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DROIT DU TRAVAIL

ET DE LA SECURITE SOCIALE
(Collection Précis de droit burkinabè)

Paul KIEMDE
Maître-assistant à l’Université de Ouagadougou

Ouvrage produit grâce au soutien


du Programme d’appui à la consolidation du processus
démocratique, l’Etat de droit et la bonne gouvernance
(PADEG)

2e tirage 2007

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2
ABREVIATIONS

A.C.T. Assemblée consultative territoriale


ADP Assemblée des députés du peuple
A.J.D.A. Actualité juridique, droit administratif
Al. Alinéa
AN Assemblée nationale
ANPE Agence nationale pour l’emploi
A.O.F. Afrique Occidentale Française
Art. Article (s)
A.I.S.S. Association internationale de la sécurité sociale
A.U. Acte uniforme
AU.PC Acte uniforme sur les procédures collectives
AU.RVE Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement
des créances et les voies d’exécution
AU.S. Acte uniforme portant organisation des sûretés
AU.SC. Acte uniforme sur les sociétés commerciales et les G.I.E.
B.I.T. Bureau international du travail
Bull. Bulletin
Bull.civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
de France
C/ Contre
C.A. Arrêt de la Cour d’appel
C.A.R.F.O. Caisse autonome de retraite des fonctionnaires
Cass. Arrêt de la Cour de cassation
Cass.(fr) Arrêt de la Cour de cassation de France
C.C. Conseil constitutionnel
C.C.I.P. Convention collective interprofessionnelle
C.civ. Code civil
C.E. Conseil d’Etat
C.E. (fr.) Conseil d’Etat français
C.E.A.O. Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest
C.E.D.E.A.O. Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
C.E.E. Communauté économique européenne
C.E.E.I. Centre d’études européennes et de l’intégration
Ch. Chambre(s)
Chron Chronique
CIMA Conférence africaine des marchés d’assurances
C.I.P.R.E.S. Conférence interafricaine de prévoyance sociale
C.N.R. Conseil national de la révolution
C.N.S.S. Caisse nationale de sécurité sociale
Code administratif Code et Lois du Burkina Faso, Tome VIII,
Code public et administratif
Code social Codes et Lois du Burkina Faso, Tome IX, Code social

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C.P.C. Code de procédure civile
C.pén. Code pénal
C.P.S.HV. Caisse de prévoyance sociale de Haute –Volta
C.S.B.P. Cahiers sociaux du Barreau de Paris
C.S. Cour suprême (du Burkina Faso)
C.S.S. Code de sécurité sociale
C.T.N.C.H.S. Comité technique national consultatif d’hygiène
et de sécurité
C. trav. Code du travail
D. Recueil Dalloz
Dir. Direction
D.P. Dalloz périodique
Dr. soc. Revue Droit social
Echo.CNSS Revue trimestrielle publiée par la CNSS
Ed. Édition
Enc.jur.de l’Afrique Encyclopédie juridique de l’Afrique
E.P.A. Etablissement public à caractère administratif
E.P.I.C. Etablissement public à caractère industriel et commercial
Ex. Exemple
Fasc. Fascicule
F.A.S.S. Fonds d’action sanitaire et sociale
FPT Fonction publique et travail (ministère de la )
G.A.D.T. Les grands arrêts du droit du travail
G.A.J.A. Les grands arrêts de la jurisprudence administrative
G.A.S.S. Grands arrêts de la sécurité sociale
Gaz.Pal. La Gazette du palais
Ibid. Ibidem
Idem même auteur
I.G.T.L.S. Inspection générale du travail et des lois sociales
I.P.R.A.O. Institut de prévoyance retraite de l’Afrique occidentale
J.C.P. Juris-classeur périodique (Semaine juridique)
J.O. Journal officiel
J.O. AOF Journal officiel de l’Afrique occidentale française
J.O.BF. Journal officiel du Burkina Faso
J.O. RHV Journal officiel de la République de Haute Volta
Jurispr. Soc.UIMM Jurisprudence sociale UIMM (Union des industries
métallurgiques et minières)
Kiti Décret (sous la révolution)
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence
Litec Librairies techniques
Mél. Mélanges
M.E.T.J. Ministère de l’emploi, du travail et de la jeunesse
M.E.T.S.S. Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale
M.T.S.S. Ministère du travail et de la sécurité sociale

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N° Numéro
N.E.A. Nouvelles éditions africaines
Obs. Observation(s)
O.C.A.M. Organisation commune africaine et malgache
O.H.A.D.A. Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit
des affaires
O.I.T. Organisation internationale du travail
Op. cit. Opere citato
Ord. Ordonnance
O.S.T. Office de santé des travailleurs
O.U.A. Organisation de l’unité africaine
p. (ou pp.) page(s)
précit. Précité (e) (s)
P.U.F. Presses universitaires de France
Penant Recueil Penant
Raabo Arrêté (sous la révolution)
R.A.N. Régie Abidjan-Niger
R.B.D (ou R.V.D.) Revue burkinabè de droit ()
R.D.P Revue de droit public et de la science politique
Rec. Recueil
Recueil annoté Recueil annoté des textes applicables au Droit du travail en
Haute-Volta (publié par la Chambre de commerce)
Rép. trav. Répertoire de droit du travail Dalloz
R.F.D.A. Revue française de droit administratif
R.G.D.I.P. Revue générale de droit international public
R.I.D.C. Revue internationale de droit comparé
(ou Rev.int.dr.comp.)
R.I.S.S. Revue internationale de sécurité sociale
R. I.T. Revue internationale du travail
R.J.S. Revue de jurisprudence sociale (F. Lefebvre)
R.J.P.I.C. Revue juridique et politique. Indépendance et coopération
R.P.D.S. Revue pratique de droit social
R.V.D. Revue voltaïque de droit
S. Recueil Sirey
s. (ou ss.) Suivant(e) (s)
Soc. Cour de cassation, chambre sociale
SMIC Salaire minimum de croissance
SMIG Salaire minimum interprofessionnel garanti
t. tome (s)
T.C. (ou T.confl.) Tribunal des conflits
T.G.I. Tribunal de grande instance
T.P.O.M. Travail et profession d’Outre-mer
T.P.S. Travail et protection sociale
Trad. Traduction

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Trib. trav. Tribunal du travail
U.A. Union africaine
U.E. Union européenne
U.E.M.O.A. Union économique et monétaire Ouest africaine
V. ou Voy. Voyez
V° Verbo
Vol(s) Volume(s)
Zatu Ordonnance ou loi (sous la révolution)

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LIVRE I
DROIT DU TRAVAIL

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8
INTRODUCTION GENERALE

1. Le droit du travail est une des branches du droit qui demande à des citoyens
de plus en plus nombreux (les employeurs et les salariés) d’en avoir quelques
connaissances, ne serait-ce que générales. A l’instar du droit en général, qui repose sur
une philosophie des rapports sociaux, le droit du travail repose sur une philosophie
particulière des rapports individuels et collectifs entre travailleurs et employeurs,
d’une part et, d’autre part, entre ceux-ci et l’Etat, qu’il soit qualifié d’Etat gendarme,
d’Etat providence ou d’Etat régulateur, selon l’évolution du rôle conféré à l’Etat. Il
n’y a pas lieu de s’étendre, dans le cadre d’un précis, sur cette philosophie particulière
du droit du travail, mais des rappels sur les notions fondatrices permettent d’éviter une
approche et des connaissances désincarnées des règles produites par ce droit.

Aussi, qu’est-ce que le droit du travail ? Quelle est l’histoire du droit du travail
et quelles sont ses caractéristiques ? Telles sont les questions qui seront abordées dans
cette introduction générale.

I - DEFINITION ET HISTORIQUE DU DROIT DU TRAVAIL


A - DEFINITION

2. Le droit du travail, c’est le droit qui régit les rapports entre les employeurs
qui font travailler et les salariés qui travaillent pour eux. Cette définition comporte
deux ambiguïtés par rapport au sens commun du mot travail et à la division du droit en
branches.

La première ambiguïté porte sur le mot travail. Dans toute société humaine, à
partir d’un certain âge, toute personne, qui n’est pas impotente, travaille ou devrait le
faire. Elle exerce une activité productrice de biens ou de service, qui lui permet de
« gagner sa vie », de satisfaire ses besoins élémentaires (se nourrir, se loger, se
vêtir…) et moins élémentaires (s’offrir des agréments, s’élever dans le rang social…).
Le fait de ne pas travailler ne peut qu’être accidentel : maladie physique ou mentale,
chômage dans les temps modernes. Même le monarque de droit divin travaille. Il en
est de même de l’élève qui n’a pas de bonnes notes à l’école dont on dit qu’il ne
travaille pas. Le chef d’entreprise et l’ouvrier travaillent tous deux. Le travail pris
dans ce sens général, peut être l’exercice d’une activité manuelle ou intellectuelle,
artistique ou littéraire etc. Si l’on s’en tenait à ce sens commun le droit du travail
régirait tous les rapports sociaux. Tel ne peut être le cas.

Le droit du travail est lié au travail salarié. Il ne vise pas toute relation de
travail, mais seulement le travail dépendant. Par exemple, lorsqu’un individu confit
son tissu à un tailleur pour en faire un habit, les rapports entre le tailleur et le
propriétaire du tissu ne sont pas régis par le droit du travail, parce que le tailleur n’est

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pas sous la dépendance du propriétaire du tissu. Celui-ci est un client du tailleur et non
pas son employeur. Le tailleur est un artisan s’il fait le travail lui-même et tout seul.
Par contre, si le tailleur se fait aider dans la couture des habits par une autre personne
qu’il rémunère, cette personne est un salarié et le tailleur est un employeur. On ne
parle de droit du travail que lorsque l’activité professionnelle est exercée non pour soi-
même, mais pour autrui. La notion de travail n’est pas prise au sens commun, mais au
sens où l’exercice de l’activité implique l’assujettissement d’une personne à une autre.
C’est cet assujettissement qui explique la nécessité d’une réglementation particulière
des rapports entre les deux personnes, pour éviter que la partie la plus forte n’abuse de
sa position dominante. Les individus qui exercent leurs activités pour leur propre
compte se trouvent exclus du champ d’application du droit du travail, parce que celui-
ci vise seulement le travail salarié. Il en est ainsi des commerçants, des artisans, des
agriculteurs, des avocats etc., qui ne travaillent pas en général sous la dépendance de
quelqu’un. Mais nous verrons que cette affirmation doit être nuancée, car le champ
d’application du droit du travail a beaucoup évolué.

La seconde ambiguïté porte sur les rapports entre employeurs et salariés.


L’employeur peut être une personne physique ou une personne morale. Lorsqu’il
s’agit d’une personne morale, elle peut être une personne morale de droit public ou de
droit privé. L’Etat et les collectivités locales sont de gros employeurs. Ils embauchent
des personnes qui travaillent pour eux, mais ces personnes ne sont pas soumises ou ne
sont pas toutes soumises au droit du travail. Elles relèvent, entièrement ou
partiellement, du droit administratif et plus précisément du droit de la fonction
publique. Droit du travail et droit de la fonction publique sont censés ne pas reposer
sur la même logique juridique sur le plan des rapports employeur et salarié. Mais en
réalité, le droit de la fonction publique n’est rien d’autre qu’un droit du travail
particulier, appliqué dans les rapports entre l’Etat, ses démembrements et les agents
qu’ils emploient.

Il ressort de ces deux considérations que le droit du travail est le droit qui régit
les rapports entre employeurs personnes privées et les salariés qui travaillent pour eux.
Les origines de ce droit expliquent cette délimitation.

B – LES ORIGINES DU DROIT DU TRAVAIL

3. Le droit du travail n’apparaît qu’aux environs du 16e siècle. Avant cette


période, c’est-à-dire au moyen âge ou dans l’antiquité, on ne pouvait pas parler de
travail salarié. Dans l’antiquité (avant le 5e siècle après Jésus Christ), les rapports de
travail dépendant étaient basées sur l’esclavage. Au moyen âge européen, ces rapports
étaient basés sur le servage, système dans lequel le seigneur féodal, propriétaire des
terres, faisait travailler les serfs pour son compte. L’esclave et le serf travaillaient
certes sous la dépendance d’autrui, mais cette dépendance tirait son origine du droit
des gens : l’esclave était un bien et le serf était un sujet du seigneur à qui il devait son

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activité et son dévouement. Les esclaves et les serfs n’étaient pas des citoyens libres.
Le travail salarié suppose des rapports entre citoyens libres.

Le droit du travail tire ses origines des corporations de métiers apparues aux
environs du 12ème siècle en Europe. Durant cette période, il s’est créé, dans les
manufactures, des corps de métiers structurés et hiérarchisés, comprenant les
apprentis, les compagnons et les maîtres. Chaque profession était réglementée par ses
membres. La réglementation professionnelle précisait les droits et devoirs de chaque
catégorie de corps, les conditions d’accès à la profession et les conditions d’évolution
dans la hiérarchie.

Vers le 18ème siècle, cette réglementation était devenue trop injuste parce que
la situation s’était figée au détriment des apprentis et des compagnons qui ne
pouvaient plus accéder aux corps des maîtres.

Le régime corporatif sera balayé par la révolution française de 1789. Le décret


d’Allarde des 2-17 mars 1791 supprime le régime corporatif et pose le principe
fondamental de la « liberté du travail ». A partir de ce moment, on voit l’Etat
commencer à intervenir pour réglementer les rapports de travail à la place des
corporations interdites, la nature ayant horreur du vide, dit-on.

4. Cette intervention connaîtra deux orientations différentes. Dans un premier


temps, sous la pression de la bourgeoisie et sous l’influence de l’idéologie
individualiste de la révolution de 1789, la réglementation étatique prendra un caractère
anti-ouvrier. Cette phase répressive se traduit par :
- l’abolition des corporations par le décret d’Allarde ci-dessus cité ;
- l’interdiction des groupements professionnels et des coalitions par la loi Le
Chapelier des 14-17 juin 1791 ; cette interdiction laisse l’ouvrier sans défense
face à l’employeur ;
- l’introduction de mesures discriminatoires favorables aux patrons. La loi du 22
germinal AN XI crée le livret ouvrier qui offre à l’employeur plusieurs moyens
de pression sur le travailleur : le patron ne remet le livret au salarié qu’à
l’expiration du contrat ; il peut retenir le livret jusqu’au remboursement des
avances qui auraient été consenties au salarié ; celui-ci tombe sous le délit de
vagabondage s’il n’a pas de livret ; en cas de contestation sur le montant du
salaire, une disposition du code civil, l’article 1781 aujourd’hui abrogé,
prévoyait que le patron devait être cru sur parole.

Dans un deuxième temps, vers le milieu du 19 ème siècle, la réglementation du


travail par l’Etat deviendra plus protectrice du travailleur. Cette évolution est due à la
conjonction de plusieurs facteurs :
- les luttes ouvrières étaient devenues de plus en plus fréquentes et violentes
(grèves avec destructions de matériels), ce qui gênait la productivité des
entreprises ;

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- beaucoup de rapports ont attiré l’attention sur la situation très déplorable des
ouvriers de l’époque ; parmi ces rapports le plus célèbre est le « tableau de
l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de soie,
coton et laine » du Docteur Villermé, paru en 1840, qui montre que la journée
de travail de l’ouvrier atteignait 14 à 15 heures. Des enfants de cinq ans
travaillaient 10 heures par jour ;
- par ailleurs les doctrines philosophiques, politiques et économiques
connaissent des changements : sur le plan philosophique et politique, les
doctrines socialistes et les partis socialistes montent en puissance ; et sur le
plan économique, les doctrines interventionnistes font leur apparition, sous les
effets des crises provoquées par la concentration du capital et la transformation
du capitalisme concurrentiel en capitalisme monopoliste.

Tous ces facteurs conduiront les pouvoirs publics à réorienter le sens de leurs
interventions dans les rapports de travail. La réglementation deviendra plus protectrice
du travailleur. La première loi protectrice, en France, fut celle du 22 mars 1841 sur le
travail des enfants employés dans les manufactures1. Bien plus tard, seront reconnus le
droit d’association, par la loi du 25 mai 1864 portant suppression du délit de coalition,
puis le droit syndical par la loi du 21 mars 1884.

L’intervention protectrice de l’Etat prendra encore plus d’importance au début


e
du 20 siècle : réglementation sur la durée du travail et sur le travail des femmes et
des enfants. Des institutions comme les conventions collectives prendront de
l’importance entre la première et la deuxième guerre mondiale. Jusqu’à cette période,
on employait plutôt les expressions « droit ouvrier » ou « législation industrielle ».
L’expression droit du travail est de ce fait relativement récente, comme est encore plus
récente l’apparition du droit du travail en Afrique francophone.

C - LA NAISSANCE DU DROIT DU TRAVAIL EN AFRIQUE


FRANCOPHONE

La naissance du droit du travail en Afrique subsaharienne2 n’a pas été le


résultat d’une évolution interne des sociétés africaines. Le travail salarié y est apparu
avec la colonisation. L’Afrique a d’abord connu le travail asservi sous les deux formes
de l’esclavage et du travail forcé, à l’époque ou ces formes avaient déjà disparu en
Europe.

1) L’esclavage

5. Sur le plan interne, l’Afrique a évidemment connu l’esclavage, qui a existé


dans l’histoire de toutes les sociétés humaines comme source de main d’œuvre. Ce qui

1 Voy. G.H. CAMERLYNCK Gérard LYON-CAEN, droit du travail, précis Dalloz, 4e éd., 1970, n° 7.
2Voyez, pour un tableau plus approfondi, P.F. GONIDEC, avec la collaboration de Martin Kirsch, Droit du travail
des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris, LGDJ, 1958.

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est remarquable, c’est l’ampleur avec laquelle elle a subi la traite des esclaves
pratiquée sur elle par les conquérants européens dans le commerce triangulaire Europe
-Afrique-Amérique, du début du 16e siècle jusqu’au milieu du 19e siècle. La
constitution française de 1793 avait certes prohibé l’esclavage1 mais ce fut un acte
éphémère qui ne fut pas appliqué. L’abolition de l’esclavage ne commencera à être
effective qu’après la seconde moitié du 19e siècle2.

Dans les colonies françaises, l’abolition définitive de l’esclavage ne fut


obtenue qu’en 18483 par le décret du 27 avril 1848 et la constitution du 4 novembre
1848. L’abolition de la traite internationale des esclaves ne fut effective qu’à l’orée du
20e siècle. Ce fut l’œuvre, entre autres, de l’acte général de Berlin du 26 février 1885,
signé par 15 puissances, qui ferma le bassin du Congo à la traite des noirs et de l’acte
général de Bruxelles de 1889 qui organisa un contrôle rigoureux de ce négoce sur terre
et sur mer.

Mais officiellement, en AOF et en AEF, l’esclavage ne prit fin qu’en 1905 et


en 1920 respectivement par le décret du 12 décembre 1905 et celui du 8 août 1920.
Toutefois, l’abolition de la traite ne signifie pas la fin de l’esclavage, qui se poursuivit
sous des formes dissimulées dans les colonies et dans certains pays qui connaissaient
l’esclavage lié aux institutions coutumières. Aussi, la lutte contre l’esclavage ne
pouvait s’arrêter avant l’abolition de toutes ces formes. Beaucoup d’actions furent
menées après la première guerre mondiale pour parvenir à cette fin. Des conventions,
des résolutions, des accords entre puissances furent adoptées, parmi lesquels la
convention du 25 septembre 1926 relative à l’esclavage, adoptée sous l’égide de
l’OIT. La Déclaration universelle des droits de l’homme marquera la suppression
définitive de l’esclavage en disposant, en son article 4, que « nul ne sera tenu en
esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous
toutes leurs formes ».

Mais à l’esclavage s’était substitué ou superposé, dès la période


coloniale, le travail forcé dans les colonies africaines.

2) Le travail forcé

6. L’expression « travail forcé ou obligatoire » désigne ˝tout travail ou service


exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit
individu ne s’est pas offert de son plein gré˝4.

1 Voy. P.F. GONIDEC, Droit du travail des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris, LGDJ, 1958, p. 23.
2 Voy. Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Paris, EDICEF /AUPELF, 1989, pp. 21
et s.; LENGELLE, « l’esclavage », Coll. que sais-je ?, Paris, PUF, 1955.
3 V. P.F. GONIDEC, op. cit. P. 25.
4 Article 2, 1 de la convention internationale de l’OIT n° 29 du 26 juin 1930 sur le travail forcé, ratifiée par le

Burkina Faso le 21 novembre 1960, v. Coppietiers’t Wallant et Ouattara Karim, Recueil annoté des textes
applicables en Droit du travail au Burkina Faso, 1982, annexe 2 ; Codes et lois du Burkina Faso, Tome IX, Code
social, p. 299. V. également la convention O.I.T. n° 105 de 1957 concernant l’abolition du travail forcé.

13
Le recours au travail forcé dans les colonies avait été présenté comme une
nécessité économique et un devoir social pour les colonisés. Il fallait recourir à cette
forme pour développer les colonies par la réalisation de grands travaux. Ainsi les
populations furent forcées de travailler dans l’intérêt de particuliers, notamment les
grandes compagnies coloniales concessionnaires. L’administration avait eu recours au
travail forcé, dans l’intérêt des colonies dit-elle, pour faire exécuter les grands travaux
de chemins de fer, de ports et de routes. Ainsi, en A.O.F., les populations de l’ex.
Colonie de Haute-Volta furent exportées par la contrainte dans les territoires voisins
pour participer gratuitement à la réalisation des grands projets de mise en valeur des
colonies. Des services de main-d’œuvre furent créés et ces services recouraient
essentiellement à cette forme de recrutement obligatoire. Au travail forcé dans les
grands chantiers s’ajoutaient, à l’intérieur des circonscriptions administratives, les
travaux forcés sous forme de prestations en nature : transport du matériel ou du
personnel administratif, appelé « levée de porteurs », culture gratuite, plantation
d’arbres, etc.

Le système du travail forcé contribua à désorganiser la vie économique et


sociale dans les colonies : des familles furent privées des bras valides, des populations
furent conduites à se cacher ou à s’expatrier pour échapper aux travaux forcés ou aux
lourds impôts. Les chefs coutumiers, obligés sous des contraintes morales de
participer aux levées d’hommes pour « payer au blanc »1, se discréditèrent et
contribuèrent à corrompre le système coutumier d’administration.

Le travail forcé ne sera réellement aboli dans les colonies françaises d’Afrique
qu’après la deuxième guerre mondiale. Mais dès 1930, une convention internationale
conclue sous l’égide de l’OIT, la convention n°29, a posé le principe de l’interdiction
du travail forcé. Cette convention exclut du terme « travail forcé ou obligatoire » :
- tout travail ou service exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire
et affecté à des travaux d’un caractère purement militaire ;
- tout travail ou service faisant partie des obligations civiques normales des
citoyens d’un pays se gouvernant pleinement lui-même ;
- tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une
condamnation prononcée par une décision judiciaire (...) ;
- les menus travaux de village, c’est à dire les travaux exécutés dans l’intérêt
direct de la collectivité par les membres de celle-ci (...).

L’article 4, 1 de cette convention n°29 précise que « les autorités compétentes


ne devront imposer ou laisser imposer le travail forcé ou obligatoire au profit de
particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées ».

Cette convention, qui faisait d’ailleurs preuve de souplesse, fut non appliquée
avant la fin de la seconde guerre mondiale. Toutefois il est apparu durant cette période
1Expression traduite d’une critique douce d’un chanteur traditionnel appelé « Zouanga Youngo », qui dit dans sa
chanson que « le règne de Naba KOM fut bon sauf sur un point : donnez un enfant pour payer au blanc ».

14
une réglementation éparse prise sous la pression de l’OIT et de puissances comme les
Etats-Unis d’Amérique (USA) et l’Union des républiques socialistes soviétiques
(URSS), principalement, qui n’avaient pas de colonies et qui, en partant de raisons
idéologiques opposées, se rejoignaient dans l’anti-colonialisme. Cette réglementation
était élaborée par les gouverneurs des colonies.

3) L’émergence du droit du travail après la seconde guerre mondiale

7. Après la seconde guerre mondiale, l’O.I.T. fit adopter une convention n°82
du 19 juin 1947 qui donnait force obligatoire à un certain nombre de principes, parmi
lesquels le principe de non discrimination. Ce principe faisait obligation à la
métropole d’étendre à ses territoires d’Outre-Mer la législation du travail en vigueur.

Dans les colonies françaises, il y aura une évolution notable à partir de la


conférence de Brazzaville de 1944. Des dispositions du code du travail métropolitain
furent transposées dans les colonies moyennant parfois des adaptations. Il en sera
ainsi, par exemple, de la réglementation sur les syndicats (décret du 7 août 1944) et de
celle relative au corps d’inspection du travail spécifique (décret du 17 août 1944).

La première tentative d’adoption d’une réglementation complète apparaît avec


le code Marius Moutet du 20 octobre 1947, du nom du ministre des colonies de
l’époque. Ce code fut non promulgué à cause de l’opposition des patrons coloniaux et
des oppositions juridiques sur la question de savoir si le texte devait être pris par
décret ou par voie législative.

L’étape la plus marquante de la naissance du droit du travail en Afrique


francophone fut l’adoption du code du travail des territoires d’Outre-mer du 15
décembre 19521. Ce fut une œuvre juridique importante, d’une part du point de vue de
son contenu et, d’autre part, par le fait que dans les autres disciplines il n’y a pas eu
une telle codification d’une législation autonome à l’égard du droit métropolitain.

Dans les années 1960, après les indépendances, chaque Etat africain
francophone élaborera son propre code du travail, en s’inspirant largement du code du
travail d’Outre-mer de 1952. C’est ainsi que le premier code du travail burkinabè fut
établi par la loi n°26-62 AN du 7 juillet 19622. Ce premier code fut modifié par la loi
n°9-73 AN du 7 juin 19733, qui fut remplacée par la loi n°11-92-ADP du 22 décembre

1 Pour le texte du code de 1952, v. J.O.RF. n° 1067, Code du travail dans les territoires d’Outre-Mer, 1956,
Imprimerie du journal officiel ; Pierre HUGUET, Code du travail d’Outre-Mer, texte et commentaire, Recueil
Sirey, 1953.
2
Loi n° 26-62/AN du 7juillet 1962 portant adoption du Code du travail, J.O.RHV. n° 33 bis spécial du
18 août 1962, p. 826.
3
Loi n° 9-73 AN du 7 juin 1973, J.O.RHV n° 31 du 26 juillet 1973, p. 418. V. le recueil annoté de
Coppieters’t Wallant et K. Ouattara, qui porte sur ces textes.

15
19921. Celle-ci est aussi abrogée et aujourd’hui remplacée par la loi n° 033-2004/AN
du 14 septembre 20042.

II - LES CARACTERES DU DROIT DU TRAVAIL


8. Dans un arrêt du 18 mai 19933, la cour d’appel de Ouagadougou définissait
ainsi les caractères du droit du travail : « attendu que le droit du travail est un droit
particulièrement évolutif, qu’il ne découle pas de grands principes intangibles
suggérant l’idée d’un droit naturel ; qu’il dépend au contraire de situations sociales,
économiques, voire même des rapports de forces politiques eux-mêmes en perpétuel
devenir ; ... » Cet attendu de la cour d’appel indique bien la diversité des traits du droit
du travail, parmi lesquels nous en retiendrons quelques uns :

- son caractère évolutif et expansif ;


- son caractère progressiste et impératif ;
- son caractère ambivalent ;
- son caractère particulier ou autonome.

A – LE CARACTERE EVOLUTIF ET EXPANSIF

9. Le caractère dynamique ou évolutif du droit du travail signifie que le


contenu de ce droit peut varier selon la nature de l’entreprise (privée ou publique) la
nature du régime social (capitaliste libéral, planifié, socialiste etc.) ou simplement
selon la conjoncture économique du pays. Il est, à cet égard, symptomatique que la
période de difficultés économiques marquée par l’adoption de programmes
d’ajustement structurel ait entraîné, dans certains pays africains, l’adoption de
nouveaux codes du travail. Même si, comme au Burkina Faso, ces nouveaux codes ne
se sont pas traduits par une déprotection du travailleur, on remarque une variation
importante dans les thèmes principaux des discours des autorités politiques sur la
question sociale : le discours sur la stabilité de l’emploi a fait place à celui sur la
restructuration pour la survie des entreprises et, pour faire bonne mesure, à celui sur la
réinsertion des travailleurs licenciés ou « déflatés » selon l’expression établie au
Burkina Faso ; les thèmes de la préservation du pouvoir d’achat, de la participation
des travailleurs aux bénéfices ou à la gestion - mise à l’honneur sous le CNR4 dans les
entreprises publiques - sont presque éclipsés par les considérations sur les bienfaits de
la dévaluation pour la relance économique, le dégraissage des administrations
publiques et la privatisation des entreprises publiques. Ainsi, le contexte de
libéralisation économique et de difficultés économiques a entraîné une certaine
déprotection du travailleur, au point de vue de la stabilité de l’emploi et du pouvoir

1 J.O. B.F. spécial du 7 janvier 1993 : Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, Code social, pp. 4 et s.
2 J.O.BF spécial n° 2 du 29 octobre 2004.
3 Arrêt n° 32 du 18 mai 1993, BIB c/ M.R.
4 Il s’agit du Conseil national de la révolution, gouvernement dirigé par Thomas SANKARA du 4 août 1983 au 15

octobre 1987.

16
d’achat, et un renforcement du pouvoir de l’employeur notamment dans le pouvoir de
réorganiser ou restructurer son entreprise. Toutefois, même s’il connaît des variations
dans son contenu, le droit du travail s’étend de manière continue à d’autres catégories
de personnes.

Le premier signe de ce caractère expansif du droit du travail réside dans la


définition de ce droit. Autrefois conçu comme le droit qui régit les rapports
individuels entre employeurs et salariés qui travaillent pour eux, cette définition est
aujourd’hui dépassée1 car trop restreinte. Le droit du travail embrasse aussi bien les
rapports individuels que les rapports collectifs de travail. Au niveau de l’entreprise, de
la profession ou de la branche d’activité, travailleurs et employeurs sont liés par des
rapports collectifs régis par le droit du travail. Celui-ci n’embrasse pas seulement les
rapports contractuels, mais aussi les activités syndicales, les conventions collectives,
la grève, etc.

Le second signe du caractère expansif du droit du travail concerne


l’élargissement de son champ d’application par rapport aux professions et aux
personnes originairement concernées. Par rapport aux personnes concernées, la
réglementation étatique du travail a d’abord intéressé les catégories considérées
comme les plus vulnérables (enfants, femmes), puis elle s’est étendue aux hommes.
Par rapport à la profession, l’extension du droit du travail s’est faite en relation avec
l’expansion du salariat : de l’industrie (manufactures, mines), le droit du travail a
gagné le commerce, l’agriculture puis les professions domestiques. Certaines
professions jusqu’alors en dehors de son champ d’application tombent de plus en plus
sous son emprise : par exemple, les médecins, les avocats et les voyageurs -
représentants-placiers (VRP) sont des professions libérales dans lesquelles le salariat
se développe. Le changement du champ d’application est aussi illustré par le
changement de terminologie : jusqu’au début du 20e siècle, on parlait de droit ouvrier
ou de législation industrielle.

L’expansion du droit du travail s’explique par son caractère très protecteur et


progressiste.

B – LE CARACTERE PROGRESSISTE ET IMPERATIF

10. L’on dit que le droit du travail est progressiste parce qu’il est orienté, en
relation avec l’idée de droit acquis, vers l’amélioration continue des conditions de vie
du travailleur. Celui-ci, a bien de points de vue, apparaît mieux couvert que les
personnes relevant d’autres régimes juridiques : les artisans et les commerçants, par

1 V. dans le sens d’une remise en cause globale, non pas de l’expansion mais de la limitation du droit du travail au
travail salarié, l’étude prospective commandée par l’Union Européenne et réalisée sous la direction du professeur
Alain SUPIOT, dont le titre est illustratif de l’évolution : « Au-delà de l’emploi, transformation du travail et
devenir du droit du travail en Europe », Flammarion, 1999; présentation dans Dr. Soc. N° spécial 1999.

17
exemple. Les salariés bénéficient d’avantages dont les artisans et les commerçants ne
bénéficient pas : ils bénéficient de la sécurité sociale, du régime protecteur de rupture
du contrat de travail et d’une réglementation protectrice des conditions de travail. Du
fait de ce caractère progressiste, l’on entend souvent dire, au Burkina Faso, que le
droit du travail a pour finalité de protéger le travailleur contre l’employeur. Cette
assertion, qui a généralement pour objectif de réclamer une interprétation conforme à
l’intérêt du travailleur d’une règle de droit, reste tout de même inexacte : la finalité du
droit du travail, comme de tout droit, est de réguler des rapports sociaux et, ici, les
rapports entre employés et employeurs. Si le droit du travail est plus protecteur du
travailleur, c’est que, selon l’adage, « entre le fort et le faible, c’est le droit qui libère
et la liberté qui opprime ». Le droit du travail ne peut donc être réduit à la protection
d’une seule partie, même si le législateur doit porter son attention sur le déséquilibre
de force entre les contractants, comme d’ailleurs il doit le faire dans les rapports entre
le consommateur et le vendeur professionnel en droit commercial.

Pour assurer cette amélioration continue des conditions matérielles et de la


situation juridique du travailleur salarié, le droit du travail a un caractère impératif.
Bien qu’il s’agisse d’un droit qui régit des rapports entre des particuliers, sa protection
est assortie de sanctions pénales.

L’ordre public social joue dans un sens « unilatéral », « déséquilibré » ou


« partisan » parce que le droit du travail tente de rééquilibrer l’échange, de compenser
l’infériorité économique de fait des uns par des contrepoids juridiques1. Un exemple
illustratif de ce caractère unilatéral est le fait que les conventions collectives peuvent
déroger aux règles impératives d’origine étatique dans un sens favorable aux
travailleurs et le contrat de travail peut, dans le même sens, déroger aux conventions
collectives et aux lois et règlements.

C – LE CARACTERE AMBIVALENT

11. Mais malgré cet effort de consolidation des avantages matériels (les
revenus par exemple) et juridiques (stabilité de l’emploi), le droit du travail reste
ambivalent. Il est très tributaire de l’économie et de ce fait, il est marqué d’instabilité
voir d’ineffectivité. L’illustration de cette instabilité liée aux facteurs économiques est
donnée par les mouvements de révision des codes du travail en Afrique, en même
temps que l’adoption des programmes d’ajustement structurel et de privatisations, qui
traduisent des difficultés économiques et/ou un changement de politiques
économiques.

Le droit du travail est, dit-on, un droit où l’économique et le social s’opposent.


Cette contradiction résulte du fait que le droit du travail, dans son ensemble, grève le
prix de revient général de la main d’œuvre et constitue une série de limitations au
1 Voy. Pierre VANDER VORST (sous la direction), A l’enseigne du droit social belge, Revue de l’Université de
Bruxelles, 1978, 1-3, p.54.

18
profit1. Selon MM Ghestin et Langlois, plutôt qu’une opposition, il faudrait dire que
les questions sociales et économiques sont étroitement liées. Le progrès social est,
disent-ils, lui-même tributaire du progrès économique car « à l’échelon de l’entreprise,
seule une entreprise économiquement saine, prospère, peut supporter des charges
sociales importantes et sur le plan national, des charges sociales excessives peuvent
ôter tout caractère compétitif dans la concurrence internationale »2. A l’inverse,
l’expansion économique est elle-même tributaire du progrès social parce que
l’amélioration du niveau de vie des travailleurs fait apparaître des débouchés
nouveaux qui favoriseront l’expansion. Toujours est-il que l’influence de l’économie
sur le droit du travail est très profonde : « si le droit du travail cherche à consacrer ce
qui est socialement désirable, il ne peut réaliser que ce qui est économiquement
possible »3.

Certaines règles du droit du travail peuvent avoir des motifs directement


économiques. C’est le cas de l’interdiction de l’indexation du salaire ou de la
réglementation du travail des étrangers. D’autres ont des motifs sociaux : l’interdiction
des amendes, l’insaisissabilité d’une partie du salaire, le super privilège dont bénéficie
la créance de salaire…

Les contradictions internes du droit du travail, résultant de l’opposition ou en


tout cas de la liaison entre l’économique et le social, entraînent souvent un écart entre
la théorie et la pratique. Ceci est particulièrement vrai en Afrique, où le droit du
travail est très inappliqué dans certaines de ses prescriptions : il en est ainsi du SMIG,
des règles d’hygiène et de sécurité, de l’immatriculation à la sécurité sociale etc. Cette
ineffectivité est fréquente dans les petites entreprises et dans le secteur informel.
L’existence d’un secteur informel et son expansion sont en eux-mêmes des indicateurs
du divorce entre la législation, dont le code du travail, et la réalité économique. Une
bonne partie des acteurs économiques de ce secteur informel, même sans être animés
de mauvaise foi, ne peuvent pas se placer sous le couvert du code du travail. Ce
divorce entre le droit et la réalité rejette une frange de la population active dans
l’illégalité. Il n’est pas de notre propos de proposer de niveler le droit par le bas mais
de montrer le rapport entre les phénomènes du droit et de l’économie.

D – LE PARTICULARISME DU DROIT DU TRAVAIL

12. Divers facteurs ont contribué à donner au droit du travail une certaine
autonomie, un certain particularisme par rapport au droit civil et au droit public. Il
s’agit de l’intervention importante de l’Etat et des conventions collectives.

Même si les relations contractuelles de travail reposent toujours largement sur


la notion de contrat de droit civil, sur bien de points, le droit du travail utilise des

1 Voy. G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, Droit du travail, précis Dalloz, 18 e éd. p.26.
2 Voy. Jacques GHESTIN et Philippe LANGLOIS, Droit du travail, Sirey, 1977, 2e éd. n°32, p.16.
3 G. LYON-CAEN, J. PELISSIER, A. SUPIOT, op. cit. p.26.

19
techniques juridiques qui lui sont propres. C’est le cas notamment en ce qui concerne
les relations collectives de travail : conventions collectives, conflits collectifs,
syndicats. D’une manière générale, ces rapports collectifs sont régis par la loi. Cette
intervention poussée du législateur entraîne une « publicisation » du Droit du travail.
Commentant le code du travail de 1952, P.F. Gonidec disait qu’on peut se demander
ce qui reste du droit privé dans le droit du travail1. En effet, les rapports de travail sont
plus déterminés par la loi que par le contrat de travail. Le contenu des conventions
collectives est très largement déterminé par le législateur. Ce caractère est accentué au
Burkina Faso par le fait que l’unique convention collective générale (la convention
collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974)2, date de 1974 alors que le code du
travail a été modifié en 1992 et en 2004. Le code a intégré, dès 1992, ce qui pouvait
être considéré comme des acquis de cette convention collective. Celle-ci est, sur
certains points, en retard par rapport au code. Il en est ainsi, par exemple, de la
réglementation du licenciement pour motif économique où la CCIP en est restée à la
notion de licenciement collectif, qui est plus restreinte.

Ces facteurs ont parfois conduit à poser le problème de la classification du


droit du travail dans les deux grandes catégories, droit privé ou droit public. Malgré le
caractère impératif du droit du travail et un certain déclin du rôle du contrat de travail,
le droit du travail demeure plus proche du droit privé que du droit public. Mais il
présente l’originalité de mettre en présence moins souvent des individus que des
groupements3.

Nous aborderons l’étude du droit du travail burkinabè en commençant, de


manière plutôt classique, par les sources (TITRE I) puis nous examinerons
successivement : les relations individuelles de travail (TITRE II), englobant l’étude du
contrat de travail (sous-titre I) et celle de l’exécution des relations de travail (sous-titre
II) ; les institutions du travail (TITRE III) se subdivisant en institutions publiques
(sous-titre I) et institutions professionnelles (sous-titre II) ; et enfin les relations
collectives de travail (TITRE IV).

1 P.F. Gonidec, op. cit. p. 54.


2 Code social, p. 198.
3 Voy. J. GHESTIN et Ph. LANGLOIS, Droit du travail, 2 e édit., Sirey, p. 13 ; G. LYON-CAEN, J. PELISSIER,

A. SUPIOT, op. cit. p ; 24 : « le phénomène des groupes et des collectivités, à l’antipode du droit civil, caractérise
ainsi le droit du travail ».

20
TITRE I - LES SOURCES DU DROIT DU TRAVAIL
13. Le terme « source du droit » désigne « l’ensemble des règles juridiques
applicables dans un Etat à un moment donné »1. Les règles du droit du travail tirent
leurs origines de sources internes et de sources internationales. Cette distinction
classique prend encore plus de relief en droit du travail africain, car celui-ci est né et a
évolué sous l’influence des organisations internationales s’occupant des questions du
travail.

1 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 8e éd., 1993, p.499; voy. Également,
Hugues THUILLIER, Contribution à la théorie des sources du droit du travail, J.C.P., I, 2649; Bernard MATHIEU,
Les sources du droit du travail, Que-sais-je? P.U.F., 1ère édition, 1992.

21
22
CHAPITRE I - LES SOURCES INTERNES
Les sources internes du droit du travail se subdivisent, d’une part, en sources
étatiques ou sources publiques ou encore sources hétéronomes et, d’autre part, en
sources professionnelles ou sources privées ou encore sources autonomes.

SECTION I - LES SOURCES PUBLIQUES OU


HETERONOMES
Les règles du droit du travail d’origines étatiques proviennent de la
constitution, de la loi, des règlements et de la jurisprudence.

§ 1 - La constitution
14. Les constitutions sont en général laconiques sur le droit social (droit du
travail et de la sécurité sociale). Elles affirment les principes essentiels - directement
ou par référence aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme - et
renvoient à la loi pour leur mise en oeuvre.

Si la constitution de la IIIème république, celle de 1977, traitait de ces


principes dans son préambule, la constitution de la IVe république, adoptée par
referendum le 2 juin 1991 et promulguée le 11 juin, les reprend dans le corps même de
la constitution en son chapitre IV relatif aux droits et devoirs sociaux et culturels. Ce
sont précisément les articles 19 à 22 qui concernent le droit du travail.

Selon l’article 19 « le droit au travail est reconnu et égal pour tous. Il est
interdit de faire des discriminations en matière d’emploi et de rémunération en se
fondant notamment sur le sexe, la couleur, l’origine sociale, l’ethnie ou l’opinion
politique ».

L’article 20 définit le sens de l’intervention de l’Etat en matière sociale :


« l’Etat veille à l’amélioration constante des conditions de travail et à la protection du
travailleur ». Cette disposition, qui peut être interprétée comme faisant injonction à
l’Etat de prendre position en faveur de l’employé dans ses rapports avec l’employeur,
relève en réalité de l’affirmation de la mission générale de l’Etat de veiller au progrès
social : amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité, de la situation de
l’emploi, du niveau de vie etc. Cette mission inclut l’édiction de règles allant dans ce
sens et, évidemment, le contrôle du respect de la réglementation protectrice par
l’employeur.

La liberté d’association et la liberté syndicale sont consacrées par l’article 21


qui dispose en son §2 que : « la liberté syndicale est garantie. Les syndicats exercent
leurs activités sans contrainte et sans limitation autres que celles prévues par la loi ».

23
Enfin, l’article 22 dispose que : « le droit de grève est garanti. Il s’exerce
conformément aux lois en vigueur ». Cette liberté peut donc, comme toute liberté, être
aménagée par le législateur.

Outre ces dispositions qui font référence aux relations de travail, il faut tenir
compte de deux autres sources constitutionnelles : les « principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République », selon le langage du juge constitutionnel
français et les principes généraux du droit d’origines diverses susceptibles d’être
appliqués en droit du travail1. Sont par exemple applicables au droit du travail, les
principes de liberté personnelle, la liberté d’entreprendre, le principe d’égalité ou de
non discrimination, le principe de légalité des délits et des peines, le droit de propriété,
le principe de continuité des services publics …

§ 2 - La loi
15. La compétence du législateur résulte des renvois explicites à la loi (article
21 et 22 précités) mais aussi et surtout de l’article 101 de la constitution portant
définition du domaine de la loi. Selon cet article, « la loi détermine les principes
fondamentaux (...) du droit du travail, du droit syndical et des institutions sociales ».
Partant de cette répartition, il appartient au législateur de préciser et mettre en
application les principes généraux posés par la constitution et le droit international.

L’œuvre du législateur se traduit essentiellement par l’élaboration du code du


travail. Mais l’intervention du législateur ne se limite pas à l’adoption du code du
travail : des dispositions particulières de la législation civile ou commerciale peuvent
avoir une incidence en droit du travail. Par exemple, l’âge de majorité, l’âge de
scolarisation obligatoire, la liberté d’exercice d’activité de la femme, doivent être pris
en compte en droit du travail.

L’aspect « progressif » de l’apport du législateur est de créer un « ordre public


social »2 qui constitue un plancher en dessous duquel les parties ne peuvent pas
descendre en défaveur du travailleur. Les dispositions législatives protectrices ou
favorables au travailleur sont impératives et ne peuvent souffrir de dérogations
conventionnelles si ce n’est dans un sens plus favorable.

§ 3 - Les règlements
16. Suivant la répartition opérée par les articles 101 et 108 de la constitution,
portant respectivement détermination des domaines de la loi et du règlement, les

1Bertrand MATHIEU, Les sources du droit du travail, op. cit., pp. 7 et s.


2V. F. GAUDU, L’ordre public en droit du travail, Études offertes à Jacques Ghestin, LGDJ – Montchrestien,
2001, p. 363

24
règlements mettent en application les principes fondamentaux déterminés par la loi,
les conventions internationales et la constitution.

Le pouvoir réglementaire tient une place essentielle en droit du travail. Par


exemple, l’organisation et le fonctionnement de l’inspection du travail, la création des
organismes consultatifs, sont l’œuvre du pouvoir réglementaire. La création des
tribunaux du travail relève désormais du pouvoir législatif1. Si les textes organiques
sont généralement pris par décret (organisation de l’inspection du travail, de l’Agence
nationale pour l’emploi...) le code du travail, en de nombreuses dispositions, renvoie à
des arrêtés du ministre chargé du travail le soin de préciser les règles de détail :
modalités de recrutement de travailleurs burkinabè à destination de l’étranger,
réglementation des heures supplémentaires, présentation des documents devant être
tenus par l’employeur, modalités d’établissement du contrat de travail, du contrat à
l’essai, du contrat d’apprentissage etc. Même les circulaires du ministre du travail
peuvent avoir une importance dans la compréhension ou dans l’effectivité du droit
applicable. Par exemple, une circulaire du Ministre chargé du travail en date du 06
octobre 1993 est intervenue pour lever les difficultés d’interprétation du code de 1992
en matière de congé annuel payé2. Une autre circulaire, de légalité plus controversée,
avait essayé d’interpréter ce code de 1992 dans le sens de la possibilité de renouveler
plus d’une fois le contrat à durée déterminée3.

§4 - La jurisprudence
17. En ce qui concerne la place de la jurisprudence comme source du droit du
travail, il ne faut pas seulement considérer les décisions des juridictions du travail
mais tenir compte également de celles des autres juridictions (pénales,
administratives...), car le droit du travail est à la croisée du droit public et du droit
privé4. Les juridictions administratives et pénales interviennent dans l’application du
code du travail et leurs décisions revêtent souvent une grande importance. En quoi la
jurisprudence est-elle une source importante du droit du travail?

Pour M. Despax, « le rôle créateur de la jurisprudence est restée très inférieur à


ce qu’il a pu être dans d’autres branches du droit ». La raison serait que « l’application
des principes du droit civil considéré de façon contestable comme le droit commun en
la matière a, dans la plupart des cas, abouti à une érosion jurisprudentielle des règles
légales novatrices »5. Malgré cette opinion mitigée, il n’en concède pas moins que la

1 Le code du travail de 2004, en disposant que « la loi fixe, pour chaque tribunal, son siège et sa compétence »,
confère désormais compétence au législateur pour la création des tribunaux du travail (V. l’art. 291 al. 3 C. trav.
2004).
2 Circulaire n’° 93-2 ETSS du 6 oct. 1993 sur l’application de l’article 90 C. trav. De 1992 (J.O.BF. du 7 octobre,

p. 1601)
3 Circulaire n° 93-3 ETSS du 5 mai 1993 relative à l’application de l’art. 13 C. trav. De 1992 (J.O.BF. du 11

novembre 1993, p. 1785).


4 Voy., sur la question, Jean Claude JAVILLIER, Droit du travail, 5 e éd., LGDJ, 1996, p.40.
5 Michel DESPAX, Le droit du travail, Que sais-je? PUF, 4e éd. 1977, p.10.

25
connaissance de la jurisprudence est indispensable à qui veut avoir une vue complète
du droit du travail. M. Bertrand Mathieu, par exemple, estime que même si le
développement des textes législatifs et réglementaires a conduit la jurisprudence à
accepter une place plus réduite dans les sources du droit du travail, « la jurisprudence
reste cependant l’une des sources essentielles du droit du travail »1.

18. Deux raisons montrent l’importance de la jurisprudence comme source du


droit du travail.

La première raison est que les interprétations des juridictions du travail


(tribunaux, cours d’appel, cour de cassation) peuvent contribuer à relâcher ou à
consolider la protection des travailleurs2. Le juge peut se montrer conservateur ou
progressiste lorsqu’il connaît d’un différend individuel opposant le travailleur à
l’employeur. C’est le cas, par exemple, de l’interprétation qu’il donne du statut du
délégué du personnel en cas de licenciement ; de la protection de la femme enceinte ;
ou de l’appréciation de la demande de réintégration du salarié abusivement licencié.
Deux cas concrets peuvent être cités dans l’un et l’autre sens.

Dans le sens de l’innovation protectrice du travailleur, la Cour d’appel de


Ouagadougou, pratiquement contre l’esprit de la loi, avait reconnu le droit à la
réintégration du travailleur irrégulièrement licencié, quelques temps avant la
reconnaissance du droit à réintégration par le code de décembre 1992 3. Le juge avait
donc devancé ou poussé le législateur, par interprétation de la notion de juste
réparation et en estimant que la réintégration est la forme la plus juste de réparer le
préjudice causé par le licenciement. Cette interprétation fait partie de l’audace et de la
créativité dont le juge doit faire preuve pour découvrir des principes qui ne se
rattachent pas clairement à des dispositions légales4.

Dans le sens conservateur ou réaliste5 la jurisprudence relativise le caractère


d’ordre public du SMIG en estimant qu’il peut y avoir renonciation à ce droit par
l’acceptation, mois par mois d’un salaire inférieur6. Selon cette jurisprudence, le

1 Bernard MATHIEU, op. Cit., pp. 86 et s. V. aussi, G. LYON-CAEN, L’état des sources du droit du travail, Dr.
Soc. 2001, 1031; H. THIBAULT, L’employeur et le juge, Dr. Soc. 1997, 93 et s.
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. cit., p.54.
3 Voy. C. A. Ouagadougou, 21 février 1986, et contra, Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, 6 mai 1985, RBD n° 12,

1987, p. 380, note S. Yonaba.


4 Voy. J. PELISSIER, Difficultés et dangers de l’élaboration d’une théorie jurisprudentielle : l’exemple de la

distinction entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail, Mélanges offerts à
Pierre Couvrat, PUF, 2001, p.101.
5 V., sur la notion d’interprétation réaliste, J. PELISSIER, A. SUPIOT et A. JEAMMAUD, Droit du travail, 21 e

édition, Dalloz, 2002, n° 41.


6 Voyez, C. A. Haute-Volta, arrêt n° 3 du 6 février 1970, Kam Ollé c/ Bravolta; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 12 du

3 mars 1972, Mme Maouzou communauté musulmane; C.ap. Ouagadougou, arrêt n° 64 du 7 juin 1994,
Thiombiano B. c/ Total-Texaco; arrêt n° 65 du 7 juin 1994, Mambouré Y. c/ SEA- Mercedès; arrêt n° 66 du 7 juin
1994, S.A.O. c/ Chazeau; C.A. Ouagadougou, 17 juin 1997, B.M. et 40 autres, RBD n° 33, 1 er semestre 1998, p.
153.

26
travailleur qui a accepté mois par mois le salaire convenu, sans contestation avant la
rupture, est mal venu à réclamer des reliquats de salaires pour non respect du SMIG.

19. La seconde raison qui justifie l’importance de la jurisprudence est que


l’appréciation que d’autres juridictions donnent d’une liberté publique peut avoir une
incidence sur le droit du travail. L’illustration est donnée par le problème de la
protection des travailleurs migrants. Les problèmes d’expulsion des étrangers pour
défaut ou retrait de carte de séjour ou pour d’autres raisons tenant à la protection de
l’ordre public ont donné lieu à de nombreux contentieux administratifs en France où
les juridictions administratives y ont développé une jurisprudence protectrice du
travailleur. En Afrique, malheureusement, les expulsions massives ne donnent pas lieu
à des contentieux pour plusieurs raisons : Il s’agit de mesures générales d’application
immédiate accompagnées souvent d’exactions ne laissant pas le loisir d’agir en justice
; un manque de soutien de l’opinion interne ; une faible capacité d’accès à la justice
des personnes intéressées...

SECTION II - LES SOURCES PROFESSIONNELLES


OU AUTONOMES
20. Les sources professionnelles sont constituées des conventions collectives,
des usages et du règlement intérieur d’entreprise.

Les sources professionnelles sont historiquement les sources premières du


droit du travail. Les premières règles du droit du travail sont nées au sein de
l’entreprise, des pratiques et des luttes sociales. Par exemple, des grèves spontanées
menées par des coalitions de circonstance sont apparues les syndicats. De même, à
partir de la naissance des syndicats apparaissent les conventions collectives. Ce n’est
qu’ultérieurement que les lois et règlements consacreront les phénomènes du syndicat
et des conventions collectives. Si cette évolution historique est moins valable en
Afrique où le droit moderne ne s’est pas constitué de manière autonome, les sources
professionnelles du droit du travail n’en gardent pas moins une place primordiale.

§ 1 - Les conventions collectives


21. Les conventions collectives sont des accords relatifs aux conditions de
travail conclus entre, d’une part, les représentants d’un ou plusieurs syndicats ou
groupements professionnels de travailleurs et, d’autre part, une ou plusieurs
organisations syndicales d’employeurs ou tout autre groupement d’employeurs ou un
ou plusieurs employeurs pris individuellement.

Il existe quatre sortes de conventions collectives : les conventions ordinaires,


les conventions extensibles, les accords collectifs d’entreprise ou d’établissement, et
les conventions collectives nationales interprofessionnelles. Avec l’apparition récente
de cette quatrième catégorie de conventions collectives, les sources professionnelles
27
redeviennent véritablement les références premières du droit positif. La législation du
travail apparaît comme la base minimale et c’est la convention interprofessionnelle ou
générale, complétée par les conventions particulières et les usages, qui indiquent le
droit applicable. Mais il est à noter qu’au Burkina Faso, la convention collective
interprofessionnelle (CCIP) en vigueur, celle du 9 juillet 1974, est antérieure au code
du travail. Elle est par conséquent, sur bien des points, dépassée par le code du travail
qui consacre ses acquis essentiels et contient des innovations. Au nombre des
innovations introduites par le code de 1992, on peut citer : la réglementation du
licenciement économique1, l’allocation pour service rendu en cas de démission
régulière du travailleur ayant 10 ans d’ancienneté2, la possibilité pour l’inspecteur du
travail de dresser un procès verbal exécutoire obligeant l’employeur à payer certains
droits au travailleur en cas de litige portant sur le salaire3 etc. Le Code 2004 maintient
les innovations du code de 1992, avec quelques fois des aménagements tenant compte
des critiques, à l’exemple du P.V. exécutoire qui avait soulevé des contestations sur le
plan juridique4.

22. Il est de plus en plus question d’une renégociation de cette convention


collective interprofessionnelle. C’est la course poursuite entre les conventions
collectives et les lois et règlements qui imprime au droit du travail son caractère
progressiste. On peut peut-être douter que, dans le contexte actuel marqué par
l’application du programme d’ajustement structurel reconverti en cadre stratégique de
lutte contre la pauvreté5, une renégociation de la convention collective
interprofessionnelle permette d’ajouter des avantages substantiels à ceux accordés
dans le code du travail. Il n’est d’ailleurs pas exclu, même si cela reste théorique dans
le système francophone, que la négociation des conventions collectives aille dans les
deux sens de l’augmentation ou de la réduction d’avantages, en fonction des situations
économiques auxquels les partenaires ont à faire face. Il aurait été préférable - pour
une relance ou la fortification de l’économie - que les réajustements soit opérés par les
partenaires, au lieu d’être indirectement réalisés par l’inflation, la dévaluation ou pire,
par des fermetures ou diminutions d’activités des entreprises. En Afrique, il n’y a que
l’Etat qui, dans les situations difficiles, lance l’idée de trêve principalement à ses
agents et généralement sans succès car le secteur public est celui qui s’offre le moins à
l’usage à des techniques contractuelles. Un réajustement opéré par le milieu du travail,
sous les formes d’accords de progrès ou plans de relances, ne peut se faire que dans
les pays à forte tradition de partenariat. Mais comme les traditions se créent, on peut
souhaiter que le Burkina Faso s’y engage.

1 Article 38 C. trav. de 1992, devenu article 101 du code de 2004.


2 Art.35 C. Trav., 1992.
3 Article 189 al. 5 C. trav. 1992, devenu art. 307 du code de 2004.
4 V. P. KIEMDE, note sous, T.G.I. Ouagadougou, 24 décembre 1993, RBD n° 28, juillet 1995, p.274.
5
V. le décret n° 2000-513/PRES/PM/MEF du 3 novembre 2000 portant adoption du document intitulé
« Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté », J.O.BF n° 47 du 21 novembre 2000, p. 4959, remplacé
par le par le décret n° 2004-489/PRES/PM/MEDEV du 27 octobre 2004.

28
§ 2 - Les usages
23. Les usages « sont les habitudes suivies et pratiquées de longue date et
communément adoptées comme étant le droit »1 . L’usage se caractérise par un
élément objectif qui est la pratique de longue date par les employeurs et les salariés, et
par un élément subjectif, qui est la croyance des partenaires dans la force obligatoire
de l’usage2. Les usages, comme source du droit du travail, ont aujourd’hui un rôle
réduit.

Le législateur renvoie quelques fois aux usages en cours dans des branches ou
secteurs professionnels. Il en est ainsi : de l’article 185 du code de 2004 (ex. art. 112)
qui fait référence aux usages en ce qui concerne la périodicité du paiement du salaire ;
de l’article 25 C. trav. (ex. art.42) qui dispose que « le contrat d’apprentissage est
établi en tenant compte des usages et coutumes de la profession » ; de l’article 82 al. 1
C. trav. (ex.34 al.2b) qui prévoit que le juge fixe le montant des dommages-intérêts
pour licenciement abusif en tenant compte des usages et de la nature des services
engagés, de l’ancienneté de service, de l’âge du travailleur et des droits acquis à
quelque titre que ce soit. Les usages jouent un rôle supplétif ou complémentaire
d’interprétation des contrats ou d’une règle existante. M.R. Lemesle fait la différence
entre usage et coutume surtout dans le contexte africain : « Les usages dont il est fait
état, écrit-il, sont ceux qui se forment dans le cadre de la législation applicable aux
travailleurs régis par le code, alors qu’au contraire, les travailleurs coutumiers sont
régis par les coutumes pratiquées hors du code du travail ». Leurs valeurs juridiques
diffèrent car « l’usage ne s’impose que si le législateur y renvoie expressément, tandis
que la coutume est une véritable loi non écrite qui s’impose d’elle-même »3.

Le code du travail, dans les cas ci-dessus cités, fait référence à des usages de
profession, mais on distingue aussi les usages d’entreprise qui résultent d’une pratique
du patron dans une entreprise déterminée. Cette pratique est interprétée par le juge
comme liant le patron comme un accord collectif d’établissement tacite ou au titre
d’un avantage acquis tacitement concédé au(x) salarié(s).

§ 3 - Le règlement intérieur
24. Le règlement intérieur est une source professionnelle parfois contestée.
Cette contestation porte sur le fait qu’à la différence de la convention collective, le
règlement intérieur est élaboré de manière unilatérale. Il est élaboré par le chef
d’entreprise qui, en tant que personne privée, ne bénéficie d’aucun pouvoir normatif 4.
1Paul AHIZI AKOI, l’administration du travail en Côte d’Ivoire, p.25.
2 Voy. J. ISSA-SAYEGH, op. cit., p.182 ; THUILLIER H., L’usage en droit du travail, JCP éd. C.I, 1975, II,
11619 ; BRUN et GALLAND, Droit du travail, Sirey, 1978, tome 1 n°59 ; DESPAX et PELISSIER, la gestion du
personnel, aspects juridiques, éd. Cujas, tome 1 n°33 ; G. LYON-CAEN et PELISSIER, Les grands arrêts de droit
du travail, Sirey 2e éd., p.263 et s.; B. MATHIEU, op. cit. p. 103.
3 Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Edicef/Aupelf, 1989, p.3.
4 Voy. CAMERLYNNCK et G. LYON-CAEN, op. cit., 4e éd. n° 60, p. 59.

29
Mais en droit du travail, l’employeur bénéficie, en vertu de son pouvoir de direction,
de la faculté de prendre des règles organisant le travail et ces règles s’imposent aux
employés. Ce pouvoir, qualifié de pouvoir réglementaire1, vise essentiellement à
imposer la discipline au sein de l’entreprise et dans l’exécution du travail.

En réalité le caractère unilatéral du règlement intérieur est aujourd’hui tempéré


par l’encadrement de son contenu et de sa procédure d’adoption par l’employeur. Des
dispositions sont édictées dans le but de limiter l’arbitraire du chef d’entreprise dans
l’élaboration du règlement intérieur2. Ces dispositions imposent notamment
l’intervention du délégué du personnel et de l’inspecteur du travail dans la procédure
d’élaboration du règlement intérieur. Dans le contenu, elles imposent un cadre que le
règlement intérieur doit respecter. Celui-ci ne peut porter que sur les règles relatives à
l’organisation technique du travail, à la discipline et sur des prescriptions concernant
l’hygiène et la sécurité, nécessaires à la bonne marche de l’entreprise 3. Tout ce qui
sort du cadre autorisé pourrait être frappé de nullité.

1 V., à cet égard, C.S. BF, arrêt n° 24 du 18septembre 1990, SOREMIB c/ O.B. Selon la même Cour suprême, le
règlement intérieur est une source de droit inférieure : C.S. BF, arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo P. c/ SBE.
2 V. art. 134 C.trav. de 2004.
3 V. Article 135 nouveau. Sur le règlement intérieur, voyez : A. JEAMMAUD, M. LE FRIAND et A. LYON-

CAEN, L’ordonnancement des relations de travail, D. 1998, chron. 359, n° 20; A. SUPIOT, Déréglementation des
relations de travail et autoréglementation de l’entreprise, Dr. Soc. 1989, 195; et La réglementation patronale de
l’entreprise, Dr. Soc., 1992, p. 217; J. RIVERO, Note sur le règlement intérieur, Dr. Soc. 1979, 1; M. VERICEL,
Sur le pouvoir normatif de l’employeur, Dr. Soc. 1991, 120; G. LYON-CAEN, Une anomalie juridique : le
règlement intérieur, D. 1969, chron. p. 247; Du nouveau sur le règlement intérieur et la discipline dans l’entreprise,
D. 1983, chron. p. 7; D. CHELLE et X. PRETOT, Le contrôle administratif du règlement intérieur, A.J.D.A.,
1989, p. 203 M. COHEN, Le règlement intérieur et le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, Dr. Soc., 1980, p.
165.

30
CHAPITRE II - LES SOURCES INTERNATIONALES
25. Les sources internationales sont de deux sortes : les accords bilatéraux et
les conventions multilatérales qui, elles-mêmes, comprennent les accords régionaux et
les conventions universelles conclues sous l’égide de l’Organisation internationale du
travail (OIT).

SECTION I - LES ACCORDS BILATERAUX


26. Les accords bilatéraux sont des accords signés entre deux Etats dans le but
de protéger les travailleurs migrants. L’objet de tels accords est d’étendre tout ou
partie du bénéficie du droit interne de chaque Etat aux ressortissants de l’autre partie
contractante. Ces accords peuvent être de portée large ou restreinte. L’accord de
portée restreinte est celui qui ne touche que quelques points délimités : rapatriement
du salaire, droit à la sécurité sociale etc. Il s’agit alors d’un traité d’immigration.
L’accord de portée générale ou traité de travail concerne le statut des travailleurs
migrants. Il peut accorder à ces travailleurs migrants un régime de faveur ou, mieux,
les assimiler aux travailleurs nationaux.

Le Burkina Faso a conclu des accords bilatéraux avec certains pays mais les
deux principaux, du point de vue du nombre de personnes concernées par ces accords,
sont inappliqués ou suspendus : il s’agit des accords avec la Côte d’Ivoire et le
Gabon. La convention du 9 mars 1960 relative aux conditions d’engagement et
d’emploi des travailleurs voltaïques en Côte d’Ivoire1 et la convention du 13 août
1973 entre le gouvernement de la République de Haute Volta [Burkina Faso] et le
gouvernement de la République Gabonaise relative à la coopération technique en
matière de main d’œuvre2 peuvent être rangées dans les traités d’immigration. Ce sont
des accords restreints qui ont pour objet de préciser les droits des travailleurs
burkinabè dans ces pays.

La convention d’établissement et de circulation des personnes entre le Burkina


Faso et le Mali, du 30 septembre 19693, est beaucoup plus large et basée sur la
réciprocité. Cette dernière convention peut être considérée comme un traité de travail
qui intéresse les travailleurs migrants bien que son objet ne soit pas propre au droit du
travail. Elle accorde aux nationaux de chacune des parties la jouissance « sur le
territoire de l’autre partie contractante des libertés publiques dans les mêmes
conditions que les nationaux ». L’article 7 de l’accord assimile les ressortissants de la
partie contractante aux nationaux « en ce qui concerne l’ouverture d’un fonds de
commerce, la création d’une exploitation, d’un établissement à caractère industriel,
commercial, agricole ou artisanal, l’exercice des activités correspondantes et

1 J.O. H.V. n° 35 du 10 juin 1961, p.52 ; Recueil annoté des textes applicables au droit du travail au Burkina Faso,
2e éd., annexe n°99; Codes et lois du Burkina Faso, T. IX, p. 281.
2 J.O. H.V. n°23 du 8 août 1974, p.572 ; Recueil annoté, 2 e éd., annexe n°101; Codes et lois du BF, T. IX, p. 285.
3 J.O. H.V. n° 2 du 8 janvier 1970, p.15 ; Recueil annoté, op. cit., annexe n°6, p. 85.

31
l’exercice des activités professionnelles salariées et des professions libérales… ».
Ceux-ci peuvent être bénéficiaires de concessions, autorisations et permissions
administratives et peuvent conclure des marchés publics dans les mêmes conditions
que les nationaux1. En matière de droit social, l’article 10 précise que « les nationaux
des parties contractantes bénéficient sur le territoire de l’autre partie de la législation
du travail, des lois sociales et de la sécurité sociale dans les mêmes conditions que les
nationaux de cette partie ». Au moment de la signature de cette convention, le courant
d’immigration de part et d’autre était très important notamment en ce qui concerne la
création d’établissements à caractère commercial. Les deux guerres de frontière
avaient freiné ce mouvement. Mais la convention a l’avantage d’être appuyée par une
convention de sécurité sociale signée en 1992 et par un arrangement administratif
relatif aux modalités d’application2, ce qui lui donne plus de chances d’effectivité.

SECTION II - LES ACCORDS REGIONAUX

27. Le mot régional doit être précisé parce qu’il est ambivalent : à l’échelle
universel, l’Afrique forme une région, par opposition à l’Europe, l’Asie, l’Amérique,
etc. ; au niveau de l’Union africaine (U.A.), l’Afrique est aussi subdivisée en régions.
Nous entendons par accords régionaux les accords multilatéraux entre Etats africains,
à un niveau infra-continental. Les accords et les institutions qui les portent ne
s’insèrent pas obligatoirement dans les délimitations officielles des régions faites par
l’U.A.

Les accords régionaux peuvent porter directement sur le droit du travail et de


la sécurité sociale ou, dans le cadre de traités de coopération plus larges, contenir
seulement des dispositions relatives au droit du travail et à la sécurité sociale. Seule
l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM), qui était une organisation
trans-régionale mais non continentale, a donné naissance à des accords en matière de
droit social. Il s’agit de la convention générale relative à la situation des personnes et
aux conditions d’établissement signée à Tananarive le 8 septembre 1961 et modifiée
successivement en 1965 et en 19773, et de la convention en matière de sécurité sociale
signée à N’Djamena le 29 janvier 19714. Cette organisation ayant disparu le 25 mars
1985, seul le traité en matière de sécurité sociale lui a survécu.

Ce sont surtout les traités créant les organisations régionales ou sous-


régionales d’intégration économique qui abordent timidement le droit social en
proclamant des principes qui doivent généralement être mis en œuvre par des actes
d’application5. Des techniques plus avancées à la disposition des organisations

1
Art. 9 de la convention.
2
V. infra, Livre II, Titre II, chapitre II.
3 Voy. Raymond LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, Edicef/Aupelf, Paris, 1989, p.38.
4 Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, ratifiée par le
Burkina Faso le 18 octobre 1976, J.O.RHV du 4 novembre 1976, p. 805; Codes et lois du BF, p. 472.
5 V. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives,

RBD n° 39-40, n° spécial 2001, p. 133.

32
d’intégration peuvent être l’adoption de déclaration ou de charte en matière sociale,
plus particulièrement dans le domaine des droits sociaux fondamentaux1, mais
l’Afrique n’en est pas encore là.

28. Le traité du 17 avril 1973 qui avait créé l’ex. Communauté Economique de
l’Afrique de l’Ouest (CEAO), regroupement d’Etats francophones de la région,
prévoyait que « les législations et réglementations en matière... d’emploi s’appliquent
sans discrimination aux ressortissants de tous les Etats membres, sous réserves des
dispositions applicables à la fonction publique et assimilées aux professions
réglementées ». Des accords particuliers signés dans le cadre de cette communauté
touchent le droit du travail. C’est le cas notamment de l’accord portant sur le droit
d’établissement et la libre circulation des personnes entre les Etats membres, signé à
Bamako le 27 octobre 19782. Les articles IV, V et VI de cet accord prévoyaient déjà
l’assimilation des ressortissants des Etats membres aux nationaux pour l’exercice des
droits et libertés à l’exception des droits politiques, et pour le bénéfice de la législation
sociale. Le principe d’égalité de traitement devait être mis en œuvre par des
règlements3 et grâce à une Cour arbitrale de la Communauté qui avait compétence
pour connaître des conflits portant sur l’application de l’accord.

Les objectifs de libre circulation et de liberté d’établissement seront repris par


le traité du 10 janvier 1994 créant l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA) dont l’objectif général est la réalisation d’un marché commun « ... basé sur
le principe de libre circulation des personnes, des services, des capitaux et le droit
d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi
que sur un tarif extérieur commun ». L’article 91 alinéa 1 de ce traité dispose que
« sous réserve des limitations justifiées par des motifs d’ordre public, de sécurité
publique et de santé publique, les ressortissants d’un Etat membre bénéficient sur
l’ensemble du territoire de l’Union de la liberté de circulation et de résidence qui
implique :

- l’abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute


discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et
l’exercice d’un emploi, à l’exception des emplois dans la fonction
publique ;
- le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l’ensemble des
Etats membres ;
- le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un
emploi ». L’article 92 alinéa 1 ajoute que « les ressortissants d’un Etat
membre bénéficient du droit d’établissement dans l’ensemble du territoire
de l’Union ».

1 V. Michèle BONNECHERE, Quelle garantie des droits sociaux fondamentaux en droit européen ? Europe n° 7,
juillet 2000, Editions du Juris-classeur, p.4.
2 Ratifié par décret n° 82-311 du 24 août 1982, J.O. RHV du 26 août 1982, p. 723.
3 Article VI alinéa 2.

33
Les dispositions utiles pour favoriser l’usage effectif du droit d’établissement
doivent être arrêtées par voie de règlement ou de directive par le Conseil des ministres
de l’Union, sur proposition de la Commission. Cette procédure qui se voulait
simplifiée ne connaît pas le même dynamisme que dans l’Union Européenne dont elle
tire son inspiration. Si les aspects tarif extérieur commun, libre circulation des
capitaux et des marchandises ont connu de grandes avancées, les questions touchant à
l’harmonisation du droit du travail et à la coordination en matière de sécurité sociale
paraissent négligées ou carrément gelées1.

29. Le traité créant la CEDEAO, signé à Lagos le 28 mai 1975, se donne aussi
pour objet, entre autres, de promouvoir la coopération et le développement dans le
domaine social. Selon l’article 62, 2, b de ce traité, « les Etats membres s’engagent à
harmoniser leurs législations du travail et leurs régimes de sécurité sociale ». L’article
57 du traité dispose que « les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrée, de
résidence et d’établissement et les Etats membres s’engagent à reconnaître ces droits
aux citoyens de la Communauté sur leurs territoires respectifs, conformément aux
dispositions des protocoles y afférents ». Dans le cadre de la CEDEAO, un protocole
sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et la liberté d’établissement
a été adopté à Dakar le 29 mai 1979. Ce protocole se proposait d’organiser la libre
circulation, le droit de résidence et d’établissement sur une période de 15 ans divisé en
trois étapes de cinq ans2. Mais ce chronogramme, comme d’autres chronogrammes de
réalisation d’objectifs d’intégration, a été rendu caduc.

Des accords de ce genre ont également été conclus par les Etats membres des
autres regroupements sous-régionaux. Ainsi une convention sur la libre circulation a
été signée au sein de l’Union douanière des Etats de l’Afrique centrale (UDEAC) et
une convention générale de sécurité sociale a été signée au sein de la Communauté
économique des pays des grands lacs (CEPGL)3.

30. Si, en Afrique de l’Ouest, l’UEMOA et la CEDEAO semblent piétiner


dans la volonté de maître en œuvre le principe d’harmonisation en matière de droit
social, une organisation de pays africains francophones, l’OHADA (Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires), s’y intéresse fortement. L’OHADA
a été crée par le traité du 17 octobre 1993 signé à Port-Louis (Ile Maurice). Lors de sa
session tenue le 11 mars 1999 à Ouagadougou, elle a inscrit le droit du travail comme
matière devant faire l’objet d’harmonisation. Des études préliminaires ont été faites et
un projet a été élaboré mais la matière est manifestement plus délicate que celles ayant
fait l’objet d’adoption d’actes uniformes par cette organisation : Droit du commerce

1 La crise politique en Côte d’Ivoire, sur fond d’antagonismes Nord-Sud du pays, de lutte contre l’immigration,
avec des dérapages xénophobes, n’est pas faite pour faciliter la mise en œuvre des principes d’intégration humaine
qui accompagnent et soutiennent l’intégration économique.
2 V. Pierre Meyer, La libre circulation des personnes dans la Communauté Économique des États de l’Afrique de

l’Ouest (CEDEAO), in La loyauté, Mélanges offerts au professeur Etienne CEREXHE, 1997, p. 275.
3 La CEPGL regroupe les pays suivants : Burundi, Rwanda, Zaïre. Tous ces États connaissant plus ou moins une

situation de guerre civile, une convention de libre circulation n’a plus de sens.

34
général, Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
(GIE) ; Droit des sûretés ; Procédures simplifiées de recouvrement des créances et
voies d’exécution ; Procédures collectives d’apurement du passif ; Droit de
l’arbitrage ; et organisation de la comptabilité des entreprises. L’harmonisation du
droit du travail nous paraît exiger une autre technique que celle de l’adoption d’un
acte uniforme s’appliquant dans tous les Etats membres, à moins qu’il s’agisse de
dispositions représentant un minimum commun et par conséquent inaptes à maintenir
pendant un certain temps un droit harmonisé et à promouvoir la convergence et le
progrès. La grande difficulté à surmonter est de pouvoir se mettre d’accord sur un ou
des textes dans le cadre de négociations tripartites et, à la fois, de conserver à chaque
Etat membre la dynamique du dialogue tripartite entre l’administration, les travailleurs
et les employeurs.

SECTION III - LES CONVENTIONS UNIVERSELLES


31. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a été créée en 1919 par la
partie XIII du traité de paix de Versailles, signé le 28 juin 1919, mettant fin à la
Première guerre mondiale. Liée à l’origine à la Société des nations (SDN), à laquelle
elle a survécu, l’OIT a été érigée, par un accord du 30 mai 1946, en institution
spécialisée de l’ONU. En effet, la constitution de l’OIT, qui était composée de la
partie XIII du traité de Versailles, a été amendée à la fin de la seconde guerre
mondiale (1945-46). Ces amendements incorporent dans la constitution une
importante déclaration adoptée par la conférence de Philadelphie le 10 mai 1944.
Cette déclaration définit à nouveau les buts et les objectifs de l’OIT. Par accord du 30
mai 1946, l’OIT a été érigée en institution spécialisée de l’O.N.U. tout en conservant
une large autonomie, si bien que l’OIT peut comprendre des Etats membres de
l’O.N.U. et des Etats non membres de l’O.N.U. Mais, alors que les Etats admis à
l’O.N.U. sont admis à leurs demandes, les Etats non membres de l’O.N.U. sont admis
à l’OIT après un vote de la Conférence générale à la majorité des deux-tiers. L’OIT
comptait, en 1996, 177 membres.

Les conventions de l’OIT sont les plus importants accords multilatéraux, par
leur nombre, mais aussi par leurs influences sur les accords bilatéraux et régionaux.
Elles réalisent le premier niveau d’harmonisation régionale lorsque les Etats ratifient
les mêmes conventions et les appliquent dans leurs rapports. Aussi faut-il faire une
brève présentation de l’OIT1 et de son rôle avant d’examiner son influence sur
l’évolution du droit du travail africain.

1 Voy. Nicolas VALTICOS, Droit international du travail, 2e éd. Dalloz 1983 ; Encyclopédie Dalloz, Travail,
T.III, organisation international du travail, mise à jour 1986; H. BARTOLOMEI DE LA CRUZ et A. EUZEBY,
l’Organisation Internationale du Travail (OIT), Que-sais-je?, n° 836, PUF, 1997; G. LYON-CAEN et A. LYON-
CAEN, Droit social international et européen, 7 ème édition, Dalloz 1991; J. ISSA-SAYEGH, Les institutions
internationales du travail, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, pp. 65 et s.; A. EUZEBY, L’OIT a quatre-
vingts ans : quatrième âge ou nouvelle jeunesse? Dr. Soc. 2000. 1; F. MAUPAIN, Le renouveau du débat normatif
à l’OIT. De la fin de la guerre froide à la mondialisation, Bull. dr. Comp. trav., 2001, p. 3; Pour l’historique de
l’OIT, v. A. THOMAS, L’organisation internationale du travail, in Revue Internationale du travail, volume 135, n°

35
§ 1 – L’Organisation et le fonctionnement de l’OIT
Les organes principaux de l’OIT sont : La Conférence générale ou Conférence
internationale du travail, le conseil d’administration et le Bureau international du
travail (BIT). A ces organes principaux s’ajoutent des organes auxiliaires qui prennent
en charge les missions de contrôle, d’assistance technique et d’action politique de
l’OIT.

A – LA CONFERENCE GENERALE OU CONFERENCE


INTERNATIONALE DU TRAVAIL (CIT).

31. La CIT comprend tous les Etats membres à l’image de l’Assemblée


générale de l’ONU. Elle se réunit annuellement à son siège à Genève 1 et y prennent
part tous les Etats membres sur la base d’une délégation tripartite comprenant : deux
délégués représentants le gouvernement, un délégué représentant les employeurs et un
délégué représentant les organisations de travailleurs. Les deux derniers sont choisis
parmi les organisations les plus représentatives. Les délégations des Etats peuvent être
accompagnées de conseillers techniques.

La CIT est l’assemblée générale et l’instance suprême de l’OIT. Sa tâche la


plus importante est la discussion et l’adoption des normes sociales internationales.
Elle remplit cette tâche par l’adoption de conventions, de recommandations ou de
résolutions. Sur le plan administratif, elle examine les demandes d’adhésion, approuve
le budget et crée éventuellement de nouveaux organes auxiliaires.

L’OIT a un rôle de complément et même de contrepoids par rapport aux autres


organisations universelles oeuvrant dans le domaine économique et social, notamment
le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale et surtout l’Organisation
Mondiale du Commerce. Les discussions lors des sessions de la Conférence
permettent d’imprimer une orientation aux politiques de développement des Etats en
essayant d’opérer des choix entre les impératifs économiques et de concurrence et les
exigences de progrès social.

B – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION

32. Le conseil d’administration de l’OIT est l’organe chargé de coordonner les


activités de l’OIT, de convoquer les diverses réunions et d’en déterminer l’ordre du
jour. Il joue aussi un rôle important en matière administrative et financière : Il élabore
le budget de l’organisation et en contrôle l’exécution. Il lui appartient également de

3-4, p.283; C. ROSSILLION, Droit social international à vocation universelle, Juriscl. Droit international, fasc.
574. A. G. LYON-CAEN, Droit international du travail, Juriscl. Droit international, fasc.570 à 580.
1 La CIT a tenu sa 92e session en 2004.

36
désigner le directeur général du BIT1. Le conseil d’administration se réunit trois fois
par an.

Le conseil d’administration compte 56 membres dont 28 représentant les


gouvernements et 14 représentant les travailleurs et 14 représentant les employeurs 2. Il
est élu tous les trois (3) ans. Sont également élus un président et deux vice-présidents
qui doivent provenir des trois composantes de l’organisation. Le Conseil
d’administration a une composition tripartite : représentants des Etats, des
employeurs, et des travailleurs. A l’image du conseil de sécurité de l’ONU, le conseil
d’administration de l’OIT comprend des membres permanents, siégeant de droit au
Conseil et des membres non permanents élus par conséquent tous les trois ans.
Bénéficient d’une représentation permanente les dix Etats membres dont l’importance
industrielle est la plus considérable : Allemagne, Brésil, Chine, France, Inde, Italie,
Japon, Royaume Uni, Russie, USA.

C – LE BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL

33. Le BIT est l’organe exécutif de l’OIT. Il est dirigé par un directeur général.
Ses fonctions essentielles sont : la préparation technique des travaux de la CIT,
notamment les projets de conventions et de recommandations à soumettre à la
Conférence ; la préparation des documents pour les organes de contrôle ; et la
direction de la grande administration que constitue l’OIT. Il a également pour mission
d’apporter son aide aux gouvernements pour l’élaboration de leur législation. Le BIT
joue de manière générale le rôle de secrétariat permanent pour les différentes instances
de l’OIT (CIT, conseil d’administration) et anime la vie de l’institution à travers des
centres de recherche, de documentation et de publication.

D – LES ORGANES AUXILIAIRES

34. En plus des trois organes ci-dessus, des organes auxiliaires ont été créés : le
Tribunal administratif de l’OIT ; L’Institut internationale d’études sociales ; le Centre
international de perfectionnement professionnel et technique ainsi que diverses
commissions et des Bureaux régionaux dans les différents continents. Parmi ces
commissions on peut citer celles, très techniques, que sont : la commission paritaire
maritime, la commission permanente agricole, la commission consultative du
développement rural, la commission paritaire de la fonction publique. Pour ce qui
concerne l’Afrique, on peut citer la commission consultative africaine et le Bureau
régional pour l’Afrique. Le Bureau régional compte à son tour des représentations
sous-régionales en Afrique.

1L’actuel directeur est Juan SOMAVIA, élu en 1999.


2 Le conseil d’administration compte, en plus des 56 membres, 66 membres suppléants dont 28 pour les
gouvernements, 19 représentant les employeurs et 19 représentant les travailleurs.

37
§ 2 - Le rôle de l’OIT
L’OIT a reçu pour tâches d’établir partout un régime de travail « réellement
humain »1, d’instituer et faire respecter, sous réserve du respect de la souveraineté des
États, une législation internationale du travail2. Elle a pour rôle « d’être la conscience
sociale de l’humanité » selon une expression de son premier directeur du BIT3. L’OIT
a été créée pour éviter le risque de « dumping » social que fait courir la concurrence
commerciale internationale, chaque État étant tenté de faire des économies sur le prix
de la main d’œuvre et les coûts d’amélioration des conditions de travail. Ce risque est
aujourd’hui aggravé par la situation de règne sans partage du libéralisme économique :
l’ouverture de tous les États à la libre circulation des capitaux, la course à l’attrait des
capitaux drainés par les multinationales, les fusions et absorptions d’entreprises
entraînent dans les pays développés des licenciements résultant de délocalisations ou
des fusions et, dans les pays en développement, des licenciements pour raison
d’asphyxie des petites et moyennes entreprises. N’ayant plus à se défendre face à
l’attrait d’un autre système, le libéralisme économique n’associe plus croissance
économique et progrès social. La réorientation des programmes d’ajustement
structurel vers la lutte contre la pauvreté est un aveu que « le progrès économique
n’engendre pas nécessairement le progrès social »4. L’amélioration des indicateurs
macroéconomiques de gestion ne peut empêcher l’accroissement de la pauvreté sans
une action consciente et volontaire contre la dégradation des conditions sociales et le
chômage. L’action de l’OIT consiste à réintroduire la dimension sociale dans les
politiques publiques des Etats et dans les visions du développement des organisations
internationales. Sur le plan des réglementations, ses efforts se portent sur l’adoption
par les Etats membres de règles uniformes ou harmoniser en droit du travail. Cet
objectif est poursuivi à travers : l’élaboration des conventions internationales ; la prise
de recommandations ; les études et publications sur les questions du travail ;
l’assistance technique que les structures de l’OIT fournissent aux Etats membres,
particulièrement aux pays en développement. Nous traiterons dans ce paragraphe des
deux premières activités dont le contrôle de mise en œuvre assure l’universalisation
des principes fondamentaux.

A - LES CONVENTIONS

34. Les conventions internationales sont votées par la CIT à la majorité des
deux tiers. Elles sont soumises à la procédure de ratification de chaque Etat membre

1
L’on parle aussi de “travail décent”, concept qui désigne l’exigence d’un travail qui procure une
rémunération équitable et suffisante et qui assure au travailleur et à sa famille une existence conforme à
la dignité humaine. V. l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme.
2 V. A. THOMAS, RIT vol. 135 (1996), n° 3-4, p. 283.
3 in A. EUZEBY, op. cit., p. 61.
4 A. Euzéby, op. cit. p. 64; V., sur un plan plus général, Jean-Marie VERDIER, Grande pauvreté, exclusion et

droits fondamentaux : un autre regard enrichi par le croisement des savoirs, Bulletin Comptrasec, 1999, p. 4;
Georges SPYROPOULOS, Les relations professionnelles dans le tourbillon de la mondialisation, Dr. Soc. n° 3,
mars 1999, p. 230.

38
mais pas à une procédure de signature. Les Etats ont l’obligation de solliciter
l’autorisation de ratification à leur parlement ou autorité compétente. Cette ratification
ne peut pas être assortie de réserve sauf si la convention le prévoit. Certaines
conventions peuvent contenir des clauses facultatives et des clauses obligatoires, pour
tenir compte des particularités de situation entre les Etats. De même, l’on peut
proposer aux Etats la ratification de quelques clauses d’une convention ou adopter des
conventions distinctes pour les pays industriellement avancés et les pays qui sont au
premier stade de leur développement. L’interprétation de la convention est de la
compétence de la Cour internationale de justice (CIJ).

L’adoption d’une convention est le « procédé-type » de la réglementation


internationale du travail. Seule la convention crée un réseau d’obligations
internationales assorties de mesures de contrôle. La force de ce procédé est d’amener
les Etats à appliquer les mêmes principes. Le seul fait d’appartenir à l’organisation
oblige l’Etat à respecter certaines normes fondamentales alors même qu’il n’aurait pas
ratifié la convention correspondante. C’est le cas notamment de celles consacrées par
la constitution de l’OIT et touchant aux règles d’organisation, à la liberté du travail,
aux libertés syndicales, à la non-discrimination. Pour renforcer la convergence dans
l’application des principes, l’OIT a adopté en 1998 une déclaration sur les principes et
droits fondamentaux1. Le nombre de conventions adoptées couvre de plus en plus le
champ du droit du travail. En 1999, 182 conventions et 199 recommandations ont été
adoptées.

35. Mais, les conventions ne suffisent pas à assurer une bonne coordination des
législations afin d’aboutir à une meilleure protection, notamment des travailleurs
migrants, ou à une harmonie dans les politiques sociales, du fait du caractère
volontaire de la ratification des conventions et de la subsistance du principe de
réciprocité. L’OIT encourage les Etats à conclure des accords bilatéraux et
multilatéraux qui permettent de compléter cette protection. Il est aussi de plus en plus
question d’introduire une clause sociale qui rendrait la ratification et le respect de
certaines normes plus contraignantes. La clause sociale devrait permettre de tenir
explicitement compte de la dimension sociale du commerce international, en
conditionnant l’accès des produits d’un pays aux marchés des autres au respect de
certaines normes sociales. Les justifications de cette clause reposerait sur des motifs
de trois ordres : des raisons d’éthiques, notamment les besoins de promotion et de
défense des droits sociaux fondamentaux ; des raisons de concurrence internationale,
marquées par la nécessité de se prémunir des risques de régression sociale mais aussi
d’une concurrence déloyale en empêchant que certains pays se procurent des
avantages commerciaux en adoptant une politique de « moins disant social » et, en
relation avec ces motifs, le constat de l’inefficacité des procédures actuelles de
contrôle.

1 V. RIT n° 2, 1998, pp. 273-277; H. KELLERSON, La déclaration de 1998 sur les principes et droits
fondamentaux : un défi pour l’avenir? RIT n° 2, 1998, 243-248.

39
L’idée d’une clause sociale, qui n’est pas nouvelle1, n’emporte pas
l’enthousiasme de beaucoup de pays en développement qui craignent qu’elle ne se
transforme en mesure protectionniste en faveur des pays industrialisés avancés. Ces
pays disposeraient ainsi d’un moyen de chantage dans les relations politiques et
commerciales avec les pays moins avancés. Aux clauses techniques et sanitaires
s’ajouteraient les clauses sociales pour accroître les avantages des pays développés. La
clause sociale peut stimuler, sur le plan intérieur, le développement et le progrès social
mais transposé dans le commerce international, elle devient une arme uniquement aux
mains des pays industrialisés. Pour les pays en développement, derrière les motifs
éthiques et moraux, « la proposition d’une clause sociale est inspirée par un
protectionnisme déguisé qui pourrait entraver leur développement industriel et les
priver de l’un des avantages comparatifs essentiels : leur aptitude à utiliser une main
d’œuvre bon marché »2. L’adoption d’une clause sociale soulève deux problèmes
interdépendants. Le premier concerne le choix des normes qui seront considérées
comme universelles et qui ne culpabiliseraient pas seulement les pays en
développement. Contrairement aux droits fondamentaux, les normes de travail sont
fonction du niveau de développement. Par exemple, le travail des enfants, les
conditions d’hygiène au travail, interpellent presque uniquement les pays en
développement dont la production agricole et artisanale fait appel à une main d’œuvre
forte et au travail des enfants. Si par contre l’on y inclut la question de l’immigration,
les pays industrialisés peuvent se trouvés interpellés.

Le second problème porte sur le canal de contrôle et de sanction préconisé : la


sanction commerciale de la restriction des produits au marché national ne peut être
efficacement utilisé que par les pays développés. Il faudrait donc trouver
éventuellement un autre canal de contrôle de la norme sociale si elle est adoptée plutôt
que de la soumettre à la loi du commerce international et des relations politiques
internationales.

B – LES RECOMMANDATIONS ET RESOLUTIONS

36. La recommandation est un instrument accessoire d’harmonisation mais son


rôle n’est pas pour autant moins important. La recommandation est votée par la CIT,
mais à la différence de la convention, elle n’est pas soumise à ratification. Pour cette
raison elle ne crée pas une obligation autre que morale. Les recommandations, comme
les conventions, couvrent des domaines divers : libertés fondamentales, emploi et
chômage, conditions de travail, travailleurs migrants… La recommandation joue,

1 V. Alain EUZEBY, L’OIT a quatre-vingts ans : quatrième âge ou nouvelle jeunesse? Dr. Soc. N° 1, janvier 2000,
p. 65.
2 Jean-Pierre SARDIN, La loyauté dans les échanges internationaux : le débat sur l’harmonisation des normes de

travail, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, Bordeaux, 1996, p. 35. Voyez également
Hiromasa SUZUKI, Normes sociales et développement économiques, point de vue des asiatiques, même Bulletin,
p. 116 et s.; Francis MAUPAIN, La protection internationale des travailleurs et la libéralisation du commerce
mondial : un lien ou un frein? R.G.D.I.P. 1996.I, pp. 45-100.

40
selon M. Valticos1, trois fonctions essentielles : La première fonction de la
recommandation est de préparer les esprits ; lorsque le sujet n’est pas mûr pour
l’adoption d’une convention, la recommandation est indiquée car elle peut contribuer
à « créer une conscience sociale commune » ; la seconde fonction de la
recommandation est de compléter une convention ; la convention peut porter sur des
dispositions fondamentales et de principe et une recommandation peut alors prévoir
des dispositions plus détaillées et les modalités d’application ; la troisième fonction de
la recommandation est de suppléer la forme de convention. Lorsque les normes
abordées ont un caractère très technique et détaillé, ou lorsque les questions, les
situations ou les pratiques varient beaucoup d’un pays à l’autre, l’adoption d’une
recommandation est plus indiquée que celle d’une convention.

Outre les recommandations, la Conférence internationale et surtout les


commissions techniques d’experts peuvent adopter des résolutions. Les résolutions
peuvent contenir des normes lorsqu’elles sont votées en conclusions des travaux de la
Conférence générale ou de commissions d’experts.

Il importe de souligner que les normes adoptées par l’OIT font l’objet d’un
contrôle d’application.

C – LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES NORMES

37. Les conventions et recommandations seraient inutiles sans des mécanismes


de contrôle du respect des engagements pris par les Etats. Ce contrôle se fait par
diverses voies :

- Le premier procédé de contrôle est l’examen des rapports des Etats. Chaque
Etat doit fournir des rapports réguliers sur l’application des conventions ratifiées. De
même, Il peut être appelé à fournir un rapport sur des conventions non ratifiées et sur
des recommandations ;

- La seconde voie de contrôle est le contrôle général fondé sur des plaintes. Ce
contrôle se fait de deux manières : la première est celle de la réclamation soumise par
une organisation d’employeurs ou de travailleurs contre un Etat « qui n’aurait pas
assuré de manière satisfaisante l’exécution d’une convention à laquelle ledit Etat
membre a adhéré ». Cette réclamation est examinée par le conseil d’administration qui
peut publier la réclamation et la réponse. La deuxième manière est la plainte. Celle-ci
est la procédure contentieuse la plus formelle de l’OIT. La plainte n’est pas soumise à
l’existence d’un préjudice direct. Ainsi a-t-on abandonné la notion classique de
dommage direct au profit de celle d’intérêt général. La plainte peut être engagée soit
par un Etat contre un autre Etat, soit par le conseil d’administration qui se saisit
d’office ou sur plainte d’un délégué à la conférence. La plainte est soumise à une

1 Nicolas. VALTICOS, Droit international du travail, 2 e édition, Dalloz, 1983, p. 233.

41
commission d’enquête de trois (3) membres indépendants. La commission fait un
rapport et des recommandations ;

- En troisième lieu, à côté des procédures générales de contrôle, il y a des


procédures spéciales de contrôle. Ces procédures spéciales ont été établies dans
certains domaines ou dans des cas déterminés. La principale procédure spéciale est la
procédure de contrôle en matière de liberté syndicale. Un comité de liberté syndicale,
de composition tripartite, est créé auprès du conseil d’administration. C’était à
l’origine un organe d’instruction qui a été conduit à se prononcer sur le fond et à se
transformer en un organe quasi judiciaire. Dans certains cas, la plainte peut être
soumise à une commission d’investigation et de conciliation. Cette commission est
composée de personnalités indépendantes. Le renvoi d’une affaire devant cette
commission est subordonné au consentement du gouvernement. La procédure est la
même que devant une commission d’enquête1.

§ 3 - L’influence de l’action de l’OIT sur les droits africains


du travail
38. L’existence de l’OIT a eu une grande influence dans l’évolution du droit du
travail en Afrique. Outre l’influence des conventions internationales comme sources
du droit du travail en Afrique, l’OIT appuie l’émergence de politiques sociales, grâce
aux études et à la coopération technique conduites par le BIT.

1) En premier lieu, les conventions adoptées sous l’égide de l’OIT ont


directement influencé les droits africains par trois canaux : le droit interne de chaque
Etat, les accords bilatéraux et à travers les organismes consultatifs régionaux.

Ces conventions ont influencé, de manière directe et indirecte, l’évolution du


droit interne de chaque Etat. De manière indirecte, ces Etats ont hérité des principes
prônés par l’OIT par l’intermédiaire des pays colonisateurs : principes de non
discrimination, d’organisation tripartite, de formation professionnelle, d’hygiène et de
sécurité etc. De manière directe, ces pays ont recueilli, en les ratifiant, les principes
généraux issus des conventions et recommandations de l’OIT. Chaque pays qui se
propose de ratifier une convention essaie de prendre les dispositions internes pour se
rapprocher du contenu de ces normes afin de ne pas être à chaque fois mis à l’index.

Ces conventions ont aussi influé, en second lieu, les accords bilatéraux
africains. Cette influence tient à l’antériorité des conventions de l’OIT sur les accords
bilatéraux inter-africains qui n’ont vu le jour qu’à partir de 1960, année où beaucoup
d’Etats ont accédé à l’indépendance.

1 Sur le contrôle de l’application des normes, v. H. BARTOLOMEI DE LA CRUZ et A. EUZEBY, « que-sais-


je ?», op. cit. p. 52-60.

42
Le troisième canal d’influence de l’OIT sur les droits africains provient de
l’impulsion donnée par l’OIT à une harmonisation régionale du droit du travail. L’OIT
a été à l’origine de la création d’organisations régionales ou sous-régionales chargées
des questions du travail. Ainsi, en plus des bureaux régionaux qu’elle a établi dans les
différents continents, deux institutions peuvent être mentionnées : La Conférence
régionale africaine et la Commission consultative africaine.

2) En second lieu, l’OIT aide les Etats africains à mieux maîtriser leurs
problèmes spécifiques de travail et d’emploi à travers des structures multilatérales de
discussion et l’assistance bilatérale. Les structures multilatérales sont les conférences
régionales et la Commission consultative. Les conférences régionales africaines de
l’OIT, dont la première s’est tenue dès 1960 à Lagos au Nigeria 1, sont des réunions
non strictement périodiques. Ces conférences n’aboutissent pas à l’adoption de
convention régionale mais elles permettent aux Etats d’examiner les problèmes de
ratification et d’application des conventions de l’OIT. Elles ont recommandé, par
exemple, de s’abstenir de ratifier les conventions incompatibles avec le niveau de
développement2. L’OIT est aussi à la base de la création de la commission
consultative régionale qui étudient les problèmes du travail concernant la région. Cette
commission, créée en 1958 par le Conseil d’administration, est chargée de donner des
avis sur les problèmes sociaux africains. Elle est associée aux travaux du conseil
d’administration de l’OIT.

Le BIT, par le biais de l’assistance technique, aide les Etats africains à


améliorer leurs législations et à élaborer des politiques sociales. La coopération
technique est un moyen plus efficace, dans les pays en développement, de promouvoir
les principes et les normes sociales de l’OIT que le simple contrôle aboutissant à des
condamnations.

Cet aperçu sur l’histoire, les caractères et les sources du droit du travail montre
une certaine communauté d’inspiration du droit du travail en Afrique francophone,
résultant de l’influence du colonisateur commun et de celle de l’OIT. Mais le droit du
travail de chaque pays n’en conserve pas moins des spécificités par rapport aux droits
des pays voisins et surtout par rapport au droit français. Si les fondements sont très
proches sinon similaires au droit français, il n’en demeure pas moins que des
différences sont fréquentes au niveau de la règle de droit et surtout au niveau des
institutions sociales.

1 La conférence régionale a été créée en 1958, avant donc que la majorité des États n’accèdent à l’indépendance.
La 10e réunion régionale africaine s’est tenue à Addis Abeba du 2 au 5 décembre 2003, la neuvième s’étant tenue à
Abidjan du 8 au 11 décembre 1999.
2 R. LEMESLE, op. cit., pp.59 et s. Le Burkina Faso a ratifié 40 conventions à la date de 2003. V. listes des

conventions ratifiées in Annuaire du METSS, 2000, p. 6.

43
44
TITRE II - LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL
39. Le droit du travail s’est bâti autour de deux axes essentiels, les rapports
individuels entre l’employeur et le travailleur et les rapports collectifs au sein de
l’entreprise entre l’employeur et les employés ou, dans un champ extérieur à
l’entreprise, les rapports entre les organisations d’employeurs et les organisations de
travailleurs. Mais pour accéder au champ des rapports collectifs, le travailleur entre en
relation avec un employeur par le biais d’un contrat de travail. L’étude des relations
individuelles recouvre deux aspects : le premier aspect concerne les droits et
obligations des parties dans les différentes phases de la vie du contrat ; le second
touche aux droits et obligations des parties dans l’exécution des relations nées du
contrat. Nous examinerons donc en sous/titre I le contrat de travail et en sous/titre II
l’exécution des relations de travail.

45
46
SOUS/TITRE I - LE CONTRAT DE TRAVAIL

40. Le contrat de travail conserve une place de choix dans l’étude du droit du
travail, même si, comme l’écrit J.M. Verdier, «le rôle du contrat de travail a
considérablement diminué en raison de l’intervention croissante de l’Etat et du
développement des conventions collectives »1 . Le rôle du contrat de travail a diminué
parce que, dans l’entreprise, les travailleurs et l’employeur se trouvent, de nos jours,
dans une situation qui paraît plus statutaire que contractuelle. La preuve en est que
l’employeur est soumis à une réglementation impérative dans ses relations avec les
employés et le travailleur de son côté, en entrant dans l’entreprise, sera soumis à des
règles préétablies par le biais des conventions collectives et du règlement intérieur.

Mais malgré tout, le contrat de travail conserve un rôle capital parce que son
existence demeure la condition première de l’entrée du travailleur dans l’entreprise et
le critère du champ d’application du droit du travail2. Par ailleurs, l’existence de la
réglementation et de conventions collectives n’anéantit pas la valeur propre du
contenu du contrat de travail et l’on parle même de « renouveau du contrat de
travail »3. C’est le contrat qui définit la qualification du salarié, son emploi, sa
rémunération, les avantages éventuellement dérogatoires aux règlements et aux
conventions collectives4. Toutefois, la valeur propre du contenu du contrat peut certes
varier selon la nature du travail ou/et selon la qualification du travailleur : les
conditions du contrat sont plus ou moins négociées et peuvent être plus ou moins
particulières, selon que le salarié est cadre ou ouvrier, vendeur ou représentant-placier,
médecin ou mineur, etc.

Il convient, par conséquent, et compte tenu de cette place centrale, de


commencer par définir le contrat de travail (Chapitre I) avant d’aborder
successivement, les conditions de formation de ce contrat (Chapitre II), les
vicissitudes qui peuvent l’affecter (Chapitre III) et enfin ses modalités de cessation
(Chapitre IV).

1 J.M. VERDIER, Droit du travail, mémentos, Dalloz, 4e éd. p.77.


2 Voy. J. GHESTIN et Ph. LANGLOIS, Droit du travail, Sirey, 2e éd. 1977, p.152.
3 Sur le contrat de travail, voyez, F. GAUDU et R. VATINET, Les contrats de travail, Traité (sous la direction de J.

GHESTIN), LGDJ, 2001; G.H. CAMERLYNCK, Le contrat de travail, Traité, Tome 1, Dalloz, 2 e éd., 1982; Alain
SUPIOT, Critique du contrat de travail, PUF, 2 e éd., Coll. Quadrige, 2002; A. LYON-CAEN, Actualité du contrat
de travail, Dr. Soc. 1988.540; A. JEAMMAUD, Les polyvalences du contrat de travail, Études offertes à G. Lyon-
caen, Dalloz, 1989, p.299; Ph. WAQUET, Le renouveau du contrat de travail, RJS 5/99, p. 383; P. MOUSSY, A
propos de l’effet boomerang du "renouveau" du contrat de travail, Dr. Ouvrier 1999.1.
4 Voy. J.-J. DUPEYROUX et al., op. Cit. ° 123.

47
48
CHAPITRE I - DEFINITION ET CRITERES DU CONTRAT DE
TRAVAIL

41. Jusqu’à la loi n° 11 du 22 décembre 1992 portant code du travail, il n’y


avait pas de définition légale du contrat de travail. L’on se référait à la définition du
travailleur donnée par la loi du 15 décembre 1952 portant code du travail d’Outre-mer,
définition reprise par les codes successifs. Ainsi selon l’article 1er alinéa 2, du code du
travail de 1992, repris à l’article 2 du code de 2004, « est considéré comme travailleur
au sens de la présente loi, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne
qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle moyennant rémunération, sous
la direction et l’autorité d’une personne physique ou morale, publique ou privée
appelée employeur ».

Il faut toutefois préciser que sont excluent du champ d’application du code du


travail les agents des personnes publiques. L’article 1er du code de 1992 précisait
qu’étaient exclues de ce champ d’application « les personnes nommées dans un
emploi permanent d’un cadre d’une administration publique »1. Cette expression
désigne les fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales. Ceux-ci sont, en
principe, exclus de la définition du travailleur au sens du code du travail parce que ce
sont des agents publics soumis à un « contrat de travail de droit public »2. Ils sont
soumis au droit administratif, en particulier au droit de la fonction publique qui est en
quelque sorte un droit du travail dérogatoire. Mais leur exclusion n’est pas totale et
générale. Il y a des situations où ils peuvent, en plus de la qualité de fonctionnaire,
être tenus par un contrat de travail3. Il en est ainsi des fonctionnaires détachés dans des
établissements publics, des sociétés d’Etat ou des sociétés d’économie mixte. La
jurisprudence tend de plus en plus à affirmer leur double soumission au droit
administratif et au droit du travail4, quoique la politique soit aujourd’hui à la limitation
du recours au détachement de fonctionnaires dans les entreprises publiques.

42. Avec le code de 2004, plusieurs distinctions doivent être faites dans les
personnels des personnes publiques. La première concerne les agents des
établissements publics. Ceux-ci relèvent en principe du code du travail, sauf
exceptions. Ces exceptions concernent les personnels des établissements publics à

1 Article 1 dernier paragraphe du code de 1992.


2 J.-J. DUPEYROUX, op. Cit. N° 125.
3 Voy. M. KIRSCH, Le droit du travail en Afrique, T. I, n° 12 et s.
4 Voy. Filiga Michel SAWADOGO, Les difficultés soulevées par le détachement de fonctionnaires, RBD n° 7,

janvier 1985, pp. 7-16 ; C. appel. Ouagadougou, 20 janvier 1984, RBD n° 10 de janvier 1986, p. 207, note F.M.
SAWADOGO ; C. appel. Ouagadougou, 19 février 1982, RBD n° 5, p.68 ; Trib. Trav. Bobo Dioulasso 26 octobre
1981, RBD n° 5, p.65; Trib. Trav. Koudougou, 5 mai 1982, RBD n° 4 p. 205; Trib. Trav. Koudougou, 5 mai 1982,
RVD n° 4, juin 1983, p. 209; (fonctionnaire détaché, irrecevabilité); C.S. ch. adm., arrêt n° 67 du 3 août 1990, in
Zombré Léontine et Sy Arouna, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), p. 18; C.S. ch. adm., 24
juin 1994 (régime disciplinaire); Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 20 du 23 avril 1991, in Zombré L et SY
A., p. 311; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 24 du 6 mars 1992, in Zombre et SY, p. 313; C.S.BF., arrêt n° 54 du
19/12/2000, Simporé S. c/ SOSUCO

49
caractère administratif ou assimilés (tels que les établissements publics de l’Etat à
caractère scientifique culturel et technique, ou les établissements publics de santé) qui
sont en majorité des agents de l’Etat affectés ou mis à la disposition de l’établissement
et non pas des personnels propres de l’établissement. Les autres types
d’établissements publics (établissements publics à caractère industriel et commercial,
ou à caractère professionnel) disposent de personnels propres soumis au code du
travail.

La seconde situation concerne les agents de l’Etat. Sous les autres codes, les
agents de l’Etat qui n’avaient pas la qualité de fonctionnaire relevaient du code du
travail : c’était le cas des agents temporaires (manœuvres, chauffeurs, gardiens...)1 et
des agents contractuels qui étaient souvent des cadres recrutés sur des emplois
permanents sans la qualité de fonctionnaire, généralement parce qu’ils ne remplissent
pas la condition d’âge limite ou de nationalité. Mais la situation est devenue plus
complexe depuis les textes de 1998 portant réforme globale de l’administration
publique2. La loi n° 13/98 du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux
emplois et aux agents de la fonction publique se propose de modifier radicalement le
système de fonction publique dit de carrière ou fonction publique fermée pour en faire
une fonction publique ouverte basée sur la contractualisation.3. Cette loi redéfinit la
qualité de fonctionnaire de manière restrictive. Selon l’article 57 de cette loi, ont la
qualité de fonctionnaire les agents qui sont titularisés dans des emplois permanents
dont les natures sont énumérées et qui devront faire l’objet d’une liste fixée par décret
en conseil des ministres. Les autres agents de l’Etat sont des agents contractuels.
Toutefois, même si la distinction entre fonctionnaire et non fonctionnaire ne part plus
du critère du caractère permanent ou non permanent de l’emploi, les agents
contractuels ne relèvent pas pour autant du code du travail car selon l’article 7 de la
loi, « les agents régis par la présente loi sont les fonctionnaires et les agents
contractuels ». L’article 4 C. trav. prend acte de cette évolution en disposant que « les
agents de la fonction publique, les magistrats et les militaires ne sont pas soumis aux
dispositions de la présente loi ». L’exclusion ne concerne plus seulement les
fonctionnaires mais les « agents de la fonction publique ». L’uniformisation semble se
faire en faveur du statut de droit public, un peu à l’image de ce qu’a essayé de faire le
tribunal des conflits en France en retenant le critère organique. Selon cette haute
juridiction française, « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un

1 V. C.S. ch. Adm., 8 avril 1983, RVD n° 7, janvier 1985, p. 85 (agent temporaire- contrat de travail – vol –
décision ministérielle de licenciement – recours en annulation – incompétence ratione materiae)
2 Voy. : loi n° 10/98 du 21 avril 1998, portant modalités d’intervention de l’État et répartition de compétences entre

l’État et les acteurs du développement; loi n° 013/98 du 28 avril 1998, portant régime juridique applicable aux
emplois et aux agents de la fonction publique; loi n° 20/98 du 5 mai 1998, portant normes de création,
d’organisation et de gestion des structures de l’administration de l’État, J.O.BF, spécial du 25 juin 1998; SGG-CM,
Réforme globale de l’administration publique, publication du Journal officiel du Faso, avril 2000; pour la loi
013/98 du 28 avril 1998et ses textes d’application, Codes et lois du Burkina Faso, Tome VIII, Code public et
administratif, vol. 2, pp. 1141 et s. Cette loi a été modifiée par la loi n° 19-2005/AN du 18 mai 2005, J.O.BF.,
spécial n° 3 du 27 juin 2005.
3 Voy. Benoît KAMBOU, Le système contractuel dans le nouveau droit de la fonction publique au Burkina Faso,

RBD n° 42, 2e semestre 2002, pp. 67 et s.

50
service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public
quels que soient la nature et les conditions de leur emploi »1.

Le troisième cas concerne les agents des collectivités locales. Ils ont eux aussi
été dotés d’un statut général fixé par la loi n° 047/96/ADP du 21 novembre 1996 2 qui
ne s’applique, selon l’article 1er, qu’à « toute personne nommée dans un emploi
permanent d’une collectivité locale ». L’article 3 précise que les agents recrutés sur les
budgets locaux pour un emploi temporaire ou non permanent, qui constituent encore
une grande partie des personnels propres de collectivités locales, relèvent du code du
travail. Mais ce texte ayant été adopté avant la réforme globale de 1998, on peut
douter que cette logique soit maintenue. Pourtant l’article 299 du code de 2004
confirme l’esprit de cette loi en disposant que « les juridictions du travail demeurent
compétentes lorsqu’une collectivité ou un établissement public est mis en cause en
matière de conflit du travail ».

43. En partant de la définition du travailleur, l’article 10 du code de 1992


définissait le contrat de travail comme « toute convention écrite ou verbale, par
laquelle une personne appelée travailleur, s’engage à mettre son activité
professionnelle moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre
personne physique ou morale, publique ou privée appelée employeur ». L’article 38
du nouveau code reprend cette définition.

De cette définition, se dégagent les éléments qui caractérisent le contrat de


travail, autrefois appelé contrat de « louage de service » (Section I). Ces éléments
permettent de le distinguer des contrats voisins (Section II).

SECTION I - LES CRITÈRES DU CONTRAT


DE TRAVAIL
44. Trois critères, tirés de la définition du contrat de travail, déterminent la
qualité de travailleur salarié. Ces critères doivent se trouver cumulativement remplis,
sans pour autant avoir la même importance3. Ce sont :
- La prestation de travail ou activité professionnelle,
- La rémunération ou salaire et,
- La subordination juridique.

1 V. Trib. Confl. (fr.), 25 mars 1996, Rec. 535, concl. Ph. Martin; D. 1996.598, note y. Saint-Jours; Dr. Soc.
1996.735, obs. X. Prétot. V. également, J. PELISSIER, X. PRETOT ET A. JEAMMAUD, Droit du travail, op. cit.
n° 125.
2 Voy., Codes et lois du Burkina Faso, Tome VIII, vol. 1, pp. 250 et s.
3 Voy. Trib. Trav. Ouagadougou, 7 juin 1977, TPOM n°514, p. 298 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 26 juin 1979,

TPOM n° 537, p.301 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 26 mai 1986, TPOM n°664, p.45 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 14
janvier 1984, TPOM n°687, p.67; Trib. Trav. Ouagadougou, 25 avril 1989, RBD n° 1, 19-20 juillet 1991, p. 117;
Trib. Trav. Koudougou, 25 février 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 98; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 14/98, GTZ c/
Zerbo née N.I.

51
§ 1 - L’activité professionnelle ou prestation de travail
45. Il faut qu’il y ait prestation de travail pour qu’il y ait contrat de travail.
Cette prestation de travail peut revêtir plusieurs formes : intellectuelle, physique ou
artistique. Par exemple, la prestation de l’ingénieur, du médecin, de l’enseignant est
intellectuelle ; celle de l’ouvrier, du manœuvre est en général physique (ou manuelle) ;
celle du musicien, du peintre ou du photographe est artistique. Le critère de la
prestation de travail est nécessaire quelle que soit la nature de la prestation. Il est un
élément du caractère synallagmatique du contrat de travail. Sans prestation de travail,
la rémunération n’aurait pas de contrepartie et deviendrait une simple libéralité.

Mais s’il est nécessaire, le critère de la prestation de travail n’est pas


déterminant car il n’est pas à lui seul suffisant. Plusieurs types de contrats supposent
une prestation de travail. Il en est ainsi du mandat, du contrat d’entreprise etc. Par
ailleurs, l’on estime que la prestation de travail doit être l’élément principal et non un
élément accessoire : par exemple, une personne acceptée comme stagiaire dans une
entreprise pour sa formation pratique devant compléter ses études peut prester un
travail et recevoir ou non une rémunération. Le contrat de formation ne se transforme
pas en contrat de travail du fait de la prestation de travail parce que cette prestation est
accessoire, l’élément principal étant la formation ou l’expérience acquise1. La
prestation doit être accompagnée d’une rémunération.

§ 2 - La rémunération ou salaire
46. La rémunération marque également le caractère synallagmatique du contrat
de travail. Elle est la contrepartie de la prestation. Nécessaire2, ce critère n’est pas non
plus suffisant car beaucoup de prestations ou services ont pour contrepartie une
rémunération. La plupart des contrats comportent tacitement ou expressément une
rémunération. Celle-ci n’est donc pas spécifique au contrat de travail. On avait voulu
invoquer, comme critère distinctif, non pas seulement le principe de la rémunération,
mais aussi le mode de rémunération : le salarié serait rémunéré en espèce, alors que
les autres types de prestations sont rémunérés en nature ou en pourcentage. Mais en
réalité, le mode de rémunération n’est pas déterminant dans la distinction entre le
contrat de travail et les autres types de contrat. Par exemple, si le salarié est
généralement rémunéré en espèce alors que le mandataire est souvent rémunéré en
pourcentage, il n’en demeure pas moins que ce dernier peut être rémunéré en espèce.
Le salarié peut, par ailleurs recevoir son salaire, pour partie en espèce et pour partie en
pourcentage ou en nature.

1 Voy. Cass. Soc. (fr.), 14 novembre 2000, RJS, 2/01 n° 157; Cass. Soc. (fr.), 18 juillet 2001.115, obs. Y.
Rousseau.
2 C.A. Ouagadougou, arrêt n° 137 du 6/12/1994, in Zombré et Sy, Recueil, p. 12.

52
Les deux critères de la prestation de travail et de la rémunération doivent être
complétés par un troisième, qui est celui de la subordination juridique.

§ 3 - Le critère de la subordination
47. Le critère de la subordination est essentiel à l’existence d’un contrat de
travail. Il a été dégagé par la jurisprudence avant d’être consacré par le législateur.
Selon la définition de l’article 38 du nouveau code du travail, pour qu’il y ait contrat
de travail, il faut que le salarié exerce son activité professionnelle sous la direction et
l’autorité d’une autre personne, c’est-à-dire, qu’il soit placé dans une situation de
dépendance.

La notion de dépendance peut être comprise de manière large (au sens


économique) ou de manière restrictive, au sens juridique1. C’est ce dernier
entendement qui s’est imposé (A), mais la conception économique n’en conserve pas
moins quelques échos (B).

A – LA NOTION DE SUBORDINATION JURIDIQUE

48. Dans l’acception juridique de la dépendance, il y a contrat de travail quand


le travailleur est placé sous l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres
concernant l’exécution de son travail et en vérifie les résultats. Le salarié est
juridiquement tenu d’exécuter la prestation conformément aux ordres de l’employeur.

Ce qui compte le plus, c’est la présence du lien juridique de dépendance. La


notion de subordination est elle-même relative. Le degré de dépendance peut être
fonction de la profession ou du rang du salarié. Dans certaines professions, le pouvoir
qu’a l’employeur de donner des ordres et d’en contrôler l’exécution est très réduit.
C’est le cas des médecins, pour des raisons de déontologie du métier, des artistes, etc.
De même, selon le rang du salarié le contrôle de l’employeur est plus ou moins étroit
et permanent. L’ingénieur n’est pas soumis au même degré subordination que le
manœuvre.

Il faut, par ailleurs, relever que certains liens sont incompatibles avec la notion
de subordination juridique. C’est le cas des relations d’entraide amicale 2, d’entraide
agricole, du lien conjugal ou du lien familial3. L’existence du lien familial par
exemple peut faire présumer que les prestations fournies sont placées dans le cadre de

1 Voy. A. JEAMMAUD, note sous Soc. 19 décembre 2000, Dr. Soc. 2001. 227; Pour une décision ancienne, Cass.
civ. 6 juillet 1931, Bardou, D.P. 1931. 1. 121, note PIC.
2 Trib. Trav. Koudougou, jugement n° 1 du 2 avril 1993, in Zombré Léontine et Sy Arouna, Recueil de

jurisprudence Droit du travail (1990-1995), p. 10; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 18 du 24 mars 1992, in
Zombré et Sy, Recueil, p. 8.
3Soc. 13 décembre 1973, d. 1974, IR.19 ; M. FORGIT, Pour de nouvelles relations de travail entre époux, Gaz.
Pal., 5-6 novembre 1997, p. 4 ; R. MARTIN, La coopération conjugale dans l’entreprise familiale, D. 1982, chron.
293.

53
l’entraide familiale. La subordination peut aussi reposer sur d’autres bases que celles
du contrat de travail, par exemple, le vœu religieux1.

Mais dans nombre de ces cas, des exceptions sont de plus en plus admises. On
admet qu’un contrat de travail se superpose au lien conjugal (à l’obligation d’entraide
entre époux) ou au lien familial2. Un fils peut être salarié de son père bien qu’il puisse
exécuter des travaux dans le cadre de l’entraide familiale. Ce cumul du contrat de
travail et du lien familial avait déjà été d’une autre manière consacrée avec la notion
de salaire différé : on avait recours à cette notion lors des successions pour ne pas
défavoriser le fils qui travaillait avec le de cujus sans être rémunéré.

49. Si la notion de subordination juridique semble claire, en pratique, sa mise


en œuvre peut soulever beaucoup de difficultés. Ce qui paraît clair a priori peut se
révéler compliqué car, parfois, pour échapper aux contraintes de la réglementation du
travail, les employeurs peuvent essayer de camoufler des relations de travail sous
d’autres dénominations3. C’est pourquoi des éléments de fait peuvent entrer en ligne
de compte dans la détermination du lien de subordination. Il revient au juge chargé de
l’appréciation des relations en cause d’examiner ces éléments de fait.

Le juge peut tirer l’existence du lien de subordination juridique de divers


facteurs. Il peut déduire le lien de subordination de la situation ou du comportement
des parties, notamment du comportement de l’employeur : le fait de délivrer un
certificat de travail ou des bulletins de paie par exemple, peut faire présumer
l’existence d’un contrat de travail. Le juge peut également tenir compte des conditions
d’exécution du travail : l’affectation de l’employé à un lieu précis de travail ;
l’imposition d’horaires de travail4 ; la fourniture au travailleur des éléments
nécessaires à sa prestation tels que les outils et les matières premières ; l’absence de
personnel salarié dépendant du travailleur ; le fait qu’un VRP consacre à la même
personne l’exclusivité de son activité, etc.

Le recours à ces divers éléments de fait pour déterminer le lien de dépendance


a conduit la doctrine à avancer une autre notion de la subordination, celle de la
dépendance économique.

1 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 26 juin 1979, TPOM n° 537, 1981, p. 301.


2 V. Soc. 13 décembre 1973, op. cit. ; Trib. Trav. Brazzaville, 2 juin 1980, TPOM n° 538, p. 324 ; M. FORGIT, op.
cit. ; R. MARTIN, op. cit.
3 Voy. Cass. soc. (fr.), 11 janvier 1968, D. 1968, p.499 : contrat de travail inexactement qualifié de contrat

d’association par les parties.


4 V. Cass. soc. 16 avril 1992, Bull. civ., V, n° 283; Cass. civ., 22 février 1992, Bull. civ., V, n° 65; Cass. civ., 27

mai 1992, Bull. civ., n° 345.

54
B – LA NOTION DE DEPENDANCE ECONOMIQUE

50. Selon la doctrine de la dépendance économique, serait un contrat de travail,


le contrat qui mettrait une personne sous la dépendance d’une autre personne qui lui
fournit le travail et, par là-même, ses moyens d’existence.

Cette conception paraît plus favorable aux travailleurs parce qu’elle permet de
soumettre au droit du travail des catégories professionnelles qui, sous l’angle de la
subordination juridique, pourraient être rejetées sous l’empire moins protecteur du
droit civil ou commercial. Les contrats des VRP et des travailleurs à domicile1 se
trouveraient aisément englobés dans la qualification de contrat de travail.

Mais cette conception pêche par son caractère trop extensif et donc imprécis.
Cette notion de dépendance économique est un véritable « fourre-tout » qui n’est pas
d’un grand secours lorsqu’il s’agit d’examiner des cas précis. Où commence et où
s’arrête la dépendance économique dans la société actuelle marquée par
l’interdépendance économique?2. Aussi, cette conception n’a-t-elle pas été
formellement retenue par la jurisprudence, qui s’en tient à la notion de dépendance
juridique, celle-ci se traduisant par la possibilité pour l’employeur de donner des
ordres au travailleur, de contrôler l’exécution de ces ordres et d’infliger des sanctions.

Toutefois, si la notion de dépendance économique est formellement rejetée,


elle a tout de même influencé le juge qui se montre assez souple pour accorder la
qualité de salarié dans des situations où le lien de dépendance juridique est très ténu.
Cette souplesse de la jurisprudence a par ailleurs été encouragée par le législateur, du
moins en France où il est intervenu pour accorder la qualité de salarié à des catégories
contestées tels que les VRP3. En outre, il faut souligner que la notion de dépendance
économique a été pratiquement consacrée en matière de sécurité sociale 4. Le code de
sécurité sociale accorde la qualité de travailleur salarié de manière très large à des
personnes pouvant être occupées pour le compte de plusieurs employeurs. Or la
subordination juridique se trouve fortement amoindrie si le salarié est au service de
plusieurs employeurs.

1
A ne pas confondre avec les « gens de maison ».
2 Voy. G. LYON-CAEN, Quand cesse-t-on d’être salarié? D. 1977, chron. 49. En France, le législateur a essayé
de réagir contre l’insécurité résultant des requalifications par extension de la notion de subordination, en confortant
le critère de la subordination juridique dans l’article L. 120. 3 C. trav. V. B. TEYSSIE, Sur un fragment de la loi du
11 février 1994, commentaire de l’article L. 120.3 C. trav., Dr. Soc., 1994.467. V. aussi, Soc. 16 novembre 1996,
Société générale, Dr. Soc. 1996.1067, note J.-J. DUPEYROUX; JCP 1997, éd. E, II, 911, note J. Barthélemy; A.
SUPIOT, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc. 2000, p. 131.
3 Voy. Article L. 751 code du travail français. V. également, BRUN et GALLAND, t.1 op. cit., p.368 et s.
4 Voy. l’article 3 §1 Code de sécurité sociale du Burkina Faso qui assujettit à la sécurité sociale les travailleurs qui

« sont occupés en ordre principal sur le territoire national pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs
nonobstant la nature, la forme, la validité du contrat, la nature et le montant de la rémunération ».

55
Malgré ces consécrations partielles et limitées de la notion de dépendance
économique, le critère de la subordination juridique reste le plus pertinent et le plus
utilisé pour distinguer le contrat de travail des contrats qui lui sont proches.

SECTION II - LA DISTINCTION DU CONTRAT DE


TRAVAIL DES CONTRATS VOISINS

51. L’expression contrats voisins est peut-être peu heureuse1 mais elle permet
d’éprouver les critères du contrat de travail par une comparaison avec des contrats
censés ne pas créer des rapports de travail dépendant. Avant de mettre à l’épreuve le
critère jurisprudentiel de la subordination comme élément essentiel qui caractérise le
contrat de travail, on peut d’abord se poser la question à savoir quels intérêts
s’attachent à cette distinction ?

§ 1 - Intérêt de la distinction
52. Les intérêts pratiques de la distinction sont multiples : d’abord les critères
de distinction permettent de résoudre de fréquents litiges relatifs à la nature réelle du
contrat qui surviennent, soit parce que les rapports juridiques entre deux personnes
n’ont pas reçu de qualification précise, soit parce que la qualification donnée est
considérée comme erronée ; ensuite, la distinction est, en elle-même, nécessaire pour
une application effective de la législation du travail.

En effet, la qualification de contrat de travail comporte beaucoup


d’implications dont chaque partie veut tirer avantage ou éviter les inconvénients. Ainsi
:

- de la qualification du contrat dépend la compétence des juridictions :


tribunal du travail ou juridiction civile. Souvent, les chances d’avoir gain
de cause dans une affaire diffèrent suivant la juridiction compétente et
donc suivant la qualification du contrat ;
- les règles de responsabilité en cas de préjudice causé à un tiers diffèrent : le
travailleur est un préposé, donc la responsabilité de l’employeur sera mise
en jeu ; ce qui ne sera pas le cas dans les rapports entre l’entrepreneur ou le
maître d’ouvrage et les tiers. L’entrepreneur est responsable des dommages
qu’il cause ;
- la rémunération, lorsqu’il s’agit d’un contrat de travail, bénéficie d’une
protection particulière par rapport aux autres types de contrat : la créance
de salaire bénéficie de privilèges classés à un rang plus intéressant 2 ; Les
règles de prescription diffèrent de celles du droit commun car suivant

1 Voy. J.-J. DUPEYROUX et al., op. Cit. N° 141. Celui-ci dit qu’il évitera de parler de contrats voisins.
2 V. Articles 192 à 197 C.Trav. de 2004.

56
l’article 199 du code de 2004, l’action en paiement du salaire et celles en
fournitures se prescrivent par 2 ans ;
- d’une manière générale, le contrat de travail ouvre droit à des avantages
prévus par la réglementation : congés payés, sécurité sociale, indemnité de
rupture etc.

En définitive l’intérêt de la distinction entre contrat de travail et contrats


voisins est multiple. L’appréciation de la nature du contrat permet de trancher les
questions de compétence juridictionnelle1, de faire échec aux fraudes dans la
qualification du contrat par l’employeur et/ou d’étendre les avantages sociaux que
procure le contrat de travail à certaines catégories professionnelles. C’est dans cette
optique que le législateur français a procédé à l’assimilation de certains contrats au
contrat de travail (ex : VRP, travailleurs à domicile)2.

Il convient à présent d’examiner les aspects distinctifs du contrat de travail de


quelques autres contrats tels que le contrat d’entreprise, le mandat et le contrat de
société.

§ 2 - Contrat de travail et contrat d’entreprise


53. Il y a contrat d’entreprise « lorsqu’une personne est engagée pour une tâche
déterminée, qu’elle exécute de sa propre initiative en toute indépendance, seule ou en
se faisant aider, le cas échéant, par des travailleurs choisis et appointés par elle et
lorsque cette personne est rémunérée forfaitairement »3. Le contrat d’entreprise met en
rapport un entrepreneur et un maître d’ouvrage.
L’entrepreneur est chargé de fournir une prestation de travail pour laquelle il
reçoit une rémunération, mais il n’est pas juridiquement subordonné au maître
d’ouvrage. Celui-ci lui donne les orientations générales sur le travail à effectuer et le
but à atteindre. Il lui donne des directives et non des ordres4.

Cette notion plutôt vague de directive est supplée ou complétée par des critères
accessoires telles que la rémunération et les conditions de réalisation du travail. (ex. :
peintre humoriste ; couleur de bronze qui vend la totalité de ses produits à une seule
personne). L’entrepreneur est rémunéré au forfait et peut se faire aider par d’autres

1 Voy. C. Appel Ouagadougou, Arrêt n° 14/98 du 03 mars 1998, GTZ c/ Zerbo N.I. (contrat de travail ou contrat de
consultant) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 25 avril 1989, RBD n° 19-20, janvier – juillet 1991, p. 117; Trib. Trav.
Koudougou, 25 juillet 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 98; Trib. Trav. Koudougou, 25 février 1984, RVD n° 9,
janvier 1986, p. 98 (éléments constitutifs, inexistence); Trib. Trav. Koudougou, 22 août 1984, RVD n° 9, janvier
1986, p. 99 (éléments d’existence de contrat de travail).
2 V. Art. L. 781-1 C. Trav. (fr.)
3 M. KIRSCH, Mémento de Droit du travail d’Outre-Mer, Paris, Penant, p.12 et s.
4 Trib. Trav., Ouagadougou, 6 janvier 1965, TPOM n°166; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 3 du 12 janvier 1993

(tâcheron, incompétence du tribunal du travail); C.A. Ouagadougou, arrêt n° 57 du 21/3/1995, in Zombré et Sy,
Recueil, p. 15; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 109 du 06 novembre 2001, Ezi M. c/ Sawadogo M. et Sanfo A.; C.
appel Bobo-Dioulasso, arrêt n° 77 du 21 août 2000, Société Colas et EBG Bobo Dioulasso c/ IDO B. et 68 autres

57
personnes1. Au contrat d’entreprise peut être assimilé (rapproché) le contrat de
tâcheronnat. Contrat d’entreprise et de tâcheronnat peuvent se combiner.

§ 3 - Contrat de travail et tâcheronnat


54. Selon l’art. 85 C. trav. (art. 54 du code de 1992), « le tâcheron est une
personne physique ou morale qui recrute une main d’œuvre nécessaire à l’exécution
d’un travail ou la fourniture de certains services moyennant un prix forfaitaire dans le
cadre de l’exécution d’un contrat écrit dénommé contrat de tâcheronnat conclu avec
un entrepreneur ». Cette définition vise ce que l’on appelle aussi la « sous-traitance »,
dans la mesure où il s’agit du rapport entre un entrepreneur et un sous-entrepreneur,
comme le disait explicitement l’article 54 du code de 1992. Le tâcheron peut aussi,
occasionnellement, conclure un contrat pour l’exécution d’un travail au profit du
maître de l’ouvrage. Il est dans ce cas dans la position d’un entrepreneur2.

Le tâcheron (sous-entrepreneur) se retrouve, à l’égard de l’entrepreneur, dans


la même situation que l’entrepreneur à l’égard du maître d’ouvrage3 :
- il ne reçoit pas d’ordres dans l’exécution de son travail, mais des directives
;
- il est rémunéré forfaitairement ;
- il peut avoir des salariés payés par lui.

Les conditions dans lesquelles le tâcheron exerce son activité sont sources de
méprises pour le travailleur et parfois de marchandages à son détriment. Aussi, le code
du travail a-t-il expressément réglementé la conclusion de ce type de contrat et imposé
des obligations au tâcheron et à l’entrepreneur (pas au maître d’ouvrage). Lorsque le
tâcheron exerce dans le chantier ou l’atelier de l’entrepreneur, le travailleur peut croire
qu’il est embauché par une grande entreprise, alors qu’il a à faire à un sous-
entrepreneur. Pour éviter ces méprises4, certaines mesures sont imposées au tâcheron
et à l’entrepreneur :

- Le tâcheron est tenu d’afficher de façon apparente sa qualité de tâcheron, le


nom et l’adresse de l’entrepreneur, ainsi que la liste des dates de paie des salaires à ses
travailleurs ; il doit obligatoirement déclarer à l’inspection du travail du ressort,
préalablement à l’exécution du contrat de tâcheronnat, ses nom, adresse et qualité, et
la situation de chacun de ses chantiers. Cette déclaration doit être accompagnée des
affiches prévues5.

1 Trib. Trav., Ouagadougou, 6 janvier 1965, op. cit..


2 V. ISSA-SAYEGH, op. cit., n° 901.
3 V.C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 77 du 21/8/2000, IDO B. et 68 autres c/ Société Colas et EBG Bobo.
4 Pour cette raison , le code du travail sénégalais interdit au tâcheron de sous-traiter ses contrats (V. Art. L.77).
5 Article 87 c. trav. (art. 56 code de 1992).

58
- L’entrepreneur doit lui aussi afficher dans ses bureaux, la liste des tâcherons
avec lesquels il a passé un contrat, et informer les travailleurs par voie d’affichage du
règlement du tâcheron avec copie à l’inspection1.

L’entrepreneur est légalement garant de l’exécution par le tâcheron de ses


obligations à l’égard des salariés, car suivant l’article 86 du nouveau code, quand les
travaux sont exécutés dans les ateliers ou chantiers de l’entrepreneur, ce dernier
devient responsable à l’égard des travailleurs en cas d’insolvabilité du tâcheron2.

Les sanctions qui s’attachent au non respect des dispositions législatives et


réglementaires par le tâcheron sont :
- l’interdiction au tâcheron par décision du Ministre du travail, d’exercer sa
profession, à titre définitif ou temporaire3 ; et,
- la possibilité de lui infliger une amende conformément à l’art. 387 §2 du code
de 20044.

§ 4 - Contrat de travail et mandat


55. Le mandat est un contrat par lequel une personne appelée mandant, charge
une autre personne appelée mandataire, de faire un acte en son nom et pour son
compte5. La distinction est, ici, plus délicate que partout ailleurs car on ne peut pas
s’appuyer sur le critère de la rémunération. Ce critère accessoire est inopérant car
même si le mandat peut théoriquement être gratuit, il est la plupart du temps à titre
onéreux, et la rémunération du mandataire est faite dans la même forme que le salaire.
Quand au caractère fixe ou variable de la rémunération, on constate que dans les deux
cas, il peut y avoir une part de rémunération en pourcentage.

La distinction pourrait être faite à partir de l’objet du contrat : le mandataire


représente autrui, il accompli des actes juridiques pour le compte du mandant. Mais la
confusion peut subsister parce que les salariés eux-aussi accomplissent souvent des
actes juridiques pour le compte de l’employeur6. C’est le cas des directeurs et des
cadres en général. Il n’y a donc pas incompatibilité entre l’existence d’un contrat de
travail et d’un mandat. Ce cumul est admis par la jurisprudence7. La détermination de

1 Voy. l’arrêté n°76 ITLS.HV du 11 déc. 1953, modifiée par arrêté n°335 ITLS.HV du 22 mai 1954, déterminant
les conditions dans lesquelles la qualité de tâcheron et les nom et adresse de l’entrepreneur doivent être portés à la
connaissance des travailleurs, Recueil annoté, 2e édit. 1990, annexe 15; Codes et lois, T. IX, p. 80
2 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 109 du 6/11/2001, EZI Magloire, op. cit.
3 Article 87 C. trav. de 2004.
4 Cet article prévoit une amende de 5000 à 50000 Fcfa et, en cas de récidive, de 50000 à 100000 Fcfa.
5 Art. 1984 C. civ. « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre personne le

pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».


6 V. Par exemple, Trib. Trav. Bamako, 17 avril 1978, Penant n° 765, 1979, p. 356 (signature d’un contrat de travail

par le fondé de pouvoir de l’employeur).


7 Cf. M. KIRSCH, op. cit, p.16. V. D. TOMASIN, A la recherche d’une distinction entre contrat de mandat et

contrat de travail, Mélanges dédiés à M. Despax, Université de Toulouse, 2002, p. 203.

59
la nature du contrat en cause relève d’une appréciation de fait et pour faire la
distinction, le juge s’appuie sur le critère de la subordination juridique1.

La proximité entre contrat de travail et mandat rend l’intérêt de la distinction


encore plus importante, à deux points de vue. Premièrement, en cas de rupture du
contrat, le régime juridique applicable est totalement différent : le mandat est
révocable ad nutum alors que le contrat de travail est protégé contre la brusque rupture
ou la rupture abusive par l’allocation de dommages et intérêts. En second lieu, en ce
qui concerne la fixation de la rémunération et sa protection, les pouvoirs du juge ne
sont pas les mêmes : il peut apprécier les honoraires du mandataires. Dans le mandat il
peut y avoir compensation entre dette du mandataire et dette du mandant. Le salaire
est par contre protégé contre l’employeur et ses débiteurs. A ces deux raisons
s’ajoutent celles relatives à la compétence des juridictions et aux avantages sociaux tel
que l’assujettissement à la sécurité sociale.

Parmi les professions ou fonctions qui posent problème quant à la délimitation


des frontières entre contrat de travail et mandat, on peut relever les cas des
représentants de commerce, des gérants, des dirigeants de société. D’autres cas
particuliers existent, tels que les acheteurs de produits.

A – LES REPRESENTANTS DE COMMERCE

56. Les dénominations utilisées sont très diverses, et peuvent recouvrir des
réalités différentes : on parle d’agent de fabrique, d’agent de gros, de représentant
général, de représentant exclusif, de commis-voyageur, d’agents commerciaux, de
voyageurs représentants placiers, etc.

Les commis-voyageurs traditionnels sont attachés à une maison et reçoivent


une rémunération fixe plus un pourcentage sur les affaires traitées et des allocations de
route. Les représentants proprement dits et les « placiers » disposent de la carte de
plusieurs maisons, ont un bureau personnel et sont rétribués par des commissions
(remise proportionnelle sur les affaires réalisées). La rémunération fixe est rare.
L’expression agents commerciaux est souvent réservée à des chefs d’établissement ou
à des salariés chargés d’accomplir des actes juridiques, de représenter et contracter au
nom de l’employeur. En pratique, l’expression est extensive.

Les représentants de commerce sont, d’une manière générale, des auxiliaires


chargés de solliciter la clientèle et de rechercher des commandes pour les maisons qui
font appel à leurs services2. Leurs rapports avec ces maisons peuvent être variés :
- le représentant de commerce peut-être attaché à une ou plusieurs maisons ;

1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 49 du 22 mai 2001, Tamini J. c/ COPHADIS. V. également, GADT, 3e édit. n°
10-12.
2 V. BRUN et GALLAND op. cit., p.393.

60
- il peut être payé selon une rémunération fixe ou au pourcentage des affaires
traitées ;
- enfin, il peut être plus ou moins libre dans ses démarches auprès de la
clientèle et dans le choix des produits à vendre.

En fonction de ces différentes situations, on peut lui reconnaître la qualité de


travailleur salarié ou de courtier, c’est-à-dire de mandataire. Le courtier sert seulement
d’intermédiaire. Il ne contracte pas pour le compte du représenté1. Le juge peut
qualifier les rapports entre les parties sans tenir compte de la terminologie utilisée
dans le contrat2.
Le deuxième exemple que l’on peut citer concerne les gérants.

B – LES GERANTS

57. Les gérants sont des personnes chargées de l’exploitation d’une succursale
ou d’un dépôt, pour le compte d’une entreprise ou d’une coopérative de
consommation. Le recours à ce type de contrat est courant dans les alimentations, les
dépôts pharmaceutiques villageois, les distributions de carburant ou « pompes
d’essence ». On distingue deux types de gérants :
- le gérant libre qui jouit d’une grande indépendance dans l’exercice de ses
fonctions. Il embauche le personnel, fixe les prix et les conditions de travail
et est rémunéré en pourcentage de ses ventes ; et,
- le gérant salarié qui, lui, est soumis à des obligations particulières dans
l’exercice de ses fonctions. Il reçoit un salaire plus éventuellement une
rémunération en pourcentage (primes).

Dans un arrêt du 18 janvier 1998, la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso3 a tiré la


qualité de travailleur salarié d’un gérant d’une boulangerie familiale de l’existence
d’une rémunération en contrepartie de prestations et de l’obligation de se rendre à
Ouagadougou pour rendre compte de sa gestion.

C – LES DIRIGEANTS DE SOCIETE

58. Les administrateurs de société, au sens de président et membres du conseil


d’administration, sont des mandataires et, dans la plupart des cas, des actionnaires de
la société, lorsqu’il ne s’agit pas d’une entreprise publique. Dans ce dernier cas, les
administrateurs sont des agents représentant l’Etat dans les instances de l’entreprise. Il

1 L’existence des relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination
qu’elles donnent de leur convention (Soc. 19 décembre 2000, Labbane, Dr. soc. 2001, p. 227; PELISSIER et
autres, op. cit. n° 131). Ainsi, « la dénomination de placier en tant que tel n’entraîne aucune conséquence sur le
régime applicable, lequel ne peut-être déterminé que par l’appréciation des faits » (TPOM n° 577 du 16 novembre
1983). V. C. S. BF arrêt n° 17 du 21 décembre 1993, Konaté Gaoussou c/ Touré Douga (pour dénier la compétence
de la juridiction sociale, l’appelant se prévalait de la qualité de courtier)
2 Cette position est considérée comme étant à la base de la doctrine sur le critère de la subordination économique.
3 C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 06 du 18 janvier 1998, Bachour G. C/ Bachour A.

61
arrive qu’un administrateur cumule cette fonction avec celle de salarié. Ce cumul est
possible à condition que la fonction de salarié corresponde à un emploi réel. En ce cas,
sa situation juridique sera qualifiée en fonction de l’existence ou non d’un lien de
subordination juridique1. La situation est plus délicate pour les « directeurs
généraux ». Ils sont considérés comme des mandataires révocables ad nutum. Cette
qualité de mandataire est évidente en ce qui concerne le « président directeur général »
qui est, en principe, président du conseil d’administration et donc actionnaire, et
directeur général rémunéré pour cette fonction. Toutefois, au Burkina Faso, beaucoup
de directeurs généraux sont des salariés nommés à ce poste et coiffés par un président
de conseil d’administration. Le juge burkinabè fait valoir cette qualité de salarié en cas
de rupture2 : la révocation du mandat de directeur général n’entraîne pas en soi rupture
du contrat de travail. Le directeur général adjoint est un salarié si son titre est
seulement honorifique. Les directeurs techniques, par opposition au directeur général,
sont sans conteste des salariés.

D - L’ACHETEUR DE PRODUITS

59. Au Burkina Faso, il existe beaucoup d’acheteurs de produits, qui opèrent la


plupart du temps dans le secteur informel : achat de céréales ou de noix de Karité, par
exemple, dans les marchés périphériques, pour le compte d’un gros commerçant. Dans
le principe, l’acheteur de produit peut être un commerçant, un mandataire ou un
salarié selon le rapport qu’il entretient avec celui pour le compte de qui il achète.

§ 5 - Contrat de travail et contrat de société


60. Le contrat de société est, selon l’article 1832 C. civ., le contrat par lequel
deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue
de partager le bénéfice qui pourra en résulter. Le but de la société commerciale peut
aussi être, selon l’article 4 de l’acte uniforme de l’OHADA n° 2 du 1 er octobre 1997
relatif aux sociétés commerciales et G.I.E., de partager les bénéfices ou de profiter de
l’économie qui pourra en résulter. Le contrat de société engage des contractants qui
sont sur un pied d’égalité (ou de quasi-égalité). Il n’y a pas de véritable
subordination3. Les contractants supportent les pertes autant qu’ils se partagent les
bénéfices. En substance, quelles sont les similitudes et les différences d’avec le contrat
de travail ?

1 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 32 du 18 mai 1993, Médah Raphaël c/ BIB. V. également, Soc. 14 décembre
1999, Pierre c/ SNC Sanijura, GADT 3e édit., n° 13.
2 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n°35 du 19 mars 1997, SONACIB c/ Somé B.C. : cas d’un salarié promu

directeur général de la Société nationale d’exploitation et de distribution cinématographique et licencié par décision
de l’autorité politique; C.A. Ouagadougou, 4 mars 2003, RBD n° 43-44, p. 166, note P. Kiemdé (dirigeant salarié,
nullité relative)
3 Trib. Première instance Ouagadougou, 28 juin 1989, RBD n° 19-20, juillet 1991, p. 95 (contrat de travail, salaire,

preuve, associé de fait)

62
Les affinités se situent au niveau de l’apport et de la communauté d’intérêt 1.
Dans le contrat de société, l’associé fournit en général un apport en capital ou en
nature, mais il peut aussi comme dans un contrat de travail contribuer en industrie
(contribuer par sa force physique ou son intelligence ou expertise). Dans cette dernière
hypothèse, l’associé qui contribue en industrie peut se révéler être un simple salarié.
Au niveau de la communauté d’intérêts, qu’il s’agisse de relation entre associés ou de
relation travailleur-employeur, de leurs efforts communs dépend la marche de
l’entreprise.

Malgré ces affinités, les deux types de contrat diffèrent sur le plan juridique et
technique. Dans le contrat de société :
- les associés contribuent aux pertes ; et,
- ils sont liés par le lien « d’affectio societatis » (volonté d’union pour
atteindre un but commun).

Dans le contrat de travail, au contraire, le salarié se trouve avec son employeur


dans des rapports hiérarchiques, de subordination. Ajoutons que le travailleur peut ou
non participer aux bénéfices : cela dépend des réformes au niveau national ou au sein
de l’entreprise.

61. En conclusion, la mise en œuvre des critères du contrat de travail montre


les particularités de ce contrat par rapport aux autres, mais aussi l’incertitude des
critères distinctifs : d’où souvent le recours à une analyse cas par cas lorsque le
législateur n’est pas intervenu d’autorité, comme en France en ce qui concerne les
VRP, pour donner une qualification au contrat. Dans ces analyses cas par cas, seul le
critère de subordination est le plus opérant. Mais le concept de subordination s’est
trouvée embrouillée par les considérations sur les intérêts de la distinction. Une
conception étroite ou large de la subordination aboutit soit, dans le dernier cas, à
englober certaines personnes dans la qualification de salariés, soit, dans le premier
cas, à écarter certaines catégories professionnelles de cette qualité et d’une
réglementation plus protectrice.

Ces considérations sur les intérêts à protéger seront aussi à l’origine des
particularités dans la formation du contrat de travail.

1 Brun et Galland, op. cit., 1958 p.291 et s ; n°II-80.

63
64
CHAPITRE II - LA CONCLUSION DU CONTRAT DE TRAVAIL
62. Quelles sont les formes dans lesquelles se nouent les contrats de travail et
quelles sont les conditions de fonds exigées pour la validité de ces contrats ? En
principe, sur ces deux points, les conditions exigées répondent à celles du contrat civil.
Toutefois, au fur et à mesure de l’intervention du législateur pour protéger le
travailleur ou pour des raisons économiques, le contrat de travail a acquis une certaine
originalité par rapport au contrat civil. Les dérogations aux principes civilistes
concernent tant la forme que le fond, mais aussi le mode d’administration de la preuve
du contrat, car le mode de preuve dépend beaucoup de la forme de l’acte. Ces
similitudes et dérogations peuvent être perçues à travers l’analyse des conditions
générales de validité du contrat de travail (section I).

Pour les mêmes raisons économiques ou de protection du travailleur, les règles


dérogatoires aux principes civilistes seront accentuées en ce qui concerne certains
types particuliers de contrat de travail ou plus exactement les clauses particulières
contenues dans certains contrats (section II) et en ce qui concerne les contrats
assimilés au contrat de travail (section III).

SECTION I - CONDITIONS GENERALES DE VALIDITÉ


DU CONTRAT DE TRAVAIL
63. L’article 38 C. trav. de 2004 affirme le principe de la libre conclusion des
contrats de travail : « Les contrats sont passés librement ». Les articles 41 et 38 al. 3
C. trav. apportent des dérogations au caractère consensuel de ces contrats en
introduisant des formalités pour certains d’entre eux. C’est surtout en ce qui concerne
les conditions de fond que la similitude avec le contrat civil est très grande.

§ 1 - Conditions de fond
Ce sont celles généralement exigées pour la validité du contrat civil :
consentement, capacité, objet du contrat, licéité de la cause. Consentement et capacité
sont les principales conditions sur lesquelles l’attention est le plus attirée.

A – LE CONSENTEMENT

64. Le consentement de chacune des parties doit être exempt de vice. Les vices
de consentement sont l’erreur, le dol et la violence. L’existence d’un de ces vices
entraînerait la nullité du contrat.

65
Le dol pose la question de la loyauté pré-contractuelle1. Le consentement ne
doit pas avoir été arraché par des manœuvres, des mensonges ou fausses déclarations.
Lors des négociations ou entretiens, l’employeur peut faire des promesses fallacieuses
et l’employée peut faire des fausses déclarations sur ses qualifications ou ses
diplômes, sa situation matrimoniale, sa situation militaire etc. La fausse déclaration de
l’employé n’est susceptible d’entraîner la nullité du contrat que si elle est
déterminante. Par exemple, la possession d’un diplôme est une condition
déterminante, mais une fausse déclaration sur sa situation militaire n’est pas
déterminante2. Les cas de consentement vicié par l’erreur sont beaucoup plus rares3.
Mais il ne peut être exclu qu’une des parties dissimule sa véritable identité ou
emprunte l’identité d’une autre personne pour pouvoir contracter. Cette situation doit
être distinguée de la dissimulation de causes d’incompatibilité telle celle du
fonctionnaire4 qui cumulerait son emploi avec un emploi dans le secteur privé à l’insu
de son employeur privé.

Le vice de violence peut surtout résulter de la violence morale. Il en est ainsi


lorsque l’employeur exerce des pressions sur l’employé pour lui faire accepter un
statut moins favorable : par exemple, transformer un contrat de représentant salarié en
contrat de mandat, imposer une nouvelle base de rémunération peu avant l’expiration
de la période d’essai5. Selon l’art. 1112 du code civil, pour apprécier la violence, il
doit être tenu compte de la « condition des personnes » c’est-à-dire de leurs conditions
économiques et sociales. Mais le simple fait d’accepter un salaire faible sous la
contrainte de la misère ne peut être constitutif du vice de violence morale. L’on peut
éventuellement invoquer l’irrespect de la réglementation sur les salaires pour
demander, non pas la nullité du contrat, mais une revalorisation de la rémunération.
Naturellement, les cas de travaux forcés ou obligatoires affectent le contrat du vice de
consentement. Selon l’article 5 C. trav. « le terme travail forcé ou obligatoire désigne
tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et
pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ». Cette disposition semble
s’adresser à l’Etat, mais elle vaut aussi dans les rapports entre particuliers.

B – LA CAPACITE

65. Une distinction doit être faite entre la capacité de l’employeur et celle de
l’employé. La capacité de l’employeur est appréciée dans les conditions de droit
commun (majorité de 21 ans ou émancipation par le mariage par exemple).

La capacité du travailleur se pose seulement en ce qui concerne les enfants et


les adolescents (abstraction faite des majeurs incapables). Selon l’art. 147 al. 1 C. trav.
1 Cette question est à distinguer de la promesse d’embauche non tenue. V. sur ce dernier cas, Trib. Trav.
Ouagadougou, jugement n° 42, du 24 septembre 1991, in Zombré et Sy, Recueil, p. 5 (absence de promesse).
2 V. BRUN et GALLAND, op. cit. p. 29; Soc., 3 février 1965, Bull. civ. IV.84; Soc. 23 avril 1960, JCP 1960.IV.81
3 V. Soc. 3 février 1965, Bull. civ.IV.84; Soc. 3 juillet 1990, RJS 10/90, n° 573.
4 V. Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 17 du 24/3/1992, in Zombré et Sy Recueil, p. 6.
5 V. J. PELISSSIER, A. SUPIOT A. et A. JEAMMAUD, op. cit. n° 272.

66
« l’âge minimum d’admission à tout type d’emploi ou de travail ne doit pas être
inférieur à 15 ans ». Depuis le code de 1992, les textes sont plus restrictifs en matière
de travail des enfants et des adolescents que l’ancien article 125 du code de 1962 qui
disposait que « les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise, même
comme apprenti avant l’âge de 14 ans, sauf dérogation édictée conjointement par le
Ministre du travail et celui de la Santé »1. Cet article 125 était conforme aux
conventions n° 5 de 1919 et n°33 de 1932 de l’OIT portant respectivement sur l’âge
minimum dans l’industrie et sur l’âge minimum pour les travaux non industriels2. Le
passage à 15 ans résulte de la ratification de la convention O.I.T. n° 138 de 1973
concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi. L’article 147 renvoie aussi à un
décret, mais pour fixer la nature des travaux et des catégories d’entreprises interdits
aux personnes âgées de moins de 18 ans. Des dérogations ne sont plus possibles pour
les enfants âgés de moins de 15 ans. Ce sont ces situations qui requéraient l’accord des
parents sous le code de 1962.

A partir de l’âge d’emploi, les enfants et les adolescents peuvent s’engager


librement, contracter avec un employeur sans avoir besoin d’autorisation d’un parent
ou d’un tuteur. Les seules restrictions concernent les travaux interdits. Ces
interdictions s’adressent en réalité à l’employeur qui est éventuellement responsable
de leur violation.

La femme peut contracter sans le consentement de son époux. Selon l’art. 295
du code des personnes et de la famille, « chacun des époux a le droit d’exercer une
profession sans le consentement de l’autre ».

C - L’OBJET ET LA CAUSE

66. L’objet du contrat est essentiellement « la fourniture de services


moyennant rémunération »3. Cet objet ne doit pas être contraire à l’ordre public. Serait
contraire à l’ordre public le fait d’engager un travailleur pour des travaux interdits tels
que des travaux de peinture à base de céruse ou le fait d’employer une femme à des
travaux souterrains ou encore le fait de conclure un contrat ayant pour objet un cumul
entre un emploi public et un emploi privé, etc.4. Par ailleurs seraient susceptibles
d’annulation les contrats conclus au mépris des interdictions éventuelles qui seraient
édictées en vertu de l’article 41 C. trav. Cet article dispose que « le ministre du
travail, à titre exceptionnel et pour des raisons d’ordre économique ou social
notamment dans l’intérêt de la santé ou de l’hygiène publique, a la faculté d’interdire
certaines embauches dans des zones données, par voie réglementaire, après avis de la
commission consultative ». De même certains textes limitent la liberté des agents de
1 V. les textes d’application de cet article125 du code de 1962 : Arrêté n°539 du 29 juillet 1954, Recueil annoté,
annexe 62; arrêté n° 545 du 2 août 1954 Recueil annoté, annexe 61.
2 V. Code social, respectivement à la page 292 et à la page 306 : et Recueil annoté, annexes 59 et 60.
3 BRUN et GALLAND, op. cit. p.318.
4 Voir Trib. trav. Nouméa, 1er oct. 1959, TPOM n° 50 du 16 mai 1960, p.1098 (Contrat de travail illicite pour

cause de cumul avec un emploi privé).

67
l’Etat de se faire employer dans le secteur privé après la cessation de leurs fonctions
ou après une mise en disponibilité1.

67. La cause du contrat est entendue au sens de mobile déterminant2. La cause


ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. A été par exemple
jugé contraire à l’ordre public un contrat de travail conclu entre un directeur d’agence
et une entreprise travaillant pour l’armée allemande pendant la guerre3. Serait par
exemple contraire aux bonnes mœurs l’embauchage d’une concubine. Un tel contrat
peut d’ailleurs être considéré comme un contrat fictif destiné à servir une
rémunération si cette rémunération ne correspond pas à un emploi réellement exercé.

§ 2 - Conditions de forme
67. Les conditions de forme du contrat sont relatives à la question de l’écrit et
aux autres formalités légales, notamment les déclarations qui peuvent être imposées.
La question de l’écrit rejaillit sur celle de la preuve de l’existence du contrat et de ses
stipulations.

A - L’ECRIT ET LA DECLARATION

Il n’est pas exigé de forme particulière pour la conclusion du contrat de travail.


Celui-ci peut être écrit ou verbal car l’art. 38 al. 1 dispose que « les contrats de travail
sont passés librement ». Le contrat de travail obéit au principe du consensualisme,
c’est-à-dire que le contrat est parfait dès l’accord de volonté des parties, même si cet
accord est verbal4.

Des exceptions importantes sont apportées au principe de la libre conclusion


du contrat de travail. Ces exceptions sont notamment prévues par les articles 63 à 65
du code de 2004 (ex- article 14 du code de 1992). Mais, selon l’article 44 C. trav. de
2004, « les formes et modalités d’établissement du contrat de travail et de
l’engagement à l’essai sont fixés par voie réglementaire, après avis de la commission
consultative du travail ». Cet article invite, d’une manière générale, à réglementer les
formes du contrat de travail. L’Art. 63 introduit, pour la première fois de manière
expresse, une limitation en ce qui concerne les contrats à durée déterminée : « le

1 V. l’ord. 70-73 du 31 déc. 1970 abrogeant l’art. 89 du décret n°199 du 19 nov. 1959 et définissant les conditions
dans lesquelles les agents de l’État peuvent, après leur cessation de fonction être employés dans le secteur privé
(Rec. Annoté, annexe 9); le décret. n°70.332 PRES/TFP du 31 déc. 1970, précisant les interdictions édictées à
l’encontre des fonctionnaires en disponibilité pour occuper un emploi dans le secteur privé (Rec. annoté, annexe
10). V. également, C. A. Ouagadougou, arrêt n° 13 du 10 janvier 1995, IATT c/ Ouattara B. Héma (ancien
fonctionnaire des douanes, lettre du ministre des finances relative aux articles 168, 169 et 171 du statut de la
fonction publique, licenciement abusif).
2 BRUN et GALLAND, ibid. : Selon G.H.Camerlynck, le principe civiliste selon lequel le mobile, à la différence

de la cause est sans influence sur la validité du contrat. Contra : social, 9 janv. 1974, D. 74, IR, 39.
3 Paris, 12 mai 1949, D. 49, J. 340.
4 V. C.A. Ouagadougou, ch. soc., arrêt n° 73 du 07 septembre 1990, in Zombré et Sy, Recueil, p. 3.

68
contrat à durée déterminée doit être constaté par écrit. A défaut, il est réputé conclu
pour une durée indéterminée ».

68. Les articles 64 alinéa1er, 65 et 72 du code de 2004 énoncent trois cas pour
lesquels le contrat de travail, au-delà de l’écrit sous seing privé, est soumis aux formes
plus solennelles de l’enregistrement et du visa. Il s’agit :
- suivant l’article 64, du contrat à durée déterminée stipulant une durée
supérieure à trois (3) mois ;
- suivant l’article 72, du contrat à durée indéterminée nécessitant
l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle1. Cette notion est
précisée par l’article 2 de l’arrêté n° 94-8 du 3 juin 1994 : « est présumé
nécessitant l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle, tout
contrat d’une durée indéterminée ou d’une durée déterminée de plus de 3
mois concernant un travailleur dont la résidence habituelle est distante de
plus de 50 km du lieu d’emploi à condition que le déplacement au lieu
d’emploi ait été provoqué par l’employeur. La prescription de l’article 72
C. trav. ne s’applique donc pas si le travailleur est engagé sur place ; et,
- du contrat concernant un travailleur étranger2 selon l’énoncé moins
explicite sur la forme écrite de l’article 65.

Pour ces trois cas, non seulement le contrat doit être écrit mais aussi les
formalités suivantes sont nécessaires :
- Le contrat doit être visé par le Ministre du travail ;
- il doit être enregistré par l’ANPE (anciennement ONPE);
- le travailleur devra avoir auparavant effectué une visite médicale.

Ces formalités ont pour but de protéger le travailleur et de protéger le marché


du travail ou, du moins, de contrôler la main-d’œuvre étrangère en ce qui concerne le
visa du contrat du travailleur étranger.

Il revient à l’employeur de solliciter le visa du Ministre du travail dans les 15


jours de la conclusion du contrat. Le visa est une formalité substantielle : la non
sollicitation ou le refus de visa entraîne la nullité du contrat3. Si les formalités de
l’écrit et du visa n’ont pas été respectées dans le contrat nécessitant l’installation du
travailleur hors de sa résidence habituelle, cette résidence pourra être fixée par le juge

1 V. l’arrêté n° 94-8/ETSS/SG/DT du 3 juin 1994 fixant les formes et les modalités d’établissement du contrat de
travail et l’engagement à l’essai J.O. n°43 du 21 juillet 1994, p.1325; Code social, p. 167.
2 Cf. arrêté n°98 TFP du 25 février 1967 fixant les conditions d’embauche des entreprises, les modalités de

déclaration de mouvement de travailleur (J.O. n° 10 du 23 févr. 1967 p.130 Rec. annoté, annexe 86; Code social, p.
114), Selon l’art. 4 de cet arrêté, il n’y aura pas de délivrance de carte de demandeur d’emploi dans les professions
où on a recensé un nombre important de chômeurs. Selon l’art. 5, l’établissement de la carte de travail pour les
étrangers sera subordonné à l’autorisation préalable du directeur du travail et de la main-d’œuvre.
3 V. Cour d’appel de Ouagadougou, 2 mai 1980, RVD n°2 juin 1982, p.128, note Karim Ouattara ; Cour d’appel de

Bobo-Dioulasso, 3 nov. 1986, S. c/ C.G., RBD n°14, 1988, p. 458, note P. Kiemdé; TPOM n°733 du 16 mars 1990
p.111, même note P. Kiemdé; C.S. BF., arrêt n° 9 du 7/3/2000, Fofana S. c/ CPSF; C.A. Ouagadougou, 4 mars
2003, RBD n° 43-44, p. 166, note P. Kiemdé.

69
au lieu choisi par le travailleur1. En réalité, sauf en ce qui concerne le contrat de
travail du travailleur étranger, l’exigence de l’écrit et même des autres formalités de
visa et d’enregistrement ne constituent pas des conditions de validité du contrat lui-
même, mais de certaines stipulations contenues dans le contrat. L’absence d’écrit et,
par conséquent, d’accomplissement des autres formalités, n’entraîne pas la nullité du
contrat lui-même.

Ainsi, l’une des grandes utilités de ces formalités concerne la preuve du contrat
et des stipulations prévues par les parties.

B – LA PREUVE DU CONTRAT

69. Le contrat de travail pouvant être verbal, le problème peut se poser de faire
la preuve de son existence et de celles des conditions arrêtées par les parties. La
preuve de l’existence du contrat de travail sera appréciée à partir principalement du
critère de subordination juridique ci-dessus évoqué. En effet, il s’agit généralement de
savoir si les rapports entre les parties peuvent être qualifiés de rapports de travail
salarié ou devraient recevoir une autre qualification. En l’absence d’écrit et même en
présence d’un écrit, cette recherche de la qualification exacte peut être effectuée par le
juge. Celui-ci n’est pas lié par la qualification donnée au contrat.

En droit français, la preuve du contrat de travail2 est soumise aux règles du


droit commun, notamment à celles de l’art. 1341 C. civ. Cet article rend nécessaire
l’écrit au delà d’une certaine somme. Au delà de cette somme, la preuve ne peut être
administrée que par l’écrit, l’aveu ou le serment. La preuve par témoin est exclue. Ce
système étant défavorable au travailleur, qui a le plus souvent à faire la preuve du
contrat, la jurisprudence française a dû introduire des tempéraments par divers moyens
:
- le recours au système de preuve des actes mixtes. Si l’employeur est
commerçant, le contrat de travail sera considéré comme un contrat
commercial du côté de l’employeur et un contrat civil du côté du salarié.
Le travailleur pourra se prévaloir de la liberté de preuve du droit
commercial et par conséquent utiliser le témoignage et la présomption ;
- l’utilisation du bulletin de paie éventuellement délivrée par l’employeur au
travailleur comme commencement de preuve par écrit. Lorsque
l’employeur n’est pas commerçant le juge va considérer la délivrance du
bulletin de paie comme un aveu ;
- le recours à la preuve par présomption de l’art. 1348 C. civ. Le juge
invoquera l’impossibilité morale pour le travailleur d’exiger un écrit. Les
usages professionnels sont assimilés à une impossibilité morale. Par
exemple il n’est pas (ou il n’était pas) d’usage que le salarié domestique
réclame un contrat écrit ou que l’employeur exige du domestique un reçu
1 C. A. d’Abidjan, 8 mai 1970, RID, 1971, n°3 p.66.
2 V. art. L. 121-1 C. trav. fr.

70
lors du paiement du salaire. Dans ces situations, le juge se donne le droit
d’établir l’existence du contrat par enquête ;
- parfois, la jurisprudence écarte la limitation des règles de preuve en
déduisant l’existence du lien contractuel des éléments de fait1.

70. Sur cette question, les pays d’Afrique francophone ont hérité d’une
législation plus avancée que celle du colonisateur. Le code de 1952, en son article 30,
prévoyait déjà la « preuve par tous les moyens ». Cette disposition est reprise à
l’article 38 C. trav. nouveau qui, en son alinéa 3, dispose : « l’existence du contrat est
constatée, sous réserve des articles 63, 64 et 71 ci-dessous, dans les formes qu’ils
convient aux parties d’adopter. La preuve peut être apportée par tous moyens ». La
preuve testimoniale est par conséquent admise2. Mais cette liberté de preuve
s’applique sous réserve des dispositions des articles 63, 64 et 71, c’est-à-dire des cas
pour lesquels l’écrit est obligatoire. Dans ces cas, la preuve doit être administrée par
écrit.

Par ailleurs, la convention collective interprofessionnelle de juillet 1974 en son


article 11 §3 dispose, s’agissant de la formation du contrat, que « l’engagement doit
toujours donner lieu à l’établissement d’une lettre d’engagement ou tout autre
document en tenant lieu... ». Cette lettre d’engagement doit contenir les informations
sur les conditions d’emploi (date, classification professionnelle, salaire convenu,
éventuellement conditions et durée de la période d’essai). En rendant obligatoire
l’écrit, la convention collective limite, tout au moins pour l’employeur, les moyens de
preuve.

En dehors des cas visés par les articles 63, 64 et 71, et de la généralisation de
l’écrit par la convention collective interprofessionnelle de 1974, il existe des contrats
de travail de type particulier ou des contrats assimilés, pour lesquels la formalité de
l’écrit est indispensable. Il s’agit du contrat à l’essai, du stage probatoire et du contrat
d’apprentissage.

SECTION II - LES CONTRATS PARTICULIERS OU


PRÉVOYANT DES CLAUSES
PARTICULIÈRES
71. L’essai et le stage probatoire sont surtout des clauses particulières prévues
dans le contrat de travail. La durée du contrat est également une de ces clauses
particulières qui font l’objet de nombreux contentieux entre les parties, ainsi que de

1 V. BRUN et GALLAND, op. cit. p.462 et s. ; J.M VERDIER, op. cit. p.83. N.B. : la loi belge du 10 mars 1900
admet la preuve testimoniale et par présomption.
2 C. A. Abidjan, 10 avril 1970 RID n°3, 1971 p.63 à 64; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 57 du 25 mars 1995, in

Zombré L. et SY A., Recueil, p. 14; C .A. Ouagadougou, arrêt n° 137 du 6 décembre 1994, in Zombré L. et SY A.,
Recueil, p. 12.

71
controverses politiques ou doctrinales. Leurs importances sont soulignées par le fait
que le code du travail leur consacre des chapitres.

§ 1 - Le contrat à l’essai
72. Le code du travail consacre les articles 51 à 55 au contrat à l’essai, dont il
convient d’en donner une définition avant d’aborder son régime juridique.

A - DEFINITION

Selon l’article 51 alinéa 1er, « il y a engagement à l’essai lorsque l’employeur


et le travailleur, en vue de conclure un contrat définitif écrit ou verbal, décident au
préalable d’apprécier notamment, le premier la qualité des services du travailleur, son
rendement, le second les conditions de travail, de vie, de rémunération, d’hygiène et
de sécurité, ainsi que le climat social ». Cette définition laisse entendre qu’il s’agit
d’un contrat distinct, conclu pour la période d’essai. L’alinéa 3 de cet article confirme
cette forme de contrat distinct en précisant « qu’il peut être inclus dans un contrat
définitif ». En réalité, il s’agit souvent d’une clause insérée dans le contrat de travail.
Cette clause s’analyse en une condition suspensive : le contrat ne devient définitif que
si les deux parties sont satisfaites1.

La période d’essai doit être distinguée de l’essai professionnel ou test


professionnel. Celui-ci est une épreuve ou examen que le travailleur subi. On estime
qu’il n’y a pas de lien de subordination pendant son exécution. L’employeur peut
d’ailleurs faire subir le test à plusieurs personnes avant de choisir avec qui contracter.
Ce test, qui peut avoir un caractère très technique ou au contraire très général, n’est
généralement pas suffisant pour garantir que les parties seront satisfaites des
conditions de travail.

B – LE REGIME JURIDIQUE DE L’ENGAGEMENT A L’ESSAI

73. Au Burkina Faso, l’engagement à l’essai doit être constaté par écrit 2. En
l’absence d’écrit, le contrat est réputé définitif3 et l’article 52 précise qu’il est réputé
être un contrat de travail à durée indéterminée. Cette précision, qui se justifie dans
l’optique d’un contrat à l’essai distinct du contrat définitif, occulte la situation où
l’existence d’une clause d’essai est invoquée dans le cadre d’un contrat à durée

1 V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. n° 943


2 Art. 51 al. 2 C. trav. et art. 12 CCP de 1974.
3 Trib. Trav. Ouagadougou 23 juin 1965, TPOM n°176, p.3896 (La preuve de l’essai doit être faite par écrit). C.S.

du Gabon, 14 nov. 1980 TPOM n° du 2 sept. 1981 p.279 (absence de contrat formel, mais lettre d’engagement);
Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 26 octobre 1981, RBD n° 7, janvier 1985, p. 86 (nécessité d’un écrit); C.A.
Ouagadougou, 15 juillet 2003, RBD n° 43-44, p. 181, note p. Kiemdé (contrat à durée déterminée avec clause
d’essai); C.A. Ouagadougou, arrêt n° 53 du 17 avril 1992, Sawadogo Ousmane c/ Entreprise TORNO; C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 41 du 3avril 1992, Somé Florent c/ Laboratoire Roussel Lomé (rupture prévue en cours de
formation et d’essai).

72
déterminée d’une durée assez longue (deux ou trois ans par exemple). Si le contrat, à
durée indéterminée ou déterminée, est accompagné d’une clause verbale d’essai, cette
clause, non formulée par écrit est nulle et le contrat est définitif en conservant sa
nature de contrat à durée déterminée ou indéterminée.

La durée de l’essai, selon l’article 52, ne peut être supérieure au délai


nécessaire pour mettre à l’épreuve le personnel engagé compte tenu de la technique et
des usages de la profession. L’article 32 du code de 1992 avait repris, en ce qui
concerne la durée de l’essai, les dispositions de la convention collective
interprofessionnelle de 1974 en précisant que cette durée ne peut excéder,
renouvellement compris, une période de six (6) mois. L’article 12 CCIP de 1974
donnait la réglementation suivante de la durée de cette période, par catégories
professionnelles : 8 jours pour les personnels journaliers ; un (1) mois pour les
personnels payés au mois ; trois (3) mois pour les agents de maîtrise, techniciens ; six
(6) mois pour les cadres. L’article 52, en son alinéa 2, simplifie les catégorisations et
raccourcit du même coup la durée maximale. Selon cet article, la durée de l’essai est
fixée à :
- huit jours pour les travailleurs dont le salaire est fixé à l’heure ou à la
journée ;
- un mois pour les employés autres que les agents de maîtrise et les cadres ;
- trois mois pour les agents de maîtrise et les cadres.

Dans tous les cas, selon le dernier alinéa de cet article 52, l’engagement à
l’essai ne peut être renouvelé qu’une seule fois pour la même durée. Cette disposition
est plus précise que le fait de dire que la durée de l’essai ne peut excéder six mois.

74. Pendant la période de l’essai, chaque partie peut rompre le contrat si elle
s’estime insatisfaite, sans être astreinte à une indemnité1. Mais la rupture peut être
fautive, considérée par conséquent comme abusive, et donner donc lieu à des
dommages et intérêts. Il peut en être ainsi si elle n’est pas motivée par des griefs à
caractère professionnel (aptitude du travailleur, son comportement etc.) ; ou si elle
révèle une intention de nuire ou une légèreté blâmable2. Seraient par exemple
considérées comme des ruptures abusives les ruptures motivées par : l’annonce de
mariage de la salariée ; le rappel du travailleur sous les drapeaux, un problème
budgétaire. De même, c’est faire preuve de légèreté blâmable que de prolonger l’essai
pour mieux préparer le remplacement du salarié dont on n’est pas satisfait. Tous ces
actes peuvent être qualifiés de rupture abusive.

1 V., C. S. H.V. 14 nov. 1969 et 22 janv. 1971, tous deux société Marchand et Botella contre Jean Biolley, Bulletin
de la C. Sup. n°4 (sans date) et Bulletin du 2e semestre 1977, RBD n° 4, juin 1983, p. 201. V. aussi : C. A. Abidjan
: 28 fév. 1969, RID 1970 n° 1 p. 51 ; Lefebvre, n°2498 rupture sans formalités et délais de préavis ni indemnité et
sans obligation de justifier la décision de rompre.
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 45 du 25 août 1992, in Zombré L. et Sy A., Recueil, p. 206 (rupture en

période d’essai dénotant une légèreté blâmable dans la mesure où l’employeur avait déjà eu un premier contrat à
l’essai non concluant en raison du tempérament de la salariée)

73
A la fin de la période d’essai (ou de la période de prolongation), le contrat
devient définitif si aucune des parties n’exerce sa faculté de résiliation. Mais il arrive
que le contrat prévoit une période de préavis, auquel cas les parties devront respecter
le préavis.

Aux termes de l’art. 13 CCIP de 1974, si l’employeur, au lieu de rompre, veut


engager le travailleur à des conditions autres que celles stipulées pour la période
d’essai, il doit le spécifier au travailleur par un écrit signé de ce dernier et recueillir
l’avis préalable de l’inspecteur du travail.

§ 2 - Le stage probatoire
75. La formule du stage probatoire est peu utilisée sauf dans la Fonction
Publique. C’est une sorte d’essai d’une durée plus longue. Suivant l’article 14 CCIP
de juillet 1974 « l’engagement définitif pour des emplois exigeant une très haute
qualification ou comportant des responsabilités particulières pourra être soumis à un
stage probatoire d’un an si le travailleur n’a jamais occupé lesdits emplois ».

Comme en matière d’essai, pendant la période de stage probatoire, le contrat


peut être rompu sans encourir de sanction sous forme de dommages et intérêts si la
rupture est motivée par l’insuffisance professionnelle ou la faute lourde, selon l’alinéa
2 de l’art. 14 CCIP. Mais ici la convention collective oblige les parties à l’observation
d’un délai de préavis d’un mois. Le préavis est alors obligatoire. A la fin du stage, le
travailleur est confirmé dans son emploi ou licencié. Cette solution retenue par la
convention collective est normale dans le cas où le travailleur a été directement
recruté pour le poste. Mais il arrive quelques fois que de tels postes comportant des
responsabilités particulières soient offerts à un recrutement interne ou par sélection
ouverte aux salariés en poste et à des candidats extérieurs à l’entreprise. Si un salarié
en poste y postule et est retenu, il semble plus judicieux de lui offrir la réintégration
dans son ancien emploi plutôt que le licenciement. On peut toutefois reconnaître que
la situation devient complexe si le salarié promu a déjà été remplacé à son poste.

§ 3 – La durée du contrat
76. Le contrat à l’essai et le stage probatoire posent un problème de durée,
mais l’objet de ces contrats est de permettre aux parties d’apprécier les conditions
d’exécution du contrat avant que celui-ci ne les lie pour longtemps. La question de la
durée du contrat pose le problème du choix entre le contrat à durée déterminée et le
contrat à durée indéterminée. Ce choix fait généralement l’objet d’une clause
particulière dans le contrat non encore définitif. Ce choix est en principe libre mais
cette liberté n’est pas totale. Celle-ci est encadrée par de multiples conditions de forme
et de fond qui visent à guider les parties vers le contrat à durée indéterminée. A La
question de la durée du contrat peuvent aussi se rattacher les nouvelles dispositions
des articles 56 et 57 C. trav., relatives au contrat à temps partiel.

74
A – LE CONTRAT A DUREE INDETERMINEEE

77. Selon l’article 70 C. trav. « le contrat à duré indéterminée est le contrat


conclu pour un temps indéterminée ». Cette définition tautologique doit être
complétée par les termes de l’article 40 C. trav. « le travailleur ne peut engager ses
services qu’à temps ou pour une durée limitée à l’exécution d’un ouvrage ou d’une
entreprise déterminée ». Le rapprochement de ces deux dispositions permet de dire
que le contrat à durée indéterminée ne peut être un contra conclu à vie ou jusqu’à la
retraite. Le contrat à durée indéterminée est celui qui est conclu sans détermination
d’un terme auquel il prendra fin.

Ce qui caractérise ce type de contrat, c’est que sa rupture n’est pas liée à un
terme déterminé par les parties. Et dans la mesure où nul ne peut se lier à vie, ce
contrat peut être rompu selon le principe de la libre volonté des parties. Chacune des
parties peut prendre l’initiative de se désengager. La deuxième caractéristique est la
simplicité des formes de conclusion : la forme écrite n’est pas nécessaire pour sa
validité et il n’est pas soumis à la formalité du visa de l’inspection du travail. Les
formalités de déclaration et d’enregistrement, valables pour tout contrat de travail,
répondent à des impératifs autres que de validité : immatriculation à la sécurité
sociale, statistiques sur la main-d’œuvre, etc.

Le contrat à durée indéterminée apparaît comme la forme de droit commun du


contrat de travail, en raison de sa simplicité réelle de formation et, surtout, en raison
de son association mythique à l’idée de « stabilité de l’emploi ». Avec des hésitations,
le législateur, poussé par la jurisprudence et les travailleurs, impose cette forme par de
multiples interdictions de conclure un contrat à durée déterminée et surtout par les
conditions draconiennes de forme et de fond de la rupture, imposées à l’employeur.
Contrairement au principe affirmé de liberté de rupture, la rupture de ce contrat doit
obéir à la condition d’existence de « causes réelles et sérieuses » selon la formule de
l’article L. 122-14 du code du travail français.

B – LE CONTRAT A DUREE DETERMINEE

Le code de 2004 apporte d’importantes modifications au contrat à durée


déterminée, même dans la forme définitionnelle.

1) définition

78. Aux termes de l’article 58 C.trav., « le contrat à durée déterminée est un


contrat dont le terme est précisé à l’avance suivant la volonté des deux parties ».
L’article 59 C. trav. ajoute que sont assimilés au contrat à durée déterminée :
- « le contrat de travail passé pour l’exécution d’un ouvrage déterminé ou
pour la réalisation d’une entreprise dont la durée ne peut être préalablement
évaluée avec précision ;

75
- le contrat de travail dont le terme est subordonné à la survenance d’un
événement futur et certain dont la date n’est pas exactement connue ».

Cette formulation modifie avec raison l’article 13 al. 1er du code de 1992 qui donnait
une définition qui ne faisait pas ressortir clairement les trois hypothèses : du contrat
dont le terme est fixé avec précision ; du contrat lié à l’exécution d’un ouvrage
(chantier, marché…) ou d’une entreprise déterminée (voyage maritime ou terrestre par
exemple) ; et du contrat dont le terme est lié à un événement futur et certain. Selon cet
article 13 ancien, « le travailleur ne peut engager ses services que dans les cas
suivants : à temps ou pour un ouvrage déterminé : c’est le contrat à durée déterminée,
dont le terme est fixé à l’avance par la volonté des deux parties ou par la survenance
d’un événement futur et certain dont la réalisation ne dépend pas exclusivement de la
volonté de l’une des parties, mais qui est indiqué avec précision ». Cette rédaction,
semblait assimiler les deux dernières hypothèses du contrat conclu pour l’exécution
d’un ouvrage et de celui dont le terme est lié à la survenance d’un événement futur et
certain. Certes la réalisation d’un ouvrage est la survenance d’un événement futur et
certain, mais le terme du contrat peut être lié à un événement autre que la réalisation
d’un ouvrage (embauche pour surcroît temporaire de travail, remplacement temporaire
d’un travailleur...).

Le contrat à durée déterminée n’a pas la faveur du législateur et des


organisations de travailleurs. Aussi est-il fortement encadré par une réglementation
visant à lui donner le caractère d’un contrat auquel on ne peut recourir qu’à titre
exceptionnel.

2) le caractère de contrat d’exception

79. Après que le code de 1992 ait timidement tenté de réhabiliter le contrat à
durée déterminé1 , le code de 2004 affirme fortement un ostracisme à l’égard de ce
type de contrat par diverses interdictions et à travers le formalisme imposé lors de sa
conclusion. Ce formalisme a été évoqué ci-dessus relativement à l’article 63, qui
prescrit la forme écrite sous peine de voir le contrat requalifié de contrat à durée
indéterminée, et à l’article 64 qui prévoit diverses formalités de visa et
d’enregistrement.

En ce qui concerne les interdictions, d’abord, l’article 66 al. 1er dispose, d’une
manière générale, que « le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni
pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de
l’entreprise ». L’alinéa 2 précise qu’il ne peut être conclu pour remplacer un

1V. l’article 14 al. 9 du code de 1992 qui disposait que « le contrat à durée déterminée des nationaux qui ne prévoit
pas de clauses de tacite reconduction peut se transformer en contrat de travail à durée indéterminée si les relations
se poursuivent au-delà du premier terme, sauf accord entre les parties », Cette disposition avait été perçue comme
ouvrant la porte à plusieurs renouvellement des CDD. La circulaire du ministère du travail n° 93-3 ETSS/SG/DT
du 5 mai 1993 (in Code social, P. 14, note sous l’article 14) donnait une interprétation allant dans ce sens.

76
travailleur dont le contrat est suspendu par suite d’un conflit collectif ou pour
effectuer des travaux particulièrement dangereux qui doivent faire l’objet d’une
surveillance médicale spéciale. Cet alinéa n’est pas en soi nouveau et découle de
d’autres dispositions visant soit à protéger le droit de grève1 soit à protéger la santé du
travailleur2. Le premier alinéa par contre vise à obliger les employeurs à recourir au
contrat à durée indéterminée tant que l’emploi lui même n’est pas précaire. C’est la
première fois que cette interdiction directe et générale s’ajoute aux mesures
dissuasives. La sanction de cette disposition sera la requalification du contrat parce
qu’ayant pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi durable. Il est à prévoir de
nombreux litiges autour de cette notion d’emploi durable ne pouvant être pourvu par
un contrat précaire.

Ensuite, pour renforcer les exigences de l’article 66, l’article 69 interdit de


recourir à un contrat à durée déterminée dans les six mois qui suivent un licenciement
pour motif économique en ce qui concerne les postes supprimés à la suite de ce
licenciement. L’objectif, ici, est d’empêcher l’usage de faux motifs économiques pour
tourner la loi en licenciant des travailleurs sous contrat à durée indéterminée pour les
remplacer par des travailleurs sous contrat à durée déterminée.

En outre, s’agissant du terme maximal du contrat, selon l’article 62 C. trav., la


durée de ce contrat ne peut excéder deux ans pour les nationaux et trois ans pour les
travailleurs étrangers (ex. art. 14 in fine)3. Cette clause traditionnelle se justifiait par le
souci d’éviter que le travailleur ne se lie pour une trop longue durée alors que ce
contrat ne peut être facilement rompu. Elle trouve une seconde justification dans
l’interdiction de pourvoir un emploi permanent par un contrat à durée déterminé : si
un contrat unique est de durée trop longue (sept ans par exemple) ce serait la preuve
que l’emploi est permanent.

80. Enfin, en ce qui concerne la durée totale des rapports contractuels, l’article
60 dispose que « le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu avec la
même entreprise plus de deux fois ni renouvelé plus d’une fois ». La poursuite des
rapports au-delà de deux contrats ou du renouvellement d’un contrat, précise l’alinéa
2, constitue de plein droit l’exécution d’un contrat à durée indéterminée. Cette
disposition nouvelle a peut-être l’avantage de s’aligner sur des codes qui l’avaient déjà
prévue4. Toutefois, elle est susceptible d’entraîner des difficultés d’application, malgré
les dérogations qui sont prévues. En effet, l’article 61 prévoit que les dispositions de

1 V. l’article 19 C. trav. qui impose d’arrêter les opérations de placement concernant les entreprises touchées par
une grève, ainsi que l’article 352, al. 1er, qui dispose que « la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute
lourde imputable au travailleur ».
2 V. l’article 41 qui donne pouvoir au ministre du travail d’interdire ou de limiter certains embauchages dans

certaines zones notamment pour raison de santé.


3 L’alinéa 2 de cet article 62 ajoute, faisant double emploi avec l’alinéa 2 de l’article 60, pensons-nous, que « le

contrat à durée déterminée qui est renouvelé plus d’une fois se transforme en un contrat à durée indéterminée ».
4 V. les articles L. 42 et suivants du code du travail sénégalais, les articles 20 et suivants du code du travail du Mali,

l’article 122-1 C. trav. fr.

77
l’article 60 (novation du contrat en cas de conclusion de plus de deux contrats ou de
renouvellement d’un contrat plus d’une fois) ne s’appliquent pas au travailleur engagé
:
- à l’heure ou à la journée ;
- en complément d’effectif pour exécuter des travaux nés d’un surcroît
d’activités de l’entreprise ;
- pour assurer le remplacement provisoire d’un autre travailleur en
suspension légale de contrat ;
- par les entreprises relevant d’un secteur d’activités dans lequel il est
d’usage de ne pas recourir au contrat à durée déterminée en raison des
caractéristiques de l’activité exercée, lorsque l’emploi de ces travailleurs
est par nature précaire. Le dernier alinéa de cet article précise qu’une liste
de ces secteurs d’activités est fixée par voie réglementaire, après avis de la
Commission consultative du travail.

Commentant une disposition similaire du code du travail sénégalais, M.Pierre-


Marie COLY constate que « aucune liste d’emplois à pourvoir de cette manière
n’étant prévue, parce que d’ailleurs quasiment difficile à dresser, des difficultés
d’application pourraient très vite surgir »1. En tout état de cause, soit cette liste, si elle
est prise, est très large et ruine l’article 60, soit elle est trop restrictive et, en ce cas,
l’article 60 serait susceptible d’entraîner des difficultés pour certaines entreprises ou
pour certains secteurs d’activités.

Le législateur burkinabè fait mention de deux types particuliers de contrats à


durée déterminée : le contrat journalier et le contrat saisonnier.

3) Le contrat journalier

81. par dérogation à la règle de novation du contrat à durée déterminée en


contrat à durée indéterminée en cas de renouvellement, le contrat journalier reste un
contrat à durée déterminée. Il serait absurde de considérer qu’employer quelqu’un
pendant trois jours par contrat journalier pour une récolte de riz transforme ce contrat
en contrat à durée indéterminée. Mais des abus sur cette qualification ne sont pas
exclus.

L’ancien article 13 du code de 1992 définissait le contrat journalier comme


« tout emploi pour lequel le travailleur engage ses services à l’heure ou à la journée
pour une occupation de courte durée n’excédant pas une journée et est payé chaque
jour durant la période du contrat »2 Cette définition visait probablement à condamner
les pratiques abusives des employeurs consistant à engager des travailleurs comme

1 V. L’article L. 42 dernier alinéa du code du travail sénégalais (loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant code du
travail, Les éditions des Écoles Nouvelles Africaines, Dakar, 1997) et la note introductive de P.-M. COLY, p. 9.
2 L’ancien code sénégalais contenait la même exigence du paiement chaque jour. V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du

travail sénégalais, op. cit., p. 442.

78
journaliers alors que ceux-ci sont payés par mois et peuvent faire plusieurs mois ou
même plusieurs années dans l’entreprise. Aussi, le contrat journalier devait répondre à
deux conditions : l’occupation devait être de courte durée ; et le travailleur devait être
payé chaque jour durant la période du contrat. Faute de remplir ces conditions, le
contrat se transformerait en un contrat à durée indéterminée ou à la limite, en un
contrat saisonnier. Cette contrainte du paiement du salaire chaque jour pour échapper
à la requalification est apparue excessive. L’article 61 point 1 n’y fait plus référence,
se contentant d’exclure de la novation « le travailleur engagé à l’heure ou à la journée
pour des occupations de courte durée n’excédant pas une journée ». Certes, l’article
185, alinéa 1, relativement à la périodicité du paiement, énonce : « toutefois, le
travailleur journalier engagé à l’heure ou à la journée pour une occupation de courte
durée, doit être payé chaque jour immédiatement après la fin de son travail ». Mais la
question que l’on peut se poser est de savoir si l’impasse, à l’article 61, sur la
périodicité du paiement n’est pas susceptible d’être interprétée comme une
dissociation de la qualification de journalier du contrat et de la périodicité du
paiement. Auquel cas, le risque est de faire revenir les pratiques antérieures. Aussi,
aurait-on pu faire référence à un paiement journalier, hebdomadaire ou à la limite par
quinzaine1 pour faire la différence avec les salariés payés au mois. Le risque, si l’on
allonge le délai de paiement, est de ne plus avoir de repère dans la qualification de
contrat journalier par rapport, par exemple, à un contrat à durée déterminée d’une
semaine ou même d’un mois dont le salaire de base est journalier. La loi, dans l’article
61, se passe des questions comptables2.

Au contrat journalier s’assimile ce que l’on appelle le travail occasionnel ou à


la tâche. Le travailleur est occasionnellement embauché pour une tâche précise de
courte durée qui peut ne pas être d’une journée. Le problème essentiel, dans ces
qualificatifs de journalier ou d’occasionnel est surtout de faire la différence entre le
travailleur qui fait partie du personnel de l’entreprise et celui qui n’en fait pas partie 3.
Le contrat journalier se situe dans le cadre de rapports épisodiques.

1 V. l’art. 14.7 du code du travail ivoirien (loi n° 95-15 du 12 janvier 1995) : « sont assimilés aux contrats à durée
déterminée à terme imprécis, les contrats des travailleurs journaliers engagés à l’heure ou à la journée pour une
occupation de courte durée et payés à la fin de la journée, de la semaine ou de la quinzaine ». Ce code aborde le
contrat à durée déterminée selon une autre logique qui se défend. Selon l’art. 14.5, « les contrats à terme précis
peuvent être renouvelés sans limitation. Toutefois, ces renouvellements ne peuvent avoir pour effet d’entraîner un
dépassement de la durée maximale de deux ans ». Par contre, pour ce qui concerne les contrats à terme imprécis
(contrats conclus pour le remplacement d’un travailleur temporairement absent, pour la durée d’une saison, pour un
surcroît occasionnel de travail ou pour une activité inhabituelle de l’entreprise), selon l’article 14.7, ces contrats
« peuvent être renouvelés librement sans limitation de nombre et sans perte de leur qualité ». L’article 53 du code
du travail du Niger contient les mêmes dispositions (V. République du Niger, Recueil des lois sociales, édit. 2005).
Ces dispositions ont au moins l’avantage de la simplicité et il n’est pas sûr qu’elles soient moins protectrices. Par
exemple, le contrat à terme précis n’est pratiquement pas renouvelable s’il est directement conclu pour deux
ans. L’on rejoint ici l’idée de recourir à un contrat à durée indéterminée si l’emploi est assez stable ou permanent.
2 L’art. D. 86-2 c. trav. malien retient une solution médiane qui est assez précise : « le personnel de maison

journalier est celui embauché pour une occupation de courte durée, à l’heure ou à la semaine et dont le salaire est
effectivement versé en fin de travail ou de journée… ».
3 La question est évoquée dans un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou qui, confirmant un jugement du

tribunal du travail de Ouagadougou, n° 28 du 27 avril 1993, estime que le travailleur était engagé à la tâche, que
l’entreprise faisait appel à lui chaque fois qu’elle avait besoin de ses services et, par conséquent, il n’est pas du

79
4) Le contrat saisonnier

82. La réglementation du contrat saisonnier est également l’œuvre du code de


1992, qui le considérait comme un contrat à durée déterminée. Selon l’ex- article 13
al. 4, le contrat saisonnier est celui « pour lequel le travailleur engage ses services
pour la durée d’une campagne agricole, commerciale, industrielle ou artisanale dont le
terme est indépendant de la volonté des parties ». C’est le type même de contrat à
durée déterminée dont le terme est lié à la survenance d’un événement futur et certain.
Mais le législateur burkinabè modifiait déjà considérablement son régime juridique
(et donc son mode de rupture) par des dispositions certes animées de bonnes
intentions, mais critiquables sur le plan juridique et dans leurs effets. Ainsi, cet article
13 ancien disposait que : le contrat saisonnier... est considéré comme un contrat à
durée indéterminée s’il est renouvelé au moins une fois ; l’employeur saisonnier
reprend en priorité et en fonction de ses besoins, les travailleurs disponibles à la
reprise des activités après la morte-saison. L’article 24 ajoutait que le contrat de
travail est suspendu... pendant la morte-saison pour les travailleurs saisonniers.

83. Le code de 2004 traite carrément le contrat saisonnier dans le chapitre


consacré au contrat à durée indéterminé. Selon l’alinéa 1 er de l’article 71, « tout
contrat saisonnier, pour lequel le travailleur engage ses services pour la durée d’une
campagne agricole, commerciale ou artisanale dont le terme est indépendant de la
volonté des parties, est considéré comme un contrat à durée indéterminée, s’il est
renouvelé au moins une fois ». C’est une façon indirecte de reconnaître que le contrat
saisonnier est, au départ, un contrat à durée déterminée. L’alinéa 2 de cet article 71,
qui dispose que « en tout état de cause, le contrat saisonnier qui se poursuit au-delà de
la saison se transforme en contrat de travail à durée indéterminée », est tout à fait
logique : c’est une application du principe de novation du contrat à durée déterminée
s’il se poursuit tacitement au-delà du terme initialement prévu.

Par contre, on ne peut en dire autant de l’alinéa 3 de cet article 71 qui, en


renfort à l’alinéa 1er, prévoit qu’ « à la reprise des activités, l’employeur saisonnier
reprend en priorité et en fonction de ses besoins, les travailleurs disponibles après la
morte saison » et de l’article 96 point 17 qui cite « la morte saison pour les travailleurs
saisonniers » parmi les situations où le contrat est considéré comme suspendu1. Sur le
plan juridique, la fin d’une saison est un évènement futur et certain dont la date ne
peut être connue avec certitude. Ce contrat s’offre moins à la fraude par rapport à
l’interdiction de recourir à un contrat à durée déterminée pour pourvoir un emploi

personnel de l’entreprise. V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 52 du 17 mai 1994, Zon Sidiki c/ SBTR. V. également
C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 58 du 17 mai 1999, Coulibaly M. c/ couple Werner (travailleur qualifié de journalier);
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 93 du 28 septembre 1993.
1 L’on doit comprendre, par rapprochement avec l’alinéa 1er de l’article 71, que c’est le contrat saisonnier déjà

renouvelé une fois qui est considéré comme suspendu pendant la morte saison.

80
permanent. C’est pourquoi la plupart des codes du travail le classent dans les contrats
non soumis à novation en cas de renouvellement1.

Sur le plan de la justification sociale, ces dispositions peuvent indéniablement


procurer un sentiment de sécurité de l’emploi aux travailleurs concernés. Mais il n’est
pas sûr qu’il soit avisé de chercher à résoudre des problèmes particuliers2 que
connaissent certaines industries agricoles ou agroalimentaires et qui touchent souvent
aux rapports entre ces entreprises et leur environnement social3, par des dispositions
aussi générales. Il eût été plus indiqué que cette question soit traitée par des
conventions collectives sectorielles plutôt que par la loi ou que celle-ci contienne une
disposition autorisant ou incitant les partenaires à négocier les avantages ci-dessus
évoqués. La loi ne met aucune condition, même de durée de la saison, à la novation du
contrat en cas de conclusion d’un second contrat après la morte saison.

84. En France, s’il est vrai que la jurisprudence a, dans de nombreuses


occasions, requalifié des contrats saisonniers en contrats à durée indéterminée, cette
jurisprudence est un peu plus nuancée : il s’agit généralement de cas de maintien de
rapports contractuels saisonniers pendant de nombreuses années4. Le législateur
français réglemente certes le contrat saisonnier, mais n’entend sûrement pas en faire
un contrat à durée déterminée : plusieurs de ses interventions (1982, 1985, 1986) ont
eu pour but direct ou indirect de limiter la jurisprudence de la cour de cassation. Selon
MM. Pélissier et autres, qui abordent la question sous l’angle de la distinction, dans
les contrats successifs5, entre contrats immédiatement successifs sur des postes
différents et contrats successifs espacés par une période d’inactivité, sont d’avis que le
contrat saisonnier demeure en principe un contrat à durée déterminée : « depuis la
réforme de 1982, ces contrats devraient être considérés comme des contrats à durée
déterminée et non plus comme un contrat à durée indéterminée avec des périodes de
suspension prolongées. La solution est imposée par un argument a fortiori ; puisque
des contrats saisonniers et des contrats de remplacement qui se succèdent
immédiatement sont, selon la loi, des contrats à durée déterminée (art. L. 122-3-10), à
plus forte raison des contrats saisonniers ou des contrats de remplacement séparés par

1 V. l’art. 14.6 C. trav. ivoirien, l’art. L. 20-2° du code malien, l’art. 53, al. 2, C. trav. nigérien et l’art. L. 42-2° du
code sénégalais. V. également l’art. L. 122-3-10 du code français.
2 Il est difficile de s’appuyer sur des statistiques pour mesurer l’ampleur des travailleurs qui pourront bénéficier de

ces dispositions. De grandes industries comme la Société sucrière, les sociétés de textile et de moyennes unités de
transformation agroalimentaire peuvent être concernées. Mais l’on doit aussi tenir compte du fait que les secteurs
visés sont aussi ceux dans lesquels l’on a le plus recours au contrat journalier ou à l’heure.
3 Il s’agit souvent, pour les habitants des localités proches de l’entreprise, de s’assurer un monopole ou une priorité

dans l’embauchage.
4 V. Soc.., 13 décembre 1978, Bull. civ. V, n° 854, p. 642 (salarié employé pendant 22 ans dans le même

restaurant); Soc. 6 juin 1991, RJS 7/91, n° 817 (chef de rang employé pendant toute la période d’activité de
l’établissement par contrat saisonnier). Mais le cas de contrat assez long renouvelé seulement une fois n’est pas
exclu de la novation : soc. 22 janv. 1991, RJS 3/91, n° 316.
5 A ne pas confondre avec le contrat à exécution successive dont relève également le contrat de travail.

81
des périodes d’inactivité, doivent être considérés comme des contrats à durée
déterminée »1.

La question du contrat saisonnier illustre aussi le franc revirement du


législateur burkinabè en faveur du contrat à durée indéterminée. Une autre innovation
du code de 2004 est l’introduction de dispositions sur le contrat à temps partiel. Par
contre, pas plus que celui de 1992, ce code ne réglemente pas en soi le contrat de
travail temporaire.

5) Le contrat de travail temporaire

85. Bien que le code du travail ne contienne pas de disposition expresse sur ce
contrat, il convient d’en dire un mot, parce que l’autorisation d’ouvrir des entreprises
privées de travail temporaire2 y renvoie nécessairement (cf. infra, Titre III, chapitre
III).

Le contrat de travail temporaire3 met en présence trois parties : l’entreprise de


travail temporaire, le travailleur et l’entreprise utilisatrice ou bénéficiaire des
prestations du travailleur. Il est conclu, entre l’entreprise de travail temporaire et
l’entreprise utilisatrice, un contrat de mise à disposition de travailleur et, il est conclu,
entre l’entreprise de travail temporaire et le travailleur, un contrat de travail
temporaire appelé contrat de mission. L’entreprise de travail temporaire est réputé être
l’employeur. Le contrat de mission est un contrat de travail à durée déterminée et, à ce
titre, il doit être passé par écrit, tout comme le contrat de mise à disposition.

Même s’il n’y a pas de disposition expresse, certaines règles du régime


juridique du contrat de mission peuvent se déduire de l’état de la législation :

D’abord, l’objet du contrat ou les cas dans lesquels on peut y recourir – qui
sont généralement limitativement énumérés – correspondent aux situations
dérogatoires énumérées par l’article 61 C. trav. : le remplacement temporaire d’un
travailleur en suspension légale de contrat (malade, en congé…) ; le surcroît
d’activités de l’entreprise ; les entreprises relevant d’un secteur d’activité dans lequel
il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison des
caractéristiques de l’activité exercée, lorsque l’emploi de ces travailleurs est par nature
précaire. Dans ce dernier cas, l’interdiction générale de renouveler plus d’une fois le
contrat à durée déterminé peut, à terme, faire le bonheur des agences de travail
temporaire, notamment dans le cadre des travaux saisonniers où les travailleurs ne
sont pas nécessairement engagés par un contrat pour toute la saison ;

1 J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du travail, op. cit. p. 385.V. également sur la question,
Frédéric-Jérôme PANSIER, Droit du travail, relations individuelles et collectives, 3 e édit., Litec, Paris, 2003, n°
428.
2 V. l’article 12 C. trav.
3 V. PELISSIER et autres, op. cit., pp. 403 et s.; F.-J. PANSIER, op. cit. pp. 87 et s.

82
En second lieu, il est logiquement interdit de recourir au contrat de travail
temporaire dans certaines situations : entreprise en situation de grève (art. 19 C ; trav.)
remplacement de travailleurs licenciés pour raison économique, emploi pour des
travaux dangereux faisant l’objet de réglementation spéciale1 ;

Enfin, s’agissant de la durée du contrat, la moindre des choses est de


considérer que le contrat de mise à disposition ne peut excéder la durée maximale de
deux ans du contrat à durée déterminée.

C – LE CONTRAT A TEMPS PARTIEL

86. Le code du travail consacre seulement deux dispositions2 au contrat à


temps partiel : les articles 56 et 57. Le premier définit le contrat à temps partiel
comme celui « dont la durée d’exécution est inférieure à la durée hebdomadaire
légale ». C’est donc, actuellement, le contrat dont la durée est inférieure à 40 heures
par semaine, sauf dans les exploitations agricoles où cette durée hebdomadaire peut
varier selon les saisons3. Contrairement à certains codes africains, il n’est pas prévu de
seuil minimum ou maximum4. L’alinéa 2 de cet article 56 précise que le travail à
temps partiel est rémunéré au prorata du temps de travail effectivement accompli. En
ce qui concerne les règles de conclusion de ce contrat, l’article 57 prévoit simplement
que le contrat à temps partiel peut être à durée déterminée ou à durée indéterminée et
« il est alors conclu, exécuté et résilié dans les mêmes conditions… » que le type de
contrat. Il n’est pas prévu de règles d’organisation du temps partiel : durée maximale
et minimale, heures complémentaires, répartition dans la journée, procédure
d’institution du temps partiel par l’employeur, proposition par le salarié de conversion
de son contrat en contrat à temps partiel, etc.5. Ces questions semblent implicitement
renvoyées aux conventions collectives notamment par l’article 121, 11°, C. trav.
relatif aux clauses facultatives pouvant être contenues dans les conventions
collectives, ce qui est en principe une solution qui permet une meilleure adaptation du
droit par rapport à l’évolution d’un phénomène, s’il y a du dynamisme dans les

1 Cf. art. 19, 66 et 69 C. trav.


2 Mais voyez également l’art. 121, 11° qui énumère les dispositions facultatives qui peuvent être contenues dans les
conventions collectives, dont « l’emploi à temps réduit de certaines catégories de personnel et leur condition de
rémunération ».
3 V. l’art. 135 alinéa 2 C. trav.
4 Les codes malien (art. L. 133) et sénégalais (art. l. 137) considèrent comme horaires à temps partiel « les horaires

inférieurs d’au moins un cinquième de la durée légale ou conventionnelle… ». Ces contrats, dans ces codes,
doivent être passés par écrit.
5 Sur ces questions et sur l’évolution de la place du travail à temps partiel dans les pays développés, v. J.

PELISSIER et autres, op. cit. pp. 386 et s.; M. DEL SOL, Travail à temps partiel : le renforcement de la logique du
temps choisi? Dr. soc. 2001, p. 728. F. FAVENNEC-HERY, Le temps vraiment choisi, Dr. soc. 2000, p. 295; Le
travail à temps partiel : changement de cap, Dr. soc. 1999, p. 1004; J. PELISSIER, Contrats de travail à temps
partiel, in « Droit de l’emploi », Dalloz 1999, n° 870; P. HOFMAN, Choisir et/ou partager le temps de travail-Une
illusion en forme de dogme, Dr. soc. 1983.458; A. LYON-CAEN, Le recours au travail à durée limitée, Dr. soc.
1983, p. 5; J. PELISSIER, Travail à durée limitée et droits des salariés, Dr. soc., 1983, p. 17.

83
négociations collectives. Bien qu’encore sommaire, ces dispositions comblent un vide
juridique.

SECTION III – LES CONTRATS ASSIMILES AU


CONTRAT DE TRAVAIL
87. Sont assimilés au contrat de travail le contrat d’apprentissage et, dans une
certaine mesure et de manière non explicite, le contrat de stage, bien que leur objet ne
soit pas la fourniture d’une prestation contre rémunération, mais l’acquisition d’une
formation.

§ 1 - Le contrat d’apprentissage
88. Le travailleur doit généralement avoir une qualification professionnelle
correspondant à l’emploi qu’il sera amené à occuper après la conclusion du contrat de
travail. Il acquiert cette qualification professionnelle par deux voies :
- par une formation dans un établissement d’enseignement général ou
technique (CAP, BEP, Baccalauréat général ou technique...) ;
- ou par une formation dans l’entreprise.

L’apprentissage est la voie d’acquisition de la qualification professionnelle


dans l’entreprise. A l’origine, c’était la principale voie d’entrée dans une branche
professionnelle. Aujourd’hui, cette voie sert plutôt à pallier l’insuffisance
d’établissements de formation technique. Elle tend à devenir subsidiaire, sauf dans
certaines branches (artisanat par ex.) et dans les pays en voie de développement en
général où elle demeure prépondérante.

L’apprentissage dans l’entreprise peut elle aussi se faire de deux (2) manières :
- l’apprentissage sur le tas ; et
- la formation organisée suivant la réglementation étatique.

C’est de ce dernier cas qu’il sera question. L’art. 27 C. trav. Prévoit que « le
ministre chargé du travail, après avis de la Commission consultative du travail,
détermine, par voie réglementaire, les catégories d’entreprises dans lesquelles est
imposé un pourcentage d’apprentis par rapport au nombre total des travailleurs »1.

Nous verrons successivement quelle définition est donnée de l’apprentissage,


les conditions de validité du contrat d’apprentissage, quelles sont les obligations des
parties une fois le contrat conclu et comment prend fin l’apprentissage.

1V. l’arrêté n° 958 FPT/ DGTLS du 7 octobre 1986 relatif au contrat d’apprentissage (J.O.RHV. du 21 octobre
1976, p. 776; Code social, p. 134; Recueil annoté, annexe 14). V. également les art. 123 à 125 du code des impôts,
qui prévoient des avantages fiscaux au profit des entreprises qui reçoivent des stagiaires.

84
A – DEFINITION DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE

89. Suivant l’art. 24, al. 1, du code de 2004, « le contrat d’apprentissage est
celui par lequel une personne appelée maître, s’oblige à donner ou à faire donner une
formation professionnelle méthodique et complète à une autre personne appelée
apprenti, et par lequel celui-ci s’oblige en retour à se conformer aux instructions qu’il
recevra et à exécuter les ouvrages qui lui seront confiés en vue de son
apprentissage »1.

La différence avec le contrat de travail2 se situe dans le fait que dans le contrat
de travail, la contrepartie de la prestation est le salaire, alors que dans le contrat
d’apprentissage, cette contrepartie est la formation reçue. Mais celle-ci n’exclut pas
une rémunération. Ainsi l’article 11 de l’arrêté n°958 du 7 oct. 1976 prévoit que
l’apprenti « est rémunéré dans la mesure de sa contribution à la production », ce qui
voudrait dire qu’il peut ne rien percevoir si son activité ne contribue pas à la
production. A titre de comparaison, le système français prévoit une rémunération
proportionnelle au SMIG : de 15 % du SMIG dès le 1er semestre à 45 % au 4e
semestre, pouvant atteindre 60 % du SMIG à la 3e année. L’apprentissage se fait en
entreprise pour la partie pratique et dans un établissement de formation agréé pour la
partie théorique, selon ce que l’on appelle l’apprentissage de type dual.

La rémunération, si elle est prévue, peut comprendre des éléments comme la


nourriture et le logement. On peut alors déduire de ce qui lui est versé les frais de
nourriture et de logement.

B – CONDITIONS DE VALIDITE DU CONTRAT


D’APPRENTISSAGE

90. Du point de vue de la forme, l’article 24, al. 2, C.trav. donne les conditions
suivantes :
- Le contrat doit être constaté par écrit à peine de nullité3 ;
- Il est rédigé en français et si possible dans la langue de l’apprenti 4 ;
- Il doit être visé par le Ministre du Travail et enregistré par l’ONPE
(aujourd’hui ANPE). Aux termes de l’article 4 de l’arrêté n° 958 du
octobre 1976, l’autorité vise le contrat après les vérifications prévues par le
code du travail5 (avis de l’inspecteur, vérification d’identité, du

1 V. aussi Art. L. 117-1 Code du travail français.


2 V. C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 64 du 02/11/1998, G.S. c/ Hôtel 421; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 73/90 du 7
septembre 1990, Wangré Lucien c/ Sawadogo Harouna.
3 En droit français le contrat d’apprentissage est remplacé par une déclaration d’apprentissage si le maître est un

ascendant de l’apprenti.
4 V., Abidjan 17 avril 1961 TPOM 1981 p. 1782 ; contrat : Dakar 16 janvier 1962 TPOM, 108 p.2385 (contrat

normal) ; V. également, M. KIRSCH op. cit. p.55.


5 L’article 14 du code du travail de 1992 énumérait expressément les vérifications qui doivent être faites. Ce n’est

pas le cas dans le code de 2004.

85
consentement de l’apprenti, de la conformité du contrat à la
réglementation, que l’apprenti est libre de tout engagement, lecture et
traduction éventuelle). De ce fait, l’obligation de faire viser le contrat
constitue une garantie pour l’apprenti.

Si le maître ne fait pas enregistrer le contrat, celui-ci sera considéré comme un


contrat de travail. Selon l’art. 7 de l’arrêté 958 de 1976, l’acte sous seing privé, pour
acquérir date certaine, doit être déposé au greffe du tribunal du lieu d’exécution du
contrat dans les 15 jours qui suivent sa passation.

En ce qui concerne le contenu, le contrat est établi en tenant compte des usages
et coutumes de la profession. Mais certaines mentions sont obligatoires1 :
- la date et la durée du contrat. Mais la durée du contrat ne peut être
supérieure à trois ans ;
- les conditions de rémunération, de nourriture, de logement ;
- l’indication des cours professionnels ;
- les identités et adresses des parties et des parents ou du tuteur de l’apprenti,
etc.

En ce qui concerne les conditions tenant aux parties, ce sont essentiellement


que :
- l’apprenti doit être âgé de 15 ans au moins, au lieu de 14 ans sous le code de
1992, depuis la ratification, en 1999, de la convention O.I.T. n° 138 de 1973.
- le maître doit être majeur2 et ne doit pas avoir subi de condamnation pénale
pour crime, délit contre les mœurs ou pour tout délit si la peine est de plus de trois
mois sans sursis3. Pour s’assurer de ces différentes conditions ci-dessus, l’article 2 de
l’arrêté n° 958 du 7 oct. 1976 impose des pièces à joindre au contrat en vue de
l’enregistrement (certificat médical pour l’apprenti, actes de naissances des parties,
casier judiciaire du maître…).

Par mesure de sauvegarde, le maître ne peut loger de jeune fille mineure s’il ne
vit pas en communauté ou en famille4.

C – LES OBLIGATIONS DES PARTIES

91. L’employeur a essentiellement pour obligations d’enseigner à l’apprenti


l’art, le métier ou la profession et de verser le salaire s’il y a lieu. Il doit traiter
l’apprenti en bon père de famille, lui accorder le temps nécessaire pour son instruction
si l’apprenti ne sait pas lire, écrire et compter. Si le contrat d’apprentissage prévoit que

1 V. art. 25 C. Trav.
2 Art. 28 C. trav.
3 Art. 30 C. trav.
4 Art. 29 C. trav.

86
l’apprenti s’engage à servir son employeur pendant un certain délai, ce délai ne peut
être supérieur à deux ans.

L’apprenti doit respecter le délai contractuel d’apprentissage. Il doit respect et


obéissance à son maître. Tout nouveau contrat conclu sans que les obligations du
précédent contrat aient été remplies complètement, ou sans qu’il ait été résolu
légalement, est nul de plein droit. Cette disposition s’adresse aussi à ceux qui
débauchent l’apprenti. Selon l’article 36 C.trav., « l’embauchage comme ouvriers ou
employés de jeunes gens liés par un contrat d’apprentissage, d’élèves ou de stagiaires
dans les centres de formation professionnelle est passible d’une indemnité au profit du
chef d’établissement abandonné ». Le débauchage peut même donner lieu à des
sanctions pénales prévues à l’article 387 C. trav. En outre, ce contrat de travail est nul
de plein droit.

Le contrat d’apprentissage est assimilé au contrat de travail et, à ce titre, les


litiges en découlant relèvent de la compétence de la juridiction du travail, de même
que l’apprenti bénéficie des garanties tenant au contrat de travail.

D – LA FIN DE L’APPRENTISSAGE

92. Le contrat d’apprentissage prend normalement fin à l’échéance du terme


prévu. Le maître devra alors délivrer à l’apprenti un certificat ou attestation constatant
la fin de l’apprentissage. En outre, l’article 35 al. 4 prévoit que l’apprenti passe un
examen et il lui est délivré un certificat d’aptitude professionnelle en cas de succès.
Cet examen est subi devant une commission de fin d’apprentissage organisée par
arrêté du ministre chargé du travail1. Cette commission est composée d’un
représentant du ministère chargé du travail, d’un représentant du ministère du
commerce, de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat, d’un représentant du
ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, de
deux représentants du centre régional de formation (structure de l’ANPE) où a lieu la
formation et de deux représentants des ateliers ou entreprises dont le responsable a la
formation.

Mais le contrat d’apprentissage peut prématurément prendre fin par :


- accord des parties ;
- résolution judiciaire, en cas de violation du contrat par l’une des parties ;
- résolution de plein droit en cas de décès d’une des parties, de veuvage du
maître si l’apprenti est une jeune fille mineure.

1 V. l’arrêté n° 2003-01/MTEJ/SG du 4 février 2003 portant création, attributions et fonctionnement de la


Commission d’examen dans le cadre des formations par apprentissage de type dual, ainsi que les arrêtés n° 2003-
02 et 2003- 03 fixant les règles et les modalités de l’organisation des examens finaux dans le cadre des formations
par apprentissage de type dual en mécanique auto et en menuiserie métallique (J.O.BF n° 13 du 27 mars 2003, p.
486). Deux autres arrêtés (arrêtés n° 27 et 28 du 27 octobre 2003) fixent les modalités d’évaluation en menuiserie
bois et en électricité bâtiment.

87
Il n’y a pas de possibilité de résiliation unilatérale. La résiliation unilatérale est
considérée comme une rupture abusive et ouvre droit à des dommages et intérêts1.

§ 2 – Le contrat de stage
93. Le contrat de stage peut être classé parmi les contrats assimilables au
contrat de travail, de par sa proximité avec le contrat d’apprentissage. Toutefois, le
législateur n’établit pas expressément cette assimilation.

A - DEFINITION

Selon l’article 21 C. trav., « le contrat de stage est une convention par laquelle
un maître de stage s’engage à donner ou à faire donner à une personne appelée
stagiaire une formation professionnelle pratique en vue de lui faire acquérir une
expérience et des aptitudes professionnelles pour faciliter son accès à un emploi et son
insertion dans le milieu professionnelle ».

Cette définition fait ressortir une certaine similitude avec le contrat


d’apprentissage : dans ce dernier cas, le maître s’engage à donner une formation
professionnelle « méthodique ». En réalité, cette formation se veut également pratique,
dans la mesure où l’apprentissage de type dual vise à donner une formation à la fois
théorique (dans un centre de formation) et pratique (en entreprise). Le stagiaire est
supposé posséder déjà les bases théoriques nécessaires à l’exercice de l’emploi. En ce
sens, le contrat de stage est un prolongement du contrat d’apprentissage, sans se
limiter aux apprentis sortant de la fin de formation.

B - L’OBJET DU CONTRAT DE STAGE

94. L’article 22 donne les objectifs généraux de l’institution du contrat de


stage, dont le but particulier est de faciliter l’insertion du stagiaire dans la vie
professionnelle :

Le contrat peut avoir pour objet « l’initiation à la vie professionnelle en vue de


permettre au stagiaire de découvrir la vie de l’entreprise, de développer ses aptitudes
au travail et d’acquérir une qualification professionnelle ». Les jeunes se désolent que
les offres d’emploi soient souvent conditionnées par une expérience professionnelle.
Aussi, les contrats de stage pourraient permettre de combler ce handicap du manque
d’expérience tout en contribuant à améliorer la qualité de la main-d’œuvre et, par
conséquent, les performances des entreprises ;

1 Cours d’appel d’Abidjan, 22 janvier 1965, TPOM n°206 p.4559 (Père condamné à des dommages et intérêts pour
rupture unilatérale sur recours de son fils).

88
Le second objectif du contrat de stage peut être « l’adaptation du stagiaire à un
emploi ou à un type d’emploi ». Cet objet ressemble au classique stage de
perfectionnement que l’on pratique souvent en envoyant les stagiaires à l’extérieur du
pays pour acquérir une qualification supplémentaire ou nouvelle ;

Enfin, le troisième objectif de ce contrat peut être « l’acquisition d’une


qualification reconnue ou en voie de reconnaissance sous la forme d’un titre ou d’un
diplôme de l’enseignement technique ou d’une école spécialisée ou encore d’une
qualification reconnue par une convention collective ou définie par un organisme
professionnel d’employeurs ». Ce volet s’adresse aux élèves et étudiants des centres
d’enseignement technique et professionnel publics et privés dont la formation
comporte l’exigence de stages en entreprise. Dans ce dernier cas, le formalisme du
contrat de stage peut sembler excessif et de nature à rebuter les entreprises qui
acceptent des stagiaires.

C - LES MODALITES DU CONTRAT DE STAGE

95. L’article 23 C. trav. dispose que le contrat de stage « est constaté par écrit
dans la langue officielle sous peine de nullité ». On peut se demander quelle sont les
conséquences de cette nullité : le contrat se mue-t-il en un contrat de travail à l’instar
du contrat d’apprentissage n’observant pas la forme écrite ? Ou s’agit-il de mettre
seulement fin aux rapports entre les parties ? Cette nullité ouvre-t-elle droit à des
dommages et intérêts au profit du stagiaire ? Cette sanction fait penser que
l’institution du contrat de stage peut avoir un quatrième objectif implicite : celui de
lutter contre les abus dans la qualification de stagiaire. A la faveur de la crise de
l’emploi, certains employeurs utilisent les services de personnes qualifiées de
stagiaires (ou de bénévoles, dans les administrations publiques), de manière prolongée
et sans rémunération fixe ou avec une rémunération nettement inférieure aux normes
légales et conventionnelles.

L’alinéa 2 de l’article 23 donne compétence au ministre chargé du travail pour


fixer par voie réglementaire, après avis de la commission consultative du travail, « les
autres conditions de fond et de forme, les effets du contrat de stage ainsi que les
obligations des parties ». S’agissant des conditions de fond et des effets du contrat de
stage, il nous semble qu’il revenait au législateur, et non pas au pouvoir réglementaire,
de les fixer et de répondre, par exemple, aux questions sur les effets de la nullité du
contrat ou sur les avantages pouvant inciter les entreprises à accepter des stagiaires.

89
90
CHAPITRE III - MODIFICATION, SUSPENSION ET NULLITE
DU CONTRAT DE TRAVAIL

96. Le contrat de travail, une fois conclu, ne reste pas immuable, bien que l’on
parle souvent d’immutabilité des contrats. Les dispositions initiales subissent des
modifications directes ou indirectes qui n’entraînent pas de litiges. Le contrat lui-
même peut subir des vicissitudes provenant de la volonté des parties ou de situations
diverses. Ainsi, peut-il être modifié, suspendu, ou même frappé de nullité.

SECTION I - MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL1


97. La modification du contrat peut résulter de la volonté des parties comme
elle peut être provoquée par un changement dans la situation de l’entreprise. Dans tous
les cas, des précautions se sont avérées nécessaires pour éviter des abus de la part des
partenaires les plus forts, les employeurs. Aussi, le législateur, pour protéger le
travailleur et notamment dans le but de lui garantir la stabilité de l’emploi, a
réglementé, selon les situations, les conditions de modification du contrat de travail.

Les articles 90 à 95 traitent de la modification du contrat de travail en


distinguant implicitement deux situations que nous analyserons successivement :
- la modification de la situation juridique de l’entreprise ; et,
- les modifications des contrats non liées à la situation juridique de
l’entreprise et tenant, par conséquent, à la volonté de l’employeur ou du
travailleur de réviser le contrat.

1 V., sur la question, BOISSARD Sophie, Modification du contrat et pouvoir de direction de l’employeur dans les
entreprises à statut, conclusions sous, C.E., 29 juin 2001, Philippe BERTON, Dr. Soc. n° 11, novembre 2001, pp.
948 à 956 ; CAMERLYNCK G.-H., La révision du contrat de travail, JCP 1965. I. 1964 ; COUTURIER Gérard,
Pot pourri autour des modifications du contrat de travail, Dr. Soc. n° 11, novembre 1998, pp. 878 à 889 ; DESPAX
Michel, Révision et dénonciation des conventions collectives de travail : aspects jurisprudentiels récents, in
Tendances du droit du travail français contemporain, Etudes offertes à G.-H. CAMERLYNCK, Dalloz, 1978, pp.
309 à 330 ; PELISSIER in J. Mélanges Pierre Couvrat, PUF, p. 101 ; PELISSER J. Modification substantielle du
contrat de travail et droit disciplinaire, D. 1992, chron. p. 30 et s. ; REPERTOIRE Dalloz, Travail, vol. I, v° contrat
de travail (modification) ; PHILIBERT A., La modification substantielle du contrat de travail, Dr. soc. 1994, p.
189 ; SAINT-JOURS Yves, note sous, Cass. Soc., 10 juillet 1996, Vanderdonckt c/ Sté Gan-Vie (1ère espèce) et
Cass. Soc. 10 juillet 1996, Le Berre c/ SA Socoren (2è espèce), JCP 1997. II. 22768 ; SAINT-JOURS Yves, note
sous, Cass. Soc. 8 octobre 1987, Raquin et Trappiez c/ Soc. anon. Jacques Marchand, Dalloz, 1988, J. 57 à 58 ;
SAVATIER Jean, La réduction du salaire : inexécution ou modification unilatérale du contrat de travail ? Dr. Soc.
n° 12, décembre 1986, pp. 867 à 872 ; SAVATIER Jean, note sous, Soc. 8 octobre 1987, Dr. Soc. 1988.135 ;
TEYSSIE Bernard, La modification du contrat de travail, instrument de gestion de l’entreprise, Dr. Soc. n° 12,
décembre 1986, pp. 852 à 866 ; THIEBAULT Hubert, L’employeur et le juge, Dr. Soc. n° 2, février 1997, pp.133 à
139 ; WAQUET Ph. Le renouveau du contrat de travail, RJS 5/99, pp. 383 et s. ; WAQUET Ph., La modification
du contrat de travail et le changement des conditions de travail, RJS 12/96, p. 791 ; Sur la jurisprudence burkinabé,
v. Paul KIEMDE, note groupée sous divers arrêts, RBD n° 42, 2e semestre 2002, pp. 122 à 146.

91
§ 1 - Modification de la situation juridique de l’entreprise
98. L’hypothèse de la modification de la situation juridique de l’entreprise doit
être distinguée de la modification de la situation économique et financière de
l’entreprise ou du contexte économique affectant l’entreprise. Dans ce dernier cas
l’employeur peut se trouver dans la nécessité de réorganiser ou de restructurer
l’entreprise et cette opération rejaillit sur les contrats. La modification de la situation
juridique affecte la forme juridique ou la propriété de l’entreprise. Ce changement
peut être consécutif à la modification du contexte économique de l’entreprise, mais les
deux choses ne sont pas liées.

Aux termes de l’article 95 C. trav. (ex. article 39 du code de 1992), « s’il


survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par
succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats
de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et
le personnel de l’entreprise ». Selon l’alinéa 2 de cet article, la résiliation des contrats
ne peut intervenir que dans les formes et conditions prévues par la loi, « comme si la
modification dans la situation juridique de l’employeur n’était pas intervenue ».

Cet article pose un principe de maintien des contrats de travail quelles que
soient les vicissitudes juridiques de l’entreprise. Le contrat de travail continue, même
si l’entreprise s’adonne à des activités différentes, si le travailleur fait le même
travail1.

A – CONDITIONS D’APPLICATION

Pour que l’article 95 s’applique, il faut qu’il s’agisse d’une modification de la


situation juridique et qu’il y ait continuité de l’entreprise.

1) Le concept de modification de la situation juridique de l’entreprise

99. L’article 95 énumère une série de situations qui n’affectent pas le contrat :
succession, reprise sous une autre appellation, vente, fusion, transformation de fonds,
mise en société. Les cas cités par l’article 95 ne sont pas limitatifs. Ses dispositions
s’étendent aux situations de reprise en régie après une concession, aux cas de location,
de nationalisation ou de privatisation et dans les rapports entre une société mère et sa
filiale. Ces cas se traduisent par un changement, soit de propriétaire (vente,
succession, mise en société, nationalisation ou privatisation…) soit de la forme

1 V. C. S. CI 8 nov. 1974, RID n° 1-2, 1977, p.123 ; C.A. Abidjan, 8 juin 1975, RID n° 1-2, 1977, p.124; C.A.
Ouagadougou, 18 avril 1995, CCIA c/ B. M. et autres, RBD n° 30, 2 e semestre 1996, p. 334 : C. A. Ouagadougou,
18 avril 1995, CCIA c/ S. C. et autres, RBD n° 30, p. 337 (les deux arrêts concernent la dissolution de la
SOGEMAB, société d’économie mixte chargée de la gestion du marché central et dont cette gestion a été confiée à
la Chambre de commerce. Le personnel préalablement licencié a invoqué avec succès le principe de continuité de
l’entreprise et de maintien des contrats pour obtenir des dommages et intérêts).

92
juridique (transformation d’une entreprise individuelle en société, d’une entreprise
ayant la forme de droit public en entreprise ayant la forme de droit privé …) soit
encore du mode d’exploitation, même si ces cas ne sont pas expressément cités
(concession, affermage, location, mise en gérance…). Ces mutations n’affectent pas le
contrat de travail dans son existence et dans son contenu. Le maintien des liens
contractuels s’applique aussi au contrat d’apprentissage.

La justification de ce principe tient au concept d’entreprise. L’entreprise est


conçue comme une communauté à laquelle fait partie le travailleur. Cette communauté
a des intérêts distincts de ceux de l’employeur. Le contrat de travail n’est plus intuitu
personae : le salarié ne contracte pas avec la personne de l’employeur ou du
propriétaire mais avec l’entreprise en tant qu’activités menées avec le concours de
deux ou plusieurs personnes. L’article 95 a un fondement économique et non
juridique : le travailleur est attaché à son emploi et non à l’employeur.

Mais le principe de maintien des contrats ne s’applique qu’aux contrats en


cours, qu’il s’agisse de contrats à durée indéterminée ou à durée déterminée. Le
successeur n’est tenu que des suites des contrats en cours à la date où il devient
employeur. Il ne répond pas des conséquences des ruptures antérieures. Ces
conséquences incombent à l’ancien employeur. Il en est ainsi du travailleur licencié
avant le transfert de l’entreprise, mais qui n’avait pas encore obtenu liquidation de ses
droits. Il n’est pas exclu que le nouvel employeur désire réviser les contrats mais, en
ce cas, on retombe dans la situation d’une modification pour des raisons économiques,
c’est-à-dire ne relevant pas de la modification de la situation juridique de l’entreprise.
La loi proscrit seulement le désordre qui résulterait d’une remise en cause des contrats
du seul fait d’un changement d’appellation de l’entreprise, de sa forme juridique ou du
propriétaire. L’essentiel est que ce soit la même entreprise qui continue, le but étant de
garantir au salarié la stabilité de l’emploi1.

2) La continuité de l’entreprise

100. Quand peut-on dire qu’il y a continuité de l’entreprise ? La réponse est


simple quand il y a un lien de droit entre les deux employeurs, comme l’exigeait la
jurisprudence ancienne2. Il y a lien de droit en cas de vente, fusion, mise en société,
concession, location-gérance, etc. Un rapport de droit s’établit entre l’ancien et le
nouvel employeur. Mais qu’en est-il s’il y a dissolution de l’entreprise, liquidation et
vente de certains actifs à une autre personne qui reprend l’activité ? Il n’y a plus de
rapport juridique entre l’ancienne et la nouvelle entreprise, l’ancienne ayant été
dissoute. M. ISSA-SAYEGH écrivait, sur la base de la jurisprudence ancienne, que le
principe de maintien des contrats « ne s’applique que si c’est la même entreprise qui

1 V. Civ. 27 février 1934, Goupy c. Société Union Hydro-électrique de l’Ouest constantinois, DH 1934, 252 ; Gaz.
Pal, 1934. 2. 40 ; S. 1934. I. 179 ; GADT 3e édit., n° 60.
2 Soc. 12 juin 1986. 505, concl. G. Picca, note G. Couturier ; D. 1986. 461, note J.-P. Karaquillo ; JCP 1986. II.

20705, note Flecheur et M. Bazex.

93
se poursuit. S’il y a cessation d’activité s’accompagnant de licenciement, les contrats
de travail n’ont pas vocation à profiter du maintien prévu par ce texte, sauf si la
cessation a été simulée et les licenciement opérées par fraude à l’article [54 C. trav.
sénégalais] »1. Cette exigence de lien de droit, abandonnée par la jurisprudence
française2 l’est aussi au Burkina, même si ce n’est pas de manière explicite.

La modification de la situation juridique de l’entreprise peut ouvrir la voie à


des fraudes. C’est le cas, par exemple, de la simulation de disparition de l’entreprise.
La fraude peut aussi consister en une collusion entre l’ancien et le nouvel employeur
pour tourner la loi : l’ancien employeur licencie avant le transfert et le nouvel
employeur réembauche le personnel presque en totalité après le transfert, à ses propres
conditions3. Même en l’absence d’intention frauduleuse, la jurisprudence française
entend priver d’effet les licenciements prononcés par le cédant pour motif
économique4. Cette jurisprudence rend délicates les restructurations suivies de cession
ou de fusion. Ces opérations sont parfois nécessaires pour que l’entreprise soit
vendable. Il est alors indispensable que les deux opérations soient séparées par un laps
de temps.

101. Au Burkina Faso, le problème du lien de droit s’est posé dans le cadre des
privatisations des entreprises publiques. Les premières vagues de privatisation ont
concerné des entreprises régulièrement déficitaires, quasiment non rentables dans
leurs formes d’exploitation et de gestion5. L’État avait donc adopté la stratégie, soit de
les restructurer avant de les proposer à la vente, soit de dissoudre et liquider
l’entreprise afin de vendre les actifs au lieu d’un transfert de l’entité à un repreneur ou
de réaffecter une partie des biens à une autre entité à créer. Le but de cette stratégie est
de ne pas transmettre le lourd passif au repreneur (aucun repreneur privé n’étant
susceptible de l’accepter) ou à la nouvelle entité à créer. Malgré de longues périodes
d’arrêts d’activités avant la création d’une nouvelle entité ou la reprise de certaines
des activités par un repreneur, il y a eu de nombreux litiges sur le sort des contrats ou
les suites des contrats rompus. Dans un arrêt du 18 janvier 1994, la Cour d’appel de
Ouagadougou a jugé que le principe de maintien des contrats s’appliquait dans une
situation où une entreprise publique avait été dissoute et les biens reversés à l’État
pour la création d’une autre structure : « attendu qu’il résulte de la Zatu n° VIII-

1 V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. n° 987.


2 Depuis 1990, trois arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ont marqué le rejet de l’exigence d’un
lien de droit entre les employeurs successifs, s’alignant ainsi sur la jurisprudence de la Cour de justice de la
Communauté européenne. V. C. Cass., Ass. Plénière, 16 mars 1990, Appart et autres, GADT 3 e édit. n° 61 ; D.
1990.305, note A. Lyon-Caen ; Dr. soc. 1990. 399, concl. Dontenville, note G. Couturier et X. Prétot ; Dr. ouvrier
1990. 317, note E. Wagner.
3 V. pour la jurisprudence plus ancienne, Soc. 9 octobre 1975, Cie Fermière de Vichy c/Romans, Bull. V, n° 448,

GADT, 2e édit., n° 106.


4 V. Soc. 11 mars 2003, Voisin c. SA Plast’lux et autres, GADT, 3 e édit., n° 62; Bull. civ. n° 86; Dr. soc. 2003,

rapp. Bailly.
5 V. P. KIEMDE, Privatisation et rôle de l’État dans la préservation des emplois, in Les nouveaux rôles de l’État et

les privatisations (dir. F.-P. Blanc, A. Lourde et V. Ouoba), Presses universitaires de Perpignan et Presses de
l’université des sciences sociales de Toulouse, 2005, pp. 215 à 241.

94
039/FP/PRES du 4 juin 1991 que l’A.V.V. est dissoute mais que son patrimoine est
reversé à l’État pour la mise en place d’une autre nouvelle structure; qu’en application
du texte sus-visé, les contrats en cours sont maintenus avec cette nouvelle structure;
qu’il s’ensuit que ce motif est également inopérant »1. Ici, le juge tire la continuité
juridique de l’entreprise du texte qui dit que les biens sont réaffectés à la création
d’une nouvelle structure. Cet argument devient peu évident si la nouvelle structure
n’est pas immédiatement créée. Les contrats auront été rompus depuis un certain
temps et on ne pourrait pas parler de maintien, mais à la rigueur de priorité
d’embauche, à moins qu’il y ait intention frauduleuse. En réalité le juge s’intéresse à
l’activité et non à l’entité juridique2. Le juge tirera la continuité de l’entreprise, par
exemple, de la poursuite de l’activité initiale, du travail dans les mêmes locaux avec le
même matériel et une partie du personnel du précédent employeur…3

B – EFFETS DE L’APPLICATION DE L’ARTCLE 95

Le principe du maintien des contrats peut recouvrir deux aspects : le maintien


des contrats individuels et le maintien des conventions collectives qui régissent les
contrats.

1) Le maintien des contrats individuels

102. L’article 95 s’applique d’abord et avant tout au contrat individuel. Le


nouvel employeur est tenu des contrats en cours avec leurs avantages. Lorsqu’il
conclut de nouveaux contrats, il est, en pratique, tenu de respecter le tissu contractuel
qui le lie, sous peine de se voir accusé de discrimination. Il n’est exonéré que des
suites des contrats déjà rompus qui restent à la charge de l’ancien employeur.

Mais lorsqu’il y a eu transfert de l’entreprise, le licenciement opéré par le


repreneur peut être légitime si le nouvel employeur a des motifs sérieux de
suppression d’emploi4. L’employeur devra dans ce cas tenir compte de l’ancienneté
des travailleurs et respecter les délais de préavis. Il peut également entreprendre des
modifications de contrats selon les règles de droit commun, en proposant la
modification individuelle ou collective au travailleur ou aux représentants des
travailleurs, dans l’esprit de l’alinéa 2 de l’article 95.

Si l’article 95 pose le principe du maintien des contrats en cas de modification


de la situation juridique de l’entreprise, la solution n’est pas totalement la même en ce
qui concerne les conventions collectives.

1 C.A. Ouagadougou, 18 janvier 1994, O.E. c/ A.V.V., RBD n° 26, juillet 1994, p. 300.
2 V. GADT, observations sous n° 60-62.
3 J. ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 987.
4 Un tel motif a été invoqué par le repreneur de la société de brasserie BRAKINA en 1991 suite au conflit qui a été

soumis à arbitrage.

95
2) Le sort des conventions collectives

103. Les conventions collectives régissent les contrats et une modification ou


un changement de convention collective applicable aux rapports de travail rejaillit
nécessairement sur les contrats. Aussi, la question se pose de savoir si le changement
d’employeur affecte la convention collective à laquelle était liée l’ancien employeur.

Il n’y a pratiquement pas de difficulté lorsque l’entreprise est assujettie à une


convention collective étendue, comme cela est le cas au Burkina Faso où la CCIP de
1974 couvre la plupart des secteurs d’activités. Sauf à tenir compte des accords
d’établissement ou conventions collectives d’entreprise qui peuvent prévoir des
avantages particuliers, la même convention s’applique au nouvel employeur. Si, par
contre, l’entreprise était assujettie à une convention collective ordinaire à laquelle le
nouvel employeur n’est ni signataire ni membre d’un groupement signataire, l’article
95 ne pourrait être interprété de manière extensive comme s’appliquant aux accords
collectifs1. Le maintien de ce qu’on appelle le statut collectif peut exposer par
exemple l’employeur ayant deux entreprises dans le même secteur d’activité à relever
de deux accords collectifs différents2. D’une manière générale, les droits d’origine
conventionnelle peuvent être révisés ou dénoncées sans requérir l’accord du salarié 3.
Les accords et usages d’établissement peuvent donc être remis en cause. Mais le
salarié peut invoquer le principe dit des droits acquis pour que son refus de la
modification ne se transforme pas en simple démission sans les droits tenant au
licenciement. Dans le cadre des privatisations, cette question du sort du statut collectif
est généralement réglée dans la convention de cession : par exemple, la convention de
concession de l’exploitation des chemins de fer à SITARAIL avait prévu que « en
attendant la mise en place d’un statut unique pour son personnel [en Côte d’Ivoire et
au Burkina Faso], le concessionnaire s’oblige à appliquer le Statut du personnel
permanent (S.P.P.) et la convention collective ferroviaire (C.C.F.) de l’ex- RAN
(Régie des chemins de fer Abidjan-Niger) »4.

§ 2 - La modification du contrat de travail tenant à la volonté d’une


des parties
104. L’article 90 C. trav. pose un principe : « L’employeur ne peut imposer
une mutation non prévue au contrat de travail. Toute modification substantielle du
1 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 992 et s.
2 V. C.A. Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage n° 91 du 11 septembre 2001, SITARAIL c/ 19 travailleurs.
Selon le collège arbitral « la continuité de la relation de travail posée par l’article 39 [aujourd’hui article 95]
n’emporte pas le transfert du statut collectif qui résulte de l’application de la convention collective professionnelle
liant l’ancien employeur sauf la période légale de survie de l’ancienne convention »
3 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 359, p. 460.
4 V. C.A. Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage n° 91 du 11 septembre 2001, SITARAIL op. cit. Il était

reproché à l’employeur d’avoir cherché à éluder les dispositions de la convention de concession prévoyant le
maintien des avantages individuels en attendant la conclusion d’une convention unique, en négociant une
convention collective d’entreprise avant même l’entrée en vigueur de la convention de concession, ce qui lui
permettait de licencier dans des conditions défavorables aux travailleurs.

96
contrat de travail doit revêtir la forme écrite et être approuvée par le travailleur. En cas
de refus de celui-ci, le contrat est considéré comme rompu du fait de l’employeur ».
Le principe est que la mutation (ou modification) du contrat ne peut être imposée par
l’employeur, ni par le travailleur, cela va de soi. Mais la loi appelle à faire la
différence entre la modification substantielle et la modification non substantielle. A
cette différentiation peut se superposer une autre, la modification, mesure individuelle
qui affecte le contrat du travailleur, et la modification, mesure collective. Cette
dernière distinction se rapproche de la jurisprudence française récente qui appelle à
faire la part entre modification du contrat et modification des conditions de travail 1.

A – LA MODIFICATION, MESURE INDIVIDUELLE

La modification du contrat, considérée dans les rapports individuels entre


l’employeur et le travailleur, est avant tout l’hypothèse explicitement envisagée par le
législateur. L’article 90 parle de mutation non prévue au contrat initial et
d’approbation du travailleur. Il s’agit alors de savoir qu’est-ce qui est substantiel ou
non substantiel et quelles sont les conséquences du refus du salarié.

1) La distinction entre modification substantielle et modification non


substantielle

105. Cette distinction peut être délicate à faire parce que le contrat individuel
ne détaille pas nécessairement tout ce qui est essentiel, et le substantiel peut varier
dans le temps pour le travailleur. En se basant sur les dispositions du contrat, seraient
substantielles celles qui touchent à une des conditions sans laquelle l’autre partie
n’aurait pas contracté et pourrait, par conséquent, préférer démissionner en cas de
remise en cause. Entre dans cette catégorie ce qui est relatif : à la rémunération dans
ses aspects rémunération de base, indemnités ou primes complémentaires et autres
avantages matériels ; aux modalités de détermination du salaire, fixe ou variable, au
temps ou à la tâche ; à la qualification professionnelle, qui détermine en grande partie
la rémunération ; au temps de travail en terme de diminution du temps de travail
accompagnée de diminution de la rémunération (travail à temps partiel).

Les mutations et affectations peuvent revêtir un caractère de modification


substantielle selon l’intention des parties ou la situation objective du travailleur : la
mutation peut, par exemple, être prévue au contrat ou dans le règlement intérieur et ne

1 V. Soc. 10 juillet 1996, Le Berre c. Société Socorem, Bull. civ. V, n° 278 ; GADT, 3e édit., n° 49 ; Soc. 4 mai
1999, Hczyszyn c. Sté Paul Jacottet, Bull. civ. V, n° 186 ; GADT, 3e édit., n° 50. MM. Pélissier et autres (op. cit.
n° 363) jugent assez sévèrement cette jurisprudence : « il est tout d’abord curieux de vouloir substituer cette
distinction à la distinction entre les modifications substantielles et les modifications non substantielles du contrat
dans la mesure où la loi, que le juge a mission d’appliquer, fait explicitement la distinction entre modification
substantielle et modifications non substantielles (art. L. 321-1). Il est juridiquement impossible tant que le
législateur n’a pas modifié la définition des licenciements économiques de ne pas maintenir la distinction entre les
modifications substantielles du contrat et celles qui ne le sont pas. […] Il est ensuite fallacieux de présenter la
nouvelle distinction comme une distinction entre la sphère contractuelle et l’exercice du pouvoir de direction… ».

97
plus revêtir à priori un caractère de modification substantielle, ni même un caractère
de modification, étant une application du contrat ou du règlement intérieur. Mais la
mutation entraînant une séparation durable de famille pour un travailleur ancien ayant
une famille nombreuse peut constituer objectivement un changement important de ses
conditions économiques et sociales. De même, l’affectation d’un cadre à un poste de
travail inférieur, même avec maintien de la rémunération peut constituer une
humiliation légitimant un refus1.

Certaines mesures relèvent en principe du pouvoir de direction de l’employeur


et ne s’analyse pas en général comme des modifications substantielles malgré les
désagréments que cela peut causer. Il s’agit en général de mesures prévues par le
règlement intérieur : aménagement des heures de travail, affectation dans les postes de
travail (Ex : changement d’atelier ou de fonction sans changement de salaire),
possibilité de mutation prévue au contrat ou par le règlement intérieur.

Le code du travail aborde un certain nombre de cas qui sont considérés comme
des modifications substantielles. Ainsi, selon l’article 94, la femme salariée en état de
grossesse mutée à un autre poste en raison de son état conserve le bénéfice de son
salaire antérieur pendant la durée de sa mutation. Aux termes de l’article 91, le salarié
qui accepte, pour nécessité de service ou pour éviter le chômage un emploi de
catégorie inférieure doit conserver son classement et son salaire, cette situation ne
pouvant excéder six mois. L’article 92 traite d’une situation inverse : le salarié nommé
par intérim à un emploi comportant un classement supérieur ne peut être éternellement
maintenu dans cette position. L’employeur doit se déterminer dans le délai d’un mois
(pour les ouvriers et employés) ou de trois mois (pour les cadres et agents de maîtrise)
et le reclasser ou lui rendre ses anciennes fonctions. Il s’agit d’une modification
favorable, mais qui peut tourner au sous-paiement si l’intérim se prolonge sans
confirmation dans le poste.

2) Les conséquences du refus du travailleur

106. Le contrat peut être à tout moment modifié sur proposition du travailleur
ou de l’employeur. Les conséquences d’un rejet d’une proposition de modification
dépendent du caractère substantiel ou non substantiel de la modification envisagée. Si
la modification par l’employeur n’est pas substantielle, le travailleur qui la refuse
endosse les conséquences de la rupture : il sera considéré comme démissionnaire et
devra éventuellement observer le délai de préavis de rupture. Si la modification est
jugée substantielle, le principe est que le contrat est rompu et l’auteur de la
proposition (ici l’employeur) est responsable de la rupture. Cette conséquence découle
de l’article 73 (ex-article 28) qui dispose que « le contrat de travail à durée

1 V. C. S. ch. Jud., arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo S. P. c/ S.B.E. (mutation de poste prévue au règlement
intérieur, mais constituant un déclassement. Selon la Cour suprême, qui déclare le recours du salarié fondé, le
règlement intérieur ne saurait contenir des dispositions de nature à modifier l’objet ou la substance du contrat de
travail).

98
indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l’une des parties. Cette résiliation
est subordonnée à un préavis notifié par écrit par la partie qui prend l’initiative de la
rupture ».

a) La responsabilité de la rupture

107. Le principe est que celui qui a proposé la modification endosse la


responsabilité de la rupture éventuelle. L’offre de modification est alors considérée
juridiquement comme un licenciement conditionnel ou une démission conditionnelle.
Ce principe est en concordance avec l’article 73 qui autorise la rupture unilatérale
sous réserve du respect du délai de préavis. L’on déduit de cette disposition qu’une
partie ne pouvant imposer à l’autre le maintien du contrat dont les conditions ne lui
satisfont plus, ni lui imposer une modification substantielle, parce qu’une modification
substantielle ne peut résulter que d’un nouvel accord de volonté entre les parties, la
« voie légitime »1 qui lui reste est de mettre fin au contrat par la voie de la résiliation
unilatérale. C’est pourquoi, d’une part, chaque partie2 a la faculté de proposer la
modification des conditions du contrat de travail et, d’autre part, la proposition de
modification substantielle contient implicitement une condition de rupture car c’est la
seule alternative qui reste en cas de refus.

Ainsi, si l’employeur propose au travailleur une modification importante


(diminution de salaire, réduction d’avantages, déplacement non prévu au contrat),
celui-ci peut refuser et l’employeur sera considéré comme l’auteur de la rupture 3.
L’employeur devra en ce cas respecter le délai de préavis et verser des indemnités de
licenciement4.

Le problème peut se poser de savoir quelle doit être la forme du refus du


salarié : celui-ci peut refuser et présenter une démission écrite ou verbale ; il peut
protester et continuer le travail ; il peut refuser de rejoindre son nouveau poste
d’affectation, etc. Le travailleur peut donc ne pas vouloir prendre l’initiative de la
rupture. En ce cas, il revient à l’employeur de s’assurer que le travailleur a accepté la
modification car cette acceptation ne peut résulter de la poursuite du travail.
L’acceptation des nouvelles conditions doit être non équivoque. Devant le silence du
travailleur, Il revient à l’employeur de prendre l’initiative du licenciement, si le

1 V. G.H. CAMERLYNCK, La révision du contrat de travail, JCP 1965. I. 1964.


2 Le code met l’accent sur la proposition émanant de l’employeur, mais le salarié est aussi souvent l’auteur d’une
proposition de modification substantielle. Il peut, à titre individuel, demander une augmentation de salaire. En ce
cas, l’employeur est dans une position délicate : s’il refuse, il ne peut tirer trop vite la conséquence que la
proposition est une rupture conditionnelle, au risque de faire obstacle au droit de présenter des réclamations. C’est
à l’employé de prendre l’initiative de la rupture, a moins que la réclamation prenne l’allure de harcèlement.
3 Trib. Trav. Brazzaville, 2 juin 1980, TPOM n° 538 du 2 avril 1981, p.324 ; salaire au rendement à la place d’un

salaire au temps, accepté par la plupart des travailleurs ; C. A.. Abidjan, 4 avril 1980, TPOM n° 538 du 2 avril
1981, p.325 : salaire au rendement à la place d’un salaire à l’heure.
4 Soc. 25 janvier 1961, Bull. civ. IV, 85; D. 61.621, JCP 196. II. 12036; Soc. 22 mars 1995, Bull. civ. V, n° 102;

Soc. 4 oct. 1979, Bull. Civ. n° 686.

99
désaccord persiste, sous peine de devoir payer les salaires aux anciennes conditions1.
La meilleure solution est de s’assurer d’une réponse explicite (écrite au mieux)2
d’acceptation. Il ne peut prétendre prendre acte d’une démission du salarié si cette
démission n’est pas expresse ou sans équivoque. Cette démission s’analyse d’ailleurs
en un licenciement qui peut être jugé légitime ou abusif.

b) La proposition de modification justifiée du contrat de travail.

108. La proposition de modification peut conduire à la rupture. L’enjeu est


souvent de démontrer que la rupture est abusive ou légitime afin, pour le travailleur,
d’obtenir en plus des indemnités de licenciement des dommages et intérêts et, pour
l’employeur, de se dispenser de les payer. Le salarié qui refuse une modification non
substantielle endosse la responsabilité de la rupture. Etant auteur de la rupture, il ne
peut réclamer le paiement de droits y tenant. Au contraire, quel que soit celui qui
prend l’initiative de rompre, le principe est que la responsabilité de la rupture est
imputable à l’auteur de la proposition de modification substantielle. Ainsi, le
travailleur qui démissionne pour marquer son refus peut réclamer les droits tenant au
licenciement et même demander des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
s’il y a lieu. Si la proposition de modification substantielle est justifiée, le travailleur
aura tout de même droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le caractère
justifié de la modification exonère seulement du paiement de dommages et intérêts.

109. Toutefois, on peut se demander s’il n’y pas de refus abusif d’une
proposition de modification justifiée, qui ne donnerait pas, par conséquent, droit aux
indemnités de préavis ou de licenciement. Quelques exemples peuvent illustrer cette
interrogation.

Le premier exemple peut être pris de la proposition de modification après une


maladie professionnelle ou un accident du travail ayant rendu le salarié inapte à
reprendre le même emploi. Lorsque le salarié déclaré inapte à reprendre son ancien
emploi refuse une ou plusieurs propositions raisonnables de reclassement, son refus
peut être abusif ou tout au moins sous-entendre des exigences abusives3. Les refus
successifs contraignent l’employeur à le licencier et pourrait constituer une faute
qualifiée de grave ou de lourde.

1 V. C.S. BF, arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo S.P. c/ SBE ; P. KIEMDE, op. cit. RBD n° 42, p. 144 ; LE
BAYON Alain, Qualification professionnelle, Répertoire Dalloz, Travail, vol. III ; DESPAX Michel, La
qualification professionnelle et ses problèmes juridiques, JCP 1962.I.1710.
2 Mais l’écrit n’est pas indispensable, car la preuve de l’acceptation peut être apporter par tout moyen. V.

PELISSIER et autres, op. cit. n° 365.


3 En droit français, le refus abusif de propositions de reclassement peut priver le salarié de l’indemnité spéciale de

licenciement et de l’indemnité compensatrice mais pas des droits normaux de licenciement. V. PELISSIER et
autres, op. cit. p. 457.

100
Le deuxième exemple est celui d’une modification imposée par les
règlements1. Le cas est rare, mais ne constitue pas une hypothèse d’école : des
illustrations peuvent être prises des mesures « d’africanisation des cadres » dans les
années 1970-80 pour tenir compte de l’arrivée sur le marché du travail de cadres
nationaux et des mesures prises sous la révolution d’août 1983 tendant à aligner ou
rapprocher les rémunérations dans les entreprises publiques de celles de la fonction
publique2.

Le troisième exemple est celui de la mutation ayant un caractère substantiel


mais non prévue par le contrat, lorsque cette mutation est justifiée par une suppression
de l’emploi dans l’établissement où exerce le travailleur. Ainsi, admet-on que pour des
motifs économiques d’ordre conjoncturel ou structurel, l’employeur procède à une
diminution ou une réorientation des activités économiques (fermeture de chantiers,
abandon d’ateliers au profit d’autres) ou encore à une modification des emplois
(restructuration). L’employeur pourra donc, par suite, procéder à des compressions de
personnel ou suppressions d’emplois3. Il s’agit ici, non plus d’un motif juridique, mais
d’un motif économique qui amène l’employeur à réorganiser ou à restructurer
l’entreprise. En ce cas la possibilité d’une modification du contrat de travail ou même
d’un licenciement du travailleur peut être admise comme légitime. Cette solution se
fonde sur la notion de pouvoir de direction de l’employeur. Il revient à celui-ci de
choisir la forme de l’entreprise, de l’organiser ou de la réorganiser en vue d’assurer la
suivie de l’activité ou son expansion. Ce motif de réorganisation de l’entreprise,
compte tenu des possibilités de fraude qu’il offre, fait l’objet d’une réglementation et
d’un contrôle rigoureux4 : consultation des délégués du personnel, aviser les autorités
compétentes des mesures de licenciement avant la notification des préavis de
licenciement. Il revient au juge de contrôler la réalité des motifs de réorganisation et
d’assurer le respect par l’employeur des procédures qui lui sont imposées5.

B – MODIFICATION DU STATUT COLLECTIF6

110. A la différence de la mesure individuelle qui consiste en une modification


du contrat du travailleur pour raison disciplinaire, pour insuffisance ou inaptitude
professionnelle, ou à la suite de l’affectation du travailleur à un emploi inférieur pour
nécessite de service, des contrats peuvent être affectés par une mesure générale

1 Trib. Trav. Brazzaville, 8 septembre 1980, TPOM n° 540, p.379 : modification imposée par une circulaire - en
l’espèce non valable car la circulaire n’est pas réglementaire.
2 V. Filiga Michel SAWADOGO, Le nouveau régime salarial dans les entreprises publiques au Burkina Faso : vers

un alignement sur la fonction publique? RBD n° 11, juin 1987, p. 273.


3 Cour d’appel d’Abidjan : 11 avril 1980, TPOM n°536 2 juillet 1981, p.285 (suppression d’emploi légitime) ; C.S.

Gabon, 12 mai 1980 TPOM n° 536 du 2 juillet 1981, p. 286 (compression de personnel, appel abusif) ; CCIP de
1974, articles 18 et 34 ; Trib. trav. Bobo Dioulasso, 3 juin 1980, RVD n° 5 février 1984, p.72 (africanisation) ; Soc.
22 avril 1977, GADT n° 123. La SOSUCO par exemple a procédé en 1978 à une compression de personnel, suite à
l’arrivée de nouvelles machines.
4 V. les articles 101 et s. C. trav. et l’article 34 CCIP.
5 Trib. Trav. Dakar, 11 déc. 1980, TPOM n° 543 du 2 nov. 1981, p.458.
6 V. Paul KIEMDE, op. cit. RBD n° 42, 2002 pp. 122 et s.

101
portant sur les règles applicables aux contrats. Nous entendons par là, la modification
du règlement intérieur, des usages de l’entreprise, du statut du personnel, de l’accord
d’établissement ou de la convention collective. Une interprétation extensive de
l’interdiction d’une modification unilatérale du contrat de travail rendrait les
entreprises ingérables. L’employeur ne peut pas non plus être autorisé à bouleverser à
loisir les rapports individuels de travail à la faveur de mesures générales de gestion.
Plusieurs distinctions sont proposées pour différencier ces atteintes directes et
indirectes au contrat de travail : modification du contrat et modification du statut
collectif; modification des règles applicables aux contrats; modification du contrat et
modification des conditions de travail selon la nouvelle jurisprudence contestée de la
cour de cassation française. L’enjeu est de faire la part entre ce qui relève du pouvoir
de l’employeur de décider unilatéralement et ce qui requière un accord de volonté
entre l’employeur et le travailleur pris individuellement. Le principe est que la
modification est possible, mais les conditions de régularité de cette modification sont
contraignantes et aléatoires.

1) Le principe : la modification relève du pouvoir de direction de l’employeur

111. Les mesures collectives de modification des règles applicables aux


contrats ou aux relations de travail touchent intimement au pouvoir de direction de
l’employeur. Ce pouvoir de direction comporte le pouvoir de donner des ordres
individuels, le pouvoir disciplinaire et le pouvoir de prendre des règles générales ou
pouvoir réglementaire. Ce pouvoir réglementaire, même s’il n’est utilisé que par
analogie parce trop exorbitant pour être concédé sans réticence dans les rapports entre
particuliers, traduit la faculté pour l’employeur de procéder à la réorganisation de
l’entreprise, à l’organisation des services et à la hiérarchisation des emplois.

Il est rare que le débat porte sur la question de savoir si les mesures collectives
prises sont bien fondées. Cette question relève de l’appréciation de l’employeur qui
est « seul juge des moyens propres à assurer la bonne marche de son entreprise »1. La
jurisprudence se concentre plutôt sur la question de savoir si la mesure collective
d’organisation ou de réorganisation a été régulièrement prise, si elle ne contrevient pas
à une norme supérieure (acte réglementaire de l’Etat, convention collective)2 et,
surtout, sur les conséquences de la mesure sur les contrats individuels. Elle est
confrontée à l’exercice délicat consistant à affirmer le pouvoir de direction de
l’employeur tout en essayant d’assurer la stabilité des conditions du contrat et la
stabilité de l’emploi3.

1 Soc. 15 octobre 1959, Bull. civ. IV, n° 996.


2 Même les juridictions arbitrales, autoriser à faire des investigations sur la santé de l’entreprise ne contestent
presque jamais le bien fondé d’une mesure de restructuration. Mais l’on note qu’à l’occasion de licenciement, les
travailleurs essaient d’engager la responsabilité de l’employeur sur sa gestion.
3 BOISSARD Sophie, Modification du contrat et pouvoir de direction de l’employeur dans les entreprises à statut,

conclusions sous, C. E. fr., 29 juin 2001, Philippe Berton, Dr. Soc. n° 11, novembre 2001, pp ; 948 à 956.
CAMERLYNCK G.-H., La révision du contrat de travail, JCP 1965. I. 1964. COUTURIER Gérard, Pot pourri
autour des modifications du contrat de travail, Dr. Soc. n° 11, novembre 1998, pp. 878 à 889. DESPAX Michel,

102
112. Ainsi, l’employeur peut revenir sur des usages de l’entreprise, à condition
que la révocation de l’usage soit régulièrement opérée. Il peut dénoncer une
convention collective dans les conditions de forme requise. Il peut, à l’occasion de
l’adoption d’un premier règlement intérieur ou de la modification du règlement
intérieur, y introduire des contraintes qui n’existaient pas, telle que la possibilité d’une
affectation du salarié dans un autre établissement ou une autre localité. Par ailleurs,
pour des raisons de difficultés économiques, des négociations avec les représentants
du personnel peuvent aboutir à des réductions d’avantages divers.

D’une manière générale, la loi et la jurisprudence n’affirment pas un principe


général de maintien ou d’intangibilité1 des avantages concédés par l’employeur dans
le cadre des usages de l’entreprise ou de l’accord d’établissement. L’employeur ne
peut accorder des droits inférieurs à ceux reconnus par le code du travail ou par la
convention collective, mais il peut accorder des avantages supérieurs à ces textes
suivant la règle selon laquelle les accords d’établissement et conventions collectives
peuvent contenir des dispositions plus favorables au salarié. Si tel est le cas,
l’employeur peut vouloir remettre en cause ces avantages. Cette remise en cause n’est
pas en soi illégitime, à condition de ne pas descendre en deçà du minimum imposé.
Instaurer une impossibilité de remettre en cause des avantages aboutirait à instituer un
principe de non régression incompatible avec la vie de l’entreprise, faite de périodes
de prospérité et de périodes de difficultés économiques ou de gestion. Mais la remise
en cause des règles générales régissant les contrats n’est pas sans embûches pour
l’employeur, lors des litiges qui surviennent à l’occasion de la mise en œuvre du
nouveau statut collectif.

2) Les conditions contraignantes et les aléas de la modification

113. S’il n’y a pas un principe interdisant la modification des règles


collectives, l’employeur n’a pas pour autant un blanc-seing pour le faire, en raison des
dommages que risquent de subir les salariés. Le juge va d’abord vérifier la régularité
de la procédure de remise en cause du statut collectif, notamment la réalité de la
négociation et l’acceptation du salarié pris individuellement de perdre certains droits
ou avantages. Ensuite, se plaçant sur le terrain des conséquences de la modification, le
juge peut chercher à faire la distinction entre les avantages qui s’incorporent au
contrat et qui sont insusceptibles de modification unilatérale et les avantages qui ne
s’y incorporent pas2. L’employeur court donc le risque d’une condamnation à
réintégrer le travailleur ou à des dommages et intérêt pour rupture abusive suite à une
modification qu’il croyait relever de son pouvoir. L’employeur ne peut probablement
pas réorganiser sans aucun dommage pour un salarié. Celui-ci peut refuser les

Révision et dénonciation des conventions collectives de travail : aspects jurisprudentiels récents, in Tendances du
droit du travail français contemporain, Etudes offertes à G.-H. Camerlynck, Dalloz, 1978, pp. 309 à 330.
REPERTOIRE Dalloz, Travail, vol. I, v° contrat de travail (modification).
1 V. Soc., 17 mars 1993, GADT, 3 e édit. n° 158, Dr. soc. 1993. 464; Soc. 30 novembre 1994, GADT n° 165, et

observations p. 621.
2 V. sur les usages, GADT, 3e édit., n° 170-172.

103
conséquences de la réorganisation. Ce refus n’est pas en lui-même abusif, même si les
autres l’ont accepté. La modification est généralement substantielle et peut être, pour
un travailleur, intolérable. Il n’est pas aisé, dans ce cas, de repérer, comme le propose
la jurisprudence française, les dispositions du statut collectif qui s’incorporent au
contrat et qui sont insusceptibles de modification unilatérale, et les dispositions qui ne
s ‘y incorporent pas et qui pourraient être légitimement modifiées par l’employeur
sans encourir de sanctions pour rupture abusive.

114. Au Burkina Faso, le problème s’est posé de manière cruciale dans les
entreprises publiques qui ont voulu opérer des « remises en ordre » dans le statut du
personnel. De nombreux litiges sont nés des modifications des systèmes de
classification et des classements individuels. Le statut du personnel est d’autant plus
susceptible d’être modifié qu’il peut s’analyser comme un acte de droit public à
caractère réglementaire : malgré des concertations préalables avec les représentants du
personnel, le statut est adopté par un acte unilatéral du conseil d’administration et
approuvé par l’autorité de tutelle. Certaines ex-entreprises publiques qui ont été
privatisées ont conservé la forme du statut du personnel au lieu de l’accord
d’établissement ou d’entreprise, statut qui a également fait l’objet de modification et
entraîné des litiges1. Les Cour d’appel de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, dans
de nombreuses décisions relatives à des reclassements, ont souvent condamné les
employeurs à la réintégration, au paiement de rappel de salaires ou à des dommages et
intérêts pour rupture abusive2. Ces juridictions ont souvent invoqué la notion de
préservation des avantages acquis, érigée de manière contestable en « principe de
droits acquis ». La règle de préservation des avantages acquis énoncée lors des
révisions des conventions collectives et autres négociations visent bien à éviter la
régression, mais on ne peut y tirer un principe général de droit faisant obstacle à toute
modification du contrat de travail. Toujours est-il que, en attendant de voir le contenu
la décision de la Cour de cassation dans l’arrêt SONAR, la jurisprudence des cours
d’appel rend aléatoire le sort d’une modification du statut collectif.

SECTION II - SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL


115. Dans le but de protéger le travailleur, le législateur a décidé qu’à
l’occasion de certains évènements empêchant l’exécution des obligations par les
parties, le contrat de travail sera considéré comme suspendu et non pas rompu. Ces

1 Après la privatisation de la SONAR, celle-ci a procédé à une modification du statut du personnel et des grilles de
classification, qui a provoqué un contentieux largement commenté par les journaux. Quatre travailleurs ont refusé
l’application à eux de la grille de classification qui conduisait à leur déclassement. La cour d’appel de
Ouagadougou, par un arrêt n° 46 du 22 mai 2001, avait condamné l’employeur à maintenir leur classement
antérieur. La cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, (mais la décision n’est pas encore disponible).
2 Outre les arrêts de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, n° 22 du 30/4/2001, D.I. c/ CNSS, n° 57 du 18/6/2001,

K.M. et autres C/ CNSS, n° 72 du 18/6/2001; et de la Cour d’appel de Ouagadougou n° 106 du 6/11/2001 et n°


11/du 6/11/2001, commenté dans RBD n° 42, op. cit., voyez C .A. Ouagadougou, 16 février 1999, RBD n° 37, 1 er
semestre 2000, p. 100; C. A. Ouagadougou, 15 février 1999, RBD n° 37, p. 102; V. également, Trib. Trav.
Ouagadougou, 31 juillet 1995, RBD n° 29, 1996, p. 152, note Luc M. Ibriga

104
événements, de natures très diverses, peuvent provenir de l’entreprise (fermeture
temporaire par ex.) ou du travailleur (maladie, détention, etc.).

L’article 96 C.trav. (article 24 du code de 1992) énumère une série de 18


causes1 légales de suspension du contrat que nous aborderons en les regroupant selon
la personne qui est à l’origine de la suspension : les causes de suspension provenant de
l’employeur et la suspension tenant au travailleur

§ 1 - Suspension provenant de l’employeur


Parmi les causes légales de suspension du contrat de travail certaines
proviennent de l’employeur, de sa volonté ou d’événement s’imposant à lui.

A – ÉVÈNEMENT S’IMPOSANT Á L’EMPLOYEUR

116. Cette hypothèse concerne les cas de force majeure et de fermeture


involontaire de l’entreprise ne dépendant pas de la seule volonté de l’employeur tels
que l’appel sous les drapeaux et la morte saison pour le contrat saisonnier.

La force majeure est une cause universelle d’exonération des obligations.


Selon l’article 96 point 15, la force majeure suspend le contrat de travail dans la limite
de cinq mois renouvelable une fois. Ce n’est qu’à l’expiration de la période de
renouvellement que le contrat peut être résilié. La force majeure est tout « événement
imprévisible, irrésistible et insurmontable » qui a pour effet d’empêcher l’employeur
de fournir le travail pendant une durée assez longue. Cette durée doit couvrir une
période de dix mois, renouvellement compris. La résiliation au bout de la période est
considérée comme un licenciement puisque, selon cet article, « il peut être procédé à
la résiliation des contrats avec paiements des droits »

La fermeture de l’établissement, pouvant être considérée comme un événement


qui s’impose à l’employeur, est celle survenue par suite du départ de l’employeur sous
les drapeaux ou pour une période obligatoire d’instruction militaire2. Il est à
remarquer que le code du travail ne cite pas parmi les causes de suspension légale du
contrat, la fermeture de l’entreprise décidé par l’autorité administrative ou judiciaire.
Par exemple, selon l’article 365 C.trav., l’inspecteur peut ordonner des mesures
exécutoires pouvant aller jusqu’à l’arrêt du travail en cas de danger imminent pour la
santé ou la sécurité des travailleurs. L’article 98 C.trav. fait obligation à l’employeur
de verser au travailleur une indemnité égale au montant de sa rémunération pendant la
période de l’absence, dans la limite normale du préavis. Cette limite est également
valable en cas de suspension d’un contrat à durée déterminée, ce contrat ne pouvant

1 Le point 17 de l’article 96 contient deux causes différentes.


2 Article 96 point 1.

105
toutefois pas être considéré comme prorogé au-delà du terme initialement prévu du
seul fait de la suspension légale
La suspension des contrats saisonniers pendant la morte-saison, prévue à
l’article 96 point 17, est aussi un événement qui ne relève pas de la volonté de
l’employeur. L’article 71 C.trav. décide en effet que : « Tout contrat saisonnier, pour
lequel le travailleur engage ses services pour la durée d’une campagne agricole,
commerciale, industrielle ou artisanale dont le terme est indépendant de la volonté des
parties, est considéré comme contrat à durée indéterminée, s’il est renouvelé au moins
une fois ». Ainsi, le travailleur engagé par contrat saisonnier et réembauché une
deuxième fois après la morte-saison, voit sa situation consolidée par la suspension
légale de son contrat à chaque morte-saison.

B - SUSPENSION RESULTANT DE LA VOLONTE DE L’EMPLOYEUR

117. Sont des causes de suspension résultant de la volonté de l’employeur, la


mise à pied disciplinaire ou conservatoire, le chômage technique et le lock-out.

1) La mise à pied disciplinaire

La mise à pied est une mesure d’exclusion temporaire du travailleur de


l’entreprise à titre de sanction disciplinaire ou de mesure conservatoire. La mise à pied
disciplinaire, implicitement visée par l’article 96 point 9 sans autre qualificatif, ne
pose pas de difficulté particulière : le délai de suspension, très court (4 à 8 jours) est
généralement prévu par le règlement intérieur ou la convention collective. Les autres
causes de suspension entraînant l’exclusion temporaire du travailleur de l’entreprise
peuvent être qualifiée de mise à pied conservatoire, en ce sens que c’est une décision
provisoire en attente d’une décision définitive. Ainsi, les points 13 et 14 de l’article 96
évoque deux cas de suspension temporaire en attendant une décision de licenciement
ou de réintégration : la détention du travailleur qui n’a pas commis une faute
disciplinaire et sa suspension aux fins d’enquête et d’instruction judiciaire pour faute
professionnelle. Dans les deux cas, le contrat est suspendu dans la limite de six mois.
Le licenciement peut intervenir avant ce délai si l’événement attendu pour une
décision définitive (la décision judiciaire) intervient avant. Par contre, le travailleur
doit être réintégré1 s’il est acquitté ou relaxé au bénéfice du doute, sauf à invoquer la
perte de confiance s’il s’agit d’une poursuite pour faute professionnelle. Des
difficultés d’interprétation de l’attitude de l’employeur peuvent survenir s’il laisse
dépasser le délai sans prendre de décision : il arrive que le travailleur invoque
l’irrégularité de la suspension intervenue hors délai au soutien d’un recours pour
licenciement abusif2. En réalité la suspension est une mesure protectrice qui oblige
1 V. C .A. Ouagadougou, 4 ami 1990, SOREMIB c/ B.S. et autres, RBD n° 22, juillet 1992, p. 324.
2 C. A. Ouagadougou, 15 juin 1997, SCFB c/ K.M., RBD n° 33, 1 er semestre 1998, p. 150 (lettre de licenciement
envoyé cinq ans après la suspension. La cour d’appel a décidé le sursis à statuer en attendant l’issue du dossier
pénal); C. S. BF., arrêt n° 72 du 15 mai 2001, Kaboré B. E. c/ SOFITEX (selon la Cour suprême, la suspension à
durée indéterminée équivaut à un licenciement); C. S. BF., arrêt n° 53 du 19 décembre 2000, Y. T. c/ BIB
(suspension suite à une garde à vue)

106
l’employeur à ne pas rompre avant ce délai si la situation du travailleur n’est pas
clarifiée mais qui ne l’oblige pas à rompre immédiatement après ce délai. La mise à
pied du délégué du personnel pour faute grave ou lourde, en attendant la décision de
l’inspecteur du travail, est aussi une mesure suspensive du contrat de travail ayant un
caractère conservatoire et le licenciement éventuel (s’il n’y a pas refus de l’inspection
du travail) ne pourrait s’analyser comme une double sanction.

2) La mise à pied économique

118. La fermeture de l’entreprise pour des raisons de difficultés économiques


conjoncturelles ou structurelles est aussi appelée mise à pied économique. L’article 97
C.trav. définit le chômage technique comme « l’interruption collective du travail
effectuée par le personnel d’une entreprise ou d’un établissement, résultant, soit de
causes accidentelles soit d’une conjoncture économique défavorable. Il peut être
partiel ou total ». Parler d’interruption effectuée par le personnel comporte une
certaine ambiguïté : l’expression peut laisser entendre que c’est le personnel qui
décide de l’interruption, alors que c’est l’employeur qui décide de la fermeture
temporaire partielle ou totale pour cause économique. Le dernier alinéa de cet article
précise d’ailleurs que « la mise en chômage technique est subordonnée à la
consultation des délégués du personnel ». Le second alinéa prévoit une indemnisation
en faveur du personnel, dont les conditions de détermination sont renvoyées aux
conventions collectives ou, à défaut de convention collective, à un acte réglementaire
pris après avis de la Commission consultative du travail.

3) Le lock-out

119. Le lock-out ou fermeture de l’entreprise à l’occasion d’un conflit collectif


entraîne, par parallélisme avec la grève, la suspension du contrat de travail. La loi ne
réglemente pas véritablement le lock-out, en dehors de l’interdiction d’y recourir
avant l’épuisement des procédures de conciliation et d’arbitrage. L’article 356 C.trav.
se contente d’en donner une définition : « le lock-out est une décision par laquelle un
employeur interdit au salarié l’accès à l’entreprise à l’occasion d’un conflit collectif ».
Il est revenu à la jurisprudence de maintenir cette réaction de l’employeur dans des
limites raisonnables, c’est-à-dire qui ne ruinent pas le droit de grève. Le lock-out peut
en effet être offensif ou défensif. Il est offensif s’il est décidé pour contrer une grève,
faire obstacle à son efficacité ou l’entraver. Il est défensif lorsqu’il est décidé en
réplique à une grève déclenchée et exécutée dans des conditions irrégulières,
notamment avec violences et menaces sur la sécurité des personnes et des biens1. Seul
le lock-out préventif ou défensif (par rapport à des actions illicites) est légitime. La
grève comme le lock-out entraînent la suspension du contrat, à condition qu’ils aient
été déclenchés dans le respect de la procédure de règlement des conflits collectifs.

1 V. F.-J. PANSIER, op. Cit., p. 154.

107
§ 2 - La suspension tenant au travailleur
La suspension du contrat de travail peut résulter du travailleur, soit de sa
volonté, soit en raison d’évènements qui l’empêchent de remplir ses obligations.
Parmi ces causes de suspension du contrat, la maladie du travailleur et la maternité de
la femme sont les plus importantes et méritent d’être abordées à part.

A - LA MALADIE DU TRAVAILLEUR

120. La suspension pour cause de maladie est traitée par l’article 96 point 3,
relatif aux maladies et accidents non professionnels, l’article 96 point 4 relatif à
l’indisponibilité du travailleur résultant d’un accident ou d’une maladie
professionnelle, et l’article 99. Nous mettrons l’accent sur la maladie ou l’accident
d’origine non professionnelle, étant donné que l’absence pour cause de maladie ou
d’accident d’origine professionnelle bénéficie d’un régime de faveur dans le cadre de
la prise en charge par la sécurité sociale (infra livre II). Le terme maladie est ici
entendu de façon très large : c’est une interruption du travail pour un motif de santé.
La période de convalescence, qui est une période de repos sous surveillance médicale,
est assimilée à la maladie.

La maladie du travailleur ne rompt pas de plein droit le contrat de travail.


Jusqu’à la guérison de l’employé, le contrat est suspendu. Les parties sont
provisoirement déchargées de l’exécution de leurs obligations réciproques. Mais des
formalités doivent être accomplies pour bénéficier de l’effet suspensif.

1) Conditions de mise en oeuvre de l’effet suspensif

121. Le travailleur doit remplir certaines conditions pour pouvoir se prévaloir


de l’effet suspensif de la maladie.

Il a l’obligation de signaler son indisponibilité à l’employeur en lui adressant


un certificat médical. L’article 25 CCIP de 1974 précise qu’il doit : faire constater son
état dans les 48 heures par le service médical de l’entreprise ou le poste médical le
plus proche (ou prouver qu’il suit un traitement par médecine traditionnelle) ; avertir
l’employeur dans les 72 heures de son absence et confirmer par certificat médical dans
les six jours. Il doit respecter pour ce faire les délais et les formalités prévues par les
conventions collectives sinon il perd le bénéfice de la situation juridique de
suspension du contrat et les indemnités de maladie. Le fait pour le travailleur de ne
pas adresser à l’employeur le certificat médical peut être couvert par la certitude que
l’employeur a pris connaissance de l’indisponibilité (ex : accident de la circulation)1 .

1 Civ. 3 décembre 1934, Terminus PLM c/ Dame Spagnoli, D. H. 1935, p.84 ; GADT, 3e édit. n°71 (absence de
certificat médical, mais la dame Spagnoli a averti l’employeur de son indisponibilité et des prolongations).

108
Si l’absence pour maladie avait été prévue pour un temps déterminé, le
travailleur doit informer l’employeur de la prolongation de la maladie. Celui-ci peut
demander une contre-visite si la prolongation a été accordée par un autre médecin. Si
une nouvelle maladie survient après la première, le travailleur doit présenter un autre
certificat médical.

2) Les implications de l’effet suspensif

122. Si le travailleur a accompli les formalités requises, son licenciement


pendant la période de maladie est abusif. Mais il est une période au-delà de laquelle le
licenciement du travailleur dont la maladie se prolonge devient légitime. Cette période
protégée est d’un an, selon l’article 96 point 3. Ce délai est prorogée jusqu’au
remplacement du travailleur. L’article 96 (ex-article 24) consacre en fait des
dispositions de la convention collective interprofessionnelle de 1974 qui prévoyaient
déjà un délai d’un an, prorogé jusqu’au remplacement du travailleur.

Au-delà de la période protégée d’un an, le contrat continu d’être suspendu,


mais il peut être rompu en procédant au remplacement du travailleur1. Le travailleur
remplacé conserve une priorité de réembauchage pendant deux ans, aux termes de
l’article 33 CCIP. Le juge, dans certains cas, peut estimer légitime le licenciement
pendant la période protégée. Il peut en être ainsi s’il s’agit :
- d’un licenciement pour compression de personnel ou pour fin de chantier ;
ou,
- d’un licenciement pour faute tels que le refus de se soumettre aux visites
médicales, la faute disciplinaire ou la faute professionnelle antérieure à la
maladie mais découverte postérieurement.

Sur le plan de la rémunération, pendant la période de suspension (pour maladie


non professionnelle), le salaire est en principe lui aussi suspendu. Mais les
conventions collectives prévoient des périodes pendant lesquelles le salaire est
totalement ou partiellement versé suivant l’ancienneté du travailleur. Le Code du
travail a consacré cette indemnisation en reprenant, en son article 99, les dispositions
de l’article 26 CCIP. Cette rémunération s’établit comme suit :

1) moins d’un an d’ancienneté : plein salaire pendant 1 mois;


demi salaire le mois suivant;
2) de 1 à 5 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 1 mois;
demi salaire pendant les 3 mois suivants ;
3) de 6 à 10 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 2 mois;
1 La jurisprudence française avait d’abord considéré que la maladie du travailleur pouvait devenir un cas de force
majeure justifiant son remplacement (Soc. 14 décembre 1960, Le Figaro C/ Dame Gagnon, GADT 2 e édit. n° 110;
v. également, Soc. 21 février 1979, Soc. de textile indémaillable c/Buisson, D. 1979. 413 note Pelissier, GADT, 2e
édit. n° 112 bis), mais a abandonné cette position. Elle admet que le licenciement soit justifié par les perturbations
causées dans le fonctionnement de l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif du travailleur (Soc.
13 mars 2001, Bull. civ. V, n° 84; GADT, 3e édit. n° 74).

109
demi salaire les 3 mois suivants ;
4) de 11 à 15 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 3 mois ;
demi salaire les 3 mois suivants ;
5) au delà de 15 ans d’ancienneté : plein salaire pendant 4 mois ;
demi salaire pendant les 4 mois suivants.

L’article 99 précise que le total de ces indemnités représente le maximum des


sommes auxquelles peut prétendre le travailleur pendant une année civile. Il s’agit de
trancher par rapport au travailleur qui connaît des reprises du travail et des rechutes
entraînant des suspensions successives.

B - LA MATERNITE DE LA FEMME SALARIEE

123. Le contrat de travail est également suspendu, selon l’article 96 point 5,


« pendant le repos de la salariée bénéficiaire des dispositions de l’article 142 ».

Suivant cet article 142 C. trav., toute femme enceinte, dont l’état a été dûment
constaté, a le droit de suspendre son travail suivant avis médical sans que cette
interruption de service ne soit considérée comme une cause de rupture de contrat1.
A l’occasion de son accouchement, elle bénéficie d’un congé de maternité de
14 semaines, dont 8 semaines au plus tôt et 4 semaines au plus tard avant la
délivrance, que l’enfant soit né viable ou non, précise le code de 2004. Cette
suspension peut être prolongée de 3 semaines en cas de maladie résultant de la
grossesse ou de la couche. Cette période de suspension peut être dite super protégée
parce que l’employeur ne peut prononcer son licenciement. Le licenciement de la
femme enceinte est nul2. Cette interdiction s’applique au fait d’envoyer un préavis de
licenciement. L’employeur ne peut non plus l’employer, même avec son accord, dans
les six semaines qui suivent son accouchement.

Pendant une période de 15 mois à compter de la reprise du travail, elle a droit à


des repos pour allaitement d’une durée d’une heure et demi par journée de travail3.
L’article144 lui offre, si elle le désire, la possibilité d’obtenir de son employeur un
congé sans solde d’une durée de six mois renouvelable une fois. Ce congé ne peut être
refusé par l’employeur si la demande est faite au moins un mois avant la date de
départ en congé. Ce congé peut être porté à un an renouvelable une fois si la demande

1 L’article 84 du code de 1992 lui donnait le droit de rompre le contrat unilatéralement sous réserve d’un préavis
abrégé de 15 jours avant son départ, dès que son état de grossesse a été médicalement constaté ou si la grossesse est
apparente. Toutefois, si elle s’engage dans une autre entreprise avant la période normale de préavis, elle sera tenue
au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis. De même, pendant la période d’allaitement de 15 mois,
elle peut rompre son contrat sans préavis. Ces dispositions ont peut-être été jugées inutilement contraignantes pour
l’employeur et peu avisées pour l’intérêt de la femme. Il est plus réaliste, s’il s’agit de l’entretien de son enfant, de
prendre un congé sans solde quitte à démissionner par la suite dans les formes de droit. Cette démission n’exige du
travailleur que le préavis.
2 Pour la jurisprudence française, v., C. E. fr. Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet, GADT 3 e édit. n° 7 ; AJDA 1973,

608 ; JCP 1974, II, 17957.


3
Article 143.

110
est justifiée par la maladie grave de l’enfant dans la période. Ce droit au congé sans
solde est également accordé au salarié pour l’entretien de son enfant1.

Sur le plan de la rémunération pendant la période de suspension, la femme est


protégée par la couverture de la sécurité sociale. Elle perçoit donc l’intégralité de son
salaire.
La sécurité sociale prend en charge :
- les frais d’accouchement dans une formation sanitaire administrative ;
- les soins médicaux ;
- le salaire soumis à cotisation à la sécurité sociale qu’elle percevait.
Et l’employeur prend à sa charge la fraction du salaire non soumise à cotisation2.

C - LA SUSPENSION POUR CAUSES DIVERSES D’ABSENCE


DU TRAVAILLEUR

124. Les autres événements entraînant la suspension du contrat peuvent


également tenir à la volonté du travailleur ou être extérieurs à sa volonté.

1) Pour les cas relevant de sa volonté, le contrat de travail est suspendu :


- pendant la grève si elle a été déclenchée dans le respect de la procédure de
règlement des conflits collectifs ;
- pendant la période de congé payé du salarié augmentée des délais de route et
des périodes d’attente et de départ ;
- pendant la durée de l’absence du travailleur autorisée par l’employeur en
vertu de la réglementation, des conventions collectives ou d’accords individuels.
L’article 152 C.trav. prévoit en effet, en faveur du travailleur, la possibilité d’obtenir
de l’employeur des permissions exceptionnelles à l’occasion d’évènements familiaux3
touchant directement son foyer, dans la limite annuelle de 20 jours non déductibles de
la durée du congé annuel. Il peut obtenir des autorisations d’absence sans solde, non
déductibles de la durée du congé payé, dans la limite annuelle de quinze jours
ouvrables, afin, soit de suivre un stage officiel de perfectionnement, soit de
représenter le Burkina Faso dans une compétition sportive internationale4, soit
d’assister à des congrès syndicaux ou à des sessions de formation syndicale, soit de
représenter une association reconnue d’utilité publique ou d’assister à ses activités ;
- pendant l’absence du travailleur en vue d’assister son conjoint malade dans la
limite de 3 mois ;
- pendant l’exercice d’un mandat politique ou syndical.

1 Cette disposition peut prêter à sourire en raison de son décalage sociologique : elle accorde un droit qu’il serait
contraire à la mentalité sociale d’exercer.
2 Article 84 § 6.
3 V. N’GABO DAGUI, Un exemple de difficultés de mise en œuvre et d’éventuelle adaptation des législations

modernes en Afrique noire : le congé pour évènements familiaux, RJPIC, 1988, p. 98.
4 La pratique est de procéder par réquisition, par le ministère chargé des spots, des sportifs internationaux.

111
2) Pour les cas ne relevant pas de la volonté du travailleur, le contrat est
suspendu : pendant la durée du service militaire du travailleur ; en cas de force
majeure ; et, si on ne tient pas compte du fait que la détention découle d’agissements
de l’intéressé, pendant sa détention pour motifs politiques et pendant sa détention pour
faute non professionnelle ou pour faute professionnelle, dans la limite de 6 mois ;

SECTION III - LA NULLITÉ DU CONTRAT DE TRAVAIL


125. Le contrat de travail peut être frappé de nullité si une des conditions, de
fond ou de forme, de validité fait défaut. Les effets de cette nullité diffèrent
sensiblement de ceux du contrat civil.

§ 1 - Les causes de nullité


126. Les causes de nullité pour vice de fond sont d’abord celles habituelles au
contrat civil : absence de consentement ou vice de consentement, objet illicite, cause
immorale (exemple, embauche d’une mineure de 15 ans dans un débit de boisson).

Ces causes de nullité sont ensuite celles tenant à la violation de l’ordre public
économique ou social. Par exemple : l’article 64, alinéa 4, à propos du visa et de
l’enregistrement du contrat à durée déterminée de plus de trois mois, dispose que
« l’omission par l’employeur ou le refus de l’inspecteur du travail du visa rend le
contrat nul ». Cette disposition s’applique aussi au visa du contrat de travail du
travailleur étranger, évoqué à l’article 72 qui exonère le contrat à durée indéterminée
du visa « sauf lorsqu’il s’agit du contrat nécessitant l’installation du travailleur hors de
sa résidence habituelle ou concernant un travailleur étranger 1; l’article 69 interdit de
recourir à un contrat à durée déterminée dans les six mois qui suivent un licenciement
pour motif économique pour pourvoir un poste supprimé ; et l’article 147 interdit
l’emploi de toute personne âgée de moins de 15 ans. Toutes ces dispositions sont
d’ordre public et sont susceptibles d’entraîner l’annulation du contrat. Elles visent à
protéger l’ordre public économique (protection de la main-d’oeuvre nationale pour le
visa des contrats des travailleurs étrangers) ou l’ordre public social (protection du
travailleur ou des adolescents).

Mais les principales causes d’annulation du contrat de travail, au Burkina Faso,


tiennent à l’irrespect des formalités concernant certains contrats et plus
particulièrement au non respect des conditions d’emploi des étrangers. Les causes les
plus courantes d’annulation du contrat proviennent de l’absence de visa aux contrats

1 L’article 14 du code de 1992 soumettait à la formalité du visa et de l’enregistrement « tout contrat stipulant une
durée supérieure à trois mois ou nécessitant l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle ou
concernant un travailleur étranger… ». La précision « ou concernant un travailleur étranger » ne figure pas à
l’article 64 du code de 2004, mai l’article 72 y renvoie : « dans ce cas, il est visé dans les mêmes conditions que
celles fixées pour le contrat à durée déterminée ».

112
des travailleurs étrangers et des apprentis1. L’absence de visa, qui est un vice de
forme, peut couvrir aussi un vice de fond (violation d’une interdiction d’embaucher,
par exemple) mais il est rare que le vice de forme aboutisse réellement à l’annulation
du contrat. Le juge peut requalifier par exemple le contrat à durée déterminée, qui n’a
pas été soumis au visa parce que verbal, de contrat à durée indéterminée 2 au lieu
d’appliquer l’article 64. Il peut de même requalifier le contrat de l’apprenti de contrat
de travail3. La cour d’appel de Ouagadougou estime que l’exigence du visa, qui est
une obligation qui incombe à l’employeur, vise à assurer la protection du travailleur et
qu’il s’agit d’une nullité relative qui doit être soulevée par les parties 4. Il y a lieu, par
ailleurs, de distinguer la nullité du contrat lui-même, de la nullité d’une clause du
contrat. L’inobservation d’une disposition contraire à l’ordre public n’entraîne pas
nécessairement la nullité du contrat, mais de la clause illégale. Il en est ainsi, par
exemple, des interdictions protectrices des droits fondamentaux de la personne
humaine : clause de célibat, restriction à la liberté d’opinion et d’expression, clause
abusive de non-concurrence… La nullité de la clause ouvre droit à une indemnisation
au plan civil, et peut aussi faire l’objet de sanctions pénales. La sanction de la nullité
du contrat tient compte de la diversité des buts de l’interdiction.

§ 2 - Les effets de la nullité du contrat


127. Les conséquences de la nullité du contrat ne sont pas les mêmes à l’égard
du travailleur et de l’employeur. Elles sont plus sévères à l’égard de l’employeur,
parce que celui-ci est presque toujours responsable de l’irrégularité du contrat : il lui
revient de rédiger le contrat par écrit et de solliciter le visa ou de s’assurer que le
travailleur ou l’apprenti est en situation régulière (âge par exemple). Ainsi, lorsque le
contrat est annulé par la faute de l’employeur, celui-ci devra payer au travailleur
toutes indemnités découlant des rapports de travail, en plus du salaire5.

A l’égard du travailleur, la jurisprudence limite les effets de la nullité du


contrat. La raison de cette mansuétude est que le travailleur est la partie la plus faible
et pour qui les formalités ont été instituées comme moyen de protection, sauf en ce qui
concerne le contrat du travailleur étranger dont la formalité de visa a en plus un but

1 Sur la question, à titre de droit comparé, v. Soc. 20 octobre 1965, D. 65, p.811 (apprenti) ; Soc. 2 février 1961, D.
61.236.
2 V. C. A. Ouagadougou, 18 mars 1997, C. D. c/ S., RBD n° 32, p. 320. (Administrateur adjoint engagé pour une

durée de six mois renouvelable, par contrat verbal)


3 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 73/90 du 7 septembre 1990, Wangré Lucien c/ Sawadogo Harouna
4 V. C. A. Ouagadougou, 4 mars 2003, Association pour le développement D. c/ K. I., RBD n° 43-44, p. 166, obs.

Paul Kiemdé; C. S. Ouagadougou, arrêt n° 9 du 7/3/ 2000, Fofana s. c/ CPSF


5 Soc. 9 février 1966, entreprise Pagot c/Cimadevilla, Bull. IV, n° 156, p. 131; Dr. soc. 1966, p. 426, obs. J

Savatier ; Dr. ouvrier, 1966.351 ; Rev. crit. D.I.P., 1966.620 ; GADT 2e édit. n°96 ; C.S. Sénégal, 25 juillet 1979
TPOM n°540 du 16 septembre 1981, p.370 ; T.T. Libreville 25 janvier 1980 TPOM n° 542 du 16 octobre 1981,
p.415. C. A. Ouagadougou, 2 mai 1980 RVD n° 2, juin 1982, p. 128, note K. Ouattara, précité ; C. A. Bobo 3
novembre 1986 RBD n° 14, 1988 p.458, note P. Kiemdé (Cas où la cour a refusé de condamné l’employeur à payer
les dommages et intérêts en invoquant le fait que le salarié savait son contrat irrégulier et ne l’invoque qu’après la
rupture) ; C.S. CI 29 novembre 1968, RID 1969 n° 4, p.26.

113
économique. Le travailleur, contrairement à l’employeur, a le plus à perdre dans la
nullité du contrat et, de plus, il n’a pas la responsabilité de l’accomplissement des
formalités.

Ainsi, à l’égard du salarié, la nullité du contrat, même dans le cas de nullité


d’ordre public tel que le contrat de l’étranger en situation irrégulière, n’a pas d’effet
rétroactif. En droit civil, le contrat nul est de « nul effet », c’est-à-dire qu’il devrait
être considéré comme n’ayant jamais produit d’effet. Les juridictions sociales
décident aussi que le contrat de travail nul est de « nul effet », ce qui suppose en toute
logique qu’il n’y a pas eu de relations professionnelles donc qu’il n’y a pas lieu de
payer des salaires, à plus forte raison des dommages et intérêts. Cette fiction de la
rétroactivité des effets de la nullité est très défavorable au travailleur et bénéfique à
l’employeur qui est souvent plus fautif.

128. Pour pouvoir condamner l’employeur à verser les salaires et même à


payer des dommages et intérêts, la jurisprudence écarte la fiction de la rétroactivité, en
utilisant une formule applicable à tous les contrats successifs : « si le contrat nul a été
exécuté, dit la cour de cassation française, les parties doivent être remises en l’état où
elles se trouvaient auparavant ; si en raison de la nature des obligations, il leur est
impossible de se restituer réciproquement ce qu’elles ont reçu, il y a lieu de tenir
compte de la valeur des prestations de chacune d’elles et de l’avantage que l’autre en a
retiré »1. L’employeur ne pouvant restituer la prestation, sera donc condamné à en
payer l’équivalent. Le travailleur pourra par conséquent obtenir le paiement de
l’équivalent de la rémunération correspondant au travail exécuté et des indemnités
compensatrices de préavis. Bien plus, il pourra obtenir : la délivrance du certificat de
travail et la délivrance du bulletin de paiement, et il bénéficiera des avantages de la
sécurité sociale car la sécurité sociale couvre le travailleur quelque soit la validité du
contrat. L’article 64 C.trav. est très explicite sur les effets de la nullité puisqu’il
affirme que « la nullité du contrat ouvre droit à des dommages et intérêts ».

Dans la pratique, les parties recourent rarement à une action en nullité. Le plus
souvent, l’annulation intervient, soit à l’occasion des contrôles administratifs comme
c’était le cas dans l’arrêt de la Cour de cassation française Entreprise Pagot, dans
lequel le travailleur était italien et la nullité avait été soulevée à la suite d’un contrôle
de l’inspecteur, soit comme dans l’arrêt de la Cour d’appel Bobo de 1986, après une
demande du travailleur à la suite d’une rupture des relations de travail.

1 Civ. sec. Soc, 8 avril 1957, D. 58, 221 ; Civ. Sect. Soc., 2 février 1961, D. 61, 236.

114
CHAPITRE IV - LA RUPTURE DU CONTRAT

129. Les modes de cessation des contrats de travail reposent sur la distinction
entre contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée. Le mode normal de
cessation du contrat à durée déterminée est l’arrivée du terme. L’autre mode de
cessation est la résolution judiciaire. Il n’y a pas de possibilité de rupture unilatérale
comme en ce qui concerne le contrat à durée indéterminée. Mais ces deux types de
contrats connaissent des causes communes de rupture et l’évolution tend à rapprocher
leurs modes de cessation. On examinera ce dernier aspect avant d’aborder
successivement les cas spécifiques de la rupture du contrat à durée déterminée, du
contrat à durée indéterminée, du licenciement pour motif économique et enfin des
obligations qui survivent à la rupture.

SECTION I - LES REGLES SIMILAIRES DE RUPTURE


130. Les profondes différences entre contrat à durée déterminée et contrat à
durée indéterminée se manifestent surtout sur le terrain de la rupture mais ce fait
n’exclut pas quelques similitudes de règles de rupture. Certaines causes de rupture
sont communes aux deux types de contrats et, par ailleurs, l’évolution tend à un
certain rapprochement des modes de rupture, notamment par la pratique d’un préavis
de non renouvellement.

§ 1 - Les causes communes de rupture


131. L’article 100 C.trav. énumère indistinctement les cas de cessation de la
relation de travail : l’accord des parties, l’annulation légale, l’arrivée du terme du
contrat à durée déterminée, la démission, le licenciement, la retraite, l’incapacité totale
de travail et le décès. Certains de ces cas de cessation sont communs aux deux types
de contrats et relèvent, selon M. Pansier, du droit commun1.

L’accord des parties est le mode normal et, si l’on peut dire, souhaitable de
rupture du contrat de travail. Il intervient par négociation entre l’employeur et le
travailleur en ce qui concerne le contrat à durée déterminée, y compris sur le mode
d’indemnisation de celui qui n’a pas pris l’initiative de la rupture. Il peut aussi s’agir
d’une négociation collective concernant tous les types de contrats. Le décès est
également une cause commune de cessation du contrat. Il met plus exactement fin au
contrat sans que l’on ne puisse parler d’imputabilité de la rupture. Dans le cas de la
retraite, la cessation ne peut s’analyser en une démission ou un licenciement. L’arrivée
de l’âge légal de la retraite ne contraint pas les parties, dans le secteur privé, à mettre
fin au contrat. Mais pour le travailleur, le départ à la retraite est un droit qu’il peut

1 F.-J. PANSIER, op. cit., p. 179.

115
faire valoir, tout comme l’employeur est en droit de ne pas désirer un prolongement
des relations de travail au delà de cette limite d’âge.

Les principales causes communes de rupture qui peuvent être sources de


contentieux sont la force majeure, l’annulation légale et l’incapacité totale de travail.

132. La force majeure est un fait extérieur à la volonté des parties, imprévisible
et irrésistible, rendant impossible l’exécution du contrat1. Elle n’est pas citée par
l’article 100, mais elle est explicitement citée comme cause de rupture du contrat à
durée déterminée à l’article 67 et à l’article 96 point 15, relativement à la suspension
du contrat, qui en donne une définition. Malgré le silence de l’article 100, qui semble
confiner l’effet de la force majeure à la suspension dans le cas du contrat à durée
indéterminée, elle entraîne, comme en matière de contrat à durée déterminée, la
rupture du contrat s’il ne peut y avoir espoir de réouverture de l’entreprise. Peuvent
constituer des cas de force majeure : le cataclysme naturel (inondation, tremblement
de terre etc.) ; l’incendie ; l’occupation par l’ennemi… Les motifs d’ordre
économique ou technique ne peuvent pas constituer des cas de force majeure, parce
qu’ils ne rendent pas impossible le maintien du contrat, ils rendent seulement son
exécution plus difficile ou plus onéreuse.

En matière de contrat à durée indéterminée, la force majeure a pour effet de


dispenser l’employeur de l’observation du délai de préavis, du paiement de
l’indemnité de licenciement ou du paiement de dommages et intérêts pour rupture
abusive. En matière de contrat à durée déterminée, la force majeure exonère les parties
de toute responsabilité du fait de la rupture, donc elle dispense du paiement de
l’indemnité de rupture anticipée.

133. Le fait du prince s’apparente à la force majeure en raison de son caractère


extérieur aux parties et irrésistible, mais sans s’y confondre. Relèvent du fait du
prince, par exemple, le retrait de carte de séjour ou l’expulsion du travailleur étranger.
L’article 100 C.trav. se réfère indirectement au fait du prince en citant comme cas de
cessation des relations de travail, l’annulation légale2.

L’incapacité totale de travail concerne la maladie du travailleur, qui n’est pas


assimilée à un cas de force majeure. Elle est une cause légitime de rupture aussi bien

1 M. Kirsch, op. cit., T.1, 1 ère éd., p.137; C. S. HV., 19 février 1964, TPOM n°200, p.4424 (nécessité d’une
longue durée).
2 L’annulation légale est un fait du prince dans la mesure où elle s’impose de manière irrésistible aux parties. Mais

l’assimilation du fait du prince à la force majeure est délicate dans la mesure où la rupture du contrat par suite de
l’intervention du pouvoir politique n’est généralement admise que dans les conditions strictes. Sous la révolution
du 4 août 1983, des licenciements ont été opérés sur injonction du pouvoir politique (v. Trib. Trav. Ouagadougou,
jugement n° 30 du 9 juin 1992, Kambou François. c/ S.B.E.). Ces injonctions ne peuvent être assimilées au fait du
prince, faute de base légale, même s’il était difficile d’y résister à l’époque. Il s’agit de licenciement sur pression
d’un tiers, qui est en principe non légitime. V. sur le cas de licenciement sur pression d’un tiers : C. S. ch. Jud.,
arrêt n° 71 du 15 mai 2001, Konaté M. c/ BIB

116
du contrat à durée déterminée que du contrat à durée indéterminée. Les obligations de
l’employeur, dans ce cas, sont spécifiquement réglementées.

§ 2 - Le rapprochement des modes de rupture


134. Outre les causes communes de rupture, la pratique professionnelle et la
jurisprudence tendent à rapprocher les modes de cessation des deux types de contrats.

S’agissant de la jurisprudence, d’une part, elle décide, et le législateur par la


suite, que le contrat à durée déterminée se transforme en contrat à durée indéterminée
dans les cas de prolongation tacite ou de renouvellements successifs, ce qui modifie
par là même les droits et obligations des parties lors de la cessation du contrat. D’autre
part, elle admet la rupture du contrat à durée déterminée sans intervention préalable du
juge, c’est-à-dire sans avoir à recourir à la voie de la résolution judiciaire 1. Elle
accueille donc la résiliation unilatérale pour faute lourde (pour faute grave en France).

En ce qui concerne la pratique professionnelle, les conventions collectives et


les contrats individuels peuvent prévoir, lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée
déterminée, des procédures de rupture qui sont normalement imposées dans le cadre
des contrats à durée indéterminée : il peut être stipulé que la partie qui n’entend pas se
réengager doit donner un préavis de non renouvellement dans un délai convenu. Une
telle clause est utile surtout en ce qui concerne les contrats renouvelables par tacite
reconduction. Mais si le contrat dit à durée déterminée se contente de dire que chaque
partie peut rompre à condition de donner un préavis, le contrat pourrait être requalifié
de contrat à durée indéterminée2.

Même en ce qui concerne les droits du travailleur en cas de rupture, le


rapprochement s’observe avec l’institution de l’indemnité de fin de contrat apparue
d’abord dans les conventions collectives. Cette pratique est consacrée par l’article 68
qui dispose : « l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée conserve au profit du
travailleur le bénéfice d’une indemnité de fin de contrat calculée sur les mêmes bases
que l’indemnité de licenciement telles que définie par les conventions collectives ».
En cas de rupture du contrat à durée déterminée, les éléments des droits à prendre en
compte ne différent du contrat à durée indéterminée que dans le mode d’évaluation
des dommages et intérêts.

1 Soc. , 8 avril 1976, Badri c/ Aymé, Jurisp.UIMM, 1976, n° 365, p. 280; GADT, 2 e édit., n°116 (faute commise
par l’employé qui invoque l’impossibilité de rupture unilatérale et le fait que la résolution doit être demandée en
justice - cas d’absence injustifiée).
2 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 70 du 3 juin 1997, ADRA-BF c/ O. née Sebgo Fati.

117
SECTION II - LA RUPTURE DU CONTRAT
A DURÉE DÉTERMINÉE

La rupture du contrat à durée déterminée est marquée par l’interdiction de la


rupture anticipée, le contrat devant être mené à terme.

§ 1 - L’interdiction de la rupture unilatérale


135. Aux termes de l’article 67 C.trav. (article 31 du code de 1992) « il ne peut
être mis fin avant terme à un contrat de travail à durée déterminée qu’en cas d’accord
parties constaté par écrit, de force majeure ou de faute lourde. En cas de contestation,
la juridiction compétente apprécie ». Cet article pose un principe dont la violation est
sanctionnée par des dommages et intérêts. Ce principe souffre tout de même
d’exceptions.

A – LE PRINCIPE

136. Le contrat à durée déterminée ne doit normalement pas prendre fin avant
l’arrivée du terme. Aucune partie ne peut, par sa seule volonté, imposer la rupture.
Cette interdiction constitue à la fois un avantage et une contrainte. L’avantage est que
l’employeur peut compter sur la stabilité du travailleur jusqu’au terme convenu et ce
dernier est assuré d’une rémunération jusqu’à ce terme. La contrainte pour le
travailleur est qu’il ne peut se libérer parce qu’il se présente une opportunité d’emploi
plus intéressant. Pour l’employeur, la contrainte est qu’il ne peut se libérer, s’il
rencontre des difficultés financières ou devant des insuffisances avérées du travailleur,
qu’au pris fort.

B – LES EXCEPTIONS

137. Outre l’accord des parties et la force majeure, la rupture avant terme du
contrat de travail peut intervenir en cas de faute lourde. La rupture se présente alors
comme une sanction. La faute peut émaner de l’employeur ou du travailleur.
Constituerait une faute lourde le fait pour l’employeur ne pas verser les salaires ou de
modifier unilatéralement le contrat de travail. Il en sera de même pour le travailleur
qui n’exécute pas ses obligations contractuelles ou qui fait preuve d’indiscipline.

La rupture peut se faire par deux voies : une voie légale qui est la résolution
judiciaire, et une voie admise d’abord par la jurisprudence avant d’être consacrée par
la loi, celle de la résiliation unilatérale pour faute lourde.

En ce qui concerne la voie de la résolution judiciaire, la rupture anticipée du


contrat peut intervenir si une des parties n’exécute pas ses obligations. L’article 1184
C.civ. dispose, en effet, que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans

118
les contrats synallagmatiques, pour les cas où l’une des parties ne satisfera point à son
engagement ». Par application de cet article, le contrat peut être rompu si, par
exemple, l’employeur ne paie pas le salaire, ou si le travailleur refuse d’exécuter des
ordres (insubordination) ou s’absente du travail sans justification. Mais la faculté de
rupture prévue par l’article 1184 C. civ. ne s’exerce pas de plein droit : la résolution
doit être demandée en justice, faute de quoi, la rupture anticipée serait fautive.

S’agissant de la voie de la résiliation unilatérale prévue par l’article 67 C. trav.,


celle-ci est une dérogation au principe du recours préalable en justice. La
jurisprudence a été la première à admettre la possibilité de rupture unilatérale pour
faute lourde. La rupture immédiate peut donc intervenir, si une des parties commet
une faute lourde rendant impossible l’exécution normale du travail et le maintien du
contrat1. L’employeur prononce le licenciement pour faute lourde à ses risques et
périls : le juge peut estimer que la faute n’est pas lourde mais seulement grave, ce qui
rendrait, dans le cas du contrat à durée déterminée, la rupture abusive, dans une
interprétation stricte.

C – LA SANCTION

138. La rupture non fondée sur une faute lourde établie se traduit par
l’allocation de dommages et intérêts correspondant au préjudice subi, selon l’alinéa 2
de l’article 67, au profit de celui qui s’est vue imposer la rupture, 2 outre le paiement
éventuel de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article 68. Si la rupture est le fait
de l’employeur, l’indemnité qu’il devra payer au travailleur pourra comprendre les
rémunérations et les avantages de toute nature que celui-ci aurait perçus si le contrat
avait été exécuté jusqu’à son terme normal. Par exemple, si le contrat est de 2 ans et
la rupture intervient au bout de 1 ans et 6 mois, l’employeur auteur de la rupture devra
verser le salaire des 6 mois restant. En matière de dommages et intérêts, il revient au
juge d’apprécier le préjudice subi : il peut ne pas condamner l’employeur à payer la
contre-valeur de la totalité du temps restant à courir si le travailleur a aussitôt retrouvé
un autre emploi. En principe, le travailleur peut aussi être condamné à des dommages
et intérêts, mais ces cas sont rares car l’employeur n’estime généralement pas le
préjudice suffisant pour engager des poursuites.

§ 2 - La rupture par l’arrivée du terme


139. En principe, à l’arrivée du terme prévu, le contrat cesse automatiquement,
sans préavis. Mais compte tenu des inconvénients d’un tel système (précarité de
l’emploi, obligation de renégocier un autre contrat ou une prolongation), un délai de
préavis peut être prévu dans le contrat individuel ou s’imposer en vertu des

1 Soc., 8 avril 1976, Badri c/ Aymé, GADT, 2e édit., n°116 p.326.


2 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 8 du 6 février 2001, Koné S. c/ Bessey C. En dehors de la faute lourde, la
question est plus délicate en ce qui concerne le motif d’insuffisance professionnelle. V. Trib. Trav. Ouagadougou,
jugement n° 12 du 9 mars 1993.

119
conventions collectives. Ainsi est-il souvent stipulé que si à l’expiration du délai
prévu aucune des parties ne manifeste son intention de se libérer, le contrat est
automatiquement renouvelé pour la même durée et dans les mêmes conditions.

En l’absence de disposition dans le contrat prévoyant la possibilité de


prorogation, on considère qu’il y a tacite reconduction, lorsque les relations de travail
continuent après l’expiration du terme du contrat1 (le travailleur continue d’exercer et
l’employeur ne dit rien).

Dans le cas où le contrat est successivement renouvelé, celui qui veut rompre à
l’obligation de donner un préavis de rupture, en vertu de l’article 60 alinéa 2 C.trav.
pour qui la poursuite des services au-delà d’un renouvellement ou de deux contrats
« constitue de plein droit l’exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée ».
L’explication que donne la jurisprudence de la requalification du contrat à durée
déterminée successivement renouvelé en contrat à durée indéterminée est que ces
prorogations rendent indéterminée la durée totale du contrat2.

SECTION III - LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL


À DURÉE INDÉTERMINÉE
140. Le contrat à durée indéterminée prend normalement fin par la résiliation,
qui est la rupture par la volonté de l’une des deux parties. On parle de licenciement si
la rupture est le fait de l’employeur et de démission si la rupture survient par la
volonté du travailleur. Dans les deux cas, la rupture doit se faire dans le respect des
formes légales, conventionnelles ou contractuelles. Ce formalisme tranche avec le
principe de la libre volonté de contracter, parce que c’est dans ce domaine de la
rupture que le travailleur doit être le plus protégé.

§ 1 - Les conditions de forme de la rupture


La rupture doit obéir essentiellement à deux conditions de forme : l’écrit et le
préavis de rupture.

A - LA NECESSITE DE L’ECRIT

141. L’article 29 CCIP dispose : « la partie qui prend l’initiative de la rupture


du contrat doit notifier sa décision par écrit à l’autre partie ». Cette disposition est
confirmée par l’article 73 C.trav. : «le contrat de travail à durée indéterminée peut

1 C. A. Ouagadougou, 18 mars 1997, RBD n° 32, 2e semestre 1997, p. 320.


2 Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 19 mai 1981, RBD n° 7, janvier 1985, p. 88; Trib. Trav. Ouagadougou, 5 mai 1981,
RBD n° 9, janvier 1986, p. 83; Trib. Trav. Ouagadougou, 29 juillet 1986, RBD n° 12, décembre 1987, p. 548; Trib.
Trav. Ouagadougou, 26 avril 1988, RBD, n° 16, juillet 1989, p. 281; C. A. Ouagadougou, 4 mai 1990, RBD n° 22,
juillet 1992, p. 321; C. A. Ouagadougou, 15 juin 1990, RBD n° 22, juillet 1992, p. 328; C. A. Ouagadougou, 7
décembre 1999, RBD n° 37, 1er semestre 2000.

120
toujours cesser par la volonté de l’une des parties sous réserve du respect des règles
sur le préavis… ». Cette résiliation est donc subordonnée à un préavis notifié par écrit
par la partie qui prend l’initiative de la rupture1. Ni le code du travail, ni la convention
collective interprofessionnelle n’évoque un entretien préalable. Même s’il n’est pas
expressément imposé, l’entretien permet à l’employeur de bien évaluer la faute en
entendant les explications du travailleur et d’éviter le reproche de licenciement brutal.
Il permet au travailleur de présenter ses moyens de défense et peut-être d’éviter ou
d’adoucir la sanction. La notification de la décision doit être faite, suivant l’article 29
CCIP, soit par lettre recommandée, soit par remise directe de la lettre au destinataire
contre reçu ou devant témoins. Elle peut être faite par remise au délégué du personnel
avec copie à l’inspecteur du travail si la notification est rendue impossible du fait du
travailleur.

L’écrit constitue un élément de protection pour le travailleur parce qu’il lui


fournit des éléments de preuve. Il permet : de donner date certaine au congédiement,
ce qui facilite le respect des délais de préavis et l’exercice éventuel de la priorité de
réembauchage lorsqu’il s’agit d’un licenciement collectif (ou pour raison économique)
; de savoir qui a pris l’initiative de la rupture ; au travailleur de contester les motifs
invoqués. L’objet principal de l’écrit est de fixer le motif du licenciement 2 et le point
de départ du préavis. Celui-ci commence à courir à partir de la notification et ne peut
être subordonné à aucune condition suspensive ou résolutoire. L’article 83 C.trav.
interdit la notification du préavis et, par conséquent, interdit le licenciement pendant le
congé du travailleur ou à une date trop proche du départ en congé : « si l’une des
parties désire mettre fin au contrat avant le départ du travailleur en congé, notification
doit être faite à l’autre partie quinze jours francs avant le départ ». Il s’agit, en
s’inspirant du cas de la femme enceinte, de ne pas transformer brutalement le congé,
qui doit être une période de repos, en cauchemar. La sanction de la méconnaissance de
cette prescription est la majoration des indemnités de congé d’un mois, pour les
travailleurs à salaire mensuel, ou de huit jours pour les salariés payés à l’heure ou à la
journée

L’écrit n’est pas la seule formalité obligatoire. D’une manière générale, la


liberté de résiliation doit être exercée dans le respect des formes et conditions prévues
par les règlements et les conventions collectives, notamment l’obligation de donner un
préavis de rupture.

B - LE PREAVIS DE RUPTURE

142. Le préavis est le fait d’avertir et d’observer un délai avant la rupture


effective. Le préavis peut prendre deux formes : le délai, ou une indemnité
représentative du délai.

1Artile 74 C.trav.
2 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 38 du 17 avril 2001, Zongo Paul c/ Le mobilier Oubda P. ; C. A. Ouagadougou,
arrêt n° 122 du 4 décembre 2001, Station ELF route de Bobo-Dioulasso c/ Sanou M.

121
1) Le délai de préavis

Jusqu’au code de 2004, la durée du délai de préavis était fixée par le contrat,
les conventions collectives ou, en l’absence de convention collective, par décret pris
en conseil des ministres après avis de la Commission consultative du travail.

La durée du délai tient compte de la durée du contrat et des catégories


professionnelles. La convention collective de 1974 prévoit les délais minima suivants,
par catégories professionnelles :
- 8 jours pour les travailleurs à salaire non mensuel ;
- 1 mois pour les travailleurs à salaire mensuel ;
- 3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
- 3 mois pour les ingénieurs, cadres supérieurs et assimilés.
L’article 75 C.trav. reprend les mêmes durées en simplifiant seulement la
présentation : huit jours pour les travailleurs dont le salaire est fixé à l’heure ou à la
journée ; un mois pour les employés autres que les agents de maîtrise et les cadres ;
trois mois pour les agents de maîtrise et les cadres.

Pendant la période de préavis, les parties sont tenues aux obligations


contractuelles. La rupture avant la fin du délai est abusive1. Mais durant cette période,
le travailleur a droit, selon l’article 30 § 2 CCIP, à deux heures par jour ou deux jours
par semaine d’absence pour la recherche d’un emploi. L’article 76 C.trav. prévoit
plutôt, de manière ferme, que « le travailleur bénéficie pendant la durée du préavis de
deux jours ouvrables de liberté par semaine à plein salaire ». Le problème peut se
poser de savoir si le travailleur a le choix entre deux heures par jour ou deux jours par
semaine : compte tenu du caractère largement postérieur de la loi par rapport à la
convention collective, on peut penser que le législateur à voulu trancher une question
qui peut être source de divergence entre les parties2. La règle qui veut que la
convention collective puisse contenir des dispositions plus favorables au travailleur
peut inciter à penser que celui-ci conserve toujours le choix entre deux heures par jour
et deux jours par semaine.

2) L’indemnité compensatrice de préavis

143. Le co-contractant qui n’aura pas observé l’obligation de donner un


préavis de rupture du contrat ou qui n’aura pas effectivement respecté le délai devra
payer une indemnité compensatrice. L’employeur peut d’ailleurs préférer verser
l’indemnité compensatrice et dispenser le travailleur d’exécuter ses obligations. Le
montant de l’indemnité compensatrice correspond, selon l’article 77, à la

1 Cass. so., 6 oct. 1971, D. 1971, J. 707 ; C. A. Abidjan, 4 février 1969, RID n°3, 1970, p.60; Trib. Trav.
Ouagadougou, 6 juin 1978, RVD n° 3, Janvier 1983, p. 75; C. A. Ouagadougou, 18 avril 1980, RVD n° 3, 1983, p.
77, note K. Ouattara.
2 Le code de 1962 accordait au travailleur un jour de liberté par semaine en précisant « pris à son choix,

globalement ou heure par heure ».

122
rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur
durant le préavis. Se trouveront toutefois exclus les avantages qui ont un caractère de
libéralité. De tels avantages sont rares tant les libéralités prennent rapidement le
caractère d’usage d’entreprise et se transforment en droits. La partie à l’égard de
laquelle les obligations pendant la durée du préavis n’ont pas été respectées est
dispensée d’observer le délai de préavis restant à courir et peut réclamer des
dommages et intérêts.

La convention collective de 1974 prévoit, en faveur du salarié, des dérogations


à l’obligation de respecter le délai de préavis. Selon l’article 32 CCIP, celui-ci n’aura
pas à verser des indemnités pour inexécution du préavis dans les cas suivants :
- lorsqu’il a exécuté le préavis au moins à moitié et qu’il justifie se trouver
dans l’obligation d’occuper immédiatement un nouvel emploi. ;
- lorsque la durée totale du préavis est égale ou inférieure à 8 jours, à condition
d’avertir l’employeur de son départ 24 h à l’avance.
L’article 76 alinéa 4 améliore et modifie ces dérogations en disposant de
manière générale qu’en cas de licenciement « et lorsque le travailleur licencié se
trouve dans l’obligation d’occuper immédiatement un nouvel emploi, il peut, après
avoir informé l’employeur, quitter l’établissement avant l’expiration du préavis sans
avoir de ce fait à payer l’indemnité compensatrice ». Cette possibilité n’est ouverte
qu’en cas de licenciement et pour le travailleur qui prouve devoir occuper un nouvel
emploi. S’il s’agit d’une démission, le travailleur serait mal venu de vouloir se libérer
avant l’expiration du préavis.

Il est des cas, par contre, où le respect du préavis n’est pas nécessaire.

3) Les exceptions au respect du préavis

144. Les parties ne sont pas tenues au respect du préavis, que ce soit sous
forme de délai ou de paiement d’indemnité, lorsque la rupture est consécutive à une
faute lourde, sous réserve de l’appréciation du juge1. Le juge qualifie la faute sous le
contrôle de la cour de cassation, car l’existence de la faute est une question de fait qui
se distingue de sa qualification. L’existence de la faute est souverainement appréciée
par les juges du fond, mais l’appréciation de la gravité de la faute est un point de droit
susceptible de faire l’objet d’un recours en cassation2.

La faute lourde est définie comme « une faute excessivement grave, qui rend
impossible le maintien du travailleur au sein de l’entreprise ». On considère alors que
le maintien du travailleur aura un effet perturbateur3.
1 Article 78 C. trav.
2 C. S. Cameroun, 15 mars 1979, TPOM n°542 du 16 octobre 1981, p.433.
3 V. C.S. Cameroun, 25 janvier 1979, TPOM n°537 du 16 juillet 1981, p.303. A comparer à la définition de la

faute lourde en matière de sécurité sociale : « faute intentionnellement dolosive, ou inexcusable par sa maladresse
ou ses conséquences ». Dans la décision de la cour suprême du Cameroun, un employé a froissé et jeter une note de
service devant son chef. Ce n’est pas une faute lourde a estimé le juge : le geste résulte d’un mouvement de colère.

123
L’appréciation du degré de la faute dépend souvent des circonstances de temps
(réaction immédiate ou différée) de lieu (en public ou hors témoin) de la qualification
du travailleur (ouvrier ou cadre). Mais certaines fautes sont en général qualifiées de
fautes lourdes. Ce sont, du côté du salarié : les cas d’injures, de coups et blessures, de
détournement, de vol etc.1. Du côté de l’employeur, seront considérées comme fautes
lourdes, par exemple : le non-paiement de salaire2, les promesses non tenues d’une
situation stable ou les promesses non tenues d’augmentation de salaire…

Certaines fautes, par contre, sont considérées en général comme des fautes
graves et non des fautes lourdes. C’est le cas : du refus de travail3, du refus
d’affectation, de la participation à une grève illicite, de la négligence, de la longue
absence sans autorisation ou des absences répétées. Mais il s’agit de lignes générales
de la jurisprudence, car des appréciations particulières peuvent retenir la qualification
de faute lourde et non pas de faute grave4. A la différence de la faute lourde, la
qualification de faute grave a pour conséquence que la rupture est légitime mais
l’indemnité de préavis doit être versée5.

Malgré le respect des formes à l’occasion de la rupture, l’exercice du droit de


résiliation peut constituer un abus de droit si les conditions de fond ne sont pas
remplies.

§ 2 - Les conditions de fond de la rupture : rupture abusive et


rupture légitime

145. Le respect des formes de rupture ne constitue pas une protection


suffisante pour le travailleur. Il faut apprécier, au fond, les motifs de la rupture. Ceci
est nécessaire pour éviter l’utilisation abusive du droit de résiliation unilatérale. En
effet l’abus de droit peut se réaliser même si la forme a été respectée, même si, par
exemple, le préavis a été régulièrement donné.

La question des conditions de fonds de la rupture invite à s’interroger sur : les


critères de l’abus dans la rupture ; les sanctions de la rupture abusive ; la notion de
licenciement légitime.

1 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 27 juin 1978, CM c/ SVE, RVD n°3, p.74 : violences et voies de fait sur supérieur
hiérarchique. CM a accordé des marchandises non encore en stock et signé des décharges de livraison. Il avait déjà
reçu un avertissement, 2 blâmes et 3 mises à pieds. Décision du tribunal : les coups et violences sont des fautes
autrement graves.
2 Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 30 du 27 avril 1993, in Zombré et SY, Recueil, p. 78 ; Trib. Trav. Bobo-

dioulasso, jugement n° 1 du 8 avril 1993, in Zombré et Sy, Recueil, p. 74.


3 Trib. Trav. Ouagadougou, 13 nov. 1979, RVD n°2, 1982, p.127, TL c/CNDI – (comptable licencié pour

indiscipline caractérisée, refus de travail, refus de constituer des pièces de son dossier, refus de donner des
renseignements à son directeur lors d’une réunion en disant que la réunion est sans objet. Décision du Tribunal :
l’employé n’est pas juge des tâches qui lui sont confiées).
4 Dans ce sens de la qualification de faute lourde, voy. Trib. Trav., Bobo-DIoulasso, 5 juillet 1982, RVD n°5 de

1984, p.74 ; ce jugement qualifie de faute lourde un cuisinier qui s’est absenté trois jours sans justification.
5 Trib. Trav. Ouagadougou, 12 juillet 1988, Sienou Allassane c/ Zabré Joanny.

124
A – LA RUPTURE ABUSIVE

L’article 80 C.trav., reprenant l’article 34 du code du travail de 1992, définit la


rupture abusive par une énumération non limitative de cas. Cette démarche paraît
moins satisfaisante que celle de l’ancien code de 1962 qui avait recours à une
définition synthétique.

1) Les critères

146. L’article 39 al. 2 du code de 1962 donnait certains critères de la rupture


abusive, pouvant être regroupée en deux volets :
- le licenciement pour des motifs interdits, c’est-à-dire celui fondé sur les
opinions politiques, philosophiques, religieuses du travailleur, sur sa race, sur son
sexe, ou sur son appartenance ou sa non appartenance à un syndicat déterminé ; et,
- d’une manière plus large, le licenciement sans motif légitime.

La jurisprudence s’est chargée de préciser cette notion de licenciement sans


motif légitime. Elle englobe : le licenciement pour un motif faux ou inexact1, le
licenciement qui constitue une atteinte à une liberté telle que la liberté de présenter des
revendications. Par exemple, serait abusif le licenciement après réclamation d’une
augmentation de salaire ou après que le travailleur ait consulté l’inspecteur du travail 2.
En outre, la jurisprudence burkinabè fait souvent recours à la notion de licenciement
sans cause réelle et sérieuse employée par l’article L. 122-14 du code du travail
français.

Les critères jurisprudentiels du renvoi abusif tiré de l’exigence d’un motif


légitime, sont très variés. Ils peuvent être résumés comme suit :

1° Le licenciement qui n’est pas motivé par l’intérêt de l’entreprise. Le renvoi


dans ce cas, constitue un détournement du droit de résiliation.

1 Trib. Trav. Ouagadougou, 7 octobre 1986, RBD n° 12 décembre 1987, p. 549 (non-lieu pour les faits à l’origine
du licenciement); Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 20 du 15 février 1994 in Zombré L. et Sy A., Recueil, p.
217 (test pour nomination à un emploi supérieur constituant en réalité un piège pour se débarrasser d’une salariée);
C. A. Ouagadougou, 15 avril 1997, RBD n° 33, 1 er semestre 1998, p. 149 (perte de confiance invoquée); C. A.
Ouagadougou, arrêt n° 76 du 3 juillet 1997, SOREMIB c/ Nabi M.; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 110 du 21 octobre
1997, PAM c/ O. R. Le fait peut être exact mais ne pas concerner les rapports entre l’employeur et le travailleur :
C. A. Ouagadougou, 2 juin 1989, RBD n° 22, juillet 1992, p. 319 (vol de chèvres au préjudice de la belle-mère-
perte de confiance – non).
2 Trib. Trav. Ouagadougou 22 décembre 1981, TPOM n° 373 du 16 décembre 1983, p.80 (une dactylographe

estimant n’être pas classée dans la grille correspondant à sa catégorie, demande un reclassement. L’employeur la
licencie pour retards et absences injustifiées. Décision du tribunal : les absences sont justifiées par la maladie, et, de
toute façon, on ne peut sanctionner deux fois une même faute) ; Voy. aussi Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 19 mai
1981, op. cit., RVD n°7. Contra : Trib. Trav. Ouagadougou 18 décembre 1987, Kaboré Hamidou c/Nanema Jean-
Pierre (harcèlement pour obtenir une augmentation de salaire. Le tribunal conclu à la légitimité du licenciement
parce qu’il y a rupture du rapport de confiance).

125
2° La violation des règles de forme légales ou contractuelles de rupture,
notamment le non respect du préavis1, encore que cet amalgame entre forme et fond
soit critiquable.

3° L’intention de nuire : Le licenciement intempestif, brutal, dans des


conditions délibérément vexatoires. Le caractère intempestif indique souvent une
intention de nuire. Il en est de même lorsque l’on renvoie un cadre comme un
malpropre2, de manière humiliante.

4° La légèreté blâmable. Il s’agit ici du comportement excessif de l’employeur,


qui licencie sans respect des formes (écrit, préavis) ou pour une faute peu grave (par
exemple : employé très ancien licencié pour une peccadille), ou encore, tout autre
comportement dans lequel l’employeur manque de faire preuve de responsabilité3. La
notion de légèreté blâmable recouvre les notions ci-dessus relatives au non respect des
formes, au caractère intempestif ou brutal du licenciement.

147. L’article 80 C.trav. de 2004 procède par énumération : « la rupture du


contrat, dit cet article, est notamment abusive dans les cas suivants :

« 1) Du fait de l’employeur :
- lorsque le licenciement n’a pas été notifié par écrit ;
- lorsque le motif invoqué est inexact ;
- lorsque le licenciement est motivé par les opinions du travailleur, son activité
syndicale, son appartenance ou non à un syndicat déterminé, son statut sérologique4 ;
- lorsque le licenciement est motivé par la grossesse de la travailleuse ou la
naissance de son enfant ;
- lorsque le licenciement est motivé par le fait que le travailleur sollicite,
exerce ou a exercé un mandat de représentation des travailleurs ;
- lorsque le licenciement est motivé par le fait que le travailleur a déposé une
plainte ou participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de

1 Trib. Trav. Ouagadougou, 6 juin 1978, RVD n°3, p.75 (l’employeur reproche à l’employé plusieurs fautes. Il lui
enjoint de démissionner, puis il le licencie le lendemain. Décision du juge : le licenciement est prononcé
hâtivement, sans respect des formes); C. A. Ouagadougou, 15 avril 1997, RBD n° 32, 2 e semestre 1997, p. 325.
2 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 67 du 7 juin 1994, in Zombré L. et SY A., p. 223; Trib. Trav. Ouagadougou, 29

décembre 1981 TPOM n°574 du 2 mars 1983, p.102, RBD n°8, 1985, p.203. Chef magasinier licencié, un autre
embauché à sa place quelque temps après. Décision du juge : compression non établie ; C. A. Ouagadougou 18
avril 1980 RVD n°3 p.77, note K. Ouattara.
3 V. C. A. Ouagadougou, 5 avril 1991, RBD n° 25, janvier 1994, p. 154, note P. Kiemdé (test de recrutement,

admission, enquête de moralité tardive, licenciement abusif); Trib. Trav. Ouagadougou, 14 janvier 1986, RBD n°
12, décembre 1987, p. 547 (promesse non tenue : test, admission, annulation plusieurs mois après pour raison
budgétaire); Trib. Trav. Ouagadougou, 27 novembre 1974, RBD n° 9, janvier 1986, p. 82 (vol insignifiant); C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 87 du 2/5/1998, Tiemtoré née S. C. c/ Fédération WENDYAM (débauchage, promesses non
tenues).
4 Il s’agit d’une innovation du code de 2004 visant à empêcher le licenciement des séropositif du SIDA. Sur la prise

en considération de l’activité syndicale, v. Trib. Trav. Ouagadougou, 19 mai 1981, RBD n° 7, janvier 1985, p. 90,
note S. Yonaba ; Trib. Trav. Ouagadougou, 30 juin 1981 RBD n° 8, 1985, p. 204.

126
violations alléguées de la législation nationale ou a saisi les autorités administratives
compétentes1 ;
- lorsque le licenciement est motivé par la race, la couleur, le sexe, l’état
matrimonial, les responsabilités familiales, la religion, l’opinion politique,
l’ascendance nationale ou l’origine sociale du travailleur.
2) Du fait du travailleur :
- lorsque la démission n’a pas été notifiée par écrit ».

L’énumération est fastidieuse mais elle mérite d’être faite pour montrer à quel
point l’entreprise est vaine. L’exigence de la notification du licenciement ou de la
démission n’appelle pas d’autres commentaires, encore que, comme le reconnaissent
certains codes, il ne s’agit pas d’un licenciement abusif. Le caractère abusif du
licenciement motivé par les opinions du travailleur, son appartenance syndicale, ou
motivé par la maternité était déjà contenu dans l’ancien code de 1962.

148. Il ressort donc que la modification essentielle réside dans le fait de


remplacer l’expression « licenciements effectués sans motifs légitimes » par
l’expression « lorsque la motivation est inexacte ». Cette substitution ne paraît pas très
heureuse, dans la mesure où la dernière expression est plus restreinte. En effet, le
motif légitime a été explicité par la jurisprudence positivement et négativement. Est
un motif légitime celui qui répond à l’intérêt de l’entreprise (intérêt économique ou de
maintien de la discipline). Est illégitime le licenciement : sans motif (ce qui est rare),
pour un motif faux ou inexact, pour un motif peu sérieux. Le motif peut même être
exact mais jugé illégitime parce qu’il porterait atteinte à une liberté individuelle (ex.
coiffure ou tenue vestimentaire extravagante).

De plus, la définition analytique ou énumérative est vaine, parce que le


législateur ne peut énumérer toutes les nuances de comportements illégitimes. La
preuve est qu’après le code de 1992, la liste a été allongée de plusieurs tirets. On peut
dire que c’est une consécration de cas tirés de la jurisprudence mais il ne nous paraît
pas utile de le faire : si la jurisprudence est établie et le législateur n’est pas opposé, à
quoi sert-il de légiférer, au risque d’entraver la souplesse et la capacité de nuance
qu’apporte le juge ? L’autre argument en faveur de l’énumération peut être d’affirmer
la défense des droits humains. Mais l’énumération reste inutile lorsque d’autres
dispositions du code interdisent de prendre en compte telle ou telle considération. Par
exemple, l’article 3 interdit toute discrimination dans l’emploi et définit la
discrimination et, surtout, l’article 48 interdit à l’employeur « toute discrimination de
quelque nature que ce soit, en matière d’accès à l’emploi, de conditions de travail, de
formation professionnelle, de maintien dans l’emploi ou de licenciement, notamment
par rapport au statut sérologique et à l’appartenance syndicale du travailleur ».

1 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 33 du 18 mars 1997, RBD n° 32, 2 e semestre 1997, p. 332 (licenciement après visite
de représentants du syndicat); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 45 du 8 mai 2001, Mission Baptiste c/ N. J. et autres
(arrêt rendu sur renvoi après un 1er arrêt cassé par l’arrêt n° 24 du 15 juin 1999 de la Cour suprême).

127
Il aurait donc mieux valu conserver la définition synthétique du code de 1962,
modifiée en 1973, quitte à faire suivre cette définition par des exemples pertinents ou
des cas pour lesquels le juge ne pouvait pas décider autrement sans faire œuvre de
législateur, comme le cas du travailleur séropositif.

2) La preuve de l’abus

149. La sanction de la rupture abusive ne peut être suffisamment dissuasive


que si le travailleur, que l’on veut protéger, peut aisément administrer la preuve de
l’abus. En effet, la sévérité de la sanction ne suffit pas à dissuader l’employeur des
licenciements abusifs si celui-ci a beaucoup de chance d’y échapper.

En droit commun, il revient au demandeur d’apporter la preuve de l’abus. Si


l’on appliquait cette règle, il reviendrait le plus souvent au travailleur de démontrer
l’inexactitude du motif du licenciement, d’établir le motif véritable et son caractère
abusif. Cette preuve est positivement difficile à faire. On s’est alors demander s’il
fallait renverser la charge de la preuve en exigeant de l’employeur d’établir la preuve
du caractère légitime du licenciement. Jusqu’à la reforme de 1992 le législateur se
refusait à cette solution, et la jurisprudence ne la consacrait pas non plus
expressément. Celle-ci admettait des cas constitutifs d’abus et des tempéraments à la
charge de la preuve1.

Les codes africains ont été en avance sur la législation française parce qu’ils
comportaient des mécanismes qui rendaient plus facile l’administration de la preuve
de l’abus. Ces facilités étaient déjà contenues dans le Code du travail d’Outre-mer de
1952, alors qu’elles n’ont été introduites en France que lors de la réforme du code du
travail par la loi du 13 juillet 1973 qui substituait une procédure inquisitoire à la
procédure accusatoire2 et mettait ainsi les parties à égalité dans la charge de
l’administration de la preuve.

La première facilité, dans le cadre burkinabè, découlait de la disposition de


l’ancien article 39 al. 1 du code de 1962 : « la juridiction compétente, disait cet article,
constate l’abus par une enquête sur les causes et circonstances de la rupture du
contrat ». Ce pouvoir accordé au juge est toujours d’application. Il déroge à la règle de
la procédure accusatoire du droit civil et introduit une procédure inquisitoire qui peut
être d’un grand secours pour le travailleur dans la révélation de la preuve de l’abus.
De même la procédure inquisitoire peut permettre d’établir plus facilement qui est
l’auteur réel de la rupture dans les situations où le travailleur a été conduit à
démissionner sous la contrainte ou par des manoeuvres de l’employeur. Mais
l’ouverture de l’enquête est laissée à l’appréciation du juge, qui peut accepter ou
rejeter une requête en ce sens. Le juge peut refuser d’ouvrir une enquête, soit parce

1 Exemple : cas de la femme en grossesse où l’employeur doit faire la preuve que le licenciement n’est pas lié à la
grossesse.
2 Voy. l’article L.122-14-3.

128
que le travailleur (le demandeur) ne fournit aucun indice de preuve, soit parce qu’il
s’estime suffisamment informé1.

La deuxième facilité découlait de l’article 39 al. 2 qui déclarait abusif les


licenciements sans motif légitime ou les licenciements opérés pour un certain nombre
de motifs (opinions du travailleur, son appartenance ou non à un syndicat). La preuve
de l’abus de droit se trouvait facilitée par l’exigence d’un motif légitime. L’abus de
droit est constitué lorsqu’il y a absence de motif, inexactitude du motif ou illégitimité
du motif. Il n’est plus indispensable de faire la preuve du motif véritable et de son
caractère abusif : il suffit de démontrer que le motif avancé est faux ou inexact2.

150. Aujourd’hui, l’ancien article 33 du code de 1992, repris par l’article 79 du


code de 2004, va plus loin et consacre ce qui est couramment appelé le renversement
de la charge de la preuve : « En cas de contestation sur le licenciement, l’employeur
est tenu de faire, devant la juridiction compétente, la preuve de la légitimité des motifs
allégués pour justifier la rupture ». L’article 107 (ancien article 38 in fine), à propos
des licenciements pour motif économique, confirme le renversement de la charge de la
preuve : « en cas de contestation sur le motif des licenciements, la charge de la preuve
incombe à l’employeur ».

On peut toutefois se demander quelle est l’utilité d’une telle opération hardie
mais qui peut heurter le sentiment premier du juriste. En effet : il a été souligné le
caractère avancé des codes africains et les techniques très protectrices du travailleur
utilisées auparavant par la juridiction du travail (caractère inquisitoire) et les
réticences du juriste lorsque l’on opère un renversement de la charge de la preuve3,
surtout dans un procès entre particuliers. Ces raisons seraient de nature à inciter à
émettre des réserves sur le bien fondé de ces dispositions.

Mais, en réalité, ces dispositions ne dispensent pas le travailleur de toute


obligation dans la charge de la preuve. Elles ont pour effet de faire profiter au salarié
du bénéfice du doute sur la réalité du motif, dans le cas précis du licenciement où le
salarié tient la position de victime. Il faut que celui-ci apporte des éléments de preuve
qui détruise ou sèment le doute dans l’esprit du juge, sur la réalité et la caractère
sérieux des motifs avancés par l’employeur pour le licencier. C’est à ce niveau que
réside l’intérêt de l’exigence d’un écrit qui énonce clairement le motif du licenciement
et dont il devra convaincre le juge de la réalité. Si, par exemple, la preuve de la faute
alléguée du salarié ou de son insuffisance n’est pas établie, parce que les éléments de
preuve apportés par le travailleur ou l’enquête du juge l’ont détruite, le licenciement
perd sa base. Or la logique des textes est que, si le travailleur peut se désengager à sa
1 C. S. H.V. 26 déc. 1975 Sotesa c/Tra Van Than, Bull. C. sup. n°3, TPOM n° 491, p.316 ; C. S. H.V. 27 décembre
1970, Henry Pierre c/ Voltex, Bull n C. sup., n°4.
2 Trib. Trav. Ouagadougou, 31 août 1987, Ouédraogo Saïdou c/ Kanazoé Oumarou, non publié (l’absence de

motivation rend la rupture manifestement injuste).


3 Le renversement de la charge de la preuve devant les TPR (tribunaux populaires de la révolution) a été beaucoup

dénoncé.

129
guise sous réserve du préavis, l’employeur ne peut rompre le contrat sans motif
légitime1. Ce motif fait défaut si sa réalité est douteuse.

B – LA RUPTURE LEGITIME

151. Les questions qui se posent sont de savoir dans quelles situations peut-on
qualifier le licenciement de légitime et quelle conséquence tire-t-on du caractère
légitime du licenciement par rapport aux droits des travailleurs.

1) Les causes légitimes de rupture

La rupture légitime est d’abord celle qui est justifiée par une faute lourde ou
une faute grave commise par le co-contractant. Elle est aussi celle qui est motivée par
l’intérêt de l’entreprise, même en l’absence de toute faute du co-contractant. D’une
manière générale, le motif de l’intérêt de l’entreprise justifiant la rupture du contrat se
rattache à trois cas :

1° - La discipline au sein de l’entreprise. Le licenciement apparaît ici, comme


la sanction suprême pour faire respecter la discipline. Ce cas est lié à la commission
d’une faute : par exemple les injures, le refus de travail, la désobéissance, la mauvaise
gestion, les détournements, les vols etc.2.

2° - L’inaptitude du travailleur. On y entend aussi bien l’inaptitude


professionnelle (rendement insuffisant, manque de conscience professionnelle), que la
mauvaise manière de servir (ex : employé aux renseignements coléreux, ou les
mauvaises relations avec les autres membres du personnel)3.

1 V. PELISSIER (J.) et autres, op. cit. n° 418, p. 527 : « puisque le droit de licencier n’existe qu’autant qu’il existe
une cause réelle et sérieuse, l’impossibilité pour le juge de constater une cause réelle et sérieuse doit le conduire à
constater que les conditions d’existence du droit font défaut et que le licenciement a été irrégulièrement
prononcé ». Le code français est explicite à cet égard depuis une révision de l’article L. 122-14-3 qui énonce : « si
un doute subsiste, il profite à l’accusé ».
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1984, TPOM n° 659, p.487 (refus d’exécuter une tâche.); C. A.

Ouagadougou, 16 février 1999, RBD n° 36, 2e semestre 1999 p. 319 (refus de rejoindre un poste d’affectation) ;
Trib. Trav. Ouagadougou, 12 septembre1989, RBD n° 19-20, 1991, p. 121 (Perte de confiance, actes nuisibles) ;
Trib. Trav. Ouagadougou, 26 sept. 1989, RBD n° 19-20, 1991, p. 122 (refus d’obéissance, menace, diffamation –
absence de conciliation), note YONABA ; C. A. Ouagadougou, 18 avril 1986, RBD n° 14, 1988, p. 457
(attributions de chaque employé – interprétation) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 18 décembre 1981, VOLTELEC,
RBD n° 8 janvier 1985, p. 201 (Faute lourde, infraction aux règles de sécurité, sabotage, condamnation
correctionnelle, 13e mois dû) ; Trib trav. Ouagadougou, 18 août 1981, RBD n° 8, 1985, p. 207 (gardien, retard, état
d’ébriété, double faute) note YONABA ; Trib. Trav. Ouagadougou 27 juin 1978, RBD n° 3, 1983, p. 74 (violences
sur le supérieur) ; Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1979, RBD n° 2, juin 1982, p. 127 (refus d’exécution
d’un travail, attitude injurieuse) ; C. S. BF., arrêt n° 8 du 15 mai 1990, Barro Adama c/ TOTAL (comportement
dangereux). V. également les décisions publiées dans : L. ZOMBRE et A. SY, Recueil, pp. 127 et S.
3 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 13 novembre 1979, TPOM n° 525, p.28 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 31 janvier

1984, TPOM n° 657, p.443; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, jugement n° 24 du 9 juin 1994, in L. Zombré et A. SY,
Recueil, p. 162 (négligences, fautes professionnelles); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 64 du 7 juin 1994, L. Zombre
et A. SY, Recueil, p. 158 (endettement auprès des subordonnés entraînant perte d’autorité) ; C. A. Ouagadougou,
arrêt n° 69 du 16 avril 1996, in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 179 (rendement insuffisant, absentéisme
chronique); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 99/97 du 1/7/1997, Ouédraogo Virginie c/ BEMES.

130
3° - L’organisation économique et technique de l’entreprise. Ce motif n’est pas
lié à une faute du travailleur. Il vise les cas de compression de personnel liée à la
situation économique et financière de l’entreprise, à une modernisation des techniques
d’exploitation faisant appel à moins de main-d’œuvre ou au cas spécifique
« d’africanisation » du personnel. La validité du motif d’africanisation est admise par
la jurisprudence, mais assez discutée par la doctrine1 et plus difficile à invoquer de nos
jours.

2) Les droits du travailleur licencié

152. L’employeur, en dehors du cas de faute lourde, doit verser au travailleur


licencié les droits suivants : des indemnités représentatives du préavis si le délai de
préavis n’a pas été observé ; des indemnités compensatrices de congés payés ou du
reliquat de congés payés ; une indemnité de licenciement. La légitimité du
licenciement exonère l’employeur seulement du paiement de dommages et intérêts,
qui ne sont dus qu’en cas de rupture abusive.

L’indemnité de licenciement est destinée à compenser la perte de l’emploi et à


récompenser la stabilité du travailleur dans la même entreprise. C’est dans ce double
objectif que son montant tient compte de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise.
Le mode de calcul de cette indemnité est prévu par l’art. 35 CCIP de 1974. Suivant
cet article, l’indemnité de licenciement « est représentée, pour chaque année de
présence accomplie dans l’entreprise, par un pourcentage déterminé du salaire global
mensuel moyen des 6 mois d’activité qui ont précédés la date du licenciement ». Le
salaire global est entendu comme « toutes les prestations constituant une contrepartie
du travail, à l’exclusion de celles présentant le caractère de remboursement de frais ».
Pour en bénéficier le salarié doit avoir accompli une durée de service égale à la
période de référence donnant droit de jouir des congés payés, c’est-à-dire un an ou 12
mois.

Pour calculer l’ancienneté dans l’entreprise, l’on tient compte des durées de
présence correspondant à plusieurs embauchages dans la même entreprise, si les
départs précédents avaient été motivés par des causes économiques. Dans ce cas, il
sera déduit de l’indemnité à verser les indemnités qui ont déjà été versées lors des
départs précédents.

Les pourcentages applicables sont de :

1 Trib.Trav. Bobo-Dioulasso, 3 juin 1980, RVD n°5 de 1984, p.72 (licenciement d’un expatrié après suppression
de 2 postes de directeur, puis embauchage d’un travailleur comme directeur adjoint. Décision du juge : le
licenciement est légitime car la compression est réelle, la suppression des deux postes étant effective); C. A.
Ouagadougou, 20 novembre 1992, RBD n° 25, janvier 1994, p. 159 (restructuration, plan de redressement,
licenciement légitime); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 66 du 7 juin 1994, in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 160.

131
25 % du salaire global mensuel moyen pour les 5 premières années ;
30 % pour la 6ème à la 10ème année incluse ;
40 % pour la période au-delà de la 10ème année.

Le contrat de travail ou les statuts du personnel peuvent prévoir des


pourcentages plus élevés (par exemple 25 %, 40 % et 50 %)

Exemple de calcul : soit un salarié qui a douze ans et six mois d’ancienneté de service
et 50. 000 francs comme salaire mensuel moyen des six derniers mois (total des
salaires des six derniers mois divisé par six). Son indemnité de licenciement sera de :

12 ans et 6 mois font :


1° tranche : 5 ans (soit 50000x25x5 :100)
2° tranche : 5 ans (soit 50000x30x5 :100)
3° tranche : 2 ans et 6 mois (soit 50000x40x2 :100 + 50000x40 :100x [6 :12])

50.000 x 25 x 5 50.000 x 30 x 5 50.000 x 40 x 2


----------------------- + ------------------------ + ------------------------ +
100 100 100

50.000 x 40 6 50.000 x 40 x 6
----------------- x ---- ou ---------------------
100 12 12 x 100

Soit, après simplifications :


500 x 25 x 5 = 62 500
500 x 30 x 5 = 75 000
500 x 40 x 2 = 40 000
500 x 20 = 10 000

TOTAL : 62500 + 75000 + 40000 +10000 = 187 500

Le total de son indemnité de licenciement qu’il percevra (187 500 Fcfa)


représentera à peu près 3 mois et demi de son salaire.

132
§ 3 – Les sanctions de la rupture abusive
153. L’innovation dans le domaine de la sanction de la rupture abusive date du
code de 1992 dont l’article 33 al. 2 (aujourd’hui article 79 al. 2) dispose : « tout
licenciement abusif donne lieu à la réintégration du travailleur et en cas d’opposition à
la réintégration, à des dommages et intérêts ». Le fait de prévoir l’opposition indique
que la réintégration ne peut être imposée par le juge, en ce qui concerne le salarié
ordinaire. Il y a donc deux formes alternatives de réparation, l’indemnisation par
paiement de dommages et intérêts et la réintégration.

A – LES DOMMAGES ET INTERETS

154. Le législateur burkinabé se contente de poser un principe, en laissant une


presque entière liberté au juge pour l’évaluation du préjudice. Ce qui suscite des
critiques adressées aux juges sur leurs systèmes d’évaluation.

1) Le principe de l’indemnisation selon le préjudice subi

Le mot indemnisation peut être employé dans un sens large incluant les droits
légaux et les dommages et intérêts, ou dans un sens restreint, désignant seulement les
dommages et intérêts. Nous ne considérons ici que le sens restreint.

Les dommages et intérêts sont fixés par le juge, « en tenant compte de tous les
éléments qui peuvent justifier l’existence et déterminer l’étendue du préjudice
causé »1, notamment des usages, de la nature des services engagés (catégorie du
travailleur, secteur d’activité), de l’ancienneté de service du travailleur, des droits
acquis (droits aux congés payés ou à une prime). En d’autres termes, les dommages et
intérêts sont fonction du préjudice subi par le travailleur ou du préjudice probable. Ils
ne se confondent pas avec l’indemnité représentative de préavis et l’indemnité de
licenciement prévues par le contrat, les conventions collectives ou la loi.

La sanction de la rupture abusive vaut aussi, en principe, pour la démission


abusive du travailleur. Celui-ci peut également avoir à payer des dommages et intérêts
à l’employeur qui aurait subi un préjudice en raison de l’inexécution du contrat. Mais
l’hypothèse de la démission abusive ne concerne que la démission sans préavis, ce qui
limite en réalité les dommages et intérêts à l’indemnité représentative du préavis sauf
si l’employeur peut prouver un autre préjudice subi. La démission du travailleur ne
semble pas soumise à une condition de fond et, en tout état de cause, même si la
raison profonde peut être illégale (démission en raison du changement de religion ou
d’appartenance politique de l’employeur), il ne lui est pas exigé de motiver sa

1V. l’article 82 C. trav. (et l’ancien article 34 du code de 1992) et l’article 67 en ce qui concerne le contrat à durée
déterminée.

133
démission. En plus des dommages et intérêts dus par le travailleur, la responsabilité
solidaire du nouvel employeur du salarié ayant abusivement démissionné peut être
engagée aux cas où cet employeur1 :
- a débauché le travailleur ;
- l’a embauché en sachant qu’il est déjà lié par un contrat de travail ;
- continue de l’employer après avoir appris que le travailleur est encore lié par
un contrat, sauf si au moment où il a été averti, le contrat de travail abusivement
rompu par le travailleur arrive à expiration.

C’est surtout sur l’évaluation du préjudice que reposent les critiques sur la
jurisprudence burkinabè.

2) L’évaluation du préjudice

155. Souvent, les juridictions burkinabè ne se donnent pas la peine d’une


évaluation concrète du préjudice faisant apparaître la base, se contentant de
l’expression vague : le tribunal dispose d’éléments suffisants d’appréciation pour
estimer le montant des dommages et intérêts à telle somme. Or une insuffisante
motivation donne au justiciable un sentiment d’arbitraire en matière d’allocation de
dommages et intérêts et alimente toutes les suspicions à l’égard de la justice2.

Dans le cas du contrat à durée déterminée, si la rupture est le fait de


l’employeur, l’indemnité qu’il devra payer au travailleur peut comprendre les
rémunérations et les avantages de toute nature que celui-ci aurait perçus si le contrat
avait été exécuté jusqu’à son terme normal. Si, par exemple, le contrat prévoit une
durée de deux ans et la rupture intervient au bout d’un an et six mois, l’employeur,
auteur de la rupture, devra verser le salaire des 6 mois restants. En matière de
dommages et intérêts, il revient au juge d’apprécier le préjudice réellement subi : il
peut ne pas condamner l’employeur à payer la contre-valeur de la totalité du temps
restant à courir si par exemple le salarié a entre temps retrouvé un emploi.

Dans le cas du contrat à durée indéterminée, les balises sont quasi-inexistantes.


La faute en revient d’abord au législateur qui ne fait aucune distinction entre
licenciement irrégulier en la forme et licenciement, quant au fond, illégal (interdit) ou
non justifié ou sans motif légitime d’une manière générale. La Cour suprême, dans un
arrêt n° 70 du 15 mai 2001, semble d’ailleurs souligner cette responsabilité du
législateur : « attendu qu’aucun barème n’ayant été institué par le législateur auquel le
juge de fond serait absolument tenu ainsi que c’est le cas dans certaines législations
étrangères (France, Sénégal…) aucun pourvoi en cassation pour violation de l’article

1 V. article 84 C. trav. de 2004; C. A. Ouagadougou, 17 juin 1997, K.A.R. c/ I., RBD n° 34, 2 e semestre 1998, p.
285 (démission abusive, débauchage, remboursement de frais de formation); C. A. Ouagadougou, arrêt 36, du 18
mars 1997, G.J. c/ SRF (démission, débauchage).
2 Un ministre de la Justice, feu Somé Timothée, a eu à dénoncer ce procédé comme ouvrant la porte à des abus. V.

aussi, P. KIEMDE, note sous C. A. Ouagadougou, 15 avril 2003, RBD n° 43-44, 2003, pp. 172 et S.).

134
39 alinéa 6 de l’ancien code du travail ne saurait être valablement et raisonnablement
interjeté contre une décision ayant statué sur les dommages-intérêts en la matière ; que
le pouvoir souverain accordé au juge du fond par la loi le soustrait d’office au contrôle
de la Cour suprême sur le terrain de la violation de la loi ». Par contre, dans un arrêt n°
24 du 15 juin 1999, Mission Baptiste, la Cour suprême a eu à casser un arrêt de la
Cour d’appel de Ouagadougou pour absence de motif quant à la fixation des
dommages-intérêts en lui reprochant de s’être contentée de reprendre la motivation
vague du tribunal : « attendu que ces formulations aussi vagues que laconiques
s’apparentent à l’absence de motif ne permettant pas à la Cour suprême d’exercer son
contrôle ».

156. On peut tout de même relever une certaine évolution de l’attention des
juges sur cette question. Certaines décisions de la Cour d’appel font ressortir la
différence entre forme et fond. Ainsi : un arrêt n° 43 du 21 juillet 1998, SCFB contre
O.A. et 5 autres, constate, dans une affaire de licenciement collectif dont était compris
un travailleur protégé, qu’il s’agit d’un licenciement irrégulier et non d’un
licenciement abusif ; dans l’arrêt n° 45 du 15 avril 1997, Soré Z. contre ex. ORD du
centre, elle réformait un jugement en ce qui concerne la fixation des dommages et
intérêts en estimant la demande « excessive quant au quantum …., si l’on sait que le
travailleur a aussi commis une faute lourde ». (le licenciement a été opéré par le
directeur seul sans passer par le conseil de discipline) ; enfin, dans l’arrêt n° 122 du 04
décembre 2001, la Cour d’appel confirme un jugement en constatant que « le
licenciement … est abusif tant en sa forme qu’en sa motivation ». C’est l’application
du caractère abusif à la forme et au fond, mais la distinction est en soi importante,
parce qu’elle permet de faire preuve de transparence. Le mot transparence est en soi
vague et sujet à querelle sur sa réalité, mais il illustre une attente, qui n’est pas une
contestation du pouvoir du juge d’évaluer le préjudice mais de son excès
d’hermétisme ou le manque de lisibilité de ses décisions, selon un autre langage en
vogue1. Cette transparence peut être recherchée à deux niveaux.

Un premier niveau de transparence consisterait à marquer la différence entre


licenciement irrégulier et licenciement abusif ou entre licenciement abusif en la forme
et licenciement abusif quant au fond. Les préjudices ne sont pas les mêmes dans les
deux cas.

Le second niveau de transparence doit être recherché dans le procédé de


fixation des dommages et intérêts en cas de licenciement dit abusif, illégitime ou non
justifié quant au fond. On peut relever d’ailleurs quelques décisions anciennes où ce
souci apparaissait. Ainsi, dans l’arrêt n° 54 du 6 novembre 1981, VOLTELEC contre

1 Exemple de décision illisible : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 21 du 18/02/1997, R.S. Zongo c/ Faso Fani. Dans
cette décision, le jugement accorde 5.000.000 Fcfa, la Cour d’appel trouve la somme exagérée et accorde
2.000.000 tout rond sans que personne ne puisse se faire une idée des bases d’estimation. Par contre, certaines
décisions donnent la base d’évaluation : par exemple l’arrêt n° 56 du 26/6/2001, T.L. contre ONBAH, de la Cour
d’appel de Ouagadougou a condamné l’employeur à payer des dommages-intérêts de 30 mois de salaires.

135
Z.M., la Cour d’appel de Ouagadougou réformait un jugement en se référant à sa
propre jurisprudence : « attendu qu’en la matière, la Cour a toujours octroyé un mois
de salaire par année de présence ». De même, dans l’arrêt du 04 décembre 1981,
SOVOIC contre Kaboré Pivot, elle réformait un jugement par ces termes : « attendu
par contre que la somme de 175000 francs allouée à K.T.I. dit Pivot à titre de
dommages et intérêts est excessive et ne respecte pas la jurisprudence de la Cour
d’appel qui consiste à allouer en la matière un mois de salaire par année de présence ».

Il ne s’agit pas de préconiser de reprendre purement et simplement cette


jurisprudence qui n’est pas à l’abri de critiques : la première critique est qu’elle était
peut-être bonne dans les années 1980, période où il n ‘y avait pas tant d’instabilité de
l’emploi, de chômage et de difficulté à retrouver un emploi ; la seconde est qu’elle
fige la fixation des dommages et intérêts à un mois par année de présence, ce qui ne
permet pas de personnaliser la sanction pour tenir compte de la réalité du préjudice
subi. L’on peut tout de même souhaiter une pratique consistant à indiquer ses bases
d’évaluation : préjudice matériel, préjudice moral éventuellement et la base de calcul
(tant de mois)1.

157. Au paiement de dommages-intérêts peut se greffer d’autres formes de


réparations liées, non pas strictement à la rupture, mais à l’irrespect antérieur de la
réglementation. Ainsi, il arrive fréquemment que l’employeur soit condamné à payer
des rappels de salaires sous forme de différentiels parce que l’employé était sous
classé. De même, il se peut que le travailleur ait été déclaré tardivement à la sécurité
ou n’était pas du tout déclaré2 ou encore que les cotisations n’étaient pas
régulièrement payées. Dans ce dernier cas, il est plus facile de condamné l’employeur
à payer ces arriérés de cotisations. Par contre, si le travailleur n’a été déclaré qu’au
bout d’un certain temps après l’engagement ou n’était pas du tout déclaré, il nous
semble plus difficile de procéder à des immatriculations rétroactives sans risquer des
complications juridiques sur les questions de savoir s’il faut l’accord de la CNSS, sur
la couverture rétroactive en matière de maladie professionnelle, sur l’imputabilité de
la dette de cotisation en matière d’assurance vieillesse etc. Il s’agit évidemment dans
ces cas d’un préjudice qui peut se traduire en dommages et intérêts. L’immatriculation
rétroactive n’est pas à confondre avec une validation de services entre la Caisse
nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse autonome de retraite des
fonctionnaires (CARFO).

1 Si l’on accorde un ou deux mois par année de service ou globalement un an ou deux ans de salaires, on doit
pouvoir le dire et en spécifier les raisons. Si le législateur fait confiance au juge de fond en le laissant libre
d’apprécier le préjudice subi, c’est au juge de mériter cette confiance en partant de bases compréhensibles
d’évaluation. Il en va de l’intérêt de la justice qui limiterait ainsi les suspicions injustes ou légitimes.
2 V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt ° 67 du 2/11/1998, Somda J.C. c/ SDV.

136
B - LA REINTEGRATION

158. La réintégration se présente aujourd’hui comme la première forme de


réparation avant les dommages-intérêts. Selon l’article 79, al.2, « tout licenciement
abusif donne lieu à réintégration et en cas d’opposition à la réintégration, au paiement
de dommages-intérêts ». L’article 282, al.3, est encore plus ferme en ce qui concerne
le délégué du personnel : « si l’autorisation n’est pas accordée, le délégué du
personnel est réintégré avec paiement des salaires afférents à la période de
suspension ».

1) La réintégration du travailleur protégé.

159. Les travailleurs protégés sont les délégués du personnel et leurs


suppléants, les délégués du personnel sortants pendant un certain temps1, les candidats
aux postes de délégués, les délégués syndicaux2, les membres du bureau du comité
syndical3.

La base du droit à réintégration est l’obligation d’obtenir une autorisation de


l’inspecteur du travail avant leur licenciement. Le licenciement sans autorisation est
purement et simplement illégal et encourt la nullité. Il ne s’agit plus de l’exercice
abusif d’un droit puisque l’employeur perd le droit d’en décider tout seul. En effet, si
au départ l’on s’était posé la question de savoir si la réintégration pouvait être imposée
à l’employeur, aujourd’hui la solution est d’affirmer le caractère d’ordre public de
l’obligation de solliciter l’autorisation. La jurisprudence française considère le refus
de réintégration comme constitutive d’une voie de fait au plan civil4 et, au plan pénal,
comme constitutive du délit d’entrave aux fonctions de délégué5.

L’article 282 C.trav. affiche le même caractère impératif : le travailleur peut


faire constater la nullité et demander sa réintégration ou des dommages-intérêts, à son
choix. L’employeur n’a pas un choix entre la réintégration et le paiement de
dommages et intérêts : le refus de réintégration peut constituer le délit d’entrave
consistant à s’opposer à l’exercice régulier des fonctions de délégué 6. Ce délit est puni
d’une amende de 50.000 Fcfa à 300.000 Fcfa et/ou d’une peine emprisonnement d’un
mois à trois ans. En cas de récidive, l’amende passe de 300.000 à 600.000 francs et
l’emprisonnement de deux mois à cinq ans.

L’employeur peut seulement prononcer une mise à pied en cas de faute lourde
en attendant la décision de l’inspecteur, qui doit intervenir dans les trois mois (au lieu
1
Article 282 al.6.
2
Article 266.
3
Article 260 al.3.
4 V. Cass. ch. mixte, fr., 26 octobre 1968, Detœuf , D. 1968, p. 706 ; GADT, 3e édit. n° 147 ; et Soc., 14 juin 1972,
Revêt–sol c/ Dal Poz, GADT, 3e édit,. n° 148.
5 V. Crim., 28 mai 1968, D. 1969, p. 471.
6
Article 388 al. 6.

137
de six mois sous le code de 1992). Il peut également exercer un recours hiérarchique
auprès du ministre chargé du travail qui peut examiner la question en légalité ou en
opportunité1. La décision du ministre est susceptible d’un recours en annulation
devant la juridiction administrative, soit par le travailleur, soit par l’employeur. La
précision de la voie de recours ouverte signifie que l’employeur ne peut user de la
voie parallèle de l’action en résolution judiciaire2.

Il est à signaler que la situation de faillite ou de dissolution de l’entreprise ne


dispense pas l’employeur de l’obligation de solliciter l’autorisation. C’est précisément
dans ces situations difficiles que les travailleurs ont besoin de leurs représentants pour
pouvoir négocier. La demande d’autorisation permet à l’inspecteur de vérifier que
l’employeur ne prend pas prétexte de la situation pour se débarrasser en premier lieu
des représentants.

2) La réintégration du travailleur non protégé

160. La réintégration du travailleur non protégé a été longtemps refusée 3, au


nom du droit de résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée et du principe
selon lequel l’obligation de faire se résout en dommages et intérêts. Ces bases ne sont
pas totalement remises en cause : la réintégration doit être proposée à l’employeur. En
cas de refus de celui-ci, il est condamné à payer des dommages et intérêts.

La première décision, avant l’admission légale, à admettre la possibilité de


prononcer la réintégration a été celle de la Cour d’appel de Ouagadougou du 21
février 1986 rendue pratiquement contre l’esprit du code du travail de l’époque4, qui
entendait exclure la réintégration du travailleur non protégé. Elle a donc devancé ou
incité le législateur à légiférer. La Cour s’est placée sur le terrain de la recherche
d’une juste réparation du caractère abusif du licenciement.

La différence par rapport à la réintégration du travailleur protégé est que


l’employeur peut refuser la réintégration. Cette possibilité de refus suppose que le
juge prenne soin d’abord de proposer la réintégration. Cette précaution vaut surtout en
appel dans la mesure où le recours en cassation n’est pas suspensif : on éviterait ainsi
que l’on assimile à une « difficulté d’exécution de décision de justice » le fait que
l’employeur refuse la réintégration après le verdict.

1 V. Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 14 décembre 1981, RBD n°6, juillet 1984, p. 191.
2 V. contra : Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 4 décembre1979 et 14 décembre 1981, RBD n° 6, p. 189, note Yonaba.
3 V. Trib. Trav. Koudougou, 15 février 1984, RBD n° 9, janvier 1986, p. 91; Trib. Trav. Koudougou, 29 février

1984, RBD n° 9, janvier 19986, p. 95; Trib. Trav. Koudougou, 13 juin 1984, RBD, n°9, p. 97.
4 V. C. A. Ouagadougou, 21 février 1986 et C .A. Bobo-Dioulasso, 6 mai 1985, RBD n° 11, juin 1987, pp. 380 et

s., note Yonaba; C. A. Ouagadougou, 6 mars 1987, RBD n° 14, juillet 1988, p. 474; C. A. Ouagadougou, 4 mai
1990, RBD n° 22, juillet 1992, p. 324.

138
SECTION IV - LE LICENCIEMENT POUR MOTIF
ÉCONOMIQUE
161. Le code d’avant 1992 ne contenait pas de disposition sur le licenciement
pour motif économique. Ce vide juridique était partiellement comblé par l’article 34
de la CCIP de 1974 relatif au licenciement collectif. Cette dernière notion est plus
restreinte que celle de licenciement pour motif économique en ce qu’elle n’envisage
pas le licenciement d’un seul travailleur pour motif économique. L’article 38 du code
de 1992 consacre pour la première fois la notion de licenciement pour motif
économique. Cette disposition a été fractionnée en plusieurs articles (101 à 106), pour
des raisons de commodité, dans le code de 2004.

§ 1 - La notion de licenciement pour motif économique1


Il convient de définir la notion de licenciement pour motif économique et de
préciser dette définition en examinant son champ d’application.

A – DEFINITION

162. Aux termes de l’article 101 C.trav., « constitue un licenciement pour


motif économique tout licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs
motifs non inhérents à la personne du travailleur et résultant d’une suppression ou
transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutive à des
difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à des restructurations
internes ».

De cette définition, il ressort un premier élément : Le licenciement pour motif


économique est celui non inhérent à la personne du travailleur, c’est-à-dire celui qui
ne résulte pas d’une faute du travailleur ou de son insuffisance professionnelle2. Et
c’est parce qu’il n’est pas inhérent à la personne du travailleur que l’article 11, al. 5,
CCIP prévoit que « le travailleur congédié par suite de suppression d’emploi ou de
compression de personnel conserve pendant deux ans la priorité d’embauchage dans la
même catégorie d’emploi ». Mais toute rupture non inhérente à la personne du
travailleur n’est pas un licenciement pour motif économique : la force majeure par

1 Bibliographie : FRIER P. L., Le contentieux administratif des grands licenciements économiques, Dr. soc. n° 6,
juin 1990 ; JEANMMAUD A., La notion de licenciement pour motif économique, Dr. soc. n° spécial, mars 1981 ;
PELISSIER (J.), Les licenciements pour motif économique, Dr. soc. n° 6, juin 1990 ; SAVATIER J., L’ordre des
licenciements dans les licenciements pour motif économique, Dr. soc. n° 6, juin 1990 ; SOISSON J.-P., Les
restructurations industrielles : un enjeu économique et social, Dr. soc. n° 1, janvier 1989, p. 2 ; charte des
licenciements économiques en France : loi du 20 décembre 1986 réformant la loi du 3 janvier 1975 ; accord
collectif interprofessionnel du 20 octobre 1986. Sur la jurisprudence burkinabè, v. Léontine ZOMBRE et Arouna
SY, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), pp. 256 à 292.
2 V. C .A. Ouagadougou, 15 mars 1994, PPIL c/ D. Z., RBD n° 26, juillet 1994, p. 302 (suppression d’un poste de

coordonnatrice, licenciement avant réorganisation, licenciement inhérent à la personne du travailleur, licenciement


abusif)

139
exemple n’entre pas dans cette définition parce qu’il y a rupture mais pas
licenciement.

Pour avoir le caractère économique, le licenciement doit, en deuxième lieu,


être consécutif :
- soit à des difficultés économiques (baisse de production, difficultés
d’approvisionnement ou d’écoulement) ;
- soit à des mutations technologiques (automatisation de chaînes de
production);
- soit à des restructurations internes. Il faut ici rappeler que la modification de
la situation juridique de l’employeur ne doit pas entraîner une rupture des contrats de
travail conformément à l’article 95 C.trav. (art. 39 ancien).

Le motif économique est donc celui tenant au désir de l’employeur de


réorganiser ou restructurer son entreprise, suite à des difficultés économiques, à des
mutations technologiques ou pour de simples raisons d’efficacité. L’employeur a le
droit de le faire en vertu de son pouvoir de direction de l’entreprise. Il peut donc par
suite, procéder à des :
- suppressions d’emplois ;
- transformations d’emplois, ce qui revient à la suppression des anciens
emplois ;
- modifications de contrats de travail.

Dans ce dernier cas (modification de contrat) le travailleur qui refuserait la


modification de son contrat peut être licencié pour motif économique dans l’hypothèse
où la modification est substantielle.

B – CHAMP D’APPLICATION

163. Le champ d’application de l’article 101 C.trav. est plus large que celui de
l’article 34 CCIP de 1974 relatif au licenciement collectif. Le licenciement pour motif
économique peut concerner un travailleur ou plusieurs travailleurs. La procédure de
l’article 101 s’applique à tous les travailleurs quelles que soient leurs catégories
d’emplois, aux contrats en cours comme aux contrats suspendus. Elle s’applique de
même aux délégués du personnel. Mais quelques questions restent posées dont les
réponses sont plus ou moins certaines.

La première question est de savoir jusqu’à quel point la procédure du


licenciement pour motif économique s’applique-t-elle au licenciement d’un seul
travailleur? Par l’expression tout licenciement, l’article 101 englobe ce cas.
L’employeur doit respecter la procédure prévue car l’objectif de cette procédure est de
l’amener à discuter avec les délégués du personnel pour rechercher une solution autre
que le licenciement ou de permettre le contrôle de la réalité du motif, afin d’éviter
que, sous le couvert d’une fausse réorganisation, le motif économique ne cache une

140
sanction personnelle1 ou un choix arbitraire. Mais l’employeur devra-t-il soumettre ce
seul cas aux différentes phases de la procédure décrite par l’article 102 qui prévoit
l’intervention de l’inspecteur du travail, la consultation des délégués et la transmission
du dossier au Ministre du travail ?2. La réponse ne peut être que nuancée : la phase de
consultation des délégués et de l’inspecteur doit être respectée, mais le licenciement
d’un seul travailleur n’appelle pas une procédure d’établissement de liste.

La deuxième question est de savoir si les titulaires de contrats à durée


déterminée sont concernés. La question se pose d’autant plus que l’article 67 dispose :
« il ne peut être mis fin avant terme à un contrat à durée déterminée qu’en cas
d’accord parties constaté par écrit, de force majeure ou de faute lourde.». Sauf
hypothèse où le contrat prévoit la rupture pour motif économique (ce qui reviendrait à
un blanc seing en faveur de l’employeur et s’interprèterait comme un contrat à durée
indéterminée), le contrat à durée déterminée ne devrait pas être concerné. En cas de
rupture, l’employeur devra payer une indemnité équivalente à la période restant à
courir3. C’est là aussi l’aspect contraignant du contrat à durée déterminée.

La troisième question concerne le licenciement de la totalité du personnel,


c’est-à-dire la fermeture de l’entreprise. L’article 101 ne vise pas expressément ce cas.
Par contre, dans le code de 1992, l’article 39 §2 disposait que « la cessation de
l’entreprise, sauf cas de force majeure ne dispense pas l’employeur de respecter les
règles établies dans la présente section. La faillite et la liquidation judiciaire ne sont
pas considérées comme des cas de force majeure ». En omettant cette disposition, le
législateur de 2004 semble implicitement écarter la nécessité de suivre cette
procédure. Le problème s’est déjà posé devant la Cour d’appel de Ouagadougou à
propos de la nécessité d’une demande d’autorisation de licencier le délégué du
personnel en cas de fermeture4. La cour avait estimé la procédure non obligatoire.
Mais, en cas de fermeture de l’entreprise, ce sont des licenciements pour des motifs
non inhérents à la personne des travailleurs. L’intérêt de respecter la procédure
spéciale des articles 101 à 106 est de permettre la recherche d’autres voix que la
fermeture. Du reste, l’article 380 C.trav. prévoit que l’employeur doit déclarer à
l’inspecteur du travail et au service chargé de l’emploi, la fermeture, le transfert, la
mutation, et plus généralement, tout changement affectant l’établissement dans un
délai de 6 mois avant la survenance de l’événement. Cette déclaration a pour but de
permettre les contrôles nécessaires. Le respect de la procédure de licenciement pour
motif économique permettra au personnel (par l’intermédiaire de ses délégués) et à
1 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 51 du 22 juin 1993, L. Zombré et A. SY., Recueil, p. 264.
2 C. A. Ouagadougou, arrêt n°67/92 du 5/6/1992, chantiers modernes c/ Tapsoba François; C. A. Ouagadougou,
arrêt n° 12 du 18 février 1997, PHAR-FASO c/ Yaméogo Z. N.
3 V. J. ISSA-SAYEGH, droit du travail sénégalais, op. cit., p. 623 : « Toutefois, les travailleurs dont le contrat à

durée déterminée ne peuvent voir leur contrat rompu, avant terme, pour un motif économique, si on s’en tient à la
lettre de l’article 45 C. trav. et au fait que l’article 47 C.trav. ne concerne que la rupture du contrat à durée
indéterminée ». V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 71 du 19 juin 1992, in L. Zombré et A. SY, p. 259.
4 C. A. Ouagadougou, 18 janvier 1994, M. A. c/ N. D. et 15 autres, RBD n° 28, juillet 1995, p. 284, note Paul

Kiemdé; in L. Zombré et A. SY, Recueil, p. 266 (l’employeur n’est pas tenu de suivre la procédure prévue par l’art.
174 c. trav.).

141
l’administration de discuter les alternatives à la fermeture, et de contrôler la réalité des
motifs de fermeture. L’article 101 devrait pouvoir recevoir application, tout au moins
dans le cas de fermeture volontaire (liquidation amiable de société, fermeture
unilatérale de l’entreprise individuelle). Cette applicabilité serait d’autant plus utile
qu’il peut y avoir des cas de fermeture fictive1. Cette procédure apparaît par contre
difficilement applicable dans les cas de fermeture involontaire (liquidation judiciaire
ou faillite, fermeture administrative).

§ 2 - La procédure de licenciement pour motif économique


164. L’article 102 (ancien art. 38 § 2) fixe l’esprit de la procédure de
licenciement pour motif économique en disposant que : « pour tenter d’éviter un
licenciement pour motif économique, l’employeur qui envisage un tel licenciement
doit consulter les délégués du personnel, s’il en existe, et rechercher avec eux en
présence de l’inspecteur du travail du ressort, toutes possibilités telles que : la
réduction des heures de travail, le travail par roulement, le travail à temps partiel, le
chômage technique, le réaménagement des primes, indemnités et avantages de toute
nature, voire la réduction des salaires ». Le but de la procédure est d’éviter, autant que
faire se peut, les licenciements. De véritables négociations doivent être engagées entre
l’employeur et les travailleurs représentés par leurs délégués, en présence de
l’inspecteur du travail.

Ces négociations étaient enfermées dans un délai de 30 jours dans le code de


1992. Dans l’article 102, alinéa 3, il n’est plus mentionné de délai. Pourtant, ce court
délai se justifiait par le fait que si les négociations traînent en longueur, d’une part, la
situation de l’entreprise peut empirer et aboutir à la fermeture définitive et, d’autre
part, les travailleurs peuvent être tentés de recourir à des moyens de lutte non
pacifique. L’impossibilité, en pratique, de respecter le délai de 30 jours a
probablement conduit à la suppression de tout délai.

Si les négociations aboutissent, un procès-verbal signé par les parties et par


l’inspecteur constate l’accord et précise les mesures retenues et la durée de leur
validité. Mais le travailleur peut individuellement refuser par écrit d’accepter les
mesures décidées. En ce cas, il ne sera pas considéré comme démissionnaire, mais
comme licencié par l’employeur. Il aura droit au préavis et à l’indemnité de
licenciement.

165. Ce n’est que lorsque les négociations échouent ou lorsque, malgré les
mesures envisagées, certains licenciements demeurent nécessaires, que la procédure
proprement dite de licenciement pour motif économique peut être engagée. Cette
procédure comprend trois phases :

1 Exemple, C. A. de Ouagadougou, arrêt n° 33 du 18 mai 1993, Balima Simon et autres contre SOFIBI (fermeture
puis réouverture sous le non de DIACFA Matériaux - contestation de la régularité de la procédure); C. S. BF, arrêt
n° 4 du 20 avril 1993, SOFIBI c/ Léné F. et Kambou T.

142
1° - l’employeur établit « l’ordre des licenciements en tenant compte des
aptitudes professionnelles, de l’ancienneté et des charges de famille... ». Il y a là un
critère primordial, l’aptitude professionnelle, et deux critères secondaires, l’ancienneté
et les charges de famille. L’article 103 précise que l’ordre des licenciements doit tenir
compte en priorité de l’aptitude professionnelle. L’aptitude professionnelle doit être
appréciée à partir des éléments objectifs tels que la formation, les titres (qualification
professionnelle) et d’éléments subjectifs tel que la manière de servir des travailleurs 1,
qui peut partiellement être objectivement appréciée à travers les notations et les
sanctions.

L’article 101 C.trav. ne donne pas de précision sur les critères de l’ancienneté
et des charges de famille. Il faut s’en référer à l’article 34 CCI de 1974 qui précise en
son §2 : « seront licenciés en premier lieu les salariés présentant les moindres
aptitudes professionnelles pour les emplois maintenus, et en cas d’égalité d’aptitudes
professionnelles les salariés les moins anciens, l’ancienneté étant majorée d’un an
pour le salarié marié et d’un an pour chaque enfant à charge aux termes de la
réglementation des prestations familiales »2.

2° - L’employeur doit communiquer par écrit la liste des travailleurs qu’il se


propose de licencier, en précisant les critères de choix retenus, aux délégués du
personnel pour recueillir leurs avis et suggestions3. Les délégués ont un délai de 8
jours francs pour répondre. Ceci est une innovation car l’article 34 CCIP n’était pas si
précis : l’employeur devait seulement informer les délégués du personnel des mesures
qu’il envisage, c’est-à-dire de l’ampleur des licenciements et des activités concernées
mais pas de la liste des travailleurs à congédier.

3° - L’employeur transmet ses écrits ainsi que les réponses des délégués du
personnel au Ministre chargé du travail pour toute action utile. Le Ministre a un délai
de 8 jours, à compter de la date de réception, pour réagir. Passé ce délai, selon l’article
106 C.trav., l’employeur peut mettre en application ses mesures, sauf accord contraire
des parties.

1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 107 du 20 novembre 1992, Golané B. Jean Christophe c/ FASO FANI ; RBD,
n° 25, janvier 1994, p. 159 ; et trois arrêts publiés dans la RBD n° 30, 2e semestre 1995, p. 341 à 345 : C.A.
Ouagadougou, 18 avril 1995, O. K. c/ S., p. 341 (droit de l’employeur de privilégier la compétence
professionnelle) ; C. A. Ouagadougou, 21 février 1995, p. 345 ; C. A. Ouagadougou, 21 mars 1995, p. 347. V.
également, C. S. BF. Arrêt n° 26 du 16 juin 1998, Nagalo B. c/ SOREMIB (choix justifié par les notes et les
sanctions disciplinaires) V aussi, ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 626 ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 2/97 du 21/1/1997,
L. Onadja c/ FASO FANI ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5/97 du 21/1/1997, FASO FANI c/ Zoma B. ; C. A.
Ouagadougou, arrêt n° 18/ du 18/2/1997, SOREMIB c/ K. Tanfissi (critères de choix, état d’analphabète, non mise
à égalité des employés selon le juge. NB : le refus de ce critère d’état d’analphabète peut étonner parce que savoir
lire et écrire est généralement un avantage dans la plupart des emplois).
2 Les enfants à charge sont les enfants de moins de 14 ans non scolarisés, de moins de 18 ans s’ils sont à l’école et

de moins de 21 ans si l’enfant est handicapé, le nombre total étant limité à 6 enfants (V. infra livre 2, sécurité
sociale).
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 31 du 18/3/1997, SOCOPAO c/ Bassolet G. et autres (protocole d’accord, annexe

contenant la liste des personnes à licencier non visée, irrégularité); C. A. Ouagadougou, arrêt n° 41 du 18/3/1997,
Kouraogo N. et autres, c/ FASO FANI.

143
La procédure des articles 101 à 106 est plus précise et plus lourde que celle qui
est prévue dans la CCIP de 1974. Celle-ci dit tout simplement que : « l’employeur
consulte à ce sujet, les délégués du personnel et avise les autorités compétentes des
mesures de licenciement qu’il envisage, trois mois au moins avant la notification des
préavis de licenciement ». Le code du travail prévoit donc une phase de négociation
formelle, une phase de consultations écrites, et désigne le Ministre comme autorité
compétente pour toute autre action qu’il juge utile de prendre. Cette formule peu
précise traduit la réalité que, juridiquement, le ministre ne peut pas s’opposer aux
licenciements envisagés. Il peut faire pression sur l’employeur pour une réduction du
nombre de personnes à licencier, lui proposer un soutien pour un plan de sauvetage ou
d’appui aux salariés licenciés etc., mais il n’a pas un pouvoir d’autoriser ou de ne pas
autoriser les licenciements. En général, il se borne à soumettre le litige à la procédure
d’arbitrage.

Ces articles 101 et s. contiennent deux autres précisions qui ne sont en fait
qu’un rappel. La première précision est que les délégués du personnel ne peuvent être
licenciés que si leur emploi est supprimé, et à condition d’avoir l’autorisation de
l’inspecteur du travail. Est-ce à dire qu’ils ont une priorité dans le maintien ? Non,
pensons-nous, car ils sont soumis aux mêmes critères que les autres travailleurs. S’il
en était autrement, la fonction de délégué deviendrait un avantage contraire à l’esprit
de neutralité de la fonction par rapport à la carrière du représentant. La deuxième
précision est qu’ « en cas de contestation sur le motif des licenciements, la charge de
la preuve incombe à l’employeur ». Cela revient à dire que l’employeur doit prouver
la réalité et le sérieux du motif économique (surtout dans le licenciement individuel)
et/ou la justification du choix de tel travailleur par rapport à tel autre en rapport avec
les critères arrêtés. La plupart des recours portent sur l’application des critères de
choix des personnes à licencier. L’affirmation du critère de compétence par le
législateur tient compte de ces difficultés.

SECTION V - DE QUELQUES OBLIGATIONS NÉES DE LA


RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
En dehors des questions d’indemnisation (indemnité de licenciement et
dommages-intérêts), d’autres problèmes peuvent apparaître à la suite de la rupture du
contrat. Il s’agit essentiellement des questions de délivrance du certificat de travail, du
reçu pour solde de tout compte, de la clause de non concurrence.

§ 1 - Le reçu pour solde de tout compte


166. En cas de rupture du contrat de travail, l’employeur doit payer au
travailleur un certain nombre de droits tels que les reliquats de salaires non versés, les
indemnités diverses et les dommages-intérêts éventuels. Pour éviter les réclamations
et contestations ultérieures, l’employeur peut être tenté de faire signer un reçu

144
attestant qu’il ne doit plus rien au travailleur. C’est ce qu’on appelle le « reçu pour
solde de tout compte ».

En France, la validité d’un tel reçu est acceptée mais avec beaucoup de
réserves : le reçu peut être dénoncé dans les 2 mois de sa signature ; la mention « reçu
pour solde de tout compte » doit être manuscrite et signée du travailleur ; la portée du
reçu est limitée car en sont exclues les réclamations de dommages et intérêts pour
rupture abusive1. Une loi de 2002 a d’ailleurs consacré la position de la jurisprudence
qui décidait que le reçu avait seulement valeur de reconnaissance comptable des
sommes qui y sont portées. L’effet libératoire du reçu se trouve ainsi supprimé.

Au Burkina Faso, comme dans les droits africains issus du code de 1952, ce
reçu n’a pas d’effet libératoire. Suivant l’article 188 (ex- art.114 paragraphe 5 du code
de 1992) «il ne peut être opposé au travailleur la mention ˝pour solde de tout compte˝
ou toute mention équivalente souscrite soit au cours de l’exécution soit après la
résiliation de son contrat de travail par lui, et par laquelle le travailleur renonce à tout
ou partie des droits qu’il tient de son contrat de travail ». De manière plus claire et
plus large, l’article 189 énonce : « l’acceptation, sans protestation ni réserve, par le
travailleur, d’un bulletin de paie ne vaut pas renonciation de sa part au paiement de
tout ou partie du salaire, des accessoires du salaire, des primes et indemnités de toute
autre nature qui lui sont dus en vertu des dispositions législatives, réglementaires et
contractuelles ».

La condamnation du reçu pour solde de tout compte ne constitue pas pour


autant une condamnation des transactions2. L’employeur et le travailleur peuvent, lors
de la rupture, s’entendre sur une indemnité transactionnelle qui sera payée au
travailleur. Cette transaction apparaît comme un autre contrat qui est valable si le
consentement du travailleur n’est pas vicié. Elle produit les effets d’une obligation
entre les parties et rendrait irrecevable une action en justice sur les mêmes points.

§ 2 - Le certificat de travail
167. A l’expiration de son contrat, l’employeur est tenu de délivrer au
travailleur un certificat indiquant exclusivement la date de son entrée dans
l’entreprise, celle de sa sortie, la nature et les dates des emplois successivement
occupés3, sous peine de dommages-intérêts et éventuellement d’astreintes4. La
délivrance de ce certificat est exempte de tous droits de timbre et d’enregistrement.

1 V. article L.122-17 ; J. SAVATIER, Le reçu pour solde de tout compte : chronique de jurisprudence, Dr. soc.
1989.829 ; I. VACARIE, La renonciation du salarié, Dr. soc. 1990.757 ; Stéphane MUNIER, Le reçu pour solde de
tout compte, Cahiers sociaux du Barreau de Paris (CSBP) 1999, juillet - août, n° spécial.
2 V. PELISSIER et autres, pp. 607 et s.
3 Article108 C.trav. (article 41 du code de 1992).
4 Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 12 mars 1998, T.C. c/ SOGEBAF, RBD n° 35, 1 er semestre 1999, p. 135.

145
Le certificat de travail a pour but de faciliter la recherche d’un nouvel emploi,
en permettant au travailleur d’attester de ses qualifications et expériences. C’est
pourquoi l’employeur ne peut y porter des mentions qui peuvent nuire au travailleur,
tels par exemple, les motifs du départ et des appréciations sur ses qualités.

§ 3 - La clause de non concurrence


168. Certains travailleurs, soit parce qu’ils sont hautement qualifiés, soit par la
nature de leur travail (représentant de commerce par exemple), pourraient, après la
rupture de leur contrat, entrer en concurrence avec leur ancien employeur, directement
en s’installant à leur propre compte, ou indirectement en étant employé par une
entreprise concurrente.

Les employeurs essaient d’éviter ce danger en faisant insérer dans le contrat


une clause selon laquelle le travailleur s’interdit d’exercer une activité déterminée
pendant un certain délai, dans un espace géographique déterminé. En France, une telle
clause est licite. Mais le législateur et la jurisprudence la cantonne dans certaines
limites : limitation de l’étendue de la clause dans le temps et dans l’espace, licéité
acceptée en fonction de la nature de l’activité exercée1. De plus, la jurisprudence
française rend obligatoire une contrepartie sous forme de compensation financière
(d’indemnité forfaitaire)2. La raison de ces limitations est que la clause de non
concurrence doit être conciliée avec les principes de liberté du travail et de liberté du
commerce dans son aspect libre concurrence.

En Afrique francophone, depuis le code de 1952, le principe est la nullité de


plein droit de la clause de non concurrence, mais sa validité est exceptionnellement
admise. Ainsi, l’article 34 ancien du code de 1962, prévoyait les conditions ci-après
pour que la clause soit licite :
- qu’elle soit prévue au contrat ;
- que la rupture du contrat résulte d’une démission du travailleur pour lequel
l’entreprise a assuré le déplacement, ou soit intervenue par suite d’une faute lourde du
travailleur ;
- que la clause soit limitée dans le temps (2 ans) et dans l’espace (100 Km) 3 ;
et,

1 Soc., 8 mai 1967, GADT 2e édit., n° 93 ; D. 1967, 690 note Lyon-Caen ; soc. 21 mars 1978 GADT 2e édit., n°
94; D.1978, IR 277. V. pour la jurisprudence française récent, GADT, 3 e édit., n° 43-45; Soc. 18 décembre 1997,
Bull. civ. V, n° 458; D. 1998, somm., p. 214, note Y. Serra; GAVALDA Nicolas, Les critères de validité des
clauses de non concurrence en droit du travail, Dr. soc. N° 6, juin 1999, pp. 582-590; LAURENT Philippe, La
clause de non concurrence : une enclave commerciale en droit du travail, Gaz. Pal. 1974, 1, décembre, p. 77;
LYNDON R., Validité de la clause de non concurrence dans les contrats de louages de services, Dr. soc., n° 3,
janvier 1997; SERRA Yves, La qualification professionnelle du salarié : élément déterminant de la validité de la
clause de non concurrence en droit du travail, D. 1996, chron. p. 245.
2 V. PANSIER, op. cit., n° 171 et s.; Soc. 2 février 1999, CSBP, n° 109, S. 175, obs. F.-J. Pansier; Soc. 10 juillet

2002, Barbier c/ Maine Agri SA, GADT, 3e édit., n° 45.


3 L’article 23 CCIP de 1994 qui restreignait encore plus la validité de la clause était déjà la disposition applicable

parce que plus favorable au travailleur.

146
- que l’activité interdite soit de nature à concurrencer l’employeur.

Si la clause de non concurrence remplissait ces conditions, le travailleur qui la


violait pouvait être condamné à des astreintes ou à des dommages et intérêts. Le
contrat lui-même pouvait prévoir une clause pénale applicable en cas de non respect
de l’interdiction.

L’article 49 alinéa 1er du code de 2004 (ancien article 19 al. 2 du code du


travail de 1992, modifié) dispose : « est nul de plein droit toute clause d’un contrat
jugée abusive et portant interdiction pour le travailleur d’exercer une activité
quelconque à l’expiration du contrat ». C’est une condamnation nuancée de la clause
de non concurrence puisque la condamnation vise, non pas le principe, mais le
caractère abusif de la clause. L’alinéa 2 du même article précise les critères de l’abus :
« constitue une entrave inadmissible au libre exercice de l’activité du travailleur, toute
clause dont la durée ou la portée géographique n’est pas justifiée, ou indispensable
pour la sauvegarde des intérêts de l’employeur ». Comme l’article 34 ancien du code
de 1962, cette disposition vise à tolérer la clause de non concurrence si celle-ci est
justifiée ou indispensable à la sauvegarde des intérêts de l’employeur. Mais, outre
l’expression jugée abusive assez curieuse, en restant dans le vague, et surtout, en ne
reprenant pas les conditions posées dans l’ancien texte, l’article 49 alinéa 2 reconnaît
plus largement la validité de la clause de non concurrence sous réserve du contrôle du
juge sur le caractère « indispensable pour la sauvegarde des intérêts de l’employeur ».
Le flou de cet article, qui constitue un renvoi implicite aux conventions collectives, est
compensé par les dispositions plus sévères de la CCIP/1974. Celles-ci s’appliquent en
tant que dispositions plus protectrices du travailleur. En effet, l’article 23 CCI de 1974
prévoit que la clause de non concurrence doit se limiter aux cadres et assimilés et que
sa durée ne peut dépasser un an après la rupture du contrat et un rayon de 100 km. La
limitation de la durée ou de l’espace d’application est interprétée de manière souple
par le juge qui peut ne pas prononcer la nullité de la clause1, mais la ramener aux
proportions utiles pour la protection de l’employeur.

1V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 36 du 18 mars 1997, G. J. c/ S.R.F. ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 27 du 4 avril


2001, IPBC et O. H. c/ SBP (démission sans préavis, non paiement de salaires, clause de non concurrence de deux
ans sur l’ensemble du territoire, clause à ramener aux limites légales).

147
148
SOUS/TITRE II - L’EXECUTION DES RELATIONS DE TRAVAIL

170. Le contrat de travail crée des obligations réciproques entre les parties.
L’obligation principale du travailleur est de fournir la prestation de travail
conformément aux instructions de l’employeur. L’obligation de ce dernier est de
fournir le travail et de rémunérer la prestation du salarié. Le contrat de travail instaure
aussi un autre type de rapport juridique, différent de celui du contrat civil : c’est le
rapport de chef à subordonné.

Nous avons vu que des mesures réglementaires ou les conventions collectives


limitent le principe du libre consentement dans la conclusion et la rupture du contrat
de travail dans le but de protéger le travailleur qui est dans une position subordonnée.
De même, comme lors de la conclusion du contrat, durant son exécution, une
importante réglementation s’attache à protéger le salarié des possibles abus de
l’employeur. Cette protection en cours d’exécution du contrat se traduit par : la
réglementation des conditions de travail dans l’établissement, l’atelier ou le chantier
(Chapitre II) ; et, la réglementation sur le salaire (chapitre III). Mais avant d’aborder
ces limitations, il convient d’abord de situer, dans la prestation de travail, les droits et
obligations que les parties tiennent du contrat de travail (chapitre I).

149
150
CHAPITRE I - LA PRESTATION DE TRAVAIL
171. Les droits principaux et obligations des parties sont la prestation du
travail et la rémunération. Les obligations du travailleur concernent les conditions
dans lesquelles il doit prester le travail. Les droits et obligations de l’employeur sont
plus complexes parce qu’ils ne se limitent pas au terme du contrat. En dehors de
l’obligation de verser la rémunération, qui sera examinée plus loin, l’employeur est
tenu à certaines obligations d’origines contractuelles ou légales et dispose, en
revanche, d’importants pouvoirs.

SECTION I : LES OBLIGATIONS DU TRAVAILLEUR


172. Le travailleur a l’obligation d’exécuter sa prestation personnellement, de
manière consciencieuse et loyale. Selon l’article 45, alinéa 1, C. trav. (ancien art. 19
alinéa 1), « le travailleur doit toute son activité professionnelle à l’entreprise, sauf
dérogation contraire stipulée au contrat. Il doit notamment :
- fournir le travail pour lequel il a été embauché, l’exécuter lui-même et avec soins ;
- obéir à ses supérieurs hiérarchiques ;
- Respecter la discipline de l’entreprise et se soumettre à l’horaire et aux consignes
d’hygiène et de sécurité ».
Cette disposition fait ressortir trois types d’obligations : la prestation personnelle,
l’exécution consciencieuse et l’exécution loyale.

§ 1 - Prestation personnelle
173. En concluant un contrat, l’employé s’engage à exécuter sa prestation
« sous la direction et le contrôle » de l’employeur. Le contrat est conclu intuitu
personae. Il ne peut le faire exécuter par un tiers ou se faire aider qu’avec le
consentement de l’employeur. Cette obligation d’exécution personnelle tire son
origine de l’article 1237 C.civ. : «l’obligation de faire ne peut être exécutée par un
tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le
débiteur lui-même ». L’employeur ne peut l’obliger à effectuer des tâches ou à
assumer des fonctions pour lesquelles il n’a pas été engagé ou n’est pas qualifié1, sous
réserve des règles d’usages ou d’intérim.

§ 2 - L’exécution consciencieuse
174. L’exécution du travail doit être consciencieuse. Quelles sont les
conséquences du manquement du travailleur à cette exigence ?

1V. ISSA-SAYEGH, op. cit. ; p.478; Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 64 du 8 juin 1993, T.P. c/ Boulangerie
de la paix (employé ancien policier ayant refusé d’ouvrir une enquête).

151
En droit civil, l’exécution non consciencieuse d’un contrat peut donner lieu à
des dommages et intérêts. En droit du travail, cette sanction n’est retenue
qu’exceptionnellement. Les solutions retenues limitent le pouvoir de l’employeur
d’infliger certains types de sanctions pour exécution non consciencieuse (perte,
détérioration de matériel par ex.). L’article 202 C.trav. (ancien art 127) interdit à
l’employeur d’infliger des amendes, notamment pour malfaçon. Cette interdiction des
sanctions pécuniaires est d’ordre public. Elle ne peut souffrir de dérogation qu’en cas
de faute lourde ayant entraîné la condamnation solidaire de l’employeur à l’égard de
tiers ou supposant une intention de nuire à l’employeur. Selon la jurisprudence
française, l’ouvrier ne peut être déclaré pécuniairement responsable que s’il a commis
une faute lourde équipollente au dol1.

La doctrine explique le rejet des sanctions pécuniaires par cette idée que
« l’employeur qui est à la tête de l’entreprise et qui en perçoit les profits, en assume
également les risques. Et les malfaçons involontaires, lorsqu’elles résultent de
négligences, de fautes légères dans l’exécution du travail, comptent parmi ces
risques »2.

La sanction suprême de l’exécution non consciencieuse du travail est le


licenciement du salarié, si la faute est suffisamment grave. Selon la gravité de la faute,
la sanction peut aller des sanctions du premier (avertissement, blâme) ou du deuxième
degré (mise à pied) au licenciement avec ou sans droits à indemnités.

§ 3 - L’exécution loyale
175. Suivant le principe général posé par l’article 1134, al. 2, C.civ. : «les
conventions doivent être exécutées de bonne foi ». L’exécution de la prestation doit
être loyale. Cela signifie essentiellement que :
- le salarié ne peut concurrencer l’employeur directement ou indirectement,
même si l’on admet qu’il peut exercer une activité parallèle en dehors de ses heures de
travail3 ;
- le salarié ne doit pas divulguer les secrets de fabrication de l’entreprise ; une
telle faute est par ailleurs pénalement sanctionnée 4 ;
- il est passible de sanction pénale en cas de corruption passive ou active. Ce
délit est constitué par le fait d’accepter ou de solliciter des dons, commissions ou

1 Il y a lieu de tenir compte de la différence de sanction de la faute grave en droit français et en droit burkinabè.
Dans la jurisprudence française, la faute lourde suppose l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. V. Soc.
31 mai 1990, Bull. civ. V, n° 260; 2 déc. 1998, D. 1999, I.R.32. V. également, J. DEPREZ, Vers une évolution du
régime de responsabilité pécuniaire du salarié envers l’employeur? RJS 1992.319; B. BOSSU, La faute lourde du
salarié : responsabilité contractuelle ou responsabilité disciplinaire, Dr. soc. 1998.26
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. Cit., 4e éd., p.174; PELISSIER et al. op. cit. n° 895.
3 V. Trib. Trav. Ouagadougou, G.I.B op. Cit. ; V. également, Gabriel GUERY, Pratique du droit du travail, 11 e

édit., Montchrestien, 2003, p. 140.


4 V. Art. 218 C.pén.

152
présents pour faire ou ne pas faire le travail, cela à l’insu de l’employeur 1. Une
exception est faite en ce qui concerne les pourboires.

SECTION II - LES POUVOIRS ET LES RESPONSABILITÉS


DU CHEF D’ENTREPRISE
176. La détermination des droits et obligations de l’employeur commande
d’abord que l’on définisse ce que l’on entend par employeur ou chef d’entreprise. En
effet, il n’est pas toujours aisé de savoir qui détient le pouvoir et quelle est la personne
physique sur qui pèsent les responsabilités.

En droit du travail, la notion d’entreprise est comprise de manière très large :


« il y a entreprise dès l’instant où l’activité poursuivie met en présence un employeur
et un ou plusieurs salariés »2. Peu importe la nature de l’activité (industrielle,
commerciale ou philanthropique), pourvue qu’elle ait une certaine permanence, c’est-
à-dire qu’il ne s’agisse pas de rapports épisodiques de prestations de services. Trois
éléments sont constitutifs de l’entreprise : une activité déterminée, un personnel, un
employeur ou chef d’entreprise. Le personnel est soumis au chef d’entreprise qui
dispose d’un pouvoir de direction et assume la responsabilité du fonctionnement de
l’entreprise.

Dans nombre de cas, le problème se pose de savoir qui est l’employeur et cette
question appelle à faire la nuance entre l’employeur et le chef d’entreprise.
L’employeur est celui qui est lié aux salariés par contrat de travail. Il exerce par
conséquent l’autorité sur les salariés et assume les obligations contractuelles. Il n’y a
pas de difficulté lorsqu’il s’agit d’une entreprise individuelle. Dans ce cas,
l’employeur est une personne physique et les qualités d’employeur, de chef
d’entreprise et même de propriétaire se confondent. Par contre lorsque l’entreprise a la
forme de personne morale, (société, association) le personnel se retrouve souvent en
présence de plusieurs organes hiérarchiques3 et il peut être ardu de savoir qui a la
haute main sur l’entreprise4. L’employeur est, ici, la personne morale et le chef
d’entreprise est la personne physique qui représente cette personne morale et en assure
1 Art. 166 C.pén.: « est puni d’un emprisonnement de un à trois ans et d’une amende de 300.000 à 900.000 francs
ou de l’une de ces deux peines seulement, tout commis, employé ou préposé, salarié ou rémunéré sous une forme
quelconque qui, soit directement, soit par personne interposée, à l’insu et sans le consentement de son patron,
sollicite ou reçoit des dons, présents, commissions, acomptes pour faire un acte de son emploi ou s’abstenir de faire
un acte que son devoir lui commande de faire ».
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. Cit. p.286; PELISSIER et al. n° 34 et s. V. Également, l’article 2 C. trav.

sénégalais qui dispose que « toute personne … employant un ou plusieurs travailleurs est une entreprise ».
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 89 du 3 juillet 1992, Fadoul c/ Kéré Yves (employé ayant actionné le sieur

Fadoul, propriétaire de la société ou actionnaire principal). Le même problème se pose lorsque l’entreprise est une
filiale d’une société. V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 70 du 24 juillet 2001, BCAS et CICA-B c/ Ilboudo B. Moussa
(co-employeur. Chauffeur engagé par la CODIAM, société par la suite absorbée par la CICA-B qui le mis à la
disposition de la BCAS). V. également, PELISSIER et al., op. cit. n° 3; ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 754.
4 Les dénominations des responsables sont tellement diverses et quelques fois sans rapport avec la forme juridique

de l’entreprise (PDG, président du conseil d’administration, directeur général que certains opérateurs économiques
se qualifient de PDGP (Président directeur général propriétaire).

153
la direction. Encore faut-il faire, du point de vue des obligations et responsabilités, la
différence entre l’entreprise et l’établissement parce qu’il peut y avoir un chef
d’entreprise et un chef d’établissement.

L’entreprise est l’unité économique et financière, tandis que l’établissement est


une unité technique de production1. Le chef d’entreprise est la personne qui exerce les
fonctions de direction de l’entreprise. Le pouvoir de direction au sein de
l’établissement est exercé par le chef d’établissement, qui reçoit délégation plus ou
moins large de pouvoir du chef d’entreprise. Qu’il s’agisse d’un chef d’établissement
ou d’entreprise, celui-ci dispose, en tant qu’employeur ou son représentant, de
prérogatives à l’égard des travailleurs. Ses prérogatives sont de trois ordres : le
pouvoir de direction, le pouvoir réglementaire et le pouvoir disciplinaire.

§ 1 - Le pouvoir de direction de l’employeur


177. L’employeur est responsable de la gestion et du bon fonctionnement de
l’entreprise. Il décide de l’extension ou de la restriction des activités, donne des ordres
aux salariés et en contrôle l’exécution, etc. Quel est le fondement de ce pourvoir ?
Deux conceptions s’opposent sur l’explication du fondement juridique du pouvoir de
direction de l’employeur2.

La conception classique fait reposer le pouvoir de l’employeur sur le droit de


propriété et la responsabilité économique de l’entreprise. L’employeur est propriétaire
de l’entreprise, il en assume le risque économique. Selon cette conception classique, il
appartient à l’employeur, en vertu du droit de propriété et de la responsabilité
économique de l’activité, de recruter et de licencier le personnel, sous la seule
condition de respecter la législation du travail. Sous cette seule réserve, il est seul juge
de la manière dont le travailleur exécute sa prestation ; il peut même décider seul la
cessation de l’activité. L’arrêt de la Cour de cassation française du 31 mai 19563, par
exemple, illustre cette conception : « l’employeur, dit la Cour de cassation, qui porte
la responsabilité de l’entreprise est seul juge des circonstances qui le déterminent à
cesser son exploitation et aucune disposition légale ne lui fait obligation de maintenir
son activité à seule fin d’assurer à son personnel la stabilité de l’emploi, pourvu qu’il
observe à l’égard de ceux qu’il emploie les règles édictées par le code du travail ».

1 V. l’art. 1er de l’arrêté 94-7 du 3 juin 1994 sur les délégués du personnel (J. O. BF. Du 21 juillet 1994, p. 1322,
Code social, p. 162) qui définit l’entreprise comme une organisation économique de forme juridique déterminée…
et l’établissement comme « un groupe de personnes travaillant en commun, en un lieu déterminé, sous l’autorité
d’un ou plusieurs représentants d’une même autorité directrice (personne physique ou morale, publique ou
privée) ».
2 V. PELISSIER, ibid.; N. CATALA, L’entreprise, Traité de droit du travail, T. 1, dir. G.-H. CAMERLYNCK, 2e

édit. 1980; S. HENNION-MOREAU, La notion d’entreprise en droit social communautaire, Dr. soc. 2001.957;
L’évolution du droit de l’entreprise, Ecrits en l’honneur de J. SAVATIER, PUF, 1992.
3 Cass., 31 mai 1956, S .A. Brinon c/ Delle Brière, GADT, 2 ème édit., n°79, D.58, 21. Faits : employés licenciés à

la suite d’un dépôt de bilan. Pour les employés ce dépôt de bilan est le résultat d’une mauvaise gestion, constituant
une faute lourde de l’employeur de nature quasi délictuelle. La C. cass. a refusé d’admettre une responsabilité de
l’entreprise à l’égard de son personnel; V. également, C.cass. (fr), 10 mars 1965, D. 1965, p. 550.

154
Suivant cette jurisprudence, les pouvoirs de l’employeur ne seraient limités que par la
loi et la théorie de l’abus de droit. L’employeur est ainsi souverain dans son pouvoir
de direction.

A cette conception classique s’oppose la théorie institutionnelle de l’entreprise


(défendue par Paul Durand)1, qui entend assimiler le pouvoir de direction de
l’employeur à celui d’un chef hiérarchique ayant la responsabilité de la marche d’une
communauté. Ce pouvoir aurait ainsi un caractère fonctionnel et devra être exercé
dans les limites de cette fonction de régulation au sein de l’entreprise. L’entreprise est
perçue comme une communauté ayant à sa tête le chef d’entreprise qui exerce ses
prérogatives sur le fondement de la responsabilité du chef et dans l’intérêt de la
communauté. Cette conception n’est pas en tant que telle consacrée par la
jurisprudence, mais elle l’a influencé. La jurisprudence Brinon est aujourd’hui
d’application moins absolue. Les conventions collectives, par exemple, tendent à
limiter le pouvoir d’appréciation souverain de l’employeur, en instituant des
procédures collectives de consultation.

Dans le cas du Burkina Faso, la convention collective interprofessionnelle de


1974 impose à l’employeur, en cas de licenciement collectif, de consulter les délégués
du personnel et d’aviser les autorités compétentes des mesures de licenciement qu’il
envisage, trois mois au moins avant la notification des préavis de licenciement2. Le
nouveau code du travail consacre à son tour les limitations apportées au pouvoir de
l’employeur par la convention collective et, par conséquent, consacre implicitement la
conception institutionnelle. Il réglemente les licenciements pour motif économique et
fait notamment obligation à l’employeur de rechercher d’abord d’autres voies que les
licenciements et, s’il devait en venir là, de consulter les délégués du personnel en
présence de l’inspecteur du travail.

Le pouvoir de direction de l’employeur lui confère des prérogatives de gestion,


mais aussi la compétence d’élaborer le règlement intérieur. Cette prérogative est
qualifiée de pouvoir réglementaire3.

§ 2 - Le pouvoir réglementaire
178. Selon l’ex. Haute cour judiciaire, « le règlement intérieur et les notes de
service sont l’expression du pouvoir réglementaire qui s’attache aux prérogatives
patronales »4. Ce pouvoir réglementaire de l’employeur5 s’exerce principalement à

1 P. DURANT, Traité de droit du travail, t. 1, 1947, p. 422 et s.


2 Art. 34 § 3 CCIP 1974.
3 V. BRUN et GALLAND, T. 2, op. cit. p. 182.
4 Haute Cour Judiciaire (actuellement Cour de cassation), arrêt n° 24 du 18 septembre 1990, SOREMIB c/

Ouédraogo Boukary. V. également, C. S. BF., arrêt n° 64 du 20 février 2001, Palenfo Sié Polycarpe c/ S.B.E.
5 V. N. CATALA, L’entreprise, op. cit., n° 191 et s. ; A. JEAMMAUD, M. Le FRIANT et A. LYON-CAEN,

L’ordonnancement des relations de travail, D. chron.359 ; J.-M. BERAUD, L’interaction du contrat de travail et du
pouvoir de l’employeur, Dr. ouvrier.529 ; GADT, 3e édit. pp. 640 et s.

155
travers l’élaboration du règlement intérieur dont le fondement a été longtemps discuté.
Aujourd’hui, l’objet du règlement intérieur est strictement défini et son élaboration est
largement encadrée par la loi et les règlements.

A – L’OBJET DU REGLEMENT INTERIEUR

179. Le règlement intérieur est un document écrit contenant les prescriptions


« relatives à l’organisation technique du travail, à la discipline et aux prescriptions
concernant l’hygiène et la sécurité nécessaires à la bonne marche de l’entreprise »1.

L’objet du règlement intérieur est d’uniformiser, par delà le contrat individuel,


le statut applicable à l’ensemble du personnel, d’adapter les dispositions légales ou
des conventions collectives aux caractéristiques de l’établissement 2 et/ou de rappeler
l’existence de ces dispositions. Le règlement intérieur doit se limiter aux prescriptions
relatives à la discipline, à l’hygiène et la sécurité, à l’organisation technique du travail
(horaire par exemple). Selon l’alinéa 2 de l’article 134 C.trav., toute clause étrangère à
ces trois domaines est nulle de plein droit, notamment celles relatives à la
rémunération, sous réserve des questions portant sur la fixation des lieux et heures de
paiement. Cette limitation de l’objet du règlement intérieur vise à empêcher
l’employeur de prendre des dispositions unilatérales dans des domaines relevant de la
négociation contractuelle ou collective.

Le règlement intérieur prévoit des sanctions, classées en degré selon la gravité


de la faute, allant des sanctions morales (avertissement, blâme) au licenciement, en
passant par l’exclusion temporaire ou mise à pied. L’éventail des sanctions peut
varier, mais l’employeur devra respecter les dispositions éventuellement prévues par
les conventions collectives, l’accord d’établissement ou le « statut du personnel ». Ces
documents peuvent prévoir un classement des sanctions qui s’impose à l’employeur.
Par exemple, l’article 22 CCIP prévoit comme échelle de sanction : l’avertissement
écrit ou réprimande, la mise à pied de un à trois jours, la mise à pied de quatre à huit
jours, le licenciement avec ou sans préavis. Cette échelle ne comporte pas grande
contrainte et l’employeur peut l’étaler dans le règlement intérieur en y ajoutant par
exemple le blâme. Toutefois, il ne pourra pas prononcer une mise à pied de plus de
huit jours. Par contre, l’alinéa 2 de cet article énonce une règle protectrice du
travailleur : « l’avertissement et la mise à pied ne sauraient être invoquées à l’encontre
du travailleur si, à l’expiration d’un délai de six mois, suivant la date d’intervention de
l’une ou l’autre de ces sanctions, aucune autre sanction n’a été prononcée. Il en est de
même à l’expiration d’un délai d’un an, en ce qui concerne la sanction de mise à pied
de quatre à huit jours ». Cette disposition vise à éviter la multiplication des

1 Art. 134 C.trav. (ancien art. 78); V. ISSA-SAYEGH, op. cit. pp. 360 et s. ; J. M. BERAUD La discipline dans
l ‘entreprise, in Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, p. 381 ; A. JEAMMAUD, Séparation des pouvoirs et
action en nullité des dispositions du règlement intérieur, Dr. soc. 1985.479.
2 CAMERLYNCK et LYON-CAEN, op. cit., p.297.

156
licenciements pour fautes répétées, lorsque ces fautes ne sont pas commises dans une
fourchette de délai.

B – LE FONDEMENT DU REGLEMENT INTERIEUR

180. Quant au fondement du pouvoir de l’employeur d’élaborer le règlement


intérieur, on retrouve les deux conceptions doctrinales ci-dessus : la conception
classique et la conception institutionnelle.

La conception classique considère que l’autorité du règlement intérieur repose


sur une base contractuelle : en signant le contrat de travail, l’employé adhère, au
moins tacitement, aux dispositions du règlement intérieur. Il accepte de se soumettre
aux conditions générales de travail de l’établissement. Par contre, la conception
institutionnelle de l’entreprise considère que le chef d’entreprise est le législateur
naturel au sein de l’entreprise. Le pouvoir d’élaborer le règlement intérieur est le
corollaire du pouvoir de gestion que l’employeur détient au sein de la communauté
qu’est l’entreprise.

La réglementation par l’Etat ou par les conventions collectives de la procédure


d’élaboration du règlement intérieur semble être une consécration de la conception
institutionnelle. La jurisprudence française, par exemple, considère le règlement
intérieur comme un acte réglementaire de droit privé1, mettant ainsi l’accent sur
l’aspect fonctionnel de ce pouvoir. Sans être consacrée explicitement, la thèse
institutionnelle a une grande influence car l’employeur ne peut plus élaborer le
règlement intérieur selon son bon vouloir.

C – L’ENCADREMENT DU REGLEMENT INTERIEUR

181. Pour limiter l’arbitraire des employeurs, des dispositions législatives et


réglementaires fixent le cadre de l’élaboration du règlement intérieur qui, de ce fait,
n’est plus l’œuvre unilatérale et discrétionnaire du chef d’entreprise.

La première limitation est que l’employeur est tenu d’élaborer un règlement


intérieur si l’entreprise ou l’établissement compte plus de dix travailleurs2. Si
l’entreprise comporte plusieurs établissements, il peut être établi pour chaque
établissement un règlement intérieur annexe comportant des dispositions particulières.
L’élaboration du règlement intérieur étant une obligation, l’existence de celui-ci
s’analyse comme une protection pour les travailleurs et une garantie de mise en œuvre
des règles d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise.

1 V. Soc., 25 septembre 1991, Soc. Unigrains c/ Mme Geffroy, Bull. civ. V, n° 387; Dr. soc. 1992. 24, note J.
Savatier; GADT, 3e édit. n° 171.
2 V. l’arrêté n° 94-010/ETSS/SG/DT du 3 juin 1994 fixant les modalités de communication, de dépôt et d’affichage

du règlement intérieur, ainsi que le nombre des travailleurs de l’entreprise au-dessus duquel l’exigence du
règlement intérieur est obligatoire, J.O. BF. Du 21 juillet 1994, p. 1327 ; Code social, p. 170.

157
La seconde limitation porte sur le contenu du règlement intérieur : celui-ci doit
s’en tenir aux points prévus par la loi. Toute clause portant sur des points non
énumérés est nulle de plein droit, notamment celle qui serait relative à la
rémunération ou qui instituerait des amendes ou autres sanctions pécuniaires.
Constitueraient par exemple des sanctions pécuniaires des dispositions qui
prévoiraient une rétrogradation disciplinaire ou une mutation disciplinaire aboutissant
à un déclassement1. En outre, le règlement intérieur ne pourrait, d’une manière
générale, contenir des dispositions contraires aux lois ou portant atteinte aux droits
fondamentaux du travailleur.

La troisième limitation du pouvoir de l’employeur porte sur la procédure


d’élaboration du règlement intérieur. L’employeur doit soumettre le projet de
règlement intérieur aux délégués du personnel pour recueillir leurs observations.
Ceux-ci ont huit jours pour communiquer leurs observations par écrit. Ensuite,
l’employeur communique le projet et les observations des délégués à l’inspecteur du
travail qui «doit exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux lois
et règlements en vigueur ». Enfin, le règlement intérieur doit faire l’objet de dépôt et
d’affichage.

Les modalités de communication, de dépôt et d’affichage du règlement


intérieur ainsi que le nombre de travailleurs de l’entreprise au-dessus duquel
l’existence du règlement intérieur est obligatoire, sont fixés par arrêté du ministre du
travail après avis de la Commission consultative du travail. Cet arrêté prévoit entre
autres les modalités suivantes :
- le règlement intérieur définitif doit être visé par l’inspecteur du travail et publié par
affichage sur les lieux de travail et les locaux où se fait l’embauchage. Il entre en
vigueur le lendemain de son affichage ;
- trois exemplaires doivent être déposés au greffe du tribunal du travail du siège de
l’entreprise ou, à défaut, au greffe du tribunal de grande instance.
- le règlement intérieur doit être rédigé en français et doit être traduit verbalement
dans les langues nationales par les délégués du personnel le jour où l’employeur
procède à l’affichage. Cette traduction se fait pendant les heures de travail et ce temps
est considéré comme temps de travail.

L’irrespect des procédures d’élaboration et de mise en vigueur du règlement


intérieur le rend inopposable au travailleur, celui-ci pouvant toutefois l’invoquer à son
profit. En outre, la violation de l’article 134 est passible de sanctions
contraventionnelles2.

1 Le cas de la mutation disciplinaire doit être nuancé : la mutation peut se fonder sur l’intérêt de l’entreprise, la
faute commise par le salarié pouvant limiter sa capacité à servir efficacement dans ce milieu (social ou de travail).
Mais la mutation pouvant constituer une modification du contrat, l’employé peut la refuser, contraignant
l’employeur à se placer sur le terrain du licenciement.
2 V. article 387 point 2.

158
§ 3 – Le pouvoir disciplinaire
Deux aspects peuvent être relevés : le fondement du pouvoir disciplinaire et le
contrôle juridictionnel de l’exercice de ce pouvoir.

A – LE FONDEMENT DU POUVOIR DISCIPLINAIRE

182. Le règlement intérieur organise la discipline au sein de l’entreprise. La


discipline peut être entendue au sens de règles destinées à assurer le bon ordre au sein
de l’entreprise. L’élaboration du règlement intérieur est de ce fait un aspect du pouvoir
disciplinaire de l’employeur. Mais ce pouvoir existe en l’absence de règlement
intérieur et même au-delà du règlement intérieur. Celui-ci, par exemple, prévoit les
échelles de sanctions mais ne détermine pas les fautes ou toutes les fautes et leurs
sanctions. De plus, même si la faute et sa sanction sont expressément prévues dans le
règlement intérieur, le pouvoir disciplinaire de l’employeur peut trouver un autre
fondement, selon la conception contractuelle classique : le salarié qui a signé le
contrat accepte du même coup de se soumettre aux instructions de l’employeur et
accepte les contraintes sur la base de l’article 1134, al. 1, C.civ.1.

Indépendamment de cette conception classique, la cour de cassation française,


par exemple, considère que l’employeur tient le pouvoir disciplinaire es qualité. Pour
elle, le fait que la mesure ne soit pas prévue au règlement intérieur ne peut priver le
patron d’un pouvoir disciplinaire inhérent à sa qualité et dont il a la faculté, en
l’absence de disposition restrictive d’un règlement intérieur, de faire usage sous la
seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire2. Ainsi, une mise à pied peut être
prononcée sans texte, en vertu du pouvoir disciplinaire inhérent à la qualité
d’employeur.

B – LE CONTRÔLE DE L’EXERCICE DU POUVOIR DISCIPLINAIRE

183. Concernant le contrôle du juge sur l’exercice du pouvoir disciplinaire,


plusieurs aspects doivent être distingués : le contrôle peut porter sur l’existence de la
faute, sur sa gravité ou sur la proportionnalité de la sanction par rapport à la faute.

1) L’existence de la faute

184. Le juge est évidemment amené à contrôler l’existence de la faute dans la


mesure où la qualification d’un fait ou d’un agissement de faute peut être contestée.
Ainsi, la Cour d’appel de Ouagadougou a-t-elle jugé que le fait de communiquer une
liste des clients de l’entreprise au service des impôts n’est pas un acte constitutif de
faute3 ; et la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso a aussi estimé que le fait pour la femme

1 Cf. art. 1134, al. 2, C.civ. : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
2 Soc., 16 juin 1945, Etablissement Poliet-Chausson c/ Vialard, GADT, 2ème édit., n° 38.
3 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 54 du 15/4/ 1997, Burkina Moto c/ Zoungrana L. Bruno.

159
de prendre son congé annuel à la suite d’un congé de maternité malgré le refus de ce
cumul par l’employeur n’est pas constitutif de faute, dans la mesure où il s’agit de
l’exercice d’un droit1. Le juge peut donc, nonobstant les dispositions du règlement
intérieur, rechercher s’il existe une cause sérieuse de licenciement et apprécier par
conséquent la gravité de la faute.

2) La gravité de la faute

185. L’appréciation de la gravité de la faute se pose essentiellement à


l’occasion de l’application de la sanction suprême qu’est le licenciement. Selon la
Cour suprême du Burkina Faso, « le juge ne saurait être lié par la qualification de
faute grave attribuée par le règlement intérieur à certains manquements, les parties ne
pouvant faire échec à des dispositions d’ordre public par une qualification
contractuelle ou conventionnelle des faits »2. En invoquant le fait que les parties ne
peuvent faire échec à des dispositions d’ordre public, l’arrêt paraît considérer la
disposition du règlement intérieur comme illégale. Mais son objectif nous semble
plutôt d’affirmer le pouvoir d’appréciation du juge sur la gravité de la faute, malgré
les stipulations du règlement intérieur. Ce dernier reprend une disposition assez
courante, et sommes toutes logique, tendant à considérer la récidive de fautes comme
une circonstance aggravant entraînant l’application d’une sanction supérieure. C’est
l’automaticité de l’application d’une sanction supérieure qui est critiquable. En effet,
la répétition ou l’accumulation de fautes légères (absences, retards, abandon de poste)
peut constituer un motif légitime de licenciement3. Le jeu de la récidive est d’ailleurs
enfermé dans un certain délai et le juge sanctionne l’invocation de sanction antérieure
hors de ce délai4.

3) La proportionnalité de la sanction

186. L’appréciation de la proportionnalité entre la faute et la sanction est une


question plus large que l’attention particulière en matière de licenciement. La Cour de
cassation française considère que le juge n’est pas en droit de substituer son
appréciation à celle de l’employeur. Le juge ne peut pas, par exemple, dire que telle
faute mérite seulement un avertissement et non une mise à pied, ou une mise à pied
d’un jour et non une mise à pied d’un mois 5. La Cour de cassation française apprécie

1 C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 16 du 17 mars 1997, Pharmacie Naon c/ Bassolé / Kanzié Jacqueline.


2 C. S. BF., arrêt n° 24 du 18 septembre 1990, SOREMIB c/ Ouédraogo Boukary. Dans cette affaire, le règlement
intérieur de l’entreprise dispose que si une faute intervient dans un délai inférieur à un mois après une mise à pied,
la sanction suivante est transformée en licenciement avec ou sans préavis. L’employeur ayant fait application de
cette disposition, la Cour suprême approuve la Cour d’appel qui avait déclaré le licenciement abusif. V. également
l’arrêt de la Cour suprême, Palenfo Polycarpe c/ S.B.E., précité.
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 62 du 15 avril 1997, Soro Djénéba c/ Faso Plast ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 52

du 21 mars 1995, Zoungrana Simon c/ Tapsoba Evariste (accumulation de fautes, comportement ayant créé un
trouble au sein de l’entreprise) ; C. A. HV., arrêt n° 47 du 20 décembre 1974, Diarra Souleymane c/ Etablissements
Aubaret (absences répétées).
4 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 65 du 4 décembre 1981, Valmédé Richard c/ B.I.V. Ouagadougou.
5 Soc., 10 mars 1965, D. 1965. 550 ; Soc. 8 juillet 1970, D. 1970.776

160
aussi la sanction prise par l’employeur selon la théorie du détournement de pouvoir : il
s’agit de savoir si l’employeur n’a pas commis une faute en usant du pouvoir
disciplinaire dans un but autre que l’intérêt de l’entreprise1 ou en optant pour une
sanction consistant en la modification du contrat de travail2.

La jurisprudence burkinabè va également dans le même sens de l’affirmation


du pouvoir d’appréciation de l’employeur3, ce d’autant plus que la sanction peut avoir
été prise après une procédure faisant intervenir un conseil de discipline, gage d’une
appréciation plus mûrie. Mais, si des décisions affirment le principe que le juge ne
peut substituer son appréciation à celle de l’employeur ou du conseil de discipline 4,
d’autres décisions marquent plutôt le pouvoir du juge de censurer des sanctions
estimées disproportionnées, généralement par rapport à des cas similaires. Devant une
faute suffisamment grave, l’employeur peut appliquer une sanction plus ou moins
élevée pour diverses raisons : pardon partiel, personnalité du salarié, circonstances
aggravantes ou atténuantes, etc. Le risque est de sembler créer une « discrimination »
entre les salariés devant les sanctions. Le juge se montre sensible à ce risque, avec
quelquefois une motivation qui laisse perplexe5.

En contrepartie de ses pouvoirs de gestion et de maintien de la discipline au


sein de l’entreprise, l’employeur est responsable du respect de la réglementation du
travail et, d’une manière générale, de l’accomplissement des obligations contractuelles
ou extracontractuelles mises à sa charge.

§ 4 – Les obligations et la responsabilité du chef d’entreprise


187. En contrepartie de ses prérogatives, le chef d’entreprise est
personnellement responsable des fautes civiles ou pénales résultant d’infractions à la
législation du travail ou de manquements dans l’exécution du contrat. Il convient de
rappeler ces obligations et leurs sanctions.

A – LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR

1 Soc., 6 novembre 1957, GADT, 2ème édit., n° 39, SITA c/ Bosse ; Soc. 6 novembre 1974, D. 1974.
2 Soc. (fr.) 27 juin 2001, Daouai, GADT, 3 e édit., n° 66 ; Soc. (fr.) 21 février 1990, Saint Michel, Bull. civ. V, n°
74 ; Dr. soc. 1991.16, chron. A. Mazeaud ; Soc. (fr.) 19 novembre 1997, Dr. soc. 1998, obs. C. Mazeaud.
3 V. C. A. Ouagadougou, 6 août 1993, Association MORIJA c/ R., RBD n° 25, p. 163.
4 C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5 du 3 février 1998, ONEA c/ Kafando Josepha, et arrêt n° 10 du 17 février 1998,

ONEA c/ Kaboré Sambo Moussa.


5 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 36 du 16 juin 1998, Groupement burkinabè d’informatique contre Dondassé

Martine (altercation entre collègues, licenciement de l’un des deux et avertissement à l’autre. Disproportion entre
les deux sanctions, selon la C.A.) ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 6 du 21 janvier 1997, Kaboré G. Marcel c/ Régie
X9 (client coincé à la portière du bus, injures entre le client et le chauffeur, licenciement du chauffeur pour faute
lourde). Dans cet arrêt, la Cour d’appel estime que la sanction est disproportionnée parce que beaucoup de
chauffeurs sont décriés par les clients sans qu’il y ait eu de sanction similaire. On pourrait aussi dire que le fait que
beaucoup de chauffeurs soient décriés justifie que la direction sévisse enfin, pour ne pas légitimer le laxisme dans
les entreprises publiques. La disproportion devrait tenir à une appréciation des parts de responsabilité dans
l’altercation et non à l’habitude de laxisme de l’employeur.

161
187. L’employeur a des obligations multiformes, qui se rattachent directement
à l’exécution du contrat de travail ou qui sont simplement d’origine légale.
Ainsi, en ce qui concerne les obligations légales :
- L’employeur a le devoir d’obtenir les autorisations nécessaires et de faire les
déclarations prévues par la réglementation, notamment dans les cas
d’ouverture, de transformation, de fermeture, de mouvement de main-d’œuvre
et, de tenir les registres prévus ;
- En cours d’exercice de l’entreprise, il a l’obligation de respecter les conditions
de travail, d’hygiène et de sécurité.

En ce qui concerne les obligations liées à l’exécution du contrat, l’employeur doit


payer le salaire convenu, respecter les conditions de travail prévues par le contrat,
permettre l’exécution de la prestation de travail. Cette dernière obligation implique
que :
- L’employeur doit poursuivre le contrat, c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit de le
suspendre unilatéralement, sauf convention contraire ou cause de suspension
reconnue par la réglementation tels que le lock-out ou la force majeure ;
toutefois, l’obligation de poursuivre le contrat ne signifie pas que l’employeur
doive, sous peine de voir sa responsabilité engagée, faire travailler ses
préposés sans désemparés ;
- Il doit procurer la prestation convenue entre les parties et fournir au travailleur
les moyens utiles (personnel, outils, matière première, instructions utiles…) ;
- Il doit, selon l’article 46, al. 4, C.trav., traiter le travailleur avec dignité, veiller
au maintien des bonnes mœurs et à l’observation de la décence publique sur
les lieux de travail.

Ces différentes obligations et pouvoirs conférés à l’employeur ont pour corollaire


que sa responsabilité peut être engagée.

B – LA RESPONSABILITE DE LEMPLOYEUR

L’employeur est civilement responsable à l’égard des travailleurs ou des tiers et il


peut être pénalement responsable en cas d’infraction pénale.

1) La responsabilité civile

188. Concernant d’abord la responsabilité civile à l’égard des salariés, l’employeur


a l’obligation de mettre le salarié en mesure d’accomplir sa prestation. Il doit, par
exemple, lui permettre l’accès au lieu de travail et lui donner les moyens matériels et
les instructions lui permettant d’exécuter sa prestation. Des défaillances à ce niveau
peuvent engager la responsabilité contractuelle. Des non grévistes, par exemple,
peuvent engager sa responsabilité civile en cas de lock-out injustifié. Par ailleurs, sa
responsabilité civile peut être engagée s’il méconnaît les nombreuses et diverses

162
obligations mises à sa charge par les dispositions réglementaires protectrices des
salariés. C’est le cas de la non délivrance du certificat de travail.

Ensuite, à l’égard des tiers, l’employeur est non seulement responsable de ses
propres faits qui ont causé un dommage à autrui, mais aussi, en tant que commettant,
il est responsable des dommages causés par les salariés, qui sont ses préposés. Il
répond des condamnations civiles prononcées contre les salariés pour les faits commis
dans l’exercice de leurs fonctions. Il en est ainsi notamment, en cas d’accident de
travail provoqué par la faute d’un autre travailleur, ou en cas d’accident de véhicule
ayant causé un dommage à un tiers. Mais dans ces hypothèses, il est normalement
couvert par la sécurité sociale ou l’assurance.

2) La responsabilité pénale

189. La responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée en cas de violation


de la réglementation sociale relative à l’hygiène et la sécurité et/ou du code pénal,
notamment en cas d’homicide involontaire résultant d’un accident du travail. Les
hypothèses de responsabilité pénale sont fort diverses.

Certaines causes de responsabilité pénale de l’employeur découlent, comme nous


l’avons vu, des obligations mises à sa charge par la loi lors de la création, de la vie ou
de la cessation de l’entreprise. Ainsi, est-il tenu de faire des déclarations à
l’administration lors de l’ouverture, des transformations ou de la fermeture de
l’entreprise1, de faire des déclarations lors de l’embauchage ou du licenciement de
travailleur et de tenir des registres « employeur », de « paiements » et de « sécurité »2.
L’inobservation de ces obligations peut donner lieu à des sanctions pénales prévues
par les articles 387 et 388 C. trav. (anciens art. 237 et 238).
D’autres hypothèses résultent de la réglementation relative aux conditions de
travail et particulièrement au respect des règles d’hygiène et de sécurité.

L’employeur ne peut être dégagé de cette responsabilité que s’il avait délégué ses
pouvoirs à une autre personne. Selon la jurisprudence française « il appartient au chef
d’entreprise de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des
dispositions édictées par le code du travail ou les règlements pris pour son application
en vue d’assurer l’hygiène et la sécurité des travailleurs »3. Il ne peut être exonéré de
cette responsabilité que s’il avait délégué la direction du chantier ou de l’établissement
à un préposé investi de la compétence et de l’autorité nécessaire pour veiller
efficacement à l’application des dispositions en vigueur4.

1 V. Article 380 C.trav.


2 V. article 381 C.trav. pour le registre « employeur », art. 187 pour le registre de paiement et l’arrêté n° 94-
09/ETSS du 3 juin 1994 portant institution d’un bulletin de paie et d’un registre de paiement (Annuaire officiel du
METSS, 1996), p. 66 ainsi que l’article 228 al. 2 C.trav.
3 Crim., 22 mai 1973, Labonne Ghislaine, GADT, 2 ème édit., n° 2; Crim., 18 octobre 1977, D. 1978.472.
4 ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 367 et s.

163
164
165
CHAPITRE II – LES CONDITIONS DE TRAVAIL
190. Le chef d’entreprise doit veiller personnellement au respect de la
réglementation sur les conditions de travail, qui vise à protéger la santé du travailleur
au sens large (santé physique et mentale). Cette réglementation concerne trois
aspects : la durée du travail, l’hygiène et la sécurité, et la protection spéciale de
certaines catégories de travailleurs dont les femmes et les enfants.

SECTION I - LA DUREE DU TRAVAIL


La réglementation sur la durée du travail concerne la durée hebdomadaire, la durée
journalière, le repos hebdomadaire et le congé annuel.

§ 1 - Les durées hebdomadaire et journalière


La loi organise la durée hebdomadaire et journalière de travail, en autorisant
certains aménagements par les conventions collectives ou par voie réglementaire.

A – LA DUREE LEGALE

191. Selon l’article 135 C.trav., « dans tous les établissements publics ou privés,
même d’enseignement ou de bienfaisance, la durée légale du travail des employés et
des ouvriers de l’un ou l’autre sexe, de tout âge, travaillant à temps, à la tâche ou aux
pièces, ne peut excéder quarante heures par semaine et huit heures par jour »1. Dans le
cadre de ces plafonds, les durées de travail peuvent être aménagées par branche
d’activité et par catégorie professionnelle, par voie réglementaire. Ainsi, dans
l’entreprise, la durée journalière de travail peut être fixée à : 8 heures de travail par
jour pour cinq jours de travail par semaine ; 6 jours de travail par semaine à
concurrence de 6 heures 40mn de travail par jour ou cinq jour et demi de travail par
semaine2. Selon l’article 1er de l’arrêté d’application n° 1243 du 9 décembre 1976, ces
40 heures de travail correspondent à 173 heures, 33 par mois. Les conventions
collectives peuvent adopter un mode de répartition pour une branche d’activité dans
une localité ou une région, qui peut être rendu obligatoire par arrêté du Ministre du
travail. Cette question de répartition concerne évidemment le nombre de jours
travaillés dans la semaine (6 jours, 5 jours ou 5 jours et demi) mais aussi les heures de
début et de fin du travail, l’exécution du travail d’une traite ou travail posté3, le travail
de jour ou de nuit. La loi renvoie à des textes réglementaires pour ces dernières
1 L’ancien article 79 C. trav. n’incluait pas expressément la durée journalière de huit heures. La nouvelle
formulation implique que l’employeur ne peut opter de faire 9 heures par jour pour quatre jours et demi de travail
dans la semaine.
2 Cf. arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976, (non publié au J. O.), Recueil annoté, annexe n° 50 ; Code social, p. 140.

Pour le secteur public, v. le décret n° 2003-240 du 20 mai 2003 portant horaires de travail dans les administrations
du service public, J. O. BF. Du 5 juin 2003, p. 830.
3 V. sur le travail posté ou en continu, PELISSIER et al., op. cit., n° 939 ; Stanislas KEHRIG, conclusions sous

Soc. 7 décembre 1999, Dr. soc. n° 1, janvier 2000, p. 77.

166
questions1. Suivant l’article 4 de l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976, il revient à
chaque établissement, dans le respect des limites légales, de fixer un horaire de travail
daté et signé, précisant pour chaque journée la répartition des heures de travail. Le
terme journée de travail inclut le jour et la nuit. Mais le travail de nuit apparaît
exceptionnel et fait l’objet d’une réglementation particulière. La nuit est d’ailleurs
définie, de manière restrictive, comme la période allant de 22 heures à 5 heures du
matin2, ce qui laisse une grande latitude de modulation des huit heures selon les
branches d’activité, notamment dans les établissements où le travail est organisé par
équipes pour obtenir un temps de fonctionnement plus long.

B – LE TEMPS DE TRAVAIL EQUIVALENT.

192. La durée de 40 heures par semaine est d’application générale mais non
absolue. Des exceptions sont prévues pour certains secteurs, en partant de la notion de
temps de travail équivalent.

Une première exception est faite par l’article 135, al. 2, C.trav. en ce qui concerne
les exploitations agricoles. Ce terme exploitation agricole inclut les exploitations
agricoles proprement dites, les exploitations de bois et de foresterie, les exploitations
d’élevage, les coopératives agricoles, le jardinage et le cultures maraîchères, mais
exclut les établissements de transformation des produits agricoles3. Le temps de travail
n’est pas, dans ces exploitations, basé sur 40 h par semaine mais sur 2400 heures par
an. Ce système permet une modulation du temps journalier en fonction des saisons et
des types d’exploitations4. La journée peut être de 9 h, 7 h ou 8h. Cette exception
s’explique par la concentration des travaux pendant certaines saisons et l’urgence
d’exécution de ces travaux dans des périodes courtes.

Une seconde exception concerne les professions où le travail est intermittent. Des
durées supérieures à 40 h sont fixées sans exigence de paiement d’heures
supplémentaires. La durée légale de 40 h est un temps de travail effectif. Dans les
professions ci-dessous, il est fixé un temps de travail supérieur qui est considéré
comme équivalent à 40 h de travail effectif par semaine. Ainsi, suivant l’article 5 de
l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976 fixant les modalités d’application de la semaine
de 40h dans les établissements non agricoles, la durée équivalente est fixée à :
- 42 h pour le personnel de vente dans les pharmacies et le commerce de détail ;
- 45 h pour le personnel des hôpitaux, cliniques et dispensaires, les cuisiniers
des hôtels et restaurants, les stations services, etc. ;

1 V. article 139 C. trav.


2 V. l’arrêté n° 436 ITLS du 15 juillet 1953 déterminant les heures pendant lesquelles le travail est considéré
comme travail de nuit, J. O. A.O.F. Spécial du 1 er août 1953, p. 2; Code social p. 81.
3 V. l’article 1er de l’arrêté n° 959 du 7 octobre 1976, J. O. RHV. Du 21 octobre 1976, p. 778; Recueil annoté,

annexe, n° 51; Code social, p. 137.


4 V. l’article 2 de l’arrêté n° 959 du 7 octobre 1976 distingue : l’exploitation agricole (7 h de travail par jour de

novembre à avril et 9h de mai à octobre), les sisaleraies (10h de décembre à avril, 7 h du 15 avril au 15 décembre),
les cultures maraîchères et autres (8 h toute l’année).

167
- 48 h pour les chauffeurs affectés au transport du personnel d’une entreprise ;
- 50 h pour le personnel des salons de coiffure, spectacles forains ;
- 52 h dans les débits de boissons, restaurants et hôtels pour le personnel autre
que les cuisiniers… ;
- 56 h pour le personnel des services d’incendies ;
- 60 h pour les gens de maison1 ;
- 72 h pour les gardiens de jour et de nuit ;
- présence continue pour les gardiens et concierges logés sur les lieux, sous
réserve d’un repos de 24 h par semaine et d’un congé annuel payé de deux
semaines en sus du congé légal.

§ 2 - Les heures supplémentaires


193. Le dépassement de la durée de 40 heures donne lieu à paiement des heures
supplémentaires selon les taux fixés par les règlements ou les conventions collectives.
Les heures supplémentaires sont les heures de travail effectuées au-delà de la durée
légale ou de la durée considérée comme équivalente. Les heures supplémentaires ne
sont autorisées que dans la limite d’un maximum de 20 heures par semaine, après
demande adressée par le chef d’établissement à l’inspecteur du travail de son ressort 2.

Les taux réglementaires de majoration du salaire pour les heures supplémentaires


sont fixés par l’arrêté n° 932 du 1er octobre 1976, encore en vigueur3, comme suit :
- 10% du salaire horaire pour chacune des huit premières heures (de 41 h à 48
h) ;
- 35% du salaire horaire pour les autres heures ;
- 50% du salaire horaire pour chaque heure de travail le jour du repos
hebdomadaire et les jours fériés ;
- 50% du salaire horaire pour les heures supplémentaires de nuit ;
- 100% pour les heures supplémentaires de nuit le jour de repos hebdomadaire et
les jours fériés.
.
Dans les entreprises agricoles, les taux de majoration sont de 10% pour les heures
supplémentaires de travail de jour, 50% pour les heures supplémentaires de nuit, 25%
pour le travail de jour le jour de repos ou le jour férié, et 100% pour le travail de nuit
le jour de repos ou le jour férié.

Les conventions collectives pouvant édicter des dispositions plus favorables,


l’article 44 CCIP de 1974 prévoit les taux suivants de majoration :
- 15% pour les heures effectuées de la 41ème à la 48ème heure ;

1 V. également l’article 3 de l’arrêté n° 77-311 du 17 août 1977 fixant les conditions de travail des gens de maison,
J. O. RHV du 22 décembre 1977, p. 1046, Code social, p. 144.
2 Article 3 de l’arrêté 932 FPT du 1er octobre 1976 réglementant les heures supplémentaires et les modalités de leur

rémunération, J. O. RHV. du 21 octobre 1976, p. 774; Recueil annoté, annexe n° 52 ; Code social, p. 130.
3 V. l’article 7 de l’arrêté n° 932 FPT du 1 er octobre 1976.

168
- 35% au-delà de la 48ème heure ;
- 50% pour les heures effectuées de nuit ;
- 60% pour les heures de jour de dimanche et jour férié ; et
- 120% pour les heures de nuit de dimanche et jour férié

Des exceptions au paiement d’une rémunération au taux majoré sont prévues pour
les cas de récupération d’heures perdues ou de dépassement de la durée de travail de
huit heures par jour. Ainsi, en cas d’interruption du travail pour cause accidentelle ou
de force majeure, une prolongation de la journée de travail pourra être pratiquée, à
titre de compensation des heures de travail perdues, et ces heures de récupération sont
rémunérées au taux normal1. De même, pour tenir compte de la particularité des
entreprises à feu continu, l’article 2 de l’arrêté 932 dispose que « dans les entreprises
qui ont à fonctionner sans interruption jour et nuit, y compris dimanches et jours
fériés, les heures de travail assurées par roulement en service de quart de jour et de
nuit, les dimanches et jours fériés compris, sont rétribuées au tarif horaire normal dans
les limites de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente ».

§ 3 - Le repos hebdomadaire et les congés


L’aménagement de la journée de travail a pour objectif de préserver la santé
physique et mentale du travailleur en lui assurant un temps suffisant de récupération.
Cet objectif ne serait pas atteint si le travailleur devait travailler tous les jours de la
semaine et toute l’année. Aussi, le repos hebdomadaire et le congé annuel sont des
impératifs que les employeurs doivent observer. Les jours fériés font aussi parties des
jours non travaillés mais rémunérés.

A – LE REPOS HEBDOMADAIRE

194. Le travailleur a droit à un repos hebdomadaire de vingt quatre heures


consécutives au minimum par semaine. Ce repos est en principe accordé le dimanche2.
La loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités
d’application et les dérogations, notamment en ce qui concerne les conditions dans
lesquelles le repos peut, « exceptionnellement et pour des motifs établis », être donné
d’autres jours que le dimanche. Des dérogations à la règle du repos dominical sont
donc possibles pour les professions où le travail du dimanche est indispensable.
L’arrêté n° 1244 du 9 décembre 1976, qui demeure le texte applicable, prévoit, en son
article 1er, une première exception qui concerne les entreprises de transport pour
lesquelles les repos sont régis par des dispositions spéciales 3. L’alinéa 2 de cet article
prévoit également une liste de 15 catégories d’entreprises qui sont de droit admises à

1 V. article 3 de l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976.


2 Art. 150 C. trav. (ancien art. 89). V. également la Convention OIT n° 14, 1921 sur le repos hebdomadaire
(industrie), ratifiée le 21 novembre 1960, Recueil annoté, annexe n° 65 ; Code social, p. 296.
3 V. L’arrêté n° 1244 du 9 décembre 1976 déterminant les modalités d’application du repos hebdomadaire, (non

publié au J. O.), Recueil annoté, annexe n° 63.

169
donner le repos hebdomadaire par roulement, sous réserve que l’inspecteur du travail
apprécie si l’industrie qui se prévaut de cette disposition répond ou non aux critères. Il
s’agit, par exemple : des entreprises agricoles ; des hôtels, restaurants et débits de
boissons ; des hôpitaux et maisons de retraite ; des entreprises de journaux
d’information et de spectacle ; des services de gardiennage et de sécurité dans les
entreprises ; des industries où sont mises en œuvre des matières susceptibles
d’altération très rapide ; etc. Dans les autres cas, lorsqu’il est établi que le repos
simultané le dimanche de tous les travailleurs serait préjudiciable au public ou
compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement, le repos pourra être
accordé, sur autorisation de l’inspecteur du travail1, soit un autre jour que le dimanche
à tout le personnel, soit par roulement à tout ou partie du personnel, soit du dimanche
midi au lundi midi, soit le dimanche après-midi, avec un repos compensateur d’une
journée, par roulement et par quinzaine. De même, dans les établissements de vente de
denrées alimentaires au détail, le repos hebdomadaire peut être réduit à une demi-
journée à condition de donner un repos compensateur d’une journée entière, par
roulement, pour deux réductions d’une demi-journée.
Le repos hebdomadaire peut être suspendu par compensation avec les fêtes
rituelles ou locales2.

B- LE CONGE ANNUEL

195. En plus du repos hebdomadaire, le travailleur a droit à un congé payé à la


charge de l’employeur à raison de deux jours et demi calendaires par mois3. Le
travailleur ne peut jouir de ses congés payés qu’après une durée de service effectif
d’un an. Les conventions collectives et les contrats individuels peuvent prévoir des
dispositions plus favorables. Ainsi, certaines entreprises accordent le droit de
jouissance du congé après 11 mois de service effectif. En cas de rupture de contrat de
travail, une indemnité compensatrice lui est versée.

La jouissance du congé annuel par le travailleur est obligatoire. En effet, selon


l’article 1er de l’arrêté n° 94-11 du 3 juin 1994, « tous les travailleurs doivent
effectivement bénéficier chaque année de congés payés dans les conditions fixées par
le code du travail »4. L’article 15 de cet arrêté renchérit : « le congé annuel doit être

1 V. Article 4 de l’arrêté n° 1244.


2 V. l’art. 156 C.trav. concernant les congés spéciaux et l’article 3 alinéa 8 de l’arrêté n° 1243 du 9 décembre 1976.
3 Article 150 C.trav. L’article 90 du code de 1992 prévoyait deux jours et demi ouvrables par mois. Cette notion de

jour ouvrable au lieu de jours calendaires aboutit à un congé annuel pouvant atteindre 34 jours. Le code de 2004 est
revenu à la notion de jours calendaires en raison des difficultés d’application, notamment en matière de calcul de
l’allocation de congé et pour maintenir la similitude avec le secteur public. Les difficultés de mise en œuvre de
l’ancien article 90 sont attestées par la circulaire interprétative n° 93-02 ETSS du 6 octobre 1993 sur la
détermination du nombre de jours de congé et sur le calcul de l’allocation du congé payé, J .O BF. Du 7 octobre
1993, p. 160.
4 Arrêté n° 94-11/ETSS du 3 juin 1994, J. O. BF. du 21 juillet 1994, p. 1327; Droit social, p. 172; Annuaire

officiel METSS, p. 69. V. sur les congés payés, la Convention OIT n° 132, 1970, révisant la convention OIT n° 52,
J. O. BF. Du 7 mars 1974, p. 131; Code social, p. 345; et la convention OIT n° 101 concernant les congés payés
dans l’agriculture, Code social, p. 330.

170
effectivement pris et joui par le travailleur. Toute convention prévoyant l’octroi d’une
indemnité compensatrice en lieu et place du congé est interdite …». Par contre, les
conventions peuvent autoriser le report de la jouissance du congé avec cumul des
droits aux congés1. La jouissance du congé peut être fractionnée, avec l’accord du
travailleur, en période de 15 jours au moins.

Des dispositions plus favorables sont prévues en faveur de certaines catégories de


travailleurs : les travailleurs âgés de moins de 18 ans ont droit à un congé de trente
jours sans solde s’ils en font la demande, venant en sus du droit au congé payé 2 ; les
travailleurs ayant une grande ancienneté dans l’entreprise bénéficient d’une
majoration du temps de congé, à raison de deux jours ouvrables après 20 ans de
services continus ou non, de quatre jours après vingt-cinq ans et de six jours après
trente ans ; les travailleurs âgés de moins de 22 ans ont droit à deux jours de congé
supplémentaire pour chaque enfant à charge3.

Pour le calcul du congé acquis, des mesures sont prises pour éviter que le congé
soit rogné par trop de déductions. Ainsi, ne peuvent être déduites de la durée du
congé : les périodes d’absences pour accidents du travail ou maladies
professionnelles ; les périodes de congé de maternité ; les périodes d’absences pour
maladies non professionnelles dans la limite d’un an. De même, ne sont pas déduites
de la durée du congé : les permissions d’absence accordées à l’occasion d’événements
familiaux, dans la limite annuelle de vingt jours ; les autorisations d’absence pour
assister aux assemblées statutaires syndicales, dans la limite d’un mois ; et, dans la
limite de quinze jours ouvrables, les autorisations d’absence sans solde accordées au
travailleur afin de lui permettre de suivre un stage officiel, de représenter une
association ou d’assister à ses activités, ou de représenter le Burkina Faso dans une
compétition internationale. Ces différentes permissions d’absence sont des congés
spéciaux auxquels le travailleur a droit si le motif invoqué est réel, dans le cadre des
limites annuelles fixées pour chaque événement. Par contre, peuvent être déduits les
congés spéciaux accordés au-delà des limites ou en sus des jours fériés, qui n’auraient
pas fait l’objet de récupération ou d’une compensation4, et les autorisations d’absence
excédant les seuils légaux.

La période de congé payé est rémunérée à la charge de l’employeur par une


allocation égale au moins à la moyenne de la rémunération du travailleur au cours des
douze mois ayant précédés le départ en congé5. Pour le travailleur engagé à l’heure ou
à la journée pour une occupation de courte durée, une indemnité de congé payé lui est

1 V. l’article 55 CCIP, qui autorise le report de la jouissance du congé d’un an au maximum et le cumul des droits
aux congés.
2 Cette disposition de l’article 151, al. 2, peut être très utile pour ceux qui poursuivent parallèlement de études (en

cours du soir) et doivent passer des examens.


3 Il ne s’agit pas nécessairement de ses enfants, mais de tout enfant de moins de 15 vivant à sa charge,

conformément à la définition donnée par la sécurité sociale.


4 V. article 156 C.trav.
5 Article 162 C.trav. Sur les modalités de calcul, v. l’article 7 de l’arrêté n° 94-11 du 3/6/1999.

171
versée en même temps que le salaire. Cette indemnité est calculée sur la base de 1/12e
de la rémunération journalière acquise.

C – LES FÊTES LEGALES

196. Les fêtes légales méritent d’être signalées parce que ce sont des jours chômés
et payés et leur nombre est important au Burkina Faso. Aux fêtes laïques (1er janvier, 5
août, 11 décembre) s’ajoutent les fêtes confessionnelles chrétiennes et musulmanes et
les jours chômés en commémorations d’évènements sociaux nationaux ou
internationaux (3 janvier, 1er mai, 8 mars). La loi 9-92 du 14 décembre 1992 n’en
instituait pas moins de 16 jours de repos, chômés et payés, le lendemain de certains
jours (1er mai et 11 décembre) étant de plus chômés et payés si le jour de fête tombe
un dimanche. Des efforts ont tendus vers la diminution de ce nombre, avec de fortes
résistances. La loi n° 19-2000 du 27 juin 2000 ramène le nombre de jours chômés et
payés à 14 jours1. Cette loi distingue les jours de fête légale, chômés et payés sur toute
l’étendue du territoire2 et les jours reconnus par l’Etat comme marquant des
évènements à caractère historique et qui peuvent donner lieu à des cérémonies
commémoratives3.

Par ailleurs, il n’est pas rare que le gouvernement déclare la journée de travail
continue, sur le plan national ou local, à l’occasion de certains évènements : Salon
international de l’artisanat, Semaine nationale de la culture, grande rencontre de
football, grande conférence internationale etc. Des exceptions sont généralement faites
pour les entreprises organisées en équipes successives, mais ces journées continues
aboutissent à une journée de travail de moins de huit heures ou à une semaine de
moins de quarante heures.

SECTION II – LA PROTECTION SPECIALE DE


CERTAINES CATEGORIES DE
TRAVAILLEURS
197. Le travail des femmes, des enfants et des adolescents, fait l’objet d’une
réglementation particulière. A ces catégories peuvent s’ajouter les handicapés, bien
que leur protection demeure assez embryonnaire.

1 Loi n° 19-2000 AN du 27 juin 2000 portant institution de fêtes légales au Burkina Faso (J. O. BF. du 27 juillet
2000, p. 4330) modifié par la loi n° 11-2001 portant additif à la loi n° 19-2000 du 27 juin 2000 portant institution
de fêtes légales au Burkina Faso (J. O. BF. du 2 août 2001, p. 1353). Cette dernière loi ne fait qu’ajouter le 30 mars
parmi les jours pouvant donner lieu à cérémonie commémorative.
2 Le 1er janvier, le 3 janvier, le 8 mars, le 1er mai, le 5 août, le 11 décembre, le jour de noël, le jour de pâques,

l’ascension, l’assomption, la toussaint, le jour de ramadan ou Aïd el Segheir, le jour de Tabaski ou Aïr el Kébir et
le Mouloud.
3 Le 4 août, le 15 octobre et le 30 mars.

172
§ 1 – La protection de la femme salariée
198. La réglementation en matière de protection des femmes poursuit trois
objectifs : la protection de la santé de la femme, la protection de la maternité et la
protection des nourrissons. Ces trois objectifs ont pour finalité la protection de la
fonction de reproduction (bien que ce terme soit quelques fois perçu comme péjoratif
ou réducteur du rôle de la femme), qui relève de l’instinct de préservation de l’espèce.
Le code de 2004 ajoute une interdiction qui intéresse en premier chef les femmes : le
harcèlement sexuel

A – LA PROTECTION DE LA SANTE ET DE LA MATERNITE

199. L’article 140 C.trav. pose un principe général : « la femme travailleuse ne


peut être affectée à des travaux susceptibles de porter atteinte à sa capacité de
reproduction ou, dans le cas de la femme en état de grossesse, à sa santé et à celle de
l’enfant ». Cette protection générale consiste soit en l’interdiction, soit en
l’aménagement de l’exercice de certains emplois par les personnes visées. Le texte
réglementaire d’application, relativement ancien1, distingue, en deux tableaux A et B,
les travaux interdits aux femmes et les travaux auxquels elles ne peuvent être
employées que sous certaines conditions. Sont par exemple visés par l’interdiction les
travaux consistant à pousser ou traîner des charges lourdes, les travaux souterrains des
mines et carrières, les travaux de graissage, de nettoyage ou de réparation de machines
en marche, etc.

Une des innovations du code de 2004 est la suppression de l’interdiction du travail


de nuit des femmes. La raison de cette suppression est que l’interdiction du travail de
nuit les met en situation défavorable sur le marché de l’emploi. Il s’agit de concilier la
protection et le principe d’égalité devant l’emploi. Par ailleurs, l’évolution de
l’organisation du travail, devenu plus technique et moins physiquement éprouvant
qu’auparavant, ne justifie plus une exclusion générale. Sur le plan international, cette
interdiction n’apparaît plus comme une « discrimination positive ».

Pour la mise en œuvre du principe de protection de la capacité de reproduction et


de la santé de la femme en grossesse, l’article 141 donne à l’autorité administrative le
pouvoir d’exiger la mutation, sans changement du salaire, de la femme enceinte
lorsqu’elle est employée à un travail reconnu comme dangereux pour sa santé. La
femme elle-même peut exiger cette mutation en produisant un certificat médical
indiquant qu’un changement dans la nature du travail est nécessaire.

1 V. l’arrêté n° 5254 IGTLS/AOF du 19 juillet 1954 relatif au travail des femmes et des femmes enceintes, J. O.
AOF. Du 31 juillet 1954, p. 1337; Code social, p. 95. V. également la convention OIT n° 3, 1919, sur la protection
de la maternité, approuvée par l’ordonnance 69-32 du 24 juin 1969, J. O. RHV. Du 26 juin 1969, p. 339; Code
social, p. 324.

173
B – LA PROTECTION DE LA FEMME DANS L’INTERÊT DU NOURRISON

200. Cette protection se traduit par le congé de maternité entièrement rémunéré, le


droit à des repos pour allaitement, la facilité d’obtenir un congé sans solde pour
l’entretien de son enfant. A ces différentes mesures s’ajoutent les dispositions
protectrices en matière de rupture du contrat de la femme en état de grossesse ou en
période de congé de maternité1.

C – L’INTERDICTION DU HARCELEMENT SEXUEL

201. Le harcèlement sexuel est abordé dans les obligations des parties au contrat,
au titre III du code du travail relatif aux relations professionnelles. De ce fait, l’article
47 qui en traite n’est pas une disposition spécifique aux femmes. Malgré cet artifice, il
ne fait pas de doute que la disposition, qui peut être considérée comme un aspect
particulier du harcèlement moral2, vise à protéger les femmes qui ont souvent à
souffrir d’un climat moral et psychologique désagréable que les actes ou attitudes de
harcèlement sexuel peuvent provoquer. L’article 47 interdit « le harcèlement sexuel
dans le cadre du travail à l’effet d’obtenir d’autrui par ordre, parole, intimidation, acte,
geste menace ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle », de même que « le
harcèlement par abus d’autorité que confère une fonction ». L’alinéa 3 de cet article
est encore plus large puisqu’il interdit « le harcèlement sexuel entre collègues ainsi
que celui exercé par des personnes rencontrées dans le cadre du travail qui ne sont pas
employées par l’employeur de la victime tels que des fournisseurs ou des clients ». Le
harcèlement sexuel est un délit puni, conformément à l’article 388 C.trav., d’une
amende de 50.000 à 300.000 francs et/ou d’un emprisonnement d’un mois à trois ans.

1 .V. les articles 142 et 143 (anciens articles 84 à 86 C.trav.).


2 Sur le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, v. HIRIGOYEN M. F., Le harcèlement moral : la violence
perverse au quotidien, Pocket, 1998; LEYMANN H., Mobbing : la persécution au travail, trad. fr., Seuil, Paris,
1996; RAVIS P., Le harcèlement moral au travail, 2 e édit., Delmas, 2002. BARDO F., L’auscultation de la
violence dans l’entreprise : des médecins du travail parlent, Travail, Genre et Sociétés, mars 2001, n° 5, pp. 43-45;
BOUAZIZ P., Harcèlement moral, harcèlement sexué ? Les difficultés d’une approche juridique, Travail, Genre et
Sociétés, n° 5, 2001, pp. 75-89; Harcèlement moral dans les relations de travail : essai d’approche juridique, Dr.
ouvrier, mai 2000, pp. 192-196; CHAPELL D., DI MARTINO V., La violence au travail, B.I.T., Genève, 2000, p.
99; CRU D., Le mal-être au travail, comment intervenir ? Travail, Genre et Sociétés, mars 2001, n° 5, pp. 55-73;
GRENIER-PEZE M., Contrainte par corps : le harcèlement moral, Travail, Genre et Sociétés, mars 2001, n° 5, pp.
29-45; LICARI S., De la nécessité d’une législation spécifique au harcèlement moral au travail, Dr. soc., n° 5, mai
2000, pp. 492-506; MARTIN-SERF A.-L., Sur le harcèlement sexuel : huit années d’application des articles L.
122-46 à L. 122-48 du code du travail, Dr. soc., n° 6, juin 2001, p. 623; O.I.T., Lorsque travailler devient
dangereux, Travail, n° 26, septembre /octobre 1998, n° 1; VASSEUR-LOMBRY F., La bonne foi dans les relations
individuelles de travail, Les Petites affiches, 17 mars 2000, n° 55, p. 4. V. également, Trib. trav. Bobo-Dioulasso,
6 mai 1999, TPOM n° 909, janvier 2002, p. 4; Trib. trav. Ouagadougou, 10 septembre 1991, Penant, n° 814,
janvier -avril 1994, p. 215.

174
§ 2 – La protection des enfants et des adolescents
202. La réglementation particulière en fonction de l’âge comporte trois aspects :
l’âge d’accès à l’emploi, les travaux présentant un danger pour cette catégorie de
personnes et le travail de nuit.

A – L’ÂGE D’ADMISSION A L’EMPLOI

203. L’article 145 C.trav. définit l’enfant comme toute personne de moins de 18
ans, l’adolescent comme toute personne dont l’âge est compris entre 18 et 20 ans,
étant entendu que la majorité est de 21 ans au Burkina Faso1.

Selon l’article 147 C.trav. « l’âge minimum d’admission à tout type d’emploi ou
de travail ne devra pas être inférieur à quinze ans». L’augmentation de l’âge minimum
de 14 ans à 15 ans résulte de la ratification de la convention OIT n° 138. Le code de
1962 prévoyait la possibilité de dérogation à l’âge minimum (de 14 ans à l’époque)
accordée par arrêté conjoint du ministre du travail et de celui de la santé. Cette
possibilité de dérogation a été supprimée depuis le code de 1992. La limitation de
l’âge d’admission à l’emploi, hautement justifiée dans son principe, pose beaucoup de
problèmes d’application dans les pays pauvres. La scolarisation est le meilleur moyen
d’éviter le travail des enfants avant le délai de scolarisation obligatoire. Quand le taux
de scolarisation est faible, l’interdiction d’exercer tout emploi devient une disposition
illusoire : les enfants non scolarisés, soit travaillent avec leurs parents dans le cadre de
leur éducation au travail et par besoin de main-d’œuvre, ou tombent dans la
délinquance juvénile, la mendicité ou les petits travaux du secteur informel. De ce
point de vue, les dérogations qui étaient prévues par les codes d’avant 1992, comme
par les conventions OIT d’ailleurs, étaient plus réalistes. Mais il est vrai que le
développement, à partir des années 1990, des intermédiations en tout genre pour
recruter ou convoyer ou loger des enfants qui désirent travailler en ville, aboutit à des
pratiques de trafics d’enfants, qui n’existaient pas sous l’empire du code de 1962.

B – LA REGLEMENTATION DE LEUR EMPLOI


.
204. L’alinéa 2 de l’article 145 pose pour principe que « les enfants et les
adolescents ne peuvent être affectés à des travaux susceptibles de porter atteinte à leur
capacité de reproduction » et renvoie la détermination de travaux interdits au pouvoir
réglementaire.

Par ailleurs, pour le travail des jeunes de 15 ans à 18 ans, l’article 147 al. 2
renvoie à un décret en conseil des ministres pour fixer la nature des travaux et les
catégories d’entreprises qui leurs sont interdites. En l’absence du décret d’application

1V. également la convention OIT n°33, 1932 sur l’âge minimum (travaux industriels) ratifiée le 21 novembre
1960, Code social, p. 306

175
prévu par cet article, c’est l’arrêté n° 539 du 29 juillet 1954 qui demeure applicable1.
Ce texte prévoit, d’une part, les travaux auxquels ils ne peuvent être employés en
raison des dangers que cela représente pour la vie, la santé ou la moralité (affichages
immoraux, graissage, nettoyage de machines, explosifs…) et, d’autre part, les travaux
auxquels ils ne peuvent être employés que sous certaines conditions et en fonction des
tranches d’âge (14 à 16 ans, 16 à 18 ans)2.

Les enfants (moins de 18 ans) ne peuvent en principe être employés à des travaux
de nuit, sauf cas de force majeure justifiant une dérogation pour les enfants de plus de
16 ans. Est considéré comme travail de nuit celui exécuté pendant les heures
comprises en 22 heures et 5 heures du matin3. Dans tous les cas, les enfants ont droit à
un repos journalier d’une durée minimale de 12 heures consécutives 4. Si, par exemple,
le travail cesse à 21 h, il ne peut être repris qu’à 9 h le lendemain.

L’article 149 C.trav., relativement aux personnes âgées de 18 à 20 ans, dispose


que « l’adolescent ne peut être maintenu dans un emploi au-dessus de ses forces » et
donne pouvoir à l’inspecteur du travail de « … requérir l’examen des adolescents par
un médecin agréé, en vue de vérifier si le travail dont ils sont chargés n’excède pas
leurs forces ». Cette réquisition est de droit à la demande de l’adolescent ou de son
tuteur.

L’article 148 C.trav. introduit une nouvelle disposition qui passerait normalement
pour superfétatoire si elle ne correspondait malheureusement à une réalité : cet article
interdit « les pires formes de travail des enfants » et précise que la disposition est
d’ordre public. Si l’interdiction de tout travail des enfants de moins de 15 ans et la
réglementation du travail de ceux de moins de 18 ans étaient respectées, il n’y aurait
plus à interdire de pires formes de travail. Cet article énumère les pires formes, qui
relèvent plus du code pénal5 que du code du travail : toutes formes d’esclavage, vente
et traite des enfants, utilisation dans des conflits armés, recrutement à des fins de
prostitution ou d’activités illicites, etc.
1 V. Arrêté n° 539 ITLS du 29 juillet 1954 relatif au travail des enfants, J. O. HV, spécial du 19 août 1954, p. 349,
Code social, p. 81, Recueil annoté, annexe n° 62.
2 V. les tableaux A et B de l’arrêté n° 539 du 29 juillet 1954 précité.
3 V. la convention OIT n° 6, 1919 sur le travail de nuit des enfants dans l’industrie, Recueil annoté, annexe 56 ;

Code social p. 293 ; et la convention OIT n° 41, (révisée en 1934) concernant le travail de nuit des femmes,
Recueil annoté, annexe, n° 57 ; Code social, p. 308.
4 Art. 146 C.trav. Cet article a porté la durée du repos de 11 heures dans le code de 1992 (ancien art. 83 C.trav.) à

12 heures.
5 V. la loi n° 38-2003/AN du 27 mai 2003 portant définition et répression du trafic d’enfant(s), J. O. BF. n° 31 du

31 juillet 2003, p. 1114. La définition que donne l’article 3 de cette loi montre que l’objet « d’exploitation
économique » n’est qu’un des objets du trafic réprimé : « est réputé trafic d’enfant(s) tout acte par lequel un enfant
est recruté, transporté, transféré, hébergé ou accueilli, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire burkinabè par un ou
plusieurs trafiquants au moyen de menaces et d’intimidation par la force ou par d’autres formes de contraintes, de
détournements, de fraudes ou supercheries, d’abus de pouvoir ou d’exploitation de la situation de vulnérabilité d’un
enfant ou dans le cas d’offre ou de réception de rémunération en vue d’obtenir le consentement d’une personne
ayant pouvoir de contrôle sur lui à des fins d’exploitation économique, sexuelle, d’adoption illicite, d’union
matrimoniale précoce ou forcée ou à toute autre fin préjudiciable à la santé, au développement physique, mental et
au bien-être de l’enfant ».

176
§ 3 – La protection des handicapés
205. La question du travail des handicapés est également abordée dans le titre III
relatif aux relations professionnelles et dans une section relative aux obligations des
parties. L’article 50 C.trav. dispose : « les personnes handicapées, ne pouvant être
occupées dans des conditions normales de travail, bénéficient d’emplois adaptés ou,
en cas de besoin, d’ateliers protégés1, ainsi que du droit à une formation spécialisée
dans les conditions fixées par voie réglementaire, après avis de la commission
consultative du travail ». Cette disposition semble mettre des obligations à la charge
de l’employeur quant aux conditions de travail de ces personnes, mais le décret
d’application n’ayant pas encore été pris, ces obligations ne recouvrent une certaine
réalité que pour les handicapés du travail ou pour l’obligation de réinsertion après un
accident ou une maladie2. C’est le décret d’application qui devra préciser les contextes
et conditions de création des ateliers protégés ainsi que le bénéfice des formations
spécialisées. La situation de chômage endémique et de sous-emploi fait que des
exigences de création d’emplois adaptés adressées à l’employeur pris
individuellement seraient difficiles à mettre en œuvre. Des actions communautaires
sont menées par les organisations caritatives plutôt que par les entreprises. Quelques
textes réglementaires spécifiques, qui ne relèvent pas strictement du droit du travail,
ont tout de même été adoptés en faveur des handicapés : carte d’invalidité, mesures
sociales en faveur des personnes handicapées3.

SECTION III – LES CONDITIONS D’HYGIENE ET


DE SECURITE
206. Le code de 2004 a renforcé le dispositif en matière d’hygiène et de sécurité
au niveau de l’entreprise. Mis à part les organismes consultatifs au niveau national,
qui restent les mêmes, et les actes réglementaires d’application en matière de
conditions d’hygiène et de sécurité sur le lieu de travail, qui sont assez anciens et
devraient être actualisés4, le nouveau code est plus précis en matière d’exigence de
prévention individuelle et collective au sein de l’entreprise. Les obligations de

1 Les ateliers protégés sont des établissements destinés à faciliter l’insertion des handicapés en milieu professionnel
par des structures proches de l’entreprise ordinaire. La rémunération peut y être inférieure au SMIG. V. Laurent
VISIER, Les relations et les conditions de travail en milieu protégé, RIT, vol. 137, 1998, pp. 374 à 393.
2 V. Jean SAVATIER, La visite de reprise effectuée par le médecin du travail à l’issue d’une absence pour maladie

ou accident, Dr. soc. 1997, n° 1, p. 3.


3 V. le décret n° 94-44 du 2 février 1994 portant fixation des conditions de délivrance de la carte d’invalidité aux

personnes handicapées, J. O. BF. Du 10 février 1994, p. 150; Droit social, p. 368; Zatu n° 86-5 du 16 janvier 1986
portant adoption de mesures sociales en faveur des personnes handicapées, J. O. BF. Du 23 janvier 1986, p. 58;
Code social, p. 365. V. également le Kiti n° An VI-273 du 13 février 1987 portant exécution dans le cadre de
l’éducation nationale des dispositions de la Zatu 86-5 du 16 janvier 1986 portant adoption de mesures sociales en
faveur des personnes handicapées, J. O. BF. Du 9 février 1987, p. 165, Code social, p. 366; et le Kiti n° 86-149 du
30 avril 1986 portant dispositions à prendre en faveur des handicapés dans la construction des bâtiments, J. O. BF.
du 8 mai 1986, p. 312; Code social, p. 366.
4 Les textes d’application en matière d’hygiène et de sécurité demeurent ceux pris dans les années 1954-1955 en

application du code de 1952. V. pour une liste exhaustive, Code social, pp. 50 et s., note 116.

177
l’employeur recouvrent trois aspects : la prévention des risques, la tenue d’un service
médical et la création d’organes chargés de la prévention.

§ 1 – La prévention des risques professionnels


L’employeur a une obligation générale de sécurité qui se traduit par le devoir de
prendre des mesures collectives et individuelles de protection contre les accidents et
les incendies et en vue d’assurer un milieu de travail sain.

A – LES MESURES COLLECTIVES DE PROTECTION

207. L’employeur doit veiller à ce que l’établissement présente les conditions


d’hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel. Il doit, selon l’article
225, al. 2, C.trav., prendre les mesures nécessaires pour que les lieux de travail, les
machines, les matériels, les substances et les procédés de travail placés sous son
contrôle ne présentent pas de risque pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette
obligation est précisée par les textes d’application : par exemple, il doit s’assurer de la
propreté des lieux de travail, de l’existence d’installations sanitaires (lavabos,
vestiaires, douches…), et il lui est interdit de vendre des boissons alcoolisées dans
l’entreprise1. En matière de prévention des accidents et des maladies, l’employeur a
l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour éliminer ou limiter les dangers
dans les installations des machines et des locaux : isolation des moteurs et des
instruments tranchants de telle sorte que le travailleur ne puisse pas les toucher, même
volontairement ; interdiction des salles des machines aux personnes extérieures à
l’établissement, installation d’un système de signal de mise en train et d’arrêt des
machines ; dotation des travailleurs d’équipement de protection, etc. En ce qui
concerne les incendies, les mesures peuvent être plus ou moins strictes suivant
l’activité de l’entreprise et le caractère plus ou moins inflammable des matières
utilisées ou émises : explosif, matière susceptible de prendre feu spontanément…

Mais surtout, une des obligations nouvelles de prévention collective prévue par
l’article 225 est que l’employeur est tenu annuellement d’élaborer et de mettre en
œuvre un programme d’amélioration des conditions et du milieu de travail. Cet article
définit la prévention comme un ensemble de mesures comprenant : des mesures
d’organisation du travail ; des mesures d’organisation de la médecine du travail ; des
mesures d’organisation de la sécurité au travail ; et des mesures techniques appliquées
aux nouvelles installations ou aux nouveaux procédés lors de leur conception ou de
leur mise en place ou par des adjonctions techniques apportées aux installations ou
procédés existants. De plus, l’article 228 crée un « registre de sécurité » destiné à
permettre le respect de l’obligation de vérifier au moins une fois par trimestre toute
machine, tout matériel ou équipement dont la défectuosité est susceptible

1 V. l’arrêté n° 5253 /ITLS/AOF du 19 juillet 1954 sur les obligations de l’employeur en matière d’hygiène et de
sécurité, Recueil annoté, annexe n° 72 ; Code social, p. 397 ; et les articles 138 à 142 et 219 à 239 C.trav.

178
d’occasionner un accident. La liste des équipements soumis aux vérifications
périodiques devra être fixée par voie réglementaire.

B – LES MESURES INDIVIDUELLES DE PROTECTION

208. Selon l’article 226, si les mesures collectives ne sont pas suffisantes pour
garantir la sécurité et la santé des travailleurs, l’employeur doit mettre en œuvre des
mesures de protection individuelle en fournissant un équipement approprié (exemple :
chaussures, casque, masque à gaz, salopette, etc.). Il lui revient de veiller au port de
cet équipement par le travailleur avant d’être admis à son poste.

C – L’INFORMATION SUR LES RISQUES

209. L’employeur doit d’abord informer l’inspecteur du travail de l’utilisation de


procédés, substances, machines ou matériels entraînant l’exposition des travailleurs à
des risques professionnels sur les lieux de travail. L’inspecteur peut subordonner cette
utilisation à la prise de dispositions pratiques ou même l’interdire1.

Les travailleurs doivent de même être informés des risques professionnels


existants sur les lieux de travail et recevoir les instructions adéquates sur les moyens
de prévenir ces risques. Par ailleurs, l’employeur doit assurer, à ses frais, une
formation générale minimale au personnel en matière de sécurité et de santé2.

§ 2 – Les services médicaux et sociaux


210. L’ancien code du travail de 1962 modifié en 1973 faisait obligation à toute
entreprise ou établissement d’assurer un service médical ou sanitaire aux travailleurs.
Selon l’importance de l’entreprise, elle devait s’attacher de manière permanente ou
non permanente les services d’un médecin ou d’un ou plusieurs infirmiers. Pour
l’exécution de cette obligation, les entreprises étaient classées en catégories selon le
nombre de salariés employés3. L’article 143 du code de 1992 disposait simplement
« qu’il est fait obligation à toute entreprise ou organisme installé au Burkina Faso
d’assurer la couverture sanitaire du travailleur conformément aux conditions définies
par les textes portant création, organisation et fonctionnement de la médecine du

1 V. article 227 C.trav.


2 V. articles 230 et 231 C.trav.
3 V. l’arrêté n° 396 IGTLS du 18 janvier 1955 déterminant les modalités d’exécution des dispositions légales

concernant les services médicaux ou sanitaires d’entreprise, J. O. AOF du 29 janvier 1955, p. 213 ; Code social, p.
415 ; et l’arrêté n° 397 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la
fixation des moyens minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J. O. AOF du
29 janvier 1955, p. 215 ; Recueil annoté, annexe n° 74 ; Code social, p. 419. L’article 2 de ce dernier arrêté classe
les entreprises en cinq catégories allant des entreprises de 1000 travailleurs et plus qui doivent s’attacher les
services permanents du médecin et de plusieurs infirmiers, aux entreprises de moins de cents travailleurs qui ne
sont obligées que de s’attacher les concours périodiques d’un infirmier.

179
travail ». Cette disposition a été reprise mais appuyer par un certain nombre de
précisions sur leur rôle et leur organisation.

Depuis les réformes de la période révolutionnaire, la médecine du travail est


confiée à l’Office de Santé des Travailleurs (OST). Cet Office passe des contrats avec
les entreprises pour assurer la couverture sanitaire de leurs salariés, notamment les
visites médicales annuelles, les consultations et les soins. Une tarification est prévue
selon des fourchettes basées sur le nombre de travailleurs dans l’entreprise, ou selon
un taux forfaitaire par agent en ce qui concerne les visites annuelles1. Ce système n’est
pas remis en cause, mais vient en complément aux services médicaux d’entreprise
essentiellement pour les entreprises qui ne disposent pas d’un service propre. En effet,
l’employeur peut satisfaire à ses obligations de couverture sanitaire en ayant un
service propre ou un service commun à plusieurs entreprises 2. Mais les établissements
occupant plus de deux cents travailleurs doivent obligatoirement disposer d’un service
social. La notion de service social semble plus large que celle de service médical. Ce
dernier serait normalement une composante, la plus importante peut-être, du service
social qui peut avoir à s’intéresser à d’autres problèmes sociaux non strictement
médicaux que rencontrent les travailleurs. En tout état de cause, l’exigence d’un
service social à partir de 200 travailleurs devrait impliquer une modification des
arrêtés de 1955.

Les obligations de l’employeur en matière de santé ne concernent pas seulement


les soins d’urgence ou courants, pour lesquels l’entreprise doit se doter d’un service
médical en fonction de son envergure, mais aussi et surtout la prévention.
L’employeur doit assurer aux travailleurs les visites médicales et examens prescrits
par la réglementation : visites médicales d’embauche, de reprise de travail, de fin de
contrat, visite périodique, visite de surveillance spéciale. Il doit, avec l’appui du
service médical ou social, œuvrer au maintien d’un milieu de travail propice à la santé
physique et mentale des salariés. Il a le devoir d’informer les services de médecine du
travail sur les conditions de travail, les caractéristiques des populations au travail, les
caractéristiques des machines et procédés de fabrication ainsi que sur les produits
utilisés ou manipulés.

§ 3 – Les organes de prévention


211. Outre les organes médicaux ou sociaux prévus en matière de médecine du
travail, pour garantir l’application de la réglementation sur l’hygiène et la sécurité
dans les entreprises, il est institué dans chaque établissement occupant au moins trente

1 V. Le Kiti n° An IV-429 CNR/SAN du 31 juillet portant création d’un établissement public dénommé « Office de
santé de travailleur » (OST), J. O. BF du 6 août 1987, p. 761, Code social, p. 52 ; le Kiti n° An IV-430 du 31 juillet
1987 portant statut particulier de l’Office de santé des travailleurs modifié par le Kiti An VII-399 du 25 juillet
1990, Code social, p. 436 ; ainsi que l’arrêté n° 40 MSP/FP du 31 août 1986 portant tarification des actes de la
médecine du travail, Code social, p. 431.
2 V. article 242 C.trav.

180
travailleurs un comité de sécurité et de santé1 qui remplace le comité d’hygiène et de
sécurité dont la composition et le fonctionnement était précisés par arrêté 2. La
différence par rapport aux structures médicales et sociales est que les comités de
sécurité et de santé sont des structures paritaires où sièges des représentants des
travailleurs. Dans les établissements de moins de trente travailleurs, l’inspecteur du
travail peut imposer la création d’un comité de sécurité et de santé si cette mesure est
nécessaire, notamment en raison de la nature des travaux ou de l’équipement des
locaux. A partir de cinquante travailleurs, les entreprises industrielles ont l’obligation
de créer un service de sécurité. La différence nous semble être, faute pour le moment
de texte d’application, que le service de sécurité est une structure technique dépendant
de l’employeur, qui peut être l’interlocuteur quotidien du comité de sécurité et de
santé. Les représentants du personnel doivent bénéficier, à la charge de l’employeur,
de formation à l’exercice de leurs missions. Cette formation doit être renouvelée après
un mandat consécutif de six années3. L’employeur doit leur présenter annuellement,
ainsi qu’aux représentants des travailleurs, un rapport sur l’hygiène et la sécurité dans
l’entreprise, en relation avec le programme annuel d’amélioration des conditions et du
milieu de travail.

Ces différents organismes internes à l’entreprise œuvrent en relation avec les


organes de contrôle de l’application de la réglementation que sont l’inspecteur du
travail, le médecin ou l’ingénieur inspecteur du travail et le contrôleur de la Caisse
nationale de sécurité sociale.

1 V. article 234 C.trav.


2 V. Raabo n° 511/TSSFP/S du 23 octobre 1986 portant création, composition et fonctionnement des comités
d’hygiène et de sécurité, Code social, p. 432.
3 Article 236 C.trav.

181
CHAPITRE III – LA REGLEMENTATION PORTANT SUR LE SALAIRE

212. La notion de salaire n’a pas reçu de définition légale précise. Le code du
travail burkinabè utilise indifféremment les termes rémunération, traitement ou
salaire. L’article 140-2 C. trav. français donne plutôt une définition de la
rémunération, qui montre une pluralité d’entendement du salaire : « par
rémunération… il faut entendre le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum
et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en
espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce
dernier ». Cette définition fait ressortir une nuance entre la rémunération, qui
désignerait le salaire entendu au sens large, comprenant le salaire de base augmenté
des compléments de salaire et le salaire au sens étroit qui serait la rémunération
ordinaire ou « salaire de base ».1

Dans l’acception contractuelle, le salaire est la contrepartie de la prestation


fournie par le travailleur. Il est couramment défini comme le prix dû par un employeur
à un ouvrier ou un employé comme paiement d’un travail ou d’un service. Cette
définition n’est plus tout à fait juste car dans certains cas, le salaire ne résulte pas d’un
travail effectivement accompli. Il en est ainsi du salaire d’inactivité payé pendant les
périodes de congés, les périodes de maladie ou à l’occasion de l’accouchement de la
femme salariée. Le salaire n’est donc pas toujours une contrepartie directe de la
prestation. En raison de son caractère alimentaire, le salaire a acquis une acception
plus sociale : on tend à considérer toute somme ou avantage accordé au travailleur à
l’occasion du travail comme un salaire. Tel est le cas des gratifications, primes,
indemnités et autres avantages divers. Les pensions, rentes, allocations de chômages
lorsqu’elles existent, qui sont des substituts de salaire, sont également assimilées au
salaire du point de vue du régime juridique.

Mais l’assimilation au salaire de tout avantage accordé au travailleur n’est pas


complète. Certains avantages peuvent entrer dans la composition du salaire, d’autres
peuvent en être exclus. Le salaire comprend donc plusieurs éléments et peut revêtir
plusieurs formes qu’il convient de distinguer (Section I). Le régime juridique du
salaire sera précisé à travers l’étude des modalités de fixation du taux (section II) de
paiement du salaire (Section III) et l’étude des régimes particuliers de protection du
salaire (Section IV).

1V. J. PELISSIER, A. SUPIOT et A. JEAMMAUD, op. cit. n° 986. V., sur la notion de salaire : G. LYON-CAEN,
Traité de droit du travail (dir. G.-H. CAMERLYNCK), Dalloz, t. 2 ; D. HENNEBELLE, Essai sur la notion de
salaire, thèse, P .U. Aix –Marseille, 2001 ; P. -H ANTOMATTEI, La qualification du salaire, Dr. soc. 1997.571.

182
SECTION I - LES ELEMENTS DE LA REMUNERATION
213. La rémunération peut comprendre le salaire au sens strict ou salaire de
base et des accessoires de salaire. La forme de la rémunération choisie, en principe,
peut également varier.

§ 1 - La forme de la rémunération de base


Le salaire de base peut prendre deux formes : il peut être déterminé, soit
suivant le temps employé, soit suivant le rendement ou les deux combinés.

A – LE SALAIRE AU TEMPS

214. Le salaire peut être déterminé suivant le temps où l’ouvrier est à la


disposition de l’employeur. L’unité de temps servant de base de fixation de la
rémunération peut être l’heure, la journée ou le mois. On parle alors de salaire horaire,
journalier ou mensuel. Dans ce système, Le salaire minimum interprofessionnel
garanti (SMIG), par exemple, est établi au temps : tant de francs pour une heure de
travail. Il n’est pas fait de référence à une production quantitativement déterminée.
Seul est pris en considération le temps où le travailleur est à la disposition de
l’employeur pour l’exécution de la prestation, peu importe que l’employeur ne lui
fournisse pas du travail1. L’employeur ne peut, par exemple, déduire de sa
rémunération l’arrêt momentané du travail en raison d’une panne des machines. Les
heures supplémentaires, qui rémunèrent le temps de travail au-delà du temps normal
de référence, journalier ou hebdomadaire, s’intègrent à ce salaire principal.

La base de détermination du salaire doit être distinguée du rythme de


versement du salaire. L’article 38 CCIP du 9 juillet 1974, par exemple, impose de
payer les employés au mois. En ce qui concerne les ouvriers, suivant cet article, le
salaire peut être déterminé selon un taux horaire, journalier ou mensuel mais après
trois mois de présence continue dans l’entreprise, les ouvriers payés à l’heure ou à la
journée deviennent des travailleurs permanents au taux horaire, journalier ou
mensuel.. Le rythme de versement du salaire peut par conséquent différer de la base
de fixation du salaire. Toutefois, la mensualisation, dans le paiement et aussi dans la
détermination du salaire, tend à devenir la règle pour la majorité des travailleurs.

La rémunération au temps présente, pour le travailleur, les avantages d’être


simple et de lui procurer une rémunération constante et, par conséquent, une certaine
sécurité psychologique et financière : il lui assure un revenu régulier sans pousser au
surmenage. Pour l’employeur, ce système a, par contre, l’inconvénient de ne pas

1 V. Soc. (fr), 3 juillet 2001, Dr. soc. 2001.1009, obs. Radé.

183
inciter le travailleur à améliorer son rendement. Celui-ci peut même être tenté d’en
faire le minimum parce qu’il ne risque pas une baisse de rémunération1.

B – LE SALAIRE AU RENDEMENT

215. Le rendement peut être entièrement ou partiellement pris en compte dans


la détermination du salaire. Même dans le cadre du salaire au temps, certains éléments
de rendement sont introduits, ne serait-ce qu’à travers les primes de rendement ou les
systèmes de notation2 qui permettent une individualisation du salaire en fonction des
performances du travailleur. Mais dans ce cas, la prise en compte du rendement
apparaît comme un correctif et non pas une base de détermination du salaire. Au
contraire, le salaire peut être déterminé selon un mode tenant principalement compte
du rendement du travailleur.

1) Le salaire aux pièces ou à la tâche

216. Le salaire au rendement se définit comme un mode de rémunération dans


lequel le salaire varie en fonction de la quantité de production réalisée par un individu
ou une équipe dans un temps donné, selon une formule déterminée et répondant aux
normes de qualité exigée. La rémunération peut être fixée suivant l’ouvrage fourni ou
les pièces produites : c’est le salaire aux pièces ou à la tâche3. Les deux expressions
sont très proches. On parle généralement de salaire aux pièces dans l’industrie où le
salaire peut être indexé sur le nombre de pièces produites dans un temps donné et
répondant à certaines normes de qualité. Dans certains secteurs d’activités, on parlera
plutôt de rémunération à la tâche : par exemple, pour le creusement des canalisations
urbaines, les manœuvres peuvent être payés en fonction du nombre de mètres et d’une
profondeur déterminée de canalisations à creuser. La rémunération peut également
être déterminée suivant le temps et la tâche combinée. Ici la rémunération se
détermine d’après une norme de production de référence c’est-à-dire selon une
quantité de production dans un temps déterminé, en veillant à respecter une
rémunération minimale au temps. Le rendement peut aussi prendre la forme de
commissions indexées sur les résultats atteints par le salarié.

2) La rémunération par commissions

217. Peut être assimilée à la rémunération au rendement, la rémunération par


pourcentage ou commissions. L’on peut s’autoriser cette assimilation à la lecture de
l’article 182 C. trav. (art. 111 du code de 1992) qui dispose que : « lorsque la

1 V. Soc. (fr) 12 avril 1995, Dr. soc. 1995.599, note Savatier (condamnation de la réduction de salaire pour baisse
de rendement à l’occasion d’une « grève perlée).
2 Martine MEUNIER BOFFA distingue quatre types de salaires au rendement : les primes de rendement, les

notations établies par rapport à une liste de critères, le salaire aux pièces et le salaire à la tâche : in Droit du travail
et protection sociale, Les cours de droit, Litec, 1998, p. 42.
3 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 52, 17 mai 1994, 2. K c/ SBTR (arrêt rendu sur recours contre le jugement du

tribunal du travail de Ouagadougou n° 25 du 27 avril 1993).

184
rémunération des services est constituée, en totalité ou en partie, par des commissions,
des primes et prestations diverses ou des indemnités représentatives de ces prestations,
dans la mesure où celles-ci ne constituent pas un remboursement de frais, il en est tenu
compte pour le calcul de la rémunération pendant la durée du congé, des indemnités
de préavis, des dommages-intérêts ». Cet article laisse entendre que la rémunération
peut être en « totalité ou en partie » constituée par des commissions ou primes…En
réalité il sera peu probable que l’on se situe dans le cadre d’un contrat de travail si la
rémunération est constituée en totalité de commissions1. Mais il n’est pas rare que,
combinant la rémunération au temps et au rendement, des commissions ou primes
viennent s’ajouter à la rémunération de base, comme éléments incitatifs.

3) Les restrictions au recours au salaire au rendement

218. Les modes de détermination du salaire tenant compte du rendement du


travailleur présente des avantages pour les deux parties, qui trouvent leur intérêt dans
l’accroissement de la production. Mais pour les travailleurs, ce système présente de
graves dangers : il conduit au surmenage et à la sous rémunération si les normes sont
fixées de telle sorte que le travailleur moyen ne réussit pas à exécuter la tâche ou les
pièces qui lui sont demandées dans le temps imparti. Ce système a donné lieu aux
abus du taylorisme (tâches excessivement fractionnées, monotones et stressantes) aux
USA et du stakhanovisme (course à la performance dans le rythme de production)
dans l’ex. URSS. Dans les deux cas, l’accroissement du rythme de production était
devenue une obsession entraînant le travailleur dans le surmenage. C’est pourquoi le
législateur et les conventions collectives ont essayé de limiter et de réglementer ce
système de rémunération afin de garantir une rémunération minimale constante au
salarié.

Selon l’article 180, al. 1, C. trav. (art. 109 du code de 1992), « la rémunération
d’un travail à la tâche ou aux pièces doit être calculée de telle sorte qu’elle procure au
travailleur de capacité moyenne et travaillant normalement, un salaire au moins égal à
celui du travailleur rémunéré au temps effectuant un travail analogue ». L’article 39
CCIP du 9 juillet 1974 prévoit les réserves suivantes : le travailleur doit toujours être
assuré de recevoir un salaire au moins égal au salaire minimum de la catégorie dont
relève l’emploi considéré ; les tarifs de travail doivent être établis de façon que
l’ouvrier de capacité moyenne ait la possibilité de dépasser le salaire minimum de sa
catégorie ; il ne peut être imposé au travailleur une durée de travail supérieure à celle
de son atelier ou chantier, sauf dérogation prévue par la réglementation ; des mesures
doivent être prises pour éviter le surmenage du personnel travaillant au rendement.
Pour éviter de tomber sous le coup de ces restrictions, l’employeur doit adopter une
formule combinant le salaire au temps comme rémunération de base et une prime au
rendement2. Pour que le salarié soit informé de cette réglementation limitative,
l’article 181 C.trav. impose à l’employeur d’afficher à ses bureaux et sur les lieux de
1 C. A. de Ouagadougou arrêt n° 52 du 17 mai. 1994, op. cit.
2 Voy. Issa Sayegh, op. cit. p. 516.

185
paie les taux minima de salaires ainsi que les conditions de rémunération du travail à
la tâche ou aux pièces.

§ 2 - Les accessoires du salaire

219. La rémunération comporte généralement le salaire principal ou salaire de


base ou salaire indiciaire, plus des accessoires de salaire. Ces accessoires de salaire se
composent de plusieurs éléments qu’il importe de distinguer car ils peuvent n’être pas
soumis au même régime juridique. Le contrat de travail et les conventions collectives
prévoient un certain nombre d’avantages en nature ou en espèces qui s’incorporent ou
qui ne s’incorporent pas au salaire.

A – LES AVANTAGES EN NATURE

220. La rémunération, quel que soit son mode de détermination, au temps ou


au rendement, peut théoriquement être payée en espèce ou en nature. Mais le code du
travail, en son article 183 al. 3, interdit la rémunération en nature, sous réserve des
avantages en nature prévus par les articles 176, 177 et 179. Certains avantages en
nature constituent un complément de salaire et sont par conséquent pris en compte
pour le calcul des indemnités de congés payés, de préavis ou de licenciement, ou pour
la détermination du respect du salaire minimum interprofessionnel garanti. A ces
occasions, ils font l’objet d’une évaluation forfaitaire. C’est le cas, par exemple, de la
nourriture et du logement. Les articles 176 et 177 C. trav. (art. 105 et 106 code de
1992) prévoient respectivement les cas dans lesquels l’employeur peut être tenu de
pouvoir au logement et à l’approvisionnement en denrées alimentaires de première
nécessité du travailleur. Il s’agit d’une obligation d’aider le travailleur déplacé à se
loger et à satisfaire le besoin élémentaire de se nourrir, et non d’une prise en charge
gratuite. Une telle prise en charge gratuite relève du contrat.

Les conditions de la prise en charge et les modalités de remboursement de ces


prestations à l’employeur sont fixées par voie réglementaire après avis de la
Commission consultative du travail, sous réserve de dispositions plus favorables
prévues par le contrat ou les conventions collectives1. En ce qui concerne le logement,
l’article 10 du décret 77-313 du 17 novembre 1977 prévoit qu’ « il ne peut être retenu
par journée de travail sur le salaire pour le remboursement de cet avantage, que la
somme équivalente au salaire minimum interprofessionnel garanti correspondant à
une demi-heure de travail effectif »2. Pour le remboursement de la ration journalière
de vivres, la somme pouvant être retenue est l’équivalent du SMIG correspondant à

1 Voy. CCIP du 9 juillet 1974, art. 62 et 63.


2 Décret n° 77-313 PRES/FPT du 17 novembre 1977 déterminant les cas et les conditions dans lesquelles le
logement doit être fourni, J. O. RHV du 15 décembre 1977, p. 1019 ; Recueil annoté, annexe n° 30 ; Code social, p.
149.

186
deux heures et demi de travail1, selon l’article 5 du décret 77-312. En ce qui concerne
les gens de maison, le Kiti An VI-209 du 15 mars 1989 prévoit les sommes de 10095
FCFA pour la nourriture et de 2194 FCFA pour le logement2.

En dehors de ces obligations légales, le contrat individuel ou l’accord


d’établissement peut accorder le logement de travail au frais de l’employeur3. Des
contestations s’élèvent souvent sur la prise en compte de cet avantage dans le calcul
des indemnités de préavis et de congés4.

Certains avantages en nature ne constituent pas des compléments de salaire et


ne sont pas pris en compte dans le calcul des indemnités servies en cas de rupture.
C’est le cas de l’utilisation d’une voiture de service ou du téléphone5, de la fourniture
de vêtements de travail ou d’outils de travail, du transport au lieu de travail, ou de la
prise en charge de frais médicaux hors sécurité sociale et donc à la charge de
l’employeur6.

B – LES AVANTAGES EN ESPECES

221. Les avantages en espèces peuvent se présenter sous des dénominations


diverses : indemnités, primes, gratifications, sursalaires… Ces avantages peuvent
constituer des compléments de salaire ou être des indemnités, au sens étroit, destinées
à rembourser des frais supportés par le travailleur et qui ne s’incorporent pas au
salaire, parce qu’ils ne constituent pas un supplément de salaire mais des
remboursements de frais supportés par le travailleur sur son salaire. La difficulté est
que la dénomination de l’avantage ne suffit pas pour faire la distinction entre
complément de salaire et indemnités proprement dites. Certains avantages dénommés
indemnités sont des sursalaires. Il faut donc faire l’analyse cas par cas, en distinguant
les gratifications, les primes, les indemnités, les pourboires.

1) Les gratifications

222. Les gratifications sont des sommes d’argent remises par l’employeur au
travailleur pour marquer sa satisfaction du travail accompli, ou à l’occasion
d’événements familiaux intéressant le salarié (mariage, naissance, décès…). Ce sont

1 Décret n° 77-312/PRES/FPT du 17 novembre 1977 déterminant les cas et les conditions dans lesquelles la ration
journalière de vivres doit être fournie, J. O. RHV du 15 décembre 1977, p. 1019 ; Recueil annoté, n° 29 ; Code
social, p. 147.
2 Décret n° 77-311/PRES/FPT du 17 août 1977, J.O. RHV du 22 janvier 1977, p. 1046 ; Recueil annoté annexe n°

8 ; Code social, p. 144 ; et le Kiti n° An VI-209 du 15 mars 1989 portant modification des salaires minima des gens
de maison (non publié au J. O) ; Code social, p. 381.
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 56 du 6/11/1981, SOFITEX c/ Ouédraogo I.
4 Voy. Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 12 du 9 mars 1993 ; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 26 octobre 1981,

RVD n° 5, février 1984, p. 65 ; Cour d’appel de Ouagadougou, 19 fév. 1982, RVD n°5, février 1984, p. 68.
5 Ce sont des avantages généralement liés à l’occupation d’une fonction de responsabilité de niveau élevé.
6 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 5 du 23 janvier 2001, SCFB c/ Nana D. Pierre (frais médicaux, dépassement,

demande de remboursement, preuve du dépassement).

187
des libéralités, c’est-à-dire des dons à titre humanitaire, amical ou de récompense, qui
ne reposent pas sur une obligation contractuelle, conventionnelle ou légale.

Ces gratifications peuvent prendre des dénominations diverses : prime de fin


d’année ou de bilan, 13ème mois, primes de vacance, prime de rendement etc. En
réalité, elles peuvent constituer une simple libéralité ou un complément de salaire et,
surtout, de simple libéralité au départ, la gratification peut se muer en complément de
salaire, prenant ainsi la nature d’une dette pour l’employeur1.

Le problème se pose donc de savoir si les sommes versées par l’employeur


constituent une libéralité, un acte bénévole, ou un complément de salaire constituant
une obligation. Elles deviennent un complément de rémunération soumis au régime
juridique du salaire quand elles prennent leurs sources dans le contrat de travail, le
règlement intérieur, la convention collective ou l’usage2. Il en découle que la question
essentielle est souvent de faire la preuve de l’existence de l’usage. Selon la
jurisprudence française, la gratification acquiert la nature de complément de salaire
lorsqu’elle a un caractère général (elle est servie à tous les travailleurs ou à une
catégorie de travailleurs), un caractère constant et lorsqu’elle repose sur un mode de
calcul fixe. Ces éléments de généralité, de constance et de fixité sont exclusifs de toute
intention libérale3. La généralité est réalisée lorsque la gratification est servie à tous
les travailleurs ou à une catégorie de travailleurs. La condition de constance évoque
l’idée de répétition qui laisse penser aux travailleurs que l’acte n’est pas seulement
ponctuel et aléatoire. L’élément de fixité est très relatif parce que l’employeur peut
faire varier le montant ou le mode de calcul de la gratification. Pour éviter que
l’employeur ne s’ingénie à préserver un caractère précaire à une gratification
régulière, la jurisprudence française considère que celle-ci a un caractère de
complément de salaire lorsque le mode de calcul est fixe, quelles que soient les
variations dans le montant.

Ce sont surtout les conditions qui entourent la gratification qui sont


déterminantes, pour l’appréciation de leurs caractères bénévoles ou obligatoires4. Par
exemple, le treizième mois ou prime de bilan peut être lié au bilan de l’entreprise et à
des conditions tenant au travailleur (nombre de mois de présence, absence de sanction
etc.). La prime liée au résultat peut être servie à titre exceptionnel en raison d’un bilan
positif exceptionnel ou peut être prévue, ici généralement par un acte écrit, comme
moyen d’intéressement et de participation au bénéfice. L’ambiguïté de l’avantage
accordé par l’usage, de manière paternaliste, résulte de ce que les conditions ne sont
pas toujours clairement indiquées. Même s’il était précisé que l’avantage est bénévole
et ponctuel, l’employeur ne peut dire chaque année qu’il accorde un treizième mois ou

1 V. Soc., 29 juin 1961, Bull. IV n° 576 (perte du caractère de libéralité).


2 Soc., 8 octobre 1996, RJS 11/96, n° 1149 (cas d’usage plus favorable que la convention collective).
3 Soc., 28 février 1996, Bull. V, n° 74.
4 Soc., 11 juillet 1956, D. 1957.461 ; Soc. 26 juin 1957, D. 1958.55 (caractère bénévole de la prime liée au résultat

indiqué).

188
la moitié du salaire d’un mois sans que cela ne le lie pour l’année prochaine. S’il a
l’habitude d’accorer un supplément de salaire en décembre, les travailleurs intègrent
psychologiquement ce supplément dans leur rémunération de fin d’année. Il ne pourra
s’en dégager que par une remise en cause expresse et motivée, par le mauvais résultat
de l’entreprise, par exemple.

2) Les primes

223. La dénomination de prime a également une signification incertaine. La


prime peut avoir pour objet d’obtenir un résultat. Ce résultat peut être l’accroissement
de la production, l’amélioration de la qualité, etc. C’est le cas par exemple de la prime
de rendement récompensant l’élévation de la production par un supplément de salaire,
de la prime à la régularité (dans les transports), de la prime ou boni de chantier qui
récompense l’exécution des travaux avant les délais ou dans les délais.

La prime peut aussi constituer une récompense : prime d’ancienneté, prime


d’assiduité surnommée prime anti-grève parce quelle peut inciter le travailleur à ne
pas s’absenter pour cause de grève afin de ne pas perdre cette prime ou, tout
simplement, parce qu’elle pénalise indirectement les grévistes. La prime d’assiduité
est par définition ponctuelle, le travailleur pouvant en bénéficier une année et ne pas
remplir les conditions pour en bénéficier l’année qui suit. La prime d’ancienneté, par
contre, fait corps avec le salaire de base car c’est une augmentation du salaire en
raison de l’ancienneté dans l’entreprise1, à l’instar de l’avancement à l’échelon dans la
fonction publique.

La prime peut encore tenir aux conditions difficiles de travail nécessitant un


sursalaire comme moyen de limiter la désaffection pour ces emplois : prime pour
travaux pénibles, dangereux ou sales, prime de climat, prime d’expatriation2, prime
d’astreinte liée aux contraintes de l’emploi tels que les chauffeurs des dirigeants
soumis à des horaires de travail non fixes.

Il faut donc faire la différence entre les primes qui constituent des
compléments de salaires et celles qui ne le sont pas ; les primes sont considérées

1 Suivant l’article 47 CCIP, la prime d’ancienneté est calculée sur le salaire minimum de la catégorie du travailleur.
Cette prime est de 3% après trois années de présence et de 1% par année supplémentaire après trois ans. V.
également le décret n° 60-72 du 26 février 1960 fixant les catégories professionnelles, les salaires minima par
catégorie professionnelle, les primes d’ancienneté, les conditions d’octroi de l’indemnité de licenciement et les
conditions et la durée du préavis pour les professions et branches d’activités non régies par les conventions
collectives, modifié par le décret 97-7 du 15 janvier 1997 (Code social, p. 103) et le décret 2000-301 du 6 avril
2000 (J. O. BF. Du 20 juillet 2000, p. 4306). Selon ce décret, la prime d’ancienneté est de 3% après trois ans de
présence continue dans l’entreprise, de 5% après cinq ans et de 1% par année de service de la 5 ème à la 15ème année
incluse.
2 V. art. 48 CCIP ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 87 du 24 août 1993, Diolompo Sansan c/ Air Afrique

(selon le tribunal, la notion d’expatrié ne peut s’appliquer à un ressortissant d’un Etat membre de la compagnie
sinon il n’y aurait que des expatriés dans la compagnie Air Afrique). V. également, sur les primes, Trib. Trav.
Koudougou, 1er juillet 1988, RBD, juillet 1989, p. 289.

189
comme des compléments de salaire dès lors qu’elles sont périodiques. Certaines
primes constituent en réalité des remboursements de frais. C’est le cas par exemple de
la prime de salissure qui vise à compenser les frais de lavages fréquents. Il peut en être
de même des primes d’habillement servies lorsque l’emploi comporte une exigence
particulière de bonne tenue vestimentaire, en dehors des uniformes de travail qui sont
à la charge de l’employeur.

3) Les indemnités

224. Les indemnités à proprement parler ne constituent pas un salaire parce


qu’elles sont destinées à rembourser des dépenses effectuées : indemnité de
déplacement, indemnité de transport, indemnité vestimentaire, prime de panier1, etc.
Selon l’article 178, al. 1, (ancien art 107) du code du travail, les conventions
collectives ou à défaut, le contrat de travail, peuvent prévoir une indemnité « destinée
à dédommager le travailleur des dépenses et risques supplémentaires auxquels
l’exposent sa venue et son séjour au lieu d’emploi… ». L’alinéa 2 du même article
dispose « qu’une indemnité sera allouée au travailleur s’il est astreint par obligation
professionnelle à un déplacement occasionnel et temporaire hors de son lieu habituel
d’emploi ».

Certaines indemnités sont des substituts de salaire. Il en est ainsi des


indemnités journalières servies en cas de maladie professionnelle ou d’accident du
travail, des rentes, des pensions, etc. Elles remplacent le salaire qui n’est plus dû en
l’absence de prestation de travail.

4) Les pourboires

225. Le pourboire est une somme d’argent versée au travailleur, non par
l’employeur, mais par un tiers pour marquer sa satisfaction ou par obligation imposée
par l’usage. Il est une simple libéralité. Mais dans certains cas, le pourboire peut
changer de nature pour constituer un véritable complément de salaire prévu par les
parties ou par l’usage. Dans certains pays et dans certaines professions, le pourboire
peut même être inclus dans la facture : l’employeur se charge de collecter les
pourboires et de les repartir périodiquement entre les travailleurs qui y ont droit,
généralement ceux qui sont en contact avec la clientèle. Le pourboire, dans ce cas, est
un élément du salaire. Le pourboire versé par le tiers est licite s’il ne se fait pas à
l’insu de l’employeur. Par contre, versé à son insu, il peut prendre le caractère d’une
rémunération occulte, au détriment de l’employeur, et tomber sous le coup de la
corruption constitutive d’une faute grave pour le travailleur.

1Selon l’art. 46 CCIP, c’est une indemnité servie aux travailleurs qui effectuent au moins six heures de travail de
nuit ou une séance de travail ininterrompue de dix heures dans la journée.

190
SECTION II - LA FIXATION DU TAUX DU SALAIRE
226. La fixation du salaire repose sur le principe de libre négociation entre les
parties. Le montant du salaire est en principe fixé dans le contrat par libre négociation
entre les parties. Mais cette idée de négociation est très souvent illusoire, surtout pour
les catégories de travailleurs autres que les cadres ou les travailleurs de très petites
entreprises d’un ou deux travailleurs. Une application intégrale de ce principe ferait la
part belle à l’employeur. Aussi, la législation et les conventions collectives essaient de
protéger au mieux le travailleur à travers une limitation de la liberté de l’employeur
dans la fixation du salaire. La négociation individuelle tend à perdre sa place pour
deux raisons : le rôle joué par les conventions collectives ; et l’obligation pour
l’employeur de respecter deux principes d’ordre public, le principe de non
discrimination et le SMIG.

§ 1 – Le principe de négociation et le rôle des conventions


collectives
227. Le salaire est très souvent fixé sans négociation par l’employeur,
généralement en référence aux grilles de salaires prévues par les conventions
collectives, l’accord d’entreprise ou l’usage de l’entreprise. En matière de salaire, le
principe consensuel est, à juste titre, largement remis en cause parce qu’il est
défavorable au travailleur. C’est plutôt à travers les conventions collectives que
s’exprime le principe de libre négociation des salaires et très peu dans les rapports
individuels.

A – L’INTERET DE LA NEGOCIATION COLLETIVE

228. La négociation collective des salaires est avantageuse pour les


travailleurs, mais aussi pour les employeurs. Ceux-ci évitent de se faire concurrence
entre eux en harmonisant les niveaux de rémunération.

L’article 41 de la CCI du 9 juillet 1974 dispose que « les travailleurs sont


classés dans les catégories et échelons définis par les classifications professionnelles1
figurant en annexes. Le classement du travailleur est fonction de l’emploi qu’il occupe
au sein de l’entreprise ». Pour chaque branche d’activités, les emplois sont stratifiés
selon les fonctions et qualifications requises : ouvriers, employés, agents de maîtrise et
cadres (moyens, supérieures, hors catégories). Les ouvriers, selon la convention
1 Dans l’entreprise, l’opération de classification consiste à classer les emplois et les postes de travail en fonction du
niveau de formation et d’expérience exigés. Cette classification doit respecter le système de classification prévu par
les conventions collectives. Pour le classement du travailleur dans la grille, c’est la fonction qu’il occupe ou
occupera qui prime et non sa qualification professionnelle personnelle. Par exemple, si le poste exige un niveau de
formation DUT gestion, le travailleur qui occupe un tel poste ne peut se plaindre d’être sous classé parce qu’il est
titulaire d’une maîtrise en gestion. Par contre, s’il a été recruté sur la base de sa maîtrise pour un emploi exigeant
cette qualification, l’employeur ne peut prétendre l’affecter à un poste de niveau DUT et le rémunérer selon la
fonction occupée. Il revient à l’employeur de l’affecter à une tâche correspondant à sa qualification contractuelle.

191
collective des entreprises pétrolières1, par exemple, sont répartis en : manœuvre, aide-
ouvrier, ouvrier, ouvrier spécialisé, ouvrier qualifié, ouvrier hautement qualifié,
ouvrier très hautement qualifié. Chaque catégorie correspond à des emplois, que le
salarié peut occupé en fonction de sa formation et/ou de ses expériences
professionnelles, et est affectée d’indices de salaire. Les salaires minima de chaque
catégorie sont fixés et modifiés dans le cadre de la convention collective par une
commission mixte paritaire composée de représentants des employeurs et des
organisations syndicales signataires ou adhérentes.

Ce système laisse peu de liberté à l’employeur pour fixer le salaire de chaque


travailleur : la rémunération est en réalité déterminée par référence à la grille de
classification et l’employeur qui surclasse un nouveau travailleur s’expose à des
revendications de reclassement de la part des autres travailleurs pour discrimination. Il
risque donc de détériorer le climat social dans l’entreprise ou d’avoir à surpayer, par
rapport à sa grille, tous les travailleurs de cette catégorie. Mais cette harmonisation
des salaires est relative : d’une part, l’employeur peut, par usage ou par accord
d’établissement, aller au delà des minima conventionnels et, d’autre part, des
disparités importantes peuvent apparaître d’un secteur d’activité à l’autre, par le biais
des conventions collectives sectorielles.

B – LA MARGE DE LIBERTE DE NEGOCIATION INDIVIDUELLE

229. Si les conventions collectives limitent la liberté de l’employeur, elles ne la


suppriment pas et le contrat individuel peut déterminer pour partie le niveau de
rémunération du travailleur. Le juge exerce un contrôle sur la fixation du salaire
individuel par l’employeur au regard du principe d’égalité mais ne sanctionne pas
toute différence de rémunération pour un même emploi2 sauf si l’employeur n’a pas
respecté les minima prévus par la convention collective3. Toutefois, au nom du
principe d’égalité, le juge prononce souvent des condamnations au reclassement en
cas de disparité injustifiée au préjudice d’un travailleur. Ce contrôle est plus aisé dans
les entreprises bénéficiant de grilles de rémunération.

§ 2 - Le respect du principe d’égalité et du SMIG


Dans la fixation du salaire, l’employeur doit respecter les principes relevant de
l’ordre public social, notamment le principe d’égalité ou de non discrimination4 et le
salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG).

1 Convention collective des entreprises pétrolière du 8 juin 1976, Code social, p. 229 et s.
2 Trib. Trav. Ouagadougou 28 juin 1988, Dao Oumarou c/ Cie aérienne UTA, RBD n° 16, juillet 1989, p. 283,
note. J. –F. Bouda.
3 Trib. Trav. de Ouagadougou, jugement n° 38 du 11 mai 1993 et jugement n° 51 du 25 mai 1993, inédits.
4 V. Ph. LANGLOIS, La Cour de cassation et le respect de la loi en droit du travail, D. 1997, chron. 45 ; F.

LEPANY, A travail égal, salaire égal, Dr. ouvrier 2001.201 ; P. RONGERE, A la recherche de la discrimination
introuvable : l’extension de l’exigence d’égalité entre salariés, Dr. soc. 1990.99 ; v. également, P. KIEMDE, note

192
A – LE PRINCIPE D’EGALITE

230. Prolongeant l’article 3 C. trav. concernant la non discrimination en


matière d’emploi et de profession, l’article 175 C. trav. (ancien art.104) pose un
principe : « à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de
rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs quels que soient leur origine,
leur sexe, leur âge et leur statut dans les conditions prévues au présent titre ». Cette
disposition s’adresse à l’employeur, qui ne doit pas créer des discriminations dans la
rémunération pour des travailleurs exerçant le même emploi et ayant la même
qualification professionnelle et le même rendement. Cet article n’exclut pas une
différenciation des salaires. Mais cette différenciation doit reposer sur une différence
de conditions de travail, de qualification professionnelle ou de rendement.

Le principe de non discrimination s’applique à l’ensemble de la rémunération,


c’est-à-dire au salaire de base et aux accessoires de salaire, sous réserve de l’article
178 C. trav. (ancien art. 107) qui prévoit que puissent être servis à certains travailleurs
des indemnités de déplacement et des indemnités « destinées à dédommager le
travailleur de dépenses et risques supplémentaires auxquels l’exposent sa venue et son
séjour du lieu d’emploi ». Il s’agit, dans ce dernier cas, de l’indemnité de dépaysement
ou d’expatriation prévue à l’article 48 CCIP de 1974. Cet article dispose que « le
montant de cette indemnité est fixé d’accord parties dans le contrat individuel de
travail ».

La mise en œuvre de l’article 175 peut poser des difficultés relatives à la


détermination de l’équivalence des emplois ou des conditions de travail, mais cette
question relève principalement des conventions collectives dont le rôle est
d’harmoniser les rémunérations en fonction des emplois, des conditions de travail et
des qualifications requises. Il en est ainsi de la mise en œuvre de l’alinéa 2 de l’article
175 en matière d’égalité entre les sexes : « la détermination des salaires, et en
particulier la fixation des taux de rémunération, doit respecter le principe d’égalité de
rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un
travail de valeur égale ». Il ne s’agit généralement pas d’une question de
discrimination individuelle, quoiqu’elle puisse exister dans l’entreprise, mais d’une
question d’analyse comparée de la rémunération des emplois occupés principalement
par les femmes ou principalement par les hommes. C’est un problème qui se pose au
niveau macroéconomique avec des racines sociologiques, notamment en ce qui
concerne la prédilection pour certains emplois en fonction du sexe.

231. Dans l’entreprise, la mise en œuvre de la règle de non discrimination pose


aussi des difficultés spécifiques.

sous divers arrêts dans RBD n° 42, op. cit. ; Ch. RADE, observations sous, Soc. 18 janvier 2000, Dr. soc. 2000.436
et sous Soc. 18 mai 1999, Dr. soc. 1999.747.

193
1° - Une de ces difficultés peut tenir à l’emploi des travailleurs expatriés,
notamment européens, qui ont généralement des rémunérations plus élevées que celles
des travailleurs africains. La nécessité de cette disparité est reconnue à travers
l’indemnité d’expatriation dont le montant est librement fixé dans le contrat
individuel. Cette indemnité réservée, selon l’article 48 CCIP, « à tout travailleur
recruté hors du territoire national du Burkina Faso et déplacé de son lieu de résidence
habituelle », est normalement plus consistante que l’indemnité de résidence qui peut
être servie par l’employeur aux travailleurs nationaux en compensation d’une
obligation de résidence au lieu d’affectation. Elle peut être fixée de manière distincte
ou incorporée au salaire et crée, par conséquent, une différence notable de
rémunération qui peut faire penser à une discrimination raciale 1. Par ailleurs, lorsque
le salaire de base est supérieur à celui des travailleurs nationaux, le juge admet la
liberté de l’employeur d’accorder des salaires qui vont au delà des taux prévues par les
conventions collectives ou les grilles salariales de l’entreprise. Il faut dire que cette
question pose un dilemme car condamner l’employeur pour violation du principe de
non discrimination fondé sur l’origine (race ou nationalité), ce serait soit exiger un
nivellement par le haut, ce qui peut n’être pas dans les possibilités des entreprises, soit
un nivellement par le bas, ce qui équivaut à se passer des services de personnes qui
peuvent apporter leurs expériences, leurs notoriétés ou leurs relations2 ; D’une
manière générale, le même problème peut se poser avec les travailleurs très
hautement qualifiés et donc chers sur le marché du travail.

2° - L’autre difficulté spécifique tient à l’emploi de travailleurs de statuts


différents, surtout dans les établissements publics. Il n’est pas rare, dans le secteur
public, de voir des travailleurs payés sur la base des conventions collectives et
d’autres rémunérés sur des projets financés par des aides extérieures. Ces derniers sont
généralement mieux payés, en contrepartie, en principe, d’une plus grande précarité de
l’emploi. Ces situations créent au sein de l’entreprise des malaises difficilement
remédiables3. En ce qui concerne des travailleurs relevant d’un même statut, le
problème du respect du principe d’égalité se pose en cas de modification du statut ou
de l’accord collectif. Ces contestations naissent à propos des classements, soit selon
les fonctions occupées soit selon les diplômes et leurs équivalences, et se traduisent
par des revendications de différentiels de salaires. La règle de principe, selon l’article
1 Voy. Sur cette question, le jugement du tribunal du travail de Ouagadougou, 28 juin 1988, Compagnie UTA c/
D.O. et autres, RBD n° 16, p. 283, note J.-F. Bouda. Il était reproché à la compagnie de transport aérien UTA
d’opérer une discrimination raciale dans l’attribution des sursalaires en accordant au personnel expatrié un
sursalaire plus élevé que celui du reste des travailleurs de nationalité burkinabè. Le tribunal rejette en affirmant
que, s’agissant du sursalaire, « le principe consacré est la liberté de fixation du taux lorsque le minimum de la
catégorie professionnelle est respecté » et, par conséquent, « la fixation du taux du sursalaire échappe au contrôle
du tribunal ». L’annotateur semblait plutôt favorable à un alignement sans considération sur le niveau de vie du
pays de provenance, ce qui ne nous paraît pas non plus raisonnable : on pourra difficilement convaincre un
travailleur américain de venir prester ses services au Burkina Faso avec le même montant de salaire qui a suffit à
décider le travailleur togolais, par exemple.
2 Contra : l’article 48 CCIP du Niger du 15 décembre 1972 (recueil des lois sociales, 2005, p. 184) dispose que « le

montant de cette indemnité est fixé à 4/10ème du salaire minimum de base de la catégorie professionnelle à laquelle
appartient le travailleur ».
3 Voy. Sentence arbitrale du 30 novembre 1994, projet bois de village Koudougou.

194
38 CCIP, est que « le salaire de chaque travailleur est fonction de l’emploi qui lui est
attribué dans l’entreprise ».

Mis à part ces difficultés spécifiques, des modalités de mise en œuvre de


l’article 175 C. trav. sont prévues à l’article 42 CCIP qui ouvre, en cas de contestation
du classement par le travailleur, la possibilité d’un recours devant une commission
mixte paritaire de classement présidée par l’inspecteur du travail et composée de deux
représentants des employeurs et de deux représentants des travailleurs de la branche
professionnelle intéressée. Le rôle de cette commission est de déterminer la catégorie
dans laquelle doit être classé l’emploi occupé par le travailleur1. Mais la décision de
cette commission ne s’impose pas au juge s’il est saisi de la contestation2.
La seconde grande limitation à la liberté de fixation du salaire concerne le
respect du SMIG.

B – LE SMIG

232. Les pouvoirs publics imposent à l’employeur un plancher de


rémunération dit salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG)3. Le SMIG est
supposé être le minimum nécessaire à la subsistance d’un manœuvre célibataire. Il est
établi sur la base d’un tableau type du minimum vital du manœuvre non spécialisé. Ce
tableau donne une liste des produits et des quantités nécessaires pour l’alimentation,
l’habillement, le combustible etc.4. Avant 1969, le SMIG était fixé par zones de
salaire. Ce système a été supprimé par le décret n° 69-233 du 24 octobre 19695.

Une commission nationale du SMIG, créée par décret6 est chargée de la


préparation de rapport technique à l’attention du gouvernement, pour la révision du

1 V. également l’article 5 du décret 60- 72 du 26 février 1960 fixant les catégories professionnelles, les salaires
minima par catégories professionnelles, les primes d’ancienneté, les conditions d’octroi de l’indemnité de
licenciement et les conditions et la durée du préavis pour les professions non régies par les conventions collectives,
modifié par le décret 2000-301 du 6 avril 2000, code social, p. 103.
2 V. Trib.trav. Ouagadougou, 31 juillet 1995, RBD n° 29, 1 er semestre 1996, note L. Ibriga ; et l’arrêt rendu dans la

même affaire : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 81/96 du 20 avril 1996, Mme Konaté G. et 3 autres contre FONCIAS.
(commission irrégulièrement composée). V. également, Hubert GROUTEL, note sous Cass. Ass. Plén. (fr), Société
« Belle jardinière » c/ dame Bourasseau, JCP 1976, II, 18481.
3 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 82 bis du 26 juillet 1991, in Zombré et SY, Recueil, p. 70. (le salaire convenu

étant impossible à déterminer, faute de document écrit, la Cour a retenu le SMIG comme base de calcul des droits
liés à la rupture).
4 Cf. Décret n° 63/PRES/AST du 20 février 1960 portant modification du tableau type du minimum vital (non

publié).
5 Cependant, semble demeurer le décret n° 82-006/PRES/CMRPN/AET/MF du 19 janvier 1982, fixant les salaires

minima du personnel temporaire en service dans les missions diplomatiques et consulaires de Haute Volta à
l’étranger, Recueil annoté annexe n° 36.
6 Voy. Décret n° 76-188/PRES du 28 mai 1976, portant création d’une commission nationale du salaire minima

interprofessionnel garanti (J. O. RHV. du 17 juin 1976, p. 430) modifié par le décret 79-399 du 18 octobre 1979,
Recueil annoté, annexe n° 31 ; Code social, p. 380. V. également la convention OIT n° 26, 1928 sur les méthodes
de fixation des salaires minima (code social p. 298) et la convention OIT n° 131, 1970 concernant la fixation des
salaires notamment en ce qui concerne les pays en voie de développement (Code social, p. 343).

195
panier du SMIG1. Contrairement au système de salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC) qui est indexé sur l’évolution de la croissance et donc de l’indice
des prix à la consommation afin de garantir le pouvoir d’achat des salariés, l’évolution
du SMIG se base sur deux critères : l’évaluation du minimum vital du travailleur non
qualifié et les conditions économiques générales du pays.

Lorsqu’il y a relèvement du SMIG, les organisations d’employeurs et de


travailleurs se chargent, au sein d’une Commission mixte paritaire, de répercuter cette
hausse sur l’ensemble des grilles de salaires conventionnelles, si bien que la révision
du SMIG entraîne une révision générale des salaires. Théoriquement, les relèvements
des salaires peuvent être décidés par négociations sectorielles ou générales car les
pouvoirs publics n’imposent pas un plafond de rémunération. Le système de SMIG
exclut seulement que les partenaires cherchent à indexer la rémunération sur
l’inflation, en raison du risque d’alimenter une inflation par les coûts par une inflation
par les salaires.

Le SMIG est actuellement fixé à 166,034 Fcfa par heure dans toutes les
professions non agricole, soit 28778,673 Fcfa par mois. Le salaire minimum
interprofessionnel garanti des travailleurs agricoles et assimilés est fixé à 152,46 Fcfa
par heure ou 1219,68 Fcfa par journée pour 8 h de travail, soit 26425,89 Fcfa2, si l’on
multiplie le salaire horaire par 173,33.

L’évolution du SMIG depuis 1976 est la suivante :

Date d’effet taux horaire (Fcfa) taux mensuel (Fcfa)


1/01/1976 53 9 187
1/04/1976 72 12 480
1/01/1979 90 15 600
1/01/1982 114 19 760
1/01/1988 130,69 (SMAG : 120) 22 653 (SMAG : 20800)
1/01/1994 143,76 (SMAG : 132) 24 918 (SMAG: 22880)
1/10/96 150,94 (SMAG :138,60) 27089
1/01/99 166,03 (SMAG : 152,46) 28778,673 (SMAG: 26425,89)

Le SMIG et le SMAG ont un caractère d’ordre public, c’est à dire que c’est un
minimum en deçà duquel l’employeur ne peut descendre. Mais la jurisprudence
burkinabè a une interprétation plus souple : en cas de réclamation de différentiel de
salaire pour non respect du SMIG ou de la grille salariale minimale de l’entreprise à
l’occasion de la rupture du contrat de travail, elle considère que le travailleur qui
1 Voy. L’arrêté 94-5 METSS du 17 mai 1994 fixant le nombre et la répartition des représentants des travailleurs et
des employeurs au sein de la commission mixte chargée de la fixation ou de la modification des salaires de la
convention collective interprofessionnelle, Code social, p. 391 ; ainsi que l’arrêté n° 94-6 du même jour relatif aux
travailleurs relevant des conventions collectives sectorielles, Code social, p. 392.
2 Voy. Décret n° 99-081 du 6 avril 1999, fixant les salaires minima interprofessionnels garantis, Annuaire officiel

du METSS, 2000, p. 106 ; ainsi que la décision de la commission mixte du 24 mai 1999, ibid, p. 107.

196
accepte mois par mois le salaire convenu a tacitement renoncé au droit qu’il tient du
SMIG ou de la grille salariale1. Pour l’appréciation du respect du SMIG, l’on prend en
compte le montant global de la rémunération versée au travailleur2, déduction faite des
sommes représentant des remboursements de frais réels. Ce montant doit être égal ou
supérieur au SMIG.

Le SMIG est fixé par décret en conseil des Ministres, mais les catégories
professionnelles et les salaires minima correspondants sont fixés par les conventions
collectives3. Ce n’est qu’à défaut ou en cas de silence des conventions collectives que
les salaires minima par catégories professionnelles peuvent être fixés par décret. Il en
est ainsi dans les branches d’activités non régies par des conventions collectives4.

SECTION III - LES MODALITES DE PAIEMENT DU


SALAIRE
233. Les modalités de paiement participent à la protection du salarié. Aussi, la
loi est-elle assez détallée en ce qui concerne la monnaie de paiement, la périodicité et
le lieu de paiement.

1 Voy. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 3 du 6 février 1970, Kam Ollé c/ BRAVOLTA, (SMIG, réajustement
rétroactif, non, renonciation tacite) ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 53 du 3 mars 1972, Maouzou née Cissé K. c/
Communauté musulmane (SMIG, renonciation tacite) ; C. A. Ouagadougou arrêt n° 64 du 7/6/1994, Thiombiano
B. c/ Total-Texaco, inédit ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 66 du 7/6/1994, Sao Jean Baptiste c/ jean Pierre
Chazeaud, inédit; Trib. Trav. Bobo-Dioulasso, 5 juillet 1982, RVD n° 5 février 1984, p. 74; Trib. Trav.
Koudougou, 15 février 1984, RBD n° 9 janvier 1986, p. 93 ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 16 du 24 mars
1992, Dicko Oumar c/ SAED, inédit ; Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 55 du 13 octobre 1992, Mme Forogo
née Z.H. c/ Mme Zongo ; C. A. Ouagadougou, 17 juin 1997, Bouda M. et 40 autres c/ SELG, RBD n° 33, 1 er
semestre 1998, p. 153. Voy. Egalement Martin KIRSCH, Le droit du travail africains, T.1, p. 21. Toutefois des
requêtes de différentiel salarial sont acceptées pour sous classement dans les catégories professionnelles : Voy.
Trib. Trav. de Ouagadougou, jugement n° 38 du 11 mai 1993, Drabo Cheick Sékou c/ Entreprise Peyrissac, inédit ;
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 51 du 25 mai 1993 Sanfo Ousmane c/ Hôtel « Belle Vue » inédit ; C. A.
Ouagadougou, 8 mai 1987, RBD n° 14, 1988, p. 477.
2 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 526. L’article R.141-4 C.trav. (fr) précise que le salaire à comparer au SMIC est

celui correspondant à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses
ayant le caractère de fait d’un complément de salaire. V. PELISSIER et autres, op. cit. p. 1120.
3 Voy. l’article 179, al. 2, C. trav. (ancien art. 108) et les barèmes des salaires 1999 dans Annuaire officiel du

METSS, 2000, pages 107 à 111.


4 V. le décret 2000-301 du 6 avril 2000 portant modification des salaires minima par catégories professionnelles

pour les branches d’activités non régies par les conventions collectives, J. O. BF. Du 20 juillet 2000, p. 4306

197
§ 1 – La monnaie de paiement
234. Suivant l’article 183 C. trav. (ancien article 112) « le salaire doit être payé
en monnaie ayant cours légal au Burkina Faso. Toute stipulation contraire est nulle de
plein droit ». Cette disposition exclut le paiement par bons, billet à ordre ou coupons.
Le paiement doit donc être effectuer en monnaie métallique ou fiduciaire : en espèce
dans la monnaie nationale, par chèque ou par virement dans un compte bancaire.

Les al. 2 et 3 de l’article 183 C. trav. interdisent expressément, d’une part, le


paiement de tout ou partie du salaire en alcool, boissons alcoolisées, drogues, d’autre
part, le paiement de tout ou partie du salaire en nature, sous réserve des cas légalement
autorisés. Sont légalement autorisées les fournitures de logement1 et de denrées
alimentaires 2 par l’employeur au travailleur, dans le cas où celui-ci ne peut se
procurer un logement ou un ravitaillement régulier. Ces fournitures peuvent être
déduites du salaire dans les conditions fixées par voie réglementaire après avis de la
Commission consultative du travail3.

§ II – Le lieu et la périodicité du paiement


La réglementation du lieu et de la périodicité du paiement participe à la
protection des salariés.

A – LE LIEU ET L’HEURE DE PAIEMENT

235. Le paiement doit être fait, sauf cas de force majeure, sur les lieux du
travail ou au bureau de l’employeur. Cette prescription ne vaut, évidemment, que pour
les paiements effectués par remise directe du salaire en espèces ou par chèque. Le
paiement par virement bancaire n’exige pas une telle précision, sauf à ne pas
contraindre inutilement le salarié à de longs déplacements. L’article 40 CCIP précise
que « le paiement a lieu pendant les heures de travail lorsque celles-ci concordent avec
les heures d’ouverture des caisses. Le paiement ne doit jamais être fait dans un débit
de boissons ou dans un magasin de vente, sauf pour les travailleurs qui y sont
normalement occupés. Le paiement ne peut être effectué le jour de repos du
travailleur. Le temps de paiement est considéré comme temps de travail.

1 Art. 176, al. 1, C. trav. (ancien art. 105).


2 Art. 177, al. 1, C.trav. (ancien art. 106).
3 V. Les décrets 77-312 et 77-313 du 17 novembre 1977 déterminant les cas et les conditions dans lesquelles la

ration journalière de vivres et le logement doivent être fournis, op. cit. Code social, p. 147 et p. 149. V. également
le décret 77-311 du 17 août 1977 fixant les conditions de travail des gens de maison (Code social, p. 144) et le Kiti
An VI-029 du 15 mars 1989 portant modification des salaires minima des gens de maison, op. cit. Code social, p.
381.

198
B – LA PERIODICITE DU PAIEMENT

236. Le salaire doit être payé à intervalles réguliers, selon une périodicité ne
pouvant excéder 15 jours pour les travailleurs engagés à l’heure ou à la journée et un
mois pour ceux engagés au mois1. Une exception peut être accordée aux professions
pour lesquelles des usages établis prévoient une périodicité différente. Le travailleur
journalier engagé à l’heure ou à la journée pour une occupation de courte durée doit
être payé chaque jour immédiatement après la fin de son travail, selon l’article 185 al.
1 C. trav. (ancien art. 113 al. I) et conformément à la définition du travailleur
journalier donnée par l’article 61, point 1, C.trav. (anciennement art. 13).

Le salaire du travailleur payé au mois, à la quinzaine ou à la semaine doit être


réglé au plus tard huit jours, quatre jours ou deux jours après l’échéance suivant les
trois cas. Toutefois, des dispositions particulières précisent la périodicité du paiement
pour les rémunérations aux pièces, au rendement, les commissions et les participations
aux bénéfices. Les commissions acquises au cours d’un trimestre doivent être payées
dans les trois mois suivant la fin de ce trimestre2. Les participations aux bénéfices
réalisées durant un exercice doivent être payées dans les neuf mois qui suivent
l’exercice. Pour le travailleur rémunéré aux pièces ou au rendement dont l’exécution
du travail doit durer plus d’une quinzaine, les dates de paiement peuvent être fixées de
gré à gré, mais le travailleur doit recevoir chaque quinzaine un acompte correspondant
au moins à 90% du salaire minimum et être intégralement payé dans la quinzaine qui
suit la livraison de l’ouvrage.

Par dérogation à toutes ces règles, en cas de résiliation ou de rupture de


contrat, le salaire, les accessoires du salaire, les primes et indemnités de toute nature
dus au travailleur doivent être payés dès la cessation du service. Toutefois, en cas de
litige, l’employeur peut obtenir l’immobilisation de tout ou partie de la fraction
insaisissable des sommes dues entre les mains du Président du tribunal du travail. Pour
ce faire, il saisit le Président du tribunal du travail par déclaration écrite ou verbale
faite au greffe du tribunal. La décision du Président, rendue conformément à la
procédure normale prévue aux articles 309 et suivants, est immédiatement exécutoire
nonobstant opposition ou appel.

§ 3 - Le contrôle du paiement
Le contrôle du paiement est guidé par les pièces justificatives et les règles de
prescription. Les principales pièces exigées sont le bulletin de paie et le registre de
paiements.

1
Art. 185, C. trav.
2 Art. 185, al. 4.

199
A – LE BULLETIN DE PAIE ET LE REGISTRE DES PAIEMENTS

237. Le paiement doit faire l’objet de la délivrance au travailleur d’une pièce


justificative dite « bulletin de paie »1, sur laquelle le travailleur aura apposé sa
signature ou son emprunte digitale. Ce document est un moyen de preuve et un moyen
d’information du salarié, qui peut ainsi vérifier si ses droits ont été respectés2. Il n’est
pas exigé de forme particulière pour la délivrance du bulletin de paie ; celui-ci peut
consister en un bordereau, une fiche ou un carnet de salaires. Sa délivrance est
obligatoire quels que soient le montant, la nature de la rémunération et la validité du
contrat. Le bulletin de paie doit contenir un certain nombre d’indications permettant
au travailleur de vérifier que ses droits sont respectés : montants brut et net de la
rémunération, montants et natures des déductions diverses (acomptes, cotisations
sociales, impôts, cessions ou saisies…), le nombre d’heures de travail et les taux
horaires, les heures supplémentaires, les primes, l’emploi, la classification
professionnelle du travailleur…3

Les mentions contenues dans le bulletin de paie doivent être reprises dans un
registre dit « registre des paiements », qui doit être conservé par l’employeur pendant
un délai de dix ans à dater de sa clôture. Le registre ne doit contenir ni rature ni
surcharge. Il doit être coté, paraphé et visé par le président du tribunal du travail ou, à
défaut, par le président du tribunal de grande instance du lieu où l’employeur a son
principal établissement. Ce visa est délivré sans frais. La non tenue du registre des
paiements est sanctionnée d’une amende contraventionnelle de 5000 à 50000 FCFA
conformément à l’article 387, point 1, C.trav. Ce système de registre coté et paraphé,
qui reste dans le cadre du traitement manuel, semble quelque peu dépassé, du moins
pour les entreprises hautement informatisées. Mais le décret ne prévoit pas de formule
d’adaptation.

Les employeurs des entreprises agricoles de moins de cinq travailleurs peuvent


être dispensés de la tenue du registre des paiements sur demande écrite ou verbale
adressée à l’inspecteur du travail du ressort. Les employeurs de personnels
domestiques sont dispensés de la tenue d’un registre de paiements mais pas de la
délivrance du bulletin de paie. Ces entreprises doivent tout de même se munir d’un
double des bulletins de paie pour ne pas être démunis de tout moyen de preuve écrite
des sommes versées.

L’article 190 C. trav. (ancien art. 115) dispose qu’ « en cas de contestation sur
le paiement du salaire, des primes et des indemnités de toute nature, le non paiement
est présumé de manière irréfragable, sauf cas de force majeure, si l’employeur n’est
1 Trib. Trav. Ouagadougou, 26 mars 1998, RBD n° 35, 1 er semestre 1999, p. 135 (Accident du travail, obligation de
délivrer le bulletin de paie) ; C. S. BF, arrêt n° 15 du 2 juillet 1991, Congo B. c/ Tiendrébéogo B.
2 V. H. BLAISE et M.-T. LORANS, Le bulletin de paie : un mode rénové d’information et de preuve, Dr. soc.

1992.16 ; G. PIGNARRE, Le régime juridique de la créance de salaire, Dr. soc. 1997.589.


3 V Voy. l’arrêté n° 94-009/ETSS du 3 juin 1994 portant institution d’un bulletin individuel de paye et d’un registre

de paye, Annuaire du METSS, 2000, p. 67, Code social, p. 169.

200
pas en mesure de produire le registre des paiements dûment émargé par le travailleur
ou les témoins sous les mentions contestées, ou le double du bulletin de paie afférent
au paiement contesté, émargé dans les mêmes conditions ». les juges appliquent
strictement cette présomption irréfragable1.

Le bulletin de paie a une force probante limitée. Il constitue, pour le


travailleur, un commencement de preuve par écrit de sa qualité de travailleur et de
l’existence d’un contrat de travail. Mais l’acceptation du bulletin de paie sans
protestation ne vaut pas de sa part renonciation à réclamer tout ou partie du salaire ou
des indemnités qui lui sont dus où qu’il estimerait lui être dus. Par exemple, en cas de
contestation sur le classement dans les catégories professionnelles, la mention du
bulletin de paie ne peut prévaloir sur la réalité de l’emploi occupé. A cet égard, il faut
rappeler que l’article 188 C. trav. (ancien art. 114) rend inopposable au travailleur la
mention « pour solde de tout compte ».

B – LES DELAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION EN PAIEMENT

L’action du travailleur en réclamation de salaires est enfermée dans des délais


relativement brefs, quoique allongés, en réalité, par une exception capitale, celle de
l’inopposabilité lorsque le travailleur demeure dans l’entreprise.

1) Le principe de la prescription biennale

238. Le salarié peut perdre le droit d’agir en réclamation de tout ou partie de sa


rémunération, passé un certain délai sans qu’il n’ait agit. La prescription de l’action en
paiement est l’extinction du droit reconnu au créancier d’agir légalement pour obtenir
le paiement de sa créance2. Il s’agit d’une prescription extinctive au profit, ici, de
l’employeur débiteur. L’employeur pourra opposer au salarié négligent cette exception
ou fin de non-recevoir.

Sous les régimes des codes de 1952 et de 1962 modifié en 1973, il était fait
une différence entre le délai de prescription de l’action en paiement de salaire, qui
était d’un an, et celle en fourniture ou en remboursement de prestations en nature qui
était de deux ans3. Sous la révolution d’août 1983, le délai de prescription était devenu

1 Trib. Trav. Ouagadougou, 26 avril 1988, Sawadogo Mamadou c/ Guigma Adama, inédit ; Trib. Trav.
Ouagadougou, jugement n° 20 du 13 avril 1993, Singbéogo Larba Joachin c/ Compaoré Noufou, in Zombré et SY,
Recueil, p. 76 ; C. A. Ouagadougou, 3 mars 1989, RBD n° 22 de juillet 1992, p. 317 ; Trib. Trav. Ouagadougou,
jugement n° 53 du 13 octobre 1993, in Zombré et SY, Recueil, p. 72 ; Trib. Trav. Koudougou, jugement n° 2 du 7
janvier 1994, in Zombré et Sy, Recueil, p. 76 ; C. A. Ouagadougou, arrêt n° 31 du 2 juin 1998, F. Guirma c/
Tapsoba E. (salaire, preuve du paiement, non paiement présumé).
2 V. R. LEMESLE, op. cit. p. 180.
3 V., sur les décisions judiciaires rendues sous l’empire des anciens codes : Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n°

85 du 24 août 1993, Zoundi Gnombi c/ Tassembédo Tasséré, inédit ; Trib. Trav. Ouagadougou, 24 juillet 1979,
RVD n° 3 de janvier 1983, p. 81 ; C. A. Ouagadougou, 15 juillet 1990, RBD n° 22 de juillet 1992, p. 328. Dans cet
arrêt, le délai de prescription n’a pas joué parce que la décision a été rendue sous l’empire de l’ordonnance 85-

201
hypothétique parce que l’ordonnance 85-45 CNR/PRES du 29 août 1985 autorisait le
juge à faire droit à toute demande manifestement juste sans tenir compte du
formalisme juridique et des délais de prescription.

Depuis la réforme du code du travail de 1992, l’action du travailleur en


paiement du salaire et celle en fourniture de prestations en nature et éventuellement de
leur remboursement, se prescrit par deux ans1. Cette courte prescription s’explique par
la nécessité d’éviter l’accumulation à la charge du débiteur de dettes normalement
payables sur ses revenus2. Il en est ainsi de toutes les dettes périodiques, qui sont
soustraites au délai de prescription de droit commun de trente ans. Le domaine
d’application de ce délai de deux ans concerne toutes les personnes liées par un
contrat de travail, quelle que soit la périodicité du paiement : à la journée, à la semaine
ou au mois. Les créances de salaire visées sont : le salaire de base ou salaire principal,
les accessoires du salaire (primes et indemnités) les fournitures de prestations en
nature ou leur remboursement. En sont exclus les dommages et intérêts pour rupture
abusive, les indemnités de licenciement, qui ne suivent pas le régime juridique du
salaire, parce qu’ils visent à réparer un préjudice, ainsi que les actions en
remboursement de frais professionnels n’ayant pas la nature de salaire3.

2) L’exception capitale : le point de départ du délai

239. Le délai de prescription court à partir de la date d’exigibilité de la dette4.


Mais depuis le code du travail 1992, la législation burkinabè contient en la matière
une disposition très favorable au travailleur : selon l’article 199, al. 2, C.trav.,
« lorsque le travailleur demeure dans l’entreprise, la prescription ne lui sera pas
opposable ». En raison de cette disposition, dans la plupart du temps, le délai ne court
en réalité qu’à partir de la date de la rupture du contrat de travail. Cette disposition est
justifiée par l’impossibilité morale dans laquelle le travailleur se trouve d’agir en étant
toujours dans l’entreprise. Mais elle a pour inconvénient de recréer l’insécurité
juridique que la courte prescription voulait éviter, en soumettant l’employeur à des
risques de réclamation de rappel de salaires sur plusieurs années. L’une des grandes
victimes de cette nouvelle disposition a été la Caisse nationale de sécurité social
(CNSS) qui a été soumise à d’innombrables réclamations de reclassement et de
paiement de différentiels de salaires sur plusieurs années sur la base de contestations
de révisions successives de grilles de classification ou d’autres faits très anciens tels
que le fait d’avoir assuré un intérim au-delà du délai prévu par la convention

45/CNR/PRES du 29 août 1985 portant fonctionnement des juridictions au Burkina Faso, qui permettait au juge de
passer outre les considérations de forme pour recevoir les demandes manifestement justes.
1 Art. 199 C. trav., (ancien art. 124 al. 1 du code de 1992). V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 1 du 18 janvier 1999,

Ouattara Sibo J. c/ CNSS (révision de carrière, prescription, demande faite 4 ans après la retraite, sans objet,
absence d’intérêt à agir).
2 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1024 ; F.-J. PANSIER, Droit du travail, op. cit. p. 127.
3 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1024, p. 1140.
4 Contra : C. A. Ouagadougou, arrêt n° 42/90 du 15 juin 1990, in Zombré et Sy, Recueil, p. 68 (la méconnaissance

par les travailleurs de leurs transferts à un autre employeur fait obstacle à la prescription annale).

202
collective sans avoir été reclassé. La société FASO FANI, autre entreprise publique
aujourd’hui liquidé faute de repreneur, avait été soumise à de nombreuses actions en
paiement de différentiels de salaires, au moment même où elle était dans des
difficultés financières. Il nous semble qu’il aurait mieux valu, à l’instar de certains
codes1, porter le délai de prescription à cinq ans plutôt que d’adopter le système de la
suspension du délai de prescription tant que le travailleur demeure dans l’entreprise,
en raison du potentiel d’insécurité juridique de ce système, en contradiction avec la
logique de la courte prescription des dettes périodiques. L’article 207, alinéa 2, précise
que pour le paiement des intérêts de sommes retenues injustement, le délai de
prescription court à partir de la rupture du contrat.

Le délai de prescription de deux ans peut être suspendu, selon l’alinéa 3 de


l’article 199, lorsqu’il y a compte arrêté, cédule2, obligation ou citation en justice non
périmée, ou en cas de tentative de conciliation devant l’inspecteur. Ces actes ont, en
droit civil, un effet interruptif de la prescription. Mais en droit du travail il leur est
conféré seulement un effet suspensif, ce qui signifie que la période passée avant
l’accomplissement de ces actes est comptée3.

Passés les délais de prescription, il y a présomption absolue de paiement. Mais


l’exception de prescription n’est pas un moyen d’ordre public. Elle ne peut être
soulevée d’office par le juge. Il revient à la partie qui se prévaut de cette fin de non-
recevoir de la soulever in limine litis, avant toute discussion au fond.

Néanmoins, le travailleur dispose d’un ultime moyen prévu par l’article 200
C.trav., pour surmonter l’exception de prescription, celui de déférer le serment à
l’employeur ou à son représentant, sur la question de savoir si le salaire qu’il réclame
a été payé. Si celui-ci reconnaît sa dette, même implicitement ou refuse de prêter
serment, la prescription devient trentenaire4. L’aveu de l’existence de la dette peut être
tacite. Il peut par exemple résider dans le fait, pour l’employeur, de contester le
montant de la rémunération ou le droit du travailleur au classement ou à l’indemnité
1 L’article L. 135 C. trav. sénégalais et l’article L. 143-14 C. trav. français retiennent le délai de cinq ans, le code
civil français étendant cette prescription quinquennale aux dettes périodiques. L’article L. 118 C. trav. malien
retient le délai de trois ans, l’article 169 C. trav. nigérien celui de deux, tandis que l’article 33.5 C.trav. ivoirien
s’en tient à un délai d’un an. Tous ces codes admettent que la prescription a lieu quoiqu’il y ait continuation des
services du travailleur.
2 Terme vieilli désignant une catégorie de revenus soumise à l’impôt sur le revenu. Ce terme archaïque de cédule

aurait pu être évité dans un souci de bonne information du justiciable. Le code ivoirien, qui donne un effet
interruptif à ces actes, utilise un langage plus accessible : selon l’article 33.6 de ce code, « la prescription a lieu
quoi qu’il y ait continuation du travail. Elle n’est interrompue que par : une reconnaissance écrite de l’employeur
mentionnant le montant du salaire dû ; une réclamation du travailleur lésé adressée à son employeur par lettre
recommandée avec accusé de réception ; une requête adressée à l’inspecteur du travail et des lois sociales avec
accusé de réception ; une requête déposée au tribunal du travail et enregistrée au greffe ».
3 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. pp 551 et s. V. également les articles 2244 et s. du code

civil burkinabè, sur la distinction entre les causes qui interrompent et les causes qui suspendent le délai de
prescription.
4 V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 56 du 21 mars 1995, in Zombre et Sy, Recueil, p. 82 ; C. A. Ouagadougou, arrêt

n° 55 du 15 avril 1997, Nabolé Salfo c/ NOVA SERVICE (priorité de réembauchage, salaire en deçà du SMIG,
prescription trentenaire).

203
réclamé(e). Cette contestation peut être considérée comme une tacite reconnaissance
de non paiement1.

SECTION IV – LA PROTECTION DU SALAIRE


240. La loi organise la protection du salaire contre les créanciers du travailleur,
contre ses débiteurs et contre les créanciers de l’entreprise2. Cette protection est
recherchée à travers la réglementation des retenues qui pourraient être opérées par
l’employeur à son profit sur les salaires du travailleur, des cessions et saisies des
salaires au profit de tiers, mais aussi des privilèges et actions dont dispose le salarié
par rapport aux autres créanciers de l’employeur.

§ 1 – Les retenues sur salaires


241. Le salaire est soumis à un certain nombre de prélèvements légaux ou
prévus par les conventions collectives. En dehors de ces cas, l’employeur ne peut
opérer de retenues sur les salaires que par cession volontaire ou saisie-arrêt. Il ne peut
opérer d’autorité de compensation entre les rémunérations et les sommes que le salarié
lui doit.

A – LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES

242. Les retenues obligatoires sont évoquées de manière indirecte par l’article
203, alinéa 1, C.trav. qui interdit les retenues « en dehors des prélèvement obligatoires
et des consignations qui peuvent être prévues par les conventions collectives… ». Ces
prélèvements obligatoires concernent surtout l’impôt unique sur les traitements et
salaires (IUTS) et les cotisations de sécurité sociale dont une partie est à la charge du
salarié. En dehors de ces cas, les conventions collectives peuvent prévoir des
cotisations complémentaires d’assurance sociale ou de mutuelle de sécurité sociale
pour lesquelles l’employeur doit opérer des retenues à la source sur les salaires.

Les consignations, qui peuvent être prévues par la loi, les conventions
collectives ou les contrats, sont également des retenues obligatoires. Par exemple, les
comptables doivent constituer une caution qui est réunie par prélèvement sur le salaire
ou les indemnités de responsabilité3. Selon l’article 209 C.trav. « le cautionnement est

1 C. A. HV., arrêt n° 33 du 7 novembre 1969, Ministre du travail et de la fonction publique c/ Ouédraogo Paul. V.
également, ISSA-SAYEGH, L’appréciation par les juridictions sociales des présomptions des articles 116 et 125
du code du travail relatives à la preuve du paiement, Colloque ASEJ sur la liberté d’appréciation du juge en droit
sénégalais, Revue sénégalaise de droit, n° 28, p. 124.
2 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. pp. 538 et s. Babacar KEBE, Protection de la créance de

salaire en droit sénégalais, Revue sénégalaise de droit, n° 12, p. 263 ; B. SOINNE, Le règlement des créances
salariales dans le redressement judiciaire, Dr. soc., n° spécial, décembre 1987 ; Y. CHAGNY, La situation des
salariés de l’entreprise en difficulté, RJS 1999.743 et 819 ; Keba MBAYE, La saisie-arrêt des rémunérations du
travail, Encyclopédie juridique de l’Afrique, vol. 4, pp. 272 et s.
3 Voy. les articles 209 et s. C. trav. (anciens 131 à 134) sur le cautionnement.

204
un contrat par lequel un travailleur dépose une somme d’argent entre les mains de son
employeur au moment de la conclusion du contrat de travail à l’effet de garantir la
restitution des liquidités que ce travailleur peut perdre ou dissiper à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions ». L’article 211 C.trav. fait obligation à l’employeur de
mettre en dépôt le cautionnement dans une institution financière (caisse publique,
banque…) habilitée à recevoir des dépôts. L’alinéa 3 précise que l’employeur peut,
pour constituer le cautionnement, procéder par retenues successives sur le salaire dans
la limite de la quotité cessible et saisissable, après avis du tribunal du travail.

B – LES RETENUES AUTORISEES

243. L’employeur ne doit pas porter atteinte à la libre disposition par le salarié
de ses rémunérations par des prélèvements non autorisés ou en dehors d’une cession
volontaire. L’article 202 interdit à l’employeur d’infliger des amendes au travailleur
pour quelque motif que ce soit, en précisant que cette disposition est d’ordre public.
L’employeur peut être tenté d’infliger des amendes qu’il prélève sur le salaire pour
des malfaçons, des détériorations non volontaires de matériels, des manquements à la
discipline. De telles pratiques sont illégales1.

Sont par contre autorisées certaines retenues, pourvu qu’elles se fassent dans le
cadre de la réglementation : les remboursements de fourniture de prestations en
nature, les remboursements de prêts ou avances, les compensations.

1) Les remboursements de fournitures

244. Les remboursements de fournitures en nature peuvent se faire par


prélèvements à concurrence de l’intégralité de la somme due. Il s’agit essentiellement
de la fourniture de denrées alimentaires et de logement prévue à l’article 176 C.trav.
Par contre, la fourniture à crédit de matériels professionnels personnels (ordinateurs
portables ou matériels d’ouvriers permettant un éventuel auto emploi) ainsi que
l’attribution de terrain de culture2 et de semences et instruments de culture entrent
dans la catégorie des prêts et avances.

2) Les avances et acomptes

245. L’article 203 C.trav. interdit à l’employeur d’opérer des retenues sur les
salaires en dehors d’une cession volontaire à concurrence de la portion du salaire

1 Ces pratiques semblent pourtant subsister dans certains secteurs d’activités, bien qu’elles n’émergent pas dans le
contentieux social : retenues pour bris de verres dans les débits de boissons ; amendes au vigile (gardien de société
de gardiennage) qui dort ou arbore une tenue négligée etc. Les retenues, dans les débits de boissons, sur le salaire
du serveur qui a laissé partir un client sans payer peuvent être diversement interprétées : retenue illégale pour
négligence dans l’exécution des tâches, faute de gestion ou à un détournement déguisé s’il n’est pas établi que le
client est parti sans payer.
2 V. l’art. 179 C.trav. qui prévoit que des décrets fixent éventuellement les modalités d’attribution d’avantages en

nature, notamment de terrain de culture.

205
cessible ou de saisie-arrêt1. Les retenues pour avances consenties au travailleur sont
possibles parce qu’elles reposent sur un accord entre l’employeur et le travailleur. Ce
sont des facilités de prêts à la consommation ou d’installation, concédées
unilatéralement par l’employeur ou prévues dans le cadre de négociations entre
l’employeur et les représentants des travailleurs. Pour l’application de ces textes, il
faut faire la différence entre les avances et les acomptes.

Les avances sont des prêts consentis par l’employeur pour être remboursées
par prélèvements successifs sur les salaires2. Ce sont des sommes allouées au
travailleur au-delà de la rémunération. Par exemple, les entreprises accordent souvent
des prêts pour l’achat de moyens de déplacement (bicyclette, vélomoteur,
automobile…) ou des prêts d’installation (matériaux de construction, mobiliers). Ces
avances peuvent être déduites du salaire dans le respect des quotités cessibles ou
saisissables et de la procédure de cession.

Les acomptes sont des paiements partiels sur salaire déjà acquis correspondant
à la rémunération d’une période de travail effectuée. L’acompte est entièrement
déductible. C’est le remboursement des avances qui fait l’objet d’une réglementation
spéciale3.

La cession volontaire de salaire pour le remboursement d’avances d’argent


consenties par l’employeur au travailleur doit se faire devant le magistrat du lieu de la
résidence ou, à défaut, devant l’inspecteur du travail ou encore devant le chef de
l’unité administrative la plus proche si le magistrat ou l’inspecteur sont à plus de 25
kilomètres4. L’expression « chef de l’unité administrative la plus proche » désigne le
chef de circonscription administrative (préfet) ou le maire si l’on s’en tient à une
acception restreinte. L’article 206 C.trav. dispose que « les stipulations d’une
convention ou d’un contrat de travail autorisant tous autres prélèvements sont nulles
de plein droit » et l’article 207 C.trav. précise que les sommes retenues illégalement
portent intérêts au taux légal.

Les quotités cessibles et saisissables des salaires sont fixées, en ce qui


concerne le secteur privé, par le décret n° 55-972 du 16 juillet 1955 relatif aux saisies-
arrêts, cessions et retenues sur les traitements ou salaires des travailleurs visés à

1 V. C. S. BF, arrêt n° 6 du 15 juin 1993, Zoungrana Pierre R. C/ Tapsoba François-Xavier. (saisie conservatoire,
plainte au pénal, application de l’adage « le criminel tient le civil en l’état ») ; C. S. BF, arrêt n° 10 du 7 décembre
1993, Toé Idrissa c/ CNCA (ordonnance d’injonction de payer, saisie-arrêt sur salaires de l’aval, procédure de
saisie annulée en appel, irrecevabilité du pourvoi pour absence de mémoire ampliatif).
2 V. C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 90 du 9 août 1999, GMB c/ Héma A. (indemnité de départ à la retraite,

avances).
3 V. Trib. Trav. Koudougou 19 mai 1982, RVD n° 4, p. 209 ; C. S. BF, arrêt n° 17 du 21 décembre 1993, Konaté

G. c/ Touré D. (reconnaissance de dette, vice de violence, validité de la créance reposant sur d’autres moyens de
preuve).
4 Art. 203 al. 2 C. trav.

206
l’article 1er de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 pris en application de l’article
108 de ladite loi, modifié par le décret n° 57-471 du 8 avril 19571.

Ce texte prévoit les portions saisissables et cessibles suivantes (sur la


rémunération annuelle) :

1/20ème sur la portion inférieure ou égale à 150 000 francs ;


1/10ème sur la portion supérieure à 150 000 et inférieure à 300 000 francs ;
1/5ème sur la portion supérieure à 300 000 et inférieure à 450 000 francs ;
¼ sur la portion supérieure à 450 000 et inférieure à 600 000 francs ;
1/3 sur la portion supérieure à 600 000 et inférieure à 750 000 francs ;
½ sur la portion supérieure à 750 000 et inférieure à 1 500 000 francs ;
La totalité sur la portion supérieure à 1 500 000 francs.

En ce qui concerne le secteur public, les fractions saisissables et cessibles sont


fixées par le décret n° 73-146 du 7 août 19732. Ce texte, qui est plus simple, déclare
insaisissables les trois douzièmes (3/12ème ou ¼) du cumul de la rémunération soumise
à retenue pour pension et de l’indemnité de résidence. Sont déclarées cessibles
volontairement par l’agent de l’Etat les quatre douzièmes (4/12ème ou 1/3) du montant
cumulé de la rémunération et de l’indemnité de résidence. Ce texte inspire grosso
modo la pratique, même dans le secteur privé.

3) Les compensations

246. La compensation est l’extinction automatique de deux dettes réciproques,


à concurrence du montant de la dette la moins élevée, dès lors qu’elles sont certaines,
liquides et exigibles3. Pour éviter les abus, l’article 203, al. 3, C.trav. (ancien art. 128
al. 4) dispose qu’ « il ne peut y avoir compensation entre appointements ou salaires et
les sommes dues par le travailleur notamment au titre de la réparation d’un préjudice
que dans la limite de la partie saisissable et sur les seules sommes immobilisées,
conformément aux dispositions de l’article 180 alinéa 1 ci-dessus4, au greffe du
tribunal du travail ». Les compensations ne doivent pas être confondues avec les
retenues évoquées ci-dessus. Le problème de compensation se pose surtout en cas de
rupture parce que l’employeur, qui ne pourra plus opérer de retenues successives,
voudra soustraire des rémunérations et indemnités diverses qu’il doit payer les
sommes que le salarié lui doit.

1 Code social, p. 372.


2 Décret 73-146 du 7 août 1973 relatif aux quotités cessibles, saisissables et insaisissables des traitements, salaires
et indemnités accessoires alloués aux fonctionnaires et agents temporaires des administrations et établissements
publics de l’Etat (J. O. RHV du 16 août 1973, p. 470) ; Recueil annoté, annexe 46 ; Code social, p. 378.
3 V. sur la question, PELISSIER et autres, op. cit. pp. 1159 et s. ; ISSA-SAYEGH, op. cit. pp. 542 et s. ; G.

VACHET, La compensation, Dr. soc. 1997.600.


4 Il s’agit en réalité d’un renvoi erroné, la disposition pertinente étant l’article 186, al. 1.

207
La compensation ne peut se faire que par voie judiciaire et dans le respect de la
quotité insaisissable. L’employeur doit consigner les sommes litigieuses, représentant
tout ou partie de la fraction saisissable, entre les mains du président du tribunal du
travail. Le président fixe une date d’audience (la plus proche possible) et rend sa
décision qui est immédiatement exécutoire nonobstant opposition ou appel1. La
suspicion à l’égard de la compensation vaut aussi pour les transactions, qui ne sont
opposables au travailleur que si elles ont été faites devant l’inspecteur du travail ou
devant le juge. La nullité de la « mention pour solde de tout compte » est une façon
d’empêcher l’employeur de se prévaloir de concessions réciproques que les parties se
seraient faites pour mettre fin à une contestation sur des sommes dues.

§ 2 – Les cessions et saisies-arrêts


247. Il s’agit, ici, des cessions de rémunérations à des tiers autres que
l’employeur et de saisies-arrêts de salaires par des tiers entre les mains de
l’employeur. Ce dernier, on l’a vu, peut être bénéficiaire d’une cession, mais
normalement n’a pas besoin de passer par la voie d’une saisie de la rémunération. Les
cessions et saisies de rémunérations sont traitées dans le code du travail mais aussi
dans le code judiciaire qui reprend l’Acte Uniforme de l’OHADA n° 4 du 10 avril
1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution2.

Suivant l’article 173 AU. RVE « tout créancier muni d’un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des
rémunérations dues par un employeur à son débiteur ». Cette disposition est une
innovation plus protectrice du salarié, en ce qu’elle exige que le créancier soit
détenteur d’un titre exécutoire. Par ailleurs, selon l’article 175 de cet acte, les
rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire. Les proportions de
la rémunération pouvant être cédées ou saisies sont déterminées par chaque Etat-
partie.

L’assiette des rémunérations servant au calcul de la partie cessible ou


saisissable est constituée du salaire global brut avec tous les accessoires, déduction
faite des taxes et prélèvements légaux obligatoires (impôt et cotisation sociale…), des
indemnités représentatives de frais, des prestations, majorations et suppléments pour
charges de famille (allocations familiales), et des indemnités déclarées insaisissables
par les lois et règlements de chaque Etat.

1Article 186
2V. J. O. OHADA n° 6 du 01/6/98, pp. 1 et s. ; Code social, pp. 281 et s. et notamment pp. 313 et s. Sur la saisie
des rémunération, v. OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, pp. 703 et s., commentaires A.-M.
ASSI-ESSO. V. également, J. ISSA-SAYEGH, Présentation de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, Penant 1998, n° 827 pp. 204 et s.

208
Quant à la procédure de saisie, elle doit être précédée par une phase de
conciliation sur requête du créancier adressée à la juridiction compétente (la
juridiction du travail). La juridiction convoque les parties pour la conciliation et dresse
procès-verbal de conciliation ou de non conciliation. En cas de non conciliation, le
créancier peut procéder à la saisie après que le Président du tribunal ait vérifié le
montant de la créance en principal, les intérêts et les frais et éventuellement tranché
des contestations soulevées par le débiteur. Le greffier notifie l’acte de saisie dans les
huit jours de la non conciliation et cette notification frappe d’indisponibilité la quotité
saisissable du salaire. L’employeur doit adresser tous les mois le montant des sommes
retenues, en respectant la portion saisissable, au greffe du tribunal (ou à l’organisme
désigné à cet effet par chaque Etat). Il revient au greffe ou à l’organisme désigné de
reverser au créancier ou, en cas de pluralité de créanciers, de répartir la somme, en
tenant compte, s’il y a lieu, des privilèges, entre les créanciers qui ont régulièrement
fait intervention dans la procédure afin de participer à la répartition.

La cession de salaire à un tiers est analogue à celle prévue dans les rapports
entre l’employeur et le travailleur. La cession ne peut être consentie, quel qu’en soit le
montant, que par déclaration du cédant en personne au greffe de la juridiction de son
domicile ou du lieu où il demeure1. La juridiction vérifie le respect de la quotité
cessible et notifie la déclaration au cessionnaire.

§ 3 – Les privilèges sur le salaire


248. La matière est à la fois traitée par le code du travail (articles 191 à 198),
le code civil (articles 2095 à 2113), l’Acte uniforme de l’OHADA du 17 avril 1997
portant organisation des sûretés2 et l’Acte uniforme de l’OHADA du 10 avril 1998
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif 3. Le code du
travail de 2004 tient compte de ces actes uniformes qui, d’ailleurs, renvoient à la
législation nationale dans certains cas.

Le salaire a un caractère alimentaire, c’est pourquoi il est en partie


insaisissable et incessible. Mais cette protection contre les créanciers du salarié est
insuffisante pour lui garantir le paiement de son salaire. Il est nécessaire de le protéger
à l’égard des créanciers de l’employeur si celui-ci devient insolvable. Cette protection
est assurée par un privilège général et un superprivilège, auxquels s’ajoutent quelques
autres privilèges spéciaux et droits d’actions4.

1 Art. 205 AU. RVE.


2 V. articles 106 et s. AU. S. ; J. O. OHADA 01/7/1998, p. 1 et s. ; OHADA, Traité et Actes uniformes commentés
et annotés, pp. 673 et s.
3 V. articles 95, 96, 166 et 167 AU. PC, J. O. OHADA n° 7 du 01/7/98, p. 1 et s. ; OHADA, Traité et Actes

uniformes commentés et annotés, p. 942 et p. 987.


4 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. pp. 555 et.; PELISSIER et autres, op. cit. pp. 1158 et s. ; P. DOUBLET, Sur le

privilège de la créance de salaire, Revue sénégalaise de Droit, n° 12, p. 273 ;H. BLAISE, Les créances garanties
par l’AGS, Dr. soc. 1994,.778 ; DERRIDA, Le super privilège des salaires, D. 1970.161 ; M. RAMACHERS, Le
super privilège des salariés, la subrogation de l’AGS et le redressement judiciaire : du mythe à la réalité, D. 1989,

209
A – LE PRIVILEGE GENERAL

249. Aux termes de l’article 2095 C.civ. « le privilège est un droit que la
qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers même
hypothécaires ». Les rémunérations bénéficient d’un privilège général qui s’exerce,
sans avoir été publié1, dans l’ordre de préférence prévu par les textes.

1) Les bénéficiaires et les créances garanties

250. Les bénéficiaires de ce privilège sont les travailleurs et les apprentis, quelle
que soit la durée de leurs contrats. Sont aussi bien couverts les journaliers, les
saisonniers et les titulaires de contrats à l’essai ou de contrats de travail temporaire.
Les créances garanties sont les rémunérations au sens, selon l’article 191 C.trav., « de
salaire proprement dit quelle que soit son appellation, des accessoires de salaire, de
l’allocation de congé payé, des primes, des indemnités et des prestations en nature ».
Ce sont, selon l’expression de l’article 192 C. trav., « la créance de salaire et autres
créances du travailleur qui découle du travail… » Cette formule permet d’inclure les
indemnités de licenciement et même les dommages et intérêts ou indemnités pour
licenciement abusif, parce que, sans être des salaires, ce sont des créances relevant de
la rupture du contrat de travail et, par conséquent, de la relation de travail. N’en
seraient exclues que les dettes de l’employeur à l’égard du travailleur, extérieures à la
relation de travail. Ce privilège s’étend donc à tout le salaire et aux accessoires du
salaire, primes, indemnités de congés payés, indemnités de préavis, indemnités de
licenciement, dommages intérêts.

2) La portée du privilège général

251. Le privilège général garantit la partie saisissable du salaire, dans la mesure où


la partie insaisissable bénéficie d’une garantie plus intéressante, le superprivilège. Ce
privilège général, qui porte normalement sur les biens meubles, s’exerce en réalité sur
les biens meubles et immeubles de l’employeur2. Plus exactement, il grève les biens
meubles et les produits de vente des immeubles. Cette distinction importe surtout pour
le rang des créanciers bénéficiant de préférences.

En ce qui concerne le rang du privilège, celui du salarié est classé, dans


l’article 2101 C.civ. relatif aux meubles mais qui s’étend aussi aux immeubles, au 4ème
rang après les frais de justice, les frais funéraires, les frais de dernière maladie.
L’article 95 AU. S. renvoyant à la législation nationale, c’est cet article 2101 qui est
applicable. L’article 2103 C.civ. classe aussi ce privilège au 4 ème rang des privilèges

chron.301 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, L’efficacité des sûretés garantissant les créances salariales, Dr. soc.
1987.842.
1 V. l’article 107 AU. S. sur les privilèges généraux non soumis à publicité.
2 L’article 2101 C. civ. Concerne les biens meubles mais l’article 2104 dispose que les privilèges qui s’étendent sur

les meubles et les immeubles sont ceux énoncés en l’article 2101.

210
sur les immeubles. Selon cet article 2103, sont privilégiés sur les immeubles, au
quatrième rang, en même temps que les entrepreneurs et architectes, « …les maçons et
ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtiments, canaux, ou
autres ouvrages quelconques… » à condition qu’il ait été préalablement dressé procès-
verbal par un expert nommé par le tribunal de première instance. L’expression
« maçons et autres ouvriers » vise en réalité tous les travailleurs qui ont participés aux
travaux sur l’immeuble.

Dans le temps, la créance de salaire n’est privilégiée que pour les six (6)
derniers mois précédant la faillite, sauf en ce qui concerne les gens de maison pour
lesquels le privilège porte sur la créance d’une année échue et de l’année en cours. En
effet, selon l’article 2101, ce privilège porte sur « les salaires de gens de service, pour
l’année échue et ce qui est dû sur l’année courante, les sommes pour lesquelles un
privilège est établi à l’article 549 du code de commerce et les appointements de tous
ceux qui louent leurs services pour les six derniers mois ».

Mais la garantie offerte par le privilège général est assez illusoire, car la règle
veut que les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux. Ainsi, en cas de
faillite de l’employeur, le bailleur a un privilège spécial sur les loyers dus, le vendeur
de meuble a un privilège spécial sur le produit de la vente du meuble etc. Pour éviter
qu’il n’ait rien à toucher, le législateur est intervenu pour accorder au travailleur un
superprivilège sur les créances de salaires.

B – LE SUPERPRIVILEGE
252. L’article 192 C.trav. (art. 117 ancien) dispose que « la créance de salaire
et autres créances du travailleur relevant de la relation de travail bénéficient d’un
privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux en ce qui
concerne la fraction insaisissable dudit salaire… ». On examinera la portée de ce
privilège et la procédure d’accélération du paiement.

1) La portée du superprivilège

253. Ce privilège, qui porte donc sur environ un tiers des rémunérations,
s’exerce sur les biens meubles et immeubles du débiteur. Il prime même celui du
trésor car celui-ci doit rapporter à la masse les sommes qui avaient été précomptées
sur les mandats dus à l’employeur postérieurement à la date de cessation des
paiements1.

En ce qui concerne le rang du superprivilège, l’Acte uniforme portant


organisation des procédures collectives d’apurement du passif améliore la position des

1 Article 193 C.trav. (article 118 ancien).

211
salariés dans l’ordre de préférence lors de la distribution des deniers1. Selon l’article
166 AU. PC, pour la distribution des deniers provenant de la réalisation des
immeubles, les créances de salaires viennent au deuxième rang après les frais de
justice mais avant les créanciers hypothécaires et les créanciers de la masse. L’article
167 AU. PC les classe, en ce qui concerne les deniers provenant de la réalisation des
meubles, au troisième rang après les frais de justice et les frais exposés pour la
conservation de la chose. Outre le rang dans l’ordre de préférence, les créances de
salaires bénéficient d’une procédure accélérée de paiement qui augmente l’intérêt du
superprivilège.

2) La procédure accélérée de paiement

254. Pour assurer le règlement effectif des créances super privilégiées, le


syndic ou le liquidateur doit payer les créances des travailleurs dans les dix jours qui
suivent la liquidation judiciaire, sur simple ordonnance du juge commissaire. Si les
fonds ne sont pas suffisants, les créances des travailleurs doivent être acquittées sur les
premières rentrées de fonds avant toute autre créance2. Afin de ne pas décourager
toute possibilité d’avancer des fonds à l’entreprise en difficulté, l’article 195 C.trav.
prévoit une subrogation en faveur de celui qui aura prêté les fonds nécessaires pour
désintéresser les salariés : « au cas où lesdites créances seront payées grâce à une
avance faite par le syndic, le liquidateur ou toute autre personne, le prêteur est de ce
fait même, subrogé dans les droits du travailleur et doit être remboursé dès la rentrée
de fonds nécessaires, sans qu’aucune autre créance puisse y faire opposition ». En
outre, les délais et remises concordataires consentis par les autres créanciers sont
inopposables aux travailleurs s’ils ne les ont pas expressément accepté. Mais ceux-ci
ne perdent pas leur rang s’ils consentent à ces délais et remises.

C – AUTRES PRIVILEGES ET DROITS D’ACTION DU TRAVAILLEUR

255. Diverses autres dispositions énoncent des mesures de protection et même


des privilèges spéciaux en faveur du travailleur. Par exemple, comme simple mesure
de protection, l’article 196 dispose que le travailleur logé par l’employeur avant la
liquidation judiciaire continue à être logé jusqu’à la date de paiement de sa dernière
créance ou jusqu’à la mise à sa disposition du moyen de transport pour regagner sa
résidence.

Par contre, même si, selon M. ISSA-SAYEGH, ce genre de disposition


présente peu d’intérêt pratique3, l’article 197 C.trav. institue un véritable privilège
spécial en conférant un droit de rétention au travailleur détenteur de l’objet par lui
œuvré. De même, le travailleur à qui a été confié des objets mobiliers pour être

1 V. également les articles 148 et 149 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
2 Article 194 C.trav.
3 V. J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit. p.558.

212
travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés, acquiert le droit de les vendre, conformément
à la législation en vigueur, s’ils n’ont pas été retirés dans le délai de six mois.

En outre, les articles 113 et 114 AU. S. instituent des privilèges au profit de
certains travailleurs. Suivant l’article 113 AU. S. « le travailleur d’un exécutant
d’ouvrage à domicile a un privilège sur les sommes dues par le donneur d’ouvrage
pour garantir les créances nées du contrat de travail si celles-ci sont nées de
l’exécution de l’ouvrage ». Cette disposition protègerait spécialement les travailleurs à
domicile et les artisans. L’article 114 AU. S. accorde un privilège spécial aux
travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux sur les sommes restant dues à
l’entreprise pour les travaux déjà exécutés1.

Ces différentes dispositions confèrent des actions directes à ces travailleurs


contre les débiteurs de leur employeur. En ce qui concerne la mise en œuvre de ces
actions par saisie, l’article 198 C.trav. accorde d’office au travailleur le bénéfice de
l’assistance judiciaire pour toute demande d’autorisation de saisie-arrêt. Cette
demande doit être présentée à la juridiction de droit commun.

1Certains codes du travail prévoient une disposition particulière sur les entreprises chargées d’exécuter des travaux
publics. V., art. 33.1 C.trav. ivoirien, art. L. 112 C.trav. malien et art. 165 C.trav. nigérien.

213
TITRE III - LES INSTITUTIONS DU TRAVAIL
256. Le droit du travail est marqué par une certaine publicisation, non
seulement par la stricte réglementation du contrat de travail et par des relations de
travail qui s’éloignent de la conception civiliste des rapports entre personnes privées,
mais aussi par l’intervention constante d’institutions publiques et privées qui confère
une place prééminente aux rapports collectifs de travail.

Les institutions du travail sont de trois types :


- les institutions administratives (sous-titre 1) ;
- Les juridictions du travail (sous-titre 2) ; et,
- Les institutions professionnelles (sous-titre 3).

Les deux premières sont des institutions publiques ou étatiques, mais leurs
différences de nature commande que les trois types d’institutions soient abordés de
manière distincte.

214
215
SOUS -TITRE I – LES INTITUTIONS ADMINISTRATIVES
DU TRAVAIL
257. L’on entend par institutions administratives, les organes et organismes
étatiques qui interviennent dans l’administration du travail. En effet, l’Etat ne se limite
plus à édicter une réglementation que les travailleurs et les employeurs doivent
respecter. C’est ce qu’il faisait au départ, puis il est apparu par la suite indispensable
de créer des organes, d’abord pour contrôler et sanctionner l’inapplication ou la
violation de la réglementation, mais aussi pour conseiller les parties, étudier leurs
problèmes et quelquefois négocier avec eux ou les concilier. Aujourd’hui, ces
organismes sont devenus nombreux et divers.

Une des caractéristiques particulières de cette administration du travail est que


celle-ci obéit à un certain nombre de principes d’organisation dans la plupart des pays.
Ces principes, qui sont nés des nécessités pratiques, ont été systématisés par
l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.). Celle-ci, par les conventions qu’elle
élabore et par ses recommandations, a eu et joue encore un rôle primordial dans la
maîtrise des problèmes relatifs au travail et à la prévoyance sociale. Elle contribue
beaucoup à orienter les politiques sociales des Etats membres en les amenant à
prendre conscience et à accorder aux problèmes sociaux la place qu’ils méritent dans
leurs politiques de développement. Cela vaut surtout pour les Etats jeunes qui ont
trouvé à leur naissance des normes déjà élaborées auxquelles ils pourraient se
conformer ou tout au moins s’inspirer. Ainsi, du point de vue de l’organisation et des
attributions de l’administration du travail, les principes en vigueur au Burkina Faso
s’inspirent, bien entendu du système français – le pays colonisateur ayant légué son
système juridique - mais aussi des conventions1 et recommandations de l’O.I.T.

258. L’O.I.T. prône des principes d’organisation et recommande certains rôles


et attributions de l’administration du travail. Les principes d’organisation sont au
nombre de quatre :

- Le premier principe est que les structures de l’administration du travail


doivent être définies en fonction de la nature des tâches et des activités pouvant être
regroupées au sein d’une même organisation administrative. Ainsi, au niveau de
l’organisation de l’administration centrale, existe t-il une administration distincte

1 V. convention O.I.T. n° 81, convention concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce, 1947,
ratifiée par le Burkina Faso le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 77, p. 332, Code social, p. 331 ; Convention
O.I.T. n° 129, sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, ratifié le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 78, p.
339, Code social, p. 337 ; Convention O.I.T. n° 150, 1978 concernant l’administration du travail : rôle, fonction et
organisation, 1978, ratifiée le 17 janvier 1981, code social, p. 352 ; Convention O.I.T. n° 141, juin 1975 concernant
les organisations des travailleurs ruraux et leur rôle dans le développement économique et social, autorisation de
ratifier promulguée le 24 avril 1997, J.O. BF du 8 mai 1997, p. 1098 ; Convention O.I.T. n° 161 du 26 juin 1985
concernant les services de santé au travail, autorisation de ratifier promulguée le 11 août 1997, J.O. BF du 8 mai
1997, p. 1098.

216
occupant un département ministériel jadis jumelée, pour des raisons pratiques, avec
celui de la fonction publique, aujourd’hui avec celui de la jeunesse.

- Le deuxième principe est celui de la division du travail au sein de cette


administration et suivant les fonctions qu’elle remplit. Suivant ce principe, on retrouve
une répartition correspondant aux trois fonctions essentielles de l’administration du
travail : une fonction de conception assurée par la création de services d’études ; une
fonction de gestion pourvue par la création de services d’emploi ou de main d’œuvre ;
et une fonction de contrôle remplie par les inspections du travail.

- Le troisième principe est celui de la déconcentration. L’administration du


travail doit couvrir l’ensemble du territoire et être accessible aux administrés. On
distingue alors les services centraux et les services extérieurs ou déconcentrés. Ces
derniers sont créés en fonction des besoins administratifs, c’est-à-dire selon la
dimension du territoire et l’importance de la concentration de travailleurs, les moyens
financiers et les disponibilités en personnels qualifiés. Cette exigence semble assez
bien remplie avec la création, ces dernières années, de 13 directions régionales
couvrant les 13 régions administratives et 45 services provinciaux1.

- Enfin, le quatrième principe est celui de la collaboration. Ce principe se


rencontre à tous les niveaux. Conformément à la recommandation n° 113 adoptée par
la Conférence générale de l’O.I.T. en 1960, l’administration du travail ne doit pas
avoir un caractère autocratique. Les autorités publiques et les organisations
professionnelles doivent collaborer pour la promotion du développement,
l’amélioration des conditions de travail et l’élévation du niveau de vie. Ce principe
exclut toute discrimination fondée sur les opinions philosophiques ou religieuses. Il se
traduit par la création d’organismes consultatifs tels que la commission consultative
du travail2 et le comité technique national consultatif pour l’étude des questions
intéressant l’hygiène et la sécurité des travailleurs3.

En ce qui concerne le rôle et les attributions de l’administration du travail,


celle-ci a, à travers ses différentes structures, pour missions essentielles : de procéder
à des études et enquêtes sur tous les problèmes concernant les relations
professionnelles ; d’élaborer la législation au sens large ; de veiller à l’application de
cette législation ; d’animer, de coordonner, de contrôler les activités de différents
organismes ; de jouer un rôle d’information et de conseil auprès des employeurs et des
travailleurs ; et d’établir des liaisons avec les organismes internationaux.

1 Voy. le décret 2002 – 465/PPRES/PM/MTEJ du 28 octobre 2002 portant organisation du Ministère du Travail, de
l’Emploi et de la Jeunesse, J.O.B.F. n° 1 du 02 janvier 2002, p. 2134.
2 V. articles 375 à 379 C. trav. 2004 (art. 230 et 231 C. trav. de 1992) ; décret 97-10 du 12 mars 1997 portant

composition, attribution et fonctionnement de la commission consultative du travail, J.O.B.F. du 3 avril 1997, p.


791 ; Code social, p. 180.
3
V. article 219 C.trav. (art. 136 C.trav. de 1992).

217
Les différentes structures comprises dans le terme administration du travail et
chargées de l’accomplissement de ces tâches se composent principalement :
- des organismes consultatifs généralement tripartites ou paritaires
(employeurs et travailleurs) ;
- de l’inspection du travail ;
- des services chargés de l’emploi, auparavant appelés services de main-
d’œuvre ;
- des différents services dits rattachés qui se composent d’organismes
bénéficiant de la personnalité morale ou simplement d’une individualité
financière.

Parmi ces structures administratives, l’inspection du travail joue un rôle central


mais il n’est pas inutile d’évoquer l’organisation générale du département ministériel
(chapitre 1) avant d’aborder successivement l’inspection du travail (chapitre 2), les
services chargés de la politique d’emploi (chapitre 3) et enfin des organismes
consultatifs (chapitre 4).

218
219
CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE DU
DEPARTEMENT MINISTERIEL
259. Les différentes structures administratives qui s’occupent des questions de
travail et de sécurité sociale sont coiffées par un département ministériel qui est,
depuis le décret 2002-465 du 28 octobre 2002, le Ministère du Travail, de l’emploi et
de la jeunesse (MTEJ). Avant 19911 le département du travail avait toujours été
jumelé avec celui de la fonction publique sous le nom de ministère de la fonction
publique et du travail, puis de ministère du travail, de la sécurité sociale et de la
fonction publique. L’évolution des découpages ministériels a tendu de plus en plus à
mettre en relief les questions de travail et d’emploi. L’adjonction actuelle de la
jeunesse peut paraître surprenante. Elle a peut-être l’avantage de mettre en rapport les
questions de jeunesse et d’emploi, en relation avec l’accroissement du chômage des
jeunes. La direction générale de la jeunesse2 se voit par exemple chargée, entre autres,
« de plaider pour une systématisation de la prise en compte de la dimension jeunesse
dans les programmes nationaux de développement » et « de promouvoir les
programmes nationaux, régionaux et internationaux d’insertion professionnelle des
jeunes ».

Mis à part cette composante jeunesse qui a l’air ponctuelle, et qui est prise en
charge par un ministre délégué, le département ministériel comprend trois
composantes stables, le travail, l’emploi et de la sécurité sociale, regroupées dans des
services centraux et des services extérieurs ou déconcentrés et des services rattachés
ou décentralisés.

SECTION I - LES SERVICES CENTRAUX


260. Au Burkina Faso, l’organisation des départements ministériels est
harmonisée et simplifiée. Elle est harmonisée en ce sens qu’elle répond à une
organisation type fixée par décret, où l’on retrouve les mêmes directions : direction de
l’administration et des finances (DAF), direction des études et de la planification
(DEP), direction des ressources humaines (DRH, ex. service ou direction du
personnel) et direction de la communication et de la presse ministérielle. A ces
structures s’ajoutent les directions dites techniques qui s’occupent des différentes
facettes de la mission du ministère. Celles-ci ont en réalité tendance à se multiplier et
à ce complexifier par ramification. Cet ensemble est sous l’autorité hiérarchique d’un
secrétaire général.

L’organisation des départements ministériels est simplifiée au niveau du


cabinet ministériel. Celui-ci comprend : des conseillers techniques dont le nombre est
1 Décret n° 91-0352/PRES du 26 juillet 1991, portant remaniement du gouvernement. Ce décret crée un ministère
de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale.
2 V. arrêté n° 2003-20/MTEJ du 28 août 2003 portant organisation et attributions de la direction générale de la

jeunesse, J.O.B.F. n° 39 du 25/9/2003, p. 1406.

220
limité à 2 ou 3 ; un secrétariat particulier ; un service du protocole et l’inspection
technique des services du ministère. Ce rattachement vise à assurer l’autonomie de
l’inspection et, par conséquent, son ascendance sur les services contrôlés. Il n’y a donc
pas, sauf exception, de directeur de cabinet ni de chargés de missions1.

Les services centraux sont les services placés sous la coupe du secrétariat
général du ministère. On s’intéressera plutôt aux services techniques, qui reflètent les
missions du ministère. Ces services sont au nombre de deux directions générales, si
l’on exclut la jeunesse : la direction générale du travail et de la sécurité sociale et celle
chargée de l’emploi et de la formation professionnelle.

§ 1 - La direction générale du travail et de la sécurité sociale


261. On aurait pu s’attendre à l’existence d’une direction générale du travail et
d’une direction générale de la sécurité sociale, mais l’existence de multiples
organismes décentralisés peut expliquer qu’une seule direction générale suffise2. Cette
direction générale se subdivise tout de même en : direction du travail (direction
centrale) ; direction de la sécurité sociale et direction de la sécurité et santé au travail.

D’une manière générale, cette direction générale est chargée : de coordonner


les activités des directions relevant de son autorité et, sur le plan des missions
techniques, d’élaborer, de survivre et d’évaluer la politique dans les trois domaines du
travail, de la sécurité sociale et de la sécurité et santé au travail ; de participer aux
instances où sont discutés ces problèmes ; de contribuer à la promotion du tripartisme
et du dialogue social ; de suivre les relations avec les institutions nationales,
régionales ou internationales spécialisées dans ces trois questions ; de participer aux
négociations et de suivre l’application des conventions de sécurité sociale avec
d’autres pays ; d’apporter son assistance au burkinabè travaillant à l’étranger.

Les trois aspects de ces missions sont prises en charge par chacune des trois
directions, le directeur général jouant surtout un rôle de coordination, même s’il peut
intervenir directement ou se substituer à un directeur en vertu de son autorité
hiérarchique. En matière de travail, la direction du travail reçoit les missions d’étude
et d’élaboration de la réglementation mais se voit aussi conférer des missions qui lui
sont déléguées par arrêté3 ou par le code du travail4 : la gestion des conflits collectifs

1 Cette organisation dépouillée des cabinets ministériels a l’avantage de l’économie en personnels de cabinet et
d’éviter, par conséquent, les risques de création de postes fictifs (au sens de nomination de personne qui ne
s’occupe que des affaires du parti ou du ministre) mais peut réduire considérablement la capacité du ministère à
étudier les dossier sous les angles techniques et politiques.
2 Il est d’ailleurs heureux qu’il n’y ait qu’une seule direction générale, la tendance étant plutôt à la multiplication

du nombre de directions générales pour des raisons de prestige et de consistance des avantages de fonction. Il est à
remarquer, en outre, qu’auparavant la sécurité sociale n’apparaissait dans l’organigramme du ministère qu’à travers
un service rattaché, la C.N.S.S.
3 Voir arrêté n° 2003-22 (MTEJ du 28 août 2003, art. 17.
4 Voy. l’article 336 al. 2 C.trav. (article 207 ancien) qui dispose que le différend collectif doit être notifié au

directeur du travail lorsqu’il s’étend sur le ressort de plusieurs inspections du travail.

221
ayant une envergure nationale ; contribuer aux négociations collectives à caractère
national ; suivi des négociations collectives au niveau régional ; le visa des contrats de
travailleurs étrangers…

§ 2 – La direction générale de l’emploi et de la formation


professionnelle
262. Cette direction générale illustre l’importance que prend la question de
l’emploi. Dans le kiti n° An VII – 0145 du 21 décembre 1989 portant organisation du
Ministère du travail, de la sécurité sociale et de la Fonction publique, c’est-à-dire
moins de deux ans avant la création d’un Ministère chargé du Travail, de l’emploi et
de la sécurité sociale, la question de l’emploi n’apparaissait pas dans l’organigramme
d’une direction centrale. Elle semblait être entièrement prise en charge par l’ONPE,
organisme rattaché1.

La direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle est


chargée : d’élaborer, de suivre et d’évaluer la stratégie en matière de promotion de
l’emploi, d’apprentissage, de formation, d’orientation et de qualification
professionnelle ; de proposer une politique d’amélioration des conditions d’accès des
jeunes à des emplois rémunérateurs ; d’étudier les phénomènes de l’emploi, du
chômage et du sous-emploi ; de veiller à la prise en compte de la dimension emploi et
formation professionnelle dans les notions de développement ; d’organiser, de
promouvoir et de suivre le secteur informel etc.2 Ces différentes attributions sont
prises en charge par trois directions dont les dénominations en illustrent les facettes
principales : la direction des stratégies et programmes d’emploi chargées des études et
de la promotion de l’emploi, d’information et des statistiques d’emploi ; la direction
de la formation professionnelle et de l’apprentissage ; et la direction de la promotion
du secteur informel. Ces deux dernières directions symbolisent le changement de
vision de l’action de l’Etat en matière de travail et d’emploi. La gestion de l’emploi
intègre non seulement l’emploi salarié classique des villes, mais aussi la promotion
des emplois ruraux et du secteur informel.

L’expansion des structures administratives a aussi concerné les services


déconcentrés ou décentralisés.

1 Les services centraux du MTSSFP comprenait deux directions techniques (mis à part la direction des affaires
administratives et financières et la direction des études et de la planification) : la direction générale de la fonction
publique et la direction générale du travail et de la sécurité sociale. Celle-ci comprenait : une direction des relations
professionnelles, une direction des relations internationales, une direction de la sécurité sociale et de l’hygiène
professionnelle, et les directions régionales. La séparation de la fonction publique a quand même entraîné une
expansion structurelle.
2 V. article 6 de l’arrêté n° 2003-23 MTEJ du 28 août 2003 portant organisation et attributions de la direction

générale de l’emploi et de la formation professionnelle. L’énumération fastidieuse de cet article montre des
recoupements notamment en matière d’emploi des jeunes, avec les attributions de la Direction générale de la
jeunesse.

222
SECTION II – LES SERVICES DECONCENTRES
ET DECENTRALISES
Les services déconcentrés et les services décentralisés ou simplement
autonomes (les projets) constituent les bras du Ministère en matière d’administration
du travail. Certains seront étudiés en détail. Il s’agit, par conséquent, d’indiquer ici
l’ossature générale.

§ 1 – Les services déconcentrés


263. Les directions régionales du travail, de l’emploi et de la jeunesse
constituent les démembrements, au plan local, de l’ensemble du Ministère. Celui-ci
s’est déconcentré en 13 directions régionales, à la faveur du découpage administratif
du territoire en 13 régions à la fois déconcentrées et décentralisées1 et des
recommandations faites aux départements ministériels de se conformer à ce
découpage dans leurs actions de déconcentration.

Le décret n° 2002-465 du 28 octobre 2002 crée aussi des directions


provinciales du travail, de l’emploi et de la jeunesse2 couvrant les 45 provinces, sous
la coordination des directeurs régionaux. Ces directions provinciales sont
normalement les cadres territoriaux des inspections du travail, mais l’on sait que ce
Ministère ne dispose pas d’assez d’inspecteurs du travail pour pourvoir à la fois les
services centraux, les directions régionales et les directions provinciales. Cette forte
déconcentration est en partie rendue possible par l’adjonction de la composante
« jeunesse » animée par des personnels venant du Ministère chargé de l’enseignement
secondaire et du Ministère chargé des sports. La référence du Code du travail à
« l’inspection du travail »3 prend toute son importance, pour le cas où une direction ne
serait pas assumée par un inspecteur du travail. Un problème de compétence pour
poser certains actes peut apparaître, parce qu’il y a au niveau central trois directions
générales, mais aux niveaux régional et provincial une seule structure déconcentrée
qui représente les trois directions centrales. Or les personnels en charge des questions
de travail et ceux en charge des questions de jeunesse ont des profils tout à fait
différents. Les contrôleurs et inspecteurs du travail sont soumis à la prestation de
serment. Un directeur provincial non inspecteur ou contrôleur du travail ne peut poser

1 Les régions déconcentrées ont été rendues fonctionnelles par l’installation des 13 gouverneurs de région, mais la
mise en place de régions décentralisées, qui suppose des élections de conseillers régionaux, est pour le moment
rejetée dans le long terme.
2 V. aussi, l’article 31 du décret.
3 Selon l’article 3 du décret n° 75-465 du 5 décembre 1975 portant organisation et fonctionnement de l’inspection

du travail, « la direction générale du travail exerce sur le plan national les pouvoirs dévolus à l’inspection du
travail. Elle est chargée en particulier de la coordination et de contrôle des services de l’inspection du travail et de
la tutelle technique des organisations concourant à l’application de la législation du travail ». Voy. J.O.R.H.V. du
25 décembre 1975, p. 988 ; code social, p. 128.

223
d’acte relevant des fonctions d’inspection du travail1. L’organisation des structures
déconcentrées semble, de ce point de vue, transitoire.

§ 2 – Les structures rattachées


264. Les structures rattachées sont les services publics autonomes placés sous
la tutelle du Ministère chargé du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale.
Certaines sont des services décentralisés bénéficiant de la personnalité morale et
l’autonomie financière, d’autres sont des projets ou des programmes qui bénéficient
d’une autonomie organisationnelle et financière sans relever des catégories
d’établissements publics.

Les organismes les plus anciens ayant le statut juridique d’établissement public
sont : la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (voir infra Livre II) et l’Office Nationale
de la Promotion de l’Emploi (ONPE) devenu Agence nationale pour l’emploi
(ANPE).

A ces organismes classiques se sont ajoutés beaucoup d’autres, sous les formes
atypiques de projets ou programmes, et concentrés surtout sur la question de l’emploi.
Ce sont : le Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE) ; le Programme national
d’appui à la réinsertion des travailleurs déflatés (PNARTD) ; le Programme national
IPEC2 ; le projet Promotion de la formation professionnelle ; l’Observatoire nationale
de l’emploi et de la formation professionnelle ; le programme Jobs for africa. Certains
autres projets ou programmes concernent les aspects nouveaux de promotion des
droits fondamentaux : projet Lutte contre le trafic des enfants en Afrique de l’Ouest et
du Centre-Burkina (LUTRENA – Burkina) et le projet Communication pour le
changement de comportement des jeunes et des adolescents en matière de santé
sexuelle et de la reproduction, qui est plutôt en relation avec l’aspect jeunesse.

Hormis cette structuration générale en services centraux, déconcentrés et


rattachés, l’administration du travail est surtout illustrées par trois types
d’organismes : l’inspection du travail, les services chargés de l’emploi et les
organismes consultatifs, que nous examinerons successivement.

1 On peut signaler, à cet égard, que le Code du travail désigne les chefs de circonscriptions administratives comme
les suppléants légaux en l’absence d’inspecteur et de contrôleur du travail (art. 228 C. Trav. ancien, art. 373 C.trav.
2004).
2
IPEC : International Programme of the Child Labour (Programme international pour l’abolition du travail des
enfants).

224
225
CHAPITRE II - L’INSPECTION DU TRAVAIL
265. L’inspection du travail est la plaque tournante de l’administration du
travail. L’emploi du singulier sert à désigner l’institution, le rôle assumé par les agents
ayant la qualité « d’inspecteur du travail ». Comme nous l’avons vu, les structures
chargées de cette mission sont multiples, centrales et déconcentrées. L’importance de
cette mission est attestée par le fait que deux conventions de l’O.I.T. lui sont
consacrées1.

A l’origine, l’inspection du travail était un service chargé seulement du


contrôle de l’application de la législation du travail dans l’industrie et le commerce.
Son rôle s’est progressivement élargi au domaine de la sécurité sociale, même s’il ne
porte plus l’appellation d’inspecteur du travail et des lois sociales2, et au domaine de
l’agriculture dans la mesure où ce secteur connaît aussi l’emploi salarié3. Ses missions
et ses fonctions se sont considérablement développées.

On examinera d’abord les attributions de l’inspecteur avant d’examiner les


prérogatives et sujétions dont il est entouré pour lui permettre d’accomplir ses tâches
dans l’impartialité et avec efficacité. Enfin, en raison de l’ampleur des tâches de
contrôle, l’inspecteur peut être secondé ou suppléé par d’autres agents pour faire face
au cas de carence en personnel ou aux exigences de technicité du contrôle.

SECTION I – LES ATTRIBUTIONS DE L’INSPECTEUR


DU TRAVAIL
266. Le Code du travail lui donne une compétence générale d’administration
des relations du travail : « l’inspecteur, placé sous l’autorité du Ministre chargé du
travail est chargé de toutes les questions intéressant les conditions des travailleurs et
les rapports professionnels4 ».

1 Voy. Convention O.I.T. n° 81 de 1947 concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce ratifié
par décret 74-42 du 4 mars 1974, JORHV du 7 mars 1974, p. 131 ; code social, p. 331 ; Convention O.I.T. n° 129
de 1969 concernant l’inspection du travail dans l’agriculture, ratifié par le décret 74-42 du 7 mars 1974, Ibid Code
social, p. 337.
2 Jusqu’au Code de 1992, l’inspecteur du travail était appelé, inspecteur du travail et des lois sociales.
3 Voy. art. 4 Convention O.I.T. n° 129 : « le système d’inspection du travail dans l’agriculture s’appliquera aux

entreprises dans lesquelles sont occupées des travailleurs salariés ou des apprentis, quels que soient leur mode de
rémunération et le type, la forme ou la durée du contrat ». Selon l’article 1er de cette convention, les termes
« entreprise agricole » désignent « les entreprises ou parties d’entreprises ayant pour objet la culture, l’élevage, la
sylviculture, l’horticulture, la transformation primaire des produits agricoles par l’exploitant, ou toutes autres
formes d’activité agricole ».
4 Art. 218 du Code de 1992, article 360 du code de 2004. L’article 153 du code de 1962 modifié en 1973 était plus

exhaustif : « l’inspection du travail et des lois sociales est chargée de toutes les questions intéressant les conditions
des travailleurs, les rapports professionnels, l’emploi des travailleurs : mouvement de main d’œuvre, orientation et
formation professionnelle, placement ».

226
Cette formulation générale est détaillée par l’alinéa 2 du même article1. Selon
cet alinéa 2, l’inspecteur du travail : « participe à l’élaboration des règlements de sa
compétence ; veille à l’application des dispositions édictées en matière de travail et de
protection des travailleurs ; éclaire de ses conseils et de ses recommandations les
employeurs et les travailleurs ; porte à l’attention de l’autorité compétente les
déficiences et abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales
existantes ; coordonne et contrôle les services et organismes concourant à
l’application de la législation sociale ; procède à toutes études et enquêtes ayant trait
aux différents problèmes sociaux à l’exclusion de ceux qui relèvent des services
techniques avec lesquels l’inspection du travail peut toutefois collaborer ». Cette
longue énumération regroupe en réalité deux types de fonctions :
- des fonctions de contrôle de l’application de la réglementation ; et
- des fonctions d’information et de conseil, à l’égard des parties et du
gouvernement, et de gestion des services et organismes2.

A ces deux fonctions, les articles 302 et 337 du Code du travail 3 ajoutent une
troisième, la fonction de conciliation dans les différends individuels ou collectifs
opposant employeur(s) et travailleur(s).

Le rôle de l’inspecteur du travail recouvre par conséquent trois aspects : la


gestion administrative, l’information et les conseils ; le contrôle ; et la conciliation.

§ 1 – Les fonctions de gestion administrative


Si le contrôle est la mission première et la plus visible des inspecteurs du
travail, ceux-ci assument d’abord des fonctions administratives de gestion,
d’information et de conseil.

A – LA GESTION ADMINISTRATIVE

267. Les inspecteurs sont chargés d’assurer le fonctionnement et la coordination


des services centraux et extérieurs. Etant chargés de la mise en œuvre de la
réglementation, leur connaissance du terrain leur confère pour mission d’informer
leurs supérieurs hiérarchiques et le Gouvernement des lacunes de la législation. Ils
réunissent les informations (données statistiques) et procèdent à des études et enquêtes
sur les différents problèmes sociaux relevant de leur compétence territoriale. Sa
connaissance de la législation et de la pratique fait de l’inspection du travail
l’initiatrice primaire et l’organe technique de rédaction des règlements d’application.
De nombreuses dispositions du code du travail renvoient à des textes d’application
pris par arrêté du Ministre chargé du travail, généralement après avis de la

1 Art. 218 al. 2 ancien (article 360 al. 2 nouveau).


2 Par exemple la commission consultative prévue par l’art. 375 nouveau (art. 230 C. trav. ancien).
3 Articles 189 et 207 anciens C. trav.

227
Commission consultative du travail. La tâche d’élaboration des projets de textes
réglementaires incombe surtout aux directions centrales.

Peuvent aussi être rangées dans les tâches administratives diverses dispositions
du code du travail par lesquelles l’inspecteur du travail intervient pour :
- donner des avis1 au Ministre du travail avant une prise de décision ;
- viser des actes2 ;
- présider ou participer à des organismes3.

En outre, en tant qu’autorité administrative, l’inspecteur peut être parfois


investi d’un pouvoir de décision. C’est le cas, par exemple, en matière de licenciement
d’un travailleur protégé (délégué du personnel, et son suppléant, membre du comité
syndical)4, ou du pouvoir de dresser un procès-verbal exécutoire à l’occasion de la
conciliation mais qui, par nature, se détache de ce pouvoir de conciliation5.

B - L’INFORMATION ET LES CONSEILS

268. L’inspecteur du travail a pour mission de conseiller les travailleurs et les


employeurs sur leurs droits et leurs devoirs. Selon l’article 360 C. trav. (article 218
ancien), l’inspecteur du travail « éclaire de ses conseils et de ses recommandations les
employeurs et les travailleurs ». Les visites dans les entreprises sont une occasion de
prodiguer les conseils et recommandations sur la manière d’appliquer la
réglementation. Les travailleurs, leurs syndicats et même les employeurs peuvent
saisir l’inspecteur de leur ressort pour avoir l’interprétation des textes et pour savoir la
conduite à tenir face à une situation spécifique. La difficulté de cette tâche est que les
parties, au lieu de s’informer à temps sur la réglementation en vigueur, attendent
d’être en situation de litige pour saisir l’inspecteur du travail pour des conseils sur la
situation litigieuse et les actions susceptibles d’être engagées. Une telle consultation
n’est pas illégale et, surtout, ne peut faire l’objet de mesure de rétorsion par
l’employeur. Mais, s’il ne s’agit pas formellement d’une plainte, l’inspecteur peut se
trouver en position délicate pour jouer son rôle de conciliateur. Ces activités de

1 Voy. l’article 217 C. Trav. relatif à l’ouverture d’économat ; l’art. 64 C. Trav. ancien relatif au caractère
représentatif du syndicat auquel l’article 118 nouveau apporte une modification en ce qui concerne la procédure
d’appréciation de la représentativité : le ministre publie chaque année la liste des syndicats représentatifs sur la
base des élections professionnelles.
2 Voy. Les articles 64 et 65 C. Trav. relatif aux contrats soumis aux formalités de visa (art. 64 nouveau pour le

CDI de plus de 3 mois et art. 65 nouveau pour les contrats des travailleurs non nationaux).
3 Voy. article 219 nouveau relatif au comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité ; les articles 375

et 379 nouveaux relatifs à la CCT ; article 116 nouveau relatif aux commissions mixtes en vue de la conclusion de
conventions collectives ; l’ art. 101 nouveau (article 38 ancien) relatif à la consultation des délégués du personnel
en présence de l’inspecteur en cas de licenciement pour motif économique.
4 Voy. art. 260, al. 3, C. Trav. pour le comité syndical ; article 282 pour le délégué élu du personnel. L’article 266

du nouveau code ajoute la fonction longtemps réclamée de délégué syndical et son suppléant. Sont donc des
travailleurs protégés : les délégués du personnel et leurs suppléants, les délégués syndicaux et leurs suppléants, les
membres du comité syndical.
5 Voy. art. 189 C. Trav. (art. 307 nouveau).

228
conseils et d’information ont en principe un rôle préventif. Elles permettent de
prévenir la violation ou l’inapplication de la réglementation.

§ 2 – Le contrôle de l’application de la réglementation


269. Le contrôle de l’application de la législation sociale est la mission
principale de l’inspection du travail. La compétence de l’inspecteur en ce domaine est
très vaste : il veille au respect de la législation nationale (constitution, lois, règlements,
conventions collectives) et internationale (conventions et recommandations de l’OIT,
traités bilatéraux et régionaux) en matière de travail, d’emploi, d’hygiène et de
sécurité au travail, et de sécurité sociale :

Le contrôle de l’inspecteur du travail porte sur les entreprises privées ou


publiques, sur les employeurs et sur les travailleurs. Ses pouvoirs s’exercent aussi bien
sur les établissements industriels et commerciaux que sur les établissements agricoles,
pour autant que ces établissements emploient de la main-d’œuvre salariée. Ne font
exception à la compétence de l’inspecteur du travail que les administrations de l’Etat
et des collectivités territoriales1. Ces administrations ne sont pas des établissements
industriels, commerciaux ou agricoles.

Toutefois, pour des raisons particulières, certains établissements peuvent être


totalement ou partiellement exclus du contrôle de l’inspection du travail. L’article 372
du Code du travail2 exclut du contrôle de l’inspecteur du travail les établissements ou
parties d’établissements militaires employant de la main-d’œuvre civile si l’intérêt de
la défense s’oppose à l’introduction d’agents de contrôle étrangers au service. Le
contrôle est assuré par des fonctionnaires ou des officiers désignés par arrêté conjoint
du ministre de la défense et du ministre chargé du travail 3. La nomenclature de ces
établissements ou parties d’établissements est dressée par arrêté du ministre chargé de
la défense après avis du ministre du travail selon le code de 1992, par voie
réglementaire selon le code de 2004.

Pour des raisons techniques, et non pas d’incompétence juridique, l’article 371
C. trav.4 confie à d’autres agents que les inspecteurs du travail le contrôle dans les
mines, minières5 et carrières ainsi que dans les établissements et chantiers soumis au
contrôle d’un service technique. Il s’agit, pour ces derniers établissements et chantiers,

1 Même si les agents dits temporaires des administrations publiques relèvent partiellement du Code du travail.
2 Article 227 ancien.
3 Un tel arrêté ne semble pas avoir été pris. Cet arrêté n’est d’ailleurs utile que s’il y a des établissements militaires

employant de la main-d’œuvre civile. L’article 372 du code de 2004 adopte une rédaction plus évasive : « le
contrôle des dispositions applicables en matière de travail et de sécurité sociale est assuré par des fonctionnaires ou
officiers désignés à cet effet. Cette désignation est prononcée par voie réglementaire ».
4 Article 226 ancien.
5 L’article 371du code de 2004 ne cite plus les minières qui sont des mines peu profondes à ciel ouvert. Elles

peuvent s’assimiler, du point de vue de la dangerosité, aux carrières qui sont aussi des exploitations d’extraction à
ciel ouvert.

229
de ceux travaillant sur des produits dangereux (gaz, pétrole, explosifs), des
établissements dangereux, insolubles ou incommodes. La compétence de l’inspecteur
du travail n’est écartée que pour autant qu’il s’agit d’un contrôle technique spécial. Le
contrôle est exercé par les ingénieurs des mines. Au Burkina Faso, la compétence est
confiée au BUMIGEB (Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina), qui dispose
des compétences techniques nécessaires1.

§ 3 - La conciliation des parties en cas de différend


270. La conciliation se distingue du contrôle et de la prévention par leurs
objets :
- Le contrôle vise à déceler et réprimer les cas de violation de la loi même si,
accessoirement, l’inspecteur, le contrôleur du travail, le médecin ou
l’ingénieur des mines peut donner des conseils sur la meilleure façon
d’appliquer ou de se mettre en conformité avec la loi ;
- La prévention tend à éviter les cas d’inapplication de la loi par ignorance,
ou mauvaise interprétation de la loi et la survenance de litiges d’ordre
individuel ou collectif ;
- La conciliation par contre, relève de la procédure de règlement de litiges
nés entre travailleur(s) et employeur(s).

La conciliation est une négociation conduite par un tiers, pour rapprocher les
points de vue antagonistes jusqu’à l’acception d’une solution de compromis. Elle se
distingue de la médiation en ce que le médiateur, en principe, ne conduit pas une
négociation, il dégage une solution après avoir entendu les parties et après
éventuellement une enquête et il soumet cette solution à l’approbation des parties. La
conciliation se distingue également de l’arbitrage dans lequel le tiers appelé arbitre est
chargé de trancher le différend en droit ou en opportunité. La décision de l’arbitre
s’impose aux parties, mais peut être refusée selon les formes légales ou
conventionnelles.

En tant que procédure de règlement amiable d’un différend, la conciliation


peut être légale ou conventionnelle, obligatoire ou facultative. Elle peut être conduite
en phase préliminaire devant le juge, ou confiée à l’inspection du travail ou à une
personne extérieure à l’administration.

En cette manière, les législations d’Afrique francophone n’ont pas transposé


celle de la France. Les procédures retenues par les Etats africains sont par conséquent
variées ; certains la rendent obligatoire (Burkina, Bénin, Mali), d’autres la prévoient
facultative (Niger, Côte d’Ivoire, Sénégal) et le tiers conciliateur peut être le juge
(Mali)2 ou l’inspecteur (Bénin, Burkina, Cameroun).

1Voy. l’arrêté n° 76 MC/DIM/BUVOGMI du 16 janvier 1980 portant réglementation des fonctions d’inspecteur
des mines, J.O. RHV. du 17 janvier 1980, p. 49, Code social, p. 429.
2Article L. 208 C.trav. malien.

230
271. Au Burkina Faso la procédure de conciliation est obligatoire1 et se fait
devant l’inspecteur du travail aussi bien en matière de différends individuels que de
différends collectifs2. La procédure de conciliation est simple et en principe rapide3 :
lorsque une des parties saisit l’inspecteur, celui-ci doit convoquer les deux parties
pour engager la conciliation ; si les parties parviennent à un accord, l’inspecteur dresse
séance tenante un procès-verbal de conciliation ; s’il ne réussit pas à rapprocher les
positions des parties, il dresse un procès-verbal de non conciliation ; si le désaccord
entre l’employeur et le travailleur est partiel, il dresse un procès-verbal de conciliation
partielle constatant les points d’accords et un procès-verbal de non conciliation pour le
surplus de la demande.

Le procès-verbal de conciliation totale ou partielle, signé par l’inspecteur, son


délégué ou son suppléant légal et par les parties vaut titre exécutoire 4. Les parties ne
peuvent pas revenir sur les points qui ont fait l’objet de conciliation pour saisir la
justice. En cas de procès-verbal de non conciliation les parties ne peuvent évoquer que
les points sur lesquels il n’y a pas eu d’accord5. Dans tous les cas, une copie conforme
du procès-verbal est adressée au président du tribunal du travail et, sur leur demande,
aux parties.

L’accomplissement de la procédure de conciliation est indispensable à la


saisine du tribunal du travail pour les différends individuels ou à l’engagement de la
procédure d’arbitrage et l’exercice du droit de grève pour ce qui concerne les
différends collectifs.

L’activité de la conciliation semble prédominer sur l’activité de contrôle dans


l’emploi du temps de l’inspecteur du travail, ce qui ne peut pas s’accorder avec
l’article 3, 2 de la convention O.I.T n° 81 qui dispose que « si d’autres fonctions sont
confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l’exercice
de leurs fonctions principales… ».
1 Sur le caractère obligatoire, v. Trib. trav. Ouagadougou, 7 février 1978, RVD n° 4, juin 1983, p. 202 ; Trib. trav.
Ouagadougou, 6 juin 1978, RVD n° 4, juin 1983, p. 203 ; Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 10 du 12 février
1991, in Zombré Léontine et SY Arouna, Recueil, p. 53 (réserve au verso du PV de conciliation) ; C. A.
Ouagadougou, arrêt n° 23/92 du 6 mars 1992, Zombré et SY, Recueil, p. 55 ; C. A. Ouagadougou, 7 septembre
1990, RBD n° 22, juillet 1992, p. 330.
2 Articles 302 et 337 nouveaux, respectivement, articles 189 et 207 C. Trav., ancien.
3 La rapidité est une chose relative. Le nouveau code du travail de 2004 a dû introduire des dispositions tenant

compte des dilatoires et blocages qui font traîner la phase de conciliation dans les conflits individuels. Le procès-
verbal peut faire mention du refus par l’une des parties de le signer (art. 305 al. 3) ; l’inspecteur peut dresser un
procès-verbal de non conciliation par défaut (art. 306).
4 La signature du procès-verbal de conciliation totale ou partielle vaut en quelque sorte authentification de l’acte.

Mais l’article 38 du code du travail de 2004 soumet de manière contestable, les P.V. de conciliation totale ou de
conciliation partielle à l’apposition de la formule « exécutoire » par le tribunal du travail. Il s’agissait plutôt de
soumettre le « procès-verbal d’exécution » à l’apposition de cette formule.
5 L’action en justice sur les points qui ont fait l’objet de conciliation est irrecevable. Il en de même de l’action

portant sur des points qui n’ont pas fait l’objet du préliminaire de conciliation. V., Trib. Trav. Ouagadougou, 7
février 1978 ; Trib. Trav. Ouagadougou, 29 juin 1975 ; C. A. Ouagadougou, 7 septembre 1990, note S. Yonaba,
RBD n° 22, juillet 1992, p. 330.

231
272. Quant aux résultats de la mission de conciliation, l’appréciation ne peut
être la même selon qu’il s’agit du cas des différends individuels ou des différends
collectifs.

En ce qui concerne la conciliation dans les différends individuels, les résultats


semblent nettement positifs : de 50 à 80% des litiges suivant les directions régionales
de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, sont réglés à l’amiable devant
l’inspection du travail et n’aboutissent pas à un contentieux devant le tribunal du
travail.

Le succès est à mettre à l’actif des inspecteurs du travail, mais aussi du


contexte sociologique : d’une part, les gens redoutent l’action en justice par peur de
l’institution judiciaire pour sa procédure mystérieuse, lente, et pour tout dire,
hasardeuse ; d’autre part, la non connaissance minimale de la réglementation fait que
c’est seulement devant l’inspecteur du travail que les protagonistes se rendent compte
que chacun a péché et qu’il vaut mieux se contenter d’un compromis. Les
protagonistes sont fermes dans le refus d’un compromis, lorsqu’ils sont assistés par un
avocat ou un représentant syndical, ceux-ci étant plus au fait de la réglementation et
plus familiarisé avec la procédure judiciaire.

Ce sont, semble t-il, ces difficultés à obtenir le compromis lors de la


conciliation qui ont conduit les inspecteurs à revendiquer et obtenir le pouvoir
controversé de dresser un procès-verbal exécutoire. Selon le dernier alinéa de l’article
189 du code de 1992, « Nonobstant les cas de conciliation ci-dessus cités, l’inspecteur
du travail doit dresser un procès verbal exécutoire lorsque les éléments du litige sont
relatifs aux salaires légaux, conventionnels ou contractuels, congés payés et primes
d’ancienneté ». Cette disposition a été maintenue dans le code de 2004 1.

Ce pouvoir exorbitant serait destiné à permettre à l’inspecteur de contraindre


l’employeur, en l’absence de conciliation, à payer au travailleur les droits qui lui
semblent être dus au lieu de différer ce paiement en attendant l’issu du procès devant
le juge. Malgré la noblesse du but poursuivi, il est permis de relever une fois de plus
l’anomalie juridique de ce pouvoir.

En ce qui concerne les différends collectifs les résultats sont beaucoup plus
difficiles à évaluer. Bien souvent les différends dégénèrent en épreuve de force
(grève) avant que l’inspecteur soit saisi ou ne se saisisse d’office, alors que la
procédure obligatoire de conciliation puis d’arbitrage en cas d’échec de la conciliation
sont préalables à toute grève.

1 Article 307 du code de 2004. La formulation de cet article introduit un élément d’adoucissement de ce pouvoir
sous forme de précision : « …l’inspecteur du travail peut dresser un procès-verbal d’exécution lorsque les éléments
du litige non contestés sont relatifs aux salaires légaux… ». Si ces éléments sont non contestés, ils peuvent être
mentionnés dans le P.V. de conciliation partielle.

232
Ensuite lorsque la procédure de conciliation est engagée devant l’inspecteur du
travail, l’échec partiel ou total de la conciliation n’aboutit pas toujours à l’engagement
de la procédure d’arbitrage. Malgré un regain d’intérêt pour la procédure d’arbitrage
depuis les années 1990, les voies parallèles de règlement des différends collectifs de
travail demeurent prisées. La voie parallèle la plus utilisée demeure la politisation du
conflit, c’est-à-dire le transfert du règlement du problème à l’autorité politique, le
ministre ou, mieux, le Gouvernement. L’on recourt ainsi à l’autorité politique pour
éviter les voies de droit dans lesquelles, soit l’on gagne, soit l’on perd. Par contre en
appelant à l’autorité politique, les employés espèrent avoir le soutien de l’Etat pour
une solution d’opportunité extra-légale ou extra-conventionnelle, et les employeurs
attendent des compensations par l’Etat des efforts supplémentaires qui leurs sont
demandés. En outre, l’intervention de l’autorité politique aboutit souvent à une baisse
d’intensité du conflit sans l’éteindre. Celui-ci peut resurgir à tout moment ou
périodiquement parce qu’il n’y a eu ni compromis accepté ni décision qui s’impose
aux parties. Dans ce contexte, les statistiques de règlement des différends collectifs au
stade de la conciliation ne peuvent qu’apparaître aléatoires.

SECTION II – LES POUVOIRS ET SUJETIONS DE


L’INSPECTEUR DU TRAVAIL
273. La législation burkinabè paraît doter l’inspecteur du travail d’armes
variées et efficaces pour remplir ses fonctions. En contrepartie, le statut d’inspecteur
est entouré d’obligations et de sujétions visant, dans l’esprit de l’article 6 de la
convention OIT n° 81, à garantir son indépendance et son impartialité dans l’exerce de
ses fonctions. Ses pouvoirs (§I) et ses obligations (§2) sont aussi en partie conférés à
ses délégués ou suppléants ainsi qu’aux fonctionnaires chargés des contrôles
techniques (§3).

§ 1 - Les pouvoirs de l’inspecteur du travail


L’inspecteur du travail dispose de larges pouvoirs à l’égard des entreprises
soumises à son contrôle1. Ces pouvoirs peuvent se résumer en trois points : le libre
accès dans les entreprises soumises à son contrôle ; le droit de poursuite en cas de
constatation d’une infraction à la réglementation ; et le droit d’infliger les amendes.
Les deux derniers points sont liés au pouvoir de répression, qui accompagne le droit
d’accès et de vérification du respect de la réglementation.

1 Voy. les articles 365 à 368 nouveaux (articles 221 et 222 C. trav. ancien) .

233
A – LE LIBRE ACCES DANS LES ENTREPRISES SOUMISES AU
CONTRÔLE.

274. Pour s’assurer du respect de la réglementation, l’inspecteur du travail peut


faire des tournées dans la zone territorialement de sa compétence et effectuer des
visites dans les entreprises1. A l’occasion de ces visites, il peut pénétrer librement
dans tout établissement, sans avertir au préalable l’employeur de sa visite2. Mais il
doit informer l’employeur de sa présence, sauf si cette information peut nuire à
l’efficacité de son contrôle3.

Il peut même pénétrer dans un établissement de nuit, s’il a un motif


raisonnable de supposer que sont occupées des personnes assujetties au contrôle de
l’inspection4. Toutefois, s’il s’agit de l’habitation privée de l’exploitant d’un
établissement agricole, l’inspecteur devra obtenir l’accord de l’exploitant ou être muni
d’une autorisation spéciale de l’autorité compétente sauf dans le cas où l’habitation se
confond avec l’établissement5.

Lorsqu’il effectue une visite dans une entreprise, il peut consulter les registres
et documents de l’entreprise, procéder à tout examen ou enquête, interroger
l’employeur, le personnel ou toute personne susceptible de l’éclairer. L’employeur a
l’obligation de mettre les documents à sa disposition et est même tenu, s’il doit
s’absenter, de prendre toute disposition pour que l’inspecteur y ait accès.

L’objectif des visites de l’inspecteur dans les entreprises est de s’assurer : du


respect des conditions de travail prévues (horaires, affectation…) ; du respect des
règles d’hygiène et de sécurité (propreté des lieux, dangers d’accident, service
médical…) ; du respect de la législation sur la main d’œuvre (déclaration d’ouverture,
registre employeur, travaux illégaux…). Il s’assure de ces aspects en examinant le
registre employeur6.

Le droit de visite et la liberté d’enquête de l’inspecteur sont garantis par des


sanctions pénales. Les actes d’entrave (opposition ou tentative d’opposition) à
l’exécution des obligations ou à l’exercice des pouvoirs qui incombent aux inspecteurs

1 Le code de 1973 (art. 154) disait que l’inspecteur a l’initiative de ses tournées et de ses enquêtes. Depuis le code
de 1992, la réglementation ne précise plus s’il est libre de ses tournées, c’est-à-dire de faire une tournée dans telle
ou telle localité ou effectuer une visite dans telle entreprise sans en aviser au préalable ses supérieurs hiérarchiques.
2 Article 367 C.trav. (article 212 ancien).
3 Art. 369 C.trav. (art. 222 in fine ancien).
4 Art. 369C.trav.).
5 Voy. les articles 380 et 381 C.trav. relatifs respectivement à la déclaration d’ouverture d’entreprise et au

« registre employeur ». Voy. également : l’arrêté n° 97 du 15 février 1967, pris pour l’application de l’article 232
(380 nouveau) du code du travail relatif à la déclaration des entreprises, J.O.R.H.V. du 23 février 1967, p. 128 ;
code social, p. 112.
6 V. l’arrêté 2126 IGTLS – AOF du 22 mars 1954 déterminant les modalités de la déclaration périodique de la main

d’œuvre, J.O.AOF du 22 mars 1954, p. 567, code social, p. 94 ; l’arrêté n° 934 du 1er octobre 1976 créant un
registre dit « registre d’employeur », J.O.R.H.V. du 21 oct. 1976, 775 ; code social, p. 131.

234
du travail, aux contrôleurs du travail ou à leurs suppléants constituent des délits punis
de peines d’amende allant de 50 000 à 300 000 FCFA ou/et d’emprisonnement de un
mois à trois ans. En cas de récidive, l’amende peut passer de 300 000 à 600 000 FCFA
et la peine d’emprisonnement de deux mois à cinq ans1.

B – LE POUVOIR DE REPRESSION

275. Les visites de l’inspecteur dans les entreprises ont pour but d’amener les
employeurs à respecter la réglementation. S’il découvre une situation irrégulière, il
peut contraindre l’employeur fautif à y remédier par divers moyens dont les
principaux sont : l’injonction, les poursuites pénales, les amendes. Pour les cas moins
graves, l’inspecteur peut se contenter de donner un avertissement.

1) La mise en demeure

276. Le pouvoir d’injonction se traduit par la mise en demeure, qui est un ordre
donné par l’inspecteur à l’employeur de prendre telle ou telle mesure dans un délai
déterminé. L’inspecteur peut, selon l’article 365, alinéa 2, §I « ordonner ou faire
ordonner que des mesures immédiatement exécutoires, pouvant aller jusqu’à l’arrêt du
travail, soient prises dans les cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des
travailleurs ». La mise en demeure concerne donc le domaine des règles d’hygiène et
de sécurité. Les mesures pouvant être ordonnées sont fonction de l’imminence du
danger. L’inspecteur peut même ordonner la fermeture de l’entreprise jusqu’à
exécution des mesures prescrites2. Les conditions de formes de la mise en demeure
sont précisées par les articles 222 et 223 C. trav..

La mise en demeure est faite par écrit, soit par mention sur le « registre
employeur », soit par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit préciser
les infractions ou dangers constatés et fixer les délais dans lesquels ils devront avoir
disparu. Ces délais ne peuvent être inférieure à quatre (4) jours, sauf cas d’extrême
urgence3. La mise en demeure n’est pas nécessairement liée à la commission d’une
infraction. Elle peut reposer sur « la violation de l’obligation générale de sécurité »4.
Ainsi, suivant l’article 222, al. 2, « lorsqu’il existe des conditions de travail
dangereuses pour la sécurité et la santé des travailleurs non visés par les décrets
prévus à l’article 220 ci-dessus, l’employeur est mis en demeure par l’inspecteur du
travail d’y remédier dans les formes et conditions prévues à l’article 223 suivant» 5. La
mise en demeure est immédiatement exécutoire, mais elle « peut faire l’objet d’un
recours suivant les règles prévues en matière administrative ». L’employeur peut donc
contester la mesure par recours hiérarchique ou devant le juge administratif, ce qui

1 Voy. article 238 C. trav. (art. 388 9) nouveau).


2 Article 365 §2 du code de 2004.
3 Articles 222 et 223 code de 2004.
4 V. J. PELISSIER, A. SUPIOT, A JEAMMAUD, op. cit., n° 978.
5 V. aussi l’art. 141 ancien

235
peut poser le problème du « caractère immédiatement exécutoire » de la mise en
demeure. Il s’agit d’une situation où, en l’absence de violation d’une règle précise,
l’appréciation de l’existence ou de la gravité du danger, ou de la pertinence des
mesures prescrites, peut donner lieu à controverses.

Dans l’ensemble, l’inspecteur peut dresser un procès-verbal d’infraction dans


les hypothèses suivantes :
- lorsque, malgré l’avertissement ou la mise en demeure, l’employeur fait
preuve de mauvaise volonté ;
- lorsque l’infraction est grave ;
- lorsque l’employeur refuse de payer une amende civile qui lui a été infligée.

Le procès-verbal doit être dressé en quatre (4) exemplaires dont un est adressé
au parquet du tribunal de grande instance et un autre au Ministre chargé du travail. Le
procès-verbal constitue ainsi le point de départ des poursuites pénales.

2) La poursuite pénale

277. La poursuite pénale est engagée en adressant directement le procès-verbal


au parquet du tribunal de grande instance. L’inspecteur n’est pas tenu de passer par
son supérieur hiérarchique, le directeur du travail ou le ministre, qui déciderait de
saisir le procureur du Faso par l’envoi du procès-verbal. Il n’y a donc pas de double
filtrage comme en France1. Cette faculté de saisir directement le parquet est
normalement une prérogative importante qui devait contribuer à l’effectivité de la
répression. Le parquet peut décider de poursuivre ou de classer l’affaire sans suite. Il
doit toutefois tenir l’inspecteur du travail informé de sa décision2.

Devant les juridictions, le procès-verbal de l’inspecteur fait foi jusqu’à


inscription de faux. L’inscription de faux suppose qu’une procédure judiciaire soit
engagée pour l’administration de la preuve contraire. Un écrit ou un témoignage ne
suffit pas. Par contre, lorsqu’un acte fait foi jusqu’à preuve contraire – comme c’est le
cas d’un procès-verbal dressé par un contrôleur du travail, l’écrit et le témoignage sont
admis3.

Les poursuites pénales peuvent être engagées par d’autres personnes que
l’inspecteur du travail, notamment par le parquet, directement ou à la suite d’une

1 En France, l’inspecteur du travail transmet le procès-verbal au directeur département du travail, son supérieur
hiérarchique, qui le transmet au parquet s’il le juge opportun. Ce qui constitue un premier filtrage avant celui du
procureur. V. PELISSIER, SUPIOT et JEAMMAUD, op. cit. p. 1087.
2 Les poursuites pénales sont très rares au Burkina Faso, soit que les inspecteurs du travail dressent très rarement

des procès-verbaux d’infraction, soit – selon la thèse des inspecteurs du travail – les procureurs du Faso classent
souvent les procès-verbaux sans suite, donnant moins d’importance aux infractions des employeurs par rapport aux
délits de droit commun.
3 Voy. les articles 433 et 625 à 629 du code de procédure pénale.

236
plainte avec constitution de partie civile. Selon l’article 374 C.trav. de 20041 les
pouvoirs de l’inspecteur « ne portent pas atteintes aux prérogatives des officiers de
police judiciaire quant à la constatation et à la poursuite des infractions, selon le droit
commun».

C – LE POUVOIR D’INFLIGER DES AMENDES

278. Ce pouvoir conféré à l’inspecteur du travail a été ajouté par le code de


1992 dont l’article 221, al. 2, disposait : « l’inspecteur du travail du ressort fixe,
conformément à la présente loi, les amendes qui doivent être payées par les
contrevenants et reversées au Trésor public. Cette disposition est applicable pour les
contraventions de simple police »2. Les sanctions des contraventions sont prévues par
l’article 3873 complété par les articles 391 à 394 relatives aux dispositions communes
aux contraventions et aux délits4. L’amende peut aller de 5000 à 50 000 francs CFA
et, en cas de récidive de 50 000 à 100 000 francs CFA. Si l’employeur refuse de payer
l’amende, l’inspecteur dresse le procès-verbal d’infraction. En effet, il s’agit du
procès-verbal constatant l’infraction et non d’un procès-verbal sur le refus de
paiement. Selon l’alinéa 1 de l’article 366, « en cas de refus de paiement ; le procès-
verbal est dressé en quatre (4) exemplaires dont l’un est remis au contrevenant ou à
ses représentants ». L’amende apparaît comme une transaction permettant d’éviter les
poursuites pénales pouvant conduire à des peines d’emprisonnement. Le domaine
d’application de l’amende civile est très large. Celle-ci s’applique à tout
comportement sanctionné de peine de simple police : irrégularités dans les contrats de
travail et conditions d’embauchage ; non tenue ou mauvaise tenue du « registre
employeur » ; irrespect des déclarations obligatoires ; refus de se soumettre à la
procédure de règlement à l’amiable des différends individuels de travail, etc.

Selon l’article 392, al. 1, lorsqu’une amende est prononcée, elle est encourue
autant de fois qu’il y a eu d’infractions, notamment dans le cas où plusieurs
travailleurs auraient été employés dans des conditions contraires à la loi. Mais le
montant total des amendes infligées ne peut excéder cinquante (50) fois les taux
minima prévus.

Le pouvoir d’infliger des amendes donne à l’inspecteur une arme assez


dissuasive et plus malléable que les poursuites pénales. Mais il n’est pas sûr que ce
pouvoir soit utilisé, sinon des problèmes tel que le refus de l’employeur de se
présenter à la procédure de conciliation des différends individuels ne devraient pas se
poser5.

1 Article 229 code de 1992


2 Article 366 al. 1 code 2004.
3 Article 237 ancien.
4 Articles 240 et 243 C.trav. ancien.
5 Les inspecteurs recourent à la rédaction d’un procès-verbal de non conciliation par défaut, qui signifie que la

procédure de conciliation n’a pas pu avoir lieu parce que une des parties refuse de s’y présenter.

237
Un sentiment d’impuissance de l’inspecteur du travail face à une mauvaise foi
de l’employeur est à l’origine d’un autre pouvoir qui a été conféré, celui de dresser un
procès-verbal exécutoire.

D – LE POUVOIR DE DRESSER UN PROCES-VERBAL EXECUTOIRE

279. Le pouvoir de l’inspecteur de dresser un procès-verbal exécutoire ne se


rattache pas à sa mission de contrôle, mais à celle de conciliation, ce qui lui donne un
caractère exorbitant. Suivant l’article 189 §4 C.trav. de 1992, reprise par l’article 307
du code de 2004, « nonobstant les cas de conciliation ci-dessus cités, l’inspecteur du
travail peut dresser un procès-verbal exécutoire lorsque les éléments du litige sont
relatifs aux salaires légaux, conventionnels ou contractuels, congés pays et primes
d’ancienneté »1. La raison d’être de cette disposition est d’éviter qu’à l’occasion de la
rupture des rapports de travail, le salarié n’ait à attendre l’issue d’une procédure
judiciaire – souvent longue – avant d’obtenir le paiement de ses droits que l’inspecteur
estime être dus.

Ce pouvoir est très critiquable sur plusieurs plans2 :

- Il est en contradiction avec la nature même de la mission de conciliation, qui


ne confère pas au conciliateur un pouvoir d’imposition. L’inspecteur du travail use de
son autorité morale et de sa connaissance du droit social pour amener les parties à
accepter un compromis, mais il n’est ni un arbitre ni un juge chargé de dire le droit ;

- Contrairement au juge des référés dont le pouvoir est limité par l’exigence de
constater l’existence d’une urgence et l’inexistence d’une contestation sérieuse, le
pouvoir de l’inspecteur de dresser un procès-verbal exécutoire n’est pas expressément
conditionné. Il peut prendre cet acte « si les éléments du litige sont relatifs aux salaires
légaux, conventionnels ou contractuels, congés payés et primes d’ancienneté ». Ne
sont exclues que les demandes de dommages-intérêts, d’indemnités de licenciement et
de préavis, et éventuellement, les demandes de paiement de différentiels de salaires
lorsque le travailleur estime avoir été sous-classé ou sous-payé par rapport au statut
collectif. Or l’existence d’une contestation sérieuse ne peut être souverainement
apprécié par l’inspecteur parce qu’il s’agit d’un point de droit passible, dans une
décision juridictionnelle, d’un recours en cassation. Si les éléments visés du litige ne
sont pas contestés, ils sont pris en compte dans le procès-verbal de conciliation
partielle qui est un titre exécutoire, rendant inutile un autre procès-verbal exécutoire.
S’ils sont contestés, à travers l’existence du contrat de travail ou les salaires convenus
ou dus, il revient à un juge d’en décider. Certes, l’employeur peut se présenter à la
procédure de conciliation et refuser de négocier, demandant ainsi un procès-verbal de
non conciliation pour que l’affaire soit globalement portée devant la justice pour que

1Disposition reprise à l’article 307 du code de 2004.


2Voy. P. KIEMDE, note sous T.G.I. Ouagadougou, ordonnance de référé, 24 décembre 1993, RBD n° 28, juillet
1995, p. 274.

238
le droit soit dit. C’est ce comportement, qui peut être choquant parce qu’il peut avoir
pour seul but d’user le salarié1, que l’institution du procès-verbal exécutoire vise à
combattre. Mais alors, il aurait fallu prendre un minimum de précautions pour
préserver le fond du litige ;

- En troisième lieu, il n’est pas expressément prévu les voies de recours contre
le procès-verbal exécutoire.

Le code de 2004 en son article 308, a essayé de réduire ces critiques en


prescrivant que le procès-verbal d’exécution soit revêtu de la formule « exécutoire »
apposée par le tribunal du travail. Mais il étend l’apposition de la formule exécutoire
aux procès-verbaux de conciliation totale et de conciliation partielle2, ce qui est inutile
parce que ces procès-verbaux ont comme support l’accord des parties rendu
exécutoire par le contreseing de l’inspecteur du travail. Le législateur crée ainsi,
inutilement, des difficultés pratiques pour les parties éloignées du siège d’un tribunal
de travail. La correction devait seulement porter sur le procès-verbal d’exécution hors
conciliation qui a seul fait l’objet des critiques.

Les différents pouvoirs exorbitants conférés à l’inspecteur du travail en matière


de contrôle et de conciliation rendent nécessaire que celui-ci soit doté d’un statut
particulier qui vise à garantir son impartialité dans l’application du droit.

§ 3 – Les obligations de l’inspecteur du travail


280. Partant des exigences de probité et d’impartialité de son emploi,
l’inspecteur du travail bénéficie d’un statut particulier qui allège certaines des
contraintes d’obéissance hiérarchique ou au contraire renforce les sujétions
habituellement imposées aux autres fonctionnaires de l’Etat. L’une des préoccupations
fondamentales est d’assurer, à travers son statut, une indépendance de l’inspecteur à
l’égard des entreprises contrôlées, indépendance sans laquelle il ne pourra pas veiller
efficacement à l’observation de la législation protectrice des travailleurs dans
l’entreprise. Il s’agit aussi d’assurer son indépendance à l’égard du gouvernement.
Cette indépendance3 à l’égard du gouvernement se justifie pour deux raisons : la
première est que l’Etat est aussi un gros employeur – hormis les agents publics – et,
par conséquent, le gouvernement peut être directement ou indirectement engagé dans

1 Ce comportement de l’employeur, basé sur le sentiment qu’il a raison sur toute la ligne, fait traîner le paiement
des droits légaux conventionnels ou contractuels mais n’est pas sans risque pour lui, le tribunal pouvant avoir la
main lourde en terme de dommages-intérêts s’il a finalement tort.
2 Selon l’article 308 « les procès-verbaux de conciliation totale et de conciliation partielle, le procès-verbal

d’exécution dressé par l’inspecteur du travail et portant sur les salaires légaux, conventionnels ou contractuels, les
congés payés et la prime d’ancienneté doivent être revêtus de la formule exécutoire apposée par le tribunal du
travail ».
3 Il s’agit bien plus d’autonomie de décision en matière de contrôle et de conciliation. L’inspecteur du travail reste

largement soumis au contrôle hiérarchique. Le mot indépendance est utilisé à propos de beaucoup trop
d’institutions et ne reflète plus la différenciation réelle des statuts. L’inspecteur n’a pas la même indépendance
qu’un juge par exemple.

239
les conflits sociaux, ne serait-ce qu’à travers les entreprises publiques ; la seconde est
que l’Etat, même sans sa qualité d’employeur, est presque toujours interpellé en cas de
conflit social.

C’est pourquoi, l’O.I.T., dans la convention n° 81 adoptée en 1947, a insisté


sur la fait que « le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics
dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et
les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et toute influence
extérieure indue »1 et sur la nécessité de veiller à ce que, si d’autres fonctions leurs
sont confiées par le gouvernement, elles ne soient pas susceptibles de « porter
préjudice d’une manière quelconque à l’autorité ou à l’impartialité nécessaire aux
inspecteurs dans leur relations avec les employeurs et les travailleurs »2. Les droits et
devoirs statutaires de l’inspecteur du travail s’articulent donc autour de la question de
son impartialité. Trois sortes d’obligations tendent à atteindre ce but.

La première obligation est que, comme tout fonctionnaire, l’inspecteur du


travail est tenu à l’obligation de discrétion pour les faits et informations dont il a
connaissance dans l’exercice de ses fonctions et dont la divulgation est de nature à
nuire aux intérêts des usagers du service public ou aux intérêts des administrations et
institutions publiques3.

La deuxième obligation, beaucoup plus importante et plus contraignante, est


que les inspecteurs du travail sont tenus au secret professionnel. Ils prêtent serment de
bien et fidèlement remplir leur mission et de ne pas révéler, même après avoir quitté
leur service, les secrets de fabrication et en général les procédés d’exploitation dont ils
pourraient prendre connaissance dans l’exercice de leurs fonctions 4. Ils doivent tenir
pour confidentielle la source de toute plainte leur signalant un défaut dans
l’installation ou une infraction aux dispositions légales et réglementaires5.

Il s’agit de protéger l’entreprise contre une éventuelle indiscrétion de


l’inspecteur sur les moyens scientifiques et techniques de l’entreprise car cette
indiscrétion pourrait fausser le jeu de la concurrence. La violation du secret
professionnel est sanctionnée par l’article 374 du code pénal6.

1 Article 6t de la convention n° 81 sur l’inspection du travail, ratifiée le 21 mai 1974, Recueil annoté, annexe 77, p.
332.
2 Article 3, al. 2, de la convention n° 81.
3 Voy. article 23 de la loi 13-98 AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents

de la fonction publique, J.O.B.F. n° 1, spécial du 25 juin 1998, pp. 12 et s. ; code public et administratif, p. 1144 ;
4 Article 219 C. trav. ancien (article 362 du code de 2004. Cet article met mieux en relief la formule du serment).
5 Article 363 C.trav. de 2004 (article 219 al. 3 du code de 1992). Le fait que le code de 2004 en fait une disposition

à part semble détacher cette obligation de secret professionnel. C’est bien plus pour protéger les dénonciateurs qui
veulent garder l’anonymat.
6 L’article 374 punit d’un emprisonnement de 6 mois à deux ans et d’une amende de 300 000 à 1 000 000 de francs

CFA les médecins, chirurgiens ou agents de santé…ou toutes autres personnes dépositaires par état ou profession
ou par fonction permanente ou temporaire des secrets qu’on lui confie ou qui, hors le cas où la loi les autorise à se
porter dénonciateurs révèlent ces secrets.

240
La troisième contrainte est que les inspecteurs « ne pourront avoir un intérêt
quelconque, direct ou indirect, dans les entreprises placées sous leur contrôle » sous
réserve des exceptions prévues par les lois et règlements1. Cette obligation est
d’ailleurs déjà contenue dans l’article 16, al. 2, de la loi 13/98 du 28 avril 1998 : « les
agents de la fonction publique ne peuvent exercer, à titre professionnel, une activité
privée lucrative de quelque nature que ce soit ni avoir par eux-mêmes ou par
personnes interposées, sous quelques dénominations que ce soit, des intérêts dans une
entreprise dont ils ont ou avaient l’administration, la gestion ou le contrôle ».

Les exceptions visées par l’article 364 C.trav. de 2004, qui s’étend à
l’ensemble des agents de la fonction publique, sont plus ou moins précisées par
l’alinéa 3 de l’article 16 de la 13/98 ci-dessus citée : « toutefois, les agents de la
fonction publique peuvent être autorisées, dans les conditions définies par décret, à
effectuer des expertises ou des consultations se rapportant à leur compétence, à donner
des enseignements se rattachant à leur compétence, à faire de la production agro-
pastorale ou d’œuvres scientifiques, littéraires ou artistiques »2.

L’interdiction de prendre des intérêts dans les entreprises assujetties au


contrôle du fonctionnaire peut être sanctionnée sur le plan disciplinaire, mais aussi sur
le plan pénal en vertu des articles 161 et 162 du code pénal3.

D’une manière générale, et dans le cadre de la recherche de l’impartialité de


l’inspecteur du travail, l’article 16 du statut particulier du cadre des personnels de
l’administration du travail dispose que « les fonctionnaires de l’administration du
travail ne doivent, dans l’exercice de leur fonction, agir ni par faveur ni par haine »4.

§ 4 – Les délégués et les suppléants de l’inspecteur du travail


L’inspecteur du travail n’étant pas seul à assurer les tâches de contrôle de
l’application de la législation du travail, ses prérogatives et pouvoirs sont dévolus à

1 Article 364 du code de 2004 (article 220 C. trav. de 1992).


2 Le décret devant préciser les conditions dans lesquelles les autorisations à effectuer des expertises et consultations
ne semble pas avoir été pris si bien que ces activités se développement sans aucune possibilité de contrôle minimal
du respect de la déontologie de la fonction publique. Un contrôle est délicat à organiser mais la liberté totale
conduit à des abus et à la transgression de l’interdiction de prise d’intérêt. Le décret n° 98-377 du 15 septembre
1998 portant document cadre de stratégie de valorisation de l’expertise nationale (SGGCM, Réforme globale de
l’administration publique, publication du JO du Faso, avril 2000, p. 233) invite à codifier les consultations
individuelles pour éviter l’anarchie.
3 Ces articles sont relatifs à l’ingérence des agents publics dans certaines affaires de commerce. L’article 162 par

exemple punit d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 300 000 à 1 500 000 F CFA, « tout
fonctionnaire, tout officier public, tout militaire chargé en raison même de sa fonction : de la surveillance et du
contrôle d’une entreprise privée ; …et qui, pendant un délai de cinq ans à compter de la cessation de la fonction,
prend ou reçoit une participation par travail, conseils ou capitaux ».
4 Article 16 du décret n° 95-395/PRES/PM/MFPMA du 29 septembre 1995, portant statut particulier du cadre des

personnels de l’administration du travail (non publié au J.O.).

241
ses collaborateurs que sont les contrôleurs du travail et aux fonctionnaires chargés du
contrôle technique spécial.
En l’absence d’inspecteur et de contrôleur, les chefs de circonscriptions
administratives les suppléent.

A – LES CONTRÔLEURS DU TRAVAIL

281. Les contrôleurs du travail sont recrutés parmi les titulaires du brevet de
l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature, section administration du
travail. Ils accèdent à cette école sur concours direct ouvert aux titulaires du
baccalauréat ou sur concours professionnel dit concours interne1.

Les contrôleurs du travail assistent les inspecteurs du travail aussi bien dans les
activités administratives que dans les tâches de contrôle des entreprises. Ils
bénéficient, dans l’exercice de leurs fonctions de contrôle, des mêmes compétences et
attributions que l’inspecteur. Ils prêtent serment dans les mêmes formes, mais devant
le tribunal du travail au lieu de la Cour d’appel2. Ils peuvent dresser des procès-
verbaux d’infraction qui font foi jusqu’à preuve contraire3, à la différence du procès-
verbal de l’inspecteur qui fait foi jusqu’à inscription de faux. Dans le code de 1962,
modifié en 1973, le contrôleur ne pouvait pas saisir directement l’autorité judiciaire
compétente. Il devait adresser son procès-verbal à l’inspecteur qui saisissait le
parquet. Cette restriction ne figurant plus dans le code de 1992, on en déduit que le
contrôleur peut désormais adresser son procès-verbal directement à l’autorité
judiciaire4.

B – LES CHEFS DE CIRCONSCRIPTION ADMINISTRATIVE

282. Dans le but de parer à l’insuffisante couverture du territoire en personnels


du cadre de l’administration du travail, les chefs de circonscription administrative ont
été constitués suppléants légaux des inspecteurs et contrôleurs. Selon l’article 373 C.
Trav. « En cas d’absence ou d’empêchement de l’inspecteur du travail et du contrôleur
du travail, le chef de circonscription administrative est leur suppléant légal »5. Mais
celui-ci ne peut pas dresser de procès-verbal. Il est habilité à constater les infractions
1 V. le décret 95-395 du 26 septembre 1995 précité. Les contrôleurs sont titulaires du brevet de l’ENAM après une
formation de deux ans après le bac alors que les inspecteurs sont titulaires du diplôme de l’ENAM après une
formation de deux ans après la maîtrise. V. également le décret 75-465 du 5 décembre 1975 portant organisation et
fonctionnement de l’inspection du travail et des lois sociales, J. O. RHV du 25 déc. 1975, p. 988, Code social, p.
128.
2 Article 370 al. 2. Les contrôleurs prêtent désormais serment devant le tribunal du travail du ressort au lieu du

tribunal de grande instance


3 Sur cette procédure, v. articles 431 C. pr. p; et articles 625 et s. sur l’inscription de faux, codes et lois du Burkina

Faso ; t. VII, P. 64 et p. 97.


4 Voy. art. 162 du code de 1962, article 224 du code de 1992 et article 370 du code de 2004.
5 Voy. également, article 228 code de 1992. Au Burkina Faso, les chefs de circonscription administrative sont : le

gouverneur de région, le Haut-commissaire de province et le préfet de département. La disposition vise


essentiellement le Haut-commissaire et surtout le préfet parce que peu d’administrations civiles sont déconcentrées
jusqu’au niveau du département.

242
par des rapports écrits au vue desquels l’inspecteur du travail pourra dresser un
procès-verbal d’infraction.

C – LES INSPECTEURS DES MINES

283. La compétence d’inspection dans les mines et carrières est délégué à des
fonctionnaires ayant les compétences techniques requises, notamment les ingénieurs
du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB)1. Ils sont chargés du
contrôle de l’application de la réglementation dans les mines et carrières ainsi que
dans les établissements et chantiers où un contrôle technique est nécessaire, en
l’occurrence les établissements dangereux, insolubles ou incommodes. Ils assurent
l’application des règlements spéciaux dans le domaine de la sécurité des travailleurs.
Ces règlements spéciaux sont très divers : réglementation minière2 ; réglementation
des substances explosives3 ; celles relatives aux appareils à vapeur ou à pression de
gaz, à la fabrication et à la vente des ouvrages en or, aux dépôts de produits dérivés du
pétrole, aux carrières, aux salles de spectacles et établissement recevant du public.

Mais la compétence des inspecteurs des mines n’exclut pas celle des
inspecteurs du travail. Ces deux types d’agents de contrôle doivent collaborer pour
mieux couvrir les divers aspects du contrôle : l’inspecteur du travail peut à tout
moment demander et effectuer avec les fonctionnaires chargés du contrôle technique
la visite des mines, carrières, établissement et chantiers soumis au contrôle technique;
et, l’inspecteur des mines doit porter à la connaissance de l’inspecteur du travail du
ressort les mesures qu’il a prescrites et les mises en demeure qui sont signifiées4.

Les inspecteurs des mines bénéficient, dans le cadre de leurs attributions, des
mêmes pouvoirs que les inspecteurs du travail : ils peuvent prescrirent à l’employeur
des mesures à prendre, faire des mises en demeure et constater les infractions par
procès-verbal. Ils peuvent se faire accompagner, lors de leurs visites, par les forces de
l’ordre. Ils prêtent serment devant la cour d’appel, de ne pas révéler et de ne pas
utiliser directement ou indirectement, même après cessation de leurs fonctions, les
secrets de fabrications et en général les procédés d’exploitation dont ils pourraient
avoir pris connaissance dans l’exercice de leurs fonctions5. Ils ont la qualité d’officiers
de police judiciaire et peuvent procéder à des enquêtes, perquisitions et saisies sur le
site ainsi qu’à des fouilles corporelles6. Ils peuvent engager des poursuites pénales par

1 Voy. l’arrêté n° 76/MEDIM/BUVOGMI du 16 janvier 1980, portant réglementation des fonctions d’inspecteurs
des mines, J.O.R.H.V., 17 janvier 1980, p. 49 ; Recueil annoté, 2ème éd., annexe 81, p. 352.
2 V. articles 87 et s. de la loi 23/97 du 22 octobre 1997 portant code minier, J.O.B.F. du 18 décembre 1997, p.

3464 ; Code économique, T.III, pp. 215 et s.


3 V. décret 75-101 du 17 mars 1975 portant prescription des règles à respecter dans l’emploi des explosifs dans les

mines et carrières, J.O.R.H.V. du 15 mai 1975, p. 348 ; Code économique, p. 161 ; Décret 77-128 du 18 avril 1977
réglementant la sécurité et l’hygiène dans les mines et carrières, J.O.R.H.V. du 28 mai 1977, p. 458 ; Code
économique, p. 166.
4 Article 371 C.trav. de 2004 (article 226 C. trav. ancien).
5 V. arrêté n° 76 du 16 janvier 1980, op. cit.
6 Article 89 de la loi 23/97 du 22 octobre 1997.

243
la transmission au procureur du Faso de leurs procès-verbaux constatant des
infractions et des produits saisis1.

D - L’INSPECTION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL

284. Avant de traiter de l’inspection de la médecine du travail, il convient


d’aborder au préalable la question plus générale de l’organisation de la médecine du
travail au Burkina Faso car c’est l’existence de celle-ci qui rend nécessaire un service
d’inspection.

1) La médecine du travail au niveau de l’entreprise

285. L’article 240 C. trav. dispose2 : « il est fait obligation à toute entreprise,
société ou organisme installé au Burkina Faso d’assurer la couverture sanitaire du
travailleur conformément aux conditions définies par les textes portant création,
organisation et fonctionnement de la médecine du travail ». Les textes en question
sont en grande partie assez anciens parce qu’ils ont été pris sous l’empire du code de
19523. A ces textes anciens se sont ajoutés des textes post-indépendance essayant de
rendre effectifs les services de médecine d’entreprise et d’inspection médicale. Il en
découle quelques variations d’orientation sur ces questions4.

a) Un des principaux textes est l’arrêté 397 IGTLS-AOF du 18 janvier 1955


portant classification des entreprises en ce qui concerne la fixation des moyens
minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire.

1 Article 90 de la loi 23/97 du 22 octobre 1997.


2 Article 143 du code de 1992.
3 Voy. l’arrêté n° 2536 IGT du 4 mai 1951 fixant les conditions dans lesquelles il peut être fait appel aux

formations sanitaire du service général et à leur personnel pour les soins médicaux et chirurgicaux et fournitures
pharmaceutiques en matière d’accident du travail (J.O.AOF du 12 mai 1951, p. 599), modifié par l’arrêté 4844
IGTLS-AOF du 1er juillet 1953 (J.O.AOF du 11 juillet 1953, p. 1066) ; l’arrêté 396 IGTLS-AOF du 18 janvier
1955 déterminant les modalités d’exécution des dispositions légales concernant les services médicaux ou sanitaires
d’entreprise, prévue [au chapitre II, titre V] du code du travail, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 213 ; l’arrêté n°397
IGTLS-AOF du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la fixation des moyens
minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 215,
Code social, p. 419 ; l’arrêté 398 IGTLS – AOF du 18 janvier 1955 déterminant les conditions dans lesquelles sont
installées et approvisionnées en médicaments et objets de pansements des infirmeries, salles de pansements et
boîtes de secours dans les entreprises, J.O.AOF du 29 janvier 1955, p. 216, Code social, p. 421 ; l’arrêté 525 ITLS
– HV du 13 juin 1955, fixant les délais minima autorisés pour la mise en place du personnel médical et sanitaire
dans les établissements classés dans les catégories définies à l’arrêté général n° 397 IGTLS – AOF du 18 janvier
1955, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 386, Code social, p. 423 ; l’arrêté n° 530 ITLS-HV du 13 juin 1955 déterminant
les modalités de constitution et de fonctionnement des services médicaux et sanitaires communs à plusieurs
établissements, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 387, Code social, p. 425 ; l’arrêté 531 ITLS-HV du 13 juin 1955
déterminant les modalités selon lesquelles les établissements groupant moins de mille travailleurs peuvent utiliser
les services de centres médicaux ou de dispensaires officiels pour assurer un service médical et sanitaire à leurs
travailleurs, J.O.H.V. du 30 juin 1955, p. 389, Code social, p. 427. Voy. également les articles 98 à 101 de la loi n°
23/94/ADP du 19 mai 1994 portant code de la santé publique, Recueil des lois de l’Assemblée nationale, p. 11 ;
J.O.B.F. du 13 octobre 1994, p. 2106 ; Code public et administratif, p. 1413.
4 Ainsi, à partir de 1984, les textes s’étaient orientés vers la prise en charge par des services médicaux publics avant

de revenir à la conception de la médecine libérale à partir des années 1990.

244
L’article 2 de ce texte classe les entreprises en cinq catégories, compte tenu de
l’effectif des travailleurs :

a) 1re catégorie : 1000 travailleurs et plus ;


b) 2ème catégorie : 750 à 999 travailleurs ;
c) 3ème catégorie : 250 à 749 travailleurs ;
d) 4ème catégorie : 100 à 249 travailleurs ;
e) 5ème catégorie : moins de 100 travailleurs.

Selon la catégorie, l’entreprise doit s’attacher un personnel plus ou moins


important. Ainsi, l’entreprise classée en première catégorie doit avoir un service
médical permanent comprenant : un médecin titulaire du diplôme d’Etat en médecine ;
deux infirmiers ; et un infirmier supplémentaire par tranche de 500 travailleurs au
dessus de 1000 travailleurs. Par contre, l’entreprise classé en 3 ème catégorie doit, au
moins, s’attacher le concours périodique d’un infirmier, sauf si l’entreprise assure le
logement des familles et si l’effectif global des travailleurs et des membres de leur
famille atteint 150 personnes, auquel cas elle est classée en 4ème catégorie et doit
s’attacher les services d’un infirmier permanent.

Les minima exigés par l’arrêté IGTLS peuvent être aménagés – sauf en baisse
– par arrêté du ministre du travail1 pour tenir compte de la dispersion des travailleurs,
de l’éloignement, de l’existence de risques sociaux…

Les entreprises peuvent se regrouper pour organiser un service médical et


sanitaire commun à condition de grouper au moins 250 travailleurs2. Le service
médical inter-entreprises peut être constitué sous forme d’association dotée de la
personnalité civile et de l’autonomie financière.

Les entreprises peuvent aussi, lorsqu’elles regroupent moins de 1000


travailleurs, utiliser les services de centres médicaux ou de dispensaires officiels pour
assurer leurs obligations légales en matière de service médical et sanitaire. Pour ce
faire, l’entreprise devait passer une convention de soins avec le ministre compétent.

286. Les prestations des services médicaux et sanitaires d’entreprise sont


précisées par l’arrêté 396 IGTLS-AOF du 18 janvier 19553. Le médecin d’entreprise
est chargé : d’effectuer les visites médicales prévues par les lois et règlements en

1 Article 6 de l’arrêté n° 397 IGTLS. du 18 janvier 1955 portant classification des entreprises en ce qui concerne la
fixation des moyens minima imposés aux employeurs en matière de personnel médical et sanitaire, J.O. AOF. du
29 janvier 1955, p. 215, Code social, p. 419.
2 Voy. l’arrêté n° 530 ITLS – HV du 13 juin 1955 déterminant les modalités de constitution et de fonctionnement

des services médicaux et sanitaires communs à plusieurs établissements, J.O. HV. du 30 juin 1955, p. 387, Code
social, p. 425.
3 Voy. Arrêté n° 396 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 déterminant les modalités d’exécution des dispositions

légales concernant les services médicaux ou sanitaires d’entreprises, J.O.A.O.F. du 29 janvier 1955, p. 213, Code
social, p. 415.

245
vigueur, en l’occurrence, la visite médicale annuelle ; de dispenser aux travailleurs
accidentés ou malades des soins immédiats ; d’assurer le service de médecine
préventive de l’établissement. Il assure la visite journalière des travailleurs malades
dans les établissements comptant au moins 100 travailleurs. Il doit dispenser à tous les
travailleurs et à leurs familles dans les locaux sanitaires des établissement, les soins
urgents et de première nécessité et, aux travailleurs logés et à leurs familles, les soins
et médicaments nécessaires au traitement de la maladie.

En matière de prévention, le médecin est chargé : de dispenser au travailleur


des soins de prévention en vue d’éviter toute altération de santé du fait du travail ; de
dépister les maladies contagieuses et parer aux risques de contagion ; de veiller à
l’éducation des travailleurs en matière d’hygiène et de prévention contre les accidents
du travail et maladies professionnelles.

L’infirmier d’entreprise est chargé : de procéder à des visites sommaires de


triage et de dépistage ; de dispenser les soins élémentaires ; de porter les premiers
soins de secours en cas d’accident, d’appliquer les consignes de sécurité.

En outre, le service médical fait des rapports sur l’état sanitaire de


l’établissement qui sont adressés au médecin chef de la circonscription sanitaire et à
l’inspecteur du travail, participe aux actions sanitaires contre les grandes endémies et
facilite les contrôles des inspecteurs du travail ou du médecin.

287. b) Les insuffisances dans l’application de ces textes ont amené le


gouvernement à créer en 1987, un organisme public chargé de promouvoir la
médecine du travail, l’Office de Santé des Travailleurs (O.S.T.)1.

L’O.S.T. est un établissement public à caractère administratif placé sous la


tutelle technique du Ministre chargé de la santé et la tutelle financière du ministère
chargé des finances. Elle a pour objet « de promouvoir la santé des travailleurs,
d’améliorer la qualité des soins dispensés aux travailleurs ; de mobiliser les ressources
financières pour son fonctionnement ». L’article 2 du statut particulier, issu de la
modification du 25 juillet 1990, précise que l’OST peut, d’une manière générale,
prendre toutes initiatives ou entreprendre toutes activités pouvant aboutir directement
ou indirectement à l’amélioration des soins dispensés aux travailleurs. Cet article ne
reprend plus la mission « d’assurer les médicaments essentiels » probablement en
raison de l’esprit de distribution gratuite difficilement réalisable en système libéral2.

1 Voy. Kiti n° An IV – 429 CNR du 31 juillet 1987 portant création d’un établissement public dénommé Office de
Santé des Travailleurs (OST), J.O.B.F. du 6 août 1987, p. 761, Code social, p. 435 ; voy également le kiti n° An IV
– 430 CNR du 31 juillet 1987 portant statut particulier d’office de santé des travailleurs (J.O.B.F. du 6 coût 1987,
p. 762) modifié par le Kiti An VII – 399 du 25 juillet 1996, (J.O.B.F. du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social,
p. 436) et le décret 93-335 du 22 novembre 1993. L’OST est aujourd’hui régit par le décret 2000-212 du 24 mai
2000 portant approbation des statuts de l’OST, J.O.B.F. du 15 juin 2000, p. 4041.
2 Il est maintenant mis l’accent sur l’amélioration de l’accessibilité aux soins pour les travailleurs et la prévention

de tout dommage causé à la santé du travailleur par les conditions de travail.

246
L’OST est géré par un conseil d’administration composé de manière tripartite
par un tiers de représentants de l’Etat (ministère de la santé, ministère des finances,
ministère chargé du travail) et 2/3 de représentants des employeurs et des travailleurs.

L’OST prend en charge une bonne partie de la médecine d’entreprise. Il est


organisé en directions régionales qui disposent notamment d’un service technique et
de cliniques, pour ce qui concerne l’aspect opérationnel de ses missions1. Le service
technique de la direction régionale est chargée de : collecter les données statistiques
relatives à toutes les activités de santé au travail ; l’exploitation et la diffusion des
informations sanitaires ; l’appui technique aux services opérationnels pour la visite
des lieux de travail et l’évaluation des risques professionnels ; l’expertise en cas
d’accident de travail ou de maladie professionnelle ; l’organisation et la coordination
des visites médicales des travailleurs, la supervision des infirmiers d’entreprises ou
interentreprises… »2.

Les cliniques et les zones médicales (infirmeries) sont chargées de : la visite


des lieux de travail et l’évaluation des risques professionnels ; l’information et la
sensibilisation sur les risques professionnels ; l’exécution de la visite médicale
annuelle des travailleurs ; la consultation curative et les examens complémentaires ; la
transmission à l’échelon supérieur des données statistiques.

Les cliniques et les zones médicales ont donc des missions à la fois curatives et
préventives ouvertes aussi bien aux travailleurs du secteur public que du secteur privé.
Les employeurs du secteur privé et para-public qui ne disposent pas de leurs propres
services médicaux et sanitaires doivent passer des conventions avec l’OST pour
assurer leurs obligations3. Il en découle que la médecine du travail est structurée en
trois types : les services médicaux d’entreprise ; les services inter-entreprises ; et le
service balaie, en réalité de loin le plus important, l’O.S.T. Ce dernier est le plus
important parce que le tissu économique est composé de petites et moyennes
entreprises de moins de 100 travailleurs, par conséquent non soumis au seuil
minimum de la 5ème catégorie de l’arrêté n° 397 du 18 janvier 19554.

1 La déconcentration du ministère de la santé est particulière et se veut indépendante des fluctuations de


l’organisation de l’administration du territoire, sans l’ignorer. Il y a d’abord les directions régionales de la santé qui
épousent le découpage régional officiel. Ces directions régionales comprennent des districts sanitaires plus ou
moins nombreux selon les régions (de 11 à Ouagadougou, à 3 à Dori) au lieu des directions provinciales et
départementales pour certains ministères. Les directions régionales de l’OST englobent plusieurs régions sanitaires
et des districts qui comprennent des zones médicales. Voy. Annuaire du MTESS, 2000, pp. 204 à 207.
2 Article 24 de l’organigramme de l’OST, Annuaire, MTESS, 2000, p. 206.
3 Voy. l’arrêté n° 40 MSP/FP/SS-FP/MF du 31 août 1984 portant tarification des actes de la médecine du travail

(non publié au J.O), Code social, p. 431.


4 In Annuaire du MTESS, op. cit., p. 215. Selon cette source, on compte 7 services médicaux autonomes à

Ouagadougou, 2 ou 3 à Bobo-Dioulasso et 3 dans le reste du pays (SOSUCO, Faso Fani, SOREMIB), dont on
observe que deux des trois dernières sociétés ont disparu (Faso Fani, SOREMIB).

247
2) Le rôle d’inspecteur de la médecine du travail

288. L’article 247 C. trav.1 crée une inspection de la médecine du travail


rattachée au Ministère chargé du travail. Selon l’article 248 C. Trav. 2, cette inspection
a pour rôle de : participer à l’élaboration des textes relatifs à la médecine du travail ;
contrôler sur le plan technique l’application de la réglementation en matière de
médecine et de sécurité du travail ; et, constater et réprimer toute infraction à la
réglementation de la médecine du travail. Cet article ajoute, par rapport au code de
1992 : « contrôler et conseiller les services de médecine du travail ».

L’inspection de la médecine du travail est en principe créée au sein de la


direction générale du travail et de la sécurité sociale3. Selon l’arrêté n° 2003-
22/METES du août 20034, la direction générale du travail et de la sécurité sociale
comprend trois directions : la direction de la sécurité et santé au travail (D.S.S.T.) ; la
direction de la sécurité sociale et des mutualités et la direction du travail (D.T.). La
direction de la sécurité et santé au travail comprend à son tour : un service de
l’inspection médicale du travail ; un service d’hygiène et de sécurité et un service des
études et de la réglementation. C’est donc cette direction à travers le service
d’inspection, qui est chargée du contrôle et de la répression des infractions relatives à
la médecine du travail.

Le médecin inspecteur dispose à peu près des mêmes pouvoirs que l’inspecteur
du travail. Il peut prescrire à l’employeur des mesures à prendre, lui adresser des
mises en demeure dans les mêmes formes que l’inspecteur du travail, dresser des
procès-verbaux constatant des infractions.

L’article 250 C. trav.5 prévoit qu’un décret pris en conseil des ministres après
avis du Comité national consultatif d’hygiène et de sécurité détermine les modalités
d’organisation et de fonctionnement de l’inspection de la médecine du travail6. Le fait
que cette inspection soit de manière anodine, prévue dans un arrêté portant
organisation d’une direction générale peut être source de l’ineffectivité persistante de
cette institution, si l’on sait qu’au Burkina Faso, la nomination par décret ou par arrêté

1 Article 144 du code de 1992.


2 Article 145 du code de 1992.
3Les codes successifs prévoient la création de l’inspection auprès du Ministère chargé du travail, mais

apparemment, le détachement de médecin spécialisé auprès de ce ministère n’est pas chose aisée.
4 Arrêté portant organisation et attribution des structures de la DGTSS, J.O.B.F. n° 33 du 25 septembre 2003 p.

1409.
5 Article 147 du code de 1992.
6 Voy. le décret 84-50 CNR du 28 février 1984 portant création d’une inspection de la médecine du travail

(J.O.R.H.V. du 2 mars 1984, p. 199, Code social, 429). Ce décret pris avant la création de l’OST et qui ne semble
pas effectif, prévoit une inspection placée sous la direction d’un médecin nommé par décret en conseil des
ministres sur proposition conjointe des ministres de la santé et du travail. Cette inspection pourra être déconcentrée
dans les provinces.

248
à une grande importance pour l’intérêt que l’on accorde au poste et sur le plan
financier.

Il aurait fallu, soit à l’instar de l’inspection des mines confiée au BUMIGEB,


confier clairement le rôle d’inspection de la médecine du travail à l’OST qui pourra au
moins s’assurer de l’abonnement des employeurs qui ne disposent pas de service
sanitaire et médical autonome, soit mettre en œuvre le décret 84-50 du 28 février 1984
qui crée une inspection de la médecine du travail ayant compétence sur l’ensemble du
territoire et, au besoin, déconcentrée. La situation actuelle est assez confuse en ce
qu’elle manifeste un intérêt pour la promotion de la médecine du travail à travers la
création de l’OST, tout en marginalisant la fonction de contrôle du respect de la
réglementation en la matière.

249
CHAPITRE III - LES INSTITUTIONS D’ADMINISTRATION
DE L’EMPLOI
289. L’inspection du travail est le principal mais pas le seul service de l’Etat
intervenant dans les activités de contrôle et d’élaboration de la législation du travail.
Ces activités sont aussi assurées par le service de main-d’œuvre, incarné par l’Agence
nationale pour l’emploi (ANPE). Toutefois, ce service est chargé plus spécialement de
la question de l’emploi.

Le code du travail ne reflète qu’insuffisamment les dimensions de la question


de l’emploi. Certes, beaucoup de dispositions du code du travail marquent un souci
global d’administration de la main-d’œuvre : les déclarations d’ouverture ou de
fermeture d’entreprise, d’embauchage ou de licenciement ; la réglementation du
placement, du tâcheronnat ou de la sous-traitance ; et même le difficile choix de
traitement réservé au contrat à durée déterminée. Ces dispositions sont sous-tendues
par une politique de gestion du marché du travail. Mais la législation du travail, de
manière générale, demeure axée sur le travail salarié et dominée par les
préoccupations de stabilité ou d’instabilité de l’emploi. Cette orientation est à peine
démentie par les discours sur la flexibilité ou la rigidité du marché du travail, qui
traduisent un regard macro-économique. Cette législation définit surtout un « statut »
du travail salarié1. La notion d’emploi, dans son utilisation courante, est liée au travail
salarié, mais elle est susceptible d’entendement plus large ou diversifié2. MM.
Pélissier et autres3 donnent deux sens au mot emploi.

Dans un premier sens, ce mot désignerait une situation individuelle, dans les
expressions visant l’emploi que l’on tient du contrat de travail ou la place que l’on
occupe dans l’entreprise. Dans un second sens, l’emploi « s’entend d’un phénomène
collectif : un état du marché du travail », ou le volume et la composition de la main-
d’œuvre dans l’entreprise. Mais parlant de la politique publique de l’emploi, ces
auteurs la définissent comme « des actions visant à fournir aux entreprises la main-
d’œuvre nécessaire et, aux individus, un travail utile et correspondant à leurs
aptitudes ». Ils visent implicitement l’emploi salarié, mais les actions visant à fournir
« aux individus un travail utile et correspondant à leurs aptitudes » pourraient
s’appliquer aussi à des emplois non salariés. Le petit Robert donne aussi deux sens au

1 Sur l’orientation du droit du travail, voyez, Christophe RAMAUX, L’instabilité de l’emploi est-elle une fatalité ?
Une lecture économique critique du Rapport Boissonnat, du rapport Supiot et des travaux sur les marchés
transitionnels ; Dr. soc. N° 1, janvier 2000, pp. 66 et s. ; SUPIOT A. (sous la direction) et al., « Au delà de
l’emploi : transformation du travail et devenir du travail en Europe », rapport pour la Commission européenne,
Flammarion, Paris, juin 1999, 321 p ; BOISSONNAT J., « Le travail dans vingt ans », rapport de la commission du
CGP (présidée par), éd. Odile Jacob, La documentation française, 1995 ; LEJKINE J., A propos du rapport Supiot,
Droit social n° 5, mai 1999.
2 V. GAUDU F., La notion juridique d’emploi en droit privé, Dr. soc. 1987.414 ; Les notions d’emploi en droit, Dr.

soc. 1996.569 ; VINCENS J. La notion d’emploi, de l’économie au droit, Mélanges dédiés au Président M.
Despax, Presses Uni. Sc. Soc – Toulouse, 2002, p. 183 ; PELISSIER J. (dir.), Droit de l’emploi, Dalloz Action,
2ème éd. 1998 ; BENOÎT A., Droit de l’emploi, P.U. Grenoble, 1995.
3 PELISSIER J., SUPIOT A., JEAMMAUD A., op. cit. n° 4.

250
mot emploi, l’un visant le travail salarié, « ce à quoi s’applique l’activité rétribuée
d’un employé, d’un salarié », l’autre plus ouvert, « occupation de quelqu’un ».

La réduction du concept d’emploi à celui d’emploi salarié pose plus de


problèmes de politique publique dans les pays en développement que dans les pays
développés ou hautement industrialisés. Le rapport SUPIOT, qui concerne ces
derniers pays puisqu’il a été commandé par la Commission européenne, pose le
problème de l’apparition de nouvelles formes particulières d’emploi qui dérogent, à
des degrés divers, à l’application du droit commun du travail construit autour d’un
emploi « typique » qui serait le salarié à temps plein, sous contrat de travail à durée
indéterminée, avec un employeur unique1.

Dans les pays en développement, la prévalence du secteur rural et la forte


croissance du secteur informel – échappant par définition à l’application du droit du
travail – rendent inopérante une politique d’emploi basée uniquement sur l’emploi
salarié « typique ». Les institutions chargées de mettre en œuvre cette politique vont,
par conséquent, refléter les particularités de la question de l’emploi. Aussi convient-il
d’essayer de dégager cette politique avant d’aborder l’institution « classique »,
l’ANPE, et les organismes publics chargés du financement de l’emploi.

SECTION I – LA POLITIQUE DE L’EMPLOI

290. G. Grangeas et J.M. Lepage définissent la politique de l’emploi comme


« l’ensemble des interventions publiques directes sur le marché du travail » ou
« l’ensemble des mesures qui tendent à stimuler la création de nouveaux postes de
travail, à améliorer l’adéquation des ressources en main-d’œuvre aux besoins de
l’économe et à assurer une fluidité suffisante du marché du travail »2.

La notion proche de marché du travail est un peu plus large. Selon le document
du cadre stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation professionnelle au
Burkina Faso, « le marché du travail, c’est le lieu de rencontre entre l’offre et la
demande de travail, le travail étant considéré comme un facteur de production »3. Le
document cadre de politique de l’emploi au Burkina Faso, préparatoire aux « Etats
généraux » sur l’emploi, parle aussi de politique de marché du travail, définie comme
« l’ensemble des mesures et interventions délibérées et sélectives des pouvoirs
publics, touchant directement ou indirectement le fonctionnement du marché du

1 Voy. RAMAUX C. op. cit., p. 66. Ce rapport propose de reconstruire les “garanties statutaires » sur le travail au
sens général, en prenant acte de l’instabilité de l’emploi.
2 Geneviève GRANGEAS et Jean-Marie LEPAGE, Les politiques d’emploi, Que sais-je ? PUF, 2ème éd. Corrigée,

1997, p. 3.
3 Lexique annexé au document intitulé « Cadre stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation

professionnelle au Burkina Faso » adopté par le décret n° 2001-474/PRES/PL/METSS du 18 septembre 2001 (non
publié au J.O.). Ce document définit le marché de l’emploi comme « le lieu de rencontre entre l’offre et la
demande… ».

251
travail et visant à lui conférer une certaine efficacité dans la résorption du chômage »1.
Cette définition rejoint celle de la politique de l’emploi.

Cette politique de l’emploi est axée au Burkina Faso sur deux problèmes
cruciaux, le chômage galopant et l’émigration. La réponse commune à ces deux
problèmes est : une politique de promotion de l’emploi et une politique de formation
professionnelle. Nous aborderons successivement ces deux problèmes puis la réponse.

§ 1 - Le problème du chômage
291. Partout dans le monde, la politique de l’emploi est essentiellement une
politique de lutte contre le chômage. Cette politique peut varier en fonction des
caractéristiques de l’économie et de celles du chômage. La situation idéale est celle du
plein emploi qui peut se définir comme « l’occupation rémunérée de toute la
population en âge de travailler »2. Cette situation idéale n’est presque jamais réalisée
mais l’évaluation du chômage peut dépendre des critères retenus.

A – LA DIFFICULTE D’EVALUATION DU CHỐMAGE

292. Dans le sens classique, le chômage est lié à l’emploi salarié. C’est dans ce
sens que Grangeas et Lepage disent que « un mode de fonctionnement de l’économie
dans lequel la main-d’œuvre industrielle n’est pas totalement détachée de ses origines
rurales et conserve une activité agricole ne permet pas de parler véritablement de
chômage »3.
En se référant à la notion « d’emploi normal salarié », serait dite au chômage une
personne qui est sans travail, qui est disponible pour travailler et qui a fait des
démarches en vue de trouver un emploi au cours d’une période de référence (s’inscrire
par exemple comme demandeur d’emploi auprès de l’administration). Les personnes
prises en compte sont celles relevant de la population active, c’est-à-dire dont l’âge est
compris entre l’âge minimum d’accès à l’emploi et l’âge de la retraite4.

Ces critères ne sont pas récusés par le droit burkinabè qui les utilise pour
l’évaluation du chômage dans le secteur moderne urbain. Mais ils sont insuffisants
pour rendre compte des problèmes de l’emploi dans les pays en développement. Au
Burkina Faso, à défaut d’une définition consacrée, des textes sans portée juridique
montrent que la pratique, au moins, adopte une acception de l’emploi et du chômage.
Ainsi un avant projet de loi d’orientation de la politique de l’emploi, datant de 1996,

1 Ministère de l’emploi et du travail et de la sécurité sociale, Document cadre de politique de l’emploi au Burkina
Faso, septembre 1996, p. 22.
2 ISSA-SAYEGH Joseph, Droit du travail sénégalais, LGDJ 1987, n° 1418.
3 Op. cit., p. 6.
4 La population active comprend toutes les personnes des deux sexes qui fournissent, durant une période de

référence, la main-d’œuvre disponible pour la production des biens et de services. L’âge de référence pour le code
du travail, est de 15 ans à l’âge de la retraite. Mais les bornes inférieures et supérieures peuvent varier selon les
services statistiques.

252
proposait cette définition de l’emploi : « l’emploi désigne toutes les formes d’activités
salariales, indépendantes ou d’auto emploi et d’une manière générale, l’ensemble des
activités socialement utiles et licites, génératrices de revenus par lesquelles une
personne tire les moyens de sa subsistance et améliore la qualité de sa vie ». Le cadre
stratégique de la promotion de l’emploi et de la formation professionnelle, dans son
lexique1 définit de manière large le chômage comme « l’inactivité forcée d’une
personne due au manque de travail ou d’emploi ». Ces définitions larges permettent de
tenir compte de la diversité des formes de chômage au Burkina Faso dans les
politiques de promotion de l’emploi.

B – LES CARACTERISTIQUES DU CHỐMAGE AU BURKINA FASO

293. Le chômage peut présenter plusieurs aspects : le chômage déclaré ; le


sous-emploi visible ou caché ; le chômage affectant des personnes diplômées (mais
souvent sans qualification professionnelle) ; le chômage affectant les groupes sociaux
désavantagés (invalides, handicapés, réfugiés, femmes)2. Le chômage peut
s’accompagner d’une pénurie de main-d’œuvre non qualifiée dans certains domaines,
traduisant une discordance entre l’offre d’emploi et la demande d’emploi. Ces
différentes formes de chômage se retrouvent cumulées au Burkina Faso, à des niveaux
élevés.

1) Les traits généraux

294. Selon les documents des Etats généraux de l’emploi de 19963, l’économie
du Burkina Faso est encore tributaire du secteur primaire qui occupe 92% de la
population active, contre 6% des actifs dans le secteur tertiaire et 2% dans le secteur
secondaire. Les emplois salariés ne représentent que 3%4 des actifs, par contre le
secteur informel représente 12% de la population active dont 80% des actifs urbains.
Le secteur moderne ne concerne que 20% des actifs urbains et 1,13% des actifs
ruraux.

Malgré la faible proportion du secteur moderne, celui-ci connaît un taux de


chômage déclaré en croissance (de l’ordre de 12%)5 en raison de facteurs défavorables
cumulés : contre-performances économiques se traduisant sur une longue période par
un déclin de la capacité d’absorption de la main-d’œuvre ; contingentement, après
l’entrée dans les cycles de programmes d’ajustement structurel, des offres publiques
d’emploi ; conjoncture économique difficile pour les entreprises privées ; et tout cela
accompagné d’un flux de plus en plus important d’entrée de jeunes diplômés ou
déscolarisés sur le marché du travail.

1 Op. cit., p. 36 du document dactylographie.


2 Voy. R. LEMESLE, Le droit du travail en Afrique francophone, EDICEF/AUPELF, 1989, p. 133.
3 Voy. document 1, analyse de la situation de l’emploi, septembre 1996.
4 3,7% selon le document du cadre stratégique de la promotion de l’emploi.
5 Document du cadre stratégique, op. cit., p. 8.

253
Si le secteur moderne est marqué par le chômage déclaré des « déflatés » et des
nouveaux demandeurs d’emploi, notamment des jeunes scolarisées, le secteur
informel est dominé par le sous-emploi et le chômage déguisé. Le taux de sous-emploi
dans le secteur rural est d’environ 40%1 en raison principalement d’une activité
saisonnière très courte dans l’agriculture et de sa faible rentabilité.

Le sous-emploi ou chômage partiel désigne la situation de « personnes


pourvues d’un emploi salarié ou non (qu’elles soient au travail ou absentes du travail),
qui travaillent involontairement moins que la durée normale et qui sont à la recherche
d’un emploi supplémentaire »2. L’avant-projet de loi d’orientation de la politique de
l’emploi de 1996, en son article 4, propose une définition plus détaillée : « le sous-
emploi désigne l’emploi dont :
- le volume du travail est très faible indépendamment de la volonté de celui
qui l’exerce ;
- ou le travail exercé ne requiert pas toutes les compétences liées à la
qualification et aux capacités du travailleur ;
- ou enfin la rémunération du travail est anormalement bas.

Le premier cas est désigné comme un sous-emploi visible, les deux autres cas
sont qualifiés de sous-emploi invisible parce qu’ils ne peuvent être évalués qu’à
travers des indicateurs indirects : l’utilisation des capacités ou la productivité.

2) Le caractère structurel du chômage au Burkina Faso

295. Une politique de l’emploi doit tenir compte des caractéristiques du


chômage dans le pays considéré. Au Burkina Faso, le chômage n’est pas conjoncturel.
Il n’est pas lié à une récession économique que l’on espère temporaire ou à des
mutations structurelles, même si ces facteurs ne sont pas absents. Il est plutôt
structurel, en ce sens qu’il est dû, comme le fait ressortir le document 1, « analyse de
l’emploi au Burkina Faso », à des contre-performances économiques, très visibles à
partir des années 1970. Ces contre-performances « se sont traduites par un déclin
prononcé de la capacité d’absorption de la main-d’œuvre tandis que la croissance de la
population active se maintenait à un taux élevé »3. Il en résulte un phénomène de
paupérisation croissance d’une grande frange de la population4.

Outre son caractère endémique, le chômage touche principalement le secteur


rural et le secteur informel urbain, même s’il est moins médiatisé que le chômage dans

1 Voy. document du Cadre stratégique de promotion de l’emploi, p. 7.


2 G. GRANGEAS et J. M. LEPAGE, op. cit., P. 9.
3 METSS, Analyse de la situation de l’emploi au Burkina Faso, document 1 des Etats généraux de l’emploi. Voy.

également, R. LEMSELE, op. cit. p. 33, qui constatait le même phénomène, en Afrique, du taux de croissance
démographique qui dépasse la création d’emplois.
4 L’adoption par de nombreux Etats africains de « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » résulte de ce

constat fait par les institutions de Bretton Woods que l’application de programme d’ajustement structurel classique
ne peut suffire à inverser cette tendance.

254
le secteur moderne parce qu’il s’agit d’un chômage déguisé ou sous emploi. Le sous-
emploi est visible dans le secteur rural où l’agriculteur travaille intensivement sur
quatre mois pour subvenir à ses besoins essentiels sur 12 mois, faute d’activités
complémentaires en saison sèche. L’élevage extensif notamment de volaille et de
petits ruminants ne demande pas un important volume de travail, mais n’est pas non
plus d’une grande productivité. Dans le secteur informel urbain, le sous-emploi est
plutôt visible et découle, non pas du volume de travail, mais de son caractère peu
rémunérateur et instable.

296. Le chômage dans le secteur moderne est, en terme statistique, faible, mais
il n’est pas le moins préoccupant parce qu’il est révélateur de la faillite des politiques
économiques sur la période post-indépendance. Après les dix premières années durant
lesquelles l’administration recrutait à tour de bras, le tissu économique s’est avéré peu
dynamique et peu créateur d’emploi. A partir de 1990, la mise en œuvre de
programmes d’ajustement structurel, qui consistent au tassement des effectifs de la
fonction publique, à la fermeture des entreprises non viables sans subventions
massives, et à la privatisation1, s’accompagne de licenciements et donc
d’accroissement de la masse de chômeurs. Ceux-ci ont peu de chance de retrouver un
emploi salarié parce que le marché du travail est déjà saturé.

Selon le document de Cadre stratégique de la promotion de l’emploi et de la


formation professionnelle, « …en 1997, à peine 3% des candidats ont été retenus aux
différents concours organisés par l’administration tandis que le taux de placement de
la main-d’œuvre auprès des entreprises tourne autour de 10% »2. Les jeunes qui
sortent du système d’enseignement et qui prétendent à un emploi dans le secteur
moderne ont peu de chance d’entrer dans ce marché. Le système scolaire
(enseignement primaire et secondaire notamment) ne prépare pas les jeunes, ni
psychologiquement ni techniquement, à un autre type d’emploi qu’un emploi salarié
dans l’administration, l’industrie et le commerce. Le faible développement de
l’apprentissage et de la formation professionnelle dans le système éducatif formel est
ici incriminé. Mais le goulot d’étranglement de l’emploi de jeunes scolarisés nous
semble résulter de deux phénomènes qu’il faut distinguer : d’une part, la faible place
faite à la formation professionnelle et à l’apprentissage est cause de chômage
frictionnel résultant d’une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi, les
entreprises pouvant peiner à trouver de la main-d’œuvre qualifiée ; d’autre part,
l’important flux de chômeurs « diplômés » (demandeurs d’emploi non satisfaits)
résulte principalement de l’insuffisance de la création d’emplois. En effet, l’emploi
salarié offre une situation mieux rémunérée et plus protégée que le travail dit

1 Il y a lieu de préciser que les privatisations sont associées au P.A.S. en Afrique, mais la privatisation n’est pas en
soi liée au PAS. Elle répond à une politique de libéralisation de l’économie. Dans un contexte de P.A.S., les
privatisations produisent encore plus de licenciement parce que l’on a à faire à des entreprises peu rentables.
Ailleurs, ce sont les regroupements d’entreprises qui produisent les licenciements, par libération de main-d’œuvre.
2 Voy. p. 7 du document. Celui-ci estime à près de 100 000 personnes le flux additionnel de nouveaux arrivants sur

le marché de l’emploi, constituées de non scolarisés, de déscolarisés, de diplômés en fin de cycle, de travailleurs
déflatés et de migrants de retour.

255
indépendant. Il est donc « normal » que le jeune, même s’il a reçu une qualification
professionnelle par apprentissage ou formation professionnelle, aspire d’abord à un
emploi salarié. Ce passage est très souvent indispensable même pour celui qui
voudrait s’installer à son propre compte dans le cadre du travail indépendant, s’il veut
accroître ses chances de succès.

Toujours est-il que l’insuffisance de création d’emploi et l’insuffisance du


système de formation professionnelle et d’apprentissage contribuent à alimenter le
secteur informel. Ils sont aussi cause du fort courant d’émigration.

§ 2 – L’émigration
297. Le Burkina Faso est un pays d’émigration et ce fait traduit en lui-même
un problème d’étroitesse du marché interne de l’emploi1. Nous ne traiterons pas ici
des migrations internes qui, elles-mêmes, posent le problème de la politique de
l’emploi et plus généralement d’aménagement du territoire2.

Les causes de l’émigration de burkinabè sont lointaines. Elles remontent à la


période coloniale ou ce pays était traité en réservoir de main-d’œuvre, en raison : de sa
faiblesse en ressources naturelles (minerai, bois…) ; de la faible potentialité de
développement de cultures de rente (mis à part le coton) et de l’absence de débouché
maritime et de fleuve navigable. Pour ces raisons, le colonisateur avait basé sa
politique à l’égard du territoire sur l’exportation de main-d’œuvre vers les pays
voisins où étaient entrepris de grands travaux d’aménagement : au Mali pour
l’aménagement de la vallée du Niger, et surtout en Côte d’Ivoire pour l’exploitation
du bois, la culture de café et de cacao, les travaux du chemin de fer Abidjan-Niger,
etc.

Après l’indépendance, ce courant s’est maintenu et même renforcé en raison de


la faible croissance économique – le secteur principal, l’agriculture, étant une
agriculture de subsistance – et de la quasi-inexistence d’une industrie de substitution
ou de transformation qui aurait absorbé la main-d’œuvre scolarisée qui arrive sur le
marché. Par exemple, malgré un taux de scolarisation faible, une bonne partie des
sortants du cycle primaire et du premier cycle de l’enseignement secondaire n’avait de
choix que l’émigration, s’ils ne veulent pas « reprendre la daba »3. L’espoir qu’ils
deviennent au moins des agriculteurs ouverts aux techniques modernes de travail, à
défaut d’avoir une qualification, était hypothéqué par l’impossibilité de financer une

1 Même si l’on peut émigrer non pas pour la recherche d’un emploi, mais pour des raisons d’activités commerciales
et de conquête de marchés extérieures.
2 Les migrations internes s’expliquent par le sous-emploi du secteur rural et la raréfaction des terres cultivables et

sont à la base d’une urbanisation galopante des grandes villes (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso), de
l’accroissement du chômage urbain et du secteur informel, sans compter le phénomène « d’enfants des rues ».
3 La « daba » est une houe, un outil traditionnel de culture.

256
modernisation de l’agriculture1. L’émigration était d’autant plus tentante qu’il y avait
un appel de main-d’œuvre de la part de pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana
(pendant un certain temps) et le Gabon plus tard.

L’émigration burkinabè est caractérisée par le fait qu’elle est constituée d’une
main-d’œuvre peu qualifiée alimentant surtout le secteur rural (en Côte d’Ivoire) et les
emplois de manœuvre ou d’ouvrier. En Côte-d’Ivoire, l’enseignement primaire était
un débouché pour les titulaires du BEPC et du baccalauréat qui ne peuvent poursuivre
leurs études. Plus tard, l’enseignement secondaire avait commencé à présenter les
mêmes perspectives, avant la chute du cour du cacao.

Le courant de l’émigration a contribué à masquer le caractère crucial de la


question de l’emploi tant rural qu’urbain et la question de la démographie. Il en est de
même de l’avantage très souvent invoqué et quelque fois quantifiée, des transferts de
revenus. Mais, s’il y a quelque chose qui est quasiment non quantifié, ce sont les
inconvénients de l’émigration. Les émigrants sont constitués d’une population jeune2.
Beaucoup émigrent dès l’âge d’environ 17 ans, au moment où ils sortent de la
situation où ils étaient à la charge de la société et certains ont même été scolarisés. Il
en résulte que les avantages de transfert de revenus devraient être appréciés en prenant
en compte la perte de bras valides pour les familles et l’investissement d’entretien
jusqu’à l’âge d’adolescent.

Le cadre stratégique de promotion de l’emploi et de la formation


professionnelle, de même que les documents introductifs aux travaux des Etats
généraux de l’emploi évoquent la question de l’émigration mais de manière assez
sommaire, peut être parce qu’elle n’appelle pas de réponse particulière par rapport à
celle de l’emploi ou parce qu’une autre structure serait chargée des solutions
particulières3.

§ 3 - Les réponses : la formation professionnelle et la promotion


de l’emploi
298. Des réponses au problème crucial de l’emploi ont toujours été préconisées
depuis 1960 sous forme de politiques concernant l’emploi rural, l’emploi urbain,
l’émigration et même le secteur informel qui a suscité de plus en plus d’intérêt au vu

1 Ce facteur a contribué à l’échec de l’expérience des « écoles rurales » associant apprentissage de travaux
agricoles et scolarisation, tentée dès les premières années des indépendances. Les sortants de ces écoles ont aussi
alimenté l’émigration.
2 Près de 93% ont moins de 35 ans selon le document du cadre stratégique de politique d’emploi et de formation

professionnelle.
3 Il existe auprès du Ministère des affaires étrangères, un conseil supérieur des burkinabè de l’étranger, créé par

décret n°93-132/PRES/PM/REX du 7 mai 1993, JOBF du 13 mai 1993, p. 762. V. également le décret n° 95-
243/PRES/PM/MAET du 30 juin 1995 portant organisation et fonctionnement du CSBE, JOBF du 20 juillet 1995,
p. 1754.

257
de son ampleur. Mais ces politiques, qui peuvent être implicites ou explicites, sont
restées éparses, du moins jusqu’à la tenue des Etats généraux sur l’emploi en 1996.

A - L’ABSENCE DE POLITIQUE EXPLICITE EN MATIERE


D’EMIGRATION

299. Les réponses implicites peuvent être illustrées, en ce qui concerne


l’émigration, par les conventions signées avec la Côte d’Ivoire et le Gabon1. Ces
conventions prennent acte du phénomène de l’émigration et essaient de
l’accompagner, pour protéger les travailleurs certes, mais aussi comme politique de
placement de la main-d’œuvre à l’étranger. La convention avec le Gabon, surtout,
avait la nette allure d’un encouragement à l’émigration, puisqu’il s’agissait
d’organiser les recrutements individuels ou collectifs de travailleurs vers ce pays, qui
avait un besoin de main-d’œuvre. Les difficultés d’application de ces accords, tant
dans les clauses de compensation financière ou d’épargne que dans le contrôle des
mouvements de main-d’œuvre, vont consacrer l’échec de cette politique. A partir des
années 1980, la détérioration du traitement des émigrés dans les pays d’accueil,
singulièrement en Côte d’Ivoire, amènera le gouvernement du CMRPN 2 à prendre des
mesures qui apparaissent à la fois comme des mesures de rétorsion contre la Côte
d’Ivoire et un désir de freiner l’émigration. Il prit une ordonnance portant suspension
provisoire de l’émigration aux fins d’emploi et instituant un laisser-passer pour la
sortie du territoire à toutes autres fins que la recherche d’un emploi3. L’ordonnance
précisait que l’émigration était suspendue « en attendant la mise au point des
structures, accords et conventions devant permettre l’amélioration des conditions
d’emploi, de séjour et de vie des ressortissants voltaïques à l’étranger ». Faute d’avoir
pu négocier ces accords et d’une politique offrant des perspectives de maintien dans le
territoire national, ces mesures se traduisaient par d’inutiles et coûteux contrôles de
sortie du territoire, qui suscitaient le mécontentement. Elles seront abrogées par le
Conseil National de la Révolution en 1984 sans autres alternatives telle que la
réduction des exactions contre les burkinabè en Côte d’Ivoire.

La conjonction de la crise économique et de la crise politique en Côte d’Ivoire


s’est traduite par une recrudescence des exactions et vexations contre les travailleurs
émigrés. Les massacres d’émigrés à Tabou, en Côte d’Ivoire, a amené le

1 Convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs [burkinabè] en Côte d’Ivoire,
signée le 9 mars 1960, ratifiée par le décret n° 61-233 du 2 juin 1961, J.O.RHV. du 10 juin 1961, p. 520 ; Code
social, pp. 281 et s ; Recueil annoté, annexe 92, p. 387 ; Convention relative à la coopération technique en matière
de main-d’œuvre entre le [Burkina Faso] et le Gabon, signée à Franceville le 13 août 1973, ratifiée par le décret n°
74-165 du 30 mai 1974, J.O.RHV. du 8 août 1974, p. 571, Code social, pp. 285 et s., Recueil annoté, annexe 94, p.
394.
2 Comité Militaire de Redressement pour le progrès national dirigé par le Président Seye Zerbo du 25 novembre

1980 au 7 novembre 1982.


3 Voy., l’ordonnance n° 81-008/PRES/CMRPN du 11 mars 1981 portant suspension de l’émigration, J.O.R.H.V. n°

12 du 19 mars 1981, p. 200, Recueil annoté, annexe n° 98, p. 414 et le décret n° 81-0135/PRES/CMRPN du 11
mars 1981 définissant les conditions de délivrance et d’utilisation du laisser-passer institué par l’ord. N° 81-008 du
11 mars 1981, J.O.R.H.V. du 19 mars 1981, p. 200, Recueil annoté, annexe 99, p. 415.

258
gouvernement à monter une opération de rapatriement volontaire (pour ceux qui
voulaient rentrer) appelée opération « Bayiri », qui est une simple action de
sauvegarde de l’intégrité physique et non pas une politique envers l’émigration. La
création d’un Conseil supérieur des burkinabè de l’étranger1 en 1993 entre dans le
cadre de la protection diplomatique et consulaire, qui constitue la seule ligne explicite
de politique mais qui reste fragile si l’on ne parvient, soit à des accords bilatéraux ou
multilatéraux, soit à une politique interne efficace de lutte contre le chômage et le sous
emploi, ou certainement les deux à la fois.

Il y a eu, certes, des réflexions, surtout à partir des années 1990, sur le
problème de l’émigration2 mais, implicitement, l’on semble considérer qu’il n’y a pas
de solution spécifique en dehors des actions sur l’emploi. La question se trouve en
quelque sorte renvoyée à l’aboutissement des actions éparses des différents
intervenants en matière de formation professionnelle et de promotion de l’emploi.

B – LES ACTIONS EPARSES DES DIFFERENTES STRUCTURES

300. Des actions de promotion de l’emploi sont menées par différentes


structures ministérielles, des organismes para-publics et des organisations non
gouvernementales (ONG) sans véritable mise en cohérence.

Au niveau du ministère chargé du travail, l’ex. Office national de la promotion


de l’emploi, spécifiquement tournée vers le secteur moderne (placement, statistique
sur l’emploi dans ce secteur), mène aussi des actions en direction du secteur rural ou
du secteur non structuré : programmes spéciaux de travaux publics à Haute intensité
de main-d’œuvre (PSTP/HIMO) ; formation des artisans ruraux3. Au niveau du
ministère chargé de l’agriculture, de nombreux projets de développement économique
visent à réduire le sous-emploi dans le secteur rural : projet « fixation des jeunes dans
leurs terroirs » ; encadrement des paysans dans les Programmes nationaux de gestion
des terroirs (PNGT) ; Centres de formation de jeunes agriculteurs etc. Le ministère
chargé de l’urbanisme conduit aussi des projets qui prenaient en compte l’emploi dans
le secteur informel urbain tel que le projet « jeune – ville – emploi ». il est à noter
également les centres de formation pour jeunes gérés par le Secrétariat permanent des
six engagements directement rattaché à la Présidence du Faso4. L’action d’envergure
et de long terme qui nous semble porteuse en terme de lutte contre la pauvreté et le
sous-emploi rural est le développement des barrages hydroagricoles et des petites
1 Voy., le décret 93-132 du 7 mai 1993, précité.
2 Ces réflexions sont menées essentiellement à travers l’Assemblée Générale du CSBE.
3 Voy. Centre National de Promotion des Artisans Ruraux (CNPAR) et également l’arrêté n° 605 FPT-DECD du 5

juin 1979 rattachant le projet « Promotion et développement des petites entreprises villageoises » à l’ONPE, non
publié au J.O.
4 Ce programme résulte d’un engagement pris par le Président du Faso, le 2 juin 1994, d’œuvrer au développement

de six secteurs pour la production : la sauvegarde de l’environnement et la lutte contre la désertification ;


l’accroissement de la production agropastorale ; l’organisation et l’appui au secteur informel et à l’artisanat ; le
développement des petites et moyennes entreprises et industries ; le soutien aux activités productrices des femmes ;
et l’élévation du niveau général de connaissances à la base et le développement du sport et des activités culturelles.

259
irrigations, tant l’eau et les infrastructures routières nous semblent être les clefs du
développement du monde rural.

Ces différentes actions, qu’il est difficile d’énumérer1, sont appuyées par des
projets conduits par de nombreuses ONG. Mais ces activités, qui sont entreprises au
gré de l’obtention de financement, plus sous forme de projet que de programmes,
manquent de synergie. Elles semblent plus entretenir l’espoir de décollage qu’elles ne
réalisent le changement qualitatif attendu.

C’est à partir de 1990 que l’on constate d’intenses activités de réflexion sur le
problème de l’emploi dans les différents départements ministériels concernés 2. Les
réflexions sectorielles ont été couronnées par la tenue des Etats généraux de l’emploi
du 8 au 10 octobre 1996 sur la base de trois documents : analyse de la situation de
l’emploi ; cadre de politique de l’emploi au Burkina Faso ; et Plan d’action national
pour la promotion de l’emploi. La tenue des états généraux devait déboucher sur
l’adoption d’une loi d’orientation de la politique de l’emploi dont un avant projet avait
été élaboré, la création d’un observatoire de l’emploi et de la formation
professionnelle, la création d’un cadre de concertation des structures de financement,
etc.

La généralisation des techniques de planification opérationnelle sectorielle et


d’adoption de cadres stratégiques inspirés ou en application du « cadre stratégique de
lutte contre la pauvreté » considéré comme document mère, a conduit à l’application
d’un schéma différent commençant par l’adoption d’un « cadre stratégique de la
promotion de l’emploi et de la formation professionnelle ». Ce document intègre les
principales recommandations des Etats généraux de l’emploi.

C – LE CADRE STRATEGIQUE DE PROMOTION DE L’EMPLOI ET


DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

301. L’adoption d’un document de Cadre stratégique de promotion de


l’emploi et de la formation professionnelle étant assez récente, il ne peut être question
d’évaluer son impact. Il se présente pour le moment comme un catalogue d’intentions
dont la réalisation devrait apporter un plus dans les performances de l’économie. Le

1 Voy. pour une énumération, non complète, des actions en faveur de l’emploi, le document III « Plan d’action
national pour la promotion de l’emploi » introductif aux travaux des Etats généraux pour l’emploi, septembre 1996.
2 Voy. annexe du document III précité. Exemples de ces réflexions – Rapport général sur la problématique et les

choix technologiques au Burkina Faso, ONPE – Projet CTA BKF/057 BIT – PNUD, janvier 1991 ; le système de
formation professionnelle au Burkina Faso : analyse et stratégie pour une amélioration de l’efficacité de la
formation professionnelle, Rapport directeur Moll, Thoiry, octobre 1994 ; Commission de réflexion sur la politique
sectorielle de l’emploi rural, METSS – MARA, novembre 1995 ; Colloque National sur la politique de l’emploi au
Burkina Faso, rapport final, Ouagadougou, 18-23 octobre 1993 ; Avant projet d’actions du secteur de l’eau, MEE,
septembre 1995 ; Quel système de formation professionnelle au Burkina Faso ? Atelier National sur la formation
professionnelle, 13-16 février 1996 ; Plan d’action pour l’insertion professionnelle de la jeunesse urbaine, MIHU-
JVE, Ouagadougou, 1996. A ces références, il convient d’ajouter les réflexions générales sur la politique
économique et sur les problèmes de population.

260
diagnostic en lui-même, dans les deux volets de la formation professionnelle et de la
promotion de l’emploi, est intéressant en ce qu’il fait prendre conscience du retard
accumulé et de l’inorganisation qui y règne.

1) La formation professionnelle

302. En retard en matière de scolarisation et d’alphabétisation, le Burkina Faso


l’est encore plus en matière de formation professionnelle et d’enseignement
technique1. La formation professionnelle est définie par l’article 15 de la loi n° 013/96
ADP du 9 mai 1996 portant loi d’orientation de l’éducation comme la formation qui
« vise l’acquisition de connaissances spécifiques pour l’exercice d’un métier ou
l’amélioration de la productivité du travailleur »2. Cette loi distingue : l’éducation
formelle (éducation de base, enseignement secondaire, enseignement supérieur et
formation professionnelle) ; l’éducation non formelle qui serait celle « structurée et
organisée dans un cadre non scolaire » et l’éducation informelle. Le cadre stratégique
traite de la formation professionnelle aux trois niveaux, dont le dispositif national se
compose « de centres et écoles de formation relevant du système éducatif, des
ministères techniques, du secteur moderne formel et du secteur artisanal informel ».

La formation professionnelle est marquée par la prédominance de


l’apprentissage « sur le tas » ou apprentissage traditionnel, en raison de la grande
faiblesse du dispositif de formation professionnelle3 et, par conséquent, du faible taux
de la population active ayant reçu une formation autre que sur le « tas »4.

La stratégie de développement de la formation professionnelle retenue est : de


mettre à niveau l’appareil national de formation professionnelle par l’adoption d’une
loi d’orientation sur l’emploi et la formation qui posera les bases d’un nouveau
système national de formation ; le développement de l’ingénierie de formation
notamment l’élaboration de normes relatives aux programmes, aux conditions d’accès
et d’attribution de titres, etc. ; l’accroissement des capacités d’accueil du dispositif ; le
1 Le volet enseignement technique relève du ministère chargé des enseignements secondaire et supérieur, si bien
qu’il n’est pas développé dans le document de cadre stratégique, ce qui est dommage car on aurait pu indiquer au
moins le rapport entre formation professionnelle et enseignement technique même si les deux relèvent de deux
départements ministériels différents. Rappelons qu’il existe une loi d’orientation de l’éducation (loi n°012/96 ADP
du 2 mai 1996, Recueil des lois de l’Assemblée Nationale, p. 59).
2 Cette définition est à peu près reprise par l’article 10 du code de 2004 : « la formation professionnelle est

l’ensemble des activités visant à assurer l’acquisition des connaissances, des qualifications et aptitudes nécessaires
pour exercer une profession ou une fonction avec compétence et efficacité ».
3 Par exemple, les centres publics de formation professionnelle dont les centres d’évaluation et de formation

professionnelle de Bobo-Dioulasso et Ouagadougou auxquels sont rattachés dix (10) antennes régionales, les trois
(3) centres de formation professionnelle de la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat et les centres de
formation des sociétés d’Etat (SONABEL, ONATEL, ONEA, SONAPOST) pour leur besoins personnels. Des
centres privés de formation professionnelle se développent mais sans réglementation du secteur et sans un
minimum de coordination des programmes. Le « cadre stratégique » constate que le déficit de qualification est si
important que les entreprises du secteur comme le bâtiment ont souvent paradoxalement recours à la main-d’œuvre
étrangère (v. p. 12).
4 Selon une enquête de l’INSD en 1994 – 95, quatre (4) burkinabè sur mille (1000) sont « formés » au plan

professionnel.

261
développement de la formation par apprentissage de type dual 1 ; la recherche d’un
système de financement du dispositif national par la création d’un Fonds d’appui au
financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (FAFPA) alimenté
en partie par les recettes de la taxe patronale d’apprentissage2.

2) La promotion de l’emploi

303. La stratégie de promotion de l’emploi vise : l’amélioration de la visibilité


sur le marché du travail grâce à la création d’un observatoire de l’emploi et de la
formation professionnelle ; la mise en cohérence de l’environnement législatif par
l’adoption d’une loi d’orientation comme préconisée par les conclusions des Etats
généraux de l’emploi ; l’amélioration de l’accès au financement des entreprises et des
promoteurs par la mise en œuvre d’un schéma de financement améliorant
l’articulation des divers fonds existants et leurs capacités ; le développement d’un
réseau de services d’appui conseil aux micro, petites et moyennes entreprises ; et enfin
la mise en œuvre de programmes de création directe d’emplois. Ces programmes de
création d’emplois doivent concerner le monde rural, le secteur informel urbain et des
groupes cibles tels que les jeunes et les femmes. Dans ce cadre, il est préconisé la
création d’un programme de volontariat national en direction des jeunes diplômés, qui
devrait permettre de leur donner l’opportunité d’acquérir l’expérience professionnelle
qui leur manque dans la compétition sur le marché de l’emploi ou de s’auto
employer ;

Pour la mise en œuvre de ces deux volets du « cadre stratégique », il est prévu
la mise en place, par arrêté, d’un comité de concertation et de coordination sur
l’emploi et la formation professionnelle, en attendant la création d’un cadre
permanent, le Conseil National de l’Emploi3.

Le « cadre stratégique » et le « plan d’action » qui l’accompagne étant des


documents qui ne sont pas pour le moment mis en œuvre, l’administration de l’emploi
est assurée principalement par l’ANPE et des organismes publics de financement de
l’emploi y compris le volet formation.

1 L’apprentissage dual consiste en une formation effectuée en entreprise ou en atelier alternée avec une formation
théorique dans un centre de formation professionnelle.
2 La taxe patronale d’apprentissage est une taxe due par les employeurs et destinée au financement de la formation

professionnelle (V. art. 120 à 130 du code des impôts). Cette taxe étant établie au profit du budget national, le
Burkina a commis l’erreur de se refuser à l’affecter, se contentant de reverser une faible partie à l’ONPE alors que
dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, l’affectation de cette taxe a contribué à un développement satisfaisant
de l’enseignement technique et de la formation professionnelle.
3 Pour mesurer le retard accusé par le Burkina Faso en matière de planification de l’emploi et de la formation

professionnelle, M. ISSA-SAYEGH fait état, en 1987, de l’existence au Sénégal d’un Conseil National des
Ressources Humaines remplacé par un conseil interministériel de l’emploi, d’une commission nationale des
ressources humaines et de comités régionaux. V. ISSA-SAYEGH op. cit. pp. 655 et s.

262
SECTION II - L’AGENCE NATIONALE POUR L’EMPLOI
304. Le plus important service chargé de la main-d’œuvre, en terme de moyens
et de personnel, est l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE), même s’il existe une
direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle. L’ANPE est issu
d’une transformation, sous le code du travail de 1952, du service de main-d’œuvre en
« Office de main-d’œuvre ». Cet Office de main-d’œuvre a été à son tour érigé en
Office National de la promotion de l’emploi en 1974, par l’ordonnance n° 74-17
/PRES/FPT du 19 mars 1974 modifiée par celle du 18 octobre 19741. Cet Office était
organisé par le décret n° 2000-254 du 16 juin 2000 portant approbation des statuts de
l’ONPE2, jusqu’à sa transformation en Agence par le décret 2004-523 du 23
septembre 2004, complété par le décret n° 2004-524 du même jour qui porte
approbation de ses statuts3.

§ 1 - Organisation et fonctionnement
305. L’ANPE est un établissement public à caractère administratif, c’est-à-dire
un service détaché de l’administration centrale, bénéficiant de la personnalité
juridique et de l’autonomie financière4. Son budget est alimenté par : une subvention
au titre de la taxe patronale d’apprentissage ; les recettes propres ; et les dons, legs et
libéralités qu’elle pourrait recevoir5. Sur le plan organisationnel, les organes dirigeants
de l’ANPE se composent du conseil d’administration et de la direction générale.

1 Voy. Respectivement : J.O.RHV n° 15 du 4 avril 1974, p. 218 et J.O. RHV n° 45 du 24 octobre 1974, p. 735
Code social p. 120 ; Recueil annoté, annexe n° 87. Il était organisé par le décret n° 74-432 PRES/FPT du 2
novembre 1974 portant organisation de l’Office national de la promotion de l’emploi (J.O.RHV n° 52 du 12
décembre 1974, p. 797) modifié par le décret n° 82-0048 du 3 février 1982, Recueil annoté, annexe 88. V. aussi,
l’arrêté n° 62 FPT-ONPE du 29 janvier 1975 portant organisation, attributions et fonctionnement de l’ONPE,
successivement modifié par les arrêtés n° 429 FPT-ONPE du 18 avril 1977 et n° 1304 FPT-ONPE du 2avril 1982,
non publiés au J.O., Recueil annoté, annexe 89.
2 J.O.BF n° 26 du 19 juin 2000, p. 4161. Ce décret abroge le décret 93-210 du 15 juillet 1993 portant statut,

attributions et fonctionnement de l’ONPE (J.O.BF du 15 juillet 1993, p. 1065 ; Code social, p.155.).
3 V. décret n° 2004-523 du 23 novembre 2004 portant création de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE),

J.O.BF. du 9 décembre 2004, p. 1633 ; et décret n° 2004-524 du 23 décembre 2004 portant adoption des statuts de
l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), J.O.BF. du 9 décembre 2004, p. 1634.
4 Les établissements publics à caractère administratif sont régis par la loi n° 39-98 AN du 30 juillet 1998 portant

réglementation des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, promulguée par le décret n° 98-348
du 3 septembre 1998, J.O.BF du 10 septembre 1998, p. 5915 ; Code public et administratif, TVIII, vol.2, p. 972.
L’article 2 de cette loi définit les EPA comme « les établissements publics bénéficiant de la personnalité morale, et
des prérogatives de droit public, dotés d’un patrimoine et de moyens de gestion propres ; ils sont chargés de la
gestion d’un ou de plusieurs services administratifs détachés de l’administration générale de l’Etat ». Cette loi est
complétée par : le décret 99-51 du 5 mars 1999 portant statut général des établissements publics à caractère
administratif, J.O.BF du 25 mars 1999, p. 740 ; le décret n° 99-128 du 10 mai 1999 portant rectificatif du décret
99-51 du 5 mars 1999, J.O.BF du 13 mai 1999 p. 1197 ; et le décret 2000- 318 du 18 juillet 2000 définissant les
catégories d’établissements publics à caractère administratif, J.O.BF du 27 juillet 2000, p. 4343 ; v. Code public et
administratif, p. 975.
5 La subvention au titre de la taxe patronale d’apprentissage est en principe de 50% du produit de cette taxe mais en

réalité, l’ANPE en reçoit bien moins. Les frais de visa des contrats des travailleurs étrangers illustrent les recettes
propres. Ces frais de visa sont de 20% de la rémunération brute mensuelle du travailleur, à la charge de
l’employeur (v. arrêté n° 94-014 du 29 juillet 1994, Code social, p. 174). Certains contestent la légalité ou
l’opportunité du maintien de la perception de cette taxe au regard de l’appartenance du Burkina Faso à des

263
Le conseil d’administration, de composition tripartite - employeurs,
travailleurs, Etat - comprend neuf membres dont trois membres représentant l’Etat
(deux du ministère chargé de l’emploi et un du ministère chargé des finances), trois
membres représentant les employeurs et trois membres représentant les travailleurs
parmi lesquels un délégué du personnel de l’Agence.

La direction générale est organisée en directions et services dont les principaux


sont : le secrétariat général ; la direction de l’emploi ; la direction de la formation
professionnelle ; la direction de l’Administration et de finances ; la direction des
ressources humaines ; les directions régionales de l’ANPE et les Centres d’évaluation
et de formation professionnelle de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Elle coiffe aussi
des « projets » qui ont une certaine autonomie et sont chargés de réaliser certaines des
missions de l’Agence.

§ 2 - Les attributions de l’ANPE


306. L’ANPE est chargé :

1°) de l’étude des problèmes relatifs à l’emploi, à la formation et au


perfectionnement professionnels dans les secteurs régis par le code du travail ;
2°) d’organiser un système d’intermédiation et d’information sur le marché de
l’emploi ;
3°) d’appuyer l’auto-emploi de certaines catégories de demandeurs d’emploi
individuels ou associés en vue de contribuer à l’émergence de micro-entreprises
viables ;
4°) d’initier et d’exécuter des programmes d’insertion socio-professionnelle
des jeunes par l’emploi ;
5°) d’identifier les besoins et les possibilités d’apprentissage, de formation
professionnelle et de perfectionnement et mettre en œuvre une politique d’orientation
et d’information en direction des usagers ;
6°) d’accroître l’offre de formation professionnelle et d’apprentissage par la
rénovation, le renforcement des structures existantes et la création de nouvelles
structures ainsi que la diversification de filières et d’opportunités de formation et de
perfectionnement ;
7°) d’organiser et de suivre des opérations de recrutement collectif de
personnel pour son emploi hors du territoire national ;
8°) de mettre en œuvre un mécanisme de suivi des travailleurs étrangers
employés au Burkina Faso ;
9°) de tenir une documentation de référence relative à l’emploi et la formation
professionnelle.

organisations d’intégration, mais à vrai dire, c’est au sein de ces organisations que la suppression doit être prônée
pour être efficace et, de plus, tous les travailleurs étrangers ne sont pas membres de ces organisations
communautaires. Il ne servira à rien de se priver de cette taxe qui, comme le visa lui-même, contribue à la
protection de la main-d’œuvre nationale, sans espoir de réciprocité.

264
Cette longue énumération montre l’importance du rôle confié à l’ANPE. Des
activités classiques de contrôle, de placement et de statistique permettant la
réorientation de la politique d’emploi, il est attendu de l’ANPE de contribuer à la
régulation du marché de l’emploi par l’information, les conseils et la formation, ainsi
qu’à la création d’emplois notamment par l’appui à l’auto-emploi. Son champ d’action
couvre les secteurs régis par le code du travail et le secteur informel qui, en lui-même,
couvre plusieurs types d’activités.

A – LE CONTRÔLE DE L’EMPLOI

307. L’ANPE est chargée du contrôle de l’emploi, c’est-à-dire des activités


économiques et des entreprises. Ce suivi est effectué à travers les déclarations
imposées aux entreprises et l’obligation faite aux employeurs de tenir un registre
employeur. Les employeurs doivent faire des déclarations lors de l’ouverture, de la
fermeture, de la transformation ou de la cession de l’entreprise et sur les mouvements
de la main d’œuvre qu’ils emploient (nombre de travailleurs, rupture de contrat,
emploi de travailleurs étrangers…)1. Ces déclarations permettent à l’ANPE de tenir
des statistiques et de se faire une idée de la situation de l’emploi et de la santé de
l’économie en général.

Le suivi des travailleurs se fait par deux moyens principaux : d’une part,
l’ANPE constitue un dossier sur chaque travailleur ; un travailleur embauché ou
quittant son emploi doit être déclaré dans les 48 heures ; cette déclaration doit contenir
tous les renseignements nécessaires à la constitution du dossier (adresse de
l’employeur, identité du travailleur, sa profession, ses emplois antérieurs, la date
d’entrée au Burkina Faso si c’est un étranger…) et, d’autre part, l’ANPE établit une
carte de travail pour chaque travailleur2. Il revient à l’employeur d’exiger du
travailleur la présentation de sa carte lors de l’embauchage et d’en faire la demande
dans les 15 jours si le travailleur n’en dispose pas. L’ANPE délivrait aussi la carte de
travailleur étranger prévue à l’article 9 C.trav.3 de 1992.

1 V. les articles 232 à 235 C.trav. (articles 380 à 385 du code de 2004). V. également les textes d’application :
Arrêté n° 98 TFP du 15 février 1967 fixant les conditions d’embauche des entreprises, les modalités de déclaration
de mouvement de travailleurs (J.O.RHV n° 10 du 23 février 1967, p. 103 ; Code social, p. 114 ; Recueil annoté
annexe 86).
2 V. l’arrêté n° 98 TFP du 15 février 1967 précité ; l’arrêté n° 94-014/METSS du 29 juillet 1994 fixant le montant

et les modalités d’acquittement des frais de visa des contrats des travailleurs étrangers, J.O.BF du 29 septembre
1994, p. 1944, Code social, p. 174, Annuaire du METSS, 2000, p. 76 ; le décret n° 97-306/
PRES/PM/MEF/METSS du 29 juillet 1997 fixant le montant et les modalités de perception des frais de délivrance
de la carte de travail et de l’attestation de soumission, J.O. BF du 7 août 1997, p. 2006, Code social, p. 185,
Annuaire du METSS, 2000, p. 77 ; et l’arrêté n° 95-014 METSS du 28 juillet 1995 fixant les conditions de
délivrance de la carte de travail, Annuaire METSS, 2000, p. 78. Cet arrêté précise que les frais de délivrance de la
carte sont à la charge du travailleur.
3 La carte de travailleur étranger a été supprimée par le code de 2004 mais pas l’exigence de visa du contrat et de

paiement de frais de visa.

265
B – LE PLACEMENT DES TRAVAILLEURS

308. L’ANPE est chargé d’un rôle d’intermédiation sur le marché du travail,
qui consiste à recevoir les offres et les demandes d’emploi et à essayer de satisfaire les
uns et les autres. Cette attribution comporte deux aspects : le placement à l’intérieur
du territoire national et le placement des travailleurs émigrants.

1) Le placement hors du territoire national

309. En ce qui concerne le placement des burkinabè candidats à l’émigration,


l’ANPE avait un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui, du moins dans le cadre
de l’émigration par le canal officiel. Suivant l’arrêté n° 1014 du 15 novembre 1974
portant réglementation sur les modalités de recrutement de travailleurs [burkinabè] à
destination de l’étranger dans le cadre des conventions de main-d’œuvre1, il revenait à
l’ANPE, avant de satisfaire une demande d’engagement de travailleur à destination de
l’étranger, de s’assurer : qu’il existe une main-d’œuvre disponible et libre de tout
engagement ; et que les conditions d’emploi sont conformes à la réglementation du
lieu d’emploi notamment en matière de bénéfice de la sécurité sociale conformément
aux nationaux. Il devait aussi s’assurer des conditions de logement, des possibilités de
transfert des économies, des conditions de transport aller et retour, des conditions de
rapatriement, de la présence dans le contrat d’une disposition relative au taux
d’épargne obligatoire et que le travailleur et sa famille ont fait l’objet de visite
médicale. Les conventions de main-d’œuvre signées par l’ex. Haute-Volta contenaient
ces exigences qu’il revenait à l’ex. ONPE de faire respecter, de même d’ailleurs que
l’Office de main-d’œuvre du pays d’accueil. Ainsi la convention du 2 juin 1961
conclue entre la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire relative aux conditions d’engagement
et d’emploi des travailleurs voltaïques et celle du 13 août 1973 signée entre la Haute-
Volta et le Gabon relative à la coopération technique en matière de main-d’œuvre
confiaient à l’ex. ONPE le contrôle de ces différents points.

Mais, outre que la grande majorité de l’émigration, en particulier vers la Côte


d’Ivoire, ne passait pas par le canal officiel, les difficultés d’application des
conventions ont entraîné la suspension de la convention avec la Côte d’Ivoire dès
juillet 1964 et celle signée avec le Gabon dès 19772. En plus de l’arrêté réglementant
les conditions de recrutement, une commission nationale permanente avait été créée

1 Arrêté n° 1014 FPT/ONPE du 15 novembre 1974, J.O.RHV n° 54 du 26 décembre 1974, p. 820, Recueil annoté,
annexe 91.
2 Ces pays devaient peut-être trouver ces conventions contraignantes, mais mis à part les clauses d’épargne

obligatoire, les autres clauses relèvent des protections prévues par les codes du travail en ce qui concerne les
travailleurs déplacés, à l’intérieur ou hors du territoire national. Il faut tenir compte aussi, en ce qui concerne
l’épargne obligatoire, que le Gabon et la Côte d’Ivoire n’ont pas ratifié la Convention de N’Djamena en matière de
sécurité sociale. La clause d’épargne obligatoire joue un rôle d’assurance sociale ne serait-ce qu’à titre de
précaution complémentaire. La convention avec la Côte d’Ivoire prévoyait un taux d’épargne de 1000FCFA par
mois à verser par l’employeur. Il était prévu en outre que l’Etat Ivoirien devait verser 1500 Frs par homme et 1000
Frs par femme acheminé(e) en Côte d-Ivoire. Cette dernière clause avait une fonction de compensation
économique et n’a pas reçu d’application.

266
par décret n° 74-350 en date du 10 septembre 1974, dans le cadre de l’exécution des
conventions de main-d’œuvre1. Cette commission était chargée de réaliser des études
préparatoires et de formuler les propositions en vue de la tenue des réunions mixtes
entre la Haute-Volta et tout partenaire. Elle devait fixer, à l’occasion de chaque
convention de main-d’œuvre, le taux d’épargne obligatoire proportionnel au salaire et
transférable au [Burkina Faso]. Elle devait constituer en son sein un comité restreint
qui participerait aux réunions paritaires éventuelles avec le pays cocontractant si la
convention prévoit la réunion d’une commission paritaire permanente.

En l’absence actuellement de convention en vigueur sur le placement de


travailleurs migrants, le rôle de l’ANPE se trouve réduit. Mais l’attribution n’en reste
pas moins puisque l’ANPE reste chargée d’organiser et de suivre les opérations de
recrutement collectif de main-d’œuvre en vue de son emploi hors du territoire
national. L’article 7 C.trav. se contente d’exiger une autorisation préalable du Ministre
chargé du travail pour procéder à des opérations d’engagement collectif de travailleurs
en vue de leur emploi hors du territoire. Cette autorisation peut tout aussi bien être
accordée à une entreprise privée de placement.

Bien plus, avec le code du travail du 22 décembre 1992, l’ANPE a perdu le


monopole en matière de placement des travailleurs à l’intérieur du territoire national.

2) Le placement à l’intérieur du territoire national

310. L’article 4 du code de 1992 dispose simplement que « le service chargé


de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles peut recevoir les
offres et demandes d’emploi et assurer des opérations de placement sur requête des
employeurs et des travailleurs »2. Cette formulation signifie que non seulement les
employeurs et travailleurs ne sont plus obligés de passer par l’ANPE pour une
intermédiation, mais en plus, ce dernier n’a plus le monopole du placement. Même
l’obligation faite aux établissements publics, aux entreprises à participations publiques
et aux projets financés sur fonds publics de procéder à la publication des postes
d’emploi vacants et d’organiser des tests de recrutement ne constitue pas une
exception à cette perte de monopole3. Mais l’ANPE conserve une position importante
en matière de placement pour plusieurs raisons : les chômeurs en quête d’emploi et les
premiers demandeurs d’emploi doivent s’inscrire à l’ANPE pour pouvoir prendre part
aux tests ou entretiens de recrutement que les administrations publiques,
établissements publics et entreprises publiques lancent par son intermédiaire. Les
entreprises privées peuvent aussi s’adresser à l’ANPE. Sa position dominante est de
plus en plus rognée par les nouveaux acteurs apparus avec la libéralisation du
placement.

1 V. Recueil annoté, annexe 90.


2 La disposition est reprise par l’article 7 du code de 2004.
3 Une circulaire n° 93-1 ETSS du 4 octobre 1993 précise le sens de cette obligation. V. J.O.Bf du 7 octobre 1993,

p. 1600.

267
C - LA FORMATION, L’INFORMATION ET LES CONSEILS

311. La libéralisation du placement appelle de l’ANPE qu’il reporte une partie


de ses efforts sur la formation, l’information et les conseils, qui sont les maillons
faibles de l’adaptation du marché de l’emploi selon l’analyse du « Cadre stratégique
de promotion de l’emploi et de la formation professionnelle ».

En matière de formation professionnelle, l’article 3, 5° et 6° du statut de


l’ANPE lui donne pour mission d’identifier les besoins et possibilités de formation et
d’accroître les offres de formation professionnelle et d’apprentissage. Elle remplit
cette mission à travers les deux Centres d’évaluation et de formation professionnelle
de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso et les dix antennes d’évaluation, d’information,
de conseil et d’appui à la formation professionnelle. Ces centres et antennes, qui
proviennent d’une transformation de l’ex. C.N.P.A.R (Centre national de promotion
des artisans ruraux), offrent des formations extrascolaires dans les métiers de
l’artisanat (mécanique auto et cyclomoteur ; menuiserie, maçonnerie ; électricité ;
construction mécanique…), qui répondent aux besoins du secteur informel. Malgré le
changement de dénomination, l’objectif affiché des Centres reste de promouvoir
l’artisanat dans les villes et dans les villages, d’assurer la formation des exclus du
système scolaire, et de promouvoir l’auto-emploi…1 L’ANPE offre aussi des
formations sous forme de modules pour des groupes cibles : formation en
entrepreneuriat, formation à la technique de recherche d’emploi, reconversion
professionnelle, etc.

En matière d’information et de conseil, il faut distinguer la mission de service


public d’information du gouvernement et des acteurs sur la situation du marché de
l’emploi, des prestations de services que l’Agence peut offrir aux employeurs et
travailleurs. La mission d’information sur la situation du marché de l’emploi se traduit
par la réalisation d’études et la tenue de statistiques et d’un centre de documentation
sur l’emploi. Elle est épaulée à cet égard par l’Observatoire sur l’emploi. Les
prestations de services concernent les conseils d’orientation dans le choix de métier,
dans l’auto-emploi ou dans les procédés de recrutement (assistance dans la définition
de profil de candidats à recruter ou proposition de solutions alternatives à des offres
d’emploi). Ces prestations peuvent être rémunérées lorsque la sollicitation vient de
l’employeur.

D – LA LIBERALISATION DU PLACEMENT

312. L’article 8, alinéa 1, C.trav. autorise l’ouverture de bureaux ou offices


privés de placement et d’entreprises de travail temporaire et renvoie à un décret pris
après avis de la Commission consultative du travail pour préciser les conditions

1V. pour une présentation du Centre d’évaluation et de formation professionnelle, Annuaire du METSS, 2000, p.
120.

268
d’ouverture1. Le code du travail autorise donc deux types d’institutions qui peuvent se
livrer à une activité de placement privé. Celle-ci est définie par l’alinéa 2 de cet article
comme « le fait pour toute personne physique ou morale, de servir d’intermédiaire
pour trouver un emploi à tout demandeur d’emploi ou un travailleur à un employeur,
en tirant de cette opération un profit matériel et/ou financier, direct ou indirect »2. Le
Code vise les activités d’intermédiation à but lucratif, en distinguant deux types
d’entreprises : celles de placement et celles de travail temporaire.

1) La distinction entre les entreprises de travail temporaire et les bureaux ou


offices de placement

313. Selon l’article 8 alinéa 3 C.trav. « est considérée comme entrepreneur de


travail temporaire, toute personne physique ou morale dont l’activité majeure est de
mettre à la disposition d’utilisateurs, des travailleurs en fonction d’une qualification
convenue, qu’elle embauche et rémunère »3. L’entreprise de travail temporaire se
caractérise par les traits suivants : l’entrepreneur sélectionne, embauche, gère et
rémunère des travailleurs ; et les met à la disposition d’une entreprise utilisatrice par
convention entre les deux entreprises. Ces travailleurs sont considérés comme
détachés ou en mission temporaire auprès de l’entreprise cliente4. La loi exige
seulement que la fourniture de main-d’œuvre à but lucratif soit l’activité majeure de
l’entreprise mais n’exige pas qu’elle exercice cette activité de manière exclusive
comme en France5.

Le travail temporaire établit un rapport triangulaire entre le travailleur,


l’entrepreneur de travail temporaire et l’entreprise cliente. Les avantages de cette
technique, selon Pélissier et autres, sont de permettre de dégager rapidement un
personnel d’appoint pour les entreprises qui peuvent manquer épisodiquement de
personnels qualifiés, soit par suite d’instabilité de l’emploi ou d’absence de personnel,
soit en période de pointe de la production ou de travaux exceptionnels6. Pour le
travailleur, elle permet à celui qui est au chômage de retrouver un emploi ne serait-ce
que pour un temps limité et au premier demandeur d’emploi d’acquérir de
l’expérience.

1 V. le décret 94-179 du 20 mai 1994 portant conditions d’ouverture des bureaux, offices privés de placement et
entreprises de travail temporaire, J.O.BF du 2 juin 1994, p. 932 ; Code social, p. 178. Le code du travail de 2004
traite de la libéralisation du placement aux articles 12 à 18 en éclatant l’article 8 du code de 1992 en plusieurs
dispositions et en y ajoutant quelques dispositions protectrices des travailleurs : interdiction de discrimination,
interdiction de mettre des frais à la charge des demandeurs.
2 L’article 13 du code de 2004 opère une extension en ajoutant que « est assimilé à une activité de placement privé,

le fait pour toute personne physique ou morale de mener des activités ayant trait à la recherche d’emploi, telle que
la fourniture d’information, sans pour autant avoir pour objet de rapprocher une offre et une demande
spécifiques ».
3 V. Article 14 du code de 2004.
4 V. Trib. trav. Bobo-Dioulasso, jugement n° 40 du 29 septembre 1994, in Zombré et SY, Recueil, p. 61.
5 V. Article L. 124-1 C.trav. fr.
6 V. PELISSIER J., SUPIOT A. et JEAMMAUD A., op. cit., pp. 403 et s.

269
Dans un système basé sur le contrat à durée indéterminé, l’esprit du travail
temporaire, qui consiste en un prêt de main-d’œuvre, est de participer à la régulation
du marché de l’emploi, en tant que mode exceptionnel de recrutement, en facilitant la
satisfaction de besoins de personnels pour des périodes courtes 1. La formule a tout de
même l’inconvénient de permettre à certains employeurs d’éluder les contraintes de la
réglementation axée sur le contrat à durée indéterminée et la recherche de la stabilité
de l’emploi.

Les bureaux ou offices de placement, par contre, se distinguent des


entreprises de travail temporaire par le fait qu’ils « ne sont pas habilités à conclure des
contrats de travail en lieu et place des employeurs et des travailleurs »2. Ils servent
d’intermédiaires sans être les employeurs des travailleurs qu’ils sélectionnent. Les
travailleurs ne sont pas mis à disposition ou en mission, ils concluent les contrats de
travail, à durée déterminée ou indéterminée, avec les employeurs clients du bureau ou
office. Il en découle comme différence fondamentale implicite que l’employeur qui a
besoin de personnels devrait s’adresser à une agence de travail temporaire s’il veut
faire face à un intérim de personnel ou un surcroît temporaire d’activité. Il devrait
avoir recours à un bureau de placement s’il veut recruter à son compte par contrat à
durée déterminée ou indéterminée. Mais le texte ne précisant pas qu’il est interdit de
cumuler les deux activités, seuls les contrats permettent de déterminer s’il s’agit d’un
placement ou d’un prêt de main-d’œuvre.

Ces deux types d’institutions, soumises à autorisation d’ouverture, n’épuisent


pas les formes d’intermédiation à but lucratif. Ainsi, des cabinets d’avocats et des
bureaux de consultants ou des consultants individuels sont souvent chargés des mêmes
opérations que celles des offices de placement : ils lancent des avis de recrutement,
organisent les tests ou entretiens de recrutement et sélectionnent les candidats pour
l’employeur client. Ces activités peuvent être qualifiées de contrat de prestation de
service. Celui-ci s’analyse comme « un contrat par lequel un entrepreneur s’engage à
réaliser une tâche précise pour le compte d’un tiers, moyennant rémunération »3. Le
prestataire de service est chargé des tâches précises de lancer l’appel à candidatures et
de sélectionner les candidats, de manière ponctuelle et sans qu’il s’agisse de son
activité majeure. Mais ces contrats de prestation de service, qui peuvent d’ailleurs

1 Une jurisprudence récente de la Cour de cassation française se montre particulièrement sévère à l’égard du
recours estimé abusif à ce mode d’emploi des salariés. Elle a confirmé un arrêt de Cour d’appel requalifiant un
contrat de « mission » de contrat à durée déterminée en rappelant que ce contrat de travail « ne peut avoir ni pour
objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanent de l’entreprise »
L’entreprise ne peut avoir recours au travail temporaire que « pour pourvoir à l’exécution d’une tâche précise et
temporaire dénommée mission ». V. Cass. soc. 21 janvier 2004, http://www.village-justice.com Cette jurisprudence
se base sur l’interprétation de l’article L. 124-2-1 C. trav.fr qui énumère limitativement les cas où il est possible
d’avoir recours à ce type de contrat. Dans ces conditions, on peut se demander si elle est transposable au Burkina
Faso où le code est muet sur les conditions de recours à cette formule. Mais l’article alinéa 1 du code de 2004
reprend la même formule en ce qui concerne, d’une manière générale, le recours au contrat à durée déterminée.
2 Article 10 du décret 94-179 du 20 mai 1994.
3 Pélissier et autres, op. cit., p. 402.

270
prendre la forme de sous-traitance1, peuvent cacher des contrats de fourniture de
main-d’œuvre à but lucratif, notamment si les travailleurs fournissent leurs prestations
en réalité sous les instructions de l’entreprise « prestataire ». La prolifération
d’intermédiaires en matière de placement de travailleurs, sans emprunter
véritablement la forme de bureau de placement, montre que la réglementation est
encore trop fragmentaire.

2) Les conditions d’ouverture de bureau ou d’entreprise de travail temporaire

314. L’ouverture de bureau, office privé de placement et entreprise de travail


temporaire est réglementée par le décret 94-179 du 20 mai 1994. Ce décret pose des
conditions sommes toutes peu draconiennes.

L’exercice des activités de placement et de travail temporaire est soumis à


l’obtention d’un agrément délivré par le ministre chargé du travail 2. Le postulant doit
constituer un dossier qui devrait permettre de s’assurer qu’il est régulièrement installé
au Burkina Faso, qu’il est de bonne moralité et jouit de ses droits civiques et qu’il n’a
pas fait l’objet de condamnation à une peine d’emprisonnement ou d’amende pour
crime ou délit contre l’honneur et la probité3. L’article 6 exclut expressément les
personnes occupant un emploi rémunéré dans une administration ou un établissement
public.

En ce qui concerne les conditions techniques, l’article 5 du décret prévoit que


le postulant doit remplir les conditions visées par un cahier de charges et l’article 8
ajoute qu’il doit « disposer en permanence d’une infrastructure administrative
minimale, permettant l’accueil et l’information des usagers ». C’est donc le cahier de
charges qui doit préciser les exigences techniques et financières. La loi ou le décret
aurait pu poser ne serait-ce que le principe d’un cautionnement pour garantir le
paiement de certains droits des travailleurs, notamment le versement des cotisations de
sécurité sociale.

S’agissant de la rémunération de l’intermédiaire, selon l’article 11 du décret,


« la rémunération du bureau ou office privé de placement est constituée de frais à la
charge du demandeur d’emploi et de l’employeur ». Le demandeur d’emploi doit
verser une somme forfaitaire annuelle de mille (1000) francs à l’inscription et 10% du
1er salaire en cas de placement. Pour l’employeur, la rémunération de l’intermédiaire
est fixée d’accord parties en fonction des frais à engager pour l’opération de
placement. On remarquera que les frais à la charge du demandeur ne sont prévus
qu’en faveur des bureaux ou office de placement, peut-être parce que l’entreprise de
travail temporaire emploie lui-même et gère le personnel qu’il recrute. Cette

1 Le contrat de sous-traitance est un contrat par lequel un entrepreneur confie à un autre entrepreneur le soin
d’exécuter partiellement ou totalement les engagements qu’il a lui-même souscrits vis-à-vis de tiers.
2 Article 4 du décret.
3 V. articles 6 et 7 du décret.

271
disposition de l’article 11 n’est pas sans danger pour les demandeurs d’emploi : le
bureau dit de placement peut percevoir des frais d’inscription sans déployer aucune
activité de placement1.

Relativement aux contrôles auxquels sont soumises les activités des bureaux de
placement et entreprises de travail temporaire, les dispositions suivantes sont prévues :
l’article 14 du décret spécifie qu’ils sont soumis au contrôle de l’inspection du travail ;
l’article 9 du décret leur fait obligation de tenir un registre de demande d’emploi et un
registre d’offre d’emploi qui peuvent être consultés par les services du travail ; et
l’article 12 leur fait également obligation de communiquer à la fin de chaque trimestre
à l’inspecteur du travail du ressort et à l’ANPE les statistiques des offres et demandes
reçues. Les bureaux de placement et entreprises de travail temporaire fonctionnent en
principe sous le contrôle de l’inspecteur du travail et en relation avec l’ONPE qui peut
ainsi disposer de données statistiques plus étendues sur la situation de l’emploi dans
les secteurs régis par le code du travail.

Dans l’ensemble, l’action de l’ANPE en matière de formation et de promotion


de l’emploi est très tributaire des questions de financement.

SECTION III – LES ORGANISMES PUBLICS DE


FINANCEMENT DE L’EMPLOI
315. La mise en œuvre d’une politique de l’emploi, surtout dans les secteurs
informel et de la micro entreprise, identifiés comme pouvant avoir un effet
d’entraînement si les qualifications des acteurs étaient améliorées, bute sur les
questions du financement de la formation et d’accès au crédit. Ces secteurs ne peuvent
pas accéder au circuit du financement bancaire, en raison de l’absence de garantis
réelles et d’une quasi impossibilité de répondre aux exigences de qualité des dossiers
demandées par ces institutions. Les alternatives offertes par les Organisations non
gouvernementales, bien qu’appréciables, sont insuffisantes et tournent quelques fois
au saupoudrage. Le retard en matière de possibilités de formation professionnelle s’est
trouvé aggravé par les restructurations qui ont entraîné des chômeurs candidats à la
reconversion vers l’auto-emploi. Des institutions publiques de financement de la
promotion de l’emploi et de la formation professionnelle ont été développées,
généralement sous la forme de projets ou de programmes. Nous n’évoquerons ici que
les institutions ayant pour objet spécifique la promotion de l’emploi et de la formation,
étant entendu que cette promotion peut se faire indirectement à travers d’autres actions
de soutien aux entreprises, grandes, moyennes ou petites. Parmi ces institutions de
financement, le PNAR-TD se consacre spécialement à la réinsertion des travailleurs
« déflatés » c’est-à-dire licenciés pour cause économique.

1L’article 18 du code de 2004 semble tirer les leçons de cas d’abus évoqués dans la presse en disposant que « les
bureaux ou offices privés de placement et les entreprises de travail temporaire ne doivent mettre à la charge des
demandeurs d’emploi de manière directe ou indirecte, en totalité ou en partie ni honoraire, ni autres frais ».

272
§ 1 - Les fonds de promotion de l’emploi
316. Le Cadre stratégique de promotion de l’emploi et de la formation
professionnelle présente comme alternative au financement bancaire de la micro et de
la petite entreprise, qui est défaillant, un schéma de financement dit « discriminatif de
type pyramidal à trois niveaux », articulé autour des instruments ci-après : le Fonds
d’Appui au Secteur Informel (FASI) : le Fonds d’Appui à la Promotion de l’Emploi
(FAPE) ; le Fonds d’Intervention Pour l’Emploi (FIPE). Un projet de société de
capital d’investissement complète ce schéma, dans une optique plus large. En matière
de formation professionnelle, un fonds d’appui a aussi été créé, le Fonds d’Appui à la
Formation professionnelle et à l’Apprentissage (FAFPA).

Ces fonds sont créés sous forme de projets ou de programmes. La différence


semble être que les projets ont une durée limitée mais renouvelable, alors que les
programmes ont une durée illimitée. En ce qui concerne la nature juridique, certains
textes précisent que le Fonds jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie
financière1, d’autres disent simplement que le Fonds jouit de l’autonomie de gestion2.
En ce qui concerne la structuration, tous ces Fonds sont administrés par un conseil de
gestion, un comité de crédit et une direction. S’agissant de leur mode d’intervention,
ces fonds accordent des prêts, sponsorisent, par une garantie ou un co-financent, les
promoteurs. Ces fonds sont eux-mêmes financés par dotations de l’Etat, des
partenaires extérieurs, parfois du Fonds PPTE (Pays pauvres très endettés) 3. Leurs
secteurs d’intervention couvrent de larges domaines : agropastoral, commerce,
artisanat de production, de service ou d’art, construction immobilière, transport.

Le F.A.S.I. est l’instrument de base chargé d’aider au financement des micros


projets des opérateurs du secteur informel. Il apporte son concours aux porteurs de
micro projets créateurs de 1 à 5 emplois directs, par un financement d’un maximum de
un millions cinq cent mille (1 500 000) francs CFA4.

Le F.A.P.E, créé par décret n° 533 du 31 décembre 1998, provient d’une


transformation de l’ex. FONAPE (Fonds national d’Appui à la Promotion de
l’Emploi) créé en 1990. Il est la structure intermédiaire chargée de l’octroi de
concours financiers aux projets de création d’entreprise générateurs d’une dizaine
d’emplois. Il peut financer des projets requerrant des investissements compris entre
1,5 et 10 millions FCFA.

1 V. article 1 du décret n° 2003-337PRES/PM/MTEJ du 10 juillet 2003 portant création du F.A.P.F.A.


2 V. article 2 du décret n° 98-533/PRES/PM/METSS du 31 décembre 1998 portant création, attributions,
organisation et fonctionnement du F.A.P.E et article 3 du décret n° 98-534/PRES/PM/METSS du 31 décembre
1998 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du F.I.P.E, pour les deux textes, J.O.BF du 25
janvier 1998, pp. 11 et s.
3 Pour une présentation de ces fonds, v. Annuaire METSS, op. cit. pp. 114 à 121 ; http://www.primature.gov.bf et

http://www.emploi.gov.bf.
4 En 1999, le .F.A.S.I. a financé 3957 projets, pour 1.805.317.762 F.CFA, ayant générés 5829 emplois nouveaux et

consolidé 7824 emplois. L’action demeure modeste par rapport à l’ampleur du phénomène à éradiquer.

273
Le F.I.P.E est le troisième niveau ou structure faîtière du dispositif, chargé du
financement des projets d’investissement du secteur des moyennes entreprises
rentables. Il a été créé par le décret n° 98-534 du 31 décembre 1998, sous forme de
projet, pour une durée de cinq ans renouvelable. Une des missions confiées au FIPE
est de susciter la création d’une Société de Capital Investissement (CSI) en partenariat
avec le secteur privé, pour combler le vide résultant l’inadaptation du système
financier et bancaire au financement des petites entreprises. Cette société devrait
répondre aux besoins de financement résultant des difficultés de trésorerie et du
manque structurel de fonds propres dont souffrent la plupart des PME.

En ce qui concerne l’aspect particulier du financement de la formation


professionnelle, qui fait partie de la promotion de l’emploi, un Fonds d’appui a été
créé par décret n° 2003-337 du 10 juillet 2003. Ce décret précise que ce fonds « est
doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière », sans le classer dans une
des catégorie « typique » : établissement public, société d’Etat, société d’économie
mixte. Le fait qu’il soit précisé que sa comptabilité est tenue dans les formes de la
comptabilité publique incite à le considérer comme une régie personnalisée. Le
F.A.F.P.A a pour objet « de contribuer à la mise en œuvre de la politique du
gouvernement en matière de formation professionnelle initiale, continue et par
apprentissage ». Il est chargé de financer tout ou partie des actions individuelles ou
collectives de formation professionnelle rapide à finalité d’emploi, organisées à la
demande d’une entreprise, d’un groupe de population ou répondant à une demande
précise et identifiée du marché du travail. Il peut, entre autres, aider les institutions de
formation à moderniser leurs équipements ou aider à la rénovation de l’apprentissage
en promouvant la formation par alternance ou de type dual. Le F.A.F.P.A a une
permanence et un domaine d’actions plus grands que le PNAR-TD qui couvre un
aspect des besoins identifiés, la reconversion.

§ 2 - Le Programme national d’appui à la réinsertion


des travailleurs déflatés (PNAR-TD)
317. Le Programme national d’appui à la réinsertion des travailleurs déflatés
(PNAR-TD) a été créé dès 1993, sous la forme d’un projet d’une durée de cinq ans
renouvelable1, avec pour objectif de contribuer à l’atténuation des coûts sociaux du
programme d’ajustement structurel. Il s’agit de faire face aux effets négatifs des
privatisations sur l’emploi, d’autant plus que les premières mesures portaient sur des
entreprises peu rentables ou carrément non viables et se traduisaient par des
liquidations, faute de repreneur ou comme condition préalable à la reprise de l’activité

1 Voy. Décret n° 93- 373/PRES/ETSS du 25 novembre 1993 portant institution et attributions d’un Programme
National d’Appui à la Réinsertion des Travailleurs Déflatés, J.O.BF du 25 novembre 1993, pp. 1889-1890 ; l’arrêté
n° 94-3/ETSS du 17 mars 1994 fixant les clauses et conditions relatives à la prise en charge des travailleurs
déflatés désireux de bénéficier des prestations du PNAR-TD, J.O.BF du 7 avril 1994, pp. 514-515 ; et l’arrêté n°
96-9/ETSS/SG/PNAR-TD du 20 juin 1996 portant organisation et fonctionnement du PNAR-TD, J.O.BF du 11
juillet 1996, pp. 1492-1493.

274
par le privé. Le PNAR-TD avait reçu pour missions : « d’aider les travailleurs ayant
perdu leur emploi suite aux mesures de restructurations économiques à accroître leur
aptitude et leur capacité à réintégrer la vie active ; de proposer toute mesure et de
mettre en œuvre toute action pouvant atténuer les coûts sociaux notamment les
chômages de longue durée consécutifs aux réformes économiques en cours »1. Le
Programme a été renouvelé (et non pas créé comme dit le décret) en 1998 avec le
même objectif principal et un second objectif apparemment plus large qu’en 1993,
celui de « développer des programmes de formation à la demande de tiers moyennant
une contribution… »2.

La mission du PNAR-TD d’aide à la réinsertion peut se résumer en deux volets :


un volet formation pouvant consister en des formations de recyclage ou de
requalification, ou encore en des formations à l’auto-emploi ( ou entrepreneuriat) ; et
un volet appui conseil et appui financier aux promoteurs de projets d’auto-emploi. Ce
deuxième volet n’est pas axé sur un financement direct des projets d’auto-emploi,
mais sur des études de faisabilité des dossiers soumis et sur le cautionnement des
crédits qui pourront être accordés par les institutions financières de la place à ces
promoteurs.

Le mode de financement du Programme traduit le souci d’impliquer les divers


partenaires dans la limitation des effets des restructurations et privatisations. Le
PNAR-TD est financé par : des contributions du budget de l’Etat ; des subventions des
partenaires de la coopération bilatérale et multilatérale ; des contributions des
structures d’appui aux PME/PMI dans le cadre de la formation de leur public cible ;
ainsi que « des contributions des sociétés pour la prise en charge de leur personnel
licencié dans le cadre d’un plan de réinsertion ». Ce dernier aspect montre que
l’orientation est d’amener – à défaut de disposition expresse - les entreprises privées
ou publiques à prévoir des plans de réinsertion des travailleurs qui doivent faire l’objet
de compression d’effectifs pour motif économique. Le rôle du PNARD-TD serait
alors de contribuer à la mise en œuvre des mesures d’aide à la reconversion sous
forme d’appui à la formation technique et de prêts à l’installation, d’un montant
maximum de dix millions FCFA.

En conclusion, il existe donc un ensemble d’institutions constituant un système de


soutien à l’emploi et à la formation professionnelle. Le problème permanent est que :
d’une part, l’ensemble des financements mobilisés par ce système demeure dérisoire
par rapport aux besoins, notamment du secteur informel et, d’autre part, le faible
développement de l’enseignement technique et professionnel contribue à déverser
chaque année sur le marché de l’emploi des demandeurs d’emploi sans qualification.
D’autres critiques portent sur l’efficacité du système d’aide notamment sur la

1Article 2 du décret de 1993.


2 Article 3 du décret ° 98-535/PRES/PM/ETSS du 31 décembre 1998 portant création d’un Programme National
d’Appui à la Réinsertion des Travailleurs Déflatés, J.O.BF du 25 janvier 1999, p. 16. Voy. Egalement le décret n°
98-536 du 31 décembre 1998 portant statut et fonctionnement du PNAR-TD, J.O.BF du 25 janvier 1999, pp. 17-19.

275
pertinence de faire gérer ces types de fonds par des organismes publics. Ainsi, selon
M. Ousmane OUEDRAOGO, les fonds ou agences gouvernementales de promotion
de l’emploi « souffrent des mêmes faiblesses que les entreprises publiques,
notamment des interférences politiques et hiérarchiques dans la gestion des
ressources. En outre, étant le plus souvent chargés de la gestion de toute la chaîne
allant de l’attribution du crédit au promoteur d’entreprise à son recouvrement, les
énergies sont davantage orientées vers la première phase du processus, celle de la
distribution de crédit, ce qui est préjudiciable à la pérennité de ces structures dont les
ressources, vite épuisées, ne se renouvellent pas »1.

1
OUEDRAOGO Ousmane, Plaidoyer macroéconomique pour l’Afrique, Karthala, 1999, p. 146.

276
277
CHAPITRE IV – LES ORGANISMES CONSULTATIFS

318. L’administration du travail est une administration participative, au moins


en ce qui concerne l’élaboration de la réglementation. Cette participation se traduit par
l’obligation faite à l’Etat de consulter et même de négocier avec les partenaires
sociaux (employeurs et travailleurs) lors de modifications des lois et règlements. Outre
les négociations ponctuelles entre l’Etat et les organisations d’employeurs et de
travailleurs, des structures permanentes sont créées pour faciliter les consultations
régulières, obligatoires ou facultatives.

Les deux principaux organismes consultatifs participant au niveau national à


l’administration du travail sont : la Commission consultative du travail et le Comité
technique national consultatif d’hygiène et de sécurité. Un troisième organisme, la
Convention nationale du travail, a été créé avec des ambitions plus larges mais il est
resté non fonctionnel. Ces trois organismes seront successivement abordés.

SECTION I – LA COMMISSION CONSULTATIVE DU


TRAVAIL
319. La Commission consultative du travail est instituée auprès du ministre chargé
du travail par l’article 375 C. trav.1 L’article 376 renvoie à un décret pris en conseil
des ministres pour en préciser l’organisation2. Consacrée par la loi, son existence n’est
pas purement nominale car dans nombre de cas, son avis doit être obligatoirement
recueilli.

§ 1 - Le rôle de la Commission

320. La commission consultative du travail a essentiellement pour rôle d’émettre


des avis motivés sur toutes les questions relatives à la législation en matière de travail.

L’article 5 du décret n° 97-101 du 12 mars 1997 portant composition, attributions


et fonctionnement de la commission consultative du travail énumère une longue liste
en 36 points sur lesquels l’avis de la commission est obligatoirement requis. Ces
points portent en général sur les dispositions du code du travail prévoyant des mesures
d’applications : ouverture de bureaux privés de placement ou d’entreprises de travail
temporaire ; conditions et durée du préavis ; conditions spécifiques de formation et
d’emploi des personnes handicapées ; réglementation des conditions de travail par
profession ; durée légale du travail dans l’agriculture ; modalités de déclaration des

1 V. l’article 230 du code de 1992 qui a été fractionnée, dans le code de 2004, en plusieurs articles : articles 375 à
377.
2 Cf. décret 97-101 du 12 mars 1997 portant composition, attributions et fonctionnement de la commission

consultative du travail, J.O.B.F. du 3 avril 1997, p. 791 ; Code social, p. 180, Annuaire officiel du METSS, 2000,
p. 61.

278
travailleurs, etc. Elle est aussi chargée d’étudier les éléments de base pouvant servir à
la détermination du salaire minimum.

Outre les cas énumérés pour lesquels l’avis est obligatoire, la Commission peut
être consultée sur toutes les questions relatives au travail et à la main-d’œuvre. Par
ailleurs, l’article 2781 spécifie un troisième type d’attribution qui concerne le
règlement de difficultés relatives aux conventions collectives. A la demande du
Ministre chargé du travail, la Commission peut : examiner toute difficulté née à
l’occasion de la négociation des conventions collectives ; et se prononcer notamment
sur les incidences économiques de la conclusion ou de l’application des conventions
collectives.
Le champ de compétence de la Commission est suffisamment large pour éviter que la
réglementation du travail ne soit unilatéralement décidée par le gouvernement2.

§ 2 - La composition de la Commission
321. La Commission consultative du travail est composée en nombre égal
d’employeurs et de travailleurs respectivement désignés par les organisations les plus
représentatives. Sa composition est à la fois paritaire et tripartite. Elle est paritaire en
ce qu’il y a un nombre égal d’employeurs et de travailleurs. Mais elle est aussi
tripartite parce que y sont représentés : l’Etat, les employeurs et les travailleurs. L’Etat
est représenté parmi les employeurs à raison de quatre représentants.

La Commission est composée – outre le président – de vingt quatre membres


dont douze représentants des syndicats de travailleurs et douze représentants des
organisations professionnelles d’employeurs, parmi lesquels quatre représentants
l’Etat en tant qu’employeur3. Il est nommé en même temps autant de représentants
suppléants. Elle est présidée par le Ministre chargé du travail ou son représentant qui
en constitue le 25ème membre, mais avec un rôle qui se veut neutre.

Les représentants des travailleurs et employeurs sont nommés par arrêté du


Ministre chargé du travail sur proposition des organisations les plus représentatives.
Cette représentativité est appréciée conformément à l’article 118, alinéa 2, C. trav.4. A

1 Article 231 du code de1992.


2 Mais dans certains cas, telle que la révision du code du travail, la consultation de la commission ne nous paraît
pas constituer un débat suffisamment ouvert pour que toutes les parties prenantes en soient impliquées ou
informées.
3 Le nombre de membres de la commission a beaucoup varié : 14 membres dont deux représentants de l’Etat selon

l’arrêté n° 152 du 6 mars 1974 ; 12 membres selon le raabo du 21décembre 1987 ; 16 membres soit 8 représentants
des travailleurs et 8 représentants des employeurs dont 3 représentants de l’Etat selon l’arrêté du 10 novembre
1981.
4 Cet article modifie le système d’appréciation de la représentativité de l’article 64 du code de 1992 en disposant

que les éléments d’appréciation de la représentativité sont les élections professionnelles. Selon l’alinéa 2 de cet
article 118 nouveau, le Ministre chargé du travail doit publier chaque année la liste des syndicats ou groupements
professionnels ayant un caractère représentatif. Jusqu’à cette réforme, le ministre devait déterminer la
représentativité après avoir réuni tous les éléments d’appréciation et pris l’avis de l’inspecteur du travail. Les

279
défaut d’organisation pouvant être regardée comme représentative, le ministre peut
désigner les représentants d’une composante. Les représentants de l’Etat sont proposés
par le Ministre chargé des finances, le Ministre chargé de la santé, celui chargé de
l’industrie et celui chargé de l’agriculture.
La durée du mandat de représentant est de trois (3) ans renouvelable. Les membres
doivent être âgés de 21 ans au moins, avoir au moins 3 ans d’ancienneté de service et
jouir de leurs droits civiques et du droit de vote. En cas de vacance du poste d’un
membre titulaire, il est remplacé par le suppléant dans un délai de trois mois.

§ 3 – le fonctionnement de la Commission

322. La Commission se réunit au moins deux fois par an au 1 er et au 2ème


semestre de l’année. Elle peut se réunir en session extraordinaire à la demande du tiers
de ses membres ou à l’initiative du président. Lors de ses réunions, elle peut faire
appel, à titre consultatif, à toute personne à raison de sa compétence, sur demande de
son président ou de la majorité de ses membres.

La Commission constitue en son sein un comité permanent composé du


président de la Commission et de six (6) membres élus par elle dont trois représentants
titulaires des employeurs et trois représentants titulaires des travailleurs. Il est
également élu autant de suppléants. Cet organe restreint a pour rôle d’examiner entre
deux sessions les questions pour lesquelles il a reçu délégation ou celles présentant un
caractère d’urgence. Ses avis doivent être présentés à la commission à sa prochaine
session ordinaire ou, en cas d’urgence, en session extraordinaire. Le secrétariat de la
CCT et du comité permanent est assuré par le service chargé des relations
professionnelles au sein de la direction du travail1. Celui-ci est chargé de tenir les
procès-verbaux des réunions.

Les décisions au sein de la Commission et du comité permanent sont prises à la


majorité simple. Mais ces organes ne peuvent valablement émettre d’avis que si la
moitié des membres plus un sont présents en nombre égal de représentants
d’employeurs et de travailleurs. Le président de l’organe (le Ministre ou son
représentant) ne prend pas part au vote. Lorsqu’une réunion a pour objet d’examiner
un problème touchant les conventions collectives (difficulté à l’occasion de la
négociation, de la conclusion ou de l’application) la CCT doit obligatoirement
s’adjoindre : un représentant du ministre chargé des affaires économiques, un
magistrat et un inspecteur du travail2. Elle peut facultativement s’adjoindre des
fonctionnaires ou personnalités compétents.

éléments d’appréciation devait comprendre notamment : « les effectifs et les résultats des élections des délégués du
personnel ; l’indépendance ; l’expérience du syndicat, l’étendue de la nature de son activité ». L’importance des
éléments subjectifs rendant le choix complexe conduisait à conférer la représentativité par des présomptions.
1 Voy. l’article 5 de l’arrêté n° 2003-22 du 28 août 2003 portant organisation et attributions des structures de la

direction générale du travail et de la sécurité sociale.


2 Article 6 du décret 97-101 du 12 mars 1997 qui reprend l’article 231, alinéa 3, du code de 1992 (article 379 code

de 2004).

280
Les membres de la Commission bénéficient d’une indemnité forfaitaire
journalière de session dont le montant est fixé par le décret 97-101 du 12 mars 1997.
Les membres travailleurs de la Commission bénéficient également des garanties
accordées aux travailleurs protégés dans les relations avec leurs employeurs. Ils ne
peuvent être licenciés sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail.
L’employeur ne peut que prononcer à leur encontre une mise à pied en attendant la
décision de l’inspecteur du travail.

SECTION II – LE COMITE TECNIQUE NATIONAL


CONSULTATIF D’HYGIENE ET DE
SECURITE (CTNCHS)
323. A l’instar de la Commission consultative du travail, il est aussi institué
auprès du Ministre chargé du travail un Comité technique national consultatif pour
l’études des questions intéressant l’hygiène et la sécurité1 dont l’organisation et le
fonctionnement sont précisés par décret pris en conseil des ministres 2. Des comités
d’hygiène et de sécurité sont également institués dans les entreprises et
établissements3 mais nous n’aborderons ici que l’organe consultatif national.

§ 1 - Le rôle du CTNCHS
324. Le Comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité a pour
rôle d’émettre des avis sur les questions intéressant l’hygiène et la sécurité des
travailleurs et sur toute question sur laquelle son avis est requis. La formule de
l’article 2 du décret 96-17 du 30 janvier 1996 montre qu’il y a des cas où son avis est
obligatoirement requis et des cas où sa consultation est facultative : « en dehors des
cas pour lesquels son avis est obligatoirement requis en vertu des dispositions du code
du travail et des textes pris pour son application, ce comité peut être consulté sur
toutes les questions intéressant l’hygiène et la sécurité ». Le Comité doit être consulté
chaque fois qu’un texte y renvoie : fixation des conditions d’hygiène et de sécurité sur
les lieux de travail ; règles de fonctionnement du service médical d’entreprise ; forme
du registre spécial des visites médicales etc. Contrairement au décret de 1997 relatif à
la Commission consultative du travail, celui relatif au CTNCHS ne recense pas les
dispositions législatives qui renvoient à un avis obligatoire de ce comité.

1 Article 138 C. trav. (article 210 du code de 2004).


2 V. le décret 96-17 du 30 janvier 1996 portant composition et fonctionnement du comité national consultatif
d’hygiène et de sécurité, J.O.B.F. du 15 février 1996, p. 397 ; Code social, p. 442.
3 Article 138, alinéa 2, du code de 1992 (V. les articles 234 et 239 du code de 2004 qui créent respectivement un

comité de santé et de sécurité dans les établissements occupant moins de 30 travailleurs et un service de sécurité en
milieu de travail dans les entreprises industrielles occupant 50 travailleurs).

281
§ 2 - La composition du CTNCHS
325. Le CTNCHS est composé sur la base tripartite chère au droit social : il
comprend des représentants de l’Etat, des employeurs et des travailleurs.
Contrairement aux textes antérieurs qui assuraient une égalité de représentation des
trois composantes (5 travailleurs, 5 employeurs et 5 représentants de l’Etat), le décret
de 1996 accorde une représentation plus forte à l’Etat. Le comité comprend 24
membres dont 5 représentants des travailleurs, 5 représentants des employeurs et 14
représentants de l’Etat. Il est présidé de droit par la direction de la sécurité sociale. La
direction générale de l’Office de santé des travailleurs en assure le secrétariat1.

Les membres du CTNCHS sont nommés pour un mandat de trois ans


renouvelable. Ils doivent être âgés de 21 ans au moins et jouir de leurs droits civils et
civiques. Il est désigné des membres suppléants dans les mêmes conditions que les
membres titulaires. Les membres travailleurs et employeurs sont nommés sur
proposition des organisations syndicales tandis que ceux représentant l’Etat sont
nommés sur proposition des ministères intéressés2.

§ 3 - Le fonctionnement du CTNCHS
326. Le CTNCHS se réunit au moins une fois par semestre sous la présidence
du directeur de la sécurité sociale. Il peut se réunir en session extraordinaire à
l’initiative de son président ou à la demande de 2/3 de ses membres. Lors de ses
réunions, des fonctionnaires qualifiés ou des personnalités compétentes en matière
d’hygiène et de sécurité peuvent être convoqués à titre consultatif. Le président peut
recueillir tous documents ou informations utiles auprès des administrations
compétentes ou des entreprises privées.

Le CTNCHS élit en son sein un comité permanent composé de 10 membres


dont 2 représentants des employeurs et 2 représentants des travailleurs 3. Ce comité
permanent est appelé à se prononcer sur les problèmes urgents ou pour lesquels il a
reçu délégation de compétence. Ses avis doivent être présentés au CTNCHS lors de sa
prochaine réunion.

Le CTNCHS et le comité permanent ne peuvent valablement délibérer que


lorsque la moitié plus un au moins de leurs membres sont présents et que les
représentants des employeurs et des travailleurs sont en nombre égal. Si ces conditions
ne sont pas réunies, la session est renvoyée à trois jours francs. Les décisions sont
prises à la majorité simple. En cas de partage égal des voies, celle du président est

1 V. article 6 du décret 96-17 du 30 janvier 1996.


2 Il s’agit des ministères chargés du travail (3 membres) ; de la santé (2) ; des travaux publics (2) ; des mines (1) ;
du commerce, de l’industrie et de l’artisanat (1) ; de l’agriculture et de l’élevage (1) ; de l’enseignement
secondaire, supérieur et de la recherche (1) ; de l’environnement (2) et des transports (1).
3 Voy. article 5 décret 96/17 du 30 janvier 1996.

282
prépondérante. Outre l’institution du comité permanent, le CTNCHS peut également
constituer en son sein des sous-comités pour l’étude des questions qui lui sont
soumises pour avis. Un sous-comité peut être mandaté pour émettre l’avis1.

Il est tenu un procès-verbal des séances des instances et tout membre peut
demander l’inscription au procès-verbal de ses déclarations. Il est également tenu un
registre des avis du CTNCHS à la direction de la sécurité sociale. Les frais de
fonctionnement du CTNCHS et les frais de transport et d’hébergement des membres
qui se déplacent pour prendre part aux sessions sont mis à la charge de l’Office de
Santé des Travailleurs (O.S.T.).

Les membres travailleurs du CTNCHS bénéficient de la même protection que


ceux de la commission consultative du travail : ils ne peuvent être licenciés par leurs
employeurs sans l’autorisation préalable de l’inspection du travail.

SECTION III – LA CONVENTION NATIONALE DU


TRAVAIL (CNT)
327. Une Convention Nationale du Travail a été créée par zatu n° an VI – 75
du 22 décembre 1988 sous la forme d’une structure tripartite de concertation entre
l’Etat et les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs2.

Elle a reçu pour missions : d’entretenir une concertation permanente entre


l’Etat, les travailleurs et les employeurs autour des grands problèmes du monde du
travail ; de mener toute réflexion en vue de favoriser le meilleur équilibre possible
entre le développement économique et le progrès social ; de contribuer par sa
médiation, au règlement de conflits collectifs nationaux en matière de travail3.

Mais il a fallu attendre trois ans pour voir apparaître un texte d’application, le
kiti an VIII – 218 FP/TRAV du 2 mai 1991 portant composition, attributions et
fonctionnement de la CNT4. Suivant ce Kiti, la CNT se compose de 20 représentants
des organisations syndicales de travailleurs, 20 représentants des organisations
syndicales d’employeurs et 20 représentants de l’Etat. Ces derniers sont nommés sur
proposition de certains ministères et du conseil économique et social (1 membre). Les
membres travailleurs et employeurs sont nommés sur proposition des organisations
syndicales les plus représentatives ou, en cas de défaillance, sur proposition du
Ministre chargé du travail et de la sécurité sociale.

1 Article 13 du décret 96-17.


2 Zatu An VI-75 du 22 décembre 1988 portant création d’une convention nationale du travail, J.O.B.F. du 22
décembre 1988, p. 2152 ; Code social, p. 151.
3 Voir article 2 de la zatu An VI du 22 décembre 1988.
4 Kiti n° an VIII-228 FP/TRAV du 2 mai 1991 portant composition, attributions et fonctionnement de la CNT,

J.O.B.F. du 2 mai 1991, pp. 61 à 614 ; Code social, p. 151.

283
Il est prévu comme organes de la CNT : une assemblée générale, un bureau
exécutif et un secrétariat permanent.

L’assemblée générale est l’organe délibérant chargé d’émettre des avis motivés
et de formuler des recommandations sur toutes les questions relatives à l’application
de la législation sociale, de faire des propositions relatives à l’amélioration des
conditions de vie et de travail des masses laborieuses, de contribuer par sa médiation
au règlement des conflits collectifs nationaux, de mener toute réflexion favorable à un
meilleur équilibre entre le développement économique et le progrès social ;

Le second organe est un bureau exécutif de 12 membres comprenant, à égalité,


quatre membres de chacune des trois composantes. Ce bureau est chargé de préparer
les sessions et de suivre l’application des décisions de l’assemblée générale. Il est
qualifié d’organe dirigeant de la CNT. Il est dirigé par un secrétaire général élu par
l’assemblée générale parmi les représentants de l’Etat.

Le troisième organe est le secrétariat permanent dirigé par un secrétaire


permanent nommé par le président de la CNT sur proposition du secrétaire général
parmi les membres du bureau exécutif. Le secrétariat permanent est qualifié d’organe
administratif.

La CNT a, jusqu’ici, une existence formelle. Par exemple, les négociations


entre gouvernements et syndicats à l’époque chaude de la mise en place des
institutions démocratiques et de l’entrée dans les programmes d’ajustement structurel
en 1991-1992 ont été faites dans le cadre d’une commission de concertation et non
dans le cadre de la CNT. Cet échec de la CNT et, peut-on le dire, de l’idée de
concertation de grande envergure est dû à plusieurs facteurs :

D’abord la CNT a été créée dans une période de turbulences politiques, moins
d’un an après le coup d’Etat du 17 octobre 1987. Le contexte de crise de légitimité
politique faisait apparaître la création de la CNT comme une opération de charme plus
qu’une démarche mûrie et axée sur le long terme.

Ensuite, le texte d’application est intervenu dans la période d’entrée dans le


PAS négocié avec les institutions de Bretton Woods. Dans les pays en développement,
les gouvernants s’engagent dans les PAS sans véritablement pouvoir négocier ni avec
les institutions de Bretton Woods, ni avec leurs syndicats, faute de disposer de cartes
suffisamment fortes : les syndicats et les oppositions adoptent comme stratégie de
rejeter intégralement le PAS et les partenaires extérieurs conditionnent toute action à
l’adoption d’un PAS. Les PAS se traduisant dans l’immédiat par des privatisations et
des licenciements, quels seraient les supports de concertation sur « l’amélioration des
conditions de vie et de travail » et « l’équilibre entre le développement et le progrès
social » ?

284
En outre, sur le plan de la conception de la CNT, celle-ci apparaît trop proche
de la Commission consultative du travail sur les plans du nombre de membres et de
l’organisation. Seules les missions de la CNT sont plus larges mais aussi plus vague.
Une idée ambitieuse de concertation ne cadre pas avec une démarche bureaucratique.
Elle demande au contraire une flexibilité dans l’organisation et des objectifs mieux
ciblés, par exemple aboutir à des accords sur tel ou tel point.

Enfin, la CNT ne semble pas partir de la situation réelle des forces sociales :
elle part des relations triangulaire Etat-employeurs-travailleurs, comme si l’Etat était
un simple régulateur des rapports employeurs-travailleurs alors que l’Etat était le
principal pôle, avant le mouvement de privatisation du moins. D’une part, les
syndicats sont dominants dans la fonction publique et, d’autre part, c’est le secteur
public qui était le plus concerné par la crise économique en raison des réformes de
libéralisation. Par conséquent les conflits collectifs nationaux risquent d’interpeller
directement l’Etat soit comme employeur, soit en raison des objectifs politiques
poursuivis et à peine camouflés par des revendications corporatives accolées.

L’idée d’une CNT ou d’une structure générale de concertation ne paraît pas


devoir être abandonnée, mais repensée.

285
SOUS -TITRE II – LES JURIDICTIONS DU TRAVAIL
328. L’élaboration et le contrôle de l’application de la réglementation du
travail sont assurés par les institutions administratives. Le soin de trancher des
contestations qui peuvent naître de cette application ou inapplication est confié à des
juridictions spéciales, appelées en France juridictions prud’homales et en Afrique
francophone juridictions du travail. Naturellement, d’autres juridictions peuvent
intervenir dans l’application de la réglementation sociale, notamment les juridictions
pénales, qui sont chargées de la répression de la violation des dispositions législatives
et réglementaires d’ordre public ayant un caractère de contravention, de délit ou de
crime. Mais il revient aux juridictions du travail de connaître des litiges entre
employeurs et travailleurs1. Par juridictions du travail, il faut entendre essentiellement
les tribunaux du travail. Les litiges sociaux sont aussi soumis aux chambres sociales
des cours d’appel et de la Cour de cassation mais ces chambres sociales ne présentent
pas de particularités d’organisation et de composition.

Le tribunal du travail est une juridiction d’exception – par rapport au tribunal


de grande instance qui est le juge de droit commun – chargé de connaître, au premier
degré, des conflits du travail. Il existe actuellement trois tribunaux du travail : le
tribunal du travail de Bobo-Dioulasso et le tribunal du travail de Ouagadougou, tous
deux créés en 19532 ; et le tribunal du travail de Koudougou, créé le 29 juillet 19763.
Les tribunaux du travail étaient créés par décret pris en conseil des ministres.
Aujourdhui ils sont créés par la loi, aux termes de l’article 291 C. trav.

Au second degré, c’est-à-dire en appel, la juridiction du travail perd son


caractère de juridiction d’exception, du point de vue de sa composition, sauf en ce qui
concerne la connaissance de différends collectifs par la procédure de l’arbitrage.
Aussi, ce sous-titre sera principalement consacré au tribunal du travail, en abordant
dans un premier chapitre son organisation et ses compétences et dans un second
chapitre la procédure devant cette juridiction. Les juridictions d’appel et de cassation
seront évoquées dans ce chapitre.

1 V. articles 285 à 333 du code de 2004 (articles 178 à 205 C.trav. de 1992).
2 V. Arrêté 647 ITLS-HV du 6 octobre 1953, J.O.RHV , hors série du 1 er janvier 1954, p.9.
3 V. Décret 76-276 du 29 juillet 1976, J.O.RHV n° 33 du 12 août 1976, p. 570.

286
287
CHAPITRE I - L’ORGANISATION ET LES COMPETENCES DU
TRIBUNAL DU TRAVAIL
329. Le tribunal du travail tire sa qualification de juridiction d’exception de par
son mode d’organisation et de son champ de compétence limité aux litiges sociaux.

SECTION I - L’ORGANISATION DU TRIBUNAL DU


TRAVAIL
Deux aspects soulignent la particularité d’organisation du tribunal du travail,
sa composition et la désignation des assesseurs auprès de cette juridiction.

§ 1 - La composition du tribunal
330. Les tribunaux du travail sont des juridictions paritaires composées d’un
président, de deux assesseurs (au lieu de quatre assesseurs auparavant) 1 et d’un greffe.
Le président du tribunal est un magistrat de carrière nommé par décret sur proposition
du ministre de la justice2. Les deux assesseurs doivent comprendre un assesseur
employeur et un assesseur travailleur, désignés pour chaque affaire par le président sur
une liste d’assesseurs établie auprès de la juridiction par arrêté conjoint du Ministre
chargé de la justice et du Ministre chargé du travail.

Sous les codes antérieurs, le tribunal pouvait siéger à trois au lieu de cinq
membres lorsqu’un assesseur était défaillant et ne pouvait être remplacé par un
suppléant. En ce cas, le plus jeune membre de la catégorie en surnombre ne siégeait
pas. Cette possibilité était pratiquement devenue la règle. Par ailleurs, Il pouvait siéger
seul si après deux convocations, le tribunal n’arrivait pas à se réunir. La possibilité de
siéger seul est reprise dans le nouveau code3. C’est une disposition de sauvegarde pour
éviter la paralysie et le dénie de justice si les assesseurs sont défaillants. La prudence
du législateur peut être approuvée, mais une telle situation ou le Président siège seul
dénature la qualité de juridiction professionnelle du tribunal du travail.

Les assesseurs désignés pour chaque affaire doivent appartenir à la même


catégorie professionnelle que les parties en litige. Un assesseur désigné peut être
récusé par une des parties dans les cas suivants : si l’assesseur a un intérêt personnel à
la contestation ; s’il est parent ou allié de l’une des parties (jusqu’au 6 e degré) ; s’il a
déjà eu, dans l’année qui a précédé la récusation, un procès civil ou pénal avec l’une

1 Le code de 2004 (article 293) ramène le nombre d’assesseurs à deux, dont un assesseur travailleur et un assesseur
employeur, prenant acte du fait que depuis longtemps, les tribunaux du travail siègent à trois et non pas à cinq.
2 Article 293 du code de 2004 (article 183 C.trav.). Sous le code de 1962, il était nommé sur proposition conjointe

du Ministre de la justice et du Ministre du travail.


3 V. l’article 294 alinéa 3 du code de 2004. Espérons que, du fait de la représentation par un seul assesseur

employeur et un assesseur travailleur, le Président ne sera pas fréquemment conduit à siéger seul pour cause de
défaillance d’un assesseur et de son suppléant.

288
des parties, son conjoint ou son allié en ligne directe ; s’il est employeur ou travailleur
de l’une des parties1.

§ 2 - La désignation des assesseurs


331. Les listes des assesseurs qui seront nommés auprès de la juridiction du
travail sont dressées par catégories. On distingue pour ce faire trois catégories : la
catégorie industrie, transport et mines ; la catégorie services publics ; et la catégorie
commerce, professions libérales et banques. Les membres sont nommés sur
présentation par les organisations syndicales les plus représentatives ou, en cas de
carences de celles-ci, par l’inspecteur du travail. Mais les assesseurs employeurs de la
catégorie « services publics » sont proposés par le Ministre chargé de la fonction
publique. Les organisations syndicales doivent présenter un nombre double des postes
à pourvoir. Les conditions à remplir pour pouvoir assumer une fonction d’assesseur
sont les suivantes :
- être âgé de 25 ans au moins ;
- savoir lire et écrire la langue officielle ;
- être de nationalité burkinabè ou ressortissant d’un des Etats figurant sur
une liste dressée par décret en conseil des ministres sur proposition du
ministre de la justice. Il s’agit, selon le décret n° 670 du 30 décembre 1963,
des Etats membres de l’OUA, actuel Union Africaine et de la république
française2 ;
- avoir exercé son activité professionnelle depuis trois ans au moins dans le
ressort du tribunal ;
- n’avoir subi aucune condamnation entraînant inscription au dossier
électoral.

La durée du mandat d’assesseur est de trois ans renouvelable. Ils prêtent


serment devant le tribunal du travail3. Un assesseur peut être sanctionné en cas de
manquement grave dans l’exercice de ses fonctions, après avoir été appelé à
s’expliquer devant le tribunal du travail. Le président du tribunal dresse procès-verbal
de la séance de comparution et l’adresse au Ministre chargé du travail. La sanction est
prise par le Ministre de la justice sur proposition du Ministre chargé du travail. Les
sanctions pouvant être infligées sont : la censure ; la suspension d’une durée maximale
de six mois ; la déchéance. La fonction d’assesseur donne droit à une indemnité dont
le montant et les conditions d’attributions sont fixés par arrêté conjoint du Ministre
chargé de la justice et du Ministre des finances4.

1 Article 317 C. trav. de 2004


2 Décret n° 670 du 30 décembre 1963, J.O.RHV n° 55 du 28 décembre 1963, p.824 ; Recueil annoté, annexe 100,
Code social, p. 110.
3 Ils prêtent serment devant le tribunal du travail selon le code de 2004 et non plus devant le tribunal de grande

instance. V. art. 186 du code de 1992 et art. 299 du code de 2004.


4 L’article 300 du code de 2004 se contente de dire, de manière vague, que le montant et les conditions

d’attribution sont fixés « par voie réglementaire ».

289
SECTION II – LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU
TRAVAIL
332. Les règles de compétence du tribunal du travail peuvent être envisagées
suivant les deux aspects de la compétence territoriale ou ratione loci et de la
compétence d’attribution ou ratione materiae.

§ 1 - La compétence territoriale
333. Selon l’article 291 C.trav.1, « le tribunal compétent est celui du lieu de
travail. Toutefois, pour les litiges nés de la résiliation du contrat de travail du fait de
l’employeur et nonobstant toute attribution conventionnelle de juridiction, le
travailleur aura le choix entre le tribunal de sa résidence habituelle au Burkina Faso et
celui de son lieu de travail. Le travailleur recruté sur le territoire national aura en outre
la faculté de saisir le tribunal du lieu de conclusion du contrat ». Cette disposition pose
un principe avec des exceptions en faveur du travailleur.

A – LE PRINCIPE

Le code du travail pose pour principe que la juridiction compétence en cas de


différend est le tribunal du lieu de travail, c’est-à-dire le tribunal du lieu d’exécution
du contrat. Ce principe est une dérogation à la règle de droit commun de la
compétence du tribunal du domicile du défendeur. En plus de cette dérogation au droit
commun, la loi prévoit, au bénéfice du travailleur, deux autres exceptions au principe
de la compétence du tribunal du lieu de travail. Ces deux exceptions concourent toutes
à reconnaître largement la compétence des juridictions nationales.

B - LES EXCEPTIONS

334. La première exception à la compétence du tribunal du lieu de travail


consiste à reconnaître au travailleur le choix entre le tribunal de sa résidence
habituelle au Burkina Faso et celui du lieu de travail. Le travailleur peut porter le litige
devant le tribunal de sa résidence habituelle au Burkina Faso à conditions :
- qu’il soit demandeur ;
- qu’il s’agisse d’un conflit né de la résiliation du contrat de travail du fait de
l’employeur, c’est-à-dire d’un licenciement ou d’une démission provoquée,
qui s’analyse en un licenciement ;
- qu’il ait un lieu de résidence différent de son lieu de travail ; et
- que ce lieu de résidence soit situé au Burkina Faso.

1 La question de compétence est traité par les articles 287 à 291 de ce code.

290
Cette faculté lui est ouverte « nonobstant toute clause attributive de
juridiction ». Elle est d’ordre public et ne peut être écartée par une clause du contrat
de travail.

La seconde exception touche plus directement au problème de compétence


posé par les contrats internationaux : le travailleur recruté au Burkina Faso a la faculté
de saisir le tribunal du lieu de conclusion du contrat. Il peut attraire l’employeur
devant les juridictions burkinabè même si le contrat a été conclu pour être exécuté
dans un autre pays. Cette dernière disposition, insérer par la loi de 1992, s’inspire de
l’article 14 du code civil français : « l’étranger, même non résidant en France, pourra
être cité devant les tribunaux français pour l’exécution des obligations par lui
contractées en France avec un français. Il pourra être traduit devant les tribunaux de
France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français ».

En définitive, le travailleur a le choix, selon les cas, entre : le tribunal du lieu


de travail ; le tribunal de sa résidence habituelle ; et le tribunal du lieu de conclusion
du contrat.

§ 2 - La compétence d’attribution
335. La compétence d’attribution pose le problème de la détermination des
litiges pour lesquels le tribunal du travail est compétent. Ce tribunal n’est compétent
que dans les domaines qui lui sont attribués par la loi. Selon l’article 287, al. 1, C.
trav. « les tribunaux du travail connaissent des différends individuels pouvant s’élever
entre les travailleurs et leurs employeurs, les apprentis et leurs maîtres à l’occasion du
contrat de travail et d’apprentissage ». Selon l’alinéa 2 de cet article, « ces tribunaux
sont compétents pour connaître : des litiges relatifs aux accidents de travail, aux
maladies professionnelles y compris ceux relatifs à l’application du régime de la
sécurité sociale ; des différends individuels relatifs aux conventions collectives et aux
arrêtés en tenant lieu ; des différends nés entre travailleurs à l’occasion du contrat de
travail, ainsi que des actions directes des travailleurs contre l’entrepreneur prévues à
l’article 86 de la présente loi ; des différends nés entre travailleurs et entre employeurs
à l’occasion du travail, ainsi qu’entre les institutions de sécurité sociale, leurs
bénéficiaires et les assujettis ; des actions récursoires des entrepreneurs contre les
sous-traitants » 1. Cette disposition, qui consacre des extensions de la compétence du
tribunal du travail, appelle à faire une distinction selon les trois points suivants : les
parties, le caractère individuel du différend et le domaine du litige.

1Cet article 287 innove dans sa présentation formelle tout en opérant une extension de la compétence du tribunal
du travail par des ajouts qui ne sont pas de simple explicitation des dispositions anciennes.

291
A – LES PARTIES

336. En ce qui concerne les parties au procès, le tribunal du travail est


compétent pour les litiges opposant :
- travailleurs et employeurs ;
- apprentis et maîtres, car le contrat d’apprentissage est assimilé au contrat de
travail et par conséquent, l’apprenti est assimilé au travailleur ; et
- travailleurs entre eux à l’occasion du contrat de travail. Mais dans ce dernier
cas, le différend ne relève de la compétence du tribunal du travail qu’à
conditions que ces travailleurs soient liés à un même employeur et qu’ils
exécutent un travail en commun pour cet employeur1.

A ces trois cas classiques de compétence du tribunal du travail, le code de


2004 ajoute d’autres hypothèses de litiges opposant :
- des travailleurs à l’entrepreneur, qui n’est pas l’employeur, mais est garant du
paiement des salaires par le sous-traitant employeur2 ;
- des entrepreneurs (qui ont eu à verser les salaires et exercent des actions
récursoires) aux sous-traitants ; et plus généralement des employeurs entre eux à
l’occasion du contrat de travail3 ;
- les institutions de sécurité sociales, les bénéficiaires et les assujettis.

Le problème qui se pose en ce qui concerne les parties est de s’assurer que ces
parties ont les qualités de travailleur et d’employeur ou y sont assimilées. Il s’agit de
faire la preuve que ces parties sont liées par des rapports contractuels de travail. Pour
ce faire on se référera aux définitions que donne le code du travailleur et du contrat de
travail et aux critères distinctifs des autres contrats (infra titre II). Cette question de la
nature du lien contractuel peut quelquefois appeler à faire la distinction entre
travailleur lié par un contrat de droit privé et travailleur soumis au droit administratif,
dans la mesure ou ces derniers sont exclus de la compétence de la juridiction du
travail. Mais la question relève de l’analyse de la nature réglementaire ou
contractuelle du droit contesté et ne se pose que pour les employeurs organismes
publics ou entreprises publiques qui peuvent avoir des salariés relevant à la fois du
droit du travail et du droit administratif4.
1 V. KIRSCH Martin, Droit du travail africain, tome 2, 1 ère édit., p. 336.
2 L’article 287 alinéa 2 § 3 du code de 2004 ajoute « ainsi qu’aux actions directes des travailleurs contre
l’entrepreneur prévues à l’article 86 ». Il s’agit de l’action des salariés du tâcheron ou sous-traitant installé dans les
ateliers de l’entrepreneur, contre l’entrepreneur, lorsque les salaires n’ont pas été payés par le tâcheron. Cette
adjonction est une précision car l’on est dans un litige entre travailleurs et employeurs.
3
Le dernier paragraphe de cet article 287 dispose également que ces tribunaux connaissent « des actions
récursoires des entrepreneurs contre les sous-traitants ». C’est implicitement l’hypothèse de l’entrepreneur qui
aurait payé les salariés du sous-traitant défaillant et se retourne contre lui pour se faire rembourser. Cette extension
explicite est heureuse parce qu’il s’agit d’une dette de salaire et de l’application d’une disposition du code du
travail créant cette garantie. On se trouve alors dans un cas de compétence du tribunal du travail pour connaître
d’un litige opposant deux employeurs à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail.
4 L’article 288 du code de 2004 précise que « les personnels des services publics, lorsqu’ils sont employés dans les

conditions du droit privé, relèvent de la compétence des juridictions du travail ». L’article 289 également dispose
que « les juridictions du travail demeurent compétentes lorsqu’une collectivité ou un établissement public est mis

292
B - LE CARACTERE INDIVIDUEL DU LITIGE

337. Le tribunal du travail n’est compétent qu’en ce qui concerne les


différends ou conflits individuels. Cette notion s’oppose à celle de différend collectif.
La différence entre les deux notions se fait à la fois à partir du nombre de travailleurs
impliqués et à partir de l’intérêt en cause. Le différend peut en effet opposer un
employeur à un travailleur, ou un employeur à plusieurs travailleurs, ou encore
plusieurs employeurs à plusieurs travailleurs. Il peut mettre en cause l’intérêt
personnel d’un travailleur ou de chaque travailleur impliqué, ou au contraire mettre en
cause un intérêt commun à un groupe de travailleurs (les cadres, les ouvriers par
exemple) ou à l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. L’intérêt en cause est, dans
ce dernier cas, non individualisable. Il faut souvent recourir au critère de l’intérêt en
cause si le critère du nombre ne suffit pas.

Le différend de caractère individuel est défini comme celui né entre un


employeur et un ou plusieurs de ses travailleurs pris individuellement et portant sur un
intérêt individuel1. Il n’y a pas de problème de caractérisation lorsque le différend
oppose un travailleur à son employeur. Par contre, lorsqu’il oppose l’employeur à
plusieurs de ses travailleurs, le différend peut être individuel ou collectif.

Le différend collectif est celui qui oppose un employeur à plusieurs de ses


travailleurs ou plusieurs employeurs à plusieurs travailleurs et qui porte sur un intérêt
collectif. Du point de vue du nombre, il y a toujours une pluralité de travailleurs, sans
que ce critère soit déterminant. La présence de plusieurs salariés au différend n’est pas
non plus un critère déterminant de son caractère collectif parce ce différend peut aussi
porter sur un intérêt individuel, tel que l’application d’une convention collective.

Le fondement de cette délicate distinction entre différend individuel et


différend collectif est que, selon les situations, le différend peut viser l’application du
droit ou la création d’un droit nouveau. Le juge étant compétent pour dire le droit et
non pour créer le droit, il est nécessaire de savoir si, au delà du nombre de personnes
en cause, le différend porte sur un intérêt personnel propre, un droit que chaque
individu a à faire valoir ou sur un intérêt collectif. Le différend individuel suppose une
contestation sur des points de droit, soit que le droit a été violé, soit qu’il a été mal
interprété ou appliqué. Il peut opposer un employeur à un ou plusieurs travailleurs
mais dans ce dernier cas, chaque travailleur a un intérêt personnel au litige. C’est le

en cause en matière de conflits du travail ». Ces précisions ne sont pas superflues mais elles ne lèvent pas les
incertitudes sur la nature réglementaire ou contractuelle de certaines règles applicables au personnel dans ces
institutions. Par ailleurs, l’emploi du terme collectivité sans autre précision (collectivité territoriale ou collectivité
publique) est critiquable.
1 Intégrant les apports de la jurisprudence et de la doctrine, l’article 286 donne pour la première fois une définition

du différend individuel : « le différend individuel s’entend d’un conflit qui oppose un ou plusieurs travailleurs à
l’occasion de l’exécution du contrat de travail pour la reconnaissance d’un droit individuel ». L’intérêt de cette
définition est d’opposer « la reconnaissance d’un droit » à la défense d’un « intérêt » dans le cadre du conflit
collectif définit par l’article 335.

293
cas par exemple de plusieurs travailleurs licenciés : chaque travailleur congédié agit
en tant que victime de la sanction ou de la mesure prise. Par contre, Le différend
collectif suppose la présence d’un groupe de salariés mais cet élément seul ne suffit
pas car chaque travailleur peut avoir un intérêt individuel ou personnel au litige 1. Il
faut donc que le litige porte sur un intérêt collectif. C’est cet intérêt collectif qui
soustrait le litige à la connaissance du tribunal du travail, parce que le but de l’action
ou la solution à donner peut être la création d’un droit. Ainsi, le tribunal du travail ne
sera pas compétent pour connaître d’un litige opposant le syndicat de travailleurs à
l’employeur à propos de l’activité intérieure de l’entreprise, ou des conditions
d’emploi ou d’intégration d’une catégorie de travailleurs dans un emploi.

C – LE DOMAINE DU LITIGE

338. Il ne s’agit plus, ici, des parties, mais du domaine du droit concerné :
l’objet du litige peut porter sur le contrat de travail, l’application de la réglementation
de sécurité sociale ou sur les conventions collectives ou accords d’établissement.

1° - le premier chef de compétence du tribunal du travail porte sur le différend


individuel né à l’occasion du contrat de travail ou d’apprentissage, c’est-à-dire sur les
situations où l’objet du litige concerne la conclusion, l’exécution ou la rupture du
contrat de travail ou d’apprentissage. Il faut évidemment qu’il s’agisse bien d’un
contrat de travail et d’apprentissage et que se trouvent donc réunies les critères de la
prestation de travail, de la rémunération et de la subordination juridique.

2° - A ce chef de compétence, l’article 179 C.trav. de 1992 ajoutait, par


l’expression ambiguë « y compris les accidents du travail et maladies
professionnelles », une compétence en matière de sécurité sociale, qui pouvait
paraître restrictive. Les accidents de travail et maladies professionnelles ne concernent
pas en tant que tels l’application du contrat de travail, mais ils ont trait à l’application
de la législation du travail. C’est le cas par exemple de l’irrespect des règles d’hygiène
et de sécurité. L’expression de l’article 179 du code 1992 était restrictive en ce qu’elle
semblait exclure les autres règles de sécurité sociale, par exemple, les règles relative à
l’immatriculation, aux cotisations, aux prestations en matière d’assurance vieillesse ou
d’assurance maternité ou d’allocations familiales etc. Bien qu’il y ait des procédures
spéciales en matière de sécurité sociale, la compétence du tribunal du travail s’étend
au-delà des seuls cas des accidents du travail et maladies professionnelles, même si
nombre des cas d’inapplication de la réglementation de sécurité sociale sont passibles
de poursuites pénales. Il vaut mieux ouvrir plus largement les poursuites civiles
devant le tribunal du travail que de tabler sur les poursuites pénales sur lesquelles
l’administration et les juridictions peuvent hésiter à sévir en raison des possibles

1 Cf., C. S. Ch. adm., 12 novembre 1968, arrêt SNEAHV : dans un contentieux de la fonction publique, la Cour
suprême a décidé qu’un arrêté reclassant 441 enseignants avec retard dans la solde s’analyse en une série de 441
mesures individuelles. V. également, C.S. HV, 14 janvier 1972, OVSL c/ Jean Lefebvre, Bulletin de la Cour
suprême, n°1, p. 9.

294
conséquences collectives désastreuses pour l’entreprise. L’article 287 alinéa 2 § 1
retient une formulation plus large qui affirme plus clairement la compétence de
principe du tribunal du travail en matière de sécurité sociale : ces tribunaux sont
compétents pour connaître « des litiges relatifs aux accidents du travail, aux maladies
professionnelles, y compris ceux relatifs à l’application du régime de la sécurité
sociale ». Le § 4 de cet alinéa complète l’élargissement en mentionnant les différends
nés « entre les instituions de sécurité sociale, leurs bénéficiaires et les assujettis ».

3° - le troisième domaine de compétence du tribunal du travail concerne les


conflits individuels relatifs aux conventions collectives et arrêtés en tenant lieu. Le
contrat de travail n’est plus la seule loi qui régit les rapports entre employeurs et
travailleurs. Les conventions collectives signées entre syndicats de patrons (ou le
patron) et les syndicats de travailleurs s’imposent dans les rapports individuels. Elles
peuvent servir de base à une action en justice si une des parties les viole. Ces
conventions peuvent être à la base de différends individuels ou collectifs. Il peut
arriver, par exemple, que les travailleurs choisissent la voie de l’action individuelle
pour rechercher une interprétation par décision de justice d’un point controversé de la
convention collective1.

Aux conventions collectives sont assimilées les « arrêtés en tenant lieu ». Ce


sont des arrêtés qui peuvent être pris par le Ministre chargé du travail après avis de la
Commission consultative du travail pour réglementer les questions généralement
abordées par les conventions collectives dans les secteurs où les organisations
professionnelles n’ont pas conclu de convention collective2. Ces arrêtés s’inspirent des
conventions collectives existantes ou étendent tout simplement ces conventions à la
profession non régie par une convention collective. Ils peuvent servir de base à une
action individuelle s’ils ont été violés.

1 V. C. cass. fr. 23 juin 1960, Toussaint c/ Compagnie des matières colorantes, GADT, 2e édit., n° 32, D. 1960, p.
688 (les sieurs Toussaint et autres, employés comme magasiniers, ont demandés à bénéficier des dispositions d’une
convention collective. Le tribunal s’est déclaré incompétent parce que la demande est collective et non pas
individuelle : il s’agit d’une revendication d’un nouveau cadre. La chambre sociale en décide autrement. Pour elle,
les travailleurs ont entendu faire trancher, non collectivement, mais individuellement la question de leur
reclassement). V. également, C. S. BF. chambre sociale, arrêt n° 8 du 16 février 1999 (saisine collective du juge.;
conflit individuel car chaque travailleur s’est porté plaignant, par une requête collective, pour contester son
licenciement).
2 V. article 125, alinéa 1, C. trav. (article 69 du code de1992). Depuis l’arrêté portant extension de la convention

collective interprofessionnelle de 1974, il ne semble pas y avoir eu de prise d’arrêté tenant lieu de convention
collective.

295
CHAPITRE II - LA PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS
DU TRAVAIL
339. On examinera d’abord la procédure devant le tribunal du travail, puis les
voies de recours qui sont en partie relatives à la procédure devant les juridictions
supérieures : les juridictions d’appel et de cassation.

SECTION I – LA PROCEDURE DEVANT LE TRIBUNAL DU


TRAVAIL
La procédure devant le tribunal du travail est créditée des avantages d’être
simple, gratuite et plus rapide que devant les autres juridictions. La gratuité, la
simplicité et la rapidité font l’efficacité de cette juridiction. Elles contribuent à ouvrir
plus largement l’accès du prétoire aux justiciables. Ces avantages se vérifient dans la
procédure de saisine et de jugement, même si la rapidité est relativisée, en pratique,
par des lenteurs imputables au tribunal ou aux parties et leurs avocats.

§ 1 - La saisine du tribunal
340. La procédure de saisine a été volontairement simplifiée pour permettre au
travailleur d’agir : le tribunal peut être saisi par déclaration écrite ou verbale faite au
greffe du tribunal1. Il n’est pas exigé le paiement de droit de timbre, de caution, de
droits fixes ou proportionnels. Le demandeur doit produire une copie conforme du
procès-verbal de non conciliation totale ou de conciliation partielle, compte tenu du
caractère obligatoire de la procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail.

Une fois saisi, le président du tribunal doit, dans le mois de la réception de la


demande, adresser aux parties une citation à comparaître dans un délai qui ne peut
excéder deux mois, majoré des délais de route2. La citation doit être faite à personne
ou à domicile par un agent administratif commis à cet effet, par lettre recommandée
avec accusé de réception ou même, en cas d’urgence, par voie télégraphique. La
citation doit, à peine de nullité : contenir les mentions substantielles, c’est-à-dire les
nom, prénoms, profession du demandeur, l’objet de la demande, les lieu et heures de
la comparution. Elle doit observer les délais de distance pouvant être accordés pour la
comparution des parties3.

1 Art. 309 du code de 2004 (article 190 C. trav. de 1992).


2 Le code de 1962 (article 198) prévoyait une citation dans les délais de deux jours, à comparaître dans un délai de
12 jours. La tendance est à la prolongation des délais, en raison de facteurs objectifs d’engorgement des juridictions
mais peut-être aussi d’une moindre efficacité de l’appareil judiciaire qu’auparavant. Cette tendance est à contre
courant de l’exigence de rapidité des juridictions sociales et, surtout, des exigences générales de respect des droits
fondamentaux dont le droit du citoyen à ce que sa cause soit entendue « dans un délai raisonnable » fait partie.
3 Un arrêté général n° 6263 IGTLS/AOF du 22 août 1953 (J.O.AOF du 5 septembre 1953, p. 1496 ; Recueil

annoté, annexe 102) fixe les délais de distance en matière de procédure devant les tribunaux du travail de la
manière suivante : de 15 jours à deux mois si la partie intéressée réside hors du territoire national et selon
l’existence d’une liaison par voie ferroviaire ou aérienne et le caractère plus ou moins éloigné du pays où il réside ;

296
Les parties peuvent se faire représenter ou assister de la manière suivante : soit
par un travailleur ou un employeur appartenant à la même branche d’activité ; soit par
un avocat ; soit encore, par un représentant des organisations syndicales auxquelles
elles sont affiliées. Les employeurs peuvent en outre se faire représenter par un
directeur ou un employé de l’entreprise. Les mandataires des parties, à l’exception des
avocats, doivent être constitués par écrit1. Les parties doivent se présenter à la
convocation au jour et à l’heure fixée. Mais la défaillance du demandeur ou du
défendeur n’a pas les mêmes conséquences : si le demandeur ne se présente pas, la
cause est rayée du rôle et ne peut être reprise qu’une seule fois2 ; si le défendeur ne
comparait pas et ne justifie pas d’un cas de force majeure, la cause est jugé par
défaut3. Mais si le défendeur s’est présenté une fois et ne se présente pas par la suite,
le jugement est réputé contradictoire. Il perd, par conséquent, le droit de faire
opposition.

§ 2 - Le jugement
341. L’audience devant le tribunal du travail est publique. Le président du
tribunal assure la police de l’audience et dirige les débats. Il interroge et confronte les
parties, fait comparaître les témoins cités à la demande des parties ou par lui-même. Il
procède à l’audition de toute personne dont il juge la déposition utile au règlement du
litige Il peut prescrire tous constats et expertises. L’affaire est en principe jugée
séance tenante. Aucun renvoi du procès ne peut être ordonné sauf accord des parties.
Mais le président du tribunal peut ordonner le renvoi par jugement motivé pour
nécessités d’enquêtes4. A la clôture des débats, le tribunal suspend l’audience pour
délibérer en secret et la reprend pour la lecture du jugement. Il peut mettre l’affaire en
délibéré mais alors, il devra prononcer le jugement à la prochaine audience. La mise
en délibéré est très fréquente : cette faculté est justifiée par les cas où le délibéré
promet d’être long mais sa fréquence semble s’expliquer par la difficulté des
juridictions à respecter l’article 196 du code de 1992 qui disposait que le jugement
« est rédigé sur l’heure »5. La minute du jugement doit être signée du président et du
greffier.

Le jugement doit être motivé, notifié aux parties6 et copie doit être envoyée à
l’inspecteur du travail du ressort des parties. Le tribunal peut en ordonner l’exécution

de six jours à un mois si la partie intéressée réside au Burkina Faso selon l’existence de liaison aérienne, ferroviaire
ou par route et selon la proximité par rapport au siège du tribunal ; pas de délai de route si la partie intéressée réside
dans un rayon de quarante (40) kilomètres du siège du tribunal, ou dans la commune ou siège le tribunal.
1 Cf. art. 191 al.2 C.trav. (art. 312 du code de 2004).
2 V. Trib. Trav. Ouagadougou, 16 juin 1981, jugements n° 13 et 14. Les jugements de radiation ou de désistement

(par suite de compromis entre les parties) sont assez fréquents.


3 Cf. Trib. Trav. Ouagadougou, 4 mai 1982, jugement n°5, inédit.
4 V. C.S.HV, 27 novembre 1970, TPOM n° 371, 8215.
5 Le code de 2004 a ici aussi pris acte de la non application de cette disposition et l’a supprimé. V. l’art. 316 C.trav.
6 V. C.S.HV, 22 janvier 1971, Société Marchand et Botella c/ Jean Biolley, Bull. C.S. 2 e semestre 1977, p. 68 ; C.

A. Ouagadougou, arrêt n° 26 du 4 juillet 1969, Kafando Zoudayoba c/ Tapsoba Dieudonné (absence de


notification, suspension du délai d’appel).

297
immédiate par provision, avec ou sans caution, même s’il y a possibilité d’appel ou
d’opposition. L’exécution par provision peut être ordonnée sans caution jusqu’à une
certaine somme1. Au-delà de cette somme, il faut une caution qui garantisse le
remboursement si le bénéficiaire de la provision est finalement perdant en appel ou en
cassation. Il s’agit ici de composer entre, d’une part, le caractère alimentaire des
sommes à verser au travailleur s’il est gagnant en évitant que l’employeur ne prolonge
son calvaire par l’appel ou le recours en cassation et, d’autre part, le caractère non
définitif, avant l’écoulement des délais de recours, du jugement et du risque de faire
payer des sommes qui ne pourront pas être remboursées.

L’exécution du jugement est poursuivie à la demande de la partie intéressée.


Le travailleur bénéficie d’office de l’assistance judiciaire pour l’exécution des
jugements rendus en sa faveur. Les jugements et arrêts doivent indiquer le nom de
l’huissier qui lui prêtera son concours pour l’exécution de la décision.
Il est souvent fait cas, dans la presse nationale, de difficultés d’exécution de
jugements. Le code de 2004 apporte une innovation, qui ne change pas totalement les
données des difficultés d’exécution mais devrait apporter une amélioration : il crée le
référé auprès du tribunal du travail. Le référé qui était un recours exercé devant le
président du tribunal de grande instance, est maintenant confié, en matière sociale, au
président du tribunal du travail. Cette compétence du Président du tribunal comporte
trois aspects : Suivant l’article 324 C.trav., le Président du tribunal peut, dans tous les
cas d’urgence, « ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation
sérieuse ou qui justifie l’existence d’un différend ; accorder une provision au créancier
dans le cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable » ; il peut, selon l’article
325, même en présence d’une contestation sérieuse, « prescrire les mesures
conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage
imminent, soit pour faire faire cesser un trouble manifestement illicite » ; enfin, il
statue sur les difficultés d’exécution d’un procès-verbal de conciliation, d’un jugement
ou de tout autre titre exécutoire en matière sociale, selon l’article 326. La formation de
référé, composée du Président et du greffier, rend une ordonnance qui a un caractère
provisoire et ne doit pas préjudicier au fond du litige.

1 Cette somme a été fixée par l’arrêtée conjoint n° 95-6/MJ/METSS du 16 février 1995 relatif à la mise en
application de l’article 197 C. trav. de 1992 à un million (1000.000) FCFA. L’article 318 du code de 2004 l’a porté
à deux millions (2000.000) FCFA.

298
SECTION I- LES VOIES DE RECOURS
Les voies de recours contre le jugement du tribunal du travail sont :
l’opposition, l’appel et le recours en cassation.

§ 1 - L’opposition
342. L’opposition est ouverte à la partie contre qui il a été rendu un jugement
par défaut. Cette procédure à pour but de faire respecter le principe du contradictoire,
en faisant reprendre le jugement pour permettre à la partie défaillante de présenter ses
moyens de défense. L’opposition doit être formée dans un délai de dix jours à compter
de la signification du jugement, non compris les délais de distance pouvant être
accordés. Passés ces délais, le jugement devient exécutoire. Si l’opposition est faite
dans les délais, le président convoque à nouveau les parties et rejuge l’affaire comme
précédemment indiqué. Le jugement est exécutoire nonobstant tout défaut ou appel 1.

§ 2 - L’appel
343. L’appel est interjeté dans les quinze jours du prononcé du jugement ou de
la signification quant elle est prescrite2. L’appel est formé par déclaration écrite ou
verbale faite au greffe du tribunal du travail. Le tribunal doit transmettre dans le délai
d’un mois, l’appel et le dossier de l’affaire à la juridiction d’appel. L’affaire est
affectée à la chambre sociale de la Cour d’appel3. L’appel est une voie de recours dont
le but est d’appliquer le principe du double degré de juridiction, qui est une garantie
de bonne justice, le plaideur débouté pouvant faire entendre sa cause une deuxième
fois.

Mais l’appel n’est possible que si le tribunal ne s’est pas prononcé en dernier
ressort. En effet, les jugements des tribunaux du travail sont définitifs et sans appel,
sauf du chef de la compétence, lorsque le chiffre de la demande n’excède pas cent
mille (100.000) FCFA. Au-delà de cette somme, les jugements sont susceptibles
d’appel4. Ce plafond concerne les demandes principales, reconventionnelles ou en
compensation. Mais le tribunal peut statuer en dernier ressort si seule la demande
reconventionnelle dépasse le taux de sa compétence en dernier ressort et n’est fondée
que sur des réclamations de dommages-intérêts ou a été formée uniquement en vue de
rendre le jugement susceptible d’appel. Il statue également en dernier ressort en cas de
défaut du défendeur, si seule les demandes reconventionnelles formées par celui-ci

1 Art. 319 du code de 2004 (Article 199 al. 2 du code de 1992).


2 La signification est une notification par acte d’huissier. V. article 73 de la loi 22-99 AN du 18 mai 1999 portant
code de procédure civile. Elle est une forme plus solennelle que la notification par un agent administratif.
3 Il existe deux Cours d’appel au Burkina Faso, la cour d’appel de Ouagadougou et la Cour d’appel de Bobo-

Dioulasso. Il est projeté la création d’une ou deux Cours d’appel en plus.


4 Cette somme était de 50.000 francs sous le code de 1992. L’article 320 du code de 2004 l’a porté à cent mille

(100.000) FCFA.

299
dépassent le taux de sa compétence en dernier ressort. L’auteur d’une demande
reconventionnelle reconnue formée uniquement pour rendre la décision susceptible
d’appel peut être condamné en appel à des dommages et intérêts.

Si l’appel est interjeté dans les délais, la chambre sociale de la Cour d’appel
rejuge l’affaire selon les mêmes règles que devant le tribunal du travail.

§ 3 - Le recours en cassation
344. La dernière voie de recours est le pourvoi en cassation. L’affaire sera
portée devant la chambre sociale de la Cour de cassation1. Le pourvoi est introduit et
jugé comme en matière civile. Le délai de recours est de deux mois à compter de la
notification du jugement rendu en dernier ressort ou de l’arrêt d’appel. Devant la cour
de cassation, le ministère d’avocat est obligatoire. La cour de cassation ne connaît pas
du fonds de l’affaire, elle doit être saisie sur la violation d’un point du droit par le
jugement ou l’arrêt de la Cour d’appel. Lorsqu’elle estime le pourvoi fondé, elle casse
et renvoie l’affaire devant la même Cour d’appel autrement composée ou devant une
autre Cour d’appel.

1V. la loi organique n° 13-2000 AN du 9 mai 2000 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour
de cassation et procédure applicable devant elle, Code judiciaire, Tome V, pp. 157 et s.

300
301
Sous-titre III - Les institutions professionnelles
345. Il découle du principe de participation et de tripartisme que la présence,
au niveau national et au niveau de l’entreprise, des institutions représentatives des
sujets du droit du travail est plus marquée que dans d’autres branches du droit. Cette
représentation est assurée par les syndicats de travailleurs et les organisations
professionnelles d’employeurs. Le terme organisation professionnelle d’employeurs
est assez vague, mais il indique la diversité de dénomination de ces institutions :
syndicat, groupement, association. Le mot syndicat s’applique aussi aux employeurs,
bien que plus utilisé en ce qui concerne les salariés. Ainsi, l’article 252 C.trav. énonce
sans précision que « les syndicats professionnels ont pour objet la promotion et la
défense des intérêts professionnels de leurs membres ». Cette disposition est éclairée
par l’article 253 C.trav. qui applique le même concept aux employeurs : « les
travailleurs…, ainsi que leurs employeurs peuvent constituer librement des syndicats
professionnels… ». Par ailleurs, la diversité des termes désignant les institutions
professionnelles est valable pour les deux types d’organisations, celles des employeurs
et celles des travailleurs. Par exemple, l’article 109 C.trav., à propos des conventions
collectives, vise « les représentants d’un ou plusieurs syndicats ou groupements
professionnels de travailleurs » et « une ou plusieurs organisations syndicales
d’employeurs ou tous autres groupements d’employeurs ».

Au Burkina Faso, les organisations professionnelles d’employeurs sont aussi


variées que les syndicats de travailleurs. Les principales organisations d’employeurs
sont regroupées au sein du Conseil national du patronat burkinabè (CNPB), créé en
1976. Ce conseil regroupe près de soixante-dix groupements, associations et syndicats
professionnels couvrant les divers champs professionnels (commerce, industrie,
service, artisanat, agroalimentaire)1, et d’envergures nationales ou locales. Le CNPB
représente globalement le secteur privé auprès des pouvoirs publics et des autres
partenaires (centrales syndicats de travailleurs et partenaires extérieurs), sans
préjudice des actions de représentation de ses membres, qui jouissent de la
personnalité juridique. Il est membre de plusieurs structures internationales et
africaines d’employeurs.

Nous nous intéresserons, dans ce sous-titre, aux institutions représentatives des


travailleurs, en abordant dans un premier temps les syndicats (Chapitre I), qui
représentent les salariés dans l’entreprise et hors de l’entreprise, c’est-à-dire au niveau

1 La première revue du CNPB (sans date) énumérait, pour 2004, quarante six organisations. Les principales sont :
l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF), le Groupement professionnel des
industriels (GPI), le Syndicat des commerçants importateurs et exportateurs (SCIMPEX), l’Association
professionnelles des sociétés d’assurance du Burkina (APSAB), le Groupement professionnel des pétroliers (GPP),
le Groupement professionnel des miniers du Burkina (GPMB), le Syndicat national des entrepreneurs du bâtiment
et des travaux publics (SNEBTP), l’Association des hôteliers et restaurateurs du Burkina (AHRB), la Fédération
nationale des industries de l’agroalimentaire et de transformation du Burkina (FIAB), l’Organisation des
transporteurs routiers du Faso (OTRAF), le Syndicat des commerçants de céréales (SNCC), les divers ordres
professionnels, etc.

302
national et local. Au niveau de l’entreprise, les salariés sont représentés par les
syndicats mais aussi par des délégués du personnel, généralement issus des syndicats
(chapitre II).

303
CHAPITRE I - LE SYNDICAT
Le syndicat est la première institution professionnelle à partir de laquelle sont
apparues les autres : le délégué du personnel au Burkina, le comité d’entreprise
ailleurs, ou les organismes à caractère paritaire ou tripartite (commission consultative
du travail). Cette antériorité historique commande la présentation d’un bref aperçu sur
le mouvement syndical (section I) et sur le syndicalisme burkinabè (section II). On
abordera par la suite le statut du syndicat (section III) et ses activités (section IV).

SECTION I – APERCU SUR LE MOUVEMENT SYNDICAL


346. Le syndicalisme est né au 19ème siècle avec la révolution industrielle, par
réaction d’autodéfense des travailleurs salariés face à l’exploitation du capitalisme. Ce
sont d’abord des mouvements spontanés contre les effets du machinisme et la
dégradation de leurs conditions de vie. Le syndicat succède aux corporations de la
période pré-capitaliste beaucoup plus qu’il n’en est issu1.

Au départ interdits, au moment des révolutions bourgeoises en Europe, au nom


du libéralisme économique et en particulier au nom de la liberté du travail2, les
syndicats seront tolérés, puis finalement reconnus, d’abord en Angleterre en 1824,
puis en France en 1884 où la loi Waldeck-Rousseau fait passer le syndicat de la
simple tolérance à la légalité. A partir de leur reconnaissance, les syndicats vont se
former par métiers, puis par industries, et se généraliser en s’étendant aux employés et
même, de nos jours, aux professions libérales. Les employeurs vont eux aussi
emprunter cette forme d’organisation, ce qui, par ailleurs, rendra possibles les grandes
négociations entre organisations d’employeurs et organisations de travailleurs. Plus
tard, les syndicats de travailleurs vont se regrouper en grandes centrales syndicales.

En France, la Confédération générale du Travail (CGT) apparaît en 1895, la


Confédération française des Travailleurs chrétiens (CFTC) en 1919, la Confédération
générale des cadres (CGC) en 1944. Puis apparaissent la CGT-FO (force ouvrière) par
scission de la CGT en 1947 et la Confédération française du Travail (CFDT) en 1964
par scission au sein de la CFTC.

Le mouvement de regroupement des syndicats sur le plan national va s’étendre


au plan international, avec la création de fédérations et de secrétariats internationaux.
Mais ce mouvement sera freiné par l’apparition de tendances. Cette évolution se
vérifiera aussi en Afrique francophone.

1 Cf. G. LEFRANC, le syndicalisme dans le monde, que sais-je ? PUF, 1971.


2 Cf. Loi le Chapelier des 14 – 17 juin 1791 en France ; ordonnance du 17 février 1777 en Grande Bretagne.

304
§ 1 - Les tendances du mouvement ouvrier
347. Des tendances sont apparues au sein du mouvement ouvrier
essentiellement sur deux questions : la question de l’autonomie ou de la dépendance
du syndicat par rapport aux partis politiques et aux idéologies politiques ou de classes
sociales ; et celle de savoir si le but du syndicat est de réaliser la réforme ou la
révolution.

Ces deux questions sont complémentaires mais distinctes car si les syndicats
qui se donnent pour objectif de réaliser la révolution sont favorables à une dépendance
du syndicat par rapport au parti politique exprimant l’idéologie et les intérêts du
prolétariat, ce n’est pas le cas pour certains d’entre eux qui ont souvent refusé de se
subordonner à un parti politique. Par exemple, des syndicats d’obédience anarchiste
(ou anarcho-syndicalisme) qu prônent la révolution, se disent ˝antivotards˝ et refusent
l’allégeance au parti politique révolutionnaire. Par contre les syndicats réformistes
sont en général contre la dépendance à l’égard des partis politiques mais dans ce camp
également, certains de ces syndicats entretiennent des relations organiques ou
personnelles plus ou moins étroites avec des partis politiques. L’exemple, le plus
illustratif est donné par le parti travailliste de Grande Bretagne, crée par les syndicats.
Ce sont des syndicalistes des Trade unions ayant accédé aux fonctions parlementaires
qui ont pris l’initiative de la création de ce parti politique.

En gros, la distinction, sur ces questions, était beaucoup plus nette entre les
positions des syndicats des ex-pays socialistes d’une part et, d’autre part, ceux
d’Europe occidentale et des Etats Unis d’Amérique.

- Le syndicalisme dans les Etats socialistes est ou était marqué par la


conception léniniste du syndicat. Selon cette conception, si le syndicat est livré à lui-
même, il sombre dans le corporatisme étroit ou dévie dans l’anarcho-syndicalisme
sans avenir ; il faut donc que le syndicat soit subordonné au parti communiste. Si le
parti communiste arrive au pouvoir, le syndicat devient un gestionnaire (des œuvres
sociales, par exemple) tout en conservant dans l’entreprise la mission de veiller aux
intérêts des travailleurs.

- Le syndicalisme Nord-américain est marqué par une forte unité et un


pragmatisme qui fait souvent conclure à un apolitisme. Il est constitué de la fusion
entre deux confédérations : l’American Fédération of Labour (AFL) ou Fédération
américaine du travail, qui était un syndicat de métier, et le Congres fédération of
Industrial Organisation (C.I.O) ou Congrès des Organisations Industrielles, qui était
un syndicat d’industrie. Ces syndicats sont puissants financièrement et par leurs forces
revendicatives. Ils n’entretiennent pas de relations organiques avec les partis
politiques, mais ils interviennent dans les élections pour soutenir tel ou tel candidat.
Ils avaient pendant un temps usés des pratiques de la closed shop (atelier fermé) et de
l’Union shop (atelier ouvert aux non syndiqués, mais ceux-ci devaient s’engager à

305
s’affilier au syndicat) pour consolider leur puissance1. Ces pratiques sont aujourd’hui
interdites aux USA.

- En Europe occidentale, la situation est très diversifiée mais on peut faire cette
division en deux pôles :

 les pays de pluralisme syndical comme la France, l’Italie, l’Espagne


etc., où ce pluralisme correspond grosso modo aux différents groupes
politiques (la CGT est liée au Parti Communiste, la CFDT est proche
du Parti Socialiste. ; la CGT-F.O, la CFTC et la CGC sont proches du
centre-gauche etc.) ;
 les pays d’unité syndicale, les anglo-saxons, marqués par une sorte
d’apolitisme ou de pragmatisme syndical à l’exemple de la Grande
Bretagne et de la RFA. Il existe dans ces pays une sorte d’unité
syndicale à l’instar des Trade unions britanniques. C’est ici que l’on
voit que l’apolitisme est une notion relative, car les Trade unions sont à
l’origine de la naissance du Labour Party. L’apolitisme désigne la
prédominance d’une limitation volontaire du syndicat à des
revendications économiques, sans se donner pour objectif la
transformation révolutionnaire de la société ou, peut-on ajouter, tout
autre transformation des bases de la société.

Dans l’ensemble, on perçoit, de manière plus ou moins prononcée, au sein des


mouvements ouvriers nationaux, un balancement entre la recherche de l’unité et la
fragmentation en tendances. Ce mouvement contradictoire se retrouve sur le plan
international.

§ 2 - Le syndicalisme international
348. On peut, pour simplifier, distinguer deux périodes dans l’évolution du
syndicalisme international : avant et après la 2ème guerre mondiale, bien que la période
avant la première de même que la période de l’entre deux guerres aient connu
beaucoup d’effervescence2.

A – AVANT LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Les premiers regroupements sont apparus avant la 1ère guerre mondiale avec la
création des secrétariats professionnels internationaux (SPI) dont le premier fut celui
du tabac en 1889. Ces secrétariats unissent les salariés d’une même profession, de
nationalités différentes. Certains sont organisés dans le cadre de métiers (gantiers,

1V. Brum et Galland, op. Cit. p. 701.


2V. pour une présentation plus détaillée, Georges LEFRANC, Le syndicalisme dans le monde, Que sais-je ? PUF,
1971 ; Le syndicalisme en France, Que sais-je ? PUF, 1968 ; G. AUBIN et J. BOUVERESSE, Introduction
historique au droit du travail, PUF, 1995 ; N. OLSZAK, Histoire du droit du travail, Que sais-je ? PUF, 1999.

306
coupeurs-tailleurs, mouleurs, peintres) et d’autres dans le cadre d’une industrie
(Fédération Internationale de Chimie, de métallurgie, du textile, du bâtiment, etc.).
Ces secrétariats sont actuellement utiles et efficaces sur le plan de la solidarité
internationale en cas de grève dans les multinationales, et pour la mise en place de
documentations et d’études. Puis le mouvement s’est poursuivi sous la forme de
fédération de centrales syndicales nationales

En 1913, est créée la Fédération syndicale internationale (FSI). Elle se


disloquera au moment de la 1re guerre mondiale pour se réorganiser en 1919 après la
guerre. Elle est marquée par plusieurs tendances : corporatisme britannique et
scandinave ; socialisme latin ; rivalité entre conceptions françaises et conceptions
allemandes. En juin 1919, est créé à Amsterdam la Confédération internationale de
syndicats chrétiens (CISC). Elle condamne tout à la fois le libéralisme et le
communisme et donne son appui à l’O.I.T. En juillet 1921, est constituée à Moscou,
sous l’influence de la révolution bolchevik d’octobre 1917 en Russie, l’Internationale
Syndicale Rouge (ISR), qui regroupait les syndicats d’obédience communiste pour
lutter contre l’international syndical jaune d’Amsterdam ou syndicat réformiste et
d’obédience social-démocrate. Cette internationale luttait au côté de la 3è
internationale communiste.

B – APRES LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Une brève période d’unité va être réalisée dans l’immédiat après-guerre, avec
la création à Londres du 7 au 17 février 1945 de la Fédération Syndicale Mondiale
(FSM) dont le siège fut fixé à Prague. Mais la CISC refusera d’y adhérer.

Les syndicats américains, au moment de la guerre froide, se retireront de la


FSM et constitueront à Londres en décembre 1949, la Confédération Internationale
des syndicats libres (CISL). Si bien qu’il existe trois centrales mondiales : la FSM. ; la
CMT issu d’une transformation de la CISC en 1968 ; et la CISL. A ces centrales
s’ajoutent les secrétariats professionnels internationaux (SPI).

§ 3 - Le syndicalisme africain
349. Le droit syndical est introduit en AOF par le décret du 11 mars 1937,
mais dans des conditions de jouissance très restrictives. A la suite de la conférence de
Brazzaville, le syndicalisme sera reconnu par un décret du 4 août19441 et divers autres
facteurs permirent son extension : des recommandations de l’OIT appellent les pays
ayant des colonies à leur étendre l’application du droit du travail ; la constitution de
1946 reconnaît aux ressortissants des TOM la qualité de citoyens et les droits et
libertés proclamés par le préambule, dont le droit syndical. Toutefois, le syndicalisme

1 J.O. RF. Du 17 août 1944, p. 720.

307
africain ne se développera de façon autonome qu’à partir de 1955, époque par ailleurs
de l’adoption des textes d’application du Code du travail d’Outre-mer de 19521.

Entre ces deux périodes, les syndicats, en Afrique, étaient des excroissances
des centrales syndicales françaises (CGT, CFDT, CFTC, notamment). Ils se
sépareront de ces centrales françaises vers 1955 avec la naissance de la CGTA en
novembre 1955 et de la CATC crée en juillet 1959 (à Ouagadougou). Ils tenteront de
se regrouper à l’échelle africaine à partir de 1957.

La première tentative d’union fut la création, en 1957 à Cotonou, de l’Union


Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (UGTAN), qu avait regroupé, à son
congrès constitutif, tous les syndicats d’AOF à l’exception des dissidents de la
CGT/FO. Son 1er secrétaire fut Ahmed Sékou Touré, qui deviendra président de la
République de Guinée. En réplique aux tendances révolutionnaires de cette union, les
syndicats d’obédience chrétienne (dont la CATC ex. CFTC) créeront en 1959 à
Brazzaville, l’UPTC (Union panafricaine des travailleurs croyants).

Cette tendance à la division va se poursuivre ou se maintenir après les


indépendances. Ainsi, en 1961, à Casablanca est créée l’Union Syndicale Panafricaine
(USPA). Celle-ci prône l’unité ouvrière et l’indépendance des syndicats, le refus de
toute ingérence étrangère, du corporatisme et de l’apolitisme, la solidarité et la libre
collaboration entre travailleurs. En 1962 est créée, à Dakar, la CSA (Confédération
syndicale africaine), qui est d’obédience syndicat libre. Enfin en 1973, à l’initiative de
l’OUA, est créée à Addis-Abeba l’O.U.S.A. (organisation de l’unité syndicale
africaine) qui entend réaliser l’unité des travailleurs au niveau des Etats et au niveau
continental. Elle se démarque de toutes les centrales internationales et se donne pour
objectifs d’instaurer l’unité syndicale, de défendre la liberté syndicale et d’œuvrer à
l’harmonisation des législations.

Dans l’ensemble, les syndicats africains ont été caractérisés dès le départ par
une forte politisation même si l’on y retrouve le débat doctrinal sur les missions du
syndicat, entre réformistes et révolutionnaires. Nés sous le joug colonial et à l’époque
des luttes pour l’indépendance, les syndicats sont apparus comme le fer de lance de
ces luttes2 et beaucoup de dirigeants politiques ont été des dirigeants syndicaux

1 V. ISSA-SAYEGH, op. cit., pp. 310 et s. ; Lambert BOVY, Histoire du mouvement syndical ouest africain, Rev.
Jur. et Pol. Indép. Coop., 1968, p. 111 ; Le mouvement syndical en Afrique noire d’expression française, Penant,
1964, n° 702, p. 383 ; P.-F. GONIDEC et M. KIRSCH, Droit du travail des TOM, LGDJ, 1958, pp. 636 et s. ; P.-F.
GONIDEC, L’évolution du syndicalisme en Afrique Noire, Penant 1962, p.117 ; Penant 1963, pp. 171 et S.
2 M. Issa-Sayegh constate que l’UGTAN « était un véritable mouvement politique, prenant parti sur tous les

problèmes politiques », op. cit., p. 314. V. la présentation plutôt ironique de la déclaration de naissance d’un
nouveau syndicat burkinabè, pour marquer la pléthore et la propension des syndicats à pendre position sur tous les
problèmes, dans l’Observateur paalga n° 6114 du vendredi 2 avril 2004 : « Il ne manquait plus qu’in syndicat
révolutionnaire et anti-impérialiste dans la pléthore de ceux qui existent déjà. Aujourd’hui nous en avons un : c’est
le syndicat des personnels et des enseignants du secondaire et du supérieur (SPESS) qui vient d’être reconnu par le
ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. A travers cette déclaration fleuve, c’est un long
réquisitoire sur l’état de la Nation version SPESS qu’il nous est donné de lire. Tout y passe, la problématique de

308
révolutionnaires (ex. Sékou Touré) ou réformistes (ex. Houphouët-Boigny)1. Cet
engagement politique se poursuivra après les indépendances sur les thèmes de la lutte
anti-impérialiste (et contre ses valets locaux), des attitudes à l’égard de l’évolution
vers l’instauration de partis uniques et, sur le plan international, de l’attitude à l’égard
des deux blocs communistes et capitalistes.

SECTION II – LE SYNDICALISME BURKINABE


La situation du syndicalisme burkinabè est d’abord marquée par le pluralisme
syndical. Ce pluralisme va lui conférer un certain nombre de traits qui marquent sa
force et ses faiblesses,

§ 1 – la multiplicité des centrales et syndicats autonomes


350. Il existe six centrales syndicales reflétant les tendances internationales, et
plusieurs syndicats autonomes. Au niveau des centrales syndicales, il y avait, au
moment de l’accession de l’indépendance, trois centrales syndicales héritières des
courants syndicaux français et mondiaux. Ce sont, en partant des dénominations
actuelles :
- La CNTB (confédération nationale des travailleurs burkinabè), qui a succédé
à la CNTV et à l’ex-CATC elle-même issue de la CFTC (française). Elle ne se
réclame plus d’aucune confession. Elle adhère à la CMT.
- L’ONSL (Organisation nationale des syndicats libres) ex-OVSL et héritière
de l’ex. CASL, créée par la CGT/F.O. Elle adhère à la CISL.
- Et l’U.S.T.B. (Union Syndicale des Travailleurs du Burkina) ex-U.S.T.V. et
héritière de l’ex. UGTAN et de l’ex. CGTA issue de la CGT française. Elle est affiliée
à la F.S.M.
A ces trois s’ajouteront quatre autres centrales, généralement par des scissions
et recompositions de nouveaux syndicats :

- la CSB (Confédération syndicale burkinabè (ex CSV) crée le 16 septembre


1974 par réunion de syndicats autonomes et de syndicats de bases ayant fait scission
avec l’USTV et l’OVSL (d’où des rapports houleux avec ces centrales d’origine). Elle
n’est pas affiliée à une centrale mondiale ;
- l’UGTB (Union générale des travailleurs du Burkina) ex-UGTV, créée en
19772 ;
- la CGTB (Confédération générale des travailleurs du Burkina), créée en 1988
par regroupements de syndicats autonomes et de syndicats qui sont sortis de la CSB1 ;
et,

l’enseignement, la situation politique nationale, la débâcle des Etalons et même actualité internationale oblige, le
terrorisme et les attentats en Espagne ».
1 Au Burkina Faso, par exemple, Maxime Ouédraogo, ancien ministre sous la première République a été secrétaire

général de la section UGTAN et le célèbre Joseph Ouédraogo a été secrétaire général de la CNTV.
2 V. L’origine du syndicalisme burkinabè, Sidwaya n° 3754 du 30 avril au 2 ami 1999.

309
- l’UNSL/FO (Union nationale des syndicats libres/ Force ouvrière) issue
d’une scission de l’ONSL.

351. Les syndicats autonomes sont très nombreux. En 1999, le Journal


Sidwaya en recensait une vingtaine et ce nombre s’est accru par des créations
nouvelles et des scissions. Ces syndicats autonomes sont plutôt prédominant dans la
fonction publique, à l’image du syndicalisme burkinabè en général. Parmi les
syndicats autonomes relevant du section privé ou parapublic, on peut citer : le
Syndicat professionnel des industries des corps gras (SYNPICG), la Fédération des
concierges et gens de maison (FCGM), le Syndicat des travailleurs de la poste
(SYNTRAPOST), le Syndicat unique des travailleurs du rail (SUTRAIL), le Syndicat
des travailleurs des postes et télécommunications (SYNAPOSTEL), la Fédération des
employés de maison et de gardiennage du Burkina (FEMGB)2. En fait, beaucoup de
syndicats autonomes sont proches de l’une ou l’autre centrale syndicale. Le
qualificatif de syndicat autonome signifie que le syndicat n’est pas formellement
membre d’une centrale ou d’une fédération. Le choix de l’autonomie peut s’expliquer
par la spécificité des corps dont relèvent les membres du syndicat (magistrats par
exemple) qui les amène à préférer ce statut. Ce choix peut aussi tenir à une raison
historique : la scission et la sortie d’une centrale syndicale. En ce cas, la création de
syndicats autonomes peut être le prélude à la constitution d’une nouvelle centrale
syndicale. La tactique consiste à noyauter des syndicats de base pour en prendre la
direction, à défaut provoquer une scission, sortir de la centrale syndicale de
rattachement en se proclamant syndicat autonome, puis constituer une autre centrale.

§ 2 – Les traits du syndicalisme burkinabè


352. Le syndicalisme burkinabè peut être caractérisé par un certain nombre de
traits dont : la constance du pluralisme, les divisions sur des bases doctrinales, d’où
une certaine politisation, la prévalence du syndicalisme dans la fonction publique et
une certaine faiblesse tenant à divers facteurs dont l’étroitesse du marché des
adhérents potentiels, les salariés.

1 Sur les divergences de conceptions ayant été à l’origine de la création de la CGTB, voyez l’interview de M. Touré
Soumane, ancien secrétaire général de la CSB, in Observateur dimanche n° 133 du 10 au 16 juillet 1998, pp. 4 à7.
2 V. Sidwaya n° 3754, op. cit. Les autres syndicats autonomes relèvent principalement de la fonction publique:

Syndicat autonome de l’administration générale (SAPAG), Syndicat autonome des magistrats burkinabè
(SAMAB), Syndicat des magistrats du Burkina (SMB), Syndicat burkinabè des magistrats (SBM), Syndicat
national des agents de la justice (SYNAJ), Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEAB, qui a
quitté la CSB), Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base (SYNATEB, issu d’une scission du
SNEAB), Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC), Syndicat autonome du
personnel du ministère des affaires étrangères (SAMAFET), Syndicat national des travailleurs de la douane
(SYNATRAD), Syndicat autonome des infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB), Syndicat autonome des
travailleurs de l’action sociale et de la famille (SYNTAS), Syndicat autonome des travailleurs de l’administration
financière (SYNATRAF), Syndicat national des agents du cadre des affaires économiques (SYNACAB), Syndicat
national des travailleurs de la planification et de la coopération (SYNTPC). A ces syndicats autonomes s’ajoutent
généralement les syndicats de base des centrales syndicales.

310
1° - Le pluralisme syndical est une des constantes du syndicalisme burkinabè.
Il n’y a pas eu de période de syndicat unique, bien qu’il y ait eu une brève période de
parti unique par interdiction des autres partis (1960-1966) ou gel de l’activité des
partis politiques (1966 à 1969) et qu’il semble y avoir eu une velléité de création d’un
syndicat unique dans les années 1970. Ce pluralisme a constitué une force pour le
mouvement syndical, en ce qu’il a contribué à sauvegarder l’autonomie des syndicats
par rapport aux pouvoirs politiques. Il a aussi contribué à préserver de manière
générale le pluralisme politique en offrant un refuge aux activités politiques dans les
périodes où les activités des partis politiques sont interdites ou gelées. Mais ce
pluralisme a pour envers un éparpillement des syndicats qui se partagent un marché
étroit de salariés publics et privés faiblement syndiqués.

2° - Le deuxième trait du syndicalisme burkinabè - provenant de l’héritage


français- est la division reposant sur les divergences doctrinales et l’alliance plus ou
moins ouverte entre partis politiques et syndicats, ainsi que le clivage entre
syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste. Si les étiquettes
révolutionnaires ou réformistes sont souvent ouvertement revendiquées (ex. USTB,
CSB, CGTB, qui se proclame révolutionnaires), les alliances ou affinités avec les
partis politiques sont plutôt niées mais apparaissent comme une donnée constante. Par
exemple : la CNTB était dès le début proche du RDA ou de cette sensibilité, l’USTB
proche du MLN ou FPV, comme la CSB et la CGTB sont proches des courants
révolutionnaires (PAI, PCRV). Ces alliances ou affinités ne sont pas en soi
condamnables : en favorisant le pluralisme syndical, elles ont par là permis au
syndicalisme burkinabè de résister au désir des pouvoirs politiques de se subordonner
les syndicats. C’est en ce sens, une des forces du pluralisme syndical parce que celui-
ci est une garantie de l’autonomie par rapport au pouvoir d’Etat ou au pouvoir
patronal (dans une certaine mesure). Les positions doctrinales et politiques, qui sont
un facteur de combativité, peuvent contribuer au déclin d’un syndicat en fonction des
bouleversements politiques : ainsi, après le 3 janvier 1966, l’USTV (USTB) et la
CNTV (CNTB) dont les leaders peuvent être considérés comme les tombeurs de la
première république, connaîtrons une baisse de combativité par rapport à l’OVSL
(ONSL). ; La CSB, qui était le syndicat le plus proche du mouvement communiste et
le plus combatif dans la décennie 1974-1984, pâtira des alliances et divorces de ses
leaders avec le CNR et connaîtra une baisse de cohésion et de mobilisation au profit
de la CGTB, sa rivale immédiate dans le milieu marxiste1.

3° - Mais à l’inverse, ces alliances et affinités sont aussi cause de faiblesse, qui
constitue le troisième trait que l’on peut relever. La cristallisation des alliances et

1 Ces étiquetages ne peuvent évidemment pas être appréciés par les intéressés, au nom de l’apolitisme officiel du
syndicat ou de prétendus risques de répression. Mais le communisme a droit de cité au Burkina Faso (les deux
tendances du PAI s’en réclament et participent à des élections) et la clandestinité relève plus de la stratégie
politique que d’un risque de répression. Par ailleurs, les naissances de la CSB puis de la CGTB sont intimement
liées à l’évolution du courant révolutionnaire marxiste au Burkina Faso, dans sa lutte contre le courant réformiste
(du MLN notamment qui se réclamait de la social démocratie) et dans les scissions internes au sein du courant
marxiste au milieu des années 1970-1980.

311
affinités politiques rend pratiquement impossible toute tentative de réaliser un
optimum d’unification des syndicats ou même une unité d’action autre que
sporadique. Elle est même souvent à l’origine des scissions et de la multiplication du
nombre des centrales syndicales et des syndicats autonomes : les luttes pour le
contrôle du syndicat par les partis politiques légaux ou clandestins et les querelles de
personnes pour le leadership, qui s’y greffent ou s’expriment indépendamment,
aboutissent à des scissions ou des exclusions réciproques. Ce phénomène de
scissiparité est d’autant plus inéluctable que les syndicats révolutionnaires tolèrent
difficilement l’expression plurielle au sein d’une organisation. A cet égard, le paysage
syndical ressemble étrangement au paysage des partis politiques. L’éparpillement des
syndicats devient une cause de faiblesse.

353. A la faiblesse due à l’inefficacité de l’éparpillement (nombre) s’ajoutent


deux autres causes : la faiblesse des effectifs des adhérents et la faiblesse financière.
Ces deux éléments sont difficiles à quantifier, les intéressés eux-mêmes se refusant à
un minimum de transparence : ils n’avancent pas ouvertement leur nombre
d’adhérents.

Mais parler de faiblesse des syndicats ne signifie pas une incapacité à


mobiliser pour les actions données tels des mouvements de grève. La faiblesse en
effectifs d’adhérents peut même contraindre à l’activisme et à la surenchère dans les
revendications Par contre, elle limite leurs capacités à diversifier les activités et à
intégrer les autres dimensions de leurs missions, comme par exemple, les négociations
collectives, la création et la gestion d’œuvres sociales. Or le syndicat ne pourra jouir
pleinement le rôle progressif qui lui revient dans les relations collectives de travail que
s’il se montre efficace sur les deux tableaux des négociations collectives pacifiques et
de l’affrontement par l’exercice du droit de grève.

En outre, les syndicats sont beaucoup plus présents dans la fonction publique
et le secteur public, même si l’essor du secteur privé dans ces dernières décennies
permet une plus grande possibilité d’extension vers ce secteur. La prédominance du
syndicalisme de la fonction publique et du secteur public peut expliquer en partie la
forte politisation des syndicats : en plus de la confusion entre personnel politique et
personnel syndical et de l’instrumentalisation des syndicats dans la lutte politique, la
plus grande part des actions de revendication s’adressent à l’Etat qui est leur plus gros
employeur. Les mécanismes de régulation des rapports travailleurs et employeurs ne
peuvent, dans ces conditions, être véritablement mis en œuvre.

SECTION III – LE STATUT DU SYNDICAT


354. Le syndicat est défini comme « une association constituée pour la défense
des intérêts professionnels de ses membres ». Il se distingue des autres associations
par son objet : la défense des intérêts professionnels. Cet objet le démarque des
sociétés de personnes, des clubs et partis politiques, par exemple. Il lui confère un
312
régime juridique plus souple que celui des autres associations. Selon l’article 252
C.trav., « les syndicats professionnels ont pour objet la promotion et la défense des
intérêts matériels, moraux et professionnels de leurs membres ».

L’article 253 C.trav. autorise les travailleurs ainsi que les employeurs à
« constituer librement des syndicats professionnels regroupant les personnes exerçant
la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes concourant à
l’établissement de produits déterminés… ». Le principe est donc celui de la libre
constitution des syndicats. L’exercice de ce principe est assorti de conditions de fonds
et de formes qui sont souples, ainsi qu’à des règles d’organisation presque totalement
libres (§2). Par ailleurs la liberté syndicale ne s’arrête pas à la libre création : elle
impose des attitudes aux partenaires du syndicat et au syndicat lui-même (§2).

§ 1 - La constitution de syndicat
355. La constitution d’un syndicat obéit à des conditions de fond et de forme
relativement simples à remplir. L’organisation du syndicat n’est pratiquement pas
réglementée.

A – LES CONDITIONS DE FOND

Les conditions de fond sont relatives à la composition du syndicat et à la


capacité de ses membres.

1) La composition du syndicat

La première condition de fond pour la validité du syndicat est relative à sa


composition : le syndicat doit réunir les membres d’une même profession, de métiers
similaires ou de professions connexes. Ce critère, qui ressort de l’article 253 C.trav.,
est entendu de manière très large : sont considérées comme relevant d’une même
profession, les professions qui sont similaires (tels que la boulangerie et la pâtisserie,
la boucherie et la charcuterie ou, dans la construction, les charpentiers, les
menuisiers…) ou connexes (par exemple : dans la presse, les typographes, les
journalistes, les livreurs ; dans les travaux publics, les maçons, les plombiers, les
peintres, les vitriers… ; dans l’hôtellerie et le tourisme : l’hôtellerie, la restauration,
les agences de voyages…).

L’exercice d’une profession est une condition essentielle parce qu’elle est liée
à l’objet du syndicat. L’article 258 C.trav. autorise toutefois les personnes qui ont
cessé d’exercer leur fonction ou leur profession à continuer à faire partie d’un
syndicat, sous réserve d’avoir exercé la profession au moins un an. L’objet du
syndicat étant de défendre des intérêts matériels et moraux professionnels, les
personnes qui se donnent pour but de défendre des intérêts autres que professionnels

313
doivent avoir recours à une autre formule d’association1. Les chômeurs, les sans
emploi, les retraités, ne peuvent constituer des syndicats même s’ils peuvent se
regrouper en association. Les syndicats d’étudiants et d’élèves bénéficient de ce statut
par extension, bien que les élèves et étudiants n’exercent pas une activité
professionnelle. Le critère de l’exercice d’une même profession interdit en principe la
constitution d’un syndicat purement territorial, mais pas celle d’unions ou de
fédérations de syndicats2.

2) La capacité des membres

La seconde condition tient à la capacité des membres du syndicat. Les


personnes physiques majeures peuvent constituer un syndicat. Les mineurs âgés d’au
moins 15 ans peuvent adhérer aux syndicats sauf opposition de leur père, mère ou
tuteur3. Les membres dirigeants du syndicat doivent en principe être de nationalité
burkinabè. Ils doivent jouir de leurs droits civils et ne doivent pas avoir subi de
condamnation entraînant la suppression du droit de vote4.

Les étrangers peuvent adhérer au syndicat mais ils ne peuvent être dirigeants
du syndicat que s’ils sont ressortissants d’un Etat avec lequel ont été passés des
accords d’établissement stipulant la réciprocité en matière de droit syndical5.
Toutefois, l’al. 3 de l’article 264 C.trav. introduit une dérogation générale plus
favorable6 : les travailleurs non nationaux peuvent accéder aux fonctions de dirigeants
syndicaux après avoir résidé de manière continu pendant cinq ans au moins au
Burkina Faso. Seule une condition de délai de résidence continue est exigée : par
exemple, l’étranger qui a fait ses études au Burkina Faso pendant cinq ans et qui y a
trouvé un emploi peut être membre dirigeant d’un syndicat.

B – LES CONDITIONS DE FORME

356. Les conditions de forme de la constitution d’un syndicat sont


essentiellement de deux ordres : l’adoption des textes constitutifs et leur dépôt ainsi
que la liste des membres dirigeants auprès de l’autorité administrative.

Chaque syndicat doit élaborer ses statuts et son règlement intérieur, c’est-à-
dire définir les règles qui régissent son organisation et son fonctionnement. Les
statuts, le règlement intérieur, le procès-verbal de la réunion constitutive et la liste des
1 ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 319.
2 V. l’art. 271 C.trav. relatif aux unions au niveau local, régional ou national.
3 Art. 257 C.trav.
4 Art. 264 C.trav.
5 V. la convention d’établissement et de libre circulation des personnes entre le Burkina Faso et le Mali, signée le

30 septembre 1969, op. cit.


6 Le code de 1992 (art. 159 al. 3) autorisait des dérogations à la condition de nationalité, accordées par le ministre

chargé des libertés publiques aux syndicats d’employeurs et de travailleurs, après avis du ministre chargé du
travail. Ce système de dérogation au cas par cas était très lourd surtout pour le travailleur prétendant à une fonction
de direction dans le syndicat.

314
dirigeants doivent être déposés à la mairie ou au siège de la circonscription
administrative où le syndicat est établi, et copie des statuts doit être adressée à
l’inspecteur du travail et au procureur du Faso1. La déclaration doit être accompagnée
d’une demande manuscrite signée par deux fondateurs au moins, de trois exemplaires
des statuts, du règlement intérieur et du procès-verbal de la réunion constitutive signés
et légalisés, et de trois exemplaires signés et légalisés de la liste nominative de ceux
qui, à un titre quelconque, sont chargés de la direction du syndicat. Les
renouvellements des membres dirigeants et les modifications des statuts et règlement
intérieur doivent également faire l’objet de déclaration.

Le code de 2004 entend se placer pleinement dans le système déclaratif, du


point de vue de la légalité du syndicat. Le code de 1992 était à mi-chemin entre le
système de la reconnaissance de l’existence et le système de la déclaration. Selon
l’article 152 du code de 1992, « le syndicat n’a d’existence légale qu’après sa
déclaration préalable auprès du ministre chargé des libertés publiques ou de l’autorité
administrative compétente de la localité.. ». Cette disposition n’a pas été reprise parce
qu’elle semblait faire dépendre l’existence du syndicat d’une « reconnaissance » par
l’Etat.

Cette question touche aux relations entre le syndicat et les pouvoirs publics ou
en d’autres termes, à l’exercice de la liberté syndicale.

C – L’ORGANISATION DU SYNDICAT

357. Le principe est la liberté d’organisation et de fonctionnement du syndicat.


Celui-ci élabore librement ses statuts, élit ses représentants et organise librement la
gestion et les activités2. La loi n’impose pas de règles de structuration. Les quelques
dispositions relatives à l’organisation visent plutôt à préciser des libertés dont
jouissent les syndicats ou la protection dont bénéficient les dirigeants.

Ainsi les syndicats sont libres de créer dans les entreprises des comités
syndicaux et de désigner des délégués syndicaux. Ils peuvent créer dans les zones des
sections syndicales. La structuration concrète du syndicat dépend souvent de son
envergure. Par exemple, un « syndicat maison » ou propre à une entreprise (ex.
syndicat des cheminots) ne sera pas structuré de la même façon qu’un syndicat qui
couvre une branche d’activité ou une profession (ex. syndicat des gens de maison ou
des transporteurs routiers).

Par ailleurs, les syndicats peuvent se regrouper au niveau local, régional ou national
en unions, fédérations ou centrales syndicales. Les seules conditions sont que les
syndicats professionnels membres soient régulièrement constitués, que les statuts

1Art. 261 et 263 C.trav.


2 V. l’article 3 de la convention OIT n° 87 de 1948 sur la liberté syndicale, ratifiée le 21 novembre 1960, Code
social, p. 309 .

315
précisent les règles selon lesquelles les syndicats adhérents à l’union seront
représentés dans les organes dirigeants et que soient accomplies les formalités de
déclaration et de dépôt des textes et listes des dirigeants conformément aux
dispositions des articles 252 à 268 C.trav. Ces unions de syndicats bénéficient des
droits et devoirs reconnus aux syndicats professionnels (art. 272 C.trav.).

§ 2 - La liberté syndicale
358. Le Code du travail proclame la libre constitution du syndicat, ce qui veut
dire que les syndicats se constituent et exercent librement leurs activités. Ce principe
de liberté prévaut à trois niveaux : dans les rapports entre le syndicat et l’Etat ; dans
les rapports entre le syndicat et l’employeur ; et dans les rapports entre le travailleur et
le syndicat lui même.

A – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT ET L’ETAT

359. A l’égard de l’Etat, la liberté syndicale se caractérise par le fait que le


contrôle de l’Etat doit se limiter à l’accomplissement des formalités de constitution.
Le régime de liberté veut que l’existence du syndicat ne soit pas liée à une
reconnaissance par l’Etat : le syndicat, dans le cadre libéral, est seulement soumis au
régime de la déclaration préalable. Ce régime signifie que le syndicat acquiert pleine
capacité juridique dès sa déclaration d’existence à l’administration.

Les codes antérieurs contenaient quelques dispositions restrictives. Ils


empruntaient formellement au régime de la déclaration préalable tout en maintenant
les traits du régime de la reconnaissance préalable. Le code du travail de 1992, par
exemple, était très détaillé sur la constitution du syndicat. Il consacrait en réalité la
pratique instaurée par l’administration. En effet, l’article 152 de ce code disposait que
« le syndicat n’a d’existence légale qu’après sa déclaration préalable auprès du
Ministre chargé des libertés publiques ou de l’autorité administrative compétente de la
localité…». L’article 154 accordait à ce ministre la possibilité de refuser de délivrer le
récépissé de déclaration dans deux cas :
- Lorsque les statuts n’étaient pas conformes à l’objet du syndicat ou à la
législation en vigueur ;
- Lorsque les membres de la direction du syndicat ne répondaient pas aux
conditions de nationalité ou ne jouissaient pas de leurs droits civils ou civiques1. De
même, l’article 157 ancien prévoyait que le ministre pouvait, dans certains cas,
annuler l’enregistrement du syndicat (ex. récépissé obtenu par fraude, syndicat qui ne
remplit plus les conditions requises par la loi, dissolution du syndicat).

Ce régime de contrôle a priori était susceptible de se transformer en une


importante limitation à la libre constitution des syndicats, et, surtout, n’était pas

1 Cf. art. 159 ancien.

316
conforme à la convention OIT n° 87, même si, en pratique, mis à part le délai plus ou
moins long d’obtention du récépissé de déclaration, il ne semble pas y avoir eu
d’incident de remise en cause de l’existence d’un syndicat.

Le code de 2004 instaure un régime juridique proprement déclaratif. L’article


267 renforce le principe de libre constitution en disposant que « les syndicats
professionnels, constitués conformément aux dispositions de la présente loi, jouissent
de la personnalité civile ». On peut considérer que la délivrance du récépissé est une
preuve de l’accomplissement de la formalité de déclaration d’existence et non pas une
condition de l’existence légale du syndicat. Surtout, l’article 267 enlève à
l’administration le pouvoir de refuser de délivrer le récépissé, de suspendre ou de
dissoudre le syndicat par acte administratif : « l’administration ne peut prononcer ni la
suspension, ni la dissolution des syndicats de travailleurs et d’employeurs. Leur
dissolution ne peut intervenir que par voie judiciaire ». La procédure de dissolution
judiciaire n’est pas indiquée alors qu’il aurait fallu au moins préciser qui peut prendre
l’initiative de la dissolution judiciaire.

B – DANS LES RAPPORTS AVEC L’EMPLOYEUR

360. A l’égard de l’employeur, la liberté syndicale se traduit par l’interdiction


faite à l’employeur : de prendre en considération l’appartenance ou non d’un
travailleur à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale dans ses décisions en ce
qui concerne notamment, l’embauche, la conduite et la répartition du travail, la
formation professionnelle, l’avancement, la rémunération, l’octroi d’avantages
sociaux, les mesures de discipline et de congédiement1 ; et d’exercer des moyens de
pression en faveur ou contre un syndicat2. Cette interdiction est assortie de sanctions
civiles et pénales. En outre, les membres dirigeants du syndicat bénéficient, dans
l’entreprise, de la protection accordée au délégué du personnel3.

De manière positive, le législateur attend de l’employeur qu’il associe les


syndicats à la vie de l’entreprise et accorde aux syndicats un rôle consultatif général :
selon l’article 270, « les syndicats doivent être consultés sur tous les différends et
toutes les questions se rattachant à la profession ou à la branche d’activité. Dans les
affaires contentieuses, les avis des syndicats sont tenus à la disposition des parties qui
peuvent en prendre communication et copie ». Cette disposition s’adresse aux rapports
généraux entre organisation de travailleurs et organisation d’employeurs, de même
qu’à l’Etat, mais s’applique aussi aux rapports internes à l’entreprise entre
l’employeur et les syndicats de l’entreprise. Cette obligation de consultation est
d’ailleurs précisée dans les dispositions relatives à la représentation des travailleurs
dans l’entreprise.

1 Art. 254 C.trav..


2 Art. 255 C.trav..
3 Cf. l’art. 260, relatif aux membres du bureau du comité syndical et l’article 265 relatif au délégué syndical.

317
C – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT
ET LE TRAVAILLEUR

361. Dans les rapports entre le syndicat et ses membres, la liberté syndicale a
pour corollaire la liberté pour le travailleur (ou l’employeur) d’adhérer au syndicat ou
de ne pas y adhérer1 et celle de se retirer à tout moment nonobstant toute clause
contraire (art. 259 al 1). Elle exclut la pratique américaine de la clause insérée dans la
convention collective ou l’accord d’établissement selon laquelle l’employeur
n’engagera que des ouvriers syndiqués (closed shop) ou s’engageant à adhérer au
syndicat (union shop), ou celle de l’utilisation du label syndical (imposé par contrat
pour la mise en vente des produits) comme moyen de pression sur l’employeur en vue
d’obtenir un monopole d’adhésion. De telles pratiques sont contraires à l’art. 254 C.
trav. Le principe de liberté implique aussi, pour le travailleur, la liberté d’obéir ou de
ne pas suivre un mot d’ordre du syndicat. Il s’agit de la protection des droits
fondamentaux individuels contre les organisations syndicales. Ces droits individuels
sont souvent mis à mal par les pratiques de mise à l’index, d’occupation d’usine ou, au
contraire de lock-out offensif. Il est rare, sauf dans les mouvements étudiants, que des
syndicats de travailleurs obligent à suivre leurs mots d’ordre par la violence physique.

SECTION IV - L’ACTIVITE DU SYNDICAT


362. L’activité du syndicat est régie par le principe de la spécialité. Selon
l’article 252 C.trav., « les syndicats professionnels ont pour objet la promotion et la
défense des intérêts matériels, moraux et professionnels de ses membres ». La
spécialité du syndicat est donc la défense des intérêts de la profession et de ses
membres. Bien que cet article ait abandonné l’expression « ont exclusivement pour
objet… », qui était faussement redoutable, il n’en demeure pas moins que ce principe
emporte des conséquences. Les domaines d’action du syndicat est en réalité très large.
La promotion et la défense des intérêts des membres et de la profession couvre trois
aspects : les activités économiques et sociales, qui sont surtout des actions de
promotion ; l’action en justice ; et les actions revendicatives ou de pression sur les
partenaires (employeurs et Etat).

§ 1 – Le principe de spécialité du syndicat


363. On entend par principe de spécialité l’idée que le syndicat doit se
conformer à son objet, qui est la promotion et la défense des intérêts de ses membres.
Ce principe exclut que le syndicat se donne pour objet la poursuite de certaines
activités :

- Il ne peut se livrer à des activités lucratives, sauf si ces activités prennent le


caractère d’une entraide à ses membres et entrent dans le cadre de la promotion ou de

1 Art. 253 al. 2.

318
la défense des intérêts de la profession (création de mutuelle, de coopérative, etc.).
Dans le cas des mutuelles ou des coopératives, l’on considère que la réalisation de
bénéfice est accessoire et ne vise qu’à assurer la survie de l’activité de promotion ;

- Il ne peut se livrer à des activités politiques ou religieuses. Toutefois il n’est


pas exclu que le syndicat ait des options politiques et agissent comme un groupe de
pression sur le terrain politique. Ce principe signifie qu’il ne peut, par exemple,
présenter des candidats à des élections politiques locales ou nationales. Il faut avouer
que la distinction entre activités politiques et activités professionnelles est très délicate
à faire. Des exemples célèbres montrent des cas de syndicats qui ont eu un rôle
déterminant dans les évènements politiques de pays : en Pologne par exemple où le
syndicat solidarité a conquit le pouvoir et surtout contribué à la chute du
communisme ; Au Chili, à l’inverse, où les grèves des transporteurs ont contribué au
coup d’Etat de Pinochet qui a renversé le gouvernement de gauche démocratiquement
élu de Salvador Allende ; et même au Burkina Faso où les grèves du 3 janvier 1966
ayant provoqué la chute du premier gouvernement sont commémorées par
l’inscription sur la liste des fêtes légales chômées et payés. Sur l’appréciation positive
ou négative de ce rôle, tout dépend du côté où on est assis. Mais se refuser à cette
différenciation, c’est abolir la justification du statut protecteur du syndicat par rapport
aux autres associations. Si le syndicat peut se confondre au parti politique, pourquoi
obliger l’employeur à consulter des sections de partis politiques dans l’entreprise ? Et
pourquoi accorder des libertés d’activités à ces sections dans l’entreprise et une liberté
de tons aux dirigeants dans les rapports avec l’employeur ?

En fait, la difficulté de différenciation entre activité politique et activité à objet


professionnel est fonction du niveau de rapports envisagé. Dans les rapports avec
l’employeur, il est évident que le syndicat commet une illégalité en déclenchant des
actions de grève, par exemple, en considération de l’appartenance ou des idées
politiques de l’employeur, ou en organisant des réunions ou des communications d’un
parti politique dans l’entreprise. Il ne pourra pour le moins bénéficier des libertés et
des tolérances accordées pour les activités syndicales. La difficulté de différenciation
apparaît avec les actions qui transcendent l’entreprise et les rapports entre employeurs
privés et travailleurs. Il en est ainsi des grèves ou manifestations impliquant les
rapports avec l’Etat : manifestation contre la politique économique et sociale, ou
placée sous le sceau de la défense de la démocratie et des droits humains. La part du
politique et de la défense d’intérêts professionnels devient inextricable. Le principe de
spécialité ne peut plus être d’interprétation stricte. La liberté de manifestation et
d’expression prend le pas sur l’analyse de l’objet de l’action.

Hormis les restrictions plus ou moins effectives que commande le principe de


spécialité, le domaine d’action du syndicat est très étendu.

319
§ 2 – Les domaines d’action du syndicat
364. Les activités du syndicat en vue de la défense des intérêts de la profession
et de ses membres peuvent se situer à plusieurs niveaux (hors de l’entreprise ou au
sein de l’entreprise), et vont de l’intervention économique et sociale en faveur de ses
membres et de la profession, à l’engagement conflictuel avec les partenaires sociaux,
en passant par l’action participative en matière d’élaboration de la réglementation
(signature de conventions collectives, participation dans des commissions
consultatives).

A – LES ACTIVITES ECONOMIQUES ET SOCIALES DU SYNDICAT

365. Le syndicat peut, dans le cadre de l’entraide entre ses membres ou de la


promotion de la profession, exercer des activités de caractère lucratif ou non lucratif.
Ainsi, suivant l’article 269 points 3 et 4, les syndicats peuvent :
- créer, administrer ou subventionner des œuvres telles que : institutions de
prévoyance ; caisses de solidarité ; laboratoires ; champ d’expérience ; œuvres
d’éducation scientifique, agricole ou sociale ; cours et publications intéressant la
profession ;
- subventionner des sociétés coopératives de production ou de consommation
ainsi que toutes institutions publiques ou privées présentant un intérêt pour les
travailleurs ;
- passer des contrats ou conventions avec tous les autres syndicats, sociétés,
entreprises ou personnes.

Ces possibilités sont peu exploitées par les syndicats burkinabè, pour partie à
cause de leurs faiblesses financières et en adhérents, mais aussi, pour partie, par
répugnance idéologique : accorder un grand intérêt à ces questions est perçu comme
de « l’économisme », c’est-à-dire mettre l’accent sur les revendications économiques
en rejetant en second plan la transformation de la société. On peut toutefois relever le
succès des « écoles populaires », ou « cours du soir », œuvres d’éducation gérées par
les syndicats d’enseignants.

B - L’ACTION EN JUSTICE

366. L’action en justice est un des aspects de la défense de la profession et de


ses membres. La capacité d’agir en justice est de façon générale reconnue à toute
personne morale. Mais la capacité d’agir en justice du syndicat est plus étendue que
celle des autres associations. Cette capacité d’agir en justice recouvre plusieurs
aspects :

1° - Le syndicat peut, comme toute personne morale, exercer les droits attachés
à la personnalité morale, pour la défense du groupement. Dès qu’ils sont
régulièrement constitués, les syndicats acquièrent la personnalité civile et, aux termes

320
de l’article 268 C.trav., « ont le droit d’ester en justice, d’acquérir sans autorisation, à
titre gratuit ou onéreux, des biens ». Il peut par exemple saisir les tribunaux d’une
action en diffamation, pour un vol ou une escroquerie dont il est victime.

2° - Le syndicat peut agir en justice en tant que représentant d’un de ses


membres, à condition d’avoir reçu un mandat écrit1. Cette possibilité découle de
l’article 312, al. 2, C.trav. qui stipule que les partis en litige devant le tribunal du
travail peuvent se faire assister ou représenter soit par un travailleur ou un employeur
appartenant à la même branche d’activité, soit par un avocat, soit par un représentant
des organisations syndicales auxquelles elles sont affiliées.

3° - Le syndicat peut ester en justice pour la défense des intérêts collectifs de la


profession. C’est ce que l’on appelle « l’action syndicale » par opposition à l’action
individuelle examinée ci-dessus. Cette hypothèse est prévue par l’article 269 point 1
qui dispose que les syndicats peuvent « exercer devant toutes les juridictions tous les
droits réservés à la partie civile relatifs aux faits portant un préjudice direct ou indirect
à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». Il peut, par exemple, agir
devant les juridictions pénales contre l’employeur pour entrave aux fonctions de
délégué du personnel ou du délégué syndical, en cas de licenciement de celui-ci. Dans
l’hypothèse de l’article 269, le syndicat peut, soit intervenir dans une instance engagée
par un de ses membres, soit saisir lui-même la juridiction compétente2.

En France, on relève une quatrième possibilité d’action en justice offerte au


syndicat. Celui-ci, contrairement au principe qui veut que nul ne plaide par procureur,
est, dans certains cas, habilité à exercer des actions individuelles. Il peut spontanément
se substituer à un de ses membres pour agir en justice si celui-ci néglige de se
défendre. Mais cette possibilité n’est ouverte au syndicat que quand l’action ouverte à
l’individu est née d’une convention collective ou d’un accord conclu par le syndicat
en faveur de ses membres. En ce cas, il faut que le travailleur ait été préalablement
informé par le syndicat de sa volonté d‘agir et que le travailleur ne s’y oppose pas 3. Il
y est aussi admis que le syndicat peut se substituer au travailleur à domicile pour agir
en justice.

C - L’ACTION REVENDICATIVE OU DE PRESSION

367. Les revendications sont les formes premières et principales, en tout cas les
plus visibles, de l’action du syndicat. Dans le cadre de l’entreprise, l’action du
syndicat de travailleurs pour la défense des intérêts matériels et moraux de ses

1 Cf. article 312, al. 4, C.trav.


2 V. C. S. Ch. adm., 14 septembre 2001, Syndicat burkinabè des magistrats (SMB), et sept autres magistrats c/ Etat,
in S. YONABA, Les grandes décisions de la jurisprudence burkinabè, Droit administratif, p. 252 (recours pour
excès de pouvoir intenté par le syndicat et sept autres magistrats contre un décret d’affectation de magistrats).V.
également, pour la France, Crim. 7 oct. 1959, D. 60 p. 294 note Verdier, GADT, 2 e édit., n°34.
3 Soc. 12 mars 1969, D. 1969 sommaire, p. 123 ; soc. 2 février 1977, D. 1977, p. 116.

321
membres peut prendre une forme pacifique ou une forme violente ou plus exactement,
d’épreuve de force.

Elle emprunte la forme pacifique à travers les négociations avec l’employeur


ou le rôle d’intermédiaire que le syndicat joue entre l’employeur et le travailleur, la
participation dans des organismes, sous réserve du rôle dévolu au délégué du
personnel. Le syndicat peut présenter des revendications du travailleur et même faire
des suggestions à l’employeur pour la bonne marche de l’entreprise. Depuis le code de
1992, le législateur a l’élargi les possibilités d’action participative des syndicats en
autorisant, en l’article 260 du code de 2004, tout syndicat professionnel régulièrement
constitué à créer un comité syndical dans les établissements comptant au moins 11
salariés, et une section syndicale dans chaque zone où il compte des adhérents. Le
comité syndical assure la représentation du syndicat au niveau de l’établissement, et la
section syndicale assure sa représentation au niveau de la zone.

L’action du syndicat emprunte la forme violente ou d’épreuve de force par


l’exercice du droit de grève que nous analyserons dans le titre IV concernant les
relations collectives de travail. Cette capacité d’action s’exprime dans l’entreprise par
l’entremise de ses représentants.

322
323
CHAPITRE II - LA REPRESENTATION DU PERSONNEL
DANS L’ENTREPRISE
368. Au sein de l’entreprise, la représentation institutionnelle du personnel est
assurée par le délégué du personnel, qui a reçu une mission particulière
d’intermédiation quotidienne auprès de l’employeur pour le compte des travailleurs.
L’institution du délégué du personnel ne vise pas à occulter le rôle du syndicat, mais
au contraire vise à formaliser et organiser la représentation du personnel lorsqu’il y a
plusieurs syndicats dans l’entreprise ou même lorsqu’il n’ y a pas de syndicat dans
l’entreprise. Depuis le code de 1992, outre le délégué du personnel, la place des
représentants des syndicats a été mieux précisée à travers la possibilité de créer des
comités syndicaux bénéficiant du statut protecteur de représentant des travailleurs. Le
code de 2004 consacre une autre institution qui existait de fait, le délégué syndical, si
bien que la représentation des travailleurs auprès de l’employeur au sein de
l’entreprise est assurée par trois types d’institutions : le délégué du personnel, les
délégués des travailleurs au comité de santé et de sécurité et les organes facultatifs que
sont le délégué syndical et le comité syndical. Par ailleurs, dans les entreprises
publiques, les travailleurs peuvent être représentés dans les organes de gestion tels que
le conseil d’administration ou l’organe faisant fonction de comité de surveillance. On
se limitera ici aux institutions principales de représentation : le délégué du personnel,
d’une part, le comité syndical et le délégué syndical, d’autre part.

SECTION I - LE DELEGUE DU PERSONNEL1

369. Le délégué du personnel est le représentant des travailleurs dans le cadre


de l’entreprise ou de l’établissement. Si le code du travail précise les missions et le
régime de protection du délégué, il renvoie, en ce qui concerne le mode de
désignation, au pouvoir réglementaire.

§ 1 – La désignation du délégué du personnel


La question de la désignation du délégué du personnel recouvre deux aspects :
le champ d’application de l’obligation de désigner un délégué du personnel et la
procédure de désignation du délégué.

A – LE CHAMP D’APPLICATION

370. La désignation d’un délégué du personnel est obligatoire dans tout


établissement où sont occupés plus de dix (10) travailleurs 2. Le cadre de

1
V. les articles 277 à 284.
2V. l’article 1er de l’arrêté n°94-007/ETSS du 03 juin 1994 sur les délégués du personnel, J. O. BF. Du 21 juillet
1994, p. 1322, Code social, p. 162. L’arrêté antérieur n° 557 du 9 septembre 1970 sur les délégués du personnel
(Recueil annoté, annexe n° 90) précisait que les établissements d’une même entreprise peuvent être regroupés pour

324
représentation est donc l’établissement et non pas l’entreprise, sauf si l’entreprise ne
comprend qu’un seul établissement.

Le nombre de délégués du personnel dans une entreprise ou un établissement


varie en fonction de l’effectif du personnel. L’article 2 de l’arrêté du 3 juin 1994 fixe
les fourchettes suivantes :

- de 11 à 25 travailleurs 1 délégué titulaire et 1 suppléant


- de 26 à 50 travailleurs 2 délégués titulaires et 2 suppléants
- de 51 à 100 travailleurs 3 délégués titulaires et 3 suppléants
- de 101 à 250 travailleurs 5 délégués titulaires et 5 suppléants
- de 251 à 500 travailleurs 7 délégués titulaires et 7 suppléants
- de 501 à 1000 travailleurs 9 délégués titulaires et 9 suppléants
Plus de 1000 travailleurs 1 délégué et 1 suppléant par tranche de
500 travailleurs.

Les effectifs à prendre en considération pour la mise en œuvre de l’obligation


sont établis de manière très large par l’article 3 de l’arrêté. Il s’agit des travailleurs
occupés habituellement dans l’établissement : les salariés sous contrat à durée
déterminée ou indéterminée, les apprentis et les travailleurs engagés à l’essai, les
salariés à temps partiel à condition que la durée du travail soit égale ou supérieure à 20
heures par semaine ou 85 heures par mois, les journaliers engagés de façon assez
régulière pouvant totaliser six mois de travail dans l’établissement au cours de
l’année, ainsi que les saisonniers revenant régulièrement dans l’établissement et y
effectuant des périodes régulières de travail atteignant six mois au cours d’une année.
Le texte inclut les travailleurs à domicile effectuant régulièrement des travaux pour un
ou plusieurs établissement(s), les gérants et représentants liés par un contrat de travail
(même dissimulé sous une qualification inexacte) et les travailleurs collaborant à
plusieurs entreprises s’ils y consacrent la plus grande partie de leur activité ou y
perçoivent leur plus grand gain. Cette énumération large des personnes à prendre en
compte a pour avantage d’éviter que la tendance actuelle à l’externalisation n’entraîne
une trop grande réduction du nombre d’entreprises soumises à l’obligation ou une
réduction du nombre de délégués. Suivant l’article 6 de l’arrêté, dans les entreprises
nouvellement créées, l’élection des délégués est obligatoire dès la fin de la première
année d’exercice. Par contre, selon l’article 9, dans les chantiers, les élections de
délégués doivent être organisées dans le troisième mois de démarrage du chantier,
nonobstant les conditions d’ancienneté requises pour l’électorat et l’éligibilité.

atteindre le seuil de 11 travailleurs donnant droit à l’élection d’un délégué, lorsque ces établissements sont situés
dans la même localité et dans un rayon de 10 Km. Cette disposition n’a pas été reprise par l’arrêté de 1994.

325
B – LA PROCEDURE DE DESIGNATION

371. L’employeur a l’obligation d’engager la procédure de désignation de


délégués du personnel dès que les conditions requises sont réunies ou de provoquer le
renouvellement à l’échéance prévue1, en l’occurrence dans le mois qui précède
l’expiration normale du mandat des délégués en place. Il est, en effet, responsable de
l’organisation et du bon déroulement des élections, notamment de la constitution du
bureau de vote, du secret du vote et de la rédaction du procès-verbal ainsi que de la
communication de deux exemplaires à l’inspecteur du travail.

Les délégués du personnel et leurs suppléants sont élus par un collège unique2.
Ils sont élus sur des listes présentées par les organisations syndicales les plus
représentatives. Les conditions d’électorat et d’éligibilité sont les suivantes :
- Pour être électeur, il faut :
 avoir 18 ans, sans condition de nationalité ;
 totaliser 6 mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement ;
 jouir de ses droits civiques.
- Pour être éligible, il faut :
 avoir 21 ans ;
 être de nationalité burkinabè ou ressortissant d’un Etat avec lequel
il a été conclu un accord de réciprocité3 ;
 avoir travaillé dans l’entreprise pendant 12 mois de manière
continue ;
 n’être pas parent ou allié de l’employeur.

L’inspecteur du travail peut, selon l’article 18 de l’arrêté n° 94-7 du 3 juin


1994, autoriser des dérogations aux conditions d’ancienneté dans l’entreprise, après
consultation des organisations syndicales patronales et ouvrières les plus
représentatives.

Le mode de scrutin est la représentation proportionnelle à la plus forte


moyenne. Les listes ne peuvent faire l’objet de panachage mais le vote préférentiel est
autorisé : les électeurs ont le droit de rayer des noms et d’intervertir l’ordre de
présentation des candidats. Le vote par correspondance est permis mais pas le vote par
procuration. Il est organisé un deuxième tour de scrutin si le nombre de votants,

1 La jurisprudence burkinabè a eu à se prononcer sur les cas de non organisation des élections à l’échéance prévue
et considère que le mandat des délégués en place se poursuit. V. C. A. Ouagadougou, 15 avril 2003, S. A. c/
S.C.F.B., RBD n° 43-44, 2003, p. 172, observations Paul Kiemdé. V. également, C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n°63
du 18 juin 2001, Traoré B et autres c/ SCFB ; C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 73 du 18 juin 2001, Sanou Dô et
Diallo Daouda c/ SCFB ; C. A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 44 du 19 juin 2000, Keita Mariam c/ Séoul Photo.
2 Art. 4 arrêté 94-007 du 3/6/94. Sous le code antérieur à 1992, les délégués étaient élus par collèges distincts et

selon l’article 5 de l’arrêté du 9 septembre 1970, la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la
répartition des sièges entre les différentes catégories devait faire l’objet d’une accord entre le chef d’établissement
et les organisations syndicales intéressées ou, à défaut d’accord, par l’inspection du travail.
3 Exemple : convention d’établissement de 1969 entre le Mali et le Burkina Faso.

326
déduction faite des bulletins blancs et nuls (c’est-à-dire les suffrages exprimés), est
inférieur à la moitié des inscrits. En ce cas, le second tour doit avoir lieu dans les 15
jours et des candidatures autres que celles des syndicats peuvent être proposées.

Les contestations sur les élections relèvent de la compétence du président du


tribunal du travail1, qui statue en urgence et en dernier ressort. La décision du
président peut faire l’objet d’un recours en cassation.

C – LA DUREE DU MANDAT

372. Le mandat de délégué est de deux ans depuis le code de 1992. Le délégué
est rééligible. Le délégué suppléant, élu en même temps que lui et dans les mêmes
conditions, le remplace en cas d’absence motivée, de décès, de démission, de
révocation, de changement de catégorie professionnelle (dans le cadre antérieur des
élections par collèges), de résiliation de son contrat de travail ou de perte des
conditions requises pour être éligible.

Un délégué peut être révoqué sur proposition de son syndicat, approuvée au


bulletin secret par la majorité des électeurs. S’il s’agit d’un délégué qui n’a pas été
présenté par une organisation syndicale, il peut être révoqué en cours de mandat par
sur pétition écrite signée de la majorité du collège électoral et confirmé par vote secret
par la majorité du collège2.

§ 2 – Les missions du délégué du personnel


373. La désignation de délégués du personnel a pour finalité globale d’assurer
une unité de représentation du personnel auprès de l’employeur3, face à la pluralité
courante de syndicats dans l’entreprise ou même au cas où il n’existe qu’un seul
syndicat dans l’entreprise. Cette représentation est obligatoire même s’il n’existe pas
de syndicat, dès lors que l’établissement compte au moins 11 travailleurs. Pour cette
raison, il lui est accordé des moyens juridiques et matériels pour remplir cette mission.

A – LES ATTRIBUTIONS DU DELEGUE

374. L’article 283 C.trav. énumère - et donc circonscrit - les missions du


délégué du personnel en quatre aspects :

D’abord, le délégué du personnel est chargé de présenter les réclamations


individuelles ou collectives des travailleurs, sans préjudice pour le travailleur de
présenter lui-même ses réclamations à l’employeur, concernant trois domaines : les

1 Article 279 C.trav. Avant le code de 2004, la compétence était dévolue au tribunal de grande instance.
2 Art. 27 arrêté 94-7 du 3 juin 1994.
3 De ce point de vue, la double représentation par des délégués du personnel et par des délégués syndicaux recrée

la confusion sur la question de savoir qui parle au nom du personnel ou au nom du syndicat.

327
conditions de travail et la protection des travailleurs ; l’application des conventions
collectives ; ainsi que l’application des classifications professionnelles et des taux de
salaires ;

Ensuite, il est chargé de veiller à l’application des prescriptions relatives à


l’hygiène, à la sécurité des travailleurs, à la sécurité sociale, et de proposer toutes
mesures utiles à ce sujet ;

En troisième lieu, en relation avec les attributions ci-dessus, il peut saisir


l’inspecteur du travail de toute plainte ou réclamation concernant l’application par
l’employeur des prescriptions légales et réglementaires ;

Enfin, le délégué du personnel a un rôle participatif – de veille ou d’alerte


selon une terminologie à la mode - en matière de gestion, puisqu’il peut
« communiquer à l’employeur toutes suggestions tendant à l’amélioration de
l’organisation et du rendement de l’entreprise ».

Cette énumération montre que l’accent est mis sur l’application de la


législation du travail et des normes de gestion, réservant implicitement les
revendications économiques impliquant la modification du droit aux syndicats
notamment, même si cette différenciation n’est pas toujours aisée à faire.

Le délégué du personnel coopère avec les représentants des syndicats (il en est
généralement issu) pour l’accomplissement de sa mission. Il peut se faire assister d’un
représentant de son syndicat lors de ses rencontres avec l’employeur ou l’inspecteur
du travail. Cette précision est utile à la fois à l’employeur et au syndicat : l’élection de
délégués n’est pas un moyen d’écarter le dialogue avec les syndicats car l’employeur
évitera le piège de voir les décisions arrêtées en accord avec les délégués rejetées par
le ou les syndicats dont relèvent pourtant ces délégués. Le syndicat peut également,
par cette voie, suivre de près l’accomplissement de sa mission par le délégué.

B – LES MOYENS JURIDIQUES ET MATERIELS

375. Il est reconnu au délégué certains droits destinés à faciliter


l’accomplissement de sa mission dont le crédit d’heures, les facilités de
communication avec le personnel et d’audience avec l’employeur.

1) Le crédit d’heures

Le délégué du personnel a droit à un crédit d’heures de liberté de 15 h au


maximum par mois, rémunérées comme temps de travail, pour l’accomplissement des
tâches afférentes à ses fonctions. Ce temps de liberté doit être utilisé exclusivement
aux tâches afférentes à l’activité de délégué du personnel. Certaines réglementations

328
modulent ce crédit d’heures en fonction de l’effectif du personnel1. L’article 20 de
l’arrêté 94-7, en spécifiant que ce temps « ne peut excéder 15 heures par mois » sauf
convention contraire, invite à cette modulation mais il aurait mieux valu le faire
directement, quitte à ce que l’employeur accorde des temps plus favorables. Ce crédit
d’heures est mensuel et ne peut en principe se reporter d’un mois sur l’autre mois
parce qu’il n’a pas été intégralement utilisé.

2) La communication avec le personnel

Les délégués peuvent faire afficher les renseignements qu’ils ont pour rôle de
porter à la connaissance du personnel, à l’exclusion de tout autre document. Les lieux
d’affichage sont choisis par l’employeur et doivent, de préférence, se situer sur les
lieux de passage du personnel. La communication avec le personnel suppose des
contacts sur les lieux de travail. La réglementation n’en dispose pas expressément,
mais ces contacts peuvent se faire sous réserve de ne pas apporter une grande gêne au
travail. Il est des cas où la réglementation prévoit que l’information doit être donnée
aux heures de travail : lecture et traduction du nouveau règlement intérieur par
exemple. De même, les délégués du personnel peuvent diffuser des tracts
d’information en relation avec leur mission, sans perturber le travail.

3) Les audiences avec l’employeur

Les délégués du personnel doivent être reçus collectivement au moins une fois
par mois par l’employeur. Ils doivent également être reçu en cas d’urgence, sur leur
demande. Ils peuvent, d’une manière générale, demander à être reçu individuellement,
par atelier ou spécialité professionnelle, selon les questions qu’ils ont à traiter. Un
préavis de deux jours est exigé pour ces rendez-vous, sauf circonstances
exceptionnelles et, en outre, une note manuscrite exposant sommairement l’objet de la
demande d’audience doit être remise à l’employeur.

4) Le local

L’employeur doit mettre un local à la disposition des délégués pour leur


permettre de remplir leur mission, notamment se réunir2.

§ 3 – La protection du mandat de délégué


376. Le délégué du personnel court le risque d’être soumis à des pressions et
vexations ou même à des sanctions tirant leurs origines de l’animosité que
l’accomplissement de ses fonctions peut faire naître chez l’employeur. Il faut le
protéger des ces réactions possibles de l’employeur afin que sa mission ne soit pas

1 V. G. GUERY, op. cit. P. 469.


2 Art. 21 de l’arrêté 94-7 du 3 juin 1994.

329
compromise. Cette protection concerne sa carrière et la préservation de son emploi. La
protection de son emploi est poursuivie à travers deux techniques exorbitantes du droit
commun, l’autorisation de licenciement et l’obligation de réintégration en cas de
licenciement jugé injustifié.

A – LA PROTECTION DE LA CARRIERE

377. L’article 281 C.trav. (ancien art. 174) édicte un certain nombre de
mesures destinées à éviter que la carrière professionnelle du délégué ne soit influencée
par sa fonction de représentant (défavorablement ou favorablement).

D’une part, la fonction de délégué du personnel ne peut être, pour celui qui
l’exerce, une entrave à une amélioration de sa rémunération, ni à un avancement
régulier. Il ne peut être muté contre son gré sauf appréciation de l’inspecteur du
travail. Le code de 2004 ne reprend plus la disposition de l’article 174 du code de
1992 qui disait que le délégué ne peut prétendre à un traitement de faveur en dehors de
garanties que lui confère son statut, mais il semble aller de soi qu’un traitement de
faveur peut être nocif pour sa fonction ou même tomber dans la discrimination
illégale. D’une manière générale, l’activité syndicale et de représentant ne doit pas
être pris en compte par l’employeur dans les sanctions et surtout, en cas de
compression de personnel, dans le choix des personnes à licencier1.

D’autre part, et cette fois pour éviter que le délégué ne se croit soustrait à
l’autorité patronale, l’article 281, en son alinéa 2, précise que le délégué est soumis à
l’horaire normal de travail de l’établissement, ses heures réglementaires de liberté
étant imputables sur cet horaire.

B – LA PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT

378. La plus importante des règles protectrices du délégué du personnel est


celle concernant le licenciement : « tout licenciement d’un délégué du personnel
titulaire ou suppléant envisagé par l’employeur ou son représentant devra être soumis
à la décision de l’inspecteur du travail »2. En cas de faute lourde, l’employeur peut
prononcer la mise à pied provisoire de l’intéressé en attendant la décision définitive.

L’interdiction de licencier le délégué du personnel sans l’autorisation de


l’inspecteur du travail est étendue : aux candidats au poste de délégué pendant la
période comprise entre la date de remise des listes au chef d’établissement et celle du
scrutin ; et aux délégués sortants pendant la période comprise entre la fin de leur
mandat et l’expiration de trois (3) mois suivant le nouveau scrutin. L’autorisation doit

1 V. Trib. trav. Ouagadougou, 30 juin 1981, RBD n° 8, juin 1985, p. 204, note S. Yonaba.
2 Article 282 C.trav. (ancien art. 175)

330
être sollicitée quel que soit le motif du licenciement (individuel ou collectif)1 et même
en cas de fermeture de l’entreprise2. L’absence de demande d’autorisation confère en
soi au licenciement un caractère abusif, quitte à ce que le juge tienne compte
éventuellement du caractère réel et sérieux du motif du licenciement dans l’évaluation
des dommages et intérêts3.

Si une demande d’autorisation de licenciement est faite, précise le §2 de


l’article 282 C.trav., la réponse de l’inspecteur doit intervenir dans un délai de trois
mois, sauf cas de force majeure. Passé ce délai, l’autorisation est réputée accordée. Le
code de 2004 a réduit le délai de réaction de l’inspecteur, qui était de six mois, de
moitié. Cette réduction est heureuse car un trop long délai, même si l’on espère par là
se donner le temps d’apaiser la tension, prolonge aussi la période d’incertitude et de
tension. Il arrivait d’ailleurs que, malgré ce très long délai pour se prononcer,
l’inspecteur laisse écouler ce temps sans une décision expresse, comme l’attestent les
décisions publiées dans la RBD n° 41. Certains codes du travail retiennent un délai
encore plus court4.

Si l’autorisation de l’inspecteur n’est pas accordée, le délégué (ou les


personnes protégées ci-dessus) est réintégré avec paiement des salaires afférents à la
période de suspension5. Le délégué irrégulièrement licencié pourra faire constater la
nullité de l’acte et exiger sa réintégration ou des dommages et Intérêts s’il ne veut pas
être réintégré.

C – LES GARANTIES DE REINTEGRATION

379. L’efficacité de la protection du délégué dépend de l’interprétation que


l’on donne de l’obligation de réintégration et des possibilités, par conséquent, pour
l’employeur de surmonter la décision de l’inspecteur par diverses voies de recours.

Sur l’interprétation de l’obligation de réintégration, la jurisprudence classique


considère qu’on ne peut pas imposer la réintégration du travailleur licencié. L’abus de
l’employeur est uniquement sanctionné par des dommages et intérêts. De plus, on

1 V. Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 56 du 13 octobre 1992, in Zombré et SY, Recueil, p. 294 ; Trib. trav.
Koudougou, jugement n° 10 du 4 juin 1993, in Zombré et Sy, Recueil, p. 301.
2 Un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou en a décidé autrement : cet arrêt, a jugé sans objet la demande

d’autorisation de licenciement en cas de fermeture de l’entreprise. V. C. A. Ouagadougou, arrêt n° 55 du 21 mars


1995, Kaboré Souleymane et autres c/ Brakina., in Zombré et SY, Recueil, p. 309. En réalité le contrôle peut
trouver à s’exercer même en cas de fermeture, ne serait-ce qu’à travers l’ordre des départs effectifs. V. nos
observations sous C. A. Ouagadougou, 15 avril 2003, op. cit. V. pour le cas de collusion frauduleuse dans le
licenciement général entre l’employeur et un repreneur : Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 84 du 8 novembre
1994, in Zombré et SY, op. cit. p. 306.
3 V. Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 104 du 13 décembre 1994, in Zombré et SY, Recueil, p. 299 ; C. A.

Ouagadougou, arrêt n° 43 du 21 juillet 1998, SCFB c/ Ouattara Oumar et autres. Cet arrêt dit que le licenciement
est irrégulier et non abusif.
4 Le délai de réponse est de 15 jours au Sénégal (art. L. 215 al. 2) et au Mali (art. L. 277).
5 C. A. Bobo Dioulasso., 6 mai 1985, TPOM n°664, p. 55 ; C. A. Ouagadougou, 10 janvier 1984, TPOM n°668, p.

53, note S. Yonaba, TPOM n°664, p. 565.

331
pouvait se demander si l’employeur n’allait pas faire semblant de réintégrer le
travailleur pour ensuite chercher un autre prétexte pour le licencier. Mais si cette
solution peut se justifier en ce qui concerne le travailleur ordinaire parce qu’en droit,
la réintégration est une obligation de faire qui ne peut se résoudre qu’en dommages et
intérêts, une solution plus contraignante est nécessaire en ce qui concerne le délégué
du personnel. C’est sous l’impulsion de la chambre criminelle et de la chambre mixte
de la cour de cassation française que la jurisprudence est devenue plus rigoureuse et
sanctionne le refus de réintégrer le délégué irrégulièrement licencié sur le double plan
civil et pénal. Elle considère le refus de réintégration comme constitutive, au plan
civil, d’une voie de fait1 passible d’une condamnation à réintégrer sous astreintes et,
au plan pénal, comme constitutif du délit d’entrave aux fonctions du délégué du
personnel2.

L’article 282 al. 3 C.trav. est à cet égard impératif : « si l’autorisation n’est pas
accordée, le délégué du personnel est réintégré avec paiement des salaires afférentes à
la période de suspension ». Il n’est donc pas, en principe, laissé de choix à
l’employeur entre la réintégration et le paiement de dommages et intérêt. Seul le
salarié, victime du licenciement irrégulier, bénéficie du droit d’option. Le refus de
réintégration est aussi passible de sanctions pénales. Deux types de sanctions pénales
sont applicables au refus de réintégration : L’article 337 C.trav. punit de peine de
police (amende de 5 000 à 50 000)3 les auteurs d’infractions aux dispositions des actes
réglementaires prévus à l’article 282 ; et l’article 388 punit de peines délictuelles
(amende de 50 000 à 300 000 Fcfa ou emprisonnement de 1 à 3 ans) « toute personne
qui aura porté ou tenté de porter atteinte, soit à la libre désignation des délégués du
personnel, soit à l’exercice régulier de leurs fonctions ». Cette dernière disposition est
incontestablement applicable puisque le refus de réintégration entraîne impossibilité
pour le délégué de remplir régulièrement ses fonctions. Le juge peut également
recourir au prononcé d’astreintes pour obtenir la réintégration effective.

D – LES RECOURS CONTRE LA DECISION DE L’INSPECTEUR

380. S’agissant des recours ouverts à l’employeur contre la décision de


l’inspecteur du travail, l’article 282 précise, en ses al. 4 et 5, que « la décision de
l’inspecteur peut faire l’objet d’un recours hiérarchique auprès du Ministre chargé du
travail » et « la décision du Ministre est susceptible de recours en annulation devant la
juridiction administrative ». Le recours peut aussi être exercé par le travailleur4,
1 V. arrêt Detœuf, 25 oct. 1968, D. 68, p. 706.
2 Cass. Crim. 28 mai 1968, D. 69, 471, note Verdier ; V. aussi, arrêt Revêt–sol, 4 juin 1973, D. 73, 113 note Catala,
GADT, 2e édit., n°75.
3 Cet article 387 supprime la peine d’emprisonnement de trois à quinze jours qui était prévue à l’article 237 du

code de 1992. Pourtant, cette peine légère peut sembler plus efficace en raison de son potentiel médiatique qui peut
la rendre plus dissuasive qu’une amende élevée. Peut-être, peut-on craindre des répercussions sur la continuité de
l’activité de l’entreprise en cas d’emprisonnement d’un chef de petite entreprise ou un impact exagéré de la peine
d’emprisonnement.
4 Pur les recours en France V. Soc. 7 déc. 1977, Florence c/ Aciéries du Forez, GADT, 2e édit., n°70, D. 1978, 524

note A. Jeammaud et F. Vennin (délégué affectée par vexation à une tâche inutile et ridicule, puis pris dans un

332
lorsque le licenciement a été autorisé par l’inspecteur ou le Ministre sur recours
hiérarchique. Le Ministre peut examiner la décision de l’inspecteur en légalité et en
opportunité1. Mais selon l’ex-chambre administrative de la Cour suprême, l’autorité
administrative a l’obligation de procéder à certaines vérifications dans le cas de
licenciement collectif : rechercher si la situation économique implique la suppression
de l’emploi considéré, si le mandat n’a pas influencé le choix, vérifier le respect de
l’ordre de licenciement établi par la convention collective ou le règlement intérieur2.

Mais la question s’est posée de savoir si l’employeur qui s’est vu refuser par
l’inspecteur l’autorisation de licencier le délégué peut, au lieu de la voie
administrative, demander la résiliation du contrat devant le tribunal du travail. La
jurisprudence française considère en général que la compétence de l’inspecteur est
discrétionnaire, et refuse d’en discuter, sauf inexactitude matérielle des faits. Après
avoir admis un tel recours sur la base de l’article 1184 C. civ. (la condition résolutoire
est toujours sous-entendue dans les contrats), cette jurisprudence a effectué un
revirement par la décision de la chambre mixte du 21 juin 1974 3 : les dispositions
législatives, selon cette chambre, instituées au profit de tels salariés, et dans l’intérêt
de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, constituent une protection
exceptionnelle et exorbitante du droit commun, qui interdit par suite à l’employeur de
poursuivre par d’autres moyens la résiliation du contrat. L’interdiction de licencier
sans autorisation préalable de l’inspecteur vise à déroger à l’article 1184 C. civ.

Au Burkina, deux décisions du tribunal du travail de Bobo-Dioulasso, prises


sous l’empire du code de 1962, s’étaient prononcées pour la recevabilité du recours en
résolution judiciaire, mais avaient toutes deux rejeté la résolution du contrat.4. Selon la
décision du 14 décembre 1981, on ne saurait mieux assurer la protection des délégués
qu’en plaçant leur licenciement sous le double contrôle administratif et judiciaire5.
Mais ces deux décisions ne paraissent pas aujourd’hui revêtir une grande importance,
d’une part, parce que, malgré la formulation de la décision de 1981, elles se présentent
comme un écart de la même juridiction subalterne et, d’autre part, elles ont été

licenciement collectif. L’inspecteur accorde l’autorisation de licencier, le Ministre refuse. Le Tribunal administratif
annule la décision du Ministre. Le Conseil d’Etat réforme la décision du tribunal administratif).
1 V. Trib. trav. Bobo-Dioulasso, 14 déc. 1981, RBD n°6, p. 191.
2 V. un ensemble de décisions de la chambre administrative de la cour suprême : 13 décembre 1995, arrêt n° 15,

SAP c/ Etat ; RBD n° 41, 1er septembre 2002, p. 101 ; 13 décembre 1995, arrêt n° 18, SAP c/ Etat (METSS), ibid.,
p. 103 ; 9 mai 200, SAP c/ Etat, ibid., p. 105 ; 26 juin 1998, délégués du personnel Brakina c/ METSS, ibid., p.
109 ; 19 mai 1999, délégués du personnel SOFAPIL c/ METSS, ibid., p. 112, note commune S. Yonaba.
3 GADT, 2e édit., n°69 ; D. 1974, p. 593, conclusion Touffait.
4 Trib .Trav. Bobo 4 déc. 1979, Sopivolta c/ S.P. RBD n°6, p. 189 et 14 décembre 1981, B.V. c/ Z.S. ; R.B.D. n°6,

p. 189, note S. Yonaba.


5 Les faits concernaient une altercation entre l’employeur et le délégué du personnel. Celui-ci fut condamné par le

tribunal correctionnel à 5 000 Frs d’amende mais fut relaxé en appel. Entre temps la demande d’autorisation de
licencier fut refusée par l’inspecteur. L’employeur demanda la résolution judiciaire. Le tribunal accueillit la
demande, mais rejeta sur le fond au motif que les faits n’ont pas été sanctionnés en appel. S’agissant de la décision
du 4 décembre 1979, l’employeur a donné un avertissement à un candidat au poste de délégué quand il a vu le nom
de l’intéressé sur la liste des candidats. Il demanda une autorisation de licencier qui fut refusée. Il introduit une
action en résolution judiciaire. L’action fut accueillie, mais l’employeur est débouté car il s’agit d’évincer un
candidat indésirable.

333
rendues sous l’empire du code de 1962 modifié en 1973, qui ne précisait pas
expressément les voies de recours ouvertes. Le législateur, en spécifiant à partir du
code de 1992 les voies de recours, condamne la possibilité de demander la résolution
judiciaire devant le tribunal du travail ou le juge civil. Ce serait chercher à contourner
l’obligation d’obtenir l’autorisation de l’autorité administrative avant tout
licenciement.

SECTION II – LES AUTRES REPRESENTANTS DES TRAVAILLEURS


DANS L’ENTREPRISE

381. Dans l’entreprise, le délégué du personnel assure la représentation


officielle du personnel auprès de l’employeur. Mais il n’est pas le seul qui exerce une
fonction de représentation des travailleurs. Certains représentants sont consacrés dans
les structures d’administration de l’entreprise, tels que les membres de comité de santé
et de sécurité (ex-comité d’hygiène et de sécurité)1, d’autres sont des organes
facultatifs exprimant la liberté syndicale et les modalités d’existence des syndicats
dans l’entreprise. Le point commun est que ces divers représentants bénéficient du
statut protecteur accordé au délégué du personnel. On s’intéressera aux membres des
comités syndicaux et aux délégués syndicaux, étant donné que le rôle des
représentants au comité de santé et de sécurité a été déjà abordé ci-dessus.

§ 1 – Les représentants syndicaux dans l’entreprise.


382. La question de la représentation des travailleurs est traitée, comme
d’ailleurs dans les autres législations africaines, dans le chapitre relatif aux syndicats
professionnels d’une manière générale, ce qui a l’avantage de mettre en relief la
position du délégué du personnel auquel est consacré un autre chapitre. Mais dans
l’entreprise, l’employeur n’a pas à faire qu’au délégué du personnel. Il doit traiter
avec les autres dirigeants syndicaux ou au moins composer avec leur statut protecteur.
Bénéficient explicitement d’une protection particulière les membres des comités
syndicaux et les délégués syndicaux. Ceux-ci sont des organes facultatifs que les
syndicats peuvent mettre en place dans l’entreprise. Il ne revient pas à l’employeur
d’en instituer.

A – LE COMITE SYNDICAL ET LA SECTION SYNDICALE

383. L’article 260 C.trav. dispose « qu’il peut être créé, par tout syndicat
professionnel régulièrement constitué, un comité syndical dans tout établissement
employant habituellement au moins onze salariés et une section syndicale dans chaque
zone où il compte des adhérents ». Il s’agit bien plus de l’officialisation d’une faculté
que de la création d’un droit nouveau, dans la mesure où la proclamation de la liberté

1 V. le Raabo n° 511 T.SS.FP du 23 octobre 1986 portant création, composition et fonctionnement des comités
d’hygiène et de sécurité, Code social, p. 432.

334
de constitution de syndicat professionnel suppose la possibilité d’agir dans l’entreprise
et en dehors de l’entreprise. Il n’est pas exigé de condition de représentativité pour la
création de section syndicale1. La seule condition est que l’entreprise compte au moins
onze travailleurs, seuil de désignation par ailleurs d’un délégué du personnel. En deçà,
on tombe dans la micro entreprise où un travailleur peut fort bien être syndiqué, mais
le législateur ne juge pas opportun de formaliser l’existence du syndicat et ses rapports
avec l’employeur. Il peut être créé un comité par syndicat au niveau de l’établissement
et une section par zone. Le mot zone n’est pas précisé et ne semble pas lié à une
structuration de l’entreprise, mais à l’organisation au niveau national du syndicat.

S’agissant de sa mission, le comité syndical est une composante de l’activité


du syndicat dans l’entreprise2. Il assure « la représentation du syndicat au niveau de
l’établissement », la section assurant cette représentation au niveau de la zone. Le
comité a donc, à l’image du syndicat, une mission de représentation des intérêts
matériels et moraux de ses membres. En l’absence de texte réglementaire
d’application3, les prérogatives des comités syndicaux tels que le droit d’affichage, le
droit de diffusion de publications et de tracts et les heures de liberté ne sont pas
spécifiquement traitées. Il faut donc se reporter à diverses dispositions relatives aux
libertés d’activité des syndicats.

B – LE DELEGUE SYNDICAL

384. L’article 265 C.trav. traite du délégué syndical de manière tout à fait
ambiguë : « la fonction de délégué syndical ne peut être, pour celui qui l’exerce, une
entrave à une amélioration de sa rémunération, ni à son avancement régulier… ».
L’ambiguïté provient de ce que, dans certaines législations francophones, il existe le
délégué syndical en tant qu’institution distincte du délégué du personnel et dont la
désignation et la mission font l’objet de dispositions expresses4. L’aspect bancal est
que, sans constater l’existence de l’institution, les articles 265 et 266 traitent de son
statut protecteur. Ces dispositions donnent à penser que les termes délégués syndicaux
sont ici employés au sens général de représentants syndicaux ou de dirigeants du
syndicat. Il aurait fallu, même si de fait l’institution existait déjà et bénéficiait de la

1 Une telle condition est exigée par le code malien par exemple (article L. 258).
2 V. Gabriel. GUERY, Pratique du droit du travail, 11 e édit., Montchrestien, 2003.
3 L’article 151 al. 3 du code de 1992, qui a introduit l’institution, précisait qu’un arrêté du ministre chargé du

travail, pris après avis de la commission consultative du travail, détermine la composition et les mesures de
protection des membres du comité syndical. Ce renvoi ne figure pas à l’article 260 du présent code.
4 V. pour la France, G. GUERY, op. cit., pp. 417 et s. Au Mali, l’article L.261 C.trav. dispose : « les délégués

syndicaux représentent le syndicat auprès du chef d’entreprise. Ils doivent faire partie de l’entreprise depuis un an.
Les fonctions de délégué syndical peuvent se cumuler avec celles de délégué du personnel. Les délégués syndicaux
représentent l’organisation syndicale au sein du comité de gestion ». L’article L.260 C.trav. prévoit le nombre de
délégués syndicaux, qui va de 5 à 26 en fonction de l’effectif de l’établissement, et l’article L.263 C.trav. dispose
que le délégué syndical bénéficie pour l’exercice de ses fonctions du même temps et de la protection accordée au
délégué du personnel.

335
protection accordée au délégué du personnel1, d’abord prévoir la possibilité de
désigner un délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement, indiquer ses
fonctions, avant de traiter de sa protection. L’allusion à « ses heures réglementaires de
liberté » et « aux candidats aux fonctions de délégué syndical » laissent seules penser
à un renvoi au système de double représentation analogue au système français.
L’intérêt d’ailleurs de l’institution est d’avoir un porte-parole de chaque syndicat dans
l’entreprise, bénéficiant des prérogatives et libertés liées à cette fonction, au lieu du
bureau du comité pris globalement, à moins de considérer que les membres des
bureaux des comités syndicaux sont des délégués syndicaux.

§ 2 – La protection des divers représentants


385. Les salariés exerçant les diverses fonctions de représentation ou de
délégation bénéficient d’une protection analogue à celles du délégué du personnel.
L’article 260 al. 2 C.trav. stipule que les membres du bureau du comité syndical
jouissent de la protection prévue par les dispositions de l’article 266 C.trav. Cet article
est relatif au délégué syndical et est formulé de la même manière que l’article 282
concernant le licenciement du délégué du personnel : « tout licenciement du délégué
syndical titulaire ou suppléant envisagé par l’employeur ou son représentant doit être
soumis à la décision de l’inspecteur du travail… ». Cette protection est aussi étendue
aux candidats aux fonctions de délégué syndical dès que la liste des candidats est
remise au chef d’établissement2 et aux délégués en fin de mandat jusqu’à l’expiration
d’une période de trois mois suivant le nouveau scrutin. Les salariés protégés dans la
procédure de licenciement sont donc les membres des comités syndicaux et les
délégués syndicaux et leurs suppléants.

1 V. par exemple, C. S. BF. 26 juin 1998, délégués syndicaux et du personnel Brakina Bobo-Dioulasso c/ METSS,
RBD n° 41, 1er semestre 2002, p. 109, Cette décision évoque pour le moins les délégués syndicaux en tant que
salariés protégés.
2 Encore faut-il que sa désignation par le syndicat donne lieu à un formalisme impliquant un dépôt de candidatures

avant la réunion de l’instance qui doit l’élire. Le mode de désignation de ces représentants peut être la cooptation
par l’organisation syndicale sans élection formelle.

336
337
TITRE IV - LES RELATIONS COLLECTIVES

386. Les rapports de travail sont à la fois des rapports individuels et des
rapports collectifs. Dans l’entreprise, l’employeur est lié à chaque travailleur par le
contrat de travail, mais ces rapports sont, au-delà du contrat, régis par les lois et
règlements et, surtout, par les conventions ou accords collectifs, qui réorientent la
vision des rapports vers la communauté des salariés. En dehors de l’entreprise,
employeurs et travailleurs sont organisés dans des syndicats ou groupements
professionnels chargés de défendre les intérêts de leurs membres et qui, pour ce faire,
promeuvent la négociation entre eux et font pression sur l’Etat pour l’adoption ou la
modification de telle ou telle règle. Ils entrent souvent en conflits ouverts autour de
l’application ou du réaménagement du droit et ces conflits peuvent se traduirent par
des grèves d’étendue géographique et d’ampleur professionnelle variables. Les
relations collectives comportent donc trois dimensions : les organisations
professionnelles qui structurent ces relations, que nous avons déjà examiné (supra titre
III, sous titre III) ; les négociations collectives comme forme privilégiées d’émergence
des sources professionnelles du droit du travail ; et la grève ou le lock-out comme
arme de pression sur les adversaires en vue de faire aboutir des revendications, en
amenant le partenaire à négocier ou en le ramenant à la table de négociation. Nous
aborderons successivement ces deux dernières dimensions.

338
339
CHAPITRE I - LES NEGOCIATIONS COLLECTIVES DES
CONDITIONS DE TRAVAIL

387. Les accords entre syndicats patronaux et ouvriers sont des sources
essentielles du droit du travail. Ces accords ou conventions collectives ont été, avant
la loi, les facteurs premiers de l’amélioration de la condition des travailleurs1. Ils sont
un instrument de paix sociale et de progrès social.

Apparus au 19ème siècle (1869 : canuts de Lyon) à l’époque du libéralisme


dominant, les accords collectifs avaient d’abord été ignorés par l’Etat. La
jurisprudence leur appliquait les règles du droit commun contractuel, ce qui conduisait
à limiter leurs effets : la convention collective n’était valable qu’entre les parties et,
par conséquent, la sanction de son inexécution était inefficace car il suffisait, par
exemple, de démissionner pour échapper à la convention collective.

Les mouvements d’idées en faveur de la convention collective et les effets


bénéfiques de celle-ci amèneront progressivement l’Etat à intervenir pour briser le
cadre contractuel dans lequel la jurisprudence l’avait enfermé. En France,
l’officialisation de la convention collective est venue avec la loi du 25 mars 1919
aménagement sa conclusion dans un esprit de libéralisme total et en restant dans le
cadre de la conception contractuelle classique. La 2ème étape de l’évolution est
marquée par la loi du 24 juin 1936 qui fait la distinction entre les conventions
collectives conclues dans le cadre de la liberté totale et les conventions conclues dans
le respect de certaines règles de procédures (intervention des pouvoirs publics) et de
contenu (clauses obligatoires). Après l’échec d’une loi du 23 décembre 1946 instituant
une procédure plus dirigiste, une loi du 11 février 1950 restitua le système dualiste des
conventions collectives ordinaires conclues librement et des conventions collectives
extensibles devant respecter une procédure formelle d’élaboration. Par la suite, la loi
du 13 juillet 1971 reconnaîtra pour la première fois l’existence d’un droit des
travailleurs à la négociation collective et la loi du 13 novembre 1982 ajoutera une
obligation de négocier à la charge de l’employeur.

En Afrique noire francophone, le Code du travail des TOM de 1952 consacra


le système dualiste (convention ordinaire, convention extensible) de la loi du 11
février 1950 qui sera reprise par les différents codes nationaux après les
indépendances. Avant ce code, les accords collectifs n’étaient pas inconnus, mais le
décret du 20 mars 1937, qui reconnaissait les négociations collectives, était restrictif
dans les domaines concernés (professions industrielles et commerciales) et dans le

1 V. CHAUCHARD J.-P, Encyclopédie Dalloz, V° conventions et accords collectifs ; Numéro spécial de Droit
social, avril 1998 : négociation collective et emploi ; DESPAX, Négociations, conventions et accords collectives,
2ème édition Dalloz 1989 ; ALIPRANTIS, La place de la convention collective dans la hiérarchie des normes,
LGDJ 1980 ; M.-L. MORIN, Le droit des salariés à la négociation collective, LGDJ 1994 ; G. COUTURIER,
Traité de droit du travail, t. 2, les relations collectives de travail, PUF, 2001, n° 196 et ; J. PELISSIER et al. op. cit.
pp. 863 et s. ; J. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit., pp. 113 et s.

340
champ territorial, et faisait une discrimination entre les conventions négociées par les
travailleurs africains et celles négociées par les travailleurs européens1.

La consécration et la réglementation par l’Etat ont donné à la convention


collective le caractère d’une véritable loi professionnelle. Mais cette intervention
étatique a rendu la nature juridique de l’institution difficile à cerner. C’est ce que nous
verrons dans une première section consacrée aux considérations générales. Nous
aborderons après, successivement, les différents types de conventions, pour terminer
par quelques considérations sur l’exécution des conventions collectives et le
contentieux qui peut en découler.

SECTION I – GENERALITES
388. Selon l’article 109 C.trav., « la convention collective est un accord relatif
aux conditions de travail conclu entre, d’une part, les représentants d’un ou de
plusieurs syndicats ou groupements professionnels de travailleurs et, d’autre part, une
ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs ou tous autres groupements
d’employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ». Cette définition
mérite d’être explicitée, en examinant le but et le caractère de la convention collective
et la situation de l’usage, au Burkina Faso, du droit à la négociation collective.

§ 1 - But et caractère

389. La convention collective est un accord par lequel les personnes


concernées arrêtent elles-mêmes les règles générales qui régiront leurs relations de
travail dans un cadre professionnel ou dans un cadre territorial. Le but de la
convention collective est en général de compléter et/ou d’améliorer les conditions de
travail fixées par la réglementation étatique. Par conditions de travail, il faut entendre
aussi bien les rapports collectifs que les rapports individuels et la matière de la
sécurité sociale. Cette expression recouvre l’ensemble des droits et obligations des
parties, les conditions d’emploi, de travail et les garanties sociales des salariés. Enfin,
le recours aux négociations collectives permet de rétablir l’égalité contractuelle entre
travailleurs et employeurs, égalité rare dans le principe de négociation individuelle du
contrat, tout en évitant de s’en remettre à l’arbitrage aléatoire, pour les uns et les
autres, des pouvoirs publics. Plus exactement, les négociations collectives complètent
l’intervention régulatrice des pouvoirs publics qui ne peuvent, la plupart du temps, que
fixer des minima, étant contraints de ménager la chèvre et le choux.

Suivant un ordre croissant d’importance, la loi distingue trois sortes d’accords


collectifs : l’accord d’établissement (ou d’entreprise), la convention collective
ordinaire et la convention collective susceptible d’extension. Mais une quatrième
catégorie est consacrée dans les faits, la convention collective générale ou

1 V. ISSA-SAYEGH, op. cit., p. 117.

341
interprofessionnelle. Celle-ci, non mentionnée par la loi, obéit à la procédure
d’élaboration de la convention collective extensible. Mais tous ces types d’accords
présentent le même caractère collectif. Par ce caractère collectif, ils réalisent une
certaine uniformisation et une adaptation à la diversité des situations, dans un sens
progressif. Ils ont pour fonction d’uniformiser les relations de travail, car ils
soumettent le contenu des contrats individuels de travail à des dispositions de portée
générale, soit dans le cadre de l’entreprise, soit dans le cadre de la profession, ou
même au niveau national. Ils ont aussi pour fonction de réaliser une adaptation plus
grande à la diversité des situations, par rapport à la réglementation étatique.

Dans tous ces accords, les parties déterminent, en principe et sauf exception, le
champ d’application territorial (national, régional ou local) de l’accord et son champ
d’application professionnel (métier, profession, branche d’activité ou
interprofessionnel). Ce champ d’application dépend pour beaucoup de la qualité des
parties ou, en d’autres termes, du niveau de négociation : l’accord entre un employeur
et le ou les syndicats de l’entreprise aura nécessairement un champ plus limité qu’un
accord conclu par des confédérations syndicales. L’appellation d’accord collectif au
lieu de convention collective est parfois réservée aux conventions ayant un champ
d’application limité1. C’est d’ailleurs en ce sens que la loi fait la distinction entre
l’accord d’établissement et la convention collective ordinaire

Le caractère progressiste de la négociation collective résulte d’une disposition


qui pourrait passer pour anodine : selon l’article 109 al. 2, « la convention peut
mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et
règlements en vigueur ». La négociation s’engage pour mieux faire que les lois et
règlements et non pas pour remettre en cause ce que ceux-ci concèdent. Toutefois,
l’appréciation de ce qui est plus favorable semble relever de l’économie générale de
ou des dispositions en cause et surtout, cet article n’exclut pas un recul, non pas par
rapport à la loi, mais par rapport à des dispositions conventionnelles antérieures.

L’intervention étatique a pour impact de rendre l’application des conventions


collectives obligatoires et, compte tenu de leurs effets, notamment sur le contrat de
travail, la question s’est posée de savoir quelle est la nature juridique de la convention
collective : est-elle un simple contrat ou a t-elle un caractère réglementaire ?

§ 2 - Nature juridique
390. La question qui se pose est de savoir si la convention collective est-elle un
contrat ou un règlement. En effet, selon l’article 114 al 2, « lorsque l’employeur est lié
par les clauses d’une convention collective, les dispositions de cette convention
s’imposent aux rapports nés des contrats individuels, sauf dispositions plus favorables
pour les travailleurs ». En outre, certaines conventions peuvent être étendues par acte

1 V. PELISSIER et al., op. cit. n° 778.

342
réglementaire et rendues obligatoires pour des parties qui n’en étaient ni signataires ni
adhérents. L’effet obligatoire de la convention collective de par la loi et l’éventualité
d’une extension fait qu’il est difficile d’analyser la convention collective uniquement
à partir de la seule base contractuelle.

A l’appui de la thèse réglementaire on fait valoir qu’à la différence du contrat


ordinaire, qui n’engage que les signataires, la convention collective a un champ
d’application plus large, à l’instar du règlement1. Elle s’impose dans les rapports entre
signataires, mais aussi dans les rapports entre l’employeur et les travailleurs non
syndiqués, c’est-à-dire que se trouve exclut l’effet relatif des contrats de l’art. 1165 C.
civ. Mais, à cet argument, on peut rétorquer que la convention collective reste une
convention, et non une décision unilatérale des pouvoirs publics.

En faveur de la thèse contractuelle, l’on fait remarquer que la convention


collective respecte les méthodes et les règles contractuelles aussi bien dans sa
naissance que dans ses effets : elle tire son origine de l’accord de volonté des parties ;
elle crée des obligations entre parties, dont la violation peut donner lieu à des
dommages et intérêts ; et ses effets dans le temps sont soumis à la volonté des parties
(durée déterminée ou indéterminée, préavis) alors que l’acte de la puissance publique
est permanent sauf retrait. Selon M. Issa-Sayegh, « la nature contractuelle détermine
totalement les conventions collectives tant sur le plan de l’élaboration que sur celui
des effets »2. Il n’en distingue pas moins des effets obligatoires et des effets normatifs3
de la convention collective, ces derniers effets étant, écrit-il, plus difficiles à justifier
mais pouvant l’être par la théorie de la personnalité morale.

Une troisième tendance soutient une thèse « dualiste » et donne à la convention


collective une double nature, réglementaire et contractuelle4. Elle reste dominée par le
caractère contractuel au plan de son élaboration et de ses effets (entre groupements
signataires et adhérents) ; mais elle présente un caractère réglementaire dans la mesure
où elle s’applique aux travailleurs non adhérents au syndicat signataire et par la
présence plus ou moins accusée d’éléments réglementaires suivant la catégorie des
conventions (accord d’établissement, convention collective ordinaire, convention
extensible). Selon MM. Pélissier et autres, traitée comme un contrat lors de sa
conclusion, la convention collective est traitée comme un règlement lors de son

1 V. BBRUN et GALLAND, t.2, p.161.


2ISSA-SAYEGH, précité, n° 256, p. 120.
3
ISSA-SAYEGH, Ibid. : « la doctrine et la jurisprudence distinguent les effets obligatoires qui lient les
parties signataires en tant que partenaires et les effets normatifs de la convention qui s’imposent aux
employeurs et aux salariés dans leurs rapports contractuels individuels ».
4BRUN et GALLAND, t.2 1978 p. 163 citent l’expression du juriste Carnelutti : « la convention collective à le
corps d’un contrat et l’âme d’une loi ». V. P. DURAND, Le dualisme de la convention collective, RTD Civ.
1939.353 ; Traité III, n° 191 ; G. BORENFREUND, Les syndicats bénéficiaires d’un accord collectif, Dr. soc.
2001, 821 ; J. Y. FROUIN, L’interprétation de la norme collective, RJS 3/96, p. 137 et s.

343
application. Ceux-ci constatent que la convention collective est interprétée par les
juges comme un règlement1.

§ 3 – L’usage du droit à la négociation collective


Deux questions se posent en ce qui concerne la négociation collective :
l’existence ou le niveau de consécration d’un droit à la négociation collective ; et
l’usage effectif que les parties en font.

A – L’EXISTENCE DU DROIT A LA NEGOCIATION COLLECTIVE

391. Peut-on parler de droit à la négociation collective au Burkina Faso ? La


réponse est assurément positive au regard de l’article 109 qui définit la convention
collective comme un accord entre organisations de travailleurs et d’employeurs et
consacre de ce fait un tel accord. L’article 269 point 5, relativement au syndicat,
dispose que ceux-ci « peuvent passer des contrats ou conventions avec tous les autres
syndicats, sociétés, entreprises ou personnes », et mentionne expressément les
conventions collectives. Il en découle que l’Etat par exemple ne peut s’opposer à ce
que les partenaires négocient les conditions de travail. L’existence d’un droit à la
négociation se rattache également aux conventions internationales qui lient le Burkina
Faso : l’article 4 de la convention OIT n° 98 stipule que « des mesures appropriées
aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et
promouvoir le développement et l’utilisation des plus larges procédures de
négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les
organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part,
en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi »2 ; La déclaration de l’OIT
relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en juin 1998, range la
négociation collective parmi ces principes fondamentaux, d’autant plus que la
convention n° 98 est applicable à un Etat membre même s’il ne l’a pas ratifié.

Mais la question du droit à la négociation peut se poser autrement : à l’égard


des partenaires sociaux, s’agissant d’un droit, une des parties, notamment
l’employeur, peut-elle faire échec à son exercice en se refusant à toute négociation ?
C’est peut-être pris dans ce sens que le législateur français, après avoir consacré
expressément un droit à la négociation au profit des travailleurs, a dû ajouter une
obligation de négocier à la charge des employeurs. Le droit à la négociation peut
d’ailleurs être considéré comme ayant une assise constitutionnelle en France, puisque
le §8 du préambule de la constitution française du 27 octobre 1946 (indirectement
incorporée dans la constitution de 1958 à travers le préambule) dispose que « tout
travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective
des conditions de travail ainsi qu’à la gestions des entreprises ». Malgré cette

1Op. cit. p. 866.


2 Convention OIT n° 98 de 1949 concernant l’application du principe du droit d’organisation et de négociation
collective, ratifiée par le Burkina Faso le 16 avril 1962, Code social, p. 322.

344
référence constitutionnelle, les négociations collectives n’occuperaient pas
actuellement une si importante place dans les pays développés sans la culture de
négociation collective et une politique de promotion par les pouvoirs publics de la
négociation collective. Ainsi, en France, les partenaires sociaux ont conclu le 30
octobre 1995 un accord national interprofessionnel ayant pour but « de développer la
pratique contractuelle, de façon articulée, à tous les niveaux »1.

B – LA STAGNATION DES NEGOCIATIONS COLLECTIVES

392. Au Burkina Faso, cette culture de négociation de conventions collectives


semble faire défaut ou, tout au moins, les négociations de conventions collectives
connaissent une stagnation depuis une vingtaine d’années. Après la conclusion de la
convention collective interprofessionnelle de 1974, rares sont les conventions
collectives qui ont été concluent postérieurement. Les quelques conventions
collectives ont été concluent entre 1974 et le début des années 19802. Pourquoi cette
stagnation ?

Une première réponse peut être tirée de l’existence d’une convention collective
interprofessionnelle qui, de plus, a été étendue. Certains auteurs s’étaient déjà
inquiétés du rôle de frein à la négociation que pouvaient jouer les conventions
collectives nationales interprofessionnelles en Afrique. Selon M. ISSA-SAYEGH, ces
types de conventions deviennent « de véritables textes de caractère général et
permanent, les rapprochant des lois et règlements, contrariant quelque peu le droit à la
négociation collective ». Mais ce facteur explicatif reste insuffisant parce que la CCIP,
conclue en 1974 quoique pour une durée indéterminée, devait elle-même avoir été
renégociée s’il y avait une certaine dynamique de la négociation. Plusieurs facteurs
conjugués peuvent expliquer ce désert en matière de négociation de conventions
collectives.

D’abord, la situation politique nationale a été, pendant longtemps, peu


favorable à la négociation collective. De 1980 à 1989, le Burkina Faso a connu une
succession de régimes d’exception qui ont entretenu des rapports tendus avec les
syndicats qui apparaissaient, depuis 1966, comme les véritables forces d’opposition
mêlant adroitement revendications économiques et actions politiques : le Comité
militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), arrivé au pouvoir après
une longue grève syndicale, avait essayé de limiter l’exercice du droit de grève et
s’était mis à dos les syndicats ; le Conseil national de la révolution (CNR) avait créé
les Comités de défense de la révolution qui étaient en concurrence directe avec les

1V. les commentaires de divers auteurs dans Dr. soc. 1996 pp. 3 et s.
2 Les principales conventions publiées sont : la convention collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974, code
social, p. 189 ; la convention collective des établissements d’enseignement privé non conventionné (c’est-à-dire
n’ayant pas signé d’avoir avec l’Etat) du 30 mars 1979, code social, p. 210 ; la convention collective de la société
nationale des eaux du 7 avril 1976, code social, p. 229 ; la convention collective des ORD, de 1977 (ORD dissoutes
pour faillite), la convention collective des auxiliaires de transport du Burkina Faso, du 5 juillet 1979, Code social,
p. 251 ; et la convention collective sectorielle du commerce, 1er février 1982.

345
syndicats dans les entreprises et les services, empoisonnant les rapports du pouvoir
avec la plupart des syndicats.

Ensuite, à partir de 1989, une ouverture libérale s’amorçait mais dans


l’ambiance d’une négociation pour l’entrée dans les programmes d’ajustement
structurel. Il en découle une situation économique peu favorable à partir de l’entrée
dans les cycles d’ajustement structurel. Cette situation est de plus en plus marquée par
les restructurations d’entreprises publiques, les liquidations et les privatisations qui
entraînent des vagues de licenciements. Une intense activité de négociations s’opère,
mais sur la priorité immédiate qui est de limiter les nombres de licenciement dans les
entreprises concernées ou d’obtenir des indemnisations consistantes en faveur des
travailleurs « déflatés ». Il s’agit donc de négociations défensives dans le cadre de la
recherche de mesures alternatives au licenciement.

Le troisième facteur tient à l’attitude générale des acteurs à l’égard des


négociations collectives. Travailleurs et employeurs sont bien plus tournés vers un
appel à l’Etat pour intervenir en faveur de chaque partie que vers des négociations
directes. Ainsi, après la révision du code du travail en 1992, chaque partie en
demandait aussitôt une « relecture » pour éliminer les éléments qui passent pour une
surprotection pour les uns ou une libéralisations pour les autres. Les travailleurs se
méfient d’une politique contractuelle en raison de son fond de libéralisme économique
associé à la précarité de l’emploi et au risque de perte d’avantages acquis c’est-à-dire
de recul plutôt que de progrès. Les syndicats ont plutôt tendance à voir dans une
politique de négociation collective un alibi pour l’aggravation de la précarité chez les
travailleurs1. L’intervention protectrice de l’Etat leur paraît une voie plus sûre. Les
employeurs craignent d’avoir à concéder plus que ce qu’accorde déjà la code du
travail, surtout que le code de 1992 avait intégré les apports de la CCIP de 1974
comme un minimum et même un peu plus en certains points (la notion de
licenciement pour motif économique, le renversement de la charge de la preuve en cas
de licenciement, le contrat saisonnier pouvant se transformer en contrat à durée
indéterminée, l’indemnité de fin de contrat pour les CDD, le comité syndical …). A
ces réticences idéologiques s’ajoutent les points de faiblesse des organisations
syndicales : les organisations patronales sont assez nombreuses mais la structure
centrale, le Conseil national du patronat du Burkina (CNPB), ne s’impose pas encore
comme le partenaire de négociation à l’image du MEDEF en France. Les syndicats de
travailleurs sont certes dynamiques et traditionnellement indépendants de l’employeur
(même si le radicalisme des positions peut varier) et du pouvoir, sauf des périodes ou
un groupement syndical peut être plus proche du pouvoir à la faveur des alliances de
sensibilités politiques à chaque coup d’Etat2. Mais le nombre élevé de centrales

1 V. Paul-Gérard POUGOUE et Jean-Marie TCHAKOUA, Le difficile enracinement de la négociation collective


en droit du travail camerounais, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, Université
Montesquieu - Bordeaux IV, 1999, p. 198 à 223.
2 Par exemple, sous le Conseil National de la Révolution, la CSB a été proche du pouvoir, avant la rupture entre le

CNR et la PAI qui exerçait une influence prépondérante dans ce syndicat. On peut en dire autant après le

346
syndicales et syndicats autonomes, allié à l’étroitesse du salariat et du pourcentage de
travailleurs effectivement syndiqués, ne leur confèrent pas une force de négociation
directe sur le plan du champ professionnel ou sur le plan des branches d’activités.

Un quatrième facteur tient aux insuffisances de la législation, qui n’est pas


assez incitatrice à la négociation collective des conditions de travail. La loi n’oblige
pas, par exemple, à renégocier la convention collective à durée déterminée qui arrive à
son terme, se contentant de prévoir qu’elle continue à produire ses effets comme une
convention à durée indéterminée à défaut de stipulation contraire (art. 111, al. 2). Les
signataires d’une convention collective à durée indéterminée ne sont pas tenues de
réexaminer périodiquement certains points, tels que les salaires. Les négociations
salariales ont lieu au sein de la Commission consultative du travail qui se contente de
répercuter les relèvements du SMIG aux différentes catégories professionnelles1. Les
relèvements du SMIG sont en pratique consécutifs au relèvement des salaires dans la
fonction publique. Par ailleurs, comme le soulignent P.-G. Pougoué et J.-M Tchakoua,
« la négociation n’est praticable qu’à condition que chacune des parties à la
négociation ait une connaissance suffisante des éléments à prendre en compte pour
négocier »2. La promotion de la négociation suppose donc l’organisation de l’accès
des représentants aux informations indispensables à une connaissance réelle de la vie
économique de l’entreprise. L’absence d’un minimum d’association de représentants
des travailleurs à la gestion et de modalités de communication de certaines
informations laisse l’employeur seul maître des données de la négociation. Cette
situation est un avantage pour l’employeur quand il peut en réalité concéder plus que
ce qui est demandé, mais un inconvénient quand le personnel n’est pas convaincu de
l’existence de difficultés réelles : la négociation tourne au dialogue de sourds et, dans
un contexte de pluralisme syndicale, à la surenchère de revendications ou à la raideur,
chaque organisation de travailleurs voulant apparaître comme celui qui a obtenu le
maximum ou celui qui ne fait pas de concession au capital.

SECTION II - LES CONVENTIONS COLLECTIVES


ORDINAIRES ET LES ACCORDS
D’ETABLISSEMENT

393. Les conventions collectives ordinaires et les accords collectifs


d’établissement se caractérisent par une simplicité d’élaboration et de conclusion, les
parties étant plus libres de la procédure à suivre. Le qualificatif d’ordinaire signifie
que cette convention collective constitue le droit commun des accords collectifs, qui
tient à une réglementation seulement minimale de la procédure de conclusion. Ce
qualificatif l’oppose à la convention extensible dont la conclusion obéit à une

soulèvement populaire de 1966 lorsque le pouvoir militaire avait associé divers partis politiques à l’exercice du
pouvoir dont le MLN qui avait une influence prépondérante dans l’USTV.
1 V. l’art. 378 al. 2 C.trav.
2 Paul-Gérard POUGOUE et Jean-Marie TCHAKOUA, op. cit., p. 202.

347
procédure plus contraignante. Le champ d’application distingue également la
convention collective de l’accord collectif d’entreprise ou d’établissement qui se
conclut également selon la procédure ordinaire. La loi précise que ce type d’accord
peut être conclu dans les entreprises et établissements publics.

§ 1 - La convention collective ordinaire


Il sera abordé successivement la conclusion, le champ d’application et le
contenu de ce type de convention collective.

A – L’ELABORATION

L’élaboration de la convention collective ordinaire est encadrée par la loi, mais


les conditions de fond et de formes exigées paraissent assez légères.

1) Les conditions de fond

394. La convention collective ordinaire est librement négociée par le ou les


groupements de travailleurs et le ou les employeur(s). L’article 109, al. 1, C.trav.
définit de manière très large les parties signataires d’une convention collective.

Du côté des travailleurs, il peut s’agir des représentants d’un syndicat, de


plusieurs syndicats ou d’un groupement professionnel de travailleurs 1. Il n’y a pas
d’exigence de caractère représentatif de ces syndicats ou groupements professionnels.
Le mot groupement peut prêter à interprétation : il englobe assurément les unions et
fédérations de syndicats ou même les associations professionnelles dotées de la
personnalité morale, mais la nature formelle de la convention collective se prête moins
à ce qu’elle soit conclue par des groupements de fait sans personnalité juridique tels
que les comités de grève ou les « collectifs » de syndicats qui s’entendent
temporairement pour mener des actions. De tels groupements peuvent fort bien signer
des accords avec l’employeur sans que ces accords ne constituent formellement une
convention collective, sauf si les membres du groupement temporaire signent en tant
que représentants d’organisations permanentes. En effet, en ce qui concerne le
pouvoirs des représentants, l’article 110 dispose que les représentants des
organisations syndicales ou autres groupements « peuvent contracter au nom de
l’organisation qu’ils représentent, en vertu des stipulations statutaires de cette
organisation, d’une délibération spéciale de cette organisation ou des mandats
spéciaux qui leur sont donnés individuellement par tous les adhérents de cette
organisation ». Les signataires doivent donc avoir reçu mandat, soit du fait des statuts

1 En France, depuis une loi du 13 juillet 1971, le droit de négocier les conventions collectives est réservé aux
organisations syndicales représentatives au plan national, ou au syndicat affilié à une organisation représentative au
plan national, ou encore au syndicat représentatif dans le champ d’application de la convention tel qu’un syndicat
non représentatif au plan national mais représentatif dans la profession faisant l’objet de la convention. V.
PELISSIER et al., op. cit., n° 785.

348
du syndicat qui le prévoit, soit par délibération spéciale de l’assemblée générale du
syndicat ou de l’organe habilité à le faire. A défaut de mandat, la convention doit être
ratifiée par délibération spéciale du ou des groupements professionnels.

Du côté patronal, peuvent négocier la convention collective « une ou plusieurs


organisations syndicales d’employeurs ou tous autres groupements d’employeurs ou
un ou plusieurs employeurs pris individuellement » Le spectre est plus large parce que
les employeurs peuvent être organisés en association assimilable au syndicat, ou en
ordre professionnel. L’employeur peut participer à titre individuel pour plusieurs
raisons : il peut être en situation de monopole et avoir, par conséquent, à conclure une
convention avec plusieurs syndicats de travailleurs ; il peut n’être pas membres d’un
syndicat d’employeurs tout en occupant une position importante dans la branche
professionnelle ou d’activité. L’intérêt d’associer des employeurs individuels est de
faire en sorte que la convention couvre le maximum de salariés.

L’intervention de l’Etat pour imposer des règles de fond se limite à un strict


minimum, en l’occurrence, certaines mentions telles que les conditions de révision ou
de renouvellement et le respect des dispositions d’ordre public. Selon l’article 112
C.trav., la convention collective doit prévoir dans quelles formes et à quelle époque
elle peut être dénoncée, renouvelée ou révisée, ainsi que la durée du préavis qui doit
précéder la dénonciation.

La convention collective peut être conclue pour une durée déterminée ou


indéterminée. Mais si elle est de durée déterminée, celle-ci ne peut excéder cinq (5)
ans1. Cette limitation a pour but de tenir compte de l’évolution rapide de la situation
sociale et d’éviter que les parties n’hypothèquent l’avenir en se liant pour une trop
longue durée. Toutefois, à défaut de stipulation contraire, la convention à durée
déterminée qui arrive à expiration continue à produire ses effets comme une
convention à durée indéterminée2.

2) Les conditions de forme

395. La loi ne pose que deux conditions : l’écrit et la publicité. Selon l’article
113 C.trav., « la convention collective doit être écrite sous peine de nullité ». Cet
article renvoie à un décret pris en conseil des ministres après avis de la Commission
consultative du travail pour préciser lez conditions d’application.

Suivant l’arrêté 713 FPT du 3 septembre 1974, encore applicable, la


convention collective est établie sur papier libre, signée par chacune des parties et

1Art. 111, al.1, C.trav.


2V. art. 111, al. 2, C.trav. sur la tacite reconduction, l’art. 5 CCIP ainsi que l’arrêté 713 FPT du 3 septembre 1974,
Code social, p. 121.

349
soumise au visa de l’autorité compétente1. Elle doit être déposée, contre récépissé, au
greffe ou secrétariat du tribunal du travail où la convention a été passée. Cette
formalité est substantielle parce qu’elle détermine l’entrée en vigueur de la
convention. Mais selon l’alinéa 2 de l’article 2 de cet arrêté, « les parties peuvent
convenir qu’elle ne sera applicable dans le ressort du tribunal que si elle a été déposée
au secrétariat dudit tribunal », ce qui revient à dire que sauf disposition contraire, le
dépôt au siège du tribunal du lieu de conclusion suffit. Selon l’article 3, al. 2, de
l’arrêté, « le dépôt est effectué en triple exemplaire et sans frais par l’autorité
administrative compétente ». Il est curieux que l’accomplissement d’une telle
formalité, pour les conventions ordinaires, soit laissé à la diligence de l’administration
qui n’a pas une réputation de célérité. La publicité de la convention doit se faire aussi
par affichage, non pas de la convention, mais de simples avis d’entrée en vigueur,
dans tous les établissements où la convention est appliquée. Toute personne peut avoir
copie de la convention à ses frais.

B – LE CONTENU DE LA CONVENTION COLLECTIVE

Le contenu de la convention collective obéit aux principes de liberté et de


respect des dispositions d’ordre public

1) Le principe de liberté

396. Les matières traitées peuvent être plus ou moins larges, suivant la libre
volonté des parties. Il n’y a pas de distinction entre clauses obligatoires ou
facultatives. Les parties déterminent librement le contenu de la convention. L’objet de
la convention collective (les conditions de travail) est entendu de manière très large et
les parties peuvent traiter aussi bien des questions concernant le contrat de travail
(formes, avantages, rémunération…), les relations collectives (représentation des
travailleurs, information des représentants, organisation du travail…) que des
garanties sociales (mutuelles, œuvres sociales…). La convention collective comprend
généralement le corps de la convention et des annexes consacrées aux dispositions
particulières relatives aux différentes catégories professionnelles et aux classifications.
Conformément au « principe de faveur » la convention collective « peut mentionner
des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en
vigueur ». La seule limite quant au contenu est que la convention ne peut déroger aux
dispositions d’ordre public définies par les lois et règlements.

2) Le respect des dispositions d’ordre public

397. Il peut se poser un problème de conciliation entre la possibilité de déroger


aux lois et règlements dans un sens plus favorable aux travailleurs et le respect des
dispositions d’ordre public. Cette question amène à faire la distinction entre l’ordre
1Art. 1er de l’arrêté 713 FPT/DTLS du 3 septembre 1974 sur l’application des conventions collectives (non publié
au J. O.), Code social, p. 121.

350
public social et l’ordre public absolu. L’ordre public social est relatif, en ce sens que
la loi et les règlements accordent aux travailleurs un minimum que le contrat, la
convention ou l’accord collectif peut déroger dans un sens favorable. Ainsi : dans le
domaine des rapports individuels, la convention peut accorder un salaire minimum
plus élevé, des congés plus longs, des indemnités de licenciements plus
importantes… ; dans le domaine des rapports collectifs, elle peut augmenter le nombre
de délégués du personnel, leurs crédits d’heures, améliorer la protection des syndicats
sous réserve de ne pas porter atteinte au principe de liberté syndicale et de non
discrimination, etc. L’ordre public absolu concerne, selon le Conseil d’Etat français,
les textes d’origine étatique « qui débordent le domaine du droit du travail » ou « les
avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels »1.

D’une manière générale, les règles d’ordre public absolu qui ne peuvent faire
l’objet de dérogation, même dans un sens favorable, sont celles relatives : aux
compétences d’attribution des juridictions (compétence de la juridiction administrative
en matière de refus de visa, d’autorisation de licencier, compétence du tribunal du
travail en matière de conflits individuels…) ; les prohibitions de cession et saisie de
salaires au-delà des quotité légales ; les règles établissant l’égalité de traitement face
aux privilèges et sûretés et garanties2 ; les règles découlant de considérations
économiques telle que l’interdiction de l’indexation des salaires. En revanche, la
convention peut écarter certaines dispositions d’ordre public si ses stipulations sont
plus favorables au travailleur. Il en est ainsi lorsque la loi ne fixe qu’un minimum au
profit des salariés : SMIG, délai de préavis, congés payés, etc.

Le seconde difficulté qui apparaît ici est de déterminer ce qui est plus
favorable aux travailleurs lorsque la norme n’est pas d’ordre public absolu : certaines
dispositions conventionnelles procurent un avantage matériel, moral ou professionnel
à tous (allongement de la durée des congés payés ou de l’allocation de congés payés,
institution de primes …) ; d’autres peuvent être bénéfiques au plus grand nombre,
mais préjudiciables à un ou quelques travailleurs, telle que la modification de la grille
de classification ou des horaires de travail. En ce cas, si la convention ne précise pas
les avantages maintenus et ceux supprimés, le travailleur lésé peut prétendre s’appuyer
sur la clause de maintien des avantages acquis pour contester l’application de la
nouvelle norme. En ce cas, le principe est que l’on privilégiera la comparaison pour
l’ensemble des bénéficiaires et non pas pour un salarié isolé3.

1 V. Avis du Conseil d’Etat français, du 22 mars 1973, GADT, 2 e édit., n° 50 ; Dr. soc. 1973, p. 514 ; PELISSIER
et al. n° 795. V. également, F. GAUDU, L’ordre public en droit du travail, in Mélanges J. Ghestin, LGDJ, p. 363 ;
PH. LANGLOIS, Droit public et droit social en matière de négociation collective, Dr. soc. 1991, p. 933 ; G.
LYON-CAEN, La négociation collective et la législation d’ordre public, Dr. soc. 1973. 89.
2 V. ISSA-SAYEGH, op. cit. p. 128.
3 V. PELISSIER et al. op. Cit. n° 818, p. 908.

351
C – LA PORTEE DE LA CONVENTION

Par portée de la convention collective, nous entendons son champ


d’application et ses effets. Le champ d’application de la convention peut être perçu
aux trois niveaux géographique, professionnel et temporel. La convention produit des
effets à l’égard des personnes concernées qui ne sont pas nécessairement des
signataires directs et qui doivent être précisés en tenant compte des trois niveaux ci-
dessus.

1) Champ d’application territorial

398. Selon l’article 109, al. 3, C.trav. « les conventions collectives déterminent
leur champ d’application. Celui-ci peut être national, régional ou local ». Les parties
déterminent librement la portée géographique de la convention, même pour les
conventions ordinaires. Mais cette liberté est limitée par la hiérarchisation des
partenaires : une structure locale d’un syndicat ne pourrait logiquement conclure une
convention ayant un champ d’application national. Mais des organisations régionales
ou locales peuvent fort bien conclure une convention destinée à s’appliquer dans un
cadre local (par exemple la province du Kadiogo). Les expressions « local » et
« régional » ne correspondent pas nécessairement aux découpages administratifs. La
convention régionale peut concerner la région administrative ou plusieurs régions ou
seulement quelques provinces. Si le champ d’application territorial n’est pas précisé,
celui-ci peut être déterminé en se référant à la zone d’influence des organisations
signataires. Le syndicat des chauffeurs de taxi de la ville de Ouagadougou ne saurait
conclure une convention qui aurait vocation à s’appliquer au niveau national. Les
conventions locales doivent respecter les conventions régionales ou nationales
conclues selon la procédure de la convention extensible, sauf application du principe
de faveur en prévoyant des dispositions plus favorables. Mais elles peuvent prévoir
des dispositions nouvelles sur des points non traités par la convention plus large.

2) Champ d’application professionnel

399. La convention peut concerner un métier, une profession, une ou plusieurs


branches d’activités professionnelles ou un secteur d’activités. Seule la convention
collective extensible doit avoir un champ d’application professionnel correspondant
implicitement à « un secteur d’activités » au moins : selon l’article 116 C.trav., le
ministre convoque la commission mixte de sa propre initiative ou à la demande des
organisations syndicales « les plus représentatives du secteur d’activités intéressés » ;
l’article 122 évoque la « branche d’activité déterminée ». La terminologie visant le
champ professionnel est incertaine : les termes secteur ou branche d’activité semblent
utilisés indifféremment. Par exemple, la convention collective du commerce du 1er
février 1982 s’intitule « convention collective sectorielle du commerce du [Burkina

352
Faso] »1. Il en est de même de la convention collective du 5 juillet 1979 qui s’intitule
« convention collective sectorielle des auxiliaires de transport du Burkina Faso ». Le
champ d’application professionnel, comme territorial d’ailleurs, dépend beaucoup de
la façon dont les organisations parties à la convention se sont structurées. Les
syndicats peuvent être organisés par métier (charpentiers, carreleurs, presse, pêcheurs
…)2 et se structurer en fédérations sur le plan national. Ces syndicats sont couramment
qualifiés de syndicats catégoriels. Ils peuvent être organisés par branche d’industrie ou
d’activité économique3 : par exemple, il peut être constitué un syndicat des
travailleurs du bâtiment (réunissant les maçons, les couvreurs, les charpentiers, les
carreleurs, les électriciens etc.) ou l’industrie du livre. Les syndicats peuvent
également être organisés de manière transversale en confédérations regroupant des
syndicats de profession, de branches d’activités et/ou des fédérations4.

Au point de vue de l’application personnelle de la convention à un employeur ou un


travailleur déterminé, la convention lie les personnes qui l’ont signée et les membres
des organisations signataires (ou qui y adhèrent). Si par exemple un employeur de la
branche professionnelle n’est pas signataire, il n’est pas tenu d’appliquer la
convention. Mais lorsqu’un employeur a signé par lui-même ou par l’intermédiaire de
son syndicat une convention collective avec un groupement ou des groupements de
travailleurs, les travailleurs non membres de ce groupement en bénéficient5. Dans la
mesure où la convention collective peut fixer les limites de son champ d’application
professionnelle, il peut y avoir contestation sur l’assujettissement d’une entreprise ou
d’un travailleur à telle ou telle convention. Il y a lieu dans ce cas, de tenir compte de
l’activité principale de cette entreprise. La qualification de l’activité déterminera

1 V. Code social, p. 267.


2 Les syndicats burkinabè sont rarement organisés par métier. On peut donner comme exemple, dans la fonction
publique, les syndicats de magistrats, le syndicat autonome des infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB).
3 Pour une idée de la branche d’activité, V. l’Annuaire statistique de la CNSS, n° 101 édit. 2002, février 2004, p. 2,

qui donne « une classification internationale type par industrie de toutes les branches de l’activité économique ».
Cette classification comprend : branche 1 : agriculture, chasse, sylviculture et pêche ; branche 2 : industries
extractives ; branche 3 : industries manufacturières ; branche 4 : électricité, gaz et eau ; branche 5 : bâtiment et
travaux publics ; branche 6 : commerce de gros et de détails, restaurants et hôtels ; branche 7 : transport, entrepôts
et communications ; branche 8 : banques, assurances, affaires immobilières et services fournis aux particuliers ;
branche 9 : services fournis à la collectivité, services sociaux et services personnels ; et branche 10 : activités mal
désignées. Cette classification comptable ne lie évidemment pas les organisations syndicales qui peuvent se créer à
leur guise. V. également l’arrêté 94-5 METSS/SG/DT du 17 mai 1994 fixant le nombre et la répartition des
représentants des travailleurs et des employeurs au sein de la commission mixte chargée de la fixation ou de la
modification des salaires de la convention collective interprofessionnelle, Code social, p. 391. Pour les employeurs,
l’arrêté retient une répartition selon les branches d’activités suivantes : import-export ; entreprises du bâtiment et
des travaux publics ; industriels ; banques ; industries polygraphiques ; transports routiers ; boulangeries ;
auxiliaires de transports.
4 C’est la voie la plus prisée par le syndicalisme burkinabè avec ses sept centrales syndicales.
5 Par exemple, la convention collective des établissements d’enseignement privé non conventionnés du 30 mars

19979 a été signée par une association d’employeurs à vocation nationale, « l’association des établissements
d’enseignement privé non conventionné du Burkina Faso, d’une part et, d’autre part, des associations locales de
travailleurs, « l’association du personnel enseignant et administratif des établissements d’enseignement privé non
conventionnés de Bobo-Dioulasso et « l’association du personnel des établissements non conventionné privés de
Ouagadougou ». Le travailleur n’exerçant pas à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso sera couvert par le fait que
l’employeur membre de l’association d’employeur est tenu par la convention collective.

353
l’assujettissement de l’entreprise. L’entreprise peut être assujettie à plusieurs
conventions en fonction de ses activités et du personnel employé 1. Là aussi, une seule
convention sera applicable en fonction de l’activité principale, sauf si les activités
différentes sont menées dans des établissements différents et autonomes. Ces
questions sont minimisées par l’existence d’une convention nationale
interprofessionnelle étendue par voie réglementaire et par le fait qu’il n’y a
pratiquement pas de conventions purement locales ou de métier.

3) L’adhésion à la convention collective

400. Le champ d’application territorial ou professionnel de la convention


collective peut être élargi par l’adhésion d’organisations d’employeurs ou de
travailleurs. L’adhésion « est l’acte par lequel un syndicat professionnel ou un
employeur accepte d’être lié par une convention collective sans avoir été partie
signataire et sans que les parties originaires puissent s’y opposer ». Suivant l’article
112, al. 2, « tout syndicat professionnel ou tout employeur qui n’est pas partie
prenante à la convention collective peut y adhérer ultérieurement ».C’est surtout
l’adhésion de l’employeur qui importe le plus puisque c’est son assujettissement à la
convention qui entraîne l’applicabilité de la convention à tous ses travailleurs, même
non membres de syndicat2. L’adhésion du syndicat de travailleurs n’est pas pour
autant inutile parce qu’elle lui permettra d’agir en contrôle de l’application et parce
que cette adhésion donne plus d’envergure à la convention. L’adhésion est soumise à
une formalité légère dans la mesure où l’accord des signataires n’est pas exigé : selon
l’article 5 de l’arrêté 713 du 3 septembre 1974, les parties qui adhèrent à la convention
collective doivent notifier par écrit leur adhésion au secrétariat du tribunal où le dépôt
de la convention a été effectué ainsi qu’à l’autorité administrative qui a visé la
convention et donner avis de cette notification aux parties contractantes par lettre
recommandée. Il n’est pas fait cas des conditions de fond, mais la doctrine estime que
l’adhésion doit être globale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas susceptible de réserve et
d’exclusion de certaines dispositions. L’adhésion de l’employeur n’est logiquement
possible ou en tout cas utile que si l’activité de l’entreprise se situe dans le champ
d’application géographique et professionnelle de la convention 3. L’adhésion de
l’employeur peut résulter indirectement de son affiliation à un groupement
professionnel signataire. Indépendamment de l’adhésion proprement dite, l’employeur
peut rendre certaines dispositions de la convention collective applicables à ses
rapports de travail en y faisant référence dans les contrats individuels de travail ou
dans des textes particuliers tel que le règlement intérieur.

1 V. sur le concours de conventions collectives, J. PELSSIER et al. pp. 902 et s.; ISSA-SAYEGH, Droit du travail
sénégalais, op. cit. pp. 137 et s.
2 Les conventions signées après 1974 réaffirment leur adhésion à la CCIP de 1974, mais il s’agit moins d’une

adhésion que de la réaffirmation de leur appartenance à cette CCIP, dans la mesure où celle-ci est nationale et a fait
l’objet d’une extension par voie réglementaire.
3 V. PELISSIER et al. n° 801 ; ISSA-SAYEGH, op. cit. pp 133 et s.

354
401. Les parties peuvent limiter les effets de l’adhésion ou assimiler l’adhérent
aux signataires. Le problème se pose en matière de dénonciation et d’initiative de la
révision de la convention. Les conventions collectives burkinabè, à la suite de la
CCIP, font la distinction entre les syndicats adhérents représentatifs et ceux ne
bénéficiant pas de ce label. Selon l’article 6 CCIP « si le caractère représentatif, au
sens de l’article [116] du code du travail, est reconnu à l’organisation adhérant après
coup, elle jouira des mêmes droits que les organisations signataires. Si elle ne possède
pas ce caractère représentatif, elle ne pourra ni dénoncer la convention, ni demander la
révision même partielle, mais gardera la faculté de procéder au retrait de son
adhésion ; les organisations syndicales ne seront pas tenues de lui faire place dans les
organismes ou commissions paritaires prévues par la présente convention ». Cette
discrimination se comprend dans la mesure où la CCIP est une convention générale
relevant des conventions collectives susceptibles d’extension pour lesquelles il est
exigé des organisations signataires qu’elles soient représentatives. Mais les articles 5
respectivement de la Convention collective sectorielle du commerce et de la
convention collective des auxiliaires de transport reprennent la même disposition, en
précisant que la représentativité est celle conférée « sur le plan national ». Cette
reprise ne se justifie que s’il s’agit de conventions susceptibles d’extension 1. Par
contre, la reprise de la même disposition par la convention collective des
établissements d’enseignement privé non conventionnés laisse sceptique : cette
convention a été signée par des association locales et non nationales de travailleurs et,
par conséquent, la représentativité de l’adhérent aurait pu être appréciée sur le plan
national ou local ; l’avantage serait d’inciter à l’ouverture du champ d’application
géographique et professionnel par adhésion des organisations locales, au fur et à
mesure de l’extension de l’enseignement privé2.

D- LES EFFETS ET LA DUREE DE LA CONVENTION COLLECTIVE

L’application de la convention collective pose les problèmes de ses effets sur


les contrats et de sa durée, celle-ci pouvant être abrégée par la volonté des parties.

1) La durée de la convention

402. L’article 111 C.trav. marque une certaine préférence pour la convention
collective à durée indéterminée parce qu’il laisse le choix de la durée déterminée ou
indéterminée aux parties, mais il dispose, en son alinéa 2, qu’à défaut de stipulation
contraire, la convention à durée déterminée qui arrive à expiration continue à produire
ses effets comme une convention à durée indéterminée. Comme le contrat de travail à
durée déterminée, la convention collective peut se muer en un accord à durée
indéterminée par tacite reconduction. Les parties peuvent faire échec à la limitation de

1 S’agissant de conventions collectives sectorielles pouvant être considérées comme embrassant une branche
d’activité, on peut supposer qu’elles ont été conclues selon la procédure de la convention extensible.
2 Par exemple, cette convention couvre l’enseignement préscolaire, le premier degré et le second degré, alors que

l’enseignement privé supérieur n’a commencé à apparaître que dans ces dernières années.

355
la durée à cinq ans par une révision prolongeant ou reconduisant la durée de la
convention. Le choix du législateur de la mutation tacite de la convention à durée
déterminée relève du souci d’éviter le vide juridique en cas de non renégociation par
les parties, mais l’intérêt de susciter les négociations collectives aurait commander une
option contraire consistant à imposer un délai pour engager la renégociation avant
l’expiration de la convention. Ce n’est que faute d’accord pour réviser que la
convention resterait applicable pour une durée indéterminée. Toutes les conventions
collectives ont optées pour la durée indéterminée1.

La durée de la convention peut être abrégée par la dénonciation. Celle-ci est


soumise à l’obligation légale de donner un préavis dont le délai est fixé par les parties.
Selon l’article 5 CCIP, repris par les autres conventions collectives, la convention peut
être dénoncée à tout moment en tout ou partie par l’une des parties contractantes. La
dénonciation doit faire l’objet d’une lettre recommandée adressée aux autres parties et
au Ministre chargé du travail. Cet article fait obligation à la partie qui prend
l’initiative de la dénonciation d’accompagner sa lettre d’un projet d’accord sur les
points mis en cause afin que des pourparlers puissent s’ouvrir, « à la diligence du
ministre du travail » est-il précisé. Si aucun accord n’est intervenu dans le délai de
deux mois à compter du jour de la dénonciation, le conflit sera soumis à la procédure
de règlement des conflits collectifs. Les parties s’engagent durant ces délais de deux
mois à ne pas recourir à la grève ou au lock-out à propos des points mis en cause.
L’alinéa 4 de cet article 5 prévoit une clause qui limite les effets de la dénonciation :
« en tout état de cause, la présente convention restera en vigueur aussi longtemps qu’il
ne lui aura pas été substitué aucun nouvel instrument ». Cette clause assure la survie
de la convention qui continue de lier les parties, même lorsque la dénonciation est
globale et, qui plus est, pour une durée indéterminée. Les travailleurs conservent les
avantages individuels acquis en application de cette convention 2. Les autres
conventions, qui sont des applications de la CCIP, reprennent les mêmes dispositions,
mais en prévoyant en général un délai de préavis d’un mois adressé aux autres parties
et à l’autorité compétente.

403. La révision peut aussi mettre en jeu la durée de la convention. Le code du


travail n’organise pas la procédure de révision, se contentant de renvoyer aux
conventions collectives qui sont elles-mêmes sommaires sur la question. La demande
de révision de la convention ne constitue pas en soi une dénonciation et n’est pas
soumise à la même procédure, notamment de délai de préavis et d’engagement
immédiat de pourparlers. Evidemment, cette demande de révision peut être formulée à
tout moment, surtout pour les conventions à durée indéterminée. On peut dire que ce
sont les demandes vaines de révision qui peuvent conduire à la solution de la

1 V. par exemple, art. 2 de la convention Collective du 30 mars 1979 sur l’enseignement privé ; art. 3 de celle du 5
juillet 1979 sur les auxiliaires de transport.
2 V. E. DOCKES, L’avantage individuel acquis, Dr. soc. 1993, p. 826 ; DESPAX, Le maintien des avantages

acquis en matière de rémunération, Dr. soc. 1990.156 ; Y. AUBREE, Le concept légal d’ »avantage acquis », RJS
11/00, chron., p. 699.

356
dénonciation. Le problème se pose de savoir si la révision doit être opérée par tous les
signataires ou peut l’être par une partie de signataires. Si elle opérée par une partie des
signataires, on risque de se retrouver devant deux conventions pour peu que de chaque
côté les organisations soient représentatives. C’est en tout cas en ce sens que décidait
la jurisprudence française, à titre de raison écrite1, jusqu’à l’intervention du législateur
pour organiser la conclusion d’avenant de révision pour déterminer dans quels cas
celui-ci est opposable ou peut faire l’objet d’opposition2.

Le sort de la convention collective se pose également lors de vicissitudes qui


surviennent aux parties prenantes : fusion, scission, changement d’activité de
l’employeur. Selon l’article 6, al. 5 et 6, CCIP qui semble poser les bases pour les
autres conventions, toute organisation signataire qui fusionne avec une autre
organisation syndicale conserve les droits attachés à la qualité de signataire, à la
condition d’avoir conservé son caractère représentatif (ce qui à priori pose moins de
problèmes, la fusion étant censée renforcer l’organisation) et de notifier la fusion aux
autres parties contractantes. De même, les organisations nées d’une scission d’une
organisation signataire conserve les droits de membres signataires sous réserve de
notification de la scission et d’avoir conservé le caractère représentatif. Cette exigence
peut conduire souvent à avoir à trancher du caractère représentatif des deux
organisations.

La convention collective peut aussi être remise en cause par un employeur


pour changement d’activité ou transfert du siège qui le met hors du champ
d’application. Faute de disposition expresse, c’est celle de l’article 5, al. 4, CCIP
stipulant « qu’en tout état de cause la présente convention restera en vigueur aussi
longtemps qu’il ne lui sera pas substitué un nouvel instrument », qui devrait jouer
jusqu’à ce que l’entreprise se dote d’une nouvelle convention, parce qu’il s’agit d’une
dénonciation3.

2) Les effets de la convention collective

404. Une fois conclue et entrée en vigueur, la convention collective produit des
effets contractuels à l’égard des parties contractantes et, au-delà, à l’égard des contrats
de travail, des effets normatifs.

Les parties sont tenues par une obligation contractuelle d’exécuter avec loyauté
la convention collective. Elles sont tenues de respecter les règles de forme et de
procédure en matière de révision et de renonciation, et de respecter les clauses
relatives à l’administration de la convention, notamment de mettre en œuvre les
1 Soc. 9 mars 1989, Basirico, Dr. soc. 1989.631, note Despax ; Dr. ouvrier, 1989.359, note P. Bouaziz ; J.
SAVATIER, RJS 1989, p. 491.
2 V. art. L. 132-7 C.trav. fr. ; PELISSIER et al., op. cit. n° 805; P. LANQUETIN, Etudes offertes à Hélène SINAY,

1994, p. 35 ; G. VACHET, La révision des conventions et accords collectifs, Dr. soc. 1993, p. 134 et s.; M.-L.
MORIN, La signature des accords collectifs : à propos de la réforme de la procédure de révision, RJS 1993, p. 74.
3 V. également, PELISSIER et al., p. 900.

357
institutions prévues, telles que les commissions d’interprétation ou de conciliation et
les œuvres sociales.

Sur les contrats des travailleurs, la convention collective produit un effet


normatif. Elle s’impose aux contrats individuels qui interviendront postérieurement à
sa signature mais aussi aux contrats en cours1. La doctrine attribue trois caractères à
l’effet normatif : un caractère immédiat (ou effet immédiat) en ce sens que la
convention régit les contrats en cours ou postérieurs, sauf disposition plus favorable ;
un caractère impératif dans la mesure où la convention régit les contrats comme une
loi, et crée des droits au profit du salarié qui ne peut y renoncer2 ; et un caractère
automatique en ce sens que les clauses du contrat individuel moins favorables sont
automatiquement remplacées par les clauses correspondantes de la convention
collective. Il y a simple substitution (provisoire) des clauses de la convention à celles
du contrat, qui ne sont pas annulées car ces dispositions du contrat peuvent reprendre
effet si la convention cesse d’être applicable3. Mais il convient de souligner que, dans
la mesure où la nouvelle convention abroge une convention ancienne existante, le
maintien des avantages acquis ne s’applique pas aux avantages collectifs plus
favorables prévus par l’ancienne convention4. Il n’y a pas de droit au maintien de ce
type d’avantages, même si la différenciation entre avantages collectifs et avantages
individuels est délicate à faire.

§ 2 - L’accord d’établissement (ou d’entreprise)


405. L’accord d’établissement ou d’entreprise se distingue de la convention
collective ordinaire en ce qu’il est plus restreint dans son champ d’application, dans
ses objectifs et dans son contenu. Le législateur applique, depuis le code des TOM de
1952, une vision étriquée de l’accord d’établissement, lui réservant un rôle subsidiaire
d’adaptation à la convention supérieure (ordinaire ou extensible)5.

A – LE CHAMP D’APPLICATION

406. Selon l’article 127, al. 1, C.trav. « des accords relatifs à un ou plusieurs
établissements déterminés peuvent être conclu entre, d’une part, un employeur ou un
groupe d’employeurs et, d’autre part, des organisations de travailleurs présentes dans
l’établissement ou les établissements intéressés ». Il ressort de cette disposition que,
contrairement à l’appellation restrictive d’accord collectif d’établissement, ce type
d’accord peut concerner un établissement, une entreprise ou plusieurs entreprises.

1 V. l’article 3 al. 2 et 3 CCIP.


2 Comme le souligne M. Issa-Sayegh, la renonciation est nulle parce qu’elle équivaut à une transaction, qui ne peut
être souscrite que dans les formes prévues. V. également, PELISSIER, op. cit. n° 821.
3 V. PELISSIER, n° 824.
4 Soc. 24 février 1985, Bull. civ. V.14 ; Soc. 12 décembre 1985, Dr. soc. 1986.905, note Deprez.
5 V. ISSA-SAYEGH, op. cit., p.p 160 et s. ; Questions impertinentes sur la création d’un droit social régional dans

les Etats africains de la zone franc, Bulletin Comptrasec, 1999, p. 190 ; R. LEMESLE, op. cit. p. 162.

358
Il concerne un établissement lorsque l’entreprise ne compte qu’un
établissement mais, même une entreprise qui comprend plusieurs établissements peut
négocier un accord dans le cadre d’un seul établissement. Cette situation peut créer
une différence de traitement entre des travailleurs d’une même entreprise, mais
comme le font observer MM Pélissier et autres, « il est de la nature même de la
négociation collective d’entreprise ou d’établissement de permettre les différences de
traitement entre les salariés de la même entreprise »1. Il serait plus normal que
l’accord concerne une entreprise car c’est dans ce cadre que l’accord d’établissement
peut remplir la fonction d’amélioration par le jeu du principe de faveur : les
améliorations dans une entreprise sont reprises par d’autres entreprises, puis par les
conventions collectives de branches et ensuite par les conventions générales.

L’accord d’établissement peut concerner plusieurs entreprises dans la mesure


où il peut être conclu par « un groupement d’employeurs ». Ce terme de groupement
est imprécis parce qu’il peut renvoyer à une association ou à une pluralité informelle
d’employeurs. Toujours est-il que l’accord engagera plusieurs employeurs et donc
plusieurs entreprises. Il peut s’agir d’entreprises de groupe, tel que cela se développe
actuellement avec les filialisations qui maintiennent la personnalité juridique de
chaque entité, ou d’entreprises totalement distinctes opérant dans le même secteur
d’activité. En ce cas, la différence avec la convention collective ne tiendra qu’au
contenu limité. Par exemple, la convention collective des défuntes ORD, qui
concernant une dizaine d’EPIC ayant le même objet ressemble plus à un accord
d’établissement qu’à une convention collective.

Les accords d’établissement peuvent être signés par « des organisations de


travailleurs présentes dans l’établissement ou les établissements intéressés ». Cette
expression également vague pose le problème du niveau de représentation du côté des
travailleurs. Elle exclut implicitement les délégués du personnel mais autorise la
conclusion de l’accord par les comités syndicaux qui sont les cellules de base des
syndicats dans les entreprises. Il peut s’agir d’un syndicat de l’entreprise ou d’un
syndicat de base d’une union syndicale dans le cas d’accord interentreprises.

Il n’est pas exigé, à l’instar de la convention collective ordinaire, une condition


de représentativité dans le ou les établissements. La représentativité est généralement
accordée aux syndicats affiliés à des groupements syndicaux représentatifs au plan
national. Elle peut aussi être appréciée au niveau de l’entreprise. On peut se demander
pourquoi signer un accord d’établissement avec un syndicat minoritaire ou non
représentatif : cette possibilité est utile au cas où il y aurait un blocage des
négociations avec le syndicat le plus représentatif. L’avantage est d’éviter le vide et de
consacrer ce que l’employeur est décidé à accorder au lieu du tout ou rien. Mais
l’employeur peut se piéger en accordant des avantages sans ramener le calme au sein

1 Op. cit. , p. 924

359
de l’entreprise et en exacerbant les rivalités entre les syndicats de travailleurs
concernés.
La forme de l’accord d’établissement est similaire à celle de la convention
collective ordinaire : les articles 111 à 114 sont applicables. Ces articles concernent la
durée déterminée ou indéterminée, les formes de renouvellement, de révision ou de
dénonciation, l’exigence de l’écrit et de publicité, et les effets obligatoires.

B – LES OBJECTIFS ET LE CONTENU DE L’ACCORD


D’ETABLISSEMENT

407. Les objectifs limités assignés à l’accord d’établissement influent sur son
contenu. La loi leur assigne une fonction principale d’adaptation des conventions
hiérarchiquement supérieures aux situations particulières et une fonction supplétive en
cas d’absence de convention collective. Mais, l’accord d’établissement joue également
un rôle d’amélioration par l’effet du principe de faveur, qu’il ait été conclu pour
adapter une convention collective ou pour suppléer à l’absence de convention dans la
branche ou le secteur.

1) le rôle d’adaptation, d’amélioration et d’innovation

408. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 127, « les accords d’établissements


ont pour objet d’adapter aux conditions particulières de l’établissement ou des
établissements considérés, les dispositions des conventions collectives nationales,
régionales ou locales et notamment les conditions d’attributions et le mode de calcul
de la rémunération au rendement, des primes à la production individuelle et collective
et des primes à la productivité ». Dans ce cadre, on peut dire que le contenu de
l’accord n’est pas véritablement limité. Le texte cite des rubriques déterminées, mais
en ajoutant « notamment », l’accord peut contenir des clauses sur des points non cités.
L’alinéa 3 de l’article 127 précise que les accords d’établissements « peuvent prévoir
des dispositions nouvelles et des clauses plus favorables ». L’accord d’établissement
peut non seulement avoir un rôle d’amélioration, mais aussi un rôle créateur en
abordant des questions qui n’ont pas été traitées par une convention collective
supérieure.

2) Le rôle supplétif

409. Selon l’alinéa 4 de l’article 127 C.trav., « à défaut des conventions


collectives nationales, régionales ou locales, les accords d’établissement ne peuvent
porter que sur la fixation des salaires et des accessoires de salaires, sauf dérogations
accordées par le ministre chargé du travail ». Cet ostracisme du législateur peut
s’expliquer par la crainte, à l’époque, d’une compétition entre la convention collective
et l’accord d’établissement : les employeurs pouvaient préférer négocier au sein des
entreprises plutôt que se lier par des conventions plus larges, faisant ainsi échec à une
uniformisation du statut des salariés. A l’époque actuelle, ce rôle supplétif a de moins

360
en moins de chance de jouer : il existe une convention nationale qui a été étendue,
enlevant par là un terrain à l’accord supplétif ; et le ministre du travail peut, à défaut
de convention collective ou d’accord d’établissement, réglementer les conditions de
travail pour une profession déterminée en s’inspirant des conventions existantes1.

Les accords d’établissement semblent eux aussi pâtir de l’existence d’une


convention nationale interprofessionnelle couvrant tous les secteurs d’activités, du
moins du commerce, de l’industrie et des services. Or, dans la vision d’un progrès
continu, c’est à partir des accords d’établissements et des conventions collectives que
la flexibilité devait jouer en assurant des différences de traitement entre secteurs
porteurs et secteurs stagnants, sur la base du seuil minimum posé par les conventions
générales.

§ 3 – Les accords collectifs dans les services, entreprises et


établissements publics
410. Selon l’article 128 C.trav. (art. 72 ancien) des conventions collectives
peuvent être conclues dans les services, entreprises et établissements publics lorsque
le personnel n’est pas soumis à un statut législatif ou réglementaire. Ces conventions
sont conclues dans les mêmes formes que les conventions du secteur privé. Mais
l’alinéa 2 de cet article introduit, dans le code de 2004, une allusion aux statuts du
personnel sans préciser leur rapport avec les conventions collectives : « les statuts du
personnel des services entreprises et établissements publics seront visés par les
services du travail avant leur mise en application ». Le personnel de ces entreprises
relèvent du code du travail et des conventions collectives, notamment de la convention
collective interprofessionnelle dans la mesure où ces entreprises fonctionnement dans
des conditions analogues aux entreprises privées. Mais ces entreprises énumérées de
manière très large, connaissent une certaine différenciation : il y a les sociétés à
capitaux publics (sociétés d’Etat et sociétés d’économie mixte) qui fonctionnent
théoriquement dans le mêmes conditions que le secteur privé ; les établissements
publics parmi lesquels les établissements publics à caractère industriel et commercial
(actuellement résiduels) qui font parties des entreprises publiques ; les établissements
publics à caractère administratif et assimilés (établissement public à caractère
scientifique, culturel et technique, établissement public de santé) et même des régies
autonomes recrutant leurs propres personnels soumis au code du travail. Toutes ces
institutions n’ont pas la même autonomie de négociation, notamment en matière de
rémunération. Elles sont dotées d’un statut du personnel adopté par le conseil
d’administration et approuvé par l’autorité de tutelle. Certaines sociétés d’économie
mixte privatisées conservent la forme de statut du personnel (renégocié) en lieu et
place d’un accord collectif d’établissement. Le fait, pour l’article 128, de stipuler que
le statut du personnel doit être visé par les services du travail avant leur mise en
application peut être interprété de deux façons : soit le législateur entend renforcer

1 Article 125 C.trav.

361
l’autonomie de négociation en dispensant ces institutions de l’approbation du statut du
personnel, soit il s’agit simplement d’ajouter une formalité d’entrée en vigueur. Cette
dernière interprétation semble la plus crédible. Elle consacre plutôt l’existence
d’entreprises publiques dont le personnel est régi par un statut du personnel à côté des
entreprises qui se sont dotées d’un accord d’établissement.

SECTION III - LES CONVENTIONS COLLECTIVES


SUSCEPTIBLES D’EXTENSION ET LES
CONVENTIONS GENERALES

411. Les conventions collectives extensibles et celles générales se


particularisent par leur champ d’application très large qui justifie que le législateur ait
éprouvé le besoin de réglementer leur contenu, leur procédure d’élaboration, et
d’ouvrir la possibilité d’une extension à d’autres branches non initialement couvertes.
Ainsi, ces conventions collectives peuvent, sous certaines conditions, être étendues
par les pouvoirs publics hors de leurs champs d’application initialement prévus par les
parties1.

Par exemple, une convention collective régissant une branche d’activité ou un


secteur professionnel (banque et établissements financiers ; commerce ; bâtiment et
travaux publics) peut être étendue à un secteur ou à plusieurs secteurs professionnels.
La convention collective générale est une convention extensible ayant dès le départ la
prétention de régir tous les secteurs ou la plupart des secteurs et d’être la plus
complète dans les questions traitées.

§ 1 - LES CONVENTIONS SUSCEPTIBLES D’EXTENSION

412. L’Etat intervient pour réglementer la procédure de conclusion et le


contenu de ce type de conventions collectives, avec pour objectif d’en faire un accord
de base dans le ou les branches concernées. Mais, la loi n’indique même pas le champ
géographique ou professionnel minimal que doit couvrir ce type de convention, si bien
que le recours à la convention extensible dépend de la volonté des initiateurs (le
ministre lui-même ou les organisations professionnelles) qui voudraient donner un
certain poids à leur accord. Le champ attendu est une ou plusieurs branches
d’activités, mais rien n’empêche que la convention porte sur une profession (les
enseignants, les agents de santé, les athlètes professionnels…) si ce n’est une question
d’opportunité. Il ne sera donc évoqué que les aspects sur lesquels ces conventions
présentent des particularités.

1 V. arrêté 714 FPT du 3 septembre 1974 sur la procédure d’extension des conventions collectives (non publié au
J.O.), Recueil annexe n° 24, Code social, p. 122.

362
A – LA PROCEDURE D’ELABORATION

413. La conclusion des conventions collectives susceptibles d’extension obéit à


une procédure particulière marquée par un rôle actif des pouvoirs publics. La
négociation de la convention intervient, soit à la demande d’une ou plusieurs des
organisations les plus représentatives de travailleurs ou d’employeurs, soit sur
l’initiative du Ministre du travail. L’élaboration du projet de convention est confiée à
une commission mixte paritaire convoquée par le Ministre du travail. S’il n’en est pas
l’initiateur, le Ministre reste juge de l’opportunité de convoquer cette commission.
Celle-ci est présidée par le Ministre du travail ou son représentant 1. La composition de
la commission mixte est fixée par arrêté du Ministre du travail. Cette commission doit
comprendre un nombre égal de représentants des organisations syndicales des
travailleurs les plus représentatives du secteur d’activités intéressées et des
organisations d’employeurs les plus représentatives (ou, à défaut, des employeurs)2.

Le problème, à ce stade, est de déterminer les organisations les plus


représentatives. Les dispositions anciennes prévoyaient que le Ministre du travail
détermine la représentativité des organisations syndicales après avis de l’inspecteur du
travail en tenant compte de plusieurs facteurs : les effectifs des syndicats, les résultats
des élections des délégués du personnel, l’indépendance du syndicat (vis à vis de
l’employeur), son expérience, l’étendue et la nature de ses activités. L’article 118 du
code de 2004 retient une procédure apparemment plus simple et moins sujet à
jugement subjectif : « les éléments d’appréciation de la représentativité de
l’organisation syndicale sont les élections professionnelles ». Le ministre doit publier
chaque année la liste des syndicats ou groupements professionnels les plus
représentatifs. Ce système de détermination de la représentativité est en effet plus
objectif, s’agissant de conventions collectives qui couvrent plusieurs branches
d’activités. Mais il n’exclut pas des contestations.

L’article 119 C.trav. précise que la publication des listes peut faire l’objet d’un
recours, dans les 15 jours de la publication, devant la juridiction administrative. En cas
de recours, il revient au ministre de transmettre à la juridiction le dossier comportant
tous les éléments d’appréciation recueillis et l’avis de l’inspecteur du travail. On peut
indirectement en déduire que la liste est publiée après avis de l’inspection du travail
ou plus exactement, la proposition de liste des organisations représentatives doit
clairement faire ressortir cet avis comme le précisait les anciennes dispositions. A ce
niveau, les critères qui étaient énumérés par l’article 64, alinéa 3, du code de 1992,
tels que l’étendue et la nature des activités peuvent probablement entrer en ligne de

1 art. 116 C.trav. (art. 64 ancien).


2 Pour un exemple de commission paritaire, v. l’arrêté 94-6 METSS du 17 mai 1994 fixant le nombre et la
répartition des représentants des travailleurs et des employeurs au sein des commissions mixtes paritaires chargées
de la fixation ou de la modification des salaires des travailleurs relevant des conventions collectives sectorielles,
Code social, p. 392.

363
compte1. Le critère d’indépendance du syndicat est trop sujet à polémique, de même
que les effectifs sont difficiles à cerner et, par ailleurs, le syndicat qui compte le plus
d’effectifs peut ne pas être celui qui a le plus de délégués du personnel, bien que cette
correspondance soit logique.

B- CHAMP D’APPLICATION ET CONTENU

Le champ d’application et le contenu de la convention extensible peuvent ne


pas différer de ceux d’une convention ordinaire, sauf qu’il y est exigé une couverture
minimale légale. Des conventions annexes peuvent être négociées en complément à la
convention mère.

1) Le champ d’application

414. Sur le plan territorial, la convention collective extensible peut être


nationale, régionale ou locale2. Mais elle présente le plus d’intérêt si elle est nationale.
En ce qui concerne son champ d’application professionnel, bien que l’article 116 parle
des organisations les plus représentatives du « secteur d’activités concernées », la
convention extensible doit concerner au moins une branche d’activité et toutes les
catégories professionnels. Cette exigence exclut par exemple les conventions
concernant les cadres seulement. La branche d’activité peut comprendre une pluralité
d’activités (bâtiments et travaux publics ; industrie chimiques), ou être limitée très
strictement (meunerie, pâtes alimentaires, verrerie)3. Elle désigne un ensemble de
professions similaires par les matières traitées, les méthodes de travail utilisées ou les
conditions voisines de travail, ou de professions connexes par le fait qu’elles
concourent à la production du même bien ou à la fourniture du même service4.

2) Le contenu

415. En ce qui concerne le contenu, la loi exige que la convention contienne un


minimum de clauses dites clauses obligatoires. Le but est de faire en sorte que la
convention soit aussi complète que possible. Ainsi certaines matières doivent être
obligatoirement traitées dans la convention5, ne serait-ce que par renvoi à des
dispositions légales et réglementaires. Il s’agit des questions ci-après :
1) le libre exercice du droit syndical et la liberté d’opinion des travailleurs ;
2) les salaires applicables par catégories professionnelles ;

1
Selon l’art. 64, al. 3, du code de 1992, « le caractère représentatif d’un syndicat ou d’un groupement
professionnel est déterminé par le ministre chargé du travail qui réunira tous les éléments
d’appréciation et prendra l’avis de l’inspection du travail. Ces éléments comprendront notamment : les
effectifs et les résultats des élections des délégués du personnel ; l’indépendance ; l’expérience du
syndicat, l’étendue et la nature de son activité ».
2 V. l’article 122 C.trav. qui évoque implicitement une diversité du champ d’application.
3 Brun et Galland, op. cit., t.2, p. 130.
4 V. ISSA-SAYEGH, Droit du travail sénégalais, op. cit., p. 156.
5 article 120 C.trav. ; art. 65 ancien.

364
3) les modalités d’application du principe de non discrimination ;
4) les modalités d’exécution et les taux des heures supplémentaires (de jour ou
de nuit, jours ouvrables, dimanches et jours fériés) ;
5) la durée de l’engagement à l’essai et celle du préavis ;
6) les délégués du personnel ;
7) la procédure de révision, de modification et de dénonciation de la
convention ;
8) les modalités d’application du principe d’égalité de rémunération entre la
main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur
égale ;
9) les congés payés ;
10) les indemnités de déplacement ;
11) les indemnités d’expatriement, quand il y a lieu ;
12) la classe et le poids des bagages en cas de déplacement du travailleur et de
sa famille ;
13 les primes d’ancienneté ou les modalités d’avancement par échelons ;
14) les modalités de rémunération du chômage technique.

La loi ne prévoit pas de sanction si une de ces matières n’est pas traitée. Cette
éventualité est peu probable en raison, d’une part, de la présence du représentant du
Ministre qui préside la Commission mixte paritaire et doit veiller à éviter une telle
omission et, d’autre part, de la possibilité de s’en remettre au minimum légal sur une
question donnée en cas de désaccord entre les membres. L’ultime sanction peut être le
refus d’étendre la convention.

Certaines matières sont par contre facultatives. Elles peuvent ou non figurer
dans la convention. L’article 121 C.trav. énumère également une liste de quatorze
matières pouvant faire l’objet de clauses facultatives : les primes d’assiduité et de
rendement ; les primes de paniers pour ceux qui doivent prendre leur repas sur les
lieux de travail ; les conditions générales de rémunération au rendement ou à la
commission ; l’organisation et le financement des services sociaux et médicaux-
sociaux ; les diverses indemnités (de transport, pour frais professionnels, pour travaux
pénibles, dangereux, insalubres, salissants) ; les conditions particulières de travail des
femmes ou des adolescents pour certaines entreprises ; l’organisation et le
fonctionnement de l’apprentissage et de la formation professionnelle ; les conditions
particulières de travail (par roulement, repos, jours fériés) ; les procédures de
conciliation dans le cas de différends collectifs, etc. Cet article 121 précise que cette
liste des matières facultatives n’est pas limitative. Les organisations peuvent y ajouter
toutes autres matières dans leur négociation. Les dispositions facultatives reconnues
utiles peuvent être rendues obligatoires par voie réglementaire

365
3) Les conventions annexes

416. Des conventions annexes peuvent être conclues pour chacune des
principales catégories professionnelles si la convention concerne une branche
d’activités ou pour chacune des branches d’activités et chacune des catégories
professionnelles si la convention intéresse plusieurs branches d’activités1. Ces
conventions annexes sont destinées à expliciter, appliquer ou adapter sur le plan
technique certaines dispositions de la convention collective. Elles sont négociées après
la conclusion de la convention collective par les organisations professionnelles les
plus représentatives de la branche d’activités ou de la catégorie professionnelle
concernée. Par exemple, pour une branche d’activité, une convention annexe peut
préciser les différentes catégories professionnelles, les classifications et les grilles
indiciaires qui permettent d’opérer les répercussions des hausses du SMIG. La
convention collective peut aussi être appuyée de simples annexes précisant certains
points. Ces annexes font partie de la convention collective. Ils doivent être distingués
des avenants qui sont des modifications apportées ultérieurement à la convention
collective.

C – LA PROCEDURE D’EXTENSION

417. Une fois la convention conclue dans les formes et conditions prescrites,
elle peut être étendue à d’autres branches d’activités professionnelles par arrêté pris
après avis de la Commission consultative du travail. Elle s’imposera alors à des
personnes qui n’ont pas été parties à l’accord. Avant l’extension, la convention, bien
que conclue selon la procédure indiquée, reste une convention collective ordinaire.
L’extension est faite suivant une procédure précisée par voie réglementaire2.

L’initiative de la procédure d’extension appartient, selon l’article 123 C.trav., au


Ministre du travail ou à chacune des organisations syndicales d’employeurs ou de
travailleurs les plus représentatives. Là également, le Ministre n’est pas obligé de
procéder à une extension. Il peut décider en légalité et en opportunité. Il peut refuser si
l’extension présente des inconvénients, et inciter à la négociation d’une convention
collective ou réglementer par arrêté valant convention collective, s’il n’y a pas
d’organisation représentative. En effet, dans les branches où il n’existe pas de
convention collective, le Ministre du travail peut, par arrêté pris après avis de la
Commission consultative, réglementer les conditions de travail pour une profession
déterminée ou pour un groupe de profession dans lesquelles les conditions d’emploi
sont comparables3. Cet arrêté tient lieu de convention collective et peut même abroger
des conventions collectives conclues antérieurement à la loi et dont les dispositions
sont contraires à la loi.

1 V. article 117 C.trav.


2 V. l’arrêté n°714 du 3 septembre 1974, précité.
3 Art. 125 C.trav. ; V. l’art. 4 de l’arrêté 714 FPT du 3 septembre 1974.

366
Le projet d’extension doit d’abord faire l’objet de publicité : L’avis du projet
d’extension est publié dans le journal officiel et affiché à l’inspection du travail et
dans tout lieu approprié ; le texte de la convention à étendre doit être publié in extenso
au journal officiel ; et la convention doit être communiquée aux syndicats et
groupements professionnels intéressés. Ensuite, un délai de 30 jours est accordé pour
permettre aux syndicats et à toutes personnes intéressées de transmettre au directeur
du travail leurs observations et avis sur l’opportunité de l’extension. Enfin, dans les 15
jours au plus tard après l’expiration du délai de 30 jours, la commission consultative
du travail doit être convoquée par le Ministre du Travail pour recueillir son avis.
L’extension est faite par arrêté du Ministre du travail.

D – LES EFFETS DE L’EXTENSION

418. La première question qui se pose est savoir si l’extension modifie la


nature juridique de la convention collective. Celle-ci conserve sa nature contractuelle1.
Ce sont les effets normatifs de la convention qui acquièrent un domaine d’application
plus large. L’extension a pour effet d’assujettir les employeurs et les travailleurs qui
entrent dans le champ d’application professionnel et territorial de l’extension.
L’extension peut porter sur la convention principale, les annexes et avenants
antérieurs. Les avenants postérieurs, de même que les accords de conciliation et les
sentences arbitrales qui interprètent une clause de la convention, restent du domaine
des conventions ordinaires qui ne lient que les parties et les travailleurs du champ
initial. L’extension peut aussi, au contraire, être partielle.

Les effets de l’extension peuvent prendre fin par le retrait de l’extension par le
Ministre du travail, de sa propre initiative ou à la demande de l’une des organisations
signataires, s’il s’avère que la convention ou certaines dispositions ne répondent plus à
la situation de la branche ou des branches d’activités considérées 2. Ce retrait peut être
global ou partiel. Le retrait est soumis à la même procédure de publicité et de prise de
l’avis motivé de la Commission consultative du travail.

Les effets de l’extension prennent également fin, selon l’article 124 C.trav.,
« lorsque la convention collective a cessé d’être en vigueur entre les parties par suite
de dénonciation ou de non renouvellement ». L’article 123, al. 2, C.trav. précise
d’ailleurs que « cette extension des effets et des sanctions de la convention collective
se fait pour la durée et aux conditions prévues par ladite convention ». C’est une
preuve que la convention étendue conserve son essence contractuelle.

1 V. ISSA-SAYEGH, ouvrage précité, p. 159.


2 V. Article 124 C.trav.

367
§ 2 - Les conventions collectives générales ou
interprofessionnelles

419. Les conventions collectives générales ou interprofessionnelles sont


signées à un haut niveau par les confédérations syndicales de salariés et les
groupements d’employeurs. Les autres conventions doivent s’y conformer1. La
conclusion de ces conventions générales ou interprofessionnelles emprunte la forme et
la procédure des conventions extensibles car elles ne bénéficient pas d’une
réglementation particulière. Le champ d’application peut être défini par une liste
énumérant les activités concernées ou par une référence à l’ensemble des activités.
Selon M. Lemesle, les conventions collectives générales sont « de véritables textes de
caractère général et permanent, conclu pour une durée indéterminée, qui se
rapprochent des lois et règlements »2. Leur éclosion contrarie considérablement le
droit à la négociation collective. Cette observation est confirmée par la situation au
Burkina Faso où l’on constate pratiquement un arrêt de la conclusion de conventions
collectives. Malgré cet inconvénient, ces conventions ont des effets bénéfiques parce
qu’elles offrent des conditions et avantages égaux à tous les travailleurs de la nation.
La convention collective générale devient, selon M. Kirsch, le prolongement du code
du travail qu’elle complète et améliore.

Au Burkina Faso, il existe une convention collective interprofessionnelle,


signée le 9 juillet 1974 par trois centrales syndicales, c’est-à-dire toutes les centrales
de l’époque, (CNTV, OVSL et USTV, la CSV étant née après, en septembre 1974) et
un syndicat autonome (la FSVCI) d’une part et, d’autre part, par sept organisations
des employeurs (Conseil national du patronat du Burkina Faso, syndicat des
commerçants import-export, Groupement professionnel des industriels, Syndicat des
entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, Syndicat national des transporteurs
routiers, Syndicat des propriétaires de bars et restaurants, l’Association
professionnelle des banques).

Cette convention couvre toutes les entreprises exerçant leurs activités sur le
territoire national et relevant des branches professionnelles énumérées à l’article
premier « sans que la présente énumération soit limitative », est-il précisé. Les
branches professionnelles énumérées sont : auxiliaire de transport, banques, bâtiment
et travaux publics, commerce, industries de toute nature, mécanique générale,
transports routiers et hôtellerie. On constate que certaines grandes branches
d’activités n’étaient pas citées : le transport ferroviaire et le transport aérien, qui
étaient en situation de monopôle accordé dans chaque cas à une entreprise publique

1 V. l’article 3 CCIP de 1974 : « la présent convention annule et remplace toutes les conventions existantes et leurs
avenants en ce qui concerne les employeurs et les travailleurs désignés à l’article 1 er ».
2 V. R. LEMESLE, précité, p. 162, n° 8.2.5. Celui-ci cite MM. Issa-Sayegh et M. Kirsch.

368
multinationale (RAN et Air Afrique) ; l’artisanat (qui peut s’assimiler au commerce) ;
et l’agriculture. Sa portée a été renforcée par la voie de l’extension1.

Les autres conventions collectives signées ultérieurement, se réfère à cette


convention collective générale, les conventions antérieures étant annulées, selon la
CCIP de 1974.

SECTION IV - L’EXECUTION DES CONVENTIONS


COLLECTIVES

420. L’exécution des conventions collectives peut soulever des problèmes,


soit d’interprétation, soit d’inapplication ou de violation de leurs dispositions. Selon
l’article 130 C.trav., « les groupements de travailleurs ou d’employeurs liés par une
convention collective ou un accord d’établissement … sont tenus d’en assurer la
bonne exécution et de ne rien faire qui soit de nature à la compromettre ». Dans
l’ensemble, ce sont les groupements eux-mêmes et l’inspecteur du travail qui exercent
le contrôle sur l’application de la convention collective2. Les syndicats (de travailleurs
et d’employeurs) disposent du pouvoir d’agir en justice pour faire respecter la
convention collective. Les délégués du personnel disposent également du droit de
contrôler l’application des dispositions de la convention à travers le pouvoir de
présenter à l’employeur les revendications individuelles et collectives des travailleurs.
Par contre, l’inspecteur du travail ne dispose pas d’un pouvoir particulier de contrôler
l’application de la convention collective3, si ce n’est à l’occasion de sa mission de
conciliation des différends individuels et collectifs. On s’intéressera en particulier aux
problèmes d’interprétation et de sanction de la violation de la convention.

§ 1 – L’interprétation de la convention collective


421. Les conventions collectives elles-mêmes peuvent prévoir des
commissions paritaires chargées de régler à l’amiable les différends résultant de leur
application, ou indiquer la procédure en la matière. C’est ainsi que la convention
collective interprofessionnelle de 1974 prévoit une commission paritaire
d’interprétation et de conciliation.

Selon l’article 71 CCIP, cette commission est chargée de « rechercher une


solution amiable aux différends pouvant résulter de l’interprétation et de l’application
1 L’arrêté 715 FPT/DGTLS du 6 septembre 1974 rendant la convention obligatoire n’a malheureusement pas été
publié au J.O., ce qui est paradoxal.
2 V. M.-A. SOURIAC-ROTSCHILD, Le contrôle de la légalité interne des conventions collectives, Dr. Soc.

1996.395 et s.
3 Selon l’article 360 C.trav., l’inspecteur du travail « … veille à l’application des dispositions édictées en matière

de travail et de protection des travailleurs ». Cette disposition vise les lois et règlement et peut difficilement être
considérée comme s’étendant aux conventions collectives. L’inspecteur peut tout au plus attirer l’attention de
l’employeur sur le respect de la convention collective et informer les travailleurs des droits qu’ils tiennent de la
convention collective et de la possibilité d’agir en justice pour les faire respecter.

369
de la présente convention ». Elle n’a pas à connaître des litiges qui ne mettent pas en
cause le sens et la portée de la convention. Elle est composée de deux membres
titulaires et deux membres suppléants de chaque organisation signataire d’employeurs
et d’un nombre égal de titulaires et de suppléants des organisations signataires de
travailleurs. La partie qui désire soumettre un différend à la commission saisit par écrit
toutes les autres parties signataires et l’autorité administrative compétente. La
commission doit être réunie dans un délai maximum d’un mois. Cet article 71 précise
que lorsque la commission donne un avis à l’unanimité des organisations représentées,
le texte de cet avis, signé par les membres de la commission, a les mêmes effets
juridiques que les clauses de la convention et doit faire l’objet d’un dépôt au
secrétariat du tribunal du travail.

L’interprétation de la convention collective est aussi assurée par les


juridictions. Les juridictions compétentes sont les tribunaux de grande instance et les
tribunaux du travail. Les juridictions administratives sont incompétentes, même pour
l’application d’une convention collective étendue, celle-ci gardant sa nature
contractuelle. Si l’interprétation proprement dite relève de la commission paritaire, les
« actions contractuelles » en nullité ou en exécution intentées par un groupement
contre un autre relève de la compétence du tribunal de grande instance. Les tribunaux
du travail ont souvent à connaître de l’interprétation des conventions collectives, à
l’occasion des actions individuelles nées de l’inapplication de la convention
collective. Ces actions peuvent au besoin appeler à l’interprétation d’une clause de la
convention. La ligne de partage entre la compétence du TGI et celle du tribunal du
travail est le caractère individuel ou collectif du différend. Quant à l’articulation entre
l’interprétation par le juge ou par la commission mixte, d’une part, l’avis d’une
commission mixte peut faire l’objet de recours devant le juge et, d’autre part, cet avis
ne s’impose pas au juge. Toutefois, l’avis de la commission mixte s’impose au juge si
la convention précise qu’il a la valeur d’un avenant à la convention collective1. C’est
le cas, pour la CCIP, de l’avis donné à l’unanimité des organisations représentées.

§ 2 – La sanction de la violation de la convention


L’inapplication de la convention peut donner lieu à des sanctions. Et deux
types d’actions peuvent être engagées à cet effet, les actions collectives et les actions
individuelles.

A – LES TYPES DE SANCTIONS

422. L’inexécution de la convention sera généralement sanctionnée sur le plan


civil. Il est rare que des sanctions pénales puissent être invoquées, vu la nature
contractuelle de la convention collective, même celle qui a fait l’objet d’un arrêté

1 V. PELISSIER et al., op. cit., p. 918; Y. FROUIN, L’interprétation des conventions et accords collectifs de
travail, RJS 3/96, spéc. n° 42 et s.

370
d’extension, ce d’autant plus que l’inspecteur du travail n’a pas un pouvoir d’engager
des poursuites contre l’employeur sur la base de la convention collective. Toutefois,
l’article 387, point 2, C.trav. cite parmi les contraventions de simple police punies
d’une amende « les auteurs d’infractions aux dispositions des actes réglementaires
prévues par les articles … 115… ». Cet article dispose simplement que « les
conventions collectives peuvent être étendues à un ou plusieurs secteurs d’activités
déterminés sur le plan national, régional ou local selon la procédure décrite dans les
dispositions ci-dessous ». Une interprétation large signifierait que la violation de la
convention collective étendue peut donner lieu à des sanctions pénales. Une
interprétation restrictive réserverait la possibilité de sanctions pénales aux clauses des
conventions collectives qui reprennent des dispositions d’ordre public : SMIG, droit
syndical, protection des représentants du personnel etc. Dans ce sens strict, l’article
387 point 2 punit les infractions aux actes réglementaires prévus par … l’article 115,
c’est-à-dire la non application de l’arrêté d’extension.

Sur le plan civil, l’action de la personne lésée contre une personne liée par une
convention collective peut tendre à obtenir l’exécution forcée des clauses de la
convention, au besoin par l’astreinte, ou à obtenir des dommages et intérêts en
compensation du préjudice causé par l’inexécution.

B – LES ACTIONS OUVERTES

Le recours en justice pour obtenir l’application de la convention collective est


ouvert aux travailleurs bénéficiaires de la convention et aux signataires ou adhérents à
la convention collective. Leurs actions peuvent avoir le caractère d’action
individuelle, d’action collective ou d’action individuelle exercée collectivement
encore appelée action syndicale.

1) L’action collective

423. Suivant l’article 131 C.trav., « les groupements liés par une convention
collective de travail ou un accord prévu à l’article 127 ci-dessus, capables d’ester en
justice, peuvent en leur nom propre, intenter une action en dommages-intérêts à tous
autres groupement, à leurs membres ou à toute autre personne liée par la convention
ou l’accord collectif d’établissement qui en violent les engagement contractés ». C’est
une action collective en ce sens qu’elle est engagée par un groupement en son nom
propre dans l’intérêt du groupement ou de ses membres. Cette disposition de l’article
131 recouvre trois hypothèses.

La première est que l’action collective peut être engagée par un groupement
signataire contre l’autre partie sur la base de la responsabilité contractuelle pour
inexécution de la convention. Il s’agit d’une action contractuelle tendant à faire
respecter la lettre et l’esprit du contrat qu’est la convention collective. Un employeur

371
peut par exemple méconnaître une clause de la convention collective ou l’interpréter
faussement.

La deuxième hypothèse est l’action engagée par un groupement signataire


contre ses propres membres pour inapplication de la convention, par exemple un
groupement d’employeur contre un employeur. Cette action a une signification
disciplinaire et peut se fonder sur le statut du groupement1.
La troisième hypothèse est l’action engagée par un groupement signataire
contre toute personne liée par la convention, par exemple l’action du syndicat de
travailleur contre un employeur membre du syndicat patronal signataire qui ne
respecterait pas la convention. Cette action est du même type que l’action syndicale
dans la mesure où il s’agit de défendre les intérêts individuels de ses membres. Le
syndicat a un intérêt à agir dans la mesure où il s’agit de défendre l’intérêt collectif de
ses membres qui est de voir la convention appliquée.

Les actions collectives relèvent de la compétence du tribunal de grande


instance lorsqu’un contrat de travail n’est pas en jeu. Lorsque l’obligation dont un
groupement demande la reconnaissance provoque un conflit collectif, le différend
relève de la compétence des juridictions arbitrales si la procédure conventionnelle
d’interprétation et de conciliation n’a pas eu de succès.

2) L’action individuelle

424. L’action individuelle est évoquée par les articles 132 et 133 C.trav. Les
actions individuelles relèvent de la compétence du tribunal du travail 2.

L’article 132 concerne l’action individuelle proprement dit, tendant à défendre


l’intérêt personnel du plaignant : « les personnes liées par une convention collective
on un accord prévu à l’article 127 ci-dessus peuvent intenter une action en dommages-
intérêts contre les autres personnes ou les groupements liés par la convention ou
l’accord qui violent à leur égard les engagements contractés ». C’est une action
engagée par un individu bénéficiant de la convention contre toute personne liée par
celle-ci, par exemple le salarié contre l’employeur.

L’article 133 concerne ce qu’on appelle l’action individuelle exercée


collectivement ou syndicalement. Cette action peut être exercée collectivement par un
syndicat de salarié signataire, si le bénéficiaire de la convention néglige de le faire et
si, avisé, il ne s’oppose pas à l’exercice de l’action par le syndicat. Selon cet article
133, « les groupements qui sont liés par la convention collective ou un accord…
peuvent exercer toutes les actions qui naissent de cette convention ou de cet accord en
faveur d’un de leurs membres, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, pourvu

1 V. PELISSIER et al., op. cit., p. 915.


2 V. l’art. 287 al. 2 § 2 C.trav.: les tribunaux du travail « sont compétents pour connaître… des différends
individuels relatifs à l’application des conventions collectives et aux arrêtés en tenant lieu… ».

372
que celui-ci ait été averti et n’ait pas déclaré s’y opposer». Cette disposition est une
dérogation au droit commun, notamment à l’adage « nul ne plaide par procureur ». Le
syndicat n’a pas besoin de justifier d’un mandat ou de prouver un intérêt à agir. Il
suffit qu’il avertisse l’intéressé et que celui-ci ne s’y oppose pas. Ce dernier peut
d’ailleurs intervenir dans l’instance. La raison est de favoriser l’application des
conventions collectives : le travailleur pris individuellement peut hésiter à agir en
justice pour défendre les droits qu’il tient de la convention collective, même s’il est
théoriquement protégé par la loi contre un licenciement parce qu’il a engagé un procès
contre l’employeur.

L’alinéa 2 de l’article 133 ajoute que lorsque l’action née de la convention


collective ou d’un accord est intentée, soit par une personne, soit par un groupement,
tout groupement capable d’ester en justice dont les membres sont liés par une
convention ou un accord peut toujours intervenir à l’instance engagée en raison de
l’intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres. La
jurisprudence française considère que cette intervention s’assimile à l’action syndicale
et est indépendante de l’action principale, le désistement du travailleur laissant de ce
fait subsister l’instance entre le groupement et l’employeur1.

1 V. PELISSIER et al., op. cit., P. 916.

373
CHAPITRE II - LES DIFFERENDS COLLECTIFS

425. À l’instar des rapports individuels, les rapports collectifs de travail sont
marqués par des conflits dont la forme la plus visible est la grève. Celle-ci est une
épreuve de force, dont la fréquence et/ou l’intensité peuvent être préjudiciables aux
protagonistes et à l’ensemble de l’économie du pays. Aussi, cherche-t-on à limiter au
maximum le recours à la force par deux voies : en réglementant la grève et en
prévoyant des procédures pacifiques de règlement des différends collectifs. Ceux-ci ne
peuvent pas être soumis au tribunal du travail parce que, très souvent, la solution
recherchée par l’une des parties est bien plus la modification du droit existant. Ces
différends naissent à la fois de revendications économiques et de contestations
juridiques. On examinera d’abord la notion de différend collectif, puis les deux modes
de règlement, et enfin la sanction de l’irrespect de cette procédure.

SECTION I – LA NOTION DE DIFFEREND COLLECTIF


L’intérêt de préciser la notion de différend collectif réside dans le choix des
modes de règlement. Ces modes de règlement pacifique des différends sont d’ailleurs
le premier jalon de la réglementation du droit de grève. Aussi, faut-il préciser cet
intérêt avant d’aborder les définitions de la notion.

§ 1 – L’intérêt de la notion : la détermination du mode de


règlement
426. Le titre 7 du code du travail est consacré aux différends individuels ou
collectifs du travail. Mais le code utilise aussi le terme de conflit collectif. Les deux
mots sont généralement utilisés indifféremment mais ils comportent des nuances.
Selon le petit Robert, le différend est un « désaccord résultant d’une différence
d’opinions, d’une opposition d’intérêt entre deux ou plusieurs personnes ». Le conflit
évoque l’idée de combat, de lutte. C’est ainsi que face à une grève, qui est la
manifestation d’une divergence d’interprétation ou de prétentions, l’on parlera de
conflit du travail. La divergence d’interprétation ou de prétentions peut dégénérer en
conflit1 prenant la forme d’une grève. L’objet du conflit sera de faire admettre son
interprétation ou ses prétentions.

Le règlement du différend ou du conflit collectif peut se faire : par négociation


directe entre les parties, par conciliation, par médiation ou par arbitrage. La
négociation directe2 est normalement la phase la plus importante pour la paix dans

1 Le mot conflit peut avoir un autre sens, celui de contestation de compétence entre deux juridictions. On parlera
alors de conflit de compétence. Le différend devient un litige lorsqu’il est soumis aux juridictions.
2 V. PELISSIER et al. Op. cit. p. 1284 ; M.-A. SOURIAC, Conflits du travail et négociations collectives, Dr. Soc.

2001, 705. V. également, sur le célèbre protocole de Grenelle, G. LYON-CAEN, JCP 1970.16471 ; et B.
STARCK, JCP 1970.I.2363.

374
l’entreprise et devrait être la plus courante. C’est son échec ou le fait de l’avoir occulté
qui fait intervenir les autres procédés, la négociation par l’entremise d’une tierce
personne (conciliation, médiation ou arbitrage).

La conciliation est une négociation conduite par un tiers, en vue de rapprocher


les points de vue antagonistes jusqu’à l’acceptation d’une solution de compromis. La
conciliation tend à la recherche d’une solution de type transactionnelle. La médiation1
est une procédure intermédiaire entre la conciliation et l’arbitrage, dans laquelle le
tiers intervenant n’est pas chargé de trancher le litige, mais de dégager, après enquête
sur l’origine du litige et la situation de l’entreprise, une solution qu’il soumet aux
parties sous forme de recommandation. Sa mission est de faire des propositions
motivées susceptibles d’être acceptées et appliquées par les parties. L’arbitrage, par
contre, est une procédure de règlement du différend impliquant une décision du tiers
intervenant. L’arbitre est un juge qui tranche le différend.

Le droit burkinabè retient deux modes de règlement des conflits collectifs, les
procédures de conciliation et d’arbitrage. Ces procédures sont applicables aux
différends collectifs concernant les travailleurs régis par le code du travail2. elles ne
s’appliquent aux salariés des services, entreprises et établissements publics qu’en
l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques3.

§ 2 - La définition du différend collectif de travail


427. La procédure légale de règlement du conflit est souvent marquée par des
incidents portant sur un désaccord sur sa nature collective ou individuelle. La
qualification du différend présente un grand intérêt pour les parties, parce qu’elle
détermine la voie à suivre (procédure judiciaire ou arbitrale), la légitimité de la
présence des parties ou de certaines d’entre elles, parfois la légitimité des prétentions
ou les chances pour une partie d’avoir gain de cause. Dans la mesure où les règles de
compétence sont d’ordre public, bien cerner la notion de conflit collectif permet de les
faire respecter, en évitant de faire dépendre la répartition légale de compétence entre
le tribunal du travail et le juge arbitral des choix arbitraires des parties. Une partie peut
préférer, en fonction de ses calculs, que le conflit soit soumis à une juridiction ou à la
procédure de conciliation et d’arbitrage.

La doctrine définit classiquement le différend collectif comme « celui qui


oppose un groupement de travailleurs à un groupement d’employeurs ou à un
employeur pris isolément et dans lequel des intérêts collectifs sont en jeu ». Cette
définition fait ressortir deux éléments caractéristiques : un élément subjectif, la
présence d’au moins une collectivité de salariés ; et un élément objectif, ce différend

1 V. A. RAMIN, Du rôle et de l’utilité du médiateur au travers d’une grève significative : le conflit SNECMA, Dr.
Soc. 1987, p. 839.
2 V. l’article 2 C.trav.
3 Article 334, al. 2, C.trav.

375
met en cause un intérêt collectif. Ce dernier caractère est le plus difficile à cerner. Le
premier élément porte sur les parties au conflit.

A – LES PARTIES AU CONFLIT

428. L’élément subjectif, les parties au conflit, comporte des points


communs entre les deux types de différends (individuel ou collectif). En premier lieu,
dans les deux cas, il doit s’agir de rapports de travail (rapport entre employeurs et
travailleurs ou lien contractuel de travail). Cette condition ne pose généralement pas
de difficulté, même si c’est après la rupture du contrat. L’article 335 C. trav. met
l’accent sur ce rapport en parlant de « l’exécution d’un contrat de travail ». En second
lieu, dans les deux cas, un seul employeur peut être en cause face à un groupement de
travailleurs, mais il peut aussi s’agir, dans le cadre par exemple d’un différend sur
l’application des dispositions d’une convention collective, d’un ou de groupements de
travailleurs face à un ou des groupements d’employeurs.

Par contre, les points de différence portent sur le fait que dans le différend
collectif, il faut une collectivité de travailleurs alors que dans le conflit individuel un
seul travailleur suffit. La collectivité de salariés peut être un groupement de fait, non
organisé ou un groupement organisé et durable tel un syndicat ou groupement
professionnel régulièrement constitué. Il peut s’agir d’un syndicat représentatif on non
représentatif ou un groupement circonstanciel ou durable1. Le groupement agit
nécessairement à travers des représentants ou dirigeants de ce groupement.

B – L’ELEMENT OBJECTIF : L’INTERET COLLECTF

429. La difficulté réelle de cerner la notion concerne l’élément objectif,


l’intérêt collectif : dans le conflit collectif, la revendication met en jeu un intérêt
collectif alors que le conflit individuel met en cause un intérêt individuel. Ce second
élément fait l’objet de diverses définitions partant, soit de l’analyse de l’intérêt, soit de
la distinction selon le type de conflit, juridique ou économique. Le code de 2004 en
donne pour la première fois une définition.

1 V. l’article 335 C.trav. Cette question du groupement organisé ou non organisé renvoie à cette autre distinction
entre conflit interne à l’entreprise ou externe à l’entreprise. Dans le conflit externe il s’agit d’organisations
syndicales. Dans l’autre cas, il peut s’agir de représentants du personnels ou de représentants ad hoc. S’il s’agit
d’un groupement inorganisé, il ne se pose pas de difficulté juridique en phase de conciliation mais l’absence de
personnalité juridique pouvait poser problème sans cette disposition de l’article 335, au cas où l’affaire devait aller
jusqu’en appel ou en cassation. Mais les recours s’apparentent souvent à l’action individuelle exercée par une
collectivité de travailleurs. V. pour des actions individuelles, C. A. Ouagadougou, arrêt n° 92 du 11 septembre
2001, Collectif des déflatés de Faso Yaar c/ Faso Yaar (liquidateur) : recours en interprétation d’un arrêt sur la
question de savoir qui est débiteur d’une condamnation en dommages-intérêts, l’entreprise publique étant en
liquidation. Le Ministre des finances opposait une résistance à payer, arguant que le débiteur n’était pas indiqué.

376
1) La distinction entre intérêt individuel et intérêt collectif

430. La distinction entre intérêt individuel et intérêt collectif peut aussi être
exprimée en terme d’intérêt personnel propre du salarié (intérêt individuel) et intérêt
impersonnel, général ou collectif. Or un conflit peut juxtaposer des différends
individuels et des différends collectifs, des points de revendications reposant sur des
droits que chaque salarié ou un salarié tient du contrat de travail et des points de
revendications de portée générale et impersonnelle dont l’aboutissement profitera à
tous les salariés. Par exemple, dans un conflit ayant conduit à une décision du conseil
d’arbitrage du 25 janvier 1971, il y avait juxtaposition de revendications pour
l’annulation d’un licenciement (qui repose sur un droit individuel) et l’institution de
primes. Ce cas illustre aussi la dégénérescence d’un conflit individuel en conflit
collectif : le syndicat estime que le licenciement est abusif et lutte pour que ce procédé
ne se répète plus. En réalité, ici, l’intérêt collectif est indirect : si le travailleur est
repris, chacun espère que le cas fera jurisprudence dans l’entreprise. Mais l’on peut
souligner que cet intérêt collectif indirect peut être défendu par la voie
juridictionnelle, cadre indiqué de règlement des différends individuels.

La finalité juridique de la distinction entre différend individuel et différend


collectif est de ne pas reconnaître à l’individu le droit d’agir en justice dans l’intérêt
général ou aux groupements l’exercice de droits appartenant à des individus, sauf
exception. Cette question recoupe donc celle de l’intérêt pour agir qui bannit «l’action
populaire » et la substitution pure et simple du groupement à l’individu, sauf dans les
conditions prévues par la loi (action syndicale). La conséquence de cette finalité est
que l’on devrait définir l’intérêt en cause pour déterminer quelle est la procédure de
règlement applicable : procédure juridictionnelle ou procédure arbitrale. Cet exercice
est délicat pour deux raisons :
- la première est que le conflit peut glisser du conflit individuel au conflit
collectif. Ce glissement ne change pas en principe la nature individuelle du
différend1. Mais les parties peuvent prendre soin de mêler des
revendications impersonnelles, rendant le conflit justiciable de l’arbitrage ;
- la seconde est que le syndicat dispose d’une capacité large d’agir en
justice, en tant que mandataire ou dans le cadre de l’action collective à base
contractuelle. Le problème peut se poser de savoir si le syndicat peut opter
d’agir sur le terrain judiciaire lorsque la voie arbitrale est indiquée. Les

1V. la sentence arbitrale du 02 novembre 1998 (SAP) (préavis adressé à l’employeur par un syndicat de travailleurs
pour participer à une grève de protestation au niveau national. L’employeur conteste la légalité et, par la suite
prend des sanctions contre certains grévistes après la grève. Les travailleurs ayant invoqué le caractère collectif du
conflit, l’affaire fut soumise à la procédure arbitrale. L’arbitre déclina sa compétence en estimant qu’il s’agissait
d’une question de « droit individuel » pour laquelle, outre la possibilité pour chaque travailleur de saisir le juge, le
syndicat pouvait lui aussi agir en justice soit dans le cadre de l’action collective, soit en appui aux actions
individuelles, soit encore en tant que représentant mandaté par les plaignants). V. également, dans le sens de
l’action individuelle exercée par une pluralité de travailleurs, C. S. BF. chambre sociale, arrêt n° 8 du 16 février
1999 (grève, licenciement, saisine collective du juge. Le conflit a été reconnu conflit individuel car chaque
travailleur s’est porté plaignant, par une requête collective, pour contester son licenciement).

377
législations qui ne connaissent qu’un système d’arbitrage facultatif
l’admettent en général.

2) Le caractère juridique ou économique du différend

431. La distinction entre différend individuel et différend collectif peut aussi se


faire en partant du caractère juridique ou économique de la revendication. Le
différend est juridique lorsqu’il a pour objet le respect d’une règle de droit : le
paiement de primes prévues par la convention collective, l’application correcte d’une
grille de classification etc. Le différend est dit économique ou de réglementation ou
encore matériel lorsqu’il tend à obtenir un avantage économique ou social nouveau
par suppression ou modification d’une règle de droit existante ou par création d’une
règle juridique nouvelle1.

Cet objet de création du droit rend la voie judiciaire non appropriée : le juge ne
pourra qu’appliquer le droit existant parce que son rôle n’est pas de légiférer ou
réglementer. Il ne peut donc résoudre le problème. Les voies non judiciaires, par
contre, permettent d’examiner le différend en droit et en opportunité, en tenant compte
de la légitimité de la revendication et des possibilités de ou des entreprises 2. Cette
classification entre différend juridique et différend économique permet aussi de régler
la question des pouvoirs de l’arbitre3.

3) L’apport du code de 2004

432. Contrairement à l’ancien code, le nouveau code du travail donne, à


l’article 335 C.trav., une définition du conflit collectif : « le conflit collectif s’entend
d’un différend qui naît en cours d’exécution d’un contrat de travail et qui oppose un
ou des employeurs à un groupe organisé ou non de travailleurs pour la défense d’un
intérêt collectif ». Cette définition reste hermétique si on ne la rapproche pas de la
notion de conflit individuel, qui est donnée à l’article 286 nouveau : « le différend
individuel s’entend d’un conflit qui oppose un ou plusieurs travailleurs à leurs
employeurs à l’occasion de l’exécution du contrat de travail pour la reconnaissance
d’un droit individuel ».

L’apport de ces deux articles est de mettre en relief l’opposition entre un


« droit » et un « intérêt ». selon l’article 286 la revendication doit viser « la
reconnaissance d’un droit individuel » dans le conflit individuel tandis que, selon
l’article 335, elle doit viser « la défense d’un intérêt collectif » La question reste
toutefois posée de savoir ce que c’est qu’un intérêt collectif. La première piste de
réponse est que l’intérêt peut être un droit à créer non encore né. La seconde est que
ce droit à créer n’est pas individuel, c’est-à-dire attaché à un individu, mais un droit
1 V. ISSA-SAYEGH, précité, n° 613, pp. 292 et s.
2 V. PELISSIER et al., précités, n° 1106.
3 V. P. KIEMDE op. cit. RBD n° 22, p. 251.

378
impersonnel ou collectif par essence. Il a une portée générale et l’issue de la
contestation va profiter ou préjudicier à plusieurs travailleurs1.

La jurisprudence burkinabè a eu, avant la loi de 2004, à se prononcer sur cet


élément objectif de la définition : «… peuvent être qualifiés de collectifs les conflits
qui ont une portée générale, tels à titre d’illustration et d’exemples, les conflits relatifs
à la réglementation du travail du personnel, aux conditions d’hygiène, les conflits
relatifs aux salaires, aux congés payés et à la révision des conventions collectives »2.

La portée générale du différend collectif fait que celui-ci pose souvent un


problème juridique et/ou un problème de revendication économique. Dans le cas où il
s’agit à la fois d’un problème juridique et d’une revendication économique, le
règlement par voie judiciaire est peu approprié. Le code de 2004, en faisant la part
entre « droit » et « intérêt », invite à prendre en compte cette considération.

SECTION II - LA CONCILIATION ET L’ARBITRAGE


433. La procédure de règlement des différends collectifs est régie actuellement
par les articles 334 à 350 C.trav. auxquels s’ajoutent les articles 101 à 106, 79, 80, 95
et 286 du nouveau code3. Dans l’ensemble, la réforme de 1992 sur cette question a
consisté à allonger les délais laissés au conciliateur, à l’arbitre et au conseil d’arbitrage
pour décider alors que le code de 2004 tente de raccourcir la durée de la procédure en
supprimant l’étape de l’arbitre unique. Le règlement du différend collectif implique
deux étapes, après éventuellement la recherche de solutions internes : la conciliation et
l’arbitrage. Mais la sentence arbitrale peut faire l’objet de recours en cassation dans
certaines conditions.

1 V. pour des revendications supposant un droit à créer : Sentence du conseil d’arbitrage du 14 juillet 1998, RABO
Moussa, rendue sur renvoi après cassation d’une première sentence de conseil d’arbitrage (restructuration,
licenciements, demandes de dommages et intérêts pour difficultés causées par une mauvaise gestion, allocation des
droits légaux plus 5% de ces sommes. La réclamation d’un surplus aux droits légaux ne repose pas sur une base
légale ou conventionnelle) ; C. A. Ouagadougou, Sentence du conseil d’arbitrage n° 29 du 06 avril 2000, ONPF
(entreprise sous administration provisoire ; plan de restructuration prévoyant des compressions de personnel ;
contestation par les travailleurs du nombre de licenciements projeté).
2 C. S H.V., 14 janvier 1972, Bulletin de la Cour suprême, n°2, 2ème semestre 1976, p. J. 9. Cet arrêt a été rendu sur

recours contre la décision : C. A. Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage n°21 du 25 juin 1991 OVSL c/
Jean Lefèvre. Il s’agissait d’un différend né du licenciement de deux chauffeurs qui se sont battus contre un
supérieur européen auquel se sont greffées diverses revendications (manque d’eau, primes, médicaments…). La
conciliation a été faite sur les autres points sauf en ce qui concerne le licenciement des chauffeurs. V. aussi, C. A.
Ouagadougou, sentence de conseil d’arbitrage, 19 juin 1991, BRAKINA – SOBBRA, RBD n°23 janvier 1993 ; P.
KIEMDE, Une institution peu usitée : l’arbitrage en droit du travail au Burkina Faso, RBD n°22, juillet 1992, p.
247.
3 Dans le code de 1992, il s’agit des articles 206 à 217, auxquels il faut ajouter les articles 33, 34, 38 et 39.

379
§I - La conciliation
434. La conciliation est obligatoire et se passe devant une personne qui a une
autorité juridique sur les parties, l’inspecteur du travail. Ce choix du législateur est
susceptible de critiques mais présente aussi des avantages. La principale critique porte
sur la difficulté que l’inspecteur doit éprouver pour passer de son statut d’autorité à un
statut de personne neutre, qui inspire confiance et qui ne peut user de contrainte. Le
conciliateur doit amener les parties à un accord et non leur imposer un accord. Le
statut de personne neutre est généralement mis en doute par les parties, ne serai-ce que
pour faire pression sur l’inspecteur1. La seconde difficulté est d’avoir des alternatives
à proposer (non à imposer) car on ne peut concilier sans amener à un compromis. A
cet égard, le choix de l’inspecteur du travail est un avantage parce qu’il connaît un peu
mieux les entreprises de son secteur et le droit applicable.

A – L’OUVERTURE DE LA CONCILIATION

435. Tout différend collectif doit être immédiatement notifié à l’inspecteur du


travail du ressort, ou au directeur du travail si le différend s’étend à plusieurs ressorts
d’inspection2. C’est cette notification, à l’initiative des parties, qui saisi l’inspecteur
du travail et ouvre la procédure de conciliation. Mais il n’est pas exclu que
l’inspecteur se saisisse lui-même lorsque le conflit est ouvert. Cette autosaisine
suppose une situation où l’obligation de notification a déjà été violée, situation par
ailleurs assez fréquente.

La nouvelle réglementation ne fait plus explicitement référence à une


possibilité de procéder préalablement par la procédure conventionnelle si elle existe.
Toutefois, dans la mesure où l’article 121 point 14 C.trav. (art. 65 ancien) relatif aux
dispositions facultatives des conventions collectives susceptibles d’extension
mentionne « les procédures de conciliation suivant lesquelles seront ou pourront être
réglés les différends collectifs de travail susceptibles de survenir… », on peut penser
que le recours à de telles procédures conventionnelles n’est pas pour autant exclu. La
convention collective interprofessionnelle de juillet 1974, prévoit en son article 71,
une commission paritaire d’interprétation et de conciliation, composée de deux
membres de chaque organisation d’employeurs et d’un nombre égal de travailleurs,
mais cette commission paritaire n’est compétente que pour les questions concernant
l’application ou l’interprétation de la convention collective. Il ne s’agit donc pas d’une
procédure conventionnelle de conciliation de tout différend collectif.

1Les employeurs se plaignent que les inspecteurs ont des partis pris idéologiques pour les travailleurs. Par contre,
ces derniers considèrent que l’Etat est pour les employeurs et, par conséquent, son représentant ne peut qu’être
favorable à l’employeur ou, à l’inverse, avancent l’argument que « l’inspecteur a pour mission de protéger le
travailleur » Ces divers propos tendent, pour une part, à influencer l’inspecteur.
2 Art. 336 C.trav.

380
B – LE DEROULEMENT DE LA CONCILIATION

436. Une fois saisi, l’inspecteur du travail convoque sans délai1 les parties à la
tentative de conciliation. Si une des parties ne se présente pas, une deuxième
convocation est faite dans un délai de deux jours, sans préjudice de condamnation à
une amende prononcée par la juridiction compétente sur procès-verbal dressé par
l’inspecteur2. L’inspecteur dispose, certes, d’un nouveau pouvoir d’infliger des
amendes, prévu à l’article 366 C.trav., mais l’usage de ce pouvoir dans le cadre d’une
procédure de règlement amiable compromettrait sa mission de conciliation. Le recours
à la sanction de l’amende ne semble d’ailleurs indiqué qu’à l’égard de l’employeur.
Quant aux travailleurs, le refus de se soumettre à la procédure de règlement les
exposerait à des sanctions plus lourdes que l’employeur pourrait directement prendre,
en invoquant l’illégalité d’une éventuelle grève, par exemple.

La conciliation a lieu comme en matière de différend individuel. En cas de


succès, l’inspecteur dresse un P.V. de conciliation qui est exécutoire une fois signé par
lui-même et les parties. En cas d’échec total ou partiel, il rédige un procès verbal de
non conciliation totale ou partielle qui doit être signé par les parties et par lui-même.
La signature de l’inspecteur, selon M. Issa-Sayegh, est une formalité non
substantielle3, contrairement au PV de conciliation dans le différend individuel, qui est
un acte solennel. Cette différence se remarque dans le fait qu’il est désormais prévu en
matière de différend individuel l’apposition de la formule exécutoire sur le P.V. par le
tribunal du travail selon l’article 308 C.trav., alors que l’article 337, alinéa 4, C.trav.
se contente de prescrire le dépôt de l’accord au greffe du tribunal en ce qui concerne
les différends collectifs. La signature des parties rend l’accord formé et donc
obligatoire, tandis que le contreseing du P.V. par l’inspecteur le rend exécutoire4.

L’inspecteur fait également, en cas de désaccord total ou partiel, un rapport


sur le litige qui s’avère très important pour la suite. Ce rapport se justifie par le fait
que l’inspecteur pourra laisser des renseignements écrits sur sa mission, informer ainsi
ses supérieurs, et renseigner éventuellement l’arbitre sur les phases antérieures du
conflit avant sa saisine.

Il adresse le P.V. et le rapport sur l’état du différend au Ministre du travail


avec copies du rapport aux parties5. Cette notification au Ministre déclenche la
procédure d’arbitrage.

1 Dans les délais de 48 heures de la notification, disait le code de 1992.


2 Art. 337 al. 2
3 ISSA-SAYEGH, op. cit., note 15, p. 295.
4 A titre d’exemple analogue où le tiers consacre l’accord des parties, v. les sentences de conseil d’arbitrage : C. A.

Ouagadougou, n° 26 du 23 mars 2001 (un accord amiable est intervenu entre temps entre les parties eux-mêmes et
le Conseil n’a eu qu’à consacrer cet accord et communiquer la sentence au directeur du travail) ; C. A.
Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 26 du 23 mars 2001, Syndic-liquidateur de la CEMOB.
5 Art. 338 C.trav.

381
§ 2 - L’arbitrage
437. Au Burkina Faso, il s’agit d’une procédure d’arbitrage obligatoire : les
parties sont obligées d’y recourir après l’échec de la conciliation et les arbitres sont
désignés par l’Etat. Cette procédure obligatoire présente des avantages et des
inconvénients1 et peut être vivement critiquée pour son caractère contraignant,
notamment vis-à-vis de l’exercice le plus libre du droit de grève. Mais, dans un
contexte de faible tradition de négociation collective, cette contrainte peut paraître un
moindre mal. Cette procédure d’arbitrage obligatoire est restée en vigueur depuis le
code de 1952. Peu utilisée sous le code de 1962, elle a connu un grand regain à partir
des années 1992, qui correspondent, il est vrai, à une période d’instauration du
libéralisme économique, d’application de programmes d’ajustement structurel, de
restructuration et de privatisation d’entreprises publiques.

Avant le code de 2004, l’arbitrage comportait deux phases. Une phase


d’arbitrage devant un arbitre unique et la possibilité de faire appel de la sentence de
l’arbitre devant un conseil d’arbitrage composé du Premier président de la Cour
d’appel et de deux assesseurs non magistrats de profession. La phase de l’arbitrage
devant un arbitre unique a été supprimée et, après la conciliation, la procédure
d’arbitrage se passe directement devant le conseil d’arbitrage composé du Président de
la Cour d’appel et de membres désignés sur la liste des arbitres. La procédure
d’arbitrage pose les problèmes de la saisine, des pouvoirs de l’arbitre et des recours
ouverts contre la sentence.

A – LA SAISINE
438. Il revient au Ministre du travail, dans les dix jours2 de la réception du P.V.
de non conciliation ou de conciliation partielle et du rapport sur l’état du litige, de
soumettre le différend à l’arbitrage et de désigner les assesseurs. Ceux-ci sont choisis
parmi une liste d’arbitres établie tous les deux ans par voie réglementaire après avis de
la commission consultative du travail, selon l’article 340, al. 1. Le caractère vague de
cet article étonne car l’article 210 du code de 1992 était plus précis : la liste est établie
par « arrêté conjoint du Ministre du Travail et du Ministre de la justice après avis de la
commission consultative ». La liste comprend des personnalités choisies en fonction
de leur autorité morale et de la compétence en matière économique et sociale, à

1 Sur ces questions, v. P. KIEMDE, Une institution peu usitée : l’arbitrage en droit du travail au Burkina Faso,
RBD n° 22, juillet 1992.Cet article fait le point de recours à l’arbitrage avant le code de 1992. Depuis lors, les
recours à l’arbitrage se sont multipliés sans pour autant effacer les critiques traditionnelles. La réforme de la
procédure en 2004 prouve que ces griefs sont restés vivaces. V. également, en droit comparé : J. M. BOHUON, Les
juridictions arbitrales, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 8, pp. 212 à 218 ; O. KAHN FREUD,
Quelques réflexions sur le règlement des conflits collectifs du travail au point de vue du droit comparé, Revue
Internationale de Droit Comparé, 1960, n° 2, pp. 352 ; C. M’BA OWONO, De la neutralisation à l’encadrement du
droit de grève au Gabon, Penant n° 830, mai à août 1989, pp. 176 et s. ; J. M. TCHAKOUA, L’arbitrabilité des
différends dans l’espace OHADA, Penant, n° 835, Janvier à avril 2001, pp. 5-29.
2 Le délai était de cinq jours sous le code de 1992.

382
l’exclusion toutefois des fonctionnaires d’autorité (préfets, inspecteur du travail en
fonction, ministres…). Les assesseurs ne sont pas nécessairement des employeurs et
des travailleurs comme en matière de conflit individuel devant le tribunal du travail1.

B – LE DEROULEMENT DE L’ARBITRAGE

439. Il revient à l’arbitre d’étudier le dossier et de convoquer les parties pour


procéder à l’arbitrage. Il a de larges pouvoirs d’investigation : il peut s’informer sur la
situation économique de l’entreprise et sur la situation des travailleurs ; procéder à
toutes enquêtes, requérir la production de tout document ou renseignement d’ordre
économique comptable ou financier, recourir aux offices d’experts ou à toute personne
susceptible de l’éclairer. Pour cette raison, il est tenu au secret professionnel quant
aux documents qui lui ont été communiqués et aux délibérations. En fait, l’arbitre est
appelé à se comporter d’abord comme un conciliateur2, en écoutant les parties puis en
leur proposant des compromis sur les questions appelant une décision en équité. Ce
compromis ne devrait tout de même pas violer la loi car le recours en cassation est
possible et vise justement à sanctionner les décisions contraires à la loi3. Ensuite, s’il
n’a pu concilier les parties sur tout les points ou sur certains points, il se comporte en
juge en tranchant le différend et non comme un médiateur qui fait une
recommandation. Il statue en droit ou en équité selon que le différend est juridique ou
économique.

En ce qui concerne les points en litige, l’arbitre est lié par le P.V. de non
conciliation. Il ne peut se prononcer sur d’autres objets que ceux déterminés par le
P.V. de non conciliation ou ceux qui sont la conséquence directe du différend en
cause4. Toute question nouvelle doit être soumise à la procédure de conciliation avant
d’être soumise à l’arbitrage.

L’arbitre peut statuer en droit ou en équité et c’est ce qui fait l’avantage de


cette procédure par rapport à la voie juridictionnelle. Il se prononce en droit, selon
l’article 347, al. 1, « sur les points du conflit relatif à l’interprétation des lois,
règlements, conventions collectives ou accords d’établissements en vigueur ». Il statue
en équité sur ce qui ne relève pas de l’application du droit mais de la modification ou
de la création du droit. Selon l’al. 2 de l’article 347, « il se prononce en équité sur les
autres différends, notamment lorsque ceux-ci portent sur les salaires ou les conditions

1 La liste des assesseurs comprend surtout des inspecteurs du travail à la retraite, des cadres administratifs, des
professeurs d’université, des anciens dirigeants d’entreprises privées.
2 Même en appel devant le Conseil d’arbitrage, il se peut qu’il y ait conciliation devant le conseil d’arbitrage ou

accord intervenu entre les parties. V. entre autres, C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 42 du 14 juillet
1998, Etablissement Rabo Moussa ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 46/98 du 27 octobre 1998,
Pharmacie nouvelle.
3 Quelques fois, les sentences de conseil d’arbitrage consacrant un accord entre les parties vérifient que l’accord ne

contient aucune disposition contraire à la loi.


4 V. C. A. Ouagadougou, sentence du conseil d’arbitrage n° 90 du 28 août 2001, CIMAT c/ 40 travailleurs ; C. A.

Ouagadougou, sentence du conseil d’arbitrage n° 91 du 11 septembre 2001, SITARAIL c/ 19 travailleurs ; C. A.


Ouagadougou, sentence du cons. arb. N° 74 du 29 juillet 1993, Faso Béni.

383
de travail quand celles-ci ne sont pas fixées par les dispositions des lois, règlements,
conventions collectives ou accords d’établissements en vigueur, ainsi que sur les
différends relatifs à la négociation, à la révision des clauses des conventions
collectives »1. Par exemple, il ne va pas statuer en équité sur les indemnités de
licenciements mais en droit. Par contre il peut statuer en équité sur les demandes
d’indemnités dites négociées, exceptionnelles ou spéciales 2, qui ne sont pas prévues
par la loi, les conventions collectives ou le contrat, dans le principe ou dans le
montant. Lorsqu’il statue, Il peut avoir à interpréter la loi, la convention collective
applicable ou les contrats.

440. Le conseil d’arbitrage se prononce dans un délai d’un mois3 de sa saisine


et communique sa sentence à l’inspecteur (ou au directeur du travail), qui la notifie
aux parties et la communique au greffe du tribunal du travail. La sentence est
exécutoire après notification, ce qui signifie qu’elle est susceptible d’exécution forcée
par voie d’huissier4. Lorsqu’elle n’a pas été refusée, la sentence, qui est
immédiatement exécutoire, prend effet à compter du jour de la notification du conflit à
l’autorité compétente.

La sentence peut être étendue si elle porte sur l’interprétation d’une convention
collective, sur les salaires ou sur les conditions de travail5. Les accords de conciliation
et les sentences du conseil d’arbitrage sont publiés au journal officiel et affichés dans
les bureaux de la direction du travail et de l’inspection du travail où est né le conflit6.

Les parties ou l’une des parties peuvent refuser l’application de cette sentence
en notifiant leur refus, dans les 48 heures qui suivent la notification, au Ministre
chargé du travail. Cette possibilité de refus relativise la force de la sentence arbitrale,
mais elle constitue la différence entre la décision d’un tribunal et une décision
1 Sur l’application de cette disposition, notamment le pouvoir de statuer en équité, v. C. S. BF. Ch. Jud., arrêt n° 12
du 20 avril 1999, SONAFRI c/ 21 travailleurs.
2 L’octroi d’indemnités spéciales et autres « mesures d’accompagnement » est la plupart du temps l’enjeu du

conflit, car il s’agit souvent de situations de difficultés économiques et l’arbitre doit avoir le « flair » de ce qui est
possible. Ce contexte peut expliquer l’acharnement des parties à épuiser toutes les procédures. V. sur l’indemnité
spéciale : C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb., n° 96 du 20 septembre 1994, SEEE ; C. A. Ouagadougou,
sentence du cons. arb., n° 92 du 10 décembre 1996, ONEA ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. du 14
juillet 1998, Etablissements Rabo Moussa ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb., n° 29 du 6 avril 2000,
ONPF. Pour les cas de rares décisions qui ne portent pas sur des suites de licenciement, v. C. A. Ouagadougou,
sentence du cons. arb., n° 126 bis du 20 octobre 1995, Collège Moïse Machel ; C. A. sentence du cons. arb., n°
25/98, FONCIAS, précité.
3 L’arbitre unique devait rendre sa sentence dans les 15 jours (dans les 7 jours sous le code de 1962) et le conseil

d’arbitrage devait décider dans le délai d’un mois. Ces délais étaient rarement respectés. L’intérêt de délais assez
brefs est de ne pas laisser traîner la procédure. De même il ne semble pas que le délai de cinq jours (10 jours
actuellement) imparti au Ministre pour engager la procédure d’arbitrage soit toujours respecté. En tout état de
cause, les dépassements de ces délais ne sont pas considérés par le juge comme une cause de nullité de la sentence.
Il en est autrement des délais de recours impartis aux partis qui sont d’ordre public.
4 La procédure d’exécution forcée est critiquée pour son inefficacité. L’on incrimine les huissiers et l’ensemble de

l’appareil judiciaire, en partie avec raisons, mais l’on oublie souvent que le fait de détenir un acte exécutoire
n’empêche pas des résistances du débiteur qui peut utiliser les ressources du droit.
5 V. art. 345 et les article 123 et s. C.trav. concernant la procédure d’extension.
6 Art. 349 C.trav.

384
reposant avant tout sur le consentement des parties. La sentence n’est exécutoire que
si elle n’est pas refusée. C’est parce que l’arbitre peut statuer en équité que la sentence
peut être rejetée. Ces points ne peuvent pas, en effet, faire l’objet de pourvoi en
cassation. Par exemple, si le conseil d’arbitrage accorde aux travailleurs trente mois
d’indemnité spéciale au lieu de six mois qu’accepterait l’employeur, on ne peut
discuter de l’opportunité de ces chiffres devant le juge de cassation1.

La sentence qui a acquis force exécutoire peut faire l’objet d’un pourvoi en
cassation dans les délais de droit commun, de deux mois, devant la juridiction
administrative compétente, selon l’article 346 du code de 2004.

C – LE POURVOI EN CASSATION

441. Avec la suppression de la phase de l’arbitre unique, il n’y a plus de


possibilité de faire appel. La sentence peut être refusée ou faire l’objet de pourvoi en
cassation dans les délais de droit commun. Cette possibilité de pourvoi en cassation
n’est ouverte que si l’arbitre a statué sur des points appelant à une décision en droit et
non en équité.

Le recours se déroule, selon l’article 346 C.trav., devant la juridiction


administrative compétente. Aux termes de cet article, « la sentence du conseil
d’arbitrage qui a acquis force exécutoire peut faire l’objet d’un pourvoi devant la
juridiction administrative compétente dans les délais et formes prévus pour le pourvoi
en cassation en matière civile ». Si la sentence est annulée, en tout ou partie, l’affaire
est renvoyée au Ministre du travail qui désignera un conseil d’arbitrage autrement
composé.

L’attribution de compétence au juge administratif, en l’occurrence le conseil


d’Etat, a de quoi surprendre : il s’agit d’un litige du travail et les questions de travail
relèvent traditionnellement et logiquement des juridictions de l’ordre judiciaire ; la
sentence du conseil d’arbitrage est rendue devant la Cour d’appel, composée, à
l’image du tribunal du travail, d’un juge du siège et des assesseurs ; la sentence ne
peut être confondue avec les actes de l’inspecteur du travail qui est une autorité
administrative ; en outre l’on se réfère pour ce pourvoi devant le juge administratif,
aux délais et formes prévus pour le pourvoi en cassation en matière civile. Il est, de
ces faits, permis de penser que l’attribution de compétence au juge administratif
résulte d’une coquille et non d’un choix délibéré.

En conclusion, l’observation que l’on peut faire sur la nouvelle procédure


d’arbitrage porte sur la suppression de la phase de l’arbitrage devant un arbitre unique
et, par conséquent, de la possibilité de recours en appel. Dans l’ensemble, la réforme

1 V. C. S. ch. jud. Arrêt n° 12 du 20/4/1999, SONAFRI. Cet arrêt rejette un pourvoi contre une sentence de conseil
d’arbitrage accordant une indemnité spéciale, au motif qu’il s’agit « d’un acte relevant du pouvoir souverain que la
loi reconnaît aux seuls juges du fond ».

385
de 1992 sur la procédure de règlement pacifique des différends collectifs a consisté à
allonger les délais laissés au conciliateur, à l’arbitre et au conseil d’arbitrage pour
décider. Cet allongement, qui suspend d’autant le délai d’exercice du droit de grève,
semble avoir été l’argument1 pour supprimer une des phases de la procédure, mais la
réalité est que la procédure de règlement intervenait souvent après des mouvements de
grèves qui ont révélés la portée du conflit2. L’ancienne procédure d’arbitrage
comportant deux degrés présentait un inconvénient réel, celui de la longueur des
délais, en partant de la phase de conciliation jusqu’à l’épuisement de la procédure
après la sentence du conseil d’arbitrage3. La suppression de la phase de l’arbitre
unique permet de gagner un peu de temps, mais ce gain risque d’être dérisoire si un
effort n’est pas fourni sur les autres causes de d’allongement du temps de règlement
des différends collectifs. L’avenir de la procédure d’arbitrage obligatoire en dépend.

SECTION III – LA SANCTION DE L’INOBSERVATION DE


LA PROCEDURE

442. Le non-respect des procédures de règlement pacifique des différends


collectifs est sanctionné par les articles 357 et 358 Code de 20044. L’article 357
interdit tout lock-out ou toute grève avant épuisement des procédures de conciliation
et d’arbitrage. L’article 358 prévoit les sanctions suivantes pour le lock-out ou la
grève pratiquée en violation de l’interdiction :
- pour les travailleurs : «la perte du droit à l’indemnité de préavis et aux
dommages-intérêts pour rupture du contrat ». C’est dire que l’inobservation du
caractère obligatoire de la procédure est considérée, pour le moins, comme une faute
grave.
- pour les employeurs : le paiement aux travailleurs des journées perdues de ce
fait ; la possibilité d’une condamnation par le tribunal à l’inéligibilité, pendant deux
ans, aux fonctions de membre de la chambre de commerce, à l’interdiction (pour la
même période) de faire partie du Conseil économique et social, de la Commission

1 Une autre raison avancée est la fréquence des pourvois en appel contre les sentences arbitrales. Cette fréquence se
constatait aussi dans la période où il y avait peu de recours à la procédure d’arbitrage (3 pourvois sur 5 décisions).
V. P. KIEMDE, article précité.
2 Par exemple, dans la sentence du conseil d’arbitrage n° 25 du 05/05/1998, FONCIAS, l’on relève que c’est le

dépôt d’un préavis de grève qui a déclenché la procédure de conciliation et d’arbitrage.


3 Si, depuis le P.V. de non conciliation, le délai de désignation de l’arbitre (dans les 5 jours de la réception du

dossier par le ministre), le délai imparti à l’arbitre pour rendre sa décision (15 jours) et le délai imparti au conseil
d’arbitrage (un mois) donnent un fourchette de moins de deux mois, la réalité est toute autre. Certaines affaires
traînent plus d’un an avant de parvenir à la décision définitive du conseil d’arbitrage. Mais les retards énormes ne
sont pas imputables aux retards (qui sont courants ) devant l’arbitre unique, mais aussi aux périodes mortes de
désignation de l’arbitre ou des assesseurs du conseil d’arbitrage et à la procédure devant le conseil d’arbitrage. A
cela, il faut ajouter les caractéristiques des situations soumises à la procédure de règlement, celles souvent
d’entreprises en faillite, et les stratégies des parties. Tous ces facteurs contribuent à l’allongement de la procédure
et à alimenter l’argument du blocage du droit de grève.
Un examen des récapitulatifs de la procédure fournis par les sentences de conseil d’arbitrage permet de se faire une
idée des causes et niveaux d’accumulation des retards V. Sentences de conseil d’arbitrage n° 88 du 14/8/2001,
SEEE-Burkina ; n° 29 du 6/4/2000, ONPF ; n° 25/98 du 5/5/1998, FONCIAS ; n° 29 du 9/11/2002, SOTRACO.
4 Articles 216 et 217 C.trav. de 1992

386
consultative du travail, du conseil d’arbitrage ; à l’interdiction de participer sous une
forme quelconque à une entreprise de travaux ou un marché de fourniture pour le
compte de l’Etat ou d’une collectivité publique.

Ces sanctions paraissent dissuasives pour les employeurs, mais elles sont bien
plus sévères pour les travailleurs qui sont très souvent dans la situation de commettre
l’infraction et qui risquent une sanction radicale, la perte de l’emploi à l’initiative de
l’employeur.

Après épuisement de ces procédures ou refus de la sentence, la grève devient


légale. La question de la légalité est appréciée par le tribunal du travail, généralement
lors de recours sur le caractère abusif de licenciements après une grève1.

1 V. C. A. Ouagadougou, sentence du conseil d’arbitrage n° 90 du 28 août 2001, CIMAT (Réaction des travailleurs
à l’annonce d’un projet de licenciements économiques par un préavis de grève et un sit-in devant les bureaux de la
société ; l’employeur saisit l’inspection du travail et exige l’arrêt de la grève avant l’ouverture des négociations.
Les travailleurs poursuivent la grève et la déclare illimitée ; l’employeur procède au licenciement de 40
travailleurs. En phase d’arbitrage, l’arbitre décide que l’illégalité de la grève est la conséquence d’illégalité
commise par l’employeur et par conséquent le licenciement est abusif. Cette décision est réformée par le conseil
d’arbitrage) ; C. A. Ouagadougou, sentence du cons. arb. n° 97 du 26 septembre 1994, Cours Placide Yaméogo.

387
CHAPITRE III - LA GREVE ET LE LOCK-OUT
443. La grève est aujourd’hui reconnue comme une arme aux mains des
travailleurs pour faire contrepoids au pouvoir de direction de l’employeur. C’est
l’arme ultime qui leur permet de faire aboutir les revendications professionnelles.
Mais ce droit n’a pas été acquis sans peines. Comme le droit syndical, la grève est un
phénomène qui a d’abord concerné le secteur privé, avant d’atteindre le secteur public.

L’évolution de l’attitude des pouvoirs publics, en France, à l’égard de la grève


traduit l’évolution de la philosophie politique et économique. L’interdiction du droit
de grève a correspondu avec la période du triomphe du libéralisme économique. Ce
libéralisme conduisait à considérer l’interruption concertée du travail comme une
atteinte à la liberté du travail. De plus, la loi Le Chapelier, en interdisant les coalitions
de gens de même métier pour discuter de leurs intérêts et faire monter ou baisser le
prix du travail, rendait toute grève illégale.

Puis avec la fréquence malgré tout des grèves en marge du droit et l’émergence
de l’interventionnisme économique, l’Etat a été amené à reconnaître la nécessité de
réglementer les relations entre employeurs et travailleurs. La loi du 25 mai 1864
autorise les coalitions et dépénalise ainsi la grève qui se trouve alors reconnue comme
forme d’action mais pas protégée, dans la mesure où son exercice pouvait être
sanctionné sur le terrain contractuel. L’étape décisive de la consécration du « droit de
grève » sera la constitution de 1946 qui disposait que « le droit de grève s’exerce dans
le cadre des lois qui le réglementent ». Les premières réglementations tendront à
limiter les abus de part et d’autre (licenciement abusif par l’employeur, sabotage par
les salariés). La jurisprudence française tirera comme conséquence de la
reconnaissance du droit de grève par la constitution que la grève suspend le contrat de
travail.

Les phénomènes du syndicalisme et du droit de grève, limités au départ au


secteur privé, vont s’étendre et atteindre la fonction publique et le secteur public.
Cette extension du droit de grève va poser des problèmes d’une autre nature : ceux de
la compatibilité entre la nature de l’action de l’administration, notamment l’impératif
de continuité du service public, et le droit de grève. Cette question est très cruciale de
nos jours et ramène régulièrement sur le tapis le problème de la réglementation du
droit de grève.

Le code de 1952, adopté dans ce contexte d’évolution constitutionnel et


jurisprudentielle en France, reprendra cet esprit. Les constitutions burkinabè, après
l’indépendance, consacreront de manière plus ou moins explicite le droit de grève 1.
Actuellement ce droit n’est pas seulement consacré mais garanti par la constitution.

1YONABA S. Le statut du droit de grève dans le Burkina Faso de la quatrième République, RBD n° 26, juillet
1994, p. 252

388
Selon l’article 22 de la Constitution, « le droit de grève est garanti. Il s’exerce dans le
cadre des lois qui le réglemente ». Cette réglementation, somme toute sommaire, dans
la tradition des droits d’inspiration française, se résume à deux textes essentiels, le
code du travail dans ses dispositions relatives au règlement des différends collectifs1 et
la loi n° 45/60/AN du 25 juillet 1960 portant réglementation du droit de grève des
fonctionnaires et agents de l’Etat2.

Le caractère controversé de la question de la réglementation appelle des


précisions sur la notion de grève, sa légalité et sa licéité, ses effets ainsi que sur la
grève dans le secteur public.

SECTION I – LES NOTIONS DE GREVE ET DE LOCK-OUT

444. L e code du travail de 2004 donne des définitions de la grève et du lock-


out, en reprenant les définitions dégagées par la doctrine et la jurisprudence. Il rompt
quelque peu avec les codes antérieurs, en allant au-delà des dispositions sur la
procédure obligatoire de règlement des différends collectifs 3 : il introduit la notion de
« besoins essentiels », qui renvoie à celles de services essentiels ou indispensables ; le
droit de réquisition ; et reprend certaines solutions de la jurisprudence à propos de
l’abus dans l’exercice du droit de grève.

§ 1 - définition de la grève4

445. Aux termes de l’article 351 C.trav., « La grève est une cessation
concertée et collective du travail en vue de faire aboutir des revendications d’ordre
professionnel déjà déterminées auxquelles l’employeur refuse de donner satisfaction »
Cette définition se veut plus explicite que la définition doctrinale et jurisprudentielle
courante qui considère la grève comme « un arrêt concertée et collectif du travail en
vue de faire aboutir des revendications d’ordre professionnel »5. Le fait d’ajouter « …
1 V. les art. 206 à 217 et articles 237 notamment 238-h du code de 1992 ; et actuellement les
articles 351 à 359 C.trav. de 2004.
2 V. le texte dans : J. O. RHV du 6 août 1960, p. 704, RBD n° 26, juillet 1994 ; annexe à l’article de S. Yonaba, p.

265.
3 De deux articles dans le code de 1992 (articles 216 et 217), les dispositions sur la grève et le lock-out sont passées

à neuf articles.
4 V. BALLESTRERO Maria Vittoria, La grève en droit italien, Dr. Soc., n° 4, 2004, p. 386 ; BERNARD A. La

grève, quelle responsabilité ? Dr. Soc. 1986, p. 638 ; DURRY, La responsabilité civile des délégués syndicaux, Dr.
Soc. 1984, p. 69 ; GERNIGON Bernard, ODERO Alberto et GUIDO Horacio, Les principes de l’OIT sur le droit
de la grève, RIT 1998/4, vol. 137, n° 4, p. 473. LEVASSEUR G. La notion de grève, Dr. Soc. 1960, p. 654 ;
LYON-CAEN G. Réglementer le droit de grève ? Dr. Soc. 1988, p. 709 ; RAMIN A. Exercice du droit de grève et
responsabilité civile, Dr. Soc. 1980, p. 537 ; MUASE Ch. K., Syndicalisme et démocratie en Afrique : le cas du
Burkina Faso, INADES, Khartala, 1989 ; SAVATIER J. L’occupation des lieux de travail, Dr. Soc. 1988, p. 655 ;
SINAY H. et JAVILLIER J.-Cl, La grève, Traité de droit du travail (dir. G.H. Camerlynck) Dalloz, T. 6, 2 e édit.,
1984 ; SUPIOT A. Revisiter les droits d’action collective, Dr. Soc. 2001, 687 ; YONABA S. Le statut du droit de
grève dans le Burkina Faso de la quatrième République, op. cit., pp. 249 et s.
5 Mais, v. ISSA-SAYEGH, op. cit. n° 1265: « le droit de grève doit avoir pour motif une revendication

professionnelle que l’employeur refuse de satisfaire ».

389
déjà déterminée auxquelles l’employeur refuse de donner satisfaction » montre
l’intention du législateur de mettre l’accent sur une condition de légalité, la
présentation préalable de revendications et le refus de l’employeur. Mais cette
définition n’en reste pas moins conforme à la définition traditionnelle donnée par la
jurisprudence. Il ressort des deux définitions trois éléments constitutifs de la grève :
l’arrêt de travail ; l’interruption collective et concertée ; et le motif, une revendication
d’ordre professionnelle.

A – L’ARRET DE TRAVAIL

446. L’arrêt de travail doit être « effectif et franc »1, sous peine de pas être
considéré comme une grève. Cette question pose le problème de certaines formes
d’actions telles que la grève perlée et la grève du zèle. La grève perlée consiste à
ralentir volontairement le rythme de travail et la cadence de production tandis que la
grève du zèle consiste, au contraire, à appliquer la réglementation de manière
tatillonne, de telle sorte que la production n’avance pas. Ces deux formes aboutissent
à ralentir le travail sans arrêt effectif2. Elles peuvent être déclarées non constitutives
d’une grève mais d’une mauvaise exécution du travail. Ces formes de protestations
sont devenues moins fréquentes, en raison des risques de disqualification par le juge.
Selon la cour de cassation française « il n’ y a pas arrêt de travail, lorsque le travail est
exécuté au ralenti ou dans des conditions défectueuses »3.

Au Burkina Faso, le problème de la qualification s’est posé à propos d’autres


formes d’action dans l’enseignement : boycott total ou partiel des examens consistant
soit au refus de participer au jury d’examens, soit au refus d’évaluer les élèves ou
étudiants, soit encore, au refus de corriger les copies ou de communiquer les notes.
Ces boycotts ont fait l’objet d’un avis de la Cour suprême 4 qui, après avoir relevé que
« le droit de grève permet au salarié de suspendre sans rompre le contrat de travail,
mais ne l’autorise pas, sous le couvert de ce droit, à exécuter son travail dans des
conditions autres que celles prévues par son contrat ou pratiquées dans la profession »,
a estimé que l’action entreprise ne peut pas être qualifiée de grève illimitée et qu’ «on
est en présence d’une exécution défectueuse du contrat de travail, le réduction voulue
et concertée du rendement constituant une faute que l’on peut qualifier de légère ou de

1 ISSA-SAYEG, ibid., n° 1263.


2 Par exemple, des douaniers peuvent créer des bouchons et le mécontentement des usagers en ralentissant chaque
acte de contrôle ou en y mettant un zèle tatillon, par des fouilles que l’on sait inutiles. Des caissiers ou des
réceptionnistes de dossiers des clients peuvent ralentir les opérations en mettant un temps fou pour chaque
encaissement ou la vérification de chaque dossier.
3 V. Soc. 26 janvier 2000, Dr. Soc. 2000.451, obs. Cristau.
4 Il s’agit d’un avis sollicité par l’exécutif et non pas d’une décision. On peut s’étonner du recours à cette formule

mais l’avis semble avoir contribué à limiter le recours à ces formes d’actions. Le gouvernement aurait pu, en droit,
se contenter de déclarer l’action illégale et prendre des sanctions si les auteurs n’obtempèrent pas mais les
sanctions après grève ont souvent pour effet de relancer le mouvement de grève, cette fois-ci pour la levée des
sanctions.

390
grave selon les cas ».1 La première citation a été reprise à l’alinéa 2 de l’article 351 :
« le droit de grève n’autorise pas les travailleurs à exécuter leur travail dans des
conditions autres que celles prévues à leur contrat de travail ou pratiquées dans la
profession et n’emporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de
l’entreprise ». Ces formes d’actions sont fréquentes dans le secteur public et la
fonction publique où la stabilité de l’emploi est garantie, juridiquement par des
procédures disciplinaires plus lourdes à mettre en œuvre et, socialement par une sorte
de « responsabilité sociale » du supérieur hiérarchique qui provoque une perte de
l’emploi à un salarié. On rencontre des actions telles que le boycott des gardes dans la
santé, le boycott des formations pédagogiques dans l’enseignement primaire. L’impact
de ce dernier cas est plus limité.

Si la grève est « franche », peu importe sa durée, ou le moment de son


déclenchement ou éventuellement son caractère répétitif. Un débrayage d’une heure
reste une grève, que celle-ci soit déclenchée en début de travail ou en cours de travail.
La grève peut se produire à plusieurs reprises. Ces circonstances n’entraînent pas une
disqualification de la grève mais mettent en cause la licéité de l’action.

B – L’ARRÊT CONCERTÉ ET COLLECTIF

447. L’arrêt de travail ne peut être une grève que s’il est collectif et concerté.
Un seul travailleur ne peut prétendre se mette en grève. Mais une grève minoritaire
reste une grève, pourvu qu’il y ait une pluralité de travailleurs engagés dans l’action. Il
n’est pas prévu un seuil minimum de grévistes : il est difficile de fixer un chiffre ou un
pourcentage sans modifier la philosophie en vigueur du droit de grève, en niant le
droit de grève à une minorité ou en le réservant aux syndicats représentatifs. En effet,
la grève est considérée dans certains droits, notamment en droit d’inspiration
française, comme un droit individuel d’exercice collectif. L’on considère que la grève
fait partie des droits fondamentaux appartenant à l’individu et non un « droit collectif
à exercice individuel »2. Il découle également de cette conception que la grève n’a pas
besoin de la médiation d’un syndicat, comme dans les pays qui, à l’exemple de
l’Allemagne, retiennent une conception « organique » de ce droit3. Il n’est pas besoin
que le mot d’ordre de grève soit lancé par un syndicat, a fortiori que le syndicat qui
lance un mot d’ordre de grève soit représentatif.

L’exigence d’une concertation découle du caractère collectif de la grève. Mais


la loi est muette sur la forme de concertation, qui pourrait être l’exigence d’un
referendum pour l’ensemble du personnel de l’entreprise ou la convocation d’une
assemblée générale des membres du syndicat. La grève peut être lancée par les
1 C. S. BF. Avis juridique n° 95.001 du 15 avril 1995, RBD n° 28, juillet 1995, p. 291 ; V. également le cas en
France, Soc. 16 mars 1994, Dr. Ouvrier 1994. 389 ; JCP 1994.II.22340, note F. Duquesne (refus pour les agents de
la SNCF de contrôler les billets).
2 V. BALLESTRERO M. V. op. cit. P. 386. Celui-ci écrit qu’en Italie, cette formule a été proposée par certains

auteurs sans succès.


3 V. PELLISSIER et autres, op. cit., n° 1102.

391
dirigeants d’un syndicat ou sur des initiatives informelles. Elle pourrait même être
spontanée ou « sauvage » sans encourir une « disqualification », mais l’obligation de
suivre une procédure préalable de règlement des différends collectifs la rendrait illicite
et déprotégerait les grévistes. L’exigence du caractère concerté exclut que soit
considéré comme une grève le mouvement d’humeur d’un travailleur qui quitterait
son poste pour protester contre un acte de l’employeur ou de quelques travailleurs qui,
spontanément, auraient ces agissements. Ceux-ci seront placés simplement sur le
terrain contractuel et justifieront de leurs actes sur le plan disciplinaire. Ils ne peuvent
se prévaloir de l’exercice d’un droit collectif.

C – LE MOTIF : LA REVENDICATION PROFESSIONNELLE

448. La grève suppose un troisième élément, l’existence d’une revendication


adressée à l’employeur et cette revendication doit être d’ordre professionnelle. Cette
condition est souvent discutée, mais tout arrêt du travail ne peut être considéré comme
une grève. L’exigence de l’existence d’une revendication est en soi logique, c’est le
caractère professionnel de la revendication qui est souvent controversé, dans le cas de
motif politique ou de solidarité.

1) La revendication préalable

449. Selon l’article 351, l’arrêt de travail doit « appuyer des revendications
professionnelles déjà déterminées auxquelles l’employeur refuse de donner
satisfaction ». Cette formulation comporte deux implications portant sur le moment
du déclenchement de la grève et sur le motif de cette grève.

La première implication est que la grève doit venir en appuie à une


revendication non satisfaite par l’employeur. L’intérêt de cette précision est que la
grève ne devra pas être le révélateur, pour l’employeur, de l’existence d’une
revendication ou d’une insatisfaction. La revendication doit être présentée
préalablement à la grève. C’est une condition qui n’est pas difficile à satisfaire ou à
présenter comme satisfaite par les travailleurs si les délégués du personnel ou les
représentants syndicaux font leur travail : ils peuvent toujours prouver que telle ou
telle question a été soulevée lors d’une rencontre ou dans un écrit adressé à
l’employeur sans avoir reçue de solution ou sans satisfaction entière. En réalité, le
caractère préalable de la revendication complète le caractère obligatoire de la
procédure de conciliation et d’arbitrage.

La seconde implication porte sur l’objet de la revendication. L’alinéa 3 de


l’article 351 stipule : « est illicite l’arrêt de travail qui ne correspond à aucune
revendication professionnelle ». La détermination du caractère professionnel de la
revendication est bien plus délicate et controversée en raison de l’enjeu d’une
délimitation qui exclurait certains arrêts de travail du qualificatif de grève ou
simplement du régime protecteur de la grève.

392
2) La distinction entre grève politique et grève professionnelle

450. La controverse porte généralement sur la distinction entre grève


professionnelle et grève politique. Cette distinction concerne le mobile de la grève. Est
professionnelle la revendication portant sur les salaires et les conditions de travail au
sens large : augmentation de salaires, rythme ou horaire de travail, conditions
d’hygiène et de sécurité au travail, s’opposer à des licenciements collectifs ou au
licenciement de représentants du personnel, défendre l’exercice des droits syndicaux
etc. La détermination du caractère professionnel est aisée lorsque la grève concerne
une entreprise ou un groupe d’entreprise. Le code du travail, comme les autres codes
des pays de droit d’expression française, ne réglementent que cette hypothèse,
renvoyant implicitement les autres cas d’arrêt de travail à d’autres réglementations,
telles que la liberté d’expression et la liberté de manifestation.

Mais de nos jours, sauf lorsqu’il s’agit d’une grève limitée à une entreprise, il
est souvent difficile de faire la part entre but professionnel et but politique. Les grèves
lancées par les unions ou centrales syndicales concernent plusieurs entreprises ou
l’ensemble du pays, mais peuvent être strictement professionnelles : tel serait le cas de
grève pour la modification d’une convention collective, la renégociation de salaires ou
la répercussion dans le privé des hausses du SMIG. Au Burkina Faso, ces cas sont
rares, en raison du délaissement de la négociation collective et de la procédure de
hausse des salaires liée à l’augmentation du SMIG. Cette procédure fait que l’Etat
absorbe les revendications vers lui, d’autant plus que les syndicats sont plus puissants
dans la le secteur public et la fonction publique. Les grèves lancées par les syndicats,
au-delà d’une entreprise, sont généralement mixtes : elles mêlent les revendications
strictement professionnelles et des revendications s’adressant à l’Etat pour contester la
politique globale du pouvoir ou exiger des solutions à des questions politiques ou
sociales particulières : lutte contre l’impunité, contre la corruption, pour la
préservation des libertés et droits fondamentaux. Ces motifs ne sont pas sans intérêt
pour le travailleur ou le syndicat mais ils relèvent plus généralement de l’expression
citoyenne1 et ne peuvent être traités selon les procédures prévues pour des
revendications professionnelles.

En ce qui concerne la détermination du caractère politique de la grève, la


jurisprudence française s’appuie sur l’arrêt de principe de la cour de cassation en date
du 23 mars 1953 qui se base sur le mobile principal, lorsque la grève a un caractère
mixte. Elle décide que « si la loi et la constitution ont donné aux salariés le droit de
recourir à la grève, pour la défense de leurs intérêts professionnels, ce droit est
détourné de sa destination normale et la grève devient illicite, lorsqu’elle s’immisce
dans l’exercice des actes réservés à la puissance publique, faussant ainsi le jeu des

1Il est rare de trouver un mot d’ordre de grève, même d’un syndicat de base, surtout dans la fonction publique, qui
n’intègre pas un point de revendication relatif à une question politique : ces références rituelles visent à montrer
que la lutte syndicale est inséparable de l’action politique, à situer le syndicat dans l’échiquier politique et à
mobiliser les sympathies politiques.

393
institutions constitutionnelles »1. En vérité, mis à part des cas limites, le
développement des grèves générales pour protester ou s’opposer à telle politique
économique ou à telle loi, tend à effacer la distinction et conduit à tolérer les grèves
n’ayant qu’une faible relation avec des revendications professionnelles précises. La
grève purement politique est remplacée par les grèves mixtes dans lesquelles
coexistent des mobiles professionnels et des mobiles politiques. La jurisprudence
française considère la grève mixte illicite lorsque l’aspect politique est prédominant2.

Au Burkina Faso, l’article 351 al. 3 risque de n’être d’aucune utilité compte
tenu de la prévalence des grèves mixtes3. La recherche du mobile prédominant est un
exercice plutôt ardu, pour le gouvernement qui l’invoque comme argument de
discrédit vis-à-vis de l’opinion publique ou pour justifier une interdiction, et pour le
juge appelé éventuellement à connaître d’un tel litige. Sauf lorsque l’appel à l’arrêt de
travail est lancé par un parti politique, il n’est pas difficile de trouver un mobile
professionnel sérieux dans un mot d’ordre de grève. Le facteur déclenchant peut
d’ailleurs être professionnel : grève pour la levée de sanction contre un dirigeant à la
suite d’un déclaration outrageante ou incendiaire. Le législateur burkinabè se montre
souple, si l’on se réfère à son attitude face à la grève dans la fonction publique,
puisque l’article 5 de la loi n°45 AN du 25 juillet 1960 dispose que « toute grève qui
n’a pas pour objet la défense d’intérêts professionnels ou collectifs peut être interdite
par arrêté du président du conseil des Ministres ».

3) La grève de solidarité

451. La condition d’une revendication d’ordre professionnel soulève une autre


difficulté, celle des grèves de solidarité. Ce problème ne se pose pas dans les mêmes
termes que les grèves générales qui, si elles ne sont pas à dominante politique, posent
des revendications communes à l’ensemble des travailleurs, adressées à l’Etat et aux
employeurs en tant que partenaires de négociations bilatérales ou tripartites. La grève
de solidarité est celle déclenchée pour soutenir d’autres travailleurs en grève ou pour
soutenir une cause individuelle ou pour protester contre des mesures qui ne concernent
pas directement les grévistes. Le problème est que, dans l’entreprise non directement
concernée, le gréviste ne présentent aucune revendication, comme l’exige l’article

1 V. Cass. 23 mars 1953, Grenier c/ SNCF, D. 1954 89 note Levasseur ; JCP 1953, II, 7709 ; GADT, 3e édit., n°
180 (grève de Protestation contre des incidents qui se sont déroulés au parlement, arrestation de dirigeants
syndicaux dont un cheminot qui a participé à la grève de protestation. Cas de grève mixte). V. également, Soc., 4
mai 1956, D. 1956.487 ; GUERY Gabriel, Pratique du droit du travail, Montchrestien, 11 ème édit. 2003, p. 586 :
« peut être définie comme une grève politique celle qui entend protester contre une décision de politique intérieure
ou internationale sans incidence directe sur la vie des travailleurs ».
2 Soc. 10 mars 1961, Bull. civ., IV, n° 333, Dr. Soc. 1961, p. 363, obs. J. Savatier.
3 Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, on ne peut contester le caractère courant des grèves mixtes au Burkina

Faso. Le rôle joué, dans son histoire politique, par les grèves générales ou corporatives (enseignement par
exemple), et la prédominance de l’idéologie révolutionnaire dans les syndicats ont contribué à imprimer une
culture à la lute syndicale qui rend inéluctable les grèves à mobiles professionnels et politiques. V. Pour le
recensement des grèves ayant directement eu des incidences sur les changements de régimes politiques, S. Yonaba,
précité.

394
351, al. 3. La licéité d’une telle grève est analysée en faisant la distinction entre grève
de solidarité interne et grève de solidarité externe, d’une part et, d’autre part, entre
grève de solidarité pour soutenir une cause collective ou pour soutenir une cause
individuelle. Dans l’entreprise, la grève de solidarité peut avoir pour but de soutenir
des travailleurs d’autres ateliers ou établissements et sera en général licite parce que
les revendications peuvent avoir une incidence sur leurs propres situations. Lorsque la
grève a pour but de soutenir un travailleur victime d’une sanction, la grève sera
considérée comme illicite sauf si la sanction est elle-même manifestement illicite1. Les
grèves de solidarité externe à l’entreprise peuvent se situer dans le cadre d’une grève
générale et dans ce cas, la licéité de la participation du salarié dépendra du caractère
commun ou connexe des revendications, chacun y ayant un intérêt réel. La grève de
pure solidarité sera illicite s’il n’est invoqué aucune revendication qui puisse
concerner les travailleurs de l’entreprise.

§ 2 - Le lock-out2
452. Selon l’article 356 C.trav., « le lock-out est une décision par laquelle un
employeur interdit aux salariés l’accès à l’entreprise à l’occasion d’un conflit
collectif ». La fermeture de l’entreprise peut être une réaction patronale face à un
conflit de travail. L’employeur suspend unilatéralement l’exécution des contrats pour
faire pression sur les salariés. Il refuse de mettre les instruments de travail à leur
disposition et de les payer. Le lock-out n’est pas une « grève patronale » car il n’est
pas soumis au même régime de protection que la grève. Il est un moyen de défense
dont la loi reconnaît que l’employeur peut être obligé d’y recourir. Deux raisons
incitent à une interprétation restrictive de la légitimité du recours au lock-out par
l’employeur : d’abord, face à des abus ou des illégalités commises lors du conflit
collectif, l’employeur dispose de d’autres moyens de défense, notamment du pouvoir
disciplinaire, même si ce pouvoir est insuffisant ou difficile à mettre en œuvre dans
une telle situation ; ensuite, un large recours au lock-out ruinerait la portée du droit
constitutionnel de grève. C’est pour cette dernière raison qu’un certain nombre de
mesures défensives sont interdites à l’employeur lors d’un conflit collectif :
licenciement ou remplacement des grévistes par des travailleurs sous contrat à durée
déterminée. En principe la fermeture en réponse à une grève est une inexécution
fautive des obligations contractuelles et, pour être licite, le lock-out doit être l’ultime
recours pour l’employeur. Les juges apprécient la licéité du lock-out en fonction de
son caractère préventif ou défensif et de la situation de contrainte qui pèse sur lui.

1 V. PELISSIER et autres, op. cit. n° 1119 ; Soc. 16 novembre 1993, Dr. Soc. 1994.34, rapport Ph. Waquet, note
J.-E RAY.
2 CRISTAU A. La mise en chômage technique consécutive à un conflit collectif de travail, Dr. Soc. 2000. 1091 ;

DUQUESNE F. Le critère du lock-out licite, JCP 1996.I.3971 ; RAMIN A. Le lock-out et le chômage technique,
LGDJ 1977 ; H. SINAY et J.-Cl. JAVILLIER, op. cit. n° 307 ; SPORTOUCH J. M. La fermeture d’entreprise en
cas de conflit collectif, Dr. Soc. 1988.682.

395
A – LOCK-OUT PREVENTIF, DEFENSIF OU DE RETORSION

453. On distingue différents types de lock-out en fonction du moment et/ou de


l’objectif de la fermeture.
Premièrement, celle-ci peut être opérée avant le déclenchement de la grève : on parle
de lock-out préventif ou agressif ou d’intimidation. Ce type de fermeture est en
principe illicite parce que l’employeur doit négocier au lieu de répondre à la menace
de grève par une fermeture. La reconnaissance du lock-out ne vise pas à instaurer une
égalité des armes ou une symétrie avec le droit de grève. Le lock-out est dit défensif
lorsqu’il est opéré pendant une grève, en réaction généralement à des formes de grève
que l’employeur juge nocives. Certaines Grèves partielles, par exemple, handicapent
la production et occasionnent des pertes énormes. Le principe est que l’employeur doit
remplir ses obligations contractuelles à l’égard des non grévistes.
Deuxièmement, La fermeture peut avoir pour objectif de créer des dissensions entre
les travailleurs et serait illicite par son motif de faire échec à la grève. La licéité de la
fermeture est appréciée de manière restrictive en fonction des circonstances de
déroulement de la grève. Enfin, la fermeture peut intervenir postérieurement à la
grève, en guise de rétorsion. Ces mesures de rétorsion sont fautives puisque l’exercice
de la grève est un droit. Toutefois l’employeur peut ajourner la reprise après une
grève, s’il est nécessaire de procéder à des remises en ordre afin que le travail puisse
reprendre utilement.
Bien plus que le moment, c’est la situation de contrainte qui peut justifier la mesure de
fermeture de l’entreprise.

B – LA SITUATION CONTRAIGNANTE

454. Bien que l’article 356 ne le spécifie pas, le lock-out n’est justifié que si
l’employeur se trouve dans une situation de contrainte qui l’oblige à recourir à ce
moyen1. Cette interprétation restrictive vise à protéger le droit de grève et les droits
des non grévistes. La fermeture ne doit pas résulter d’une intention délibérée d’user de
cette arme pour faire pression sur les grévistes. Elle ne peut se justifier que par
l’impossibilité de fournir le travail. Selon la Cour de cassation française « l’employeur
qui, à la suite d’un mouvement de grève, procède à la fermeture de l’entreprise, doit
apporter la preuve d’une situation contraignante de nature à le libérer de son
obligation de fournir le travail à ses salariés ». La fermeture peut être justifiée par la
nécessité de l’ordre et de la sécurité dans l’entreprise2. La grève peut créer une
désorganisation telle que la sécurité des personnes ou du matériel est en péril. Il peut
en être ainsi des grèves accompagnées de violences et de dégradation du matériel. La
menace sérieuse de recourir à ces formes peut justifier une fermeture préventive. La

1 Faute de disposer d’une jurisprudence burkinabè, nous ne pouvons que nous référer à la jurisprudence française
qui est plus fournie et qui indique une logique juridique de base, même si le juge burkinabè n’est pas tenu de suivre
les méandres de cette jurisprudence.
2 Soc., 2 décembre 1964, D. 1965.112, Bull. civ., n° 809, GADT, 3 ème édit., n° 194 ; Soc., 7 février 1990, Bull.

civ., n° 42.

396
fermeture peut également être justifiée si la grève met l’employeur dans une situation
s’apparentant à la force majeure et donc dans l’impossibilité de fournir le travail aux
non grévistes tels que le manque d’énergie ou de matières premières. Les grèves
tournantes et les grèves avec occupation des lieux peuvent conduire à recourir à cette
solution. Mais la jurisprudence française n’accepte pas la justification de la fermeture
par l’exception d’inexécution1. Pour être dégagé de ses obligations, l’employeur doit
faire la preuve qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter ou mettre fin à la
grève. Par exemple, s’il y a occupation des lieux, il doit avoir sollicité l’évacuation
des lieux de travail. Dans les autres cas, il doit avoir cherché à redéployer les non
grévistes dans d’autres ateliers ou à d’autres tâches.

SECTION II – LA LICEITE ET LES EFFETS


DE LA GREVE

455. Selon l’article 22 de la constitution, « le droit de grève est garanti. Il


s’exerce conformément aux lois en vigueur ». D’une manière générale, et suivant les
pays, l’exercice du droit de grève fait l’objet d’une réglementation plus ou moins
intense, qui vise à limiter ou à interdire certaines formes, et à inciter à recourir à des
procédures de négociation pacifiques préalables. Par exemple, contrairement à la
France où le préavis n’était même pas exigé avant le déclenchement de la grève, en
Afrique francophone, le déclenchement de la grève est subordonné à l’épuisement des
voies de négociation préalable. Les effets de la grève dépendront de sa légalité et de sa
licéité. Les légères variations dans la réglementation peuvent entraîner des différences
dans l’analyse des conséquences de l’illégalité ou l’illicéité de la grève.

§ 1 – La légalité et la licéité de la grève


456. La légalité de la grève est suspendue au respect des conditions de fonds et
de formes édictées par le législateur. Ces conditions légales sont assez sommaires,
quoique importantes. Mais, malgré le respect de ces conditions, la grève peut être
illicite en raison de violation des normes de comportement admises. L’illicéité peut
tenir aux formes d’action et dans ses effets, elle recouvre les deux aspects de vice
affectant un élément constitutif de l’acte juridique et de vice de comportement. On
évoquera donc les conditions légales de fond et de procédure, puis les formes d’action.

A – LES CONDITIONS DE FOND ET DE PROCEDURE

Les conditions de fond sont celles qui émanent de la définition du droit de


grève tandis que les conditions de formes ou plus exactement de procédure sont les
mesures de « refroidissement » (cooling off)2 souhaitées ou exigées.

1 Soc., 4 juillet 2000, Dr. Soc. 2000.1091.


2 V. M. V. BALLESTRERO, op. cit., p. 387.

397
1) Les conditions de fond

457. Les conditions de fonds sont essentiellement de deux ordres :

a) il faut au préalable, qu’il s’agisse d’une grève, c’est-à-dire d’une


interruption collective et concertée de travail. Cette condition peut entraîner la
disqualification de l’action, pour la rejeter dans le domaine du droit contractuel et du
pouvoir disciplinaire. Elle exclut par exemple qu’une action individuelle soit qualifiée
de grève, ou que des absences collectives sans autorisation pour aller participer à un
enterrement, un jugement ou une manifestation culturelle, soit qualifiée de grève.
Mais l’action d’une minorité de travailleur ou d’un seul travailleur d’une entreprise
qui obéit à un mot d’ordre plus large de grève (grève de solidarité externe) reste une
grève. En second lieu, peuvent ne pas constituer une grève, au regard de cette
condition, certaines formes d’actions, notamment celles consistant en l’exécution du
travail dans des conditions autres que celles prévues au contrat ou pratiquées dans la
profession, dans le but de désorganiser l’entreprise.

b) il faut, ensuite, que la grève soit motivée par des revendications


professionnelles non satisfaites. Cet élément de la définition n’entraîne généralement
pas une disqualification de l’action mais celle-ci peut avoir un caractère abusif. La
grève peut être abusive, au fond, par son motif non professionnel. Il en est ainsi de la
grève politique et de la grève de solidarité externe. Ces grèves mettent l’employeur
dans l’embarras, parce qu’elles ne s’adressent pas à lui et il n’a donc pas de solution à
proposer. Les grèves politiques s’adressent à l’Etat, pour contester soit des mesures
politiques du pouvoir (une loi par exemple), soit l’ensemble de la politique
économique et sociale (libéralisation, privatisations, contractualisation de la fonction
publique) soit le pouvoir politique lui-même (ordre politique et social). Elles peuvent
donc, en principe, être traitées, non pas sur le terrain de l’abus mais de la violation de
la loi si ce n’est de la constitution1. La délicatesse est que l’on se situerait sur le terrain
des mobiles, plus délicats à démontrer. La qualification de grève politique, très rare
dans la jurisprudence, aura des conséquences plus graves que l’abus, parce que le
mobile se trouve exclut (ou tel est l’intention) du champ des rapports professionnels.

1 Certaines grèves générales peuvent se rapprocher de la « désobéissance civile », qui suppose la commission
d’illégalités, au nom de valeurs et de principes politiques plus élevés, par l’objet des revendications ou le mobile.
La désobéissance civile ne se réclame pas de la légalité mais d’une légitimité qui ne peut être tranchée qu’après
coup. L’exemple le plus célèbre est le cas des grèves du syndicat « Solidarité » dont les grèves ont entraîné la chute
du régime communiste en Pologne. Au Burkina Faso, les grèves générales des 17 et 18 décembre 1975, pour
s’opposer à la création d’un « mouvement national du renouveau » considéré comme une préfiguration d’un parti
unique, avaient donc pour mobile d’empêcher l’évolution des institutions politiques vers le régime à parti unique.
On voit bien que l’on glisse de la question de légalité vers une question de légitimité politique de l’action.

398
2) les conditions de procédure

458. S’agissant des conditions de procédure, les législations africaines sont


plus précises et plus restrictives que la législation française. L’article 357 C.trav.
interdit toute grève ou tout lock-out avant épuisement préalable des procédures de
règlement pacifique des conflits. C’est dire que la grève ne peut être déclenchée
qu’après tentative de conciliation, puis de règlement par l’arbitrage. L’irrespect de
cette procédure rend la grève illégale. De ce fait, les grèves surprises ou spontanées
tombent sous le coup de l’illégalité. Mais l’expérience a montré que l’irrespect de
l’obligation de recours préalable aux procédures pacifiques de règlement des conflits
est rarement sanctionné.

Mais malgré le respect des conditions légales, la grève peut prendre un


caractère illicite, par application de la théorie de l’abus de droit.

B - LES FORMES D’ACTION : LA GREVE ABUSIVE


459. Certaines formes d’action sont considérées par la jurisprudence comme
constitutives d’abus dans l’exercice du droit de grève. Ce sont bien des grèves mais
exercées dans des conditions anormales, déloyales ou attentatoires à d’autres droits et
libertés fondamentaux, notamment le droit de propriété et la liberté du travail. Les
actions peuvent aussi tendre à désorganiser l’entreprise. Ces formes anormales, et
donc fautives, concernent par exemple : les grèves tournantes ; les grèves sur le tas
(avec occupation des lieux) ; les piquets de grève. L’on exclut ici les actions qui sont
déclarées ne pas constituer une grève (grève perlée, grève du zèle). Le code de 2004
évoque certains de ces cas et intègre les solutions consacrées par la jurisprudence.

1) La grève tournante et les débrayages répétés

460. Les débrayages sont des arrêts de travail de très courtes durées. Ces arrêts
de travail peuvent être répétés de manière à gêner la production. Les grèves tournantes
consistent à organiser des grèves qui se relaient par ateliers ou par équipes, pour des
durées plus ou moins longues. Ces actions peuvent respecter les conditions de fonds et
de procédure de la grève (préavis ou épuisement des voies de conciliation et
d’arbitrage). Elles peuvent être déclarées abusives si elles manifestent une volonté de
désorganiser l’entreprise1. Ces actions manifestent une déloyauté dans le combat en
raison de la disproportion des dégâts qu’elles cherchent à atteindre sans occasionner
beaucoup de pertes de salaires chez les grévistes. Ces situations de désorganisation
sont susceptibles de justifier un lock-out.

1La jurisprudence française fait une distinction entre la désorganisation de la production, qui serait normale dans
une grève, et la volonté de désorganiser l’entreprise, qui devient illicite. Soc. 30 mai 1989, Bull. civ. V, n° 404, D.
1990, somm. 168, obs. Borenfreund ; Soc. 18 janvier 1995, Syndicat du livre CGT, Bull. civ. V, n° 27, Dr. Soc.
1995. 186, note Ph. Waquet.

399
2) La grève avec occupation des lieux ou sur le tas

461. La grève peut être accompagnée d’une occupation des locaux de


l’entreprise, avec pour but d’empêcher tout travail. Elle était classiquement analysée
en terme d’atteinte à la propriété et à la liberté du travail. L’article 351 al. 3, rend
illégale cette forme d’action : « le droit de grève … n’emporte pas celui de disposer
arbitrairement des locaux de l’entreprise »1. La conséquence immédiate de cette
disposition est d’autoriser l’employeur à demander au juge des référés l’expulsion des
grévistes2, mais l’on sait que l’administration répugne à exécuter ces mesures et
dispose d’un pouvoir d’appréciation de l’opportunité de déférer à l’ordonnance
d’expulsion. Mais une des formes d’action qui se développe est le sit-in, qui consiste
en principe à s’installer au lieu de travail ou, de préférence, dans les bureaux de
l’employeur sans s’opposer au travail de non grévistes. Cette forme apparemment plus
pacifique semble ne pas tomber sous le coup de la disposition arbitraire des locaux,
mais il est difficile de partir des intentions pour discriminer les occupations des lieux.

3) Le piquet de grève

462. La grève avec occupation des lieux est généralement accompagnée de


piquet de grève. Celui-ci est une mesure d’intimidation consistant à placer des
grévistes aux portes d’entrée de l’entreprise afin de dissuader ceux qui ne veulent pas
suivre le mouvement de rejoindre leurs postes de travail. Le piquet de grève peut être
pacifique ou s’accompagner de violences ou de menaces. Il peut se contenter de la
présence dissuasive ou chercher à empêcher des non grévistes ou la direction d’entrée,
ou la sortie de marchandises, passant ainsi à l’occupation des lieux. Les articles 352 et
355 C.trav. traitent à la fois de l’occupation des lieux et du piquet de grève. Selon
l’article 355 «en aucun cas, l’exercice de droit de grève ne peut s’accompagner
d’occupation des lieux ou de leurs abords immédiats, sous peine des sanctions pénales
prévues par la législation en vigueur ». Sur le terrain contractuel, l’article 352 énonce
que « constitue une faute lourde le fait que des travailleurs grévistes s’opposent au
travail d’autrui et à ce que leurs tâches soient exécutées par d’autres travailleurs,
même ceux qui n’y sont pas habituellement affectés ».

§ 2 – Les effets de la grève


463. Les effets de la grève dépendant de la distinction entre grève licite et
illicite et de la distinction entre grévistes et non grévistes. En ce qui concerne cette
dernière distinction, il faut préciser que la grève n’a normalement pas d’incidence sur
le non gréviste. Celui-ci doit être rémunéré s’il se met à la disposition de l’employeur

1 V. pour une source jurisprudentielle française, Soc. 21 juin 1984, Bull. civ. V.264, Dr. Soc. 1985.19, note J.
Savatier.
2 Sur l’expulsion en référé, v. M. CHOISEZ, La grève avec occupation devant le juge des référés, Dr. Soc. 1975,

p.367 ; Y. SAINT-JOURS, D. 1974, chron. P. 135 ; A. JEAMMAUD et M.C. RONDEAU-RIVIER, Vers une
nouvelle géométrie de l’intervention judiciaire dans les conflits du travail, D. 1988, chron. 229.

400
et ce dernier reste dans l’obligation de lui procurer le travail. L’employeur peut user
de son pouvoir de direction pour affecter des non grévistes à d’autres postes ou tâches.
Les litiges, en ce qui les concerne, peuvent survenir en cas de lock-out. L’employeur
doit faire la preuve qu’il est dans une situation de contrainte pour se libérer de
l’obligation de les rémunérer.

A – LES EFFETS DE LA GREVE LICITE

464. La grève licite n’a pas d’effet sur l’emploi. Le contrat de travail est
simplement suspendu et non rompu. Le licenciement du salarié gréviste ne serait pas
seulement abusif mais nul. L’article 352 al.2, C.trav. est ferme : « tout licenciement
prononcé en violation de l’alinéa premier du présent article est nul de plein droit. Dans
ces conditions, le travailleur est réintégré ». Le travailleur perd seulement son salaire
pour le temps non travaillé. Mais il peut arriver que l’accord de fin de conflit1 prévoit
le paiement du salaire intégral et/ou le rattrapage, sous forme d’heures
supplémentaires, des heures de travail perdues. Il s’agit d’un rattrapage et non d’une
récupération2, qui consisterait à faire travailler au taux normal.

Toutefois, le travailleur qui a participé à une grève licite peut commettre


personnellement une faute lourde qui lui fait perdre la protection du caractère licite de
la grève. Il devra répondre, sur les plans civil, disciplinaire et pénal, de ses propres
fautes. Il peut être licencié, poursuivi au civil en dommages et intérêts ou au pénal.
C’est le cas par exemple : des actes de violence contre un non gréviste exercé par un
piquet de grève, des actes de sabotage3, des atteintes à la liberté évoquées à l’article
352 al. 2 C.trav., et des occupations des lieux de travail et de leurs abords immédiats,
interdites par l’article 355 C.trav.

B – LES EFFETS DE LA GREVE ILLICITE

465. Si la grève est illicite, le salarié gréviste perd la garantie de


l’emploi offerte par le statut de la grève. La participation à une grève illicite est une
faute lourde. L’employeur peut prendre des sanctions contre les grévistes, pouvant
aller jusqu’au licenciement. Si la grève illicite s’accompagne de fautes pénales, les
grévistes peuvent avoir à répondre individuellement de leurs actes, sur le plan pénal
ou sur le plan civil, en application de l’article 1382 C. civ. Le syndicat ne répond pas
des actes illicites personnels commis au cours de la grève mais il peut être pénalement
responsable s’il s’est rendu coupable d’infractions pénales, selon le régime juridique
de la responsabilité pénale des personnes morales.

1 V. sur les accords de fin de conflit : M. MOREAU, Les règlements de fin de conflit, Dr. Soc. 2001. 139 ; De
QUENAUDON, Protocole de fin de conflit, Dr. Soc. 1981.402.
2 V. PELISSIER et autres., op. cit., n° 1149, p. 1267.
3 Trib. trav. Ouagadougou 1 er déc. 1981, TPOM n° 574 du 2 mars 1983, p. 98 (grève à la VOLTELEC en 1978 ou

des actes de sabotage ont donné lieu à des condamnations pénales).

401
Le salarié non gréviste a droit à son salaire, même s’il ne peut travailler pour
cause de paralysie ou de fermeture par l’employeur. Mais on admet que si la fermeture
résulte d’une force majeure, l’employeur soit dégagé de cette obligation de verser le
salaire.

SECTION III – LA GREVE ET LE SERVICE PUBLIC1

466. LA réglementation classique du droit de grève tient compte de deux


volets : le secteur public et le secteur privé. Dans le premier cas, l’étude du droit de
grève relève bien plus du droit administratif alors que dans le second cas, elle relève
du droit du travail. Dans le secteur public, chargé en principe d’une mission de service
public ou dite d’intérêt général, le problème est de concilier les impératifs de
continuité du service public avec le droit de présenter des revendications et d’utiliser
les moyens de les faire aboutir. De l’interdiction au départ, notamment dans la
fonction publique, le droit de grève a été admis, de manière de plus en plus large, avec
certes des particularités. Un arrêt de principe du conseil d’Etat français illustre et
consacre la particularité du droit de grève dans ce domaine. Selon cet arrêt « la
reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les
limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre, en vue d’en éviter
un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public »2. Le conseil d’Etat
autorise ainsi le pouvoir réglementaire, dans le respect du droit constitutionnel de
grève, à adopter une réglementation plus restrictive.

En réalité, l’évolution des rapports entre droit de grève et service public s’est
paradoxalement inversée parce que l’on constate une prédominance des grèves dans le
secteur public aussi bien au Burkina Faso que dans certains pays européens, du moins
ceux dit pays latins3. Le concept de « service public à la française », qui nous inspire,
s’en trouve particulièrement brouillé. La particularité de ces grèves est qu’elles sont
d’une très haute visibilité et portent plus préjudice aux usagers qu’à l’employeur et
aux travailleurs4. Ces facteurs posent comme un impératif la recherche d’un équilibre
entre le droit fondamental de grève et les autres droits fondamentaux des usagers ou
du citoyen. La distinction entre secteur public et secteur privé demeure, mais la

1 AUBY J. M. et AUBY J. B., Droit de la fonction publique, Dalloz, 3 e édit., 1997 ; GENEVOIS B., La
jurisprudence du conseil constitutionnel relative au droit de grève dans les services publics, Dr. Soc. 1989.796 ;
CHAPUS R. Droit administratif général, T. 2, 10e édit., 1997, COLSON J. Ph. et autres, La grève dans les services
publics, RFDA 1988.805 ; ORTSCHEIDT P. Grève et services publics, RID comp. n° spéc., vol. 11.347 ;
RODRIGUEZ PINERO Miguel, La grève dans les services publics essentiels et le rôle de la jurisprudence
constitutionnelle, Bulletin COMPTRASEC, 1997 ;
C. E. 7 juin 1950, JCP 1950.II.5681, concl. Gazier (acceptation de la grève dans la fonction publique en France).
2 C. E. 7 juin 1950, JCP 1950.II.5681 ; V. également, C. E., 6 février 1966, D. 66.720, JCP 66, II, 14802, GADT,

2e édit., n°6.
3 Ainsi, les conflits du travail dans le secteur public représenteraient, en France, les deux tiers des conflits recensés

(in RADÉ Christophe, Grève et services publics : le droit pour chaque syndicat de déposer son propre préavis, note
sous, Cass. Soc. 4 février 2004, CONNEX-Bordeaux, Dr. Soc., n° 4, avril 2004, p. 381) et en Italie, près de 50% en
1990 (in BALLESTRERO, op. cit., p. 389)
4 V. BALLESTRERO, ibid.

402
réglementation tient surtout compte du fait que le service public peut être assumée par
une personne publique ou une personne privée. La conciliation entre droit de grève et
intérêt général consiste à partir d’une autre notion, celle de services essentiels, ou
services indispensables dont le citoyen est en droit d’attendre une continuité de
prestation. Le code du travail burkinabè prend acte de cette évolution, en prévoyant la
possibilité d’une réquisition de travailleurs relevant du secteur privé, qui vient en
complément à la réglementation du droit de grève dans le secteur public.

§ 1 – La réquisition de travailleurs relevant du code du travail


467. Une des nouveautés du code de 2004 est de prévoir la réquisition de
travailleurs dans le code du travail. Les mouvements de privatisation d’entreprises
publiques gérant des services publics, en confiant l’exploitation des activités à des
personnes privées sous la forme de concession ou d’affermage, ne sont pas étrangers à
cette précaution. L’article 353, al. 1, dispose : « l’autorité administrative compétente
peut, à tout moment, procéder à la réquisition de ceux des travailleurs des entreprises
privées et établissements publics qui occupent des emplois indispensables à la sécurité
des personnes et des biens, au maintien de l’ordre public, à la continuité du service
public et à la satisfaction des besoins essentiels de la communauté ».

Cette disposition n’est pas liée à la forme juridique de l’entreprise puisqu’elle


s’applique aux « entreprises privées, services et établissements publics ». C’est surtout
la soumission du travailleur au code du travail qui est visée, en complément à la
réglementation concernant les travailleurs régis par le régime juridique des agents de
l’Etat.

L’article 353 ne prévoit comme axe de réglementation que la réquisition, alors


que l’on aurait pu introduire directement la notion de service minimum, en faisant
obligation aux organisations syndicales de prévoir l’assurance de ce service minimum
en cas de mot d’ordre de grève. Les syndicats se trouveraient responsabilisés et même
crédibilisés, s’il se soucient de ce service minimum, vis-à-vis des usagers. La
technique de la réquisition seule oblige à l’intervention permanente de
l’administration ou à attendre de voir si la grève sera suivie ou non. La référence à
« l’autorité administrative compétente » sans autre précision, en ce qui concerne le
pouvoir de réquisition, constitue un renvoi au texte portant réglementation du droit de
grève dans le secteur public.

L’intérêt de l’article 353 est d’introduire les notions d’"emplois essentiels" et


de satisfaction des "besoins essentiels", qui exigent une continuité de certains services
dits essentiels. L’alinéa 2 de cet article prévoit qu’une liste des
« emplois indispensables » sera fixée par voie réglementaire après avis de la
commission consultative du travail. Quant aux conditions et modalités de la
réquisition, il revient, selon l’article 354 C.trav., à « l’autorité compétente » de les
réglementer, en précisant les cas dans lesquels la réquisition est faite à personne et les

403
cas dans lesquels elle peut être collective et anonyme, résultant de la publication au
journal officiel, de diffusion radiophonique ou d’affichage. Faute de texte particulier,
les procédures retenues dans la réglementation relative au secteur public semblent
transposables.

§ 2 – La réglementation du droit de grève


dans le secteur public
468. Au Burkina Faso, la grève dans le secteur public est régie par la loi n°45-
60 AN du 5 juillet 1960 portant réglementation du droit de grève des fonctionnaires et
agents de l’Etat1. Ce texte avait été remplacé sous le gouvernement du CMRPN par
une réglementation plus sévère, celle de l’ord. n°82-003 du 14 janvier 1982 portant
procédure de règlement des conflits collectifs de travail 2. La loi 45-60 AN du 25
juillet 1960 est remise en vigueur depuis l’abrogation de l’ordonnance 82-003 du
CMRPN.

La loi du 5 juillet 1960 s’applique aux fonctionnaires et agents des


administrations, services et établissements publics exploités en régie ou concédés de
l’Etat et des collectivités territoriales de l’Etat ainsi qu’aux agents des entreprises
publiques nationales ou contrôlées par l’Etat. Ces dernières catégories visent les
sociétés d’Etat et les sociétés d’économie mixtes. Sont exclus de cette loi les
personnels militaires et les magistrats.

Quatre éléments ressortent de cette réglementation :

1°) la grève est interdite dans certains services ou à certaines catégories


d’agents. Ainsi, le texte ne s’applique ni aux militaires, ni aux magistrats, et les statuts
particuliers peuvent interdire la grève aux fonctionnaires de certains corps (police,
préfets).

2°) une procédure particulière est aménagée pour l’exercice du droit de grève.
La grève doit être notifiée et un délai de préavis doit être observée. La durée du délai
de préavis dépend des catégories professionnelles. Les responsables du mouvement
doivent déposer auprès du gouvernement une note signée, indiquant le motif de la
grève, son étendue, la date prévue pour son déclenchement, sa durée approximative.

Le délai à observer avant le déclenchement de la grève est de : 18 jours pour


les agents des corps supérieurs ou ceux qui, par leurs attributions, participent à
l’action du gouvernement ; 10 jours pour ceux occupant des emplois de sécurité
(pompiers, santé) ; 5 jours pour les autres.

1JOHV n°32 du 6 Août 1960, p.704.


2 Voyez le texte dans Recueil annoté, annexe 67. Voir aussi, décret n°82-0054 du 1er mars 1982 portant
composition et fonctionnement du comité et du conseil de négociation, ibid., annexe 68.

404
3°) Le gouvernement peut interdire une grève qui n’a pas pour objet des
revendications professionnelles ou collectives, par arrêté du « Président du conseil des
ministres ». Cette disposition vise implicitement les grèves politiques.

4°) L’administration peut procéder à la réquisition des grévistes1 « afin


d’assurer la permanence de l’Administration et la sécurité des personnes et des
biens». Le droit de réquisition appartient aux ministres intéressés, aux maires et aux
directeurs des entreprises. Les ministres intéressés peuvent déléguer leurs pouvoirs
aux chefs de circonscriptions administratives. La réquisition est normalement faite par
ordres individuels de reprendre le travail. Mais il peut aussi être procédé à la
réquisition collective des fonctionnaires et agents d’une ou plusieurs administrations,
services, établissements publics ou entreprises de l’Etat par décret en conseil des
ministres si les circonstances l’exigent.

La violation des conditions de fond de la grève ou de la procédure prévue ainsi


que le refus de déférer à la réquisition expose l’agent à des sanctions disciplinaires
sans le bénéfice des garanties disciplinaires en vigueur.

A notre avis le régime juridique de la grève dans le secteur public est plus
souple par rapport à celui du secteur privé, en raison de l’absence d’obligation
d’observer une procédure de règlement pacifique. Le délai de préavis interdit les
grèves surprises et permet à l’administration de prendre les dispositions pour négocier,
pour assurer la sécurité des usagers et des biens, ou pour assurer le service minimum
en ce qui concerne les prestations indispensables. Les autres principes dégagés par la
jurisprudence sont naturellement applicables à la grève dans le secteur public.

1 Art. 6 de la loi 45-60 du 25 juillet 1960.

405
LIVRE II
DROIT DE LA SECURITE
SOCIALE

406
407
INTRODUCTION
469. Le droit de la sécurité sociale était un appendice du droit du travail. Il est
aujourd’hui devenu une branche distincte du droit du travail. Mais ces deux
disciplines demeurent liées à plusieurs points de vue :

- toutes deux concernent le même domaine, celui des relations entre


employeurs et travailleurs ;
- elles poursuivent un but commun, la protection du travailleur, même si la
sécurité sociale est plus extensible au plan des personnes concernées et
s’étend effectivement au-delà des travailleurs salariés dans les pays
développés ;
- elles utilisent beaucoup de notions communes, comme celles de travailleur
ou de salaire…, sans toutefois que les définitions soient identiques. Ainsi,
la notion de travailleur est beaucoup plus large en matière de sécurité
sociale, celle-ci se basant bien plus sur le critère de la subordination
économique que sur celui de la subordination juridique1. La notion de
salaire est aussi envisagée de manière extensive, la sécurité sociale
préférant d’ailleurs celle de rémunération qui est plus englobante ;
- enfin, les structures administratives, du moins celles d’encadrement du
travail et de la sécurité sociale, sont souvent communes. Par exemple, au
Burkina Faso, les deux secteurs ont toujours été gérés par un même
département ministériel.

Cette proximité a parfois conduit à réunir les deux disciplines sous


l’appellation de droit social2. Cette appellation est plus ou moins heureuse parce que
le « social » est bien plus large que les questions du « travail » et de la sécurité
sociale. Mais elle est largement admise3.

La sécurité sociale, qui s’est progressivement détachée du droit du travail, est


de nos jours perçue comme le droit de la protection sociale de l’individu, du moins
dans les pays développés où la protection s’étend au-delà des travailleurs salariés. Il
ne s’agit pas seulement de la protection du travailleur à l’égard de l’employeur
(comme en droit du travail) mais de la protection de l’individu dans la société contre
divers risques sociaux.

L’idée de protection sociale est conçue de manière large, en relation avec le


développement des techniques et des moyens de protection.

1 Cf. article 2 du code de sécurité sociale.


2 Par exemple, le centre de recherche de l’UFR/SJP a publié un recueil de lois et règlements applicables au B.F. en
matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale sous le titre de « Droit social ».
3 Voyez, Otto KAUFMANN, La sécurité sociale dans les relations entre la France et les pays d’Afrique au sud du

Sahara, éd. Peter Lang, Frankfurt aim Main, Bern, New York, Paris, 1989, p. 13.

408
Cette sensibilité au développement des techniques et des moyens commande
que soient expliqués, au moins brièvement, le concept de sécurité sociale et son
évolution, avant de donner un aperçu historique de la sécurité sociale sur un plan
international.

I – Le concept de sécurité sociale

470. L’expression sécurité sociale est susceptible de deux entendements. Elle


peut désigner l’idée ou l’institution1.

L’expression renvoie d’abord à une idée, celle de protection sociale. Dans la


société, l’être humain fait face à une diversité de risques pour lesquels il cherche à se
protéger : la maladie, la vieillesse, la pénurie alimentaire provenant de causes
également diverses etc., sans compter les risques tels que les guerres et les
catastrophes naturelles (tremblements de terre, éruptions volcaniques…). Si la guerre
en tant que risque a très tôt fait l’objet d’une protection collective, par l’organisation
en armées, la protection contre les risques tels que la maladie et la vieillesse qui
rendent l’individu incapable de subvenir à ses besoins essentiels, a d’abord été
poursuivi dans le cadre individuel ou familial. La société, même organisée en Etat,
n’intégrait pas la protection contre ces risques dans ses missions. L’illustration en est
encore donnée par les sociétés traditionnelles rurales africaines où les risques
économiques que provoquent la vieillesse et la maladie sont pris en charge par la
famille restreinte ou élargie, en l’absence de structures organisées de garantie contre
ces risques, ou par l’assistance spontanée des membres du groupe social.

L’idée d’assurance sociale n’apparaît qu’avec l’organisation de cette protection


dans le cadre supra familial et même supra corporatif. Et cette organisation est somme
toute assez récente.

L’expression sécurité sociale peut aussi renvoyer, en second lieu, aux


institutions qui prennent en charge cette mission de protection. Ainsi, selon Gilles
Huteau, « la sécurité sociale est une institution ou un ensemble d’institutions qui ont
pour fonction de garantir collectivement les individus, de toutes conditions
pécuniaires, contre un certain nombre de risques de l’existence susceptibles de porter
atteinte à leur sécurité économique et auxquels la société attache une importance
particulière. Ces risques sont dits sociaux parce qu’ils sont mutualisés par la sécurité
sociale au moyen de techniques particulières destinées à promouvoir la solidarité et la
redistribution des revenus »2.

1 Yves SAINT-JOURS (sous la direction), Traité de sécurité sociale, T. 1, Le Droit de la sécurité sociale, LGDJ,
1980, p. 3
2 Gilles HUTEAU, Sécurité sociale et politiques sociales, 3e édition, Collection Concours Droit, Armand Colin,

2001, p. 1.

409
En partant de cet entendement, l’apparition de la sécurité sociale est, à
l’échelle de l’histoire, très récente : elle suppose non seulement l’existence
d’institutions qui ont pour fonction de garantir collectivement les individus contre les
risques de l’existence, mais aussi de techniques susceptibles de promouvoir la
solidarité.

471. Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle, début 20ème siècle que l’on peut voir
émerger l’idée de sécurité sociale s’appuyant sur des institutions spécifiques et des
techniques particulières de garantie contre les risques sociaux.

Auparavant, l’idée de protection sociale existait, mais cette protection


reposait :

- soit sur un système inorganisé essentiellement fondé sur les techniques de


l’épargne et de l’assistance ;

- soit, un peu plus tard, sur des formes spontanées d’organisation (en dehors
de la puissance publique), reposant sur les techniques de l’assurance et de
la mutualité.

Ces systèmes demeuraient inadaptés ou peu efficaces en ce sens que le nombre


de bénéficiaires, de même que les risques couverts, restaient très limités.

472. L’épargne est une technique de garantie individuelle qui suppose la


capacité à dégager un surplus de revenus que l’on réserve pour les périodes de « vache
maigre ». Peu d’individus sont capables de dégager une épargne consistante, la
majorité de la population vivant dans une situation d’économie de subsistance. Ayant
de la peine à couvrir leurs besoins quotidiens par leur travail, ces individus ne peuvent
épargner suffisamment pour faire face aux évènements de la maladie, ou de la
vieillesse.

Par ailleurs, même si l’épargne présente les avantages de valoriser l’effort et de


donner à la société une capacité à investir, elle présente aussi des inconvénients dans
le cadre de la garantie des risques sociaux :

- elle suppose une épargne de très long terme avec des risques d’érosion
monétaire par l’inflation,
- et les risques n’étant pas partagés entre plusieurs épargnants, l’effort de très
long terme exigé peut ne pas être récompensé lorsque surviendra le risque
(vieillesse ou maladie).

473. L’assistance repose sur la solidarité et la générosité qui peuvent être


familiales, professionnelles, amicales, ou sur la charité religieuse qui est une valeur
prônée par toutes les religions, y compris celles traditionnelles. Les membres du

410
groupe social viennent bénévolement au secours de celui sur qui est survenu un risque
social (maladie, infirmité, vieillesse…). Outre l’inconvénient psychologique d’être
assisté et la dévalorisation sociale progressive de celui qui est assisté sans pouvoir
assister autrui en retour, l’assistance est une protection précaire parce que la
générosité et la charité ne sont pas sans limites, notamment celles de la lassitude ou
des ressources de l’assistant lui-même. Il y a lieu de distinguer la forme ancienne de
l’assistance, qui est individuelle et/ou privé, et l’emploi actuel du mot assistance pour
désigner une forme de sécurité sociale basée sur des interventions publiques financées
par l’impôt dans le cadre des nouvelles missions de l’Etat providence. Le revenu
minimum d’insertion, l’assurance maladie généralisée en France ou l’assurance
sociale universelle de manière générale sont des exemples de cette forme de sécurité
sociale.

Les techniques de l’assurance et de la mutualité sont plus évoluées, mais elles


ne caractérisent pas encore l’idée de sécurité sociale. L’assurance privée est une
vieille technique, apparue depuis le 16ème siècle dans les transports maritimes, pour
faire face aux nombreux et gros risques inhérents au commerce maritime de l’époque.

L’assurance suppose l’intervention d’un tiers, l’assureur, qui, contre paiement


d’une prime, s’engage à verser une indemnité en cas de survenance du risque
envisagé.

La limite de ce système, dans le cadre d’une protection contre des « risques


sociaux » réside dans son caractère commercial : les primes sont très élevées,
proportionnellement à la fréquence de réalisation des risques et à l’importance des
indemnisations à verser ; l’assureur est conduit à sélectionner les risques couverts pour
ne pas faire des déficits et courir à la faillite ; et, pour ces raisons, ceux qui sont les
plus exposés aux risques sociaux (les salariés) sont ceux qui peuvent le moins recourir
à ce mécanisme.

474. La mutualité repose sur le même principe que l’assurance, mais sans
intervention du tiers et sans caractère commercial : les membres d’une profession ou
d’un groupe social versent des « cotisations » qui serviront à indemniser ceux qui
seront victimes de la survenance des risques envisagés. Elle repose sur l’organisation
d’une solidarité professionnelle.

Dans les deux cas (assurance ou mutualité), il y a mutualisation de la charge du


risque, c’est-à-dire étalement de cette charge sur l’ensemble du groupe1.

L’assurance et surtout la mutualité sont plus efficaces que l’épargne privée et


l’assistance mais ce sont des techniques qui présentent aussi des limites2 : comme
l’épargne, elles reposent sur l’esprit individuel de prévision ; elles ne sont applicables
1 Voy. Jean-Jacques DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale, 8e édition, Dalloz, 1980, p. 23.
2 Ibid

411
qu’à certains risques (accident, maladie), et sont peu adaptées pour les évènements
pouvant être de grande ampleur comme le chômage et les calamités agricoles ; et les
prestations en cas de réalisation de l’évènement couvert sont souvent très limitées.

Une autre forme classique de protection, faisant appel à l’intervention d’un


tiers, et spécialement appliquée au risque « accident du travail », est la mise en jeu de
la responsabilité du tiers sur la base de l’article 1382 C. civ. Mais cette protection est
tributaire d’un certain nombre de conditions qui peuvent limiter son efficacité :
l’intervention d’un tiers (responsable) dans la réalisation du risque ; la preuve de la
faute du tiers : cette preuve est difficile à administrer, même si elle a été
progressivement allégée en ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité de
l’employeur ; la solvabilité du tiers débiteur de l’indemnisation.

Toutes ces techniques classiques sont encore aujourd’hui utilisées. Mais la


sécurité sociale n’apparaît véritablement qu’avec l’intervention de l’Etat qui a permis
le recours à des techniques plus efficaces. Comme en droit du travail, cette
intervention de l’Etat résulte d’un changement d’attitude imposé par le cours du
développement économique marqué par des crises, la multiplication des risques
sociaux (accidents du travail) résultant du machinisme, la paupérisation accentuée
d’une frange de la population malgré l’accroissement des richesses de la nation à la
faveur de la révolution industrielle.

Les pouvoirs publics se voient contraints d’esquisser des politiques sociales,


par humanisme certes, mais surtout pour des raisons politiques : le libéralisme
économique et l’idéologie individualiste sont attaqués par les mouvements ouvriers de
plus en plus combatifs et organisés et par les mouvements politiques d’obédience
marxiste. Tout le 19ème siècle sera ainsi dominé par le débat sur la question sociale 1.
Les écrits des historiens et des philosophes, les rapports techniques2, les révoltes
ouvrières suivies de répressions sanglantes ont concouru à rappeler que la révolution
bourgeoise de 1789 était aussi porteuse de valeurs sociales, éclipsées par l’idéologie
individualiste excessivement mise en avant par la classe victorieuse sous le couvert de
l’égalité civile, de l’autonomie de la volonté ou du caractère sacré du droit de
propriété. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans la constitution de
1793 proclamait par exemple que « les secours publics sont une dette sacrée. La
société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail,
soit en assurant le moyen d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler »3.

Mais, hormis des actions ponctuelles à différentes périodes4, en matière


sociale, l’Etat ne manifestera un changement d’attitude que vers la fin du 19ème siècle.
1 Voy., Y. SAINT-JOURS, Traité, t. 1, p. 20.
2 Cf. Rapport VILLERME, « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de
coton, de laine et de soie », Paris, J. RENOUARD, 1840.
3 Y. SAINT-JOURS, op. cit. p., 17.
4 Bien avant la révolution, il existait un embryon de système de retraite pour les anciens soldats et pour les

fonctionnaires. Voy., SAINT-JOURS, ibid., p. 15

412
Son intervention consistera à rendre obligatoire l’assurance sociale contre des risques
déterminés et pour certaines catégories sociales. Ainsi, en France, une loi du 15 juillet
1893 instituera l’assistance médicale obligatoire et, surtout, deux lois de 1898 prises
en matière d’assistance porteront respectivement statut de la mutualité et réparation
des accidents du travail.

C’est en Allemagne que le mouvement d’intervention de l’Etat sera lancé par


l’empereur Bismarck avec l’instauration de l’assurance maladie en 1883, de
l’assurance accident du travail en 1884 et de l’assurance invalidité en 1889. Ces lois
avaient été annoncées dans un discours de l’empereur dès 1881. Même si ces
interventions n’étaient pas motivées par la simple générosité de cœur et avaient pour
but politique de couper l’herbe sous le pied aux mouvements politiques
révolutionnaires, la conséquence historique la plus importante est que ces lois sociales
annonçaient le passage de l’Etat abstentionniste à l’Etat social ou providence.

Les autres pays d’Europe vont progressivement emboîter le pas et reconnaître


que l’organisation de la protection sociale des individus contre certains risques fait
partie des missions de l’Etat. A partir de ce moment apparaît l’idée de sécurité sociale
et s’impose la nécessité pour les pouvoirs publics d’adopter une politique sociale.
Toutefois, l’expression « sécurité sociale » n’a été introduite dans le langage juridique
qu’à partir de 1935, avec l’adoption par Franklin D. Roosevelt dans le cadre de sa
politique de « New Deal », de la « Social security act » du 14 août 1935. Cet acte
popularise l’expression sécurité sociale mais celle-ci a une origine plus ancienne
puisque l’on signale son utilisation dans un décret du 31 octobre 1918 en URSS et
dans un texte de Simon Bolivar1.

Une fois admis le principe de l’intervention de l’Etat, le problème qui se pose


est de savoir selon quel système organiser la protection sociale. La diversité des
réponses à cette question marquera les différences des bases d’évolution de la sécurité
sociale selon les pays ou les continents, malgré l’universalité de la sécurité sociale.

II – L’évolution du concept

475. La protection sociale a connu, depuis la fin du 19ème siècle, un


développement prodigieux à plusieurs points de vue.

D’abord, comme déjà signalé, elle a connu une évolution dans ses techniques
juridiques, passant de la protection ancienne reposant sur les techniques individuelles
(épargne, assistance, responsabilité civile) ou collectives (assurances privées,
mutualité) à l’assurance sociale impulsée par les pouvoirs publics qui la rendent
obligatoire, organisent son financement (cotisations, subventions et parfois impôt)

1 Voy. SAINT-JOURS, op. cit. p. 5.

413
ainsi que ses modes de gestion sous les formes d’organismes publics, semi-publics ou
privés.

En second lieu, la protection sociale a évolué dans ses buts et, partant, dans son
champ d’application matériel, conférant sa pleine signification au concept de sécurité
sociale. Celle-ci est, selon M. O. Kaufmann, « …un ensemble de mesures
externalisées ou internalisées, destinées à garantir des personnes contre certains
risques préalablement définis »1. Par « mesures externalisées » l’auteur vise les
mesures prévues par les assurances sociales, alors que les mesures internalisées sont
celles qui poursuivent des buts de sécurité sociale mais sont offertes en dehors de ce
cadre. Par exemple, les obligations mises à la charge de l’employeur, lorsqu’il n’y a
pas d’assurance maladie. Sur un plan analytique, les risques garantis sont
préalablement définis, mais leur nombre s’étend de plus en plus, dans les pays
développés du moins.

Enfin, le droit de la sécurité sociale est devenu un droit universel 2. Cette


universalisation a été consacrée par la Déclaration universelle des droits de l’hommes
de l’Organisation des Nations Unies de 1948 qui dispose, en son article 22 : « toute
personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondé
à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à
sa dignité et au libre développement de sa personnalité grâce à l’effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque
pays ». L’article 25 est plus analytique et précise : « toute personne a droit à un niveau
de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment
pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les
services sociaux nécessaires ; elle a doit à la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de
subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».

Cette déclaration consacre le « droit à la sécurité sociale » et fait donc


obligation aux pays signataires de l’organiser au profit de leurs citoyens, même si
c’est en tenant compte des ressources de chaque pays. L’analyse classique considère
qu’une déclaration a une force juridique limitée, qu’elle ne vaut que comme
engagement politique et idéologique mais de nos jours, sa force juridique se trouve
bien plus forte : la constitution du Burkina Faso souscrit, dans son préambule, à cette
déclaration et lui confère de ce fait force d’obligation constitutionnelle suivant
l’interprétation devenue classique en droit d’inspiration française. Par ailleurs une
tendance générale est à la cristallisation et à l’extension des droits fondamentaux dont
ferait partie le « droit à la sécurité sociale »3. Chaque pays a moralement et

1 Voy. Otto KAUFMANN, op. cit. p. 18 et note 28.


2 Cette notion doit être distinguée de la couverture universelle qui concerne le champ d’application personnel et
désigne un minimum de couverture dont doit bénéficier tout habitant.
3 Voy. Chantal EUZEBY, Repenser la protection sociale dans l’Union européenne : vers plus de droits

fondamentaux universels, Revue Internationale de Sécurité Sociale, vol. 57, n°1, janvier – mars 2004, pp.105 et s.

414
juridiquement l’obligation de mettre ce droit fondamental en œuvre. La convention
n°102 de 1952 de l’OIT définit cette obligation d’agir en énumérant les risques que les
systèmes nationaux de sécurité sociale devraient chercher à couvrir, en tenant compte
de son niveau de développement : la maladie (soins) ; la maladie (indemnités
compensant la perte de revenus) ; le chômage ; la vieillesse ; l’accident de travail et la
maladie professionnelle ; la maternité ; l’invalidité ; le décès ; et les charges de
famille.

L’universalisme de la sécurité sociale n’exclut pas une diversité d’organisation


du système et de couverture des risques, qui s’explique par les différences de capacités
économiques, mais aussi par une différence dans les conceptions fondatrices. Ces
différences tiennent à l’histoire du développement de la sécurité sociale dans chaque
pays.

III – Historique de la sécurité sociale

476. La sécurité sociale émergera progressivement, entre 1883 et 1945, à titre


de période indicative, des grandes lois sur les assurances sociales adoptées un peu
partout dans les pays industrialisés à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle.

L’Allemagne est considérée comme le pays qui a ouvert la voie de l’institution


des assurances sociales, non pas parce qu’elle serait le premier pays à prendre des
mesures sociales, mais parce qu’elle a imprimé une vision plus large de la protection
sociale, allant au-delà du problème des accidents du travail, perçu à l’époque comme
le problème le plus crucial.

L’Allemagne était un concentré des problèmes soulevés par le capitalisme


triomphant : une industrialisation forte, une classe ouvrière en expansion1 ; une classe
politique conservatrice marquée par l’idéologie de l’Etat abstentionniste en matière
économique. Or le statut de salarié expose à une insécurité économique
exceptionnelle : n’ayant que sa force de travail à vendre, beaucoup plus d’évènements
(licenciement, récession du marché du travail, vieillesse, invalidité…) l’exposent à
tomber dans l’extrême pauvreté, dans l’exclusion sociale selon le langage actuel.

Le contexte politique particulier de l’Allemagne de l’époque faisait de ce pays


un berceau des idées de réformes sociales et des courants de pensée socialistes animés
par les socialistes révolutionnaires et les socialistes réformateurs ou réformistes selon
leurs adversaires marxistes.

1 Les salariés représentaient en 1911 déjà 47% de la population active en France, bien plus élevée qu’au Burkina
Faso actuellement et même qu’en Afrique au Sud du Sahara. Elle avoisinait 90% en Grande Bretagne. Voy. Jean-
Jacques DUPEYROUX, Michel BORGETTO, Robert LAFORE, Rolande RUELLAN, Droit de la sécurité sociale,
14ème éd. 2001, n°118.

415
Bismarck a eu l’intelligence politique de comprendre qu’il n’était pas possible
de faire face aux mouvements révolutionnaires qui menaçaient l’Etat sans de grandes
réformes, en s’accrochant à l’idéologie de l’Etat-gendarme. Ses lois de 1883, 1884 et
1889 (sur l’assurance invalidité et vieillesse) posent les bases de l’Etat-providence
« répartiteur des avantages et des charges sociales »1 ou garant de la diffusion du bien-
être à tous les citoyens.

Pour l’heure, les réformes de Bismarck avaient pour objectifs : d’assurer la


force de travail des ouvriers et leur efficacité productive en luttant contre l’usure
prématurée et, sur le plan politique, d’améliorer le sort de la classe ouvrière comme
moyen de la soustraire de l’influence des forces révolutionnaires. Ce dernier objectif
implicite a suscité en France la méfiance des syndicats vis-à-vis de l’assurance
sociale2.

Les lois ci-dessus seront réunies en 1911 dans un « code des assurances
sociales » en y ajoutant une assurance décès et un régime d’assurance invalidité et
vieillesse pour les employés. Puis en 1929 sera créée une assurance chômage.

Ce système aura une grande influence sur beaucoup de pays européens (Pays-
Bas, Suède, Norvège, Italie, France…), mais il reste encore limité, quant aux
bénéficiaires, par rapport à la vision de la sécurité sociale : il concerne les ouvriers de
l’industrie (avant l’extension aux employés) ayant un salaire inférieur à un chiffre-
plafond prédéterminé ; et les prestations sont destinées à compenser une partie de la
perte de salaire.

Dans ses modalités techniques, il s’agit d’une adaptation (certes importante) de


la technique de l’assurance ordinaire. Cette adaptation consiste à :

- rendre obligatoire l’affiliation de tous les membres bénéficiaires à des


organismes d’assurance ;
- asseoir la contribution sur des cotisations proportionnelles aux salaires et
non pas en fonction de la valeur de la chose assurée comme dans
l’assurance privée ;
- repartir la charge contributive par des cotisations partagées entre
l’employeur et le salarié, même si l’Etat peut contribuer par des
subventions complémentaires pour certaines branches (invalidité –
vieillesse).

1 François EWALD, L’Etat providence, Bernard Grasset, 1986, p. 344. V. aussi, L’Etat providence nordique :
ajustement, transformations au cours des années quatre-vingt-dix, in Revue Française des Affaires Sociales, n° 4,
octobre –décembre 2003, 57e année.
2 Voy., St JOURS, op. cit. p. 25.

416
Ce système est qualifié, sur le plan juridique, d’assurances sociales, au vu de
ses objectifs et des techniques utilisées : il s’agit d’une « assurance obligatoire du
salaire des assurés, ou peut-être, plus exactement, de leur force de travail »1.

477. L’intervention de l’Etat en matière de protection sociale s’imposera aussi


dans les autres pays industrialisés, en s’appuyant sur le système allemand et sur
d’autres expériences.

En Grande-Bretagne furent instituées en 1911, par le « National insurance


act », une assurance maladie, une assurance invalidité et une assurance chômage.
Cette loi avait été précédée en 1908 par des mesures d’assistance, notamment par une
pension de vieillesse (oldage pension).

En U.R.S.S., un décret du 31 octobre 1918 utilise l’expression sécurité sociale.


Le système d’assurance sociale repose non pas sur la technique de l’assurance mais
sur l’institution d’un service de santé assurant la gratuité des soins et sur diverses
prestations en espèce destinées à compenser la perte de gain résultant d’une inactivité
forcée. Ces prestations n’ont pas pour contrepartie des cotisations mais des
contributions des entreprises tenant plus de l’impôt2.

Aux Etats Unies, la crise économique de 1929 a conduit le Président F.D.


Roosevelt élu en 1932 à rompre avec le principe fortement ancré de non-intervention
de l’Etat dans le domaine économique et social. Il élabore la politique du « New-
Deal » et la doctrine du « Welfare state » et fait adopter, dans le cadre de cette
politique, une loi du 14 août 1935 sur la « sécurité sociale » (social security act). Cette
célèbre loi instituait une assurance sociale vieillesse et décès pour les salariés, des
mesures relatives au chômage et une politique d’assistance au profit de catégories
déshéritées.

478. En France, l’exemple allemand sera suivi avec du retard par rapport
certains pays voisins ou proches (Luxembourg, Pays-Bas, Italie…). La première
grande loi en matière de protection sociale est la loi du 9 avril 1898 relative à
l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles :

- elle introduit la responsabilité sans faute en matière d’accidents du travail


et de maladies professionnelles ; cette responsabilité est fondée sur la
théorie du « risque professionnel » à la charge personnelle de l’employeur ;
- cette responsabilité sans faute est modérée, dans son étendue, par un
principe de réparation forfaitaire, excluant pour le travailleur la possibilité
d’invoquer le droit commun de la responsabilité contre l’employeur et son
préposé ;

1 J.-J. DUPEYROUX et al., op. Cit., 14e édit. n° 28.


2 J.-J. DUPEYROUX et al., op. cit., n°40.

417
- pour se prémunir contre cette responsabilité automatique, de nombreux
employeurs furent amenés à s’assurer auprès d’organismes d’assurances,
qui, contre versement de primes, prenaient en charge le versement des
indemnisations forfaitaires ; une loi du 31 mars 1905 consolida ce système
en faisant de l’assureur le débiteur direct de la victime d’accident du travail
ou de maladie professionnelle.

Les véritables lois d’assurances sociales n’intervinrent que dans la période


1928 – 1930, hormis des actions éparses dont une loi de 1910 sur les retraites
ouvrières et paysannes. Le retard pris par la France, par rapport à l’Allemagne mais
aussi par rapport à d’autres pays européens, s’explique par un contexte politique
différent :

- la combativité du mouvement ouvrier avait été émoussée par la répression


et les déportations qui ont suivi l’échec de la commune de Paris de 1871 et,
- l’hostilité, déjà évoquée, du mouvement ouvrier et des organisations
révolutionnaires face à l’interprétation des visées politiques de l’expérience
allemande sur les assurances sociales.

Mais il devenait impérieux pour le gouvernement français de se doter d’une


politique sociale plus avancée. Le retour à la France de l’Alsace – Lorraine, après la
guerre de 1914 – 1918, où les ouvriers ont bénéficié des lois allemandes sur les
assurances sociales, va contribuer à faire engager le débat dès 1921.

Une première loi, votée le 5 avril 1928 fut pratiquement rejetée par les
différents groupes de pression (ouvriers, patronat, organisations mutualistes, milieux
agricoles) qui, chacun, avait des griefs à formuler. Cette législation fut reprise par une
loi de 1930 qui obtint un minimum de consensus pour être applicable.

La loi du 3 avril 1930 sur les assurances sociales demeurait sur l’esprit de
l’assurance en réalisant un élargissement quant aux risques pris en compte. Les
personnes protégées sont principalement les ouvriers de l’industrie et du commerce,
liés par un contrat de travail à un employeur. Tous les salariés n’étaient pas concernés
puisque la loi institue le principe d’un plafond d’affiliation qui exclut ceux dont les
salaires sont supérieurs à un certain chiffre. Quant aux risques envisagés, la loi institue
cinq assurances sociales : maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès. Notons
qu’à ces cinq assurances s’ajouteront les allocations familiales, instituées par une loi
du 11 mars 1932 qui oblige les employeurs de l’industrie et du commerce à s’affilier à
des caisses de compensation agréées.

S’agissant des modalités techniques d’organisation de ces assurances sociales,


elles reposent :

418
- sur le plan de la gestion administrative, sur le principe du « libre choix » de
l’organisme assureur, celui-ci devant gérer l’éventail des risques
envisagés ; les assureurs sont donc des organismes privés, mais une caisse
départementale fut instituée à titre d’option ;
- Sur le plan financier, le principe consacré est le financement par des
cotisations à part égale de l’employeur et du salarié.

IV - Vers la généralisation de la sécurité sociale

479. La question de la protection sociale va connaître un nouvel essor après la


seconde guerre mondiale. Mais les bases vont être jetées par des études et des projets
entrepris pendant la guerre, qui seront mis en oeuvre vers la fin de la guerre.

L’étude qui a eu un impact retentissant et profond est celle de l’économiste


Lord William Beveridge, étude menée à la demande du gouvernement anglais en 1941
et rendue publique en 1942. Ce rapport renouvelle l’idée de protection sociale en
proposant de la fonder sur une autre base que le système bismarckien qui repose sur la
solidarité professionnelle. Celle-ci se traduit par une protection concentrée sur les
travailleurs salariés et organisée selon les techniques de l’assurance et de l’assistance
(œuvres sociales). Pour lui, la protection doit être basée sur la solidarité nationale, non
pas comme une simple assistance aux pauvres et aux sinistrés mais une protection
étendue à tous, en garantissant à chaque citoyen un minimum de revenus dans
certaines situations.

1) L’influence du rapport Beveridge

480. Le rapport Beveridge élabore une théorie générale et complète qui a pour
objectif de parvenir à éliminer la pauvreté sans subordonner les prestations à
l’indigence1. Pour ce faire, il propose la création d’une assurance nationale qui
verserait des prestations forfaitaires se substituant aux revenus professionnels, en
échange de cotisations. Ainsi, toute personne qui atteindrait l’âge de la retraite se
verrait accorder des prestations forfaitaires pour sa subsistance. Ce système se fonde
sur le principe de la généralité (toute la population entre dans l’assurance nationale) et
le principe de l’uniformité (les prestations sont uniformes pour chaque cas de
réalisation du risque envisagé, quelque soit le revenu professionnel). L’assurance
nationale serait organisée sous la forme d’un service public unique financé par des
cotisations pour certains risques et par la fiscalité pour ce qui concerne les prestations
familiales et la santé. Ce système doit être complété par une politique de plein emploi
et une politique de santé consistant à créer un service national de santé chargé de
dispenser des soins gratuits.

1 Cf. J.-J. DUPEYROUX et al., op. cit., pp. 41 et s.

419
L’influence de ce rapport ne réside pas dans son plan, qui sera seulement
expérimenté en Grande-Bretagne dès 1945 en révélant ses limites. L’on relève que
dans sa conception, il y a une contradiction, aboutissant à du gaspillage, à vouloir
généraliser la protection sur la base de prestations forfaitaires. Ces prestations sont
nécessairement fixées au plus bas et ne présentent d’intérêt réel que pour ceux qui
avaient des revenus professionnels peu élevés, donc les indigents. L’influence du
rapport réside dans la consécration des idées principales qui seront progressivement
traduites dans la législation des pays développés : le principe d’un régime universel
consistant en l’extension d’une protection uniforme à toute la population ; l’institution
d’un service public d’assurance sociale ; et l’institution d’une politique de prévention
et d’indemnisation pour les accidents et maladies. Les débats dans les organisations
internationales, qui s’esquissent dans la perspective de la fin de la guerre, vont
contribuer à imprimer cette nouvelle vision de la protection généralisée et de la
prévention contre certains risques sociaux que l’on qualifie d’universalisation de la
sécurité sociale. Cette protection prend le caractère d’une sécurité sociale, par
l’extension continue de son champ d’application et par la charge incombant à l’Etat de
l’organiser. La Déclaration de Philadelphie de 1944 refondant l’Organisation
Internationale du Travail (O.I.T.) et la Charte des Nations Unies vont consacrer la
notion de sécurité sociale tandis que la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948 en fait un droit, le « droit à la sécurité sociale ».

Mais la mise en oeuvre de ce droit s’est opérée à partir de 1945, selon les pays,
en partant des deux doctrines différentes, celle de Beveridge et celle dite
bismarckienne. Le système français, qui va nous inspirer, est principalement de type
bismarckien.

2) L’extension de la sécurité sociale en France

481. Dans le sillage du rapport Beveridge et de la Déclaration de Philadelphie,


la France a entrepris, à partir de 1944, de généraliser le système de sécurité sociale 1.
Un premier plan complet fut élaboré par le Conseil National de la Résistance mais ne
pu aboutir. Ce fut un projet présenté par Pierre Laroque qui donna naissance au plan
français de sécurité sociale par l’ordonnance du 4 août 1945. Cette ordonnance, qui
crée un régime général de la sécurité sociale, pose le principe d’une extension, à
terme, de la sécurité sociale à toute la population. Elle pose aussi le principe de l’unité
des institutions et de l’universalité des risques, par la mise en place d’un régime
unique dit régime général qui comprend un ensemble de caisses à compétences
générales : les caisses primaires chargées de la gestion des risques maladies,
maternité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les
allocations familiales ; les caisses régionales et la caisse nationale. Toutefois, devant

1Sur la question, voyez, Gilles HUTEAU, Sécurité sociale et politiques sociales, 3 e édition, 2001, pp. 11 et s. ;
Nicolas DUFOURCQ, Sécurité sociale : le mythe de l’assurance, Droit social, n° 3, mars 1994 ; J.J.
DUPEYROUX, MicHel BORGETTO, Robert LAFORE, Rolande RUELLAN, Droit de la sécurité sociale, Précis
Dalloz, 14e édition, 2001, pp. 292 et s.

420
la résistance des organisations mutualistes et des syndicats à l’étatisation, elle
reconnaît à ces caisses une autonomie de gestion et la qualité d’organismes privés, au
nom de la « démocratie sociale ». Cette démocratie s’exprime par une gestion confiée
aux employeurs et aux travailleurs à travers un conseil d’administration où les
travailleurs représentaient les trois quarts des membres (75% de représentants contre
25% pour les employeurs), sous le contrôle de l’Etat. De plus, le texte maintenait, à
titre prétendument provisoire, les régimes spéciaux gérés sous des formes mutualistes.
Ces traits vont donner une certaine originalité au système français tout en constituant
la source de sa complexité. L’ensemble du régime général est financé par des
cotisations des employeurs et des travailleurs sans subvention de l’Etat, donnant au
système une inspiration de solidarité professionnelle.

Malgré une ambition proclamée de faire de la sécurité sociale « la garantie


donnée à chacun qu’en toute circonstance il disposera des moyens nécessaires pour
assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes »1,
l’extension ne fut réalisée que très progressivement, surtout à partir de 1967. Il serait
fastidieux et peut-être inutile d’entrer dans le détail de cette évolution, mais quelques
indications peuvent être données à titre d’illustration.

Quelques textes furent adoptés dès 1946 pour étendre le bénéfice des
assurances sociales à des catégories non salariées : les lois du 22 mai et du 13 juillet
étendant l’assurance vieillesse à l’ensemble de la population active, et la loi du 22
août accordant les prestations familiales à la quasi-totalité de la population. Mais c’est
en 1948 (loi du 17 janvier 1948) que la généralisation de l’assurance vieillesse fut
rendue effective. Toutefois, cette loi de 1948 marqua aussi l’abandon de l’unité du
système de sécurité sociale en créant trois régimes autonomes (pour l’industrie et le
commerce, pour l’artisanat et pour les professions libérales) gérés par trois caisses
nationales professionnelles. Les exploitants agricoles se virent accorder leur propre
régime d’assurance vieillesse gérée sous la forme mutualiste par une loi du 10 juillet
1952 et un régime autonome d’assurance maladie et maternité par la loi du 21 janvier
1961. Dans la même période, d’autres catégories sociales entrèrent dans le régime
général de sécurité sociale : les étudiants, les écrivains non salariés, les invalides de
guerre, les journalistes pigistes... Les autres professions non salariées non agricoles
furent dotées d’un régime autonome d’assurance maladie maternité en 1966 (loi du 12
juillet 1966).

A partir de 1967 intervint une autre réforme générale, par quatre ordonnances
du 21 août 1967, qui marqua une autre étape vers la généralisation de la sécurité
sociale mais aussi un bouleversement de l’organisation du système de gestion.
L’institution d’une assurance volontaire permit à des personnes non couvertes de
bénéficier des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité en contrepartie
de cotisations. Cette assurance volontaire sera remplacée en 1978 par l’assurance

1 Selon l’exposé des motifs de l’ordonnance, cité par Nicolas DUFOURCQ, in Dr. Soc. n° 3, mars 1994, p. 291.

421
personnelle (loi du 2 janvier 1978) qui est plus incitative à l’adhésion (cotisations
forfaitaires réduites pour certaines catégories, prises en charge totale ou partielle des
cotisations par l’aide sociale pour d’autres). Le bouleversement institutionnel réside
dans la création de trois caisses nationales de sécurité sociale correspondant aux trois
branches de risques (santé, vieillesse, famille) devant être gérés de manière autonome.
Chaque branche devait assurer son équilibre financier avec toutefois des mesures
assurant une trésorerie commune notamment par la création d’une agence centrale. De
plus, la représentation des employeurs dans les organes de gestion fut rehaussée par
l’institution du système paritaire.

Une autre extension importante fut réalisée par la loi du 4 juillet 1975 qui
concrétise la volonté de généraliser la sécurité sociale, par l’extension de l’assurance
vieillesse à toute la population active, par le rattachement des personnes jusque là non
couverte à l’un des régimes déjà existants et par la suppression de la condition
d’exercice d’une activité professionnelle pour le bénéfice des prestations familiales.

Mais la généralisation ne peut être considérée comme véritablement réalisée


qu’avec la mise en place, par la loi du 27 juillet 1999 entrée en vigueur le 1 er janvier
2000, de la « couverture maladie universelle » (CMU). Cette loi, qui supprime
l’assurance personnelle, institue : une couverture de base qui prévoit l’affiliation
obligatoire au régime général d’assurance maladie de toute personne dépourvue de
droit aux prestations en nature sur simple condition de résidence stable et régulière en
France ; et une couverture complémentaire permettant d’accorder gratuitement une
prise en charge des dépenses de santé avec tiers payant1 à tous les assurés dont les
revenus sont inférieurs à un seuil donné. La CMU achève la généralisation de la
couverture en matière d’assurance maladie, mais ne constitue pas l’universalité de la
couverture2.

Il résulte de cette évolution marquée par des compromis tenant compte des
positions idéologiques (notamment l’attachement des syndicats à l’idée d’assurance
basée sur la solidarité professionnelle)3, ou des résistances d’intérêts (mouvements
mutualistes et catégories d’assurés bénéficiant de régimes privilégiés) que,
contrairement au projet initial de l’ordonnance de 1945 de généraliser la protection
sociale dans le cadre d’une organisation unique ou unifiée, la sécurité sociale française
a certes réalisé une couverture sociale remarquable des individus, mais dans le cadre
d’une organisation particulièrement complexe. Comme le fait remarquer M. G.
HUTEAU, elle « est constituée aujourd’hui d’une véritable mosaïque de régimes,
chacun étant doté de ses propres structures de gestion, et comportant des taux de

1 Le système du tiers payant est celui dans lequel une tierce personne (l’organisme de sécurité sociale, en général)
règle directement les dépenses à la place de l’assuré. Dans le système sans tiers payant, l’assuré paie –les
médicaments par exemple- avant de se faire rembourser par l’assureur social.
2 Cf. G. HUTEAU, op. cit., p. 15. Celui-ci évoque comme cause de difficultés d’application de la couverture

universelle la superposition du critère de résidence et du critère professionnel.


3 V. Nicolas DUFOURCQ, Sécurité sociale : le mythe de l’assurance, Dr. Soc. N° 3, mars 1994, pp. 291 à 297.

422
cotisation et des prestations diversifiées, même si l’évolution est au rapprochement
depuis les années soixante-dix ».

482. Le système français de sécurité sociale comprend essentiellement quatre


grands blocs de régimes légaux et des régimes de source conventionnelle. Les régimes
légaux se composent1 :

- Du régime général, qui couvre les principales branches de la sécurité


sociale (assurance maladie, assurance vieillesse, prestations familiales,
assurances accidents et maladies professionnelles) et concerne –ne serait-ce
que pour une de ses branches- plus de 80% de la population ;
- Du régime agricole, qui couvre les exploitants et salariés agricoles contre
les risques sociaux et les charges familiales ;
- Des régimes des professions non salariés non agricoles, qui se compose de
plusieurs régimes chargés de protéger les commerçants et industriels
(ORGANIC), les artisans (CANCAVA), les professions libérales
(CNAVPL) ou l’ensemble des professions libérales (CANAM pour
l’assurance maladie)2 ; ces régimes ne concernent que moins de 5% de la
population ;
- Des régimes spéciaux qui ont été maintenus parce qu’ils accordent des
avantages supérieurs à ceux des autres régimes (régime des mines, régime
de la SNCF ou Société Nationale des Chemins de Fer, régime de l’Opéra) ;
on distingue, au sein de ces régimes spéciaux des régimes dits particuliers,
tel que le régime de sécurité sociale des fonctionnaires de l’Etat, des
collectivités territoriales et des établissements hospitaliers, dont le champ
d’application est limité à certains risques, leurs bénéficiaires relevant du
régime général pour les autres risques.

Les régimes de source conventionnelle sont des protections sociales organisées


à l’initiative des partenaires sociaux, par des négociations collectives, pour pallier
l’insuffisance de protection des régimes légaux. Les principaux régimes
conventionnels sont :

- les régimes de retraites complémentaires, qui se sont développés dans le


secteur privé en raison de l’insuffisance des pensions du régime général ;
ce sont d’abord les cadres du secteur privé qui ont obtenu la création, par
un accord collectif national du 14 mars 1947, d’un régime complémentaire
géré par l’Association générale des institutions de retraites des cadres
(AGIRC) ; le mouvement de création des institutions de retraite
complémentaire s’est multiplié et à abouti à la nécessité de coordonner ces

1V. G. HUTEAU, op. Cit. P. 16.


2CANCAVA : Caisse autonome de compensation de l’assurance vieillesse artisanale ; CANAM : Caisse autonome
nationale d’assurance maladie ; CNAVPL : Caisse nationale d’assurance des professions libérales ; ORGANIC :
Organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce.

423
institutions sous l’égide de l’Association des régimes de retraite
complémentaires (ARRCO), puis à l’adoption en 1972 d’une loi les
rendant obligatoires pour les salariés non soumis à un régime spécial ;
- le régime d’assurance chômage institué le 31 décembre 1958 par accord
interprofessionnel signé entre le Conseil national du patronat français et les
syndicats de l’époque (Force ouvrière -FO, Confédération française des
travailleurs chrétiens -CFTC et la Confédération générale des cadres -
CGC) pour l’ensemble des salariés et des entreprises du secteur privé ;
financé par des cotisations des employeurs et des travailleurs, le régime de
l’assurance chômage est géré de manière paritaire par des représentants des
employeurs et des travailleurs, dans le cadre institutionnel des Associations
pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC), organismes de
base, et de l’Union pour l’emploi dans l’industrie et le commerce
(UNEDIC), qui est une fédération de ces organismes de base ; des régimes
de retraites complémentaires sont aussi mis en place pour les professions
non salariées (artisans) ;
- les institutions de prévoyance prévues par des conventions collectives, des
accords de branches ou d’entreprises et gérées par des mutuelles ou des
compagnies d’assurance ; ces institutions sont financées par des cotisations
des employeurs et des salariés et visent à améliorer la couverture de risques
pris en charge par le régime général (vieillesse, maladie, décès...).

Le mouvement de généralisation de la sécurité sociale, dans le cadre du régime


général et des régimes de source conventionnelle a abouti à une protection
remarquable de l’ensemble de la population contre de multiples risques sociaux, à
l’instar d’ailleurs de ce qui se passe dans tous les pays de l’Union européenne 1, mais
cette protection ne réalise pas encore l’ambition de garantir l’individu qu’il aura, face
à certains risques, des ressources suffisantes pour répondre à ses besoins et à celles de
sa famille, dans l’esprit des réformes de 1945. Ces dernières décennies,
l’accroissement du chômage a entraîné le phénomène de l’exclusion ou de la
marginalisation de l’individu qui perd son emploi. Le versement de l’allocation de
chômage, par exemple, est limité dans le temps. Il a fallu, en complément à la
protection axée sur les assurances sociales d’essence professionnelle, développer des
politiques de protection fondées sur la solidarité nationale. Celle-ci fait appel à un
financement basé sur l’impôt et non pas sur des cotisations. Ainsi fut institué, par la
loi du 1er décembre 1988, le Revenu Minimum d’Insertion dont l’objectif n’est pas
seulement de servir un minimum de subsistance, mais de favoriser la réinsertion de
ceux frappés par le chômage de longue durée. Cet objectif commande que le RMI soit
appuyé par des politiques d’emploi et de retour dans le marché du travail.
Parallèlement, des réformes du financement de la sécurité sociale furent entreprises
pour faire face à la crise qui frappe les institutions de sécurité sociale dans presque

1Voy., pour l’évolution dans l’Union européenne, J.-J. DUPEYROUX et al. op. cit. pp. 398 et s. ; Gérard LYON-
CAEN et Antoine LYON-CAEN, Droit social international et européen, 8e édition, 1993.

424
tous les pays européens. Cette crise est parfois qualifiée de crise de l’Etat providence 1.
La création de la CSG (Contribution Sociale Généralisée) par la loi de finances de
1991 répond à ce besoin de rationalisation et de modernisation du financement de la
sécurité sociale, sans suffire à résoudre les problèmes de déficit croissant (le fameux
« trou de la sécurité sociale ») et de complexité du système français de sécurité
sociale.

Après ces considérations générales, la sécurité sociale burkinabè sera traitée en


partant des aspects suivants : l’historique, les principes et les sources (TITRE I) ; le
système général (TITRE II) ; les branches (TITRE III) ; le contentieux de la sécurité
sociale (TITRE IV) et les problèmes de coordination et d’harmonisation avec les
systèmes internes et étrangers de sécurité sociale (TITRE V).

1 Voy. François EWALD, L’Etat providence, Grasset, 1986.

425
TITRE I – HISTORIQUE, PRINCIPES ET SOURCES
DE LA SECURITE SOCIALE BURKINABE

483. La sécurité sociale burkinabè a commencé à pousser quelques


racines dans la période coloniale et se trouvera presque entièrement
constituée au moment de l’indépendance ou dans les premières
années de l’indépendance. Elle emprunte par conséquent au
système français certains caractères et principes d’organisation sans
connaître la même évolution dans son champ d’application
personnel et matériel. S’agissant d’un pays en développement
classé dans les pays moins avancés (PMA) ou les pays pauvres très
endettés (PPTE), la sécurité sociale burkinabè, même si elle
souscrit à la philosophie commune de la sécurité sociale moderne,
ne peut pas se fixer les mêmes ambitions que la sécurité sociale des
pays hautement industrialisés. Un bref historique de sa naissance et
de son évolution permettra de situer les problèmes spécifiques
auxquels elle est confrontée et les traits de caractères qui en
découlent. L’étude des sources et des principes fondamentaux
complètera le tableau des bases du système burkinabè. Nous
aborderons donc successivement : l’historique et les caractères de
la sécurité sociale burkinabè (chapitre 1) ; ses sources (chapitre 2)
et ses principes fondamentaux (chapitre 3).

426
427
CHAPITRE I - HISTORIQUE ET CARACTERES
DE LA SECURITE SOCIALE BURKINABE
La sécurité sociale en tant que branche du droit présente des caractères qui
peuvent être distincts de ceux des autres branches du droit. Ces caractères auraient pu
être présentés dans un cadre général, mais il est utile de les rapprocher du contexte de
naissance et d’évolution de ce droit pour mieux faire ressortir la relation plus forte
entre l’économique et le social dans ce domaine.

SECTION I - LA NAISSANCE ET L’EVOLUTION


DE LA SECURITE SOCIALE
AU BURKINA FASO
L’évolution de la sécurité sociale, telle que ci-dessus retracée, concerne les
pays très industrialisés d’Europe et d’Amérique où la majorité de la population active
relevait déjà du travail salarié dès le début du 20e siècle. La question de la protection
sociale des individus grâce à l’intervention de l’Etat est venue de la multiplication des
risques sociaux et de la dislocation des solidarités traditionnelles provoquées par le
travail salarié. Au moment de l’émergence des idées sur la sécurité sociale, dans les
années trente, l’Afrique était encore sous le joug colonial. La question urgente portait
sur la suppression des travaux forcés, qui ne sera réalisée, en Afrique francophone,
qu’après la seconde guerre mondiale. On peut par conséquent distinguer trois
périodes : celle d’avant guerre jusqu’au code de 1952 ; l’apport du code de 1952 et la
période postérieure à l’indépendance.

§ 1 - La période antérieure au code du travail de 1952


484. La période antérieure au code de 1952 fait apparaître deux situations très
distinctes, avant et après la seconde guerre mondiale.

A - LA SITUATION AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Jusqu’à la fin de la 2e guerre, le droit du travail et le droit de la sécurité sociale


étaient quasi inexistants1, hormis l’extension des textes de la métropole aux
travailleurs européens expatriés, selon l’esprit de discrimination de l’époque. Mais des
prémisses de sécurité sociale apparaissent, avec quelques textes épars de portée
limitée. Ainsi, en 1932 était intervenu un décret du 02 avril 2 relatif à la réglementation
des accidents du travail en Afrique Occidentale française, qui accordait le bénéfice de
soins et un droit à indemnité en cas d’incapacité par suite d’accident du travail. Mais

1 Voyez, Otto KAUFMANN, La sécurité sociale dans les relations entre la France et les pays d’Afrique au sud du
Sahara, Peter Lang, Frankfurt aim Main – Bern – New York – Paris, 1989, p. 86 ; même auteur, La protection
sociale dans les pays francophones d’Afrique au sud du Sahara, Penant, 1986, pp.61 et s.
2 J.O.RF du 8 avril 1932.

428
ce texte a été sans apport réel pour les travailleurs africains parce qu’il comportait une
double limitation1 : pour le droit à réparation, il ne s’appliquait que si l’accident était
causé par une machine mécanique, ce qui réduisait considérablement son champ
d’application matérielle. De plus, dans son champ d’application personnelle, étaient
exclus les travailleurs saisonniers, les manœuvres et les travailleurs agricoles. Les
travailleurs demeuraient en fait soumis au régime de la loi de 1898 qui exigeait, pour
obtenir réparation, la mise en cause de la responsabilité de l’employeur, ce que le
travailleur africain ne pouvait absolument pas entreprendre à l’époque. Un autre
exemple de mesure sociale concerne un décret du 18 septembre 1936 2, relatif au
travail des femmes et des enfants, qui accordait un timide avantage à la femme
salariée africaine : celle-ci avait la faculté d’interrompre le travail, sans droit à
indemnité, pendant huit semaines avant et huit semaines après un accouchement.

B - LA SITUATION APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE

La genèse de la sécurité sociale en Afrique francophone commence


véritablement après la fin de la seconde guerre mondiale, concomitamment à l’effort
de réglementation du travail. Des actions ont été entreprises vers la fin de la guerre,
pour mettre fin aux travaux forcés et réglementer le travail salarié dans les colonies.
Les facteurs de cette évolution tiennent : aux revendications des syndicats et partis
politiques africains, aux orientations sociales des mouvements politiques issus de la
résistance (socialistes, communistes, gaullistes soucieux de marquer une
reconnaissance pour la contribution des colonies à l’effort de guerre) et aux idées
discutées dans les conférences internationales visant à rebâtir un autre ordre
mondial, notamment au cours des réunions préparatoires à la création de l’ONU et de
l’OIT. Ainsi, sur le plan des pressions internationales, l’OIT appelait, dès 1944, les
pays colonisateurs à se conformer aux principes essentiels posés par les conventions
n° 29, n° 50 (du 20 juin 1936 sur le recrutement), n° 64 et n° 65 (sur le contrat à long
terme et les sanctions pénales pour manquement aux obligations contractuelles) en
matière de politique sociale dans les territoires dépendants. De même, la Déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 interdisait l’esclavage « sous
toutes ses formes » et, surtout, proclamait que toute personne a droit au libre choix de
son travail et à des conditions équitables et satisfaisantes de travail. Au niveau des
rapports entre la France et ses colonies, beaucoup d’arguments juridiques pouvaient
être invoqués en faveur d’une évolution de la législation sociale : la Conférence de
Brazzaville (30 janvier-8 février 1944) affirmait « la supériorité absolue de la liberté
du travail » ; la participation de représentants des territoires dans l’Assemblée de
l’Union Française traduisant la politique d’assimilation préconisée par l’article 80 de

1 V.Otto KAUFMANN, op. cit. p. 88 ; J. GORCE, Les accidents du travail dans les territoires d’Afrique, in Revue
juridique et Politique de l’Union Française, 1951, p. 177 ; P.F. GONIDEC, Cours de droit du travail africain et
malgache, Paris, 1966 ; P.GONIDEC et M. KIRSCH, Droit du travail des territoires d’Outre-Mer, tome 1, Paris,
LGDJ, 1958 ; P. DARESTE et M. SAMBUC, Traité de droit colonial, Paris, 1932 ; Ferdinand Sosthène
LIKOUKA, Situation et devenir du système de protection sociale au Congo, thèse de doctorat en droit (nouveau
régime), Université Montesquieu - Bordeaux IV, 1997.
2 J.O.RF du 20 sept. 1936 ; J.O.AOF du 23 mai 1937.

429
la constitution de 1946 qui accordait la qualité de citoyens français aux populations
des territoires d’outre-mer. Enfin, dans l’ordre interne aux colonies, l’application des
plans de mise en valeur des colonies (ex. Loi du 30 avril 1946 relatif au plan
d’équipement et de développement des colonies), qui a impliqué des déplacements
volontaires ou forcés de populations, a aussi entraîné l’apparition du phénomène du
salariat, la création de centres urbains autour des plantations, des usines et des
chantiers de grands travaux, où des ouvriers peu spécialisés, mal payés, mal nourris et
mal logés rappelaient, selon P.F. GONIDEC et M. KIRSCH, les conditions des
ouvriers français du 19e siècle1. Le contexte social et politique appelait donc une
action volontariste de l’Etat.

En 1945 fut adopté un premier « code du travail indigène »2 qui contenait


quelques dispositions de protection sociale en faveur des travailleurs africains,
notamment la gratuité des soins, mais il ne fut pas promulgué. Après cet échec, un
autre code fut adopté le 17 octobre 1947, le code Moutet 3, du nom du ministre des
TOM de l’époque, Marius Moutet. Ce code contenait aussi des dispositions en matière
de sécurité sociale, notamment en matière de prévention des accidents, d’institution de
services médicaux, d’octroi d’indemnité de congé de maternité à la femme salariée
enceinte, mais il ne fut pas non plus mis en application en raison de fortes
oppositions4. Il fut rapporté dès le 25 novembre 1947, en raison des contestations sur
sa validité (l’adoption par décret) et sur certaines de ses dispositions5.

Malgré l’échec de ces tentatives, les débats reprirent dès 1948, avec le dépôt,
le 19 mai, d’un projet de loi. Les diverses consultations amenèrent à déposer un autre
projet de loi le 12 avril 1949. Tout le monde s’accordait sur la nécessité d’une
réglementation du travail, même si certains voulaient un code universel et uniforme et
d’autres auraient préféré un code cadre, qui laisserait toute latitude pour adapter la
réglementation à la situation spécifique des territoires ou groupes de territoires.
L’appel à la prudence cachait aussi la peur des milieux conservateurs d’une évolution
et traduisait les appréhensions des employeurs dans les colonies. Les débats sur ce
projet, avec la participation active des parlementaires africains à l’Assemblée de
l’Union Française, prirent encore beaucoup de temps avant d’aboutir à l’adoption de
la loi du 15 décembre 1952, instituant un code du travail dans les territoires et
territoires associés relevant du Ministère de la France d’Outre-Mer6.

1 P.F. GONIDEC et M. KIRSCH, Traité, op. cit., t 1, p. 43.


2 Code du travail indigène du 18 juin 1945, J.O.RF du 18 juin 1945.
3 J.O.RF du 21 octobre 1947, p. 10402.
4 V. Otto KAUFMANN, ouvrage précité, p. 89.
5 Voy. Pierre HUGUET, Code du travail d’Outre-Mer, texte commenté, Sirey 1953, p. 1.
6 Loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952, J.O.R.F. n° 1067, 1956 ; Recueil Sirey 1953, texte et commentaire de P.

HUGUET.

430
§ 2 - L’apport du code de travail de 1952
485. C’est après l’adoption du code du travail d’Outre-Mer que la sécurité
sociale va prendre son essor. Ce fait traduit la liaison – comme dans la métropole au
départ, du moins - entre la sécurité sociale et le travail salarié. La sécurité sociale
reposant sur une base professionnelle, l’essor du droit du travail apparaît comme une
condition préalable à la protection contre les risques sociaux dans un cadre
d’assurances sociales. Avant 1952, les avancées significatives dans le domaine de la
sécurité sociale n’ont concerné que les fonctionnaires africains : avec la loi Lamine
Gueye, les agents de la fonction publique avaient obtenu une protection sociale
comparable à celle des fonctionnaires français1 en matière d’allocations familiales.

Le code de 1952 contenait des dispositions qui serviront de point d’appui pour
l’institution de la sécurité sociale. Ainsi, l’article 237 instituait légalement les
prestations familiales pour les travailleurs régis par le code, et créait des caisses de
compensation pour la gestion de ce régime. La mise en oeuvre de ce texte était
toutefois confiée aux chefs des territoires qui étaient « habilités à prendre des arrêtés,
après avis des commissions consultatives et des assemblées représentatives, instituant
des prestations familiales ... et des caisses de compensation pour assurer le versement
de ces prestations », sous réserve d’approbation de ces arrêtés par le ministre de la
France d’outre-mer. En rapport avec cette disposition générale, l’article 116 accorde à
la femme salariée, à la charge de l’employeur, jusqu’à la mise en place d’un régime de
sécurité sociale, la moitié du salaire qu’elle percevait au moment de la suspension de
son contrat pour accouchement. D’autres dispositions, sans directement créer un
régime de sécurité sociale, n’en concernent pas moins la protection contre des risques
sociaux : l’article 138 fait obligation à toute entreprise ou établissement d’assurer un
service médical ou sanitaire à ses travailleurs ; l’article 142 fait obligation à
l’employeur de fournir gratuitement les soins et les médicaments au travailleur
malade, dans des limites définis.

Malgré l’invitation du code du travail, l’institution du régime de sécurité


sociale prendra du temps puisque les prestations familiales ne seront effectivement
créées en Afrique Occidentale Française qu’en 19552. Pour ce qui concerne l’ex.
Haute-Volta, ce fut l’oeuvre de l’arrêté n° 1029 ITLS-HV du 06/12/1955 portant
institution d’un régime de prestations familiales au profit des travailleurs salariés de
Haute-Volta et de l’arrêté n° 1094 du 31/12/1955 portant organisation et
fonctionnement de la « Caisse territoriale de compensation des prestations familiales »
en Haute-volta, dont le siège était fixé à Bobo-Dioulasso. Cette caisse, placée sous le
régime des sociétés de secours mutuels de la loi du 1er avril 1898, assurait comme
prestations des allocations familiales, des allocations de maternité et des indemnités
journalières pour la femme salariée en suspension de contrat à l’occasion des

1Otto KAUFMANN, op. cit., p. 89.


2Voyez, pour le Sénégal, arrêté du 5 décembre 1955 ; pour l’ex. Congo Brazzaville, arrêté du 8 mars 1956. Cf.
Otto KAUFMANN, ouvrage précité, p. 90 et F.S. LIKOUKA, Thèse, op. Cit. p. 33.

431
grossesses et accouchements. Plus tard seront créés deux autres régimes de la sécurité
sociale.

Notons d’abord qu’un décret du 27 février 1957 relatif aux accidents du travail
fut adopté en complément au code du travail mais sans avoir, semble-t-il, eu un rôle
notable1. Ce décret présente tout de même l’intérêt d’avoir posé les principes généraux
d’un régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnels
étendu à tous les salariés2

En 1958, un régime d’assurance vieillesse fut institué, non par la loi, mais par
accord professionnel conclu le 27 mars 1958 entre les organisations patronales et
syndicales. Cet accord crée l’Institution de Prévoyance retraite de l’Afrique
occidentale française (IPRAOF) qui deviendra IPRAO après l’accession à
l’indépendance des territoires3.

En 1959, le décret du 27 février fut remplacé, pour la Haute-Volta devenue


République membre de la Communauté en vertu de la constitution française de 1958,
par la loi n° 3-59 ATL du 30 janvier 1959 instituant un régime de réparation et de
prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Sa gestion fut
confiée à la caisse de compensation qui prit la dénomination de « Caisse de
compensation des prestations familiales et des accidents du travail (CCPF & AT).

§ 3 - L’évolution après l’indépendance


486. Après l’indépendance, l’évolution s’est poursuivie avec l’institution par la
loi n° 78-60 AN du 6 octobre 1960 de l’assurance vieillesse, invalidité et décès, au
profit des travailleurs soumis au code du travail. Avec la création de cette branche des
pensions, le système classique de sécurité sociale reposant sur les assurances sociales
– abstraction faite des politiques d’assistance sociale en direction des plus démunis
considérées comme entrant dans la sécurité sociale au sens large - ne connaîtra plus
d’autre extension. Les réformes vont surtout porter sur l’organisation de la gestion.
Ainsi, les différents textes furent réunis en 1972 dans un seul texte portant code de
sécurité sociale par la loi n°13/72/AN du 28 septembre 1972 et ses arrêtés
d’application. L’organisme de gestion (la CCPF & AT) qui avait déjà changé de
dénomination après la loi de 1960 et dont le siège avait été transféré à Ouagadougou
dès 1963, pris le nom de Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

Ainsi la sécurité sociale burkinabè couvre les risques sociaux suivants :


accidents du travail et maladies professionnelles, charges de famille, maternité,

1 Décret n° 57-245 du 27 février 1957, JORF du 28 février 1957, p. 3205, modifié par le décret 57-829 du 23 juillet
1957 ; pour l’AEF, il s’agit d’un décret du 24 février 1957. CF. LIKOUKA, op. Cit. p. 36.
2 Cf. P. MOUTON, L’étendue des systèmes africains de sécurité sociale, Encyclopédie Juridique de l’Afrique,

tome 8, 1982, p. 300.


3 P. MOUTON, op. cit., p. 315.

432
vieillesse, invalidité, décès (protection des survivants). Par rapport aux neufs risques
dont la couverture est recommandée par la convention n° 102 de 1952 de l’OIT, dite
norme minimum, on remarque l’absence de couverture des risques : maladies (soins
médicaux), maladie (compensation des pertes de revenus) et chômage.

L’absence d’assurance maladie et d’assurance chômage est un trait des


systèmes de sécurité sociale dans la plupart des pays en développement qui ne se
comprend qu’en rapport avec les caractéristiques de la sécurité sociale, qui ne
concerne par ailleurs qu’une faible proportion de la population.

SECTION II – LES CARACTERES DE LA SECURITE


SOCIALE AU BURKINA FASO
487. Dès le début des indépendances, les commentateurs des textes sur la
sécurité sociale en Afrique francophone ont marqué leurs inquiétudes sur l’absence de
recherches de voies originales1. Les systèmes de sécurité sociale de ces pays
empruntent leurs but et techniques au système français : offrir une protection par des
régimes d’assurances ou des régimes basées accessoirement sur d’autres techniques
dont l’aide ou l’assistance sociale. Or malgré un certain dynamisme en matière de
réglementation, un fossé sépare le droit et la réalité2 parce que le champ d’application
de la sécurité sociale était et demeure restreint. Cette situation d’un droit en avance sur
la réalité pose le problème de la corrélation entre la sécurité sociale et le niveau de
développement et indique la nécessité d’une approche adaptée de la sécurité sociale.

§ 1 - Le champ d’application restreint de la sécurité sociale


en Afrique
Le caractère restreint de la sécurité sociale burkinabè s’observe aussi bien dans
son champ d’application personnel que dans son champ d’application matériel

A – LE CHAMP D’APPLICATION PERSONNEL

488. Organisée sur une base professionnelle dans la ligne de l’approche


bismarckienne sans récuser les ambitions d’une protection offerte à tous les citoyens
selon l’approche de Beveridge, la sécurité sociale ne touche, en Afrique, qu’une très
faible proportion de la population3.

1 O. KAUFMANN, op. cit. p. 92. V. Également, Théopiste BUTARE et Edwin KASEKE, La sécurité sociale en
Afrique : le poids du passé, les priorités pour l’avenir, Revue Internationale de Sécurité Sociale (RISS) volume 56,
n° 3-4/2003.
2 Ibid.
3 Luca BARBONNE et Luis-Alvaro SANCHEZ B., Les régimes de pensions et de sécurité sociale en Afrique

subsaharienne : problèmes et solutions possibles, in AISS, série africaine n° 21, 2000, p. 34.

433
Elle ne concerne, dans le champ d’application personnelle, que les salariés qui
ne représentent qu’une faible proportion de la population active (moins de 20%)1.
Même à l’intention des salariés, seuls ceux de l’Etat et du secteur du commerce et de
l’industrie, qui constitue le secteur structuré, sont couverts de manière satisfaisante.
Avant les vagues de privatisations, les salariés de l’Etat et des entreprises publiques
constituaient la part la plus importante2.

Il résulte de cette base professionnelle de la sécurité sociale que les secteurs


économiques les plus importants et où la population est la plus vulnérable sont exclus
de la sécurité sociale. Ainsi, le monde rural se trouve exclu, en droit et en fait, du
système formel de sécurité sociale. La sécurité sociale étant basée sur l’exercice d’une
profession salariée, les personnes exerçant dans le monde rural (agriculture, élevage)
se trouvent en droit exclues parce qu’il s’agit de petites exploitations familiales et non
de travail salarié. Même lorsqu’elles sont engagées en qualité de salariées agricoles, il
s’agit de contrats de très courte durée, journaliers ou à la tâche, ne satisfaisant pas aux
conditions minimales d’immatriculation à la sécurité sociale telles que la condition de
rémunération au moins au SMIG et la condition de réunir un certain nombre de jours
dans le mois pour valider ses cotisations. Il y a, certes, quelques grandes entreprises
opérant dans le secteur rural, mais hormis les employés permanents de ces entreprises,
les salariés agricoles relèvent du travail occasionnel journalier ou à la limite
saisonnier.

Dans les centres urbains, une grande partie du travail dépendant


(économiquement) relève du secteur non structuré – ou secteur informel – marquée
par la faiblesse ou l’intermittence des revenus salariés (apprentis sur le tas, aides-
mécaniciens, vendeurs dans le petit commerce…). Ceux-ci sont de fait exclus du
système de sécurité sociale parce qu’il ne sont pas déclarés. Dans bien de cas, leurs
employeurs seraient incapables de satisfaire aux conditions d’une formalisation de
leurs rapports de travail et d’immatriculation à l’organisme de sécurité sociale. Cette
situation pousse, il faut le dire, les employeurs, même parmi ceux qui ont les moyens
de satisfaire aux conditions exigées, à rester dans le cadre informel.

1 Au Burkina Faso, les salariés ne représentent que 3,7% des actifs occupés essentiellement dans les services (dont
l’administration publique), les secteurs du bâtiment et des travaux publics, les industries extractives et
manufacturières. V. le décret n° 2001-474/PRES/PM/METSS du 18 septembre 2001 portant adoption du document
intitulé Cadre stratégique de promotion de l’emploi et de la formation professionnelle au Burkina Faso, point 1. 1.
2, document non publié au J.O.
2 Cette part est en baisse constante en raison du tassement des effectifs de la fonction publique. Les effectifs de la

fonction publique étaient de 24% des effectifs du secteur moderne en 1996 contre 33% en 1985 et 54% en 1975.Cf.
METSS, Politique de l’emploi au Burkina Faso, document n° 1, « Analyse de la situation de l’emploi », septembre
1996.

434
B – LE CHAMP D’APPLICATION MATERIEL

489. En plus du faible pourcentage de la population affiliée au régime formel


de sécurité sociale, celle-ci ne prend pas en compte, dans le champ d’application
matériel, certains risques sociaux : la maladie et le chômage.

Le chômage est très rarement pris en charge par le système de sécurité sociale
en Afrique. Cette carence présentait un inconvénient mineur après les indépendances
jusqu’à la fin des années 1970, en raison des besoins en personnel de l’Etat et du
boum des entreprises publiques. Les difficultés financières de l’Etat et des entreprises
publiques à partir des années 1980 et, surtout, la généralisation des politiques
d’ajustement structurel ont fait de la perte d’emploi un facteur d’exclusion sociale.
L’absence d’assurance chômage est de plus en plus dramatiquement ressentie.

De même, l’assurance contre la maladie est quasi inexistante en Afrique au


Sud du Sahara. En Afrique francophone, la protection des travailleurs salariés contre
la maladie n’était prévue que par le Code du travail de 1952 dans le cadre de la
médecine d’entreprise.

Après les indépendances, seul le Sénégal a organisé, par le décret n° 75 – 895


du 14 août 1975, la protection des travailleurs salariés contre la maladie en rendant
l’affiliation à l’institution de prévoyance maladie obligatoire pour les travailleurs et
les employeurs1.

L’absence de la branche maladie illustre bien les difficultés de développement


de la sécurité sociale en Afrique2 : contrairement aux pays industrialisés où la
couverture maladie illustre l’universalisation de la sécurité sociale, dans les pays en
développement l’on éprouve d’énormes difficultés à créer un tel régime même pour
les travailleurs du secteur formel (fonction publique, entreprises publiques et
entreprises privées du secteur de l’industrie et du commerce).

Or l’absence de cette couverture rend particulièrement précaires les revenus


d’activités (salaires) et les revenus de remplacement (pensions) en raison de la plus
grande prévalence des maladies (paludisme, méningites, maladies parasitaires…) et du
nombre généralement élevé de personnes à la charge du salarié. La place du risque
maladie dans la précarisation des conditions d’existence est encore plus grande pour
les populations exclues du système légal de la sécurité sociale : aux revenus précaires
et irréguliers s’ajoute la prise en charge directe des soins d’un membre de la famille
malade.

1 Cf. Ahmadou Yéri DIOP, Gouvernance des régimes de sécurité sociale en Afrique : tendances au Sénégal, Revue
Internationale de sécurité sociale, vol. 56, n° 3 – 4, juillet – décembre 2003, p. 23. O. KAUFMANN, op. Cit. p.
102.
2 O. KAUFMANN, op. cit., p. 100.

435
Il résulte de son champ d’application personnel et matériel restreint que la
sécurité sociale ne concerne en Afrique subsaharienne que 5 à 10% des travailleurs 1
qui sont des catégories sociales privilégiées, en terme de sécurisation des moyens
minimum d’existence, malgré la faiblesse des prestations notamment en matière de
pension de vieillesse et les longs délais mis pour le versement des premières pensions.

Le caractère embryonnaire de la sécurité sociale en terme de population active


couverte2, après plus de 40 ans d’indépendances, s’explique par les corrélations entre
sécurité sociale et niveau de développement.

§ 2 - Les corrélations entre sécurité sociale et développement


490. La corrélation entre sécurité sociale et développement relève de
l’évidence puisqu’il suffit de constater que la protection offerte aux citoyens est plus
étendue, presque complète dans les pays industrialisés et embryonnaire dans les pays
en développement. Mais ce fait ne doit pas conduire à s’arrêter à des questions
inhibantes du genre à quel facteur accorder le primat. Aussi bien au sein des pays
développés que des pays en développement, le niveau d’extension et/ou d’efficacité de
la sécurité sociale n’est pas identique. Les deux variables sont, dans chaque catégorie
de pays, relativement autonomes : entre des pays d’une même zone, la différence de
taux de couverture peut être importante. Ainsi, en Afrique orientale, R. K. Dau,
montre que le Kenya enregistre un important progrès de la couverture sociale avec un
taux de couverture de 10,6% de la population, alors que la Tanzanie et l’Ouganda
n’ont qu’un taux de couverture de 2,5% et de 2% respectivement.3. La politique de
sécurité peut donc infléchir le déterminisme du développement.

Il y a, par conséquent, plutôt lieu de souligner le caractère pluridisciplinaire de


la sécurité sociale, en ce que celle-ci entretient des relations d’influences réciproques
entre l’économie, la démographie et la sociologie4.

A- LES LIENS ENTRE L’ECONOMIE ET LA SECURITE SOCIALE

491. S’agissant de la dimension économique, la sécurité sociale, comme le


droit du travail, entretient des liens étroits entre l’économique et le social. L’état de
l’économie conditionne le développement de la sécurité sociale et le choix de ses
techniques de protection. En Afrique, par exemple, la pauvreté généralisée empêche
d’appliquer la technique de l’assurance sociale à la majorité de la population. Cette
technique suppose non seulement une capacité d’épargne (même forcée) mais aussi
des revenus réguliers et de sources moins complexes. Par ailleurs, la technique de

1 R.I.S.S., vol. 56 n° 3-4, 2003, p. 49.


2 V. tableau du rapport entre population active et prestations de retraite in AISS n° 21, p. 36.
3 Cf. Ramadhani K. DAU, Tendances de la sécurité sociale en Afrique orientale : Tanzanie, Kenya et Ouganda,

R.I.T. vol. 56, n° 3 – 4, pp. 28 et s..


4 Cf. Y. SAINT-JOURS, op. cit., p. 33 et s.

436
l’assistance organisée par l’Etat sous la forme d’un financement fiscal des prestations
s’avère inopérante dans un contexte où la majorité de la population devrait être
assistée. Au Burkina Faso, par exemple, on considère que 40% de la population est en
dessous du seuil de pauvreté. Cette pauvreté limite nécessairement la capacité de
l’Etat à procéder à des transferts de revenus entre catégories sociales.

Un bon degré de développement économique rend possible l’extension de la


sécurité sociale, que ce soit par la technique de l’assurance privée, de l’assurance
sociale (gérée par les organismes publics ou mutualistes) ou la technique de protection
financée principalement par la fiscalité. Les pays européens se divisent entre ceux
dans lesquels les régimes de sécurité sociale sont financés principalement par des
cotisations (pays du sud) et ceux dans lesquels ces régimes sont financés
principalement par la fiscalité (pays nordiques).

A un niveau conjoncturel, la bonne santé ou la récession économique rejaillit


sur le système de sécurité sociale : la récession et l’accroissement du chômage
peuvent créer des difficultés d’équilibre pour certains régimes de la sécurité sociale et
freiner des programmes d’extension. En retour, le système de sécurité sociale
influence l’économie, négativement ou positivement, en jouant sur la consommation
des ménages, sur les entreprises et sur les comportements des groupes sociaux.

La protection des ménages contre certains aléas par la sécurité sociale favorise
la consommation. Par exemple, l’existence d’une assurance maladie, en libérant les
ménages d’un poste de dépense lourd favorise l’accroissement de la consommation
des biens de première nécessité (alimentation, soins médicaux…) parce qu’elle
« régularise les ressources des assurés sociaux »1. L’accroissement de la
consommation peut avoir un effet de relance de l’économie ou, hélas pour les pays en
développement, un effet d’accroissement des importations et de détérioration de la
balance des paiements si la consommation porte sur des biens importés.

Les prélèvements opérés par la sécurité sociale sont ressentis par les
entreprises comme des charges sociales qui peuvent grever leurs rentabilités et leur
compétitivité. Des charges sociales lourdes peuvent pousser les entreprises, du moins
les plus grandes, à adopter des techniques de production basée sur la mécanisation et
demandant moins de main-d’œuvre. Les petites entreprises seront plutôt tentées
d’éluder l’obligation d’affiliation à la sécurité sociale et de déclaration de main-
d’œuvre. Mais des cotisations trop faibles entraînent par voie de conséquence des
prestations dérisoires ne répondant pas au besoin de sécurisation du travailleur et de
maintien d’une bonne capacité de travail.

A l’égard des groupes sociaux, les fonds de réserve des systèmes de sécurité
sociale constituent d’importantes ressources pouvant être réinvesties – avec prudence

1 ibid.

437
et bonne vision – dans l’économie, dans un sens redistributif ou de manière à
conforter les catégories privilégiées. Par exemple, l’affectation de certains fonds de la
sécurité sociale à l’action sanitaire et sociale (construction de dispensaires, soins
gratuits ouverts au non assurés) opère une certaine redistribution en direction des
catégories les plus défavorisées. Des opérations comme l’abaissement ou le
relèvement de l’âge de la retraite font partie des éléments de la politique de l’emploi.
Les pays européens ont institués dans ce cadre des primes de retour pour agir sur
l’immigration tandis que certains pays africains ont institué des régimes d’assurance
immigrés pour parer aux éventuels retour sans droit à pension ou allocation1.

B – LES RAPPORTS ENTRE SECURITE SOCIALE ET DEMOGRAPHIE

492. Sécurité sociale et démographie entretiennent aussi des rapports


d’influences réciproques. Les pays pauvres ont une population jeune et un fort taux de
natalité tandis que les pays industrialisés sont marqués par un faible taux de natalité et
une population de personnes âgées plus importante. La politique de sécurité sociale
doit nécessairement prendre en compte ces différences de données.

Le régime de prestations familiales, par exemple, joue un double rôle dans les
pays industrialisés : d’une part, celui d’offrir des revenus de remplacement à la femme
salariée à l’occasion des arrêts de travail pour maternité et de compenser le surcroît de
dépenses résultant de la charge d’un enfant ; d’autre part, les prestations familiales ont
pour objectif d’encourager la natalité. Ce second rôle fait que les allocations familiales
versées sont substantielles et constituent, avec l’assurance maladie et le niveau des
salaires, une des incitations à l’immigration.

Dans les pays pauvres, le régime de prestations familiales n’a évidemment pas
un rôle nataliste : les allocations familiales sont dérisoires (1 000 Fcfa par enfant au
Burkina Faso) et limitées quant au nombre d’enfants pris en compte ; l’accent est mis
sur les prestations en nature dans le cadre de la promotion de la santé maternelle et
infantile.

Les régimes d’assurance vieillesse ne font pas non plus face aux mêmes
problèmes. En Europe, ces régimes connaissent des tensions dues au vieillissement de
la population et à l’accroissement du nombre des pensionnés par rapport aux cotisants.
En Afrique, jusqu’à ces dernières années le nombre de pensionnés restait relativement
bas et n’occasionnait pas de tension sur le régime. Le rapport entre population active
et population inactive influence donc la politique de la sécurité sociale.

Mais l’existence de la sécurité sociale rejaillit, à long terme, sur la structure de


la population : les prestations de maladie et les prestations familiales accroissent la

1 Par exemple, l’Ouganda a institué une allocation d’émigration pour tout affilié qui émigre de façon permanente
vers un pays avec lequel il n’existe pas d’accord de réciprocité. V. R. K. DAU, op. cit. p. 38.

438
longévité et réduisent la mortalité infantile ainsi que les accidents d’accouchement. Le
régime d’assurance vieillesse peut tendre à prolonger le vie professionnelle (par
l’allongement de l’âge de la retraite ou de manière indirecte par des prestations
insuffisantes incitant à poursuivre la vie active) ou à la raccourcir (par l’abaissement
de l’âge à la retraite ou par les demandes de départs anticipés).

La question démographique ne concerne pas seulement le rapport


actifs/inactifs ou la place du salariat dans l’extension de la sécurité sociale. Alors que
la sécurité sociale est conçue pour les professions salariées sur base de contrat de
travail, cette catégorie demeure faible en Afrique subsaharienne, en pourcentage des
actifs. Beaucoup de facteurs concourent au renforcement du secteur informel au
dépens du secteur structuré : l’exode rural draine vers les villes une main-d’œuvre en
grande partie sans qualification et très peu demandée dans le secteur structuré ;
l’échec des politiques d’industrialisation a obstrué les perspectives d’emplois salariés
pour les jeunes dits diplômés. L’expression « jeunes diplômés » illustre bien la
politique d’enseignement en Afrique francophone, axée sur l’acquisition de diplômes
et non pas sur l’acquisition d’une qualification professionnelle. D’où l’indisponibilité
d’une main-d’œuvre technique susceptible d’attirer les entreprises désirant se
délocaliser, en plus, pour ce cas précis, de la faiblesse des infrastructures d’électricité
et d’eau. L’échec des politiques d’industrialisation est consacré par les discours
politiques qui mettent l’accent sur l’auto-emploi des jeunes, l’aspect positif de ce
discours étant de pousser à des actions de formations qualifiantes par opposition à la
formation diplômante, qui confère souvent un diplôme sans qualification
professionnelle précise. De plus, les licenciements par suite de restructurations
d’entreprises ou de secteurs économiques sont, au mieux, accompagnés de mesures de
réinsertion par l’auto-emploi. Ces mesures, en réalité, alimentent bien plus le secteur
informel que le secteur structuré. Cette évolution de la main-d’œuvre vers le travail
indépendant urbain révèle l’inadaptation de la sécurité sociale classique, très
restrictive en Afrique à l’égard de l’assurance volontaire1.

1 Par exemple, au Burkina Faso, l’assurance volontaire au régime de sécurité sociale géré par la CNSS est une
assurance facultative continuée ouverte aux anciens assurés dans des conditions restrictives.

439
C – LES INTERACTIONS ENTRE SECURITE SOCIALE
ET RAPPORTS SOCIAUX

493. La troisième dimension de la sécurité sociale concerne son interaction


avec les rapports sociaux qu’entretiennent les hommes vivant dans une société
donnée.

L’Afrique subsaharienne est encore caractérisée par la prédominance du


monde rural. La société rurale est marquée par une culture de solidarité : solidarité
familiale, de lignage, de groupes socioprofessionnels… Ces solidarités sont souvent
reproduites en ville à travers des associations de développement de village, de
département… qui maintiennent les contacts entre ressortissants. Les emplois dans le
secteur informel urbain reposent en grande partie sur ces solidarités et non sur les
concepts modernes de contrat de travail ou de mandat.

Mais il faut reconnaître que cette culture de solidarité s’effrite de plus en plus,
même en campagne, sous les effets de la diffusion de l’économie monétaire, de
l’individualisation des activités (celui qui dispose d’une charrue a moins besoin de
faire appel à la culture collective des champs par rotation et l’activité commerciale ou
artisanale ne fait pas appel à cette forme d’entraide), de l’urbanisation et du salariat.

La sécurité sociale participe à cette réorganisation des rapports sociaux par


désagrégation des solidarités africaines. M. Y. Saint-Jours observe que la sécurité
sociale transforme radicalement la nature des rapports familiaux : alors que le code
civil considère – par le biais de l’obligation alimentaire – la famille comme le support
de chacun de ses membres, la sécurité sociale fait de l’assuré le support de sa famille 1.
Cette observation s’applique aussi à nos pays dans la mesure où les mêmes
dispositions du code civil et de la sécurité sociale ont été transposées. Le statut
d’affilié à l’assurance vieillesse dispense le salarié de compter sur sa famille pour
subvenir à ses besoins à la retraite. Il a moins de raisons de rester attaché à la culture
de solidarité. Mais l’idée de solidarité n’est pas absente dans la sécurité sociale
institutionnelle. Toutefois, cette solidarité est beaucoup plus large,
socioprofessionnelle à travers les cotisations de la sécurité sociale contributive, ou
nationale dans le cadre d’une sécurité sociale redistributive financée par la fiscalité.

La sécurité sociale a, par conséquent, une dimension sociologique2 qui doit


être prise en compte à l’instar des facteurs économiques et démographiques.

1 Op. cit., p. 47.


2 V., Y. SAINT-JOURS, op. cit., p. 45 ;, J.-J. DUPEYROUX et al., op. cit., pp. 122 et s.

440
§ 3 - La nécessité d’une approche adaptée de la sécurité sociale
L’inadaptation, déjà soulignée, de la sécurité sociale classique héritée des
modèles européens résulte d’une discordance entre les fins de la sécurité sociale et les
moyens mis en œuvre.

A – LA DISCORDANCE ENTRE LES FINS ET LES MOYENS

494. La finalité de la sécurité sociale est « d’abolir l’état de besoin », selon


l’expression de Beveridge, ou la libération de l’homme du besoin1. Cette finalité est
universelle en ce que tout système de sécurité sociale, toute politique sociale d’une
manière générale, vise comme but ultime à libérer le citoyen du besoin en sortant les
pauvres de cet état et en prémunissant le citoyen des risques sociaux qui peuvent le
plonger dans la pauvreté. L’article 18 de la constitution burkinabè, par exemple, se
réfère à cette fin en citant la « sécurité sociale » parmi les « droits sociaux et culturels
reconnus par la présente constitution qui vise à les promouvoir ».

Mais par quel moyen promouvoir « le droit à la sécurité sociale » ? La voie


choisie a été de créer un service public de sécurité sociale organisé à partir du travail
salarié. L’option ne manquait apparemment pas de pertinence parce que les
travailleurs salariés étaient la catégorie sociale, certes, minoritaire mais émergente.
C’est elle qui était le plus confrontée aux nouveaux risques sociaux : maladies
professionnelles, dislocation des solidarités traditionnelles… Mais les espoirs d’une
trajectoire de développement similaire aux pays européens (développement du
commerce et l’industrialisation ; développement du salariat et extension de la sécurité
sociale) ne se sont pas véritablement confirmés. La catégorie socioprofessionnelle des
salariés a augmenté plus lentement que prévu avec la stagnation de l’industrialisation,
les saturations en personnels des fonctions publiques ainsi que la dérive de l’emploi
vers le salariat informel et le travail indépendant non structuré. La pauvreté chronique
de la population empêche le développement des formes d’assistances publiques
efficaces. Ces dernières années, le triomphe sans partage du libéralisme économique a
détourné les pouvoirs publics de politiques sociales hardies.

Sans avoir connu de régression, dans le champ restreint dans lequel elle a été
créée en Afrique francophone dans les premières années des indépendances, la
sécurité sociale semble avoir renoncé à sa finalité qui devait la pousser à l’extension.
En restant « ciblée sur un petit groupe de privilégiés »2, elle se mue, pour certains, en
un système qui conforte les inégalités.

1 Cf. J.-J. DUPEYROUX, op. cit., in 8ème éd., p. 72.


2 L. BARBONNE et L.-A. SANCHEZ B., op. cit., Documentation de sécurité sociale, n°21, p. 44.

441
B – LA PROBLEMATIQUE D’UNE INTEGRATION DE LA SECURITE
SOCIALE DANS LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

La nouvelle approche des politiques d’ajustement structurel, centrée - ou


enrobée pour les pessimistes - sur le thème de la lutte contre la pauvreté, devrait
militer en faveur d’une nouvelle vision des politiques de sécurité sociale. Cette
nouvelle vision peut recouvrir trois aspects.

1) La question du monde rural

495. Le premier aspect est d’intégrer la sécurité sociale dans la lutte contre la
pauvreté en la considérant comme un volet de cette lutte. S’il y a un lien entre
économie et sécurité sociale, ce lien n’est pas unilatéral. Des politiques efficaces de
sécurité sociale peuvent contribuer à améliorer le contexte de la croissance
économique en Afrique1 à condition de repenser la sécurité sociale en tenant compte
des réalités du continent. Ces réalités sont que la pauvreté touche certes les salariés,
mais surtout le monde rural et le secteur non structuré urbain 2. Selon le document du
Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, dans sa version de 2000, la proportion de
burkinabè vivant en dessous de la ligne de pauvreté s’établit à 45,3% et le monde rural
contribue à cette pauvreté pour 94% contre 6,1% pour le monde urbain en 1998 3. Les
risques couverts par la sécurité sociale classique les concernent aussi, même s’il est
admis que les mêmes techniques de couverture ne peuvent y être appliquées.

Le premier Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté adopté par décret n°


2000 – 513 du 3 novembre 2000 ne fait aucunement référence à la sécurité sociale,
mis à part les développements sur l’accès des pauvres aux services sociaux de base
dont les services de santé. Ces développements sur la couverture en infrastructure
sanitaire, les programmes de santé publique, la disponibilité de médicaments
essentiels4 sont certes importants mais ils excluent implicitement l’utilisation de la
sécurité sociale comme instrument de cette politique. Pourtant, le document se réfère à
un concept de sécurité humaine comportant cinq volets : sécurité économique, sécurité
sanitaire, sécurité alimentaire, sécurité environnementale et sécurité individuelle et
politique. Les trois premiers sont en rapport avec les fins de la sécurité sociale. C’est
en réintégrant la sécurité sociale dans la vision des politiques sociales et
spécifiquement dans la lutte contre la pauvreté, que l’on peut donner des chances de
réussite dans les deux autres aspects. Le rapport de Beveridge avait d’ailleurs pour
objectif de lutter contre la pauvreté.

1 ibid. , p. 19.
2 Selon le texte du 1er Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), p. 13, in J.O.BF n° 47 du 23 novembre
2000, p. 4964. V. également le décret n° 2004-489 du 10 novembre 2004 portant adoption du cadre stratégique
contre la pauvreté révisé.
3 Curieusement, ce document cite en tête des dix principaux facteurs de pauvreté en milieu rural : la paresse ou le

manque d’initiative, l’échec permanent, le handicap physique… En milieu urbain viennent en tête : les aléas
climatiques, la faiblesse du pouvoir d’achat, la vieillesse…
4 Cf. point 3.2.2. du CSLP.

442
2) Le problème de l’extension du système formel de sécurité sociale

496. Le second aspect de la nouvelle approche est de rechercher une expansion


des systèmes de sécurité sociale formels, en levant certaines restrictions légales. Ces
restrictions sont des causes du confinement de la sécurité sociale à la catégorie des
salariés de l’Etat et du secteur privé. Par exemple, l’assurance volontaire existe dans
les textes, mais elle est admise de manière très restrictive : au Burkina Faso, elle ne
concerne que les anciens salariés ne remplissant plus les conditions de l’affiliation
obligatoire et, de plus, l’option doit être faite dans un trop bref délai. Or certains
travailleurs indépendants du secteur informel pourraient entrer dans le système de
sécurité sociale si une ouverture leur était offerte car « souvent, les activités du secteur
informel ressemblent à celles du secteur formel »1.

Par ailleurs, même comportant des risques de déficit et, par conséquent,
d’obligation politique pour l’Etat de subventionner si des paravents efficaces ne sont
pas trouvés, il n’est pas impossible d’ajouter au système existant un régime
d’assurance maladie. En outre, un régime complémentaire à l’assurance vieillesse peut
augmenter l’efficacité et l’attrait de la sécurité sociale. Les restrictions légales
constituent, selon An Maes, un des points faibles des systèmes de sécurité sociale en
Afrique2.

Mais l’extension du système existant doit être accompagnée d’un certain


nombre d’actions :
- améliorer la gouvernance des régimes en termes de coûts administratifs, de
pertinences des investissements, de meilleure adaptation du statut juridique et du
mode de gestion ;
- renforcer l’efficacité des prestations par la réduction des délais de versement
et la proximité des services ;
- renforcer l’efficacité des contrôles par les inspecteurs du travail et les
contrôleurs de l’organisme.

3) Le problème de l’extension au secteur informel

497. Le troisième aspect d’une politique d’extension nécessaire de la sécurité


sociale concerne le secteur informel. Pour une frange de travailleurs opérant dans ce
secteur, la levée de certaines restrictions et des actions visant à amener les
bénéficiaires potentiels à s’intéresser à la sécurité sociale peut produire des résultats et
décloisonner le système de protection sociale. Mais pour le secteur informel d’une

1O. KAUFMANN, op. cit., p. 99.


2A MAES, Sécurité sociale et économique informelle en Afrique subsaharienne, RISS, vol. 56, n° 3 – 4, 2003, p.
52 ; V. également, P. MOUTON et J.-V. GRUAT, L’extension de la sécurité sociale à la population non salariée en
Afrique, rapport à la neuvième conférence régionale, Casablanca, 9 – 12 octobre 1987, Documentation de sécurité
sociale, série africaine n° 9, pp. 11 et s.

443
manière générale, d’autres mécanismes devront être imaginés avec pour objectif
d’avoir un filet de protection reposant sur :
- des formalités suffisamment simples ;
- des systèmes financièrement accessibles ;
- la proximité des centres de services1.

L’on semble s’accorder sur le fait que l’extension ne peut consister à ouvrir le
système moderne au secteur informel mais à rechercher des solutions adaptées à la
spécificité des acteurs de ce secteur, quant aux conditions d’accès et de bénéfice des
prestations. Les solutions pourraient consister, selon M. MAES, à tirer partie de la
culture de solidarité et des « systèmes de protection informels et autogérés »2 basés sur
les ménages et les organisations, par exemple, les tontines ou AREC commerciales
(Associations rotatives d’épargne et de crédit) pour, soit créer de nouveaux systèmes
offrant une protection sociale adaptée, soit combiner la sécurité sociale formelle et les
protections sociales informelles.

Repenser la sécurité sociale africaine consisterait alors à jouer sur deux


tableaux :
- étendre les régimes du système existant ;
- rechercher les voies adaptées de l’application de l’idée de sécurité sociale au
secteur informel.

Les deux actions permettraient d’intégrer la sécurité sociale dans la lutte contre
la pauvreté, au lieu de la confiner dans le rôle marginal (à l’échelle de l’ensemble de
la population) de protection (partielle) des seuls salariés. Ceux-ci ne représentent
qu’une faible proportion de population active et, de ce fait, la couverture de la sécurité
sociale formelle ne se situe en Afrique subsaharienne qu’entre 5 et 10 pour cent de
cette population..

1 Cf. A. MAES, op. cit., p. 63.


2 ibid., p. 53.

444
445
CHAPITRE II – LES SOURCES DU DROIT
DE LA SECURITE SOCIALE
498. Les sources du droit de la sécurité sociale, comme le note M. Y. Saint-
jours, ne présentent pas d’originalité particulière par rapport à celles droit du travail 1.
Elles obéissent à la même hiérarchie interne générale (constitution, loi, règlement) et
les sources internationales ont une racine première commune, les conventions de
l’O.I.T., même si un droit régional tente d’émerger.

SECTION I - LES SOURCES INTERNES


La particularité du droit de la sécurité sociale burkinabè est le quasi monopole
des sources publiques, les sources professionnelles étant rares, du moins celles du
genre de l’accord professionnel de 1958 ayant institué l’assurance vieillesse.

§ 1 - Les sources publiques ou étatiques


La loi et surtout les règlements prédominent en droit de la sécurité sociale.
Quelques dispositions constitutionnelles y renvoient en termes très généraux.

A – LA CONSTITUTION

499. Les dispositions constitutionnelles sont très peu nombreuses et ce fait peut
se comprendre aisément : la mise en œuvre de la protection sociale est tributaire d’un
arbitrage permanent entre l’économique et le social, qui relève des grandes
orientations de la politique de la nation et, par conséquent, du pouvoir exécutif.

La disposition générale est celle de la l’article 18 de la constitution. :


« l’éducation, l’instruction, la formation, le travail, la sécurité sociale, le logement, le
sport, les loisirs, la santé, la protection de la maternité et de l’enfance, l’assistance aux
personnes âgées ou handicapées et aux cas sociaux, la création artistique et
scientifique, constituent des droits sociaux et culturels reconnus par la présente
constitution qui vise à les promouvoir ».

L’article 26, qui dispose que « le droit à la santé est reconnu. L’Etat œuvre à le
promouvoir », concerne aussi la sécurité sociale, non pas l’institution mais l’idée de
protection sociale de l’individu dans la société, notamment contre le « risque
maladie »2. Les autres dispositions du chapitre 4 du Titre 1, relatif aux droits et
devoirs sociaux et culturels, traitent plus abondamment du droit du travail. On peut

1Op. cit., t 1, p. 49.


2 Le droit à la santé a donné lieu, en France, à diverses décisions du Conseil constitutionnel qui en fait un droit-
créance. Ce droit recouvre l’accès aux soins, la prévention et aussi la protection à la vie. Voy. J. Y. DUPEYROUX,
op. cit., n° 504, p. 378 et notes.

446
épiloguer sur la souplesse des termes de ces articles 18 et 26 et sur la différence entre
droit garanti et droit reconnu, mais la tendance actuelle est à interpréter la mention des
droits reconnus fondamentaux (l’intitulé du titre 1 est « Des droits et devoirs
fondamentaux) comme créant une créance contre l’Etat qui devrait les mettre en
œuvre1. Très prudemment, la constitution parle de « viser » ou « œuvrer » à les
promouvoir. La balle est renvoyée au législateur et à l’exécutif qui devraient sortir
ces droits de l’état de simples déclarations d’intention et profession de foi sur l’ « Etat
social ».

Les sources constitutionnelles intègrent aussi le « bloc de constitutionnalité »,


c’est-à-dire outre les dispositions expresses de la constitution, les textes auxquels le
préambule de la constitution renvoie et les principes fondamentaux qui auraient été
affirmés par le juge constitutionnel.

La constitution burkinabè affirme que le préambule fait partie intégrante de la


constitution. Par conséquent, les textes auxquels la constitution renvoie font partie du
« bloc de constitutionnalité » et sont sources de créances à la charge de l’Etat. Le
préambule souscrit à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 et – de manière très
large – « aux instruments internationaux traitant des problèmes économiques,
politiques, sociaux et culturels ». Ces textes2 contiennent des dispositions en matière
de sécurité sociale et l’on sait qu’en vertu de l’article 151 de la constitution burkinabè
- homologue de l’article 55 de la constitution française - « les traités et accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à
celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre
partie ».

La DUDH énonce, en son article 22, que « toute personne, en tant que membre
de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des
droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération
internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays ». Le
droit à la sécurité sociale y apparaît comme un « droit fondamental » malgré la réserve
relative aux ressources du pays, qui manifeste un certain réaliste quant à la mise en
œuvre des droits fondamentaux.

L’article 25, 1 de la même déclaration est plus explicite : « toute personne a


droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa
famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en
cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres
cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de
1 V. Xavier PRETOT, Les bases constitutionnelles du droit social, Dr. soc., mars 1991.
2 Voyez Recueil Codes et lois du Burkina Faso, T.VIII, Code public et administratif, vol. 1, pp. 543 et s.

447
sa volonté ». Cet article crée, à la charge des Etats, des obligations de promotion de la
santé et du bien-être à travers les politiques économiques et sociales, mais aussi des
obligations de protection, pour ce qui concerne le droit à la sécurité en cas de
chômage, de maladie, d’invalidité… C’est l’objet, en particulier, des assurances
sociales.

Le Pacte international de l’Organisation des Nations Unies relatif aux droits


économiques, sociaux et culturels de 1966 – implicitement visé par le préambule –
contient aussi des dispositions en matière de sécurité sociale. Selon l’article 9 de ce
pacte, « les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la
sécurité sociale, y compris les assurances sociales ».

Cette précision vise probablement à pousser les Etats à ne pas se limiter aux
mesures de promotion et de prévention (développement et facilitation de l’accès aux
services sanitaires) mais à étendre aussi les assurances sociales.

Peuvent aussi être cités au titre de ce pacte : l’article 11 qui reconnaît « …le
droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille… »
et le « droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim… » ; et l’article
12 par lequel les Etats « reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur
état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre… ». Ces dispositions
peuvent être rangées dans la lutte contre la pauvreté dont la sécurité sociale est un
élément même si elle ne peut en être le moyen principal.

La Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est moins prolixe en
matière de sécurité sociale, mais la préoccupation n’y est pas absente. Suivant l’article
16, « 1. toute personne a le droit de jouir du meilleur étant de santé physique et
mentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2. Les Etats parties à la présente charte
s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs
populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». La Charte se
montre un peu plus timide que le pacte : elle reprend l’article 12 du pacte mais préfère
s’en tenir à ce que déjà les Etats offrent plus ou moins, « l’assistance médicale en cas
de maladie ».

Pour ce qui concerne l’autre aspect du bloc de constitutionnalité, les principes


généraux du droit (ou principes fondamentaux lorsqu’ils sont énoncés par le juge
constitutionnel), il n’en existe pas qui soit spécifiquement énoncé en droit burkinabè,
en dehors de l’incorporation de la jurisprudence française à titre de raison écrite.

B - LA LOI

500. Le pouvoir législatif, aux termes de l’article 101, al. 2, de la constitution,


a compétence pour « déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du
droit syndical et des institutions sociales ». Cette compétence a été traduite par la loi

448
du 28 décembre 1972 instituant « un régime de sécurité sociale » pour les travailleurs
soumis au code du travail, la loi n° 33/98/AN du 18 mai 1998 portant institution d’une
coordination entre le régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et
magistrats et le régime de pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale
et la loi n° 47/94/ADP du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des
fonctionnaires, militaires et magistrats1. Pour l’essentiel, le législateur a compétence
pour créer des branches de sécurité sociale comme le précise l’art. 1er CSS : « toute
autre branche qui pourra être créée par la loi… ».

C – LE REGLEMENT

501. Le pouvoir réglementaire est chargé de prendre les dispositions


d’application de ces lois. Ces textes d’application sont assez nombreux. La loi de 1972
opère d’ailleurs une abondante distinction entre les mesures d’application prises par
décret et celles prises par arrêté. Ces dernières sont prédominantes : articles 3, 3° et
4° ; article 4, 2° ; article 22, 3°) ; article 34 ; article 41 ; article 44 ; article 56 ; articles
60 et 64 ; article 74 ; article 75. Les mesures prises par décret concernent
essentiellement : la fixation des taux de cotisation des branches (art. 23 et 63), la
répartition de ces taux entre le travailleur et son employeur (art. 24), les modalités de
passage et de validation de services antérieurs lors du passage d’un régime à un autre
tel que le passage de la CNSS à la CARFO (art. 98).

Par contre, les modalités d’application aux travailleurs temporaires ou


occasionnels, de l’assurance volontaire, la détermination des catégories pour lesquels
les cotisations pourront être assises sur des rémunérations forfaitaires, pour ne prendre
que ces exemples, sont fixés par arrêté du ministre de tutelle technique.

L’organisme de gestion (la Caisse nationale de sécurité sociale) est aussi


amené à prendre des mesures d’application par circulaires, instructions ou décisions
individuelles qui peuvent avoir le caractère d’actes réglementaires. Ces actes peuvent
être des actes unilatéraux de portée générale (circulaires, instructions) ou des actes
individuels relevant de la compétence du juge administratif2.

D – LA JURISPRUDENCE

502. En ce qui concerne la jurisprudence, elle est très peu fournie en droit de la
sécurité sociale, contrairement à ce qu’il en est en droit du travail. Elle a un rôle
d’interprétation et d’adaptation des règles du droit dans les rares décisions concernant
la notion d’accident du travail, la notion de faute de l’employeur ou de la victime, les
recours de la victime ou des ayants droits etc.

1 Cf., respectivement, J.O.BF. du 9 juillet 1998, p. 5314, Annuaire officiel du ministère de l’emploi, du travail et de
la sécurité sociale, p. 126, et pour le Régime général de retraite des fonctionnaires, J.O.BF du 4 mai 1995, p. 1110.
2 Tribunal des conflits français, 22/4/1974, G. arrêts soc. sociale, n° 64 et 65 ; J. P. CHAUCHARD, Droit de la

sécurité Sociale, LGDJ 1994, p. 65.

449
§ 2 - Les sources professionnelles
503. Les sources professionnelles concernent les règles de protection sociale
ayant pour origines les accords collectifs conclus entre travailleurs et employeur(s).
On peut aussi y ranger les conventions entre la sécurité sociale et les professions de
santé. Ces sources sont infimes en droit burkinabè de la sécurité sociale. Il n’y a pas
de convention collective générale ou sectorielle s’appliquant spécifiquement à la
sécurité sociale.

L’absence de certains régimes de sécurité sociale s’explique aussi en partie – si


l’on tient compte de l’étroitesse du marché des assurances sociales en raison du faible
niveau de vie – par le faible intérêt, sinon l’indifférence des syndicats faces aux voies
conventionnelles de création de régime de sécurité sociale gérées par des mutuelles :
les semblants de mutuelles paraissent plutôt concerner la gestion des œuvres sociales
de l’entreprise financées par l’employeur ou des caisses informelles créés dans les
services pour permettre de faire acte de solidarité entre collègues à l’occasion
d’évènements précis : naissance, mariage, décès dans la famille d’un travailleur. La
mutuelle de la SONABEL (Société nationale burkinabè d’électricité), par exemple,
entre dans la 1re catégorie. Les régimes d’assurance maladie ou les régimes de
protection complémentaire, par exemple, pourraient être initiés par voie
conventionnelle.

Mais les conventions collectives conclues en droit du travail contiennent des


dispositions de protection sociale complémentaire à celle du code du travail et qui
concerne également la sécurité sociale.

Ces dispositions, en dehors des règles d’hygiène et de sécurité sur les lieux du
travail, portent généralement sur les obligations mises à la charge de l’employeur en
cas de maladie ou d’accident non professionnel du travailleur ou d’un membre de sa
famille.

La convention de référence est l’unique convention collective


interprofessionnelle de 1974. L’article 26 de cette convention prévoit que le travailleur
permanent, dont le contrat de travail se trouve suspendu pour cause de maladie ou
d’accident reçoit une allocation dont le montant (en fraction de son salaire) est fixé en
fonction de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise, de même que la période de
bénéfice de cette allocation. L’article 27, relatif spécifiquement à l’accident dispose
que « durant la période prévue pour l’indemnisation du travailleur malade, le
travailleur accidenté, en état d’incapacité temporaire, reçoit une allocation calculée de
manière à lui assurer son ancien salaire, heures supplémentaires non comprises,
défalcation faite de la somme qui lui est due en vertu de la réglementation des
accident de travail pour cette même période ». L’article 65 de cette convention
concède quelques avantages au travailleur malade hospitalisé : les travailleurs
hospitalisés bénéficient d’une allocation complémentaire d’hospitalisation, en sus des

450
prestations en vertu des dispositions légales concernant les services médicaux et
sanitaires d’entreprise, et de la caution ou du cautionnement versé par l’employeur
auprès de l’établissement hospitalier pour garantie de paiement des frais
d’hospitalisation. L’ancienneté de cette convention collective interprofessionnelle
amoindrit l’intérêt de ses dispositions, beaucoup de ces avancées ayant été consacrées
par le code du travail de 1992.

Quelques conventions collectives sectorielles sont beaucoup plus illustratives


du rôle que peut jouer les sources professionnelles. Ainsi, l’article 19 de la convention
collective des auxiliaires de transport du 5 juillet 19791 et l’article 16 de la convention
collective du commerce du 1er février 19822 prévoient, en matière de maladie non
professionnelle, que « les parties à la présente convention conviennent de la nécessité
de parvenir à une couverture partielle des frais médicaux, pharmaceutiques et
d’hospitalisation du travailleur suivant les possibilités de chaque entreprise jusqu’à la
mise en place d’un régime général d’assurance-maladie ».

Il s’agit d’un engagement à œuvrer à cette couverture partielle et non pas


l’établissement d’une couverture des soins de maladie, au regard des expressions
« nécessité de parvenir » et « suivant les possibilités de chaque entreprise »3.
Toutefois, dans la ligne de ces dispositions, certaines grandes entreprises, notamment
les entreprises parapubliques, accordent à leurs travailleurs et leurs familles la
couverture partielle des frais de soins et d’hospitalisation. Cette prise en charge est
généralement soit plafonnée, soit soumise à l’application d’un ticket modérateur4

En dehors des conventions collectives et des pratiques d’entreprise, les sources


professionnelles peuvent découler des conventions conclues entre la CNSS et les
professions de santé (médecins, pharmaciens) ou entre ces derniers et des mutuelles de
santé. Ce procédé est limité au Burkina Faso en raison de la prédominance des
services publics de santé. La prolifération des formations sanitaires privées (cabinet
médicaux et cabinets de soins) est récente. Les textes se contentent de soumettre le
bénéfice des prestations au recours à des officines publiques, en ce qui concerne par
exemple les hospitalisations et les frais de consultation.

1 V. texte, Code social, p. 255.


2 V. texte, Code social, p. 270.
3 Mais ces articles comportent des obligations plus précises : l’employeur prend totalement en charge les

consultations de spécialistes prescrites par le médecin de l’entreprise et les frais d’analyses à 70%, selon l’article
19, 1 de la convention collective des transports.
4 Le ticket modérateur est la « participation financière personnelle demandée aux assurés, dans le régime de

l’assurance-maladie, dans le but de les « modérer » dans la consommation des frais pharmaceutiques ou de
consultations. Cette modération consiste à mettre un pourcentage plus ou moins élevé des frais à la charge du
bénéficiaire de la protection. Voy. Jean-Pierre REY, Critique du ticket-modérateur en assurance maladie, Thèse
pour le doctorat de l’université, Bordeaux 1, janvier 1995. La modération peut aussi consister en l’absence de tiers-
payant, c’est-à-dire que le malade avance les frais et se fait rembourser la partie à la charge de l’employeur (ou de
la caisse s’il existe une assurance-maladie).

451
SECTION II - LES SOURCES INTERNATIONALES
504. Le droit de la sécurité sociale burkinabè est très largement influencé par
les sources internationales1 en raison de l’antériorité de celles-ci et de l’intense activité
de coopération avec les institutions internationales qui essaient d’aider les Etats
africains à organiser et assurer le fonctionnement de leurs systèmes de sécurité
sociale.

De manière classique, les sources internationales du droit sont les traités qui se
subdivisent en accords bilatéraux et accords multilatéraux. Les accords bilatéraux, en
matière de sécurité sociale, ont pour objet de régler les conflits entre les législations de
deux Etats2 afin d’éviter par exemple le double assujettissement ou la perte de droits
acquis ou en cours d’acquisition. Les accords multilatéraux ont pour objet de
coordonner les législations nationales dans le but de résoudre les difficultés
engendrées par les législations internes de plusieurs Etats ou par des accords
internationaux3 ou plus généralement de pousser au progrès harmonieux de la
protection sociale.

Les sources internationales qui exercent une importante influence sur les droits
africains sont celles qui émanent des organisations universelles et celles qui émanent
des institutions régionales d’intégration. Les sources bilatérales apparaissent
accessoires au Burkina Faso.

§ 1 - Les conventions internationales universelles


505. Les sources internationales émanant des institutions internationales
universelles sont d’abord des déclarations et pactes des Nations Unies, indirectement
incorporées par le préambule de la constitution4.

De manière plus directe, les principes essentiels de la sécurité sociale tirent


leurs origines des conventions et recommandations adoptées sous l’égide de l’O.I.T.

1 Voyez : Jurisclasseur de la sécurité sociale, sur le Droit international de la sécurité sociale (fasc. 207, 210) ; J.
ISSA-SAYEGH et O. KAUFMANN, Les conventions internationales multilatérales, Penant 1986, p. 302 ;
FONTENAU R ; FROMONT G., Les conventions internationales de sécurité sociale, Dr. Soc., n° spécial, 1976, p.
122 ; Pierre MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t.
8, p. 339 et s ; ISSA-SAYEGH, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale en Afrique occidentale,
communication au colloque de Dakar sur l’intégration économique en Afrique de l’ouest, 1978 ; Paul KIEMDE,
Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives, RBD n° 39-40, n°
spécial, 2001, pp. 133 à 167 ; G. LYON-CAEN et A. LYON-CAEN, Droit social européen et international, Dalloz,
9ème éd. ; P. Y. GREBER, Les principes fondamentaux du droit international de la sécurité sociale, Dr. Soc. n° 12,
1974 ; G. PERRIN, Les fondements du droit international de la sécurité sociale, dr. soc. n° 12, 1974 ; G. NAGEL,
C. THALAMRY, Le droit international de la sécurité sociale, que sais-je, PUF, 1994 ; G. LYON-CAEN, les
relations de travail internationales, éd. Liaisons, 1991.
2 Cf. Chauchard, op. cit., p. 68.
3 Chauchard, ibid.
4
V. supra, Sources constitutionnelles.

452
Les actes de l’O.I.T peuvent concerner la sécurité sociale de manière plus spécifique
ou connexe. On peut relever, parmi les plus importants :

- la convention n° 102 O.I.T. de 1952 « concernant la norme minimum de la


sécurité sociale » qui fixe de manière souple des objectifs de protection sociale que les
Etats devraient chercher à établir ; c’est une convention qui a pour but d’inciter au
développement de la sécurité sociale comme source de progrès social. C’est pourquoi
le seuil minimum n’est pas immuable et a été successivement relevé par d’autres
conventions1

- la convention n° 19 du 5 juin 1925 sur l’égalité de traitement des travailleurs


étrangers et nationaux en matière de réparation des accidents de travail, et les
conventions n° 97 et 143 sur les travailleurs migrants (concernant l’égalité de
traitement pour tous les risques couverts par la sécurité sociale), qui sont des
conventions spécifiques importantes ratifiées par le Burkina Faso. Mais il faut aussi
mentionner les conventions visant l’hygiène et la sécurité au travail, qui influent sur
l’organisation de la sécurité sociale, telles que : la convention n° 161 concernant les
services de santé au travail et la convention n° 3 sur la protection de la maternité2.

Au delà de l’influence des normes, l’O.I.T. participe à la structuration de la


sécurité sociale et des politiques de promotion sociale - hors assurance sociale – à
travers la coopération technique3 conduite par le B.I.T. qui dispose de représentations
régionales (bureau permanent et bureaux régionaux dont celui d’Abidjan). Ces
représentations mènent des études sur les problèmes spécifiques de la sécurité sociale
en Afrique et appuient les Etats dans les réformes de la gestion de leurs organismes de
gestion des assurances sociales4. Ils apportent aussi leurs appuis à des programmes
économiques et sociaux ayant des incidences sur la protection au sens large : projets
de travaux à haute intensité de main-d’œuvre, programme de formation technique, etc.
L’action de l’OIT est secondée par des organismes comme l’AISS, fondée en 1927
avec pour objectif la défense, la promotion et le développement de la sécurité sociale
dans le monde entier. L’AISS regroupe les institutions officielles chargées de la
gestion de la sécurité et tient périodiquement une conférence des directeurs des caisses
de sécurité sociale. L’AISS assure l’édition de nombreuses publications dont : la
Revue Internationale de sécurité sociale (RISS), la Documentation de sécurité sociale
(dont une série africaine édité à Abidjan), la série Etudes et Recherches, Tendances en
sécurité sociale, les Bulletins de Nouvelles, etc.

1 Voyez à cet égard les conventions n°s 103, 121, 128 et 130. et P.Y. Gerber, op. cit. pp. 62 et s.
2 Pour la liste des conventions OIT ratifiées par le Burkina Faso, voyez, Annuaire du MTESS, p. 6, pour
l’ensemble et Code social, op. cit., p. 641 pour la sécurité sociale.
3 P. Mouton, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, p. 245.
4 Par exemple, en réalisant pour ces Etats des études actuarielles.

453
§ 2 - Les conventions régionales

506. Les organismes régionaux d’intégration ou de coopération


sont des terrains propices à l’adoption d’accords multilatéraux qui
peuvent toucher à la sécurité sociale.
Il n’existe pas encore de droit communautaire en matière de sécurité sociale à
l’exemple des droits de l’OHADA dans le domaine du droit des affaires et de
l’UEMOA dans les domaines du droit fiscal et du droit douanier1.

Mais, les traités créant des organismes d’intégration y font plus ou moins
directement référence. L’article 61, 2 b) du traité de la CEDEAO engage les Etats
membres à « harmoniser leurs législations du travail et leurs régimes de sécurité
sociale » et à mettre en œuvre l’article 59 qui accorde aux citoyens des Etats membres
« le droit d’entrée, de résidence et d’établissement ». La mise en œuvre éventuelle de
ces dispositions devrait accroître cette exigence d’harmonisation.

Au niveau de l’UEMOA, l’article 91 affirme les mêmes principes de liberté de


circulation et de résidence et appelle le conseil des ministres à arrêter « dès l’entrée en
vigueur du présent traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles
pour faciliter l’usage effectif des droits prévus… ». Le même article précise, en son
alinéa 3, que le conseil adopte les règles :

a) précisant le régime applicable aux membres des familles des personnes


faisant usage de ces droits ;
b) permettant d’assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit, la
continuité de la jouissance des prestations susceptibles de leur être assurées
au titre des périodes d’emploi successives sur le territoire de tous les Etats
membres ».

La mise en œuvre de ces dispositions aurait fourni les bases d’un droit
communautaire en matière sociale, mais tel n’est pas le cas, plus de dix ans après
l’adoption de ces traités.

Le Burkina Faso est tout de même membre d’une Convention multilatérale en


matière de sécurité sociale, la « convention générale de sécurité sociale des
travailleurs de l’OCAM « adopté le 29 janvier 1971 à N’Djamena par la conférence
des chefs d’Etat et de gouvernement2. Cette convention, qui s’appuyait sur une
organisation de coopération politique aujourd’hui disparue, lie huit Etats francophones

1Un projet d’acte uniforme en matière de droit du travail est encore en discussion au sein de l’OHADA.
2Pierre MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8,
p. 353 ; Guy Perrin, « Un nouvel instrument multilatéral pour la protection des travailleurs migrants », Revue belge
de sécurité sociale, n° 1, janvier 1973.

454
qui l’ont ratifiée sur les quinze signataires au départ. Au sein de l’UEMOA, un des
plus gros pays d’immigration, la Côte d’Ivoire, ne l’a pas ratifiée.

Outre la convention OCAM, le Burkina Faso est membre de la Conférence


Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES), qui est une institution technique à
compétence restreinte et non pas un traité d’harmonisation des législations1. La
CIPRES, instituée par le traité du 21 septembre 1993 signé à Abidjan, a
essentiellement un rôle de coordination et de contrôle de la gestion des organismes de
prévoyance sociale. Son influence normative se situe au niveau des règles de gestion
des organismes de sécurité sociale. Toutefois, des discussions sont en cours en son
sein pour parvenir à proposer un projet d’accord d’harmonisation aux Etats membres.

§ 3 - Les accords bilatéraux


507. Le Burkina Faso a conclu peu d’accords bilatéraux en matière de sécurité
sociale et cela peut être surprenant pour un pays d’émigration. Les explications
partielles de ce fait peuvent tenir : à une émigration essentiellement limitée aux pays
voisins (Côte d’Ivoire, Ghana), à la nature socioprofessionnelle des migrants
composés en grande partie de travailleurs du secteur agricole et du secteur informel,
peu pris en compte par la sécurité sociale en Afrique, à la réticence des pays
d’immigration (notamment la Côte d’Ivoire) et à l’existence de la convention OCAM
pour les autres pays.

La seule véritable convention de sécurité sociale est celle conclue avec le Mali,
le 14 novembre 19922. Cette convention est appuyée d’un arrangement administratif
général relatifs aux modalités d’application3.

Avec la Côte d’Ivoire, il n’existe que des arrangements administratifs entre les
organismes gérant la sécurité sociale et des arrangements administratifs dans le cadre
de l’IPRAO et dans le cadre de l’ex-Régie de chemins de fer Abidjan-Niger. Même la
convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs
(burkinabè) en Côte d’Ivoire, signée le 9 mars 19604, ne faisait aucune référence à la
sécurité sociale.

Avec le Gabon, autre pays qui ne fait pas partie de la convention OCAM, un
accord bilatéral de travail a été signée, le 13 août 1973 la convention relative à la
coopération technique en matière de main d’œuvre »5. Cette convention disposait, en

1 Voy. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : Problèmes et perspectives »,
RBD n° 39-40, n° spécial, 2001, p. 133 et s.
2 Convention de sécurité sociale entre le Burkina Faso et le Mali du 4 novembre 1992, ratifiée par le décret 94-62

du 14 février, 1994, Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, code social, juillet 1997, pp. 447 et s.
3 Code social, pp. 457 et s.
4 Convention ratifiée par décret n° 61-233 du 2 juin 1961, JORHV du 10 juin 1961, p. 520 ; Code social pp. 281 et

s.
5 Ratifiée par décret 74-165 du 30 mai 1974, J.O. RHV. du 8 août 1974, p. 571 ; Code social, pp. 285 et s.

455
son article 21, que « les travailleurs bénéficieront de tous les avantages de sécurité
sociale prévus par la réglementation en faveur des travailleurs nationaux… », et
renvoyait à des accords spéciaux de réciprocité conclus entre les caisses de
prévoyance pour les modalités d’application.

Cette convention, comme celle avec la Côte d’Ivoire sont restée lettres mortes
en raison de difficultés d’application dès le départ et de manque de volonté des pays
d’immigration de mettre en œuvre certaines dispositions.

456
457
CHAPITRE III – LES PRINCIPES GENERAUX
DE LA SECURITE SOCIALE
508. Malgré une finalité commune - la protection sociale des individus, qui
explique l’émergence d’institutions publiques chargées de prendre en charge ou
d’intervenir dans cette protection - il y a une diversité de systèmes de sécurité sociale
parce que la sécurité sociale s’est construite, selon les pays ou les cultures, sur des
fondements différents et, partant, sur des logiques d’organisation différentes.

Le fondement spécifique de la sécurité sociale peut être, soit d’organiser une


protection liée au statut de citoyen, de membre d’une communauté, justifiant le droit
d’obtenir la protection de l’Etat (ex : Etats providences nordiques), soit d’organiser
une protection liée à la notion de « besoin »1 et donc essentiellement basé sur le
secours aux nécessiteux, sur la lutte contre la pauvreté. Malgré cette différence de
fondement de base, la sécurité sociale s’est développée, dans les pays industrialisés,
en un dispositif de protection touchant tous les citoyens.

Les logiques d’organisation des systèmes sont influencées par les fondements
de base, en donnant une primauté à une organisation reposant soit sur l’assistance, soit
sur les assurés.

Il découle de la diversité des systèmes de sécurité sociale une relative


variabilité des principes fondamentaux et d’organisation mais aussi des traits
communs que l’on retrouve dans le système burkinabè.

SECTION I - LA DIVERSITE DES PRINCIPES


FONDAMENTAUX ET D’ORGANISATION
Le paramètre du fondement politique et idéologique de base autour duquel
s’est construit le système de sécurité sociale dans un pays permet de comprendre
l’absence ou la présence de tel ou tel caractère : ainsi, la sécurité peut avoir un
caractère contributif ou non-contributif selon qu’elle repose sur l’assistance ou
l’assurance ; son organisation peut être centralisée ou décentralisée.

§ 1 - Une organisation centralisée ou décentralisée


509. MM Dupeyroux et autres distinguent deux types essentiels de systèmes de
sécurité sociale : les systèmes « stato-centrés » dans lesquels le centre de gravité de la
sécurité sociale se situe plutôt dans la sphère étatique et les « systèmes salariaux »
dans lesquels le centre de gravité se situe dans la sphère des entreprises.

1 Cf. J. P. DUPEYROUX, op. cit., 11ème éd. pp. 213 et s.

458
Les systèmes « stato-centrés » se différencient eux-mêmes en modèle ˝social-
démocrate˝ et en modèle « libéral ». Dans le cadre de ces systèmes centrés sur la
puissance publique, se dégagent des oppositions entre les deux modèles :

- au niveau du facteur déclenchant l’ouverture des droits à protection, c’est-à-


dire le motif ou la cause qui détermine la mise en œuvre de la protection, ce motif est,
dans le modèle libéral, le « besoin », la nécessité de prendre en charge ces personnes
qui sont dans l’incapacité de subvenir aux besoins élémentaires de la vie ou sont en
dessous d’un certain seuil de ressources ; il est, dans le modèle social-démocrate, la
« citoyenneté », dans la mesure où la sécurité sociale, au-delà des pauvres, s’adresse à
l’ensemble de la population ;

- au niveau du but, le modèle libéral est axé sur la lutte contre la pauvreté sur le
fondement du devoir d’assistance alors que le modèle social-démocrate tend à
homogénéiser les revenus du travail et affiche son objectif de redistribution du produit
et de réduction des inégalités ; et,

- au niveau des individus pris en charge, ceux-ci sont, dans le système libéral,
des « bénéficiaires » d’allocations dont les droits sont conditionnés par l’établissement
de la situation de « besoin » et par des incitations à sortir de la situation d’assisté. Par
exemple, l’allocation de chômage est concédée pendant un certain délai et peut être
dégressive.

L’opposition de motif, de but et de statut des bénéficiaires de la protection se


traduit par des différences dans les principes et techniques de fonctionnement des
systèmes de sécurité sociale.

§ 2 - Des prestations ciblées ou universelles


510. Ainsi, le système peut reposer sur le principe de la sélectivité qui consiste
à orienter les prestations vers des populations « cibles »1 selon des critères de
ressources, de situation de famille, etc. ou sur celui de l’universalité. Ce dernier
principe repose sur un système de protection dont les prestations sont dites
« universelles »2 parce qu’elles sont organisés de sorte à être accessibles à de larges
catégories de populations.

De même, le financement du système, bien qu’essentiellement basé sur des


prélèvements fiscaux, repose sur des logiques différentes 3. Le financement par la

1 Sur les difficultés de « ciblage » des bénéficiaires des politiques d’assistance dans les pays en développement,
voyez, S. GUHAN, Stratégie de sécurité sociale dans les pays en développement, R.I.T., volume 133, n° 1, 1994.
2 Le concept de prestations « universelles » est aussi appliqué dans d’autres domaines : par exemple, en matière de

téléphone, les services « universels » désigne les prestations conçues comme devant s’étendre au plus grand
nombre et qui, pour cette raison, relève du service public.
3 Logique fisco-financière ou fisco-salariale selon J. P. Dupeyroux et autres, op. cit. n° 263.

459
fiscalité peut soit être subsidiaire et subordonné à la logique du marché en se souciant
de ne pas peser sur l’économie, soit être assez lourd et constituer le mode principal.
Dans ce cas, est un moyen d’homogénéisation des revenus par le versement de
compléments de salaires et le financement de nombreux services publics largement
accessibles à tous.

En outre, le mode de gestion du système fait de l’Etat central l’opérateur


principal de la sécurité sociale dans le modèle libéral alors qu’il repose sur un partage
de compétences entre l’Etat et les administrations locales, sur une gestion
décentralisée dans le modèle social-démocrate.

Ces distinctions se basent sur les systèmes de sécurité sociale dans les pays
développés, mais elles font ressortir certains traits que partage le système de sécurité
sociale burkinabè, notamment, la logique de la sélectivité, le caractère subsidiaire de
la fiscalité, le rôle central de l’Etat. Mais le système burkinabè est plus proche des
« systèmes salariaux » par le fait que le centre de gravité des principes organisateurs
se situe « au sein des institutions de gestion du travail salarié ». Ce système est
d’ailleurs presque uniquement tourné vers les travailleurs salariés.

§ 3 - Les principes des systèmes salariaux


511. Dans les « systèmes salariaux », le motif générant l’intervention de la
puissance publique est le « risque social » et non pas le « besoin » ou la qualité de
citoyen qui sont des motifs plus larges exigeant des interventions extensives.

Le but poursuivi par la protection est le « maintien des revenus du salarié soit
en lui fournissant un revenu de remplacement (ex. pension retraite), soit en complétant
le revenu direct du salarié (ex. allocations familiales). De ce point de vue, le revenu de
remplacement est proportionnel au salaire d’activité et non pas forfaitaire comme il
l’ait logiquement dans un système d’assistance liée au « besoin ». De même, le
bénéficiaire de la protection est celui qui a « la qualité de salarié », celui qui est dans
un « statut d’emploi »1 car le dispositif de protection est organisé autour de cette
qualité.

La liaison entre emploi et protection sociale a conduit à concevoir le salaire


non pas comme un prix du travail mais comme une institution collective avec des
distinctions entre salaire direct, salaire indirect, et à instituer des salaires minimaux et
des grilles de classification des catégories et des salaires. Par contre, les cotisations
sociales sont perçues, du côté des employeurs, comme des charges et non pas comme
des salaires.

1 J.J. DUPEYROUX, op. cit., p. 228.

460
Dans ces systèmes, les principes de mise en œuvre de la protection sont
marqués par le caractère contributif et une organisation institutionnelle dans le cadre
des « assurances sociales ». La contributivité se réalise par le fait que le travailleur
reçoit un salaire dont une partie alimente la protection des travailleurs retirés de
l’activité professionnelle. Elle est organisée par le système de cotisation sociale
proportionnelle au salaire et non pas proportionnelle au risque ou au montant des
prestations comme les assurances du marché. C’est donc un système de redistribution
au sein d’un groupe donné.

Malgré ces différences de principe d’organisation tenant aux différences de


systèmes, la sécurité sociale obéit à certains traits communs que l’on retrouve dans la
sécurité sociale burkinabè.

SECTION II - LES TRAITS DE LA SECURITE


SOCIALE BURKINABE
512. Selon l’article 3 CSS «sont assujettis au régime de sécurité sociale institué
par la présente loi tous les travailleurs soumis aux dispositions du code du travail sans
aucune distinction de race, de nationalité, de sexe et d’origine lorsqu’ils sont occupés
en ordre principal sur le territoire national pour le compte d’un ou plusieurs
employeurs nonobstant la nature et le montant de la rémunération ». La disposition
considère également comme assujettis « les salariés de l’Etat et des collectivités
publiques ou locales qui ne bénéficient pas, en vertu des dispositions législatives ou
réglementaires, d’un régime particulier de sécurité sociale ».

Cette disposition fait ressortir un certain nombre de principes et caractères


généraux de la sécurité sociale : le principe de territorialité, le caractère impératif ou
d’ordre public, le principe d’égalité ou de non discrimination. Mais il révèle aussi les
traits d’un système de sécurité social organisé à partir du statut professionnel et
reposant sur les notions de risque et de régime, qu’il convient de préciser.

§ 1 - Les traits spécifiques tenant au système


de protection professionnelle
513. La sécurité sociale est instituée au profit des « travailleurs soumis aux
dispositions du code du travail… » et aux « salariés de l’Etat et des collectivités
publiques ou locales qui ne bénéficient pas… d’un régime particulier de sécurité
sociale ».

D’une manière générale, la sécurité sociale burkinabè concerne les salariés du


secteur privé et du secteur public, dans la mesure où les fonctionnaires de l’Etat
bénéficient d’un régime particulier analogue à celui du code de sécurité sociale. Il

461
s’agit donc d’une protection contre certains risques sociaux que courent les individus
occupant un emploi salarié.

L’idée de se prémunir contre les risques n’est pas propre à la sécurité sociale,
puisqu’elle est née dans les assurances marchandes. Les assurances sont apparues au
milieu du 16ème siècle, dans les transports maritimes particulièrement soumises à
beaucoup d’aléas (naufrage, piraterie…) et se sont développées au 19ème grâce au
développement des mathématiques qui permettaient aux financiers de garantir, de
manière économiquement durable, les marchands et armateurs contre ces aléas. Dans
ce cadre, le risque peut s’entendre comme « un ensemble d’évènements, produits par
l’activité humaine (accidents, fautes, erreurs, aléas techniques, dépréciation
monétaire…) ou même en dehors d’elle ou hors de toute prise directe (catastrophes
naturelles, conflits de toutes natures)1.

Mais la sécurité sociale s’en tient à la notion de risques sociaux. Dans une
approche économique, le risque social est « tout évènement qui menace la situation
d’un individu ou d’un ménage et dont le coût correspond aux dépenses de protection
sociale engagées pour s’en prémunir ou obtenir une indemnisation »2. Ce sont des
évènements qui altèrent les revenus ou accroissent les charges de l’individu ou du
ménage. Il peut s’agir d’évènements heureux (naissance, mariage) pour lesquels
certains préfèrent parler de charges et non de risques 3. Dans une approche
institutionnelle, est un risque social « le risque qu est pris en considération par un
système de sécurité sociale »4. C’est dans ce sens institutionnel que la norme 102 de
l’OIT énumère un certain nombre de risques que la sécurité sociale devrait couvrir
(maladie, chômage, vieillesse, accident du travail et maladie professionnelle,
invalidité, décès, charges de famille). Il s’agit d’offrir une certaine sécurité
économique au travailleur « contre des aléas immédiats de l’existence »5 en les
prenant en compte comme devant faire l’objet d’une réparation ou d’une rétribution6.

Cette protection est offerte en contrepartie d’une contribution directe


(répartition de la cotisation entre l’employeur et le travailleur) ou indirecte (charge
exclusive de l’employeur) au financement du système de sécurité sociale. L’assuré
peut être protégé contre tous les risques sociaux prévus ou contre certains risques.
D’où la distinction en branches ou en régimes de la sécurité sociale. D’emblée, les
articles 1er et 3 du CSS utilise les deux notions.

1 J. P. DUPEYROUX et autres, 14ème éd. n° 267.


2 J. P. CHAUCHARD, op. cit. p. 8.
3 P. LAVIGNE, Risque social et charges sociales, D. 1948, p. 89 ; J. P. CHAUCHARD, de la définition du risque

social, T. P. S., n° 6, 2000, p. 4.


4 J. P. CHAUCHARD, ibid.
5 Y. SAINT-JOURS, op. cit. t. 1, p. 10.
6 V. J. P. DUPEYROUX, op. cit., p. 227 ; voy. l’article 1 CSS qui cite les branches de la sécurité sociale ou

l’article 42 sur les risques professionnels.

462
La notion de régime est susceptible de deux entendements. Elle peut être
employée dans le sens de statut, c’est-à-dire « un ensemble de dispositions
s’appliquant à un groupe donné d’affiliés et définissant les prestations auxquelles ils
ont droit »1, et donc dans le sens classique du régime juridique d’une institution. Ainsi
parle-t-on du régime de l’assurance contre les risques professionnels ou de l’assurance
vieillesse. Elle peut aussi désigner la structure organique, « l’organisation
administrative destinée à opérer la protection sociale de catégories bénéficiant du
même statut ou, éventuellement, de statuts distincts »2 . C’est dans ce sens que
l’article 1 dispose qu’il est institué un régime de sécurité sociale « qui comprend des
branches ». Le mot branche semble alors englober le « régime » au sens de statut.
MM. Dupeyroux et autres observent que la notion de branche tend à devenir
essentiellement financière3 en tant que cadre de fixation des objectifs de dépenses et
des différences d’effort contributif ou de protection. Dans la sécurité sociale
burkinabè, cette connotation financière se perçoit par les préoccupations d’équilibre
financier des branches et de transferts entre branches.

§ 2 - Les principes généraux communs


Il s’agit ici, des principes généraux qui se rencontrent dans les différents
systèmes de sécurité sociale : le caractère territorial, le caractère d’ordre public, le
caractère non discriminatoire et la gestion participative.

A – LE PRINCIPE DE TERRITORIALTE

514. Le principe de territorialité signifie que le champ d’application de la


législation coïncide avec les limites du territoire. Selon l’article 3 CSS, « sont
assujettis…les travailleurs…occupés en ordre principal sur le territoire national… ».
Ainsi toute personne qui réside sur le territoire est soumise aux obligations de la
sécurité sociale lorsqu’elle remplit les conditions d’assujettissement prévues à cet
article. Le principe de territorialité s’oppose au « principe de personnalité ». Il y aurait
principe de personnalité si tout citoyen burkinabè ayant la qualité de travailleur salarié
était assujetti à la sécurité sociale burkinabè quel que soit le pays où il exerce.

Mais le principe de territorialité reçoit une application nuancée, selon qu’il


s’agit de l’assujettissement ou du bénéfice des prestations. En ce qui concerne
l’assujettissement, tout travailleur, national ou étranger doit être affilié par
l’employeur à la sécurité sociale. Il n’y a d’exception possible que pour le travailleur
qui n’est pas occupé « en ordre principal » c’est-à-dire celui en mission sur le
territoire national pour exécuter un travail de courte durée. Le travailleur détaché au

1 J. P. DUPEYROUX, op. cit., p. 230.


2 Ibid.
3 Ibid., p. 232, note 2.

463
Burkina Faso est assujetti à la sécurité sociale, sauf convention internationale
contraire1.

En ce qui concerne le bénéfice des prestations, le principe de territorialité


s’applique de manière plus souple. Le rôle des accords bilatéraux ou régionaux est
précisément de faire en sorte que le travailleur ne perde pas le bénéfice de droits
acquis parce qu’il a quitté le territoire où il était assujetti et affilié à la sécurité sociale.
La nature contributive de la sécurité sociale rendrait la perte du bénéfice des
prestations injuste. Par contre, dans les pays qui connaissent des prestations
d’assistance sociale et de solidarité, le principe de territorialité est plus rigoureusement
appliqué à ces prestations. Notons que la jurisprudence française considère que le
principe de territorialité n’a pas valeur constitutionnelle2.

B – LE CARACTERE D’ORDRE PUBLIC

515. Le caractère d’ordre public de la sécurité sociale se perçoit dans


l’assujettissement obligatoire de toute personne entrant dans la situation prévue à
l’article 3 CSS. Selon l’article 1er de l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1976, « est
obligatoirement affiliée à la Caisse nationale de sécurité sociale en qualité
d’employeur, toute personne physique ou morale, publique ou privée, occupant un ou
des travailleurs salariés au sens du paragraphe 1 de l’article 3 du code de sécurité
sociale ». L’employeur est tenu d’y faire immatriculer son ou ses travailleurs et, selon
l’article 24 §3 CSS le travailleur ne peut s’opposer au prélèvement de sa part de
cotisation. La loi ne peut faire l’objet d’une convention contraire des parties au contrat
de travail car nul ne peut renoncer au bénéfice d’un régime de sécurité sociale rendu
obligatoire, par la loi3. Notons que selon l’article 1er §d), toute autre branche de la
sécurité sociale peut être créée par la loi.

Le caractère impératif de la loi de sécurité sociale est garantie par des


sanctions pénales : « l’employeur qui a contrevenu aux prescriptions de la présente loi
et de ses textes d’application est poursuivi devant les juridictions pénales, soit à la
requête du ministère public, éventuellement sur la demande du ministère du travail,
soit à la requête de toute partie intéressée et notamment de la caisse ».

C – LE CARTACTERE NON DISCRIMINATOIRE

516. La sécurité sociale a un caractère non discriminatoire. Suivant l’article 3


CSS, elle s’applique « sans aucune distinction de race, de nationalité, de sexe et
d’origine… ». Il s’agit d’une application du principe d’égalité devant la loi.

1 Voy. l’art. 11 de la convention de N’Djamena, et l’article 5 de la convention entre le Burkina Faso et le Mali.
Voy. aussi l’art. 127 CSS concernant les travailleurs étrangers.
2 Cons. Const. Français, 23 janvier 1987, Gr. Arr. sec. Sociales, n°1 ; J. P. Chauchard, op. cit., p. 62.
3 Un régime de sécurité sociale créé par convention collective peut être rendu obligatoire par une loi : la diversité

du système de sécurité sociale français découle de ce procédé.

464
L’application de ce principe ne pose véritablement de problèmes juridiques qu’en ce
qui concerne les travailleurs étrangers1.

La jurisprudence française interprète ce principe de manière nuancée parce


qu’elle prohibe fermement toute discrimination non justifiée, mais admet que ce
principe n’interdit pas une différenciation justifiée par des différences de situation2.
Ces discriminations, pour ce qui concerne l’Union Européenne, peuvent être
autorisées dans le bénéfice des prestations à l’égard des étrangers, dès lors qu’aucun
engagement international n’aménage le sort des ressortissants de deux Etats. La
question de la non discrimination est cruciale dans l’U.E. en raison du caractère très
étendu des prestations de sécurité sociale et de l’application très avancée du principe
communautaire de libre circulation des personnes. Le problème concerne en
particulier les prestations non contributives pour lesquelles le bénéfice était
conditionné, en France, par l’existence d’une convention3 et une résidence stable et
régulière. Une loi de 1998 a allégé les conditions en ne retenant que la condition de
séjour régulier pour certaines prestations4.

D – LE PRINCIPE DE GESTION PARTICIPATIVE

517. L’on peut considérer comme un principe d’organisation du système de


sécurité sociale la gestion participative. Organisé par la loi, le régime de sécurité
sociale est géré avec la participation des employeurs et des travailleurs. Cette gestion
peut être organisée selon un modèle tripartite ou un modèle paritaire5. Théoriquement,
l’on peut concevoir, et cela semble avoir été expérimenté6, une gestion par les
travailleurs. Un tel modèle répondrait à l’idée de démocratie sociale et à la théorie du
« salaire propriété du travailleur », les cotisations même à la charge de l’employeur
seul, étant considérées, dans ce cas, comme un salaire indirect prélevé pour le
financement de la sécurité sociale7.

La sécurité sociale burkinabè est de tradition gérée selon le modèle tripartite.


Le tripartisme se traduit par la représentation des travailleurs, des employeurs de
l’Etat dans les organes d’administration et de gestion (conseil d’administration,
commission permanente) de la Caisse nationale de sécurité sociale. Le système de

1 Voy. J. P. DUPEYROUX et autres, op. cit., p. 391 et s. ; Xavier PRETOT, Le droit de l’étranger à la prestation
sociale, Dr. Soc. 1994, p. 69 ; H.Gacon-Estrada, Etrangers : La sécurité sociale se moque de la justice, Dr. Soc.
1996, p. 709 ; B. GENEVOIS, Un statut constitutionnel pour les étrangers, protection sociale, RFDA 1993, p. 871 ;
G. VACHET, Etrangers, protection sociale, JCP, 1994, p. 355.
2 Voy. Cons. Const. Décision 87-232 DC du 7 janvier 1988, RCC, p. 48.
3 Le Burkina Faso n’a pas conclu de convention de sécurité sociale avec la France.
4 Voy. J. J. DUPEYROUX et autres, op. cit., n° 526, p. 394.
5 En France, la gestion est paritaire, en l’occurrence, entre les mains des institutions représentatives des travailleurs

et des employeurs, l’Etat y exerçant un contrôle de tutelle et pouvant y être représenté en tant qu’employeur.
6 Cf. J. J. DUPEYROUX et autres, op. cit. n° 275, p. 233.
7 Sur la gestion paritaire, voy. M. BORGETTO, Sécurité sociale et démocratie : état des lieux, RFFP, n° 64, 1998,

p. 7 ; R. LAFORE, A propos de la convention Unedic du 1 er janvier 2001, où en est le paritarisme ? Dr. Soc., 2001,
p. 347.

465
gestion demeure assez centralisé, mais la représentation des employeurs et des
travailleurs n’est pas purement formelle : ceux-ci représentent les 2/3 des membres du
conseil d’administration1. Nous examinerons l’organisation générale de ce système en
deuxième titre, avant l’étude des régimes qui y sont gérés.

1 Le Conseil d’administration comprend douze membres dont quatre représentants des employeurs et quatre
représentants des travailleurs. Voy. Kiti An VI 240 du 13 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de
la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), JOBF du 20 avril 1989, p. 761, successivement modifié par le Kiti
An VII 273 bis du 4 avril 1991 (JOBF du 20 juin 1991, p. 815) et le décret 93-211 du 15 juillet 1993, (J.O.BF du
15 juillet 1993, p. 1069 ; voy. également Code social, p. 562. N.B. : le mot Kiti, terme datant du régime politique
du Conseil National de la Révolution, est équivalent à décret.

466
467
TITRE II - LE SYSTEME DE SECURITE SOCIALE BURKINABE
518. Après le rappel du contexte historique de naissance et de développement
de la sécurité sociale au Burkina Faso, on peut s’intéresser à la charpente ou
organisation générale du système (chapitre 1), avant d’aborder l’organisation
administrative et financière (chapitre 2) qui est axée sur l’institution unique, la Caisse
nationale de sécurité sociale, les institutions conventionnelles étant quasi absentes.

468
469
CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE

L’organisation générale de la sécurité sociale burkinabè est marquée par son


champ d’application restreint (section 1), l’entrée dans le régime unique de sécurité
sociale (section 2) étant conditionnée par le statut de travailleur salarié.

SECTION I - LE CHAMP D’APPLICATION

519. La loi de 1972 portant code du travail a entendu créer un régime unique
de sécurité sociale qui englobe toutes les branches instituées où à créer. Mais elle
évoque l’existence d’un régime particulier qui ne concerne en réalité que les
fonctionnaires ou, plus largement, les agents publics de l’Etat1. Contrairement au cas
français marqué par la coexistence de plusieurs régimes de sécurité sociale (régime
général, régimes spéciaux, régimes particuliers, régimes complémentaires), l’unicité et
la simplicité du système de sécurité sociale a pu être instaurée au Burkina Faso et en
Afrique francophone en général. Il peut par conséquent paraître injustifié de parler de
régime général et cette expression est très peu utilisée sinon quasi-inexistante.

Toutefois, outre le régime particulier des agents de l’Etat, certains des


travailleurs assujettis au code de sécurité sociale bénéficient de prestations sociales
complémentaires au sein de l’entreprise ou plus rarement dans des mutuelles. Il nous
semble donc pertinent d’évoquer ces trois cas et de désigner le régime de la loi de
1972 par régime général.

L’on peut ajouter qu’outre ces trois situations, l’article 2 de la loi de 1972
précise que « le service des prestations est complété par une action sanitaire et
sociale », mais nous ne traiterons pas, dans ce chapitre, de cette action qui relève de la
protection sociale mais pas du régime d’assurance sociale proprement dit.

§ 1 – Le régime général de la loi de 1972


La loi de 1972 institue un système d’assurance obligatoire et un système
d’assurance volontaire qui est en réalité une assurance facultative continuée. Bien que
pour le moment marginale, cette faculté mérite d’être évoquée en raison de son
potentiel d’ouverture. On peut donc être bénéficiaire de la sécurité sociale par le biais,
soit d’une assurance obligatoire, soit d’une assurance volontaire.

1 La distinction entre fonctionnaire et agent public acquiert plus d’importance à partir de l’adoption, en 1998, des
textes portant Réforme globale de l’administration publique. La loi n°13/98 du 31 août 1998 a restreint le nombre
des agents devant avoir la qualité de fonctionnaire.

470
A – L’ASSURANCE OBLIGATOIRE

520. L’unicité du système de sécurité sociale burkinabè se perçoit dans le


champ de l’assurance obligatoire.

D’abord, celle-ci couvre toutes les branches de la sécurité sociale qui ont été
instituées dans le cadre des risques pris en compte : la vieillesse, les accidents du
travail et les maladies professionnelles, la maternité, l’invalidité, le décès (survivants)
et les charges familiales.

Ces six risques sont regroupés en trois branches de la sécurité sociale : la


branches des pensions, chargées du service des prestations de vieillesse, d’invalidité et
de décès ; la branche des risques professionnels, chargée du service des prestations en
cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ; et la branche des
prestations familiales, chargée du service des prestations familiales et des prestations
de maternité1.

Ensuite, la sécurité sociale concerne tous les salariés des secteurs privés et
publics. La loi touche principalement les salariés de l’industrie, du commerce et des
services mais y sont aussi concernés les salariés de tous les secteurs : agricultures,
artisanat, élevage, etc.

En ce qui concerne le secteur public, l’article 3 §2 CSS précise : « y sont


également assujettis les salariés de l’Etat et des collectivités publiques ou locales qui
ne bénéficient pas, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, d’un régime
particulier de sécurité sociale ». L’exception ne concerne, en fait que les salariés de
l’Etat parce que le personnel propre des collectivités publiques ou locales –ceux qui
ne sont pas des agents de l’Etat mis à la disposition d’une collectivité locale ou d’un
établissement public relèvent du code du travail en général2.

Malgré tout, le champ d’application personnel de l’assurance obligatoire


demeure restreint en raison de la faible proportion de travailleurs salariés par rapport à
la population active ; sur une population près de 11 millions d’habitants les
travailleurs salariés ne sont que 3,2%. La Caisse nationale de sécurité sociale déclare
138.288 travailleurs immatriculés (actifs et inactifs) au 31 décembre 2003.

Le texte n’exclut que les travailleurs indépendants, mais l’agriculture et


l’élevage, qui occupent l’écrasante majorité de la population active, emploient très peu
de travailleurs salariés. Le secteur informel urbain3 n’est pas en soi exclu ; ce secteur
1V. Article 1 CSS.
2V. l’ordonnance 75-57 du 9 décembre 1975 fixant le régime de pensions des agents communaux, J.O.RHV. du 18
décembre 1975, p.959, modifié par l’ordonnance 81-29 du 27 août 1981, J.O.RHV. du 3 septembre 1981, p. 706. Il
est question de créer un régime particulier pour les agents des collectivités locales, à l’exemple de la CARFO.
3 Le secteur informel ou secteur non structuré désigne «l’ensemble des activités agricoles, industrielles et

commerciales qui ne sont pas saisies dans les cadres classiques de la statistique et de la comptabilité nationale » ou

471
est peu touché par la sécurité sociale en raison de son mode d’exercice des activités :
travail indépendant, travail familial et travail salarié y sont difficiles à différencier.
Certains d’entre eux auraient peut-être pu être des candidats à l’assurance volontaire si
ce régime n’était pas assez fermé.

B – L’ASSURANCE VOLONTAIRE OU FACULTATIVE CONTINUEE

521. L’article 4 §I C.S.S. dispose : « toute personne qui, ayant été affiliée au
régime de sécurité sociale pendant six mois consécutifs au moins, cesse de remplir les
conditions d’assujettissement, a la faculté de demeurer volontairement affiliée à la
branche des pensions ou à celle des risques professionnels à condition d’en faire la
demande dans les six semaines qui suivent la date à laquelle son affiliation obligatoire
a pris fin ».

L’assurance volontaire proprement dite est ouverte à des personnes qui ne


relèvent pas d’un régime d’assurance obligatoire (les travailleurs indépendants, dans
le cadre d’un système centré sur les salariés). L’article 4 C.S.S. institue plutôt une
assurance facultative continuée. Celle-ci est ouverte aux anciens assurés : toute
personne ayant été affiliée au régime de sécurité sociale pendant un certain temps et
qui cesse de remplir les conditions d’assujettissement a la faculté de demeurer
volontairement affiliée à certaines branches de la sécurité sociale. Cette personne doit
remplir deux conditions :

1er - avoir été affiliée pendant six mois consécutifs au moins au régime
obligatoire et ne plus remplir les conditions d’assujettissement ;
2ème - en faire la demande au plus tard six semaines après la fin de l’affiliation
obligatoire.

Ce régime d’assurance continuée s’adresse aux anciens salariés – et aux


catégories assimilées, les élèves des écoles professionnelles et les apprentis – qui
cessent d’être salariés pour s’établir à leur compte comme tâcherons, entrepreneurs,
commerçants, agriculteurs, etc. A l’heure où les privatisations, dans le cadre des
programmes d’ajustement structurel, provoquent des licenciements qui sont
accompagnés de mesures d’aide à la réinsertion, notamment par l’auto-emploi, ce
régime d’assurance facultative continué peut être intéressant. Les conditions
d’adhésion à ce régime sont précisées par l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 19761
relatif à l’affiliation des employeurs, à l’immatriculation des travailleurs et autres.

« les petites activités indépendantes, avec ou sans travailleurs rémunérés, exercées typiquement avec un faible
niveau d’organisation et de technologie, ayant pour objectif principal de créer des emplois et des revenus à ceux
qui y participent, selon une définition du BIT. V. Etats généraux de l’emplois, Concepts clefs de la politique de
l’emploi, p. 6 Ce secteur occupe 12% de la population active et près de 80% des actifs urbains. V. MTSS, Politique
de l’emploi, Document 1, Analyse de la situation de l’emploi, p. 24.
1 J.O.BF. du 10 février 1977, p. 71 ; Codes et lois du Burkina Faso, T. IX, Code social, p. 529.

472
Naturellement, les cotisations sont à la charge de l’assuré volontaire qui doit
« faire connaître la rémunération annuelle devant servir de base au calcul des
cotisation et à celui des prestations » (art. 9 §3). L’arrêté impose un minimum, le
SMIG, pour la base de cotisation, mais reste muet sur le plafond. En réalité, la
rémunération devant servir de base de calcul est soumise au plancher (SMIG) et au
plafond applicable pour l’ensemble du régime. Ce plafond, qui était de 200 000 F
CFA, a été relevé à 600.000 FCFA depuis le 20 juin 20031. Ces cotisations
d’assurance volontaire sont versées trimestriellement et restent dues pendant la durée
d’incapacité temporaire de travail consécutive à un accident de travail et pendant la
durée d’arrêt de travail pour rééducation fonctionnelle ou réadaptation professionnelle
de la victime. L’assuré n’en est exonéré du paiement qu’en cas d’incapacité
permanente partielle dont le taux est supérieur à 75%. Les cotisations ne sont pas non
plus dues pendant la période de service militaire légal ou d’appel sous les drapeaux2.

Les conditions d’ouverture au bénéfice de l’assurance volontaire sont assez


restrictives, notamment en ce qui concerne le délai d’option : sauf le travailleur qui
s’est préparé à se reconvertir comme travailleur indépendant, il est rare que celui qui a
été licencié et qui a décidé de s’installer à son propre compte, avec ou sans l’aide des
services officiels, puisse opter de rester dans le système d’assurance sociale dans le
délai de recevabilité de six semaines. Il est difficile de se réinstaller en moins de deux
mois après la cessation de l’emploi salarié.

§ 2 - Le régime particulier des agents de la fonction publique


522. En Afrique, les fonctionnaires ont bénéficié d’une protection sociale
contre certains risques sociaux (prestations familiales, pension de retraite…) avant les
travailleurs du secteur privé. Après l’éclatement de l’AOF, chaque Etat a organisé son
système de sécurité sociale pour les secteurs publics et privés.

Au Burkina Faso, les fonctionnaires de l’Etat bénéficient d’une protection


sociale, à peu près dans les mêmes branches que les travailleurs relevant du code du
travail, même si l’organisation de cette protection diffère. Selon l’article 28 de la loi
13-98 AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux
agents de la fonction publique3, « les agents de la fonction publique bénéficient d’une
protection sociale en matière de risques professionnels, de prestations familiales,
d’assurance vieillesse et de soins de santé dans les conditions fixées par la loi ».
L’article 42 de la même loi ajoute que « tout agent de la fonction publique a droit,
après cessation définitive des fonctions, à une pension de retraite dans les conditions
fixées par le régime des pensions qui lui est applicable ». Cette précision se justifie par

1 Arrêté n° 2003-012 MTEJ du 20 juin 2003 portant modification du plafond des salaires soumis à cotisation au
titre du régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs salariés, J.O.BF. du 17 juillet 2003, p. 1000.
2 V. article 11 §5 et 6
3 Loi 13-98 du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique,

J.O.BF. n° spécial du 25 juin 1998, p. 12 ; Code administratif, T. VIII, p. 1141.

473
le fait que tous les agents de la Fonction publique ne sont pas soumis au même régime
de sécurité sociale : les fonctionnaires sont soumis à un régime particulier alors que
ceux n’ayant pas la qualité de fonctionnaire étaient soumis au régime de sécurité
sociale géré par la Caisse nationale de sécurité sociale. Mais cette répartition est
remise en cause par la loi de 1998.

Les fonctionnaires sont couverts dans les trois branches de sécurité sociale
(branche des pensions, branche des prestations familiales et de maternité, branche des
risques professionnels), mais jusqu’en 1986 ces risques sociaux étaient tous
directement pris en charge par le trésor public. C’est à partir de 1986 qu’a été créée,
par Kiti n°86-178 du 7 mai 1986, la Caisse Autonome de Retraite des Fonctionnaires
(CARFO) dont les statuts actuels sont ceux approuvés par décret 98-510 du 31
décembre 19981. Cette caisse, créée sous forme d’EPIC, gère les prestations de long
terme – les pensions de retraite et d’invalidité – dont le régime est fixé par la loi 47-94
ADP du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des fonctionnaires,
militaires et magistrats2.

En l’absence, comme dans le secteur privé, d’une assurance maladie (perte de


revenus et soins) la CARFO gère en réalité les pensions de retraite et les pensions
d’invalidité résultant de risques professionnels (accidents et maladie professionnels).
En effet, selon l’article 28 de la loi 47-94 du 29 novembre 1994, « ouvrent droit à
pension d’invalidité :

- les infirmités ou incapacités fonctionnelles résultant de blessures reçues au


service ;
- les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion
du service ;
- les infirmités résultant d’actes de dévouement accomplis dans un intérêt
public ou pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes ;
- l’aggravation, par le fait ou à l’occasion du service, d’infirmités étrangères
au service ;
- les infirmités résultant de blessures reçues par suite des évènements de
guerre, au cours d’opérations de maintien de l’ordre ou d’accident survenus
par le fait ou à l’occasion du service ».

Les soins de santé évoqués par l’article 28 de la loi 13-98 du 28 avril 1998 ne
concernent que les prestations offertes dans le cadre de la politique générale de santé

1 Décret 98-510 du 31 décembre 1998 portant approbation des statuts de la CARFO, J.O.BF. du 14 janvier 1999, p.
175.
2 Loi 47-94 du 29 novembre 1994 portant régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats,

J.O.BF. du 4 mai 1995, p. 1110 ; Code social, p. 1249. Cette loi 47-94 du 29 novembre 1994 abroge : la loi 37-61
AN du 24 juillet 1961, instituant le régime général de retraite des fonctionnaires et ses modificatifs ; la loi 5-73 du
5 juin 1973, portant régime général de pensions d’invalidité des fonctionnaires civils ; l’ordonnance 69-58 du 31
décembre 1968, portant régime général des pensions militaires d’invalidité ainsi que la loi 8-65 AN du 26 mai 1967
qui rendait applicable aux militaires la loi 37-61 AN du 24 juillet 1961.

474
ou des obligations mise à la charge de l’employeur comme dans les entreprises
privées. Elles se traduisent, dans le cas spécifique de l’agent de l’Etat, par des
réductions en cas d’hospitalisation dans les formations sanitaires publiques et des
conditions spécifiques d’évacuation sanitaire1 et un régime de congé maladie avec
maintien total ou partiel du salaire un peu plus avantageux que dans le secteur privé2.

Il est devenu délicat de déterminer les personnes entrant dans le champ du


régime particulier de la CARFO depuis la loi 13-98 : contrairement au régime
générale de la fonction publique de 1988 intervenu à la suite d’un mouvement
d’intégration d’agents contractuels et temporaire dans le cadre de la fonction
publique3, l’article 57 de la loi 13-98 donne une définition restrictive du fonctionnaire,
en réservant cette qualité à un agent de l’Etat nommés et titularisés dans des emplois
permanents de conception dont la liste est fixée par décret. Il s’agit, dans le cadre de la
réforme de l’Etat, de promouvoir la contractualisation en lieu et place de la fonction
publique dite fermée ou de carrière. En prenant le titre de la loi 13-98 au pied de la
lettre (fonctionnaires, militaires et magistrats), le champ d’application de la CARFO
s’en trouverait considérablement amputé. Cette caisse gère plutôt les pensions des
fonctionnaires de l’Etat dans l’entendement ancien de tout agent nommé et titularisé
dans un cadre permanent de la fonction publique, ce qui veut dire que les agents
contractuels relèvent de la CARFO, du moins ceux qui sont nommés dans des emplois
permanents.

§3 – Les mutuelles et les assurances d’entreprise


523. L’étroitesse du champ d’application matériel de la sécurité sociale
étatique et obligatoire aurait pu être palliée par des régimes de protection sociale
établis par des accords professionnels. C’est d’ailleurs l’objet des conventions
collectives de contribuer au progrès social par des voies négociées. Or, au Burkina
Faso, les négociations collectives ont connues une forte stagnation depuis les années
1980 : l’unique convention collective interprofessionnelle date de 1974 et les
conventions collectives sectorielles sont presque de la même époque 4. Ce phénomène
de défaveur des négociations collectives peut avoir des explications multiples : la crise
économique persistante qui est moins propice à des conquêtes sociales appréciables ;

1 Article 104 de la loi. 13-98du 28 avril 1998.


2 Voy. articles 95 à 107 loi 13-98 du 28 avril 1998. Selon l’article 98 de cette loi, le fonctionnaire mis en congé de
maladie de longue durée conserve l’intégralité de son salaire pendant les deux premières années et perçoit la moitié
de son traitement pendant les trois années suivantes.
3 Exemple : Zatu 86-13 du 13 février 1986 autorisant la validation des services antérieurs au profit des agents

temporaires, contractuels ou auxiliaires des services, administrations et établissement publics de l’Etat ayant
intégré un cadre régulier de la fonction publique, JOBF du 20 février 1986, p. 119 ; Codes et lois, t. 8, p. 1269.
4 Voy. convention collective des entreprises pétrolières du 8 juin 1976, codes et lois du Burkina Faso, p. 229 ;

convention collective des auxiliaires de transport du 5 juillet 1979, codes et lois du Burkina Faso, p. 251 ;
convention collective sectorielle du commerce du 1er février 1982, ibid., p. 267 ; et la convention collective des
ORD (Organismes régionaux de développement), normalement morte puisque les ORD ont été dissoutes et
liquidées en 1988 et les CRPA (Centres régionaux de promotion agropastorale), crées à leur place par kiti An V du
17 mai 1988, ont été également mis en liquidation dès 1997.

475
les intermèdes de régimes d’exception qui cassent la dynamique de négociation ; et
des syndicats très idéologistes et, par conséquent, peu enclins au compromis qui peut
paraître une compromission avec le patronat. Celui-ci, en période de récession crie à
la surprotection et réclame plus de flexibilité. Il en résulte une absence de prospection
des voies de protections complémentaires sous forme de mutuelle. Toutefois, des
formes d’assurance d’entreprise existent dans certaines grandes entreprises.

A – LA RARETE DES MUTUELLES

524. Il existe dans les entreprises des formes d’entraide mutuelle reposant sur
des manifestations de solidarité de type traditionnel : cotisations ponctuelles ou
organisées dans le cadre d’une « caisse de solidarité » pour soutenir un (e) collègue de
travail à l’occasion de naissances, décès ou maladies… Ces formes d’entraide ont un
impact limité et sont éphémères.

Les mutuelles modernes s’attachent à garantir, au sein d’un groupe socio-


professionnel, les individus contre des risques sociaux déterminés1. Selon le
dictionnaire du vocabulaire juridique, il s’agit d’une « organisation paritaire à but
lucratif, à caractère professionnel et à finalité sociale qui contribue à la protection
sociale de ses adhérents par la manifestation d’une solidarité à travers la perception
des cotisations et le versement des prestations complémentaires à celles de la sécurité
sociale »2. La mutuelle emprunte à l’assurance sa technique de répartition des coûts de
garantie contre les risques tout en étant moins onéreuse pour les cotisants parce
qu’elle repose sur la solidarité et non pas sur la recherche du profit. L’institution de la
mutuelle par accord avec l’employeur lui donne plus d’envergure et d’efficacité, non
seulement par l’apport financier de l’employeur, mais aussi par l’effet sur le nombre
d’adhérents.

En Afrique francophone, la mutualité a semblé prendre un essor après


l’adoption du Code du travail de 1952 sous l’impulsion des pouvoirs publics. Ainsi,
une caisse d’assurance mutuelle agricole de l’AOF fut créée en 1952, régie par le
décret du 26 juin 1931 portant réglementation du crédit agricole. Cette caisse avait des
sections dans chaque territoire3. Après l’indépendance, ces sections disparurent dans
la plupart des Etats et au Burkina Faso et ne subsistèrent qu’au Sénégal et en Côte
d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est le pays qui a maintenu un certain dynamisme de la
mutualité même si l’effectif des assurés et les risques sociaux couverts sont très
réduits4.
Au Burkina Faso, il existe certes de nombreuses coopératives, mais
d’envergures modestes pour pouvoir promouvoir des assurances mutuelles contre des

1 Voy. Y. SAINT-JOURS, op. cit., p. 23.


2 Remy CABRILLAC (sous la direction), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 2002.
3 En ex-Haute-Volta, la caisse de prévoyance agricole, plus connue par les anciens sous l’appellation déformée de

« pourvoyance ».
4 P. MOUTON, op. cit., p. 282.

476
risques sociaux comme la maladie. Leurs actions dans ce cadre sont mal connues. Les
protections complémentaires dans le cadre de l’entreprise sont par contre plus visibles.

B – LES FORMES D’ASSURANCES D’ENTREPRISE

525. Ces protections prennent d’abord leurs sources dans les obligations mises
à la charge de l’employeur par le code du travail. Selon l’article 143 C.trav.. « il est
fait obligation à toute entreprise, société ou organisme installé au Burkina Faso
d’assurer la couverture sanitaire du travailleur conformément aux conditions définies
par les textes portant création, organisation et fonctionnement de la médecine du
travail ». Ces obligations sont précisées par des arrêtés de 1955 (pris sous le Code du
travail de 1952) prescrivant la création de services médicaux ou sanitaires selon la
taille de l’entreprise1.

Ces formes de protection découlent de quelques dispositions de conventions


collectives qui renforcent un peu les obligations de l’employeur en matière de soins
médicaux. A cet égard, l’article 65 CCI ajoute comme obligation à la charge de
l’employeur, dans le cas d’hospitalisation du travailleur malade :

- de se porter caution ou de verser un cautionnement auprès de


l’établissement hospitalier pour garantir le paiement des frais
d’hospitalisation du travailleur, dans la limite des sommes qui sont ou
pourraient être dues à ce dernier (salaire et accessoires…) ; ces sommes
peuvent être récupérées par des retenues périodiques après la reprise du
travail ;
- de verser une allocation complémentaire d’hospitalisation dans la limite de
la période d’indemnité à plein et demi salaire du travailleur malade 2 ; cette
allocation est de trois fois ou de quatre fois le taux du salaire minimum
interprofessionnel garanti, par journée d’hospitalisation, selon la catégorie
du travailleur3.

L’article 19 de la convention collective des transports du 5 juillet 19794 et


l’article 16 de la convention collective sectorielle du commerce du 1 er février 19825
améliore les dispositions de l’article 65 CCI en matière de soins médicaux, mais

1 Voy., pour ces textes, Code social, note sous l’article 143. Ces obligations sont surtout précisées par la création
d’un office de santé des travailleurs (OST), auquel les employeurs doivent s’abonner à défaut de disposer d’un
service médical propre (voy. Kiti an IV 429 CNR/SAN du 31 juillet 1987, portant création d’un établissement
public dénommé l’Office de santé des travailleurs (OST), JOBF du 6 août 1987, p. 761 ; Code social, p. 435 ; kiti
An IV 430 CNR/SAN du 31 juillet 1987 portant statuts particuliers de l’office de santé des travailleurs (OST),
modifié par le kiti An VII 399 du 25 juillet 1990, JOBF du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social, p. 436.
2 Voy. article 25 C.trav. qui fixe cette limite en fonction de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise et les

articles 26 et 27, al. 3, C.C.I.


3 Voy. C.C.I. du 9 juillet 1974 rendue obligatoire par l’arrêté n° 715 FPT du 6 septembre 1974, Annuaire officiel

du METSS, p. 90 ; Code social, p. 189.


4 Code social, p. 251
5 Code social, p. 267

477
surtout ils font une référence commune à la nécessité d’une assurance maladie : « les
parties à la présente convention conviennent de la nécessité de parvenir à une
couverture partielle des frais médicaux et pharmaceutique engagés par le travailleur
pour ses propres soins et ceux de sa famille. A cet effet, un avenant à la présente
convention sera discutée et signé ultérieurement »1. Cet article met à la charge de
l’employeur 80% des frais d’hospitalisation, d’analyse et de médicaments en
découlant et 70% des frais d’analyses hors hospitalisation2. L’article 16 de la
Convention collective sectorielle du commerce, tout en formulant les mêmes vœux
semble interpeller la sécurité sociale étatique : « les parties à la présente convention
conviennent de la nécessité de parvenir à une couverture partielle des frais médicaux,
pharmaceutiques et d’hospitalisation du travailleur suivant les possibilités de chaque
entreprise jusqu’à la mise en place d’un régime général d’assurance-maladie ».
Intervenue un peu plus de deux ans après la CC des transports, cette convention
semble avoir annoncé le recul de l’idée de création de mutuelle : elle renvoie aux
possibilités de chaque entreprise et à la mise en place d’un régime d’assurance-
maladie.

L’assurance-maladie n’ayant pas été jusqu’à présent créée, les prises en


charges partielles des frais médicaux se sont développées « suivant les possibilités de
chaque entreprise » : certaines offrent une prise en charge quasi-totale, d’autres
absolument rien si ce n’est le minimum légal. Les petites entreprises, à l’exemple du
secteur informel, se dispensent souvent de ce minimum légal qui est de s’affilier à
l’OST pour les consultations et les soins des employés de l’entreprise.

SECTION II - L’ENTREE DANS LE REGIME DE


SECURITE SOCIALE
526. L’entrée dans le régime de sécurité sociale pose deux questions : une de
fond et une de forme. La première est relative aux critères d’assujettissement, c’est-à-
dire les conditions qui donnent vocation à entrer dans le système et même obligent à y
entrer, dans la mesure où le régime de sécurité sociale est un régime obligatoire : tous
ceux qui entrent dans le champ d’application personnel doivent y adhérer. La
deuxième question concerne les formalités à remplir pour bénéficier effectivement de
la qualité d’assuré social. Cette qualité s’acquiert par l’immatriculation et l’affiliation.

§ 1 - Les critères d’assujettissement


527. L’assujettissement est le fait d’être soumis à la loi ou à la réglementation,
le fait d’entrer dans le champ d’application de cette loi ou de cette réglementation.
S’agissant d’un système de sécurité sociale de type professionnel (et non pas
universel), sont assujettis tous ceux qui sont dans des rapports de travail salarié ou

1 V., art. 19§2 de la Convention collective des transports.


2 Les consultations de ce dernier sont à la charge de l’employeur à 100%.

478
rapports contractuels de travail. L’existence d’un contrat de travail est l’élément
distinctif du travailleur dépendant, et donc assujetti, d’avec le travailleur indépendant
non assujetti.

Selon l’article 3, al. 1, CSS « sont assujettis au régime de sécurité sociale


institué par la présente loi les travailleurs soumis aux dispositions du code du travail
sans aucune distinction de race, de nationalité, de sexe et d’origine lorsqu’ils sont
occupés en ordre principal sur le territoire national pour le compte d’un ou plusieurs
employeurs nonobstant la nature, la forme, la validité du contrat, la nature et le
montant de la rémunération ».

La qualité d’assujetti est indiquée par renvoi au code du travail qui dispose en
son article 1er qu’est considéré comme travailleur « toute personne qui s’est engagée à
mettre son activité professionnelle moyennant rémunération, sous la direction et
l’autorité d’une autre personne, physique ou morale, publique ou privée, appelée
employeur ».

Les critères de l’existence du contrat de travail, qui confèrent la qualité de


travailleur, sont la subordination et la rémunération. Mais, encore plus qu’en droit du
travail, le code de sécurité sociale édulcore ces critères, non pas seulement par les
extensions et assimilations légales, mais par la propension à ne retenir que l’existence
d’une convention qui place une des parties sous une certaine dépendance.

A – LA SUBORDINATION OU TRAVAIL DEPENDANT

528. La notion de dépendance est très relative et a donné lieu à beaucoup de


controverses sur la question de savoir s’il fallait retenir la situation de dépendance
économique ou juridique1. La sécurité sociale avait semblé pencher en faveur du
critère de la dépendance économique, en accordant la qualité de travailleur
« nonobstant la nature, la forme et la validité du contrat… » et à une personne mettant
son activité professionnelle au service de plusieurs employeurs.

Cette volonté d’accueillir largement l’existence d’un travail dépendant avait


fait penser à une consécration de la dépendance économique2. Mais la cour de
cassation française a écarté ce critère parce qu’il est trop général et flou pour servir de
repère de qualification des rapports entre les personnes : presque aucun travail ne peut
être indépendant si l’on se base sur ce critère économique3.

1 Voy. J. J. DUPEYROUX, Les conditions de l’affiliation obligatoire au régime de sécurité sociale, D. 1962, chron.
p. 179 ; et notes sous divers arrêts au D. 1967, 227.
2 V. Cass. Soc. Fr. 18 nov. 1981 (gérants de libre station-service), D. 1983. 242 note St jours ; cass. soc. 14 janvier.

1982 (interprète de conférence) D. 1983, 242, Grands arrêts, n° 12.


3 Voy. Cass. soc. Fr 21 déc. 1989 ; V. A. SUPIOT, Les nouveaux visages de la subordination, Dr. Soc. 2000, p.

111 ; Lamy social, salarié ou non salarié, n° 89, 1996.

479
La jurisprudence s’en tient donc au critère de la subordination juridique qui est
appréhendé à partir de trois critères révélateurs : l’ingérence de l’un dans l’exécution
du travail de l’autre ; l’exécution du travail dans le cadre d’un service organisé ; et
l’activité dispensée dans l’intérêt de l’entreprise.

a) « L’ingérence de l’un dans l’exécution du travail de l’autre » apparaît


comme le critère originel de la subordination juridique, entraînant assujettissement à
la sécurité sociale. Il y lien de subordination si l’un, l’employeur, a le pouvoir de
donner des ordres, de diriger le travail de l’autre et de contrôler la façon dont le travail
est accompli et si l’autre, le travailleur, a l’obligation de se conformer aux directives et
de se prêter aux contrôles de son travail1.

Il s’agit au contraire d’un travailleur indépendant si l’intéressé est entièrement


libre d’organiser son travail et de l’organiser comme il l’entend2.

Mais ce critère n’en comporte pas moins quelques insuffisances : la technicité


particulière de la tâche ou les exigences déontologiques particulières (médecins par
exemple) peut exclure ou limiter une ingérence dans l’exécution du travail, mais la
subordination juridique peut être retenue si la personne est assignée à des heures de
travail, à des lieux fixes de travail ou autres obligations ; au contraire il aboutit parfois
à accorder la qualité de travailleur à de véritables commerçants (ex. gérant-libre de
station d’essence) soumis à des astreintes (contrôles comptables, heures
d’ouverture…) par la maison-mère3.

b) Le critère de « l’exécution du travail dans le cadre d’un service organisé »


permet d’inclure certaines professions qui, en raison de l’indépendance technique qui
les caractérisent pourraient être exclus si l’on s’en tenait au critère du contrôle dans
l’exécution du travail : médecins, professeurs, artistes… Ces personnes sont des
travailleurs dépendants si elles exercent dans le cadre d’un service organisé, dans des
locaux déterminés et à heures fixes et peuvent être soumis à des directives ou
contrôles4. Ce critère a donné lieu à des interprétations extensives avant de connaître
un coup d’arrêt5.

1 Voy. Y. SAINT-JOURS, op. cit. p. 58 ; J. P. DUPEYROUX, 14ème éd., p. 454 ; J.P. CHAUCHARD, Droit de la
sécurité sociale, LGDJ, Paris, 1994, p. 111.
2 Soc. Fr. 27 septembre 1989, RJS 10/89, n° 803 ; cass. fr. plén. 8 janvier 1993, JCP 1993. II. 22040, note Saint-

jours (courtier-libre) ; Soc .fr. 27.1.1994, jurisp. UIMM mars 1994, p. 110 (travailleurs à façon) ; Cass. fr. ch.
Réunies, 23 juin 1966, affaire Prénatal, Gaz Pal. 1966, 2, 220 ; Cass. soc. fr. 1er mars 1973, affaire Michelin, JCP
1974.II. 17687, note Meysonnade.
3 Cf. Cass. ch. Réunies, affaire prénatal, op. cit.
4 V. A. ARSEGUEL et P. ISOUX, Des limites à la dérive de la notion de service organisé, Dr. Soc. 1992, p. 295 ;

Cass. Ass. Plén., 18 juin 1976, Hebdo-Presse, D. 1977, p. 173, note Jeammaud ; JCP 1977. II. 18639, note Y.
Saint-jours
5 Cass. As. Plén. 8 janvier 1993, JCP, 1993, 6, 22040, note Y. Saint-jours ; Cass. soc. 6 octobre 1994 RJS, 11/04,

1293 (notaire enseignant dans un centre de formation notariale.

480
c) Le critère de « l’activité dispensée dans l’intérêt de l’entreprise » est un
critère accessoire parfois associé à d’autres : références à « une activité profitable au
cocontractant » ou « aux risques de l’entreprise », ou à l’exercice d’une activité
« poursuivie dans le cadre d’un service organisé et selon les directives imposées par
elle » ou même, en filigrane, « à une situation de dépendance économique »1.

Par ces critères accessoires, le juge peut décider qu’il y a travail subordonné
dès lors que l’activité est exercée pour le compte de l’entreprise ou qu’elle lui est
profitable. Toutefois, la jurisprudence récente restreint la portée du critère du service
organisé et marque un retour au critère originel de la subordination juridique
« caractérisé par l’exécution du travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir
de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les
manquements de son subordonné… »2.

Cette nouvelle tendance rapproche les visions sur la subordination juridique en


droit du travail et en droit de la sécurité sociale et cela est peut-être salutaire pour la
clarté du régime obligatoire de sécurité sociale : les nouvelles formes d’organisation
du travail dans les pays développés du moins, tel que le travail en « réseau » favorisé
par l’informatique, ajoutent à la complexité de la définition du travail dépendant et
appelle à retenir des critères simples qui ne sont pas nécessairement restrictifs3.

B – LA REMUNERATION

529. La rémunération est un élément indispensable à la qualité de


travail salarié parce qu’elle sert de base au calcul des cotisations et des
prestations en espèces de sécurité sociale. L’absence de rémunération, ou
le versement occasionnel ou isolé peut suggérer un autre type de rapport
que le rapport de travail dépendant.
L’article 1er C.S.S. s’attache au principe de l’existence d’une rémunération,
plus qu’à sa nature (en espèce ou en nature) ou à son montant. Mais en réalité, la
nature ou le montant peut être pris en compte pour l’assujettissement à la sécurité
sociale. Ainsi, des rémunérations fictives, sans rapport avec le travail presté, peuvent
conduire au rejet de l’affiliation. Ces situations concernent les cas : du dirigeant de
société, administrateur ou propriétaire de l’entreprise, qui se fixe lui-même son salaire
alors qu’il est un commerçant ; le conjoint qui ne peut être considéré comme salarié

1 Soc. Fr. 16 avril 1992, RJS, 6/92, 811 ; voy. J.J. DUPEYROUX, 14ème éd. Op. cit. p. 458.
2 Cass. soc. fr. 13 novembre 1996, arrêt « société générale » ; cf. URSSAF de la Haute-Garonne », JCP 1997, E, II,
911, note Barthélémy ; J. J. DUPEYROUX, A propos de l’arrêt société générale, Dr. soc. 1996, p. 1067 ; cass. soc.
27 mars 1997, JCP, 1997, E, n° 21, note Taquet ; X. PRETOT, Grands arrêts, n° 11.
3 Sur l’évolution dans l’organisation du travail, voy : A SUPIOT. Les nouveaux visages de la subordination, Dr.

Soc., 2000, p. 131 ; F. GAUDU, Du statut de l’emploi au statut de l’actif, Dr. soc. 1995, p. 535 ; J.
BARTHELEMY, Le professionnel subordonné, J.C.P., 1996, E, n°47 ; A. SUPIOT, le travail, liberté partagée, Dr.
Soc. Sept. Oct. 1993 ; Lamy social, Salarié ou non salarié, n° 89, avril 1996 ; J. P. CHAUCHARD, La législation
de la sécurité sociale face aux formes particulières emploi, Dr. soc. 1990, p. 566 ; X. PRETOT, Grands arrêts, n° 9
à 11.

481
que s’il participe effectivement à l’activité à titre professionnel et constant et bénéficie
d’une rémunération correspondant au salaire normal de sa profession et non pas d’une
rémunération sans rapport avec sa participation à l’entreprise 1 En France, une loi de
1982 offre une option au conjoint d’artisan ou de commerçant travaillant dans
l’entreprise familiale entre le statut de collaborateur, d’associé ou de salarié2. Au
Burkina Faso, le problème se pose surtout de faire la part entre le travail salarié et
l’aide bénévole ou l’entraide familiale. Beaucoup de commerçants et d’artisans, même
inscrits formellement au registre du commerce, emploient des parents auxquels ils
accordent des rémunérations en nature et/ou en espèces, variables dans leur montant et
dans leurs formes (prise en charge directe de certaines dépenses occasionnelles). Le
lien familial ou conjugal n’étant pas un obstacle à l’existence d’un contrat de travail,
l’assujettissement à la sécurité sociale est liée à une requalification de leurs rapports,
qui n’est généralement demandée qu’en cas de rupture. Ainsi, des assujettis potentiels
du « secteur informel » échappent à l’affiliation à la sécurité sociale.

Une autre condition, d’ordre pratique, qui tient compte du montant de la


rémunération est l’exigence d’une rémunération au moins égale au SMIG. En réalité,
l’exigence du SMIG n’exclut pas l’assujettissement, mais l’affiliation effective, les
cotisations pour des sommes dérisoires présentant peu d’intérêt pour l’intéressé (pour
les prestations en espèce de l’assurance vieillesse en invalidité), mais surtout
occasionnant des charges de gestion disproportionnées pour la caisse. Si la « bonne »
ou le « boy » qui reçoit 10 000 F CFA par mois, ou le vendeur d’eau en sachet qui en
reçoit 5 000 F ne sont pas affiliés, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas assujettis selon
les critères de la subordination juridique et de la rémunération. Le « secteur informel »
est ainsi tacitement exclu pour rémunération insuffisante (du côté de la caisse) ou pour
ne pas déclarer des situations illégales (du côté de l’employeur). Les cotisations seront
assise sur le salaire minimum alors que, parfois l’employeur n’est pas à même de
rémunérer au SMIG3. Le secteur informel se caractérise, dans la majorité des cas, par
l’impossibilité de se mettre dans la légalité, et non pas par un principe de non
assujettissement à la sécurité sociale, même si beaucoup de ces activités n’entrent pas
dans le champ d’application.

Malgré ces aléas d’application, l’on considère que l’article 3 CSS, en tenant
pour indifférente la forme, la nature et même la validité du contrat, s’attache à
l’existence d’une convention (verbale ou écrite) ou contrat qui traduit un rapport de

1 Cass. soc. fr. 14 mars 1974, Rev. Trim. Dr. San. Soc.1974, 720 obs. R. Jambu-Merlin; cass. Soc. 18 juin 1969,
Dr. soc. 1970, 134, obs. N. Catala.-Franjou.
2 Voy. J. Y. DUPEYROUX, 14ème éd., op. cit., n°615, p. 461 et notes.
3
Si l’on considère la situation des « bonnes » et des « boys », le cadre moyen, qui touche autour de cent mille
(100 000) CFA ne peut pas rémunérer autrui au SMIG, qui est de vingt et huit mille sept cent soixante dix huit
(28778) francs, presque un tiers de son salaire. De même le vendeur d’eau, certes non payé au juste prix ne peut
être payé au SMIG parce qu’il absorberait la totalité du bénéfice.

482
subordination entre les parties, même si elle est tacite ou nulle1, le juge n’étant pas lié
par l’appellation donnée au contrat2.

530. Mais, même s’il n’y a pas une exigence de durée minimale pour être
assujetti, le caractère très précaire de l’emploi peut poser des difficultés d’application.
Il en est ainsi des travailleurs temporaires ou occasionnels pour lesquels l’article 3, al.
4, renvoie à un arrêté pour la détermination des modalités particulières nécessaires à
l’application.

L’expression « travailleur temporaire » s’entend, selon nous, non pas du


contrat à durée déterminée, mais du travailleur engagé pour assurer un bref intérim
d’un travailleur permanent (malade par exemple) ou du travailleur employé par
l’intermédiaire d’une agence de travail temporaire. Les travailleurs occasionnels sont
ceux visés par l’article 13 §I al. 2 : « tout contrat pour lequel le travailleur engage ses
services à l’heure ou à la journée pour une occupation de courte durée, n’excédant pas
une journée et est payé chaque jour durant la période du contrat… ». La précarité de
ces emplois n’empêche pas que ces travailleurs soient assujettis à la sécurité sociale
mais peut avoir des incidences sur les droits des intéressés, notamment au regard des
exigences d’un seuil minimum de cotisation pour bénéficier des prestations dans
certaines branches. L’arrêté d’application prévu à l’art 3 al. 4 CSS n’a pas été pris. La
pratique est que les travailleurs temporaires sont assujettis à toutes les branches et les
travailleurs occasionnels, par contre, sont assujettis aux branches des prestations
familiales et des risques professionnels3.

Le problème peut aussi se poser en ce qui concerne les religieux mais cette fois
sur la question de savoir si, .en ce qui concerne les religieux catholiques, le vœu
d’obéissance au supérieur est incompatible avec l’existence d’un contrat de travail.
Dans ses rapports avec la congrégation, il n’est pas assujetti à la sécurité sociale. Mais
lorsqu’il travaille hors de ce cadre, il peut être assujetti. L’essentiel est que l’on puisse
y dégager des rapports contractuels personnels de travail entre le religieux et un
employeur4.

C – LES ASSIMILATIONS LEGALES

531. Sont également assujettis à la sécurité sociale par assimilation aux


travailleurs salariés, selon l’article 3, al. 3 CSS, les élèves des écoles professionnelles
et les apprentis pour les branches et selon les modalités qui seront déterminées par
arrêté du ministre du travail, après avis de la commission consultative5. Les article 7 et
8 de l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1977 réglementant l’affiliation des
1 Civ. 1er décembre 1956, Bull. II n° 677.
2 Soc. 7 juin 1990, RJS 7/90, n° 611 ; soc 2. 4. 1992, RJS 5/92, 662.
3 Cf. Codes social, page 500 note 290.
4 V. J.J. DUPEYROUX, n° 613 et notes.
5 Notons que l’al. 2 de l’article 3 qui vise les salariés de l’Etat et les collectivités locales qui ne bénéficient pas d’un

régime particulier de sécurité sociale ne constitue pas une extension, mais un moyen d’éviter un vide juridique.

483
employeurs et l’immatriculation des travailleurs et autres assurés1 précisent que les
apprentis sont assujettis au régime des pensions alors que les élèves des écoles
d’enseignement technique et autres établissements de formation professionnelle sont
assujettis à la branche des risques professionnels. Ces assimilations n’appellent pas de
commentaires particuliers dans la mesure où elles sont de règle en matière de droit du
travail, notamment en ce qui concerne les apprentis.

En outre, conformément à l’article 4 CSS, peuvent demeurer dans le système


de sécurité sociale à titre d’assurés volontaires, les personnes qui ont été affiliées au
régime de sécurité sociale pendant un certain temps et qui ont cessé de remplir les
conditions d’assujettissement2.

Il faut remarquer que la législation burkinabè ne comporte pas de cas


d’extensions légales. On peut entendre par extension le fait pour la loi d’assujettir au
régime de sécurité sociale des personnes qui exercent une profession non salariée
(artistes auteurs d’œuvres littéraires, musicales, cinématographiques, etc.…) ou
n’exercent aucune profession (chômeurs, demandeur d’un premier emploi…) pour
lesquelles M. Chauchard parle d’affiliation par fiction3. Par contre, on peut parler
d’assimilation lorsque la loi opte de considérer comme travailleurs dépendants
assujettis au régime général de la sécurité sociale des personnes dont l’activité aurait
pu les faire considérer comme travailleurs indépendants (travailleurs à domicile,
porteurs de bagages dans les gares, présidents et directeurs généraux des sociétés
anonymes, artistes de spectacles). Et cela se comprend, dans la mesure où le système
de sécurité sociale n’est pas universel et que les assujettis légaux potentiels n’entrent
pas effectivement tous dans le système de sécurité sociale4.

Mais, il n’en demeure pas moins qu’une disposition expresse de la législation


aurait permis de clarifier la situation de certains travailleurs tels que les journalistes
pigistes.

A l’inverse de l’extension légale, le code de sécurité sociale français 5 établit


une présomption légale de non assujettissement pour certaines catégories de
personnes : personnes inscrites au registre du commerce, au répertoire des métiers… Il
s’agit d’une présomption simple qui peut être écartée si la subordination
juridique est établie6.

1 Cf. J.O.RHV du 10 février 1977, p. 11 ; Recueil, p. 529.


2 V. texte d’application : article 9 à 12 de l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1976 op. cit.
3 Op. cit., p. 118.
4 Sur les extensions légales en France, voyez J. Y. DUPEYROUX et autres, 14 ème éd., op. cit., pp. 465 et s.
5 Art. L. 311 – 11
6 J. Y. DUPEYROUX, op. cit., n° 619 et s.

484
§2 - L’immatriculation et l’affiliation
532. Les personnes assujetties au régime de sécurité sociale entrent
effectivement dans le système de sécurité sociale par la formalité de l’immatriculation.

L’immatriculation est l’opération administrative par laquelle une personne est


officiellement inscrite par la Caisse sur la liste des assurés sociaux. Elle se distingue
de l’affiliation en ce que celle-ci ne désigne pas une formalité à accomplir, mais la
situation de droit résultant de l’immatriculation. Le travailleur immatriculé est affilié,
c’est-à-dire rattaché à l’organisme de sécurité sociale et plus précisément à un service
déconcentré de la CNSS (Direction régionale, provinciale ou section). Mais la notion
d’affiliation peut être entendue dans deux sens : elle « désigne parfois le rattachement
obligatoire à un régime déterminé, avec un sens voisin de celui de
l’assujettissement, parfois le lien qui se noue entre l’assuré et la caisse dont il
dépend »1. C’est dans le sens voisin de l’assujettissement que l’article 1er de l’arrêté
n°1317 du 24 décembre 1976, réglementant l’affiliation des employeurs
l’immatriculation des travailleurs et autres assurés au régime géré par la caisse
nationale de sécurité sociale et les obligations incombent aux employeurs dans le
fonctionnement de ce régime dispose : « est obligatoirement affiliée à la Caisse
nationale de sécurité sociale en qualité d’employeur, toute personne physique ou
morale, publique ou privée, occupant un ou des travailleurs… »2 .

Aussi bien l’employeur que le travailleur doivent être immatriculés à la CNSS.

A – L’IMMATRICULATION DES EMPLOYEURS

533. Tout employeur occupant un ou plusieurs travailleurs est assujetti à la


sécurité sociale. Il est tenu d’adresser à la Caisse une demande d’immatriculation
établie sur un imprimé fourni par la Caisse dans les 8 jours qui suivent, soit
l’ouverture ou l’acquisition de l’entreprise, soit le premier embauchage d’un salarié
lorsque cet embauchage n’est pas concomitant au début de l’activité. La CNSS lui
délivre un numéro d’affiliation. Une formalité simplifiée d’immatriculation est prévue
en faveur des employeurs de gens de maison3. L’absence de demande
d’immatriculation est une infraction pénalement et civilement sanctionnée.

1 Voy J. Y. DUPEYROUX, op. Cit. 14ème éd., n° 643, p. 478.


2 Voy. J.O.RHV du 10 février 1977, p. 71, Code social, p. 529.
3 Voy. Les articles 2 et 3 de l’arrêté n°1317 du 24 décembre 1976, Code social, p. 529.

485
B – L’IMMATRICULATION DES TRAVAILLEURS

534. C’est par l’immatriculation que la personne obligatoirement assujettie à la


sécurité sociale devient un assuré social. Ceci montre qu’il peut y avoir un écart
numérique entre les personnes assujetties à la loi et les personnes effectivement
immatriculées et ayant la qualité d’assurés. Par ailleurs, une différence doit être faite
entre les personnes assurées et les personnes protégées : cette dernière catégorie
comprend les travailleurs assurés et les membres de leurs familles. Les membres de la
famille sont, par exemple, protégés contre le « risque décès », pour l’assuré ayant
cotisé à la branche des pensions d’invalidité, vieillesse et décès.

L’accomplissement de la formalité de demande d’immatriculation du


travailleur incombe à l’employeur. Il revient à celui-ci, lors de l’engagement du
travailleur, de s’assurer que ce dernier dispose d’un carnet de travail et, à défaut, de
demander l’immatriculation. Cette demande doit être faite dans le mois suivant
l’engagement. La CNSS attribue au travailleur un numéro matricule à 13 chiffres et un
carnet de travail unique destiné à consigner l’identité du travailleur, le numéro
d’immatriculation et les renseignements essentiels sur ses périodes d’emploi.
L’affiliation prend effet à la date de l’engagement et non à celle de l’immatriculation.

L’immatriculation est une formalité accomplie une fois pour toutes. Elle n’a
pas à être renouvelée car l’assuré conserve le même numéro quels que soient les
changements intervenus d’employeurs ou de lieux de travail. Par exemple, lorsqu’il
perd son emploi, il conserve son numéro d’immatriculation, mais il peut être radié de
la liste des bénéficiaires de prestations s’il n’a pas contracté une assurance volontaire
(assurance facultative continuée). Même l’assuré volontaire conserve son numéro
d’immatriculation du régime obligatoire.

Quelques dispositions particulières sont prévues en ce qui concerne les


apprentis et élèves des écoles professionnelles1 et les transporteurs routiers2.
L’institution d’une carte de transporteurs routiers vise certainement à renforcer
l’obligation d’immatriculation pour cette catégorie de travailleurs, très exposés aux
accidents de travail notamment les accidents de la circulation. Les transporteurs
doivent être détenteurs de leurs cartes à l’exception des conducteurs propriétaires. La
présentation de cette carte est exigée lors des contrôles de police. Les apprentis et
élèves des écoles professionnelles sont immatriculés seulement à quelques branches
de la sécurité sociale : aux branches des pensions et des risques professionnels pour
les apprentis ; à la branche des risques professionnels pour les élèves des
établissements d’enseignement technique, des centres d’apprentissage et des centres
de formation professionnelle, publics ou privés qui peuvent être immatriculés et

1 V. Articles 7 et 8. de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre 1976, Code social, p. 531.


2 Décret n° 98-057 du 18 mars 1998, J.O.BF du 02 avril 1998, p. 3404.

486
bénéficient, en particulier, des dispositions relatives aux accidents de travail et à ceux
survenus par le fait ou à l’occasion de l’enseignement ou de la formation1 .

1 V. article 8 du décret 1317 du 24 décembre 1976.

487
CHAPITRE II - L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE
ET FINANCIERE DE LA SECURITE SOCIALE

535. L’étude de l’organisation administrative et financière de la sécurité


sociale burkinabè est nécessairement axée sur celle de la Caisse Nationale de Sécurité
Sociale, dans la mesure où le système repose sur l’unicité : unité dans la gestion
administrative du système, même s’il faut tenir compte du rôle des administrations
chargées de la tutelle ; unité dans la gestion financière, avec certes des aménagements
nécessités par le besoin de transparence et de bonne gestion des branches du régime de
sécurité sociale. Il existe des organismes particuliers – CARFO, OST – qui font
parties de la politique de protection sociale, mais on s’intéressa, ici, à l’organisation
administrative dans laquelle évolue la CNSS et aux problèmes de gestion financière
du régime.

SECTION I - L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE

536. L’organisation administrative de la sécurité sociale est marquée par la


recherche du compromis entre la gestion étatisée et ses origines d’institution privée.
L’aménagement du cadre institutionnel et l’organisation et le fonctionnement de la
CNSS traduisent ce compromis.

§ 1 - Le cadre institutionnel
Trois traits peuvent illustrer ce compromis institutionnel : l’autonomie et la
gestion participative ; le statut juridique de la CNSS et la tutelle.

A – L’AUTONOMIE ET LA GESTION PARTICIPATIVE

537. La sécurité sociale peut être organisée selon un modèle libéral, dans
lequel elle est organisée et gérée par les intéressées, ou selon un modèle étatique. Ces
solutions tranchées n’ont pratiquement plus cours parce que, d’une part, les problèmes
de protection sociale sont d’une telle ampleur que l’Etat ne peut plus être tenu à l’écart
et, d’autre part, une gestion purement étatique ne peut se concevoir que dans un
système de sécurité sociale entièrement subventionnée par l’impôt. Dans un système
de sécurité sociale reposant sur la solidarité professionnelle, dont l’organisation est
prise en main par l’Etat, la gestion participative apparaît indispensable : elle permet
d’exprimer la co-responsabilité de l’Etat et des cotisants sur la bonne marche de
l’institution, notamment par le contrôle que ces derniers peuvent exercer sur la gestion
des fonds et les investissements réalisés. Or il ne peut y avoir véritable participation
sans une certaine autonomie de l’institution.

Le cadre institutionnel a donc un caractère mixte : une structure publique,


unique, qui présente les avantages de la simplicité et d’une certaine économie en coût
488
de gestion par rapport aux systèmes à pluralité de structures de gestion comme en
France ou en Belgique ; une autonomie de gestion renforcée par la participation des
travailleurs et employeurs - selon le principe de tripartisme – aux différents niveaux
de décision, dans le style de la mutuelle de droit privé.

Ce système mixte n’est tout de même pas sans inconvénients : le contrôle de


l’Etat peut-être trop pesant ou inefficacement exercée ; et les partenaires (employeurs
et travailleurs) peuvent faire preuve de responsabilité ou de démagogie dans leurs
prises de position1.

La recherche de l’équilibre entre l’autonomie et le contrôle étatique se reflète


dans le statut juridique de la CNSS.

B – LE STATUT JURIDIQUE DE LA CNSS

538. La CNSS est aujourd’hui un établissement public à caractère industriel et


commercial doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle est régie
par le Kiti n° An VI – 024 du 18 avril 1989, successivement modifié par le Kiti An
VIII – 273 bis du 4 avril 1991 et le décret n° 93-211/PRES/ETSS du 15 juillet 19932.

Mise à part sa structure devancière – la Caisse territoriale de compensation des


prestations familles - autour de laquelle s’est greffée les autres branches de sécurité
sociale pour donner la Caisse de prévoyance sociale qui avait le statut d’organisme
privé puisqu’elle fonctionnait « conformément aux dispositions de la loi du 1er avril
1898 sur les sociétés de secours mutuels »3, la CNSS a depuis la loi de 1972 le statut
d’établissement public. Mais la caractérisation de cet établissement public a beaucoup
varié dans le temps, marquant les difficultés à trouver le statut juridique adéquat.

Ainsi la loi n° 13-72 AN du 28 décembre 1972 portant code de sécurité sociale


et créant directement la CNSS ne précisait pas le caractère administratif ou industriel
et commercial de l’établissement4. La caisse semble avoir été considérée comme un
établissement public à caractère social, par analogie au système français, donc très
proche de l’Etablissement public à caractère administratif.

1 Par exemple, la démagogie peut consister à militer pour la hausse des prestations et la baisse des cotisations sans
trop d’égard pour l’équilibre du régime.
2 Voy. JOBF du 20 avril 1989, p. 761 ; JOBF du 20 juin 1991, p. 815 et JOBF du 15 juillet 1993, p. 1069 ; Code

social, pp. 562 et s. Voyez également la décision n° 93-380 du 4/1/1993 du Directeur général de la CNSS portant
composition, organisation et fonctionnement de la CNSS.
3 La Caisse territoriale de compensation des prestations familiales créée en 1955 par l’arrêté n° 1029/ITLS/HV du

6/12/1955 est successivement devenue, Caisse de compensation des prestations familiales et des accidents du
travail par la loi n° 3/59 du 30 janvier 1959 et « Caisse de Prévoyance sociale » après l’adjonction de la branche
des pensions pars la loi n° 78/60/AN du 6/10/1960.
4 Ce silence apparaît normal à l’époque puisque c’est à partir de l’ord. de 1974 que seront précisées préciser les

catégories d’établissements publics en application de la constitution de 1970 (art. 71) qui réserve à la compétence
législative la création de catégories d’établissements publics.

489
Avec l’ordonnance n° 3 du 26 coût 1974 créant les catégories des
établissements à caractère administratif, à caractère industriel et commercial et à
caractère spécifique1. La CNSS fut classée dans cette catégorie fourre-tout d’E.P.S.,
qui recevait en réalité une diversité d’organismes, principalement ceux ayant un objet
financier, professionnel, scientifique et culturel2. Les catégories d’établissements
publics furent refondues en 1982 et en 1984 avec la création des catégories de l’EPA,
de l’EPIC et de l’Etablissement Public à caractère Professionnel (EPP), mais la CNSS
semble avoir fonctionné, sans reclassement officiel, comme un EPA jusqu’en 1989.

Cette classification de la CNSS dans la catégorie d’EPIC se fonde plus sur des
raisons pratiques que par « l’accomplissement habituel d’actes de commerce » selon
les exigences du caractère « industriel et commercial » dans l’ordonnance 84-58 du 15
août 1984 relative aux catégories d’établissements publics : la caisse investit et prend
des participations dans les entreprises et le statut d’EPA apparaît à cet égard trop
étroit. Celui d’EPIC lui laisse plus de latitude dans la gestion de ses réserves. L’EPP
ne semble pas non plus convenir en raison de son objet qui est la « représentation
et/ou l’organisation de membres d’une profession ».

Le statut d’EPIC a au moins l’avantage d’allier l’idée d’autonomie à celle de


service public. La mission de service public ou sa « mission sociale » de gérer et
servir des prestations venant de cotisations de nature parafiscale peut justifier la
qualification d’établissement public, d’où l’application d’une certaine dose de droit
public. Le régime juridique de l’EPIC lui procure une autonomie de fonctionnement
plus proche de celle des entreprises privées : il fonctionne en principe selon les règles
et usages du commerce et sa comptabilité est tenue dans la forme commerciale.

Mais ces avantages sont restés très souvent théoriques : la preuve en est que la
législation actuelle marque une défiance certaine à l’égard de l’EPIC, dont la catégorie
devait s’éteindre par reclassement des EPIC existants soit dans les EPA soit dans les
sociétés d’Etat (S.E.).

La CNSS reste, avec la CARFO, parmi les rares entreprises publiques à arborer
l’habit d’EPIC et ce fait illustre bien toute la difficulté à lui trouver un statut juridique
pleinement adapté.

§ 2 - Les organes de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale


Les organes de la Caisse comprennent : le conseil d’administration et la
direction générale. On devrait y ajouter l’assemblée générale des sociétés d’Etat qui,

1 Voy. SAWADOGO F.M. et KIEMDE P., La réforme du droit des entreprises publiques voltaïques par les
ordonnances du 1er juin 1982, RVD n° 4, juin 1983, p. 119.
2 Voy. article 88 du décret 74 ; 295 du 26 août 1974, ibid.

490
comme son nom ne l’indique pas, coiffe aussi les établissements publics1. Mais en
réalité cette assemblée générale n’est pas un organe propre à chaque entreprise mais
un moyen d’exercice de la tutelle gouvernementale sur les sociétés à capitaux publics2
et les établissements publics. Il sera donc question des organes propres de la C.N.S.S.

A – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION

539. Le conseil d’administration (C.A.) est composé selon le principe du


tripartisme recommandé par l’O.I.T. en matière sociale : Etat – employeurs –
travailleurs. Suivant le décret n° 93-211 du 15 juillet 1993, le C.A. compte 12
membres dont 4 représentants de l’Etat, 4 représentants des employeurs et 4
représentants des travailleurs dont un représentant du personnel de la CNSS. Les
représentants des travailleurs et des employeurs sont présentés par les organisations
syndicales les plus représentatives3, à raison d’un nombre double de celui des postes à
pourvoir. Les représentants de l’Etat sont composés de deux représentants du
ministère chargé de la sécurité sociale, un représentant du ministère chargé de la santé
et un représentant du ministère chargé des finances. Les membres du conseil
d’administration sont nommés par décret pris en conseil des ministres pour un mandat
de trois ans renouvelable une seule fois.

On remarque que l’Etat est représenté pour un tiers des membres et les
travailleurs et employeurs pour deux tiers. Cette répartition est censée privilégier le
rôle des organisations professionnelles dans la gestion du régime de sécurité sociale.
Mais l’Etat y joue le rôle de véritable arbitre, si ce n’est le décideur principal. Sa
position est renforcée par le fait qu’il désigne indirectement le président du conseil
d’administration et nomme discrétionnairement le directeur général.

Le conseil d’administration est l’organe délibérant qui connaît des principales


questions touchant le fonctionnement et la gestion de l’établissement. Ses attributions
sont essentiellement de :

1 Voyez les articles 1 et 2 du décret n° 2000-192/PRES/PM/MCIA/ME du 17 mai 2000 portant organisation de


l’assemblée générale des sociétés d’Etat, J.O.BF n°22 du 1 er juillet 2000, p. 3947. Ces articles visent aussi les
établissements publics à caractère administratif. Selon l’article 13 du même texte « à titre transitoire, les
établissement publics à caractère industriel et commercial qui n’auraient pas été transformés soit en société
d’économie mixte, soit en société d’Etat, soit en établissement à caractère administratif conformément aux lois et
règlements en vigueur, sont soumis aux dispositions du présent décret ». L’existence de l’EPIC en tant que
catégorie d’établissement public est considérée comme provisoire depuis le décret n° 92-308/PRES/MCIM du 30
octobre 1992 organisant pour la première fois l’assemblée générale des sociétés d’Etat.
2 Voyez la loi n°025/99/AN du 16 novembre 1999 portant réglementation générale des sociétés à capitaux publics,

J.O.BF n° 52 du 30 décembre 1999, p. 2898.


3 La représentativité est appréciée selon la réglementation du travail. La question peut se poser de savoir si les

représentants des travailleurs doivent être des assurés sociaux et non des fonctionnaires dirigeants de syndicats
représentatifs au niveau national. Aucune disposition ne le spécifiant, la réponse peut consister à privilégier la
représentativité dans le secteur privé ou résider dans le choix des candidats présentés en nombre doubles des postes
à pourvoir.

491
- voter le budget et approuver les comptes financiers, les conditions
d’émission des emprunts et les propositions d’affectation des résultats de
l’exercice ;
- prendre les mesures destinées à faire appliquer les textes législatifs,
réglementaires ou administratifs relatifs à la sécurité sociale ;
- autoriser le directeur général à contracter des emprunts et à passer des
marchés ;
- fixer les statuts des agents contractuels ;
- déterminer le programme de placement des fonds et décider des
acquisitions ou aliénation d’immeubles, etc.

Les décisions du Conseil d’administration sont soumises à l’approbation des


autorités de tutelle (Ministre chargé du Travail et Ministre des finances et du budget)
notamment celles relatives à l’adoption du budget, aux programmes de placement des
fonds et aux comptes des résultats qui doivent recueillir l’avis du Ministère chargé des
finances. D’une manière générale, les délibérations du conseil d’administration
deviennent exécutoires, soit par avis de non opposition des ministres de tutelle, soit
par l’expiration d’un délai de quinze jours à partir de la date de dépôt au cabinet des
ministres1. Le Ministère du travail, qui est le Ministère de tutelle technique, dispose du
délai de 15 jours pour suspendre les décisions qu’il estime contraires aux lois et
règlements en vigueur ou de nature à compromettre l’équilibre financier du régime de
sécurité sociale. Passé ce délai, les délibérations deviennent exécutoires, l’approbation
étant considérée comme tacitement accordée. En cas d’opposition, le Ministère doit
statuer dans le délai d’un mois à partir de la date de l’opposition.

L’organisation interne du Conseil d’administration diffère quelque peu du


schéma standard des Conseils des établissements publics, et ce fait traduit une plus
grande autonomie de la CNSS. Le Conseil d’administration comprend comme
structures internes : le Président du Conseil, la commission interne de contrôle et la
commission permanente.

Le président du Conseil d’administration (PCA) est élu par le Conseil parmi


les deux membres qui représentent le ministère de tutelle technique, c’est-à-dire le
ministère chargé de la sécurité sociale. Les textes actuels ont essayé de responsabiliser
les présidents des Conseils des établissements publics en leur faisant obligation de
séjourner pendant un certain temps dans l’établissement et de faire des rapports
périodiques ou circonstanciés au ministre de tutelle technique. Il répond
personnellement des défaillances de fonctionnement telles que la non tenue des

1Article 15 du kiti n°An VI du 13 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de la CNSS modifié par le
kiti An VII 273 bis du 4 avril 1991 et le décret 93-211 du 15 juillet 1993, J.O.BF du 15 juillet 1993, p. 1069, Code
social, p.562.

492
réunions des instances de l’institution ou la non élaboration des rapports et comptes
financiers à soumettre à l’Assemblée générale des sociétés d’Etat1.

Le président du Conseil est épaulé dans sa mission de veiller à la régularité et à


la moralité de la gestion par la commission permanente2.

540. Institué au sein du conseil, la commission permanente est chargée de


surveiller l’exécution des décisions du Conseil, de décider pour le compte du Conseil
lorsqu’elle en a reçu délégation et éventuellement de donner son avis sur un point
particulier. Elle peut recevoir toute autre attribution par délégation accordée par le
Conseil et est habilitée à prendre, en cas d’urgence, les décisions nécessaires pour
assurer le bon fonctionnement de la CNSS. Elle doit faire un rapport de ses décisions
et avis à la prochaine session du Conseil. La commission permanente est composée :

- du PCA,
- d’un représentant du syndicat des employeurs,
- d’un représentant du syndicat des travailleurs,
- du représentant du personnel de la CNSS membre du conseil
d’administration.

Il est également institué au sein du Conseil d’administration une commission


de contrôle interne3 chargée de surveiller l’exécution du budget, de vérifier la
comptabilité et d’examiner les comptes annuels de l’agent comptable de la CNSS. Elle
procède au moins une fois par an à une vérification, à l’improviste, de caisse et de
comptabilité. Cette commission est composée du représentant du Ministre chargé des
finances, d’un représentant des organisations de travailleurs et d’un représentant des
organisations d’employeurs désignés pour trois ans par le conseil d’administration.

En outre, le Conseil d’administration constitue en son sein une commission de


recours gracieux chargée de statuer sur les réclamations adressées à la Caisse et de
notifier aux intéressés la décision prise. Cette commission est composée de deux
représentants des travailleurs, de deux représentants des employeurs et du président du
Conseil d’administration. Les représentants des travailleurs et des employeurs sont
désignés pour un an par le Conseil d’administration alors que le président du Conseil
d’administration en est membre de droit.

L’action de cette commission permanente de contrôle n’exclut pas les autres


formes de contrôles qui pèsent sur les établissements publics. Ainsi, la Caisse est
soumise au contrôle de deux commissaires aux comptes et aux autres corps de
contrôle de l’Etat que sont : l’Inspection générale d’Etat, l’Inspection des finances et

1 Cf. Le décret n° 2000-190 du 17 mai 2000 portant attributions des présidents de conseil d’administration des
entreprises publiques et sociétés à participation majoritaire de l’Etat, J.O.BF n° 22 du 1 er juin 2000, p. 3944.
2 Art. 18, alinéa 1, des statuts particuliers de la CNSS.
3 Article 18, alinéa 2, des statuts particuliers

493
le contrôle juridictionnel de la Cours des comptes. Les commissaires aux comptes, au
nombre de deux, sont chargés de contrôler la gestion du Directeur général pour le
compte du C.A. Ils ne doivent pas être des administrateurs. Ils sont choisis l’un par le
Ministre des Finances, l’autre par le conseil d’administration pour un mandat de trois
ans renouvelable. Ce mandat est renouvelable une seule fois si c’est un cadre de
l’administration.

Notons que la comptabilité de la Caisse est tenue dans les formes de la


comptabilité commerciale conformément aux usages du commerce (article 22 des
statuts particuliers) mais le plan comptable doit être approuvé par arrêté du Ministre
chargé des finances. Pat ailleurs, malgré son statut d’EPIC (en principe provisoire),
qui en fait un commerçant ou tout au moins un organisme soumis au droit
commercial, la Caisse bénéficie d’un régime fiscal de faveur qui l’exempte de l’impôt
sur les bénéfices industriels et commerciaux, de la taxe de prestations de service pour
les prestations prévue par le code de sécurité sociale et de l’impôt sur le revenu des
créances de dépôt1.

B – LA DIRECTION GENERALE

541. La CNSS est dirigée par un directeur général nommé par décret en conseil
des ministres sur proposition conjointe des ministres chargés de la sécurité sociale et
des finances pour un an renouvelable2. Il détient les pouvoirs les plus étendus pour
agir au nom du conseil d’administration. Il est chargé d’organiser le travail des
services de la caisse, de gérer le personnel3, d’élaborer le projet de budget, de
représenter la Caisse dans les actes de la vie civile.

La Direction Générale est une administration assez lourde comprenant :

- Le secrétariat général et 7 services centraux : direction des ressources


humaines ; direction du recouvrement et du contentieux ; direction
administrative, financière et comptable ; direction de l’informatique et de
la statistique ; direction des investissements et de la gestion immobilière,
direction de la prévention et de l’action sanitaire et sociale ; direction
centrale des prestations ;
- 5 directions régionales : Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Dédougou,
Ouahigouya, Fada N’Gourma ;
- 2 services provinciaux : Banfora, Koudougou ;
- 4 sections locales : Diébougou, Kaya, Dori, Tenkodogo ;
- 4 guichets : Tougan, Gaoua, Poura, Pama.

1 Article 96 CSS.
2 Cette disposition relative à la durée du mandat est sans grande conséquence pratique parce que les directeurs
généraux des établissements publics sont discrétionnairement remplacés.
3 La Caisse comptait 766 agents au 31 décembre 2002. Cf. Annuaire statistique n° 10, édition 2002.

494
La déconcentration spatiale en directions régionales, services provinciaux et
sections locales ou guichets peut paraître insuffisante mais elle est en rapport avec la
répartition des salariés sur le territoire national. Il serait nocif d’alourdir
excessivement les charges administratives par la création de services qui ne
couvriraient qu’un nombre insignifiant d’assurés sociaux1. La bonne gestion
financière est, en effet, un élément primordial de la mission de la Caisse.

§ 3 - La tutelle
542. La tutelle exprime le compromis entre autonomie et étatisme. L’Etat
exerce son contrôle, certains diraient sa mainmise, à travers la tutelle. Beaucoup plus
que le contrôle que l’Etat exerce sur tout organisme, même privé, ne serait-ce que du
point de vue fiscal, la tutelle exprime le droit de regard de l’Etat sur la gestion, le
fonctionnement et la manière dont l’organisme accomplit sa mission ou son objet. Le
contrôle de tutelle s’oppose au contrôle hiérarchique qui suppose juridiquement une
absence d’autonomie parce qu’elle s’opère à l’intérieur de la même personne morale.
Le mot tutelle est critiqué pour sa connotation péjorative2, notamment en matière de
décentralisation territoriale mais il permet de différencier les types de contrôle.
S’agissant des établissements publics, ce contrôle est théoriquement plus étroit par
rapport à celui exercé sur des organismes privés ou de droit privé (société d’Etat,
SEM). Cela se vérifie en ce qui concerne l’organisme de sécurité sociale, mais celui-ci
bénéficie de mécanismes particuliers d’aménagement de son autonomie de décision,
notamment en matière de gestion financière.

La CNSS est soumise, comme tous les établissements publics, à trois types de
tutelle : la tutelle technique, la tutelle financière et la tutelle de gestion3.

A – LA TUELLE TECHNIQUE

543. La tutelle technique ou administrative est assurée par le Ministère du


Travail de l’Emploi et de la jeunesse4. Ce ministère était dénommé ministère de
l’emploi, du travail et de la sécurité sociale. La nouvelle dénomination correspond à
une adjonction de la « jeunesse » dans les attributions du ministère. Elle a pour effet
de rendre peu visible la question de sécurité sociale, ce qui risque de la marginaliser
de fait.

1 Par exemple les directions régionales de Dédougou, de Fada N’gourma et de Ouahigouya comptent
respectivement 1011, 1378 et 1699 pensionnés en 2002 contre 14102 pensionnés pour la direction régionale de
Ouagadougou et 10008 pour celle de Bobo-Dioulasso. Source : Annuaire, 10e édition, tableau 3.1.2., p. 34. Voyez
aussi tableau 1.3.9 sur la répartition des cotisations par direction régionale.
2 Voy. Y. St -JOURS, t. 1, p. 113.
3 Voyez, article 3 du kiti An VI-0240/FP/Trav. du 18 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de la

CNSS modifié par le décret 93-211 du 15 juillet 1993, JOBF du 15 juillet 1993, p. 1063, Code social, p. 562.
4 Voyez le décret n° 2002-465/PRES/PM/MTEJ du 28 octobre 2002, portant organisation du Ministère du Travail,

de l’emploi et de la jeunesse, JOBF n°1 du 02 janvier 2003, p. 2134 à 2140.

495
Au delà de la tutelle proprement dite sur l’organisme de sécurité sociale, ce
ministère est chargée : « de l’élaboration et de la révision des textes législatifs et
réglementaires relatifs à la protection sociale des travailleurs salariés et de leurs
familles ; de l’interprétation et du contrôle de l’application des normes, lois et
règlements en matière de sécurité sociale, de santé au travail et d’hygiène
professionnelle »1.

Cette attribution est exercée à travers la direction générale du travail et de la


sécurité sociale chargée, entre autres : « d’élaborer, de suivre et d’évaluer la politique
en matière de travail, de sécurité sociale et de sécurité et santé au travail ; de participer
aux instances où sont discutés les problèmes de travail, de sécurité sociale et de santé
au travail… ». Il est créé une « direction de la sécurité sociale et des mutualités au sein
de cette direction générale. La structure apparaît légère par rapport aux autres services
du ministère, reflétant le fait que l’essentiel du rôle est assumé par la CNSS. C’est par
cette direction que s’exerce la tutelle sur la CNSS. Cette tutelle porte à la fois sur les
actes et sur les personnes et peut être a priori ou a posteriori. Elle a pour but de veiller
à ce que l’activité de l’établissement s’insère dans le cadre des objectifs fixés par le
gouvernement.

La tutelle sur les personnes est assez forte et, en tout cas, fait l’objet de
plusieurs dispositions dans les statuts particuliers et dans les textes relatifs aux
établissements publics. Elle s’exprime en termes de pouvoir de nomination et de
sanction et à travers la représentation de l’Etat au Conseil d’administration. Ainsi, les
membres du Conseil d’administration sont nommés par décret, y compris ceux
désignés par les organisations d’employeurs et de travailleurs 2. Le directeur général
est également nommé par décret, de manière discrétionnaire3. Le pouvoir de sanction
se fonde sur la responsabilité individuelle ou collective des dirigeants devant le
gouvernement : le Conseil d’administration est responsable devant le Conseil des
ministres et ses membres peuvent être individuellement ou collectivement révoqués
par décret sur proposition d’un des ministres de tutelle4 ; le président du C.A. est
personnellement responsable devant le Conseil des ministres qui peut le démettre de
ses fonctions et le dessaisir de son mandat d’administrateur5 ; de même, il peut être
mis fin aux fonctions du directeur général sur proposition du C.A. ou de l’un des
ministres de tutelle.

La tutelle sur les actes semble revêtir une certaine souplesse : « les
délibérations du Conseil d’administration deviennent exécutoires, soit par un avis de
non opposition des ministres de tutelle, soit par l’expiration d’un délai de quinze (15)
jours à partir de la date de dépôt aux Cabinets des ministres ». Ainsi, il n’est pas
1 Art. 11, 2) du décret 2002-255/PRES/PM du 18 juillet 2002 portant attributions des membres du gouvernement,
JOBF n° 32 du 8 août 2002, p. 1147.
2 Article 5 des statuts particuliers de la CNSS.
3 Article 19 des statuts particuliers.
4 Article 9 des statuts particuliers.
5 Art. 17, 1er des statuts particuliers.

496
évoqué un pouvoir d’autorisation1 qui soumettrait à autorisation préalable
l’acceptation de dons et legs avec charges ou donnant lieu à réclamation des familles,
ni un pouvoir d’approbation préalable de l’autorité de tutelle. Mais le pouvoir de
s’opposer à une délibération peut être exercé en se fondant sur des raisons d’illégalité
ou d’inopportunité. L’exercice de la tutelle peut donc porter sur la légalité ou sur
l’opportunité des actes.

B – LA TUTELLE FINANCIERE

544. La tutelle financière a pour objectif de « veiller à ce que l’activité de


l’établissement s’insère dans le cadre de la politique financière du gouvernement ».
Elle est exercée par le Ministre des finances et du budget, mais rien n’empêche le
ministre de tutelle technique de relever une décision financière illégale ou
inopportune. Le Ministère des finances et du budget dispose de divers moyens de
contrôle sur l’organisme : il est représenté au Conseil d’administration et dans les
organes de contrôle interne ; il est destinataire des rapports périodiques de gestion
institués et des comptes financiers approuvés par le Conseil d’administration2.

C – LA TUTELLE DE GESTION

545. La tutelle de gestion a pour objectif, selon l’article 5 du décret 84-304 de


« veiller à ce que la gestion de l’établissement soit la plus saine et la plus efficace
possible ». Elle est exercée par le Ministère chargé des sociétés d’Etat3, actuellement
le Ministère chargé du commerce et de la promotion de l’entreprise. Elle est difficile à
dissocier de la tutelle financière, sauf à considérer que le respect des réglementations
en matière de gestion financière ne suffit pas à atteindre une « gestion saine et
efficace ». Cet objectif nécessite souvent la prudence mais parfois la prise de risque ou
de décisions douloureuses de restructuration.

En réalité, la tutelle de gestion est principalement exercée à travers


l’Assemblée générale des sociétés d’Etat à laquelle ont été soumis les EPIC4. L’EPIC
y était soumis à titre transitoire, selon l’article 11 du 1er décret 92-308 du 30 octobre
1992 portant organisation de l’Assemblée générale des sociétés d’Etat. D’ailleurs,
l’article 66 du décret 99-51 du 5 mars 1999 portant statut général des EPA dispose
également que « les établissements publics de l’Etat à caractère administratif
présentent annuellement à l’Assemblée générale des sociétés d’Etat leurs rapports

1 Sauf à se référer à l’article 23 du décret 84-304 portant statut général des EPIC.
2 Art. 33 du décret 84-304 du 15 août 1934 portant statut général des EPIC. Il est important de souligner que les
textes généraux de 1984 sur les établissements publics ont été modifiés mais pas tous abrogés. Seuls ceux portant
sur les EPA ont été abrogés par la loi 039/98/AN du 30 juillet 1998 portant réglementation des établissements
publics de l’Etat à caractère administratif, J.O.BF n° 37 du 10 septembre 1998, p. 5913, et le décret 99-51 du 5
mars 1999 portant statut général des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, Code public et
administratif, p. 975.
3 Article 7 de l’ord. 84-58 du 15 août 1984 portant réglementation générale des établissements publics de l’Etat.
4 Voy. l’article 1er du décret 2000-192 du 17 mai 2000 portant organisation de l’A.G. des S.E.

497
d’activités et leurs comptes financiers ». Cette Assemblée générale est composée du
conseil des ministres élargie aux présidents des conseils d’administration, aux
directeurs généraux, aux commissaires aux comptes, aux représentants des institutions
nationales, aux directeurs techniques des départements ministériels, aux représentants
du personnel ainsi qu’à toute personne physique ou morale dont l’avis est susceptible
d’éclairer les débats1.

Mais ce contrôle se fait aussi à travers des rapports périodiques relatifs au


budget, à la trésorerie, à l’inspection interne des services de l’établissement public,
sans préjudice du bilan et des rapports annuels. Copies de ces documents doivent être
adressés au Ministre chargé des Sociétés d’Etat2.

L’article 35 al. 2 du décret 84-304 du 15 août 1984 précise que les EPIC « sont
suivis en permanence et peuvent être contrôlés à tout moment par les services
techniques du ministère chargé de leur tutelle de gestion ». Il s’agit d’une disposition
générale qui ne vise pas spécialement la CNSS, mais elle montre les possibilités de
contrôles multiples qui pèsent sur les établissements publics : le ministère chargé des
entreprises publiques et le ministère des finances, à travers l’Inspection générale de
finances, peuvent exercer des contrôles à tout moment.

A ces différents contrôles des ministères de tutelle s’ajoutent les contrôles des
différents corps de contrôle de l’Etat, en vertu de l’article 35 de l’ord. 84-58 du 15
août 1984 qui dispose que « les établissement publics à caractère industriel et
commercial sont soumis aux vérifications des différents corps de contrôle habilités à
cet effet » et, de l’article 2 des statuts particuliers de la CNSS qui soumet celle-ci à la
réglementation sur les établissements publics. Ces corps de contrôle sont assez
nombreux. Les principaux sont : l’Inspection générale des finances, l’Inspection
générale d’Etat, la Cour des comptes et, plus récemment, la Haute Autorité de
Coordination de la Lutte contre la Corruption (HACLC).

L’Inspection générale des finances est le bras du Ministère des finances pour
l’exercice de la tutelle financière puisqu’elle assure également (C’est-à-dire outre le
contrôle de tous les services financiers, fiscaux et comptables de l’Etat et des
collectivités territoriales) « …le contrôle de la gestion financière des projets, des
établissements publics, sociétés d’Etat, sociétés d’économie mixte, et de toutes les
sociétés dans lesquelles l’Etat possède des participations, des établissement privés qui
reçoivent des subventions de l’Etat et d’une manière générale de toutes les structures
qui reçoivent, détiennent ou gèrent des deniers publics ».3.

1 Art. 3 du décret 2000-192 du 17 mai 2000 portant organisation de l’A.G. des S.E., J.O.BF du 1 er juin 2000, p.
3947 ; Code public et administratif t. 8 vol. 2, p. 969.
2 Cf. article 33 de l’ord. 84-58 du 15 août 1984 et article 16 du Kiti An VI – 240 du 13 avril 1989 portant

approbation des statuts particuliers de la CNSS.


3 Article 7 du décret n° 95-124 du 30 mars 1995 portant organisation du ministère de l’économie, des finances et

du plan.

498
L’Inspection générale d’Etat est un corps de contrôle et d’enquête placé sous
l’autorité du premier ministre. Son contrôle est à la fois financier et de gestion : elle
est chargée « de contrôler dans tous les services publics de l’Etat, des collectivités
publiques locales, des établissements et tout organisme investi d’une mission du
service public, l’observation des textes législatifs et réglementaires qui en régissent le
fonctionnement administratif, financier et comptable ; d’étudier la qualité du
fonctionnement et de la gestion des services ;… »1.

La Cour des comptes exerce un contrôle juridictionnel des finances publiques.


Elle s’assure de la régularité des recettes et des dépenses des organismes contrôlés
mais aussi, « elle vérifie et apprécie le bon emploi des crédits et la gestion de
l’ensemble des organismes soumis à son contrôle »2. L’article 9 de la loi n° 14-2000
du 16 mai précise qu’elle « contrôle les institutions de sécurité sociale y compris les
organismes de droit privé qui assurent en tout ou en partie la gestion d’un régime de
prévoyance légalement obligatoire ». En outre les enquêtes de la HACLC sont
susceptibles de s’appliquer à la CNSS.

Cette pluralité d’organisme de contrôle ne doit pas impressionner parce que


leurs contrôles ont pour caractéristique d’être ponctuels et non pas périodiques : leurs
interventions dépendent de leurs propres programmations des organismes à contrôler
ou de l’appel à eux par les autorités de tutelle.

SECTION II – L’ORGANISATION FINANCIERE


DE LA SECURITE SOCIALE
546. L’organisation financière de la sécurité sociale est d’abord liée au choix
des techniques de financement du système de sécurité sociale. A partir de la technique
de financement choisie, il se pose les questions de détermination de l’assiette, du taux
et du recouvrement des contributions. Constitue aussi une question primordiale celle
de la gestion des fonds affectés à la couverture des risques.

§ 1 – Considérations générales sur le choix des techniques


de financement
547. Le financement de la sécurité sociale peut reposer sur plusieurs
techniques3. Elle peut reposer sur les cotisations, qui consistent à prélever une somme

1 Art. 3 de la loi 13-93 ADP du 18 mai 1993 portant création, attributions, composition et fonctionnement de
l’inspection générale d’Etat, J.O.BF du 20 octobre 1994, p. 2141, Code public et administratif, t. VIII, vol. 1, p. 39.
2 Art. 3 de la loi organique 14-2000 An du 16 mai 2000 portant composition, attributions, organisation,

fonctionnement de la cour des comptes et procédure applicable devant elle, recueil, Recueil Codes et lois du
Burkina Faso, t. V, Code judiciaire pp. 161 et s.
3 Voyez, sur la question du financement : J.J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale, op. cit. pp.857 et s. J.-P.

CHAUCHARD, Droit de la sécurité sociale, op. cit. pp. 157 et s. ; Y. SAINT-JOURS, op. cit. pp.130 et s. ; P.
MOUTON, La sécurité sociale, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, T. 8 , pp. 273 et s. ; Luca BARBONNE et

499
sur les revenus professionnels des assurés pour les affecter à la garantie collective des
risques envisagés. Cette technique est issue de l’expérience des mutuelles et est
empruntée à l’assurance. Elle est appliquée dans les systèmes de sécurité sociale dits
de type professionnel. Elle organise une solidarité dans le cadre des groupes
professionnels (salariés ou travailleurs indépendants, agriculteurs ou commerçants
etc.)

Le financement peut aussi être assuré par fiscalisation. Cette technique


consiste à affecter certains impôts ou surtout des taxes parafiscales à la couverture de
certains risques. Elle est mise en oeuvre dans les systèmes de sécurité sociale de type
universel, dont l’ambition est de garantir tous les citoyens contre certains risques. Son
avantage est d’organiser une solidarité nationale dans la mesure où le bénéfice de la
protection ne repose ni sur l’exercice d’une profession ni sur des capacités
contributives. Son inconvénient est de n’être praticable que par les pays à économie
forte capable de dégager des surplus généraux pouvant être affectés à une garantie
collective. Ce surplus est ainsi redistribué vers les moins nantis.

Le financement peut encore être assuré par voie de budgétisation : la prise en


charge du risque est inscrite au budget de l’Etat, sous forme de budget annexe ou de
subvention. Ce système était pratiqué au Burkina Faso en ce qui concerne les pensions
des fonctionnaires et militaires, jusqu’à la création en 1993 de la Caisse Autonome de
Retraite des Fonctionnaires (CARFO).

Enfin, dans le cadre des régimes – lorsqu’il existe plusieurs régimes de sécurité
sociale- ou des branches d’un même régime, le financement d’un régime ou d’une
branche peut partiellement être pris en charge par voie de compensation : une partie
des ressources d’un régime ou d’une branche excédentaire va servir à combler le
déficit d’une autre branche ou d’un régime. La compensation inter régimes est
consacrée en France1. La compensation entre branches est en principe proscrite au
Burkina Faso : selon l’article 21, 2° CSS « chacune des branches du régime fait l’objet
d’une gestion financière distincte, les ressources d’une branche ne pouvant être
affectées à la couverture des charges d’une autre branche ».

Luis-Alvaro SANCHEZ B., La gouvernance des régimes de sécurité sociale, in A.I.S.S.,La sécurité sociale en
Afrique : nouvelles réalités, Documentation de sécurité sociale, série africaine, n° 21, ; Yannick D’HAENE,
L’avenir de la sécurité sociale, in A.I.S.S., Problèmes et perspectives de la sécurité sociale dans les pays
francophones d’Afrique, Documentation de sécurité sociale n° 20, pp. 157 et s. ; PNUD/OIT, Analyse financière et
actuarielle du régime de sécurité sociale, n° UPV/81/205 , rapport établi pour le gouvernement de la République de
Haute-Volta, Genève, 1982 ; Idrissa ZAMPALIGRE, Les statistiques de sécurité sociale : rapport de synthèse du
Burkina Faso, in A.I.S.S., Documentation de sécurité sociale, n° 23, série africaine, pp. 123 et S. ; OIT, Evaluation
actuarielle du régime administré par la Caisse nationale de sécurité sociale au 31 décembre 1998, Burkina Faso,
août 2000 ; Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso, Annuaire statistique, n° 10, édition 2002, février
2004.
1 J.J. DUPEYROUX et autres, op. cit. n° 388 et n° 456.

500
§ 2 – Le principe du financement par cotisation
548. L’organisation financière de la sécurité sociale burkinabè est relativement
simplifiée par l’existence d’un régime unique de sécurité sociale : il n’y a pas de
régimes particuliers ou spéciaux, comme en France, qui sont sources d’alourdissement
de la gestion du système. S’agissant d’un système de sécurité sociale de type
professionnel, le financement du système repose, dans son principe, sur les
cotisations. Comme en matière d’assurance, la viabilité de l’institution dépend des
contributions des affiliés qui versent, en contrepartie des garanties offertes, des
prélèvements sur les revenus du travail. Mais si la base de financement est simple, il
n’en est pas de même des questions de recouvrement.

Les ressources financières de la caisse sont constituées par :


- 1°) les cotisations destinées au financement des différentes branches du
régime de la sécurité sociale ;
- 2°) les produits des placements de ses fonds ;
- 3°) les majorations encourues pour retard dans le versement des cotisations
ou dans la déclaration de salaires ;
- 4e) les dons et legs ;
- 5e) toutes autres ressources attribuées à la Caisse par un texte législatif ou
réglementaire en vue d’assurer son équilibre financier.

Les deux dernières rubriques paraissent assez formelles : les dons et legs sont
toujours prévus pour le principe mais ils sont très rares ; la possibilité pour la CNSS
de recevoir d’autres ressources prévues par un texte législatif ou réglementaire renvoi
à l’idée de subvention par l’Etat ou de financement par la fiscalité. Cette éventualité
ne s’est pas encore produite. Cette dernière rubrique constitue en quelque sorte une
garantie de bonne fin assurée par l’Etat : en cas de déséquilibre financier du régime, il
incombe à l’Etat de veiller à combler le déficit, soit par le relèvement des cotisations,
soit par des subventions fiscales soit même par un financement partiel par la fiscalité.
Le financement par la fiscalité serait, en Afrique subsaharienne où les plus pauvres
sont exclus de la couverture sociale, très discutable.

Les ressources de la CNSS sont essentiellement constituées par les cotisations,


les produits des placements de ses réserves et, dans une certaine mesure, par les
produits des pénalités. L’équilibre du système est d’abord tributaire de l’assiette et du
taux des cotisations.

A – L’ASSIETTE DES COTISATIONS

549. Les éléments sur lesquels sont assises les cotisations sont déterminés par
la loi. Selon l’article 22 CSS, « les cotisations dues à la Caisse sont assises sur
l’ensemble des rémunérations perçues par les personnes assujetties, y compris les
indemnités, primes, gratifications, commissions et tous autres avantages en espèces,

501
ainsi que la contre-valeur des avantages en nature, mais à l’exclusion des
remboursements de frais et des prestations familiales versées en vertu des dispositions
de la présente loi, dans la limite d’un plafond fixé par arrêté du Ministre du travail
après avis de la Commission consultative du travail. L’évaluation des avantages en
nature est faite conformément aux règles prescrites par arrêté du ministre du travail
après avis de la commission consultative du travail ».

Les cotisations sont assises sur l’ensemble des rémunérations du travailleur,


c’est-à-dire le salaire de base plus les compléments et accessoires de salaire. Comme
dans le critère d’assujettissement où la nature et la validité du contrat importent peu,
l’emploi du terme rémunération marque certainement une volonté de ne pas se limiter
au salaire au sens strict1.

La notion de salaire est ici entendue de façon très large. On inclut dans
l’assiette des cotisations les avantages en nature, les pourboires, les primes et
gratifications. Ne sont expressément exclus que les remboursements de frais et les
prestations familiales. Les remboursements de frais s’entendent du remboursement des
dépenses effectuées par le travailleur dans l’intérêt de l’entreprise, appelés « frais
d’entreprise » et les dépenses ayant un caractère de « frais professionnels ». Cette
dernière notion est définie en droit français comme les sommes « qui sont versées aux
travailleurs ou assimilés pour couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la
fonction ou à l’emploi »2. Cette dernière notion est elle-même assez floue. On peut y
inclure par exemple, les primes de salissures, les frais de blanchissage ou les frais
d’habillement dans les emplois où des contraintes d’habillement sont imposées aux
travailleurs. Seront aussi exonérés les frais d’alimentation et les frais de déplacement
liés aux conditions de travail telles que le travail nocturne, posté ou continu. Il peut en
être de même des frais de transport des représentants voyageurs ou du travailleur en
mission. Par contre, des frais de transport versés à l’ensemble des travailleurs en guise
de sursalaires ne pourraient être déduits. La formule très large de l’article 22 CSS
n’en laisse pas moins place à des problèmes d’interprétation. Ces problèmes
concernent d’abord l’évaluation des avantages en nature. Ces avantages en nature
doivent être pris en considération à leurs valeurs réelles, mais certains peuvent faire
l’objet d’une évaluation forfaire s’il est difficile de déterminer leurs valeurs réelles.

Les problèmes d’interprétation concernent surtout les substituts de salaires.


Sont inclus dans l’assiette de cotisation, les indemnités de préavis, les indemnités de
congés payés, les indemnités de départ à la retraite, les indemnités de non-concurrence
versées en compensation de cette contrainte particulière, ainsi que les indemnités de
fin de contrat dans les contrats à durée déterminée. Ces indemnités ne sont pas de

1 Voyez, J.-J. DUPEYROUX, pour qui cette notion est « plus souple et plus extensive que celle de salaire », op. cit.
n° 1187, p. 857. Sur la question de l’assiette des cotisations, voyez : Dr. Soc., juin 1993, n° spécial sur les
cotisations ; G. LYON-CAEN, Les salaires, in G. H. Camerlynck, Traité de droit du travail, t.2 ; X PRETOT, Le
financement de la sécurité sociale, : jurisprudence récente en matière de cotisation, Dr. Soc. 1986, p. 164.
2 Voyez, J.-J. DUPEYROUX, op. cit. n° 1202, p.870.

502
véritables remboursements de frais mais des sommes versées en relation avec le
travail. Sont par contre exclus de l’assiette de cotisation, les indemnités de
licenciement, les dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat, les indemnités
de rupture anticipée de contrat à durée déterminée, les indemnités journalières
compensatrices de la rémunération perdue pour cause de maladie ou d’accident
professionnel, les prestations familiales, les frais de logement ou toute somme
constituant un remboursement de frais réels.

L’assiette de cotisation est comprise entre un plancher (un minimum), le


SMIG, qui est de 28778,673 Fcfa par mois ou 166, 034 FCFA par heure au 1er janvier
1999,1 et un plafond qui est de six cents milles (600000) francs CFA par mois. Ce
plafond de 600000 francs date seulement de 2003. Il a été fixé par l’arrêté n° 2003-
012/MTEJ//SG/DGTSS/DT du 20 juin 2003, portant modification du salaire soumis à
cotisation au titre du régime de sécurité sociale en faveur des travailleurs salariés. Le
précédent plafond était de deux cents mille (200000) francs cfa et avait été fixé par
l’arrêté n° 1181 du 30 décembre 1974, soit presque 30 ans auparavant. Cette lourdeur
dans le réajustement du plafond de cotisation devrait pousser à prévoir peut-être un
mécanisme automatique de réajustement à l’occasion, par exemple, des réajustements
des barèmes de salaires2. La multiplication par trois du précédent plafond indique que
celui-ci ne répondait plus depuis longtemps à aucune base objective.

L’existence d’un plancher de cotisation se justifie par le fait que, normalement,


aucun travailleur ne devrait être payé en deçà du SMIG mais aussi par des
considérations de gestion : les frais de gestion pourraient être trop lourds au regard de
cotisations et de prestations dérisoires. Toutefois, dans le contexte burkinabè, le
système de plancher contribue à dissuader tous ceux qui ne respectent pas le SMIG de
déclarer le travailleur à la CNSS. Par ailleurs, il peut se poser le problème des
travailleurs à temps partiel, certes peu nombreux, qui peuvent être payés dans le
respect du SMIG horaire, sans que cela soit suffisant pour être immatriculé à la
sécurité sociale. La réglementation est lacunaire sur cette question. Le même
problème peut se poser en ce qui concerne les travailleurs temporaires 3. L’existence
d’un plafond, par contre, tire sa source de l’idée d’assurance où l’assureur limite ses
engagements. Le plafond est généralement critiqué parce qu’il limite la solidarité au
niveau de la sécurité sociale et la proportionnalité dans la cotisation : certains cotisent
pour l’ensemble de leurs salaires alors que ceux qui ont de hauts salaires cotisent pour
seulement une fraction4. C’est pourquoi le déplafonnement total ou partiel des

1 Voy. le décret n° 99-081/PRES/PM/MEF/METSS du 6 avril 1999, fixant les Salaires Minima Interprofessionnels
Garantis et la décision de la Commission Mixte Paritaire du 24 mai 1999 qui retient 28811 Fcfa, Annuaire officiel
du Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, 2000, pp. 106-107.
2 L’étude actuarielle de 1998 recommandait que ce plafond soit ajusté automatiquement suivant la hausse du

SMIG, de manière à en préserver la valeur réelle. In, OIT, Département de la sécurité sociale, Etude actuarielle du
régime administré par la Caisse nationale de sécurité sociale au 31 décembre 1998, août 2000, p. VI.
3 Sur les cotisations en cas de travail à temps partiel en France, voyez, J.-J. DUPEYRPUX, op. cit., n° 1210.
4Voy. Y. SAINT-JOURS, op. cit. pp. 149 et s.

503
cotisations est considéré comme une orientation très moderne du financement de la
sécurité sociale1.

Pour certaines catégories d’assujettis, l’assiette de cotisation peut être fixée


forfaitairement. Il en est ainsi des apprentis titulaires d’un contrat d’apprentissage
pour lesquels, à défaut de salaire ou en cas d’allocation inférieur au SMIG, les
cotisations sont assises sur le SMIG2. Pour les élèves des établissements
d’enseignement technique, des centres d’apprentissage et des centres de formation
professionnelle publics ou privés, les cotisations sont assises sur le salaire minimum
de la catégorie et de l’échelon de l’emploi où l’élève serait classé à sa sortie de
l’établissement ou du centre3. Toutefois, si la rémunération réelle allouée aux élèves
par l’employeur ou l’organisme gestionnaire de l’établissement est supérieure, c’est
cette rémunération qui sera prise en considération.

L’assiette de cotisation pour l’assurance facultative continuée est proposée par


l’assuré volontaire lui-même, sans qu’elle ne puisse être inférieure au SMIG.

B – LE TAUX DE COTISATION

550. Chaque branche du régime de sécurité sociale dispose de ses propres


recettes qui servent à couvrir les dépenses de la branche. Celle-ci fait donc l’objet
d’une gestion distincte. Les recettes sont constituées des cotisations des employeurs et
des travailleurs mais pour les prestations familiales et les risques professionnels, les
cotisations sont exclusivement à la charge de l’employeur. Les taux de cotisation ont
également été modifiés en 2003 (Voir tableau d’évolution des taux de cotisation ci-
dessous).

1 Pierre MOUTON, Les institutions de sécurité sociale, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, op. cit., p. 276.
2 Cf. Article 7 de l’arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1976, réglementant l’affiliation des employeurs,
l’immatriculation des travailleurs et autres assurés au régime géré par la Caisse nationale de sécurité sociale et les
obligations incombant aux employeurs dans le fonctionnement de ce régime, Code social, p. 529.
3 Cf. Article 8 de l’arrêté n° 1317, op.cit

504
Tableau d’évolution des taux de cotisations

Année Prestations Risques Assurance Total Plafond de


familiales professionnels Vieillesse cotisation
1956 5% 150.000
FCFA
1960 5% Variable 4,5% 150.000
selon les (employeur FCFA
branches 2,70% ;
d’activités salarié
1,80%)
1971 8% Variable 4,5% 150.000
selon les (employeur. FCFA
branches 2,70 ;
d’activités salarié 1,80)
1975 11,5% 2,5% 9% 23% 200.000
(employeur FCFA
4,5% ;
salarié
4,5%)
2003 7% 3,5% 11% 21,5% 600.000
(employeur FCFA
5,5% ;
salarié
5,5%)

Le décret n° 2003-252 du 20 mai 2003 portant fixation du taux d’appel de


cotisation du régime opère une légère baisse des charges de sécurité sociale en
retenant un taux de 16% à la charge de l’employeur et de 5,5% à la charge du
travailleur, soit une charge globale de 21,5% au lieu de 23% antérieurement1. Suivant
la branche, le taux de cotisation varie.

En ce qui concerne la branche des pensions (ou assurance vieillesse) le taux est
de 11% du salaire reparties à concurrence de 5,5% à la charge de l’employeur et 5,5%
au compte du travailleur. C’est dans cette branche qu’il y a eu un relèvement des
cotisations qui étaient de 9% réparties à égalité entre l’employeur et le travailleur. Ce
relèvement, loin de pénaliser le travailleur, lui est profitable parce qu’il se répercute
sur les prestations en entraînant une augmentation des diverses pensions qui seront

1 Ce taux de 23% était fixé par le décret n° 75-3 du 6 janvier 1975.

505
ultérieurement versées. Cumulée avec le relèvement de l’âge de la retraite qui est
passée de 55 ans à 60 ans, la réforme de 2003 permet une amélioration des pensions1.

Pour la branche des prestations familiales, le taux de cotisation, supporté par


l’employeur seul, passe de 11% à 7% du salaire, soit une baisse appréciable de 4%.

En ce qui concerne la branche des risques professionnels (accidents du travail


et maladies professionnelles), le taux passe de 2,5% à 3,5 %, exclusivement à la
charge de l’employeur. Le Burkina Faso applique donc un système de taux uniforme
et non pas un système de taux différenciés selon le groupe d’activités (tarification
collective) qui tient compte du niveau de risques professionnels ou un système de taux
ajustés pour chaque établissement (tarification individuelle)2. Mais ce taux uniforme
peut être majoré jusqu’à concurrence du double à l’égard d’un employeur qui ne se
conforme pas aux prescriptions des autorités compétentes en matière de prévention
des accidents du travail et d’hygiène industrielle3.

Ces réaménagements ont été suggérés par l’étude actuarielle et ont pour but essentiel
de repenser l’équilibre du régime de sécurité sociale, en tenant compte de l’évolution
de la structure sociale des pensionnés et des cotisants aux différentes branches du
régime (Voyez tableau comparatif, AISS n° 21, p. 28, tableau 5a).

1
Le relèvement de l’âge de la retraite peut être diversement apprécié selon les individus mais il semble plutôt bien
accueilli.
2 Voyez, P. MOUTON, op. cit. p. 275.
3 Article 23, 2e.

506
TABLEAU 5a Taux de contribution pour les programmes de sécurité sociale
Types de Total des contributions Part des employeurs
Programme Toute la Retraite Retraite Sécurité Pension Part de Part de
de sec. Soc. Sec. en sociale sec. pension
1/ Soc. (b) % de (c) (d) soc. (d/b)
(a) Sec. Soc. (c/a)
Bénin 4/ V,M,T,F 23,2 10,0 45 19,6 6,4 84 64
Burkina F. V,T,F 23,0 9,0 39 18,5 4,5 80 50
Burundi V,T 10,5 8,5 81 7,5 5,5 71 65
Cameroun V,T,F 19,0 7,0 37 16,2 4,2 85 60
Cap Vert V,M,T,F 27,0 10,0 37 20,0 7,0 74 70
R. C.A. V,T,F 20,0 5,0 25 18,0 3,0 90 60
Tchad 4/ V,T,F 14,3 6,0 41 12,3 4,0 86 67
RD Congo V,T,F 18,28 7,0 56 15,88 3,5 87 50
R.Congo V,M,F 18,48 6,0 32 13,83 3,6 75 60
RCI 4/ V,M,T,F 15,1 4,0 27 12,9 2,4 85 60
Guinée éq. V 26,0 21,5 83
Ethiopie V 10,0 6,0 60
Gabon 2/ V,M,T,F 22,6 7,5 33 20,1 5,0 89 67
Gambie 3/ V,T 20,0 19,0 95 19,0 19,0 95 100
Ghana V 17,5 12,5 71
Guinée V,M,T,F 23,0 6,5 28 18,0 4,0 78 62
Kenya V 10,0 5,0 50
Liberia V,T 7,75 6,0 77 6,0 3,0 77 50
Madagascar V,T,F 14,0 4,5 32 13 3,5 93 78
Mali 4/ V,M,T,F 23,0 9,0 45 21,0 7,0 91 78
Mauritanie V,M,T,F 16,0 3,0 19 15,0 2,0 94 67
Maurice 5/ V 9,0 6,0 67 9,0 6,0 100 100
Niger V,T,F 17,0 4,0 24 15,4 2,4 91 60
Nigeria V,M 7,5 5,0 67
Rwanda V,T 8,0 6,0 75 6,0 3,0 75 50
Sao Tome V 10,0 6,0 60 60
Sénégal 4/6 V,M,F 35,0 14,0 40 8,4 72 60
Afr. Sud V,U 2,0 0,0 1,0 0,0 50 0
Soudan V,T 27,0 25,0 93 25,0 17,0 93 68
Swaziland V 10,0 5,0 50
Tanzanie V 20,0 20,0 100 20,0 10,0 100 50
Togo 4/ V,M,T,F 20,5 6,0 29 18,1 3,6 88 60
Ouganda V,T 15,0 15,0 100 10,0 10,0 67 67
Zambie V 10,0 5,0 50
Zimbabwe 0 6,0 3,0 50

In, A.I.S.S., Documentation de sécurité sociale, série africaine, n° 21, Abidjan, 2000, p. 28.
Source : U.S. Social Security Administration, 1997, sauf où indiqué.
1/ Les chiffres n’indiquent que des programmes de sécurité sociale financés par recettes.
V= vieillesse, infirmité et mort ; M= maladie, maternité ; T= blessure au travail ; F= allocation
familiale. Quand les contributions représentent une gamme, le chiffre correspond à la valeur
supérieure. Les espaces vides, indiquent que soit une partie, soit toutes les contributions dans la
colonne (a) ne soient pas liées aux revenus.
2/ Le Gabon possède aussi le programme ACE ou la « retraite vieillesse » dans lequel l’assuré paie
5% et l’employeur paie 2%.

507
3/ Régime de retraite. La Gambie possède aussi un fonds de prévoyance dans lequel l’assuré paie
5% et l’employeur paie 10%
4/ Sources CIPRES, 1999
5/ Retraite lié aux revenus. L’Ile Maurice possède aussi une retraite universelle financée
entièrement par le gouvernement.
6/ Régime général. Le Sénégal possède aussi un régime complémentaire (2,4%, l’assuré, 3,6%,
l’employeur).

§ 2 - Le recouvrement des cotisations


Il ne suffit pas d’avoir des taux de cotisation bien étudiés, il faut pouvoir
recouvrer les cotisations en limitant au maximum les évasions. Pour ce faire, les
employeurs se voient imposés un certain nombre d’obligations et la CNSS dispose
de moyens de contrôle et de sanctions pour en assurer la bonne exécution.

A – LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR

551. Les obligations de l’employeur dans le cadre du recouvrement sont


essentiellement de trois ordres : l’obligation de précompte, celle de verser
l’ensemble des cotisations et celle de produire les déclarations permettant le
contrôle.

L’article 24 CSS constitue l’employeur débiteur vis-à-vis de la Caisse de


l’ensemble des sommes dues. Il est responsable du versement des cotisations, y
compris la part mise à la charge du travailleur. Il en découle que l’employeur doit
« précompter » la part de cotisation du salarié afin de la verser en même temps que
la part mise à sa charge. Il est préciser que le travailleur ne peut s’opposer à ce
précompte. L’employeur qui paie les rémunérations sans effectuer le prélèvement
endosse la responsabilité du paiement de cette part vis-à-vis de la Caisse car, selon
l’article 24-3e, ce paiement « vaut acquis de cette contribution à l’égard du salarié
de la part de l’employeur »1. Le système de prélèvement obligatoire à surtout un
avantage administratif considérable : la Caisse fait face à moins de débiteurs, court
par conséquent moins de risques d’évasion ou d’insolvabilité que s’il revenait à
chaque travailleur de s’acquitter de sa dette de cotisation, et économise ainsi en
coûts administratifs de recouvrement.

Lorsque le salarié est occupé au service de deux ou plusieurs employeurs,


chacun des employeurs est responsable du versement de la part de cotisation
proportionnellement à la rémunération qu’il paie à l’intéressé2. L’exception au

1 Les termes de cet article laissent penser que l’employeur supporte définitivement la part de cotisation de
l’employé, mais on peut supposer que l’employeur pourra se faire rembourser si le non prélèvement résulte
d’une simple erreur. Il devrait supporter définitivement cette part s’il n’a pas voulu respecter le principe de
retenue à la source. Il arrive en effet que certains organismes étrangers paient l’intégralité du salaire en laissant
le soin, dans le contrat de travail, à l’employé de se mettre en règle vis-à-vis de la sécurité sociale et de l’impôt.
Sur la question en France, voyez J.-J. DUPEYROUX et al., op. cit. n° 1237.
2 Article 24, 4e

508
système de précompte ne concerne que l’assuré volontaire qui, étant son propre
employeur, doit verser lui-même ses cotisations.

Etant débiteur vis-à-vis de la Caisse, l’employeur est tenu de verser dans les
délais impartis la cotisation globale comprenant sa part et celle du travailleur. Il ne
peut par convention faire supporter sa propre contribution par le travailleur1. Le fait
générateur de la dette de cotisation est le salaire dû et non pas le salaire
effectivement versé. En effet, pour une raison ou pour une autre, le salaire dû peut
n’avoir pas été versé, en totalité ou en partie, ou peut être versé en retard. Ce serait
accorder une prime à l’employeur que de reculer l’exigibilité de la dette de
cotisation jusqu’au versement effectif des salaires. L’arrêté n° 1317 du 24
décembre 1976 prévoit une périodicité de versement différenciée selon le nombre
de salariés employés par l’entreprise. Le principe est que le versement est mensuel
et devrait être opéré dans les quinze premiers jours du mois suivant le paiement des
rémunérations. Mais si l’employeur occupe moins de vingt travailleurs, le
versement est trimestriel et doit intervenir dans le premier mois de chaque trimestre
civil. Le montant des cotisations devient immédiatement exigible en cas de cession
de l’entreprise ou de cessation d’activité2.

La troisième obligation pour l’employeur est de produire les déclarations


qui permettent à la Caisse de contrôler les paiements

B – LE CONTRÔLE DU PAIEMENT

552. L’article 26, 1° CSS fait obligation à l’employeur de produire une


déclaration trimestrielle indiquant, pour chacun des salariés qu’il a occupé au cours
du trimestre concerné, le montant total des rémunérations ou gains perçus, ainsi
que la durée du travail effectué. Cette déclaration nominative doit être adressée à la
Caisse dans le premier mois de chaque trimestre à l’appui du versement des
cotisations. En outre, l’employeur qui occupe vingt salariés, ou plus, devra adresser
à la caisse en même temps que le règlement mensuel de ses cotisations une
déclaration faisant ressortir le nombre de salariés occupés et le montant global des
rémunérations ou gains comptabilisés entre le premier et le dernier jour du mois
antérieur3.

Ces documents servent, pour la Caisse, de points d’appui pour vérifier non
seulement les bases de calcul des cotisations mais aussi le respect par l’employeur
de ses obligations préliminaires d’immatriculation de tous les travailleurs qu’il
occupe4. La déclaration permet à la CNSS de suivre le compte de l’employeur et le
compte individuel de l’assuré, notamment par la vérification des bases de

1 Article 24, 3e
2 Article 15 de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre.
3 Article 18 de l’arrêté n° 1317 du 24/12/ 1976.
4 Voy. Echo-CNSS, n° 32 et 33, 2e et 3e trimestre 1990 p. 15.

509
détermination des salaires soumis à cotisation, la détermination de la masse
salariale, le calcul des cotisations et la justification du paiement des prestations. La
caisse procède aux vérifications, redresse éventuellement les déclarations et
adresse, s’il y a lieu, à l’employeur un avis de débit au cas où ce dernier aurait payé
en dessous du montant réel ou un avis de crédit à faire valoir sur les prochains
paiements, s’il y a un trop payé.

Ce contrôle sur pièces n’est pas suffisant pour assurer le respect de la


réglementation. Des contrôleurs de la CNSS, agents assermentés, effectuent en
outre des contrôles sur place de manière périodique ou ponctuelle. Le contrôle
périodique dans l’entreprise permet de dissuader les employeurs de faire des
fausses déclarations ou d’occuper des travailleurs « au noir ». Le contrôle ponctuel
peut être effectué à la demande des responsables de la Caisse, des travailleurs ou
lorsque l’entreprise change de statut par suite de cession, de fusion ou de cessation
d’activité. Les contrôleurs ont le pouvoir de contrôler les documents comptables de
l’entreprise : registre employeur, livre de paie ou journal de paie, livre de banque,
caisse, bilan, état de versements à l’IUTS (Impôt unique sur les traitements et
salaires).

Malgré tous ces mécanismes de contrôle dissuasifs, la CNSS est amenée à


recourir au recouvrement forcé et à appliquer des sanctions.

C – LE RECOUVREMENT FORCE ET LES SANCTIONS

Le recouvrement forcé n’est pas en tant que tel une sanction mais les deux
s’accompagnent en raison de l’inexécution et des retards de paiement qui donnent
lieu à des pénalités.

1) Le recouvrement forcé

553. Lorsque l’employeur ne s’acquitte pas régulièrement des cotisations, la


Caisse peut recourir à l’exécution forcée1. Cette procédure commence par le
préalable de la mise en demeure. Celle-ci est adressée à l’employeur défaillant sous
forme de lettre recommandée, avec accusé de réception, l’invitant à régulariser sa
situation dans un délai de quinze jours au moins et de trois mois au plus.
Ampliation de cette lettre est communiquée à l’inspection du travail.

Si l’employeur n’a pas obtenu un délai supplémentaire et ne s’exécute pas,


le directeur de la Caisse peut, après avis de la direction régionale du travail,
délivrer une contrainte qui est visée et rendue exécutoire par le président du
tribunal du travail2. Cette contrainte comporte tous les effets d’un jugement.
Toutefois, l’employeur peut faire opposition à l’exécution de la contrainte en
1 Cf. Articles 29 et 30 CSS
2 V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 36 du 16/5/2000, C. c/ CNSS.

510
exerçant un recours devant le tribunal du travail pour contester la réalité ou le
montant de la dette.

La CNSS, en tant qu’établissement public, dispose d’une autre voie,


beaucoup plus sommaire et non visée par le Code de sécurité sociale, qui consiste à
saisir l’autorité de tutelle pour dresser un état exécutoire qui est recouvré par les
services du trésor.

En ce qui concerne les communes et autres personnes morales de droit


public débitrices, la Caisse peut saisir l’autorité de tutelle technique qui ordonne,
dans les trois mois suivant la date d’échéance des cotisations, le paiement d’office
des sommes dues par arrêté tenant lieu de mandat de l’ordonnateur de la personne
morale débitrice1. Celui-ci est tenu d’exécuter immédiatement l’ordre de paiement
ou, en cas d’insuffisance de fonds, de suspendre tout paiement à l’exception des
salaires du personnel jusqu’à exécution de l’ordre de paiement2.

Par ailleurs, et d’une manière générale, la Caisse dispose aussi des voies
juridictionnelles pour obtenir le paiement des cotisations. Elle peut, par exemple,
saisir les juridictions pénales par voie de citation directe ou par plainte avec
constitution de partie civile, dans la mesure où le non paiement de cotisations
constitue une infraction pénale. Théoriquement, elle peut, devant les juridictions
civiles, mettre l’employeur débiteur en faillite à l’effet d’obtenir le paiement de ses
dettes de cotisation, mais cette solution radicale est un pis-aller dont la CNSS n’a
pas intérêt à prendre l’initiative.

Ces différentes solutions apparemment énergiques deviennent dérisoires


quand le non paiement résulte de difficultés économiques de l’entreprise et non de
simples intentions frauduleuses. Dans ce cas, la Caisse a plus intérêt à négocier des
délais de résorption de la dette dans le cadre de procédures de redressement. Elle
bénéficie de privilèges qui lui permettent de ne pas trop désespérer d’une procédure
collective. Le paiement des cotisations et des majorations de retard est garanti par
un privilège sur les biens meubles et immeubles du débiteur qui prend rang
immédiatement après celui garantissant le paiement des salaires3.

2) Les sanctions du défaut de paiement des cotisations

554. L’employeur qui ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de


recouvrement encourt deux types de sanctions : des sanctions civiles et des
sanctions pénales.

1 Article 88 CSS.
2 Article 89 CSS.
3 Article 28 CSS.

511
Les sanctions civiles se traduisent par des pénalités consistant en des
majorations ou taxations d’office afin d’inciter les employeurs à s’acquitter de leurs
cotisations dans les délais ou à faire les déclarations prescrites1:

- en cas de retard de versement des cotisations, il est appliqué une


majoration de 1,5% par mois ou fraction de mois de retard aux cotisations qui n’ont
pas été acquittées dans les délais2. Il est précisé qu’un recours devant le tribunal du
travail n’interrompt pas le cours des majorations. L’employeur a donc intérêt à les
payer d’abord, même s’il en conteste le montant. Par contre, il peut, en cas de force
majeure ou de bonne foi dûment prouvée, formuler une demande de réduction des
majorations de retard. Il reviendra, selon le montant initial de la majoration, au
directeur de la Caisse ou à la Commission de recours gracieux de statuer 3;

- dans le cas de défaut de production aux échéances prescrites des états


nominatifs, il est appliqué une majoration de 2% du SMIG pour chaque salarié 4. Si
le retard est supérieur à un mois, la même majoration est appliquée pour chaque
mois ou fraction de mois ;

- les inexactitudes dans les déclarations sont aussi sanctionnées de 2% du


SMIG pour chaque inexactitude concernant l’effectif des salariés, le montant des
rémunérations ou le nombre de jours de travail sauf preuve de bonne foi ;

- par contre, lorsque le montant des salaires servant de base de calcul n’a
pas été communiqué à la Caisse, il est procédé à une taxation d’office sur la base
de la déclaration la plus récente de salaires majorée de 25%, ou, à défaut, sur la
base de la comptabilité de l’entreprise. Si la comptabilité de l’entreprise ne permet
pas d’établir le chiffre exact des salaires, le montant des salaires est fixé
forfaitairement par la Caisse en fonction des taux de salaires pratiqués dans la
profession.

Les sanctions pénales sont prévues par les articles 90 à 95 CSS5. L’article
90 dispose, d’une manière générale, que l’employeur qui a contrevenu aux
prescriptions du code de sécurité sociale peut être poursuivi devant les juridictions
pénales, soit à la requête du ministère public éventuellement sur demande du
ministre du travail, soit à la requête de toute personne intéressée, notamment de la
CNSS.

1 A ces sanctions civiles prononcées au profit de la CNSS peuvent s’ajouter les dommages et intérêts pouvant
être demandés par le salarié pour le préjudice résultant du défaut de cotisations régulières : C.A. Ouagadougou,
arrêt n° 50 du 20/6/2000, S.Y. c/ B. & S.
2 Article 25,2e CSS.
3 Article 16 de l’arrêté n°1317 du 24/12/1976.
4 Article 19 de l’arrêté n° 1317 du 24/12/1976.
5 Mais les articles 92 et 93 ne concernent pas le versement des cotisations par l’employeur. Le premier est

relatif à la non déclaration d’accident de travail et le second porte sur la répression des fraudes et fausses
déclarations pour obtenir des prestations qui ne sont pas dues.

512
L’employeur est passible, en sus du paiement des cotisations et majorations
de retard, d’une amende de cinq mille à dix mille (5000 à 10.000) FCFA appliquée
autant de fois qu’il y a de personnes employées dans des conditions irrégulières. En
cas de récidive (si le délinquant subi une condamnation pour une infraction
identique dans les douze mois antérieurs à la date d’expiration du délai imparti par
la mise en demeure prévue à l’article 29 CSS), l’amende passe de dix mille à
cinquante mille (10.000 à 50.000) FCFA.

Lorsque l’employeur a retenu par-devers lui, indûment, la contribution du


salarié au régime des pensions, il est puni d’un emprisonnement de six jours à un
mois et/ou d’une amende de 50.000 à 100.000 Fcfa et, en cas de récidive dans un
délai de trois ans, d’un emprisonnement de un mois à un an et/ou d’une amende de
100.000 à 500.000 Fcfa1.

En plus de ces peines, l’article 94 prévoit que le tribunal peut prononcer les
peines complémentaires de publication dans la presse et d’affichage de la sanction.
Une des formes de sanction complémentaire efficace est que l’employeur qui est en
situation irrégulière vis-à-vis du versement des cotisations ne pourra pas postuler
dans les appels d’offres pour les marchés publics (ou achats publics).

L’action publique contre l’employeur ou son préposé en vertu de l’article


90 se prescrit après un an révolu à compter de l’expiration du délai imparti par la
mise en demeure prévue à l’article 29 CSS.

§ 4 - La gestion des fonds de la CNSS


555. Le régime de sécurité sociale a pour mission de prélever des ressources
sur les employeurs et les travailleurs afin de servir des prestations aux assurés en
cas de survenance des risques envisagés. Le système ne peut remplir efficacement
sa mission sans une bonne gestion, aussi bien dans la perception des ressources, le
versement des prestations que dans la gestion des fonds de roulement et de réserve
qui sont constitués. Les nombreux problèmes à surmonter pour parvenir à cette
gestion efficace peuvent être regroupés en deux volets : l’organisation de
l’autonomie financière des branches et la question du placement des fonds.

A – L’ORGANISATION DE L’AUTONOMIE FINANCIERE


DES BRANCHES DU REGIME

556. L’article 21, 2° CSS dispose que « chacune des branches du régime de
sécurité sociale fait l’objet d’une gestion financière distincte, les ressources d’une
branche ne pouvant être affectées à la couverture des charges d’une autre
branche ». L’article 23, 3° ajoute que « les taux de cotisation sont fixés de manière

1 Article 91 CSS.

513
que les recettes totales de chaque branche permettent de couvrir l’ensemble des
dépenses de prestation et d’action sanitaire et sociale de cette branche ainsi que la
partie des frais d’administration qui s’y rapporte et de disposer du montant
nécessaire à la constitution des diverses réserves et du fonds de roulement ». Cet
article précise, en son alinéa 4, que le taux de la branche des pensions devra être
fixé de manière à assurer la stabilité de ce taux et l’équilibre financier de la branche
pendant une période assez longue.

L’intérêt de cette gestion distincte est d’assurer la transparence dans la


gestion du régime en permettant de suivre l’évolution financière de chaque
branche. Ce système de gestion vise à éviter de faire financer des prestations de
court terme par des ressources prévues pour des prestations de long terme. L’article
35 fait obligation à la caisse d’effectuer au moins tous les cinq ans une analyse
actuarielle de chaque branche afin de procéder au réajustement du taux de
cotisation de la branche s’il se révèle un danger de déséquilibre dans une branche
déterminée. Mais si l’intérêt de la gestion distincte est réel, son application ne
semble pas rigoureuse. Selon l’étude actuarielle, « il n’existe pas à proprement
parler d’autonomie financière des diverses branches. En particulier, tout excédent
des branches des prestations familiales et des risques professionnels est
automatiquement affecté à la branche des pensions, ce qui ne permet pas d’opérer
un suivi régulier des taux de cotisation et des réserves maintenues pour chaque
branche »1.

La gestion distincte dans le cadre d’un même organisme suppose


nécessairement l’organisation des dépenses communes. L’article 31 CSS institue,
pour le fonctionnement des services, un fonds de roulement commun à l’ensemble
des branches et dont le montant ne peut être inférieur à deux fois la moyenne
mensuelle des dépenses de la caisse au cours du dernier exercice. Par ailleurs,
l’article 21, alinéa 3, CSS dispose que le Ministre du travail détermine par arrêté,
sur proposition du conseil d’administration de la Caisse, la part des frais
d’administration et des dépenses d’action sanitaire et sociale à imputer à chacune
des branches. En application de cet article, l’arrêté n° 1316 du 24 décembre 1976
retient comme système que les frais d’administration de la caisse et les dépenses
d’action sanitaire et sociale « sont répartis entre les diverses branches
proportionnellement à la somme des recettes de cotisation et des dépenses de
prestations de chaque branche rapportés à la somme des recettes et des dépenses de
l’ensemble ». Ce système de répartition a l’avantage d’être simple, mais il est
critiqué pour son caractère arbitraire. Les facteurs pris en compte ne représentent
pas les coûts réels encourus par la Caisse pour l’administration de chaque branche

1 Op. cit. p. 5 ; Ce constat de confusion est aussi fait en page 3 en ce qui concerne la ventilation des
placements et produits financiers.

514
en particulier, selon le document d’évaluation actuarielle de 2000 réalisé par
l’OIT1.

En outre, les dépenses de gestion administrative apparaissent excessives au


regard des règles de saine gestion d’un régime de sécurité sociale. L’analyse
actuarielle au 31 décembre 1998 faisait ressortir des frais de gestion de 30% en
1997 et 32% en 1998 et jugeait ces niveaux excessivement élevés 2. Les statistiques
de la Caisse font ressortir des dépenses de gestion administrative de 47, 67% des
dépenses globales en 2001 et de 52,47% en 20023. Leur commentaire est que ces
dépenses « ... se situent nettement au-dessus des dépenses techniques, ce qui paraît
très énorme pour une institution qui a comme missions premières la collecte des
cotisations et le paiement des prestations ». Plutôt que cette simple constatation,
des mesures devraient être prises pour inverser cette évolution aberrante.

B – LA QUESTION DU PLACEMENT DES FONDS

557. La sécurité sociale collecte des fonds et doit en assurer une gestion à
long terme qui met les assurés à l’abri des déficits ou des dépréciations monétaires.
Cette sécurité à long terme est tributaire du système financier retenu, de la
constitution de réserves conséquentes et du placement judicieux de ces fonds.

Les systèmes financiers retenus varient selon les branches du régime de


sécurité sociale. Le taux de cotisation de chaque branche doit être fixé de manière à
assurer son équilibre, c’est-à-dire que les recettes totales doivent permettre de
couvrir les dépenses de prestations, les parties de dépenses d’action sanitaire et
sociale et de frais d’administration ainsi que la constitution de réserves.

Le taux de cotisation de la branche des pensions est déterminé selon la


méthode de la prime échelonnée qui est un système mixte, par rapport au système
de capitalisation et au système dit de répartition.. Dans le système de capitalisation,
les prestations de l’assuré seront constituées du capital de ses cotisations grossi des
intérêts cumulés. Ce système est très sensible à la dépréciation monétaire et à
l’inflation. Dans le système de la répartition, le financement de l’organisme est
organisé année par année, de sorte que le total des ressources couvre la totalité des
charges au cours de l’année4. Dans le système de la prime échelonnée, le taux de
cotisation est fixé de manière à assurer l’équilibre financier de la branche pendant
une période assez longue de cinq à quinze ans dite « période d’équilibre ». Il est

1 Cf. Evaluation actuarielle au 31 décembre 1998, op. cit., p. 4. Voyez également P. Mouton, Les institutions de
sécurité sociale, op. cit. p. 279 : selon cet auteur, le code malien par exemple, prévoit, théoriquement, des
prélèvements pour le financement de la gestion administrative en fonction du prix de revient des opérations
administratives accomplis dans les diverses branches, mais la majorité des pays optent pour le même système
que le Burkina Faso.
2 Ibid., p. 4
3 Voyez, Caisse nationale de sécurité sociale, Annuaire statistique, n° 10, édition 2002, 2004, p. 13.
4 Cf. P. MOUTON, op. cit. p. 278.

515
relevé si nécessaire à la fin de la période, pour une autre période assez longue. Il y
a donc capitalisation et adaptation des ressources aux charges 1. Les branches des
risques professionnelles et des prestations familiales reposent plutôt sur le système
de la répartition, en tenant compte de l’équilibre entre les recettes et les différentes
charges et de la nécessité de constituer des réserves.

La branche des risques professionnels doit constituer une réserve technique


dont le montant est égal à celui des capitaux constitutifs des rentes allouées et une
réserve de sécurité égale au moins à la moitié du montant total des dépenses
moyennes annuelles des prestations au cours des trois derniers exercices. La
branche des pensions constitue une réserve dont le montant ne peut être inférieur au
montant total des dépenses des trois derniers exercices, tandis que la branche des
prestations familiales doit maintenir une réserve de sécurité égale aux dépenses
d’un trimestre. L’article 33, alinéa 2, CSS précise que les fonds des réserves de
sécurité de la branche des risques professionnels et des prestations familiales
doivent être placés à court terme tandis que les réserves techniques de la branche
des risques professionnels et les réserves de la branche des pensions doivent être
placées à long terme.

Les placements doivent être réalisés selon un plan financier, établi par le
conseil d’administration, qui assure une réelle sécurité aux fonds, un rendement
optimal et, dans la mesure du possible, devrait concourir à la création d’emplois, au
progrès social et au développement économique. Il s’agit, à travers ces principes
fondamentaux, de préserver la valeur réelle des sommes investies, de garantir un
taux de rentabilité assurant un accroissements des fonds, de veiller à la liquidité,
c’est-à-dire à la facilité de transformer en disponibilités monétaires des sommes
investies en ce qui concerne le placement des réserves de sécurité, et de veiller à ce
que ces investissements répondent à des conditions d’utilité économique et
sociale2.

Ces belles intentions en ce qui concerne les placements des fonds sont
limitées par deux facteurs. Le premier facteur est qu’il n’est pas aisé de trouver des
occasions de placement répondant aux critères de sécurité, de rentabilité et d’utilité
sociale ou nationale. Deux experts de la Banque mondiale relevaient parmi les
difficultés de gestion des fonds le manque d’opportunités d’investissement : « la
mauvaise gouvernance n’est pas seule responsable des problèmes rencontrés dans
la gestion des fonds de réserve. De fait, les opportunités d’investissement ont été
très limitées pendant les premières décennies »3. Le second facteur est ce qu’on a
qualifié d’immixtion de l’Etat dans les choix d’utilisation des réserves. Les caisses
1 Voyez, P. MOUTON, op. cit. p. 278 ; Analyse actuarielle 1998, p. 9.
2 Voy. André ZOMBRE, La sécurité sociale au Burkina Faso, in « Echo-CNSS », n° 21, 4e trimestre 1987, p.
19.
3 Luca BARBONNE et Luis-Alvaro SANCHEZ B., Les régimes de pensions et de sécurité sociale en Afrique

Subsaharienne : problèmes et solutions possibles, in Documentation de sécurité sociale, n° 21, série africaine,
AISS, Abidjan, p. 38)

516
drainent beaucoup de capitaux et les gouvernements n’ont pas toujours résistés à la
tentation de recourir à cet organisme pour financer des projets plus ou moins
hasardeux ou rentables. Déjà, l’analyse financière et actuarielle de 1982 constatait
que « les investissements effectués présentent un taux de rendement inférieur à
l’indice d’inflation qui a caractérisé l’économie voltaïque »1. La Revue « Echo-
CNSS », pour illustrer la « participation de la Caisse nationale de sécurité sociale
au développement économique et social du Burkina Faso », donnait des exemples
de subventions et de prêts accordés à l’Etat ainsi que de prises de participation dans
des sociétés. Selon cette revue, « au cours des deux dernières années, suite à un
ensemble de décisions du Conseil National de la Révolution sur la relance
économique, la Caisse nationale de sécurité sociale a multiplié sa participation au
capital de plusieurs sociétés » dont la SOCOGIB pour un milliard de francs CFA,
l’UREBA pour cent soixante millions, FASO YAAR pour cent millions, le projet
Cité AN II pour cinquante millions et la Société nationale d’approvisionnement
pharmaceutique (SONAPHARM). Des cinq sociétés citées, trois sont aujourd’hui
fermées (UREBA, FASO YAAR, SONAPHARM) et la société immobilière
SOCOGIB dont la CNSS était devenue actionnaire principal a été entièrement
privatisée. En outre, selon cette revue, la CNSS a accordé à l’Etat des prêts de
deux milliards pour le projet immobilier Cité AN III, de un milliard et demi pour le
projet d’aménagement de l’aéroport de Bobo-Dioulasso, ainsi que des subventions
de deux milliards et demi dans le cadre du projet d’aménagement agricole de la
vallée du Sourou2.

Une prise de conscience semble se faire sur la nécessité de ne pas abuser


des prêts à l’Etat à des taux peu rentables et de respecter l’autonomie de décision
de la Caisse dans le choix des investissements, sous réserve des contrôles de tutelle.
Mais on ne peut jurer du respect de ces principes, tout comme d’ailleurs, on ne peut
être certain par avance de la rentabilité future d’un investissement ou d’un
placement.

1 OIT/PNUD, Analyse financière et actuarielle du régime de sécurité sociale, UPV/ 81/ 205, rapport établi pour
le gouvernement de la République de Haute-Volta, Genève, 1982, p. 8 ; Voyez également, Luca BARBONNE
et Luis-Alvaro SANCHEZ, op. cit. p. 38. Une illustration de ces investissements souvent peu heureux sur
pression du gouvernement est involontairement donnée par la revue « Echo-CNSS » n° 13, 4e semestre 1985
(spécial 30e anniversaire), p.25.
2 Cf. Echo-CNSS, n° 13, op. cit., p.25. Notons qu’un célèbre opposant au pouvoir de l’époque, qui a été par

ailleurs membre travailleur du Conseil d’administration de la CNSS, pour dénier la probité du CNR, a ébranlé
l’opinion publique en accusant le CNR de détournement de plusieurs milliards à la CNSS. Ce dont il avait
raison sur le plan juridique parce qu’on peut parler de détournement de destination. Mais il avait à notre avis
tort de présenter les choses comme un détournement crapuleux.

517
TITRE III - LES BRANCHES DE LA SECURITE SOCIALE
558. Le système burkinabè de sécurité sociale comprend trois branches qui
couvrent six risques : la vieillesse, l’invalidité, le décès, les risques professionnels
(maladie et accident professionnels), la maternité et les charges de famille ou
prestations familiales. Ces trois branches sont : la branche des risques
professionnels ; la branche des pensions couvrant la vieillesse, l’invalidité et le
décès ; et la branche des prestations familiales qui est aussi chargée des prestations
de maternité. Nous aborderons successivement ces trois branches. Mais
l’organisme de sécurité sociale a reçu aussi une mission plus large d’action
complémentaire au système de santé, appelée action sanitaire et sociale, qui sera
abordé en quatrième chapitre. Enfin, un cinquième chapitre sera consacré aux
questions spécifiques du contrôle et du contentieux de la sécurité sociale.

518
519
CHAPITRE I - LA BRANCHE DES RISQUES
PROFESSIONNELS
559. La branche des risques professionnels a été créée par la loi n° 03/59 du
30 janvier 1959 instituant un régime de réparation et de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles1. Elle vise à protéger les travailleurs contre
les risques inhérents à l’exercice d’une activité professionnelle donnée. Ces risques
sont les accidents du travail et les maladies professionnelles, lesquels ont été un des
premiers facteurs d’organisation du système de sécurité sociale, en raison de leurs
caractères dramatiques et parfois massifs, si l’on pense aux accidents dans les
mines. Le système traditionnel consistant en la mise en cause de la responsabilité
civile a montré ses limites en ces domaines, en raison des difficultés à établir la
responsabilité de l’employeur dans les accidents ou les maladies. Même si la
responsabilité d’un auteur du dommage est établie, ou dans le cadre d’une
responsabilité présumée de l’employeur, il se pose souvent le problème de sa
solvabilité pour faire face à l’obligation de réparer. L’employeur étant le premier
bénéficiaire de l’activité du travailleur, il lui incombe de veiller à sa sécurité sur les
lieux de travail en prenant les mesures propres à prévenir les risques, et de réparer
en cas de réalisation du risque. C’est sur la base de la théorie du risque et de
l’obligation de sécurité2, que les cotisations en matière d’accidents du travail et de
maladies professionnelles sont entièrement à la charge de l’employeur.

La protection sociale contre les risques professionnels a pris de l’ampleur


sur le plan universel, au fur et à mesure du progrès scientifique qui permet d’établir
une relation de cause à effet entre l’exercice d’une profession et certaines maladies.
La liste des maladies professionnelles s’allonge avec l’apparition de nouvelles
maladies ou de nouveaux outils de travail. Par exemple, le SIDA est une nouvelle
maladie qui prend un caractère de risque professionnel pour les travailleurs de la
santé. L’ampleur des risques se constate de même au Burkina Faso, où
l’industrialisation et l’urbanisation ont rendu sensible la question de la protection
contre les risques liés à l’exercice d’une profession. Nous distinguerons les
conditions à remplir pour bénéficier de cette protection, d’une part et, d’autre part,
les différentes prestations qui sont servies.

SECTION I - CONDITIONS D’ADMISSION AU


BENEFICE DES PRESTATIONS
560. Rappelons que les conditions générales pour bénéficier de la
couverture de la sécurité sociale sont d’être immatriculé et affilié à une caisse

1 J.O.RHV, du 16 février 1959, p. 105 ; Code social, p. 525


2 BABIN Mathieu et PICHON Nathalie, obligation de sécurité et faute inexcusable de l’employeur, Dr ; soc.
2002, pp. 828 et s. ; LYON-CAEN A., Une révolution dans le droit des accidents du travail, Dr. Soc., 2002, pp.
445 et s. ; SAINT-JOURS Yves (sous la direction), Traité de sécurité sociale, tome III, les accidents du travail
(définition, réparation, prévention), Paris, LGDJ, 1982.

520
déterminée et d’être en règle vis-à-vis des cotisations. A ces conditions générales
s’ajoutent les conditions spécifiques de fond et de forme propres à chaque branche
de la sécurité sociale. Dans le cas des risques professionnels, il y a lieu de faire la
distinction entre accident du travail et maladie professionnelle dans la mesure où
cette dernière présente un caractère spécifique.

§ 1 – Les conditions en matière d’accident du travail


A – LA CONDITION DE FOND

La condition de fond est relative à la notion d’accident de travail dont il


convient d’en donner une définition générale avant de préciser la notion d’accident,
son caractère professionnel et le cas de l’accident de trajet ou de l’accident subi par
le travailleur en déplacement dans un cadre professionnel.

1) Définition générale

561. Selon l’article 42 du code de sécurité sociale (CSS), « est considéré


comme accident du travail, qu’elle qu’en soit la cause, l’accident survenu à un
travailleur par le fait ou à l’occasion du travail, qu’il y ait ou non faute de sa part ».
L’accident du travail couvre en fait deux évènements : l’accident de travail
proprement dit et l’accident de trajet.

Le code de sécurité sociale définit l’accident de trajet comme : « a)


l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet d’aller et de retour entre sa
résidence ou le lieu où il prend ordinairement ses repas et le lieu où il effectue son
travail ou perçoit sa rémunération, dans la mesure où le parcours n’a pas été
interrompu ou détourné par un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de
l’emploi ; b) l’accident survenu pendant les voyages dont les frais sont supportés
par l’employeur en vertu des textes en vigueur »1.

L’accident de trajet est celui survenu entre le lieu de travail, première extrémité
du trajet, envisagée de manière extensive, et les points suivants :

Le lieu de résidence ;
Le lieu où il prend habituellement ses repas ;
Le lieu où il perçoit sa rémunération.

Le lieu du travail est tout lieu où le salarié se rend ou s’est rendu sur ordre de
son employeur, et pas nécessairement un lieu fixe où il exerce habituellement2.

1 Article 42, 2° C.SS. Voyez l’article 95 C. trav. de 1992, actuellement article 166 et s. C. trav. De 2004,
concernant les frais de voyage à la charge de l’employeur.
2 Voy. Y. SAINT-JOURS, p. 305 ; Cas. Soc., 9 mai 1967, J.C.P., 1968.II.378, note J. Ghestin.

521
En France et dans quelques législations africaines1, il est pris en compte la
résidence principale et la résidence secondaire. Par ailleurs la législation française
vise une extrémité dont l’application ne semble pas aisée : le lieu où le travailleur
se rend habituellement pour des motifs d’ordre familial2.

Lieu habituel des repas

Résidence principale

Lieu de travail Résidence secondaire

Lieu où le travailleur se
rend habituellement
pour motifs d’ordre
familial
Source : J.J. Dupeyroux, 8e édition, p. 523

Est aussi considéré comme accident du travail, l’accident survenu pendant


les voyages du travailleur dont les frais sont supportés par l’employeur3. Il s’agit
des trajets : du lieu de résidence habituelle au lieu de l’emploi ; du lieu de l’emploi
au lieu de résidence habituelle dans les cas d’expiration du contrat, de résiliation du
contrat du travailleur qui a acquis droit aux congés, ou de rupture du contrat même
en cas de faute lourde ou de force majeure. Il s’agit des déplacements du travailleur
dans une localité, soit parce qu’il y a été envoyé en mission ponctuelle, soit parce
que ces genres de déplacements sont liés à sa profession. La présence du travailleur
dans la localité est motivée par l’intérêt de l’entreprise. Sont toutefois exclues les
situations d’accident à la suite d’actes d’agrément ou d’intérêt personnel tels que
les promenades et les excursions touristiques hors de l’hôtel. Lorsque le travailleur
est en déplacement, la détermination des situations prises en compte et des
situations exclues est délicate car il faut faire la distinction entre les actes
accomplis dans le cadre de la mission et les actes qui ne supposent plus cette
mission et un rapport de dépendance4.

La formule de l’article 42 est très large : elle englobe tous les accidents
survenus au travailleur dans l’exercice de ses fonctions.

1 La Guinée, le Cameroun, la Centrafrique selon P. MOUTON, in L’étendue des systèmes africains de sécurité
sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t; 8, p. 301.
2 Cf. article L. 411-2 ; J.J. DUPEYROUX et al. 14 e édit., p. 644, note 5.
3 Suivant l’article 95 C. trav. (article 166 C. trav. de 2004).
4 Voy., Soc. 14.2.1980, Bull. V n° 153, Soc. 3.2.1994, Jurisp. UIMM mars 1994, p.104 ; Soc. 26 mai 1994,

RJS 7/94 n° 907 ; jurisp. UIMM juillet 1994, p. 261.

522
Mais que recouvre la notion d’accident ?

2) La notion d’accident

562. Il n’y a pas de définition légale de l’accident. La jurisprudence


traditionnelle retenait comme critères « l’action soudaine et violente d’une cause
extérieure provoquant un lésion de l’organisme humain »1. Quatre critères étaient
ainsi retenus : l’extériorité, la violence, la soudaineté et la cause extérieure2.

Cette conception a été abandonnée parce que les critères de la violence et de


la cause extérieure sont souvent inopérants et constituent des exigences restrictives.
Par exemple, constitueraient des éléments extérieurs, la voiture, le marteau,
l’arme. Mais les juridictions admettent des évènements qui ne sont pas extérieurs à
la victime comme constitutifs d’un accident. C’est le cas lorsqu’un personne
fournit beaucoup d’efforts au cours de son travail et se blesse (entorse, faux
mouvements, etc.). Le critère d’extériorité peut, par conséquent, être inopérant.

Le critère de la violence n’est pas précis car il n’est pas fait de distinction
entre violence physique et violence psychique. Les juges y font rarement état3.

Le seul critère nécessaire est celui de la soudaineté, car c’est le critère qui
distingue l’accident du travail de la maladie professionnelle caractérisée par une
évolution lente4. Mais l’aggravation ou la révélation soudaine par l’effet du travail,
d’un état pathologique préexistant est un accident du travail5.

« L’accident de travail serait donc, une brusque survenance d’une lésion de


l’organisme aux temps et lieu de travail »6. Au critère de la soudaineté qui
caractérise l’accident s’ajoutent d’autres critères (au temps et lieu ; par le fait ou
l’occasion du travail) qui donnent un caractère professionnel à l’accident.

3) Le caractère professionnel de l’accident

563. Une fois la matérialité de l’accident établie, des difficultés peuvent


naître lorsqu’il s’agit de déterminer son caractère professionnel. Comment prouver
que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail ? La jurisprudence
s’appuie sur la théorie du risque et du profit et sur la théorie de la subordination
juridique pour pallier les difficultés qu’éprouvent les travailleurs à faire cette

1 Soc. 20 mai 1950, D. 1950. 469 ; Soc. 31 avril 1956.


2 Voy., J.J. DUPEYROUX, La notion d’accident du travail, D. 1964 chron. p. 23. ; Saint jours, Traité, tome.1,
1980 p. 294 et s. ; Y. SAINT-JOURS, Les accidents du travail, Traité de sécurité sociale, tome 3, LGDJ, 1982.
3 Arrêt du 20 mai 1950 op. cit. (typhus contracté lors du travail).
4 Mais la Cour de cassation française a eu à considérer une crise de paludisme due à une piqûre de moustique

en Afrique et pendant le temps de la mission comme un accident de travail. Soc. 17.1.1991, RJS 3/91 n° 393.
5 SO. 21 oct. 1965, Bull. civ., IV, p. 581 n° 690 ; D. 1966, 86.
6 Revue fiduciaire n° 517, p. 163.

523
preuve. Elle écarte l’application du droit commun de la responsabilité1 pour établir
une présomption d’imputabilité de l’accident au travail2.

Il faut que l’activité soit exercée sous la subordination juridique du chef


d’entreprise. Si l’accident est survenu sur les lieux et pendant les heures du travail,
il y a présomption du caractère professionnel. Mais l’employeur peut rapporter la
preuve contraire. Par exemple, lorsque la victime quitte son poste de travail pour se
livrer à des activités personnelles, il s’est soustrait à l’autorité de l’employeur.

Toutefois, le non respect des ordres, tel que le non respect des mesures de
sécurité ou la désobéissance, ne veut pas dire soustraction à l’autorité de
l’employeur, c’est-à-dire absence de subordination. Dans le cas de violation des
consignes, le travailleur encourt seulement des réductions de prestations pour faute
inexcusable : s’il pénètre dans un lieu interdit, cela veut dire que c’est en
connaissance de cause des conséquences dommageables et qu’il a accepté d’avance
ces conséquences.

La présence sur les lieux de travail peut être étrangère à l’accident. le


travailleur peut être victime d’une crise cardiaque qui résulte d’un état
pathologique sans lien avec le travail.

Si l’accident s’est produit hors des lieux de travail et en dehors des heures
normales de travail, il faut apprécier selon les circonstances. Par exemple, il y a
accident de travail si un travailleur est envoyé dans une localité et il est victime
d’une calamité survenue dans la zone (tremblement de terre par exemple). La
causalité est ici présumée (préjudice tenant à l’accident). Ainsi, pour certains
travailleurs tels que les VRP (voyageurs représentants placiers), les routiers, les
visiteurs (ou délégués médicaux), le personnel navigant de l’aviation civile, le
critère du lieu de travail devient inopérant. Il est écarté au profit du temps
d’exécution du travail3.

Dans le cas de l’accident de trajet 4, le travailleur est protégé dans les deux
sens s’il se rend de son lieu de travail à sa résidence ou au lieu où il prend
habituellement ses repas, ou au lieu où il se rend pour percevoir sa rémunération.

Le lieu de travail s’entend de tout lieu ou le travailleur se rend sur ordre de


son employeur. Ce n’est pas nécessairement le lieu où est situé l’entreprise ou
l’atelier. Mais il est à noter qu’il n’est pas protéger s’il n’y allait pas pour travailler

1 Article 1315 C. civ.


2 Voy. J.P. CHAUCHARD, Droit de la sécurité sociale, LGDJ, Paris, 1994, p.318.
3 Voy. J.P. CHAUCHARD, op.cit. p.325.
4 Sur les décisions en matière d’accident de trajet, voyez : C.A. Ouagadougou, arrêt n° 8 du 17/2/1998, Nessa

c/ Y. M. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 21 du 18/12/97, R.S.Z. c/ Faso Fani ; C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 13
du 15/2/1999, CNSS c/ S. O. ; C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 75 du 17/11/1997, K.G. c/ CNSS.

524
(ex. travailleur en congé qui se rend au lieu de travail pour des raisons
personnelles ; travailleur en grève qui s’y rend pour faire le piquet).

4°) L’interruption ou le détour de trajet

564. Le parcours protégé est celui qui va du lieu de travail à divers lieux
lorsque le déplacement est effectué pour les besoins du travail. Il s’agit des
itinéraires accomplis en relation ou par le fait du travail dans la limite des
extrémités définies et sans détour ou interruption. Il n’est toutefois pas imposé au
travailleur un tracé fixe et invariable. Celui-ci peut emprunter telle ou telle voie en
fonction de diverses variables : chemin plus carrossable ou présentant moins de
risques d’embouteillage, etc. Il est seulement exigé, dans son exécution, que le
trajet soit le plus direct, c’est-à-dire le plus court et le moins dangereux. Cette
exigence fait appel à la notion de trajet normal1. Le trajet doit aussi avoir été
exécuté dans un temps proche du début de la cessation du travail. Il ne doit pas y
avoir suspension c’est-à-dire interruption délibérée du parcours. La notion de
suspension pourrait aussi s’appliquer au travailleur qui reste trop longtemps au
service après la cessation du travail pour des raisons non liées au travail.

Dans quelques cas, le travailleur sera couvert lorsqu’il a eu à interrompre ou


à détourner son trajet. Il en est ainsi si le trajet a été interrompu ou détourné dans
l’intérêt du travail (achat d’instrument de travail). Il ne sera pas couvert si le détour
ou l’interruption a été fait dans un intérêt personnel. Toutefois, le travailleur restera
couvert si l’interruption ou le détour est justifiée par des actes de la vie courante,
liés aux contraintes inhérentes à l’exécution du travail. Par exemple, s’arrêter pour
des achats alimentaires ou pour poster une lettre n’est pas sans relation avec les
contraintes horaires imposées par le statut de travailleur salarié2. L’interruption de
trajet est d’interprétation étroite3 parce que le travailleur n’est pas sous l’autorité
directe de l’employeur. Seront exclus les actes préparatoires au départ au travail4.

B – LES CONDITIONS DE FORME

565. Les conditions de forme concernent essentiellement l’accident de


travail, puisqu’en cas de maladie professionnelle conditions de fond et de forme se
confondent. La victime ainsi que l’employeur doivent accomplir certaines
formalités afin que les prestations soient servies.

Lorsqu’il s’agit d’un accident du travail, la victime doit déclarer l’accident à


l’employeur ou à son préposé ou le faire déclarer dans les 24 heures. Aucune
sanction n’est prévue en cas de non respect de ce délai de déclaration à

1 So. 4.12.1985, Bull. V n° 571.


2 Voy. Y. SAINT-JOURS, t.1, op. cit. p. 310.
3 Voy. C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 75 du 17/11/1997, op. cit. : détour non prouvé.
4 Cf. J.P. CHAUCHARD op.cit. p. 326.

525
l’employeur, si ce n’est que la victime court le risque de perdre le bénéfice de la
présomption de causalité (la relation entre l’accident et le travail). L’employeur
doit à son tour déclarer l’accident dans les 48 heures à la CNSS et lui fournir tous
les renseignements nécessaires au calcul des indemnités (période de travail, nombre
de journées, montant du salaire, date de la paie…). Il doit remettre au salarié une
feuille d’accident de travail, pour le bénéfice des prestations en nature.

Dans les 48 heures, l’employeur doit de même déclarer l’accident à


l’inspection du travail. Cette déclaration a pour but de permettre à l’inspecteur de
déclencher, s’il y a lieu, une enquête sur les causes et les circonstances de
l’accident. L’enquête est obligatoire s’il y a décès ou une personne gravement
blessée. La Caisse elle-même procède à ses propres vérifications du caractère
professionnel et peut déclencher l’enquête légale si l’accident a entraîné la mort ou
est susceptible d’entraîner la mort ou une incapacité partielle ou totale supérieure à
15% ou lorsque la déclaration est douteuse ou incomplète.

Les causes et circonstances de l’accident entrent en ligne de compte pour le


calcul des droits de la victime. L’employeur qui néglige de faire les déclarations
d’accident s’expose à des sanctions pénales ou civiles. Au plan pénal, il encoure
une amende de 10 000 à 50 000 Fcfa et en cas de récidive dans le délai d’un an,
l’amende passe de 50 000 à 100 000 Fcfa1.

Les sanctions civiles consistent en l’action en remboursement des


prestations versées à l’assuré par la caisse.

§ 2 - Conditions en matière de maladie professionnelle


566. Il n’y a pas non plus de définition légale de la maladie professionnelle.
Celle-ci est un risque existant auquel s’expose le travailleur en exerçant telle ou
telle profession. La maladie professionnelle peut être définie comme « une maladie
survenue au travailleur par le fait et à l’occasion de manipulation et de l’emploi
d’agents nocifs au cours de son activité salariale »2. Sont des maladies
professionnelles celles causées par l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
certaines professions bien déterminées comportant la manipulation et l’emploi
d’agents nocifs.

Il est établi une liste de maladies professionnelles, indiquant les travaux,


professions ou emplois qui exposent au risque de les contracter3. L’alinéa 1er du
décret n° 96-355 du 11 octobre 1996 portant liste des maladies professionnelles
vise « les différentes manifestations morbides d’intoxication aiguës ou chroniques,

1 Art.92 CSS.
2 Cf. Echo-CNSS, n° 4 et 5, 3e et 4e trimestre 1983, p.18.
3 Voy. Décret n° 96-355/PRES/PM/MTSS du 11 octobre 1996 portant liste de maladies professionnelles,

Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, pp. 569 et s.

526
les infections microbiennes, les affections présumées résulter d’une ambiance ou
d’attitudes particulières présentées par les travailleurs exposés d’une façon
habituelle à l’action d’agents nocifs et considérées comme maladies
professionnelles… ». Cette liste est accompagnée de 53 tableaux classant les
maladies professionnelles ainsi que le délai de prise en charge ou durée
d’incubation. Ce délai court à compter de la cessation de l’exposition au risque.
Lors de la première constatation médicale, le salarié ne bénéficiera de la
présomption d’imputabilité que s’il n’a pas cessé d’être exposé au risque au-delà
du délai indiqué. Ce délai varie selon les maladies et pour la même maladie selon
les symptômes cliniques. Les causes de ces maladies peuvent être classées en trois
groupes. Il s’agit :
- Soit d’agents chimiques : mercure, phosphore, chlorure, plomb, ciment,
acide, etc. Ces agent chimiques sont causes de diverses maladies se présentant
comme des manifestations morbides d’intoxications aiguës ou chroniques
(exemple : saturnisme pour le plomb, benzolisme pour le benzène, silicose…).
- Soit d’affections dues à l’ambiance et aux attitudes particulières exigées
par le travail : salariés qui utilisent des marteaux pneumatiques ; travaux dans des
conditions atmosphériques anormales etc. ;
- Soit d’infections microbiennes tels que le charbon, le tétanos, la brucellose
ou fièvre ondulante (causée par les travaux dans les laiteries, abattoirs, boucherie)1.

Le travailleur qui estime être touché par une maladie professionnelle doit
établir :
- qu’il est atteint d’une maladie inscrite sur la liste des maladies
professionnelles 2 ;
- qu’il a exercé une activité susceptible de faire contracter la maladie prévue
au tableau des maladies professionnelles ; et,
- que le délai d’incubation n’est pas dépassé3. Ce délai d’incubation prend
pour base la date de cessation de l’activité.

567. Si ces éléments ci-dessus sont remplis, il y a présomption que la


maladie est effectivement due à l’activité professionnelle. L’avantage du système
de liste énumérative est de créer cette présomption et donc de faciliter la preuve de
la relation entre la maladie et l’exercice de l’emploi. Son inconvénient est d’exclure
de la réparation des maladies qui peuvent s’avérer d’origine professionnelle. Le
système de liste suppose une mise à jour périodique - obligation prévue par l’article
42-2° - et rapide, ce qui n’est pas le cas au Burkina Faso. Il peut se poser aussi,
comme le relève M. P. Mouton, le problème de l’adaptation de cette liste, emprunté

1 Loi n° 3/59/AL du 3/1/1959, Recueil annoté, annexe 71 ; Décret 96.355 du 11 octobre 1996 fixant la liste des
maladies professionnelles voy., code social, p. 569 et s.
2 Cas de rejet de la qualification : C.A. Ouagadougou, arrêt n° 120 du 04/12/2001, Z.Y. c/ S. (travailleur admis

à l’hôpital en psychiatrie et qui impute sa maladie à un agression subie au service) ; C.A. Ouagadougou, arrêt
n° 135 du 06/12/1994 ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 86 du 02/5/1995, S.E c/ O.
3 Voyez les tableaux indiquant les maladies, les délais d’incubations et les travaux susceptibles de les

provoquer ces maladies in Code social, pp. 571 à 630.

527
à l’ancienne métropole, par rapport à la nature des activités, aux conditions
climatiques et au niveau d’industrialisation1.

La maladie professionnelle est assimilée à l’accident du travail au point de


vue du régime de prestations et la date de la première constatation médicale est
assimilée à la date de l’accident.

Sur le plan des formalités particulières, l’employeur doit, comme en matière


d’accident du travail, déclarer toute maladie professionnelle dont est victime un
salarié sur des imprimés fournis par la Caisse. En cas de carence de l’employeur, la
déclaration peut être faite par la victime ou ses représentants 2. La déclaration
d’accident de travail ou de maladie professionnelle doit être faite dans le délai légal
de 48 heures après l’accident ou la constatation de la maladie professionnelle. Le
médecin traitant établit un certificat médical qui doit indiquer, en cas de maladie
professionnelle, la nature de la maladie et notamment les manifestations
mentionnées au tableau des maladies professionnelles qui sont constatées, ainsi que
les suites probables.

SECTION II - LES PRESTATION DE LA BRANCHE


DES RISQUES PROFESSIONNELS
568. Les prestations de la branche des risques professionnels comprennent,
suivant l’article 45 CSS : a) les soins médicaux nécessités par les lésions résultant
de l’accident, qu’il y ait ou non interruption du travail ; b) en cas d’incapacité
temporaire de travail, des indemnités journalières ; c) en cas d’incapacité
permanente de travail, totale ou temporaire, une rente ou une allocation
d’incapacité ; d) en cas de décès, une allocation de frais funéraires et des rentes de
survivants. En outre le service des prestations familiales est maintenu pendant la
durée de l’incapacité temporaire ou permanente ou au profit des bénéficiaires des
rentes de survivants.

Ces prestations sont de deux types : les prestations en nature et les


prestations en espèces. Les prestations en nature sont celles que la Caisse ou
l’employeur prend directement en charge dans le cadre des soins à apporter à la
victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle. L’article 46, 2° précise
que les prestations de première urgence sont mises à la charge de l’employeur. Les
prestations en espèces sont des substituts aux salaires perdus par le travailleur par
suite de l’inactivité ou de la réduction de sa capacité de travail.

1Voy. P. MOUTON, op. cit. p. 305.


2Cf., article 11 de l’arrêté n° 1318 FPT du 24 décembre 1976 portant réglementation du service des prestations
de la sécurité sociale, J.O.RHV du 10 février 1977, p.13 ; Code social, p.534. Voy. également, article 224
C.trav. de 2004.

528
§ 1 - Les prestations en nature
569. La Caisse prend directement en charge un certain nombre de frais qui
sont compris dans le terme de soins médicaux1 . Ces soins s’étendent à la prise en
charge des frais de réadaptation, de rééducation et de reclassement.

A - LES SOINS MEDICAUX

Les frais de soins médicaux pris en charge comprennent :


a) L’assistance médicale, chirurgicale et dentaire (ou frais médicaux) y
compris les examens radiologiques, les examens de laboratoire et les
analyses ;
b) les frais pharmaceutiques (fourniture de produits pharmaceutiques et
accessoires);
c) les frais d’entretien dans un hôpital ou une autre formation sanitaire ;
d) les frais de transport de la victime du lieu de l’accident à la formation
sanitaire la plus proche ou à sa résidence2 ;
e) les frais d’appareillage. La Caisse fournit, entretien et renouvelle les
appareils de prothèse et d’orthopédie reconnus nécessaires par le médecin
de la caisse. Les appareils d’orthopédie sont des appareils destinés à
corriger les affectations des membres. Les appareils de prothèse sont, eux,
destinés à remplacer un membre. La victime peut exercer un recours
devant la Commission d’appareillage si le médecin de la caisse rejette la
demande d’appareil.

B- LES FRAIS DE READAPTATION FONCTIONNELLE, DE


REEDUCATION PROFESSIONNELLE ET DE
RECLASSEMENT

570. La réadaptation fonctionnelle3 consiste à faire subir un traitement en


vue de la récupération totale ou partielle d’une aptitude physiologique. Ce
traitement peut être prescrit à la demande de la victime ou sur l’initiative de la
Caisse, après un examen médical spécial effectué par le médecin traitant et le
médecin de la Caisse. En cas de désaccord entre ces deux médecins, la décision est
prise par une procédure d’expertise. L’expert est désigné d’un commun accord par
le médecin traitant et le médecin de la Caisse. La décision de l’expert n’est pas
susceptible d’un recours contentieux. C’est la CNSS qui statue sur la nature et la
durée du traitement au vu de l’avis de l’expert. Sa décision, notifiée à la victime,
est susceptible de recours contentieux. Le traitement peut comporter l’admission

1 V. art. 46 CSS.
2 Les frais de transport de la résidence au cabinet médical, pour le cas d’une victime qui aurait été conduite
chez lui au lieu d’aller directement au centre médical, ne sont pas pris en considération mais ils pourraient être
pris en compte dans la notion d’évacuation dans un centre hospitalier d’une autre localité.
3 Cf. articles 101 à 105 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.

529
dans un établissement public ou privé agréé, à la charge de la Caisse. Le
bénéficiaire doit se soumettre au traitement et mesures prescrites, aux visites
médicales et contrôles organisés par la Caisse, s’abstenir de toute activité non
autorisée et accomplir les exercices et travaux prescrits.

La rééducation professionnelle concerne la victime qui, à la suite d’un


accident ou d’une maladie professionnelle, est devenue inapte à exercer sa
profession ou ne peut plus le faire qu’après une nouvelle adaptation. Le travailleur
est, soit admis gratuitement dans un établissement public ou privé de rééducation
professionnelle, soit placé chez un employeur pour s’y réadapter à sa profession ou
apprendre une autre profession. C’est très fréquemment une rééducation en vue
d’occuper un nouvel emploi. Un contrat type de rééducation définit les droits et
obligations des parties et les modalités de contrôle de la rééducation par les
inspecteurs du travail et par la Caisse1. Les frais de rééducation incluent les frais de
voyage aller et retour, l’indemnité journalière, le prix de la journée dans
l’établissement, les frais d’appareils de prothèse nécessaires à la rééducation dans
une limite fixée.

Le reclassement professionnel concerne la situation où la victime d’un


accident du travail ou d’une maladie professionnelle est atteinte d’une réduction de
capacité la rendant inapte à occuper son ancien emploi. Selon la réglementation du
travail, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle est simplement suspendu et non rompu. Aussi l’employeur
doit reprendre le salarié après sa guérison. Si celui-ci est atteint d’une incapacité
permanente, l’employeur doit l’affecter à un poste de travail correspondant à ses
aptitudes. Si l’employeur ne dispose d’aucun emploi permettant le reclassement, il
soumet le licenciement du travailleur à la décision de l’inspecteur du travail 2.
L’article 115 de l’arrêté n° 1318/FPT du 24 décembre 1976 fait obligation aux
employeurs de réserver une part de leurs emplois aux mutilés du travail3. La
victime d’un accident du travail est ainsi un travailleur protégé4.

§ 2 - Les prestations en espèces


571. Les prestations en espèces ont pour but de compenser les pertes de
revenus résultant, pour la victime, de son incapacité temporaire de travailler ou de

1 Article 110 de l’arrêté n° 1318 précité.


2 Exemple de licenciement justifié : Trib. trav. Ouagadougou, jugement n° 07 du 4/3/1994 (cécité du salarié
après un accident du travail).
3 En France, la caisse primaire peut accorder des primes de fin de rééducation ou des prêts d’honneur pour

faciliter le reclassement. Y. SAINT-JOURS, Traité T.1, p. 324 ; J. SAVATIER, Examen médical de reprise et
obligation de reclassement de la victime d’un accident du travail, Dr. Soc. 1999, pp. 8 et s.
4 V. Pour les licenciements jugés abusifs : C.A. Ouagadougou, Ch. Soc., arrêt n° 10 du 18/1.1994, in ZOMBRE

Léontine et SY Arouna, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), p. 213 ; C.A. Ouagadougou,
arrêt n°21 du 18/12/1997, R.S.Z. c/ F.F. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 26 du 04/3/1997, G.N.S. c/ S.

530
son incapacité permanente. Il est servi à la victime d’accident du travail ou de
maladie professionnelle des indemnités journalières, en cas d’incapacité
temporaire, et une rente, en cas d’incapacité permanente.

A - L’INDEMNITE JOURNALIERE
EN CAS D’INCAPACITE TEMPORAIRE

La victime a droit, pendant toute la période qui précède la guérison, la


consolidation de la lésion ou le décès, à une indemnité journalière (I.J.) dont le
montant est égal aux deux tiers (2/3) de sa rémunération journalière moyenne1.

(SJM X 2)
I.J. = ------------
3
La rémunération journalière moyenne (SJM) est obtenue en divisant le total
des rémunérations soumises à cotisation (TR) des trois derniers mois par 90 (ou,
s’il n’a pas travaillé trois mois, le salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé trois
mois).

TR x 3
SJM = ----------- ou SJM = (TR3) : 90
90

Le salaire soumis à cotisation comprend le salaire de base + les primes + les


indemnités (à l’exclusion de celles qui constituent des remboursements de frais) +
les gratifications + les commissions + la contre-valeur des prestations en nature,
jusqu’à concurrence du plafond de cotisation. Ce plafond, qui était de 200 000
francs CFA depuis les années 1970, a été porté à 600 000 par mois en 2003 soit
1.800.000 francs CFA par trimestre. Les prestations familiales ne sont pas prises en
compte.

Exemple :
1er mois : salaire de base (S.B.) 75 000, Indemnité 25 000, soit un total de
rémunération (T.R) de 100 000 ;
2ème mois : S.B. : 75 000 ; Indemnités : 30 000 ; T.R = 105 000 ;
3ème mois : S.B. ; 75 000 ; Indemnités : 35 000 ; T.R = 110 000.

T.R. des 3 mois = 80 000 + 85 000 + 90 000 = 315 000

315 000
SJM = ----------- = 3 500
90

1 Art. 47 CSS.

531
SJM x 2 3 500 x 2
I.J. = ----------- = ------------------- = 2 333,33
3 3

Le montrant à régler sera de 2333,3 multiplié par le nombre de jours d’arrêt de


travail.

2ème exemple

1er mois S.B.= 35 000


Ind. = 10 000
Total R. = 45 000

2ème mois S.B. = 35 000


Ind. = 8 000
Total R. = 43 000

3ème mois S.B. = 35 000


Ind. = 12 000
Total R = 47 000

Salaire des 90 derniers jours = 45 000 + 43 000 + 47 000 = 135 000

Salaire journalier moyen = 135 000 : 90 = 1 500

1 500 x 2
Indemnité journalière = -------------- = 1 000
3

Indemnités journalières pour un mois = 1 000 x 30 = 30 000. Les indemnités


journalières effectivement payées s’obtiennent en multipliant l’indemnité
journalière par le nombre de jours d’arrêt de travail.

L’indemnité journalière est payée pour chaque jour d’incapacité, y compris


les dimanches et jours fériés. La caisse commence à lui verser cette indemnité à
partir du 2ème jour de l’arrêt de travail, l’employeur devant supporter la
rémunération du jour de l’arrêt de travail. Mais le montant de l’indemnité
journalière est versé à l’employeur si celui-ci a continué à verser son salaire à la
victime d’accident du travail et de maladie professionnelle durant l’arrêt de travail.
Tel peut être le cas s’il est fait application de l’article 27 de la convention collective
interprofessionnelle de 1974 qui prévoit que le travailleur en état d’incapacité

532
temporaire reçoit une allocation calculée de manière à lui assurer son ancien
salaire.

L’indemnité est payée selon la même périodicité que le salaire, sans pouvoir
être inférieure à sept jours ou supérieure à un mois. Elle peut être révisée lorsqu’il
y a une augmentation générale de salaire après l’accident et que l’interruption de
travail atteint trois mois1.

L’assuré est astreint à certaines obligations pendant le versement de


l’indemnité journalière. Il n’a pas le droit de travailler. Cependant il peut être
autorisé, exceptionnellement et sous certaines conditions, à reprendre un travail
léger si cela peut permettre la guérison. Cette autorisation est donnée par le
médecin traitant avec l’accord du médecin de la Caisse. En ce cas, l’indemnité
journalière peut être partiellement ou totalement maintenue2.

Le versement de l’indemnité journalière prend fin avec la guérison ou la


consolidation. S’il y a guérison, le travailleur reprend le travail. S’il y a seulement
consolidation, il passe dans une autre catégorie. Il y a consolidation quand la
blessure est médicalement stabilisée.

B – LA RENTE D’INCAPACITE PERMANENTE

572. On dit qu’il y a incapacité permanente quand l’accident ou la maladie a


entraîné une réduction définitive de la capacité de travail de la victime. Cette
incapacité peut être partielle ou totale. Le degré d’incapacité permanente est
déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ses
facultés physiques et mentales, ses qualifications professionnelles 3, et sur la base
d’un barème indicatif d’invalidité établi par arrêté pris après avis du Comité
technique consultatif pour les questions d’hygiène et de sécurité4. Exemples : les
deux yeux 100% ; un œil 25 à 30% ; les deux jambes 90 à 100% ; la main droite
70%, la main gauche 65% (ou l’inverse si c’est un gaucher) etc.

Selon le degré d’incapacité permanente, il est servi à la victime une rente ou


une allocation. Il lui est servi une rente d’incapacité permanente (R.I.P.) lorsque le
degré d’incapacité est au moins égal à 15%. Une allocation lui est versée en une
seule fois si le degré d’incapacité est inférieur à 15%.

1 Article 47, 4° CSS.


2 Article 44 arrêté n° 1318 FPT du 24/12/1976.
3 Voy. Trib. trav. Bobo-Dioulasso, jugement n°8 du 19/2/1998, S.O. c/ CNSS, jugement réformé par C.A.

Bobo-Dioulasso, arrêt n° 13 du 15/2/1999, CNSS c/ S.O.


4 Article 49 CSS. Mais cet arrêté n’ayant pas été pris, l’on se base sur les barèmes français. Cf. Code social, p.

511, note 317 ; Voy. Egalement Echo-CNSS, n° 6 et 7 des 1er et 2ème trimestre 1984, p. 15, qui précise que le
taux d’incapacité « varie de 1 à 100% mais les textes le limite à 85%)

533
Les modalités de calcul

573. La rente d’incapacité permanente totale (RIPT) est égale à 85% de la


rémunération mensuelle moyenne1, celle-ci étant déterminée selon les mêmes
critères que précédemment.
Ainsi :

SMM = SJM x 30 (ou rémunération mensuelle moyenne = 30 fois la


rémunération journalière moyenne).

SMM x 85 SJM x 30 x 85
RIPT = ------------- ou ------------------
100 100

La RIPT est égale à 30 fois la rémunération journalière moyenne divisé par


100 multiplier par 85.

Si l’on a une rémunération journalière moyenne de 3 000 francs, cela


donnera :

RJM = 3 000

3 000 x 30 x 85
RIPT = ---------------------- = 76 500
100

La rente d’incapacité permanente partielle (IPP) est proportionnellement


calculée à partir d’une rente d’incapacité permanente totale fictive. Par exemple si
le taux d’incapacité (I) permanente partielle est de 20%, la RIPP sera :
I
RIPP = RIPT x ------------
100

SMM x 85 I
RIPP = ---------------- x -----------
100 100

Soit, si le SJM est de 3 000 et I (taux incapacité) de 20% :

3 000 x 30 x 85 20 76 500 x20


------------------- x --------- = ---------------------- = 15 300
100 100 100

1 Article 50 CSS.

534
L’allocation d’incapacité est de trois fois le montant annuel de la rente
fictive correspondant au degré d’incapacité1. Ainsi, pour une incapacité de 10%
l’allocation sera :

Soit RIPT de 76 500, dans l’exemple précédent,


10 76 500 x 10
Allocation = RIPT x --------- x 12 x 3 = ------------------ x 12 x 3 = 275 400
100 100

2) Le versement et les modifications

574. La rente est versée trimestriellement. Mais elle peut être versée
mensuellement à la demande de l’assuré si le taux d’incapacité atteint ou dépasse
75% car le montant de la rente, qui justifie le versement mensuel ou trimestriel,
dépend de la rémunération et du degré d’incapacité. Le paiement mensuel est
obligatoire pour les victimes atteintes d’une incapacité permanente totale 2.

La rente, comme l’indemnité journalière, est insaisissable et incessible dans


les mêmes conditions que le salaire3. Par ailleurs, les rentes, comme les pensions,
font l’objet de relèvement par décret lorsqu’il y a augmentation des salaires4.

La rente peut être révisée dans le sens de la diminution ou de


l’augmentation s’il y a modification de l’Etat de l’assuré, c’est-à-dire s’il y a
aggravation ou diminution de son incapacité. Pour permettre de suivre les
modifications éventuelles de son état, l’assuré est obligé de se soumettre aux
examens médicaux requis par la caisse. Ces examens peuvent être périodiquement
organisés à intervalle de 6 mois ou d’un an. Si l’assuré refuse de se soumettre à ces
examens, la rente peut être suspendue. Si le bénéficiaire d’une rente ou d’une
allocation est de nouveau victime d’un accident de travail, la nouvelle rente ou
allocation sera calculée en tenant compte de l’ensemble des lésions subies en
prenant comme base la rémunération qui avait servie au calcul de la précédente
rente ou allocation5.

La rente peut être majorée pour assistance d’une tierce personne. Il en est
ainsi quand la victime est dans l’impossibilité d’accomplir seul les actes de la vie
courante et est donc obligée de recourir aux services d’une tierce personne. La
majoration est de 50%.

1 Article 50 §3 C.SS.
2 Art. 72 arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
3 Articles 203 et 208 du code du travail du 14 septembre 2004 (article 129 du code du travail de 1992).
4 V. décret n°97-288 portant relèvement du taux des pensions et rentes servies par la Caisse nationale de

sécurité sociale.
5 Article 55 CSS.

535
3) Le rachat

575. La rente peut être rachetée1. Le rachat consiste en une conversion de la


rente en capital. Mais ce rachat est soumis à plusieurs conditions :
- il ne peut avoir lieu qu’après un délai de cinq ans ;
- il doit être demandé dans les deux ans qui suivent ce délai de 5 ans ;
- le rachat n’est possible que si l’assuré peut prouver qu’il bénéficie de la
garantie d’un emploi judicieux du capital racheté ;
- on ne peut racheter la totalité de la rente. Le montant du capital racheté varie
avec l’âge de l’assuré 2 et le degré d’incapacité.

C – LES DROITS DES SURVIVANTS

576. Si l’accident ou la maladie professionnelle entraîne le décès de la


victime, ses proches bénéficient de certains droits. Une rente de survivants leur est
versée, ainsi qu’une allocation de frais funéraires (Article 51 CSS). Les
bénéficiaires de cette rente de survivants sont les ayants droit, c’est-à-dire les
personnes envers lesquelles l’assuré était tenu d’une obligatoire alimentaire (V.
tableau 4.3.8., Annuaire statistique, 2002 ci-après). Ce sont : le conjoint ou la ou
les conjointes, les ascendants et descendants qui étaient à la charge de l’assuré.

- La veuve ou le veuf a droit à 30% de la rente d’incapacité permanente. S’il


y a plusieurs veuves, elles se partagent les 30%. Le conjoint survivant doit être non
remarié ni séparé de corps. Le mariage doit avoir eu lieu avant l’accident ou un an
au moins avant le décès. La rente cesse d’être servie en cas de remariage ;
- Chaque enfant orphelin d’un parent a droit à 10% de la rente ;
- Chaque enfant orphelin des deux parents a droit à 30% ;
- Chaque ascendant à charge a droit à 10%.

Les orphelins sont les enfants à charge tels que définis en matière de
prestations familiales. L’orphelin doit être âgé au plus de 14 ans s’il ne fréquente
pas un établissement scolaire, au plus de 18 ans pour les apprentis ou au plus de 21
ans s’il poursuit des études ou s’il est inapte à exercer une activité. Les rentes sont
réduites au fur et à mesure que les enfants cessent d’y avoir droit.

L’ensemble des rentes des survivants ne peut dépasser 85% du salaire


mensuel moyen de l’assuré, c’est-à-dire le montant de la rente d’incapacité
permanente totale.

Le droit à la rente se prescrit par 5 ans alors que le droit aux indemnités
journalières et allocations funéraires se prescrit par un an1.

1Article 57 CSS.
2V. Paul Aihizi AKOI : Droit du Travail et de la prévoyance sociale en Côte d’Ivoire CEDA, Abidjan 1975, p.
261 : à l’âge du bénéficiaire de la rente correspondant un coefficient multiplicateur.

536
L’allocation de frais funéraires est égale à la moitié du salaire mensuel
maximum retenu pour le calcul des cotisations2. Si le décès s’est produit au cours
d’un déplacement de la victime pour son travail hors de sa résidence, la Caisse
supporte également les frais de transport du corps3.

Tableau 4.1.5. : Evolution du nombre d’accidents du travail de 1998 à 2002


selon la circonstance

Effectifs 1998 1999 2000 2001 2001


Et
Circonstance Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % Effectif %
accident
Trajet 593 13,57 504 12,24 567 14,22 498 14,78 517 15,99
Déplacement 155 3,55 182 4,42 166 4,10 143 4,24 116 3,59
Lieu 3449 78,91 3141 76,27 1764 44,23 2226 66,07 2408 74,48
habituel
Lieu 174 3,98 291 7,07 1491 37,39 502 14,90 192 5,94
occasionnel
TOTAL 4371 100 4118 100 3988 100 3369 100 3233 100
Source : CNSS, Annuaire statistique, n° 10, édition 2002

§ 3 - L’incidence de la faute sur les prestations


577. Le régime d’indemnisation peut être modifié s’il y a faute commise
lors de l’accident. On peut faire la distinction entre la faute lourde (admise et
souvent invoquée en droit du travail burkinabè), la faute inexcusable, la faute
intentionnelle. Seules les fautes intentionnelles et inexcusables ont une incidence
sur la réparation.

A – LA FAUTE LOURDE

578. La faute lourde n’a aucune incidence sur le droit à réparation. Elle
n’est pas considérée de la même façon qu’en droit du travail. En matière de sécurité
sociale, ses effets sont moins graves. La faute lourde est celle que n’aurait pas
commise le travailleur le plus inexpérimenté en la matière. Il peut s’agir d’une
imprudence, d’une négligence, de l’irrespect de la réglementation ou d’un ordre du

1 Article 78 CSS.
2 Art. 53 CSS.
3 V. aussi, Convention de sécurité sociale des travailleurs migrants signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, in

Code social, pp. 472 et s.

537
supérieur hiérarchique1. Elle contient une idée de connaissance supposée, mais pas
un élément intentionnel.

B – LA FAUTE INTENTIONNELLE

579. Selon Y. Saint-Jours, « la faute intentionnelle peut être définie, en


matière de sécurité sociale, comme tout acte ou omission volontaire ayant causé
sciemment des lésions corporelles, soit à autrui pour lui nuire personnellement, soit
à soi-même ou à l’assuré social dont l’auteur est l’ayant droit en vue de bénéficier
de prestations indues »2. C’est la faute commise en toute connaissance des résultats
de l’acte et en vue de la production de ces résultats constitutifs de dommage. Il y a
ici un élément connaissance et un élément intentionnel, peu importe que le
dommage soit plus grave ou différent de ce qui était prévisible3.

En cas de faute intentionnelle de la victime elle-même, celle-ci ne touche


aucune prestation au titre de l’assurance accident du travail et maladie
professionnelle dans la mesure où il s’agit d’une sorte « d’escroquerie à
l’assurance ». Mais s’il s’agit d’un suicide ou d’une tentative de suicide, l’élément
escroquerie est absent et l’acte peut être présumé constituer un accident de travail
sauf preuve contraire4.

En cas de faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la


victime touche normalement les prestations sur la base forfaitaire, mais elle a le
droit d’intenter une action en justice, sur la base des articles 1382 et 1384, al.5, C.
civ., en vue d’obtenir un complément de réparation du préjudice patrimonial. De
plus, elle peut demander la réparation du préjudice extrapatrimonial, la caisse ne
réparant pas ce type de préjudice.

La caisse aura le droit de demander le remboursement des prestations


versées par elle à l’auteur de la faute intentionnelle. Elle est subrogée à la victime
comme en matière de recours contre le tiers responsable.

C – LA FAUTE INEXCUSABLE

580. En droit du travail burkinabè, une distinction est faite entre faute
lourde et faute grave, alors que le droit français ne fait pas cette distinction. La
distinction de la faute inexcusable par rapport à la faute lourde peut relever de la
sémantique dans la mesure où le propre de la faute lourde en droit du travail est
d’être inexcusable. Selon la cour de cassation française, la faute inexcusable
1 V. comme exemple de faute lourde d’un préposé : C.A. Ouagadougou, arrêt n° 4 du 18/1/94 (accident du
travail mortel provoqué par un treuil non solide alors même qu’après visite d’inspection le supérieur avait
donné l’ordre de le consolider).
2 Op. cit. t.1, p. 333.
3 Cass. soc. (fr.), 26 janvier 1972, Dr. soc. 1972, 471, obs. Saint-Jours.
4 Cf. Y. SAINT-JOURS, ibid., p. 334.

538
« s’entend de celle d’une gravite exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une
omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et
l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément
intentionnel de la faute intentionnelle »1.

Les éléments de cette définition sont :


- la gravité exceptionnelle ;
- l’élément connaissance ;
- l’absence de cause justificative. Constitue par exemple une cause
justificative le fait de porter secours à une personne en danger ;
- l’absence d’élément intentionnel.

En d’autres termes, la faute inexcusable est « la faute d’une gravité


exceptionnelle, commise en toute connaissance des conséquences dommageables
de l’acte ou de l’omission et caractérisée par l’acceptation téméraire de ces
conséquences sans motifs ». Cette faute peut aussi consister en l’imprudence, la
négligence grave, le non respect des règles de sécurité, l’utilisation de matériels
défectueux2, l’exécution d’un travail dangereux par un subordonné n’ayant pas
l’expérience ou les aptitudes requises. Elle coïncide souvent avec la faute pénale.
Les accidents graves du travail faisant obligatoirement l’objet d’une enquête légale,
le problème de concours entre instance civile et instance pénale peut se poser en
application de la règle « le pénal tient le civil en l’état ». La qualification de la
faute donnée au pénal, en cas par exemple de relaxe, joue sur la qualification au
civil. La condamnation au pénal n’implique pas que la faute revête une gravité
exceptionnelle au civil3.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité et ne peut s’exonérer en


se réfugiant derrière le non refus de la victime d’exécuter le travail dangereux ou
son expérience4. Mais la faute de l’employeur doit être déterminante dans la
réalisation de l’accident. Elle peut être écartée en cas de concours de fautes avec
une faute de la victime, d’un autre salarié ou d’un tiers.

La faute inexcusable de la victime elle-même n’a pas d’incidence sur les


prestations en nature et les indemnités journalières, mais elle a une incidence sur la
rente d’incapacité permanente : il y a possibilité de diminuer le taux de la rente et,
en cas de décès, de diminuer la pension versée aux ayants droits.

En cas de faute inexcusable de l’employeur ou de son préposé la victime


touche toutes les prestations ordinaires, mais lorsqu’il y a lieu à versement d’une
rente, celle-ci est majorée en raison de la gravité de la faute. L’employeur peut être

1 C. cass. (fr.). 15 juillet 1941, Veuve Villa, D. 1941, 117, note Rouast ; J.C.P. 1941, 1705, note J.Mihura.
2 C.A. Ouagadougou, arrêt n° 14 du 18/1/1994, précité.
3 J.P. CHAUCHARD, op. cit. p. 357.
4 H. SEILLAN, L’obligation de sécurité du chef d’entreprise, Dalloz 1981 ; CHAUCHARD, op. cit. p. 356.

539
amené à payer une cotisation supplémentaire. La faute du préposé peut être une
faute de direction si le préposé a été substitué à l’employeur et est investi d’une
délégation tacite ou expresse, ou une faute d’exécution si elle émane d’un préposé
sans pouvoir1. Le préposé peut évidemment encourir des sanctions disciplinaires si
sa responsabilité est établie2, même si la réparation ne lui est pas imputable.

1V. J.P. CHAUCHARD, op. cit. p. 358.


2V. C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 13 du 5/2.1999, précité ; Cour suprême , chambre judiciaire, arrêt n° 72 du
15/5/2001, K.B.Z. c/ Sofitex.

540
541
CHAPITRE II - LA BRANCHE DES PENSIONS
581. La branche des pensions a été instituée par la loi n° 78/60 du 6 octobre
1960. Elle est la dernière née du régime de sécurité sociale burkinabè mais c’est la
branche la plus connue et la plus sensible. Cette branche, qui relève de la catégorie
des assurances sociales, comprend : l’assurance invalidité, l’assurance vieillesse et
l’assurance décès (ou survivant), Ces assurances servent des pensions et des
allocations (V. tableau statistique ci-après).

TABLEAU 4.3.8 : répartition de l’ensemble des rentes selon leur nature et la


direction régionale (31-12-2002)

-
Direction DRO DRB DRN DRD DRF TOTAL
régionale
Et
Nature
Rentes viagères 620 301 42 22 21 1006
Rentes de veuves 219 75 13 15 8 330
Rentes d’orphelins 367 99 16 16 2 500
Rentes 78 24 15 13 9 139
d’ascendants
TOTAL 1284 499 86 66 40 1975
Source : CNSS, Annuaire statistique, n° 10- édition 2002
DR = Direction régionale (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Nord, Dédougou, Fada Ngourma)

Le trait commun de tous ces risques assurés est que l’indemnisation sous
forme de pension ou d’allocation se calcule sur les mêmes bases1. Le régime
d’assurance de cette branche est moins généreux pour le travailleur que celui de la
branche accidents du travail et maladies professionnelles, sur deux points :

- 1° alors qu’en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle,


l’employeur supporte seul les cotisations au taux de 3,5% des salaires, pour la
branche des pensions, qui a un caractère contributif, l’employeur et le travailleur
supportent ensemble le taux de cotisation de 11% du salaire, à raison de 5,5%
chacun ;

- 2° les prestations de la branche des pensions, du moins celles en espèces,


tiennent beaucoup compte de l’importance des cotisations de l’assuré.

1 V. article 39, 1° CSS.

542
Les conditions à remplir pour bénéficier des prestations de cette branche et
les prestations servies diffèrent selon qu’il s’agit de l’invalidité, de la vieillesse ou
du décès.

SECTION I - LASSURANCE INVALIDITE

582. On examinera les conditions d’admission au bénéfice de cette


assurance avant d’aborder la nature des prestations qui sont servies.

§ 1 - Les conditions d’admission


Trois types de conditions doivent être remplies :
- la condition tenant à l’invalidité,
- la condition tenant à la qualité de bénéficiaire, et
- la formalité à remplir, c’est-à-dire la demande.

Les deux premières constituent les conditions de fond.

A – LES CONDITIONS DE FOND

Les conditions de fond sont relatives à l’invalidité et à la qualité de


bénéficiaire.

1) L’invalidité

583. Dans la conception classique, l’invalidité est l’altération d’une faculté


physique. Par contre, la sécurité sociale a une conception moins large. Pour elle, un
coureur professionnel qui se casse une jambe est invalide, mais pas un standardiste.
De même un pianiste qui perd un doigt est invalide, mais pas un footballeur.
L’invalidité est liée à l’incapacité d’exercer sa profession.

Selon l’article 38, 3° CSS, « est considéré comme invalide l’assuré qui, par
suite de maladie ou d’accident d’origine non professionnel, a subi une diminution
permanente de ses capacités physiques ou mentales dûment certifiée par un
médecin désigné ou agréé par la Caisse le rendant incapable de gagner plus qu’un
tiers de la rémunération qu’un travailleur ayant la même qualification ou la même
formation peut se procurer par son travail ». L’invalidité est une réduction
stabilisée de la capacité de travail ou de gain. Elle est appréciée par le médecin
désigné ou agréé par la Caisse en tenant compte des facteurs tels que l’état général
de l’assuré, son âge, ses facultés physiques et mentales, ses capacités restantes de
travail. La réduction de capacité de travail ou de gain est appréciée, non pas par
rapport à la situation antérieure de l’intéressé, mais par rapport à sa profession.

543
2) La qualité de bénéficiaire

584. Pour avoir la qualité de bénéficiaire, l’assuré doit avoir été immatriculé
à la caisse depuis au moins cinq (5) ans et doit totaliser six (6) mois d’assurance au
cours des douze (12) derniers mois précédant le début de l’invalidité. L’assuré ne
doit pas avoir atteint l’âge de la retraite car à l’âge de la retraite, l’assurance
invalidité est remplacée par l’assurance vieillesse. L’âge de la retraite varie : il est
de à 56 à 63 ans pour le secteur privé1, de 55 à 63 ans pour les agents de l’Etat.

Mais est dispensé des conditions de cinq ans d’immatriculation et six mois
d’assurance dans les douze derniers mois, l’assuré qui est devenu invalide par suite
d’un accident2. Cet assuré doit seulement avoir occupé un emploi assujetti à
l’assurance à la date de l’accident et être immatriculé avant cette date.

B – LES FORMALITES A ACCOMPLIR

585. L’assuré introduit une demande pour bénéficier de la pension


d’invalidité. Son état d’invalidité fera l’objet d’une constatation par certificat
médical qui donne une série d’indications sur la nature de l’invalidité, les causes, la
nécessité ou non de l’assistance d’un tiers, la périodicité de l’examen médicale de
révision. L’assuré peut être soumis à des examens périodiques tous les six (6) mois
au moins jusqu’à consolidation ou stabilisation de son état.

La demande doit préciser si l’invalidité est ou non consécutive à un accident


pour lequel la responsabilité civile d’un tiers est engagée et, éventuellement,
indiquer l’identité du tiers3.

§ 2 - Les prestations
586. L’assuré a droit à une pension d’invalidité. Le montant de cette
pension est égal à 20% de la rémunération mensuelle moyenne. Ce taux est majoré
de 1,33% si l’assuré a eu à cotiser pendant plus de 15 ans ou, en d’autres termes,
s’il totalise plus de 180 mois d’assurance. On considère comme mois d’assurance
tout mois pendant lequel l’assuré a travaillé 15 jours au moins. Pour le calcul de ses
mois d’assurance, les années comprises entre l’âge de la retraite et l’âge effectif de
l’invalide à la date à laquelle la pension prend effet sont assimilées à des années
d’assurance à raison de six mois par année.

Par exemple, si l’assuré, qui devait prendre sa retraite à 58 ans, devient


invalide à 48 ans, les années comprises entre 58 et 48 sont prises en compte à
raison d’une ½ année par an, soit 10 ans : 2 = 5 ans d’assurance.

1 V. Le décret n° 2005-24 portant fixation de l’âge de départ à la retraite des travailleurs salariés.
2 Article 38, 2°.
3 V. articles 1 à 4 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.

544
La pension d’invalidité prend effet soit à la date de la consolidation ou de la
stabilisation de l’état de l’assuré soit à l’expiration d’une période de 6 mois
consécutifs d’incapacité si, de l’avis du médecin, l’incapacité devait durer
probablement encore 6 mois au moins. La pension est concédée à titre temporaire.
La Caisse peut procéder à des examens de l’assuré en vue de déterminer si une
évolution positive de son degré d’invalidité ne lui permet pas de reprendre le
travail. Il peut en être ainsi dans le cas d’une affection mentale.

Le salaire mensuel moyen s’obtient en divisant par 36 ou par 60 le total des


rémunérations soumises à cotisation au cours des trois ou des cinq dernières
années.

SMM = TR x 1/36 ou TR x 1/60 (TR = total des rémunérations des 3 ou 5 dernières


années).

Selon l’article 39 § 4 « le montant mensuel de la pension de vieillesse ou


d’invalidité ou de la pension anticipée ne peut être inférieur à 60% du salaire
mensuel minimum interprofessionnel garanti le plus élevé correspondant à une
durée de travail hebdomadaire de 40 h. Ce montant minimal ne peut dépassé
cependant 80 pour cent de la rémunération mensuelle de l’assuré ».

Exemple de calcul :

Un assuré ayant 18 ans d’immatriculation devient invalide à 54 ans, alors


que l’âge de retraite de sa catégorie est de 60 ans.

Son temps de cotisation sera de :

(18 x 12) + (60 – 54) x 12


---- = 216 + 36 = 252 mois
2

Majoration du taux = (252 – 180) x 1,33 = 72 x 1,33 = 6 x 1,33 = 7,98


------------- ---
12 12

Taux majoré de la pension (20 + 7,98)% = 27,98%

545
Rémunérations des 3 dernières années = 380 000
+ 360 000
+ 340 000
----------
TR = 1080 000

1080 000 x 1
SMM = ---------------- = 30 000
36

30 000 x 27,98
Pension = ---------------------- = 8394 par mois
100

Cette pension étant inférieure à 60% du SMIG, c’est-à-dire (28811 x 60) :


100, soit 17286,6, il lui sera servi 60% du SMIG qui est inférieur à 80% de 30 000
(qui est de 24000).

La pension sera augmentée de 50% si l’assuré est obligé de recouvrir à une


tierce personne pour les actes de la vie courante.

La pension n’a pas un caractère définitif : elle peut être révisée, suspendue
ou même supprimée. Elle est révisée en augmentation ou en diminution s’il y a
modification de l’état de l’invalide, par exemple si son état s’aggrave ou au
contraire s’il trouve un emploi rémunéré. Elle peut être suspendue si l’invalide
trouve un emploi qui lui assure 50% de sa rémunération antérieure. Elle est
supprimée si son nouveau travail assure un salaire atteignant celui d’avant. La
pension d’invalidité est transformée en pension de vieillesse si l’assuré atteint l’âge
de la retraite.

En cas de décès, les ayants droits du pensionné invalide auront droit,


comme en matière d’assurance vieillesse, à certaines prestations en espèces et en
nature. Il s’agit du conjoint survivant et des enfants à charge.

SECTION II - L’ASSURANCE VIEILLESSE


(OU RETRAITE)
587. On examinera successivement les conditions d’admission au bénéfice
et les prestations servies au titre de cette assurance.

546
§ 1 - Conditions d’admission
Une distinction doit être faite entre l’assuré qui demande l’admission aux
prestations à l’âge légal et celui qui veut bénéficier d’une retraite anticipée, même
si dans les deux cas, la notion de vieillesse est la condition essentielle.

A – LA VIEILLESSE

588. La première condition parmi les plus importantes tient à la notion de


vieillesse. Dans l’acception médicale, un individu est vieux quand ses tissus sont
fatigués. Cette conception est d’application difficile car même les spécialistes ne
sont pas sûres de l’évaluation de la vieillesse. Une deuxième conception,
sociologique celle-là, se fonde sur l’utilité sociale du travailleur. Si l’individu a
travaillé pendant un certain temps, par exemple 30 ans, il est tout à fait normal
qu’on lui verse des prestations quand il ne peut plus travailler. Cette conception
sociologique veut donc que l’on accorde la retraite à partir d’un certain âge. La
sécurité sociale retient cette conception avec des aménagements consistant à
autoriser la retraite avant l’âge fixé et à subordonner le bénéfice des prestations à
un temps minimal de cotisation, car on est dans un système d’assurance et non
d’assistance.

Ainsi, les conditions de fonds ouvrant droit au bénéfice des prestations de


retraite sont :
- avoir atteint la limite d’âge de 56, 58, 60 ou 63 ans, selon les cas1 ;
- avoir cotisé pendant 180 mois au moins soit 15 ans pleins ;
- enfin, avoir cessé toute activité professionnelle.

En ce qui concerne les conditions de forme (ou formalités à accomplir),


l’assuré doit déposer une demande de liquidation de pension ou de rente à la Caisse
et produire les pièces justificatives. L’assuré doit s’engager à aviser la Caisse de
toute reprise ultérieure d’une activité salariée2. Cette demande peut être introduite
dans les 6 mois qui précèdent la date à laquelle prendrons fin les services du
travailleur, en précisant la date de cessation du travail. Cette précaution peut
permettre d’éviter les désagréments de la longue période d’attente de la première
pension3.

1 Les modifications de l’âge légal de la retraite ont été facteurs de contentieux, spécialement en ce qui
concerne la différence à faire entre les travailleurs de la fonction publique et les travailleurs des entreprises
publiques. V. C.A. Ouagadougou, arrêt n° 48 du 21/3/1995, ONATEL c/ D.E. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 53
du 15/4/1997, SONABEL c/ R.G.E. ; C.A. Ouagadougou, arrêt n° 114, du 4/11/1997, ASECNA c/ C.K. ; C.A.
Ouagadougou, arrêt n° 50 du 5/6/2001, SOBTRI c/ S.I.
2 Article 5 de l’arrêté n° 1318 FPT du 24 décembre 1976.
3 Au Burkina Faso, en raison de l’inefficacité des administrations publiques et parapubliques et de

l’imprévoyance des assurés, la retraite commence, pour le salarié moyen, par une pénible période
d’endettement voir de mendicité pour subsister, en attendant que les dossiers de pensions aboutissent.

547
Le droit aux pensions, rentes et allocations de vieillesse, d’invalidité,
d’incapacité ou de survivants est prescrit par cinq ans1. Cette prescription
commence à courir le lendemain du jour où les conditions requises pour le bénéfice
des prestations sont remplies.

B – LA RETRAITE ANTICIPEE

589. Lorsqu’il s’agit d’un assuré qui demande à prendre une retraite
anticipée, c’est-à-dire avant l’âge de 56, 58, 60 ou 63 ans, il doit réunir les
conditions suivantes :
- être âgé de 50 ans2 ;
- avoir cotisé pendant 180 mois ;
- avoir cessé toute activité ;
- produire à l’appui de sa demande de pension anticipée une attestation de
son employeur indiquant qu’il est inapte à remplir ses fonctions et un certificat
médical établissant l’usure prématurée de ses facultés3. La caisse peut faire
effectuer une enquête auprès de l’employeur et un examen médical par son
médecin-conseil. En cas de désaccord entre le médecin de la caisse et le médecin
de l’assuré, il est procédé à une expertise médicale. L’avis de l’expert n’est pas
susceptible de recours. Le refus de la caisse peut faire l’objet de recours gracieux et
contentieux conformément aux articles 86 et 87 CSS.

§ 2 - Les prestations
590. Les droits de l’assuré dépendent de ses années de cotisation. Il a droit à
une pension s’il a cotisé pendant 15 ans ou 180 mois, à une allocution ou à un
remboursement s’il n’a pas atteint 15 ans de cotisation Ces prestations sont
complétées par d’autres à la charge de l’employeur : l’article 35, al.8, de la
convention collective interprofessionnelle de1974 prévoit qu’il lui est versé une
indemnité de départ à la retraite calculée selon les mêmes règles que l’indemnité de
licenciement4.

A – LA PENSION DE VIEILLESSE

591. La pension de vieillesse est de 20% du salaire mensuel moyen 5. Le


montant mensuel de la pension ne peut être inférieur à 60% du SMIG mensuel
correspondant à une durée hebdomadaire de travail de quarante heures par
semaine6. Si tel était le cas, il est servi à l’assuré le montant minimal de 60% du

1 Article 78, al.2, CSS.


2
Cet âge minimum ne semble pas avoir été modulé en fonction des catégories.
3 Article 6 de l’arrêté n° 1318 précité.
4.Op. cit., Code social, p. 189.
5 Art. 39 § 3
6 Art. 39 § 4

548
SMIG. Toutefois ce montant minimal ne doit pas dépasser 80% de la rémunération
mensuelle moyenne de l’assuré.

La pension de vieillesse, la pension d’invalidité et la pension anticipée se


calculent de la même façon : le montant de 20% est majoré de 1,33 points pour
chaque période de 12 mois au delà de 180 mois. Par exemple, si l’assuré a cotisé
pendant 16 ans (192 mois) il a droit à une majoration de 1,33 pour la période de 12
mois au delà de 180 mois. Sa pension sera calculée sur la base de 21,33% du
salaire mensuel moyen et non sur 20%.

La pension de vieillesse est payée trimestriellement. Les mêmes règles


jouent en ce qui concerne la pension anticipée.

En plus de la pension, l’assuré a droit aux prestations familiales s’il a des


enfants à charge, dans la limite de six (6) enfants au maximum. Sont considérés
comme enfants à charge, les enfants jusqu’à 14 ans révolus qui vivent avec l’assuré
et dont celui-ci assure de manière permanente l’entretien, ceux jusqu’à 18 ans qui
sont placés en apprentissage et ceux jusqu’à 21 ans qui poursuivent des études ou
qui, par suite d’une infirmité ou de maladie incurable, sont incapables d’exercer
une activité rémunératrice1.

Entrent dans les catégories d’enfants à charge :


- les enfants de l’assuré(e) ;
- les enfants de la femme de l’assuré issus d’un précédent mariage qui sont
à la charge de l’assuré par suite de veuvage ou de divorce de la femme, sauf
lorsque les enfants sont restés à la charge du premier mari ou que ce dernier
contribue à leur entretien ;
- les enfants adoptés par l’assuré conformément aux règles du code civil ;
- les enfants des mères célibataires salariés ;
- les enfants d’un travailleur salarié placés sous tutelle.

B - L’ALLOCATION DE VIEILLESSE

592. L’assuré qui a atteint l’âge de 56, 58, 60 ou 63 ans et qui va à la


retraite sans avoir réuni 15 ans ou 180 mois de cotisation a droit à une allocation de
vieillesse versée en une seule fois pour toute.

« Le montant de l’allocation de vieillesse est égal à autant de mensualités de


la pension de vieillesse à laquelle l’assuré aurait pu prétendre au terme de 180 mois
d’assurance, qu’il a accompli de période de 6 mois d’assurance »2.

1 V., art. 61 §I C.SS.


2 Art. 39 § 5.

549
Par exemple, s’il a cotisé pendant 12 ans soit 144 mois, cela fait 24 périodes
de 6 mois. Il aura donc 24 fois sa pension mensuelle fictive de vieillesse.

soit un salaire mensuel moyen de 150 000 Fcfa

- sa pension fictive sera de

150 000 x 20
---------------- = 30 000 Fcfa
100
- son allocation sera de 30 000 x 24 = 720 000.

C – LE REMBOURSEMENT DE COTISATION

593. L’assuré qui totalise une période d’assurance égale ou inférieure à 5


ans a droit au remboursement de ses cotisations, en l’occurrence ses parts de
cotisations non comprises celles de l’employeur (40% de ses points ou les 4,5% de
cotisations).

SECTION III - LA PENSION OU L’ALLOCATION


DE SURVIVANT (OU DE DECES)
594. Il s’agit moins d’une assurance décès que du reversement – d’où
l’expression de pension de réversion qui marque bien qu’il s’agit d’un droit dérivé
de celui du de cujus1 - d’une fraction des prestations dont bénéficiait ou aurait
bénéficié l’assuré décédé aux personnes qui étaient effectivement à sa charge.

Les conditions d’admission aux prestations de survivant tiennent à l’assuré


défunt et à la qualité de bénéficiaire.

§ 1- Les Conditions tenant à l’assuré


595. La nature des prestations ouvertes aux ayants droits diffère selon que,
d’une part, l’assuré décédé bénéficiait déjà d’une pension ou remplissait déjà les
conditions pour en bénéficier ou, d’autre part, ne remplissait pas ces conditions de
cotisation.

En cas de décès du titulaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité ou


d’une pension anticipée ainsi qu’en cas de décès d’un assuré qui, à la date de son
décès, remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une pension de

1 Sur l’origine de la pension de réversion, v. DUPEYROUX et al. n° 831.

550
vieillesse ou d’invalidité ou qui justifiait de 180 mois d’assurance, les survivants
ont droit à une pension de survivants.

Les survivants d’un assuré décédé avant l’âge de la retraite ont droit à cette
pension si l’assuré défunt justifiait de 180 mois d’assurance. Si l’assuré ne
remplissant pas ces conditions, les survivants (la veuve ou le veuf invalide ou à
défaut, les orphelins) bénéficieront d’une allocation de survivant versée en une
seule fois.

§ 2 - Les conditions tenant aux bénéficiaires


596. La qualité de bénéficiaire relève des conditions de fond. Celles-ci sont
énumérées par la loi. Sont considérés comme survivants1 :

- La veuve non remariée, à condition que le mariage ait été contracté un an


au moins avant le décès, à moins qu’un enfant soit né de l’union conjugale ou que
la veuve se trouve en état de grossesse à la date du décès. S’il y a pluralité de
veuves, elles se partagent les 50%. L’exigence d’un acte de mariage exclut les
concubines. En France, depuis un arrêt de l’assemblée plénière du 30 janvier 19702,
la concubine peut être bénéficiaire des prestations de l’assurance décès.
- Le veuf invalide reconnu qui vivait à la charge de l’assurée, à condition
que le mariage ait été contracté un an avant le décès. Cette restriction relative à la
condition d’invalidité correspond au modèle familial traditionnel où il revient au
mari de subvenir aux charges du ménage tandis que la femme s’occupe des travaux
domestiques et des enfants3.
- Les enfants à charge tels qu’ils sont définis au titre des prestations
familiales4.

Le bénéficiaire de l’allocation de survivants est la veuve ou le veuf invalide


ou, à défaut, les orphelins. L’énumération est plus limitative5.

Les formalités à accomplir par les bénéficiaires sont relatives aux preuves
des conditions ouvrant droits aux pensions ou à l’allocation :
- acte de décès de l’assuré ;
- certificat de non remariage pour la veuve ou le veuf invalide ;
- certificat d’invalidité pour le veuf ;
- certificat de tutelle pour les enfants. Ce certificat en indispensable lorsqu’il
n’y a pas eu de mariage.
§ 3 – Les prestations

1 V. art. 40 § 2.
2 D. 70. 221 concl. Lindon, note Dupeyroux.
3 Cf. J.J. DUPEYROUX et al., op. cit. n° 832.
4 Cf. article 61 C.S.S.
5 V., art. 41 CSS.

551
597. Les survivants ont droits à des pourcentages de la pension qu’avait ou
aurait eu droit l’assuré. En ce qui concerne les droits hors sécurité sociale, c’est-à-
dire à la charge de l’employeur, l’article 27 CCIP prévoit que celui-ci participe aux
frais funéraires jusqu’à concurrence de cinq fois le taux du SMIG. Il verse aux
ayants droits l’équivalent de l’indemnité de départ à la retraite ou de l’indemnité de
rupture. Cette indemnité est égale à l’indemnité de licenciement.

En cas de décès d’un assuré ou d’un pensionné, le conjoint ou la conjointe a


droit à 50% de la pension qu’avait ou qu’aurait eu droit le défunt. Les orphelins ont
chacun droit à 25% de la pension, s’ils sont orphelins d’un parent, et à 40% s’ils
sont orphelins de père et de mère1.

Mais le montant total des pensions de survivants ne peut excéder celui de la


pension à laquelle l’assuré avait ou aurait eu droit2. Si le montant des pensions de
survivants devait dépasser celui de la pension, les pensions de survivants sont
réduites proportionnellement, sans toutefois que le montant de la pension
d’orphelin ne puisse être inférieur à celui des allocations familiales, qui est
actuellement de 1000 Fcfa par enfant.

L’allocation de survivant, versée en une seule fois, est calculée comme à


l’article 39§ 5, c’est-à-dire que le montant est égal à autant de mensualités de la
pension de vieillesse à laquelle l’assuré aurait pu prétendre au terme de 180 mois
d’assurance qu’il avait accompli de période de 6 mois d’assurance à la date du
décès.

1 Art. 40 C.S.S.
2 Art. 40 § 4.

552
553
CHAPITRE III - LES PRESTATIONS FAMILIALES
ET DE MATERNITE
598. La branche des prestations familiales est la première née du régime de
sécurité sociale burkinabè. Elle a été instituée par l’arrêté n° 1029 ITLS du 06
décembre 1955 avec effet au 1er janvier 1956. La gestion du régime était confiée à
une Caisse de compensation des prestations familiales dont le siège était fixé à
Bobo-Dioulasso avant le transfert de l’institution, grossie des branches des risques
professionnels et de l’assurance vieillesse, à Ouagadougou le 28 octobre 1963.

Cette branche sert une diversité de prestations correspondant à des objectifs


différents mais pouvant constituer ce que l’on peut qualifier de « politique de la
famille »1.

SECTION I - LES OBJECTIFS DE LA BRANCHE


599. La diversité des objectifs apparaît à travers les prestations servies. Ces
prestations comprennent :
- les allocations prénatales ;
- les allocations familiales ;
- l’aide à la mère et au nourrisson ;
- les prestations de maternité.

Les prestations de maternité auraient pu constituer une branche à part,


mais les articles 1er et 68 CSS les rattachent à la branche des prestations familiales.
Par contre, l’arrêté d’application n° 1318 du 24 décembre 1976 traite, en son
chapitre IV, de la « branche des prestations de maternité », dans l’esprit de la
norme 102 OIT. Le rattachement opéré par la loi est purement fonctionnel : il n’y a
pas de cotisations spéciales pour ces prestations qui sont couvertes par les
cotisations de la branche des prestations familiales.

1) Les allocations familiales, qui sont des prestations en espèces, avaient en


principe pour but de couvrir un risque, celui du surcroît de dépenses provoquées
par la naissance d’un enfant dans la famille. Elles permettaient, à l’origine, dans le
système européen de sécurité sociale, de compenser les faibles revenus des ouvriers
afin d’éviter que la survenue d’un enfant ne se traduise par une plus grande
dégradation de leurs conditions de vie. De ce point de vue, elles se présentaient
comme un sursalaire. Aujourd’hui, elles traduisent l’idée que l’Etat a pour mission
d’aider la famille à subvenir aux besoins d’entretien et d’éducation des enfants et,
par conséquent, elles prennent un caractère de « politique nataliste ». Cette
politique est rendue nécessaire par la baisse générale de la natalité dans ces pays,
causant un déséquilibre démographique. Une telle politique ne peut se justifier au

1 Sur la difficulté que soulève la notion de prestations familiales, v. J.J. DUPEYROUX et al., op. cit., p. 687.

554
Burkina Faso, et en Afrique en général, où l’on reconnaît que la forte natalité est un
des facteurs du blocage du développement. Cette considération peut expliquer que
les allocations familiales gardent un caractère symbolique1. L’accent est mis sur les
prestations en nature en direction de la mère et de l’enfant.

2) Les prestations de maternité ont pour objectif de compenser la perte de


revenus provoquée par l’arrêt de travail à l’occasion de la grossesse de la femme et
de l’accouchement, ainsi que les dépenses, s’assimilant à des dépenses de maladie,
lors de l’accouchement. Ces prestations permettent directement de revaloriser le
statut social de la femme, en lui facilitant, en relation avec les dispositions
protectrices du code du travail, l’exercice d’un emploi salarié. Dans un contexte
d’expansion du salariat, ces prestations sont indispensables pour pouvoir briser la
division traditionnelle du travail, qui cantonne la femme aux charges domestiques.

3) Les objectifs ci-dessus, qui vont au-delà de la simple protection


individuelle du salarié, explique que la branche des prestations familiales soit
exclusivement financée par les cotisations de l’employeur, actuellement au taux de
7%. Les prestations de la branche sont non contributives, en ce sens qu’elles ne
sont pas servies en contrepartie de cotisations versées par le salarié. Le taux de
cotisation de l’employeur a fluctué dans le temps en fonction des résultats des
analyses actuarielles qui peuvent révéler des problèmes d’équilibre entre les
charges et les ressources, celles-ci étant alimentées par un pourcentage des salaires
soumis à cotisation2.

Nous nous intéresserons aux trois premières rubriques de la branche que


sont les allocations familiales, les allocations prénatales et les prestations de
maternité, étant donné que l’aide à la mère et au nourrisson entre dans le cadre
général de l’action sanitaire et sociale, qui n’est pas uniquement financée par la
branche des prestations familiales.

Les personnes couvertes par cette branche bénéficient aussi bien de


prestations en nature qu’en espèces. Les conditions générales d’ouverture au
bénéfice de ces prestations sont d’ordre professionnel (exercice d’une activité
salariée) ou familial (grossesse, enfant à charge).

1 L’on souligne aussi, en terme de justice sociale, que les salariés n’apparaissent pas comme les plus pauvres,
selon les indicateurs de pauvreté.
2 Le taux de cotisation est passé de 8% en 1971 à 11% en 1975 avant de retomber à 7% en 2003.

555
SECTION II - CONDITIONS D’OUVERTURE AU BENEFICE
DES PRESTATIONS FAMILIALES
600. Les personnes qui bénéficient des prestations familiales sont les
femmes assurées sociales elles-mêmes ou les femmes des assurés sociaux. Il faut
donc faire la distinction entre l’allocataire et l’attributaire.

L’allocataire est la personne du chef de laquelle les prestations sont dues au


profit de l’enfant. C’est généralement le mari mais ça peut être la femme salariée.
Si le père et la mère peuvent prétendre chacun de son côté à des prestations
familiales, celles-ci sont établies et liquidées au nom de celui qui bénéficie des
prestations les plus avantageuses, sans possibilité de cumul1. L’allocataire est la
personne à qui est reconnu le droit aux prestations familiales.

L’attributaire est la personne entre les mains de laquelle le paiement est


fait : la mère normalement2 ou le père ou le tuteur. L’attributaire est la personne qui
assume de façon permanente la garde et l’entretien de l’enfant. L’allocataire et
l’attributaire peuvent donc se confondre sur la même personne.

Ces précisions faites, quelles sont les conditions de fond et de forme ?

§ 1 – Les conditions de fond


L’on distingue les conditions générales et des conditions particulières à
certaines prestations.

A – LES CONDITIONS GENERALES

601. La première condition générale de fonds porte sur l’assuré et est


d’ordre professionnel : le travailleur doit être immatriculé à la caisse de sécurité
sociale et justifier de trois (3) mois de travail consécutif chez un ou plusieurs
employeurs3. Dans le cas d’une personne non en activité, elle remplit les conditions
requises s’il s’agit, soit d’un titulaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité
ayant des enfants à charge, soit d’une veuve d’un allocataire décédé qui n’était pas
titulaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité. Les titulaires de pension
conservent le droit au bénéfice des prestations familiales. La veuve d’un allocataire
non titulaire de pension peut continuer à bénéficier des prestations pour les enfants
qui étaient à la charge du défunt, à condition qu’elle en assure la garde et
l’entretien. Mais ce droit ne peut se cumuler avec l’attribution de pension ou de
rente d’orphelin4.
1 Article 59, 4° CSS.
2 Article 66, 1° CSS.
3 Article 59, 1° CSS.
4 Article 59, 3°.

556
La seconde condition générale tient à la situation familiale, c’est-à-dire à la
notion d’enfant à charge. Les allocations familiales sont attribuées à l’assuré pour
chacun des enfants à charges dans la limite de six enfants1. Les enfants à charge
sont « ceux qui vivent avec l’assuré et dont il assure de façon permanente
l’entretien ». La condition de cohabitation reste remplie si l’absence de l’enfant du
foyer est justifiée par des raisons de santé ou d’éducation.

La limite d’âge des enfants pris en compte est de 14 ans. Cette limite
correspondait à celle de l’âge où la scolarité est obligatoire. Mais l’âge de travail
est porté à 15 ans sans répercussion pour le moment sur le texte de la sécurité
sociale. La limite d’âge a été poussée à 18 ans pour l’enfant placé en apprentissage
dans les conditions prévues par le Code du travail, et à 21 ans pour l’enfant
poursuivant des études ou infirmes ou atteint de maladie incurable. Ces différentes
limites d’âge reposent sur l’idée que l’enfant n’est pas en état d’exercer une activité
professionnelle lui permettant de subvenir à ses propres besoins. En ce qui
concerne les enfants placés en apprentissage ou poursuivant des études,
l’attribution de bourses ne fait pas obstacle à l’attribution des allocations
familiales2.

Outre la condition d’âge, il faut que l’enfant entre dans une des catégories
suivantes :
- enfant de l’assuré(e) ;
- enfant que la femme de l’assuré a eu d’un précédent mariage lorsqu’il y a
eu décès régulièrement déclaré ou divorce prononcé en justice à condition que le
premier mari ne contribue pas à l’entretien ;
- enfant adopté ou légitimé conformément aux règles du code civil ;
- enfant des mères célibataires salariées ;
- enfant d’un travailleur décédé placé sous tutelle3.

B – LES CONDITIONS PARTICULIERES

602. Les conditions particulières qui peuvent s’ajouter aux conditions


générales tiennent au type de prestations. Par exemple, pour les prestations de
maternité, il faut que la femme soit en état de grossesse. Il en est de même des
allocations prénatales en faveur de la femme salariée ou conjointe d’un travailleur
salarié. Pour les allocations familiales, l’assuré doit justifier d’une activité salariée
au moins égale à 18 jours ou 120 heures par mois de travail4. Pour les indemnités
journalières de maternité, la femme assurée doit avoir arrêté le travail.

1 Art. 61 § 1 CSS.
2 Art. 61, 6° CSS.
3 V. Loi 50- 93 ADP du 16 décembre 1993.
4 Article 62 CSS. V. l’art. 35, 2° de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976 qui précise la condition de temps

moyen de travail.

557
§2 – Les conditions de forme
603. L’assuré doit faire une demande de prestations familiales. La caisse lui
attribue un numéro matricule d’allocataire et un livret familial d’allocataire. La
femme de l’assuré ou la femme elle-même assurée est tenue d’accomplir les
formalités ci-après :

1°) faire la déclaration de grossesse accompagnée d’un certificat médical.


Cette déclaration est faite dans les trois premiers mois de la grossesse (par lettre ou
au guichet). Le retard de déclaration entraîne la perte des 3 mois d’allocations
prénatales. La caisse lui remet un carnet de grossesse et de maternité.

2°) se soumettre aux examens médicaux et à la surveillance médicale. Il y a


trois examens médicaux prénataux effectués au cours du 3ème mois, du 6ème et du
8ème mois. Des examens postnataux sont aussi faits après l’accouchement. La
femme doit se prêter à ces examens et respecter les conseils des assistantes sociales
ou des infirmières.

SECTION II - LES PRESTATIONS


On distingue les prestations en nature et les prestations en espèce. Mais
l’effort principal de la caisse de sécurité sociale se porte sur les prestations en
nature (hormis l’indemnité journalière de maternité).

§ 1 - Les prestations en nature


604. Les prestations en nature se constituent essentiellement :

- 1° de la prise en charge par la caisse des examens médicaux prénataux et


postnataux ;

- 2° de la prise en charge des frais d’accouchement de la femme salariée


dans une formation sanitaire agréée ainsi que, le cas échéant, des soins médicaux
nécessaires pendant la période de congé de maternité ;

- 3° de l’aide à la mère et au nourrisson par des dons de matériels ou de


produits (lait par exemple). Cette aide est fournie sur le fonds d’action sanitaire et
sociale1. Ce fonds est alimenté par le produit des majorations de retard perçues à
l’encontre des employeurs qui ne versent pas les cotisations en temps utile, et par

1 Art. 75 CSS.

558
prélèvement sur les recettes des différentes branches de la sécurité sociale, si la
situation des réserves de ces branches le permet1.

§ 2 - Les prestations en espèces


Ces prestations sont constituées :
- des allocations familiales,
- des allocations prénatales, et
- des indemnités journalières de maternité de la femme salariée2.

A – LES ALLOCATIONS PRENATALES

605. Les bénéficiaires de cette allocation sont toute femme salariée ou


conjointe d’un travailleur salarié en état de grossesse. La femme salariée ou
conjointe d’un travailleur salarié bénéficie d’allocations prénatales à compter du
jour de la déclaration de grossesse. Si cette déclaration a été faite dans les trois
premiers mois de la grossesse, les allocations prénatales sont dues pour les 9 mois
ayant précédé la naissance. Le taux de l’allocation prénatale est de 350 francs CFA
par mois soit 3150 Fcfa pour les 9 mois répartis en trois fractions de 700 francs
après le premier examen, 1400 francs après le second examen et 1050 francs après
le troisième. Le paiement de ces allocations est subordonné à l’observation des
prescriptions médicales3, et l’intérêt du fractionnement de cette faible somme est de
permettre d’appliquer la sanction de la perte de la fraction si la femme ne se soumet
pas aux examens et aux prescriptions.

B – LES ALLOCATIONS FAMILIALES

606. Les allocations familiales sont liquidées sur la base de 1000 Fcfa par
mois d’assurance et par enfant à charge. Elles sont en principe payées à terme échu
tous les trois (3) mois, entre les mains de la mère. Mais elles peuvent être
directement payées par l’employeur au travailleur allocataire. Le paiement de ces
allocations est subordonné à des obligations particulières. L’allocataire doit
justifier :
- d’une activité salariée car l’allocation est payée par mois d’assurance. On
entend ici par mois d’assurance, tout mois civil pour lequel l’allocataire a justifié
d’une activité salariale d’au moins 18 jours ou d’au moins 120 heures. la
justification est faite par un bulletin de présence signé de l’employeur ;
- fournir un certificat de visite médicale tous les deux mois pour chaque
enfant de moins d’un an ;
- fournir un certificat de vie ou de scolarité tous les ans pour ceux de 1 à 6
ans ;

1 Art. 32 C.S.S. sur la réserve technique et la réserve de sécurité.


2 Chap. VII art. 68 et S. du C.S.S.
3 Art. 50 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.

559
- fournir un certificat de scolarité ou d’apprentissage pour ceux de 14 à 21
ans, ou un certificat médical pour les infirmes1.

C – LES INDEMNITES JOURNALIERES DE MATERNITE

607. Outre la prise en charge des frais d’accouchement et des soins


médicaux nécessités par la grossesse ou l’accouchement, la femme salariée, donc
elle-même assujettie à l’immatriculation à la sécurité sociale, bénéficie
d’indemnités journalières qui compensent l’arrêt de travail exigé par son état.

La femme salariée a droit, pendant les 14 semaines de congé de maternité, à


une indemnité journalière égale à 100% de son salaire soumis à cotisation2. Elle
conserve donc la totalité de son salaire à la charge de la CNSS (et non plus à 50% à
la charge de la caisse et 50% à la charge de l’employeur comme c’était le cas
jusqu’en 1981). La rémunération visée est égale à la rémunération brute (salaire de
base auquel s’ajoutent les indemnités). La fraction non soumise à cotisation est à la
charge de l’employeur3. L’indemnité journalière ne se cumule pas avec les
allocations prénatales. Les indemnités journalières sont calculées sur la base du
salaire des trois derniers mois ayant précédé le congé de maternité.

Dans le cas d’un repos supplémentaire justifié par une maladie résultant de
la grossesse ou de la couche, l’indemnité journalière peut être payée jusqu’à
concurrence d’une période supplémentaire de trois semaines. S’il y a erreur du
médecin dans l’estimation de la date d’accouchement, elle conserve son droit à
l’indemnité journalière à compter de la date indiquée sur le certificat jusqu’à la date
de l’accouchement.

1 V. statistique des prestations de la CNSS dans « Echo de la CNSS n°3, 2ème trimestre 1983.
2 Article 1er de l’arrêté n° 712 FPT/CNSS du 23 janvier 1981 relatif à l’indemnité journalière versée à la
femme salariée en couche, Codes et lois du B.F., t. IX, p. 560.
3 Article 3 de l’arrêté n° 712 FPT/CNSS du 23 janvier 1981.

560
561
CHAPITRE IV - LES ACTIONS COMPLEMENTAIRES :
L’ACTION SANITAIRE ET SOCIALE

608. L’article 2 CSS dispose que « le service légal des prestations est
complété par une action sanitaire et sociale ». Cette disposition est complétée par
l’article 75 CSS qui crée un Fonds d’action sanitaire et sociale (FASS) dont les
ressources peuvent être utilisées :

a) à toute action de prévention générale, de prévention des accidents du


travail et des maladies professionnelles et de réadaptation des invalides,
en particulier à la réunion et à l’utilisation des statistiques et des résultats
des recherches portant sur les risques professionnels ainsi qu’aux
campagnes pour le développement des mesures de prévention et de
réadaptation ;
b) à la création de centres d’action sanitaire et sociale, en vue notamment de
la protection maternelle et infantile, de la lutte contre les grandes
endémies, de la diffusion de l’hygiène et du service de soins médicaux ;
c) au service des prestations en nature prévues par l’article 67 CSS ;
d) à l’aide financière ou à la participation à des institutions publiques ou
privées agissant dans les domaines sanitaire et social et dont l’activité
présente un intérêt pour les assurés et les bénéficiaires de prestations de
sécurité sociale ;
e) éventuellement, à l’aide à la construction et à l’amélioration de l’habitat
en faveur des familles des assurés.

Cette énumération montre la conception très large des missions confiées au


FASS et, à travers ce Fonds, à l’action complémentaire de la sécurité sociale. Les
deux dernières rubriques, notamment relatives à l’aide financière ou la participation
à des institutions publiques ou privées et à l’aide à la construction ou à
l’amélioration de l’habitat, sans être infondées, peuvent conduirent à des dérives
par saupoudrage ou par des investissements non pertinents ou non rentables1.

Le fonds d’action sanitaire et sociale est financé par deux types de recettes :
le produit des majorations de retard perçues à l’encontre des employeurs qui ne
versent pas leurs cotisations en temps utile ; et des prélèvements sur les recettes des
différentes branches du régime de sécurité sociale, si le niveau des réserves de la
branche le permet2.
1 Elles peuvent être considérées comme la base juridique sur laquelle le gouvernement à souvent amené la
Caisse à investir dans ses programmes économiques et sociaux trop généraux et risqués, tels que : « bataille du
rail » (construction de la ligne de chemin de fer Ouagadougou – Kaya), projets d’aménagements agricoles.
2 Selon l’article 1er de l’arrêté n° 1316 du 24 décembre 1976, ces prélèvements, qui doivent aussi couvrir les

frais d’administration de la Caisse, sont répartis entre les diverses branches proportionnellement à la somme
des recettes et des dépenses de prestations de chaque branche rapportée à la somme des recettes et des dépenses
de prestations de l’ensemble. Le système est peut-être simple mais il ne prend pas en compte les charges
administratives réelles de chaque branche et la part réelle des actions devant entrer dans les missions de chaque

562
Les actions principales du Fonds peuvent être classées en trois volets : La
prévention, l’action sanitaire et l’aide sociale. La participation à des institutions, les
aides individuelles ou les subventions à des organismes devraient normalement
correspondre à l’une de ces trois premières missions. Ces missions sont prises en
charge par une direction centrale, la Direction de la prévention et de l’action
sanitaire et sociale.

SECTION I - LA PREVENTION DES RISQUES SOCIAUX


Avant d’aborder le rôle de la CNSS en matière de prévention des risques
professionnels, il convient de situer le problème général de la prévention ainsi que
le cadre légal et institutionnel de la prévention.

§ 1 - Le problème de la prévention
609. En tant qu’ « assureur » chargé d’indemniser ou de prendre en charge
les victimes des risques professionnels, la sécurité sociale est directement
intéressée par le problème de la prévention, même si la question est beaucoup plus
traitée dans le code du travail et ne fait l’objet que d’un seul article pertinent dans
le code de sécurité sociale. La fréquence des accidents du travail et maladies
professionnelles entraîne de lourdes charges de réparation pour la Caisse mais
surtout des conséquences sociales incalculables. Le décès ou l’invalidité d’un
assuré compromet généralement les conditions de vie de la famille large et les
chances d’une bonne scolarisation des enfants. L’adage « mieux vaut prévenir que
guérir » est d’autant plus de mise que les pensions et allocations qui peuvent être
servies ne compensent que partiellement la perte de capacité de travail du salarié.

Or la prévention apparaît encore comme le parent pauvre des mesures


sociales parce que son efficacité dépend de plusieurs facteurs : des conditions
générales de travail, de l’organisation du travail, de l’adaptation des mesures de
sécurité, de la fréquence des contrôles et de l’effectivité de la répression des
violations de la réglementation, du niveau d’éducation des travailleurs à l’hygiène
et à la sécurité au travail.

Dans les économies en développement, les conditions générales de travail


sont généralement insatisfaisantes : le milieu de travail présente des conditions
d’hygiène et de sécurité peu satisfaisantes sinon insalubres ; les outils de travail
sont souvent rudimentaires et dangereux1 ; la durée du travail est excessive dans
certaines professions, qui ne relèvent pas toujours du secteur informel, tel que le

branche. Par exemple, est-il juste de faire financer la prévention des risques professionnels par les cotisations
de prestations familiales ?
1 Il n’est pas rare de voir des ouvriers construire des maisons à plusieurs niveaux en faisant monter le béton

avec des sceaux ou des manutentionnaires tracter des marchandises avec des chariots à bras alors que la
quantité et la valeur des produits justifient le recours à des camionnettes.

563
transport ; Même le matériel de sécurité, lorsqu’il est utilisé, peut s’avérer obsolète
ou mal adapté aux conditions climatiques (par exemple le port de bottes qui
protégent en même temps contre le froid dans les pays tempérés, peut être un
calvaire dans les pays chauds surtout si elles sont en caoutchouc1.

Dans l’entreprise, aussi bien l’employeur que le travailleur font preuve de


manque de conscience des risques. L’employeur négligence les mesures de
prévention par souci d’économie sur ces postes de dépenses, et les travailleurs,
individuellement et collectivement, font fi des mesures élémentaires de sécurité,
par fatalisme et manque de sensibilisation sur leurs utilités. Ainsi, les statistiques
ne montrent pas une réelle tendance à la baisse, même si l’on tient compte de
l’évolution de la population active salariée (V. tableau ci-dessous), passant de 2727
en 1991 à 3233 en 2002 avec des pointes de 4371 en 1998 et 4118 en 1999. Les
ouvriers et les manœuvres sont les plus exposés, en raison de conditions de travail
plus dangereuses, alliées à un niveau d’éducation à la prévention des risques
souvent moindre que les cadres et employés. Avec successivement 26, 29% et
53,45% des victimes d’accidents, ces deux catégories professionnelles cumulent un
taux de 79,74% des victimes2.

Tableau de l’évolution du nombre d’accidents de 1991 à 2002


(sources : annuaire statistique n° 10, édition de 2002, tableau 4.1.1., p. 46)

Année effectifs
1991 2727
1992 2828
1993 3189
1994 3158
1995 2312
1996 3072
1997 3945
1998 4371
1999 4118
2000 3988
2001 3369
2002 3233

Pourtant le cadre légal et institutionnel affiche des ambitions louables en


matière de prévention malgré des insuffisances dans la mise en œuvre.

1V. P. MOUTON op. cit., p. 331.


2
On peut remarquer que les statistiques de la Caisse ne font pas une rubrique à part pour les maladies
professionnelles, ce qui peut faire soupçonner une faible déclaration ou détection de ces maladies.

564
§ 2 - Le cadre légal et institutionnel
Le cadre législatif et réglementaire ainsi que les institutions qui doivent les
mettre en œuvre sont concurremment traités dans le code du travail et dans le code
de sécurité sociale.

A – LE CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE

610. La prévention des risques professionnels est abondamment traitée dans


le code du travail qui y consacre un titre relatif à l’hygiène, à la sécurité et à la
médecine du travail1. Cela semble normal parce que c’est sur les lieux de travail
que la prévention doit s’organiser et parce que la réglementation sur la prévention
crée des obligations qui pèsent sur l’employeur. Le code du travail détermine les
obligations de l’employeur en matière de prévention dans l’entreprise et organise
cette prévention au niveau national à travers un organe consultatif national pour
l’étude de ces questions d’hygiène et de sécurité. Les codes du travail successifs,
adoptés après l’indépendance, renvoient à des textes d’application par décret2 ou
par arrêtés qui ne sont toujours pas pris, si bien que beaucoup de textes
d’application en sont restés aux arrêtés de 1954 à 19553. Certes, il n’est pas besoin
de changer un texte uniquement parce qu’il date du temps colonial, mais
l’inconvénient de cet immobilisme est que ces textes, publiés au Journal officiel de
l’AOF, sont peu accessibles et ne sont pas actualisés même quand ils devraient
l’être4.

Le Code du travail de 2004 introduit beaucoup d’innovations dans la


réglementation en matière d’hygiène et de sécurité :
- il fait obligation à l’employeur d’élaborer et mettre en œuvre annuellement
un programme d’amélioration des conditions et du milieu de travail
(article 225) ;
- l’employeur doit déclarer à l’inspecteur l’utilisation de procédés,
substances, machines ou matériels entraînant l’exposition des travailleurs
à des risques professionnels (art. 227) ;
- l’employeur doit instituer des procédures d’information des travailleurs sur
les risques professionnels existant (art.230) et des actions de formation à
la sécurité (art. 231) etc.

Le Code de sécurité social traite de la prévention à l’article 75 relatif au


Fonds d’action sanitaire et sociale et renvoie généralement aux dispositions du

1 V. Titre V, articles 219 à 251 du code de 2004.


2 Dans le code de 2004, il n’est plus renvoyé à des décrets mais à des arrêtés du ministre chargé du travail.
3 V. la liste d’arrêtés pris au temps de l’AOF, restés applicables en matière d’hygiène et de sécurité, in Code

social, note 116 sous l’article 139.


4 Par exemple, l’article 139 du Code du travail de 1992 renvoie à un décret en conseil des ministres pour régler

les conditions d’hygiène et de sécurité sur les lieux de travail. Ce décret spécifique n’ayant pas été pris, c’est
l’arrêté 5253 IGTLS-AOF du 19 juillet 1954 qui est applicable. V. Code social, p. 397.

565
code du travail. Aux dispositions de l’article 75 s’ajoutent les articles 156 à 159 de
la loi 3-59 du 30 janvier 1959, qui restent en vigueur, leurs dispositions n’ayant pas
été reprises dans un autre texte1.

B – LES INSTITUTIONS DE PREVENTION

611. Les institutions chargées de la prévention sont, au niveau national ou


extérieur à l’entreprise, l’administration du travail, la médecine du travail, le
Comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité, auxquels s’ajoutent
les services de contrôle de la CNSS.

L’inspection du travail a un rôle central en matière de prévention, dans la


mesure où il lui revient de faire appliquer la réglementation du travail, y compris
les mesures préventives d’hygiène et de sécurité. Le problème est qu’elle manque
de moyens matériels et humains et de temps. Elle est absorbée par les tâches de
règlement des conflits individuels et collectifs au détriment des tournées régulières
dans les entreprises.

Le Comité technique national consultatif d’hygiène et de sécurité 2, qui


donne son avis sur les mesures réglementaires à prendre, n’est pas très visible. Une
bonne visibilité de ce Comité devait se traduire, il nous semble, par une bonne
actualisation des textes d’application prévus par la loi.

Les services de médecine du travail sont assurés au Burkina Faso par un


établissement public, l’Office de santé des travailleurs3. Cet établissement exerce
l’essentiel des missions hors entreprise de la médecine du travail4. Il a à la fois pour
rôle de dispenser des soins curatifs et des soins préventifs, d’accomplir les visites
médicales d’embauche ou périodiques prescrites par le code du travail, d’assurer
l’inspection technique des services médicaux des entreprises. Sa mission s’intègre
globalement dans la politique de santé en direction des travailleurs salariés des
secteurs publics et privés et, au delà, dans le cadre d’un service de santé universel.

Au niveau de l’entreprise, la prévention est confiée à des structures


internes : le service de médecine d’entreprise, les délégués du personnel et les

1 Cf. loi 3-59 ACT du 30 janvier 1959 instituant un régime de réparation et de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnels en Haute-Volta, tacitement abrogée dans la grande majorité de ses
dispositions par l’adoption d’un Code de sécurité sociale en 1972, J.O.RHV du 16 février 1959, p.105 ; Code
social, p. 525.
2 V. Article 219 C.trav. (138 code de 1992) et le décret 96-17 du 30 janvier 1996 portant composition, et

fonctionnement du CTNCHS, J.O. BF du 15 février 1996, p. 397 ; Code social, p. 442.


3 Kiti AN IV 429 CNR/SAN du 31 juillet 1987 portant création d’un établissement public dénommé « Office

de santé des travailleurs » O.S.T., J.O.BF du 6 août 1987, p. 761 et Kiti AN IV 430 CNR/SAN du 31 juillet
1987, portant statut particuliers de l’Office de santé des travailleurs, J.O.BF du 6 août, p. 762, modifié par le
Kiti AN VII 399 du 25 juillet 1990, J.O.BF du 13 septembre 1990, p. 964.
4 V. Art. 240 à 251 C. trav. de 2004.

566
comités d’hygiène et de sécurité1 devenus Comité de sécurité et de santé2. L’article
239 C.trav. prévoit en outre la création d’un service de sécurité en milieu de travail
dans les entreprises industrielles occupant cinquante travailleurs. En matière de
médecine du travail, la loi fait obligation à toute entreprise d’assurer la couverture
sanitaire du travailleur selon des modalités qui tiennent compte de la taille de
l’entreprise : création d’un service médical propre à l’entreprise, d’un service
médical commun à plusieurs entreprises ou abonnement de l’entreprise à l’OST
pour accomplir les prestations prévues par le Code du travail, à la charge de
l’employeur.

C – LA RÔLE DE LA CNSS

612. La CNSS partage avec l’inspection du travail le rôle de prévention des


accidents du travail et des maladies professionnelles. En pratique, elle joue un rôle
plus actif ou, en tout cas, plus visible que celui des inspecteurs du travail. Elle a
l’avantage de bénéficier de l’autonomie financière et, par conséquent, de pouvoir
dégager des ressources affectées aux actions de prévention. De plus, elle est à la
source de l’information sur la réalisation des risques professionnels, dans la mesure
où la victime d’un risque assuré est obligée de déclarer l’accident ou la maladie
pour pouvoir bénéficier de la prise en charge.

Il a été créé, à partir de 1986, un service de prévention différent du service


de réparation, au sein d’une direction de la prévention et de l’action sanitaire et
sociale. Cette direction a pour missions : de contrôler l’application des mesures
d’hygiène et de sécurité3 ; de l’information et de la diffusion auprès des employeurs
et travailleurs de la réglementation et des techniques de prévention des risques
professionnels ; de procéder à toutes enquêtes jugées nécessaires dans les
entreprises et établissements présentant des risques d’accident ou de maladies
professionnelles ; et de confectionner et d’exploiter les statistiques sur la réalisation
de risques professionnels.

La direction a donc un triple rôle d’études, de répression à l’occasion des


contrôles, de sensibilisation et d’éducation à la prévention. Elle mène effectivement
des actions de formation et d’information par des séminaires et des spots
publicitaires4. Son rôle d’études semble se limiter qu’aux études générales sur les
statistiques d’accidents et d’état d’hygiène et de sécurité, faute de moyens
techniques et en personnels qualifiés pour se lancer dans les questions d’études
ergonomiques. Chargée du contrôle et de la sensibilisation, cette direction est bien
placée pour susciter des récompenses aux institutions ou services qui font des
efforts en matière de prévention.

1 Art. 139 C.trav. de 1992;


2 Art. 234 C. Trav. de 2004.
3 Sous le contrôle de l’inspecteur du travail, précisait l’article 156 al. 3 de la loi 03-59 ACT du 30 janvier 1959.
4 Un de ses spots télévisuels de sensibilisation a même remporté un prix international.

567
Outre l’action de la DPAS, la Caisse peut, d’une manière générale,
promouvoir la prévention par des subventions ou avances visant à : favoriser
l’enseignement de la prévention ; récompenser des initiatives en matière de
prévention, d’hygiène et de sécurité ; créer et développer des institutions ou œuvres
dont le but est de susciter et perfectionner les méthodes de préventions, de
réadaptation et de rééducation1.

SECTION II - L’ACTION SANITAIRE


ET LES AIDES SOCIALES
613. En dehors des actions de prévention, le Fonds d’action sanitaire et
sociale sert à financer, d’une part, les prestations en nature prévues à l’article 67
CSS, c’est-à-dire le complément légal de prestations familiales sous forme d’aide à
la mère et aux nourrissons et, d’autre part, les aides sociales non liées à des droits
légaux d’assuré. On peut donc faire une distinction, certes difficile, entre l’action
sanitaire menée par la Caisse et les aides sociales.

§ 1 - L’action sanitaire de la Caisse


614. L’action sanitaire de la Caisse intègre deux volets juridiquement
différents : le service des prestations en nature de la branche des allocations
familiales, qui se prolonge par des actions sanitaires plus ouvertes principalement,
en direction des femmes et des enfants.

A – LE SERVICE DES PRESTATIONS EN NATURE

Les prestations en nature comprennent les consultations prénatales et


postnatales, les soins médicaux, les vaccinations régulières des enfants, l’éducation
sanitaire et nutritionnelle des mères à la prévention des maladies ainsi qu’à
l’alimentation des nourrissons. Ces prestations peuvent être accompagnées de
remise de produits servant à l’entretien de l’enfant. Ce sont des prestations en
principe tournées vers les bénéficiaires d’allocations familiales et les familles des
assurés.

Pour faire face à ces prestations complémentaires, la Caisse a construit


quelques centres de santé maternelle et infantile (SMI), des dispensaires et des SMI
mobiles. Ces infrastructures ne sont toutefois pas suffisantes pour couvrir toutes les
bénéficiaires de prestations en nature. Ces prestations peuvent être dispensées par

1Les statistiques de la Caisse font mention de subventions à des œuvres extérieures, d’un montant d’environ
140 millions Fcfa, sans autres précisions sur la nature et l’action des bénéficiaires. Cf. Annuaire statistique, p.
96.

568
d’autres formations sanitaires publiques ou privées agréées par le Ministère de la
santé1.

B – LA CONTRIBUTION A LA POLITIQUE DE SANTE

Les infrastructures sanitaires de la Caisse viennent en soutien à la politique


générale de santé parce qu’elles ne sont pas exclusivement réservées aux familles
des assurés.

Les centres SMI et les SMI mobiles reçoivent les femmes et les nourrissons
pour les soins préventifs et curatifs, les séances d’éducation nutritionnelle et de
démonstration d’utilisation de produits alimentaires. Ils organisent des entretiens
sur la planification familiale. Par ailleurs, les services sanitaires de la Caisse
participent aux actions préventives de vaccinations dans le cadre, par exemple, des
programmes élargis de vaccination (PEV).

§ 2 - Les aides sociales


615. Le Fonds d’action sanitaire et sociale peut financer des actions sociales
autres que médicales. Le service social de la Caisse peut dispenser des aides sous
forme de secours individuels ou collectifs et de subventions à des œuvres
extérieures à la Caisse. Les secours individuels peuvent consister en l’assistance
permanente de cas sociaux (handicapés, orphelins). Le nombre très élevé de « cas
sociaux » au Burkina Faso, même si l’on se limitait à d’anciens assurés qui ne
remplissent pas les conditions pour bénéficier de pension, fait que cette forme ne
peut être qu’une goûte d’eau dans la mer. Les secours collectifs peuvent consister
en des subventions à des œuvres (foyers des retraités, colonies de vacances...) ou
toutes autres institutions dont l’action sociale est digne d’intérêt.

Les critiques qui peuvent être émises sur l’action sociale sont qu’elle ne
cible pas suffisamment les bénéficiaires et ne fait pas l’objet d’un programme à
moyen et long terme sur la base d’un budget stable. Les actions au coup par coup
ne peuvent avoir d’effet d’entraînement positif sur la situation visée. La mission
d’action sanitaire est conçue de manière trop large : par exemple, il est dit que le
service de promotion des assurés sociaux est chargé, outre d’assurer l’assistance
matérielle et financière pour la promotion des assurés dans les limites
réglementaires et d’apporter une assistance aux veuves et orphelins dans la gestion
des pensions, « d’assurer la promotion et l’encadrement des jeunes filles ». Il s’agit

1V. le décret n° 59 du 21 février 1962 portant dispositions spéciales de contrôle médical pour le régime des
prestations familiales en fonction des formations sanitaires existantes, qui autorise à pratiquer les soins
médicaux dans les cabinets de consultations, dispensaires, maternités, formations sanitaires, libres ou
administratifs.

569
manifestement d’une interprétation extensive des missions de la Caisse1, même si
la cause est « politiquement correcte ».

1 V. Décision 95- 369 du directeur de la CNSS, précitée. Cette interprétation était encore plus extensive sous la
révolution. V. Echo-CNSS n° 15, 1986, p.5.

570
571
CHAPITRE V - LE CONTRÔLE ET LE CONTENTIEUX DE
LA SECURITE SOCIALE
616. La réglementation de sécurité sociale est soumise au même type de
contrôle administratif qu’en matière de droit du travail, et le contentieux de la
sécurité sociale fait une large part à la compétence des juridictions du travail, bien
qu’il connaisse de nombreuses particularités.

SECTION I - LE CONTROLE
Le contrôle de l’application par les employeurs de la réglementation en
matière de sécurité sociale est assuré par les agents de contrôle de la caisse et par
les inspecteurs et contrôleurs du travail1.

§ 1 - L’intervention de l’inspection du travail


617. L’inspection du travail intervient dans le contrôle de l’application de la
législation et de la réglementation de sécurité sociale à plusieurs titres :

D’abord, par le fait que la CNSS est moins localement déconcentrée que les
services du ministère concerné, certaines directions extérieures du travail peuvent
être chargées des services de la caisse de sécurité sociale là où la caisse n’en
dispose pas. Les directions régionales de ce ministère sont d’ailleurs appelées
directions régionales du travail et de la sécurité sociale ;

Ensuite, par l’obligation faite aux employeurs de faire certaines déclarations


à l’inspection du travail, qui concernent aussi la réglementation de sécurité sociale,
l’inspection du travail peut se rendre compte que la réglementation de sécurité
sociale n’est pas respectée et faire des observations à l’employeur à cet égard. Par
exemples : l’employeur est tenu de produire une déclaration trimestrielle indiquant,
pour chacun des salariés qu’il a occupé au cours de la période, le montant total des
rémunérations ou gains perçues ainsi que la durée du travail effectué. Cette
déclaration est transmise à la CNSS et à l’inspection du travail2 ;

L’employeur est tenu de déclarer à la caisse et à l’inspecteur du travail, dans


un délai de 48 heures, tout accident de travail et toute maladie professionnelle dont
est victime un travailleur3. L’inspecteur du travail doit procéder à une enquête si la
blessure est susceptible d’entraîner la mort ou une incapacité permanente totale ou
partielle d’au moins 15%, ou lorsque la victime est décédée4.

1 Art. 85 C SS.
2 Art. 26-1 CSS.
3 Art. 44 CSS.
4 Article 18 et s. de l’arrêté n° 1318 du 24/12/1976.

572
En outre, l’inspecteur régional du travail participe à la procédure de
sanction contre les employeurs défaillants, parce qu’il donne son avis quand le
Directeur général de la caisse veut user des procédures de contraintes contre un
employeur pour le recouvrement des cotisations (art. 29 et 30 C.S.S.).

Pour toutes ces raisons l’inspecteur du travail était dénommé inspecteur du


travail et de la sécurité sociale, puis inspecteur du travail et des lois sociales. A
partir de 1992, la loi retient l’appellation simple d’inspecteur du travail. Ce fait
traduit que la Caisse a acquis une autonomie suffisante en personnel pour exercer le
contrôle spécifique relatif à l’application de la réglementation de sécurité sociale,
mais certainement pas que les dispositions de l’article 85 CSS sont caduques.

§ 2 - Les agents de contrôle de la caisse


618. Le contrôle de l’application de la réglementation de sécurité sociale est
surtout assuré par les agents de contrôle de la CNSS. La Caisse dispose de son
propre centre de formation de son personnel. Même si des cadres doivent encore
être formés à l’extérieure, l’existence d’un centre de formation réduit le problème
d’insuffisance de personnel de contrôle.

Les agents de contrôle de la Caisse ont à peu près les mêmes statuts et
attributions que les contrôleurs du travail1 :
- Ils prêtent serment dans les conditions prévues pour les contrôleurs du
travail 2 ;
- Ils sont tenus au secret professionnel ;
- Ils ont qualité pour dresser des procès-verbaux en cas d’infraction aux
dispositions du CSS et des règlements d’application. Ces PV font foi jusqu’à
preuve contraire ;
- Ils ont le droit de pénétrer dans les locaux à usage professionnel, de
contrôler l’effectif du personnel, d’avoir communication de tout document prévu
par la législation du travail, notamment le « livre de paie » et le « registre
employeur » ;
- Les employeurs sont tenus de les recevoir lors de leurs tournées. Les
oppositions ou obstacles à l’accomplissement du travail des contrôleurs sont
passibles des mêmes peines que celles prévues par le code du travail en ce qui
concerne les inspecteurs et contrôleurs du travail3.

1 Art. 85 §I et 2 CSS.
2 V. art. 362 et 370 nouveaux (art. 219 et 224 anciens C.trav.) : les inspecteurs du travail prêtent serment devant
la Cour d’appel et les contrôleurs du travail prêtent serment devant le tribunal du travail.
3 Cf. art. 388, 9° nouveau ou art. 238 j. ancien. Cet article prévoit des sanctions d’amende de 50.000 à

1000.000 Fcfa et/ou d’emprisonnement de 1 mois à 3 ans et, en cas de récidive, une amende de 300 000 à 600
000 Fcfa CFA et/ou l’emprisonnement de 2 mois à 5 ans.

573
SECTION II - LE CONTENTIEUX DE LA
SECURITE SOCIALE

619. Le contentieux en matière de sécurité sociale1 présente des


particularités qui se justifient par le caractère technique des litiges d’ordre médical
et par le fait que la caisse de sécurité sociale est un organisme public. Le tribunal
du travail est la juridiction ayant compétence ordinaire en matière de sécurité
sociale. Le nombre peu élevé de recours juridictionnels ne plaide pas pour la
création, comme en France, de juridictions particulières à la sécurité sociale. Par
ailleurs, le tribunal du travail satisfait théoriquement aux conditions de célérité
propres aux litiges ayant souvent un caractère alimentaire.

Bien de difficultés se posent quand il faut faire la délimitation de


compétences entre celles du tribunal de travail et celles des juridictions relevant
d’un autre contentieux2. Par ailleurs, tous les litiges relevant du contentieux
particulier de la sécurité sociale ne suivent pas la même procédure de règlement.
Ainsi peut-on distinguer deux types de contentieux de la sécurité :
- le contentieux général, et
- le contentieux technique ou d’ordre médical.

A ces deux types s’ajoutent les contentieux relevant des juridictions civiles,
pénales ou administratives.

§ 1 - Le contentieux général
620. Aux termes de l’article 86 § 1 du Code de sécurité sociale, « les litiges
auxquels donne lieu l’application des législations et réglementations de sécurité
sociale visant les assurés, les employeurs et la Caisse, à l’exception des affaires
pénales et des litiges qui appartiennent exclusivement par leur nature à un autre
contentieux, seront réglés par le tribunal du travail dans le ressort duquel se trouve
la résidence habituelle de l’assuré ou le siège social en Haute-Volta (Burkina Faso)
de l’employeur intéressé ».

1V. articles 86 et 87 CSS et articles 122 à 125 de l’arrêté n° 1318 du 24 décembre 1976.
2V. J.J. DUPEYROUX et al., 14e édit., pp. 993 et s. ; F. TAQUET, Le contentieux de la sécurité sociale, Litec,
1993 ; M. LAROQUE, La répartition des compétences juridictionnelles sur les actes réglementaires des
organismes de sécurité sociale, Dr. soc., 1984, p. 141 ; M.-M LEGOUCHY, Le contentieux de la sécurité
sociale, RPDS, n° 668, 2000, p. 383 ; M. PIERCHON, Guide du contentieux de la sécurité sociale, 2e édit.
1998.

574
A - LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL

621. La compétence du tribunal du travail repose sur deux critères :


l’applicabilité des lois et règlements de sécurité sociale et la portée individuelle ou
générale de la décision.

1) L’applicabilité des lois et règlements de sécurité sociale

Pour que le tribunal du travail soit compétent, il faut que le litige donne lieu
à l’application des lois et règlements de sécurité sociale, mais que ceux-ci ne
relèvent pas, par leur nature, d’un autre contentieux.

Les litiges visés par l’article 86 § I sont essentiellement ceux relatifs, à


l’assujettissement au régime de sécurité sociale, au recouvrement des cotisations, et
au service des prestations des divers régimes : assurances sociales, prestations
familiales, risques professionnels et leurs séquelles. Relèvent ainsi du contentieux
général :

a) Les litiges concernant les assurés et relatifs :


- à l’affiliation ou le refus d’affiliation ;
- au caractère professionnel ou non professionnel de l’accident ou de la
maladie ;
- à la faute inexcusable de la victime ou de l’employeur ;
- à la faute intentionnelle de la victime ;
- aux contestations sur l’attribution ou sur le montant des prestations ;
- etc.

b) Les litiges concernant les employeurs et relatifs :


- au montant des cotisations et des majorations de retard ;
- à la faute inexcusable du préposé de l’employeur ;
- au remboursement des prestations à la Caisse ;
- etc.

c) Les différends entre la caisse, les bénéficiaires et les employeurs.

Seront par contre exclus de la compétence du tribunal du travail, les litiges


concernant le fonctionnement de la Caisse, c’est-à-dire ceux qui opposent la caisse
à l’autorité de tutelle, aux fournisseurs et dans une certaine mesure, au personnel.
Ces litiges relèvent des juridictions civiles ou administratives. Mais en ce qui
concerne les litiges entre la Caisse et son personnel, ceux-ci relèvent en général de
la compétence du tribunal du travail et, exceptionnellement, de la compétence de la
juridiction administrative, pour les fonctionnaires détachés ou soumis à un contrat
de droit public. Ce sont bien plus des litiges du travail que de sécurité sociale.

575
2) La portée des décisions

Compte tenu de la nature d’organisme public de la Caisse, ses décisions


peuvent être de portée générale ou individuelle. Si la décision est de portée
individuelle, le litige relève par nature de la compétence de la juridiction normale
de sécurité sociale, c’est-à-dire le tribunal du travail. Si la décision est de portée
générale, il faut faire la distinction entre les décisions de caractère réglementaire et
celles non réglementaires. Les décisions de caractère réglementaire relèvent de la
compétence de la juridiction administrative.

Les actions dans le cadre du contentieux général peuvent être engagées par
les assurés, les employeurs ou la caisse. Ces contestations sont portées d’abord
devant une commission de recours gracieux, puis devant le tribunal du travail.

B - La PROCEDURE EN MATIERE DE CONTENTIEUX GENERAL

La procédure comprend trois phases : une phase gracieuse devant la


Commission de recours gracieux, une phase contentieuse devant le tribunal du
travail, et la possibilité d’exercer des recours en appel et en cassation.

1) La Commission de recours gracieux

622. Une commission de recours gracieux est constituée au sein du conseil


d’administration de la Caisse pour examiner les réclamations contre les décisions
prises par la Caisse. Cette commission comprend cinq membres 1 : le président du
conseil d’administration qui en est membre de droit, deux représentants travailleurs
et deux représentants employeurs. Les quatre derniers membres sont désignés pour
un an renouvelable.

Le recours devant cette commission est une procédure obligatoire et


préalable à la saisine du tribunal. La décision de la Commission doit être motivée et
notifiée à la partie plaignante. Si dans un délai de deux mois à compter de la date
de réclamation, la partie plaignante n’a pas reçu notification de la décision, elle
peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal dans un
délai de deux mois. Mais ce délai peut être interrompu par la notification faite par
la Caisse de sa décision.

L’article 16 de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre 1976 prévoit que


l’employeur, à qui est appliquée une majoration de retard pour non acquittement
des cotisations dans les délais prescrits, peut formuler une demande gracieuse en
réduction de la majoration devant le Directeur de la caisse, qui est compétent pour
statuer si la demande ne dépasse pas un montant initial fixé chaque année par le

1Art. 87 CSS.

576
conseil d’administration. Au delà de ce chiffre, c’est la Commission de recours
gracieux qui statue. Il en est de même en matière d’ouverture du droit aux
prestations où la saisine de la Commission doit faire suite à une décision
défavorable de la Caisse. Il s’agit d’un recours amiable avant le recours
contentieux, mais cette procédure amiable diffère de la conciliation dans la mesure
le recours est adressé à l’organe qui a pris la décision.

2) La procédure devant le tribunal du travail et les recours

623. Le requérant dispose d’un délai de deux (2) mois à compter de la date
de notification de la décision de la Commission de recours gracieux pour saisir le
tribunal du travail. S’il s’agit d’une décision implicite de rejet, le délai de deux
mois est compté à partir de la date présumée de rejet. L’action est introduite par
déclaration écrite ou verbale faite au greffe du tribunal du travail. Il n’est plus exigé
une phase de conciliation devant l’inspecteur du travail, cette phase étant
remplacée par le recours gracieux.

Le tribunal statue dans les conditions prévues par le Code du travail 1. La


procédure est contradictoire. Les parties sont tenues de se présenter aux
convocations mais peuvent se faire, soit assister par un travailleur ou un employeur
de la même branche d’activité, soit représenter par un avocat ou, sur mandat écrit,
par un représentant de son syndicat. Le tribunal peut prescrire toutes enquêtes ou
mesures d’information utiles. Le jugement peut ordonner l’exécution immédiate
nonobstant appel ou opposition. Le code du travail de 2004 a introduit la procédure
de référé devant le président du tribunal du travail2. Celui-ci peut ordonner toutes
les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui justifie
l’existence d’un différend et accorder une provision au créancier dans le cas où
l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut aussi prescrire des mesures
conservatoires ou de remise en l’état. L’ordonnance de référé ne peut faire l’objet
d’opposition mais est susceptible d’appel.

Le jugement du tribunal du travail peut faire l’objet d’appel devant la Cour


d’appel (chambre sociale) dans les conditions prévues par le Code du travail.
L’appel doit être formé dans les quinze (15) jours du prononcé du jugement ou de
la signification quand elle est prescrite. Le recours en cassation contre l’arrêt de la
Cour d’appel est exercé dans les conditions de droit commun devant la Cour de
cassation qui comprend également une chambre sociale.

En matière de recouvrement des cotisations, la voie contentieuse est


simplifiée par les moyens d’actions plus promptes dont dispose la Caisse. Ces
moyens d’action sont la contrainte et le recours à l’autorité de tutelle en ce qui
concerne les personnes morales de droit public.
1 V. les articles 301 et s. C.trav. de 2004.
2 V. articles 324 à 333 C.trav. de 2004.

577
Si un employeur ne paie pas ses cotisations dans les délais requis, la Caisse
le met en demeure par lettre recommandée d’avoir à régulariser sa situation dans un
délai de quinze (15) jours au moins et de trois mois au plus1. Cette mise en
demeure est préalable à toute poursuite. Si après la mise en demeure, l’employeur
ne s’exécute pas, la caisse peut lui délivrer, après avis de l’inspecteur régional du
travail, une contrainte2. Cette contrainte est visée et rendue exécutoire par le
président du tribunal du travail. Elle vaut titre exécutoire et comporte tous les effets
d’un jugement. Elle peut faire l’objet d’une exécution par mandataire de justice.
L’employeur peut obtenir l’interruption de l’exécution de la contrainte en saisissant
le tribunal en contestation de la réalité du montant de la dette.

En ce qui concerne les cotisations dues par les collectivités locales et autres
personnes morales de droit public, la caisse peut saisir l’autorité de tutelle de la
personne morale débitrice. L’autorité de tutelle ordonne, dans les trois mois suivant
la date d’échéance des cotisations, le paiement d’office des sommes dues par arrêté
tenant lieu de mandat de l’ordonnateur de la personne morale débitrice. Cette
procédure se justifie par le fait que les cotisations sont des dépenses obligatoires 3.
L’ordonnateur de la personne morale débitrice est tenu d’exécuter immédiatement
l’ordre de paiement si des fonds sont disponibles ou de suspendre tout autre
paiement, à l’exception des salaires, jusqu’à exécution totale de l’ordre. Cette
procédure ne semble pas réellement utilisée puisque les personnes morales visées
sont souvent lourdement débitrices à l’égard de la CNSS.

§ 2 - Le contentieux technique ou d’ordre médical


624. Le contentieux technique a pour objet de trancher les contestations
relatives à l’état de l’assuré (invalidité, incapacité, inaptitude)4. Ce contentieux peut
comprendre deux volets : le contentieux technique médical et le contentieux du
contrôle technique relatif à l’observation de la déontologie par le médecin 5,
essentiellement pour les cas de certificats de complaisance, actes fictifs ou
tarifications abusives. Ce dernier aspect n’est pas traité à part dans le code
burkinabè, mais cela ne signifie pas que de tels litiges ne sont pas envisageables : à
titre d’exemples, l’article 46, 2° CSS prévoit l’agrément d’établissements privés et
des conventions sur la tarification en matière de soins dans le cadre des risques
professionnels ; et l’article 74 CSS prévoit qu’un arrêté du ministre chargé du
travail fixe les conditions et les modalités des accords que la Caisse peut conclure
avec les formations sanitaires administratives et les formations sanitaires privées

1 Art. 29 CSS.
2 Art. 30 CSS.
3 Cf. art. 88 CSS.
4 V. D. ROMAN, Le contentieux technique de la sécurité sociale à l’épreuve du procès équitable, Dr. Soc.,

2001, p. 734.
5 V. J.J. DUPEYROUX, op. cit. pp. 1005 et s. ; S. JUILLOT-BERNARD, J. MORET-BAILLY, Les nouveaux

contentieux des professionnels de santé, Dr. Soc., 1996, p. 840 ; X. PRETOT, Le contentieux des sanctions
appliquées aux praticiens et auxiliaires médicaux, RJS, 12/98, p. 871 et RJS, n° 5/01, p. 391.

578
agréées par le ministre de la santé pour charger ces services de donner des soins et
de procéder aux visites médicales prévues par le Code du travail ou les textes
régissant la sécurité sociale1. Ce contentieux est aussi d’ordre médical mais
l’inexistence d’une assurance maladie, celle-ci étant généralement accompagnée
d’une réglementation touffue en matière de prescriptions médicales, explique le
caractère marginal du contentieux du contrôle technique.

Suivant l’énumération de l’article 86 § 2, entrent dans le champ de ce


contentieux d’ordre médical les contestations portant sur :
- la date de consolidation en cas de réalisation d’un risque professionnel
(accident du travail ou maladie professionnelle) ;
- le taux d’incapacité permanente ;
- l’existence d’une usure prématurée des facultés physiques ou mentales,
c’est-à-dire l’état d’inaptitude du travailleur en matière d’assurance vieillesse ;
- l’existence ou la gravité de l’invalidité.

Ces contestations donnent lieu à l’application d’une procédure d’expertise


médicale. Un médecin expert est désigné d’un commun accord par le médecin
traitant et le médecin de la CNSS. A défaut d’accord, l’expert est désigné par le
Ministre de la santé sur une liste établie par lui. L’expert rédige un rapport qu’il
remet à la Caisse et au médecin traitant dans le délai d’un mois de sa saisine2.

L’avis de l’expert n’est pas susceptible de recours. Il s’impose à la caisse et


à l’assuré. Cette autorité absolue de l’avis ne souffre d’exception que dans les cas :
- d’irrégularité de forme ou de fond de l’expertise ; ou,
- de nécessité de complément d’expertise, lorsque l’avis n’est pas clair,
précis et non équivoque.

La procédure d’expertise est critiquée pour diverses raisons3 :


- l’avis, de par sa portée, déroge au principe selon lequel l’expertise n’est
qu’un élément d’information destiné à éclairer le juge4 ;
- de plus, la rédaction des questions posées à l’expert est en général
unilatéralement faite par la Caisse, ce qui peut orienter les réponses ;
- enfin, les délais impartis à l’expert pour donner son avis ne sont
généralement pas respectés, avec l’assentiment de la jurisprudence qui n’en tire pas
de conséquence. Le non respect des délais pour rendre les avis met les assurés dans
une situation inconfortable : par exemple, en cas de contestation d’une invalidité ou
du taux d’incapacité, l’assuré attend la réponse pour avoir sa pension.

1 V. également les articles 119 et surtout 125 de l’arrêté n° 1318 sur la contestation par la Caisse des
tarifications du médecin.
2 V. art. 122 à 125 de l’arrêté n° 1317 du 24 décembre 1976.
3 V. Y. SAINT-JOURS, De la nécessité d’une réforme de l’expertise médicale en droit de la sécurité sociale,

RPDS, 1/88.
4 En France, depuis une loi du 23 janvier 1990, le juge n’est plus lié par l’avis médical. Il est possible de

recourir à une contre expertise. Cf. J.P. CHAUCHARD, op. cit. p. 208.

579
En matière d’appareillage, il est crée, auprès du Ministre de la santé, une
commission d’appareillage qui statue sur : les rejets de demande de fourniture, de
réparation, de renouvellement ou de remplacement d’appareils de prothèse ou
d’orthopédie ; et le refus par la Caisse de l’appareil choisi par la victime ou le
médecin traitant.

§ 3 - Les autres types de contentieux


Certaines contestations peuvent relever des juridictions pénales, civiles ou
administratives.

A – LES JURIDICTIONS PENALES

625. Les juridictions pénales sont compétentes pour sanctionner les


infractions au droit de la sécurité sociale1, de même qu’elles peuvent, par voie
d’exception, se prononcer sur le fond du différent (qualifier par exemple un
accident de professionnel ou de non professionnel).

Selon l’article 90 CSS, l’employeur qui a contrevenu aux prescriptions du


Code du travail et de ses textes d’application peut être poursuivie devant les
juridictions pénales, soit à la requête du ministère public, de sa propre initiative ou
à la demande du Ministère du travail, soit à la requête de la Caisse ou de toute
partie intéressée. Le contrevenant encourt des peines qualifiées de contravention ou
de délit.

Les infractions visées, du chef de l’employeur, concernent essentiellement :


- la non déclaration par l’employeur, d’un accident de travail ou d’une
maladie professionnelle conformément à l’article 44 CSS et à l’article 224 nouveau
C.trav. ; cette infraction est punie d’une amende de 10 000 Fcfa2 ;
- le détournement de précompte, c’est-à-dire le fait pour l’employeur de
retenir par-devers lui, indûment, la contribution du salarié au régime des pensions
(cf. l’article 24-2 C.S.S. : l’employeur est débiteur vis-à-vis de la caisse de
l’ensemble des cotisations dues ; Il est responsable de leur versement y compris la
part mise à la charge du travailleur). Cette infraction est passible d’un
emprisonnement de six (6) jours à un mois et/ou d’une amende de 50 000 à 100
000 Fcfa. En cas de récidive dans le délai de trois (3) ans, ces peines passent à un
emprisonnement de un mois à un an et/ou une amende de 100 000 à 500 000 Fcfa3 ;
- les oppositions ou obstacles aux agents de contrôle de la caisse, qui sont
punis des mêmes peines qu’en ce qui concerne les entraves à l’accomplissement de
ses missions par l’inspecteur du travail4 ;

1 V. articles 90 à 95 CSS et articles 387 et 388 C. trav. de 2004.


2 Art. 92 C.S.S. ; V. également l’article 387 C.trav. de 2004.
3 Article 91 CSS.
4 Article 85-3 C.S.S. et article 388, 9° C.trav. 2004

580
- l’article 90-2° CSS, qui prévoit d’une manière générale, des peines
d’amendes allant de 5 000 à 10 000 Fcfa et, en cas de récidive, de 10 000 à 50 000
Fcfa, pour les contraventions aux dispositions du code et de ses textes
d’application. Cette disposition est applicable, par exemple, au non paiement des
cotisations, sans préjudice des majorations pour retard ou non production des
bordereaux nominatifs de salariés. L’action publique contre l’employeur ou son
préposé est prescrite après un an, l’action civile par 5 ans.

Le salarié peut aussi être poursuivi pour fraude ou fausse déclaration en vue
de bénéficier des prestations qui ne sont pas dues1. La sanction applicable est une
amende de 5 000 à 50 000 Fcfa et/ou un emprisonnement de six jours à trois mois,
sans préjudice du remboursement des sommes indûment payées et des peines
résultant de l’application d’autres lois2.

B – LES JURIDICTIONS CIVILES

626. Les juridictions civiles peuvent avoir à connaître des litiges relatifs à la
sécurité sociale, soit en raison de dispositions expresses du droit de la sécurité
sociale ou du droit civil ou judiciaire (contestations électorales, question d’état,
vérification d’écriture…), soit par la mise en jeu de la responsabilité délictuelle
d’un tiers, de l’employeur ou de la caisse. Ainsi, les contestations électorales pour
les élections aux organes de la CNSS relèvent des juridictions de droit commun. De
même, en matière de recouvrement de créances de cotisations compromises, la
Caisse est amenée à intervenir devant ces juridictions lorsqu’une entreprise est en
faillite ou en liquidation judiciaire, pour faire valoir ses privilèges et garanties. Elle
peut même s’opposer à une fusion si l’une d’entre elle lui reste redevable3.

Ces juridictions peuvent aussi avoir à statuer par voie d’exception en vertu
du principe selon lequel le juge de l’action est juge de l’exception. Il peut en être
ainsi du recours de la Caisse contre le tiers responsable en application du droit de la
responsabilité civile ou des actions en responsabilité exercée par un assuré en cas
de violation de la réglementation. Toutefois, dans l’arrêt n° 50 du 20 juin 2000, la
Cour d’appel de Ouagadougou a débouté l’employeur qui contestait la compétence
du tribunal du travail pour connaître d’une action du travailleur en dommages et
intérêts pour paiements irréguliers des cotisations qui l’ont privés de pension. La
Cour d’appel a estimé que « la demande formulée par le travailleur a pour objet une
obligation née du contrat ». Curieusement, l’employeur s’appuyait sur l’article 90
CSS qui en fait une infraction pouvant faire l’objet de poursuite devant les

1 Art. 93-1° CSS.


2 L’article 388, 5° C.trav. de 2004 prévoit plutôt des sanctions délictuelles de 50 000 à 300 000 Fcfa pour les
fausses déclarations d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
3 Cf. Echo-CNSS, n° 20, 3ème trimestre 1987.

581
juridictions pénales. On peut se demander si, dans ce cas précis, une juridiction de
droit commun saisie ne risque pas elle aussi de se déclarer compétente1.

C – LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

627. Cette compétence découle du caractère d’organisme public de la


Caisse nationale de sécurité sociale. Relèvent de la compétence des juridictions
administratives : les litiges qui engagent directement l’autorité de tutelle ; les
problèmes d’appréciation de la légalité des règlements (décrets, arrêtés, circulaires
ministérielles) et des décisions générales de la caisse ; et les litiges entre la caisse et
le personnel fonctionnaire détaché ou bénéficiant d’un contrat de droit public. La
mission de service public et le caractère d’EPIC de la Caisse rendent plus
importantes les hypothèses de compétence du juge administratif.

1 L’article 287 du code de 2004 affirme plus nettement la compétence du tribunal du travail en matière de
sécurité sociale.

582
583
TITRE IV - LES PROBLEMES DE COORDINATION OU
D’HARMONISATION ENTRE SYSTEMES
DE SECURITE SOCIALE
628. Deux questions particulières de coordination ou d’harmonisation se
posent à la sécurité sociale burkinabè : au niveau national, il se pose le problème de
la coordination entre le régime unique des salariés relevant du code du travail et le
régime de protection sociale des agents de l’Etat, dans la mesure où les travailleurs
peuvent passer, par changement d’emploi, d’un régime à l’autre ; dans l’ordre
international, la protection des travailleurs migrant demande une coordination et
même une harmonisation entre les systèmes nationaux de sécurité sociale.

584
585
CHAPITRE I - LA COORDINATION ENTRE SYSTEMES
INTERNES DE SECURITE SOCIALE
629. Au Burkina Faso, il n’existe que deux régimes formels de sécurité
sociale : celui des salariés du secteur privé et celui des agents de l’Etat 1. Les deux
régimes sont semblables, mais peuvent comporter quelques différences notables,
par exemple, dans les avantages offerts, dans le taux de cotisation, dans les âges
limites de retraite etc.

L’étude du système de sécurité sociale des agents de l’Etat relève en


principe du droit administratif et, en particulier, du droit de la fonction publique.
Mais dans la mesure où les personnels du secteur public forment environ un tiers
de l’ensemble des salariés et qu’il ne sont pas tous soumis à un même régime de
sécurité sociale, il est utile d’évoquer ce système, ne serait-ce que pour mieux
éclairer le problème de coordination proprement dit. Ce problème de coordination
résulte du passage fréquent de travailleurs d’un système à l’autre2. En effet, le
statut général de la fonction publique a subi de nombreuses modifications, avec des
orientations différentes en ce qui concerne les personnes régies. Alors que le
premier statut général, celui de 19593, reposait sur une distinction assez rigoureuse
entre, d’une part, les agents fonctionnaires occupant des emplois permanents dans
un cadre d’une administration publique, relevant du statut général et, d’autre part,
les agents temporaires ou contractuels relevant d’une loi particulière, celle n° 50-60
AN du 25 juillet 1960 portant statut des agents temporaires des administrations et
établissement publics4, ce qui excluait beaucoup d’agents du statut général, la
réforme intervenue en 1986, sous la révolution5, a tendu à intégrer le maximum
d’agents temporaires dans le statut général. Mais, dès 1988, sous la
« Rectification »6, l’on revenait à la distinction antérieure. Puis, avec le vent de
libéralisation économique, l’importante Réforme globale de l’administration
publique de 1998 7 a plutôt opté pour extension du statut d’agents contractuels1. Ce

1 Les personnels propres des collectivités locales ne bénéficient pas d’un système particulier de sécurité
sociale. Ils relevaient en principe de la CNSS à l’exclusion de ceux de l’État mis à disposition, avant la
décision de les soumettre au système particulier des agents de l’État. Toutefois, ils bénéficient d’un statut
général qui leur accorde des prestations à la charge de l’employeur analogue à celles des agents de l’État. V.
article 79 et s. de la loi 047/96 du 21 novembre 1996 portant statut général des agents des collectivités locales,
sur le congé de maladie.
2 Par exemple, l’intégration dans la fonction publique d’agents temporaires soumis au code de sécurité sociale

les fait passer dans le régime de sécurité sociale de la fonction publique.


3 Loi n° 22 AL du 20 octobre 1959 portant statut général de la fonction publique, J.O.RHV. n° 31 du 30

novembre 1959, p. 1.
4 J.O.RHV du 6 août 1960, p. 707.
5 Zatu An IV-011 bis/ CNR/TRAV du 25 octobre 1986 J.O. BF du 30 octobre 1986, pp. 787 et s.
6 Zatu n° An VI-008/FP-TRAV du 26 octobre 1988 portant statut général de la fonction publique, J.O.BF du 27

octobre 1988, p. 990.


7 V. Loi n° 10/98/AN du 21 avril 1998 portant modalités d’intervention de l’Etat et répartition de compétences

entre l’Etat et les autres acteurs du développement, J.O.BF, n° spécial du 25 juin 1998, p. 2 ; loi n° 13/98/AN
du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique, J.O.BF
n° 1, spécial du 25 juin 1998, Code public et administratif, p. 1141 ; loi n° 20/98/AN du 5 mai 1998 portant

586
mouvement de balancier a pour conséquences qu’à chaque fois, ceux qui changent
de statut doivent procéder à des « validations de services » lorsqu’ils passent de
l’un à l’autre système de sécurité sociale, d’où l’intérêt d’une coordination. C’est
ce que nous verrons après avoir présenté le régime applicable aux agents de l’Etat.

SECTION I - LE REGIME DE PROTECTION SOCIALE


DES AGENTS DE L’ETAT
630. Selon l’article 28 de la loi 13/98 du 28 avril 1998, « les agents de la
fonction publique bénéficient d’une protection sociale en matière de risques
professionnels, de prestations familiales, d’assurance vieillesse et de soins de santé
dans les conditions fixées par la loi ». Les risques couverts sont donc analogues à
ceux de la CNSS, même les soins de santé, dans la mesure où il n’y a pas à
proprement parlé d’assurance maladie non professionnelle. Les travailleurs du
secteur privé bénéficient aussi de certains soins de santé à la charge de
l’employeur.

Mais les agents de l’Etat, n’étant pas soumis à un même régime juridique,
ne sont pas non plus soumis au même système de protection. L’organisation de la
protection dépend à la fois du statut de l’agent – selon qu’il est fonctionnaire ou
contractuel - mais aussi de la distinction entre prestations prises en charge par
dotations budgétaires et celles relevant de la Caisse autonome de retraite des
fonctionnaires.

§ 1 - Les statuts des agents de l’Etat


631. Les termes « agents de l’Etat » et « agents de la fonction publique »
sont similaires. Ils n’excluent que les agents des collectivités territoriales
décentralisées et des établissements publics, qui peuvent être des agents publics
s’ils participent à l’accomplissement d’une mission de service public, mais ne sont
pas juridiquement des agents de l’Etat ou de la fonction publique. L’expression
agents de la fonction publique est globale puisqu’elle désigne « l’ensemble des
personnes physiques recrutées pour assurer, à titre permanent ou temporaire,
directement et personnellement, une mission de service publique au sein des
services centraux ou déconcentrés des administrations et institutions publiques »2.
Elle recouvre les agents soumis au statut général de la loi n° 13/98 et ceux soumis à
des statuts particuliers, les magistrats et les militaires3. Les agents de l’Etat ou de la

normes de création, d’organisation et de gestion des structures de l’administration de l’Etat in Publications du


Journal officiel, SGG-CM, avril 2000, J.O.BF du 18 juin 1998, p. 5046; Code public et administratif, p. 90
1 V. KAMBOU Benoît, Le système contractuel dans le nouveau droit de la fonction publique étatique au

Burkina Faso, RBD n° 42, 2e semestre 2002, pp. 67 et s.


2 Article 7 de la loi 013/98 du 28 avril 1998.
3 Le statut général ne prévoit plus de statut particulier par corps, ce système étant accusé d’avoir entraîné la

dislocation du statut général de 1959, par des revendications contradictoires de particularisation ou


d’uniformisation, selon l’intérêt du moment de chaque corps.

587
fonction publique ne sont pas seulement ceux soumis à un « statut général de la
fonction publique ».

Parmi les agents régis par la loi 013/98 qui tient lieu de statut général, l’on
distingue les fonctionnaires et les contractuels. Le statut de fonctionnaire est défini
de manière restrictive par énumération de types d’emplois qui y sont soumis. Selon
l’art. 57 loi 013/98 : « est fonctionnaire au sens de la présente loi, tout agent
nommé et titularisé dans l’un des emplois publics permanents ci-après : emplois de
conception, de prestations intellectuelles et techniques de haut niveau, concourant
à l’exécution des missions d’orientation, de formulation, de contrôle et de suivi
évaluation des politiques sectorielles de l’Etat ; emplois de conception, de
prestations intellectuelles et techniques de haut niveau, d’application ou
d’exécution, concourant à la mise en œuvre des missions de souveraineté dévolues
à l’Etat ; emplois de conception, d’application ou d’exécution concourant à la mise
en œuvre de missions jugées stratégiques par l’Etat ». Cette énumération, par le
caractère vague de ses formules, laisse une large part d’arbitraire dans la
classification des emplois, notamment en ce qui concerne l’appréciation du
caractère stratégique ou de souveraineté des missions. Les agents contractuels sont
ceux qui occupent des emplois permanents n’entrant pas dans l’énumération de
l’article 57 et ceux qui occupent des emplois non permanents destinés à la
réalisation de missions extraordinaires ou conjoncturelles des administrations. Ces
derniers correspondent aux agents temporaires des anciens textes de 1959 et 1988.

Il y a aussi le cas des agents de l’Etat se trouvant dans des situations


juridiques particulières tels que les agents détachés, les agents en disponibilité et
les agents de projets. Les agents des projets sont régis par un texte particulier, le
décret n° 242 du 19 juin 19981. Ils peuvent relever entièrement du projet qui les a
recrutés mais ce sont souvent des agents de l’Etat recrutés par les projets, en
principe conformément à l’article 2 du décret n° 242 qui dispose que « tout agent
de l’Etat recruté par un projet doit prendre une disponibilité couvrant la période de
son contrat ». Les agents en détachement ou en disponibilité peuvent continuer de
bénéficier de certains droits à l’égard du système de protection sociale des agents
de l’Etat.

L’ancienne base de distinction entre agents permanents et agents


temporaires avait pour conséquence que les agents temporaires étaient soumis à la
CNSS. La nouvelle base de distinction entre fonctionnaires au sens étroit et agents
contractuels laisse planer quelques incertitudes du point de vue de la soumission à
la CNSS ou à la CARFO, d’autant plus que la Réforme globale de l’administration
publique rencontre des difficultés de mise en œuvre. Certains syndicats y sont
violemment opposés, obligeant le gouvernement à procéder par petites touches. Les

1 Décret n° 242 du 19 juin 1998 portant statut du personnel des projets et programmes de développement,
J.O.BF du 2 juillet 1998, p. 5243, Code public et administratif, volume 2, p. 1191.

588
agents contractuels sont soumis à un régime de prestation qui se rapproche de celui
de la CNSS mais ils cotisent à la CARFO. Toutefois du point de vue des
prestations non contributives la différence entre fonctionnaire et contractuel à
moins d’incidences.

§ 2 - Les prestations non contributives


632. Les prestations non contributives pour le salarié sont celles couvrant les
risques professionnels et les prestations familiales y compris les prestations de
maternité. Elles sont financées par l’Etat employeur, par dotations budgétaires selon
le « régime dit employeur »1. Les différences dans le régime des prestations ne
tiennent qu’à la nature supposée moins stable du rapport contractuel par rapport au
statut de fonctionnaire2.

A – LES RISQUES PROFESSIONNELS


633. Il convient de préciser d’abord que, malgré l’absence d’un régime
d’assurance maladie, l’Etat offre une protection contre les risques affectant la santé
de ses agents (maladie et accident d’origine professionnelle ou non professionnelle).
La protection en matière de risques non professionnels est beaucoup plus
importante que celle offerte par le code du travail notamment en ce qui concerne les
maladies de longue durée.

Le fonctionnaire peut être mis en congé de courte maladie avec maintien de


l’intégralité de son salaire par le directeur dont il dépend si l’interruption est de sept
jours au maximum ou par son ministre quand l’interruption va de sept jours à trois
mois3. Il est mis en congé de longue durée par le ministre chargé de la fonction
publique pour des périodes consécutives de trois ou six mois pouvant atteindre un
maximum de cinq ans. Durant cette période de congé de longue durée, le
fonctionnaire conserve pendant les deux premières années l’intégralité de son
salaire à l’exception des primes et indemnités et la moitié de son traitement pendant
les trois années suivantes4. L’agent contractuel est dans une situation plus proche
des salariés de droit privé : il bénéficie d’une suspension du contrat de travail mais
il conserve la totalité ou une partie de son salaire en fonction de son ancienneté et
pour des périodes plus courtes5.

1 V. J.-J. DUPEYROUX et al. op. cit. n° 1283.


2 En réalité, le contrat de celui qui occupe un emploi permanent n’est pas plus précaire que le lien dit
réglementaire du fonctionnaire, dans un système où la stabilité du contrat dépend de la stabilité de l’emploi. Or
quand la situation budgétaire se dégrade, l’État peut procéder à des dégagements de cadres ou à des mises à la
retraite d’office.
3 Article 96 de la loi 013/98.
4 Articles 97 et 98 de la loi 013/98.
5 V. article 208 de la loi 013/98 : par exemple pour un agent ayant une ancienneté comprise entre deux à cinq

ans, plein salaire pendant une période égale à celle du préavis et demi salaire le mois suivant la période de plein
salaire.

589
Ces avantages peuvent être considérés comme hors sécurité sociale. Au
contraire, les prestations en matière de risques professionnels relèvent d’une
véritable assurance prise en charge par dotations budgétaires. Cette prise en charge
comprend les prestations en nature et les prestations en espèces.

1) Les prestations en nature

Comme dans le régime de sécurité sociale des salariés du secteur privé, les
prestations en nature comprennent : les soins médicaux1, les frais de réadaptation,
de rééducation et de reclassement. En réalité l’article 100 de la loi 013/98 ne les
énumère pas, mais prévoit tout simplement que « l’Etat est tenu de prendre en
charge tous les frais directement entraînés par la maladie ». La maladie visée est la
maladie qui « est imputable au service ou est la conséquence, soit d’un acte de
dévouement dans un intérêt public, soit d’une agression subie à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions » ou l’accident de travail. Selon l’article 101 al. 1, « tout
accident survenu au cours d’une activité commandée par le service est un accident
de travail ». Cet article 101 en son alinéa 2 dispose que « des décrets viendront
préciser les modalités de prise en charge des accidents de travail », mais ces décrets
ne semblent pas avoir été pris, ce qui complique la procédure de bénéfice effectif de
ces droits. On peut considérer que les notions d’accident de travail et d’accident de
trajet dégagées en droit du travail sont ici aussi valables.

2) Les prestations en espèces

Le fonctionnaire conserve, au cours de son traitement, l’intégralité de son


salaire, jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre le service ou jusqu’à sa mise à
la retraite2. Dans le cas où il ne peut reprendre le service, il est pris en charge par
le régime d’invalidité ou de retraite géré par la CARFO (voir infra).

Pour ce qui concerne l’agent contractuel, en cas de maladie professionnelle ou


d’accident du travail, il conserve ses droits à la rémunération et aux primes
d’ancienneté.

B – LES PRESTATIONS FAMILIALES ET DE MATERNITE

634. Les agents de l’Etat ont droit à des prestations familiales analogues à
celles du secteur privé sauf que, n’étant pas gérées par un organisme particulier,
ces prestations ne comprennent pas les volets « aide à la mère et au nourrisson »

1 En matière de soins médicaux, l’article 44 de la loi 47/98 du 29 novembre portant régime général de retraite
précise « l’État doit, leur vie durant aux anciens fonctionnaires, militaires et magistrats victimes de blessures de
guerre ou atteints de maladies contractées à l’occasion ou par le fait du service, les soins médicaux et
chirurgicaux nécessités par les infirmités qui ont donné lieu à pension ».
2 Article 100 de la loi n° 013/98.

590
ou « action sanitaire et sociale »1. Elles se composent essentiellement de
l’allocation familiale et des prestations de maternité.

L’allocation familiale est de mille (1000) francs Cfa par enfant à charge dans
la limite de six enfants2. L’enfant à charge est celui jusqu’à 15 ans ou jusqu’à 17
ans s’il est placé en apprentissage ou jusqu’à 20 ans s’il poursuit des études ou
est infirme. L’allocation familiale ne peut se cumuler avec une bourse entière
scolaire ou universitaire.

Les prestations de maternité se résument au maintien du salaire pendant le


congé de maternité de quatorze (14) semaines et l’admission dans les formations
sanitaires administratives à un tarif réduit. Il n’y a pas de régime de
remboursement ou de gratuité des soins lié à l’accouchement.

§ 3 - Le régime des pensions de retraite et d’invalidité


635. Le régime général de retraite a été institué par la loi n° 37-61 du 24
juillet 19613 et est aujourd’hui régi par la loi n° 47-94 du 29 novembre 19944.
C’est seulement en 1986 qu’a été créée par décret5 une institution chargée de la
gestion des arrérages des pensions des fonctionnaires civils et militaires, des
magistrats, et de leurs ayants cause, la Caisse autonome de retraite des
fonctionnaires (CARFO).

Cette Caisse a été créée sous la forme d’un établissement public à caractère
industriel et commercial avec un conseil d’administration composé aujourd’hui
de huit membres (au lieu de douze) dont quatre représentants de l’Etat et quatre
représentants des travailleurs. Elle est financée par une cotisation de 18% de la
solde indiciaire ou du salaire de base des agents publics à raison de 10% à la
charge de l’Etat employeur et de 8% à la charge de l’employé6. La loi de 1994
portant régime général de retraite s’applique aux fonctionnaires tels que définis
par le statut général de la fonction publique, aux militaires et aux magistrats. Or
le statut général a été profondément modifié par la loi 013-98 du 28 avril 1998
qui définit de manière restrictive la qualité de fonctionnaire7, ce qui aurait, dans

1 Toutefois la création de l’OST permet à l’Etat d’offrir à ses agents les mêmes soins et consultations imposés à
l’employeur.
2 V. décret 91-472 du 30 décembre fixant le taux d’indemnité dite « allocation familiale », J.O.BF du 16

janvier 1992, p. 12 ; Code public et administratif, T.VIII, vol.2, p. 1218.


3 J.O. RHV n° 33 bis spécial du 19 août 1961, p.23.
4 Loi portant régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats, J.O.BF du 4 mai 1995, p.

110 ; Code public et administratif,, T. VIII, vol. 2, p. 1249.


5 V. Kiti n° 86-178 CNR/PRES/MB/MTSSFP/PRECO du 7 mai 1986 et Kiti n° 86-179, du même jour, portant

approbation des statuts particuliers, J.O.BF. du 15 mai 1986, p. 337.


6 V. loi 54-98 AN du 10 décembre 1998 portant fixation du taux de cotisation pour la constitution des droits à

pension des fonctionnaires, militaires et magistrats, J.O.BF du 25 février 1999, p. 464.


7 V. article 57 de la loi n° 013/98.

591
une interprétation littérale, entraîné l’extension du nombre d’agents de l’Etat
assujettis au régime unique géré par la CNSS en leur qualité d’agents
contractuels.
La CARFO gère les pensions d’invalidité, les pensions de retraite, les pensions
de réversion, les remboursements de cotisations de ceux qui ne peuvent pas
bénéficier de pension, et verse certains droits qui y sont liés tels que le capital
décès, la participation aux frais funéraires.

A – LA PENSION D’INVALIDITE
636. La pension d’invalidité concerne le fonctionnaire devenu invalide par
suite d’un risque professionnel. Celui devenu invalide par suite d’une blessure ou
d’un maladie non imputable au service est admis à la retraite à sa demande ou
d’office conformément aux textes en vigueur1. Selon l’article 28 de la loi 47/94,
« ouvrent droit à pension d’invalidité : les infirmités ou incapacités fonctionnelles
résultant de blessures reçues en service ; les infirmités résultant des maladies
contractées par le fait ou à l’occasion du service ; les infirmités résultant d’actes de
dévouement accomplis dans un intérêt public ou pour sauver la vie d’une ou
plusieurs personnes ; l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités
étrangères au service ; les infirmités résultant de blessures reçues par suite
d’évènements de guerre, au cours d’opérations de maintien de l’ordre ou
d’accidents survenus par le fait ou à l’occasion du service ».

Les conditions pour bénéficier de la prise en charge sont : s’il s’agit d’une
blessure, qu’elle ait été constatée avant la radiation de l’intéressé des cadres ; s’il
s’agit d’une maladie, qu’elle ait été constatée après 90 jours de services effectifs ;
que soit établie médicalement la relation entre l’infirmité invoquée et la maladie2. Il
est établi en faveur de la victime une présomption d’imputabilité au service en cas
de difficulté à affirmer ou exclure ce rapport. L’invalidité est constatée par une
commission de réforme qui en détermine le degré. Le degré minimum d’invalidité
donnant droit à pension varie de 10% pour les blessures à 30% pour les maladies ou
40% pour les infirmités multiples. Si le degré d’invalidité est égal ou supérieur à
60% la commission de réforme décide de son maintien au service ou de sa mise à la
retraite d’office ou à la demande de l’intéressé.

La pension peut être temporaire (par périodes renouvelables après examen


médical) ou définitive, selon que l’on espère ou l’on ne s’attend plus à une
amélioration de l’état de la victime. Le montant de la pension est obtenu en
multipliant le pourcentage d’invalidité de l’intéressé par son traitement brut annuel.
Le taux de la pension peut être révisé en cas d’aggravation ou de révision des
salaires.

1 V. art. 56 de la loi 47/94 du 29 nov.1994.


2 Article 29 de la loi n° 47/94.

592
B – LA PENSION DE RETRAITE

637. Le fonctionnaire peut être admis à la retraite sur sa demande ou


d’office par l’administration. La mise à la retraite d’office est prononcée pour
atteinte de la limite d’âge, pour inaptitude physique ou par mesure disciplinaire.

Le fonctionnaire a droit à une pension de retraite s’il justifie de 15 ans de


services effectifs et s’il a atteint la limite d’âge prévue par les textes 1. Il a droit à un
remboursement des retenues pour pension s’il ne remplit pas la condition de durée
de service.

Cependant, le fonctionnaire peut prétendre, sur sa demande, à une retraite


anticipée sans avoir atteint la limite d’âge, s’il justifie de 15 ans de service effectifs
à la date de cessation de service. En ce cas, la jouissance de la pension de retraite
est subordonnée, sauf en ce qui concerne le militaire et la femme fonctionnaire
mère de trois enfants mineurs, à la condition d’avoir atteint la limite d’âge prévue
par les textes2. Il peut bénéficier d’une pension de retraite anticipée avec jouissance
immédiate de ses droits, sans condition d’âge ni de durée de service, pour cause
d’invalidité due au service. Il peut, en outre, être mis à la retraite anticipée pour
cause d’inaptitude physique ou pour raison disciplinaire et bénéficier de la pension
avec jouissance sans condition de limite d’âge, s’il remplit la condition de 15 ans de
services effectifs.

La pension est calculée proportionnellement à la durée de service. Elle est de


2% par annuités liquidables des émoluments de base. Le calcul est basé sur les
derniers émoluments soumis à cotisation afférents à l’indice correspondant aux
grade et échelon du fonctionnaire. Dans le décompte final des annuités liquidables,
trois mois et plus compte pour six mois et plus de six mois comptent pour un an. Le
maximum des annuités liquidables dans la pension est de quarante annuités. La
pension est payée trimestriellement. Le montant trimestriel ne peut être inférieur au
SMIG.

1 cette limite d’âge est de 55 ans pour les agents de catégorie D et E, 58 ans pour les catégories C, 60 ans pour
les catégories A et B, et 63 ans pour les magistrats, les enseignants du corps de l’enseignement supérieur et les
inspecteurs de l’enseignement secondaire V. décret n° 579 du 20 décembre 2000 portant fixation du régime des
limites d’âge pour l’admission à la retraite des agents de la fonction publique et institution d’un congé de fin de
service, J.O.BF. du 28 décembre 2000, p. 5177 ; la loi n° 2-2000 du 11 février 2000 portant fixation de la limite
d’âge des personnels militaires des forces armées nationales ; et l’article 55 de l’ordonnance n° 91-50 du 26
août 1991 portant statut du corps de la magistrature. V., Codes et lois du Burkina Faso, t. 8, p. 1250, note 411
2 V. articles 15 et s. de la loi 47/94. Il s’agit de l’hypothèse du fonctionnaire qui prend sa retraite avant l’âge

limite pour exercer une activité indépendante ou salarié dans le secteur privé. Dans le cas d’exercice d’activité
salariée, il pourrait, s’il est immatriculé à la CNSS, bénéficier du système de coordination entre la CNSS et la
CARFO, afin de revaloriser sa pension. Par contre, celui qui est effectivement à la retraite avec jouissance de la
pension, ne nous semble pas pouvoir rétroactivement faire revaloriser sa pension. Mais il peut demander le
remboursement de ses cotisations.

593
C – LES DROITS DES SURVIVANTS

638. Les survivants ont droit : à une pension de réversion ou au


remboursement des retenues pour pension si le fonctionnaire est décédé sans avoir
acquis des droits à pension ; à un capital-décès ; à la participation aux frais
funéraires ; au traitement du mois si l’agent décédé était encore en activité. Par
ailleurs, en cas de décès consécutif à un accident survenu par le fait du service, les
ayants droit bénéficient, en plus du capital-décès, d’une rente de survivant1.

La pension de réversion est la rétrocession aux ayants droits d’une partie de


la pension de retraite dont bénéficiait ou aurait bénéficié le fonctionnaire décédé.
Les ayants droit sont : le conjoint survivant (veuf ou veuve) non divorcé ni remarié
à condition que le mariage, constaté à l’état civil, ait été contracté avant le décès ou
la cessation d’activité ; et les orphelins mineurs ou majeurs infirmes incapables de
travailler. Le conjoint survivant a droit à 50% de la pension qu’avait ou aurait eu le
défunt, augmentée le cas échéant de la moitié de la pension d’invalidité2. Les
orphelins ont chacun droit à 10% de la pension, jusqu’à la limite d’âge prévue, cette
pension de réversion étant temporaire.

Le capital-décès, qui est pris en charge par le budget de l’Etat, est versé au
conjoint non séparé de corps ni divorcé, aux enfants mineurs (ou âgés de 26 ans
poursuivant des études ou, sans limite d’âge, à l’enfant infirme) ou encore aux
ascendants directs qui étaient à la charge du défunt. Ce capital-décès est égal au
dernier traitement brut annuel du fonctionnaire à l’exclusion des indemnités, majoré
de douze mille francs pour chaque enfant mineur3.

SECTION II - LE SYSTEME DE COORDINATION


ENTRE LES DEUX CAISSES

639. La loi n° 033/98/AN du 18 mai 1998 institue une coordination entre le


régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de
pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale4. Cette coordination a
pour but, selon l’article 2 de cette loi, de permettre aux personnes soumises aux
régimes visés de cumuler les années de service passées sous l’un et l’autre des
régimes en vue de l’ouverture du droit aux prestations de vieillesse. Elle pose pour

1 Article 171 de la loi n° 013/98.


2 V. l’article 69 sur la réversion de la pension d’invalidité de militaire.
3 V. décret n° 61-143 du 11 avril 1961 fixant les modalités d’attribution des capitaux-décès des ayants droit des

fonctionnaires décédés, modifié par le décret 67-105 du 5 mai 1967, J.O.RHV du 25 mai 1967, p. 285 ; Code
public et administratif, vol. 2, p.1215.
4 Loi n° 033/98/AN du 18 mai 1998 portant institution d’une coordination entre le régime général de retraite

des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de pension des travailleurs régis par le code de sécurité
sociale, J.O.BF du 9 juillet 1998, p. 5314 ; Code public et administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du
Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, année 2000, p. 126.

594
principe que les allocations ou pensions sont attribuées et calculées par chacun des
deux régimes selon les règles qui lui sont propres.

Le décret n° 99-139 du 17 mai 1999 portant application de cette loi1 indique


les modalités de paiement et le système de compensation entre les deux caisses.

§ 1 - Les modalités de paiements


640. Le principe est que les prestations sont déterminées par chacun des
deux organismes selon les règles qui lui sont propres, mais le paiement est effectué
par un seul d’entre eux dénommé organisme payeur. Cet organisme payeur est celui
auprès duquel le travailleur a le plus longtemps cotisé. L’âge de la retraite est celui
retenu par l’organisme payeur, étant entendu que pour les deux organismes, il faut
avoir réuni 15 ans de cotisations pour bénéficier des prestations de vieillesse.

La pension totale est déterminée par addition des prestations acquises dans
chacun des deux régimes et inscrite et payée par l’organisme payeur. Toutefois, les
allocations familiales ou majorations pour enfants à charge ne sont pas cumulatives
et leur prise en charge incombe à l’organisme dont relève le travailleur en dernier
lieu.

Les formalités pour bénéficier des prestations consistent, pour le travailleur,


à constituer un dossier unique de demande de prestations de vieillesse qu’il
transmet à l’organisme auprès duquel il a le plus cotisé. Cet organisme établit une
fiche récapitulative des cotisations et des prestations dues, qu’il transmet à l’autre
organisme qui doit la retourner dans les 90 jours qui suivent sa réception2.

§ 2 - Le système de compensation entre les caisses


641. La coordination repose sur un système de compensation qui permet à
l’organisme payeur de se faire rembourser la part de prestations qui devait être
payée au travailleur par l’autre organisme. A la fin de chaque semestre, chaque
organisme établit un état des paiements effectués pour le compte de l’organisme
débiteur qui doit le rembourser dans les trente jours. Chaque année, une
commission paritaire composée de représentants des deux caisses se réunit pour
vérifier l’effectivité des paiements et des remboursements. En cas de litige qui n’a
pu être réglé à l’amiable, le différend est porté devant les juridictions compétentes.
Le texte de l’article 11 du décret ne précise pas quel ordre de juridiction est

1 Décret n° 99-139 du 17 mai 1999 portant application de la loi 033/98/AN du 18 mai 1998 portant institution
d’une coordination entre le régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de
pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale, J.O.BF du 20 mai 1999, p. 1288 ; Code public et
administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du METSS, année 2000, p. 127.
2 En raison de ce délai le travailleur a intérêt à ne pas attendre le dernier moment pour entreprendre ces

démarches.

595
compétente mais s’agissant de deux organismes publics (des EPIC) et d’un litige
qui fait appel à l’interprétation ou l’application d’un texte administratif, l’ordre
administratif nous semble compétent pour en connaître.

596
CHAPITRE II - LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS
MIGRANTS
642. Un tableau de la sécurité sociale serait incomplet sans une vue sur la
protection offerte aux travailleurs migrants. Chaque pays est concerné par cette
question, soit comme pays d’émigration, soit comme pays d’immigration mais
généralement les deux à la fois. La protection des travailleurs migrants concerne le
traitement réservé aux étrangers dans la législation nationale mais aussi et surtout le
sort des nationaux à l’étranger.

Le Burkina Faso est beaucoup plus un pays d’émigration mais il n’en


compte pas moins des travailleurs immigrés pour lesquels la législation nationale
doit protection. L’émigration de travailleurs burkinabè a pour particularités d’être
tournée vers les pays voisins principalement et de compter une très forte majorité
exerçant dans les secteurs de l’agriculture, du commerce et des petits métiers dits
informels. Malgré tout, le nombre de salariés expatriés est très important. Ces
particularités posent doublement le problème de leur protection : ceux qui ne sont
pas des salariés sont exclus de la sécurité sociale, qui est de type salarial en
Afrique, et les salariés peuvent être victimes de discriminations légales ou de fait.
La discrimination de fait survient lorsque le pays d’accueil ne fait pas appliquer sa
propre législation protectrice aux travailleurs étrangers.

Le problème de la protection des travailleurs migrants pose la question plus


large de l’harmonisation et de la coordination des législations de sécurité sociale.
Cette question n’a pas qu’un intérêt humanitaire. Elle concerne l’avenir des
regroupements régionaux d’intégration et l’harmonie du progrès dans le contexte de
la mondialisation. Cette harmonisation peut être envisagée à plusieurs niveaux :
dans le cadre universel des conventions conclues sous l’égide de l’Organisation
internationale du travail ; par des accords multilatéraux régionaux ou sous
régionaux ; ou par des accords bilatéraux entre Etats ou même entre organismes de
gestion des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Le Burkina Faso est certes signataire, comme les pays africains partenaires,
des principales conventions de l’OIT en la matière1, mais le fait d’être ensemble
parties à une convention universelle ne suffit pas à assurer une protection
satisfaisante des travailleurs migrants. Des accords multilatéraux ou bilatéraux sont
nécessaires pour donner pleine effectivité aux principes universels. Or les
conventions régionales sont peu nombreuses en Afrique de l’Ouest, même si la
1 V., Convention n° 17 concernant la réparation des accidents du travail, 1925, J.O.RHV du 26 juin 1969, p.
339, Code social, p. 469 ; convention n° 19 concernant l’égalité de traitement des travailleurs étrangers et
nationaux en matière de réparation des accidents de travail, 1925, J.O. RHV du 26 juin 1969, p. 339, Code
social, p. 471 ; Convention n° 97 concernant les travailleurs migrants, 1949, J.O.RHV du 10 juin 1961, p. 523,
Code social, p. 314 ; convention n° 143 concernant les migrations abusives et la promotion de l’égalité de
chances et du traitement des travailleurs migrants, adoptée à Genève le 14 juin 1975, J.O.RHV du 30 juin
1977, p. 559, Code social, p. 349.

597
question est de plus en plus discutée, et le Burkina Faso est signataire de peu de
conventions bilatérales.

SECTION I - LES ACCORDS BILATERAUX


OU INTER-CAISSES
643. Le Burkina Faso a conclu peu d’accords en matière de sécurité sociale.
Il n’y a qu’une seule convention générale, la convention de sécurité sociale entre le
Burkina Faso et la République du Mali, signée le 14 novembre 1992 et ratifiée par
le Burkina Faso le 14 février 19941. Cette convention a été complétée par un
arrangement administratif relatif à ses modalités d’application2. Mise à part cette
convention, les questions de sécurité sociale sont abordées dans deux accords de
coopération : la convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des
travailleurs [burkinabè] en Côte d’Ivoire, signée à Bobo-Dioulasso le 9 mars 1960 3
et la convention relative à la coopération technique en matière de main-d’œuvre
entre le [Burkina Faso] et le Gabon, signée à Franceville le 13 août 1973. Mais avec
la Côte d’Ivoire, il existe des accords entre les Caisses de sécurité sociale, qui
pallient l’absence de la Côte d’Ivoire de la Convention de N’Djamena.

§ 1 - La convention avec le Mali


644. La convention avec le Mali est une convention générale qui s’inspire
fortement de la Convention OCAM et des principes généraux de protection des
travailleurs migrants issus des conventions de l’OIT. Dans son champ d’application,
elle couvre toutes les branches de sécurité sociale, notamment les risques
professionnels, les pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès ainsi que les
prestations familiales. Elle s’applique aux législations qui étendent le régime
existant à de nouvelles catégories de personnes ou couvrent une nouvelle branche, à
moins d’opposition notifiée par la partie concernée à l’autre partie 4. Sont toutefois
excluent les travailleurs non salariés ou assimilés, les fonctionnaires civils et
militaires et les agents diplomatiques et consulaires.

Cette Convention pose un principe d’assimilation des travailleurs


ressortissants et de leurs ayants droit de chaque partie aux nationaux5 en matière de
sécurité sociale. Les ressortissants d’une partie bénéficient sur le territoire de
l’autre, des dispositions législatives et réglementaires dans les mêmes conditions
que ses propres ressortissants. En matière de droit applicable, elle retient
l’applicabilité de la législation du pays d’exercice de l’activité même si le
travailleur réside sur le territoire de l’autre partie ou si le siège de l’entreprise se

1 Code social, p. 447.


2 Code social, p. 457.
3 Code social, p. 281.
4 V. article 2.
5 Article 3.

598
trouve sur ce territoire1. Des dérogations à ce rattachement sont prévues pour les
travailleurs envoyés par une entreprise pour une durée n’excédant pas six mois et
pour le personnel ambulant d’une entreprise de transport. La succursale ou la
représentation permanente d’une entreprise peut, par accord entre les autorités, être
considérée comme une entreprise indépendante pour la détermination de la
législation applicable.

Des dispositions particulières à chaque branche règlent les conditions de


bénéfice et de paiement des prestations, lorsque les droits sont acquis au titre de la
législation de l’une ou l’autre partie alors que le travailleur n’y réside pas. Ainsi, en
matière de prestations familiales, il revient à la caisse où résident les enfants des
bénéficiaires, dite « caisse payante », d’assure les prestations pour le compte de la
caisse « débitrice », quitte à se faire rembourser2. En matière de maladie
professionnelle, lorsque le travailleur atteint d’une maladie professionnelle a exercé
sur le territoire des deux parties un emploi susceptible de provoquer ladite maladie,
les prestations sont accordées exclusivement au titre de la législation de la partie sur
le territoire de laquelle l’emploi en cause a été exercé en dernier lieu, sous réserve
que l’intéressé remplissent les conditions exigées par cette législation3.

Des dispositions sont prévues pour éviter le cumul de bénéfice de


prestations de même nature, à raison du même fait générateur ou de la même
période d’assurance, au titre des législations de l’une ou l’autre partie4.

L’arrangement administratif règle la situation des travailleurs détachés, la


procédure de dépôt et d’instruction des demandes de bénéfice des prestations, de
contrôles médical et administratif, du maintien des droits aux prestations en nature
ou en espèces en cas de transfert de résidence de l’employé.

Dans l’ensemble, la convention évite la déprotection ou la discontinuité dans


le service des prestations du travailleur qui a exercé ses activités dans deux Etats, en
assurant le cumul de ses années de cotisation dans les deux pays et en garantissant
la prise en charge des prestations par l’une ou l’autre des institutions de sécurité
sociale.

§ 2 - Les traités de travail


645. Les accords avec la Côte-d’Ivoire et le Gabon peuvent être qualifiés de
traité de travail dans la mesure où ils règlent les conditions d’emploi de travailleurs
migrants et plus particulièrement les conditions d’emploi des travailleurs burkinabè

1 Article 4.
2 Article 10 § 4.
3 Article 20.
4 V. article 31.

599
dans ces deux pays. La sécurité sociale fait naturellement partie de ces conditions
d’emploi mais elle est abordée de manière plutôt sommaire.

C’est le cas notamment de la convention avec la Côte d’Ivoire qui ne


l’évoque que dans trois dispositions, sans même renvoyer au système de l’IPRAO
qui était, certes, entrain de voler en éclat1. L’article 4 de cette convention fait
obligation à l’employeur de procéder à des visites médicales et vaccinations
d’embauche. L’article 9 dispose que « les travailleurs burkinabè bénéficieront des
mêmes libertés garanties, droits, avantages que les travailleurs nationaux en
République de Côte d’Ivoire. Ils sont régis par les dispositions légales et
réglementaires applicables dans la République de Côte d’Ivoire et, le cas échéant,
par les conventions collectives dans la mesure où celles-ci ne sont pas contraires
aux dispositions de la présente convention ». Il n’évoque pas directement la sécurité
sociale, mais son caractère général permet d’inclure cette matière dans le principe
d’assimilation au bénéfice des garanties, droits et avantages tenant à la qualité de
travailleur salarié. L’article 16 al. 3 est explicite en matière de soins médicaux
d’entreprise ; « l’employeur devra assurer à ses frais, au travailleur et à sa famille
les soins médicaux et pharmaceutiques tels qu’ils sont définis par la réglementation
en vigueur ainsi que l’hospitalisation éventuelle jusqu’au rapatriement du
travailleur ». Enfin, l’article 17 dispose, en matière de risques professionnels, que
« l’employeur devra être assuré obligatoirement contre tous risques provenant des
accidents du travail et des maladies professionnels conformément à la
réglementation en vigueur dans la République de Côte d’Ivoire ».

La convention de coopération en matière de main-d’œuvre signée avec le


Gabon contient deux dispositions relatives à la sécurité sociale, l’une relative aux
obligations de l’employeur, l’autre plus générale. L’article 20 de cette convention
fait obligation à l’employeur – comme dans la convention avec la Côte d’Ivoire -
d’assurer à ses frais les soins médicaux et les frais pharmaceutiques et
d’hospitalisation tels qu’ils sont définis par la réglementation en vigueur. Ce genre
de disposition ne doit pas faire illusion car elle suppose que la réglementation en
vigueur soit étoffée en matière de soins médicaux, et appliquée. L’article 21 par
contre pose clairement un principe d’égalité de traitement : « les travailleurs
bénéficient de tous les avantages de sécurité sociale prévus par la réglementation en
faveur des travailleurs nationaux : il s’agit notamment des allocations de famille, de
la couverture des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, des
cotisations de retraite ». L’alinéa 2 de cet article renvoie à des accords spéciaux de
réciprocité entre les caisses de prévoyance sociale pour les modalités d’application
de ce principe. L’article 22 précise que l’employeur qui désire engager des
travailleurs burkinabè doit être assujetti à la caisse de prévoyance gabonaise.

1Rappelons qu’au Burkina Faso, la troisième branche, l’assurance vieillesse, a été créée en octobre 1960,
quelques mois après la convention avec la Côte d’Ivoire.

600
Ces accords laissent pendants les problèmes de coordination qui sont pris en
main par des accords entre les caisses de sécurité sociale.

§ 3 - Les accords inter-caisses.


646. Des accords entre les institutions de sécurité sociale sont utiles pour
régler les détails de l’application des conventions multilatérales ou bilatérales. Ils
sont indispensables dans le cas où des Etats s’accordent des avantages sans le
support d’une convention de sécurité sociale. De tels accords ont été surtout signés
par la CNSS et des institutions ivoiriennes et avec l’IPRAO au moment du retrait du
Burkina Faso de cet organisme.

C’est ainsi que dès 1963, une convention a été signée entre l’ex-Caisse de
prévoyance sociale de Haute-Volta et la Caisse de retraite des travailleurs salariés
de Côte d’Ivoire pour coordonner les régimes de retraite1. Cette convention porte
sur le régime de retraite et a pour but de « permettre aux salariés ayant travaillé
dans les entreprises relevant de la C.P.S.H.V. de cumuler leurs années de services
en vue de l’ouverture du droit aux allocations de vieillesse »2. Cet objet unilatéral
traduisait le fait qu’il n’y avait pratiquement pas de travailleurs ivoiriens au Burkina
Faso. L’article 1er de la convention prévoit expressément que « toute nouvelle
définition du champ d’application serait de nature à provoquer une éventuelle
dénonciation ou révision de la convention. La convention harmonise l’âge
d’ouverture du droit à la retraite à 55 ans (ou 50 ans en cas de retraite anticipée),
reconnaît le droit à validation gratuite des services passés dans chacun des deux
régimes, désigne comme organisme payeur celui de la résidence du travailleur ou
celui sur le territoire duquel les droits seront acquis en dernier lieu si la résidence de
l’allocataire ne dépend d’aucun des deux organismes, et règle les modalités de
gestion des dossiers et de compensation entre les organismes. Une autre convention
a été signée en 1963 avec l’IPRAO3 de la même teneur que la convention avec la
Côte d’Ivoire.

Avec l’éclatement de Régie de chemin de fer Abidjan-Niger (RAN), qui


disposait de son propre régime de sécurité sociale, une convention de coordination a
dû être signée entre la Caisse générale de retraite des agents de l’Etat de Côte
d’Ivoire et la CNSS du Burkina Faso, avec effet au 1 er juin 1989. Là aussi, il
s’agissait de permettre aux travailleurs burkinabè de cumuler leurs années de
services pour pouvoir bénéficier des prestations dans les deux régimes parce que le
siège de la RAN étant en Abidjan et par l’effet de l’émigration, il y avaient
beaucoup de travailleurs qui y étaient basés.

1 Convention du 28 avril 1963 instituant des règles de coordination entre le régime de retraite vieillesse de la
C.R.T.C.I. et celui de la C.S.P.H.V., non publié.
2 Article 2.
3 Convention instituant des règles de coordination entre le régime de retraite vieillesse de l’IPRAO et celui de

la C.P.S.H.V. du 1er avril 1963., non publié.

601
Mis à part le cas de la convention avec l’IPRAO qui règle un problème de
dissociation, la formule d’accords entre les caisses de prévoyance, en l’absence
d’un accord bilatéral ou multilatéral, n’est qu’un palliatif insatisfaisant parce quelle
ne permet pas de couvrir tout le champ des prestations dont pourraient bénéficier les
travailleurs migrants.

SECTION 1I - LES ACCORDS MULTILATERAUX

647. L’harmonisation des législations nationales de sécurité sociale – et du


droit du travail - en Afrique1 est une nécessité de plus en plus cruciale en raison de
l’accroissement des mouvements migratoires de travailleurs salariés et des efforts
d’intégration économique régionale ou sous régionale. Les disparités des droits
nationaux s’agrandissent, malgré le renforcement des principes universels de
protection, en raison, d’une part, des disparités de développement et, d’autre part,
des mesures protectrices de la main d’œuvre nationale qui marquaient les réformes
du droit social après les indépendances.

En Afrique francophone, par exemple, les législations de sécurité sociale


étaient quasi uniformes, quant aux risques couverts, aux méthodes de protection et
aux niveaux des prestations, par le fait de l’adoption par la métropole de règles
applicables dans un ensemble de colonies ou de règles types adoptées dans les
territoires. Après les indépendances les différences de rythme de développement du
salariat dans les industries de transformation, le commerce et aussi dans
l’agriculture ont conduit à une extension différenciée de la sécurité sociale et des
niveaux de protection. Des Etats comme la Côte-d’Ivoire et le Sénégal, dans l’ex-
AOF, connaissent un développement plus important de la protection mutualiste
complémentaire au système de base ou propre à un secteur2. Des différences de
politique sociale ou des priorités des partenaires sociaux peuvent aussi conduirent à
des particularités dans les régimes de base3. Ces disparités, ainsi que les difficultés
économiques qui amènent les Etats à raidir leurs comportements à l’égard des
travailleurs étrangers, mettent en péril l’application des conventions universelles
relatives aux travailleurs migrants et compromettent les velléités de politique de
convergence de développement dans le cadre des politiques d’intégration, et même
tout espoir d’intégration. La mise en œuvre des principes de la libre circulation au
sein de la CEDEAO et de l’UEMOA est paralysée par les enjeux de
l’harmonisation du Droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Les principaux
1 V. Joseph ISSA-SAYEGH, Questions impertinentes sur la création d’un droit social régional dans les Etats
africains de la zone franc, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, COMPTRASEC, UMR,
CNRS, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 1999, pp. 170 à 196 ; P. KIEMDE, Intégration régionale et
harmonisation du droit social, problèmes et perspectives, RBD n° 39-40, n° spécial, 2001, p.133 à 164 ; P.
MOUTON, Les problèmes internationaux de sécurité sociale, Encyclpédie, op. cit., pp. 339 et s.
2 V. P. MOUTON, op. cit., p. 282.
3 Par exemple, la loi malienne prévoit, en matière de prestations familiales, une prime de premier établissement

qui n’existe pas au Burkina Faso. V. articles 12 et 13 de la loi n° 99-041 du 12 août 1999 portant code de
prévoyance sociale en République du Mali, J.O. du 20 janvier 2000, n° spécial.

602
cadres de cette harmonisation sont encore extérieurs à ces organisations. Ces cadres
d’harmonisation ou de coordination sont la Convention OCAM et la CIPRES, avec
des tentatives sérieuses au niveau de l’OHADA.

Nous commencerons par ces deux institutions qui donnent l’état actuel de la
protection des travailleurs migrants en matière de sécurité sociale dans le contexte
régional, avant d’aborder les tentatives au niveau de l’OHADA et de la CIPRES.
Ces tentatives posent la question de savoir pourquoi harmoniser.

§ 1 - La convention OCAM
648. La Convention OCAM a été adoptée le 29 janvier 1971 à N’Djamena
par la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de cette organisation 1. Sur
les quinze Etats francophones signataires, seuls huit Etats l’ont ratifié : le Bénin, le
Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Togo en Afrique de l’Ouest et, en Afrique
centrale, le Congo, la République Centrafricaine et le Tchad. Elle a survécu à la
dissolution de l’OCAM à l’instar de la compagnie multinationale « Air Afrique »,
aujourd’hui dissoute pour faillite. Cette convention a été complétée par un
arrangement administratif adopté le 5 mai 1973.

A – L’INTERÊT DE LA CONVENTION

La convention OCAM est une convention générale car, dans son champ
d’application matériel, elle couvre : toutes les législations relatives aux branches de
sécurité sociale, notamment les prestations d’invalidité, de vieillesse et de
survivants, les prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les
prestations familiales et de maternité, les prestations de maladie ; tous les régimes
de sécurité sociale des parties contractantes ; toutes les législations nationales
modificatives ou complétives et tout régime de sécurité sociale qui viendrait à être
créé2. En ce qui concerne les personnes protégées, la convention s’applique aux
travailleurs salariés ou assimilés ressortissants d’une partie contractante ainsi
qu’aux membres de leurs familles et à leurs survivants3. Elle exclut toutefois les
agents diplomatiques et consulaires.

La protection du travailleur migrant est assurée à travers la proclamation


des principes généraux de coordination des législations de sécurité sociale :
l’égalité de traitement, l’unicité de la législation applicable, le maintien des droits
acquis, le maintien des droits en cours d’acquisition et le service des prestations à
l’étranger.

1 Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants signée à N’Djamena le 29 janvier 1971, J.O.RHV
du 4 novembre 1976, p.805 ; Code social, p. 472.
2 Article 2 de la convention.
3 Article 4.

603
La convention pose le principe de l’égalité de traitement entre les
ressortissants de toutes les parties contractantes : « les personnes qui résident sur le
territoire d’une partie contractant et auxquelles cette convention est applicable sont
soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation dans les
mêmes conditions que les ressortissants de cette partie contractante »1. Afin
d’éviter les conflits de lois, elle édicte le principe de l’application d’une seule
législation et choisit comme loi applicable la législation de la partie contractante
sur le territoire duquel les travailleurs exercent leur activité professionnelle,
indépendamment du lieu de leur résidence ou du siège de l’entreprise, avec
quelques exceptions ou particularités en ce qui concerne les travailleurs détachés
pour une durée n’excédant pas six mois, les travailleurs des transports
internationaux qui demeurent en principe soumis à la législation du siège de
l’entreprise et les travailleurs qui exercent normalement leur activité dans plusieurs
Etats parties à la convention. Elle affirme également le maintien des droits acquis
ou en cours d’acquisition2, qui permet au travailleur de cumuler les périodes de
cotisations dans deux ou plusieurs Etats afin de pouvoir bénéficier des prestations
de long terme telles que les pensions de vieillesse, d’invalidité ou de survivants3.
Enfin, elle organise le service des prestations à l’étranger et les modalités de
transferts des sommes aux bénéficiaires qui résident à l’étranger, aussi bien pour
les prestations de long terme que de court terme.

Mais si la convention OCAM est, en Afrique francophone, une référence en


matière d’harmonisation dans le domaine de la sécurité sociale, par son ancienneté
et son caractère général, elle présente tout de même des faiblesses.

B – LES FAIBLESSES DE LA CONVENTION

Une des causes de faiblesse de cette convention provient de l’absence de


support politique, après la disparition en mars 1985 de l’OCAM. En raison de cette
disparition, il n’y a pas une institution qui l’anime et assure sa publicité auprès des
travailleurs migrants. Elle ne dispose ni d’un organe politique, ni d’un organe
juridictionnel de règlement des litiges4. En l’absence d’institution assurant la
promotion de ses normes auprès des migrants, des employeurs et des services
étatiques, et compte tenu de la faiblesse des structures administratives de contrôle
et de répression, cette convention ne peut être que très peu appliquée.

Une seconde faiblesse, pour le Burkina Faso, de la convention OCAM est


l’absence de partenaires importants tels que la Côte-d’Ivoire et le Gabon. Leur
absence indique que ces pays d’immigration n’intègrent pas l’harmonisation en

1 Article 6.
2 Voy. Article 6, article 11 al. 1 et 2, et articles 15 et s.
3 V. articles 14 et s.
4 Voy. l’article 44, relatif au règlement des différends, qui se référait au secrétariat général administratif et au

conseil des ministres de l’OCAM.

604
matière de sécurité sociale comme faisant partie de la politique d’intégration, de la
politique sociale et même de la politique d’immigration dans la mesure où
l’harmonisation limite l’exercice clandestin d’activités salariées.

Ces handicaps de la convention OCAM sont quelque peu palliés, dans


l’espace francophone, par un autre organisme de coordination, essentiellement
tourné vers le renforcement des organismes de gestion, la Conférence Interafricaine
de Prévoyance Sociale (CIPRES).

§ 2 - La CIPRES
649. La Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES) 1 a été
instituée par le traité du 21 septembre 1993 signé à Abidjan. La mission de la
CIPRES se limite à : promouvoir la bonne gestion des caisses de sécurité sociale
des Etats membres ; harmoniser les systèmes de gestion des organismes, définir et
contrôler le respect des ratios économiques et de gestion des organismes ainsi que
les ratios de gestion des réserves.

A – LES OBJECTIFS

La CIPRES a pour objectifs de :


- fixer les règles communes de gestion des organismes de prévoyance
sociale ;
- instituer un contrôle de la gestion des organismes de prévoyance sociale
en vue de rationaliser leur fonctionnement pour mieux garantir les intérêts
des assurés sociaux y compris ceux des travailleurs migrants ;
- réaliser des études et élaborer des propositions tendant à l’harmonisation
des dispositions législatives et réglementaires applicables aux organismes
et aux régimes de prévoyance sociale ;
- faciliter la mise en œuvre, par des actions spécifiques au niveau régional,
d’une politique de formation initiale et permanente des cadres et
techniciens des organismes de prévoyance sociale des Etats membres2.

La CIPRES est donc une institution technique à compétence restreinte et


non pas un traité d’harmonisation des législations et des régimes de sécurité
sociale. Elle a, certes, prévu d’œuvrer à l’harmonisation des régimes de sécurité
sociale et a organisé une rencontre à Douala les 29 et 30 janvier 2001 en vue d’en
arrêter les orientations générales, mais sa compétence, en ce domaine, se limite à
«réaliser des études et élaborer des propositions… ». Ce qui veut dire que ses
propositions éventuelles d’harmonisation législative et réglementaire, sous forme

1 J.O.BF. du 17 mars 1994, p.362, Codes et lois du Burkina Faso, tome IX, Droit social, p.488 et s.
2 Article 1er du Traité.

605
de projet de texte au besoin, devraient faire l’objet d’un autre traité, à moins qu’elle
ne se contente de recommandations.

B – LES ORGANES

650. La Conférence exerce sa mission de contrôle des organismes de


prévoyance à travers un certain nombre d’organes qui sont :
le conseil des ministres de tutelle de la prévoyance sociale ;
la commission régionale de surveillance ;
l’inspection régionale.

1° Le conseil des ministres est l’organe de décision qui est garant de la


réalisation des objectifs du traité. Il veille à l’exécution par les Etats membres de
leurs obligations, définit la politique de la conférence en matière de formation,
adopte des règlements et des décisions à «caractère obligatoire et directement
applicables dans l’ordre juridique interne des Etats membres »1 ; Il peut émettre
des recommandations visant à l’harmonisation des législations sociales nationales.
En matière de contrôle, le conseil statue sur les questions qui lui sont soumises par
la commission régionale de surveillance, notamment en cas de manquement par un
Etat membre aux règles de gestion de l’organisme de prévoyance2.

2° La commission régionale de surveillance est composée de 5 membres


titulaires et 5 suppléants nommés par le conseil, dont un au titre de la coopération
technique régionale ou internationale. Elle veille à la bonne gestion des organismes
de prévoyance sociale et participe à la régulation du secteur. Dans ce cadre, la
commission approuve le programme de contrôle des organismes, se prononce sur
les mesures de redressement proposées par les rapports d’inspection et peut
proposer une assistance technique à l’organisme faisant l’objet d’une mesure de
redressement.

3° L’inspection régionale de la prévoyance sociale assure le secrétariat


permanent de la conférence, effectue les contrôles sur place et sur pièces, élabore
les études et propositions tendant à l’harmonisation des dispositions législatives et
réglementaires applicables aux organismes et aux régimes de prévoyance sociale
ou visant à appliquer des règles de gestion communes dans les différents
organismes.

C – LES POUVOIRS DE LA CIPRES

1 Article 5.
2 L’article 17 vise précisément l’intervention d’un Etat dans la gestion d’un organisme de nature à mettre en
péril son équilibre financier et le service des prestations. Cet article est bienvenu parce qu’au Burkina Faso par
exemple, l’on a eu à reprocher à l’Etat d’obliger la Caisse Nationale de Sécurité Sociale à intervenir dans le
financement de projets, certes de développement, mais de rentabilité incertaine ou sortant de son objet.

606
651. Dans sa conception, la CIPRES a bénéficié de l’apport des nouvelles
techniques juridiques qui passent pour avoir contribué au succès de l’Union
européenne : l’applicabilité directe et immédiate, la hiérarchisation explicite des
normes, les décisions prises à la majorité qualifiée et non pas à l’unanimité. C’est
ainsi que le conseil des ministres, qui est l’organe de décision, prend des
règlements, des décisions et des recommandations adoptées à la majorité de deux
tiers des membres présents. La commission prend des recommandations et des avis.

Les règlements et les décisions du conseil sont obligatoires et directement


applicables1. Par exception à la règle de la majorité qualifiée, le conseil décide à
l’unanimité «lorsqu’elle délibère sur une recommandation tendant à
l’harmonisation des législations applicables aux organismes et régimes de
prévoyance sociale ». Son pouvoir en matière d’harmonisation législative se trouve
doublement limité par le fait qu’il ne peut prendre qu’une recommandation, acte
n’ayant pas de portée obligatoire, et par le fait que la recommandation doit être
prise à l’unanimité.

La création de la CIPRES a permis aux Etats membres de disposer d’un


système de surveillance multilatérale, d’adopter un plan comptable uniforme2 et
des indicateurs de gestion3, qui facilitent le contrôle par des inspecteurs régionaux.
Ces instruments contribuent à l’assainissement de la gestion des Caisses mais
peuvent aussi faciliter la conclusion d’arrangements inter-caisses et l’application
d’accords bilatéraux ou multilatéraux.

La limite, du point de vue de la protection des travailleurs migrants, tient à


son caractère de simple organisme de surveillance de la gestion administrative et
financière des organismes de prévoyance. Toutefois, usant de son pouvoir de
proposition, la CIPRES commence à s’attaquer à la question de l’harmonisation
législative et envisage d’élaborer un code unique de prévoyance sociale à
l’exemple des actes uniformes de l’OHADA en droit des affaires et de la
Conférence Interafricaine des marchés d’assurances (CIMA) en droit des
assurances4. Elle peut, en tout état de cause, préparer les esprits à la nécessité et à
l’utilité pour tous d’une politique d’harmonisation et servir de tribune de
négociation d’une convention multilatérale.

1 Voy. Article 5 et article 32 du Traité.


2 Le plan comptable a été adopté le 21 septembre 1993 et annexé au traité (article 33). Selon l’article 34,
l’entrée en vigueur de cette annexe entraîne transfert de compétence des Etats à la Conférence.
3 Quatre fiches techniques ont été élaborées, relatives : à la gestion des réserves des organismes ; aux ratios

économiques et de gestion ; à la politique d’informatisation ; et aux politiques et plans de formation des


organismes de prévoyance sociale.
4 Une rencontre tenue à Douala les 29 et 30 janvier 2001 sous l’autorité de la commission de surveillance pour

le lancement du projet d’harmonisation en a dégagé les orientations générales : voy. le rapport de la mission de
la délégation burkinabè communiqué aux partenaires sociaux (organisations d’employeurs et de travailleurs).

607
SECTION III - LES PROJETS D’HARMONISATION DU DROIT
SOCIAL AU SEIN DE l’OHADA ET DE LA CIPRES

652. L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires


(OHADA), créée par le traité du 17 octobre 1993 signé à Port- Louis (Ile Maurice),
a inscrit, lors de sa session tenue à Ouagadougou en mars 1999, le droit du travail
comme matière devant faire l’objet d’harmonisation. L’on y parle plus de droit du
travail que de droit de la sécurité sociale, mais l’extension de l’harmonisation à ce
domaine n’est pas exclue et est même fortement envisagée. Cette extension pose le
problème du choix des objectifs, des moyens et des techniques de l’harmonisation,
en fonction de la mission fondamentale de l’organisation. Mais auparavant, il
convient de préciser la notion d’harmonisation.

§ 1 - La notion d’harmonisation

653. Le concept d’harmonisation, recouvre des buts et des formes d’action


variés en fonction desquels il peut être distingué de l’uniformisation et de la
coordination1, notamment en matière de sécurité sociale. L’harmonisation des
législations consiste au rapprochement des systèmes juridiques ou d’un domaine du
droit, partiellement ou totalement, dans le but d’éliminer les contradictions et les
divergences par rapport à un objectif déterminé. Cet objectif peut être de protéger
les travailleurs migrants des Etats parties à un accord, d’éliminer la concurrence par
les normes, notamment le dumping social ou d’assurer une convergence
économique dans le progrès.

L’harmonisation se distingue de l’uniformisation qui assure l’application


d’un droit identique dans deux ou plusieurs Etats. Par exemple les actes uniformes
de l’OHADA se traduisent par l’application d’un droit unifié dans les Etats
membres, à quelques exceptions près, dans la mesure où ce sont les actes de
l’OHADA qui se substituent aux textes nationaux dans les Etats membres.
L’harmonisation, comme l’uniformisation, peuvent se réaliser par diverses voies :
par l’évolution spontanée des législations des Etats ; à travers des conventions de
droit uniforme ou d’harmonisation signées entre les Etats membres ; par l’action
d’organisations internationales universelles qui suscitent l’adoption et la
ratification de conventions et l’application de leurs recommandations.

Le droit de la sécurité sociale connaît un certain degré d’harmonisation,


grâce à l’action des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)
signées et ratifiées par les Etats ou par l’héritage commun d’un droit étranger. Par
1 Voy. Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BAULIEU, Introduction à l’Union Economique Ouest
Africaine, CEEI (Ouagadougou), De Boeck (Bruxelles), 1997, pp. 93 et s. ; Otto KAUFMANN, La sécurité
sociale dans les relations entre la France et les Pays d’Afrique au sud du Sahara, Peter Lang, Frankfort am
Main- Berne- New-York-Paris, 1989, pp. 167 et s. ; Pierre MOUTON, Les problèmes internationaux de la
sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, pp. 341 et 342 ; Jean BOULOUIS, Droit
institutionnel de l’Union européenne, 5ème édition, Montchrestien, Paris, 1995, pp.241 et s.

608
exemple, les droits de la sécurité sociale des Etats francophones conservent un fond
commun, par l’héritage et l’influence persistante du droit français. Mais ces deux
facteurs laissent subsister des disparités qui peuvent être grandes, soit que les Etats
n’ont pas ratifié les mêmes conventions de l’OIT, soit que, même issu du même
moule juridique, le droit de chaque Etat a connu une évolution différente sur
beaucoup de points en fonction des situations politiques et économiques de ces
Etats. Ces disparités peuvent être gênantes dans le cadre d’une démarche
d’intégration économique régionale.

L’harmonisation et la coordination n’ont pas théoriquement la même


ambition en matière de sécurité sociale. Selon P. Mouton, «la coordination consiste
à établir entre ces législations, considérées comme des données fondamentales du
système, les relations et les ajustements nécessaires pour assurer aux intéressées
[les travailleurs migrants] une continuité suffisante de protection »1. L’objectif de
la coordination peut être encore plus limité que celui de l’harmonisation : il s’agit,
tout en laissant inchangé le droit national, d’éliminer des discordances déterminées
et «d’éviter la perturbation lorsque l’unité du droit n’est pas réalisable »2. Si par
exemple chaque législation affirme l’égalité de traitement entre nationaux et
migrants mais applique le principe de territorialité et suspend le service de
prestations au travailleur qui a cessé de résider sur son territoire, ce dernier perd sa
protection sociale. L’application des principes de territorialité et de réciprocité par
chaque pays peut rendre sans intérêt pour le travailleur migrant le fait que les
législations se ressemblent. La coordination permet d’éliminer ces contradictions
par rapport au but de protéger le travailleur migrant et de donner pleine effectivité
aux principes d’égalité de traitement entre nationaux et étrangers ou d’avantages
réciproques. Elle accompagne normalement l’harmonisation des législations.
La coordination peut être réalisée par des conventions bilatérales ou
multinationales ou, à un niveau moindre, par des accords entre les caisses de
prévoyance sociale. Son objectif est limité : il s’agit d’assurer l’égalité de traitement
aux travailleurs migrants. Cet objectif peut être réalisé par l’insertion, dans une
convention de coopération économique, d’une disposition visant à éliminer les
perturbations, en prévoyant par exemple l’égalité de traitement et la possibilité de
transferts internationaux des prestations.

1 Pierre MOUTON, ibid., p. 350 ; voy. également, ISSA-SAYEGH Joseph, Quelques aspects techniques de
l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, Revue de Droit Uniforme, NS-vol. IV,
1999-1, pp. 5 et s.
2 Otto KAUFMANN, op. cit., p. 170.

609
§ 2 - Le problème de choix des objectifs et des techniques
d’harmonisation
654. L’OHADA, aussi bien que la CIPRES, sont d’abord confrontés à un
problème de choix de l’objectif, qui détermine les moyens et les techniques de
l’harmonisation prise dans son sens large1.

L’harmonisation des législations sociales, dans un espace d’intégration, est


un moyen permettant d’atteindre des objectifs communs plus ambitieux : instaurer
des conditions de saine concurrence, assurer un égal accès à l’emploi dans les pays
membres, rechercher une convergence sociale à l’instar de la convergence
économique.

Lorsqu’il n’existe pas de convention régionale, le premier niveau de rapprochement


des législations vient de conventions bilatérales2 ou de simples arrangements
administratifs3 qui prennent appui sur les normes de l’OIT, telles que la convention
n° 19 de 1925 et la convention n°118 de 1962, portant respectivement sur l’égalité
de traitement en matière d’accident de travail et en matière de sécurité sociale, et
sur les résolutions des conférences africaines du Bureau international du travail
(BIT). Les conventions bilatérales et les accords inter-caisses ont l’inconvénient
d’être peu nombreux et, même s’ils étaient nombreux, d’être peu aptes à réaliser
une véritable harmonisation. Ils créent des difficultés de gestion de multiples
accords et ne permettent pas de résoudre des problèmes juridiques mettant en jeu
plus de deux Etats4.

L’OHADA, qui suscite l’intégration des Etats francophones par les normes,
et la CIPRES, en tant qu’organisme de surveillance de la gestion des institutions de
sécurité sociale, n’ont pas au départ pour ambition de réaliser une intégration
économique régionale. Elles tendent à réaliser l’intégration des Etats membres au
marché mondial. Cette démarche n’est certainement pas en contradiction avec les
projets d’intégration économique : l’instauration des conditions de saine
concurrence, par exemple, est nécessaire dans le cadre d’une intégration
économique. Toutefois, l’action de ces organisations ne comporte pas la dimension
de régulation politique des rapports économiques et sociaux des Etats. Les projets
d’harmonisation en matière de sécurité sociale constituent donc une heureuse
1 V. P. KIEMDE, Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives,
op. cit.
2 Par exemple, des conventions bilatérales ont été signées entre le Burkina Faso et le Mali et entre le Mali et le

Sénégal.
3 Par exemple, les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, qui n’a pas ratifié la convention de

N’Djamena, sont régies par des arrangements administratifs dans le cadre de l’I.P.R.A.O (Institut de
prévoyance et de retraite de l’Afrique occidentale), dans le cadre de l’ex. Régie de chemin de fer Abidjan-
Niger(RAN) et entre la Caisse de retraite des travailleurs salariés de Côte-d’Ivoire et la caisse de prévoyance
sociale de Haute Volta (aujourd’hui Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso).
4 Voy. P. MOUTON, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale, Encyclopédie juridique de l’Afrique,

t. 8, p. 351.

610
extension de leurs missions qui peut être profitable aux regroupements
économiques. Mais il paraît moins aisé, en matière de droit social, de recourir à la
technique de l’adoption d’actes uniformes.

Il est tout de même possible, pour ces organisations, de pousser les Etats à
ratifier les mêmes conventions de l’OIT et de les appliquer effectivement dans leurs
rapports, de susciter la négociation de conventions bilatérales et, surtout, de
proposer une convention de coordination en matière de sécurité sociale à l’exemple
de la convention OCAM. Cette dernière ne peut être seulement proposée à
l’extension des membres parce qu’elle a besoin d’être actualisée. Les premières
discussions au sein de la CIPRES dégagent des domaines dans lesquels une
harmonisation devrait être réalisée : cadre juridique et institutionnel ; champ
d’application personnelle ; vieillesse, invalidité et décès ; risques professionnels ;
prestations familiales ; action sanitaire et social ; maladie ; dispositions communes1.
L’extension de la couverture sociale aux actifs non salariés et l’institution de
systèmes de retraite complémentaire peuvent également être discutées. L’adoption
d’une convention en matière de sécurité sociale nous paraît plus aisée qu’en droit
du travail, parce que l’harmonisation en matière de sécurité sociale présente un
intérêt immédiat tangible pour chaque Etat – la protection des travailleurs migrants
– et une charge idéologique moins grande, alors que l’harmonisation du droit du
travail nécessite des ambitions d’intégration plus élevées de la part des gouvernants,
mais aussi des syndicats d’employeurs et de travailleurs. On peut donc souhaiter
que l’OHADA et la CIPRES coordonnent leurs efforts afin de parvenir à l’adoption
d’une convention en matière de sécurité sociale regroupant l’ensemble des membres
de ces organisations, de compositions presque identiques, et d’un acte
d’harmonisation – à défaut d’un acte uniforme – en matière de droit du travail.

1V. KIMA Dénis, Rapport de mission sur le projet d’harmonisation des législations nationales de prévoyance
sociale, CNSS, Ouagadougou, février 2001.

611
612
BIBLIOGRAPHIE

LIVRE I : DROIT DU TRAVAIL

I - OUVRAGES GENERAUX

- AHIZI AKOI Paul, Droit du travail et de la prévoyance sociale en Côte d’Ivoire,


CEDA, Abidjan, 1975 ;
- BLANPAIN Roger et JAVILLIER Jean-Claude, Droit du travail communautaire,
LGDJ, 2e édition, 1995 ;
- BRUN André et GALLAND Henri, Droit du travail, tome 1, Les rapports
individuels de travail, tome 2, Les rapports collectifs de travail, Sirey, 1978 ;
- CAMERLYNCK G .H. (sous la direction), Traité de droit du travail, 8 t., Cujas,
Paris ;
- CAMERLYNCK G. H., Le contrat de travail, Traité, Tome 1, Dalloz, 2e éd., 1982;
- CATALA Nicole, Traité de droit du travail, T. 4, L’entreprise, dir. G.-H.
CAMERLYNCK, 2e éd. 1980;
- COUTURIER Gérard, Droit du travail, PUF, coll. Droit fondamental, tome I, Les
relations individuelles, 4e éd. 2002 ; tome II, Les relations collectives, 3e éd. 2002 ;
- DESPAX Michel, Le droit du travail, Que sais-je ? 4e éd., PUF, 1977;
- DURANT P., Traité de droit du travail, t. 1, 1947;
- GAUDU F. et VATINET R., Les contrats de travail, Traité (sous la direction de J.
GHESTIN), LGDJ, 2001;
- GHESTIN Jacques et LANGLOIS Philippe, Droit du travail, 2e édit., Sirey, 1977 ;
- GONIDEC P.-F., avec la collaboration de Martin KIRSCH, Droit du travail des
territoires d’Outre-mer, tome 1, Paris, LGDJ, 1958 ;
- GUERY Gabriel, Pratique du droit du travail, 11e édit., Montchrestien, 2003 ;
- ISSA-SAYEGH Joseph et NDIAYE Birame (sous la direction), Encyclopédie
juridique de l’Afrique, t. 8, Travail, sécurité sociale et fonction publique ;
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1987 ;
- JAVILLIER Jean-Claude, Droit du travail, LGDJ, 6e éd. 1997;
- KIRSCH Martin, Le droit du travail africain (Afrique francophone au sud du
Sahara), Tome I, Le contrat de travail, EDIENA, 1987; Tome II, Le contrat de travail
(suite), Le salaire, EDIENA, 1989 ;
- LEMESLE Raymond, Le droit du travail en Afrique francophone, Paris,
EDICEF/AUPELF, Paris, 1989 ;
- LYON-CAEN Gérard, Droit international du travail, Juriscl. Droit international,
fasc.570 à 580 ;
- LYON-CAEN Gérard et LYON-CAEN Antoine, Droit social international et
européen, Précis Dalloz, 7e édition, 1991 ;
- LYON-CAEN G. et PELISSIER J., Les grands arrêts de droit du travail, Sirey 2e
éd.
- MAZEAUD Antoine, Droit du travail, Montchrestien, 1998 ;

613
- MEUNIER BOFFA Martine Droit du travail et protection sociale, Les cours de
droit, Litec, 1998 ;
- PANSIER Frédéric-Jérôme, Droit du travail, relations individuelles et collectives,
3e édit., Litec, Paris, 2003 ;
- PANSIER Frédéric-Jérôme, Les relations collectives de travail, Ellipses, 2e éd.
2002;
- PELISSIER Jean, LYON-CAEN Antoine, JEAMMAUD Antoine, DOCKES
Emmanuel, Les grands arrêts du droit du travail, 3e édition, Dalloz, 2004 ;
- PELISSIER Jean, SUPIOT Alain, JEAMMAUD Antoine, Droit du travail, Précis
Dalloz, 21e éd. 2002;
- ROSSILLION C., Droit social international à vocation universelle, Juriscl. Droit
international, fasc. 574-A;
- SINAY H. et JAVILLIER J.-Cl, La grève, Traité de droit du travail T. 6, 2e éd. (dir.
G.H. Camerlynck), Dalloz, 1984 ;
- SUPIOT Alain, Critique du contrat de travail, PUF, 2e éd., Coll. Quadrige, 2002;
- TEYSSIE Bernard, Droit du travail, tome I : relations individuelles; tome II :
relations collectives, Litec, 9e éd. 2002;
- VALTICOS Nicolas, Droit international du travail, 2e édition, Dalloz, 1983;
- VERDIER Jean Maurice, Droit du travail, mémentos Dalloz, 10e éd. Paris, 1996.

II - OUVRAGES SPECIALISES

- ALIPRANTIS Nikitas, La place de la convention collective dans la hiérarchie des


normes, LGDJ 1980 ;
- BARTOLOMEI DE LA CRUZ H. et EUZEBY A., l’Organisation Internationale du
Travail (OIT), Que sais-je ?, n° 836, PUF, 1997;
- BENOÎT A., Droit de l’emploi, P. U. Grenoble, 1995 ;
- DESPAX, Négociations, conventions et accords collectifs, 2ème édition Dalloz
1989 ;
- DESPAX Michel et PELISSIER Jean, La gestion du personnel, 3 tomes, Cujas,
Paris ;
- Encyclopédie Dalloz, Travail, T. III, organisation international du travail, mise à
jour 1986 ;
- GRANGEAS Geneviève et LEPAGE Jean-Marie, Les politiques d’emploi, Que
sais-je ? PUF, 2ème éd. corrigée, 1997 ;
- HENNEBELLE D., Essai sur la notion de salaire, th. P .U. Aix –Marseille, 2001 ;
- HIRIGOYEN M. F., Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien,
Pocket, 1998;
- KABEYA MUASE Charles, Syndicalisme et démocratie en Afrique : le cas du
Burkina Faso, INADES, Khartala, Abidjan, Paris, 1989 ;
- HUGUET Pierre, Code du travail d’Outre-mer, texte et commentaire, Recueil
Sirey, 1953;
- LEYMANN H., Mobbing : la persécution au travail, trad. fr., Seuil, Paris, 1996;
- MATHIEU Bernard, Les sources du droit du travail, Que sais-je ? PUF, 1ère édition,
1992 ;

614
- MORIN M.-L., Le droit des salariés à la négociation collective, LGDJ 1994 ;
- PERETTI Jean-Marie, Gestion du personnel, Vuibert, 1984 ;
- PELISSIER J. (dir.), Droit de l’emploi, Dalloz Action, 2ème éd. 1998 ;
- RAMIN A. Le lock-out et le chômage technique, LGDJ 1977 ;
- SUPIOT A. (sous la direction), « Au delà de l’emploi : transformation du travail et
devenir du travail en Europe », rapport pour la commission européenne, Flammarion,
Paris, juin 1999, 321 p.

III - RECUEILS ET BULLETIN BURKINABE

Annuaire officiel du METSS, 1ère éd. 1996, 2e éd. 2000 ;


Bulletin de la Cour suprême de Haute-Volta ;
Codes et Lois du Burkina Faso, (recueil annoté des textes législatifs et
réglementaires), neuf tomes ;
Codes et Lois du Burkina Faso, T.VIII, Code public et administratif, vol.1 et 2,
décembre 2000 ;
Codes et lois du Burkina Faso, Tome IX, Code social, 1997, 2e éd. à paraître ;
COPPIETERS’T WAllant et OUATTARA Karim, Recueil annoté des textes
applicables au droit du travail au [Burkina Faso], Chambre de commerce, d’industrie
et d’artisanat du Burkina Faso, 1ère éd. 1982, 2e éd. 1990 ;
ZOMBRE Léontine et SY Arouna, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-
1995) ;
ZOMBRE Léontine, Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1996-1998) ;
OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés.

IV - REVUES

1) Revues sur les droits burkinabè et africains

Revue Burkinabè de droit (RBD)


Revue bimensuelle Les droits du travail africain, Travail et Profession d’Outre Mer
(TPOM)
Revue juridique et politique, indépendance et coopération
Recueil Penant

2) Revues françaises et comparées

La Gazette du palais
Jurisprudence sociale UIMM (Union des industries métallurgiques et minières
La semaine juridique ou Juris-classeur périodique (JCP)
Recueil Dalloz
Revue Droit social
Revue internationale de droit comparé
Revue internationale du travail
Revue de jurisprudence sociale (F. Lefebvre)

615
V - LEGISLATION

Code du travail indigène du 18 juin 1945, J.O.RF du 18 juin 1945.

Code Moutet, décret du 17 octobre 1947, J.O.RF du 21 octobre 1947, p. 10402.

Loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952, instituant un code du travail dans les territoires
et territoires associés relevant du ministère de la France d’Outre-Mer, J.O.R.F. n°
1067, 1956 ; Recueil Sirey 1953, texte et commentaire de P. Huguet.

Loi n° 26-62/AN du 7 juillet 1962 portant adoption du code du travail, J.O.RHV. n°


23 bis spécial du 18 août 1962, p. 826 : modifié par la loi n° 9-73 du 7 juin 1973,
J.O.RHV. du 26 juillet 1973, p. 418.

Loi n° 11-92 ADP du 22 décembre 1992 portant code du travail, abrogé par la loi n°
033-2004 du 14 septembre 2004.

Loi n° 33-2004/AN du 14 septembre 2004 portant code du travail, promulguée par le


décret n° 2004-451/PRES du 15 octobre 2004, J.O.BF spécial n° 2 du 29 octobre
2004.

VI - CONVENTIONS COLLECTIVES

Convention collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974 rendue obligatoire par


l’arrêté n° 715 FPT du 6 septembre 1974, Annuaire officiel du METSS, p. 90 ; Code
social, p. 189.
Convention collective de la Société nationale des eaux du 7 avril 1976, Code social,
p. 220.
convention collective des entreprises pétrolières du 8 juin 1976, codes et lois du
Burkina Faso, p. 229.
convention collective des ORD (Organismes régionaux de développement) de janvier
1977, Code social, p. 241, Recueil annoté, édit. 1982, annexe 22.
Convention collective des établissements d’enseignement privé non conventionnés,
du 30 mars 1979, Code social, p. 210.
Convention collective des auxiliaires des transports du 5 juillet 1979, Code social, p.
251.
Convention collective sectorielle du Commerce du 1er février 1982, Code social, p.
267..

VII - SITES WEB :


www.primature.gov.bf
www.metss.gov.bf
www.emploi.gov.bf
www.ilo.org
www.village-justice.com

616
LIVRE II : DROIT DE LA SECURITE SOCIALE

I – OUVRAGES

- BOULOUIS Jean, Droit institutionnel de l’Union européenne, 5 ème édition,


Montchrestien, Paris, 1995 ;
- CHAUCHARD Jean-Pierre, Droit de la sécurité sociale, LGDJ, Paris, 1994 ;
- DORION Georges et GUIONNET André, La sécurité sociale, Que sais-je ? PUF, 2e
édition, mise à jour, mai 2000 ;
- DUPEYROUX Jean-Jacques, BORGETTO Michel, LAFORE Robert, RUELLAN
Rolande, Droit de la sécurité sociale, Précis Dalloz, 14e édition, 2001 ;
- EWALD François, l’Etat providence, Bernard Grasset, 1986, p. 344 ;
- GONIDEC P.F., Cours de droit du travail africain et malgache, Paris, 1966 ;
- GONIDEC P.F. et KIRSCH M., Droit du travail des territoires d’Outre-Mer, tome
1, Paris, LGDJ, 1958 ;
- HUGUET Pierre, Code du travail d’Outre-Mer, texte commenté, Sirey 1953 ;
- HUTEAU Gilles, Sécurité sociale et politiques sociales, 3e édition, Collection
Concours Droit, Armand Colin, 2001 ;
- ISSA-SAYEGH Joseph, Le droit sénégalais de la sécurité sociale, Dakar, NEA,
1992 ;
- ISSA-SAYEGH J. et N’DIAYE Birame (sous la direction), Encyclopédie juridique
de l’Afrique, Tome 8, La sécurité sociale, NEA, 1982 ;
- Jurisclasseur de la sécurité sociale, sur Le Droit international de la sécurité sociale
(fasc. 207, 210) ;
- KAUFMANN Otto, La sécurité sociale dans les relations entre la France et les pays
d’Afrique au sud du Sahara, éd. Peter Lang, Frankfurt aim Main, Bern, New York,
Paris, 1989 ;
- LYON-CAEN Gérard et LYON-CAEN Antoine, Droit social international et
européen, 8e édition, 1993 ;
- LYON-CAEN G., les relations de travail internationales, éd. Linisons, 1991 ;
- MOUTON Pierre, La sécurité sociale, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, T. 8 ,
pp. 267 et s. ;
- MOUTON Pierre, L’étendue des systèmes africains de sécurité sociale,
Encyclopédie Juridique de l’Afrique, tome 8, 1982, p. 289 ;
- MOUTON Pierre, Les problèmes internationaux de la sécurité sociale,
Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 8, p. 339 et s ;
- NAGEL G., THALAMRY C., Le droit international de la sécurité sociale, que sais-
je, PUF, 1994 ;
- SAINT-JOURS Yves (sous la direction), Traité de sécurité sociale, tome 1, Le
Droit de la sécurité sociale, LGDJ, 1980 ;
- SAINT-JOURS Yves (sous la direction), Traité de sécurité sociale, tome 3, les
accidents du travail (définition, réparation, prévention), Paris, LGDJ, 1982 ;
- SEILLAN H., L’obligation de sécurité du chef d’entreprise, Dalloz, 1981 ;
- TAQUET F., Le contentieux de la sécurité sociale, Litec, 1993 ;

617
- VILLERME, Rapport : « tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés
dans les manufactures de coton, de laine et de soie », Paris, J. RENOUARD, 1840.

II – THESES

- ELONGO Jean-Didier, Réparation des accidents du travail et des maladies


professionnelles en République du Congo, Thèse de doctorat en droit, Université
Montesquieu, Bordeaux IV, 1997 ;
- LIKOUKA Ferdinand Sosthène, Situation et devenir du système de protection
sociale au Congo, thèse de doctorat en droit (nouveau régime), Université
Montesquieu - Bordeaux IV, 1997;
- REY Jean-Pierre, critique du ticket-modérateur en assurance maladie, Thèse pour le
doctorat de l’université, Bordeaux 1, janvier 1995 ;
- RIBEYROL-SUBRENAT Monique, Le fait de l’assuré social, Thèse pour le
doctorat en droit, Université Montesquieu, Bordeaux IV, 1999.

III – JURIPRUDENCE BURKINABE

Décisions en matière d’accident de trajet :


C.A. Ouagadougou, arrêt n° 8 du 17/2/1998, Nessa c/ Y. M. ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 21 du 18/12/97, R.S.Z. c/ Faso Fani ;
C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 13 du 15/2/1999, CNSS c/ S. O. ;
C.A. Bobo Dioulasso, arrêt n° 75 du 17/11/1997, K.G. c/ CNSS (détour non prouvé).

Cas de rejets de la qualification :


C.A. Ouagadougou, arrêt n° 86 du 02/5/1995, S.E c/ O;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 120 du 04/12/2001, Z.Y. c/ S. (travailleur admis à
l’hôpital en psychiatrie et qui impute sa maladie à un agression subie au service) ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 135 du 06/12/1994.

Licenciement justifié :
Trib. Trav. Ouagadougou, jugement n° 07 du 4/3/1994 (cécité du salarié après un
accident du travail).

Licenciements jugés abusifs :


C.A. Ouagadougou, arrêt n° 14 du 18/1/1994 ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 48 du 21/3/1995, ONATEL c/ D.E. ;
C.A. Ouagadougou, Ch. Soc., arrêt n° 10 du 18/1/1994, in ZOMBRE Léontine et SY
Arouna ; Recueil de jurisprudence, Droit du travail (1990-1995), p. 213 ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n°21 du 18/12/1997, R.S.Z. c/ F.F. ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 26 du 04/3/1997, G.N.S. c/ S. ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 53 du 15/4/1997, SONABEL c/ R.G.E. ;
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 114, du 4/11/1997, ASECNA c/ C.K. ;
C.A. Bobo-Dioulasso, arrêt n° 13 du 15/2/1999, CNSS c/ S.O. ;
Cour suprême , chambre judiciaire, arrêt n° 72 du 15/5/2001, K.B.Z. c/ Sofitex. ;

618
C.A. Ouagadougou, arrêt n° 50 du 5/6/2001, SOBTRI c/ S.I.

IV – RAPPORTS, ETUDES

- Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso, Annuaire statistique, n° 10,


édition 2002, février 2004 ;
- MTSS, Etats généraux de l’emploi, Documents introductifs aux travaux, 1996 ;
- OIT, Analyse financière et actuarielle du régime de sécurité sociale, n°
UPV/81/205 , rapport établi pour le gouvernement de la République de Haute-Volta,
Genève, 1982 ;
- OIT, Département de la sécurité sociale, Evaluation actuarielle du régime
administré par la Caisse nationale de sécurité sociale au 31 décembre 1998, août
2000 ;
- revue « Echo-CNSS » n° 13, 4e semestre 1985 (spécial 30e anniversaire).

V – RECUEILS (idem. infra, Livre I, bibliographie, III)

VI – REVUES

Cahiers africains de sécurité sociale, A.I.S.S., Genève.


Documentation de la sécurité sociale, série africaine, A.I.S.S., Abidjan.
Revue internationale de sécurité sociale (R.I.S.S.), A.I.S.S.
Revue internationale du travail, B.I.T., Genève.
Tendances en sécurité sociale, A.I.S.S. Genève.
Echo- CNSS, Ouagadougou (publication interrompue).
Revue burkinabè de droit (RBD).

VII – sites web


www.issa.int/ssw
www.cnss.bf

VIII - TABLE DE LEGISLATION

LEGISLATION NATIONALE

Arrêté 5253 IGTLS-AOF du 19 juillet 1954 fixant, en application des dispositions de


l’article(…) du code du travail, les mesures générales d’hygiène et de sécurité
applicables aux travailleurs des établissements de toute nature, Code social, p. 397.

Loi n° 13-72 AN du 28 décembre 1972 portant code de sécurité sociale en faveur des
travailleurs salariés, J.O.BF du 13 février 1973, p. 33, Code social, p. 499, Annuaire
officiel du METSS, p. 134.

619
Arrêté n° 1316 FPT du 24 décembre 1976 portant répartition des frais
d’administration et des dépenses d’action sanitaire et sociale entre les diverses
branches gérées par la Caisse nationale de sécurité sociale, J.O.RHV du 10 février
1976, p. 70, Code social, p. 528.

Arrêté n° 1317 FPT du 24 décembre 1976 relatif à l’affiliation des employeurs, à


l’immatriculation des travailleurs et autres, J.O.BF du 10 février 1977, p. 71 ; Code
social, p. 529.

Arrêté n° 1318 FPT du 24 décembre 1976 portant réglementation du service des


prestations de la sécurité sociale, J.O.RHV du 10 février 1977, p.13 ; Code social,
p.534.

Arrêté n° 712 FPT/CNSS du 23 janvier 1981 relatif à l’indemnité journalière versée à


la femme salariée en couche, Code social, p. 560.

Ordonnance n° 81-5 du 25 février 1981 portant modification des articles 6 et 70 du


code de sécurité sociale, J.O.RHV du 5 mars 1981, p. 159.

Kiti n° 86-178 CNR/PRES/MB/MTSSFP/PRECO du 7 mai 1986, portant création de


la CARFO, J.O.BF. du 15 mai 1986, p. 337.

Kiti n° 86-179 du 7 mai 1986, portant approbation des statuts particuliers de la


CARFO, J.O.BF du 15 mai 1986, p. 337.

Kiti an IV 429 CNR/SAN du 31 juillet 1987, portant création d’un établissement


public dénommé l’office de santé des travailleurs (OST), JOBF du 6 août 1987, p.
761 ; Code social, p. 435.

Kiti An IV 430 CNR (SAN du 31 juillet 1987 portant statuts particuliers de l’office
de santé des travailleurs (OST), modifié par le kiti An VII 399 du 25 juillet 1990,
JOBF du 13 septembre 1990, p. 964 ; Code social, p. 436.

Zatu n° An VI-31 du 7 avril 1989 portant régime fiscal de la Caisse nationale de


sécurité sociale (modification de l’article 96 de la loi 13-72 du 28 décembre 1972
portant code de sécurité sociale), J.O.BF du 15 avril 1989, p. 685.

Kiti An VI 240 du 13 avril 1989 portant approbation des statuts particuliers de la


Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), J.O.BF du 20 avril 1989, p. 761,
successivement modifié par le Kiti An VII 273 bis du 4 avril 1991 (J.O.BF du 20 juin
1991, p. 815) et le décret 93-211 du 15 juillet 1993, (J.O.BF du 15 juillet 1993, p.
1069 ; Code social, p. 562.

620
Loi n° 47/94 du 29 novembre 1994 portant régime de retraite des fonctionnaires,
militaires et magistrats, J.O.BF du 4 mai 1995, p. 1110 ; Code public et administratif,
p. 1249.

Décret 96-17 du 30 janvier 1996 portant composition et fonctionnement du


CTNCHS, J.O.BF du 15 février 1996, p. 397 ; Code social, p. 442.

Décret n° 96-355/PRES/PM/MTSS du 11 octobre 1996 portant liste de maladies


professionnelles, Code social, pp. 569 et s.

Décret n° 98-057 du 18 mars 1998 instituant une carte d’affiliation des transporteurs
routiers à la CNSS, J.O.BF du 02 avril 1998, p. 3404.

Loi n° 033/98/AN du 18 mai 1998 portant institution d’une coordination entre le


régime général de retraite des fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de
pension des travailleurs régis par le code de sécurité sociale, J.O.BF du 9 juillet
1998, p. 5314 ; Code public et administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du
Ministère de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale, année 2000, p. 126.

Décret n° 98-510 du 31 décembre 1998 portant approbation des statuts particuliers de


la CARFO, J.O.BF du 14 janvier 1999, p. 175.

Décret n° 99-139 du 17 mai 1999 portant application de la loi 033/98/AN du 18 mai


1998 portant institution d’une coordination entre le régime général de retraite des
fonctionnaires, militaires et magistrats et le régime de pension des travailleurs régis
par le Code de sécurité sociale, J.O.BF du 20 mai 1999, p. 1288 ; Code public et
administratif, vol. 2, p. 1272 ; Annuaire officiel du METSS, année 2000, p. 127.

Décret n° 2003-252/PRES/PM/MTEJ du 20 mai 2003 portant fixation du taux


d’appel de cotisation du régime de sécurité sociale géré par la Caisse nationale de
sécurité sociale, J.O.BF. du 5 juin 2003, p. 828.

Arrêté n° 2003-012 MTEJ du 20 juin 2003 portant modification du plafond des


salaires soumis à cotisation au titre du régime de sécurité sociale en faveur des
travailleurs salariés, J.O.BF. du 17 juillet 2003, p. 1006.

Décret n° 2005- 024 du 31 janvier 2005 portant fixation de l’âge de départ à la


retraite des travailleurs salariés, J.O.BF. du 17 février 2005, p. 189.

621
622
CONVENTIONS OIT

Convention O.I.T. n° 17 concernant la réparation des accidents du travail, 1925,


J.O.RHV du 26 juin 1969, p. 339, Code social, p. 469 ;

Convention O.I.T. n° 18 sur les maladies professionnelles, 1925 ;

Convention O.I.T. n° 19 concernant l’égalité de traitement des travailleurs étrangers


et nationaux en matière de réparation des accidents de travail, 1925, J.O. RHV du 26
juin 1969, p. 339, Code social, p. 471 ;

Convention O.I.T. n° 97 concernant les travailleurs migrants, 1949, J.O.RHV du 10


juin 1961, p. 523, Code social, p. 314 ;

convention O.I.T. n° 143 concernant les migrations abusives et la promotion de


l’égalité de chances et du traitement des travailleurs migrants, adoptée à Genève le
14 juin 1975, J.O.RHV du 30 juin 1977, p. 559, Code social, p. 349.

CONVENTIONS REGIONALES

Convention sur la sécurité sociale des travailleurs migrants signée à N’Djamena le 29


janvier 1971, ratifiée par décret n° 76-385 du 18 octobre 1976, J.O.RHV du 4
novembre 1976, p.805 ; Code social, p. 472.

Traité du 21 septembre 1993 signé à Abidjan, instituant une Conférence


Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES), J.O.BF du 17 mars 1994, p.362,
Codes et lois du Burkina Faso, Code social, p.488 et s.

CONVENTIONS BILATERALES.

Convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs


voltaïques en Côte d’Ivoire, du 9 mars 1960 ratifiée par décret n° 61-233 du 2 juin
1961, J.O.RHV du 10 juin 1961, p. 520 ; Code social pp. 281 et s.

Convention instituant des règles de coordination entre le régime de retraite vieillesse


de l’IPRAO et celui de la C.P.S.H.V. du 1er avril 1963. (non publié).

Convention du 28 avril 1963 instituant des règles de coordination entre le régime de


retraite vieillesse de la C.R.T.C.I. et celui de la C.P.S.H.V. (non publié).

Convention de coopération technique en matière de main-d’œuvre entre la Haute-


Volta et le Gabon du 13 août 1973, Ratifiée par décret 74-165 du 30 mai 1974, J.O.
RHV. du 8 août 1974, p. 571 ; Code social, pp. 285 et s.

623
Convention de sécurité sociale entre le Burkina Faso et le Mali du 4 novembre 1992,
ratifiée par le décret 94-62 du 14 février, 1994, Codes et lois du Burkina Faso, tome
IX, Code social, édt. juillet 1997, pp. 447 et s.

Arrangement administratif général relatif aux modalités d’application de la


convention de sécurité sociale entre le gouvernement du Burkina Faso et le
gouvernement de la République du Mali, Code social, p. 457.

624
INDEX ALPHABETIQUE : LIVRE I
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

A. C.

Absences du travailleur Carte de travail, 306.


v. contrat, suspension Cassation, 441.
Accident : Catégories professionnelles, 228.
- non professionnel, 120 et s., 133. Cautionnement, 242.
- du travail, 109. Certificat de travail, 167.
Accords : Cession d’entreprise : v. modification
- accord d’établissement, 405 et s. Cession de salaire : v. salaire
v. convention collective Chef d’entreprise v. employeur
v. conventions internationales Chômage, 291 et s.
Acomptes : - Technique, 118.
v. salaires Classement des salariés, 228, 231.
Action en paiement : Clause de non concurrence, 168.
v. salaires Codes :
Affichage : - du travail, 7, 15.
v. convention collective - Moutet, 7.
v. règlement intérieur - des TOM, 7.
v. tâcheronnat Comité technique national consultatif
Age d’emploi, 202. d’hygiène et de sécurité, 323 et s.
Agence nationale pour l’emploi, 304 Commission :
et s. - de classement, 231.
Agents : v. convention collective
- contractuels, 41. Commission consultative africaine
- publics, 41, 67. v. OIT
Apprentis, Apprentissage, 302 et s. Commission consultative du travail,
v. contrat d’apprentissage 319 et s.
Arbitrage : v. différends collectifs Commissions
Assesseurs v. salaires
v. Tribunal du travail Compensation : v. salaires
Assistance judiciaire, 255, 341. Conciliation :
Avance v. différends collectifs
v. salaires v. différends individuels
Avantages acquis : Conflits collectifs : v. différends
v. conventions collectives collectifs
Conflits individuels v. différends
B. individuels
Congés :
Branche d’activité, 228, 399. - de maternité, v. femme salariée
Bulletin de paie, 237. - payés, v. durée du travail
Contrat à l’essai : 71, 72.
- durée, 73.

625
- rupture, 74. - dénonciation, 402, 404.
Contrat d’apprentissage,87 et s. - dépôt, 395.
Contrat d’entreprise, 53 - durée, 402.
v. Tâcheronnat - effets, 404.
Contrat de mandat, 55, 59. - élaboration, 393 et s.
Contrat de société, 60. - interprétation, 420, 421.
Contrat de travail : - nature juridique, 380.
- critères, 44, 45. - publicité, 395.
- définition, 40 et s. - représentation des salariés, 394.
- durée déterminée, 78, 79, 80. - représentation patronale, 394.
- durée indéterminée, 77. - révision, 403.
- écrit, 67. Convention collective extensible : 396,
- exécution, 172. 412 et s.
- conclusion, 62 et. S., 67 et s. - annexes, 416.
- journalier, 81. - avenants, 416.
- modification, 96 et s., 104 et s. - branche ou secteur d’activité, 414.
- nullité, 125 et s. - clauses facultatives, 415.
- preuve, 69 et s. - clauses obligatoires, 415.
- saisonnier, 82. - commission paritaire, 413.
- temporaire, 85. - contenu, 415.
- temps partiel, 86. - élaboration, 413.
- Rupture, 106 et s. - effets, 418.
- Salaire, 46. - extension, 417.
- Subordination, 47 et s. Conventions internationales :
- Suspension, 115 et s. - bilatérales, 26.
- Visa : v. ce mot. - régionales, 27 et s.
Conventions collectives, 21, 103, 387 - universelles (OIT), 31 et s.
et s. Convention nationale du travail, 327 et
- accords d’établissement, 405 et s., s.
410. Créances de salaires : v. salaires
Convention collective annexe, 416
Convention collective D.
Interprofessionnelle : 12, 21, 419.
- Commission paritaire Débauchage, 168.
d’interprétation et de conciliation, Déclaration, 307.
421. Délégués du personnel : 159, 165, 369
Convention collective ordinaire : 393 et s.
et s. - autorisation de licenciement, 378 et
- adhésion, 400, 401. s.
- affichage, 395. - crédit d’heures, 375.
- application, 398 et s. - désignation, 370 et s.
- assujettissement, 399. - entrave à l’exercice des fonctions,
- avantages acquis, 396 et s. 379.
- contenu, 395. - licenciement, 376 et s.
- définition, 389. - mandat, 372.

626
- mission, 373. Etablissement public, 42, 231, 410.
- réintégration, 379. Etrangers, 68, 355.
Démission : 140, 147. Extension
v. rupture v. conventions collectives
Différends collectifs : 425 et s. - des sentences arbitrales, 440.
- arbitrage, 437 et s.
- conciliation, 434 et s. F.
- conflits économiques, 431, 432.
- conflits juridiques, 431. Faute lourde, 117, 144.
- conseil d’arbitrage, 440. Femme salariée, 123, 198 et s.
- notion, 337, 338. v. travail des femmes
- procédure de règlement, 433, 442. Fermeture d’entreprise, 116.
Différends individuels Fonctionnaires : v. agents publics
- conciliation, v. inspecteur du travail. Force majeure, 116, 132.
- notion, 337, 338. Formation professionnelle, 262, 298,
v. Tribunal du travail 302.
Dirigeants de société, 58.
Durée du contrat : 76. G.
v. contrat de travail
Durée du travail : 190. Gens de maison, 192.
- congés payés, 195. Gérant, 57.
- durée hebdomadaire, 190 et s. Gratification, v. salaire
- heures supplémentaires, 193. Grève, 124, 443 et s.
- fêtes légales, 196. - définition, 445 et s.
- repos hebdomadaire, 194. - effets, 463.
- licéité, 455 et s.
E.
H.
Emploi
- financement, 315. Handicapés, 205.
- politique de l’emploi, 290 et s. Harcèlement moral, sexuel, 201.
Employeur : 2. Heures supplémentaires :
- chef d’entreprise, 176, 190. v. durée du travail
- obligations, 170, 187. Hygiène et sécurité, 206 et s.
- pouvoir de direction, 177 et s. v. Comité technique national
- pouvoir disciplinaire, 182. consultatif d’hygiène et de sécurité
- responsabilité civile, 188. v. médecine d’entreprise
- responsabilité pénale, 189.
Enfants : v. travail des enfants et I.
des adolescents
Engagement à l’essai : v. contrat à Indemnités :
l’essai - de compensatrices, 143, 152.
Entreprise : 100, v. employeur - déplacement, 224.
Entreprise publique - d’expatriation, 231.
v. établissement public - de fin de contrat, 134.

627
- de licenciement, 152. - non professionnelle, 120 et s., 133.
v. Primes, v. salaires - professionnelle, 109.
Inspection du travail : 265 et s. v. accident du travail
- constatations des infractions et Mandat, 55, 59.
poursuites, 275. Marché de l’emploi
- contrôleurs, 281. v. emploi
- droit de visite, 274. Maternité : v. femme salariée
- inspecteurs des mines, 283. Médecine d’entreprise, 285.
- médecins inspecteurs, 284, 288. Médecin-inspecteur :
- mission de conciliation, 270. v. inspection du travail
- mission de contrôle, 269. Mines : v. inspection du travail,
- mission d’études et de conseil, 268. contrôle
- organisation, 261, 263. Ministère de l’emploi, du travail et
de la jeunesse, 259.
J. Mise à pied :
- disciplinaire, 117.
Juridiction : - économique, 118.
- administrative, 380, 413. Modification :
- civile, 421, 423. - Modification de la situation juridique
- du travail, 328 et s. de l’employeur, 98 et s.
- répressive, 379. - du statut collectif, 110 et s.
Jurisprudence, 17 et s. v. contrat
Mutation, 109.
L.
N.
Liberté
- contractuelle, 63. Négociations collectives, 387 et s.
- syndicale, 14. v. conventions collectives
- du travail : 3. Non-concurrence : v. clauses de
v. travail forcé non-concurrence
Licenciement, 131, 140 Non-discrimination
v. délégués du personnel Nullité
v. femme salariée enceinte v. contrat de travail
- inaptitude professionnelle, 151. v. licenciement, délégué du
- indemnité de licenciement, 152. personnel
- motif économique, 161 et s.
- motif légitime O.
Lock-out, 119, 452 et s.
- licéité, 454. OCAM, 27
- offensif, préventif, 453. OHADA, 30
Office national de la promotion de
M. l’emploi : v. Agence national pour
l’emploi
Main-d’œuvre : v. emploi OIT : 3, 31, 257 et s.
Maladie :

628
- Conférence internationale du travail, différends collectifs
31. Reçu pour solde de tout compte, 166,
- Bureau international du travail, 33. 237.
- Commission consultative africaine, Registres
38. - employeur, 274, 276.
- Conseil d’administration, 32. - paiements, 237.
- Conventions internationales, 34 et s. Règlement intérieur : 24, 178 et s.
- Recommandations, 36. v. employeur
O.S.T, 287. Réintégration du travailleur
Représentant : 56
P. v. contrat, mandat
Représentativité syndicale : v. syndicat
Paiement : v. salaires Résiliation du contrat : v. rupture
Placement, 308 et s., 312. Résolution judiciaire, 137, 380.
Préavis : v. contrat Responsabilité :
Prescription : v. salaires - civile, 422.
Présomption de non paiement : v. - pénale, 422.
salaires Retenues sur salaires
Prestation de travail : 45, 171 et s. Retraite, 131.
v. contrat de travail Révision
Primes : v. salaires - contrat de travail, v. modification
Priorité d’embauchage, 162. - conventions collectives, v. ces mots
Principes : Risques professionnels :
- d’égalité ou de non-discrimination, v. hygiène et sécurité
230. Rupture du contrat de travail : 1239 et
- de préférence, 496 et s. s.
Privilège : v. salaires - abusive, 145 et s.
Procès-verbal - consentement mutuel, 131.
- constatation des infractions, 275, - contrat à durée déterminée, 134 et s.
277. - à durée indéterminée, 134, 140 et s.
- conciliation et non-conciliation, 271. - décès, 131.
- exécutoire, 279. - démission, 131.
- dommages-intérêts, 138, 154 et s.
Q. - faute : v. faute lourde
- force majeure, 132.
Qualification : - imputabilité, 107, 108.
- du contrat, 52. - licenciement : v. ce mot
- du travailleur, v. catégories - motif légitime, 145 et s., 151 et s.
professionnelles - notification, 131.
Quotité cessible : v. salaire - préavis, 142 et s.
- preuve de l’abus, 149 et s.
R. - résolution judiciaire : v. ce mot
- retraite : voir ce mot
Rapports collectifs S.
v. conventions collectives,

629
Saisie-arrêt : v. salaires v. accidents du travail, femme
Salaires : 212 et s. salariée enceinte, maladie
- acomptes 245. professionnelle, retraite,
- accessoires de salaire, 219, 221, 230. v. index Livre II
- action en paiement, v. prescription Serment, 280, 281.
- assistance judiciaire, 255 Service de l’emploi ou service de
- avances, 220, 245. main-d’œuvre : 289, v. ANPE
- bulletin de paie : v. ce mot service médical et sanitaire
- cession de salaires, 245, 247. d’entreprise, 210 et s., 286.
- commissions, 217. Service militaire
- compensation, 246. - de l’employeur, 116.
- créance de salaire, v. privilèges - du travailleur, 124.
- droit de rétention, 255. Services publics : v. grève
- échelle indiciaire des salaires, 228. SMIG. 18, v. salaire
- éléments constitutifs, 213. Sources
- fixation, 226 et s. - étatiques (publiques), 14 et s.
- gratifications, 221, 222. - professionnelles, 20 et s.
- indemnités, 221, 224. - internationales, 25 et s.
- paiements, 233 et s. stages, 71, 75.
- garanties, v. privilèges Statut du personnel, 410
- modalités, 234 et s. Subordination : v. contrat
- pourboires, 225. Superprivilège : v. salaires
- prescription, 238, 239. Suspension
- présomption de non-paiement, 237. - fait de l’employeur, 116 et s.
- primes, 221, 223. - fait du travailleur, 120 et s.
- privilèges, 248 et s. v. contrat de travail
- reçu pour solde de tout compte, 237 Syndicat : 345 et s.
- retenues, 241 et s. - action en justice, 366, 423, 424.
- saisies-arrêts, 247 et s. - activités, 362, 364, 367.
- salaire de base, 213. - comité syndical, 357, 383.
- salaire minimum - constitution, 354 et s.
interprofessionnel garanti, 229, 232. - conditions de fonds, 355.
- salaire au rendement, 215 et s., 218. - conditions de forme, 356.
- salaire au temps, 213. - objet du syndicat, 363, 364.
- superprivilège, 252. - délégué syndical, 384.
Secret professionnel - dirigeants, 355.
- arbitres, 439. - unions, 355.
- assesseurs, 331. - liberté syndicale, 358 et s.
- inspecteur du travail, 280. - organisation, 357.
- travailleur, 175. - personnalité civile, 359.
Secteur public - récépissé, 359
v. entreprises publiques – - représentativité, 394, 413.
établissements publics – services - syndicalisme africain, 349.
publics - syndicalisme burkinabè, 350 et s.
Sécurité sociale, 261, 264. - Syndicalisme international, 346 et s.

630
T.

Tâcheron. Tâcheronnat, 54.


Transport, 224.
Travail des enfants et des
adolescents, 202 et s.
Travail des femmes, 123
Travail forcé, 5, 6.
Travail de nuit, 193, 204.
Travail temporaire, 313 et s.
Travailleur, 39, 41.
Tribunal de grande instance :
v. juridiction civile.
Tribunal du travail : 328 et s.
- appel, 343.
- assesseurs, 330, 331.
- assistance judiciaire, 341.
- cassation, 344.
- compétence d’attribution, 335.
- compétence territoriale, 333 et s.
- composition, 330.
- conciliation
- exécution du jugement, 341
- jugement, 341.
- opposition, 342.
- procédure, 339 et s.
- représentation des parties, 340.
- saisine, 240.

U.

Usages, 23.

V.

Visa, 68.
Voies de recours, 342 et s., 380.
V.R.P. (voyageurs, représentants,
placiers), 49, 56.

631
632
INDEX ALPHABETIQUE : LIVRE II
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

A - rémunération, 529.
- assimilations légales, 531.
Accidents de trajet Assurance : 473, 508.
- définition, 561. - décès, 594.
- détour, 564. - d’entreprise, 523, 525.
- interruption, 564. - invalidité, 473, 592 et s.
- déplacement, 563. - facultative continuée, 521.
Accidents du travail - maladie, 473.
- définition, 561 et s. - maternité, 473.
- conditions de fond, 650 et s. - obligatoire, 519, 520.
- conditions de forme, 565. - vieillesse, 484, 492, 586.
- décès, 565, 576. - volontaire, 521.
- déclaration, 565. Assurances sociales, 471, 480.
- expertise et enquête, 565.
- faute inexcusable, 580. B
- faute intentionnelle, 579.
- faute lourde, 578. Beveridge, 479 et s.
- présomption, 636. Bismarck, 474.
v. rentes, indemnité journalière. Branche : 550,
Accords v. conventions - autonomie financière, 556.
Action sanitaire et sociale, 608. - équilibre, 556.
- action sanitaire, 614. - des pensions, 581 et s.
- fonds d’action sanitaire et sociale, - des prestations familiales, 598 et s.,
615. 634.
Affiliation : v. immatriculation - des risques professionnels, 550 et s.,
Agents de l’Etats, 632, 635, 646. 633.
Aide sociale, 614. Bénéficiaire, 584, 596.
Allocataire, 600.
Allocations C
- familiales, 599.
- funéraires, 576, 597. Caisse nationale de sécurité sociale
- de vieillesse, 592. - administration, 537 et s.
- de survivants, 594. - gestion, 555 et s.
- prénatales, 599. - statut juridique, 538.
v. assurance vieillesse, prestations - tutelle, 541 et s.
Appareillage, 567, 624. v. financement
Attributaire, 600. C.I.P.R.E.S., 649
Assistance, 473, 508. Commission :
Assujettissement - d’appareillage, 624.
- critères, 527. - de recours gracieux, 622.
- subordination, 528. Comité

633
- technique national consultatif F
d’hygiène et de sécurité (CTNCHS),
572, 611. Faute v. Accident du travail
- de santé et de sécurité, 611. Financement :
Compensation (système de), 546, 641. - de la sécurité sociale, 510.
Consolidation, 571. - techniques de financement, 545 et s.
Contentieux : 619 et s. - contributif, 511.
- général, 620 et s. Fonctionnaires, 522.
- technique ou médical, 624. v. agents de l’Etat, retraite
- autres contentieux, 624. Fonds d’action sanitaire et sociale
Cotisations, 548 et s. v. action sanitaire et sociale
- assiette, 549. Frais funéraires, 557.
- débiteur, 551, 623.
- déclaration, 552 G
- majoration, 554.
- paiement, 552, 554. Généralisation de la sécurité
- plafond, 549, 571. sociale, 479 et s.
- plancher, 549. Gestion séparée v. branches
- recouvrement, 551 et s. Gratifications v. rémunération
- remboursement, v. ce mot Guérison v. consolidation
- taux, 550.
Contrainte, 623, 627. H
- mise en demeure, 623.
- ordre de paiement, 623. Harmonisation, 652.
Contrôle : 616. v. coordination
- inspecteur du travail, 617. Hospitalisation, v. soins
- contrôleurs de la CNSS, 552, 618. Hygiène et sécurité, 610
- du paiement v. aussi paiement
Conventions internationales : I
- bilatérales, 507, 643 et s.
- multilatérales, 505, 647. Immatriculation : 532 et s.
- régionales, 506, 648 et s. - de l’employeur, 533.
- accords inter-caisses, 643, 646. - des transporteurs, 534.
- arrangement administratif, 644. - du travailleur, 534.
Conventions collectives, 503. Incapacité :
Convention OCAM, 648. - allocation d’incapacité, 573.
Coordination, 629, 639. - permanente partielle, 572.
- permanente totale, 572.
D - temporaire, 571.
v. rente, allocation
E Indemnité journalière, 571.
Invalidité : v. assurance
Enfant à charge, 591, 601.
Expertise médicale, 624.

634
J - sanctions du non paiement, 554.
v. recouvrement,
Juridiction Pension
- administrative, 627. - anticipée, 589, 591.
- civile, 626. - de réversion, 594.
- pénale, 625. - d’invalidité, 585, 635.
- du travail, 619 et s. - de vieillesse, 591.
- majoration, 586.
K - révision, 586.
Placement des fonds, 557.
L Prestations : 560, 586.
- contributives, 511.
M - en nature, 569, 614.
Maladie - en espèces, 571.
- assurance maladie, 473, 489. - familiales, 591.
- liste des maladies, 566. - non contributives, 632.
- professionnelle, 566. Prévention, 608 et s.
Maternité
- aide à la mère et au nourrisson, 604. Q
- allocations familiales, 599, 606.
- allocations prénatales, 599, 605. R
- congé de maternité, 607.
- indemnité journalière554, 607. Réadaptation, 570
- prestations, 603. Reclassement, 570
- soins, 604. Recours contentieux, 590, 623.
- visites médicales, 603. Recours gracieux, 590.
Mise en demeure, v. contrainte Rééducation professionnelle, 570.
Mutualité, 473 et s. Régime : 400, 482, 513, 522.
Mutuelle, 523 et s. - unique, 519, 548.
- de retraite des agents de l’Etat, 635
N Remboursement
- de cotisations, 593, 635.
Non-discrimination, 516. - de frais, 579
Rémunération, 529.
O Rente
Organisme - d’incapacité permanente, 572.
- débiteur, 644. - majoration, 574.
- payeur, 644. - rachat, 575.
OST, 611. - révision, 574.
v. incapacité
P Réserves, 555, 556, 649.
Paiement : Retraite
- bulletin de paie, 552. - âge limite de, 588.
- modalités, 640. - anticipée, 589.
- registre des paiements, 552. - des agents de l’Etat : v. régime

635
Risques sociaux - médicaux, 569, 645.
- notion, 470, 475, 511, 513. Survivants, 575, 638.
- prévention, 610.
T
S
Trajet v. accident de trajet
Sécurité sociale Tripartisme, 517.
- notion, 469 et s., 457 et s. Tribunal du travail
- historique, 476 et s., 483 et s. - compétence, 621.
- naissance et évolution, 483 et s. - procédure devant le tribunal, 623.
- sources, 498 et s.
- caractères, 487 et s., 515, 516. U
- champ d’application, 488, 489, 519. Usure prématurée des facultés, 589.
- principes généraux, 508 et s., 514 et Uniformisation v. coordination
s.
V
Soins, 522, 569. VRP, 569.

636
TABLE DES MATIÈRES

Pages
Listes des abréviations 3

LIVRE I : DROIT DU TRAVAIL 7

INTRODUCTION GENERALE 9
I – DEFINITION ET HISTORIQUE 9
A – DEFINITION 9
B - LES ORIGINES DU DROIT DU TRAVAIL 10
C – LA NAISSANCE DU DROIT DU TRAVAIL
EN AFRIQUE FRANCOPHONE 12
1) L’esclavage 12
2) Le travail forcé 13
3) L’émergence du droit du travail après la seconde guerre mondiale 15

II - LES CARACTERES DU DROIT DU TRAVAIL 16

A – LE CARACTERE EVOLUTIF 16
B – LE CARACTERE PROGRESSISTE ET IMPERATIF ² 17
C – LE CARACTERE AMBIVALENT 18
D – LE PARTICULARISME DU DROIT DU TRAVAIL 19

TITRE I - LES SOURCES DU DROIT DU TRAVAIL 21

CHAPITRE I - LES SOURCES INTERNES 23


SECTION I - LES SOURCES PUBLIQUES 23
§ 1 - La constitution 23
§ 2 - La loi 24
§ 3 - Les règlements 24
§ 4 - La jurisprudence 25
SECTION II – LES SOURCES PROFESSIONNELLES 27
§ 1 - Les conventions collectives 27
§ 2 - Les usages 29
§ 3 - Le règlement intérieur 29

CHAPITRE II - LES SOURCES INTERNATIONALES 31


SECTION I – LES ACCORDS BILATERAUX 31
SECTION II : LES ACCORDS REGIONAUX 32

637
SECTION III – LES CONVENTIONS UNIVERSELLES 35
§ 1 - Organisation et fonctionnement de l’OIT 36
A – LA CONFERENCE GENERALE OU CONFERENCE
INTERNATIONALE DU TRAVAIL (CIT). 36

B – LE CONSEIL D’ADMINISTRATION 36
C – LE BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL 37
D – LES ORGANES AUXILIAIRES 37
§ 2 - Le rôle de l’OIT 38
A – LES CONVENTIONS 38
B – LES RECOMMANDATIONS 40
C – LE CONTRÔLE DE L’APPLICATION DES NORMES 41
§ 3 - L’influence de l’action de l’OIT sur les droits africains du travail 42

TITRE II - LES RELATIONS INDIVIDUELLES


DE TRAVAIL 45

SOUS/TITRE I - LE CONTRAT DE TRAVAIL 47


CHAPITRE I - DEFINITION ET CRITERES
DU CONTRAT DE TRAVAIL 49

SECTION I – LES CRITERES DU CONTRAT DE TRAVAIL 51


§ 1 - L’activité professionnelle ou prestation de travail 52
§ 2 - La rémunération ou salaire 52
§ 3 - Le critère de la subordination 53
A – LA NOTION DE SUBORDINATION JURIDIQUE 53
B – LA NOTION DE DEPENDANCE ECONOMIQUE 55
SECTION II – LA DISTINCTION DU CONTRAT DE
TRAVAIL DES CONTRATS VOISINS 56
§ 1 - Intérêt de la distinction 56
§ 2 - Contrat de travail et contrat d’entreprise 57
§ 3 - Contrat de travail et tâcheronnat 58
§ 4 - Contrat de travail et mandat 59
A – LES REPRESENTANTS DE COMMERCE 60
B – LES GERANTS 61
C – LES DIRIGEANTS DE SOCIETE 61
D - L’ACHETEUR DE PRODUITS 62
§ 5 - Contrat de travail et contrat de société 62

CHAPITRE II - LA CONCLUSION DU CONTRAT DE TRAVAIL 65

SECTION I – CONDITIONS GENERALES DE VALIDITE

638
DU CONTRAT DE TRAVAIL 65
§ 1 – Les conditions de fond 65
A – LE CONSENTEMENT 65
B – LA CAPACITE 66
C - L’OBJET ET LA CAUSE 67
§ 2 – Les conditions de forme 68
A - L’ECRIT ET LA DECLARATION 68
B – LA PREUVE DU CONTRAT 70
SECTION II - LES CONTRATS PARTICULIERS OU PRÉVOYANT
DES CLAUSES PARTICULIÈRES 71
§ 1 - Le contrat à l’essai 72
A – DEFINITION 72
B – LE REGIME JURIDIQUE DE L’ENGAGEMENT A L’ESSAI 72
§ 2 - Le stage probatoire 74
§ 3 – La durée du contrat 74
A – LE CONTRAT A DUREE INDETERMINEEE 75
B – LE CONTRAT A DUREE DETERMINEE 75
1) définition 75
2) l e caractère de contrat d’exception 76
3) Le contrat journalier 78
4) Le contrat saisonnier 80
5) Le contrat de travail temporaire 82
C – LE CONTRAT A TEMPS PARTIEL 83
SECTION III – LES CONTRATS ASSIMILES AU CONTRAT
DE TRAVAIL 84
§ 1 - Le contrat d’apprentissage 84
A – DEFINITION DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE 85
B – CONDITIONS DE VALIDITE DU CONTRAT D’APPRENTISSAGE 85
C – OBLIGATIONS DES PARTIES 86
D – LA FIN DE L’APPRENTISSAGE 87
§ 2 – Le contrat de stage 88
A – DEFINITION 88
B - L’OBJET DU CONTRAT DE STAGE 88
C - LES MODALITES DU CONTRAT DE STAGE 89

CHAPITRE III - MODIFICATION, SUSPENSION ET


NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL 91

SECTION I - MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL 91


§ 1 - Modification de la situation juridique de l’entreprise 92
A – CONDITIONS D’APPLICATION 92
1) Le concept de modification de la situation juridique de l’entreprise 92
2) La continuité de l’entreprise 93

639
B – EFFETS DE L’APPLICATION DE L’ARTCLE 95 95
1) Le maintien des contrats individuels 95
2) Le sort des conventions collectives 96
§ 2 - La modification du contrat de travail tenant à la volonté
d’une des parties 96
A – LA MODIFICATION, MESURE INDIVIDUELLE 97
1) La distinction entre modification substantielle et modification
non substantielle 97
2) Les conséquences du refus du travailleur 98
a)La responsabilité de la rupture 99
b) La proposition de modification justifiée du contrat de travail. 100
B – MODIFICATION DU STATUT COLLECTIF 101
1) Le principe : la modification relève du pouvoir de direction
de l’employeur 102
2) Les conditions contraignantes et les aléas de la modification 103
SECTION II - SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL 104
§ 1 - Suspension provenant de l’employeur 105
A – ÉVÈNEMENT S’IMPOSANT Á L’EMPLOYEUR 105
B - SUSPENSION RESULTANT DE LA VOLONTE
DE L’EMPLOYEUR 106
1) La mise à pied disciplinaire 106
2) La mise à pied économique 107
3) Le lock-out 107
§ 2 - La suspension tenant au travailleur 108
A - LA MALADIE DU TRAVAILLEUR 108
1) Conditions de mise en oeuvre de l’effet suspensif 108
2) Les implications de l’effet suspensif 109
B - LA MATERNITE DE LA FEMME SALARIEE 110
C - LA SUSPENSION POUR CAUSES DIVERSES D’ABSENCE
DU TRAVAILLEUR 111
SECTION III - LA NULLITÉ DU CONTRAT DE TRAVAIL 112
§ 1 - Les causes de nullité 112
§ 2 - Les effets de la nullité du contrat 113

CHAPITRE IV - LA RUPTURE DU CONTRAT 115


SECTION I - LES REGLES SIMILAIRES DE RUPTURE 115
§ 1 - Les causes communes de rupture 115
§ 2 - Le rapprochement des modes de rupture 117
SECTION II - LA RUPTURE DU CONTRAT A DURÉE DÉTERMINÉE118
§ 1 - L’interdiction de la rupture unilatérale 118
A – LE PRINCIPE 118
B – LES EXCEPTIONS 118

640
C – LA SANCTION 119
§ 2 - La rupture par l’arrivée du terme 119
SECTION III - LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
À DURÉE INDÉTERMINÉE 120
§ 1 - Les conditions de forme de la rupture 120
A - LA NECESSITE DE L’ECRIT 120
B - LE PREAVIS DE RUPTURE 121
1) Le délai de préavis 122
2) L’indemnité compensatrice de préavis 122
3) Les exceptions au respect du préavis 123
§ 2 - Les conditions de fond de la rupture : rupture abusive et
rupture légitime 124
A – LA RUPTURE ABUSIVE 125
1) Les critères 125
2) La preuve de l’abus 128
B – LA RUPTURE LEGITIME 130
1) Les causes légitimes de rupture 130
2) Les droits du travailleur licencié 131
§ 3 – Les sanctions de la rupture abusive 133
A – LES DOMMAGES ET INTERETS 133
1) Le principe de l’indemnisation selon le préjudice subi 133
2) L’évaluation du préjudice 134
B - LA REINTEGRATION 137
1) La réintégration du travailleur protégé 137
2) La réintégration du travailleur non protégé 138
SECTION IV - LE LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE 139
§ 1 - La notion de licenciement pour motif économique 139
A – DEFINITION 139
B – CHAMP D’APPLICATION 140
§ 2 - La procédure de licenciement pour motif économique 142
SECTION V - DE QUELQUES OBLIGATIONS NÉES DE LA
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 144
§ 1 - Le reçu pour solde de tout compte 144
§ 2 - Le certificat de travail 145
§ 3 - La clause de non concurrence 146

641
SOUS/TITRE II - L’EXECUTION DES RELATIONS
DE TRAVAIL 149

CHAPITRE I - LA PRESTATION DE TRAVAIL 151


SECTION I : LES OBLIGATIONS DU TRAVAILLEUR 151
§ 1 - Prestation personnelle 151
§ 2 - L’exécution consciencieuse 151
§ 3 - L’exécution loyale 152
SECTION II - LES POUVOIRS ET LES RESPONSABILITÉS DU
CHEF D’ENTREPRISE 153
§ 1 - Le pouvoir de direction de l’employeur 154
§ 2 - Le pouvoir réglementaire 155
A – L’OBJET DU REGLEMENT INTERIEUR 156
B – LE FONDEMENT DU REGLEMENT INTERIEUR 157
C – L’ENCADREMENT DU REGLEMENT INTERIEUR 157
§ 3 – Le pouvoir disciplinaire 159
A – LE FONDEMENT DU POUVOIR DISCIPLINAIRE 159
B – LE CONTRÔLE DE L’EXERCICE DU POUVOIR DISCIPLINAIRE 159
1) L’existence de la faute 159
2) La gravité de la faute 160
3) La proportionnalité de la sanction 160
§ 4 – Les obligations et la responsabilité du chef d’entreprise 161
A – LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR 161
B – LA RESPONSABILITE DE LEMPLOYEUR 162
1) La responsabilité civile 162
2) La responsabilité pénale 163

CHAPITRE II – LES CONDITIONS DE TRAVAIL 165


SECTION I - LA DUREE DU TRAVAIL 165
§ 1 - Les durées hebdomadaire et journalière 165
A – LA DUREE LEGALE 165
B – LE TEMPS DE TRAVAIL EQUIVALENT. 166
§ 2 - Les heures supplémentaires 167
§ 3 - Le repos hebdomadaire et les congés 168
A – LE REPOS HEBDOMADAIRE 168
B- LE CONGE ANNUEL 169
C – LES FÊTES LEGALES 171
SECTION II – LA PROTECTION SPECIALE DE CERTAINES
CATEGORIES DE TRAVAILLEURS 171
§ 1 – La protection de la femme salariée 172
A – LA PROTECTION DE LA SANTE ET DE LA MATERNITE 172

642
B – LA PROTECTION DE LA FEMME DANS L’INTERÊT
DU NOURRISON 173
C – L’INTERDICTION DU HARCELEMENT SEXUEL 173
§ 2 – La protection des enfants et des adolescents 174
A – L’ÂGE D’ADMISSION A L’EMPLOI 174
B – LA REGLEMENTATION DE LEUR EMPLOI 174
§ 3 – La protection des handicapés 176
SECTION III – LES CONDITIONS D’HYGIENE ET
DE SECURITE 176
§ 1 – La prévention des risques professionnels 177
A – LES MESURES COLLECTIVES DE PROTECTION 177
B – LES MESURES INDIVIDUELLES DE PROTECTION 178
C – L’INFORMATION SUR LES RISQUES 178
§ 2 – Les services médicaux et sociaux 178
§ 3 – Les organes de prévention 179

CHAPITRE III – LA REGLEMENTATION PORTANT


SUR LE SALAIRE 181
SECTION I - LES ELEMENTS DE LA REMUNERATION 182
§ 1 - La forme de la rémunération de base 182
A – LE SALAIRE AU TEMPS 182
B – LE SALAIRE AU RENDEMENT 183
1) Le salaire aux pièces ou à la tâche 183
2) La rémunération par commissions 183
3) Les restrictions au recours au salaire au rendement 184
§ 2 - Les accessoires du salaire 185
A – LES AVANTAGES EN NATURE 185
B – LES AVANTAGES EN ESPECES 186
1) Les gratifications 186
2) Les primes 188
3) Les indemnités 189
4) Les pourboires 189
SECTION II - LA FIXATION DU TAUX DU SALAIRE 190
§ 1 – Le principe de négociation et le rôle des conventions collectives 190
A – L’INTERET DE LA NEGOCIATION COLLETIVE 190
B – LA MARGE DE LIBERTE DE NEGOCIATION INDIVIDUELLE 191
§ 2 - Le respect du principe d’égalité et du SMIG 191
A – LE PRINCIPE D’EGALITE 192
B – LE SMIG 194
SECTION III - LES MODALITES DE PAIEMENT DU SALAIRE 196
§ 1 – La monnaie de paiement 197
§ 2 – Le lieu et la périodicité du paiement 197

643
A – LE LIEU ET L’HEURE DE PAIEMENT 197
B – LA PERIODICITE DU PAIEMENT 198
§ 3 - Le contrôle du paiement 198
A – LE BULLETIN DE PAIE ET LE REGISTRE DES PAIEMENTS 199
B – LES DELAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION EN PAIEMENT 200
1) Le principe de la prescription biennale 200
2) L’exception capitale : le point de départ du délai 201
SECTION III – LA PROTECTION DU SALAIRE 203
§ 1 – Les retenues sur salaires 203
A – LES PRÉLEVEMENTS OBLIGATOIRES 203
B – LES RETENUES AUTORISEES 204
1) Les remboursements de fournitures 204
2) Les avances 204
3) Les compensations 206
§ 2 – Les cessions et saisies-arrêts 207
§ 3 – Les privilèges sur le salaire 208
A – LE PRIVILEGE GENERAL 209
1) Les bénéficiaires et les créances garanties 209
2) La portée du privilège général 209
B – LE SUPERPRIVILEGE 210
1) La portée du super privilège 210
2) La procédure accélérée de paiement 211
C – AUTRES PRIVILEGES ET DROITS D’ACTION
DU TRAVAILLEUR 211

TITRE III - LES INSTITUTIONS DU TRAVAIL 213

SOUS -TITRE I – LES INTITUTIONS ADMINISTRATIVES


DU TRAVAIL 215

CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE DU


DEPARTEMENTMINISTERIEL 219
SECTION I - LES SERVICES CENTRAUX 219
§ 1 - La direction générale du travail et de la sécurité sociale 220
§ 2 – La direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle 221

SECTION II – LES SERVICES DECONCENTRES


ET DECENTRALISES 222
§ 1 – Les services déconcentrés 222
§ 2 – Les structures rattachées 223

644
CHAPITRE II - L’INSPECTION DU TRAVAIL 225
SECTION I – LES ATTRIBUTIONS DE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL 225
§ 1 – Les fonctions de gestion administrative 226
A – LA GESTION ADMINISTRATIVE 226
B - L’INFORMATION ET LES CONSEILS 227
§ 2 – Le contrôle de l’application de la réglementation 228
§ 3 - La conciliation des parties en cas de différend 229
SECTION II – LES POUVOIRS ET SUJETIONS DE
L’INSPECTEUR DU TRAVAIL 232
§ 1 - Les pouvoirs de l’inspecteur du travail 232
A – LE LIBRE ACCES DANS LES ENTREPRISES
SOUMISES AU CONTRÔLE. 233
B – LE POUVOIR DE REPRESSION 234
1) La mise en demeure 234
2) La poursuite pénale 235
C – LE POUVOIR D’INFLIGER DES AMENDES 236
D – LE POUVOIR DE DRESSER UN PROCES-VERBAL
EXECUTOIRE 237
§ 3 – Les obligations de l’inspecteur du travail 238
§ 4 – Les délégués et les suppléants de l’inspecteur du travail 240
A – LES CONTRÔLEURS DU TRAVAIL 241
B – LES CHEFS DE CIRCONSCRIPTION ADMINISTRATIVE 241
C – LES INSPECTEURS DES MINES 242
D - L’INSPECTION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL 243
1) La médecine du travail au niveau de l’entreprise 243
2) Le rôle d’inspecteur de la médecine du travail 247

CHAPITRE III - LES INSTITUTIONS


D’ADMINISTRATION DE L’EMPLOI 249
SECTION I – LA POLITIQUE DE L’EMPLOI 250
§ 1 : Le problème du chômage 251

A – LA DIFFICULTE D’EVALUATION DU CHÔMAGE 251


B – LES CARACTERISTIQUES DU CHÔMAGE AU BURKINA FASO 252
1) Les traits généraux 252
2) Le caractère structurel du chômage au Burkina Faso 253
§ 2 – L’émigration 255
§ 3 - Les réponses : la formation professionnelle et la promotion
de l’emploi 256

645
A - L’ABSENCE DE POLITIQUE EXPLICITE EN MATIERE
D’EMIGRATION 257
B – LES ACTIONS EPARSES DES DIFFERENTES STRUCTURES 258
C – LE CADRE STRATEGIQUE DE PROMOTION
DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 259
1) La formation professionnelle 260
2) La promotion de l’emploi 261
SECTION II - L’AGENCE NATIONAL DE LA PROMOTION DE
L’EMPLOI 262
§ 1 - Organisation et fonctionnement 262
§ 2 - Les attributions de l’ANPE 263
A – LE CONTRÔLE DE L’EMPLOI 264
B – LE PLACEMENT DES TRAVAILLEURS 265
1) Le placement hors du territoire national 265
2) Le placement à l’intérieur du territoire national 266
C - LA FORMATION, L’INFORMATION ET LES CONSEILS 267
D – LA LIBERALISATION DU PLACEMENT 267
1) La distinction entre les entreprises de travail temporaire et les bureaux
ou offices de placement 268
2) Les conditions d’ouverture de bureau de placement ou d’entreprise
de travail temporaire 270
SECTION III – LES ORGANISMES PUBLICS DE
FINANCEMENT DE L’EMPLOI 271
§ 1 - Les fonds de promotion de l’emploi 272
§ 2 - Le Programme national d’appui aux travailleurs
déflatés (PNAR-TD) 273

CHAPITRE IV – LES ORGANISMES CONSULTATIFS 277


SECTION I – LA COMMISSION CONSULTATIVE
DU TRAVAIL 277
§ 1 - Le rôle de la commission 277
§ 2 - La composition de la commission 278
§ 3 – le fonctionnement de la commission 279
SECTION II – LE COMITE TECNIQUE NATIONAL CONSULTATIF
D’HYGIENE ET DE SECURITE (CTNCHS) 280
§ 1 - Le rôle du CTNCHS 280
§ 2 - La composition du CTNCHS 281
§ 3 - Le fonctionnement du CTNCHS 281
SECTION III – LA CONVENTION NATIONALE DU TRAVAIL 282

SOUS -TITRE II – LES JURIDICTIONS DU TRAVAIL 285

CHAPITRE I - L’ORGANISATION ET LES COMPETENCES


DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 287

646
SECTION I - L’ORGANISATION DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 287
§ 1 - La composition du tribunal 287
§ 2 : La désignation des assesseurs 288
SECTION II – LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 289
§ 1 - La compétence territoriale 289
A – LE PRINCIPE 289
B - LES EXCEPTIONS 289
§ 2 - La compétence d’attribution 290
A – LES PARTIES 291
B - LE CARACTERE INDIVIDUEL DU LITIGE 292
C – LE DOMAINE DU LITIGE 293

CHAPITRE II - LA PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS


DU TRAVAIL 295

SECTION I – LA PROCEDURE DEVANT LE TRIBUNAL


DU TRAVAIL 295
§ 1 - La saisine du tribunal 295
§ 2 - Le jugement 296
SECTION I- LES VOIES DE RECOURS 298
§ 1 - L’opposition 298
§ 2 - L’appel 298
§ 3 - Le recours en cassation 299

SOUS -TITRE III - LES INSTITUTIONS PROFESSIONNELLES 301

CHAPITRE I - LE SYNDICAT 303


SECTION I – APERCU SUR LE MOUVEMENT SYNDICAL 303
§ 1 - Les tendances du mouvement ouvrier 304
§ 2 - Le syndicalisme international 305
A – AVANT LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE 305
B – APRES LA DEUXI7ME GUERRE MONDIALE 306
§ 3 - Le syndicalisme africain 306
SECTION II – LE SYNDICALISME BURKINABE 308
§ 1 – la multiplicité des centrales et syndicats autonomes 308
§ 2 – Les traits du syndicalisme burkinabè 309
SECTION III – LE STATUT DU SYNDICAT 311
§ 1 - La constitution de syndicat 312
A – CONDITIONS DE FOND 312
1) La composition du syndicat 312
2) La capacité des membres 313
B – CONDITIONS DE FORME 313
C – L’ORGANISATION DU SYNDICAT 314
§ 2 - La liberté syndicale 315

647
A – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT ET L’ETAT 315
B – DANS LES RAPPORTS AVEC L’EMPLOYEUR 316
C – DANS LES RAPPORTS ENTRE LE SYNDICAT
ET LE TRAVAILLEUR 317
SECTION IV - L’ACTIVITE DU SYNDICAT 317
§ 1 – Le principe de spécialité du syndicat 317
§ 2 – Les domaines d’action du syndicat 319
A – LES ACTIVITES ECONOMIQUES ET SOCIALES DU SYNDICAT 319
B - L’ACTION EN JUSTICE 319
C - L’ACTION REVENDICATIVE OU DE PRESSION 320

CHAPITRE II - LA REPRESENTATION DU PERSONNEL DANS


L’ENTREPRISE 323
SECTION I : LE DELEGUE DU PERSONNEL 323
§ 1 – La désignation du délégué du personnel 323
A – LE CHAMP D’APPLICATION 323
B – LA PROCEDURE DE DESIGNATION 325
C – LA DUREE DU MANDAT 326
§ 2 – Les missions du délégué du personnel 326
A – LES ATTRIBUTIONS DU DELEGUE 326
B – LES MOYENS JURIDIQUES ET MATERIELS 327
1) Le crédit d’heures 327
2) La communication avec le personnel 328
3) Les audiences avec l’employeur 328
4) Le local 328
§ 3 – La protection du mandat de délégué 328
A – LA PROTECTION DE LA CARRIERE 329
B – LA PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT 329
C – LES GARANTIES DE REINTEGRATION 330
D – LES RECOURS CONTRE LA DECISION DE L’INSPECTEUR 331
SECTION II – LES AUTRES REPRESENTS DES TRAVAILLEURS
DANS L’ENTREPRISE 333
§ 1 – Les représentants syndicaux dans l’entreprise. 333
A – LE COMITE SYNDICAL ET LA SECTION SYNDICALE 333
B – LE DELEGUE SYNDICAL 334
§ 2 – La protection des divers représentants 335

TITRE IV - LES RELATIONS COLLECTIVES 337


CHAPITRE I - LES NEGOCIATIONS COLLECTIVES
DES CONDITIONS DE TRAVAIL 339
SECTION I – GENERALITES 340
§ 1 - But et caractère 340
§ 2 - Nature juridique 341
§ 3 – L’usage du droit à la négociation collective 343

648
A – L’EXISTENCE DU DROIT A LA NEGOCIATION COLLECTIVE 343
B – LA STAGNATION DES NEGOCIATIONS COLLECTIVES 344
SECTION II - LES CONVENTIONS COLLECTIVES ORDINAIRES
ET LES ACCORDS D’ETABLISSEMENT 346
§ 1 - La convention collective ordinaire 347
A – L’ELABORATION 347
1) Les conditions de fond 347
2) Les conditions de forme 348
B – LE CONTENU DE LA CONVENTION COLLECTIVE 349
1) Le principe de liberté 349
2) Le respect des dispositions d’ordre public 349
C – LA PORTEE DE LA CONVENTION 351
1) Le champ d’application territorial 351
2) Le champ d’application professionnel 351
3) L’adhésion à la convention collective 353
D- LES EFFETS ET LA DUREE DE LA CONVENTION
COLLECTIVE 354
1) La durée de la convention 354
2) Les effets de la convention collective 356
§ 2 - L’accord d’établissement (ou d’entreprise) 357
A – LE CHAMP D’APPLICATION 357
B – LES OBJECTIFS ET LE CONTENU DE L’ACCORD
D’ETABLISSEMENT 359
1) le rôle d’adaptation, d’amélioration et d’innovation 359
2) Le rôle supplétif 359
§ 3 – Les accords collectifs dans les services,
entreprises et établissements publics 360
SECTION III : LES CONVENTIONS COLLECTIVES SUSCEPTIBLES
D’EXTENSION ET LES CONVENTIONS GENERALES 361
§ 1 - LES CONVENTIONS SUSCEPTIBLES D’EXTENSION 361
A – LA PROCEDURE D’ELABORATION 362
B- CHAMP D’APPLICATION ET CONTENU 363
1) Le champ d’application 363
2) Le contenu 363
3) Les conventions annexes 365
C – LA PROCEDURE D’EXTENSION 365
D – LES EFFETS DE L’EXTENSION 366
§ 2 - Les conventions collectives générales ou interprofessionnelles 367
SECTION IV - L’EXECUTION DES CONVENTIONS COLLECTIVES 368
§ 1 – L’interprétation de la convention collective 368
§ 2 – La sanction de la violation de la convention 369
A – LES TYPES DE SANCTIONS 369
B – LES ACTIONS OUVERTES 370
1) L’action collective 370

649
2) L’action individuelle 371

CHAPITRE II - LES DIFFERENDS COLLECTIFS 373


SECTION I – LA NOTION DE DIFFEREND COLLECTIF 373
§ 1 – L’intérêt de la notion : la détermination du mode de règlement 373
§ 2 - La définition du différend collectif de travail 374
A – LES PARTIES AU CONFLIT 375
B – L’ELEMENT OBJECTIF : L’INTERET COLLECTF 375
1) La distinction entre intérêt individuel et intérêt collectif 376
2) Le caractère juridique ou économique du différend 377
3) L’apport du code de 2004 377
SECTION II - LA CONCILIATION ET L’ARBITRAGE 378
§ 1 - La conciliation 379
A – L’OUVERTURE DE LA CONCILIATION 379
B – LE DEROULEMENT DE LA CONCILIATION 380
§ 2 - L’arbitrage 381
A – LA SAISINE 381
B – LE DEROULEMENT DE L’ARBITRAGE 382
C – LE POURVOI EN CASSATION 384
SECTION III – LA SANCTION DE L’INOBSERVATION DE LA
PROCEDURE 385

CHAPITRE III - LA GREVE ET LE LOCK-OUT 387


SECTION I – LES NOTIONS DE GREVE ET DE LOCK-OUT 388
§ 1 - définition de la grève 388
A – L’ARRET DE TRAVAIL 389
B – L’ARRÊT CONCERTÉ ET COLLECTIF 390
C – LE MOTIF : LA REVENDICATION PROFESSIONNELLE 391
1) La revendication préalable 391
2) La distinction entre grève politique et grève professionnelle 392
3) La grève de solidarité 393
§ 2 - Le lock-out 394
A – LOCK-OUT PREVENTIF, DEFENSIF OU DE RETORSION 395
B – LA SITUATION CONTRAIGNANTE 395
SECTION II – LA LICEITE ET LES EFFETS DE LA GREVE 396
§ 1 – La légalité et la licéité de la grève 396
A – LES CONDITIONS DE FOND ET DE PROCEDURE 396
1) Les conditions de fond 397
2) les conditions de procédure 398
B - LES FORMES D’ACTION : LA GREVE ABUSIVE 398
1) La grève tournante et les débrayages répétés 398
2) La grève avec occupation des lieux ou sur le tas 399
3) Le piquet de grève 399
§ 2 – Les effets de la grève 399

650
A – LES EFFETS DE LA GREVE LICITE 400
B – LES EFFETS DE LA GREVE ILLICITE 400
SECTION III – LA GREVE ET LE SERVICE PUBLIC 401
§ 1 – La réquisition de travailleurs relevant du code du travail 402
§ 2 – La réglementation du droit de grève dans le secteur public 403

LIVRE II : DROIT DE LA SECURITE SOCIALE 405


INTRODUCTION 407
I – Le concept de sécurité sociale 408
II – L’évolution du concept 412
III – Historique de la sécurité sociale 414
IV - Vers la généralisation de la sécurit sociale 418
1) L’influence du rapport Beveridge 418
2) L’extension de la sécurité sociale en France 419

TITRE I - HISTORIQUE , SOURCES ET PRINCIPES


DE LA SECURITE SOCIALE BURKINABE 425

CHAPITRE I - HISTORIQUE ET CARACTERES DE LA SECURITE


SOCIALE BURKINABE 427
SECTION I - LA NAISSANCE ET L’EVOLUTION DE LA SECURITE
SOCIALE AU BURKINA FASO 427
§ 1 - La période antérieure au code de 1952 427
A - LA SITUATION AVANT LA SECONDE GUERE MONDIALE 427
B - LA SITUATION APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE 428
§ 2 - L’apport du code de travail de 1952 430
§ 3 - L’évolution après l’indépendance 431
SECTION II – LES CARACTERES DE LA SECURITE SOCIALE AU
BURKINA FASO 432
§ 1 - Le champ d’application restreint de la sécurité sociale en Afrique 432
A – LE CHAMP D’APPLICATION PERSONNEL 432
B - LE CHAMP D’APPLICATION MATERIEL 434
§ 2 - Les corrélations entre sécurité sociale et développement 435
A – LES LIENS ENTRE L4ECONOMIE ET LA SECURITE SOCIALE 435
B – LES RAPPORTS ENTRE SECURITE SOCIALE
ET DEMOGRAPHIE 437
C – LES INTERACTIONS ENTRE SECURITE SOCIALE ET
RAPPORTS SOCIAUX 439
§ 3 - La nécessité d’une approche adaptée de la sécurité sociale 440
A – LA DISCORDANCE ENTRE LES FINS ET LES MOYENS 440
B – LA PROBLEMATIQUE DE L’INTEGRATION DE LA SECURITE
SOCIALE DANS LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE 441
1) La question du monde rural 441

651
2) Le problème de l’extension du système formel de sécurité sociale 342
3) Le problème su secteur informel 342

CHAPITRE II – LES SOURCES DU DROIT DE LA


SECURITE SOCIALE 445
SECTION I - LES SOURCES INTERNES 445
§ 1 - Les sources publiques étatiques 445
A – LA CONSTITUTION 445
B - LA LOI 447
C - LE REGLEMENT 448
D - LA JURISPRIDENCE 448
§ 2 - Les sources professionnelles 449
SECTION II - LES SOURCES INTERNATIONALES 451
§ 1 - Les conventions internationales universelles 451
§ 2 - Les conventions régionales 453
§ 3 - Les accords bilatéraux 454

CHAPITRE III – LES PRINCIPES GENERAUX


DE LA SECURITE SOCIALE 457
SECTION I - LA DIVERSITE DES PRINCIPES
FONDAMENTAUX ET D’ORGANISATION 457
§ 1 - Une organisation centralisée ou décentralisée 457
§ 2 - Des prestations ciblées ou universelles 458
§ 3 - Les principes des systèmes salariaux 459
SECTION II - LES TRAITS DE LA SECURITE SOCIALE
BURKINABE 460
§ 1 - Les traits spécifiques tenant au système de protection professionnelle 460
§ 2 - Les principes généraux communs 462
A – LE PRINCIPE DE LA TERRITORIALITE 462
B - LE CARACTERE D’ORDRE PUBLIC 463
C - LE CARACTERE NON-DISCRIMINATOIRE 463
D - LE PRINCIPE DE GESTION PARTICIPATIVE 464

TITRE II - LE SYSTEME DE SECURITE SOCIALE


BURKINABE 467

CHAPITRE I - L’ORGANISATION GENERALE 469


SECTION I - LE CHAMP D’APPLICATION 469
§ 1 – Le régime général de la loi de 1972 469
A – L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 470
B – L’ASSURANCE VOLONTAIRE OU FACULTATIVE
CONTINUEE 471
§ 2 - Le régime particulier des agents de la fonction publique 472
§ 3 – Les mutuelles et les assurances d’entreprise 474

652
A - LA RARETE DES MUTUELLES 475
B - LES FORMES D4ASSURANCE D’ENTREPRISES 476
SECTION II - L’ENTREE DANS LE REGIME
DE SECURITE SOCIALE 477
§ 1 - Les critères d’assujettissement 478
A – LA SUBORDINATION OU TRAVAIL DEPENDANT 478
B - LA REMUNERATION 480
C - LES ASSIMILATIONS LEGALES 482
§ 2 - L’immatriculation et l’affiliation 484
A – L’IMMATRICULATION DES EMPLOYEURS 484
B – L’IMMATRICULATION DES TRAVAILLEURS 485

CHAPITRE II - L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE


ET FINANCIERE DE LA SECURITE SOCIALE 487
SECTION I - L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE 487
§ 1 - Le cadre institutionnel 487
A – L’AUTONOMIE ET LA GESTION PARTCIPATIVE 487
B - LE STATUT JURIDIQUE DE LA CNSS 488
§ 2 - Les organes de la CNSS 489
A - LE CONSEIL D4ADMINISTRATION 490
B - LA DIRECTION GENERALE 493
§ 3 - La tutelle 494
A – LA TUTELLE TECHNIQUE 494
B - LA TUTELLE FINANCIERE 496
C - LA TUTELLE DE GESTION 496
SECTION II – L’ORGANISATION FINANCIERE DE LA SECURITE
SOCIALE 498
§ 1 - Considérations générales sur le choix des techniques
de financement 498
§ 2 - Le principe du financement par cotisation 500
A - L’ASSIETTE DES COTISATION 500
B - LE TAUX DE COTISATION 503
§ 3 - Le recouvrement des cotisations 507
A LES OBLIGATIONS DE L4EMPLOYEUR 507
B - LE CONTRÔLE DU PAIEMENT 508
C - LE RECOUVREMENT FORCE ET LES SANCTIONS 509
1)L e recouvrement forcé 509
2) Les sanctions du défaut de paiement 510
§ 4- La gestion des fonds de la CNSS 512
A - L’ORGANISATION DE L’AUTONOMIE FINANCIERE
DES BRANCHES DU REGIME 512
B - LA QUESTION DU PLACEMENT DES FONDS 514

653
TITRE III - LES BRANCHES DE LA SECURITE SOCIALE 517

CHAPITRE I - LA BRANCHE DES RISQUES PROFESSIONNELS 519


SECTION I - CONDITIONS D’AMISSION AU BENEFICE
DES PRESTATIONS 519
§ 1 - Conditions en matière d’accident du travail 520
A - CONDITION DE FOND 520
1°) Définition générale 520
2°) La notion de l’accident 522
3°) Le caractère professionnel de l’accident 522
4°) L’interruption ou le détour de trajet 524
B - CONDITIONS DE FORME 524
§ 2 - Conditions en matière de maladie professionnelle 525
SECTION II : LES PRESTATION DE LA BRANCHE DES RISQUES
PROFESSIONNELS 527
§ 1 - Les prestations en nature 528
A - LES SOINS MEDICAUX 528
B - LES FRAIS DE READAPTATION FONCTIONNELLE,
DE REEDUCATION PROFESSIONNELLE ET
DE RECLASSEMENT 528
§ 2 - Les prestations en espèces 529
A - L’INDEMNITE JOURNALIERE EN CAS
D’INCAPACITE TEMPORAIRE 530
B – LA RENTE D’INCAPACITE PERMANENTE 532
1) Les modalités de calcul 533
2) Le versement et les modifications 534
3) Le rachat 535
C – LES DROITS DES SURVIVANTS 535
§ 3 - L’incidence de la faute sur les prestations 536
A – LA FAUTE LOURDE 536
B – LA FAUTE INTENTIONNELLE 537
C – LA FAUTE INEXCUSABLE 537

CHAPITRE II - LA BRANCHE DES PENSIONS 541


SECTION I - LASSURANCE INVALIDITE 542
§ 1 - Les conditions d’admission 542
A – CONDITIONS DE FOND 542
1) L’invalidité 542
2) La qualité de bénéficiaire 543
B – LES FORMALITES A ACCOMPLIR 543
§ 2 - Les prestations 543
SECTION II - L’ASSURANCE VIEILLESSE (OU RETRAITE) 545
§ 1 - Conditions d’admission 546
A – LA VIEILLESSE 546

654
B – LA RETRAITE ANTICIPEE 547
§ 2 - Les prestations 547
A – LA PENSION DE VIEILLESSE 547
B - L’ALLOCATION DE VIEILLESSE 548
C – LE REMBOURSEMENT DE COTISATION 549
SECTION III - LA PENSION OU L’ALLOCATION DE SURVIVANT
(OU DE DECES) 549
§ 1- Conditions tenant à l’assuré 549
§ 2 - Les conditions tenant aux bénéficiaires 550
§ 3 – Les prestations 551

CHAPITRE III - LES PRESTATIONS FAMILIALES


ET DE MATERNITE 553
SECTION I - LES OBJECTIFS DE LA BRANCHE 553
SECTION II - CONDITIONS D’OUVERTURE AU BENEFICE DES
PRESTATIONS FAMILIALES 555
§ 1 - Conditions de fond 555
A – LES CONDITIONS GENERALES 555
B – LES CONDITIONS PARTICULIERES 556
§ 2 - Conditions de forme 557
SECTION II - LES PRESTATIONS 557
§ 1 - Les prestations en nature 557
§ 2 - Les prestations en espèces 558
A – LES ALLOCATIONS PRENATALES 558
B – LES ALLOCATIONS FAMILIALES 558
C – LES INDEMNITES JOURNALIERES DE MATERNITE 559

CHAPITRE IV - LES ACTIONS COMPLEMENTAIRES :


L’ACTION SANITAIRE ET SOCIALE 561
SECTION I - LA PREVENTION DES RISQUES SOCIAUX 562
§ 1 - Le problème de la prévention 562
§ 2 - Le cadre légal et institutionnel 564
A – LE CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE 564
B – LES INSTITUTIONS DE PREVENTION 565
C – LA RÔLE DE LA CNSS 566
SECTION II - L’ACTION SANITAIRE ET LES AIDES SOCIALES 567
§ 1 - L’action sanitaire de la Caisse 567
A – LE SERVICE DES PRESTATIONS EN NATURE 567
B – LA CONTRIBUTION A LA POLITIQUE DE SANTE 568
§ 2 - Les aides sociales 568

CHAPITRE V - LE CONTRÔLE ET LE CONTENTIEUX


DE LA SECURITE SOCIALE 571
SECTION I - LE CONTROLE 571
§ 1 - L’intervention de l’inspection du travail 571

655
§ 2 - Les agents de contrôle de la caisse 572
SECTION II - LE CONTENTIEUX DE LA SECURITE SOCIALE 573
§ 1 - Le contentieux général 573
A - LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DU TRAVAIL 574
1) L’applicabilité des lois et règlements de sécurité sociale 574
a) Les litiges concernant les assurés 574
b) Les litiges concernant les employeurs 574
c) Les différends entre la caisse, les bénéficiaires et les employeurs. 574
2) La portée des décisions 575
B - La PROCEDURE EN MATIERE DE CONTENTIEUX GENERAL 575
1) La commission de recours gracieux 575
2) La procédure devant le tribunal du travail et les recours 576
§ 2 - Le contentieux technique ou d’ordre médical 577
§ 3 - Les autres types de contentieux 579
A – LES JURIDICTIONS PENALES 579
B – LES JURIDICTIONS CIVILES 580
C – LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 581

TITRE IV - LES PROBLEMES DE COORDINATION


OU D’HARMONISATION ENTRE SYSTEMES
DE SECURITE SOCIALE 583

CHAPITRE I - LA COORDINATION ENTRE SYSTEMES


INTERNES DE SECURITE SOCIALE 585
SESTION I - LE REGIME DE PROTECTION SOCIALE
DES AGENTS DE L’ETAT 586
§ 1 - Les statuts des agents de l’Etat 586
§ 2 - Les prestations non contributives 588
A – LES RISQUES PROFESSIONNELS 588
1) Les prestations en nature 589
2) Les prestations en espèces 589
B – LES PRESTATIONS FAMILIALES ET DE MATERNITE 589
§ 3 - Le régime des pensions de retraite et d’invalidité 590
A – LA PENSION D’INVALIDITE 592
B – LA PENSION DE RETRAITE 593
C – LES DROITS DES SURVIVANTS 594
SECTION II - LE SYSTEME DE COORDINATION
ENTRE LES DEUX CAISSES 594
§ 1 - Les modalités de paiements 595
§ 2 - Le système de compensation entre les caisses 595

CHAPITRE II - LA PROTECTION DES


TRAVAILLEURS MIGRANTS 597
SECTION I - LES ACCORDS BILATERAUX OU INTER-CAISSES 598
§ 1 - La convention avec le Mali 598

656
§ 2 - Les traités de travail 599
§ 3 - Les accords inter-caisses. 601
SECTION 1I - LES ACCORDS MULTILATERAUX 602
§ 1 - La convention OCAM 603
A – L’INTERÊT DE LA CONVENTION 603
B – LES FAIBLESSES DE LA CONVENTION 604
§ 2 - La CIPRES 605
A – LES OBJECTIFS 605
B – LES ORGANES 606
C – LES POUVOIRS DE LA CIPRES 606
SECTION III - LES PROJETS D’HAMONISATION DU DROIT
SOCIAL AU SEIN DE l’OHADA ET DE LA CIPRES 608
§ 1 - La notion d’harmonisation 608
§ 2 - Le problème de choix des objectifs et des techniques
d’harmonisation 610

BIBLIOGRAPHIE 613

INDEX ALPHABETIQUES 625

TABLE DES MATIERES 637

657

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