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http://www.librairieharmattan.com
diffusion. harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-05176-8
EAN : 9782296051768
Reine Myreille DJ OTAN G-N GNIA
L'ANCIENNETÉ DU SALARIÉ
EN DROITS FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS
L'Harmattan
PRÉFACE
CORINNE SACHS-DURAND
Professeur à l'Institut du Travail
Université Robert Schuman, Strasbourg
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Al. Alinéa
AJDA Actualité juridique de droit administratif
Art. Article
Ass. plén. Arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation
Bibl. Bibliographie
Bull. Civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de
cassation
c/ Contre
CA Arrêt d'une Cour d'appel
Cass. Cour de cassation
Cass. soc. Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation
CC Convention collective
CCN Convention collective nationale
CCR Convention collective régionale
CE Arrêt du Conseil État
Ch. réun. Arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation
Chron. Chronique
Civ. Arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation
CJCE Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
Concl. Conclusions
CTC Code du travail camerounais
CTF Code du travail français
C.S. Arrêt de la Cour Suprême du Cameroun
CSB Cahiers sociaux du Barreau de Paris
D. Recueil Dalloz
Defrénois Répertoire du notariat Defrénois
Dr. ouv. Le droit ouvrier
Dr. soc. Droit social
esp. Espèce
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
IR Informations rapides du recueil Dalloz
JCP éd. E Juris-Classeur périodique, édition entreprise
JCP éd. G Juris-Classeur périodique, édition générale
JCP S Juris-Classeur périodique, édition sociale
JO Journal officiel de la République française
JOCE Journal officiel des Communautés européennes
JSL Jurisprudence sociale Lamy
n° Numéro
10
Obs. Observations
p. Page
Rép. min. Réponse ministérielle à un parlementaire
RJS Revue de Jurisprudence sociale
RPDS Revue pratique de droit social
s. Et suivants
TA Jugement d'un tribunal administratif
T.G.I. Jugement d'un tribunal de grande instance
T.P.I. Jugement d'un tribunal de première instance
V. Voir
INTRODUCTION
rémunération, par une personne - le salarié - liée à son employeur par un contrat
de travail, a connu et connaît encore une évolution. Actuellement, le rapport
salarial est toujours en pleine mutation s , notamment en ce qui concerne son
élément central, le lien de subordination juridique 6.
4 Se placer en position de subordination dans l'histoire de l'humanité ne
découle pas d'un acte volontaire de l'Homme. Le fait de travailler sous la
direction d'un autre moyennant rémunération est, dans un premier temps, le
résultat d'une perte de symbiose de l'Homme avec la nature qui l'entoure : avec
l'évolution des moeurs et des aspirations sociales, et par ailleurs avec
l'accroissement de la population, l'être humain agit sur la nature
progressivement sans ménagement. Il ne vit plus en harmonie avec les saisons,
acceptant de recevoir de ces dernières des ressources ponctuelles et cycliques,
mais il prend sans restituer, avec une fréquence accrue, d'où un déséquilibre qui
naît entre l'offre et la cadence de la demande 7. Une manifestation de cette
demande sans cesse croissante à la nature, et de l'oeuvre de l'Homme sur cette
dernière, est la révolution industrielle de la fm du 18 ème siècle sur laquelle nous
reviendrons plus loin.
5. De ce fait, c'est seulement plus tard dans l'histoire du travail humain et
de manière plus ou moins forcée, que l'homme mettra sa force de travail au
service de son maître lorsque l'exploitation de la terre ne lui permet plus de
subvenir aux besoins de sa famille.
6 Ainsi, mettre sa force de travail au service d'autrui n'a pas constitué
pour l'homme un acte anodin, voire naturel. Il s'est agi d'un acte de survie. Car
comme le disait BOUVIER—AJAM dans son livre relatant l'histoire du travail
en France, l'acte de se placer dans une situation de subordination juridique pour
un salarié ne constitue pas l'aboutissement d'une discussion égale entre
l'employeur et ce dernier, mais plutôt un simple contrat d'adhésion. «Et
finalement, il faudra bien souscrire, pour ne pas mourir de faim »8.
9 Le terme second ici ne détermine pas forcément la chronologie des évènements tels qu'ils se
sont déroulés selon les populations en présence.
10 C. DIDRY, Naissance de la convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en
France au début du 20èm' siècle, édition de l'école des hautes études en sciences sociales
(EHESS), 2002, p. 192 citant les propos de Karl Marx.
11 Définition du dictionnaire Le Robert, 2002.
12 Dans les développements ultérieurs, il sera toutefois fait un parallèle entre l'ancienneté du
salarié, l'âge qu'il peut avoir et les conséquences de cette situation par rapport aux objectifs de
l'entreprise.
13 Voir à titre d'exemple l'article 08.02.1.1.1 de la convention collective des établissements de
cure, de soins et de garde à but non lucratif modifiée par avenant N/2002-02 du 25/03/2002 agréé
par arrêté du 6/01/2003, JO du 14/01/2003, complétant la CCN du 31/10/1951. Également
l'article 5.4 du protocole N/129 du 9/09/1997 complétant la CCN des centres d'hébergement et de
réadaptation sociale du 15/10/1974.
14
14 Pour une autre étude approfondie de la notion d'ancienneté du salarié, voir la thèse de doctorat
de G. VALLEE, « L'ancienneté en droit du travail français et québécois : une approche de droit
comparé », Institut de travail et de la sécurité sociale, Université Jean Moulin, 1991, 718 pages.
Également : « La notion d'ancienneté en droit du travail français », Droit social 1992, pp. 871-
881 ; F. DUMONT, « L'ancienneté : un critère à géométrie variable », JCP S 2007, n° 26, pp. 11-
15.
15 J-P. RIOUX, La révolution industrielle 1780-1880, éd. du Seuil, 1989.
15
18 Un édit royal de 1749 avait déjà pour préoccupation de lutter contre la désinvolture dont
faisaient preuve certains salariés, qui quittaient souvent l'entreprise sans avoir achevé l'ouvrage
commencé ou sans avoir rendu à l'employeur les avances sur salaires qu'il leur avait accordées.
Voir la thèse de H. BERNARD : Le livret ouvrier, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence,
éd. Rousseau, 1903, p. 5.
17
restait dû, qui était reversé directement à l'ancien employeur par le nouveau
patron par le biais d'une retenue sur salaire ne pouvant excéder 10% du montant
de ce dernier 19 .
20. La conception nouvelle de l'ancienneté a pour but premier la
fidélisation20, un attachement réel de l'ouvrier à l'entreprise indépendamment
de toutes dettes de ce dernier à l'égard de son patron, ce dernier promettant de
récompenser le travailleur du fait de son ancienneté par le versement de diverses
primes dans la majorité des cas et dans certaines hypothèses, par une prise en
charge totale des besoins du salarié, en dehors du cadre de l'entreprise, à l'instar
du système Michelin. La stabilité des salariés assure ainsi une permanence dans
l'organisation et dans la fabrication des produits de l'entreprise.
21. Si l'Europe connaît un essor fulgurant, c'est grâce également aux
nombreuses colonies qu'elle possède notamment en Afrique. La France dès
1914, s'implante au Cameroun, pays dont le droit du travail, - l'un des premiers
à avoir été codifié -, aura tout naturellement un parfum de droit français.
22. Au Cameroun, la notion d'ancienneté intègre le droit du travail après
un long cheminement allant de la colonisation à l'indépendance.
23. Pays de l'Afrique équatoriale, qui s'étend du golfe de Guinée
jusqu'au Lac Tchad, le Cameroun, s'est trouvé tour à tour sous influences,
allemande, britannique et française 21 . En Afrique Sud-saharienne, il a été
«l'unique héritier d'une triple colonisation (..) »22 .
19 Voir pour plus d'informations sur le livret ouvrier la thèse de H. BERNARD : Le livret ouvrier,
préc., pp. 19-30.
20 G. NOIRIEL, Les ouvriers dans la société française, Points Histoire 1986, in «La fidélisation
du personnel par H. MOUSSERON », Droit social 1989, p. 480.
21 Pour un résumé de cette période de l'histoire du Cameroun, voir : MOURRE, Dictionnaire
encyclopédique d'histoire, éd. Bordas, 1996 ; M. Z. NJEUMA, Histoire du Cameroun (XIXe s
début XXe s.), éd. L'Harmattan, racines du présent, 1989, notamment à partir de la page 99.
22 PH. GAILLARD, Le Cameroun, L'Harmattan, Tome 1, 1989, p. 12. Les termes de l'auteur sont
repris mais il faut cependant préciser que le Cameroun n'a jamais eu le statut de colonie.
23 G. B. EDIMO, « Les voies de communication et la politique de mise en valeur du Cameroun
sous mandat français entre 1920 et 1939 », TH.M.F, Paris Lettres, 1991.
18
24
P. VERGNAUD, «La levée de la tutelle et la réunification du Cameroun », Recueil juridique et
politique indépendance et coopération (R.J.P.I.C), 1964, p. 556.
25
En fait d'indépendance, c'est uniquement la partie sous tutelle française qui accède à
l'indépendance le 1' Janvier 1960. Le Cameroun sous tutelle britannique voit se dérouler en son
sein deux référendums. Une partie du territoire opte pour son rattachement avec le Nigeria, tandis
que la seconde choisit le rattachement au Cameroun oriental et obtient son indépendance le 1'
octobre 1960.
26
I. MIEMDJIEM, « Égalité et discrimination en droit du travail camerounais », Thèse, Droit,
Université de Yaoundé II, 1996, p. 39.
27
Comme le fait remarquer un auteur «à leur accession à l'indépendance, sous prétexte de parer
au risque d'un vide juridique, les nouveaux États Africains vont succéder purement et simplement
à l'ordre juridique interne colonial ». B. DJUIDJE, Pluralisme législatif camerounais et droit
international privé, éd. L'Harmattan, 1999, p. 6.
28 Code du travail annoté par V. TCHOKOMAKOUA, P-E. KENFACK, C. SEUNA, J-M.
TCHAKOUA sous la direction de P. G. POUGOUE, PUA, Yaoundé, 1997.
19
29 En 1997, la population camerounaise était évaluée à près de 14 millions d'habitants, voir site
Dossier Cameroun : http://www.cm.refer.orgivigidoc/cm_intro.htm . Actuellement, elle est
estimée à plus de 16 millions d'habitants.
30 B. BOGLA, « La segmentation du marché du travail accroît-elle les possibilités d'emploi ? »
Juridis Info n° 19, 1994, p. 47.
31 M. MACHKAR, « Le secteur informel : un contre modèle de développement ? », Cameroon
Tribune n° 3924 du 21 juillet 1987, p. 6, in Le Cameroun et la crise, renaissance ou blocage par
J. NGANDJEU, Collection Points de vue, L'Harmattan, Paris, 1988. Également : le rapport de P.
G. POUGOUE pour l'OIT, « Cameroun, situation de travail et protection des travailleurs », 1997,
www.ilo.org.
Au niveau mondial, selon un rapport de l'OIT, ce secteur représenterait entre la moitié et les trois
quarts des emplois non agricoles dans les pays en voie de développement, bien qu'il connaisse
également une recrudescence dans les pays riches, comme le souligne un article des Dernières
Nouvelles d'Alsace du 15 juin 2002, intitulé « les pays riches gagnés par l'économie informelle »,
p. 7 de la rubrique Monde. Voir également le livre de J-P. GOUREVITCH, Économie informelle.
De la faillite de État à l'explosion des trafics, éd. Le Pré aux Clercs, Essai, 2002.
32 J. M. ANTAGANA MEBARA, J.Y. MARTIN, C. TA NGOC, Éducation, emploi et salaire au
Cameroun, Paris Unesco 1984. Dans ces travaux, l'objectif poursuivi était d'analyser la
corrélation entre l'éducation et l'emploi au Cameroun sur un échantillon de 1450 salariés
travaillant dans 75 entreprises réparties dans diverses branches d'activité. Également ILO,
Ajustement structurel, emploi et rôle des partenaires sociaux en Afrique francophone.
http://www.ilo.org/public/french/employment/strat/publ/etp28.htm.
20
28. Ainsi les chiffres parlent d'eux-mêmes. Alors que nos propos vont
concerner près de 90% de la population active en France 42, au Cameroun, seuls
10% des effectifs, c'est-à-dire environ 560 000 personnes sur les 5,6 millions
d'individus qui composent la population active sur un total de 14 millions,
pourront servir de base aux développements qui vont suivre concernant
l'ancienneté du salarié.
29. L'analyse de la notion d'ancienneté du salarié se fera par une
approche comparative des législations sociales des deux pays que sont la France
et le Cameroun. Il nous a semblé intéressant de voir comment les législations
sociales des deux pays se sont appropriées d'une part, la question de la
reconnaissance et d'autre part, celle de la récompense légale de l'ancienneté du
salarié en droit du travail. Comme on pouvait s'y attendre, beaucoup de
dispositions du code du travail camerounais sont d'inspiration française. Mais le
droit camerounais aura su se démarquer du droit français dans certains de ses
textes. Une analyse des dispositions conventionnelles puis légales, de la
doctrine et enfin de la jurisprudence des deux pays, sera opérée.
Cette étude permettra de voir, sous un jour nouveau, les implications
d'une notion dont les fondements théoriques sont assez méconnus, en général,
des populations respectives des deux pays et de la population salariale en
particulier, même si l'ancienneté touche tous les domaines de la vie
professionnelle du travailleur, de la conclusion du contrat de travail à la rupture
de ce dernier.
40
B. BOGLA, « La segmentation du marché du travail accroît-elle les possibilités d'emploi ? »
Juridis Info, n° 19, 1994, p. 48.
41 INSEE dernier recensement global de mars 1999 sur le site http:// www.recensement.insee.
42 A. MAZEAUD, Droit du travail, Montchrestien, 4 °' édition, 2004, p. 12.
22
30. Un auteur écrivait que : « Le législateur ne doit pas perdre de vue que
les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ; qu'elles
doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour
lequel elles sont faites; qu'il faut être sobre de nouveautés en matière de
législation, parce que s'il est possible dans une institution nouvelle de calculer
les avantages que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les
inconvénients que la pratique seule peut découvrir »43 . C'est avec cet état
d'esprit que nous proposerons des solutions aux différents problèmes qui
entourent la notion d'ancienneté du salarié aussi bien en droit français qu'en
droit camerounais.
31. Dans une première partie, la notion d'ancienneté du salarié au sein
des droits sociaux des deux pays sera approfondie. Quelle est la conception de
l'ancienneté au coeur des droits français et camerounais? (Première partie). Dans
une deuxième partie, l'ancienneté du salarie sera étudiée sous l'angle du rôle
qui est le sien, au sein des législations sociales des deux pays, dans la
détermination des droits dus aux salariés (Deuxième partie).
PREMIÈRE PARTIE : LA CONCEPTION DE L'ANCIENNETÉ EN
DROIT DU TRAVAIL FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS.
DEUXIÈME PARTIE : LE RÔLE DE L'ANCIENNETÉ DANS
L'ATTRIBUTION DES DROITS AUX SALARIES FRANÇAIS ET
CAMEROUNAIS.
43 Discours préliminaire de Portalis prononcé lors de la présentation du projet de code civil, cité
dans « Le dualisme juridique en Afrique noire francophone. Du droit privé formel au droit privé
informel » par P. NKOU MVODO, Thèse, Strasbourg, 1995, p. V.
44 Pour un aperçu de la prise en compte de l'ancienneté du salarié en 1972, voir : N. ALVAREZ,
« L'ancienneté du travailleur », Revue pratique de droit social (RPDS), n° 325, 1972, pp. 139-
144.
PARTIE I
45 Ce thème avait déjà fait l'objet d'un article en 1970, voir : G. POULAIN, « Le calcul de
l'ancienneté et la discontinuité des services du salarié », Droit social 1970, pp. 223-230. Voir
également G. RAYMOND, « L'ancienneté des services », Dr. soc. 1967, pp. 164-174 ; J.
SAVATIER, « Ancienneté dans l'entreprise », Répertoire de travail Dalloz, 1996, pp. 1-10. Et
plus récemment, F. DUMONT, « L'ancienneté : un critère à géométrie variable », JCP S 2007, n°
26, pp. 11-15.
24
46G. LYON-CAEN, « L'état des sources du droit du travail (agitations et menaces) », Dr. soc.
2001, p. 1031.
CHAPITRE I
47 Claude DIDRY reprenant les propos d'un auteur, énonce que « Les hommes ne sont pas faits
pour des règles, ils ne sont pas faits pour des lois ; ils sont faits pour une infinité de conditions
spéciales, pour trouver leur bonheur dans une infinité de cas particuliers, et les lois ne sont que
des moyennes inertes et imparfaites. (...)(...) J'aime infiniment mieux les usages, ces adaptations
fraternelles qui se font entre gens vivant en contact les uns avec les autres ». Naissance de la
convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en France au début du 20 ème siècle,
EHESS, 2002, pp. 130-131.
48 M. MIQUEL, « L'usage en droit du travail », Thèse, Toulouse, 1974 ; C. AHUMADA, « Les
primes et les usages », RPDS 1985, n° 480, p. 113.
49 C. MOREL, « Le droit coutumier social dans l'entreprise », Dr. soc. 1979, p. 281.
so J. D. REYNAUD,
Les règles du jeu, l'action collective et la régulation sociale, éd. Armand
Colin, 1989, p. 56.
28
Une fois que l'employeur, soit de son propre fait, soit par le fait de
l'acceptation d'une pratique suivie et répétée par les salariés, a laissé s'installer
un usage, celui-ci devient une obligation qu'il lui incombe de respecter ou au
moins de ne pas entraver.
37. Par usage, il faut comprendre une habitude longuement suivie et
pratiquée dans l'entreprise, qui possède les caractéristiques nécessaires et
suffisantes permettant aux salariés de croire qu'ils ont droit à l'avantage en
question. Les caractéristiques indispensables à la reconnaissance d'un usage 5I
provientdfaçs'unrêtelCodcasinu5ût
1941 52
Un arrêt déjà ancien de la Cour de cassation illustre bien les propos ci-
dessus53 . Habitué, et ce depuis trente ans, à accorder aux délégués du personnel
suppléants des heures de délégation égales à ceux des délégués titulaires, un
employeur remet en cause cet avantage, en ne lui reconnaissant la valeur que
d'une simple tolérance jusque-là accordée aux salariés. La Cour de cassation a
décidé que « les juges du fond peuvent déduire des déclarations de l'employeur
à une réunion de délégués du personnel que la pratique, suivie pendant trente
ans, faisant bénéficier les délégués suppléants d'autant d'heures de délégation
que les titulaires constituait un usage et non une simple tolérance ».
38. Ainsi, intégré et pratiqué au sein de l'entreprise, l'usage va être à
l'origine de la création d'un véritable droit coutumier, producteur d'effets
notamment quant à l'ancienneté du salarié. L'usage va créer une sorte de
tradition d'entreprise, de coutume, commune en France et au Cameroun dans
certains domaines.
L'autre source professionnelle ayant supplanté l'usage du fait de son
caractère explicite, qui consacre la prise en compte de la notion d'ancienneté du
salarié, est de nature conventionnelle.
L'étude des conventions 54 et des accords collectifs est utile à l'analyse de
l'ancienneté en droit français 55 et camerounais. Une première approche sera
SECTION I
temps, éd. L'Harmattan, 2000 ; P-H. ANTONMATTEI, Les conventions et les accords collectifs
de travail, Collection Dalloz connaissance du droit, 1996. Pour une approche historique des
conventions collectives voir : C. DIDRY, Naissance de la convention collective. Débats
juridiques et luttes sociales en France au début du zen- siècle, EHESS, 2002.
56 Ces conventions collectives de travail contenues dans le recueil de 1983 étaient et sont encore
pour certaines les suivantes :
- La convention collective nationale des entreprises de travaux publics, du bâtiment et des
activités annexes du 16 juin 1976.
- La convention collective nationale des entreprises agricoles et des activités connexes du 2
septembre 1976.
- La convention collective nationale des entreprises forestières et des activités annexes du 23
octobre 1976 révisée le 26 avril 2002.
- La convention collective nationale des industries de transformation du 27 octobre 1976 révisée
le 12 mars 2002.
- La convention collective nationale de l'industrie automobile et des activités annexes du 28 juin
1977.
- La convention collective nationale de la boulangerie, pâtisserie, biscuiterie et des activités
annexes du 5 juillet 1977.
- La convention nationale des industries polygraphiques du 8 juillet 1977.
- La convention collective nationale de la manutention portuaire du 13 avril 1978 révisée le 15
mars 2000.
30
SECTION II
45. Dans le passé, un auteur disait que : « Le contrat collectif est une
catégorie juridique toute nouvelle et tout à fait étrangère aux catégories
traditionnelles du droit civil. C'est une convention-loi réglant les relations entre
deux groupes sociaux, le régime légal suivant lequel devront être conclus les
contrats individuels entre les membres de ces groupes »60 .
46. Actuellement, dans le code du travail français, selon l'article L. 132-2
du CTF, « la convention ou l'accord collectif est un acte, écrit à peine de nullité
qui est conclu entre :
D'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés
reconnues représentatives (...)
D'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs
(...)».
47. En droit français, le nombre de conventions collectives et d'accords
d'entreprises est bien supérieur à celui du droit camerounais. En 1994, déjà il
était estimé que le nombre des conventions et accords collectifs d'entreprise
s'élevait à plus de 7450 61 . L'étude de la prise en compte de la notion
d'ancienneté que nous allons présenter est issue d'une analyse de 466
conventions et accords collectifs français 62 . Parmi les conventions collectives
qui définissent de manière exhaustive la notion d'ancienneté du salarié, une
quinzaine ont été retenues pour restituer le plus fidèlement le concept
conventionnel d'ancienneté (§1). Puis, nous récapitulerons pour une meilleure
assimilation de la matière les temps de présence recensés à inclure dans
l'ancienneté du salarié (§2).
60 L. DUGUIT, Les transformations- générales du droit privé, Paris, 1920, p. 135, cité par R.
CASTEL, in Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, éd. Fayard,
1995, p. 38.
6I P-H. ANTONMATTEI, Les conventions et les accords collectifs de travail, Collection Dalloz
connaissance du droit, 1996, p. 6.
62 Cette étude de la notion d'ancienneté a pu être menée grâce au concours du code des
conventions collectives d'octobre 2003 des éditions du Droit social. Des mises à jour ont été
faites pour réactualiser le contenu des données initiales.
33
PARAGRAPHE I
contrats de travail successifs'''. Pour les intermittents, elle est décomptée sur
l'ensemble de l'année dès lors que ceux—ci bénéficient du statut de « chargé
d'enquête à garantie annuelle »7 .
56. L'ancienneté fait donc référence ici un à facteur temps. Il s'agit du
temps passé par le salarié au sein d'une ou plusieurs entreprises. C'est
l'ancienneté présente mais également passée dans d'autres entreprises qui est
prise en compte du fait de dispositions conventionnelles allant dans ce sens.
57. De manière radicalement opposée, certaines conventions collectives
ne donnent pas de domaine de définition du temps à considérer comme faisant
partie de l'ancienneté du salarié, mais établissent des équivalences d'heures de
travail ou de présence correspondant à l'ancienneté acquise au cours d'une
année de travail.
58. C'est ainsi que la convention collective des conserveries coopératives
et S.I.C.A. considère que l'ancienneté est acquise pour les travailleurs
saisonniers au cours d'une d'année à raison de 8 mois, 9 mois, 10 mois, 11 mois
et une année entière pour respectivement 1200 heures, 1350 heures, 1500
heures, 1600 heures et enfin 1800 heures de travail. Celle-ci ne pouvant être
supérieure à l'équivalent de 12 mois au cours d'une même année 80 .
59. La convention collective des guides — accompagnateurs du tourisme
quant à elle prévoit qu'une année d'ancienneté est égale à 150 jours de travail.
Si au cours de l'année, le guide a effectué moins de 30 journées de travail,
celles-ci ne sont pas considérées comme incluses dans le décompte de son
ancienneté81 . Celle des guides-interprètes de la région parisienne considère
qu'une année d'ancienneté équivaut à 220 sorties, une journée comptant pour 2
sorties82 .
musique du 15/04/1982 pour les employés et CCN des cadres et agents de maîtrise du 14/06/1979
étendues par arrêté du 27/06/1985, JO du 5/07/1985.
78 Art. 22 in fine de la CCN Téléphériques et des engins de remontées mécaniques, préc.
79 Art. 6 annexe enquêteurs du 16/12/1991 étendue par arrêté du 27/04/1992, JO du 12/05/1992
complétant les dispositions de la CCN des bureaux d'études techniques du 15/12/1987 étendue
par arrêté du 13/04/1988, JO 27/04/1988.
80 Art. 4 bis de la CCN Conserveries, coopératives et S.I.C.A. du 10/03/1970 étendue par arrêté
du 17/11/1971, JO du 7/01/1972, rectificatif du 14/11/1972 et avenant du 26/03/1991 étendu par
arrêté du 11/07/1991, JO du 27/07/1991.
81 Art. 8 de la CCN Tourisme, guides-accompagnateurs et accompagnateurs du 10/03/1966 non
étendue. Voir également, art. 31 in fine de la CCN Tourisme, agence de voyages et de tourisme
du 12/03/1993 étendue par arrêté du 21/07/1993, JO du 1/08/1993 qui assimile pour les contrats à
durée déterminée toute période de 220 jours de travail effectif comme correspondant à une année
d'ancienneté.
82 Art 8 de la CCR Tourisme - guides-interprètes / région parisienne (agences de voyage) du
21/06/1962 non étendue.
36
60. Ces cas révèlent également le fait que, dans certaines conventions
collectives, l'ancienneté du salarié est assimilée à de l'expérience
professionnelle. Dans ces dernières, ce n'est qu'à l'issue d'une période
probatoire considérée comme équivalente à une certaine ancienneté ou après
avoir atteint des obligations de résultat fixées dans les textes conventionnels,
que le salarié est censé avoir acquis une certaine ancienneté.
61. L'ancienneté du salarié, qu'elle soit liée à un critère de temps de
présence au sein d'une ou plusieurs entreprises ou plutôt à celui de l'expérience
professionnelle acquise au travail dans l'exercice de certaines fonctions, est
toujours rattachée à des critères extérieurs au travail au sens strict, déterminés
notamment par les conventions collectives. Pour donner une nouvelle
dimension à la notion d'ancienneté ne serait-il pas envisageable de proposer une
définition de l'ancienneté fondée sur l'activité du salarié et liée au seul fait du
travail ? Dans nos développements futurs notamment à la fin du titre second de
cette première partie, nous tenterons de proposer une définition dans ce sens.
De l'étude de l'ensemble des conventions collectives se dégagent les
temps de présence et/ou de travail au sein de l'entreprise au sens large,
considérés par ces dernières comme faisant partie de la détermination de
l'ancienneté du salarié. Notons que souvent, ces temps pris en compte au titre
de l'ancienneté du salarié sont les mêmes que ceux énoncés par le législateur.
Cependant, les conventions ou les accords collectifs peuvent prévoir des
mesures plus favorables aux salariés sur lesquelles nous reviendrons de manière
détaillée en seconde partie de notre analyse.
PARAGRAPHE II
83
Pour des besoins de lisibilité et de précision, chaque période énoncée comme pouvant faire
partie de l'ancienneté du salarié sera illustrée par la référence à une convention ou deux
conventions collectives qui contiennent des dispositions confortant nos propos. Ces références à
une ou deux conventions collectives ne signifient pas que seules ces dernières contiennent des
dispositions dans ce sens, mais un renvoi à une dizaine de conventions collectives à chaque fois
qu'une proposition est faite, alourdirait considérablement les développements à suivre.
84 Art. 15 bis de la CCN Manutention ferroviaire (entreprises de) du 6/01/1970 étendue par arrêté
du 16/03/1971, JO du 11/05/1971 ; Également, art. 35 de la CCN Transport aérien - personnel au
sol des entreprises du 22/05/1959 étendue par arrêté du 10/01/1964, JO du 21/01/1964, révisée
par avenant N/62 du 10/01/2001 étendue par arrêté du 29/04/2002, JO du 5/05/2002.
88 Art. 20 (ouvriers-employés) de la CCN Cinéma - films - industrie cinématographique —
distribution du 1/03/1973 étendue par arrêté du 18/10/1977, JO du 17/12/1977 ; art. 5 (cadres et
AM) de la CCN Cinéma - films - industrie cinématographique - distribution du 30 juin 1976
étendue par arrêté du 15/04/1977, JO du 29/05/1977.
86
Art. 3 al. 3 de la CCN Cinéma - exploitation cinématographique du 19/07/1984, étendue par
arrêté du 24/10/1986, JO du 25/11/1986.
87 Art. 59 al. 3 de la CCN Produits du sol, engrais et produits connexes (entreprises du négoce et
de l'industrie des) du 2/07/1980 étendue par arrêté du 13/08/1981, JO du 12/09/1981.
88
Art. 10 de la CCN Chimie, industries chimiques du 30/12/1952 étendue par arrêté du
13/11/1956, JO du 12/12/1956 ; Art. 40 al. 2 de la CCN Camping (industrie du) du 13/01/1970
mise à jour le 10/12/1991 et étendue par arrêté du 28/12/1992, JO du 28/01/1993.
38
89
Art. 25 CCN Papiers, cartons et pellicule cellulosique (transformation des) ingénieurs et cadres
du 21/12/1972 non étendue. Également art. 16 al. 2 de la CCN Bois, scieries, négoce et
importation des bois (travail mécanique du) du 28/11/1955 étendue par arrêté du 28/03/1956, JO
du 8/04/1956 et rectificatif du 25/05/1956.
90 La clause de reprise d'ancienneté fera l'objet de développements ultérieurs.
91 Voir à ce sujet, la CCN Établissements privés d'hospitalisation de soins de cure et de garde à
but non lucratif (F.E.H.A.P.) du 31/10/1951 étendue par arrêté du 27/02/1961 et l'avenant
modificatif N/2002-02 du 25/03/2002 agréé par arrêté du 6/01/2003, JO du 14/01/2003, art.
08.02.1.1.1 ; Art. 38 CCN Handicapés, établissements et services pour personnes inadaptées et
handicapées et médecins spécialisés y travaillant du 15/03/1966 mise à jour le 15/09/1976 ; pour
les médecins spécialisés qualifiés au regard de l'ordre des médecins exerçant à temps plein ou à
temps partiel : CCN du 1/03/1979.
92 Les différences pouvant exister en la matière seront analysées dans les développements
ultérieurs concernant les domaines qui font le plus appel à la notion d'ancienneté du salarié et les
avantages accordés aux salariés en fonction de ladite ancienneté.
39
prévues par le législateur qui doivent être prises en compte, même si elles ne
sont pas énoncées dans les textes desdites conventions collectives m°, dès lors
qu'elles sont plus favorables que les dispositions conventionnelles i01 .
100 Ces temps, pris légalement en compte au titre de l'ancienneté du salarié, sont les suivants :
- Les absences pour participer aux campagnes électorales (art. L. 122-24-1 du CTF)
- Les congés mutualistes (art. L. 225-7 du CTF).
- Les congés de représentation (art. L. 225-8 III du CTF)
- Les congés de solidarité internationale (art. L. 225-9 et L. 225-12 du CTF).
- Le congé de solidarité familiale (art. L. 225-15 du CTF).
- Le temps passé en dehors de l'entreprise par les conseillers prud'homaux du collège salarié pour
l'exercice de leur fonction (art. L. 514-1 al. 2 du CTF).
- Le congé de bilan de compétence (art. L. 931-23 du CTF).
- Le congé prévu aux articles L. 931- 28 et L. 931-29 du CTF.
101 Pour un aperçu complet des périodes considérées au sein des conventions collectives comme
incluses dans le calcul de l'ancienneté du salarié, l'étude supplémentaire des conventions
collectives nationales des analyses médicales, de l'automobile, de la chaussure et des articles
chaussants, des combustibles solides, liquides, gazeux et des produits pétroliers, celle du
personnel administratif du football, du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire,
des instruments à écrire, des journalistes, de la meunerie, des papiers cartons et enfin celle des
entreprises de la prévention routière, a été faite. Voir par exemple :
- Art. 14 de la CCN Analyses médicales (laboratoires extra-hospitaliers des) du 03/02/1978
étendue par arrêté du 20/11/1978, JO du 6/01/1979 ;
- Art. 1.13 de la CCN Automobile - (service de 1') commerce-réparation auto, cycle, activités
connexes, formation des conducteurs, contrôle technique du 15/01/1981 étendue par arrêté du
30/10/1981, JO du 3/12/1981 ; Avenant du 31/03/2000 étendu par arrêté du 11/07/2000, JO du
25/07/2000 ;
- Art. 2-18 de la CCN Chaussure et articles chaussants (industrie de la) du 31/05/1968 renégociée
par protocole d'accord du 7/03/1990 étendu par arrêté du 29/10/1990, JO du 1/11/1990 ;
- Art. 17 de la CCN Combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers
(négoce/distribution des) du 20/12/1985 étendue par arrêté du 23/07/1990, JO du 8/08/1990 ;
- Art. 5 CC Football - personnels administratifs et assimilés du 18 et 25/06/1983 mise à jour le
10/01/2004 non étendue ;
- Art. 3.16.2 de la CCN Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12/07/2001
étendue par arrêté du 26/07/2002, JO du 6/08/2002 ; Avenant du 31/01/2006 étendu par arrêté du
5/04/2007, JO du 20/04/2007 ;
- Art. 13 de la CCN Instruments à écrire et industries annexes du 13/02/1973 étendue par arrêté
du 14/09/1973, JO du 5/10/1973 et rectificatif du 20/10/1973;
- Art. 24 de la CCN Journalistes du 1/11/1976 refondue le 27/10/1987 étendue par arrêté du
2/02/1988, JO du 13/02/1988 ;
- Art. 51 de la CCN Meunerie du 16/06/1996 étendue par arrêté du 11/12/1997, JO du
20/12/1997 ;
- Art. 22 de la CCN Négoce de l'ameublement du 31/05/1995 étendue par arrêté du 15/07/2002,
JO du 25/07/2002 ;
- Art. 25 de la CCN Papiers, cartons et pellicule cellulosique (transformation) ingénieurs et cadres
du 21/12/1972 non étendue ;
- Art. 6.05 de la CCN Prévention et sécurité (entreprises de) du 15/02/1985 étendue par arrêté du
25/07/1985, JO du 30/07/1985.
Également :
- Art. 44 de la CCN Hospitalisation privée du 18/04/2002 étendue par arrêté du 29/10/2003, JO du
15/11/2003 ;
41
64. L'étude de la notion d'ancienneté nous révèle que sur l'ensemble des
421 conventions collectives qui ont retenu notre attention - dont un peu moins
de la moitié ont donné un cadre, une définition à l'ancienneté du salarié - celle-
ci l'a été, le plus souvent, par les conventions collectives datant de plus de 15
ans, à l'exception d'une quarantaine conclues au cours des années 90 et
ultérieurement' 02.
Une telle constatation ne doit pas induire que seuls les signataires des
conventions anciennes se sont soucié de donner un cadre à la notion
d'ancienneté du salarié. Le fait est qu'une majorité des conventions collectives
datent de plus de 15 ans. Cependant, parmi les conventions collectives n'ayant
pas donné de cadre précis à la notion d'ancienneté du salarié, il n'y a pas de
différence significative, en termes de chiffres, entre les anciennes et les
nouvelles. La différence de nombre étant inférieure à 10 103 .
La différence constatée entre les conventions collectives antérieures ou
prises en 1990 et celles postérieures à cette date peut s'expliquer par le fait
qu'au sein de celles ayant défini ce qu'il faut considérer comme faisant partie de
l'ancienneté du salarié, figurent la plupart des conventions collectives de la
métallurgie. Ces conventions ont donné une définition à la notion d'ancienneté,
à l'exception de 4 d'entre elles iO4 . Elles représentent à elles seules 71