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L'ANCIENNETÉ DU SALARIÉ

EN DROITS FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS


© L'Harmattan, 2008
5-7, rue de I'Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion. harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-05176-8
EAN : 9782296051768
Reine Myreille DJ OTAN G-N GNIA

L'ANCIENNETÉ DU SALARIÉ
EN DROITS FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS

Préface de Corinne Sachs-Durand

L'Harmattan
PRÉFACE

C'est pour moi un réel plaisir que de préfacer l'ouvrage de Madame


Reine Myreille Djotang-Ngnia.
Elle a eu le courage de s'attaquer à un sujet difficile. Difficile parce qu'il
fait appel aux techniques comparatistes, difficile aussi par manque
d'informations et parfois de matière en droit camerounais.
L'ancienneté intéresse assez peu la doctrine. Elle dégage un parfum de
passé et d'aucuns voudraient l'éliminer des critères d'évolution des
rémunérations et des carrières pour la remplacer par le mérite. Or Madame
Djotang-Ngnia, fervente adepte d'une prise en compte de l'ancienneté du
salarié, pour sa carrière comme pour sa retraite, a su montrer quels pouvaient
être ses avantages, notamment en termes d'incitation à l'emploi.
D'utiles informations sont par ailleurs données sur le droit camerounais,
assez peu connu en France.
J'aimerais ici saluer la ténacité de l'auteur, qui n'a pas craint de lire plus
de 450 conventions collectives françaises et camerounaises, à la recherche de
dispositions sur l'ancienneté ; elle nous propose un système très audacieux de
prise en compte de l'ancienneté, qu'elle illustre par une véritable «maquette ».
Ce système, de mise en oeuvre sans doute un peu complexe, aurait toutefois le
mérite d'être plus juste pour les salariés, parfois licenciés sans ménagements
malgré leur ancienneté, perdant de ce fait tout droit à la reconnaissance d'un
long passé de travail.

CORINNE SACHS-DURAND
Professeur à l'Institut du Travail
Université Robert Schuman, Strasbourg
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Al. Alinéa
AJDA Actualité juridique de droit administratif
Art. Article
Ass. plén. Arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation
Bibl. Bibliographie
Bull. Civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de
cassation
c/ Contre
CA Arrêt d'une Cour d'appel
Cass. Cour de cassation
Cass. soc. Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation
CC Convention collective
CCN Convention collective nationale
CCR Convention collective régionale
CE Arrêt du Conseil État
Ch. réun. Arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation
Chron. Chronique
Civ. Arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation
CJCE Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
Concl. Conclusions
CTC Code du travail camerounais
CTF Code du travail français
C.S. Arrêt de la Cour Suprême du Cameroun
CSB Cahiers sociaux du Barreau de Paris
D. Recueil Dalloz
Defrénois Répertoire du notariat Defrénois
Dr. ouv. Le droit ouvrier
Dr. soc. Droit social
esp. Espèce
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
IR Informations rapides du recueil Dalloz
JCP éd. E Juris-Classeur périodique, édition entreprise
JCP éd. G Juris-Classeur périodique, édition générale
JCP S Juris-Classeur périodique, édition sociale
JO Journal officiel de la République française
JOCE Journal officiel des Communautés européennes
JSL Jurisprudence sociale Lamy
n° Numéro
10

Obs. Observations
p. Page
Rép. min. Réponse ministérielle à un parlementaire
RJS Revue de Jurisprudence sociale
RPDS Revue pratique de droit social
s. Et suivants
TA Jugement d'un tribunal administratif
T.G.I. Jugement d'un tribunal de grande instance
T.P.I. Jugement d'un tribunal de première instance
V. Voir
INTRODUCTION

1. Antoine MAZEAUD se référant au travail, dit de lui qu'il est « le lot


de la condition humaine depuis que l'homme a été chassé du paradis »1 .
2. L'étude de l'ancienneté du salarié ne peut se faire sans une
appréhension de ce qu'est le travail humain, en droit social français et
camerounais. La conception du travail humain a connu deux grandes étapes.
La première fut celle des sociétés traditionnelles dont la pratique du droit
camerounais conserve encore certaines traces. Le travail s'identifie d'abord à un
rite, à une coutume, dont le but est la satisfaction des besoins du clan. Le travail
comporte à l'évidence une dimension sociale. C'est ainsi que dans ces sociétés,
de tout temps, l'homme a d'abord travaillé et travaille parfois encore pour
assurer sa survie, ses besoins vitaux, ainsi que ceux de sa famille, de son clan ou
de son groupe. «Le travail permet de manifester son utilité au groupe. En
dehors de cette action objective, il n'y a pas une autre considération, car l'on
ne travaille pas pour soi. Et la notion de profit ou de rémunération du travail
n'existe pas »2 . Non seulement, il n'y a pas de rémunération mais quand celle-ci
existe, elle est octroyée de manière égalitaire.
Avec le temps, apparaît la deuxième tendance, le travail devient « une
valeur », « une obligation » dont l'objectif premier est la réussite, le bien-être
personnel. Le droit français manifeste ce changement dans son approche de la
notion de travail humain. En effet, le travail est érigé en « valeur » dans le
préambule de la Constitution française de 1946 qui énonce que « Chacun a (...)
le droit d'obtenir un emploi ». En outre, si le travail est perçu comme un droit,
ce texte constitutionnel en fait également un devoir, « une obligation »3 , en ces
termes : « Chacun a le devoir de travailler (..) »4.
3 Cependant, le travail salarié tel qu'il est couramment pratiqué de nos
jours, et dont l'objet est la fourniture d'une prestation de services moyennant

A. MAZEAUD, Droit du travail, Montchrestien, 4 ème édition, 2004, p. 1.


2 I. ONAMBELE NGONO, « La place des petites et moyennes entreprises dans le développement
des pays du tiers monde. L'exemple du Cameroun », Thèse de 3 ème cycle, spécialité sociologie du
développement, Strasbourg, 1984, p. 65.
3 Les termes « valeur » et « obligation » sont empruntés à monsieur MAZEAUD qui les emploie
dans son livre sur le droit du travail, Montchrestien, 4 è''' édition, 2004, p. 1.
4 Alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dont les termes ont été repris par la
Constitution de 1958. Le préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 contient
également des dispositions similaires en ces termes « Tout homme a le droit et le devoir de
travailler ».
12

rémunération, par une personne - le salarié - liée à son employeur par un contrat
de travail, a connu et connaît encore une évolution. Actuellement, le rapport
salarial est toujours en pleine mutation s , notamment en ce qui concerne son
élément central, le lien de subordination juridique 6.
4 Se placer en position de subordination dans l'histoire de l'humanité ne
découle pas d'un acte volontaire de l'Homme. Le fait de travailler sous la
direction d'un autre moyennant rémunération est, dans un premier temps, le
résultat d'une perte de symbiose de l'Homme avec la nature qui l'entoure : avec
l'évolution des moeurs et des aspirations sociales, et par ailleurs avec
l'accroissement de la population, l'être humain agit sur la nature
progressivement sans ménagement. Il ne vit plus en harmonie avec les saisons,
acceptant de recevoir de ces dernières des ressources ponctuelles et cycliques,
mais il prend sans restituer, avec une fréquence accrue, d'où un déséquilibre qui
naît entre l'offre et la cadence de la demande 7. Une manifestation de cette
demande sans cesse croissante à la nature, et de l'oeuvre de l'Homme sur cette
dernière, est la révolution industrielle de la fm du 18 ème siècle sur laquelle nous
reviendrons plus loin.
5. De ce fait, c'est seulement plus tard dans l'histoire du travail humain et
de manière plus ou moins forcée, que l'homme mettra sa force de travail au
service de son maître lorsque l'exploitation de la terre ne lui permet plus de
subvenir aux besoins de sa famille.
6 Ainsi, mettre sa force de travail au service d'autrui n'a pas constitué
pour l'homme un acte anodin, voire naturel. Il s'est agi d'un acte de survie. Car
comme le disait BOUVIER—AJAM dans son livre relatant l'histoire du travail
en France, l'acte de se placer dans une situation de subordination juridique pour
un salarié ne constitue pas l'aboutissement d'une discussion égale entre
l'employeur et ce dernier, mais plutôt un simple contrat d'adhésion. «Et
finalement, il faudra bien souscrire, pour ne pas mourir de faim »8.

5 Voir à ce sujet, C. PUIGELIER, « Salariat », Juris-Classeur 2001, pp. 1-28 ; T. AUBERT-


MONPEYSSEN, « Les frontières du salariat à l'épreuve des stratégies d'utilisation de la force de
travail », Dr. soc. 1997, pp. 616-625 ; F. MEYER, C. SACHS-DURAND, « L'évolution du
rapport salarial. Le droit collectif du travail. Questions fondamentales - évolutions récentes ».
Études en hommage à Madame le professeur SINAY, dir. par F. KESSLER, édition Peter Lang,
Frankfurt am Main, 1994.
6 M. SUPIOT, « Transformation du travail et devenir du droit du travail en Europe », Droit social
1999, pp. 431-437, et spécialement les pages 432 et 433 pour l'évolution du lien de subordination
juridique. Également : D. ZOGRAFOPOULOS, « La distinction entre travail salarié et travail
indépendant en droits français et grec », Thèse, Droit, Strasbourg, 2003.
7 M. BOUVIER-AJAM, Histoire du travail en France depuis la révolution, Librairie générale de
droit et de jurisprudence, Paris, 1969.
8 M. BOUVIER—AJAM, Histoire du travail en France depuis la Révolution, LGDJ, Paris, 1969,
p. 13.
13

7 Dans un second temps 9, ce sont les conquêtes d'un peuple, d'une


nation, par une autre, soit du fait de la guerre ou du fait de la colonisation, qui
vont engendrer la subordination d'un individu à un autre. Car il faut reconnaître
qu'en ce qui concerne le travail humain, passée l'époque primitive, dans le droit
du travail tel qu'il s'est construit, le salariat a été «(...) précédé par le servage
et le servage par l'esclavage. En passant de l'esclavage au salariat, le
travailleur gagne en liberté »I° . Mais il a gagné également en dignité.
Au fil du temps, l'ancienneté sera acquise autrement et sa conception
évoluera également.
8. De nos jours, de façon générale, le terme ancienneté fait référence à ce
qui existe depuis longtemps". L'ancienneté dans le monde du travail serait de
ce fait liée à une certaine durée dans le temps, une pérennité du salarié au sein
de l'entreprise dans laquelle il travaille. Cette durée pourrait aussi coïncider
avec un âge élevé du salarié. Cependant, dans cette étude, on dissociera la
plupart du temps l'ancienneté et l'âge du salarié' 2. Car si une ancienneté élevée
du salarié peut coïncider avec un âge avancé de ce dernier, les deux ne vont pas
toujours de pair dès lors qu'un salarié relativement âgé peut être une nouvelle
recrue au sein de l'entreprise dans laquelle il travaille, et qu'un salarié, qui a
commencé à travailler très jeune, peut avoir acquis à 30 ans une ancienneté
importante.
9. En droit du travail plus particulièrement, l'ancienneté fait référence au
temps passé par le salarié au sein d'une entreprise. L'ancienneté peut également
être décomptée selon le temps passé au sein d'une branche d'activité ou encore
en fonction du temps passé dans l'exercice d'une profession, dans le meilleur
des cas I3 .

9 Le terme second ici ne détermine pas forcément la chronologie des évènements tels qu'ils se
sont déroulés selon les populations en présence.
10 C. DIDRY, Naissance de la convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en
France au début du 20èm' siècle, édition de l'école des hautes études en sciences sociales
(EHESS), 2002, p. 192 citant les propos de Karl Marx.
11 Définition du dictionnaire Le Robert, 2002.
12 Dans les développements ultérieurs, il sera toutefois fait un parallèle entre l'ancienneté du
salarié, l'âge qu'il peut avoir et les conséquences de cette situation par rapport aux objectifs de
l'entreprise.
13 Voir à titre d'exemple l'article 08.02.1.1.1 de la convention collective des établissements de
cure, de soins et de garde à but non lucratif modifiée par avenant N/2002-02 du 25/03/2002 agréé
par arrêté du 6/01/2003, JO du 14/01/2003, complétant la CCN du 31/10/1951. Également
l'article 5.4 du protocole N/129 du 9/09/1997 complétant la CCN des centres d'hébergement et de
réadaptation sociale du 15/10/1974.
14

L'avancement des salariés à l'ancienneté peut également conditionner


l'attribution de droits accordés par l'entreprise aux salariés en fonction du temps
de présence en son sein, quel que soit le poste ou le grade occupe.
10. Quelle que soit l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvions, la
récompense de l'ancienneté sera toujours tributaire d'un rapport de
subordination juridique. En effet, le salarié acquiert des droits liés à son
ancienneté soit au sein de la sphère contractuelle, soit du fait de clauses
conventionnelles qui supplanteront les dispositions contractuelles lorsqu'elles
sont plus favorables, hormis les hypothèses d'accumulation de droits, selon
l'ancienneté, prévues par le législateur. Cependant, une bonne approche de
l'aspect comparatif de la notion d'ancienneté nécessite non seulement un retour
aux contextes historiques l'ayant vu naître, mais également une précision sur les
populations salariales des pays concernés, au sein desquels la notion
d'ancienneté va être étudiée.
11. Les sources historiques de l'ancienneté sont différentes selon que l'on
examine le cas de la France, où la reconnaissance de l'ancienneté du salarié naît
plutôt de la politique des industriels de la métallurgie à la fin du XIXème siècle,
ou que l'on se penche sur le cas du Cameroun qui tient cette pratique tout
naturellement de son héritage teinté d'une triple influence.
12. En France, la notion d'ancienneté du salarié a émergé suite à un
phénomène qui bouleverse tout d'abord l'Angleterre, et plus tard la France et
l'Europe entière au XVIIIème siècle : la révolution industrielle. Cet événement
aura des conséquences non seulement sur le paysage géographique des nations
qui vont le vivre, mais entraînera également un changement radical, ainsi
qu'une vision différente du travail humain.
13. Par révolution industrielle, il faut entendre l'ensemble des
modifications qui surviennent dans le domaine technique en Europe à partir du
dernier tiers du XVIIIème 15 . La première manifestation de ce changement que
l'on qualifie également de « première » révolution industrielle est celle du
charbon et de la vapeur. Ainsi, la production du sol régresse tandis que celle du
sous-sol est en plein essor. Ce phénomène va avoir des conséquences sur le
paysage géographique et humain de l'époque.

14 Pour une autre étude approfondie de la notion d'ancienneté du salarié, voir la thèse de doctorat
de G. VALLEE, « L'ancienneté en droit du travail français et québécois : une approche de droit
comparé », Institut de travail et de la sécurité sociale, Université Jean Moulin, 1991, 718 pages.
Également : « La notion d'ancienneté en droit du travail français », Droit social 1992, pp. 871-
881 ; F. DUMONT, « L'ancienneté : un critère à géométrie variable », JCP S 2007, n° 26, pp. 11-
15.
15 J-P. RIOUX, La révolution industrielle 1780-1880, éd. du Seuil, 1989.
15

14. Les conséquences de cette révolution, en France, sont de deux ordres.


D'une part, va se former une véritable classe ouvrière vouée à l'industrie et
d'autre part, l'aspect physique des villes va également changer.
« On passe parfois brutalement, le plus souvent par des transitions lentes
et difficilement perçues, du vieux monde rural à celui des villes
« tentaculaires », du travail manuel à la machine-outil, de l'atelier à la
manufacture, à 1 'usine »16.
Si l'ouvrier est en principe interchangeable, avec l'évolution des sociétés
et des modes de production notamment en Angleterre puis en France, suite à la
révolution industrielle, deux sortes de travailleurs vont apparaître selon la
spécificité et le travail effectué par les uns et les autres.
15. Claude DIDRY distingue à ce sujet deux types de salariés. Ceux qui
effectuent un travail répétitif participant à une production de masse standardisée
et les salariés qui sont appelés à travailler d'une manière plus pointue du fait de
la spécialisation exigée par leur type de production.
C'est pour pouvoir faire face aux nouvelles exigences des opérations de
transformation que les industriels vont avoir à coeur de s'attacher une main-
d'oeuvre régulière et qualifiée. Avec le temps, le réglage de certaines machines
revient à quelques ouvriers spécialisés, sortes de «professionnels » dominant
les manoeuvres. « La spécialisation correspond à des univers productifs au sein
desquels le savoir-faire et les équipements se construisent par un
approfondissement constant de la connaissance que chacun peut avoir de son
activité : dans ce cas, le monde de production n'est pas « détachable » de la
singularité des personnes et de leur activité » 17. D'où l'attachement des
employeurs à une certaine catégorie de salariés pouvant assurer de manière
régulière une qualité de services déterminés
C'est à travers ce phénomène de spécialisation du mode de production et
surtout c'est grâce à un souci de maintien d'une qualité constante de la
production par le biais du savoir-faire de certains salariés, que la notion
d'ancienneté va apparaître dans le monde du travail.

16J-P. RIOUX, préc., p. 7, citant les propos de Karl Marx.


17C. DIDRY, Naissance de la convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en
France au début du 2Ome siècle, EHESS, 2002, p. 80. Cette spécialisation de certains salariés est
importante notamment en cas de guerre, pour le rapatriement en priorité des uns au détriment
d'autres en vue de la contribution à la production. En effet, la loi du 17 août 1915 accordait une
place primordiale à la qualification des salariés. Elle en distinguait trois catégories de salariés : les
spécialistes appartenant à la profession, l'ouvrier spécialisé et l'ouvrier non spécialisé qui n'avait
pas, selon elle, sa place dans l'usine et qui devait être renvoyé au front. C. DIDRY, préc., pp. 200-
201.
16

16. La prise en compte de l'ancienneté du salarié au sein du monde du


travail naît, de ce fait, dans l'esprit des employeurs, par ce souci d'octroyer des
avantages à des salariés ayant de l'expérience au sein des entreprises, et ceci,
pour assurer une stabilité des plus qualifiés et spécialisés, car de cette stabilité
découle également celle de la production.
17. Ce sont les industriels de la métallurgie, plus précisément, qui auront
l'idée dans un premier temps de récompenser les salariés en fonction de leur
savoir-faire au sein de l'entreprise. Puis, l'idée d'une récompense du salarié va
se détacher de celle de la reconnaissance d'un savoir-faire spécifique, détenu
par une poignée de salariés, pour une récompense liée à la durée du salarié au
sein de l'entreprise. L'idée étant de retenir le salarié aussi longtemps que
possible dans l'entreprise en lui faisant miroiter les avantages liés à son
ancienneté' 8 .

18. Au fil du temps, les avantages attachés à l'ancienneté récompenseront


le salarié qui travaille depuis un certain temps dans l'entreprise. Et la majorité
des avantages accordés aux salariés seront des privilèges octroyés par
l'entreprise. D'où un lien entre l'existence des avantages ainsi accordés et la
santé financière de l'entreprise.
19. Cette prise en compte nouvelle de l'ancienneté est différente de celle
acquise de manière presque forcée par les salariés, en France, dès 1803. Cette
année a marqué l'institution du livret ouvrier établi pour restreindre la libre
circulation des ouvriers français. Pour qu'un ouvrier puisse librement se
déplacer et travailler pour le compte d'un autre employeur, son dernier patron
devait noter sur ce document la date d'entrée et de sortie de son employé et
surtout que le salarié le quittait libre de tout engagement. Le livret ouvrier
devait, par ailleurs, être signé par les autorités locales avec indication de la
prochaine destination. Il ne fut aboli qu'en 1890.
Il a contribué, indirectement, à la sédentarisation d'une importante partie
de la population ouvrière qui, de ce fait, a acquis une certaine ancienneté auprès
des employeurs. Mais très souvent cette ancienneté l'était du fait de
l'impossibilité de quitter son employeur. En effet, peu nombreux étaient les
salariés qui pouvaient prétendre être libres de tout engagement envers leurs
patrons à cause des avances sur salaire versées par les employeurs et dont ils
devaient s'acquitter avant de pouvoir les quitter. Or, c'était l'une des conditions
de leur libre circulation. Quand bien même le précédent employeur libérait le
salarié de son engagement, mention était faite sur le livret de travail de ce qui

18 Un édit royal de 1749 avait déjà pour préoccupation de lutter contre la désinvolture dont
faisaient preuve certains salariés, qui quittaient souvent l'entreprise sans avoir achevé l'ouvrage
commencé ou sans avoir rendu à l'employeur les avances sur salaires qu'il leur avait accordées.
Voir la thèse de H. BERNARD : Le livret ouvrier, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence,
éd. Rousseau, 1903, p. 5.
17

restait dû, qui était reversé directement à l'ancien employeur par le nouveau
patron par le biais d'une retenue sur salaire ne pouvant excéder 10% du montant
de ce dernier 19 .
20. La conception nouvelle de l'ancienneté a pour but premier la
fidélisation20, un attachement réel de l'ouvrier à l'entreprise indépendamment
de toutes dettes de ce dernier à l'égard de son patron, ce dernier promettant de
récompenser le travailleur du fait de son ancienneté par le versement de diverses
primes dans la majorité des cas et dans certaines hypothèses, par une prise en
charge totale des besoins du salarié, en dehors du cadre de l'entreprise, à l'instar
du système Michelin. La stabilité des salariés assure ainsi une permanence dans
l'organisation et dans la fabrication des produits de l'entreprise.
21. Si l'Europe connaît un essor fulgurant, c'est grâce également aux
nombreuses colonies qu'elle possède notamment en Afrique. La France dès
1914, s'implante au Cameroun, pays dont le droit du travail, - l'un des premiers
à avoir été codifié -, aura tout naturellement un parfum de droit français.
22. Au Cameroun, la notion d'ancienneté intègre le droit du travail après
un long cheminement allant de la colonisation à l'indépendance.
23. Pays de l'Afrique équatoriale, qui s'étend du golfe de Guinée
jusqu'au Lac Tchad, le Cameroun, s'est trouvé tour à tour sous influences,
allemande, britannique et française 21 . En Afrique Sud-saharienne, il a été
«l'unique héritier d'une triple colonisation (..) »22 .

En effet, en 1884, l'Allemagne étend son protectorat sur le Cameroun


avec un traité signé le 14 juillet de la même année, entre le Dr Gustav Nachtigal
et le roi Bell. De 1914 à 1916, le Cameroun est conquis par les forces
britanniques et le 20 juillet 1922, il est divisé en deux mandats de la SDN, l'un
français et l'autre britannique 23 .
Ce régime de mandat va durer jusqu'à la mise en oeuvre des Accords de
Tutelle approuvés par l'Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre
1946. La partie orientale du Cameroun se voit confiée à la tutelle de la France,

19 Voir pour plus d'informations sur le livret ouvrier la thèse de H. BERNARD : Le livret ouvrier,
préc., pp. 19-30.
20 G. NOIRIEL, Les ouvriers dans la société française, Points Histoire 1986, in «La fidélisation
du personnel par H. MOUSSERON », Droit social 1989, p. 480.
21 Pour un résumé de cette période de l'histoire du Cameroun, voir : MOURRE, Dictionnaire
encyclopédique d'histoire, éd. Bordas, 1996 ; M. Z. NJEUMA, Histoire du Cameroun (XIXe s
début XXe s.), éd. L'Harmattan, racines du présent, 1989, notamment à partir de la page 99.
22 PH. GAILLARD, Le Cameroun, L'Harmattan, Tome 1, 1989, p. 12. Les termes de l'auteur sont
repris mais il faut cependant préciser que le Cameroun n'a jamais eu le statut de colonie.
23 G. B. EDIMO, « Les voies de communication et la politique de mise en valeur du Cameroun
sous mandat français entre 1920 et 1939 », TH.M.F, Paris Lettres, 1991.
18

et la partie occidentale, à celle du Royaume-Uni 24 . La même année, le


Cameroun devient un État associé de l'Union française, mais dès 1948, le
nationalisme camerounais s'exprime, et malgré les efforts fournis pour écraser
les rébellions, le Cameroun devient indépendant, le 1" janvier 1960 25 .
24. Une grande étape, après l'indépendance du Cameroun, fut le
référendum de mai 1972 qui vit l'unification des parties occidentale et orientale
du pays, respectivement anglophone et francophone. Le pays se transforme d'un
État fédéral, en un État unitaire, mais conserve tout de même son bilinguisme.
A l'aube de l'indépendance, le Cameroun dans le domaine du droit du
travail est l'héritier du code des territoires d'Outre-Mer de 1952. Ce code avait
eu pour mérite de supprimer le système de l'indigénat qui se traduisait par un
traitement différencié des travailleurs autochtones et des travailleurs expatriés.
Il va ériger le principe de l'égalité de traitement pour tous les salariés dans son
article 91 26.
Pour ce qui est du droit en vigueur actuellement, ce sont les grandes
lignes des normes métropolitaines, pour l'essentiel, qui ont été reprises 27 . En
1967, puis 1974, le Cameroun modifiera sa législation du travail. Mais ce sont
les dispositions du code du travail de 1992, le dernier en date, dont il sera
question dans nos développements. Le code du travail camerounais, annoté en
199728, est divisé en deux parties. L'une traite des salariés relevant du « statut
général » et l'autre plus petite, concerne notamment «les agents de
l'Administration relevant du code du travail» qui sont régis par les « statuts
particuliers ». Dès lors, les références qui seront faites aux articles du code du
travail annoté concerneront principalement la première catégorie de salariés et
lorsqu'il s'agira de textes issus de la seconde partie, on précisera leur
provenance.

24
P. VERGNAUD, «La levée de la tutelle et la réunification du Cameroun », Recueil juridique et
politique indépendance et coopération (R.J.P.I.C), 1964, p. 556.
25
En fait d'indépendance, c'est uniquement la partie sous tutelle française qui accède à
l'indépendance le 1' Janvier 1960. Le Cameroun sous tutelle britannique voit se dérouler en son
sein deux référendums. Une partie du territoire opte pour son rattachement avec le Nigeria, tandis
que la seconde choisit le rattachement au Cameroun oriental et obtient son indépendance le 1'
octobre 1960.
26
I. MIEMDJIEM, « Égalité et discrimination en droit du travail camerounais », Thèse, Droit,
Université de Yaoundé II, 1996, p. 39.
27
Comme le fait remarquer un auteur «à leur accession à l'indépendance, sous prétexte de parer
au risque d'un vide juridique, les nouveaux États Africains vont succéder purement et simplement
à l'ordre juridique interne colonial ». B. DJUIDJE, Pluralisme législatif camerounais et droit
international privé, éd. L'Harmattan, 1999, p. 6.
28 Code du travail annoté par V. TCHOKOMAKOUA, P-E. KENFACK, C. SEUNA, J-M.
TCHAKOUA sous la direction de P. G. POUGOUE, PUA, Yaoundé, 1997.
19

Les sources historiques ayant été présentées, il convient d'examiner la


notion d'ancienneté au sein des contextes socio-économiques dans lesquels elle
s'insère, ce qui rend opportune une étude des populations salariales des deux
pays.
25. La population active au Cameroun représente un pourcentage de près
de 40% de la population totale 29 dont une majorité d'agriculteurs. Une partie
non négligeable de Camerounais travaille dans le secteur informel que B.
BOGLA, en citant P. HUGON, qualifie d'« univers occulte », « des activités
non salariées, qui échappent aux moyens d'investigation statistique, non
enregistrés dans les comptes nationaux et qui sont évacués des principaux
systèmes interprétatifs » 30. Selon Michel MACHKAR, cette population
constituerait un groupe qui oscillerait entre 20 à 40% de la population active et
représenterait 10 à 20% de la production du Cameroun, jamais prise en compte
dans le P.I.B 31 . Ce n'est de ce fait qu'une toute petite partie de la population
salariale camerounaise qui va nous intéresser, à savoir, environ 10% de la
population active, population répertoriée et ayant fait l'objet d'études à l'instar
de celle dirigée par J. M. ATANGANA MEBARA32 .
Son étude portait sur un échantillon de 120.758 salariés, chiffre qui
couvrait alors près de la moitié des salariés permanents du pays. L'autre moitié,
exclue de l'étude, étant composée en majorité des membres de la fonction
publique d'une part, et d'employés de petites entreprises familiales, d'autre part.
Cette partie de la population active, non astreinte à une quelconque déclaration
fiscale, ne faisant l'objet d'aucune étude statistique, telle que celle dont les

29 En 1997, la population camerounaise était évaluée à près de 14 millions d'habitants, voir site
Dossier Cameroun : http://www.cm.refer.orgivigidoc/cm_intro.htm . Actuellement, elle est
estimée à plus de 16 millions d'habitants.
30 B. BOGLA, « La segmentation du marché du travail accroît-elle les possibilités d'emploi ? »
Juridis Info n° 19, 1994, p. 47.
31 M. MACHKAR, « Le secteur informel : un contre modèle de développement ? », Cameroon
Tribune n° 3924 du 21 juillet 1987, p. 6, in Le Cameroun et la crise, renaissance ou blocage par
J. NGANDJEU, Collection Points de vue, L'Harmattan, Paris, 1988. Également : le rapport de P.
G. POUGOUE pour l'OIT, « Cameroun, situation de travail et protection des travailleurs », 1997,
www.ilo.org.
Au niveau mondial, selon un rapport de l'OIT, ce secteur représenterait entre la moitié et les trois
quarts des emplois non agricoles dans les pays en voie de développement, bien qu'il connaisse
également une recrudescence dans les pays riches, comme le souligne un article des Dernières
Nouvelles d'Alsace du 15 juin 2002, intitulé « les pays riches gagnés par l'économie informelle »,
p. 7 de la rubrique Monde. Voir également le livre de J-P. GOUREVITCH, Économie informelle.
De la faillite de État à l'explosion des trafics, éd. Le Pré aux Clercs, Essai, 2002.
32 J. M. ANTAGANA MEBARA, J.Y. MARTIN, C. TA NGOC, Éducation, emploi et salaire au
Cameroun, Paris Unesco 1984. Dans ces travaux, l'objectif poursuivi était d'analyser la
corrélation entre l'éducation et l'emploi au Cameroun sur un échantillon de 1450 salariés
travaillant dans 75 entreprises réparties dans diverses branches d'activité. Également ILO,
Ajustement structurel, emploi et rôle des partenaires sociaux en Afrique francophone.
http://www.ilo.org/public/french/employment/strat/publ/etp28.htm.
20

entreprises du secteur privé peuvent faire l'objet, ne pouvait de ce fait faire


partie de P étude 33 .
Contrairement à l'approche faite dans l'étude présentée, étant donné que
c'est l'ancienneté du salarié qui fait l'objet de nos recherches, nous
incorporerons une partie des salariés du secteur public dans les développements.
Seront inclus les salariés qui, malgré le fait qu'ils travaillent au sein
d'entreprises publiques, n'ont pas la qualité de fonctionnaires 34 et ne dépendent
donc pas du statut général de la fonction publique, mais plutôt du code du
travail camerounais, qui y fait référence en utilisant le terme de
« travailleurs »35 .
26. Ainsi, pour les besoins de notre recherche, seront considérés comme
salariés : les salariés agricoles 36, les ouvriers, les employés, techniciens et
cadres, en somme, tous les travailleurs du secteur moderne du travail, dont les
relations sont régies par le code du travail, y compris les salariés de l'État, des
collectivités ou des entreprises publiques à l'exclusion des fonctionnaires 37, des
magistrats, des militaires et des statuts spéciaux de la sûreté nationale et de
l'Administration pénitentiaire 38 .
Par secteur moderne39, il faut entendre en majorité, « le marché du travail
sur lequel opèrent les grandes entreprises industrielles, commerciales et les
services, dominé par le salariat et qui peut assurer à ceux qui y exercent une
activité un emploi et un revenu, stables. C'est donc un marché structuré où le
salaire n'est plus le produit de la seule volonté de l'entrepreneur, mais une
variable du marché déterminée soit par les pouvoirs publics (salaire minimum),

33 P. G. POUGOUE, «La contractualisation des relations de travail : quel débat...pour quel


résultat ? » Juridis-info, n° 2, 1990, p. 67.
34 Voir P. KAMTOH, «Le régime juridique des agents contractuels de l'administration
camerounaise », Mémoire de licence, Yaoundé, 1973 ; A. YOMBI, « Le statut juridique de
l'agent de État relevant du code du travail », Mémoire de maîtrise, Yaoundé, 1985.
35 Le décret du n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixe les dispositions communes applicables à tous
les agents de État relevant du code du travail. Il a été modifié postérieurement par un autre décret
n° 82/100 du 3 mars 1982.
36 La majorité de ces salariés travaillent dans de grands complexes agro-industriels comme dans le
secteur de la banane, à l'instar des salariés du groupe SPNP-SBM-PHP qui jadis était une création
de État et avait pour nom l'OCB (Organisation camerounaise de la banane).
37 11 faut tout de même signaler qu'en vertu de l'article 112 du statut général de la fonction
publique, les fonctionnaires en détachement sont soumis au droit privé et de ce fait aux
dispositions du code du travail camerounais.
38 Article 1 du code du travail camerounais de 1992, p. 3.
39 Pour plus de précisions sur la structure de la population du secteur moderne au Cameroun,
voir : J. M. ANTAGANA MEBARA, J.Y. MARTIN, C. TA NGOC, Éducation emploi et salaire
au Cameroun, Paris, Unesco, 1984, p. 56.
21

soit par les partenaires sociaux (c'est-à-dire offreurs et demandeurs de la force


de travail) »40.
27. Le monde du travail en France a des caractéristiques tout à fait
différentes de celles qui ont été décrites ci-dessus concernant le Cameroun. La
principale raison de cette différence est sans aucun doute le degré
d'industrialisation et de développement de ce pays comparativement au
premier.
En ce qui concerne le salarié français, selon les chiffres du dernier
recensement de la population française de 1999 41 , celui-ci représente la majorité
de la population active en France. En effet, sur un total d'un peu plus de 23
millions de personnes dont est constituée la population active, 87,5% sont des
salariés soit environ 20 millions d'individus, le reste des actifs représentant 12,5
%.

28. Ainsi les chiffres parlent d'eux-mêmes. Alors que nos propos vont
concerner près de 90% de la population active en France 42, au Cameroun, seuls
10% des effectifs, c'est-à-dire environ 560 000 personnes sur les 5,6 millions
d'individus qui composent la population active sur un total de 14 millions,
pourront servir de base aux développements qui vont suivre concernant
l'ancienneté du salarié.
29. L'analyse de la notion d'ancienneté du salarié se fera par une
approche comparative des législations sociales des deux pays que sont la France
et le Cameroun. Il nous a semblé intéressant de voir comment les législations
sociales des deux pays se sont appropriées d'une part, la question de la
reconnaissance et d'autre part, celle de la récompense légale de l'ancienneté du
salarié en droit du travail. Comme on pouvait s'y attendre, beaucoup de
dispositions du code du travail camerounais sont d'inspiration française. Mais le
droit camerounais aura su se démarquer du droit français dans certains de ses
textes. Une analyse des dispositions conventionnelles puis légales, de la
doctrine et enfin de la jurisprudence des deux pays, sera opérée.
Cette étude permettra de voir, sous un jour nouveau, les implications
d'une notion dont les fondements théoriques sont assez méconnus, en général,
des populations respectives des deux pays et de la population salariale en
particulier, même si l'ancienneté touche tous les domaines de la vie
professionnelle du travailleur, de la conclusion du contrat de travail à la rupture
de ce dernier.

40
B. BOGLA, « La segmentation du marché du travail accroît-elle les possibilités d'emploi ? »
Juridis Info, n° 19, 1994, p. 48.
41 INSEE dernier recensement global de mars 1999 sur le site http:// www.recensement.insee.
42 A. MAZEAUD, Droit du travail, Montchrestien, 4 °' édition, 2004, p. 12.
22

30. Un auteur écrivait que : « Le législateur ne doit pas perdre de vue que
les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ; qu'elles
doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour
lequel elles sont faites; qu'il faut être sobre de nouveautés en matière de
législation, parce que s'il est possible dans une institution nouvelle de calculer
les avantages que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les
inconvénients que la pratique seule peut découvrir »43 . C'est avec cet état
d'esprit que nous proposerons des solutions aux différents problèmes qui
entourent la notion d'ancienneté du salarié aussi bien en droit français qu'en
droit camerounais.
31. Dans une première partie, la notion d'ancienneté du salarié au sein
des droits sociaux des deux pays sera approfondie. Quelle est la conception de
l'ancienneté au coeur des droits français et camerounais? (Première partie). Dans
une deuxième partie, l'ancienneté du salarie sera étudiée sous l'angle du rôle
qui est le sien, au sein des législations sociales des deux pays, dans la
détermination des droits dus aux salariés (Deuxième partie).
PREMIÈRE PARTIE : LA CONCEPTION DE L'ANCIENNETÉ EN
DROIT DU TRAVAIL FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS.
DEUXIÈME PARTIE : LE RÔLE DE L'ANCIENNETÉ DANS
L'ATTRIBUTION DES DROITS AUX SALARIES FRANÇAIS ET
CAMEROUNAIS.

43 Discours préliminaire de Portalis prononcé lors de la présentation du projet de code civil, cité
dans « Le dualisme juridique en Afrique noire francophone. Du droit privé formel au droit privé
informel » par P. NKOU MVODO, Thèse, Strasbourg, 1995, p. V.
44 Pour un aperçu de la prise en compte de l'ancienneté du salarié en 1972, voir : N. ALVAREZ,
« L'ancienneté du travailleur », Revue pratique de droit social (RPDS), n° 325, 1972, pp. 139-
144.
PARTIE I

LA CONCEPTION DE L'ANCIENNETÉ EN DROIT DU


TRAVAIL FRANÇAIS ET CAMEROUNAIS

32. Afin de cerner ce que recouvre l'ancienneté du salarié en droit


français et camerounais, une étude de ses sources s'impose pour une meilleure
appréhension de la conception que les deux pays se font de la notion. Cette
approche sera menée par l'examen des sources normatives des droits respectifs,
de natures professionnelles et étatiques. Ainsi, les différentes étapes de son
processus d'intégration dans les droits des deux pays pourront être
appréhendées, nonobstant le fait qu'aucune définition unique et uniforme de
l'ancienneté n'ait été formulée en droit français et camerounais (Titre I).
Puis, nous irons à la recherche d'une définition de l'ancienneté en droit
français et camerounais. Cette recherche sera faite au travers de l'analyse de
contrats de travail et de l'ancienneté du salarié. Dès lors qu'il n'existe pas au
sein des législations respectives une définition établie de l'ancienneté, nous
tenterons de proposer une définition unique de l'ancienneté du salarié en droit
français et camerounais. Cette analyse sera l'occasion de mettre en exergue les
deux principes qui ont joué un rôle dans la volonté de la doctrine de donner un
corps à la notion d'ancienneté, par la délimitation de ce qui pouvait être
considéré ou pas comme faisant partie de son domaine de définition.
L'étude de l'ancienneté du salarié, comme modalité de calcul, va nous
confronter aux notions de la continuité des services 45 puis à celle du travail
effectif. L'ancienneté du salarié sera-t-elle prise en compte en fonction du temps
de services passé par le salarié au sein de l'entreprise, depuis le jour de son

45 Ce thème avait déjà fait l'objet d'un article en 1970, voir : G. POULAIN, « Le calcul de
l'ancienneté et la discontinuité des services du salarié », Droit social 1970, pp. 223-230. Voir
également G. RAYMOND, « L'ancienneté des services », Dr. soc. 1967, pp. 164-174 ; J.
SAVATIER, « Ancienneté dans l'entreprise », Répertoire de travail Dalloz, 1996, pp. 1-10. Et
plus récemment, F. DUMONT, « L'ancienneté : un critère à géométrie variable », JCP S 2007, n°
26, pp. 11-15.
24

embauche jusqu'au moment de la rupture du contrat, ou est ce que ce sont plutôt


les temps de travail effectif ou assimilés à du travail effectif qui prédomineront
dans la détermination d'un système de récompense lié à l'ancienneté, à
l'exclusion des intervalles de temps de travail qui ne sont pas considérés comme
tels ?
Cette démarche ne manquera pas de comporter des difficultés. En effet,
comment proposer une définition de l'ancienneté qui pourrait être appliquée
aussi bien en droit français qu'en droit camerounais, dès lors que des disparités
importantes existent tant au niveau des populations salariales des deux pays,
que des droits qui leur sont accordés en fonction de leur ancienneté (Titre II) ?
TITRE I

LES SOURCES NORMATIVES DE LA NOTION


D'ANCIENNETÉ EN DROIT DU TRAVAIL FRANÇAIS ET
CAMEROUNAIS

33. Gérard LYON-CAEN disait : « s 'il y a un domaine où la stabilité est


habituellement observée, c'est celui des sources du Droit », dont la fonction
serait l'élaboration de règles de droit par opposition au contenu de celles-ci, qui
change de plus en plus au gré de la conjoncture, et ce de façon significative
notamment en droit du travail46. Cependant, dans le domaine qui nous concerne,
on observe un certain immobilisme non seulement des sources de l'ancienneté
du salarié, mais également des dispositions relatives à la notion.
Les sources de la notion d'ancienneté sont de deux ordres. On présentera
dans un chapitre premier les sources professionnelles de l'ancienneté (Chapitre
I), et dans un second chapitre, les sources étatiques de la notion d'ancienneté
(Chapitre II).

46G. LYON-CAEN, « L'état des sources du droit du travail (agitations et menaces) », Dr. soc.
2001, p. 1031.
CHAPITRE I

LES SOURCES PROFESSIONNELLES

34. Les sources professionnelles sont celles issues de l'ensemble des


professions d'un secteur ou d'une branche déterminée. Il s'agit d'une part, des
conventions collectives autour desquelles nous allons centrer nos
développements, et d'autre part des usages 47, c'est-à-dire de la mise en place de
pratiques qui se sont répandues au sein du monde de travail, dont il convient
également d'exposer en quelques mots la place accordée, au sein de ces
derniers, à l'ancienneté.
35. Que ce soit en France ou au Cameroun, la prise en compte de
l'ancienneté du salarié, faute d'avoir été codifiée et définie avec des critères
spécifiques, dès les premières heures de sa pratique, résulte d'un usage.
36. En ce qui concerne la place de l'ancienneté du salarié en termes
d'usage d'entreprise, Christian MOREL dit d'elle qu'elle est un facteur
beaucoup plus important qu'on ne le pense. Et, devant la difficulté de la tâche
que l'employeur rencontre lorsqu'il s'agit d'évaluer le mérite des salariés,
l'ancienneté est un critère plus facile d'utilisation, à tel point que la fréquence
du recours à celle-ci, ainsi que le consensus qui l'entoure, autorisent à y voir
une véritable pratique coutumière.
En effet, selon Jean Daniel REYNAUD : « La constatation est banale
dans une entreprise. Les règles d'avancement qu'applique le chef de bureau
avec la ferme approbation des salariés, sont pour l'essentiel fondées sur
l'ancienneté». Malgré le fait, d'après l'auteur, que la règle affichée soit celle de
l'avancement au mérite5°.

47 Claude DIDRY reprenant les propos d'un auteur, énonce que « Les hommes ne sont pas faits
pour des règles, ils ne sont pas faits pour des lois ; ils sont faits pour une infinité de conditions
spéciales, pour trouver leur bonheur dans une infinité de cas particuliers, et les lois ne sont que
des moyennes inertes et imparfaites. (...)(...) J'aime infiniment mieux les usages, ces adaptations
fraternelles qui se font entre gens vivant en contact les uns avec les autres ». Naissance de la
convention collective. Débats juridiques et luttes sociales en France au début du 20 ème siècle,
EHESS, 2002, pp. 130-131.
48 M. MIQUEL, « L'usage en droit du travail », Thèse, Toulouse, 1974 ; C. AHUMADA, « Les
primes et les usages », RPDS 1985, n° 480, p. 113.
49 C. MOREL, « Le droit coutumier social dans l'entreprise », Dr. soc. 1979, p. 281.
so J. D. REYNAUD,
Les règles du jeu, l'action collective et la régulation sociale, éd. Armand
Colin, 1989, p. 56.
28

Une fois que l'employeur, soit de son propre fait, soit par le fait de
l'acceptation d'une pratique suivie et répétée par les salariés, a laissé s'installer
un usage, celui-ci devient une obligation qu'il lui incombe de respecter ou au
moins de ne pas entraver.
37. Par usage, il faut comprendre une habitude longuement suivie et
pratiquée dans l'entreprise, qui possède les caractéristiques nécessaires et
suffisantes permettant aux salariés de croire qu'ils ont droit à l'avantage en
question. Les caractéristiques indispensables à la reconnaissance d'un usage 5I
provientdfaçs'unrêtelCodcasinu5ût
1941 52
Un arrêt déjà ancien de la Cour de cassation illustre bien les propos ci-
dessus53 . Habitué, et ce depuis trente ans, à accorder aux délégués du personnel
suppléants des heures de délégation égales à ceux des délégués titulaires, un
employeur remet en cause cet avantage, en ne lui reconnaissant la valeur que
d'une simple tolérance jusque-là accordée aux salariés. La Cour de cassation a
décidé que « les juges du fond peuvent déduire des déclarations de l'employeur
à une réunion de délégués du personnel que la pratique, suivie pendant trente
ans, faisant bénéficier les délégués suppléants d'autant d'heures de délégation
que les titulaires constituait un usage et non une simple tolérance ».
38. Ainsi, intégré et pratiqué au sein de l'entreprise, l'usage va être à
l'origine de la création d'un véritable droit coutumier, producteur d'effets
notamment quant à l'ancienneté du salarié. L'usage va créer une sorte de
tradition d'entreprise, de coutume, commune en France et au Cameroun dans
certains domaines.
L'autre source professionnelle ayant supplanté l'usage du fait de son
caractère explicite, qui consacre la prise en compte de la notion d'ancienneté du
salarié, est de nature conventionnelle.
L'étude des conventions 54 et des accords collectifs est utile à l'analyse de
l'ancienneté en droit français 55 et camerounais. Une première approche sera

51 Dans le cas d'espèce, il s'agissait du versement d'une prime.


52 Cass. soc. Ch. Réunies 5 Août 1941, cité par C. AHUMADA, in « Les primes et les usages »,
RPDS 1985, n° 480, p. 114 ; Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation Chambres réunies, n°
211,p. 377.
53 Cass. soc. 9 juillet 1986, arrêt Tréfilunion c/ Marinho et autres, Bull. Civ. V, n° 365, p. 280 ;
Dr. soc. 1986, p. 903.
54 N. ALIPRANTIS, « La place de la convention collective dans la hiérarchie des normes », Thèse
de droit social, Université Robert Schuman, Strasbourg, 1980.
55 Voir à ce sujet : La négociation collective à l'heure des révisions, sous la direction de G.
BORENFREUND, A. LYON-CAEN, M-A. SOURIAC, I. VACARIE, Dalloz 2005 ; M.
MORAND, « Dialogue social : réflexions autour de la loi du 4 mai 2004 », Semaine sociale Lamy
2005, n° 1197 ; M-L. MORIN, « La révision des accords collectifs après la loi du 4 mai 2004 »,
RIS 2005, pp. 87-95 ; N. COLIN, Conventions et accords collectifs de droit social à l'épreuve du
29

conduite en droit conventionnel camerounais (Section I), puis le droit français,


beaucoup plus explicite et détaillé en la matière, retiendra notre attention
(Section II). Mais au préalable, un bref rappel des origines et des textes légaux
instituant la notion de convention collective au sein des deux législations sera
fait.

SECTION I

L'ANCIENNETÉ EN DROIT CONVENTIONNEL


CAMEROUNAIS

39. Le code du travail camerounais en son article 52-1 définit la


convention collective comme « un accord ayant pour objet de régler les
rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs, soit d'une
entreprise ou d'un groupe d 'entreprises, soit d'une ou plusieurs branches
d'activité (...) ».
40. En droit camerounais, on dénombrait 16 conventions collectives
nationales et 3 conventions collectives d'entreprises 56. Certaines ont été révisées

temps, éd. L'Harmattan, 2000 ; P-H. ANTONMATTEI, Les conventions et les accords collectifs
de travail, Collection Dalloz connaissance du droit, 1996. Pour une approche historique des
conventions collectives voir : C. DIDRY, Naissance de la convention collective. Débats
juridiques et luttes sociales en France au début du zen- siècle, EHESS, 2002.
56 Ces conventions collectives de travail contenues dans le recueil de 1983 étaient et sont encore
pour certaines les suivantes :
- La convention collective nationale des entreprises de travaux publics, du bâtiment et des
activités annexes du 16 juin 1976.
- La convention collective nationale des entreprises agricoles et des activités connexes du 2
septembre 1976.
- La convention collective nationale des entreprises forestières et des activités annexes du 23
octobre 1976 révisée le 26 avril 2002.
- La convention collective nationale des industries de transformation du 27 octobre 1976 révisée
le 12 mars 2002.
- La convention collective nationale de l'industrie automobile et des activités annexes du 28 juin
1977.
- La convention collective nationale de la boulangerie, pâtisserie, biscuiterie et des activités
annexes du 5 juillet 1977.
- La convention nationale des industries polygraphiques du 8 juillet 1977.
- La convention collective nationale de la manutention portuaire du 13 avril 1978 révisée le 15
mars 2000.
30

se substituant ainsi aux anciennes 57 . L'article 7 du décret du 15 juillet 1993,


fixant les conditions de fond et de forme applicables aux conventions
collectives de travail, énonce les dispositions que doit contenir obligatoirement
toute convention collective. Parmi ces dispositions figurent notamment les
majorations de congés par rapport à l'ancienneté du salarié 58. Mais c'est la
lecture des différentes conventions collectives qui témoigne de l'importance de
la prise en compte de la notion d'ancienneté en droit du travail camerounais.
41. Ces conventions, au travers des articles qui les constituent, traitent
toutes de la prise en compte plus ou moins étendue de l'ancienneté des salariés
qui font partie des entreprises relevant de diverses conventions.

- La convention collective nationale des transports maritimes, transitaires et auxiliaires de


transports du 13 avril 1978.
- La convention collective nationale des entreprises de transports routiers et urbains du 12 mai
1978.
- La convention collective nationale des hôtels, restaurants, cafés, bars et dancings du 2 juin 1978.
- La convention collective nationale du commerce du 5 mai 1979 révisée le 31 mai 2002.
- La convention collective nationale des assurances du 23 mai 1979.
- La convention collective nationale des banques du 13 janvier 1981 révisée le I e r août 2000.
- La convention collective nationale de la pharmacie du 28 juillet 1981.
- La convention collective nationale des transporteurs aériens du 2 mars 1983.
Sont recensées également trois conventions collectives d'entreprise, à savoir :
- La convention collective de la régie nationale des chemins de fer du 11 septembre 1958 révisée
le 17 septembre 1993 puis le 26 juin 1999.
- La convention d'entreprise de production, de transport et de distribution d'électricité et de l'eau
du 1e` juin1970.
- La convention collective d'entreprise de la société ELF de recherches et d'exploitation des
pétroles du Cameroun du 10 octobre 1976.
"Ainsi, il faut noter que certaines des conventions collectives, contenues dans le recueil des
conventions édité en 1983, ne sont plus en vigueur. Elles ont été renégociées comme le prévoyait
l'article 62 du code du travail issu de la loi n° 92/007 du 14 août 1992 relative à la création du
nouveau code du travail au Cameroun. Les conventions collectives qui ont subi des modifications
sont
- La convention collective nationale des banques.
- La convention de la manutention portuaire.
- La convention collective nationale des industries de transformation.
- La convention nationale du commerce.
- La convention collective du secteur des forêts.
- La convention d'entreprise de la société des chemins de fer du Cameroun.
Ces conventions, déjà révisées, ont été regroupées dans un recueil intitulé : Les nouvelles
conventions collectives nationales de travail, paru en décembre 2002. A ce jour, d'autres
conventions collectives sont en cours de négociation, mais faute de posséder le contenu final de
ces dernières, ce sont les conventions telles qu'elles existent dans le recueil des conventions
collectives de travail de 1983, et qui rassemblent l'ensemble des conventions existantes, qui vont
être utilisées, dès lors, que la majorité des conventions qui y sont incluses sont, du fait de
l'absence de nouvelles, encore en vigueur.
58 Décret n° 93/578 du 15 juillet 1993, art. 7j, annexe I du CTC.
31

A titre d'exemple, dans la convention collective des entreprises de


travaux publics, du bâtiment et des activités annexes, on peut lire à l'article 31
que « l'avancement des travailleurs dans l'entreprise se fera par
l'ancienneté... ». A l'article 30 de la même convention collective y sont
précisées les conditions du versement de la prime d'ancienneté. L'article 35
énonce également les majorations de congé en considération de l'ancienneté du
salarié. Ainsi, « la durée du congé est augmentée en considération de
l'ancienneté du travailleur dans l'entreprise... ».
Les mêmes dispositions sont reprises quasiment à l'identique par la
convention collective des entreprises agricoles et activités annexes, et également
par celle des industries de transformation et enfin, par la convention collective
des transports aériens, pour ne citer que celles-là.
42. L'ancienneté du salarié y est récompensée d'une façon plus ou moins
importante selon la politique des entreprises qui relèvent d'une même
convention collective. Et d'ailleurs quelle que soit l'ampleur de la récompense
qui est accordée au salarié en fonction de son ancienneté, les conventions
constituent le domaine de prédilection des acteurs sociaux au sein des
entreprises pour la détermination, et ce dans les moindres détails, de la part
accordée à une reconnaissance de l'ancienneté du salarié.
43. Cette reconnaissance se fait soit au sein de l'entreprise, ce qui en droit
camerounais constitue la majorité des cas, soit au sein de plusieurs entreprises
de la même branche, comme indiqué plus haut, à l'instar de la convention
collective des banques en ce qui concerne la versement de la prime d'ancienneté
dans la limite de deux entreprises. Au sein de la convention d'entreprise
d'électricité et d'eau, il y a reprise de l'ancienneté du salarié dès lors que celui-
ci a travaillé dans d'autres sociétés de distribution d'eau et d'énergie 59 .
44. Il faut signaler qu'en droit camerounais, si la notion d'ancienneté du
salarié est présente dans la quasi-totalité des conventions collectives au travers
des avantages qu'elle accorde aux salariés, le contenu des conventions ne
permet malheureusement pas de préciser ce qu'il faut inclure dans la notion
d'ancienneté du salarié. C'est en droit français que l'on trouve des précisions
sur ce qu'il faut inclure dans la notion d'ancienneté du salarié. La notion
d'ancienneté du salarié, dans près de la moitié des conventions et des accords
collectifs que nous avons étudiés, fait l'objet d'un décryptage précis des temps
de travail et/ou de présence à inclure dans la notion d'ancienneté, en plus des
avantages accordés en fonction de cette ancienneté.

59 Article 37 de la convention d'entreprise d'électricité et d'eau, Les conventions collectives de


travail au Cameroun, 1983, pp. 439-440.
32

SECTION II

L'ANCIENNETÉ EN DROIT CONVENTIONNEL FRANÇAIS

45. Dans le passé, un auteur disait que : « Le contrat collectif est une
catégorie juridique toute nouvelle et tout à fait étrangère aux catégories
traditionnelles du droit civil. C'est une convention-loi réglant les relations entre
deux groupes sociaux, le régime légal suivant lequel devront être conclus les
contrats individuels entre les membres de ces groupes »60 .
46. Actuellement, dans le code du travail français, selon l'article L. 132-2
du CTF, « la convention ou l'accord collectif est un acte, écrit à peine de nullité
qui est conclu entre :
D'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés
reconnues représentatives (...)
D'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs
(...)».
47. En droit français, le nombre de conventions collectives et d'accords
d'entreprises est bien supérieur à celui du droit camerounais. En 1994, déjà il
était estimé que le nombre des conventions et accords collectifs d'entreprise
s'élevait à plus de 7450 61 . L'étude de la prise en compte de la notion
d'ancienneté que nous allons présenter est issue d'une analyse de 466
conventions et accords collectifs français 62 . Parmi les conventions collectives
qui définissent de manière exhaustive la notion d'ancienneté du salarié, une
quinzaine ont été retenues pour restituer le plus fidèlement le concept
conventionnel d'ancienneté (§1). Puis, nous récapitulerons pour une meilleure
assimilation de la matière les temps de présence recensés à inclure dans
l'ancienneté du salarié (§2).

60 L. DUGUIT, Les transformations- générales du droit privé, Paris, 1920, p. 135, cité par R.
CASTEL, in Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, éd. Fayard,
1995, p. 38.
6I P-H. ANTONMATTEI, Les conventions et les accords collectifs de travail, Collection Dalloz
connaissance du droit, 1996, p. 6.
62 Cette étude de la notion d'ancienneté a pu être menée grâce au concours du code des
conventions collectives d'octobre 2003 des éditions du Droit social. Des mises à jour ont été
faites pour réactualiser le contenu des données initiales.
33

PARAGRAPHE I

LA PLACE ACCORDÉE À L'ANCIENNETÉ AU SEIN DES


CONVENTIONS COLLECTIVES FRANÇAISES

48. Un premier constat s'impose à la lecture de ces conventions. La prise


en compte de l'ancienneté commence au sein des conventions collectives les
plus explicites, par une distinction entre deux notions :
- celle du temps de présence continue, et
- celle de l'ancienneté proprement dite.
Car de la définition de la première notion découle celle de la seconde.
49. Le temps de présence continue est défini comme le temps écoulé
depuis la date d'entrée en fonction63 , ou celle du début du contrat de travail TM, en
incluant les périodes pendant lesquelles le contrat de travail a été suspendu 65 . La
période d'apprentissage pouvant être incluse dans le décompte de ce temps de
présence continue 66.
50. L'ancienneté est définie, non seulement comme le temps de présence
continue au titre du contrat en cours, mais également, comme la durée des
contrats antérieurs qu'ils aient été à durée déterminée ou indéterminée 67, ou
quelle qu'ait été la nature des contrats successifs 68 et les modifications
intervenues dans la nature juridique de ces contrats 69, à l'exclusion de ceux qui
auraient été interrompus du fait du salarié".

63 Art. 18 de la CCN Ameublement (fabrication de I') du 14/01/1986 étendue par arrêté du


28/05/1986, JO du 22/06/1986.
64 Art. 27 bis al. I" CCN Optique - lunetterie de détail du 2/06/1986 étendue par arrêté du
15/10/1986, JO 14/12/1986.
65 Art. 11. 3 al. l e de la CCN Travaux publics - ouvriers du 15/12/1992 étendue par arrêté du
27/05/1993, JO du 29/05/1993.
66 Art. 27 bis al. 1" de la CCN Optique - lunetterie de détail, préc.
67 Art. 29 de la CCN Métallurgie/Bouches du Rhône du 11/07/1991 étendue par arrêté du
30/10/1991, JO du 15/11/1991 remplacée par la CCN du 19/12/2006, art. 8.
68 Art. 12 al. 1' de la CCN Bureaux d'études techniques - cabinets d'ingénieurs conseils - sociétés
de conseils (syntec) du 15/12/1987 étendue par arrêté du 13/04/1988, JO du 27/04/1988.
69 Art. 44 al. 1" de la CCN Hospitalisation privée du 18/04/2002 étendue par arrêté du
29/10/2003, JO du 15/11/2003.
7° Art. 49 al. 3 de la CCN Centres équestres du 11/07/1975 étendue par arrêté du 14/06/1976, JO
du 8/08/1976.
34

51. L'ancienneté du salarié résulte également du temps pendant lequel le


salarié a été occupé dans différents établissements d'une même entreprise'',
c'est également le temps passé, suite à une mutation concertée, au sein d'une
autre société 72 . La période passée dans un établissement de l'entreprise situé
hors métropole fait également partie des éléments de définition de l'ancienneté
du salarie.
52. Ainsi, selon les conventions collectives étudiées, nous pouvons nous
trouver pour les plus singulières, en présence d'une ancienneté évaluée au sein
d'un organisme. C'est le temps pendant lequel le salarié a été employé dans
«l'organisme », ses différents établissements, ou filiales et annexes 74.
53. L'ancienneté peut aussi être considérée comme le temps passé dans
l'entreprise, dans une agence de ladite entreprise ou encore dans un groupement
d'intérêt économique, dans une société civile professionnelle, mais également
dans un groupement de société auquel l'entreprise, par rapport à laquelle
l'ancienneté est recherchée, est associée ou intéressée.
54. Par ailleurs, la notion d'ancienneté du salarié peut également être
utilisée au sein d'une institution telle que le comité d'entreprise. Ainsi, pour la
convention collective des bureaux d'études techniques, l'ancienneté au regard
du chargé d'enquête est le temps d'activité exclusive et régulière exercée pour
son compte76. Cependant, il n'est pas précisé au sein de la convention collective
si le salarié est employé exclusivement par le comité d'entreprise.
55. L'ancienneté du salarié peut aussi être le temps pendant lequel le
salarié a été inscrit sur les registres de l'entreprise de façon continue ou
discontinue. Pour les travailleurs saisonniers, elle est égale à la durée des

71 Art. 63 ouvriers ; 89 employés ; 112 AM de la CCN Cartonnage (industrie du) du 9/01/1969


étendue par arrêté du 2/08/1971, JO du 31/08/1971 et rectificatif du 28/11/1971.
72 Art. 3 al. 1" de l'accord national de la métallurgie - ouvriers - ETAM du 10/07/1970 étendu par
arrêté du 8/10/1973, JO du 17/11/1973 modifié par avenant du 29/01/1974 étendu par arrêté du
15/07/1974, JO du 10/08/1974.
73 Art. 14 al. 1" de la CCN Ciments (fabrication des) ingénieurs - cadres du 5/07/1963 étendue
par arrêté du 16/04/1968, JO du 10/05/1968.
74 Art. 20 al. 1" de l'accord du tourisme, organisme de tourisme à but non lucratif du 5/02/1992
étendu par arrêté du 6/12/1996, JO du 19/12/1996 modifié par accord du 10/12/2001 étendu par
arrêté du 9/12/2002, JO du 20/12/2002.
73 Art. 3.18.5 de la CCN Géomètres, topographes, photogrammètres, experts fonciers, entreprises
de photogrammètres privés du 7/11/1990 étendue par arrêté du 27/02/1991, JO du 9/03/1991,
modifiée par l'article 3.4.2 de la CCN du 13/10/2005 étendue par arrêté du 24/07/2006, JO du
2/08/2006.
76 Art. 12 al. 2 de la CCN Bureaux d'études techniques - cabinets d'ingénieurs conseils - sociétés
de conseils (syntec) du 15/12/1987, étendue par arrêté du 13/04/1988, JO du 27/04/1988.
T'Art. 22 al. 1" de la CCN Téléphériques et engins de remontées mécaniques du 15/05/1968
étendue par arrêté du 03/02/1971, JO du 27/02/1971; Art. 9 et 10 al.1" de la CCN Édition de
35

contrats de travail successifs'''. Pour les intermittents, elle est décomptée sur
l'ensemble de l'année dès lors que ceux—ci bénéficient du statut de « chargé
d'enquête à garantie annuelle »7 .
56. L'ancienneté fait donc référence ici un à facteur temps. Il s'agit du
temps passé par le salarié au sein d'une ou plusieurs entreprises. C'est
l'ancienneté présente mais également passée dans d'autres entreprises qui est
prise en compte du fait de dispositions conventionnelles allant dans ce sens.
57. De manière radicalement opposée, certaines conventions collectives
ne donnent pas de domaine de définition du temps à considérer comme faisant
partie de l'ancienneté du salarié, mais établissent des équivalences d'heures de
travail ou de présence correspondant à l'ancienneté acquise au cours d'une
année de travail.
58. C'est ainsi que la convention collective des conserveries coopératives
et S.I.C.A. considère que l'ancienneté est acquise pour les travailleurs
saisonniers au cours d'une d'année à raison de 8 mois, 9 mois, 10 mois, 11 mois
et une année entière pour respectivement 1200 heures, 1350 heures, 1500
heures, 1600 heures et enfin 1800 heures de travail. Celle-ci ne pouvant être
supérieure à l'équivalent de 12 mois au cours d'une même année 80 .
59. La convention collective des guides — accompagnateurs du tourisme
quant à elle prévoit qu'une année d'ancienneté est égale à 150 jours de travail.
Si au cours de l'année, le guide a effectué moins de 30 journées de travail,
celles-ci ne sont pas considérées comme incluses dans le décompte de son
ancienneté81 . Celle des guides-interprètes de la région parisienne considère
qu'une année d'ancienneté équivaut à 220 sorties, une journée comptant pour 2
sorties82 .

musique du 15/04/1982 pour les employés et CCN des cadres et agents de maîtrise du 14/06/1979
étendues par arrêté du 27/06/1985, JO du 5/07/1985.
78 Art. 22 in fine de la CCN Téléphériques et des engins de remontées mécaniques, préc.
79 Art. 6 annexe enquêteurs du 16/12/1991 étendue par arrêté du 27/04/1992, JO du 12/05/1992
complétant les dispositions de la CCN des bureaux d'études techniques du 15/12/1987 étendue
par arrêté du 13/04/1988, JO 27/04/1988.
80 Art. 4 bis de la CCN Conserveries, coopératives et S.I.C.A. du 10/03/1970 étendue par arrêté
du 17/11/1971, JO du 7/01/1972, rectificatif du 14/11/1972 et avenant du 26/03/1991 étendu par
arrêté du 11/07/1991, JO du 27/07/1991.
81 Art. 8 de la CCN Tourisme, guides-accompagnateurs et accompagnateurs du 10/03/1966 non
étendue. Voir également, art. 31 in fine de la CCN Tourisme, agence de voyages et de tourisme
du 12/03/1993 étendue par arrêté du 21/07/1993, JO du 1/08/1993 qui assimile pour les contrats à
durée déterminée toute période de 220 jours de travail effectif comme correspondant à une année
d'ancienneté.
82 Art 8 de la CCR Tourisme - guides-interprètes / région parisienne (agences de voyage) du
21/06/1962 non étendue.
36

60. Ces cas révèlent également le fait que, dans certaines conventions
collectives, l'ancienneté du salarié est assimilée à de l'expérience
professionnelle. Dans ces dernières, ce n'est qu'à l'issue d'une période
probatoire considérée comme équivalente à une certaine ancienneté ou après
avoir atteint des obligations de résultat fixées dans les textes conventionnels,
que le salarié est censé avoir acquis une certaine ancienneté.
61. L'ancienneté du salarié, qu'elle soit liée à un critère de temps de
présence au sein d'une ou plusieurs entreprises ou plutôt à celui de l'expérience
professionnelle acquise au travail dans l'exercice de certaines fonctions, est
toujours rattachée à des critères extérieurs au travail au sens strict, déterminés
notamment par les conventions collectives. Pour donner une nouvelle
dimension à la notion d'ancienneté ne serait-il pas envisageable de proposer une
définition de l'ancienneté fondée sur l'activité du salarié et liée au seul fait du
travail ? Dans nos développements futurs notamment à la fin du titre second de
cette première partie, nous tenterons de proposer une définition dans ce sens.
De l'étude de l'ensemble des conventions collectives se dégagent les
temps de présence et/ou de travail au sein de l'entreprise au sens large,
considérés par ces dernières comme faisant partie de la détermination de
l'ancienneté du salarié. Notons que souvent, ces temps pris en compte au titre
de l'ancienneté du salarié sont les mêmes que ceux énoncés par le législateur.
Cependant, les conventions ou les accords collectifs peuvent prévoir des
mesures plus favorables aux salariés sur lesquelles nous reviendrons de manière
détaillée en seconde partie de notre analyse.

PARAGRAPHE II

TEMPS PRIS EN COMPTE POUR LA DÉTERMINATION DE


L'ANCIENNETÉ PAR LES CONVENTIONS COLLECTIVES
FRANÇAISES

62. Les conventions collectives consacrent d'importants développements


à la notion d'ancienneté, ce qui permet une synthèse des temps inclus dans le
décompte de l'ancienneté du salarié.
37

Sont considérées par une majorité des conventions collectives" comme


faisant partie de l'ancienneté du salarié, les périodes suivantes :
1) Les temps de présence continue au titre du contrat en vigueur.
Cette période est partie intégrante du temps de présence du salarié inclus
dans le décompte de son ancienneté. La convention collective des entreprises de
manutention ferroviaire précise que le temps de présence continue du salarié
pourra être évalué soit au sein de l'entreprise ou dans le cadre d'un chantier
unique quels que soient les employeurs s'étant succédé".
2) La durée des contrats de travail antérieurs avec le même employeur
sauf ceux qui ont été rompus pour faute grave ou par la démission du salarié 85 .
En cas de transformation d'un ou de plusieurs contrats à durée déterminée
successifs en contrat à durée indéterminée, l'ancienneté à prendre en compte est
celle du premier contrat à durée déterminée 86. La convention collective des
produits du sol précise que sont pris en compte dans le calcul de l'ancienneté,
également les contrats de travail saisonniers et occasionnels 87 .
3) Le temps passé dans les différents établissements de l'entreprise, ses
filiales, ou dans une autre entreprise qui relève de la même convention
collective avec l'accord de l'employeur88.
Pour certaines conventions collectives, le temps passé, dans une autre
entreprise non soumise aux dispositions de la même convention collective, peut
être considéré comme inclus dans le calcul de l'ancienneté du salarié, dès lors

83
Pour des besoins de lisibilité et de précision, chaque période énoncée comme pouvant faire
partie de l'ancienneté du salarié sera illustrée par la référence à une convention ou deux
conventions collectives qui contiennent des dispositions confortant nos propos. Ces références à
une ou deux conventions collectives ne signifient pas que seules ces dernières contiennent des
dispositions dans ce sens, mais un renvoi à une dizaine de conventions collectives à chaque fois
qu'une proposition est faite, alourdirait considérablement les développements à suivre.
84 Art. 15 bis de la CCN Manutention ferroviaire (entreprises de) du 6/01/1970 étendue par arrêté
du 16/03/1971, JO du 11/05/1971 ; Également, art. 35 de la CCN Transport aérien - personnel au
sol des entreprises du 22/05/1959 étendue par arrêté du 10/01/1964, JO du 21/01/1964, révisée
par avenant N/62 du 10/01/2001 étendue par arrêté du 29/04/2002, JO du 5/05/2002.
88 Art. 20 (ouvriers-employés) de la CCN Cinéma - films - industrie cinématographique —
distribution du 1/03/1973 étendue par arrêté du 18/10/1977, JO du 17/12/1977 ; art. 5 (cadres et
AM) de la CCN Cinéma - films - industrie cinématographique - distribution du 30 juin 1976
étendue par arrêté du 15/04/1977, JO du 29/05/1977.
86
Art. 3 al. 3 de la CCN Cinéma - exploitation cinématographique du 19/07/1984, étendue par
arrêté du 24/10/1986, JO du 25/11/1986.
87 Art. 59 al. 3 de la CCN Produits du sol, engrais et produits connexes (entreprises du négoce et
de l'industrie des) du 2/07/1980 étendue par arrêté du 13/08/1981, JO du 12/09/1981.
88
Art. 10 de la CCN Chimie, industries chimiques du 30/12/1952 étendue par arrêté du
13/11/1956, JO du 12/12/1956 ; Art. 40 al. 2 de la CCN Camping (industrie du) du 13/01/1970
mise à jour le 10/12/1991 et étendue par arrêté du 28/12/1992, JO du 28/01/1993.
38

qu'il y a eu accord de volonté entre les deux employeurs et à condition que


l'indemnité de licenciement n'ait pas été versée 89 .
Les périodes prévues au titre des paragraphes 2 et 3 matérialisent une
mesure qui existe au sein des textes conventionnels, à savoir : la clause de
reprise d'ancienneté 90 . Soit, elle est prévue implicitement comme dans les
dispositions ci-dessus analysées soit, elle fait l'objet de mentions explicites dont
les modalités sont exposées au sein même de la convention collective 91 .
4) Les interruptions de travail pour congés payés légaux.
5) Les interruptions liées aux accidents de travail et aux maladies
professionnelles.
6) Les absences pour maladie non professionnelle à condition que le
contrat n'ait pas été rompu.
7) Les absences pour congé de maternité ou d'adoption.
8) Les temps de mobilisation ou d'interruption du contrat pour fait de
guerre dès lors que le salarié a repris son emploi, et les périodes militaires
obligatoires.
Les périodes de suspension du contrat de travail ci-dessus citées, de
l'alinéa 4 au Sème alinéa, sont communes à toutes les conventions collectives,
même si elles ne sont pas explicitement mentionnées au sein de certaines
conventions.
Selon les conventions collectives, les périodes d'absence comptant pour
l'ancienneté du salarié peuvent être plus ou moins longues 92. A titre d'exemple
de conventions collectives ayant mentionné ces périodes de suspension du
contrat de travail, et qui les considèrent comme incluses dans le calcul de
l'ancienneté du salarié : la convention collective interrégionale des ouvriers,

89
Art. 25 CCN Papiers, cartons et pellicule cellulosique (transformation des) ingénieurs et cadres
du 21/12/1972 non étendue. Également art. 16 al. 2 de la CCN Bois, scieries, négoce et
importation des bois (travail mécanique du) du 28/11/1955 étendue par arrêté du 28/03/1956, JO
du 8/04/1956 et rectificatif du 25/05/1956.
90 La clause de reprise d'ancienneté fera l'objet de développements ultérieurs.
91 Voir à ce sujet, la CCN Établissements privés d'hospitalisation de soins de cure et de garde à
but non lucratif (F.E.H.A.P.) du 31/10/1951 étendue par arrêté du 27/02/1961 et l'avenant
modificatif N/2002-02 du 25/03/2002 agréé par arrêté du 6/01/2003, JO du 14/01/2003, art.
08.02.1.1.1 ; Art. 38 CCN Handicapés, établissements et services pour personnes inadaptées et
handicapées et médecins spécialisés y travaillant du 15/03/1966 mise à jour le 15/09/1976 ; pour
les médecins spécialisés qualifiés au regard de l'ordre des médecins exerçant à temps plein ou à
temps partiel : CCN du 1/03/1979.
92 Les différences pouvant exister en la matière seront analysées dans les développements
ultérieurs concernant les domaines qui font le plus appel à la notion d'ancienneté du salarié et les
avantages accordés aux salariés en fonction de ladite ancienneté.
39

techniciens et agents de maîtrise de la distribution et du commerce de gros des


papiers-cartons93 , celle des ingénieurs et des cadres du même secteur
d'activité94, celle des ouvriers de la presse quotidienne départementale 95 ou
enfin celle des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise et cadres des
industries de la fabrication de la chaux, peuvent être citées 96 .
D'autres conventions collectives énumèrent" et ajoutent à ces périodes :
9) Les périodes de formation professionnelle ou des cadres pour la
jeunesse.
1 0) Les congés de formation économique et sociale.
1 1 ) Les congés d'éducation ouvrière.
1 2) Les congés sans solde pour élever un enfant obtenu par la mère dans
les conditions légales dès lors qu'elle réintègre son emploi après celui-ci.
1 3) Le congé parental d'éducation 98.
63. A ces périodes explicitement énoncées au sein de conventions
collectives, il faut ajouter toutes les périodes assimilées à du travail effectif 99 et

93 Art. 08, E 11 de la CC interrégionale des papiers — cartons (distribution et commerce de gros)


ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise du 28/05/1975 étendue par arrêté du
5/07/1977, JO du 3/08/1977 ;
94 Art. 21 de la CCN Papiers — cartons (distribution et commerce de gros des) ingénieurs et cadres
du 12/01/1977 étendue par arrêté du 27/09/1984, JO du 10/10/1984.
95 Art. M3 de la CC Presse quotidienne départementale — ouvriers du 25/10/1980 non étendue.
96 Art. 14 CCNO du 15/06/1970, art. 15 CCN ETDAM du 21/03/1974, art. 6 CCNC des industries
de la fabrication de la chaux du 27/04/1981, mises à jour au 1/03/1982 et étendues par arrêté du
5/11/1982, JO du 21/12/1982.
97 Voir : Art. 6 de la CCN Charcutière (industrie) du 1/07/1958 remise en ordre par le texte du
29/03/1972 étendu par arrêté du 14/05/1975, JO du 4/06/1975 modifié par l'accord du 9/04/1990
étendu par arrêté du 9/07/1990, JO du 18/07/1990 ; Art. 7 de la CCN Charcuterie de détail du
1/12/1977 étendue par arrêté du 6/06/1978, JO du 22/06/1978 ; Art. 8 de la CCN Promotion-
construction du 18/05/1988 étendue par arrêté du 4/11/1988, JO du 15/11/1988.
98 Si la quasi-totalité des conventions collectives qui énoncent cette hypothèse ne la considère
comme incluse dans l'ancienneté du salarié qu'à hauteur de la moitié du temps passé en dehors de
l'entreprise comme le prévoit le législateur, une convention collective la considère en totalité
comme partie intégrante de l'ancienneté dans la limite de la première année. Au-delà de cette
année, le temps passé en congé parental n'est pris en compte au titre de l'ancienneté qu'a moitié.
Voir Art. 20 CCN Maroquinerie, articles de voyage-chasse-sellerie-bracelets de cuir (industries de
la) du 18/05/1994 étendue par arrêté du 13/10/1994, JO du 25/10/1994, modifiée par la
convention collective du 9/09/2005 étendue par arrêté du 12/06/2006, JO du 23/06/06.
99 C'est ainsi que certaines conventions collectives précisent également qu'il faut prendre en
compte et inclure dans le calcul de l'ancienneté du salarié les temps assimilés par le législateur à
du travail effectif. Voir :
Art. 11 CCN Enseignement privé à distance du 21/06/1999 étendue par arrêté du 5/07/2000, JO
du 21/07/2000 ;
Art. 60 CCN Panneaux à base de bois (industrie des) du 29/06/1999 étendue par arrêté du
26/04/2000, JO du 6/05/2000.
40

prévues par le législateur qui doivent être prises en compte, même si elles ne
sont pas énoncées dans les textes desdites conventions collectives m°, dès lors
qu'elles sont plus favorables que les dispositions conventionnelles i01 .

100 Ces temps, pris légalement en compte au titre de l'ancienneté du salarié, sont les suivants :
- Les absences pour participer aux campagnes électorales (art. L. 122-24-1 du CTF)
- Les congés mutualistes (art. L. 225-7 du CTF).
- Les congés de représentation (art. L. 225-8 III du CTF)
- Les congés de solidarité internationale (art. L. 225-9 et L. 225-12 du CTF).
- Le congé de solidarité familiale (art. L. 225-15 du CTF).
- Le temps passé en dehors de l'entreprise par les conseillers prud'homaux du collège salarié pour
l'exercice de leur fonction (art. L. 514-1 al. 2 du CTF).
- Le congé de bilan de compétence (art. L. 931-23 du CTF).
- Le congé prévu aux articles L. 931- 28 et L. 931-29 du CTF.
101 Pour un aperçu complet des périodes considérées au sein des conventions collectives comme
incluses dans le calcul de l'ancienneté du salarié, l'étude supplémentaire des conventions
collectives nationales des analyses médicales, de l'automobile, de la chaussure et des articles
chaussants, des combustibles solides, liquides, gazeux et des produits pétroliers, celle du
personnel administratif du football, du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire,
des instruments à écrire, des journalistes, de la meunerie, des papiers cartons et enfin celle des
entreprises de la prévention routière, a été faite. Voir par exemple :
- Art. 14 de la CCN Analyses médicales (laboratoires extra-hospitaliers des) du 03/02/1978
étendue par arrêté du 20/11/1978, JO du 6/01/1979 ;
- Art. 1.13 de la CCN Automobile - (service de 1') commerce-réparation auto, cycle, activités
connexes, formation des conducteurs, contrôle technique du 15/01/1981 étendue par arrêté du
30/10/1981, JO du 3/12/1981 ; Avenant du 31/03/2000 étendu par arrêté du 11/07/2000, JO du
25/07/2000 ;
- Art. 2-18 de la CCN Chaussure et articles chaussants (industrie de la) du 31/05/1968 renégociée
par protocole d'accord du 7/03/1990 étendu par arrêté du 29/10/1990, JO du 1/11/1990 ;
- Art. 17 de la CCN Combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers
(négoce/distribution des) du 20/12/1985 étendue par arrêté du 23/07/1990, JO du 8/08/1990 ;
- Art. 5 CC Football - personnels administratifs et assimilés du 18 et 25/06/1983 mise à jour le
10/01/2004 non étendue ;
- Art. 3.16.2 de la CCN Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12/07/2001
étendue par arrêté du 26/07/2002, JO du 6/08/2002 ; Avenant du 31/01/2006 étendu par arrêté du
5/04/2007, JO du 20/04/2007 ;
- Art. 13 de la CCN Instruments à écrire et industries annexes du 13/02/1973 étendue par arrêté
du 14/09/1973, JO du 5/10/1973 et rectificatif du 20/10/1973;
- Art. 24 de la CCN Journalistes du 1/11/1976 refondue le 27/10/1987 étendue par arrêté du
2/02/1988, JO du 13/02/1988 ;
- Art. 51 de la CCN Meunerie du 16/06/1996 étendue par arrêté du 11/12/1997, JO du
20/12/1997 ;
- Art. 22 de la CCN Négoce de l'ameublement du 31/05/1995 étendue par arrêté du 15/07/2002,
JO du 25/07/2002 ;
- Art. 25 de la CCN Papiers, cartons et pellicule cellulosique (transformation) ingénieurs et cadres
du 21/12/1972 non étendue ;
- Art. 6.05 de la CCN Prévention et sécurité (entreprises de) du 15/02/1985 étendue par arrêté du
25/07/1985, JO du 30/07/1985.
Également :
- Art. 44 de la CCN Hospitalisation privée du 18/04/2002 étendue par arrêté du 29/10/2003, JO du
15/11/2003 ;
41

64. L'étude de la notion d'ancienneté nous révèle que sur l'ensemble des
421 conventions collectives qui ont retenu notre attention - dont un peu moins
de la moitié ont donné un cadre, une définition à l'ancienneté du salarié - celle-
ci l'a été, le plus souvent, par les conventions collectives datant de plus de 15
ans, à l'exception d'une quarantaine conclues au cours des années 90 et
ultérieurement' 02.
Une telle constatation ne doit pas induire que seuls les signataires des
conventions anciennes se sont soucié de donner un cadre à la notion
d'ancienneté du salarié. Le fait est qu'une majorité des conventions collectives
datent de plus de 15 ans. Cependant, parmi les conventions collectives n'ayant
pas donné de cadre précis à la notion d'ancienneté du salarié, il n'y a pas de
différence significative, en termes de chiffres, entre les anciennes et les
nouvelles. La différence de nombre étant inférieure à 10 103 .
La différence constatée entre les conventions collectives antérieures ou
prises en 1990 et celles postérieures à cette date peut s'expliquer par le fait
qu'au sein de celles ayant défini ce qu'il faut considérer comme faisant partie de
l'ancienneté du salarié, figurent la plupart des conventions collectives de la
métallurgie. Ces conventions ont donné une définition à la notion d'ancienneté,
à l'exception de 4 d'entre elles iO4 . Elles représentent à elles seules 71

- Art. 33 de la CCN Logistique de publicité directe du 19/11/1991 étendue par arrêté du


28/04/1992, JO du 14/05/1992 ; Avenant du 26/06/2006 étendu par arrêté du 19/03/2007, JO du
03/04/2007 ;
- Art 20 de la CCN Désinfection, désinsectisation et dératisation (entreprises de) du 1/09/1991
étendue par arrêté du 16/01/1992, JO du 31/01/1992 ;
102 Certaines de ces conventions collectives ont déjà été citées ci-dessus, pour illustrer les propos
des paragraphes précédents. D'autres, et en particulier les conventions collectives de la
métallurgie, ne l'ont pas été. Mais il faut retenir qu'elles représentent près la moitié des
conventions collectives en question. Voir à titre d'exemple :
- Art. 111.10 CC de la métallurgie de Nîmes du 27/12/1999 étendue par arrêté du 14/06/2004, JO
du 23/06/2004 ;
- Art. 26 CC de la métallurgie du Jura du 5/04/1994 étendue par arrêté du 12/10/1994, JO du
23/10/1994 ;
- Art. 12 avenant « mensuels » de la CC de la métallurgie de la Vallée de l'Oise du 11/12/1998
étendue par arrêté du 14/06/2004, JO du 23/06/2004 ;
- Art. 15 de la CCD de la métallurgie de l'Isère et des Hautes-Alpes du 13/09/2001 étendue par
arrêté du 8/04/2003, JO du 19/04/2003 modifiée par arrêté du 11/05/2004, JO du 22/05/2004 ;
103 La différence entre les deux catégories de conventions collectives n'est que de six.
104 Les quatre conventions collectives au sein desquelles la notion d'ancienneté n'a pas été
précisée sont les suivantes :
- CC de la métallurgie de l'Indre du 4/04/1977 étendue par arrêté du 27/04/1979, JO du
19/05/1979.
- CC de la métallurgie de l'arrondissement du Havre du 26/06/1978 étendue par arrêté du
16/05/1980, JO du 6/07/1980.
- CC de la métallurgie du Maine et Loire du 21/12/1995 étendue par arrêté du 2/07/1996, JO du
30/07/1996.

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