code du travail, à la charge de
l’employeur.
C – LA RÔLE DE LA CNSS
567
Outre l’action de la DPAS, la Caisse peut, d’une manière générale,
promouvoir la prévention par des subventions ou avances visant à : favoriser
l’enseignement de la prévention ; récompenser des initiatives en matière de
prévention, d’hygiène et de sécurité ; créer et développer des institutions ou œuvres
dont le but est de susciter et perfectionner les méthodes de préventions, de
réadaptation et de rééducation1.
1Les statistiques de la Caisse font mention de subventions à des œuvres extérieures, d’un montant d’environ
140 millions Fcfa, sans autres précisions sur la nature et l’action des bénéficiaires. Cf. Annuaire statistique, p.
96.
568
d’autres formations sanitaires publiques ou privées agréées par le Ministère de la
santé1.
Les centres SMI et les SMI mobiles reçoivent les femmes et les nourrissons
pour les soins préventifs et curatifs, les séances d’éducation nutritionnelle et de
démonstration d’utilisation de produits alimentaires. Ils organisent des entretiens
sur la planification familiale. Par ailleurs, les services sanitaires de la Caisse
participent aux actions préventives de vaccinations dans le cadre, par exemple, des
programmes élargis de vaccination (PEV).
Les critiques qui peuvent être émises sur l’action sociale sont qu’elle ne
cible pas suffisamment les bénéficiaires et ne fait pas l’objet d’un programme à
moyen et long terme sur la base d’un budget stable. Les actions au coup par coup
ne peuvent avoir d’effet d’entraînement positif sur la situation visée. La mission
d’action sanitaire est conçue de manière trop large : par exemple, il est dit que le
service de promotion des assurés sociaux est chargé, outre d’assurer l’assistance
matérielle et financière pour la promotion des assurés dans les limites
réglementaires et d’apporter une assistance aux veuves et orphelins dans la gestion
des pensions, « d’assurer la promotion et l’encadrement des jeunes filles ». Il s’agit
1V. le décret n° 59 du 21 février 1962 portant dispositions spéciales de contrôle médical pour le régime des
prestations familiales en fonction des formations sanitaires existantes, qui autorise à pratiquer les soins
médicaux dans les cabinets de consultations, dispensaires, maternités, formations sanitaires, libres ou
administratifs.
569
manifestement d’une interprétation extensive des missions de la Caisse1, même si
la cause est « politiquement correcte ».
1 V. Décision 95- 369 du directeur de la CNSS, précitée. Cette interprétation était encore plus extensive sous la
révolution. V. Echo-CNSS n° 15, 1986, p.5.
570
571
CHAPITRE V - LE CONTRÔLE ET LE CONTENTIEUX DE
LA SECURITE SOCIALE
616. La réglementation de sécurité sociale est soumise au même type de
contrôle administratif qu’en matière de droit du travail, et le contentieux de la
sécurité sociale fait une large part à la compétence des juridictions du travail, bien
qu’il connaisse de nombreuses particularités.
SECTION I - LE CONTROLE
Le contrôle de l’application par les employeurs de la réglementation en
matière de sécurité sociale est assuré par les agents de contrôle de la caisse et par
les inspecteurs et contrôleurs du travail1.
D’abord, par le fait que la CNSS est moins localement déconcentrée que les
services du ministère concerné, certaines directions extérieures du travail peuvent
être chargées des services de la caisse de sécurité sociale là où la caisse n’en
dispose pas. Les directions régionales de ce ministère sont d’ailleurs appelées
directions régionales du travail et de la sécurité sociale ;
1 Art. 85 C SS.
2 Art. 26-1 CSS.
3 Art. 44 CSS.
4 Article 18 et s. de l’arrêté n° 1318 du 24/12/1976.
572
En outre, l’inspecteur régional du travail participe à la procédure de
sanction contre les employeurs défaillants, parce qu’il donne son avis quand le
Directeur général de la caisse veut user des procédures de contraintes contre un
employeur pour le recouvrement des cotisations (art. 29 et 30 C.S.S.).
Les agents de contrôle de la Caisse ont à peu près les mêmes statuts et
attributions que les contrôleurs du travail1 :
- Ils prêtent serment dans les conditions prévues pour les contrôleurs du
travail 2 ;
- Ils sont tenus au secret professionnel ;
- Ils ont qualité pour dresser des procès-verbaux en cas d’infraction aux
dispositions du CSS et des règlements d’application. Ces PV font foi jusqu’à
preuve contraire ;
- Ils ont le droit de pénétrer dans les locaux à usage professionnel, de
contrôler l’effectif du personnel, d’avoir communication de tout document prévu
par la législation du travail, notamment le « livre de paie » et le « registre
employeur » ;
- Les employeurs sont tenus de les recevoir lors de leurs tournées. Les
oppositions ou obstacles à l’accomplissement du travail des contrôleurs sont
passibles des mêmes peines que celles prévues par le code du travail en ce qui
concerne les inspecteurs et contrôleurs du travail3.
1 Art. 85 §I et 2 CSS.
2 V. art. 362 et 370 nouveaux (art. 219 et 224 anciens C.trav.) : les inspecteurs du travail prêtent serment devant
la Cour d’appel et les contrôleurs du travail prêtent serment devant le tribunal du travail.
3 Cf. art. 388, 9° nouveau ou art. 238 j. ancien. Cet article prévoit des sanctions d’amende de 50.000 à
1000.000 Fcfa et/ou d’emprisonnement de 1 mois à 3 ans et, en cas de récidive, une amende de 300 000 à 600
000 Fcfa CFA et/ou l’emprisonnement de 2 mois à 5 ans.
573
SECTION II - LE CONTENTIEUX DE LA
SECURITE SOCIALE
A ces deux types s’ajoutent les contentieux relevant des juridictions civiles,
pénales ou administratives.
§ 1 - Le contentieux général
620. Aux termes de l’article 86 § 1 du Code de sécurité sociale, « les litiges
auxquels donne lieu l’application des législations et réglementations de sécurité
sociale visant les assurés, les employeurs et la Caisse, à l’exception des affaires
pénales et des litiges qui appartiennent exclusivement par leur nature à un autre
contentieux, seront réglés par le tribunal du travail dans le ressort duquel se trouve
la résidence habituelle de l’assuré ou le siège social en Haute-Volta (Burkina Faso)
de l’employeur intéressé ».
1V. articles 86 et 87 CSS et articles 122 à 125 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
2V. J.J. DUPEYROUX et al., 14e édit., pp. 993 et s. ; F. TAQUET, Le contentieux de la sécurité sociale, Litec,
1993 ; M. LAROQUE, La répartition des compétences juridictionnelles sur les actes réglementaires des
organismes de sécurité sociale, Dr. soc., 1984, p. 141 ; M.-M LEGOUCHY, Le contentieux de la sécurité
sociale, RPDS, n° 668, 2000, p. 383 ; M. PIERCHON, Guide du contentieux de la sécurité sociale, 2e édit.
1998.
574
A - LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL
Pour que le tribunal du travail soit compétent, il faut que le litige donne lieu
à l’application des lois et règlements de sécurité sociale, mais que ceux-ci ne
relèvent pas, par leur nature, d’un autre contentieux.
575
2) La portée des décisions
Les actions dans le cadre du contentieux général peuvent être engagées par
les assurés, les employeurs ou la caisse. Ces contestations sont portées d’abord
devant une commission de recours gracieux, puis devant le tribunal du travail.
1Art. 87 CSS.
576
conseil d’administration. Au delà de ce chiffre, c’est la Commission de recours
gracieux qui statue. Il en est de même en matière d’ouverture du droit aux
prestations où la saisine de la Commission doit faire suite à une décision
défavorable de la Caisse. Il s’agit d’un recours amiable avant le recours
contentieux, mais cette procédure amiable diffère de la conciliation dans la mesure
le recours est adressé à l’organe qui a pris la décision.
623. Le requérant dispose d’un délai de deux (2) mois à compter de la date
de notification de la décision de la Commission de recours gracieux pour saisir le
tribunal du travail. S’il s’agit d’une décision implicite de rejet, le délai de deux
mois est compté à partir de la date présumée de rejet. L’action est introduite par
déclaration écrite ou verbale faite au greffe du tribunal du travail. Il n’est plus exigé
une phase de conciliation devant l’inspecteur du travail, cette phase étant
remplacée par le recours gracieux.
577
Si un employeur ne paie pas ses cotisations dans les délais requis, la Caisse
le met en demeure par lettre recommandée d’avoir à régulariser sa situation dans un
délai de quinze (15) jours au moins et de trois mois au plus1. Cette mise en
demeure est préalable à toute poursuite. Si après la mise en demeure, l’employeur
ne s’exécute pas, la caisse peut lui délivrer, après avis de l’inspecteur régional du
travail, une contrainte2. Cette contrainte est visée et rendue exécutoire par le
président du tribunal du travail. Elle vaut titre exécutoire et comporte tous les effets
d’un jugement. Elle peut faire l’objet d’une exécution par mandataire de justice.
L’employeur peut obtenir l’interruption de l’exécution de la contrainte en saisissant
le tribunal en contestation de la réalité du montant de la dette.
En ce qui concerne les cotisations dues par les collectivités locales et autres
personnes morales de droit public, la caisse peut saisir l’autorité de tutelle de la
personne morale débitrice. L’autorité de tutelle ordonne, dans les trois mois suivant
la date d’échéance des cotisations, le paiement d’office des sommes dues par arrêté
tenant lieu de mandat de l’ordonnateur de la personne morale débitrice. Cette
procédure se justifie par le fait que les cotisations sont des dépenses obligatoires 3.
L’ordonnateur de la personne morale débitrice est tenu d’exécuter immédiatement
l’ordre de paiement si des fonds sont disponibles ou de suspendre tout autre
paiement, à l’exception des salaires, jusqu’à exécution totale de l’ordre. Cette
procédure ne semble pas réellement utilisée puisque les personnes morales visées
sont souvent lourdement débitrices à l’égard de la CNSS.
1 Art. 29 CSS.
2 Art. 30 CSS.
3 Cf. art. 88 CSS.
4 V. D. ROMAN, Le contentieux technique de la sécurité sociale à l’épreuve du procès équitable, Dr. Soc.,
2001, p. 734.
5 V. J.J. DUPEYROUX, op. cit. pp. 1005 et s. ; S. JUILLOT-BERNARD, J. MORET-BAILLY, Les nouveaux
contentieux des professionnels de santé, Dr. Soc., 1996, p. 840 ; X. PRETOT, Le contentieux des sanctions
appliquées aux praticiens et auxiliaires médicaux, RJS, 12/98, p. 871 et RJS, n° 5/01, p. 391.
578
agréées par le ministre de la santé pour charger ces services de donner des soins et
de procéder aux visites médicales prévues par le Code du travail ou les textes
régissant la sécurité sociale1. Ce contentieux est aussi d’ordre médical mais
l’inexistence d’une assurance maladie, celle-ci étant généralement accompagnée
d’une réglementation touffue en matière de prescriptions médicales, explique le
caractère marginal du contentieux du contrôle technique.
1 V. également les articles 119 et surtout 125 de l’arrêté n° 1318 sur la contestation par la Caisse des
tarifications du médecin.
2 V. art. 122 à 125 de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre 1976.
3 V. Y. SAINT-JOURS, De la nécessité d’une réforme de l’expertise médicale en droit de la sécurité sociale,
RPDS, 1/88.
4 En France, depuis une loi du 23 janvier 1990, le juge n’est plus lié par l’avis médical. Il est possible de
recourir à une contre expertise. Cf. J.P. CHAUCHARD, op. cit. p. 208.
579
En matière d’appareillage, il est crée, auprès du Ministre de la santé, une
commission d’appareillage qui statue sur : les rejets de demande de fourniture, de
réparation, de renouvellement ou de remplacement d’appareils de prothèse ou
d’orthopédie ; et le refus par la Caisse de l’appareil choisi par la victime ou le
médecin traitant.
580
- l’article 90-2° CSS, qui prévoit d’une manière générale, des peines
d’amendes allant de 5 000 à 10 000 Fcfa et, en cas de récidive, de 10 000 à 50 000
Fcfa, pour les contraventions aux dispositions du code et de ses textes
d’application. Cette disposition est applicable, par exemple, au non paiement des
cotisations, sans préjudice des majorations pour retard ou non production des
bordereaux nominatifs de salariés. L’action publique contre l’employeur ou son
préposé est prescrite après un an, l’action civile par 5 ans.
Le salarié peut aussi être poursuivi pour fraude ou fausse déclaration en vue
de bénéficier des prestations qui ne sont pas dues1. La sanction applicable est une
amende de 5 000 à 50 000 Fcfa et/ou un emprisonnement de six jours à trois mois,
sans préjudice du remboursement des sommes indûment payées et des peines
résultant de l’application d’autres lois2.
626. Les juridictions civiles peuvent avoir à connaître des litiges relatifs à la
sécurité sociale, soit en raison de dispositions expresses du droit de la sécurité
sociale ou du droit civil ou judiciaire (contestations électorales, question d’état,
vérification d’écriture…), soit par la mise en jeu de la responsabilité délictuelle
d’un tiers, de l’employeur ou de la caisse. Ainsi, les contestations électorales pour
les élections aux organes de la CNSS relèvent des juridictions de droit commun. De
même, en matière de recouvrement de créances de cotisations compromises, la
Caisse est amenée à intervenir devant ces juridictions lorsqu’une entreprise est en
faillite ou en liquidation judiciaire, pour faire valoir ses privilèges et garanties. Elle
peut même s’opposer à une fusion si l’une d’entre elle lui reste redevable3.
Ces juridictions peuvent aussi avoir à statuer par voie d’exception en vertu
du principe selon lequel le juge de l’action est juge de l’exception. Il peut en être
ainsi du recours de la Caisse contre le tiers responsable en application du droit de la
responsabilité civile ou des actions en responsabilité exercée par un assuré en cas
de violation de la réglementation. Toutefois, dans l’arrêt n° 50 du 20 juin 2000, la
Cour d’appel de Ouagadougou a débouté l’employeur qui contestait la compétence
du tribunal du travail pour connaître d’une action du travailleur en dommages et
intérêts pour paiements irréguliers des cotisations qui l’ont privés de pension. La
Cour d’appel a estimé que « la demande formulée par le travailleur a pour objet une
obligation née du contrat ». Curieusement, l’employeur s’appuyait sur l’article 90
CSS qui en fait une infraction pouvant faire l’objet de poursuite devant les
581
juridictions pénales. On peut se demander si, dans ce cas précis, une juridiction de
droit commun saisie ne risque pas elle aussi de se déclarer compétente1.
1 L’article 287 du code de 2004 affirme plus nettement la compétence du tribunal du travail en matière de
sécurité sociale.
582
583
TITRE IV - LES PROBLEMES DE COORDINATION OU
D’HARMONISATION ENTRE SYSTEMES
DE SECURITE SOCIALE
628. Deux questions particulières de coordination ou d’harmonisation se
posent à la sécurité sociale burkinabè : au niveau national, il se pose le problème de
la coordination entre le régime unique des salariés relevant du code du travail et le
régime de protection sociale des agents de l’Etat, dans la mesure où les travailleurs
peuvent passer, par changement d’emploi, d’un régime à l’autre ; dans l’ordre
international, la protection des travailleurs migrant demande une coordination et
même une harmonisation entre les systèmes nationaux de sécurité sociale.
584
585
CHAPITRE I - LA COORDINATION ENTRE SYSTEMES
INTERNES DE SECURITE SOCIALE
629. Au Burkina Faso, il n’existe que deux régimes formels de sécurité
sociale : celui des salariés du secteur privé et celui des agents de l’Etat 1. Les deux
régimes sont semblables, mais peuvent comporter quelques différences notables,
par exemple, dans les avantages offerts, dans le taux de cotisation, dans les âges
limites de retraite etc.
1 Les personnels propres des collectivités locales ne bénéficient pas d’un système particulier de sécurité
sociale. Ils relevaient en principe de la CNSS à l’exclusion de ceux de l’État mis à disposition, avant la
décision de les soumettre au système particulier des agents de l’État. Toutefois, ils bénéficient d’un statut
général qui leur accorde des prestations à la charge de l’employeur analogue à celles des agents de l’État. V.
article 79 et s. de la loi 047/96 du 21 novembre 1996 portant statut général des agents des collectivités locales,
sur le congé de maladie.
2 Par exemple, l’intégration dans la fonction publique d’agents temporaires soumis au code de sécurité sociale
novembre 1959, p. 1.
4 J.O.RHV du 6 août 1960, p. 707.
5 Zatu An IV-011 bis/ CNR/TRAV du 25 octobre 1986 J.O. BF du 30 octobre 1986, pp. 787 et s.
6 Zatu n° An VI-008/FP-TRAV du 26 octobre 1988 portant statut général de la fonction publique, J.O.BF du 27
entre l’Etat et les autres acteurs du développement, J.O.BF, n° spécial du 25 juin 1998, p. 2 ; loi n° 13/98/AN
du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique, J.O.BF
n° 1, spécial du 25 juin 1998, Code public et administratif, p. 1141 ; loi n° 20/98/AN du 5 mai 1998 portant
586
mouvement de balancier a pour conséquences qu’à chaque fois, ceux qui changent
de statut doivent procéder à des « validations de services » lorsqu’ils passent de
l’un à l’autre système de sécurité sociale, d’où l’intérêt d’une coordination. C’est
ce que nous verrons après avoir présenté le régime applicable aux agents de l’Etat.
Mais les agents de l’Etat, n’étant pas soumis à un même régime juridique,
ne sont pas non plus soumis au même système de protection. L’organisation de la
protection dépend à la fois du statut de l’agent – selon qu’il est fonctionnaire ou
contractuel - mais aussi de la distinction entre prestations prises en charge par
dotations budgétaires et celles relevant de la Caisse autonome de retraite des
fonctionnaires.
587
fonction publique ne sont pas seulement ceux soumis à un « statut général de la
fonction publique ».
Parmi les agents régis par la loi 013/98 qui tient lieu de statut général, l’on
distingue les fonctionnaires et les contractuels. Le statut de fonctionnaire est défini
de manière restrictive par énumération de types d’emplois qui y sont soumis. Selon
l’art. 57 loi 013/98 : « est fonctionnaire au sens de la présente loi, tout agent
nommé et titularisé dans l’un des emplois publics permanents ci-après : emplois de
conception, de prestations intellectuelles et techniques de haut niveau, concourant
à l’exécution des missions d’orientation, de formulation, de contrôle et de suivi
évaluation des politiques sectorielles de l’Etat ; emplois de conception, de
prestations intellectuelles et techniques de haut niveau, d’application ou
d’exécution, concourant à la mise en œuvre des missions de souveraineté dévolues
à l’Etat ; emplois de conception, d’application ou d’exécution concourant à la mise
en œuvre de missions jugées stratégiques par l’Etat ». Cette énumération, par le
caractère vague de ses formules, laisse une large part d’arbitraire dans la
classification des emplois, notamment en ce qui concerne l’appréciation du
caractère stratégique ou de souveraineté des missions. Les agents contractuels sont
ceux qui occupent des emplois permanents n’entrant pas dans l’énumération de
l’article 57 et ceux qui occupent des emplois non permanents destinés à la
réalisation de missions extraordinaires ou conjoncturelles des administrations. Ces
derniers correspondent aux agents temporaires des anciens textes de 1959 et 1988.
1 Décret n° 242 du 19 juin 1998 portant statut du personnel des projets et programmes de développement,
J.O.BF du 2 juillet 1998, p. 5243, Code public et administratif, volume 2, p. 1191.
588
agents contractuels sont soumis à un régime de prestation qui se rapproche de celui
de la CNSS mais ils cotisent à la CARFO. Toutefois du point de vue des
prestations non contributives la différence entre fonctionnaire et contractuel à
moins d’incidences.
ans, plein salaire pendant une période égale à celle du préavis et demi salaire le mois suivant la période de plein
salaire.
589
Ces avantages peuvent être considérés comme hors sécurité sociale. Au
contraire, les prestations en matière de risques professionnels relèvent d’une
véritable assurance prise en charge par dotations budgétaires. Cette prise en charge
comprend les prestations en nature et les prestations en espèces.
Comme dans le régime de sécurité sociale des salariés du secteur privé, les
prestations en nature comprennent : les soins médicaux1, les frais de réadaptation,
de rééducation et de reclassement. En réalité l’article 100 de la loi 013/98 ne les
énumère pas, mais prévoit tout simplement que « l’Etat est tenu de prendre en
charge tous les frais directement entraînés par la maladie ». La maladie visée est la
maladie qui « est imputable au service ou est la conséquence, soit d’un acte de
dévouement dans un intérêt public, soit d’une agression subie à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions » ou l’accident de travail. Selon l’article 101 al. 1, « tout
accident survenu au cours d’une activité commandée par le service est un accident
de travail ». Cet article 101 en son alinéa 2 dispose que « des décrets viendront
préciser les modalités de prise en charge des accidents de travail », mais ces décrets
ne semblent pas avoir été pris, ce qui complique la procédure de bénéfice effectif de
ces droits. On peut considérer que les notions d’accident de travail et d’accident de
trajet dégagées en droit du travail sont ici aussi valables.
634. Les agents de l’Etat ont droit à des prestations familiales analogues à
celles du secteur privé sauf que, n’étant pas gérées par un organisme particulier,
ces prestations ne comprennent pas les volets « aide à la mère et au nourrisson »
1 En matière de soins médicaux, l’article 44 de la loi 47/98 du 29 novembre portant régime général de retraite
précise « l’État doit, leur vie durant aux anciens fonctionnaires, militaires et magistrats victimes de blessures de
guerre ou atteints de maladies contractées à l’occasion ou par le fait du service, les soins médicaux et
chirurgicaux nécessités par les infirmités qui ont donné lieu à pension ».
2 Article 100 de la loi n° 013/98.
590
ou « action sanitaire et sociale »1. Elles se composent essentiellement de
l’allocation familiale et des prestations de maternité.
L’allocation familiale est de mille (1000) francs Cfa par enfant à charge dans
la limite de six enfants2. L’enfant à charge est celui jusqu’à 15 ans ou jusqu’à 17
ans s’il est placé en apprentissage ou jusqu’à 20 ans s’il poursuit des études ou
est infirme. L’allocation familiale ne peut se cumuler avec une bourse entière
scolaire ou universitaire.
Cette Caisse a été créée sous la forme d’un établissement public à caractère
industriel et commercial avec un conseil d’administration composé aujourd’hui
de huit membres (au lieu de douze) dont quatre représentants de l’Etat et quatre
représentants des travailleurs. Elle est financée par une cotisation de 18% de la
solde indiciaire ou du salaire de base des agents publics à raison de 10% à la
charge de l’Etat employeur et de 8% à la charge de l’employé6. La loi de 1994
portant régime général de retraite s’applique aux fonctionnaires tels que définis
par le statut général de la fonction publique, aux militaires et aux magistrats. Or
le statut général a été profondément modifié par la loi 013-98 du 28 avril 1998
qui définit de manière restrictive la qualité de fonctionnaire7, ce qui aurait, dans
1 Toutefois la création de l’OST permet à l’Etat d’offrir à ses agents les mêmes soins et consultations imposés à
l’employeur.
2 V. décret 91-472 du 30 décembre fixant le taux d’indemnité dite « allocation familiale », J.O.BF du 16
591
une interprétation littérale, entraîné l’extension du nombre d’agents de l’Etat
assujettis au régime unique géré par la CNSS en leur qualité d’agents
contractuels.
La CARFO gère les pensions d’invalidité, les pensions de retraite, les pensions
de réversion, les remboursements de cotisations de ceux qui ne peuvent pas
bénéficier de pension, et verse certains droits qui y sont liés tels que le capital
décès, la participation aux frais funéraires.
A – LA PENSION D’INVALIDITE
636. La pension d’invalidité concerne le fonctionnaire devenu invalide par
suite d’un risque professionnel. Celui devenu invalide par suite d’une blessure ou
d’un maladie non imputable au service est admis à la retraite à sa demande ou
d’office conformément aux textes en vigueur1. Selon l’article 28 de la loi 47/94,
« ouvrent droit à pension d’invalidité : les infirmités ou incapacités fonctionnelles
résultant de blessures reçues en service ; les infirmités résultant des maladies
contractées par le fait ou à l’occasion du service ; les infirmités résultant d’actes de
dévouement accomplis dans un intérêt public ou pour sauver la vie d’une ou
plusieurs personnes ; l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités
étrangères au service ; les infirmités résultant de blessures reçues par suite
d’évènements de guerre, au cours d’opérations de maintien de l’ordre ou
d’accidents survenus par le fait ou à l’occasion du service ».
Les conditions pour bénéficier de la prise en charge sont : s’il s’agit d’une
blessure, qu’elle ait été constatée avant la radiation de l’intéressé des cadres ; s’il
s’agit d’une maladie, qu’elle ait été constatée après 90 jours de services effectifs ;
que soit établie médicalement la relation entre l’infirmité invoquée et la maladie2. Il
est établi en faveur de la victime une présomption d’imputabilité au service en cas
de difficulté à affirmer ou exclure ce rapport. L’invalidité est constatée par une
commission de réforme qui en détermine le degré. Le degré minimum d’invalidité
donnant droit à pension varie de 10% pour les blessures à 30% pour les maladies ou
40% pour les infirmités multiples. Si le degré d’invalidité est égal ou supérieur à
60% la commission de réforme décide de son maintien au service ou de sa mise à la
retraite d’office ou à la demande de l’intéressé.
592
B – LA PENSION DE RETRAITE
1 cette limite d’âge est de 55 ans pour les agents de catégorie D et E, 58 ans pour les catégories C, 60 ans pour
les catégories A et B, et 63 ans pour les magistrats, les enseignants du corps de l’enseignement supérieur et les
inspecteurs de l’enseignement secondaire V. décret n° 579 du 20 décembre 2000 portant fixation du régime des
limites d’âge pour l’admission à la retraite des agents de la fonction publique et institution d’un congé de fin de
service, J.O.BF. du 28 décembre 2000, p. 5177 ; la loi n° 2-2000 du 11 février 2000 portant fixation de la limite
d’âge des personnels militaires des forces armées nationales ; et l’article 55 de l’ordonnance n° 91-50 du 26
août 1991 portant statut du corps de la magistrature. V., Codes et lois du Burkina Faso, t. 8, p. 1250, note 411
2 V. articles 15 et s. de la loi 47/94. Il s’agit de l’hypothèse du fonctionnaire qui prend sa retraite avant l’âge
limite pour exercer une activité indépendante ou salarié dans le secteur privé. Dans le cas d’exercice d’activité
salariée, il pourrait, s’il est immatriculé à la CNSS, bénéficier du système de coordination entre la CNSS et la
CARFO, afin de revaloriser sa pension. Par contre, celui qui est effectivement à la retraite avec jouissance de la
pension, ne nous semble pas pouvoir rétroactivement faire revaloriser sa pension. Mais il peut demander le
remboursement de ses cotisations.
593
C – LES DROITS DES SURVIVANTS
Le capital-décès, qui est pris en charge par le budget de l’Etat, est versé au
conjoint non séparé de corps ni divorcé, aux enfants mineurs (ou âgés de 26 ans
poursuivant des études ou, sans limite d’âge, à l’enfant infirme) ou encore aux
ascendants directs qui étaient à la charge du défunt. Ce capital-décès est égal au
dernier traitement brut annuel du fonctionnaire à l’exclusion des indemnités, majoré
de douze mille francs pour chaque enfant mineur3.
fonctionnaires décédés, modifié par le décret 67-105 du 5 mai 1967, J.O.RHV du 25 mai 1967, p. 285 ; Code
public et administratif, vol. 2, p.1215.
4 Loi n° 033/98/AN du 18 mai 1998 portant institution d’une coordination entre le régime général de retraite
des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de pension des travailleurs régis par le code de sécurité
sociale, J.O.BF du 9 juillet 1998, p. 5314 ; Code public et administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du
Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, année 2000, p. 126.
594
principe que les allocations ou pensions sont attribuées et calculées par chacun des
deux régimes selon les règles qui lui sont propres.
La pension totale est déterminée par addition des prestations acquises dans
chacun des deux régimes et inscrite et payée par l’organisme payeur. Toutefois, les
allocations familiales ou majorations pour enfants à charge ne sont pas cumulatives
et leur prise en charge incombe à l’organisme dont relève le travailleur en dernier
lieu.
1 Décret n° 99-139 du 17 mai 1999 portant application de la loi 033/98/AN du 18 mai 1998 portant institution
d’une coordination entre le régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de
pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale, J.O.BF du 20 mai 1999, p. 1288 ; Code public et
administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du METSS, année 2000, p. 127.
2 En raison de ce délai le travailleur a intérêt à ne pas attendre le dernier moment pour entreprendre ces
démarches.
595
compétente mais s’agissant de deux organismes publics (des EPIC) et d’un litige
qui fait appel à l’interprétation ou l’application d’un texte administratif, l’ordre
administratif nous semble compétent pour en connaître.
596
CHAPITRE II - LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS
MIGRANTS
642. Un tableau de la sécurité sociale serait incomplet sans une vue sur la
protection offerte aux travailleurs migrants. Chaque pays est concerné par cette
question, soit comme pays d’émigration, soit comme pays d’immigration mais
généralement les deux à la fois. La protection des travailleurs migrants concerne le
traitement réservé aux étrangers dans la législation nationale mais aussi et surtout le
sort des nationaux à l’étranger.
Le Burkina Faso est certes signataire, comme les pays africains partenaires,
des principales conventions de l’OIT en la matière1, mais le fait d’être ensemble
parties à une convention universelle ne suffit pas à assurer une protection
satisfaisante des travailleurs migrants. Des accords multilatéraux ou bilatéraux sont
nécessaires pour donner pleine effectivité aux principes universels. Or les
conventions régionales sont peu nombreuses en Afrique de l’Ouest, même si la
1 V., Convention n° 17 concernant la réparation des accidents du travail, 1925, J.O.RHV du 26 juin 1969, p.
339, Code social, p. 469 ; convention n° 19 concernant l’égalité de traitement des travailleurs étrangers et
nationaux en matière de réparation des accidents de travail, 1925, J.O. RHV du 26 juin 1969, p. 339, Code
social, p. 471 ; Convention n° 97 concernant les travailleurs migrants, 1949, J.O.RHV du 10 juin 1961, p. 523,
Code social, p. 314 ; convention n° 143 concernant les migrations abusives et la promotion de l’égalité de
chances et du traitement des travailleurs migrants, adoptée à Genève le 14 juin 1975, J.O.RHV du 30 juin
1977, p. 559, Code social, p. 349.
597
question est de plus en plus discutée, et le Burkina Faso est signataire de peu de
conventions bilatérales.
598
trouve sur ce territoire1. Des dérogations à ce rattachement sont prévues pour les
travailleurs envoyés par une entreprise pour une durée n’excédant pas six mois et
pour le personnel ambulant d’une entreprise de transport. La succursale ou la
représentation permanente d’une entreprise peut, par accord entre les autorités, être
considérée comme une entreprise indépendante pour la détermination de la
législation applicable.
1 Article 4.
2 Article 10 § 4.
3 Article 20.
4 V. article 31.
599
dans ces deux pays. La sécurité sociale fait naturellement partie de ces conditions
d’emploi mais elle est abordée de manière plutôt sommaire.
1Rappelons qu’au Burkina Faso, la troisième branche, l’assurance vieillesse, a été créée en octobre 1960,
quelques mois après la convention avec la Côte d’Ivoire.
600
Ces accords laissent pendants les problèmes de coordination qui sont pris en
main par des accords entre les caisses de sécurité sociale.
C’est ainsi que dès 1963, une convention a été signée entre l’ex-Caisse de
prévoyance sociale de Haute-Volta et la Caisse de retraite des travailleurs salariés
de Côte d’Ivoire pour coordonner les régimes de retraite1. Cette convention porte
sur le régime de retraite et a pour but de « permettre aux salariés ayant travaillé
dans les entreprises relevant de la C.P.S.H.V. de cumuler leurs années de services
en vue de l’ouverture du droit aux allocations de vieillesse »2. Cet objet unilatéral
traduisait le fait qu’il n’y avait pratiquement pas de travailleurs ivoiriens au Burkina
Faso. L’article 1er de la convention prévoit expressément que « toute nouvelle
définition du champ d’application serait de nature à provoquer une éventuelle
dénonciation ou révision de la convention. La convention harmonise l’âge
d’ouverture du droit à la retraite à 55 ans (ou 50 ans en cas de retraite anticipée),
reconnaît le droit à validation gratuite des services passés dans chacun des deux
régimes, désigne comme organisme payeur celui de la résidence du travailleur ou
celui sur le territoire duquel les droits seront acquis en dernier lieu si la résidence de
l’allocataire ne dépend d’aucun des deux organismes, et règle les modalités de
gestion des dossiers et de compensation entre les organismes. Une autre convention
a été signée en 1963 avec l’IPRAO3 de la même teneur que la convention avec la
Côte d’Ivoire.
1 Convention du 28 avril 1963 instituant des règles de coordination entre le régime de retraite vieillesse de la
C.R.T.C.I. et celui de la C.S.P.H.V., non publié.
2 Article 2.
3 Convention instituant des règles de coordination entre le régime de retraite vieillesse de l’IPRAO et celui de
601
Mis à part le cas de la convention avec l’IPRAO qui règle un problème de
dissociation, la formule d’accords entre les caisses de prévoyance, en l’absence
d’un accord bilatéral ou multilatéral, n’est qu’un palliatif insatisfaisant parce quelle
ne permet pas de couvrir tout le champ des prestations dont pourraient bénéficier les
travailleurs migrants.
qui n’existe pas au Burkina Faso. V. articles 12 et 13 de la loi n° 99-041 du 12 août 1999 portant code de
prévoyance sociale en République du Mali, J.O. du 20 janvier 2000, n° spécial.
602
cadres de cette harmonisation sont encore extérieurs à ces organisations. Ces cadres
d’harmonisation ou de coordination sont la Convention OCAM et la CIPRES, avec
des tentatives sérieuses au niveau de l’OHADA.
Nous commencerons par ces deux institutions qui donnent l’état actuel de la
protection des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale dans le contexte
régional, avant d’aborder les tentatives au niveau de l’OHADA et de la CIPRES.
Ces tentatives posent la question de savoir pourquoi harmoniser.
§ 1 - La convention OCAM
648. La Convention OCAM a été adoptée le 29 janvier 1971 à N’Djamena
par la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de cette organisation 1. Sur
les quinze Etats francophones signataires, seuls huit Etats l’ont ratifié : le Bénin, le
Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Togo en Afrique de l’Ouest et, en Afrique
centrale, le Congo, la République Centrafricaine et le Tchad. Elle a survécu à la
dissolution de l’OCAM à l’instar de la compagnie multinationale « Air Afrique »,
aujourd’hui dissoute pour faillite. Cette convention a été complétée par un
arrangement administratif adopté le 5 mai 1973.
A – L’INTERÊT DE LA CONVENTION
La convention OCAM est une convention générale car, dans son champ
d’application matériel, elle couvre : toutes les législations relatives aux branches de
sécurité sociale, notamment les prestations d’invalidité, de vieillesse et de
survivants, les prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les
prestations familiales et de maternité, les prestations de maladie ; tous les régimes
de sécurité sociale des parties contractantes ; toutes les législations nationales
modificatives ou complétives et tout régime de sécurité sociale qui viendrait à être
créé2. En ce qui concerne les personnes protégées, la convention s’applique aux
travailleurs salariés ou assimilés ressortissants d’une partie contractante ainsi
qu’aux membres de leurs familles et à leurs survivants3. Elle exclut toutefois les
agents diplomatiques et consulaires.
1 Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, J.O.RHV
du 4 novembre 1976, p.805 ; Code social, p. 472.
2 Article 2 de la convention.
3 Article 4.
603
La convention pose le principe de l’égalité de traitement entre les
ressortissants de toutes les parties contractantes : « les personnes qui résident sur le
territoire d’une partie contractant et auxquelles cette convention est applicable sont
soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation dans les
mêmes conditions que les ressortissants de cette partie contractante »1. Afin
d’éviter les conflits de lois, elle édicte le principe de l’application d’une seule
législation et choisit comme loi applicable la législation de la partie contractante
sur le territoire duquel les travailleurs exercent leur activité professionnelle,
indépendamment du lieu de leur résidence ou du siège de l’entreprise, avec
quelques exceptions ou particularités en ce qui concerne les travailleurs détachés
pour une durée n’excédant pas six mois, les travailleurs des transports
internationaux qui demeurent en principe soumis à la législation du siège de
l’entreprise et les travailleurs qui exercent normalement leur activité dans plusieurs
Etats parties à la convention. Elle affirme également le maintien des droits acquis
ou en cours d’acquisition2, qui permet au travailleur de cumuler les périodes de
cotisations dans deux ou plusieurs Etats afin de pouvoir bénéficier des prestations
de long terme telles que les pensions de vieillesse, d’invalidité ou de survivants3.
Enfin, elle organise le service des prestations à l’étranger et les modalités de
transferts des sommes aux bénéficiaires qui résident à l’étranger, aussi bien pour
les prestations de long terme que de court terme.
1 Article 6.
2 Voy. Article 6, article 11 al. 1 et 2, et articles 15 et s.
3 V. articles 14 et s.
4 Voy. l’article 44, relatif au règlement des différends, qui se référait au secrétariat général administratif et au
604
matière de sécurité sociale comme faisant partie de la politique d’intégration, de la
politique sociale et même de la politique d’immigration dans la mesure où
l’harmonisation limite l’exercice clandestin d’activités salariées.
§ 2 - La CIPRES
649. La Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES) 1 a été
instituée par le traité du 21 septembre 1993 signé à Abidjan. La mission de la
CIPRES se limite à : promouvoir la bonne gestion des caisses de sécurité sociale
des Etats membres ; harmoniser les systèmes de gestion des organismes, définir et
contrôler le respect des ratios économiques et de gestion des organismes ainsi que
les ratios de gestion des réserves.
A – LES OBJECTIFS
1 J.O.BF. du 17 mars 1994, p.362, Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, Droit social, p.488 et s.
2 Article 1er du Traité.
605
de projet de texte au besoin, devraient faire l’objet d’un autre traité, à moins qu’elle
ne se contente de recommandations.
B – LES ORGANES
1 Article 5.
2 L’article 17 vise précisément l’intervention d’un Etat dans la gestion d’un organisme de nature à mettre en
péril son équilibre financier et le service des prestations. Cet article est bienvenu parce qu’au Burkina Faso par
exemple, l’on a eu à reprocher à l’Etat d’obliger la Caisse Nationale de Sécurité Sociale à intervenir dans le
financement de projets, certes de développement, mais de rentabilité incertaine ou sortant de son objet.
606
651. Dans sa conception, la CIPRES a bénéficié de l’apport des nouvelles
techniques juridiques qui passent pour avoir contribué au succès de l’Union
européenne : l’applicabilité directe et immédiate, la hiérarchisation explicite des
normes, les décisions prises à la majorité qualifiée et non pas à l’unanimité. C’est
ainsi que le conseil des ministres, qui est l’organe de décision, prend des
règlements, des décisions et des recommandations adoptées à la majorité de deux
tiers des membres présents. La commission prend des recommandations et des avis.
le lancement du projet d’harmonisation en a dégagé les orientations générales : voy. le rapport de la mission de
la délégation burkinabè communiqué aux partenaires sociaux (organisations d’employeurs et de travailleurs).
607
SECTION III - LES PROJETS D’HARMONISATION DU DROIT
SOCIAL AU SEIN DE l’OHADA ET DE LA CIPRES
§ 1 - La notion d’harmonisation
608
exemple, les droits de la sécurité sociale des Etats francophones conservent un fond
commun, par l’héritage et l’influence persistante du droit français. Mais ces deux
facteurs laissent subsister des disparités qui peuvent être grandes, soit que les Etats
n’ont pas ratifié les mêmes conventions de l’OIT, soit que, même issu du même
moule juridique, le droit de chaque Etat a connu une évolution différente sur
beaucoup de points en fonction des situations politiques et économiques de ces
Etats. Ces disparités peuvent être gênantes dans le cadre d’une démarche
d’intégration économique régionale.
1 Pierre MOUTON, ibid., p. 350 ; voy. également, ISSA-SAYEGH Joseph, Quelques aspects techniques de
l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, Revue de Droit Uniforme, NS-vol. IV,
1999-1, pp. 5 et s.
2 Otto KAUFMANN, op. cit., p. 170.
609
§ 2 - Le problème de choix des objectifs et des techniques
d’harmonisation
654. L’OHADA, aussi bien que la CIPRES, sont d’abord confrontés à un
problème de choix de l’objectif, qui détermine les moyens et les techniques de
l’harmonisation prise dans son sens large1.
L’OHADA, qui suscite l’intégration des Etats francophones par les normes,
et la CIPRES, en tant qu’organisme de surveillance de la gestion des institutions de
sécurité sociale, n’ont pas au départ pour ambition de réaliser une intégration
économique régionale. Elles tendent à réaliser l’intégration des Etats membres au
marché mondial. Cette démarche n’est certainement pas en contradiction avec les
projets d’intégration économique : l’instauration des conditions de saine
concurrence, par exemple, est nécessaire dans le cadre d’une intégration
économique. Toutefois, l’action de ces organisations ne comporte pas la dimension
de régulation politique des rapports économiques et sociaux des Etats. Les projets
d’harmonisation en matière de sécurité sociale constituent donc une heureuse
1 V. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives,
op. cit.
2 Par exemple, des conventions bilatérales ont été signées entre le Burkina Faso et le Mali et entre le Mali et le
Sénégal.
3 Par exemple, les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, qui n’a pas ratifié la convention de
N’Djamena, sont régies par des arrangements administratifs dans le cadre de l’I.P.R.A.O (Institut de
prévoyance et de retraite de l’Afrique occidentale), dans le cadre de l’ex. Régie de chemin de fer Abidjan-
Niger(RAN) et entre la Caisse de retraite des travailleurs salariés de Côte-d’Ivoire et la caisse de prévoyance
sociale de Haute Volta (aujourd’hui Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso).
4 Voy. P. MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique,
t. 8, p. 351.
610
extension de leurs missions qui peut être profitable aux regroupements
économiques. Mais il paraît moins aisé, en matière de droit social, de recourir à la
technique de l’adoption d’actes uniformes.
Il est tout de même possible, pour ces organisations, de pousser les Etats à
ratifier les mêmes conventions de l’OIT et de les appliquer effectivement dans leurs
rapports, de susciter la négociation de conventions bilatérales et, surtout, de
proposer une convention de coordination en matière de sécurité sociale à l’exemple
de la convention OCAM. Cette dernière ne peut être seulement proposée à
l’extension des membres parce qu’elle a besoin d’être actualisée. Les premières
discussions au sein de la CIPRES dégagent des domaines dans lesquels une
harmonisation devrait être réalisée : cadre juridique et institutionnel ; champ
d’application personnelle ; vieillesse, invalidité et décès ; risques professionnels ;
prestations familiales ; action sanitaire et social ; maladie ; dispositions communes1.
L’extension de la couverture sociale aux actifs non salariés et l’institution de
systèmes de retraite complémentaire peuvent également être discutées. L’adoption
d’une convention en matière de sécurité sociale nous paraît plus aisée qu’en droit
du travail, parce que l’harmonisation en matière de sécurité sociale présente un
intérêt immédiat tangible pour chaque Etat – la protection des travailleurs migrants
– et une charge idéologique moins grande, alors que l’harmonisation du droit du
travail nécessite des ambitions d’intégration plus élevées de la part des gouvernants,
mais aussi des syndicats d’employeurs et de travailleurs. On peut donc souhaiter
que l’OHADA et la CIPRES coordonnent leurs efforts afin de parvenir à l’adoption
d’une convention en matière de sécurité sociale regroupant l’ensemble des membres
de ces organisations, de compositions presque identiques, et d’un acte
d’harmonisation – à défaut d’un acte uniforme – en matière de droit du travail.
1V. KIMA Dénis, Rapport de mission sur le projet d’harmonisation des législations nationales de prévoyance
sociale, CNSS, Ouagadougou, février 2001.
611
612
BIBLIOGRAPHIE
I - OUVRAGES GENERAUX
613
- MEUNIER BOFFA Martine Droit du travail et protection sociale, Les cours de
droit, Litec, 1998 ;
- PANSIER Frédéric-Jérôme, Droit du travail, relations individuelles et collectives,
3e édit., Litec, Paris, 2003 ;
- PANSIER Frédéric-Jérôme, Les relations collectives de travail, Ellipses, 2e éd.
2002;
- PELISSIER Jean, LYON-CAEN Antoine, JEAMMAUD Antoine, DOCKES
Emmanuel, Les grands arrêts du droit du travail, 3e édition, Dalloz, 2004 ;
- PELISSIER Jean, SUPIOT Alain, JEAMMAUD Antoine, Droit du travail, Précis
Dalloz, 21e éd. 2002;
- ROSSILLION C., Droit social international à vocation universelle, Juriscl. Droit
international, fasc. 574-A;
- SINAY H. et JAVILLIER J.-Cl, La grève, Traité de droit du travail T. 6, 2e éd. (dir.
G.H. Camerlynck), Dalloz, 1984 ;
- SUPIOT Alain, Critique du contrat de travail, PUF, 2e éd., Coll. Quadrige, 2002;
- TEYSSIE Bernard, Droit du travail, tome I : relations individuelles; tome II :
relations collectives, Litec, 9e éd. 2002;
- VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, 2e édition, Dalloz, 1983;
- VERDIER Jean Maurice, Droit du travail, mémentos Dalloz, 10e éd. Paris, 1996.
II - OUVRAGES SPECIALISES
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- MORIN M.-L., Le droit des salariés à la négociation collective, LGDJ 1994 ;
- PERETTI Jean-Marie, Gestion du personnel, Vuibert, 1984 ;
- PELISSIER J. (dir.), Droit de l’emploi, Dalloz Action, 2ème éd. 1998 ;
- RAMIN A. Le lock-out et le chômage technique, LGDJ 1977 ;
- SUPIOT A. (sous la direction), « Au delà de l’emploi : transformation du travail et
devenir du travail en Europe », rapport pour la commission européenne, Flammarion,
Paris, juin 1999, 321 p.
IV - REVUES
La Gazette du palais
Jurisprudence sociale UIMM (Union des industries métallurgiques et minières
La semaine juridique ou Juris-classeur périodique (JCP)
Recueil Dalloz
Revue Droit social
Revue internationale de droit comparé
Revue internationale du travail
Revue de jurisprudence sociale (F. Lefebvre)
615
V - LEGISLATION
Loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952, instituant un code du travail dans les territoires
et territoires associés relevant du ministère de la France d’Outre-Mer, J.O.R.F. n°
1067, 1956 ; Recueil Sirey 1953, texte et commentaire de P. Huguet.
Loi n° 11-92 ADP du 22 décembre 1992 portant code du travail, abrogé par la loi n°
033-2004 du 14 septembre 2004.
VI - CONVENTIONS COLLECTIVES
616
LIVRE II : DROIT DE LA SECURITE SOCIALE
I – OUVRAGES
617
- VILLERME, Rapport : « tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés
dans les manufactures de coton, de laine et de soie », Paris, J. RENOUARD, 1840.
II – THESES
Licenciement justifié :
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 07 du 4/3/1994 (cécité du salarié après un
accident du travail).
618
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 50 du 5/6/2001, SOBTRI c/ S.I.
IV – RAPPORTS, ETUDES
VI – REVUES
LEGISLATION NATIONALE
Loi n° 13-72 AN du 28 décembre 1972 portant code de sécurité sociale en faveur des
travailleurs salariés, J.O.BF du 13 février 1973, p. 33, Code social, p. 499, Annuaire
officiel du METSS, p. 134.
619
Arrêté n° 1316 FPT du 24 décembre 1976 portant répartition des frais
d’administration et des dépenses d’action sanitaire et sociale entre les diverses
branches gérées par la Caisse nationale de sécurité sociale, J.O.RHV du 10 février
1976, p. 70, Code social, p. 528.
Kiti An IV 430 CNR (SAN du 31 juillet 1987 portant statuts particuliers de l’office
de santé des travailleurs (OST), modifié par le kiti An VII 399 du 25 juillet 1990,
JOBF du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social, p. 436.
620
Loi n° 47/94 du 29 novembre 1994 portant régime de retraite des fonctionnaires,
militaires et magistrats, J.O.BF du 4 mai 1995, p. 1110 ; Code public et administratif,
p. 1249.
Décret n° 98-057 du 18 mars 1998 instituant une carte d’affiliation des transporteurs
routiers à la CNSS, J.O.BF du 02 avril 1998, p. 3404.
621
622
CONVENTIONS OIT
CONVENTIONS REGIONALES
CONVENTIONS BILATERALES.
623
Convention de sécurité sociale entre le Burkina Faso et le Mali du 4 novembre 1992,
ratifiée par le décret 94-62 du 14 février, 1994, Codes et lois du Burkina Faso, tome
IX, Code social, édt. juillet 1997, pp. 447 et s.
624
INDEX ALPHABETIQUE : LIVRE I
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
A. C.
625
- rupture, 74. - dénonciation, 402, 404.
Contrat d’apprentissage,87 et s. - dépôt, 395.
Contrat d’entreprise, 53 - durée, 402.
v. Tâcheronnat - effets, 404.
Contrat de mandat, 55, 59. - élaboration, 393 et s.
Contrat de société, 60. - interprétation, 420, 421.
Contrat de travail : - nature juridique, 380.
- critères, 44, 45. - publicité, 395.
- définition, 40 et s. - représentation des salariés, 394.
- durée déterminée, 78, 79, 80. - représentation patronale, 394.
- durée indéterminée, 77. - révision, 403.
- écrit, 67. Convention collective extensible : 396,
- exécution, 172. 412 et s.
- conclusion, 62 et. S., 67 et s. - annexes, 416.
- journalier, 81. - avenants, 416.
- modification, 96 et s., 104 et s. - branche ou secteur d’activité, 414.
- nullité, 125 et s. - clauses facultatives, 415.
- preuve, 69 et s. - clauses obligatoires, 415.
- saisonnier, 82. - commission paritaire, 413.
- temporaire, 85. - contenu, 415.
- temps partiel, 86. - élaboration, 413.
- Rupture, 106 et s. - effets, 418.
- Salaire, 46. - extension, 417.
- Subordination, 47 et s. Conventions internationales :
- Suspension, 115 et s. - bilatérales, 26.
- Visa : v. ce mot. - régionales, 27 et s.
Conventions collectives, 21, 103, 387 - universelles (OIT), 31 et s.
et s. Convention nationale du travail, 327 et
- accords d’établissement, 405 et s., s.
410. Créances de salaires : v. salaires
Convention collective annexe, 416
Convention collective D.
Interprofessionnelle : 12, 21, 419.
- Commission paritaire Débauchage, 168.
d’interprétation et de conciliation, Déclaration, 307.
421. Délégués du personnel : 159, 165, 369
Convention collective ordinaire : 393 et s.
et s. - autorisation de licenciement, 378 et
- adhésion, 400, 401. s.
- affichage, 395. - crédit d’heures, 375.
- application, 398 et s. - désignation, 370 et s.
- assujettissement, 399. - entrave à l’exercice des fonctions,
- avantages acquis, 396 et s. 379.
- contenu, 395. - licenciement, 376 et s.
- définition, 389. - mandat, 372.
626
- mission, 373. Etablissement public, 42, 231, 410.
- réintégration, 379. Etrangers, 68, 355.
Démission : 140, 147. Extension
v. rupture v. conventions collectives
Différends collectifs : 425 et s. - des sentences arbitrales, 440.
- arbitrage, 437 et s.
- conciliation, 434 et s. F.
- conflits économiques, 431, 432.
- conflits juridiques, 431. Faute lourde, 117, 144.
- conseil d’arbitrage, 440. Femme salariée, 123, 198 et s.
- notion, 337, 338. v. travail des femmes
- procédure de règlement, 433, 442. Fermeture d’entreprise, 116.
Différends individuels Fonctionnaires : v. agents publics
- conciliation, v. inspecteur du travail. Force majeure, 116, 132.
- notion, 337, 338. Formation professionnelle, 262, 298,
v. Tribunal du travail 302.
Dirigeants de société, 58.
Durée du contrat : 76. G.
v. contrat de travail
Durée du travail : 190. Gens de maison, 192.
- congés payés, 195. Gérant, 57.
- durée hebdomadaire, 190 et s. Gratification, v. salaire
- heures supplémentaires, 193. Grève, 124, 443 et s.
- fêtes légales, 196. - définition, 445 et s.
- repos hebdomadaire, 194. - effets, 463.
- licéité, 455 et s.
E.
H.
Emploi
- financement, 315. Handicapés, 205.
- politique de l’emploi, 290 et s. Harcèlement moral, sexuel, 201.
Employeur : 2. Heures supplémentaires :
- chef d’entreprise, 176, 190. v. durée du travail
- obligations, 170, 187. Hygiène et sécurité, 206 et s.
- pouvoir de direction, 177 et s. v. Comité technique national
- pouvoir disciplinaire, 182. consultatif d’hygiène et de sécurité
- responsabilité civile, 188. v. médecine d’entreprise
- responsabilité pénale, 189.
Enfants : v. travail des enfants et I.
des adolescents
Engagement à l’essai : v. contrat à Indemnités :
l’essai - de compensatrices, 143, 152.
Entreprise : 100, v. employeur - déplacement, 224.
Entreprise publique - d’expatriation, 231.
v. établissement public - de fin de contrat, 134.
627
- de licenciement, 152. - non professionnelle, 120 et s., 133.
v. Primes, v. salaires - professionnelle, 109.
Inspection du travail : 265 et s. v. accident du travail
- constatations des infractions et Mandat, 55, 59.
poursuites, 275. Marché de l’emploi
- contrôleurs, 281. v. emploi
- droit de visite, 274. Maternité : v. femme salariée
- inspecteurs des mines, 283. Médecine d’entreprise, 285.
- médecins inspecteurs, 284, 288. Médecin-inspecteur :
- mission de conciliation, 270. v. inspection du travail
- mission de contrôle, 269. Mines : v. inspection du travail,
- mission d’études et de conseil, 268. contrôle
- organisation, 261, 263. Ministère de l’emploi, du travail et
de la jeunesse, 259.
J. Mise à pied :
- disciplinaire, 117.
Juridiction : - économique, 118.
- administrative, 380, 413. Modification :
- civile, 421, 423. - Modification de la situation juridique
- du travail, 328 et s. de l’employeur, 98 et s.
- répressive, 379. - du statut collectif, 110 et s.
Jurisprudence, 17 et s. v. contrat
Mutation, 109.
L.
N.
Liberté
- contractuelle, 63. Négociations collectives, 387 et s.
- syndicale, 14. v. conventions collectives
- du travail : 3. Non-concurrence : v. clauses de
v. travail forcé non-concurrence
Licenciement, 131, 140 Non-discrimination
v. délégués du personnel Nullité
v. femme salariée enceinte v. contrat de travail
- inaptitude professionnelle, 151. v. licenciement, délégué du
- indemnité de licenciement, 152. personnel
- motif économique, 161 et s.
- motif légitime O.
Lock-out, 119, 452 et s.
- licéité, 454. OCAM, 27
- offensif, préventif, 453. OHADA, 30
Office national de la promotion de
M. l’emploi : v. Agence national pour
l’emploi
Main-d’œuvre : v. emploi OIT : 3, 31, 257 et s.
Maladie :
628
- Conférence internationale du travail, différends collectifs
31. Reçu pour solde de tout compte, 166,
- Bureau international du travail, 33. 237.
- Commission consultative africaine, Registres
38. - employeur, 274, 276.
- Conseil d’administration, 32. - paiements, 237.
- Conventions internationales, 34 et s. Règlement intérieur : 24, 178 et s.
- Recommandations, 36. v. employeur
O.S.T, 287. Réintégration du travailleur
Représentant : 56
P. v. contrat, mandat
Représentativité syndicale : v. syndicat
Paiement : v. salaires Résiliation du contrat : v. rupture
Placement, 308 et s., 312. Résolution judiciaire, 137, 380.
Préavis : v. contrat Responsabilité :
Prescription : v. salaires - civile, 422.
Présomption de non paiement : v. - pénale, 422.
salaires Retenues sur salaires
Prestation de travail : 45, 171 et s. Retraite, 131.
v. contrat de travail Révision
Primes : v. salaires - contrat de travail, v. modification
Priorité d’embauchage, 162. - conventions collectives, v. ces mots
Principes : Risques professionnels :
- d’égalité ou de non-discrimination, v. hygiène et sécurité
230. Rupture du contrat de travail : 1239 et
- de préférence, 496 et s. s.
Privilège : v. salaires - abusive, 145 et s.
Procès-verbal - consentement mutuel, 131.
- constatation des infractions, 275, - contrat à durée déterminée, 134 et s.
277. - à durée indéterminée, 134, 140 et s.
- conciliation et non-conciliation, 271. - décès, 131.
- exécutoire, 279. - démission, 131.
- dommages-intérêts, 138, 154 et s.
Q. - faute : v. faute lourde
- force majeure, 132.
Qualification : - imputabilité, 107, 108.
- du contrat, 52. - licenciement : v. ce mot
- du travailleur, v. catégories - motif légitime, 145 et s., 151 et s.
professionnelles - notification, 131.
Quotité cessible : v. salaire - préavis, 142 et s.
- preuve de l’abus, 149 et s.
R. - résolution judiciaire : v. ce mot
- retraite : voir ce mot
Rapports collectifs S.
v. conventions collectives,
629
Saisie-arrêt : v. salaires v. accidents du travail, femme
Salaires : 212 et s. salariée enceinte, maladie
- acomptes 245. professionnelle, retraite,
- accessoires de salaire, 219, 221, 230. v. index Livre II
- action en paiement, v. prescription Serment, 280, 281.
- assistance judiciaire, 255 Service de l’emploi ou service de
- avances, 220, 245. main-d’œuvre : 289, v. ANPE
- bulletin de paie : v. ce mot service médical et sanitaire
- cession de salaires, 245, 247. d’entreprise, 210 et s., 286.
- commissions, 217. Service militaire
- compensation, 246. - de l’employeur, 116.
- créance de salaire, v. privilèges - du travailleur, 124.
- droit de rétention, 255. Services publics : v. grève
- échelle indiciaire des salaires, 228. SMIG. 18, v. salaire
- éléments constitutifs, 213. Sources
- fixation, 226 et s. - étatiques (publiques), 14 et s.
- gratifications, 221, 222. - professionnelles, 20 et s.
- indemnités, 221, 224. - internationales, 25 et s.
- paiements, 233 et s. stages, 71, 75.
- garanties, v. privilèges Statut du personnel, 410
- modalités, 234 et s. Subordination : v. contrat
- pourboires, 225. Superprivilège : v. salaires
- prescription, 238, 239. Suspension
- présomption de non-paiement, 237. - fait de l’employeur, 116 et s.
- primes, 221, 223. - fait du travailleur, 120 et s.
- privilèges, 248 et s. v. contrat de travail
- reçu pour solde de tout compte, 237 Syndicat : 345 et s.
- retenues, 241 et s. - action en justice, 366, 423, 424.
- saisies-arrêts, 247 et s. - activités, 362, 364, 367.
- salaire de base, 213. - comité syndical, 357, 383.
- salaire minimum - constitution, 354 et s.
interprofessionnel garanti, 229, 232. - conditions de fonds, 355.
- salaire au rendement, 215 et s., 218. - conditions de forme, 356.
- salaire au temps, 213. - objet du syndicat, 363, 364.
- superprivilège, 252. - délégué syndical, 384.
Secret professionnel - dirigeants, 355.
- arbitres, 439. - unions, 355.
- assesseurs, 331. - liberté syndicale, 358 et s.
- inspecteur du travail, 280. - organisation, 357.
- travailleur, 175. - personnalité civile, 359.
Secteur public - récépissé, 359
v. entreprises publiques – - représentativité, 394, 413.
établissements publics – services - syndicalisme africain, 349.
publics - syndicalisme burkinabè, 350 et s.
Sécurité sociale, 261, 264. - Syndicalisme international, 346 et s.
630
T.
U.
Usages, 23.
V.
Visa, 68.
Voies de recours, 342 et s., 380.
V.R.P. (voyageurs, représentants,
placiers), 49, 56.
631
632
INDEX ALPHABETIQUE : LIVRE II
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
A - rémunération, 529.
- assimilations légales, 531.
Accidents de trajet Assurance : 473, 508.
- définition, 561. - décès, 594.
- détour, 564. - d’entreprise, 523, 525.
- interruption, 564. - invalidité, 473, 592 et s.
- déplacement, 563. - facultative continuée, 521.
Accidents du travail - maladie, 473.
- définition, 561 et s. - maternité, 473.
- conditions de fond, 650 et s. - obligatoire, 519, 520.
- conditions de forme, 565. - vieillesse, 484, 492, 586.
- décès, 565, 576. - volontaire, 521.
- déclaration, 565. Assurances sociales, 471, 480.
- expertise et enquête, 565.
- faute inexcusable, 580. B
- faute intentionnelle, 579.
- faute lourde, 578. Beveridge, 479 et s.
- présomption, 636. Bismarck, 474.
v. rentes, indemnité journalière. Branche : 550,
Accords v. conventions - autonomie financière, 556.
Action sanitaire et sociale, 608. - équilibre, 556.
- action sanitaire, 614. - des pensions, 581 et s.
- fonds d’action sanitaire et sociale, - des prestations familiales, 598 et s.,
615. 634.
Affiliation : v. immatriculation - des risques professionnels, 550 et s.,
Agents de l’Etats, 632, 635, 646. 633.
Aide sociale, 614. Bénéficiaire, 584, 596.
Allocataire, 600.
Allocations C
- familiales, 599.
- funéraires, 576, 597. Caisse nationale de sécurité sociale
- de vieillesse, 592. - administration, 537 et s.
- de survivants, 594. - gestion, 555 et s.
- prénatales, 599. - statut juridique, 538.
v. assurance vieillesse, prestations - tutelle, 541 et s.
Appareillage, 567, 624. v. financement
Attributaire, 600. C.I.P.R.E.S., 649
Assistance, 473, 508. Commission :
Assujettissement - d’appareillage, 624.
- critères, 527. - de recours gracieux, 622.
- subordination, 528. Comité
633
- technique national consultatif F
d’hygiène et de sécurité (CTNCHS),
572, 611. Faute v. Accident du travail
- de santé et de sécurité, 611. Financement :
Compensation (système de), 546, 641. - de la sécurité sociale, 510.
Consolidation, 571. - techniques de financement, 545 et s.
Contentieux : 619 et s. - contributif, 511.
- général, 620 et s. Fonctionnaires, 522.
- technique ou médical, 624. v. agents de l’Etat, retraite
- autres contentieux, 624. Fonds d’action sanitaire et sociale
Cotisations, 548 et s. v. action sanitaire et sociale
- assiette, 549. Frais funéraires, 557.
- débiteur, 551, 623.
- déclaration, 552 G
- majoration, 554.
- paiement, 552, 554. Généralisation de la sécurité
- plafond, 549, 571. sociale, 479 et s.
- plancher, 549. Gestion séparée v. branches
- recouvrement, 551 et s. Gratifications v. rémunération
- remboursement, v. ce mot Guérison v. consolidation
- taux, 550.
Contrainte, 623, 627. H
- mise en demeure, 623.
- ordre de paiement, 623. Harmonisation, 652.
Contrôle : 616. v. coordination
- inspecteur du travail, 617. Hospitalisation, v. soins
- contrôleurs de la CNSS, 552, 618. Hygiène et sécurité, 610
- du paiement v. aussi paiement
Conventions internationales : I
- bilatérales, 507, 643 et s.
- multilatérales, 505, 647. Immatriculation : 532 et s.
- régionales, 506, 648 et s. - de l’employeur, 533.
- accords inter-caisses, 643, 646. - des transporteurs, 534.
- arrangement administratif, 644. - du travailleur, 534.
Conventions collectives, 503. Incapacité :
Convention OCAM, 648. - allocation d’incapacité, 573.
Coordination, 629, 639. - permanente partielle, 572.
- permanente totale, 572.
D - temporaire, 571.
v. rente, allocation
E Indemnité journalière, 571.
Invalidité : v. assurance
Enfant à charge, 591, 601.
Expertise médicale, 624.
634
J - sanctions du non paiement, 554.
v. recouvrement,
Juridiction Pension
- administrative, 627. - anticipée, 589, 591.
- civile, 626. - de réversion, 594.
- pénale, 625. - d’invalidité, 585, 635.
- du travail, 619 et s. - de vieillesse, 591.
- majoration, 586.
K - révision, 586.
Placement des fonds, 557.
L Prestations : 560, 586.
- contributives, 511.
M - en nature, 569, 614.
Maladie - en espèces, 571.
- assurance maladie, 473, 489. - familiales, 591.
- liste des maladies, 566. - non contributives, 632.
- professionnelle, 566. Prévention, 608 et s.
Maternité
- aide à la mère et au nourrisson, 604. Q
- allocations familiales, 599, 606.
- allocations prénatales, 599, 605. R
- congé de maternité, 607.
- indemnité journalière554, 607. Réadaptation, 570
- prestations, 603. Reclassement, 570
- soins, 604. Recours contentieux, 590, 623.
- visites médicales, 603. Recours gracieux, 590.
Mise en demeure, v. contrainte Rééducation professionnelle, 570.
Mutualité, 473 et s. Régime : 400, 482, 513, 522.
Mutuelle, 523 et s. - unique, 519, 548.
- de retraite des agents de l’Etat, 635
N Remboursement
- de cotisations, 593, 635.
Non-discrimination, 516. - de frais, 579
Rémunération, 529.
O Rente
Organisme - d’incapacité permanente, 572.
- débiteur, 644. - majoration, 574.
- payeur, 644. - rachat, 575.
OST, 611. - révision, 574.
v. incapacité
P Réserves, 555, 556, 649.
Paiement : Retraite
- bulletin de paie, 552. - âge limite de, 588.
- modalités, 640. - anticipée, 589.
- registre des paiements, 552. - des agents de l’Etat : v. régime
635
Risques sociaux - médicaux, 569, 645.
- notion, 470, 475, 511, 513. Survivants, 575, 638.
- prévention, 610.
T
S
Trajet v. accident de trajet
Sécurité sociale Tripartisme, 517.
- notion, 469 et s., 457 et s. Tribunal du travail
- historique, 476 et s., 483 et s. - compétence, 621.
- naissance et évolution, 483 et s. - procédure devant le tribunal, 623.
- sources, 498 et s.
- caractères, 487 et s., 515, 516. U
- champ d’application, 488, 489, 519. Usure prématurée des facultés, 589.
- principes généraux, 508 et s., 514 et Uniformisation v. coordination
s.
V
Soins, 522, 569. VRP, 569.
636
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Listes des abréviations 3
INTRODUCTION GENERALE 9
I – DEFINITION ET HISTORIQUE 9
A – DEFINITION 9
B - LES ORIGINES DU DROIT DU TRAVAIL 10
C – LA NAISSANCE DU DROIT DU TRAVAIL
EN AFRIQUE FRANCOPHONE 12
1) L’esclavage 12
2) Le travail forcé 13
3) L’émergence du droit du travail après la seconde guerre mondiale 15
A – LE CARACTERE EVOLUTIF 16
B – LE CARACTERE PROGRESSISTE ET IMPERATIF ² 17
C – LE CARACTERE AMBIVALENT 18
D – LE PARTICULARISME DU DROIT DU TRAVAIL 19
637
SECTION III – LES CONVENTIONS UNIVERSELLES 35
§ 1 - Organisation et fonctionnement de l’OIT 36
A – LA CONFERENCE GENERALE OU CONFERENCE
INTERNATIONALE DU TRAVAIL (CIT). 36
B – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION 36
C – LE BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL 37
D – LES ORGANES AUXILIAIRES 37
§ 2 - Le rôle de l’OIT 38
A – LES CONVENTIONS 38
B – LES RECOMMANDATIONS 40
C – LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES NORMES 41
§ 3 - L’influence de l’action de l’OIT sur les droits africains du travail 42
638
DU CONTRAT DE TRAVAIL 65
§ 1 – Les conditions de fond 65
A – LE CONSENTEMENT 65
B – LA CAPACITE 66
C - L’OBJET ET LA CAUSE 67
§ 2 – Les conditions de forme 68
A - L’ECRIT ET LA DECLARATION 68
B – LA PREUVE DU CONTRAT 70
SECTION II - LES CONTRATS PARTICULIERS OU PRÉVOYANT
DES CLAUSES PARTICULIÈRES 71
§ 1 - Le contrat à l’essai 72
A – DEFINITION 72
B – LE REGIME JURIDIQUE DE L’ENGAGEMENT A L’ESSAI 72
§ 2 - Le stage probatoire 74
§ 3 – La durée du contrat 74
A – LE CONTRAT A DUREE INDETERMINEEE 75
B – LE CONTRAT A DUREE DETERMINEE 75
1) définition 75
2) l e caractère de contrat d’exception 76
3) Le contrat journalier 78
4) Le contrat saisonnier 80
5) Le contrat de travail temporaire 82
C – LE CONTRAT A TEMPS PARTIEL 83
SECTION III – LES CONTRATS ASSIMILES AU CONTRAT
DE TRAVAIL 84
§ 1 - Le contrat d’apprentissage 84
A – DEFINITION DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE 85
B – CONDITIONS DE VALIDITE DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE 85
C – OBLIGATIONS DES PARTIES 86
D – LA FIN DE L’APPRENTISSAGE 87
§ 2 – Le contrat de stage 88
A – DEFINITION 88
B - L’OBJET DU CONTRAT DE STAGE 88
C - LES MODALITES DU CONTRAT DE STAGE 89
639
B – EFFETS DE L’APPLICATION DE L’ARTCLE 95 95
1) Le maintien des contrats individuels 95
2) Le sort des conventions collectives 96
§ 2 - La modification du contrat de travail tenant à la volonté
d’une des parties 96
A – LA MODIFICATION, MESURE INDIVIDUELLE 97
1) La distinction entre modification substantielle et modification
non substantielle 97
2) Les conséquences du refus du travailleur 98
a)La responsabilité de la rupture 99
b) La proposition de modification justifiée du contrat de travail. 100
B – MODIFICATION DU STATUT COLLECTIF 101
1) Le principe : la modification relève du pouvoir de direction
de l’employeur 102
2) Les conditions contraignantes et les aléas de la modification 103
SECTION II - SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL 104
§ 1 - Suspension provenant de l’employeur 105
A – ÉVÈNEMENT S’IMPOSANT Á L’EMPLOYEUR 105
B - SUSPENSION RESULTANT DE LA VOLONTE
DE L’EMPLOYEUR 106
1) La mise à pied disciplinaire 106
2) La mise à pied économique 107
3) Le lock-out 107
§ 2 - La suspension tenant au travailleur 108
A - LA MALADIE DU TRAVAILLEUR 108
1) Conditions de mise en oeuvre de l’effet suspensif 108
2) Les implications de l’effet suspensif 109
B - LA MATERNITE DE LA FEMME SALARIEE 110
C - LA SUSPENSION POUR CAUSES DIVERSES D’ABSENCE
DU TRAVAILLEUR 111
SECTION III - LA NULLITÉ DU CONTRAT DE TRAVAIL 112
§ 1 - Les causes de nullité 112
§ 2 - Les effets de la nullité du contrat 113
640
C – LA SANCTION 119
§ 2 - La rupture par l’arrivée du terme 119
SECTION III - LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
À DURÉE INDÉTERMINÉE 120
§ 1 - Les conditions de forme de la rupture 120
A - LA NECESSITE DE L’ECRIT 120
B - LE PREAVIS DE RUPTURE 121
1) Le délai de préavis 122
2) L’indemnité compensatrice de préavis 122
3) Les exceptions au respect du préavis 123
§ 2 - Les conditions de fond de la rupture : rupture abusive et
rupture légitime 124
A – LA RUPTURE ABUSIVE 125
1) Les critères 125
2) La preuve de l’abus 128
B – LA RUPTURE LEGITIME 130
1) Les causes légitimes de rupture 130
2) Les droits du travailleur licencié 131
§ 3 – Les sanctions de la rupture abusive 133
A – LES DOMMAGES ET INTERETS 133
1) Le principe de l’indemnisation selon le préjudice subi 133
2) L’évaluation du préjudice 134
B - LA REINTEGRATION 137
1) La réintégration du travailleur protégé 137
2) La réintégration du travailleur non protégé 138
SECTION IV - LE LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE 139
§ 1 - La notion de licenciement pour motif économique 139
A – DEFINITION 139
B – CHAMP D’APPLICATION 140
§ 2 - La procédure de licenciement pour motif économique 142
SECTION V - DE QUELQUES OBLIGATIONS NÉES DE LA
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 144
§ 1 - Le reçu pour solde de tout compte 144
§ 2 - Le certificat de travail 145
§ 3 - La clause de non concurrence 146
641
SOUS/TITRE II - L’EXECUTION DES RELATIONS
DE TRAVAIL 149
642
B – LA PROTECTION DE LA FEMME DANS L’INTERÊT
DU NOURRISON 173
C – L’INTERDICTION DU HARCELEMENT SEXUEL 173
§ 2 – La protection des enfants et des adolescents 174
A – L’ÂGE D’ADMISSION A L’EMPLOI 174
B – LA REGLEMENTATION DE LEUR EMPLOI 174
§ 3 – La protection des handicapés 176
SECTION III – LES CONDITIONS D’HYGIENE ET
DE SECURITE 176
§ 1 – La prévention des risques professionnels 177
A – LES MESURES COLLECTIVES DE PROTECTION 177
B – LES MESURES INDIVIDUELLES DE PROTECTION 178
C – L’INFORMATION SUR LES RISQUES 178
§ 2 – Les services médicaux et sociaux 178
§ 3 – Les organes de prévention 179
643
A – LE LIEU ET L’HEURE DE PAIEMENT 197
B – LA PERIODICITE DU PAIEMENT 198
§ 3 - Le contrôle du paiement 198
A – LE BULLETIN DE PAIE ET LE REGISTRE DES PAIEMENTS 199
B – LES DELAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION EN PAIEMENT 200
1) Le principe de la prescription biennale 200
2) L’exception capitale : le point de départ du délai 201
SECTION III – LA PROTECTION DU SALAIRE 203
§ 1 – Les retenues sur salaires 203
A – LES PRÉLEVEMENTS OBLIGATOIRES 203
B – LES RETENUES AUTORISEES 204
1) Les remboursements de fournitures 204
2) Les avances 204
3) Les compensations 206
§ 2 – Les cessions et saisies-arrêts 207
§ 3 – Les privilèges sur le salaire 208
A – LE PRIVILEGE GENERAL 209
1) Les bénéficiaires et les créances garanties 209
2) La portée du privilège général 209
B – LE SUPERPRIVILEGE 210
1) La portée du super privilège 210
2) La procédure accélérée de paiement 211
C – AUTRES PRIVILEGES ET DROITS D’ACTION
DU TRAVAILLEUR 211
644
CHAPITRE II - L’INSPECTION DU TRAVAIL 225
SECTION I – LES ATTRIBUTIONS DE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL 225
§ 1 – Les fonctions de gestion administrative 226
A – LA GESTION ADMINISTRATIVE 226
B - L’INFORMATION ET LES CONSEILS 227
§ 2 – Le contrôle de l’application de la réglementation 228
§ 3 - La conciliation des parties en cas de différend 229
SECTION II – LES POUVOIRS ET SUJETIONS DE
L’INSPECTEUR DU TRAVAIL 232
§ 1 - Les pouvoirs de l’inspecteur du travail 232
A – LE LIBRE ACCES DANS LES ENTREPRISES
SOUMISES AU CONTRÔLE. 233
B – LE POUVOIR DE REPRESSION 234
1) La mise en demeure 234
2) La poursuite pénale 235
C – LE POUVOIR D’INFLIGER DES AMENDES 236
D – LE POUVOIR DE DRESSER UN PROCES-VERBAL
EXECUTOIRE 237
§ 3 – Les obligations de l’inspecteur du travail 238
§ 4 – Les délégués et les suppléants de l’inspecteur du travail 240
A – LES CONTRÔLEURS DU TRAVAIL 241
B – LES CHEFS DE CIRCONSCRIPTION ADMINISTRATIVE 241
C – LES INSPECTEURS DES MINES 242
D - L’INSPECTION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL 243
1) La médecine du travail au niveau de l’entreprise 243
2) Le rôle d’inspecteur de la médecine du travail 247
645
A - L’ABSENCE DE POLITIQUE EXPLICITE EN MATIERE
D’EMIGRATION 257
B – LES ACTIONS EPARSES DES DIFFERENTES STRUCTURES 258
C – LE CADRE STRATEGIQUE DE PROMOTION
DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 259
1) La formation professionnelle 260
2) La promotion de l’emploi 261
SECTION II - L’AGENCE NATIONAL DE LA PROMOTION DE
L’EMPLOI 262
§ 1 - Organisation et fonctionnement 262
§ 2 - Les attributions de l’ANPE 263
A – LE CONTRÔLE DE L’EMPLOI 264
B – LE PLACEMENT DES TRAVAILLEURS 265
1) Le placement hors du territoire national 265
2) Le placement à l’intérieur du territoire national 266
C - LA FORMATION, L’INFORMATION ET LES CONSEILS 267
D – LA LIBERALISATION DU PLACEMENT 267
1) La distinction entre les entreprises de travail temporaire et les bureaux
ou offices de placement 268
2) Les conditions d’ouverture de bureau de placement ou d’entreprise
de travail temporaire 270
SECTION III – LES ORGANISMES PUBLICS DE
FINANCEMENT DE L’EMPLOI 271
§ 1 - Les fonds de promotion de l’emploi 272
§ 2 - Le Programme national d’appui aux travailleurs
déflatés (PNAR-TD) 273
646
SECTION I - L’ORGANISATION DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 287
§ 1 - La composition du tribunal 287
§ 2 : La désignation des assesseurs 288
SECTION II – LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 289
§ 1 - La compétence territoriale 289
A – LE PRINCIPE 289
B - LES EXCEPTIONS 289
§ 2 - La compétence d’attribution 290
A – LES PARTIES 291
B - LE CARACTERE INDIVIDUEL DU LITIGE 292
C – LE DOMAINE DU LITIGE 293
647
A – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT ET L’ETAT 315
B – DANS LES RAPPORTS AVEC L’EMPLOYEUR 316
C – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT
ET LE TRAVAILLEUR 317
SECTION IV - L’ACTIVITE DU SYNDICAT 317
§ 1 – Le principe de spécialité du syndicat 317
§ 2 – Les domaines d’action du syndicat 319
A – LES ACTIVITES ECONOMIQUES ET SOCIALES DU SYNDICAT 319
B - L’ACTION EN JUSTICE 319
C - L’ACTION REVENDICATIVE OU DE PRESSION 320
648
A – L’EXISTENCE DU DROIT A LA NEGOCIATION COLLECTIVE 343
B – LA STAGNATION DES NEGOCIATIONS COLLECTIVES 344
SECTION II - LES CONVENTIONS COLLECTIVES ORDINAIRES
ET LES ACCORDS D’ETABLISSEMENT 346
§ 1 - La convention collective ordinaire 347
A – L’ELABORATION 347
1) Les conditions de fond 347
2) Les conditions de forme 348
B – LE CONTENU DE LA CONVENTION COLLECTIVE 349
1) Le principe de liberté 349
2) Le respect des dispositions d’ordre public 349
C – LA PORTEE DE LA CONVENTION 351
1) Le champ d’application territorial 351
2) Le champ d’application professionnel 351
3) L’adhésion à la convention collective 353
D- LES EFFETS ET LA DUREE DE LA CONVENTION
COLLECTIVE 354
1) La durée de la convention 354
2) Les effets de la convention collective 356
§ 2 - L’accord d’établissement (ou d’entreprise) 357
A – LE CHAMP D’APPLICATION 357
B – LES OBJECTIFS ET LE CONTENU DE L’ACCORD
D’ETABLISSEMENT 359
1) le rôle d’adaptation, d’amélioration et d’innovation 359
2) Le rôle supplétif 359
§ 3 – Les accords collectifs dans les services,
entreprises et établissements publics 360
SECTION III : LES CONVENTIONS COLLECTIVES SUSCEPTIBLES
D’EXTENSION ET LES CONVENTIONS GENERALES 361
§ 1 - LES CONVENTIONS SUSCEPTIBLES D’EXTENSION 361
A – LA PROCEDURE D’ELABORATION 362
B- CHAMP D’APPLICATION ET CONTENU 363
1) Le champ d’application 363
2) Le contenu 363
3) Les conventions annexes 365
C – LA PROCEDURE D’EXTENSION 365
D – LES EFFETS DE L’EXTENSION 366
§ 2 - Les conventions collectives générales ou interprofessionnelles 367
SECTION IV - L’EXECUTION DES CONVENTIONS COLLECTIVES 368
§ 1 – L’interprétation de la convention collective 368
§ 2 – La sanction de la violation de la convention 369
A – LES TYPES DE SANCTIONS 369
B – LES ACTIONS OUVERTES 370
1) L’action collective 370
649
2) L’action individuelle 371
650
A – LES EFFETS DE LA GREVE LICITE 400
B – LES EFFETS DE LA GREVE ILLICITE 400
SECTION III – LA GREVE ET LE SERVICE PUBLIC 401
§ 1 – La réquisition de travailleurs relevant du code du travail 402
§ 2 – La réglementation du droit de grève dans le secteur public 403
651
2) Le problème de l’extension du système formel de sécurité sociale 342
3) Le problème su secteur informel 342
652
A - LA RARETE DES MUTUELLES 475
B - LES FORMES D4ASSURANCE D’ENTREPRISES 476
SECTION II - L’ENTREE DANS LE REGIME
DE SECURITE SOCIALE 477
§ 1 - Les critères d’assujettissement 478
A – LA SUBORDINATION OU TRAVAIL DEPENDANT 478
B - LA REMUNERATION 480
C - LES ASSIMILATIONS LEGALES 482
§ 2 - L’immatriculation et l’affiliation 484
A – L’IMMATRICULATION DES EMPLOYEURS 484
B – L’IMMATRICULATION DES TRAVAILLEURS 485
653
TITRE III - LES BRANCHES DE LA SECURITE SOCIALE 517
654
B – LA RETRAITE ANTICIPEE 547
§ 2 - Les prestations 547
A – LA PENSION DE VIEILLESSE 547
B - L’ALLOCATION DE VIEILLESSE 548
C – LE REMBOURSEMENT DE COTISATION 549
SECTION III - LA PENSION OU L’ALLOCATION DE SURVIVANT
(OU DE DECES) 549
§ 1- Conditions tenant à l’assuré 549
§ 2 - Les conditions tenant aux bénéficiaires 550
§ 3 – Les prestations 551
655
§ 2 - Les agents de contrôle de la caisse 572
SECTION II - LE CONTENTIEUX DE LA SECURITE SOCIALE 573
§ 1 - Le contentieux général 573
A - LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 574
1) L’applicabilité des lois et règlements de sécurité sociale 574
a) Les litiges concernant les assurés 574
b) Les litiges concernant les employeurs 574
c) Les différends entre la caisse, les bénéficiaires et les employeurs. 574
2) La portée des décisions 575
B - La PROCEDURE EN MATIERE DE CONTENTIEUX GENERAL 575
1) La commission de recours gracieux 575
2) La procédure devant le tribunal du travail et les recours 576
§ 2 - Le contentieux technique ou d’ordre médical 577
§ 3 - Les autres types de contentieux 579
A – LES JURIDICTIONS PENALES 579
B – LES JURIDICTIONS CIVILES 580
C – LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 581
656
§ 2 - Les traités de travail 599
§ 3 - Les accords inter-caisses. 601
SECTION 1I - LES ACCORDS MULTILATERAUX 602
§ 1 - La convention OCAM 603
A – L’INTERÊT DE LA CONVENTION 603
B – LES FAIBLESSES DE LA CONVENTION 604
§ 2 - La CIPRES 605
A – LES OBJECTIFS 605
B – LES ORGANES 606
C – LES POUVOIRS DE LA CIPRES 606
SECTION III - LES PROJETS D’HAMONISATION DU DROIT
SOCIAL AU SEIN DE l’OHADA ET DE LA CIPRES 608
§ 1 - La notion d’harmonisation 608
§ 2 - Le problème de choix des objectifs et des techniques
d’harmonisation 610
BIBLIOGRAPHIE 613
657