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UNIVERSITE JEAN MOULIN-LYON 3

FACULTE DE DROIT

THESE
Pour l’obtention du grade de docteur en droit de l’Université Lyon 3
Discipline : Droit privé et sciences criminelles
Présentée et soutenue publiquement
par
Sandra DUMOND
Le 17 décembre 2003

LA DATE ET LE CONTRAT

Directeur de recherche :
Monsieur Luc MAYAUX, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
JURY
Monsieur Jacques AZEMA, Professeur émérite à l’Université Jean Moulin Lyon 3
M. Marc BRUSCHI, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille III
M. Bertrand FAGES, Professeur à l’Université de Paris XII
M. Luc MAYAUX, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Mme Blanche SOUSI-ROUBI, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
L’Université n’entend accorder aucune approbation, ni improbation aux
opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme
propres à leurs auteurs.
Principales abreviations

AJDA Actualité juridique de droit administratif

AJDI Actualité juridique de droit immobilier

Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles)

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle)

Bull. Joly Bulletin Joly (mensuel d’information des sociétés)

CA Cour d’appel

CAA Cour administrative d’appel

Cah. dr. ent. Cahiers de droit de l’entreprise, supplément au JCP E

Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale

Cass. req. Cour de cassation, chambre des requêtes

Cass. soc. Cour de cassation, chambre sociale

CCH Code de la construction et de l’habitat

CGI Code général des impôts

CSP Code de la santé publique

CSS Code de la sécurité sociale

Chron. Chronique

com. Commentaire

Contrats, conc., cons. Contrats, concurrence, consommation

2
D. Dalloz

D. Affaires Dalloz Affaires

Doct. Doctrine

DP Dalloz périodique

Dr. et patr. Droit et patrimoine

Dr. soc. Droit social

Dr. sociétés Droit des sociétés

éd. édition

Gaz. Pal. Gazette du Palais

inf. rap. Informations rapides

J.-Cl Juris-Classeur

JCP E Juris-Classeur périodique, édition entreprises

JCP G Juris-Classeur périodique, édition générale

JCP N Juris-Classeur périodique, édition notariale

JO Journal officiel

JOCE Journal officiel de la communauté européenne

Loyers et copr. Loyers et copropriété

NCP Nouveau code pénal

NCPC Nouveau code de procédure civile.

obs. observation

pan. panorama

préc. précité

3
Quot. Jur. Quotidien juridique

RD bancaire et financier Revue de droit bancaire et financier

RD imm Revue de droit immobilier

Rép. civ. Dalloz Répertoire civil Dalloz

Rep. Defrénois Répertoire Defrénois

Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurances

Rev. crit. DIP Revue critique de droit internationale privé

Rev. dr. bancaire et bourse Revue de droit bancaire et bourse

Rev. loyers Revue des loyers

Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives

Rev. sc. crim. Revue de sciences criminelles

RGAT Revue générale des assurances terrestres

RGDA Revue générale du droit des assurances

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen

S. Sirey

Som sommaire

TI Tribunal d’instance

Trib. civ. Tribunal civil

4
Introduction
1. Pour un auteur, le temps se présente «comme une route parcourue à sens
unique et irréversiblement par les événements, chaque jour procédant du passé
et progressant vers l’avenir, selon la numérotation des jours, des mois et des ans,
d’avance jalonnés avec une rigoureuse précision par les calendriers »1.

La vie, les actions de l’homme s’inscrivent dans l’écoulement du temps, le


temps étant indissociable de l’activité humaine. L’être humain se place au cœur
du temps. La meilleure preuve est que dès qu’il naît, l’homme se voit affecter
une date, celle de sa naissance, qui fait partie des éléments permettant son
identification. Ensuite, l’homme gère ce temps et n’aspire qu’à l’économiser, le

1
P. HEBRAUD, « Observations sur la notion de temps dans le droit civil », in Etudes offertes à P.
KAYSER, PUAM, 1979, TII, p. 1 et s., spéc. p. 3. Sur cette notion, voir également : G. BOLARD,
« Le temps dans la procédure », rapp. général du XVème congrès des inst. d’ét. jud., Ann. Fac.
Clermont-Ferrand, LGDJ, 1983, p. 149 ; A. CABANIS, « L’utilisation du temps par les rédacteurs
du code civil », in Mélanges offerts à P. HEBRAUD, Université des sciences sociales de Toulouse,
1981, p. 171 ; M. DAGOT, « Le temps et la publicité foncière », in Mélanges offerts à P.
HEBRAUD, préc., p. 219 ; C. DEBOUY, « Le temps dans la procédure administrative », rapp.
général du XVème congrès des inst. d’ét. jud., préc., p. 95 ; E. GIRAUD, « La notion de temps dans
les relations et le droit international public », in Mélanges PEROSSI, T. I, p. 461 ; S. GUINCHARD,
« Le temps dans la procédure civile », rapp. général du XVème congrès des inst. d’ét. jud., préc.,
p. 21 ; P. HEBRAUD, « La notion de temps dans l’œuvre du doyen Maurice Hauriou », Ann. Fac.
Toulouse, 1968, T. XVI, p. 179 ; J. PREVAULT, « Le temps en matière de voies d’exécution »,
rapp. général du XVème congrès des inst. d’ét. Jud., préc., p. 65 ; Le droit face au temps, Dossier,
Dr. et patr., n° 78, janvier 2000, p. 39 et s.

5
partager, considère que le temps c’est de l’argent2 ; il existe donc une véritable
ingénierie du temps3, réalité qu’illustrent un certain nombre d’expressions
courantes ; ainsi, l’homme donne de son temps, par exemple en tant que
bénévole d’une association, prend son temps, façon de ralentir l’écoulement de
sa vie par rapport à celui du temps, passe son temps à faire quelque chose, perd
son temps notamment dans l’attente, trouve le temps de faire quelque chose, tue
le temps, gagne du temps et rêve de remonter le temps4. Le droit appréhende le
temps d’une manière similaire, le comptant5, le gérant6, le prévoyant7, revenant
dessus8 et en consolidant des situations9.

Mais cette relation au temps ne peut exister que si l’homme peut se situer
temporellement par rapport à sa propre existence, à ce qui lui est antérieur et
postérieur10, et par rapport à ses semblables. C’est d’ailleurs en terme de
localisation que BERGER concevait le temps, le définissant comme « une des
manières possibles de nous représenter notre présence au monde »11.

Or se localiser n’est pas chose aisée comme le constate G. PEREC. Cet écrivain
écrit en effet que « L’espace semble être, ou plus apprivoisé ou plus inoffensif
que le temps. On rencontre partout des gens qui ont des montres, et très

2
Cf LEVY, « Les mesures des droits », RTD civ. 1930, p. 701 et s. : « Le temps, l’argent sont les
mesures qui font les droits. Sans les limites temporelles, c’est l’absolu du spirituel ; sans la
libération par l’argent, c’est l’étreinte du temporel. Le temps est notre créance totale ».
3
Cf D. BAYART, « Temps et organisation : vers une ingénierie du temps », Rev. Frcse des aff.
soc., n° 3, 1998, p. 19 et s.
4
Cf par exemple la trilogie de S. SPIELBERG, Retour vers le futur.
5
Cf la computation des délais.
6
Cf la technique de l’amortissement.
7
Cf la technique de l’anticipation.
8
Cf la rétroactivité des conditions, des lois.
9
Cf la possession d’état.
10
En ce sens A. BRIMO, « Réflexions sur le temps dans la théorie générale du droit et de l’Etat »,
in Mélanges offerts à P. HEBRAUD, préc., p. 145 et s. , spéc. p. 147 : « Mesurer le temps pour se
situer dans le temps a été une préoccupation constante de l’humanité depuis les plus anciennes
dynasties égyptiennes jusqu’à nos jours ».
11
L’originalité de la phénoménologie, Etudes philosophiques, 1954, p. 249 et s., spéc. p. 259.

6
rarement des gens qui ont des boussoles. On a toujours besoin de savoir l’heure,
mais on ne se demande jamais où l’on est »12.

2. Et cette localisation n’est possible que pour autant que l’on puisse mesurer ce
temps et le figer en un instant13. Le temps, qui procède d’une progression
irréversible dans la suite des événements14, est habituellement représenté par une
flèche linéaire15 ; il est « le nombre du mouvement, selon l’avant et l’après »16.
L’homme doit pouvoir se repérer sur cette ligne, se situer à un temps donné pour
envisager ce qui le précède, et donc ce qui constitue son histoire, et ce qui un
jour l’a suivi ou le suivra17, chose que permet la date, qui est la graduation de
l’échelle du temps18.

Les hommes instruits ont su se situer dans le temps passé dès le XVIème siècle, la
connaissance des dates, notamment grâce aux calendriers, permettant de
s’orienter dans le passé19.

12
Cité par J. COMBACAU, « L’écoulement du temps », in Le droit international et le temps,
colloque de Paris, Société Française pour le Droit International, éd. A. Pedone, 2001, p. 77 et s.
13
Cf LAMARTINE dans Le lac, « O temps ! Suspends ton vol, et vous heures propices !
Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours »
(in G. POMPIDOU, Anthologie de la poésie française, Livre de poche, 1961, réed., p. 255;
également cf GOETHE : « O toi, l’instant, arrête-toi, je t’en supplie, tu es si beau ».
14
Cf LAMARTINE, préc. : « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; il coule et
nous passons », « mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m’échappe et
fuit ; Je dis à cette nuit : « Sois plus lente » ; et l’aurore va dissiper la nuit ».
15
M. HEIDEGGER (Sein und Zeit, Tübingen, Niemeyer, 1972, 9ème éd., p. 17) considérait que
cette conception du temps en tant que ligne droite dotée d’une direction unique (d’abord le
passé, ensuite le présent, enfin le futur) constitue « la conception vulgaire du temps ».
16
In Physique, IV, 219 b. Cette affirmation est partagée par Lucrèce : « le temps n’est rien en
lui-même (considéré par rapport à lui-même) », in De rerum natura, I, 459.
17
En ce sens J. VERHOEVEN, « Les conceptions et les implications du temps en droit
international », in Le droit international et le temps, Colloque de Paris, Société Française pour le
Droit International, éd. A. Pedone, 2001, p. 9 et s., spéc. p. 23. Pour cet auteur, « le passé fournit
les matériaux d’une histoire, c’est-à-dire du récit d’un cheminement dans le temps qui requiert
un point de départ et implique une évolution ».
18
Cf O. TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurances, Thèse Nice-Sophia Antipolis, 2002 :
« Le temps est la ligne droite continue et graduée par le calendrier ».
19
P. RICOEUR cité par J. DE BOURGOING, précité, p. 81 : « Grâce à leur inscription dans le temps
calendaire, les souvenirs accumulés par la mémoire collective peuvent devenir des événement
datés. »

7
S’agissant du temps futur, il a fallu attendre le milieu du XVIIème siècle pour
qu’apparaissent les calendriers prévisionnels dans lesquels les jours de la
semaine étaient associés aux dates. Mais la planification du futur, la projection
de l’homme et de son activité dans le futur, la prévision ne deviennent réelles
qu’avec le développement des almanachs au XVIIIème siècle puis des agendas au
XIXème siècle20.

Actuellement l’homme vit de cette projection permanente dans le temps,


ressentant le besoin d’organiser et de gérer ce temps. Ainsi, les vacances se
prévoient-elles à l’avance, au vu notamment du calendrier scolaire établi par
l’Etat ; cette planification est également présente dans la gestion des ressources,
les impôts payés par provision étant dus à trois instants précis, de même qu’un
certain nombre d’autres factures.

Le droit lui-même anticipe sur le futur, projetant le futur sur le présent21. Cette
technique de l’anticipation existe dans diverses branches du droit. Ainsi en
matière processuelle existent les mesures d’instruction in futurum22 ; le droit des
successions témoigne aussi de cette anticipation : les libéralités anticipent sur la
dévolution successorale du disposant23 ; le droit des biens, quant à lui, connaît la
catégorie des meubles par anticipation, c’est-à-dire des immeubles que le droit
traite comme des meubles en prévision de leur détachement futur de l’immeuble
auquel ils sont incorporés24.

20
Il faut toutefois souligner que cette notion de prévision a donné lieu à réflexion antérieurement
à Rome (SENN, « La notion romaine d’avenir et ses applications dans le domaine du droit »,
Nouv. Rev. Hist. 1956, p. 173 et s.). Pour les romains, le cours des événements futurs est
déterminé à l’avance et peut être connu par la consultation des oracles , les examens pratiqués
par les augures. L’avenir était donc envisagé de manière fataliste. La prévision était donc « la
découverte possible d’un futur objectivement déterminé » ( P. HEBRAUD, « Observations sur la
notion du temps dans le droit civil », art. préc., p. 27, §. 19).
21
Sur la notion d’anticipation, voir P. HEBRAUD, « Observations sur la notion du temps dans le
droit civil », art. préc., p. 36 et s ; J. HALLOUIN, L’anticipation, contribution à l’étude de la
formation des situations juridiques, Thèse Poitiers ; cf également F. TERRE, Une synthèse, in Le
droit et le futur. Travaux et recherches de l’Université de droit, d’économie et de sciences
sociales de Paris, PUF 1985, p. 1, spéc. p. 2.
22
Cf NCPC, art. 145.
23
L’exemple le plus concret est constitué par l’avancement d’hoirie.
24
Tel est le cas des fruits (cf C. civ., art. 520 al. 2), des arbres à abattre, des matériaux à extraire
(cf Cass. 3ème civ., 30 mai 1969, D. 1969, 561 ; JCP 1970, II, 16173, note HUBRECHT), ce en
fonction des contrats dont ils sont l’objet.

8
3. La « localisation » de l’homme dans le temps25 est donc nécessaire, mais pour
qu’elle soit utile encore faut-il que cette datation ne soit pas propre à un seul
homme.

A quoi servirait-il en effet de dater un événement, de donner une date à un


contrat, si celle-ci ne signifiait rien à l’égard des tiers. Dater un contrat,
l’échéance d’une créance, une hypothèque n’a-t-il pas pour unique objectif que
de faire valoir son droit et le plus souvent son antériorité par rapport à celui d’un
tiers, et mettre ainsi un terme à tout conflit ?

De la même façon, que signifierait le fait d’exiger une simultanéité


d’événements, que cette exigence soit légale ou contractuelle, si la référence
temporelle utilisée n’était pas unique et empêchait de ce fait de comparer ces
événements ? Deux faits ne sont simultanés que s’ils ont la même date en temps-
coordonnée, ce qui implique qu’ils soient quantifiés de la même façon26.
L’importance de cette unité de quantification temporelle est illustrée par
l’application de la relativité einsteinienne27 ; selon cette théorie de la relativité
dite restreinte, du fait de la vitesse limite de la lumière, deux événements
simultanés pour un observateur A en mouvement uniforme ne le sont pas
nécessairement pour un autre observateur B en mouvement uniforme ; en effet,
ce qui est visible à l’observateur A maintenant peut appartenir au futur de
l’observateur B et inversement. Le temps est donc multiple ; chaque individu
n’en subit ou n’en perçoit pas de la même manière le cours ou les passages et les
changements dont il est porteur. Pour certains, il sera temps du créancier, pour

25
Le terme de « localisation » peut être employé en matière temporelle, dès lors qu’il s’agit de
situer sur la ligne du temps. Le temps constitue alors un espace. Cf en ce sens, BERGSON, Essai
sur les données immédiates de la conscience, 1889, in Œuvres, PUF, pp. 61-62 : « Si le temps,
tel que se le représente la conscience réfléchie, est un milieu où nos états de conscience se
succèdent distinctement de manière à pouvoir se compter, et si, d’autre part, notre conception du
nombre aboutit à éparpiller dans l’espace tout ce qui compte directement, il est à présumer que
le temps, entendu au sens d’un milieu où l’on distingue et où l’on compte, n’est que de
l’espace ».
26
Sauf à ce qu’existe un mécanisme de conversion entre deux systèmes, que la date d’un
système puisse être traduite, comme on traduit une langue.
27
A. EINSTEIN, La relativité, Payot, rééd., 1990.

9
d’autres temps du débiteur, temps des affaires, des intérêts de retard ou temps de
l’amour, autant de temps que le droit prendra en considération.

4. Cette différence de perception du temps selon les individus impose que sa


mesure s’effectue sur une échelle commune à tous, notamment par l’utilisation
d’un calendrier, ce qui a nécessité de « faire coïncider les temps
astronomiques » pour « faire commencer une année au même moment qu’un
jour »28.

Les cycles servant de référence que sont la rotation de la Terre sur elle-même
qui définit la durée du jour, la rotation de la Lune autour de la Terre (lunaison)
et la rotation de la Terre autour du Soleil ne comptent en effet pas un nombre
entier de jours29. Ainsi , s’agissant du cycle lunaire, l’intervalle entre deux
nouvelles lunes, c’est-à-dire entre deux conjonctions de la lune et du soleil, dure
en moyenne 29 jours 12 heures 44 minutes 3 secondes (variation de 29 jours 6
heures à 29 jours 20 heures) ; l’année sidérale qui correspond au temps à
compter duquel le soleil revient en face d’une étoile donnée dure environ 365
jours 6 heures 9 minutes 54 secondes et l’année tropique représentant la
révolution de la Terre autour du Soleil, d’un équinoxe de printemps à l’autre
dure quant à elle 365 jours 5 heures 45,96 secondes et se raccourcit de cinq
secondes tous les mille ans.

5. Pour parvenir à cette nécessaire concordance entre le début de l’année et le


début d’un jour30, différentes méthodes ont été utilisées.

Dans l’ancienne Rome, prévalait le calendrier lunaire qui comportait 12 mois de


trente et vingt neufs jours alternés de façon à suivre les lunaisons. Tous les deux

28
B. SOUSI-ROUBI, « Variations sur la date », RTD civ. 1991, p. 70.
29
La durée même d’un jour n’est pas régulière puisque variant entre 23 heures 59 minutes 39
secondes et 24 heures 00 minute 30 secondes.
30
J. DE BOURGOING, Le calendrier, maître du temps ?, Découvertes Gallimard Histoire, p. 18,
42.

10
ans, un mois intercalaire était ajouté par les pontifes pour accorder l’année
lunaire avec l’année solaire. En 46 av. J.C. un calendrier solaire est adopté par
César ; pour obtenir la concordance sus énoncée, est introduit un cycle de 4 ans,
les trois premières années comportant 365 jours et la quatrième 366 ; le jour
supplémentaire est ajouté au 24 février, le sixième jour avant les calendes de
mars. Ce calendrier appelé julien est resté en vigueur jusqu’en 1582, même s’il
ne permettait pas d’effacer tout décalage avec l’année solaire, celui-ci s’élevant
à un jour tous les cent trente ans. En 1575, le pape Grégoire XIII décida de
réformer le calendrier en supprimant dix jours à l’année 1582 pour éliminer le
décalage accumulé, en annulant trois jours du calendrier tous les quatre cents
ans, en supprimant les journées bissextiles de trois années séculaires sur
quatre31. Cette méthode est efficace puisque l’année grégorienne n’avançait que
de vingt six secondes par an par rapport à l’année tropique, une différence de un
jour entre l’année astronomique et l’année civile n’apparaissant qu’au bout de
trente cinq siècles32.

6. Le calendrier grégorien est devenu le cadre temporel mondial, adopté par


divers Etats33 dont la France34, utilisé en double référence par d’autres35.

31
Pour harmoniser « le temps de l’Eglise et le temps naturel » (J. DE BOURGOING, Le calendrier,
maître du temps ?, Découvertes Gallimard Histoire, p. 77), le pape Grégoire XIII a ordonné la
suppression de dix jours du calendrier au mois d’octobre 1582, le jour suivant le jeudi 4 octobre
devant être le vendredi 15 octobre. Cette réforme grégorienne a été mise en œuvre en France dès
décembre 1582, la suppression des dix jours se matérialisant par le passage du dimanche 9 au
lundi 20 décembre, ce qui provoqua un vif émoi de la population qu considéra avoir perdu dix
jours de sa vie.
32
D. LANGLOIS-BERTHELOT, Le Maître-Calendrier, Imprimeries réunies de Chambéry, 1975.
33
Les peuples colonisés d’Amérique, d’Afrique et d’Asie ont été soumis au calendrier de la
métropole et lors de l’indépendance, ils l’ont généralement conservé. Au XXème siècle, l’Europe
orientale a adopté ce calendrier : en 1912, l’Albanie et la Bulgarie, en 1918, la Russie, en 1919
la Roumanie et la Yougoslavie, en 1926, la Turquie. Il a également été utilisé par le Japon
pendant l’ère Meiji dès 1873, par la Chine lors de la première République en 1912, choix
réaffirmé en 1949.
34
Toutefois le calendrier grégorien a été abandonné un temps au profit du calendrier républicain
(ou révolutionnaire) adopté par la Convention en 1793, dans le but de rompre avec le régime
précédent, de donner un cadre de vie et de fêtes pour la nouvelle société et de rationaliser le
système de mesure. Ce calendrier ne parvenant pas à s’imposer dans les mœurs, Bonaparte abolit
le calendrier révolutionnaire le 15 fructidor An XIII ( 9 septembre 1805), et rétablit la calendrier
grégorien à compter du 1er janvier 1806.
35
Ainsi en Israël, les calendriers juifs et grégoriens coexistent.

11
L’informatique mondiale a également opté pour le système de datation
occidental. Mais, bien qu’il constitue le cadre temporel mondial, il faut tout de
même relever, que les pays n’expriment pas tous une date identique de la même
façon ; alors que le Français par exemple exprimerait la date du 14 novembre
2002 sous la forme suivante : 14-11-02, l’anglo-saxon, lui, indiquerait que l’acte
a été dressé le 11-14-02, sans pour autant commettre d’erreur en créant un
quatorzième mois, puisque dans ce système, la mention du mois précède celle
du jour.

7. Parallèlement à cette expansion du calendrier grégorien, la mesure du temps a


été affinée par l’harmonisation, en 1884, de l’heure. La Terre a été découpée par
les fuseaux horaires en vingt-quatre bandes du nord au sud en prenant comme
référence le méridien de Greenwich. La ligne de changement de date s’établit à
180° de ce méridien ; de part et d’autre de cette ligne, l’heure reste la même,
mais la date change. C’est ainsi que Phileas Fogg, héros de Jules Verne, a gagné
un pari, fait avec ses amis du Reform Club, consistant à effectuer le tour du
monde en quatre-vingts jours. Alors qu’il croyait avoir une journée de retard, le
héros s’aperçoit qu’il a gagné vingt-quatre heures sur le calendrier en voyageant
d’ouest en est, et il se rend donc à son club à l’instant précis où expire le délai
convenu36.

Cette date seule devient toutefois insuffisante lorsque l’instant envisagé ne se


produit pas, ou est survenu ou surviendra dans une année civile différente de
celle que le calendrier mesure. Il faut alors aller par delà les calendriers annuels,
sinon la datation serait impossible. Aussi selon les civilisations, le temps est
compté selon des cycles ou des ères.

Les Mayas, les Boudhistes et les Hindouistes optaient pour la référence aux
cycles, alors que les civilisations de la Méditerranée antique dataient à partir
d’événements fondateurs, comme le début d’une dynastie, l’avènement d’un

36
J. VERNE, Le tour du monde en 80 jours, Livre de Poche, 1994.

12
souverain ; ces événements étaient constitutifs du point de départ du décompte
des années, décompte dénommé ère.

Chaque civilisation choisit son ère : les Musulmans ont créé l’hégire qui
commence avec la fuite de Mahommet de La Mecque à Médine ; en Asie
mineure, on datait à partir de l’ère des Séleucides, en Espagne à partir de l’ère
d’Espagne. En Occident, on comptait par années de règne des empereurs, ou on
tentait de décompter les années à partir de la création du monde (annus mundi).
Au Moyen-Age, on datait à partir de la fondation de Rome (ab urbe condita,
AUC). Puis les computistes ont voulu déterminer avec précision la date de
Pâques ; or les tables pascales venaient d’Alexandrie et prenaient comme point
de départ le règne de l’Empereur Dioclétien. Dans un souci d’indépendance de
Rome par rapport à Alexandrie, le Pape Jean I chargea un moine scythe, Denys
le Petit, d’actualiser les tables pascales de Cyrille d’Alexandrie pour que Rome
puisse disposer de son propre comput. Ce dernier a décidé de dater ses tables à
partir de l’incarnation du Christ. L’année point de départ de sa datation est
mentionnée anno domini (année du seigneur), la datation s’effectuant par anni
domini.

8. Ainsi présenté le temps apparaît comme une réalité inexorable37. Aucune


volonté, qu’elle soit législative38 ou individuelle, ne peut agir sur l’écoulement
du temps39, ni sur sa quantification, même si de tout temps cette utopie fait
rêver. Marcel AYME, dans Le Passe muraille40, imagine et décrit deux tentatives
de maîtrise du temps par l’Etat durant la guerre, l’une consistant à faire un bond

37
En ce sens : S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUF, 2001, p. 15 : « Pour
le juriste comme pour le profane, le temps est généralement perçu comme une donnée fixe et
invariable qui n’appelle en principe aucune prévision ».
38
En ce sens A. CABANIS, « L’utilisation du temps par les rédacteurs du code civil », in Mélanges
offerts à P. HEBRAUD, p. 171 et s. : « Le temps est reconnu comme une force devant laquelle il
faut s’incliner, que le législateur ne peut prétendre dominer ».
39
Cf BAUDELAIRE dans le poème L’horloge (G. POMPIDOU, Anthologie de la poésie française,
préc., p. 368) : « Souviens-toi que le temps est un joueur avide, Qui gagne sans tricher, à tout
coup ! c’est la loi, Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi ».
40
In Œuvres romanesques complètes, III, La Pléïade, éd. Gallimard, 2001, spéc. La Carte, p. 369
et s., et Le Décret, p. 385 et s.

13
de dix-sept années en avant, permettant ainsi aux hommes de se réveiller une
fois les combats finis, l’autre résidant dans l’attribution d’une carte-temps
conduisant à la « mise à mort des consommateurs improductifs » afin de parer à
la disette, en leur accordant un nombre de jours d’existence dans le mois
inférieur à sa durée. Mais s’il dépeint cette volonté de maîtriser le temps, ce
n’est que pour en constater l’échec41. L’homme ne peut être maître du temps,
réalité que PORTALIS, lors des travaux préparatoires du code civil, exposait en
ces termes : « […]Comment enchaîner l’action du temps ? comment s’opposer
au cours des événements ou à la pente insensible des mœurs ? comment
connaître et calculer d’avance ce que l’expérience seule peut nous révéler »42.
GOETHE a également constaté cette impuissance: « Comme fouettés par des
esprits invisibles, les coursiers solaires du temps passent avec le léger carrosse
de notre destinée. Et il ne reste rien d’autre à faire que de tenir solidement les
rênes, et tantôt à droite, tantôt à gauche, de guider la course des roues entre la
roche et le précipice. Où va-t-on ? Est-il quelqu’un qui le sache ? A peine si l’on
se rappelle d’où l’on vient ? »43. L’homme ne peut donc que constater les
événements44.

9. Le droit lui aussi subit le temps. C’est pourquoi certains auteurs considéraient,
en envisageant le rapport dialectique du droit au temps, que le droit est la
stabilité. Ainsi RIPERT pensait que « le droit est la formulation de l’ordre social
établi et non l’anticipation de l’avenir »45. Le droit serait donc constamment en

41
En effet, après avoir déclaré : « Chronos était bon à empailler. Les hommes étaient maître du
temps et ils allaient le distribuer avec beaucoup plus de fantaisie que n’en avait mis, dans sa trop
paisible carrière, le dieu découronné », il constate que « les essais auxquels il fut secrètement
procédé n’aboutirent à rien d’utile ».
42
Cité par P.-A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, 15 vol, Paris,
1827, TI, p. 469.
43
Egmont, 1787, trad. Benoît-Méchin, Stock, 1937.
44
Cette conception fataliste correspond à celle du droit musulman ( CHEHATA, Le concept du
contrat en droit musulman, Arch. Phil. Dr., T. XIII (1968), p. 129 et s.) pour lequel le contrat
n’a de prise que sur ce qui est matériellement tangible, avec l’impossibilité de se développer
dans le temps, d’agir sur le futur.
45
Les forces créatrices du droit, Paris, 1955, p. 10.

14
décalage avec l’évolution temporelle, n’évoluant que du fait de la constatation
d’un événement et en réaction à cet événement.

Ainsi le droit irait de paire avec l’institutionnalisation. Il vaudrait mieux saisir le


droit sous la forme de l’institution que de le décliner sur le mode de
l’instantané46.

Or tel n’est pas le cas du droit des contrats qui envisage le rapport du contrat au
temps en termes d’instantané47. Selon l’article 1583 du code civil, le contrat
produit automatiquement ses effets à partir du moment où l’accord des volontés
est parfait, et c’est à ce même instant qu’il faut se placer pour déterminer la loi
applicable, pour apprécier la validité du contrat, les contractants devant être
capables au moment de la conclusion du contrat, l’objet et la cause devant
exister à cette même date.

10. La théorie civiliste classique concentre ainsi la force obligatoire du contrat


dans le seul instant ponctuel d’échange des volontés48. Toute relation du contrat
avec le futur49, toute inscription du contrat dans la durée sont donc rejetées par
le droit. Témoignent de cette réalité le principe du maintien de la loi ancienne en
droit transitoire, celui du nominalisme monétaire, le rejet de la théorie de
l’imprévision.

46
En ce sens, M. HAURIOU, Aux sources du droit, Toulouse, Centre de philosophie politique et
juridique, rééd. 1986, p. 189. Selon cet auteur, « Si le droit n’utilisait pas le temps, s’il se
réduisait à des actes instantanés, il ne serait rien ».
47
En ce sens, S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUF, 2001, p. 27
48
J. HAUSER, « Temps et liberté dans la théorie générale de l’acte juridique », in Religion, société
et politique, Mélanges en l’honneur de JACQUES ELLUL, Paris, 1973, p. 503. J.-M. MOUSSERON a
également soutenu que « la littérature juridique partageait avec la littérature romanesque le goût
du coup de foudre », in « La durée dans la formation des contrats », Mélanges JAUFFRET, Faculté
de droit et sciences politiques d’Aix-Marseille, 1971, pp. 509-524, spéc. p. 509.
49
En ce sens cf C. THIBIERGE-GUELFUCCI, « Libres propos sur la transformation du droit des
contrats », RTD civ. 1997, p. 357 et s., spéc. n° 5, p. 360. Cf également B. FAGES, Le
comportement du contractant, PUAM, 1997, spéc. n° 23 et s. Cet auteur, pour analyser le
comportement extérieur au contrat, distingue trois sortes de comportements en retenant une
analyse chronologique selon le passé, le présent et le futur. Il conclut que la réception de ces
trois comportements est faible, le droit considérant le contrat dans son instantanéité et dans son
individualité, sans prendre en considération les comportements passés, futurs ou concomitants.

15
Traditionnellement50, le droit se méfie ainsi de la durée considérant que celle-ci
est facteur d’érosion des institutions51 et des volontés, un facteur d’insécurité
juridique venant bouleverser l’économie du contrat52. Mais, dès lors que la durée
est envisagée dans sa dimension passée, elle n’entraîne pas d’instabilité puisque
tout ce qui participe au passé est acquis ; le passé est donc synonyme de
stabilité, « l’écoulement d’une période, l’accumulation de faits constants, la
répétition de gestes et d’actes d’usage ou d’utilisation, toute la
« trame historique » des situations juridiques » jouant un rôle consolidateur53.

11. De même que le rejet de la notion de durée en matière contractuelle n’est pas
justifiée, celui du futur ne l’est pas davantage. La « vie » du contrat ne se limite

50
La durée a toutefois été introduite dans le processus de volonté dans le but de protéger certains
contractants par le biais des délais de réflexion voire de repentir ou de rétractation, ce qui fait
dire à O. TAFANELLI que « la durée des contrats est aujourd’hui orientée, finalisée, dans le sens
notamment de la protection des contractants en situation de faiblesse » (in Le temps et le contrat
d’assurance, préc., p. 15, § 10). Cf également : O. LITTY, Inégalités des parties et durée du
contrat. Etudes de quatre contrats d’adhésion usuels, LGDJ, 1999, n° 8, p. 9 et s.
51
En ce sens : V. RIPERT, Les forces créatrices du droit, p. 395 et s., 398, 402 ; H. GROUTEL,
Rapport introductif, in Colloque du 9 novembre 2000, « Le facteur « temps » dans l’assurance »,
RGDA 2002, p. 1105 et s. L’auteur nuance toutefois l’action érosive du temps ; il déclare que
« ce n’est pas le temps lui-même qui érode, mais divers facteurs qui interviennent au fur et à
mesure qu’il passe ».
52
Cette notion n’a pas été définie par la Cour de Cassation et a divisé la doctrine. Partant de la
définition du mot « économie » donnée dans le Vocabulaire juridique, sous la direction de G.
CORNU comme « ordre interne, structure, organisation », certains ont considéré que l’économie
du contrat recouvrait « l’ensemble des lois (au sens matériel) qui régissent la structure du
contrat » (P. DELBECQUE, note sous Cass. com., 16 janvier 1996, DMF 1996, p. 627). Pour
d’autres il s’agit de l’essentiel du contrat (cf A. ZELCEVIC-DUHAMEL, « La notion d’économie du
contrat en droit privé », JCP 2001, I, 300, note 6 qui fait référence aux obligations essentiala
définies par POTHIER ; également P. JESTAZ, « L’obligation et la sanction : à la recherche de
l’obligation fondamentale », Mélanges Raynaud, Dalloz-Sirey, 1985, p. 273 et s.), de la
« cohérence interne du contrat », de la « finalité d’une opération contractuelle », de « l’équilibre
général de la convention, la répartition fixée des droits et obligations des parties » et
« lorsqu’elle est invoquée en considération de plusieurs actes », « elle se rapproche du but du
contrat, de l’objectif poursuivi par les parties quand elles ont contracté » (G. MEILHAC-REDON et
F. MARMOZ, « Cause et économie du contrat, un tandem au service de l’interdépendance des
contrats, Petites Affiches, 29 décembre 2000, n° 260, p. 12 et s.).
53
J. DEPREZ, La rétroactivité dans les actes juridiques, 2 volumes, Thèse Rennes, 1953, n°4, p.7.
Cet auteur est cité par S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUF, 2001, p.15 ;
cf également P. HEBRAUD, article précité, p. 26 : « Les notions d’état et de statut elles-mêmes
n’ont d’intérêt que par la stabilité et la durabilité grâce auxquelles ils s’étalent sur le passé et sur
l’avenir ».

16
pas à sa naissance54, les effets des contrats n’étant pas tous instantanés. La
volonté contractuelle est en effet entièrement tournée vers le futur55 .

Et cette relation du contrat au futur conduit à envisager un autre rapport de


l’homme au temps. Certes, celui-ci se trouve prisonnier de l’écoulement du
temps, mais rien ne l’empêche d’envisager l’avenir, de choisir l’instant de
conclusion du contrat. Les parties concluent un acte à un instant donné, prenant
en considération les circonstances existant lors de la conclusion du contrat56 et
des événements futurs qu’elles prévoient.

HAURIOU définissait d’ailleurs le contrat comme « l’entreprise la plus hardie[…]


pour établir la domination de la volonté humaine sur les faits, en les intégrant
57
d’avance dans un acte de prévision » . Le contrat est donc un « acte de
prévision »; la prévision portant sur un événement qui est postérieur au moment
où elle est formulée, étant « l’action de prévoir, qui consiste à se représenter ou
à organiser quelque chose à l’avance »58, le contrat a vocation à s’inscrire dans
le temps, à durer. Il emporte la création d’un certain nombre d’obligations qui
s’exécutent le plus souvent dans le temps59, d’effets dont la survenance peut être
différée par rapport à la date de conclusion du contrat. Le contenu obligationnel
du contrat né au moment de sa formation perdure donc tout au long de la durée
du contrat.

54
Même si selon P. HEBRAUD (art. préc.), « le rôle le plus fréquent attribué à l’instant est de
marquer la naissance des droits ». Il prend notamment comme exemple celui des actes juridiques
et plus précisément « la date respective des contrats créateurs d’obligations ou de droits réels qui
en établit le classement ».
55
A. SERIAUX, « Le futur contractuel », in Le droit et le futur, Travaux et recherches de
l’Université de droit, d’économie et de sciences sociales de Paris, PUF, 1985, p. 77 ; J.-M.
TRIGEAUD, « Promesse et appropriation du futur, in Le droit et le futur, Travaux et recherches de
l’Université de droit, d’économie et de sciences sociales de Paris, PUF, 1985, p. 63.
56
En ce sens, L. MAYAUX, « Le temps et l’évolution du risque », in Colloque du 9 novembre
2000, « Le facteur « temps » dans l’assurance », RGDA 2002, p. 1110 et s. L’auteur déclare que
« le consentement au contrat est instantané » et que « le consentement proprement dit […] est
donné à un instant de raison en considération d’un état du risque à cet instant » ; cf également J.
HAUSER, « Temps et liberté dans la théorie générale de l’acte juridique», in Mélanges J. ELLUL,
1983, p. 506 : le consentement est censé se produire en un moment « presque intemporel ».
57
HAURIOU,Principe du droit public, Sirey, 1ère éd., 1910, p. 206, cité par P. HEBRAUD,
« Observations sur la notion du temps dans le droit civil », art. préc., n° 20.
58
H. LECUYER, « Le contrat, acte de prévision », in L’avenir du droit, Mélanges en l’hommage à
F. TERRE, p. 643.
59
Sauf le contrat à exécution instantanée.

17
Le temps se trouve alors sous l’emprise de l’homme60, qu’il s’agisse des parties
au contrat ou du législateur61, puisque celui-ci peut proroger le présent,
envisager l’avenir ou choisir l’instant par exemple de la conclusion du contrat,
de son exécution62.

12. L’instant choisi par le droit, qu’il s’agisse du droit des contrats ou de toute
autre matière, est l’instant opportun, ce qui correspond à une dimension
particulière de l’expérience du temps désigné par le terme kairos63. Le kairos est
le bon temps, le fait d’intervenir et d’agir au bon moment, « l’instant propice qui
bouleverse la continuité chronologique »64 ; il est le temps que BACHELARD

considérait comme l’axe vertical de l’instant créateur65. C’est en ce sens que


l’instant joue un rôle essentiel en droit des contrats. Il peut être instant unique
comme celui du commencement de la vie, celui du départ d’un délai, ou un
instant élu comme l’est parfois la date de conclusion du contrat, sa date
d’exécution.

Mais dans tous les cas, le choix de l’instant est arbitraire. Ainsi, si l’instant
choisi par le droit est celui de la naissance, la date de conception qu’il prend
parfois en considération (l’antérieur), de même que les dates anniversaire (le

60
P. HEBRAUD « Observations sur la notion du temps dans le droit civil », art. préc., p. 26.
61
F. RIGAUX, Introduction à la science du droit, Bruxelles, 1974, pp. 370-371 : « La valeur
fondamentale du droit est la prospective. Si le droit a un sens, c’est de nous offrir un projet de
société future et de contribuer, par les méthodes qui sont les siennes, à les réaliser ».
62
Même si tous les événements influant sur le contrat, et donc le moment de leur survenance ne
sont pas forcément prévisibles. Cf en ce sens, HAUSER (Objectivisme et subjectivisme dans l’acte
juridique, Thèse Paris, 1971, n° 82, p. 126) : « en faisant coïncider dans le temps l’échange des
consentements, le droit positif réduit à son minimum la contrainte temporelle sur la formation de
l’acte. Il s’agit d’un pari sur l’avenir, sur l’exécution de la convention ».
63
Cf E. A. MOUTSOPOULOS, « Le statut philosophique du kairos », in Les figures du temps,
Presses universitaires de Strasbourg, 1997, pp. 48-56 ; J. LACROSSE, « Chronos psychique, aîon
noétique et kairos hénologique chez Plotin », in Les figures du temps, préc., pp. 75-87.
64
F. OST, Le temps du droit, éd. Odile Jacob, 1999, p. 27.
65
G. BACHELARD, L’intuition de l’instant, Paris, Stock, Le Livre de poche, 1992. L’auteur
s’opposait en cela à H. BERGSON (Durée et simultanéité, Paris, PUF, rééd., 1992) qui concevait le
temps comme l’axe horizontal de la durée. F. OST (Le temps du droit, éd. Odile Jacob, 1999, p.
27) opte pour une autre conception considérant que les analyses de BERGSON et de BACHELARD
sont complémentaires ; il considère qu’ « au croisement de ces deux axes, c’est une diagonale
qui s’inscrit, du moins chaque fois que nous sommes capables d’initiative et d’histoire –de pause
aussi, de ces instants suspendus qui s’avèrent propices à la réflexions et aux réorientations ».

18
postérieur) sont réelles, mais le choix, comme référence à l’application d’une
règle de droit de l’instant de la naissance est arbitraire, même s’il s’agit d’un fait
bien réel. De même, c’est arbitrairement que le législateur a choisi comme
événement départiteur de droits en concours l’instant de décès, ou celui de l’état
de cessation des paiements ou de l’ouverture d’une procédure collective.

13. L’instant est défini en philosophie comme « la notion limite désignant une
position temporelle en forme de coupure idéale dans le temps et qui, indivisible,
n’a en elle-même aucune durée »66.

Cette définition renvoie à la seconde forme du temps juridique mesuré67, à


savoir la durée68, pour la différencier totalement de l’instant, et l’exclure de
notre étude.

La référence à la notion de durée suppose une conception du temps en termes de


chronométrie.

Chronométrer, c’est en effet relever exactement le temps dans lequel


s’accomplit une action, c’est quantifier la période d’une action en termes
d’écoulement du temps. Or, dès que l’on envisage la datation par référence à
l’instant, l’écoulement du temps se trouve arrêté à chacun des instants. C’est
d’ailleurs à cette notion d’instant que renvoie le concept juridique de délai69 qui
est empreint de durée et dont le but est de « contrôler le rythme de la vie

66
F. CHENET, Le temps, Temps cosmique, Temps vécu., A. Colin, 2000.
67
Cf en ce sens : S. CENDRE-MALINAS, « Le temps au prisme de quelles que interrogations
actuelles », Rev. fr. aff. soc. , n° 3, 1998, p. 11 et s. Toutefois pour certains auteurs
philosophiques, le temps s’identifie à la durée. C’est le cas de BERGSON (Essai sur les données
immédiates de la conscience, PUF, 155ème éd., 1982, p. 56 et s.) pour qui le temps est une
donnée immédiate de la conscience. Pour d’autres auteurs, le temps équivaut à l’instant ; ainsi
BACHELARD (L’intuition de l’instant, Stock, 1931, rééd. 1992) écrit-il que la durée «
« uniformément variée » ne prend corps et ne s’inscrit dans la réalité qu’au moment de l’instant
dramatique au cours duquel se produit l’accident, événement créateur ».
68
Sur cette notion, cf notamment J. AZEMA, La durée des contrats successifs, préf. R. NERSON,
Bibl. Dr. privé, t. 102, Paris, LGDJ, 1969.
69
Sur cette notion de délai : A. OUTIN-ADAM, Essai d’une théorie des délais en droit privé.
Contribution à l’étude de la mesure du temps par le droit, Thèse Paris II, 1986, cité par O.
TAFANELLI, Le temps et le contrat d’assurances, thèse préc., p. 15, note n° 70.

19
juridique » 70 en incitant les uns à l’action, en protégeant les autres contre un
engagement trop hâtif notamment, et de mettre fin à certaines situations
précaires en imposant ces délais pour l’accomplissement de certaines formalités.

Le délai n’est en effet rien d’autre qu’un temps délimité par un instant de départ
et un instant d’expiration71, un segment de temps dont les instants marquent les
extrémités72.

14. L’instant, repère essentiel de la vie juridique en ce qu’il marque les moments
de naissance et d’extinction de la personne, du début et de la fin d’une situation
juridique ou de la survenance d’un fait juridique, renvoie ainsi à la conception
chronologique du temps.

La chronologie, « succession de points repérables par références à leur


antériorité et leur postériorité »73, consiste en effet dans le repérage des instants,
dans la succession dans le temps d’événements. ARISTOTE a, à plusieurs reprises,
souligné ce rapport du temps et de l’instant déclarant que « ce qui est déterminé
par l’instant paraît être le temps »74 et que « sans le temps, pas d’instant, sans
l’instant pas de temps »75. Et ces instants prennent une importance primordiale
lorsque leur succession ou leur simultanéité emporte des conséquences de
droit76.

70
J.-L. BERGEL, Méthode du droit. Théorie générale du droit, Dalloz, 2ème éd., 1989.
71
O. PLAYOUST, « Normativité et légitimité du droit », RRJ 1993-1, p. 193 et s.
72
En ce sens : P. WECKEL, « Les instantanés en droit international », in Le droit international et
le temps, Colloque de Paris, Société française pour le droit international, éd. A. Pédone, 2001, p.
175 et s.
73
J.-L. BERGEL, Méthodes du droit; Théorie générale du droit, Dalloz, 2ème éd., 1989, § 115, p.
123.
74
Physique, iv, 11, 219 a 29.
75
Physique, iv, 11, 219 b 33.
76
O. TAFANELLI distingue à ce sujet le rôle de la durée et celui de l’instant. Selon cet auteur,
« alors que la durée caractérise l’engagement commun, voire l’institution, le rôle de l’instant est
surtout de dater et de hiérarchiser les droits subjectifs », in Le temps et le contrat d’assurances,
préc., §. 7, p. 13.

20
15. Les illustrations de cette importance sont nombreuses, et se rencontrent dans
diverses branches du droit. Tel était le cas en matière successorale, jusqu’à la loi
n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et
des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions du droit
successoral77, de la théorie des comourants appliquée lors de la survenance du
décès au cours d’un même accident de plusieurs membres d’une même famille,
réciproquement héritiers l’un de l’autre. Il s’agissait d’établir la chronologie de
leurs décès, puisque celle-ci commandait la dévolution de leurs biens. C’était en
effet aux héritiers de celui des comourants qui était mort le dernier que
revenaient les biens des comourants78.

Les instants importent également en cas de pluralité d’actes juridiques relatifs à


un même objet. Pour établir lequel de ces actes a effet, il faut raisonner en
termes d’antériorité, en application notamment de l’adage prior tempore, potior
jure79. Ainsi la personne possédant le titre de propriété le plus ancien sera
considérée comme le propriétaire, sauf si la chose est purement mobilière, la
personne mise en possession réelle étant préférée malgré la postériorité de son
titre, à condition qu’elle soit de bonne foi80. En matière immobilière, la situation
est un peu différente, la préférence étant donnée à l’acte publié le premier,
même s’il n’a pas été conclu le premier. Un autre exemple peut être tiré du droit
des régimes matrimoniaux. Selon l’article 1395 du code civil, la rédaction du
contrat de mariage doit précéder le mariage. Pour établir cette antériorité,
l’article 1394, alinéa deux in fine du même code ajoute que le notaire doit
notamment mentionner sur l’acte la « date du contrat ». Le droit des procédures

77
JO 4 décembre 2001 ; JCP N 2001, n° 51-52, p. 1882 ; cf, I. CORPART, « Les difficultés liées
à la constatation des décès après la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 », JCP N 2002, 1483,
pp. 1209-1215 ; N. DIRADOURIAN, « La fin des comourants », Gaz. Pal. n° 275, 2 octobre 2002,
n° spécial droit patrimonial de la famille, pp. 13-14.
78
Pour éviter tout débat relatif à cette chronologie, les codificateurs avaient établi un faisceau de
présomptions légales de survie énumérées par les articles 721 et 722. Depuis 2001, le nouvel
article 725-1 du code civil prévoit que « lorsque deux personnes dont l’une avait vocation à
succéder à l’autre, périssent dans un même événement, l’ordre des décès est établi par tous
moyens ». Mais, « si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d’elles est
dévolue sans que l’autre y soit appelée ».
79
Cette adage signifie : premier en date, meilleur en droit ; cf H. ROLAND, L. BOYER, Adages du
droit français, Litec, 4ème éd., 1999.
80
C. civ., art. 1141.

21
collectives fait lui aussi appel à cette chronologie des événements déclarant nuls
les contrats « effectués après la date de cessation des paiements »81, accordant
un privilège aux créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, ce qui
nécessite d’établir que le contrat a été conclu après cet instant82.

Ainsi est démontrée l’importance de l’instant en termes de succession.

L’instant est aussi primordial en matière de simultanéité. En témoigne la


convention matrimoniale. L’article 1394 alinéa premier du code civil exige en
effet que cette convention soit rédigée « en la présence et avec le consentement
simultanés » des parties ou de leurs mandataires. Ainsi, à l’instant de rédaction
et de signature du contrat les deux parties doivent être présentes et consentir ; il
faut donc établir que la présence des futurs époux se produit à des instants dont
la datation permet d’établir qu’ils sont simultanés.

16. Ces notions de simultanéité et de succession, auxquelles il faut ajouter celle


de durée, permettent de ranger dans l’ordre temporel les événements dont on
connaît l’une ou l’autre de ces deux relations temporelles que ces faits possèdent
vis-à-vis des autres événements. Elles ne présentent d’utilité que si leur sont
adjoints les concepts de présent, passé et avenir, notions qui ont trait à
l’expérience humaine de ces événements.

Présent, passé et avenir sont constitutifs du temps puisqu’ils en désignent des


parties ou des phases bien déterminées lorsqu’on se place à un instant précis.
Mais les événements ne paraissent directement accessibles que s’ils sont
présents. Pourtant les événements passés ou futurs ne sont pas « isolables
comme tels dans l’expérience humaine, ils renvoient de façon essentielle l’un à

81
C. com., art. L. 621-108 ; anciennement L. n° 85-98 du 25 janvier 1985, art. 108.
82
C. com., art. L. 621-32; anciennement L. n° 85-98 du 25 janvier 1985, art. 40.

22
l’autre, on ne peut saisir un moment sans qu’il « sorte de lui-même », se réfère
intrinsèquement aux autres »83.

17. C’est donc dans le présent qu’apparaissent les perspectives organisées du


passé et de l’avenir .

L’instant, c’est le temps présent, mais pas uniquement le « présent du présent »


comme le dit SAINT AUGUSTIN pour qui le temps est privation d’être puisqu’il est
constitué de trois néants : le passé qui n’est plus, l’évanescent présent (dès qu’il
est, il cesse d’être) et l’avenir qui n’est pas encore84. Selon le moment auquel on
se place pour donner effet à un droit par exemple, qu’il s’agisse du présent, du
passé ou du futur, l’instant est « présent du passé », « présent du présent » et
« présent du futur »85.

Ainsi prenons le cas de M. X qui vend à M. Y, le 1er septembre 2003, une


voiture qui ne lui appartient pas au jour de la vente, avec paiement différé. Le
véritable propriétaire entend revendiquer son bien fin septembre de la même
année. Cette revendication s’effectue ce jour, il s’agit donc du « présent du
présent ». La procédure conduit à établir qui est le véritable propriétaire du
véhicule. Il faut donc revenir dans le passé, à la date de conclusion de la vente
pour savoir qui était le propriétaire de la voiture. Cette date de conclusion
constitue alors le « présent du passé ». Inversement prévoir la date du paiement

83
G. HAARSCHER, « Le temps du droit et l’expérience totalitaire », in Temps et droit. Le droit a-t-
il pour vocation de durer ?, Bibliothèque de l’Académie européenne de théorie Fuls et Kub,
Bruylant, 1998 , p. 159.
84
Cf Les Confessions, livre XI, XIV, trad. P. Cambronne, Bibliothèque de La Pléiade,
Gallimard, p. 1041 : -« Mais ces deux temps –le passé et le futur-, comment peut-on dire qu’ils
« sont », puisque le passé n’est plus, et que le futur n’est pas encore ? Quant au présent, s’il
restait toujours présent sans se transformer en passé, il cesserait d’être « temps » pour être
« éternité ».
-« Si donc le présent, pour être « temps », doit se transformer en passé, comment pouvons-nous
dire qu’il « est «, puisque son unique raison d’être, c’est de ne plus être –si bien que, en fait,
nous ne pouvons parler de l’être du temps que parce qu’il s’achemine vers le non-être ».
85
SAINT AUGUSTIN, in Les Confessions, livre XI, XX, trad. P. Cambronne, préc., p. 1045 : « Ce
qui me paraît comme une évidence claire, c’est que ni le futur ni le passé ne sont. C’est donc une
impropriété de dire : « Il y a trois temps : le passé, le présent et le futur. » Il serait sans doute
plus correct de dire : « Il y a trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du
futur. » »

23
différé, c’est se projeter dans le futur, ce que SAINT AUGUSTIN dénomme
« l’attente »86, et ce qui deviendra un jour le « présent du présent ».

18. L’instant, temps présent, est donc le maillon qui permet de relier le temps
passé au futur87. Son rôle principal est d’assurer la continuité du temps88. La
simultanéité étant négation de la succession, l’ordre temporel peut être réduit à
une suite linéaire qui se révèle continue et l’instant apparaît alors comme
départiteur de droits.

Mais il ne peut remplir cette fonction que pour autant que cet instant soit mesuré
ou mesurable, que pour autant qu’il soit quantifié en temps-coordonnée, c’est-à-
dire exprimé sous forme de date, ce trinôme jour-mois-année que Mme SOUSI-

ROUBI dénomme « date concrète »89. La datation d’un événement consiste en


effet à lui attribuer un ordre de classement sur l’échelle du temps 90, à lui donner
91
des coordonnées temporelles. D’ailleurs selon HEBRAUD , la notion de date est
prise en compte dans la mesure où elle intervient dans la fixation des instants.
Selon cet auteur, elle n’est donc prise en compte que lorsqu’elle permet de situer
l’instant sur le calendrier et sur la ligne du temps s’il s’agit de le fixer sur une
année différente de celle où se situe la personne voulant dater.

86
« Il y a bien dans l’âme ces trois modalités du temps, et je ne les trouve pas ailleurs. Le
présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est la vision directe ; le présent du
futur, c’est l’attente », in Les Confessions, livre XI, XX, trad. P. Cambronne, préc., pp. 1045-
1046.
87
En ce sens : G. BERGER cité par P. HEBRAUD (« Observations sur la notion du temps dans le
droit civil », article précité, § 18, p. 26) qui parlait d’un « présent épais », contenant les franges
par les quelles il touche au passé et à l’avenir.
88
En ce sens : ARISTOTE, Physique, iv, 13, 222 a 10 : « L’instant est la continuité du temps ».
89
In « Variations sur la date », RTD civ. 1991, p. 69-108.
90
En ce sens : P. WECKEL, « Les instantanés du droit international », in Le droit international et
le temps, Colloque de Paris, Société Française pour le Droit International, éd. A. Pedone, p. 175
et s., spéc. p. 176.
91
Cité par F. FAVENNEC-HERY, « La date certaine des actes sous-seing privé, RTD civ. 1992, p.
1.

24
19. Au kairos s’ajoute alors le chronos, temps linéaire objectivé et mesurable de
l’horloge. « Le repérage du temps s’appuie », en effet, « sur une horloge
permettant de repérer le nombre N de battements ayant eu lieu depuis le début
des opérations. Lorsqu’on connaît la durée d’un battement, il est alors facile à
chaque instant de repérer le moment où on se situe par rapport à un calendrier,
c’est-à-dire « les dates » »92.

Rattachée à une date concrète, l’instant revêt une importance particulière


puisqu’il peut lui être attribué des effets de droit. Ainsi à la date d’échéance d’un
terme est attachée la survenance de différents effets tels l’exigibilité, la
déchéance, la prescription ou la forclusion. Dire que la date d’échéance du terme
constituera la date d’exigibilité de la créance ne suffira pas à son titulaire ; celui-
ci doit connaître la date concrète d’exigibilité de la créance pour pouvoir en
exiger le paiement, constater le retard d’exécution.

Le droit attache donc des effets juridiques aux fractions de temps, mais à
condition toutefois que celles-ci revêtent un sens pour le juriste ; tel est le cas
lorsque rattachées à un instant choisi arbitrairement par le législateur ou les
contractants et auquel ils ont attaché un effet de droit, elles le quantifieront pour
lui donner un coordonnée temporelle concrète. Cette date concrète accèdera
alors à la dimension juridique, le juriste pouvant tirer des conséquences de cette
datation93. Ainsi, en matière contractuelle, il faut être capable pour conclure un
contrat. L’un des cas d’incapacité est la minorité. Pour que le contrat soit
valable, il faut donc que le contractant ne soit pas mineur à la date de conclusion
du contrat. L’existence de la minorité s’établit en comptant le nombre d’années
écoulées depuis la date de naissance du contractant. Opérer la datation de la
naissance, mais également celle de la rencontre des volontés des parties, c’est-à-
dire les exprimer dans leur dimension concrète, permettra au juriste de savoir si
au moment de la conclusion du contrat, la dix-huitième date-anniversaire des
parties a été atteinte, auquel cas le contrat sera valable.

92
J. DIONO, « Le temps, la durée, l’an 2000 et l’informatique », JCP E 1999, p. 1325 et s., spéc.
1326.
93
F. FAVENNEC-HERY (« La date certaine des actes sous seing-privé », RTD civ., 1992, p. 1) dit
en ce sens que « la date est une terme qui évoque les rapports de la règle et du temps ». L’auteur
fait d’ailleurs référence à PLATON (Discours sur les passions, Pensées 25, éd. La Pléiade).

25
20. La première partie de cette étude sera donc consacrée à la fixation de la date,
le singulier ne signifiant pas que le contrat ne comporte qu’une seule date, celle
apposée sur le contrat au moment de la signature, celle de la rencontre des
volontés. L’analyse du rapport de cette notion de date au contrat ne se limitera
donc pas à la seule et unique date de conclusion du contrat, même s’il est
certain, à la lecture notamment du Code civil, que de nombreuses références
sont faites à cette date. A titre d’exemples peuvent être mentionnés, l’article
1150 traitant de la responsabilité contractuelle et qui limite les dommages et
intérêts auxquels est tenu le débiteur à ceux « qui ont été prévus […] lors du
contrat », l’article 1179 qui confère à la condition un effet rétroactif « au jour
auquel l’engagement a été contracté », l’article 1609 qui vise le « temps de la
vente », l’article 1614 qui fait référence « au moment de la vente »; dans le code
des assurances peut être mentionné l’article L.112-2 qui fait obligation à
l’assureur de fournir une fiche d’information sur les prix « avant la conclusion
du contrat »94.

Cette propension législative à se référer à la date de conclusion du contrat ne


signifie pourtant pas qu’elle soit la seule à revêtir de l’importance.

D’autres instants marquants du contrat emportent en effet des conséquences de


droit et nécessitent pour cela de se voir attribuer une coordonnée temporelle.
Peuvent être citées, sans que cela soit exhaustif, la date de prise d’effet du
contrat, son effectivité pouvant être antérieure ou postérieure à sa conclusion95,
la date de livraison96 ou celle de délivrance ou de défaut de délivrance97, la date

94
Cette liste n’est pas exhaustive.
95
L’article 1395 du code civil prévoit ainsi que les conventions matrimoniales « ne peuvent
prendre effet qu’au jour de la célébration » du mariage.
96
C. civ., art. 1601-2. Cet article prévoit , dans la vente à terme, le paiement du prix « à la date
de livraison ».
97
C. civ., art. 1611 et 1651.

26
d’exécution qui notamment permettra d’établir le retard d’exécution et d’en tirer
les conséquences98.

L’intérêt d’une analyse relative à la fixation de la date réside donc dans les
conséquences attachées à la connaissance de cette date. Aussi dans une seconde
partie s’agira-t-il de s’intéresser à l’utilité de la date ainsi déterminée, l’utilité
s’entendant du rôle que ces dates du contrat sont amenées à jouer dans les divers
domaines du droit.

Premiere partie : la fixation de la date

21. Le contrat a essentiellement pour effet de produire des droits et obligations


au profit et à la charge des cocontractants. Il constitue le principal instrument de
la vie économique. La plupart des actes de la vie courante sont des contrats.
Cette affirmation vaut tant pour le particulier qui contracte quand il achète son

98
C. civ., art. 1153 . Cet article prévoit, dans le cas d’une obligation de payer une certaine
somme, l’octroi de dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution. La détermination
de ce retard suppose que soit connue la date d’exécution prévue.

27
pain, se rend chez le médecin, téléphone ; que pour l’entreprise qui prend
généralement naissance par un contrat et nécessite pour fonctionner la
conclusion de différents contrats (fournitures, électricité, contrat de travail…).

22. Mais le contrat n’est utile et efficace que pour autant que ses effets soient
précisément fixés dans le temps, permettant ainsi de sanctionner la défaillance
du contractant constatée à la date d’exécution prévue initialement.

Comment parler d’effet obligatoire du contrat, si celui-ci se contentait de créer


des obligations, sans les assortir d’un caractère impératif. Et ce caractère
impératif n’existe que pour autant que les dates d’effectivité, d’exécution par
exemple sont fixées. Se posent dès lors deux questions : qui fixe la date et
comment ?

23. Il convient, dans un premier temps, de s’interroger sur le titulaire de ce


pouvoir de fixation que l’on dénommera « pouvoir de dater » (Titre I) en
recherchant si les parties bénéficient d’une totale liberté au titre de l’autonomie
des volontés, ou si, au contraire, ce pouvoir est limité.

Dans un second temps, il faudra identifier les modalités d’expression de ce


pouvoir en s’interrogeant sur les moyens dont dispose son titulaire pour situer,
sur la flèche du temps, les instants du contrat que peuvent être les dates de
conclusion, d’effectivité, d’exécution. Cette analyse conduira à s’interroger sur
l’opération de datation (Titre II), expression du pouvoir de fixation de la date.

28
Titre I : Le pouvoir de dater

24. Le pouvoir de dater est celui de choisir la date des différents événements
présidant à la formation du contrat et jalonnant sa vie. Il ne s’agit donc pas de
pouvoir au sens juridique de « l’aptitude d’origine légale, judiciaire ou
conventionnelle à exercer les droits d’autrui (personne physique ou morale) et à
agir pour le compte de cette personne dans la limite de l’investiture reçue
(pouvoir d’administrer, de disposer) qui correspond en général pour celui qui
l’exerce, non seulement à un droit d’agir qui fonde son intervention, mais à une
mission »99, mais du pouvoir au sens commun de « fait de disposer de moyens
qui permettent une action »100.

Or, en matière contractuelle ces moyens trouvent principalement leur source


dans la théorie de l’autonomie de la volonté.

25. Cette théorie repose sur la croyance en la liberté naturelle de l’homme.


Celui-ci ne peut s’obliger que par sa propre volonté . Dans la conception
classique de la volonté, l’individu est en effet maître de sa destinée et libre de
ses choix101.

Certains articles du code civil consacrent indirectement cette autonomie. Tel est
le cas de l’article 1134 érigeant le contrat en loi des parties. Cette disposition
implique que la volonté tire d’elle-même sa force contraignante. Fondée sur
l’autonomie de la volonté, elle s’applique seulement à l’égard des parties qui ont
donné leur consentement ; les effets juridiques n’existant qu’à l’égard de ceux
qui les ont voulu, les tiers ne sauraient les supporter.

99
in G. Cornu, Le vocabulaire juridique , Association H. CAPITANT, PUF, 7ème éd., 1998 ; PUF,
Référence, 3ème éd., 2002.
100
in Dictionnaire Le Robert, v° Pouvoir.
101
J. FLOUR ET J.-L. AUBERT, Les obligations, 1. L’acte juridique, Armand Colin, 8ème éd., 1998,
n°95.

29
L’article 6, quant à lui, en interdisant seulement la passation de conventions
dérogeant « aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »,
proclame, a contrario, la liberté contractuelle pour tout autre acte ne
contrevenant pas à ces lois. Ainsi, la liberté contractuelle constitue-t-elle un
corollaire au principe de l’autonomie de la volonté, les parties étant libres de
contracter selon les modalités qu’elles veulent, le contrat qu’elles veulent.

La notion de liberté contractuelle désigne en fait un ensemble plus vaste de


libertés ; elle regroupe, en effet, la liberté de contracter ou de refuser de
contracter, celle de choisir son cocontractant, celle de déterminer le contenu de
la convention, les circonstances de lieu et de temps présidant à sa conclusion, la
forme et la durée de celle-ci, et enfin celle de la modifier ou de la résilier d’un
commun accord.

26. Que la date constitue un élément du contrat ou une condition temporelle de


celui-ci, elle est donc laissée à l’appréciation des parties, à leur volonté.

Libres de contracter, de s’engager, les parties peuvent déterminer à leur gré les
conditions et modalités de leur engagement, notamment son point de départ, son
terme, son exigibilité.

Le principe demeure d’une prééminence du pouvoir de la volonté (chapitre I)


notamment dans le choix des dates rythmant la formation et l’existence du
contrat.

Mais, comme le laissait présager la rédaction de l’article 6 du code civil, ce


principe est amoindri, la liberté contractuelle n’étant pas totale, et le pouvoir de
la volonté pas illimité. L’ordre public et les bonnes mœurs ne constituent
d’ailleurs pas les seuls obstacles à l’autonomie de la volonté. Le domaine de
celle-ci connaît des limites (chapitre II) beaucoup plus nombreuses, apparues
avec l’évolution des idées et celle du concept même de volonté.

30
Chapitre I : Le pouvoir de la volonte

27. S’interroger sur le pouvoir de la volonté en matière de dates revient à en


délimiter le domaine d’expression. Il s’agit de savoir quel rôle joue la volonté
dans la fixation des dates ponctuant la vie du contrat. Or ces dates sont
nombreuses et marquées par une grande hétérogénéité dans leurs sources
(interne ou externe au contrat) et dans leur influence sur le devenir de la
convention.

Pourrait être envisagé un critère chronologique qui conduirait à distinguer les


dates concernant la formation du contrat, celles présidant à son exécution et
enfin à son extinction. Mais cette méthode de classement aboutirait, s’agissant
de l’étude des conséquences de cet instant sur le contrat, à de nombreuses
redites.

28. A cette classification temporelle des événements doit être préféré un


classement ordonné selon la source de ces différentes dates. En effet, envisagée
en tant qu’exercice de la liberté contractuelle, l’expression de la volonté ne se
limite pas au simple choix de s’engager ou de ne pas s’engager, et au choix de la
personne de son cocontractant mais également à la fixation du contenu du
contrat, c’est-à-dire des droits et obligations nés de celui-ci et de leurs
modalités. Une date dès lors qu’elle figure dans le contrat constitue donc un
élément de son contenu et le fruit d’un accord de volontés ; la date précédant la
signature du contrat résulte de cette volonté puisque le contrat ne se forme que
par et au moment de la rencontre des consentements.

29. Mais toutes les dates du contrat ne sont pas contenues dans celui-ci . Ainsi,
celles influant sur son existence peuvent lui être extérieures comme en matière
de résiliation. Celle-ci repose parfois sur un nouvel accord des parties différent
du premier contrat ; la date de cessation du contrat sera en principe celle de la

31
décision de rupture du contrat qui émane des mêmes auteurs102, mais dans un
acte distinct du contrat résilié.

L’étude du pouvoir de la volonté dans la fixation des dates sera donc articulée
selon la distinction opérée pour la classification des dates en fonction de leur
source, interne ou externe; seront donc envisagées successivement les dates
contenues dans le contrat (section I) et celles extérieures au contrat (section II).

section I : les dates contenues dans le contrat

30. L’une des significations de la théorie de l’autonomie de la volonté est la


possibilité offerte aux parties de déterminer librement le contenu de leur contrat,
c’est-à-dire leurs droits et obligations ; à ce titre, elles fixent toutes les modalités
de leurs engagements et notamment les dates concernant des événements prévus
par le contrat.

31. Ces dates figurant dans le contrat sont en principe103 le résultat de la


rencontre des volontés des contractants. Cette affirmation se vérifie si l’on se
réfère à la définition même du terme « contrat ».

102
Cf infra n° 75 s., 88 s.
103
Sauf intervention du législateur, cf infra n° 157 et s.

32
Ce mot dérive du terme latin contrahere qui signifie rassembler, réunir,
conclure ; ceci démontre qu’au moins deux éléments sont nécessaires, sinon rien
ne pourrait être rassemblé, réuni. L’origine sémantique du mot « contrat »
conduit à se référer au terme « convention » avec lequel il est parfois confondu
mais que la définition même du code civil conduit à distinguer. En effet, aux
termes de l’art 1101 du code civil, « le contrat est une convention par laquelle
une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres, à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose ». Du latin conventio dérivé de convenire
qui signifie venir ensemble ou être d’accord, la convention peut être définie104
comme étant un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes en vue de
produire des effets de droit.

Au moins étymologiquement, les dates contenues dans le contrat sont ainsi le


fruit d’une volonté commune à tous les contractants, volonté unique plus
communément dénommée consentement105. Toutefois, la dimension
économique du contrat conduit à nuancer cette affirmation, les contrats conclus
n’étant souvent établis que par la volonté unilatérale de la partie en position de
force économique, l’autre partie consentant, mais sans discussion, uniquement
par voie d’adhésion. Mais la réalité économique n’étant pas la réalité juridique,
seule la seconde sera prise en considération.

32. L’étude des dates contenues dans le contrat suppose que soit préalablement
éclaircie la notion de contenu d’un contrat.

Pour qu’une date soit qualifiée de date contenue dans le contrat encore faut-il
qu’elle figure dans un document contractuel. Or cette localisation est parfois
délicate. En effet, lorsque la conclusion du contrat a fait l’objet d’écrits
précontractuels ou lorsqu’il est modifié ou complété par un document annexe, le
problème est de savoir si les dates mentionnées dans ces actes peuvent être
considérées comme des dates contenues dans le contrat.

104
Cf G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 7ème éd., 1998 ; PUF, Référence, 3ème éd., 2002, v°
convention.
105
J. FLOUR et J.-L. AUBERT, préc. note n° 3, §130.

33
106
33. Selon Mme LABARTHE , un document ne peut être qualifié de contractuel
que s’il contribue à la formation ou à la réalisation du contrat et engage à titre
d’élément du contrat. En tant qu’élément du contrat, il doit donc émaner des
parties et s’appliquer de par la seule force du contrat. Ce ne sont qu’à ces
conditions que la date pourra être qualifiée de date contenue dans le contrat.

Tel peut être le cas de la date figurant dans un document publicitaire, certaines
décisions de justice107 considérant que ce document a une valeur contractuelle.
De même une facture peut-elle être considérée comme un document contractuel,
notamment lorsque figurent au verso les conditions générales de vente. La
remise de la facture ou sa signature, sans contestation, vaut acceptation de tous
les éléments y figurant, ce qui suppose la rencontre des volontés des parties,
élément déterminant du contrat. Cette nature contractuelle est d’autant plus
importante que la facture doit contenir à titre formel108 un certain nombre de
dates ; selon l’article L. 441-3 du code de commerce, elle doit mentionner la
date de la vente ou de la prestation de service (alinéa 3), la date à laquelle le
règlement doit intervenir (alinéa 4).

Revêt encore un caractère contractuel, un document annexe tel qu’un avenant


modificatif du contrat initial. Mais la valeur contractuelle n’est reconnue
qu’autant qu’une double condition d’opposabilité soit remplie à savoir celle

106
In La notion de document contractuel, thèse, LGDJ, 1994. Egalement J. GHESTIN, Traité de
droit civil, La formation du contrat, 3ème éd, 1993. Sur la notion de document contractuel en
droit des assurances, cf J. BIGOT, in Traité de droit des assurances, T. III, Le contrat
d’assurance, LGDJ, 2002, §. 413 et s.
107
Cf notamment Cass. 1re civ., 2 avril 1979, Gaz. Pal. 1980, 1, p. 213, note A. PLANCQUEEL ,
Defrénois 1980, p. 953, obs. SOULEAU : « les acheteurs étaient en droit de suppléer aux
imprécisions du descriptif général en se référant aux mentions plus détaillées figurant au
descriptif général… ». La reconnaissance du caractère contractuel de ces documents
publicitaires est parfois le résultat d’une évolution mettant un terme à certaines oppositions
jurisprudentielles. En droit des assurances, jusque dans les années 1980, certaines juridictions se
refusaient de reconnaître le caractère contractuel à ce document (Cass. com., 21 novembre 1972,
Gaz. Pal. 1973, 1, 135 ; CA Reims, 2 mars 1987, D. 1988, 251, note D. ROUX), alors que dès
1960 la Cour de cassation approuvait les juges du fond de s’être référés aux clauses contenues
dans des documents publicitaires (Cass. 1ère civ., 20 novembre 1963, Bull. civ., I, n° 308). La
Cour de cassation exige uniquement des juges du fond qu’ils caractérisent la valeur contractuelle
des énonciations publicitaires considérées (Cass. 1ère civ., 28 mars 1995 , Bull. civ., I, n° 150 ; D.
1996, 180, note MOURALIS).
108
Ce qui ne signifie pas que tous les contrats sont solennels.

34
« que l’autre contractant sache qu’ils font partie du contrat et qu’il puisse en
prendre connaissance »109.

Les dates contenues dans le contrat se répartissent en deux grandes catégories :


celle de la date des effets du contrat (§1) et celle des dates influant sur le sort du
contrat (§2).

La première de ces catégories porte sur les conséquences de l’accord des


volontés ; la seconde correspond à toutes les dates d’événements prévus ou
envisagés par les parties et influant sur l’existence du contrat.

§1. Les dates des effets du contrat


34. Le terme « effet » peut se définir comme « ce qui est produit par une
cause »110. Le problème est donc de savoir ce qui peut être qualifié de cause et
de produit de cette cause. A priori, la solution découle directement de l’article
1101 du code civil selon lequel le contrat est une convention créatrice
d’obligations ; nul doute donc : le produit de la cause en matière contractuelle
est la conclusion du contrat et le produit de cette cause est notamment111
l’obligation.

La date des effets du contrat semble donc être celle de la conclusion du contrat.

Or une telle affirmation, si elle était exacte, ne laisserait aucune marge de


manœuvre à la volonté des parties. La date de conclusion du contrat ne peut
rationnellement être le fruit des volontés des parties. Comment, en effet,
admettre que les parties soient tenues par une date de conclusion fixée dans un
acte qu’elles n’ont pas encore conclu au moment même de cette décision ? La

109
Traité de droit civil, La formation du contrat,3ème éd, 1993, n° 413 ; cf également,
J. GHESTIN,
Cass. com., 9 octobre 1984, JCP 1984, IV, 344 ; CA Amiens, 3 juin 1985, JCP 1986, II, 20634,
note Y. ASSOULINE; Cass. com., 3 décembre 1985, RTD civ. 1987, 565, obs. J. HUET.
110
Dictionnaire Le Robert, v° effet.
111
Un contrat a d’autres effets que l’effet obligatoire ; à titre d’exemple peut être cité l’effet
translatif.

35
force obligatoire du contrat112 ne s’acquiert que lorsque le contrat est formé,
c’est-à-dire lors de la rencontre des volontés des parties portant sur les éléments
essentiels du contrat ; or tel ne semble pas être le cas de la date de conclusion
du contrat.

35. Il faut toutefois nuancer, les parties ayant pu dans un contrat préalable ou un
avant-contrat décider de la date de conclusion du contrat définitif ; mais cette
date serait alors le produit d’une autre cause en ce sens qu’elle serait l’effet d’un
contrat préalablement conclu.

De même, pour la conclusion d’un contrat en la forme authentique, les parties


pourraient prévoir la date de signature de l’acte chez le notaire, et donc prévoir
la date de l’instrumentum. Or, seule la signature du notaire fait foi jusqu’à
inscription de faux du contenu de l’acte. Seule la volonté de signer du notaire
donnera donc date à l’acte et fera foi de son contenu, tout au moins pour ce que
l’officier public aura directement et personnellement constaté ; la simple
indication d’une date de conclusion du contrat que les parties lui auraient
indiquées sans qu’elle ait été vérifiée n’aurait aucune force probante. La volonté
ne semble pouvoir s’exprimer lors de la fixation de la date que dans des cas
matérialisés par une date simulée ou par une date frauduleuse. La volonté des
parties n’a donc aucune influence sur le choix d’une date de conclusion du
contrat ; celle-ci correspond à la date de rencontre des volontés, quelle soit ou
non matérialisée par une signature portée sur l’acte écrit.

36. En revanche la date des effets du contrat n’est pas nécessairement celle de sa
conclusion. Cette assertion ne se vérifierait que dans le cas d’un contrat à
exécution instantanée, qui, de surcroît produirait ses effets immédiatement113,
comme lors de la vente de produits de consommation courante avec paiement au
comptant et simultané à la délivrance des marchandises.

112
Cf C. civ., art. 1134.

36
Or, les contrats ne sont pas tous à exécution instantanée et ne produisent pas
tous leurs effets immédiatement ; une chose est la création du contrat, une autre
est son effectivité. Les contractants ne sont donc pas libres dans le choix de la
date de conclusion du contrat, mais le sont totalement s’agissant de celle de son
effectivité (A) et de celle de ses effets (B).

A.– La date d’effectivité du contrat

37. Les dates de conclusion et de prise d’effet du contrat peuvent constituer une
seule et même date ; comme cela a été dit, la volonté n’a alors pas de rôle à
jouer dans le choix de cette date114. Mais les parties peuvent décider que le
contrat, bien que conclu, n’en sera pas pour autant efficace immédiatement. La
date de conclusion et la date d’effectivité du contrat différeront. Cette distinction
a d’ailleurs été présentée par le Tribunal d’instance de Paris statuant au sujet du
bail d’un local à usage d’habitation : l’article 3 de la loi du 23 décembre 1986
différencie la date du contrat et la date de sa prise d’effets et n’érige en mention
obligatoire que la seconde. Dans cette décision115, les juges ont déclaré que « la
date d’effet du bail est non pas la date où il est signé mais celle où il commence
à courir .» Cette date de prise d’effets, c’est-à-dire, en l’espèce, la date d’entrée
en jouissance du bail , constitue le point de départ de la durée des effets du
contrat116, la date de la signature qui peut lui être antérieure ou postérieure étant
indifférente.

113
Un contrat instantané avec report de la date de prise d’effet serait concevable.
114
Sauf à être extérieure à l’acte.
115
TI Paris, 16ème ardt, 16 mars 1983, JCP N 1983, II, 288.
116
Notamment pour la gestion du renouvellement.

37
38. Mais c’est surtout l’étude du contrat d’assurance qui illustre au mieux cette
distinction. Lorsque le contrat est formé, celui-ci a pour conséquence la
naissance d’une garantie d’assurance à la charge de l’assureur. Or cette garantie
ne prend pas toujours effet à la date de la conclusion, pour différentes raisons
tenant à la protection des intérêts de l’assuré ou de l’assureur ; ainsi, les parties
anticipent-elles la prise d’effet du contrat par rapport à sa date de conclusion ou
la retardent-elle.

1.- L’effet anticipé du contrat

39. Plusieurs méthodes permettent d’anticiper la prise d’effet du contrat, mais


toutes reposent sur la notion de rétroactivité, des effets du contrat.

Les parties peuvent en effet, en application du principe de l’autonomie de la


volonté et plus précisément de la liberté contractuelle, stipuler que le contrat
qu’elles concluent produit ses effets à une date antérieure à sa formation117. Ce
cas de rétroactivité est dénommé rétroactivité conventionnelle. Celle-ci a été
définie comme « la rétroactivité conférée expressément par les parties à une
situation juridique, qui, normalement, ne devait pas produire d’effets
antérieurement à sa naissance »118.

Si cette définition correspond le plus souvent à la réalité, comme l’illustrera


l’exemple du contrat d’assurance, elle peut être contestée sur un point au moins,
à savoir la condition d’une volonté expresse ; le cas de la ratification d’une
gestion d’affaires démontre, en effet, que la rétroactivité peut naître tacitement.

117
L’hypothèse envisagée est celle de principe, à savoir le consensualisme, où le contrat est
formé par la seule rencontre des volontés.
118
M. GEGOUT, « Essai sur la rétroactivité conventionnelle », Rev. Crit. législative et de
jurisprudence, 1931, p. 283.

38
a.- L’anticipation des effets du contrat par la volonté expresse des parties

Le contrat d’assurance offre de nombreux exemples de rétroactivité


conventionnelle stipulée expressément par les parties, conformément à la
définition de cette notion donnée précédemment.

40. La prise d’effet peut être avancée du fait de l’assureur lorsqu’il remet une
note de couverture à son assuré préalablement à la signature de la police
d’assurance. Selon l’article L. 112-2 du code des assurances, la note de
couverture constate l’engagement réciproque du souscripteur et de l’assureur.
Elle se distingue de la police d’assurance en raison de son caractère temporaire.
Elle permet la délivrance de la garantie immédiatement sans avoir à attendre, en
fonction du type de note de couverture, la rédaction de la police ou la fin de
l’étude du risque, ce qui signifie que le risque est couvert à compter de la date
qu’elle indique. Cette date est donc celle de la prise d’effet de la garantie, objet
du contrat à venir ; la date de prise d’effet de la garantie diffère ainsi de la date
de conclusion de la police et lui est même antérieure.

41. Une clause de reprise du passé stipulée par les parties entraîne également
l’application anticipée du contrat d’assurance. Cette stipulation est possible en
matière d’assurance de responsabilité. Elle permet de garantir les sinistres dont
le fait générateur est antérieur à la conclusion de l’accord de volontés des
parties, à la prise d’effet du contrat, mais pour lesquels la victime n’a pas encore
fait de réclamation119. Une telle disposition devrait être sanctionnée puisque la
possibilité de garantir les sinistres est notamment limitée par la nature du
contrat. Le contrat d’assurance est, en effet, aux termes de l’article 1964 du code
civil un contrat aléatoire. Ce caractère aléatoire s’applique à l’objet même du

119
Cass. 1ère civ., 3 juillet 2001, RGDA 2001, n° 4, p. 1014 et s.

39
contrat ; seul un risque aléatoire peut donc être garanti. L’aléa peut être défini120
comme un élément se caractérisant par une incertitude. L’aléa portant sur la
réalisation d’un événement, la validité du contrat d’assurance est donc
subordonnée à la non-réalisation de cet événement au moment de la souscription
de l’assurance.

La clause de reprise du passé serait donc illicite puisque par hypothèse elle
conduit à la garantie d’un événement déjà réalisé lors de la conclusion du
contrat. Telle n’a pourtant pas été la solution retenue par la jurisprudence121 pour
laquelle la condition d’incertitude est considérée comme remplie lorsque la
réalisation de l’événement est demeurée inconnue du souscripteur. Est donc
admise la garantie du passé inconnu, c’est-à-dire la garantie du risque putatif122.
Dans une telle hypothèse, l’effectivité du contrat remonte donc à la date du fait
générateur du sinistre.

42. Enfin, la proposition de modification du contrat d’assurance par l’assuré


peut comporter une clause de rétroactivité au regard de la date de prise normale
d’effet de l’acceptation par l’assureur. Aux termes de l’article L. 112-2 alinéa 5
du code des assurances, « est considérée comme acceptée la proposition , […],

120
Cf Lamy Droit des assurances, 2003, « Le contrat » par J. KULLMANN, n° 104 ; pour donner
une telle définition, l’auteur se fonde sur l’étymologie du terme aléa qui signifie « jeu de dés
dont le jet est suivi d’un résultat incertain », et sur les articles 1104 et 1964 du code civil. Selon
la jurisprudence (CA Paris, 23 octobre 1992, RGAT 1992, p. 865, note J. BIGOT), l’aléa porte sur
la survenance de l’événement ou sur la date de survenance, il est lié au hasard, ou à un fait non
volontaire de l’assuré.
121
La reprise du passé s’entend du passé « inconnu », c’est-à-dire des dommages partiellement
ou totalement réalisés mais ignorés de l’assuré au moment de la souscription. Le passé connu à
cet instant n’est pas pris en charge : CA Rouen, 25 novembre 1986, RGAT 1987, p. 327, note J.
BIGOT. Tel est le cas lorsque l’assuré a été informé de ces événements au cours d’une réunion
avec ses partenaires contractuels (CA Paris, 23 juin 1989, RGAT 1989, p. 602, note J. BIGOT). Il
y aurait alors défaut d’aléa en raison de cette connaissance (Cass 1 re civ., 18 janvier 1989, RGAT
1989, p. 310, note J. BIGOT, Resp. civ. et ass. 1989, com. n° 118, obs. H. GROUTEL).
122
La jurisprudence a admis l’assurance du risque putatif ; ainsi la Cour de cassation, en 1990, a
approuvé les juges du fond d’avoir appliqué la clause du contrat d’assurance selon lequel la
garantie s’exercerait pour les réclamations portées à la connaissance de l’assureur pendant la
période de validité du contrat, « quelle que soit la date du fait générateur, à condition que
l’assuré n’ait pas eu connaissance, à la date de prise d’effet du contrat, des faits susceptibles
d’entraîner des réclamations à son encontre » (Cass. 1ère civ., 27 février 1990, Bull. civ. I, n° 52,
p. 38). Sur la notion de risque putatif, cf L. MAYAUX, « Le risque assurable », in Traité de droit
des assurances, T. 3, Le contrat d’assurance, sous la direction de J. BIGOT, LGDJ, 2002, §. 1042
et s., p. 768 et s.

40
[…] de modifier un contrat […], si l’assureur ne refuse pas cette proposition
dans les dix jours après qu’elle lui est parvenue ». Dès lors qu’il n’a pas refusé
la proposition de modification dans le délai de dix jours, l’assureur est réputé
l’avoir acceptée123. La police se trouve donc modifiée à l’expiration du délai de
dix jours124 puisque c’est à cette date que le consentement de l’assureur est
formé. La date de l’avenant constatant la modification est donc celle de
l’échange des consentements comme en matière de conclusion du contrat. Mais
la similitude de régime ne se limite pas à cela ; la date de l’échange des
consentements ne coïncide pas forcément avec celle de la date de prise d’effet
de la modification, celle-ci pouvant être fixée à une date antérieure à celle de
l’expiration du délai de dix jours125. Dans une telle hypothèse, le problème de la
couverture du risque se réalisant pendant le délai de dix jours est donc résolu ;
l’assureur ayant gardé le silence est censé avoir accepté toutes les modalités de
la proposition de modification, date de prise d’effet comprise et ce à compter de
la demande de l’assuré126. Le sinistre non garanti aux termes de la convention
initiale est donc couvert s’il survient au cours du délai et postérieurement à la
date de prise d’effet127 indiquée par l’assuré dans sa demande.

43. Les cas de rétroactivité conventionnelle sont donc nombreux en droit des
assurances et il faut observer qu’ils sont parfois imposés par le législateur.
Ainsi, la clause de reprise du passé est-elle expressément prévue dans

123
Cass. 1re civ. 14 novembre 1995, Resp. civ. et ass. 1996, chron. n° 1 ; sur cette question, cf
également : H. GROUTEL, « Le moment de la prise d’effet d’une modification du contrat acceptée
par le silence de l’assureur », Resp. civ. et ass. 1996, chron., 1.
124
En ce sens : Cass. 1ère civ., 21 mai 1975, RGAT, 1976, p. 175, note BESSON ; 7 avril 1987,
RGAT, 1987, p. 401, note J. BIGOT. Il convient néanmoins de signaler qu’il est possible de
stipuler une clause de rétroactivité au regard de la date de prise d’effet de l’acceptation de
l’assureur. La licéité d’un telle clause est en effet admise ; en ce sens : Cass. 1re civ., 7 mai 1969,
RGAT 1969, p. 485 ; Cass. 1re civ., 28 octobre 1958, RGAT 1959, p. 42, note A. B. : l’assureur
n’avait pas manifesté son refus dans le délai de dix jours et avait pris en charge les intérêts de
son assuré, victime d’un accident de la circulation le jour même où il avait formulé la
proposition.
125
Il a été jugé qu’à défaut d’indication dans la demande de modification, acceptée ou dans
l’avenant, la date de prise d’effet est réputée acquise à la date de l’avenant ( Cass. 1 ère civ., 22
avril 1992, RGAT, 1992, p. 497, note R. MAURICE).
126
Cass. 1re civ. 22 mai 1991, RGAT 1991, p. 545, note R. MAURICE.
127
Cass. 1re civ. 7 mai 1969, RGAT 1969, p. 484, note A. BESSON.

41
l’assurance obligatoire de responsabilité civile des courtiers d’assurance,
l’article R. 530-8 du code des assurances disposant que le courtier est garanti
« de toutes les réclamations présentées entre la date d’effet et la date
d’expiration du contrat, quelle que soit la date du fait dommageable ayant
entraîné sa responsabilité ».

Toutes les hypothèses de rétroactivité conventionnelle envisagées


précédemment se conforment expressément à la définition qui en a été donnée.
Il existe toutefois un cas, relevant de la théorie générale des obligations, qui
conduit à nuancer cette définition. Il s’agit de la ratification de la gestion
d’affaires qui entraîne une rétroactivité pouvant être seulement tacite.

b.- L’anticipation des effets du contrat par la volonté tacite des parties: la
gestion d’affaires après ratification

44. La gestion d’affaires est un quasi-contrat, « un acte d’immixtion dans


l’affaire d’autrui accompli par une personne en dehors de tout pouvoir légal,
judiciaire ou conventionnel dans un intérêt et à l’insu du maître de l’affaire »128.

La gestion d’affaires n’engage le maître de l’affaire à l’égard du gérant que


lorsque celle-ci remplit deux conditions qui sont l’intention de gérer l’affaire
d’autrui et l’utilité de cette gestion. Lorsque ces deux éléments ne sont pas
réunis, le gérant peut malgré tout se voir rembourser les frais avancés lors de la
gestion lorsque celle-ci a été ratifiée par le maître de l’affaire. Cette ratification
des actes accomplis par le gérant s’apparente à un mandat qui valide
rétroactivement les actes. En effet, selon le vieil adage issu du Digeste,

128
in G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association H. CAPITANT, PUF, 8ème éd., 2000, PUF ,
Référence, 3ème éd., 2002.

42
Ratihabitio mandato comparatur : la ratification équivaut à un mandat donné a
posteriori.

45. De nombreux auteurs129 considèrent que la ratification aurait pour


conséquence de transformer un rapport quasi-contractuel en un rapport
contractuel dès l’origine, c’est-à-dire que le mandat serait censé exister dès la
passation du premier acte de gestion. Seul l’acte de ratification aurait donc un
effet rétroactif , et la date de prise d’effet du mandat coïnciderait avec celle de
conclusion du mandat.

A priori une telle hypothèse ne devrait donc pas être intégrée à cette étude. Mais
en réalité, la date de conclusion du mandat n’est aucunement celle de la
passation du premier acte de gestion, mais celle de la ratification par le maître de
l’affaire. En effet, l’une des conséquences de l’acte de ratification est la
naissance du mandat. Et si des actes passés antérieurement à la naissance de ce
contrat sont validés, c’est que la prise d’effet du contrat a été anticipée au jour
du premier acte de gestion. L’hypothèse envisagée entre donc bien dans le
champ de cette étude et correspond à la définition de la rétroactivité
conventionnelle qui vise « une situation juridique qui normalement ne devait pas
produire d’effets antérieurement à sa naissance ».

46. En sens contraire, on pourrait objecter que la définition reproduite ci-dessus


suppose que la rétroactivité a été voulue par les deux parties. Comme tout
contrat, celui ayant pour objet la stipulation d’une rétroactivité conventionnelle,
nécessite pour sa formation une rencontre des volontés. Or la ratification qui est
source de la rétroactivité en matière de gestion d’affaires est un acte unilatéral
qui émane d’une seule volonté. La rétroactivité n’aurait donc ici rien de

129
Telle est notamment l’opinion de P. LE TOURNEAU (« Gestion d’affaires », Rép. civ. D., 1997,
§. 97). Pour cet auteur, « par cet acte, d’un coup d’un seul, les relations quasi contractuelles se
muent en relations contractuelles, par l’effet d’une fiction ». Contra : MARTY ET RAYNAUD, Les
obligations, 2ème éd., T.1, 1988, n° 388, qui nient cette transmutation et analysent la ratification
comme un acte unilatéral.

43
conventionnel. Mais le raisonnement devant être suivi dans cette hypothèse est
le même qu’en matière d’offre qui ne serait suivie d’aucune contre-proposition.
Lorsque le gérant procède aux actes de gestion, il est animé d’une intention de
gérer et consent à ce moment à la représentation du maître de l’affaire, à la
défense de ses intérêts. Une première volonté est donc exprimée, lors de l’offre
de représentation. La seconde se manifeste lorsque le maître ratifie ; il consent
alors à donner au gérant le pouvoir de le représenter. Cette hypothèse
correspond donc bien à une rétroactivité conventionnellement stipulée.

47. Une précision doit être toutefois apportée à la définition de cette rétroactivité
au vue de son adaptation à la situation créée par la ratification. D’après cette
définition, il n’y aurait, en effet, de rétroactivité conventionnelle
qu’expressément prévue. Or, comme pour la ratification d’un excès de pouvoir
commis par le mandataire130, la ratification par le maître de l’affaire peut être
expresse, mais également tacite131 ; pour autant, elle conserve les mêmes effets.
De ce fait, la rétroactivité conventionnelle devrait s’entendre comme une
rétroactivité conférée expressément ou tacitement par les parties.

Toutes ces techniques d’anticipation de la prise d’effet du contrat démontrent


que les parties, si elles doivent subir la date de conclusion de leur contrat,
demeurent totalement libres de fixer une date antérieure pour la prise d’effet de
ce contrat ; la même constatation s’impose s’agissant de la stipulation d’une
prise d’effet différée de la convention.

130
C. civ., art. 1998, al. 2.
131
Pour des exemples de ratification tacite, cf Cass. com., 13 mai 1980, Bull. civ. IV, n° 199,
dans une espèce où ayant eu connaissance des actes accomplis, le maître de l’affaire a tout de
même gardé le silence ; CA Bordeaux, 13 décembre 1912, S. 1915, 2, p. 38, pour une ratification
résultant du fait que le maître a eu connaissance de la gestion , sans s’y opposer, et en a profité.

44
2.- L’effet différé du contrat.

48. Sur la ligne du temps, la date de l’effet différé se situe après celle de la
conclusion du contrat. Celui-ci étant, par définition, une convention conclue
dans le but de créer des effets de droit, l’effet différé du contrat s’entend donc
comme le fait notamment de retarder la naissance des obligations du contrat.

Cette possibilité offerte aux parties de choisir comme date de naissance de leurs
obligations une date différente de celle de la conclusion du contrat est affirmée
par la jurisprudence. Celle-ci reconnaît, en effet, à la date de conclusion du
contrat un rôle supplétif132. Tel n’est pourtant pas l’avis d’une partie de la
doctrine133 qui considère que c’est dans l’accord initial des volontés que les
obligations trouvent directement leur source; seule leur exigibilité pourrait être
retardée134.

49. Or cette affirmation peut être contestée. Il n’est en effet pas exact de dire que
les obligations contractuelles ont toujours comme source la rencontre des
volontés des parties, que leur fait générateur est toujours la conclusion du
contrat. La généralité de cette affirmation est démentie lorsqu’il est fait
référence à la relation du droit des procédures collectives et des contrats,
notamment à exécution successive.

En cette matière, la date de naissance de la créance importe lorsqu’est envisagé


le sort d’une telle créance lors de l’ouverture de la procédure collective à

132
Cass. 1re civ., 16 juillet 1986, Bull. civ. I, n° 212, p. 203, RTD civ. 1987 pp. 748-750, note J.
MESTRE : « les obligations contractuelles prennent naissance, sauf convention contraire, au jour
de la conclusion du contrat et non au jour de leur exécution ».
133
Notamment E. PUTMAN, La formation des créances, thèse Aix-Marseille III, 1987, p. 149 et
s ; C. LARROUMET, note sous Cass. com., 26 avril 2000, Dalloz Affaires 5 octobre 2000, n° 34,
jur, 717.
134
J. MESTRE, RTD civ. 1987, p. 750, selon lequel « c’est bien dans l’accord de volontés que
trouvent directement leur source les obligations, d’ores et déjà parfaitement connues et
déterminées ; et c’est simplement leur exigibilité (…) qui se trouvera souvent
conventionnellement retardée à la date d’exécution de telle ou telle prestation ».

45
l’encontre du débiteur. Les enjeux de la détermination de la date de naissance de
la créance sont nombreux.

Peut être relevé celui prévu à l’article L. 621-24 du code de commerce. Ce texte
indique que dès le prononcé du jugement d’ouverture de la procédure collective,
le paiement des créances nées antérieurement à cette date est interdit, seules
pouvant être acquittées celles nées postérieurement, nommées créances
privilégiées « de l’article 40 »135 , aujourd’hui article L. 621-32 du code de
commerce. Doivent être considérées comme telles uniquement les créances nées
au cours de la période d’observation et jusqu’à la clôture de la procédure, y
compris les créances nées après le jugement de liquidation judiciaire.

Or la qualification de créances privilégiées est délicate lorsque les créances


envisagées résultent de l’exécution après le jugement d’ouverture d’un contrat
conclu antérieurement. Si l’on retient, comme fait générateur136, la conclusion
du contrat, les créances nées de prestations effectuées même postérieurement au
jugement d’ouverture ne bénéficieront pas du traitement de faveur qu’est le
paiement prioritaire, alors que si l’événement retenu comme fait générateur est
l’exécution de la prestation, ce traitement s’applique.

Le principe est que doit être retenue la date de l’événement qui confère à la
créance sa perfection. La détermination de cet événement est effectuée par
référence au droit antérieur à la loi de 1985. Sous l’empire de la loi de 1967, les
créanciers étaient regroupés en une masse qui possédait la personnalité morale ;
ceux dont les droits préexistaient à l’ouverture de la procédure étaient qualifiés
de créanciers dans la masse, les autres étant des créanciers de la masse. Seules
les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture constituaient des
créances privilégiées, alors qu’elles ressortaient de la réalisation du même
contrat que les créances antérieures. La date de conclusion du contrat 137 ne peut

135
De la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.
136
J.-C. BOULAY, « Réflexion sur la notion d’exigibilité de la créance », RTD com. 1990, pp. 339
et s ; G. ENDREO, « Fait générateur des créances et échange économique », RTD com. 1991, p.
223 ; B. SOINNE, « La notion d’origine, de fait générateur et d’exigibilité de la créance en droit
fiscal et dans le droit des procédures collectives », Rev. proc. coll. 1987, n° 2, p. 1.
137
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 2ème éd., 1996, n°
591.

46
dans ce cas être la date de naissance des créances postérieures ; le fait générateur
de ces créances résulte de l’exécution de la prestation, par exemple de la
livraison des marchandises dans le cas d’un contrat de fournitures, de la
certification des comptes s’agissant des honoraires d’un commissaire aux
comptes138, de l’exécution de la mission dans le cadre du contrat de travail139.

50. La naissance des obligations ne coïncident donc pas forcément avec la


rencontre des volontés créatrices du contrat. Toutefois, ne nous intéresseront
pas, à ce niveau de l’étude, les créances ou obligations nées de l’exécution de
l’une des prestations car ces créances de rémunération relèvent d’un régime
particulier qu’il conviendra d’envisager séparément140. Seules seront retenues ici
les obligations dont la naissance coïncide, à défaut de précisions contraires, à la
conclusion du contrat. Même s’agissant de ces obligations, il est également aisé
de démontrer que leur naissance peut être différée par la seule volonté des
parties.

51. Ce résultat peut être obtenu simplement, en prévoyant que le contrat prendra
effet à une date ultérieure à celle de conclusion et déterminée, réalité
correspondant au terme. Ainsi, en droit des assurances, les parties stipulent
souvent que le contrat ne pourra s’exécuter que le lendemain du jour de sa

138
Cass. com., 2 octobre 2001, D. 2002, 800 : pour condamner le liquidateur au paiement des
honoraires du commissaire aux comptes, correspondant à des prestations effectuées
antérieurement et postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, une cour d’appel ne
peut décider que les honoraires correspondant aux diligences du commissaire aux comptes
accomplies antérieurement à l’ouverture de la procédure bénéficient des dispositions de l’art. 40
de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, au motif que l’obligation légale de recourir aux services
d’un commissaire aux comptes se poursuit après l’ouverture de la procédure collective à l’égard
de la personne morale lorsque la certification des comptes de l’exercice antérieur de la date du
jugement déclaratif n’a pas eu lieu. Elle doit distinguer, pour déterminer la date à laquelle était
née la créance d’honoraires du commissaire aux comptes, les prestations accomplies
antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de celles accomplies
postérieurement.
139
Il a été jugé que les créances de cotisations sociales relatives à des salaires perçus pour une
période de travail antérieure au jugement d’ouverture de la procédure doivent être déclarées
(Cass. com., 19 février 1992, RJDA, n° 634, p. 504 ; et sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967,
Cass. com., 15 octobre 1969, D. 1970, 83, note A. PIROVANO).
140
Cf infra, n° 61.

47
conclusion ou à la signature de la police par l’assuré141 ou à la fin d’un délai de
carence142.

52. La méthode utilisée est la stipulation d’une condition suspensive.

Celle-ci est définie par l’alinéa premier de l’article 1181 du code civil comme
« un événement futur et incertain » dont dépend la naissance de l’obligation,
celle-ci « ne [pouvant] être exécutée qu’après l’événement ». Pendant cette
période d’incertitude propre à la condition, existe ce que les auteurs appellent
communément un « principe de créance », « un germe de créance »143. Le
contrat existe donc bien, mais son effet est subordonné à la naissance de
l’obligation. L’existence du droit conditionnel se traduit passivement pour le
débiteur qui est enfermé dans le lien contractuel et ne peut donc plus revenir sur
son engagement et activement pour le créancier qui dispose d’un droit acquis au
bénéfice de la condition. Aux termes de l’article 1180, ce dernier « peut exercer
tous les actes conservatoires de son droit » ; a contrario, il ne peut donc exercer
positivement de prérogatives autres que celles correspondant à son droit
conditionnel.

53. Prenons l’exemple du contrat d’assurance de responsabilités. Celui-ci est


formé dès la rencontre des consentements. L’objet de cette convention est la
garantie de l’assuré dans tous les cas où sa responsabilité sera engagée. Or, la
prise d’effet du contrat, voire de la garantie, peut être subordonnée144 par

141
Cf Cass. Civ, 13 novembre 1929, RGAT, 1930, p. 109.
142
Cf l’exemple donné par V. NICOLAS (in traité de droit des assurances, T. 3, Le contrat, sous la
direction de J. BIGOT, LGDJ, 2002, « La durée et la résiliation du contrat d’assurance », p. 513 )
de l’assurance perte d’emploi où plusieurs semaines ou mois peuvent avoir été prévus pour
éviter la fraude. Le salarié averti d’un licenciement économique proche pourrait être tenté de
souscrire ce type de contrat « pour se prémunir contre un événement qu’il sait quasiment certain,
mais futur ».
143
A. DROSNER-DOLIVET, « Structure du contrat », J.-Cl contrats-distribution, fasc.55.
144
La qualification d’exclusion avait également été proposée. Mais il a été décidé à plusieurs
reprises que lorsque l’assureur consent à garantir le risque, mais subordonne la prise d’effet de
garantie à l’exécution d’une obligation de l’assuré, extérieure au risque lui-même, il ne s’agit pas
d’une exclusion, mais d’une condition suspensive. Ont ainsi été considérées comme des

48
exemple à l’installation d’un système d’alarme en assurance de vol 145. Ainsi la
créance de garantie due par l’assureur demeure en germe tant que la condition
ne s’est pas réalisée ; et si celle-ci ne se réalise pas, le contrat ne produira pas
d’effet.

54. De même la prise d’effet du contrat d’assurance peut être subordonnée au


versement de la première prime par l’assuré. Il peut paraître étrange de rattacher
une telle hypothèse à la catégorie des conditions suspensives, même s’il s’agit
d’une analyse communément admise par la doctrine146. Par un tel système
l’assureur érige une obligation essentielle du contrat d’assurance qui est un
contrat à titre onéreux en une condition de prise d’effet du contrat . Or, en
étudiant précisément ce mécanisme, il semble s’agir d’une créance qui est d’ores
et déjà née lors de la conclusion du contrat mais qui ne remplit pas toutes les
conditions nécessaires pour la rendre exigible. En effet, l’assureur ne doit sa
garantie que lorsque l’assuré a versé sa prime ; la garantie est donc la
contrepartie du paiement. Dès lors il ne s’agirait point d’une condition
suspensive retardant la naissance de l’obligation de garantie et donc l’effectivité
du contrat, mais d’une modalité d’exécution du contrat retardant la date
d’exigibilité de la garantie147. Analyser un tel mécanisme comme une condition

conditions de la prise d’effet de la garantie : dans le contrat d’assurance de groupe, la clause


précisant que l’affiliation prend effet soit du jour de l’entrée en fonction du salarié dans
l’entreprise souscriptrice, soit du jour de la réception pour l’assureur du bulletin individuel
d’affiliation, selon que l’assureur a reçu ou non ce bulletin dans les quinze jours suivants la date
de prise de fonction (Cass. 1re civ., 26 novembre 1991, RGAT 1992, p. 152 ; de façon générale,
la clause qui subordonne la garantie à la condition suspensive de l’encaissement du chèque
afférent à la première prime (Cass. crim., 17 janvier 1996, RGDA 1996, p. 587, note R.
MAURICE).
145
Cass. 1re civ., 3 mars 1998, n° 96-16.802 : l’obligation de garantie ne naît qu’à la date de
réalisation de cette condition suspensive qui dépend de la volonté de l’assuré, créancier de cette
obligation. Cf également : CA Paris, 17 avril 1985, Gaz. Pal. 16-17 août 1985 : « La garantie de
vol n’ayant été accordé à un commerçant que sous la condition qu’il fasse exécuter un certain
nombre de travaux de protection limitativement demandés et acceptés et alors que l’assuré ne
conteste pas que ces travaux n’étaient pas réalisés lorsqu’il a été victime de deux vols par
effraction, les conditions auxquelles étaient subordonnées la garantie n’étant pas remplies, celle-
ci ne s’applique pas ».
146
En ce sens : M. PICARD ET A. BESSON, Les assurances terrestres en droit français, T. 1, Le
contrat d’assurance, LGDJ, 3ème éd., 1970, §. 52 et s.
147
Il s’agirait donc plutôt d’un terme incertain. En ce sens : G. BRIERE DE L’ISLE, Assurances,
PUF, Thémis Droit, 1973, p. 71. La jurisprudence a également retenue cette qualification (cf

49
aboutirait donc à confondre l’effet retardateur de naissance de l’obligation et le
fait générateur de son exigibilité.

55. Un raisonnement identique pourrait être mené s’agissant de la clause de


réserve de propriété stipulée dans un contrat de vente. Celle-ci a en effet pour
but de retarder le transfert de propriété du bien vendu qui, par définition, est
l’objet même de cette convention, au jour du complet paiement du prix par
l’acheteur. Le transfert de propriété s’effectuerait donc en contrepartie du
paiement du prix, et de ce fait supposerait l’acquittement par l’acquéreur d’une
dette de rémunération148. La volonté des contractants porte non pas sur la prise
d’effets du contrat, mais sur la date d’exigibilité de ces effets149.

B.- La date d’exigibilité des droits issus du contrat

56. Le contrat est défini comme une convention ayant pour objet de faire naître
des obligations.

Cass. req., 9 mars 1909, D. 1912, 1, 131 ; Cass. req., 10 mai 1932, RGAT 1932, p. 730, DP
1933, 1, 17).
148
Même si cette analyse est quelque peu bousculée par un débat s’étant développé autour de la
nature du transfert de propriété, effet légal ou obligation de donner. En ce sens, cf M. FABRE-
MAGNAN, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85 et s. ; D. TALLON, « Le
surprenant réveil de l’obligation de donner », D. 1992, chron., p. 67 et s.
149
En ce sens : G. MARTY, P. RAYNAUD ET P. JESTAZ, Les sûretés, La publicité foncière, Sirey,
2ème éd., 1987, §. 549 et s. Pour ces auteurs, le paiement du prix est l’exécution du contrat et la
conséquence de celui-ci. Il faut donc écarter la qualification de la condition car celle-ci affecte
l’existence même du contrat. Or, « cette existence ne peut être conditionnée par l’exécution qui
suppose au préalable l’existence de la vente car il n’y a d’obligation de payer le prix que s’il y a
vente ». Ils préfèrent la qualification de temps et ajoutent qu’ « on comprend mal pourquoi la
doctrine s’acharne à expliquer le report du transfert à l’aide d’une institution qui , par définition,
sert à retarder l’exécution de l’engagement, alors que d’une façon générale, elle refuse de voir
dans ce transfert le résultat d’un engagement ».

50
Il emporte donc création d’obligations, définies comme un lien de droit entre
deux ou plusieurs personnes en vertu duquel l’une d’elles –le créancier- peut
contraindre l’autre –le débiteur- à s’exécuter. Mais le contrat peut avoir d’autres
effets que la création de droit de créance. Il peut transmettre ou éteindre une
obligation préexistante.

Il peut aussi avoir pour objet des droits réels qui sont « des pouvoirs juridiques
reconnus à une personne et qui portent directement sur une chose »150.

Souvent la création des obligations et la création ou le transfert des droits réels


sont concomitants, comme le montre l’exemple du contrat de vente. Celui-ci
entraîne, en effet, l’obligation de livrer la chose, droit de créance dont est
titulaire l’acheteur et en transfère parallèlement la propriété.

57. Qu’il s’agisse d’un droit de créance ou d’un droit réel, le principe est qu’un
droit subjectif est susceptible d’être exécuté dès sa formation. Ainsi, dans le
contrat de vente, l’époque de la délivrance de la chose vendue, entendue comme
l’obligation de laisser la chose vendue à la disposition de l’acheteur pour qu’il
en prenne livraison, est celle de la formation du contrat.

Or tel n’est pas toujours le cas, les parties pouvant décider de différer
l’exécution de l’obligation, comme le montre l’existence de la vente à livrer par
opposition à la vente en disponible. La notion d’exigibilité traduit ce décalage
entre la naissance de l’obligation et de son exécution. Il semble a priori délicat
de parler d’exigibilité pour un droit réel, notamment s’agissant du transfert de
propriété dans la vente, car il s’agit d’un effet légal du contrat et non d’une
obligation à la charge du vendeur. L’article 1138 alinéa premier du code civil
érige le principe d’un transfert solo consensu de la propriété. Mais, dès lors que
les parties décident de différer la survenance de cet effet à une date postérieure à
celle du contrat, elles intègrent dans le transfert de propriété un élément
volontaire qui entre bien dans une dimension obligataire. L’aliénateur s’engage

150
AUBRY et RAU, T2 par ESMEIN, §. 172, n° 54.

51
à remettre la chose et à en transférer la propriété à une date ultérieure. Il est alors
possible d’envisager, à côté de la date d’exigibilité du droit de créance, une date
d’exigibilité du droit réel en montrant l’utilité d’une localisation temporelle de
cet événement pour chacune des deux catégories de droits.

1.- La date d’exigibilité du droit de créance

58. La détermination de la date d’exigibilité de l’obligation est essentielle. Le


créancier dispose en effet de moyens légaux pour contraindre le débiteur à
s’exécuter, lorsque celui-ci ne l’a pas fait volontairement, mais ces moyens
supposent que l’obligation soit devenue exigible.

Si, par principe, les obligations sont susceptibles d’être exécutées dès leur
formation, c’est-à-dire dès la conclusion du contrat ou dès l’exécution par le
cocontractant de sa prestation issue d’un contrat à exécution successive dans le
cadre d’une procédure collective151, les parties peuvent en différer la date
d’exigibilité indirectement en retardant leur naissance152 et directement par la
stipulation d’un terme suspensif153.

59. L’article 1185 du code civil dispose, en effet, que le terme «[…] retarde
seulement l’exécution. ». Mais seul le terme suspensif par opposition au terme
extinctif, diffère la date d’exigibilité de l’obligation ; il est, en effet, défini
comme « un événement futur mais de réalisation nécessaire qui affecte la date
d’exécution de l’obligation en suspendant son exigibilité »154.

Le terme suspensif emporte donc pour conséquence que l’exécution de


l’obligation ne peut être exigée avant l’arrivée du terme, c’est-à-dire avant le
jour fixé pour cette exécution, qui est classiquement appelé échéance. Plus

151
Cf, supra, n° 49.
152
Cf, supra, n° 50 et s.
153
Comme c’est le cas dans la vente à livrer.
154
C. HANNOUN et F. DERRIDA, Rép. Civ. Dalloz, v° terme, n°1.

52
précisément, si l’échéance du terme suspensif rend l’obligation exigible, celle-ci
ne le devient réellement que le lendemain, l’exécution volontaire pouvant se
produire le jour même de l’échéance155. Le créancier ne peut donc pas accomplir
avant l’échéance du terme un acte judiciaire afin d’obtenir la paiement de sa
créance, à moins que le terme n’ait été stipulé dans son propre intérêt ; il ne peut
davantage exercer une action en résolution d’un contrat synallagmatique.
Prenons l’exemple de la date de livraison dans le contrat de vente . L’article
1610 du code civil pose le principe de la liberté de fixation du moment de
délivrance, le texte renvoyant expressément au « temps convenu entre les
parties ». Ainsi la fixation de cette date par les parties s’analyse en une
stipulation d’un terme. L’acheteur ne peut pas demander de livraison
anticipée156. Le vendeur, quant à lui, ne peut obtenir du juge l’octroi d’un délai
de grâce. L’exécution des droits des deux parties est donc suspendue jusqu’à
l’arrivée du terme.

60. Généralement, la date d’arrivée du terme est connue dès la conclusion du


contrat. Dans ce cas, le terme est certain157. La date d’échéance peut alors
consister dans une date déterminée du calendrier ou résulter d’un événement qui
doit se produire à une époque fixe (telle fête, la majorité de telle personne).
Inversement, les parties peuvent stipuler un terme incertain. Tel est le cas
lorsque, lors de la naissance de l’obligation, le jour exact où il arrivera est
inconnu. Ainsi en est-il lorsque la date d’échéance est la date de décès d’une
personne. On rappellera qu’ici l’incertitude ne doit concerner que la date
d’exécution contrairement à la condition où elle porte sur la réalisation de
l’événement prévu, donc sur l’existence même de l’obligation.

155
Trib. civ. Tulle, 15 février 1898, DP 1898-2-176.
156
Cass. 3ème civ., 19 janvier 1958, Bull. civ. III, n° 24, p. 20.
157
En ce sens, cf D. VEAUX, « Contrats et obligations, diverses espèces d’obligations, obligations
à terme », J.-Cl civ, article 1185 à 1188, fasc. 50, n° 6 ; STARCK, BOYER, ROLAND, Droit civil,
Les obligations, 2. Contrat, LGDJ, 1998, n° 1307 selon lesquels lorsque la date d’arrivée du
terme est connue dès la conclusion du contrat, celui-ci est qualifié de certain.

53
61. Mais la stipulation d’un terme suspensif ne joue pas uniquement sur
l’exigibilité de l’obligation dont elle est l’objet. Elle emporte également des
effets sur les autres obligations figurant au contrat, spécifiquement sur les
créances de rémunération, c’est-à-dire « toute prestation, en argent ou même en
nature, fournie en contrepartie d’un travail ou d’une activité.»158.

La stipulation d’un terme suspensif influe sur leur exigibilité.

Un exemple issu du droit des procédures collectives159 peut être fourni160.


S’agissant des créances de rémunération161 intervenant lors de l’exécution d’un
contrat successif, le fait générateur de leur naissance n’est point la conclusion du
contrat162, mais la date d’exécution de sa prestation par le cocontractant 163 ou sa
date d’exigibilité.

158
G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 8ème éd., 2000.
159
F. BARON, « La date de naissance des créances contractuelles à l’épreuve du droit des
procédures collectives », RTD civ. 2001, pp.1-30.
160
Selon C. LARROUMET, note sous Cass. com., 26 avril 2000, préc., l’opinion selon laquelle la
poursuite du contrat ferait naître les créances est « hérétique » en dehors des procédures
collectives ; mais pour d’autres, notamment F. BARON, article préc., « la jurisprudence relative
aux articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 constitue le révélateur d’un principe général,
que l’on retrouve par exemple en droit de la consommation » ; sur ce dernier exemple, cf G.
ROUHETTE, « Droit de la consommation et théorie générale du contrat », Mélanges R. RODIERE,
éd. Dalloz, Paris 1980, p.247 ; cf également, J.-M. VERDIER, Les droits éventuels-Contribution à
l’étude de la formation successive des droits, éd. Rousseau, Paris 1955, qui considère que la
naissance de la créance de loyers résulte de la jouissance de l’habitation.
161
Cf supra, n° 50.
162
Contrairement à ce qui est classiquement admis ; en ce sens, Cass. 1re civ., 16 juillet 1986,
Bull. civ. I, n°212, RTD civ. 1987, p.748 : « Les obligations contractuelles prennent naissance,
sauf convention contraire, au jour de la conclusion du contrat et non au jour de leur exécution
163
En ce sens, cf Cass. com., 21 novembre 1972, Bull. civ. IV, n°296, RTD com. 1973, p. 844,
note M. CABRILLAC et J.-L. RIVES-LANGES, RTD com. 1973, p. 883, note HOUIN, D. 1974, 213,
note R. RODIERE : la Cour de cassation a considéré que « les créances litigieuses n’ont pris
naissance par l’exécution des commandes, qu’après le prononcé du règlement judiciaire » ; CA
Rennes, 1er décembre 1994, Dr. sociétés, novembre 1995, n°212, p. 9, note Y. CHAPUT : jugé que
relèvent de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 les créances trouvant leur origine
postérieurement au jugement de la procédure collective, dans la mesure où la livraison des
marchandises est intervenue après le jugement, dans le cadre de la poursuite de l’activité de la
société même si la date des commandes de ces marchandises n’est pas connue ; Cass. com., 27
octobre 1998, Bull. civ. IV, n°263, D. Affaires, 7 janvier 1999, p.33, note A. LIENHARD, Loyers
et copr., mai 1999, n° 127, p.7, note P.-H. BRAULT et C. MUTELET, AJDI 10 juillet/10 août 1999,
p. 696, note C.-H GALLET, RJDA, 12/98, n° 1378, p. 1033 : la Cour de cassation a ici considéré
que les créances de rémunération constituées par les loyers dus postérieurement au jugement
d’ouverture, même en l’absence de poursuite de l’activité et de délivrance à l’administrateur
d’une mise en demeure d’opter sur la continuation du bail, naissent après le jugement
d’ouverture de la procédure

54
L’événement emportant l’exigibilité de la prestation ou son exécution constitue
donc le fait générateur de l’exigibilité de la créance de rémunération.

2.- La date de transmission du droit réel

62. Ne sera envisagé ici que le droit de propriété.

Aux termes de l’article 1138 du code civil, la propriété est transférée par le seul
effet du contrat.

En fait deux principes découlent de ce texte : celui du transfert de propriété solo


consensu et son corollaire, le transfert de propriété immédiat. L’accord des
parties suffit à transférer la propriété; et dans le cas d’un contrat consensuel, le
transfert est immédiat dès la rencontre des volontés.

63. Mais ce principe n’est pas absolu. Il connaît plusieurs séries de dérogations.
Les premières sont d’ordre rationnel. Elles tiennent à un obstacle technique. Le
droit de propriété ne se conçoit en effet que sur un objet précis, individualisé. Le
transfert de propriété, et par suite le transfert des risques164, est donc
nécessairement retardé, lorsque le contrat porte sur des choses de genre, à
l’individualisation de l’objet et lorsqu’il porte sur des choses futures, à leur
achèvement.

64. La seconde série de dérogations repose sur la volonté des parties ; celle-ci
étant apte à transférer immédiatement la propriété, elle doit l’être à décider que
le transfert interviendra à un autre moment. Ainsi peut-on stipuler des clauses

164
En droit français, contrairement aux droits voisins, les transferts de propriété et des risques ne
sont pas séparés. En droit allemand, par exemple, le transfert des risques (Gefahrübergang) est
régi par le § 446 BGB qui énonce que « les risques de perte fortuite ou de détérioration fortuite
de la chose vendue sont transmis à l’acheteur avec la remise de la chose » ; Le critère du
transfert des risques est la possession de la chose (Besitz), contrairement au droit français qui
fait dépendre la charge des risques de la qualité de propriétaire.

55
retardant le moment du transfert jusqu’à la réalisation de tel ou tel événement
qui peut être le décès de l’une des parties165, la passation de l’acte notarié,
l’obtention d’une autorisation, d’un certificat, la délivrance de la chose,
l’exécution de la prestation due à titre de contrepartie et notamment le paiement
du prix.

Mais ce report du transfert de propriété à une autre date ne résulte pas de la


seule volonté des contractants. Il peut parfois être édicté par le législateur. Tel
est le cas des autorisations comme celles qui étaient prévues par la
réglementation des changes166 issue de la loi du 28 décembre 1966167. Le but du
contrôle des changes est « la mise à la disposition des pouvoirs publics des
moyens propres à assurer au mieux de l’intérêt général l’équilibre de la balance
des paiements »168. L’un de ces moyens est la soumission à autorisation
préalable des opérations de change, mouvements de capitaux et règlements de
toute nature entre la France et l’étranger169. Mais, seule était soumise à
autorisation l’exécution de l’opération de change170 ; si l’autorisation était
donnée, le transfert était possible, ce qui démontre bien que dans cette
hypothèse, le moment du transfert est reporté. Or cette autorisation ne dépendait

165
Pour un exemple de transfert de propriété suspendu à la réalisation du terme incertain qu’est
le décès du constituant en matière de trust ou de fidéicommis, voir Cass. 1 ère civ., 20 février
1996, Bull. civ. I, n° 423. Dans cette espèce, une femme s’était dépouillée d’un capital pour en
percevoir les revenus sa vie durant, tout en chargeant le propriétaire fiduciaire de le remettre au
jour de sa mort aux bénéficiaires désignés par elle à cette date. La Cour de cassation qualifiant
ce trust de donation indirecte, a ajouté que celle-ci avait reçu effet au moment du décès de la
constituante par la réunion de tout ses éléments (aliénation du droit et intention libérale) et avait
donc pris date à ce jour. Il y a bien retard du transfert de propriété à la date du décès. En fait, il
n’y a ici retard que du second transfert de propriété intervenant entre le propriétaire fiduciaire et
le bénéficiaire, le transfert de propriété de la constituante au propriétaire fiduciaire se produisant
dès la conclusion du fidéicommis. Aussi, la donation doit-elle être datée du jour de la
constitution du trust et l’effet même de celle-ci, à savoir le transfert de propriété au bénéficiaire,
du jour de la réalisation du terme autrement dit au décès de la constituante.
166
J.-P. ECK, « A propos de l’incidence de la réglementation des changes sur la validité des
contrats », D. 1983, chron. pp. 91-96.
167
Loi n° 66-1009 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, JO 29
décembre, p. 11621.
168
Définition donnée par l’Office des changes, in Le contrôle des changes, ses répercussions sur
les institutions juridiques, étude sous la direction de J. HAMEL.
169
Loi du 28 décembre 1968, art. 3.
170
Loi du 28 décembre 1968 , art. 4 , aux termes duquel « sont soumis à autorisation préalable
… les règlements ou transferts de toute nature effectués par un résident soit à destination de
l’étranger, soit en France au bénéfice d’un non-résident . »

56
pas, tant dans son principe que dans le moment de sa survenance, de la volonté
des parties mais de celle d’une personne extérieure, ce qui conduit donc à
exclure de cette étude ce type de clauses qui ne sont en fait que la traduction
d’une volonté législative.

Seules seront retenues les clauses retardant le transfert à la date de survenance


d’un événement dont la réalisation dépend de la volonté des parties. Tel est le
cas des clauses instaurant un formalisme conventionnel ou de réserve de
propriété qui figurent respectivement dans les ventes immobilières171 et
mobilières.

65. Dans le cas de la vente d’immeubles, l’intérêt qui motive les parties à la
stipulation instaurant un formalisme volontaire, est la protection de leur droit.
Ce n’est en effet qu’à partir de la passation de l’acte authentique que le vendeur
à crédit peut inscrire son privilège. Or, la vente d’immeubles étant un contrat
consensuel ne nécessitant aucune formalité, les parties ne peuvent obtenir
protection de leurs droits, issue des sûretés notamment, si elles se limitent à la
rédaction d’un acte sous seing privé . Elles stipulent donc dans leur acte sous
seing privé que celui-ci sera formalisé, c’est-à-dire passé en la forme notariée
avant telle date déterminée.

Un débat s’est toutefois élevé à propos de ce formalisme conventionnel. Celui-ci


retarde-t-il la conclusion du contrat ou son exécution? Beaucoup considèrent
qu’il retarde seulement la conclusion du contrat172. Or tel ne semble pas être la
position défendue par la Cour de cassation. En effet, lorsque les tribunaux ont à
statuer sur ce problème, ils considèrent que le compromis lie déjà les parties.
Cette solution est logique, puisqu’en la matière, le principe est le

171
Le transfert de propriété différé est d’ailleurs la règle dans la location-vente (F. COLLART-
DUTILLEUL et B. MAGOIS, Les contrats de vente immobilière, collection Encyclopédie Delmas
pour les affaires, Delmas, éd. 1998, J 808). L’acheteur use de la chose comme un locataire tout
en étant assuré de devenir propriétaire un jour ; le transfert de propriété se produira alors à la
date fixée par les parties ou à l’époque de la survenance de l’événement arrêté par elles.
172
J. SCHMIDT-SZALEWSKI, « Le rôle de l’acte authentique dans la vente immobilière », Revue
de droit immobilier, 1989, pp. 147-158 ; B. NUYTTEN et L. LESAGE, « Formation des contrats :
regards sur les notions de consensualisme et de formalisme », Defrénois, 1998, article 36784.

57
consensualisme. Ainsi, aux termes de l’article 1583 du code civil, la vente « est
parfaite entre les parties […]dès qu’on est convenu de la chose et du prix […] »
sans qu’aucune formalité ne soit requise. Or l’acte improprement dénommé
compromis de vente en matière immobilière constitue en fait une promesse
synallagmatique de vente qui est « un contrat par lequel les parties s’engagent
l’une à vendre, l’autre à acheter un bien pour un prix déterminé, en vue d’en
transférer la propriété »173. Mais cet acte n’est rien d’autre qu’une vente mal
qualifiée puisque l’article 1589 du code civil dispose que « la promesse de vente
vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque sur la chose et sur le prix ». Le
compromis engage donc d’ores et déjà les parties. Il ne pourrait d’ailleurs en
être autrement. Comment, en effet, tirer d’un contrat non encore conclu un effet
obligatoire ? Comment un contrat non formé pourrait-il contraindre les parties à
formaliser leur acte ? La solution adoptée par les auteurs qui considèrent que le
formalisme conventionnel retarde la formation du contrat de vente est de ne voir
dans le compromis qu’une étape dans la formation successive de l’acte définitif,
qu’un avant-contrat. Or, une telle solution ne peut être acceptée que si elle
émane de la volonté clairement exprimée des parties174. L’efficacité du seul
compromis est donc admise et a été affirmée dans une espèce où il s’agissait de
retarder le moment du transfert de propriété à la date de survenance d’un
événement constitué par la régularisation175 par acte authentique. La règle est
donc que la vente constatée par acte sous seing privé est parfaite à moins que les
parties n’aient fait de la solennité une condition de la formation du contrat. Dès
lors, seul le transfert de propriété peut être subordonné à l’accomplissement de

173
F. COLLART-DUTILLEUL et B. MAGOIS, Les contrats de vente immobilière, Collection
Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires, Delmas , éd. 1998, D 82.
174
Cf Cass. req. 4 mai 1936, DH 1936, 313 pour qui « l’énonciation, dans un acte de vente sous
seing privé, portant accord sur la chose et sur le prix, qu’un acte notarié sera ultérieurement
dressé, n’a pour effet de subordonner la formation et l’efficacité du contrat à l’accomplissement
de cette formalité que s’il résulte clairement soit des termes de la convention, soit des
circonstances que telle a été la volonté des parties. ». Cette solution a été reprise par la Cour de
cassation (Cass. 3ème civ., 14 janvier 1987, D. 1998, 80, note J. SCHMIDT-SZALEWSKI). Dans cette
affaire, un acte portait que «l’accord ne prendrait son effet définitif qu’après avoir été entériné
par un notaire ». Le légataire refuse de donner suite au compromis, quoique le partenaire eût
rempli ses obligations, en soutenant qu’il ne s’agissait pas d’une vente ferme, mais un simple
projet d’intention. La Cour de cassation, approuvant la décision des juges du fond, retient que si
les parties ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni de disposition de cet
acte, ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un
élément constitutif de leur engagement.
175
Cass. 3ème civ. 17 juillet 1991, Bull. civ. III, n° 218, p. 127 ; JCP 1991, IV, 367.

58
la formalité, sans que soit remise en cause l’existence du contrat, le vendeur à
crédit ne se dépossédant pas du bien vendu tant que son privilège n’est pas
inscrit et pouvant contraindre son cocontractant à formaliser l’acte si celui-ci ne
l’a pas fait à la date prévue ; le tribunal constatera l’inexécution et déclarera que
le jugement tient lieu d’acte authentique. En aucun cas le jugement ne saurait
être constitutif ; il ne peut être que déclaratif.

Le mécanisme sera identique s’agissant de la stipulation d’une clause de réserve


de propriété dans les contrats de vente mobilière même si l’enjeu est différent.

66. La clause de réserve de propriété est la clause « par laquelle le transfert de


propriété est suspendu, dans un but de garantie, à l’exécution de la prestation
due en contrepartie »176. L’intérêt d’une telle stipulation pour le vendeur à crédit
est de se prémunir contre la défaillance de son débiteur, et plus spécialement
contre le non-paiement du prix. Elle est d’autant plus intéressante que, depuis la
loi du 12 mai 1980177, elle est opposable à la masse des créanciers dans le cadre
des procédures collectives. Mais elle revêt également un intérêt certain pour le
débiteur qui n’a pas à supporter, pendant la période où joue la réserve de
propriété, les risques de perte ou de détérioration de la chose ; le transfert des
risques étant concomitant à celui de la propriété, la clause retardant le transfert
de la propriété retarde par là même le transfert des risques. Le vendeur à crédit,
sauf stipulation contraire, continuera donc à supporter la charge des risques de la
chose jusqu’au complet paiement du prix.

67. Un débat s’est élevé quant à la nature d’une telle clause. Trois solutions ont
été émises. Certains considèrent qu’il s’agit d’un terme178, d’autres d’une

176
Y. CHAPUT, « les garanties », J.-Cl. Contrats, fasc. 950, n° 1 s.
177
Dite Loi Dubanchet. Ses dispositions ont été insérées dans le code de commerce à l’article L.
621-122 alinéa 2. Cf également décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, article 85-1 et suivants,
JO 29 décembre.
178
Dans ce sens : J. GHESTIN, « Réflexion d’un civiliste sur la clause de réserve de propriété », D
1981, chron. 1.

59
condition179, et d’autres encore d’une garantie180. Une seule certitude semble
émerger en contradiction avec la solution de la Cour de cassation181: la clause de
réserve de propriété a un effet suspensif et non résolutoire.

Cette solution est logique eu égard au sens courant du mot « réserve » qui est
« le fait de garder pour l’avenir »182. La référence positive au futur montre bien
qu’elle ne peut avoir qu’un effet suspensif183. D’ailleurs la loi du 12 mai 1980
vise une clause « suspendant le transfert de propriété ». Cet effet suspensif
signifie que le transfert est mis en attente et ne s’effectuera qu’au moment de
l’exécution par le débiteur de son obligation. Mais la qualification de condition
suspensive semble devoir être écartée, d’abord parce que le paiement du prix qui
constitue l’obligation principale du contrat de vente ne peut constituer la
condition de sa formation ; ensuite, parce que la condition suspensive affecte
l’existence de l’obligation ; or le transfert de propriété n’est pas constitutif en
droit français d’une obligation, mais est un effet légal se réalisant
automatiquement.

179
Dans ce sens : D. VON BREITENSTEIN, «La clause de réserve de propriété et le risque d’une
perte fortuite de la chose vendue, RTD com. 1980, pp. 43-49, A. GHOZI, « Nature juridique et
transmissibilité de la clause de réserve de propriété », D 1986, chron., 317 ; A. MARTEL-TRIBES
(de), « Les clauses de réserve de propriété : deux enseignements tirés d’un échec », JCP 1977, I,
2875.
180
F. PEROCHON, La réserve de propriété dans la vente de meubles corporels, collection
Fondation nationale pour le droit de l’entreprise, Litec, 1988.
181
La chambre commerciale de la Cour de cassation retient la qualification de condition, et plus
précisément actuellement celle de condition résolutoire ; elle a ainsi considéré en 1985 que,
comme le défaut de paiement ouvre au vendeur qui s’est réservé la propriété une action en
revendication au lieu d’une action en résolution, la clause constitue nécessairement une
condition (cf en ce sens, Cass. com., 1er octobre1985, Bull. civ. IV, n° 222, D. 1986, 246 ). Mais
il convient de relever que cette même formation a parfois retenu, non le caractère résolutoire,
mais suspensif de cette condition ( Cf Cass. com., 20 novembre 1979, Bull. civ. IV, n° 300,
RTD com. 1980, pp. 43-49 : « la clause des conditions générales de vente de la société
Néochrome prévoyant : « Tout matériel reste notre propriété jusqu’au règlement intégral par
l’acheteur », instituait, non une condition suspensive, mais une condition résolutoire. » ; Cass.
com., 24 septembre 2002, RJDA 6/03, n° 602 : Justifie sa décision la Cour d’appel qui, dans le
cas d’une cession de parts sociales subordonnant le transfert de propriété des titres au paiement
effectif de la totalité du prix d’acquisition, décide qu’une telle stipulation ne pouvait pas
constituer une condition suspensive potestative de vente, s’agissant d’une conséquence inhérente
à la vente.
182
In Dictionnaire Le Robert, v° Réserve.
183
En ce sens, CA Nancy, 19 décembre 1985, D. 1986, 426.

60
Cette analyse en terme de suspension est également confortée par la nature
même de la vente ; le but de ce contrat étant de transférer la propriété, on
conçoit mal son anéantissement en cas d’absence de paiement, la notion d’effet
résolutoire étant par conséquent exclue. Les parties peuvent donc différer le
moment du transfert de propriété, et plus spécialement la date d’exigibilité de
l’obligation de dare au jour de la réalisation du paiement qu’elles auront
préalablement fixé.

La volonté des parties exprimée dans le contrat ne se limite pas à déterminer la


date des effets de celui-ci ; elle tient également compte des événements
susceptibles d’influer sur la relation contractuelle en fixant, l’époque de leur
survenance.

§2.- Les dates influant sur le sort du contrat

68. Ces dates peuvent être classées en deux catégories, selon qu’elles traduisent
l’adaptation du contrat dans son environnement (A) ou qu’elles prévoient son
extinction (B). Si les unes ou les autres diffèrent sur de nombreux points, elles
se rejoignent en ce qu’elles conduisent à une modification des modalités du
contrat.

61
A.- Les clauses d’adaptation184

69. Lorsque son exécution se prolonge dans le temps, le contrat peut connaître
des « meurtrissures »185 qui proviennent d’événements extérieurs à l’opération
qu’ils soient économiques, politiques, sociaux ou naturels.

Le facteur temps peut ainsi apparaître comme un élément perturbateur dans la


vie du contrat, car affectant la volonté initiale des parties. Mais celles-ci
connaissaient, lors de la conclusion du contrat, les risques engendrés par la
durée, par la nature d’acte de prévision conférée au contrat. Leur volonté est
libre de les atténuer. Aussi insèrent-elles dans leur contrat des clauses dites
d’adaptation qui ont pour objet de procéder au modelage du contrat selon
certaines modalités.

70. Le mécanisme déclenchant une adaptation du contrat ne nécessitant pas de


nouvel accord des parties, et donc qualifié d’automatique186, est simple. Les
parties peuvent déterminer à l’avance une date à l’arrivée de laquelle elles
procéderont au remodelage du contrat. Or, le choix d’une échéance datée, c’est-
à-dire désignée par les millésimes jour-mois-année, revêt un grave
inconvénient ; rien ne garantit en effet aux parties que l’événement perturbateur
se produira ou se sera produit à l’époque de l’adaptation. Dans une telle
hypothèse, le risque attaché à la durée ne serait pas amoindri ; aussi à une
échéance désignée par un millésime, les parties préfèrent-elles une échéance

184
CH. JARROSSON, « Les clauses de renégociation, de conciliation et de médiation », in Les
principales clauses des contrats conclus entre professionnels, avant-propos J. MESTRE, PUAM,
1990, p. 141 et s.
185
R. FABRE, « Les clauses d’adaptation dans les contrats », RTD civ. 1983, p. 2 ; P. DURAND, La
tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, préface p. 11.
186
R. FABRE (note précitée) déclare que, en insérant des clauses d’adaptation automatique dans
leur contrat, les parties « s’en remettent à un mécanisme qui permettra la modification du contrat
sans qu’elles aient à intervenir pour donner leur accord et l’adaptation sera automatique. » Seule
l’adaptation automatique du contrat est étudiée ici puisque n’y sont envisagées que les dates
contenues dans le contrat et ne nécessitant pas de nouvelles négociations de la part des parties.
Or les clauses d’adaptation non automatiques supposent l’adhésion ou la négociation des
parties ; elles seront, de ce fait, envisagées, infra section 2, n° 78 et s.

62
datée par référence à un événement déterminé, mais dont les contractants ne sont
pas certains qu’il se réalisera.

La référence choisie peut être interne au contrat ou lui être extérieure.

71. L’extériorité de la référence peut être illustrée par de nombreux exemples


relatifs soit à des circonstances économiques, soit à des événements naturels. Il
est, en effet, fréquent de trouver des clauses prévoyant l’adaptation du contrat
lorsque les circonstances économiques ont modifié l’équilibre initial ; ainsi le
prix consenti sera automatiquement modifié dès que le cours de la marchandise
évoluera. Mais les cas d’adaptation automatique n’appellent guère de
commentaire, d’autant plus que les parties ont, notamment dans les contrats
internationaux, recours aux clauses dites de « hardship »187, d’adaptation non
automatique du contrat ; ces clauses ont d’ailleurs un intérêt certain au regard du
droit français puisqu’elles permettent de remédier au déséquilibre dû à
l’imprévision, notion que les juridictions civiles188 ne reconnaissent pas.

On peut aussi rencontrer des clauses dites de force majeure, prévoyant le sort du
contrat au cas d’une impossibilité naturelle d’exécution. L’adaptation envisagée
ici par les parties ne doit pas être considérée comme modificative d’un élément

187
Cette clause n’a pas reçu de traduction française. M. P. VAN OMMESLAGHE , (« Les clauses de
force majeure et d’imprévision (« hardship ») dans les contrats internationaux », Rev. inter. dr.
comp. 1980, p. 7 et s.) emploie pour la désigner l’expression de clauses d’imprévision par
opposition à la clause de force majeure.
188
Cf, Cass. civ., 6 mars 1876, arrêt du Canal de Craponne, DP 1876, 1, 193, note A.
GIBOULOT : La Cour de cassation a censuré la cour d’appel d’Aix qui avait relevé le montant de
la redevance fixé par contrat conclu au XVIe siècle relatif à la fourniture d’eau en utilisant ces
termes : « Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur
paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement
acceptées par les contractants… ». La Cour de cassation s’est montrée par la suite fidèle au
principe d’immutabilité du contrat : Cass. civ., 4 août 1915, DP 1916, 1, 22 ; Cass. civ., 6 juin
1921, S. 1921, 1, 193, note HUGUENEY ; Cass. com., 18 janvier 1950, D. 1950, 227 ; Cass. com.,
3 janvier 1979, Gaz. Pal., 1979, 1, som., p. 214. Cf toutefois, Cass. soc., 25 février 1992 (D.,
1992, 390, note DEFOSSEZ ; JCP 1992, II, 3610, obs. GRATUMEL) et Cass. com., 3 novembre
1992 (Bull. civ., IV, n° 338 ; JCP éd. E 1993, pan., n°46, note G. VIRASSAMY ; RTD civ. 1993, p.
124, obs. J. MESTRE) laissant supposer qu’un éventuel rapprochement entre la jurisprudence de la
Cour de cassation et du Conseil d’Etat était possible, les juges judiciaires, au nom de la bonne
foi, pouvant désormais s’arroger le droit de réviser le contrat pour imprévision ( CH. JAMIN,
« Révision et intangibilité du contrat ou la double philosophie de l’article 1134 du code civil, Dr.
et patr. 1998, n° 58, p. 54).

63
du contrat afin d’en assurer sa survie ; la « mise en harmonie » avec les éléments
environnant qui influent négativement sur son existence et son exécution doit
être ici entendue de manière passive. L’« appropriation aux conditions externes
de l’existence » se traduit par la décision des parties de suspendre
automatiquement l’existence du contrat189 dès que l’événement défini comme
étant de force majeure se produit190.

72. La date de cette suspension191 est importante à plusieurs égards. Les parties
peuvent, en effet, prévoir que la suspension du contrat consiste en une
prolongation de la durée du contrat du laps de temps pendant lequel il a été
suspendu sous l’effet de la force majeure ; ainsi peuvent-elles stipuler que « en
cas de force majeure, les obligations des deux parties se prolongent
automatiquement de la durée du retard dû et justifié par la force majeure ». Bien
entendu une telle prolongation n’a de sens et d’intérêt que si l’on raisonne en
termes de contrat à durée déterminée. Il est donc important de connaître la date
de départ et la date de fin de la suspension pour déterminer la durée de
prolongation du contrat à l’issue de cette période d’ « hibernation » du contrat.
Mais même dans le cas où les parties ne prévoient pas une telle prolongation, la
connaissance des dates de la suspension est importante ; il est, en effet,
nécessaire pour elles de déterminer la date à partir de laquelle la période de
suspension prendra fin, le contrat étant alors résilié. Les parties ne peuvent pas
demeurer indéfiniment dans un lien contractuel dont l’exécution est devenue
définitivement impossible. Aussi, doivent-elles prévoir un délai à l’issue duquel
le contrat suspendu sera résilié. Le point de départ de ce délai n’est pas autre
chose que la date de suspension. Dans tous ces cas les parties ont donc stipulé

189
Le caractère automatique de cette clause est à nuancer puisqu’il est nécessaire pour la partie
désirant se prévaloir de la force majeure pour justifier son inexécution de notifier à son
cocontractant la survenance de l’événement ; toutefois, cette clause, ne prévoyant comme
sanction que la suspension, ne nécessite pas une nouvelle négociation. Cf B. BOURDELOIS, in
Pratique des contrats internationaux, Dictionnaire Joly, éd.1995, Livre V , Chapitre 1, n° 66.
190
Cet événement constitutif de force majeure peut consister dans des cataclysmes, des conflits
armés, des actes de l’autorité publique, des conflits sociaux… Cf B. BOURDELOIS, op. cit., Livre
V Chap 1 n° 62 s.
191
Sur la notion de suspension, cf J. CARBONNIER, Droit civil, T. 4, Les obligations, PUF,
Thémis Droit privé, 22ème éd., 2000, §. 195.

64
une clause prévoyant l’adaptation automatique du contrat à une date définie par
la survenance d’un événement extérieur au contrat mais choisi par elles.

73. Ces clauses prévoyant une suspension temporaire du contrat liée à un


événement passager ne sont pas les seules clauses automatiques ayant pour
référence un élément extérieur au contrat. D’autres permettent l’adaptation du
contrat à l’évolution de la concurrence ; tel est le cas de la « clause d’offre
concurrente » qui permet à une partie de faire valoir à son cocontractant l’offre
plus favorable d’un tiers, ou de la « clause du client le plus favorisé », selon
laquelle l’un des cocontractants s’engage à faire bénéficier l’autre des conditions
plus favorables qu’il pourrait consentir à un tiers dans un contrat similaire.
D’autres encore ont vocation à adapter le contrat à la hausse des prix ; il s’agit
des clauses d’indexation ou clauses d’échelle mobile. La liberté des parties n’est
absolue que relativement aux conditions de mise en œuvre, aucun choix de
l’élément objectif de référence n’existant.

74. La référence peut également être interne au contrat ou à son exécution. La


clause d’objectif192, par laquelle l’une des parties au contrat s’engage à réaliser
tant de chiffre d’affaires ou tant de commandes sur une période déterminée,
correspond à cette catégorie. Ainsi, dans les contrats de distribution avec
exclusivité, les parties peuvent prévoir que l’exclusivité consentie cessera, dès
lors que le distributeur n’aura pas réalisé le chiffre d’affaires qu’il s’était engagé
à remplir ; le contrat n’en sera pas pour autant rompu, mais le fournisseur sera
libre de proposer ses produits à un autre distributeur. Il est toutefois des cas où
la sanction de la non-réalisation du chiffre d’affaires se traduit non par la perte
de l’exclusivité mais par la rupture du contrat. Les clauses d’objectifs peuvent,

192
Elle se rencontre dans les contrats de travail, notamment des personnes exerçant une fonction
commerciale, et dans les contrats-cadres de distribution. Pour les contrats de travail, cf PH.
WAQUET, « Les objectifs », Dr. soc. 2001, p.120 ; C. BOUTY, « Le contrôle de l’insuffisance des
résultats par le juge », Travail et protection sociale 2001, chr., n° 7 ; Pour les contrats-cadres de
distribution, cf A. RONZANO, « Clauses de rendement et contrats-cadres de distribution », JCP
éd. E 1996, I, 535.

65
en effet, offrir au fournisseur le droit d’invoquer une clause de résiliation de
plein droit.

B.- Les clauses prévoyant la date d’extinction du contrat

75. Plusieurs techniques sont offertes aux contractants pour se libérer de leur
lien contractuel parmi lesquelles figurent les clauses de caducité et de résolution.
Celles-ci ne nécessitent pas, à cet endroit, de développement particulier ; la
première s’applique au moment où l’un des éléments essentiels du contrat
disparaît. Il s’agit dès lors d’un obstacle rationnel empêchant l’intervention de la
volonté. La clause résolutoire, quant à elle, a un régime mal défini, et est
souvent considérée par les juges comme la simple reproduction de la résolution
prévue par l’article 1184 du code civil ; et lorsque tel n’est pas le cas, la date de
la résolution n’est même pas celle de l’événement constitutif d’inexécution
prévu au contrat, mais celle de la notification par le créancier de sa décision de
rupture.

Seules seront envisagées ici les deux techniques suivantes : la stipulation d’une
condition résolutoire et celle d’un terme extinctif.

76. La condition résolutoire, prévue par l’article 1183 du code civil, n’empêche
ni la formation, ni l’exécution du contrat qui, tant que l’événement prévu
comme condition n’est pas réalisé peut être considéré comme pur et simple. Par
exemple, dans le cas d’une donation, une clause de retour peut être stipulée aux
termes de laquelle, en cas de prédécès du donataire, le bien donné retournera
dans le patrimoine du donateur. Il s’agit bien là d’une condition, événement
incertain et futur puisque, au moment de la donation, on ne peut pas savoir qui
survivra à l’autre. La date d’extinction du contrat est dans cette hypothèse

66
nettement définie par les parties puisqu’il s’agit de la date du décès du donataire
supposée antérieure à celle du donateur. La connaissance de cette date est
importante puisque les effets produits par la réalisation de la condition sont
rétroactifs193. Tous les droits consentis à des tiers par le donataire pendant la
période s’écoulant entre la date de la formation du contrat et celle de la
réalisation de la condition seront anéantis194, alors qu’inversement ceux
consentis par le donateur sont validés, sous réserve du respect des règles de
publicité foncière en matière immobilière et de l’article 2279 du code civil en
matière mobilière ; il est donc important de connaître ces dates afin de
déterminer lesquels de ces actes sont concernés.

77. Le terme extinctif n’est, quant à lui, affecté d’aucune rétroactivité195. Il


concerne des obligations successives et fixe le moment où l’obligation cesse
d’être due. Ainsi, dans le contrat de rente viagère, le débirentier n’est libéré de
son obligation de paiement qu’à la mort du crédirentier ; de même, dans le cas
d’un contrat de bail conclu pour neuf ans, le terme extinctif est l’expiration de ce
délai.

Le terme extinctif doit figurer dans les contrats à durée déterminée en raison de
la prohibition des contrats perpétuels par certaines dispositions du code civil
dont les articles 1780, relatif au louage d’ouvrage, 1709 afférent au bail, 1838,
limitant la durée des sociétés à 99 ans, 1944 et 2003 proscrivant respectivement

193
Ce caractère rétroactif ne vaut que pour le droit civil, mais en aucun cas pour le droit pénal, la
condition résolutoire ne pouvant rendre après coup licite une soustraction frauduleuse au
moment de sa commission (CA Colmar, 25 mars 1958, DP 1959, 196, note CHAVANNE), ni pour
le droit fiscal, cette condition ne permettant pas la restitution de droits d’enregistrement perçus
au jour du contrat (CGI, article 1961 ; M. COZIAN, note sous Cass. com., 21 octobre 1969, JCP
1970, II, 16518). Cette rétroactivité en droit civil est fondée sur la maxime « resoluto jure
dantis, resolvitur jus accipientis ». Des exceptions aux conséquences de la rétroactivité existent :
ainsi sont maintenus les stipulations détachées du contrat conditionnel (cas de l’obligation de
loyauté : Cass. 3me civ., 12 novembre 1975, Bull. civ. III, n° 328), les actes de conservation et
d’administration de la chose, les perceptions des fruits effectuées de bonne foi (Cass. req., 26
février 1908, S. 1909, 1,461), la purge.
194
Ce résultat est acquis de plein droit sans qu’il soit nécessaire de mettre l’acquéreur en
demeure (Cass. 3ème civ., 9 janvier 1980, Bull. civ. III, n° 12 ; JCP 1980, IV, 110.) ou de faire
prononcer la résolution en justice.
195
Une autre différence est que l’événement futur est de réalisation certaine.

67
le dépôt et le mandat. De ces références a, ensuite, été induit un principe
prohibant les engagements perpétuels en général196.

A l’échéance, le terme se manifeste uniquement par l’arrêt des prestations, sous


réserve toutefois qu’il ne s’agisse pas d’un contrat dont la durée est
impérativement fixée par la loi.

Il convient de signaler toutefois que le terme n’est pas toujours obligatoire.


Ainsi, la partie dans l’intérêt de laquelle le terme a été stipulé peut y renoncer ;
elle pourra donc payer par anticipation. Inversement, à l’échéance du terme, les
parties peuvent en paralyser les effets, en décidant de proroger le contrat, c’est-
à-dire, en fixant un terme plus éloigné, le contrat initial subsistant avec toutes
ses clauses mis à part le terme qui est modifié. Les parties décident donc, par
une convention nouvelle197, de modifier la durée de leur contrat ; telle n’est
d’ailleurs pas la seule solution dont ils disposent pour aboutir à un tel résultat198.
Mais, dans tous les cas, ces modifications entraînent la conclusion de nouveaux
accords ; or, par hypothèse extérieurs au contrat, mais néanmoins issus de la
volonté des parties, ces accords influent sur le contrat initial à la date de leur
survenance qui est nécessairement non contenue dans le contrat.

196
Cf en ce sens, notamment : M. PINLON, Essai sur la notion de perpétuité en droit civil, thèse
Poitiers, 1952 ; I. PETEL, Les durées d’efficacité du contrat, thèse Montpellier, 1984, n°339 et s. ;
J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, n° 16 et s. ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Le
décès du contractant, Economica, 1988, n° 18 et s. ; P. MORVAN, « L’hypothèse des contrats
perpétuels en droit commercial », Petites Affiches 1993, n° 34, p. 12 et s. ; L. et J. VOGEL, « Vers
un retour des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de la distribution », Contrats,
conc., cons. 1991, n° 8-9, p.1 et s.
197
Cet accord peut être tacite ; cf CA Versailles, 13 février 2001, RJDA 11/01, n° 1071 et n°
1098 : « il résulte de ces éléments qu’il a existé entre les parties un accord tacite pour proroger le
délai prévu par le contrat ».
198
Les autres hypothèses seront envisagées dans la section suivante, n° 78 et s.

68
section II : les dates extérieures au contrat

Les dates voulues par les parties et influant sur le contrat ne procèdent pas toutes
de l’accord initial ; elles peuvent être l’objet d’un nouvel accord des volontés ou
au contraire résulter de l’expression d’une volonté unilatérale.

§1.- Les dates procédant d’un nouvel accord des volontés

78. L’étude d’événements influant sur le contrat résultant d’un nouvel accord de
volonté peut paraître prématurée. En effet, la date de conclusion d’un nouvel
accord est une date non voulue par les parties, la date de conclusion du contrat
consensuel étant forcément celle de la rencontre des volontés ; ainsi, la date de
modification du contrat initial ou de sa tacite reconduction a la même nature que
celle de la conclusion du contrat modificatif. Pourtant la survenance de la
modification est bien voulue par les parties ; la volonté des parties joue donc
bien dans la détermination de la date de l’événement influant sur le contrat. Pour
poursuivre l’exemple de la modification du contrat, le moment de cette
transformation sera celui de l’accord le prévoyant et la datation de cet
événement s’effectuera par référence à la date de rencontre des volontés des
parties. Les cocontractants disposent de plus de toutes les modalités permettant
de différer ou de retarder la prise d’effet de ces conventions comme cela a été
précédemment exposé.

Cette affirmation se vérifie que les parties au nouvel accord soient identiques à
celles du contrat initial ou que l’une d’entre elles négocie avec un tiers.

69
A.- Les dates procédant d’un nouvel accord entre les parties

Les nouveaux accords procédant de la rencontre des volontés des contractants


initiaux peuvent avoir deux effets principaux: le maintien partiel du contrat (1)
ou son extinction (2).

1.- Les événements maintenant le contrat initial

79. Le maintien du contrat suppose que l’événement influant sur la convention


ne soit pas assez fort pour l’éteindre mais assez puissant pour en perturber le
cours d’exécution. Or seule revêt ces qualités la convention modificative du
199
contrat. En effet, selon M. GHOZY , la modification se définit comme « l’acte
juridique par lequel les parties conviennent de changer en cours d’exécution un
ou plusieurs éléments de la convention qui les lient en maintenant le rapport
contractuel ». La modification du contrat résulte donc de l’autonomie de la
volonté des parties et son objet peut être varié. Ainsi peut-elle aboutir à une
substitution de personnes, à l'adjonction ou la suppression de telle ou telle
clause, à la modification de l’objet, à la prorogation du contrat pour l’avenir200.

199
A. GHOZY, La modification de l’obligation par la volonté des parties, LGDJ 1980.
200
La prorogation du contrat pour l’avenir ne concerne que les contrats conclus pour une durée
déterminée ; seuls ceux-ci sont en effet assortis d’un terme extinctif voulu par les parties ; or, le
contrat constituant la loi des parties (C. civ., art. 1134), la stipulation du terme est donc revêtue
comme tout le contenu du contrat d’une force obligatoire que seul le consentement mutuel des
parties peut amoindrir. La prorogation du contrat, fruit d’un nouvel accord des volontés,
constitue donc bien une modification du contrat en ce qu’elle neutralise le terme extinctif
initialement prévu.

70
80. Les formes de la modification sont diverses et peuvent indifféremment
consister en l’échange de lettres missives, documents simplifiés, avenant ou
protocole additionnel. Conformément à la définition préalablement donnée de la
modification visant un acte juridique, elle sera le plus souvent matérialisée par
un document dénommé avenant. Cette matérialisation est parfois exigée par la
loi ; ainsi en droit des assurances, l’article L. 112-3 du code des assurances
impose, à des fins probatoires201, que toute modification au contrat d’assurance
primitif soit constatée par un avenant signé des parties. Cet avenant constitue un
acte autonome devant satisfaire aux conditions de droit commun ; c’est au
regard de sa date que le contrôle du respect des conditions de fond devra être
effectué et les parties seront libres de différer sa prise d’effet ou de l’anticiper.

81. Les effets de la modification sont nuancés consistant soit à ajouter au contrat
initial, soit à éteindre certaines de ses dispositions. Mais contrairement à la
formulation figurant dans certains avenants aux termes de laquelle « l’avenant
annule et remplace les conditions particulières en cours »202, cet acte ne conduit
en aucun cas à l’annulation du contrat initial, la nullité supposant un vice de
formation du contrat. Cette confusion n’est pourtant pas dénuée de sens et
s’explique par le fait que l’acte modificatif qui n’opère en principe que pour
l’avenir revêt parfois un effet rétroactif, caractère propre à la nullité. L’avenant
peut en effet rétroagir jusqu’à l’acte initial entre les parties dans deux
hypothèses. Tel est le cas, en premier lieu, lorsqu’il a une valeur interprétative ;
et en second lieu, lorsqu’il a pour objet de régulariser203 un acte a priori nul du
fait notamment de l’omission de certaines mentions. Cette régularisation est

201
Cf, Lamy Assurances, 2003, §. 582. Selon la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 4 juillet 1978,
RGAT 1979, p. 172, note BESSON), le principe que l’écrit est requis ad probationem s’impose
même si les conditions générales du contrat initial prévoient que le contrat comme tout avenant
ne pourront produire effet qu’après la signature de l’assureur et du souscripteur. En l’absence de
document écrit, la Cour de cassation rejette toute allégation relative à une prétendue demande de
modification du contrat (Cass. 1re civ., 14 novembre 1995, RGDA 1995, p. 278, note J.
KULMANN).
202
Lamy Assurances, 2003, §. 582 ; lorsqu’une telle stipulation figure dans l’avenant à un
contrat d’assurance, la Cour de cassation considère que le contrat ancien est éteint et qu’un
nouveau contrat naît (Cass. 1re civ., 24 octobre 1977, RGAT 1978, p. 220, note A. BESSON ; G.
COURTIEU, « Lorsqu’un clou chasse l’autre », Argus, 1978, p. 2301).
203
DUPEYRON, La régularisation des actes nuls, Thèse Toulouse, LGDJ, 1973.

71
implicitement visée en matière de sociétés par l’article 1844-11 du code civil qui
dispose que « l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé
d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance … » ; cette
cause n’a pu cesser que parce que l’acte a fait l’objet d’une régularisation.
L’avenant n’a donc en aucun cas pour effet d’annuler le contrat initial, mais peut
avoir pour objet de régulariser un acte initialement nul.

82. Ainsi la date d’effet de cet événement modificatif de la convention initiale,


mais autonome, peut varier; elle peut tout d’abord correspondre à la date de
conclusion du contrat primitif lorsque la modification revêt un caractère
rétroactif ou à celle de l’avenant ; ensuite, elle peut différer de la date de
formation de l’acte modificatif lorsque les parties ont décidé soit d’anticiper soit
de retarder la prise d’effet de l’avenant. Mais ces différentes dates ne
correspondront en aucun cas à celle de l’extinction du contrat comme ont pu le
croire certains contractants, cette similitude ne valant que pour les événements
emportant précisément cette extinction.

2.- Les événements emportant extinction du contrat initial

Ces événements sont de deux ordres selon qu’ils entraînent l’extinction totale du
contrat204 ou qu’ils permettent la sauvegarde du contenu du contrat initial dans
la majeure partie de ses dispositions.

a.– La reconduction du contrat

72
83. La spécificité de la reconduction par rapport à l’accord des parties mettant
fin au contrat est que cette hypothèse ne peut se présenter que lorsque l’on est en
présence d’un contrat successif à durée déterminée ou déterminable. La
reconduction s’entend, dans le langage courant205, comme « l’acte par lequel on
continue, on renouvelle » ; or il ne peut y avoir renouvellement que d’une chose
appelée à disparaître, l’action de renouveler étant celle de « remplacer par une
chose nouvelle et semblable ce qui a servi, ce qui est altéré, diminué ». La
reconduction ou le renouvellement du contrat ne se conçoit donc que pour autant
que le contrat initial arrive à son terme ; cette action se traduit nécessairement
par la conclusion d’un nouveau contrat, renouveler supposant le remplacement
par une chose nouvelle et semblable (un nouveau contrat) de ce qui a disparu (le
contrat initial arrivant à échéance).

La conclusion de ce nouveau contrat s’effectue soit de façon tacite (tacite


reconduction) soit de manière expresse (renouvellement).

84. La tacite reconduction206 se définit comme « la création d’un nouveau


contrat, à l’expiration du précédent, en raison de la prolongation de l’état de fait
qui résultait de celui-ci entre les parties»207.

85. Pour la doctrine classique208, la tacite reconduction constitue une application


de la théorie du silence. Elle naît du silence gardé par les parties lors de l’arrivée

204
L’extinction totale du contrat n’emporte toutefois pas la disparition de toutes ses clauses,
certaines d’entre elles, comme la clause de dédit ou la clause de non-concurrence, prenant effet à
cette date.
205
In Dictionnaire Le Robert, v° reconduction.
206
Voir notamment : B. AMAR-LAYANI, « La tacite reconduction », D. 1996, Chron. pp.143-148 ;
D. FAVRE, « Contribution à l’étude de la tacite reconduction », Petites Affiches 7 août 1996,
pp.23-31 ; M. PAGET, De la tacite reconduction, Thèse Paris 1926 ; C. LAVABRE, « Eléments de
la problématique de l’après-contrat : les clauses de négociation, de prorogation et de
reconduction », RJDA 5/03, chron, pp. 411-415.
207
RADOUANT, Rép. civ. Dalloz, 1955, v° « Tacite reconduction », n°4.

73
du terme. Or, pour qu’il y ait tacite reconduction, il est nécessaire de relever la
volonté de chaque cocontractant de poursuivre le contrat initial ; sauf certaines
situations particulières209, il est en effet maintenant clairement établi par la
jurisprudence210 que la tacite reconduction emporte naissance d’un nouveau
contrat211, mais que les parties demeurent liées par les stipulations du contrat
originaire212. Cette analyse est confirmée par l’article 1738 du code civil

208
Cf notamment, B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, Les obligations, 2. Contrat,
Litec, 6ème éd., 1998, p.175 : « le silence créé donc un nouveau contrat » ; J. FLOUR, J.-L.
ème
AUBERT, Les obligations, 1. L’acte juridique, Armand Colin, 8 éd., 1998, n°160 ; PLANIOL et
ème
RIPERT, Traité pratique de droit civil français, T. 6 Obligation, 2 édition par ESMEIN, LGDJ,
n°108 ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Dalloz, 7ème éd., 1999, n° 118.
209
Comme la réglementation des baux commerciaux qui laisse entendre que la tacite
reconduction n’entraîne pas création d’un nouveau contrat. Aux termes de l’article 5 alinéa 2 du
décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (D. 1953, p. 393), « à défaut de congé, le bail se poursuit
par tacite reconduction au–delà du terme fixé par le contrat » ; c’est donc le même contrat qui se
poursuit, la tacite reconduction apparaissant ici comme l’a défini DEMOGUE (note, DP 1911, 2,
130, 1ère et 2ème col) c’est-à-dire comme le fait de reporter à une date ultérieure le terme primitif.
Il ne s’agit ici que d’une erreur de terminologie, le bail n’étant pas tacitement reconduit, mais
prorogé. Pour une critique de cette position, cf M.-J. LITTMANN, Le silence et la formation du
contrat, thèse dact., Strasbourg, 1969, n° 277, p.441. Cet auteur considère que la doctrine de
DEMOGUE « se heurte à la règle selon laquelle le silence ne peut seul entraîner la modification
d’une des clauses contractuelles, l’absence de protestation étant insuffisante pour produire cet
effet. »
210
Cf. Cass. com., 13 mars 1990, Bull. civ. IV, n° 77 ; D. 1990, inf rap, p. 84 : « la tacite
reconduction […] donne naissance à un nouveau contrat » ; Cass. 3ème civ., 8 février 1984, Bull.
civ. III, n° 33 ; Cass. civ., 28 juillet 1941, RGAT, 1941, p. 610 ; Cass. 1ère civ., 10 janvier 1984,
Bull. civ. I, n° 6.
211
Cf Cass. 1ère civ., 17 juillet 1980, Bull. civ. I, n° 220 ; Cass. Com., 13 mars 1990, RTD civ.
1990, p. 464, n° 2, obs. J. MESTRE. La loi applicable est alors celle en vigueur au jour de la
reconduction. La Cour de cassation a jugé que « le bail tacitement reconduit constitue un
nouveau contrat, la cour d’appel a retenu à bon droit, sans violer l’article 2 du code civil, que
l’article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 était applicable à compter du renouvellement du
bail et que la société (…) pouvait délivrer congé à tout moment, en respectant un préavis de six
mois » (Cass. 3ème civ., 10 juin 1998, RJDA 10/98, n° 1088, JCP 1998, I, 177, n° 2, obs. M.
BILLIAU, RTD civ. 1999, p. 94, obs. J. MESTRE). Un autre effet de la naissance d’un nouveau
contrat du fait de la tacite reconduction est la disparition du cautionnement du contrat initial
(Cass. com., 6 février 2001, JCP 2001, I, 370, n° 3, obs. A. CONSTANTIN).
212
Cf Cass. soc., 27 avril 1964, D. 1965, 214, note A. ROUAST : « il est de principe que les
parties demeurent liées par le contrat originaire lorsqu’elles en poursuivent l’exécution par tacite
reconduction, au-delà du terme convenu. » ; Cass. 1ère civ. 17 juillet 1980, DS 1981, inf. rap., p.
177, note BERR et H. GROUTEL : ce nouvel accord de volonté « trouve sa force obligatoire non
dans le contrat d’origine, dont la durée est limitée, mais dans l’accord de tacite en vertu duquel
les effets du contrat sont prorogés ». Il convient de relever que cette identité de contenu peut
connaître des exceptions. Il a ainsi été jugé que, dès lors que pendant les périodes successives de
reconduction d’un contrat d’approvisionnement conclu pour une durée déterminée, le
fournisseur a effectué ses livraisons de fournitures à un certain prix, sans remarques ni réserves,
et que son client a régulièrement honoré ces factures sans émettre de quelconques observations,
même s’agissant d’un nouveau prix, il en résulte nécessairement qu’il a manifesté sans
équivoque sa volonté de voir appliquer un nouveau prix, lequel a été pareillement agréé par le
client qui l’a acquitté sans aucune contestation (CA Versailles, 15 février 2002, Gaz. Pal., 2002,
som. 31 janvier).

74
disposant qu’il s’opère un nouveau bail dès lors que le preneur est laissé et reste
dans les lieux après l’expiration du bail213.

Comme tout contrat, celui tacitement reconduit suppose pour sa formation la


rencontre des volontés des contractants. Dès lors, la tacite reconduction ne doit
pas s’analyser comme une application de la théorie du silence214 ; le nouveau
contrat est formé par l’échange de volontés tacites215. Beaucoup rejetteraient
cette analyse puisqu’ils considèrent que « l’acceptation tacite suppose un acte
d’où l’on peut raisonnablement induire la volonté de contracter »216; or, par acte,
ils entendent acte positif tel que l’exécution du contrat proposé. Mais, l’analyse
des diverses situations mettant en jeu la tacite reconduction démontre qu’un seul
acte suffit : l’acte positif d’un seul cocontractant face à la passivité de l’autre.
Ainsi, en matière de bail, seul le locataire témoigne d’un acte positif puisqu’il
demeure dans les lieux malgré l’expiration de son bail, le bailleur, quant à lui ne
se manifestant pas. Cette opinion correspond à la lecture classique de l’article
1738 du code civil, article fondateur de la tacite reconduction, qui dispose que
« si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il
s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations
faites sans écrit».

L’expression « est laissé » montre bien l’attitude passive du bailleur. Mais, un


autre sens peut être donné à ce groupe de mots si l’on raisonne en termes
d’obligations réciproques des parties dans le cadre d’un louage d’ouvrage.
L’analyse de ces obligations montre que, si le preneur a des obligations positives
telles que celle d’user de la chose louée en bon père de famille, celle de payer le

213
Voir également en droit du travail, C. tr, art. L. 122-3-11. De manière générale, une clause de
tacite reconduction peut être stipulée dans tous les contrats successifs, sauf limitation légale (Cf
C. ass., art. L. 113-15 qui limite à un an la durée de la tacite reconduction conventionnelle).
214
Cf B. PETIT, « Contrats et obligations. Consentement », J.-Cl civ, article 1109, §. 58. L’auteur
écarte la théorie du silence. Il déclare que la tacite reconduction « ne repose pas véritablement
sur un pur silence puisqu’il suppose en outre, non seulement l’existence d’un contrat antérieur,
mais surtout la poursuite de l’exécution ».
215
Les juges emploient plutôt la notion de « présomption de volonté des deux parties » (Cass.
3ème civ., 6 novembre 2001, RJDA 1/02, n° 11 ; Cass. 1ère civ., 20 février 1996, RJDA 6/96, n°
778).
216
J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Les obligations, 1. L’acte juridique, Armand Colin, 8ème éd., 1998, n°
158.

75
prix du loyer, le bailleur, quant à lui, n’est tenu qu’à des obligations d’abstention
telle que celle de laisser le preneur jouir paisiblement de la chose louée pendant
la durée du bail. En gardant le silence à la fin du contrat, le bailleur continue
donc à exécuter le contrat, puisqu’il continue de respecter son obligation
d’abstention ; il marque ainsi sa volonté tacite de poursuivre le contrat.

86. La date de conclusion de ce nouveau contrat et par conséquent celle de la


destruction du contrat initial est donc celle de la rencontre des volontés tacites.
Dès lors, il est délicat de la déterminer. On peut présumer que la conclusion du
nouveau contrat est intervenue à la date d’expiration du premier contrat. La
doctrine dominante217 considère d’ailleurs que la survenance du terme extinctif
retire toute force obligatoire au contrat initial. Par conséquent, celui-ci est éteint
à la date du terme ; il n’y aurait donc plus aucun intérêt à étudier la tacite
reconduction au titre des dates d’événements issus d’un nouvel accord des
contractants influant sur l’acte initial.

Or, il est illogique de soutenir que c’est le terme extinctif qui provoque
l’extinction du contrat initial ; celui-ci est en effet paralysé par la tacite
reconduction ; les parties, en décidant de poursuivre l’exécution du contrat,
marquent leur volonté de retirer tout effet au terme ; la tacite reconduction prive
donc le terme stipulé de son effet extinctif218.

87. Le renouvellement est le second mode de conclusion du nouveau contrat ; il


s’agit d’un mode de conclusion exprès qu’illustre parfaitement le contrat de bail.

Pour qu’il y ait renouvellement, c’est-à-dire formation d’un nouveau contrat, il


est nécessaire dans cette hypothèse, que le bailleur ou le preneur prenne la
décision unilatérale de mettre un terme au contrat. Une telle initiative lorsqu’elle

217
Cf J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Les effets du contrat, LGDJ, 3ème éd., 2001, §. 252 ;
RADOUANT, op. cit., n°17.
218
Cass. com., 24 avril 1974, D. 1975, 767, note M. DELAPORTE.

76
est le fait du preneur, se traduit par une demande en renouvellement adressée au
bailleur.

Celle du bailleur prend la forme de la délivrance d’un congé219. Si le congé met


fin au bail en cours, il n’emporte toutefois pas par lui-même renouvellement du
bail. La délivrance du bail n’est que la première phase d’un processus tendant à
la conclusion du nouveau contrat ; par le congé, le bailleur manifeste seulement
qu’il accepte le principe de renouvellement. Celui-ci est définitivement acquis
dès lors qu’il y a volonté concordante des parties sur la chose et le prix.

Quant à la demande de renouvellement, elle doit être signifiée au bailleur. La


date de signification marque le point de départ du délai de trois mois dont le
bailleur dispose lorsqu’il entend refuser le renouvellement pour faire connaître
ses motifs.

Les lois portant réglementation des différents baux prévoient généralement la


date du nouveau bail obtenu par renouvellement. Ainsi, aux termes de l’article 7
du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, le nouveau bail commercial prend
effet à l’expiration du bail précédent ou le cas échéant de sa reconduction. La
date d’expiration du bail précédent est la date initialement prévue au contrat
lorsqu’il y est régulièrement mis fin soit par congé du bailleur donné au moins
six mois à l’avance, soit par demande de renouvellement du bail formé par le
locataire.

Tels sont les cas où le contrat ou son contenu perdurent par la volonté des deux
parties qui peuvent également décider de le rompre.

219
La distinction entre tacite reconduction et renouvellement repose sur l’existence d’un congé
signifié, qui comme tout autre expression de volonté contraire, entraîne la disparition de la
présomption sur laquelle repose la tacite reconduction. L’article 1739 du code civil dispose, en
effet, que « lorsqu’il y a congé signifié, le preneur, quoiqu’il ait continué sa jouissance, ne peut
invoquer la tacite reconduction ». Ce congé est dit congé avertissement et s’oppose donc au
congé prévu par l’article 1736 du code civil, en ce qu’il est constitutif d’un acte au moyen
duquel l’une des parties fait connaître à l’autre qu’elle entend s’opposer au renouvellement du
bail.

77
b.- Le mutuus dissensus220.

88. L’alinéa 2 de l’article 1134 du code civil consacre au profit des parties au
contrat le pouvoir bilatéral de le révoquer. Il dispose en effet que « [les
conventions] ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ».

Le mutuus dissensus est la matérialisation de ce pouvoir. Le mutuus fait


référence à un échange entre deux personnes, chacune d’elles donnant et
recevant, l’échange exigeant la réciprocité. Le mot « dissensus » est l’antonyme
du terme « consensus ». Le préfix dis renvoie à une séparation. Ainsi expliqués,
la combinaison des deux termes conduirait à définir le mutuus dissensus comme
un « dissentement mutuel »221 ; or point n’est ici le cas, les parties étant au
contraire d’accord pour mettre fin à leur relation contractuelle. Les termes latins
ne marquent non pas l’existence d’un désaccord, mais « la nécessité d’une
volonté réciproque pour rompre le rapport d’obligation »222. Le mutuus
dissensus est d’ailleurs considéré comme l’écho négatif du mutuus consensus à
l’origine de la formation du contrat, comme le corollaire de la maxime « pacta
sunt servanda ».

Il peut donc être défini comme « l’expression employée communément pour


désigner la dissolution d’un contrat par l’accord de volontés des parties »223.
Ainsi s’agit-il d’un nouveau contrat, autonome, dénommé accord extinctif ou
abdicatif224 et même acte révocatoire.

220
R. VATINET, « le mutuus dissensus », RTD civ., 1986, pp. 252-285 ; E. PUTMAN, « la
révocation amiable », in La cessation des relations contractuelles d’affaires, Colloque de
l’Institut de Droit des Affaires d’Aix-en –Provence 30-31 mai 1996, PUAM, 1997.
221
Cf R. VATINET, « Le mutuus dissensus », préc., p.252.
222
Lexique des termes juridiques, Dalloz, v° mutuus dissensus.
223
In Vocabulaire juridique sous la direction de H. CAPITANT, PUF, 1930, v° « Résiliation », 3ème
définition.
224
Mais contrairement à la plupart des actes abdicatifs qui sont des actes unilatéraux où « le but
extinctif est poursuivi en lui-même » (Y. SEILLAN, « L’acte abdicatif », RTD civ. 1966, p. 687),
le mutuus dissensus constitue une convention.

78
89. L’autonomie de ce contrat ne fait pas l’unanimité. Il suffit pour s’en
persuader d’étudier la jurisprudence et la doctrine développées autour du
problème de la loi applicable à cette nouvelle convention. Si celle-ci était
considérée comme autonome, elle ne se verrait pas appliquer la loi de la
convention révoquée, mais au contraire celle en vigueur à la date de sa
formation. Or, la jurisprudence, laissant une place à la volonté des parties, a
indiqué que la loi applicable n’est celle de la convention révoquée qu’à défaut
d’indication contraire225 ; tout porte donc à croire que cet accord extinctif est
considéré comme un accord modificatif du contrat initial, formant un tout
indivisible avec l’accord primitif.

Cette position doctrinale et jurisprudentielle est défendable, dès lors que l’on
raisonne en termes de droit international ; elle permet en effet d’éviter tout
conflit portant sur la détermination de la loi applicable en l’absence de
stipulation des parties.

Toutefois, un tel raisonnement ne peut être approuvé que s’agissant de la loi


applicable dans l’espace et point de celle applicable dans le temps. Le mutuus
dissensus revêt en effet une date de formation propre à laquelle il convient de se
placer pour vérifier si les conditions de fond applicables à la formation de tout
contrat sont réunies. Que cet accord soit tacite ou résulte d’une convention
expresse, il n’en demeure pas moins que la date de cessation de la convention
initiale sera celle de la formation de l’accord abdicatif, de même pour la date à
partir de laquelle remontera la rétroactivité conférée par la jurisprudence à la
révocation.

90. Deux effets sont, ainsi, attachés au mutuus dissensus : un effet abrogatif et
un effet rétroactif226. Les auteurs classiques considéraient que la révocation du

225
Cass. 1re civ. 25 mai 1992, Rev. Crit. DIP 1992, p.689, note JARROSSON ; cf également J.
ème
GHESTIN et G. GOUBEAUX, Droit civil, Introduction générale, LGDJ,4 éd., 1994.
226
Sauf lorsque le contrat présente un caractère successif. La révocation ne jouera alors que pour
l’avenir (Cass. com., 1er février 1994, RTD civ. 1994, p. 356, obs. J. MESTRE).

79
contrat ne pouvait avoir d’effet que pour l’avenir227. Le contrat initial perdait
donc son pouvoir créateur d’obligations. La position actuelle de la jurisprudence
ne se limite pas à la reconnaissance de cette conséquence à venir ; elle semble
considérer que l’intention présumée des parties est de remettre les choses dans
leur état antérieur au contrat révoqué228 et fonde d’ailleurs son raisonnement sur
les articles 1134 et 1184 du code civil qui traitent de la résolution. Le mutuus
dissensus aurait donc un effet résolutoire. En fait, l’analyse des effets du mutuus
dissensus s’est inversée entre les auteurs classiques et les auteurs contemporains.
Ces derniers ne se sont pas contentés d’ajouter au mutuus dissensus un effet
rétroactif ; ils l’ont rendu obligatoire, les parties devant, si elles veulent mettre
fin uniquement au pouvoir du contrat successif de faire naître des droits et des
obligations nouvelles, exprimer clairement cette volonté contraire. A défaut
d’intention déclarée des parties, le mutuus consensus provoquera donc
l’extinction du contrat pour l’avenir et la remise en état de la situation d’avant le
contrat primitif. La date pivot de ces effets est donc bien celle de la conclusion
de l’accord extinctif constituant tant le point de départ de la rétroactivité que la
date de cessation du contrat initial, sans préjudicier des droits des tiers qui ne
pourraient voir leur contrat anéanti du fait de la cessation d’un autre contrat
auquel ils sont étrangers.

227
LAURENT, Principe de droit civil français, t .16, 1875, p. 245, n° 183.
228
Cass. 27 juillet 1892 : la révocation par consentement mutuel « produit le même effet que
l’accomplissement d’une condition résolutoire, c’est-à-dire que les choses sont remises au même
état que si l’obligation n’avait pas existée. » Constant depuis : Cass. com., 30 novembre 1983,
Bull civ IV, n° 337, RTD civ. 1985, p. 166, obs. J. MESTRE, RTD com. 1985, p. 249, obs. J.
me
HEMARD et B. BOULOC ; Cass. 3 civ., 9 décembre 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan., p. 168, Gaz.
Pal. 1973, 1, doct, p. 215, obs. crit. J. DUPICHOT.

80
B.- Les dates procédant d’un nouvel accord entre l’un des contractants et un
tiers

Au titre de ces dates ne seront envisagés que les cas de cessions de contrat229.
Une seule institution sera donc étudiée, le pluriel affectant le mot « date » dans
le titre de ce paragraphe s’imposant du fait notamment de l’incertitude existant
quant à la nature juridique de la cession de contrat.

91. L’institution qu’est la cession de contrat a été l’objet de nombreux débats.


Certains ont porté sur son existence. Les auteurs classiques niaient toute
existence à la cession de contrat. Les concepts issus du code civil n’assuraient,
en effet, pas la transmission des dettes ; or la cession d’un contrat suppose
nécessairement la transmission de l’actif et du passif, la transmission des dettes
autant que des créances. Pour permettre cette dualité de transferts, les auteurs
recouraient au montage juridique consistant à adjoindre à la cession de créances,
une stipulation pour autrui ou une délégation qui permettait de faire supporter la
charge des dettes au tiers. Mais ce stratagème n’emportait pas les mêmes
conséquences qu’une cession de contrat puisque tant la délégation que la
stipulation pour autrui n’avaient pas pour effet la transmission des dettes mais
engendraient de nouveaux rapports juridiques. Ces nouveaux rapports
conféraient donc un droit direct au profit des tiers issu non pas du contrat
transmis mais du nouvel accord. Au contraire, la cession conventionnelle du
contrat est une notion distincte d’autres concepts juridiques tels que la
stipulation pour autrui, la délégation, la novation, connue d’ailleurs du code civil
dont l’article 1717 prévoit que le preneur peut céder son bail, si cette faculté ne
lui a pas été interdite.

229
D. R. MARTIN, « Du changement de contractant », D. 2001, chron., p. 3144 ; C. LACHIEZE, «
L’autonomie de la cession conventionnelle de contrat », D. 2000, chron., p. 184 ; D. KRAJESKI,
« L’intuitus personae et la cession du contrat », D. 2001, p. 1345.

81
Aussi dès 1982230, la Cour de cassation a-t-elle admis la cession de contrat en
déclarant que « la cession d’un contrat synallagmatique permet au cédé de
poursuivre directement le cessionnaire qui est tenu envers lui du contrat
transmis » ; la cession de contrat en tant que mécanisme de transfert du contrat
est donc reconnue par la Cour de cassation. Cette jurisprudence est d’ailleurs
compréhensible eu égard à l’utilité d’un tel mécanisme. Il assure en effet la
stabilité du contrat, tout en préservant sa souplesse ; le contrat est maintenu
malgré le désir de l’un des cocontractants de s’en libérer et en dépit du
changement de l’une des parties.

92. Un autre débat a ensuite concerné la nécessité ou non du consentement du


cédé à la cession, à la substitution de cocontractant231. La réponse à cette
question intéresse particulièrement l’étude de la date du contrat puisque celle-ci
différera selon la solution apportée. Pour MM. MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, « la
cession de contrat suppose évidemment l’accord du cédant et du cessionnaire,
mais implique aussi l’adhésion du cédé même si aucune disposition légale ou
conventionnelle ne la prévoit »232. D’autres auteurs233, au contraire, soutiennent
l’inanité du consentement du cédé. La Cour de cassation a tranché en faveur de
la nécessité du consentement du cédé. Dans l’un des deux arrêts du 6 mai
1997234, elle déclare que la cour d’appel ne pouvait pas condamner un acheteur à

230
Cass. 1re civ., 14 décembre 1982, Bull. civ. I, n° 360, D. 1983, 416, note L. AYNES.
231
Il s’agit de la partie fixe du contrat, de celle qui aura eu pour cocontractant originaire le
cédant et aura un contractant substitué au précédent.
232 ème
G. MARTY, P. RAYNAUD, P. JESTAZ, Droit civil, Les obligations, T.2, Le régime, Sirey, 2 éd.,
1989. Dans le même sens : J. GHESTIN, CH. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du
contrat, LGDJ, 3ème éd., 2001, n° 691 ; C. LAPP, Essai sur la cession de contrat synallagmatique
à titre particulier, thèse Strasbourg, 1950, n° 63 ; CH. LARROUMET, Les opérations juridiques à
trois personnes en droit privé, thèse Bordeaux, 1968, n° 87 et n° 107 ; J. MESTRE, obs. sous Cass.
com., 7 janvier 1992, RTD civ. 1992, p. 762, CA Paris, 3 novembre 1994, RTD civ. 1995, p. 369
et Cass. com., 6 mai 1997, RTD civ. 1997, p. 937.
233
L. AYNES, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica,
1984, préf. PH. MALAURIE, n° 226 et s ; D. MAZEAUD, obs. sous CA Paris, 3 novembre 1994, D.
1996, som., p. 115.
234
Cass. com., 6 mai 1997, 2 arrêts, Bull. civ. IV, n°s 117 et 118 ; RJDA 1997, n° 1333 ; Quot.
Jur., 23 septembre 1997, n° 76, p. 6, note P.M. ; D. 1997 p. 588, note M. BILLIAU et CH. JAMIN ;
Defrénois 1997, art. 36633, p. 976, note D. MAZEAUD ; Contrats, conc., cons. 1997, n° 146, obs.
LEVENEUR ; RTD civ. 1997, p. 936, note J. MESTRE ; D. 1998, som., p. 136, H. LE NABASQUE, « La
partie cédée doit consentir à la cession conventionnelle du contrat ».

82
payer les factures émises par une société substituée à son fournisseur « sans
rechercher si dans le contrat conclu entre le fournisseur et la société cliente ou
ultérieurement cette dernière société avait donné son consentement à la
substitution de sa cocontractante ». Cet arrêt prononcé au visa de l’article 1134
du code civil énonce donc clairement que la cession de contrat ou la
substitution du contractant requiert le consentement du contractant cédé.

93. Pourtant, cette clarté de l’arrêt a laissé place à un nouveau débat : celui de la
portée du consentement du cédé235. Contrairement aux droits italien et portugais
qui admettent eux aussi l’existence de la cession de contrat, le droit français
n’avait pas déterminé sa portée. L’alternative était la suivante : ou le
consentement du cédé constitue une condition essentielle de la cession du
contrat comme c’est le cas en Italie et au Portugal, ou le consentement du cédé a
pour seul objet la libération du cédant, la cession du contrat étant conclue par
l’accord du cédant et du cessionnaire236.

Or en 2001, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a appliqué à ce


consentement le régime juridique de la délégation et jugé, au visa de l’article
1275 du code civil, que le cédant ne peut être déchargé que pour autant que le
cédé l’ait expressément décidé. En l’absence de décision expresse à laquelle ne
peut être assimilée l’acceptation par le créancier de la substitution d’un nouveau

235
C. JAMIN et M. BILLIAU, « Cession conventionnelle du contrat : la portée du consentement du
cédé », D. 1998, chron., p. 145 ; L. AYNES, « Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle
du cédé », D. 1998, chron., p. 25. Pour M. AYNES, l’objet du consentement du cédé est de rendre
cessible le contrat. La convention de cession n’est pour lui qu’un contrat translatif auquel seules
sont parties le cédant et le cessionnaire. Le cédé n’est donc partie ni au contrat cédé, ni à un
quelconque nouveau contrat conclu avec le cessionnaire. Il demeure tiers à la cession, le rôle de
son consentement correspondant à celui d’une autorisation.
Pour MM. BILLIAU et JAMIN, le consentement fait du cédé une partie à la cession ; la cession de
contrat constitue donc une opération juridique à trois personnes, et le consentement engendre un
nouveau contrat.
236
Pour un exposé de cette alternative, cf CH. LARROUMET, « La descente aux enfers de la
cession de contrat », D. 2002, point de vue, pp. 1555-1556. Dans cet article rédigé à la suite de
l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 12 décembre 2001 (D.
2002, 984, note JAMIN et BILLIAU), l’auteur rappelle que la cession n’est possible que pour autant
que deux exigences soient accomplies : le cessionnaire doit être lié au cocontractant cédé et le
cédant doit être libéré de ses obligations envers le cédé. Il considère que le consentement du
cédé n’est nécessaire que pour la libération du cédant, « le créancier ne pouvant perdre son

83
débiteur au premier, le cédant reste personnellement tenu de l’exécution du
contrat jusqu’à son terme, la cession n’ayant aucune incidence sur ce lien 237. A
son égard, la date ne revêt donc pas d’importance. Mais dans les rapports cédé-
cessionnaire, la constatation est autre. Le cessionnaire n’est pas tenu des dettes
antérieures à la cession, mais est tenu des droits et obligations nés
postérieurement à cette date. Et le cédé n’a de droits et d’actions à l’égard du
cessionnaire qu’à la date de la cession qui a pour conséquence de créer à cette
date le nouveau contrat liant le cessionnaire au cédé.

La cession de contrat revêt, en tant qu’événement issu d’un nouvel accord de


volontés une grande importance, tout comme d’autres actes juridiques qui, eux
reposent sur une volonté unilatérale.

§2. –Les dates procédant d’une volonté unilatérale

Par divers actes juridiques unilatéraux, l’un des cocontractants peut influer sur le
devenir du contrat soit positivement en permettant la survie du contrat, soit
négativement en mettant un terme à ce contrat.

débiteur sans y consentir ». Mais il ajoute que le défaut du consentement du cédé ne s’oppose
pas à la réalisation de la cession, celle-ci revêtant alors un caractère imparfait.
237
Contrairement à ce que certains auteurs avaient pu soutenir après la décision de 1997 ; cf
notamment I. BOURUET-AUBERTOT, « La cession de contrat : bilan et perspectives », D. Affaires
1999, n° 156, pp. 578-580. Ces auteurs faisaient jouer un rôle important à la date de cession du
contrat qui s’analysait à l’égard du cédant en une date d’extinction du contrat primaire ; cette
date devait donc constituer un pivot : pour le passé, le cédant demeurait débiteur du passif qu’il
avait contracté avant la cession, et, en l’absence de stipulation contraire, il était libéré vis-à-vis
du cédé pour l’avenir. Contra, cf I. NAJJAR, « Clause de substitution et « position
contractuelle » », D. 2000, chron., pp. 635-641.

84
A.- La volonté unilatérale, facteur de survie du contrat

94. Cette hypothèse recouvre les cas où la manifestation d’une volonté


unilatérale suffit à assurer la sauvegarde du contrat alors que son existence est
remise en cause du fait d’un vice remontant à sa conclusion. La volonté
unilatérale permet donc de valider a posteriori le contrat.

95. La validation par l’expression d’une volonté unilatérale d’un contrat n’est
envisageable que dans les cas où ce contrat a été affecté d’un vice lors de sa
conclusion. Le mécanisme juridique sanctionnant le non-respect des conditions
de validité du contrat est la nullité ou plus exactement les nullités. Les nullités
sont soit textuelles, soit virtuelles, quand aucun texte ne les prévoit
directement238, mais qu’elles résultent de la règle fraus omnia corrumpit.

96. L’annulation, par son effet rétroactif, est un mal qu’il serait bon de limiter,
dans la mesure du possible. Cette volonté de limitation apparaît d’ailleurs dans
la faculté accordée à certaines autorités publiques d’intervenir afin d’assurer la
validité des contrats. Tel est le rôle notamment du notaire qui, lors de son
intervention, vérifie que le contrat n’a pas un objet illicite. Mais le notaire
n’intervient qu’au moment de la formation des contrats et seulement pour ceux
dont la forme authentique est requise ou lorsque telle est la volonté des
cocontractants. Ce contrôle n’est pas suffisant, le contrat étant actuellement
considéré comme une véritable valeur patrimoniale notamment pour les

238
Ce contrairement à la règle « pas de nullité sans texte » qui signifie qu’il n’est pas possible de
prononcer une nullité si la loi ne l’a pas expressément prévue. Ainsi l’article 1844-10 du code
civil dispose que « la nullité de la société ne peut résulter que de la violation des articles 1832,
1832-1, alinéa 1er, et 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ». La
doctrine considère toutefois que la nullité n’a pas à être expressément édictée par un texte pour
entraîner l’anéantissement de l’acte juridique (cf Y. PICOD, Rép. Civ. Dalloz, v° nullité, n° 16).
Tel est le cas par exemple de l’article 1130 du code civil qui prohibe les pactes sur succession
future, mais qui ne dit pas que ceux-ci sont nuls ; dans une telle hypothèse, les tribunaux
annuleront les contrats conclus au mépris d’une telle disposition s’ils estiment que celle-ci
présente une importance majeure. Sur cette question, cf Lamy Droit du contrat, sous la direction
de B. FAGES, n° 260-37 et s.

85
entreprises. Il serait dès lors dangereux, pour le devenir de celles-ci, de perdre
cette valeur du fait d’un vice affectant la validité d’un contrat qui de surcroît a
commencé à être exécuté. Certes, il ne faut pas léser les droits des tiers sous
prétexte d’assurer la sauvegarde d’un contrat ; c’est pour cette raison que la
faculté de valider un contrat initialement nul ne peut en aucun cas s’appliquer à
un vice sanctionné par une nullité absolue. Seules les causes de nullité relative
paraissent pouvoir être réparées par la volonté unilatérale. Or tel ne semble pas
être le cas lorsque la volonté unilatérale s’exerce négativement en laissant
s’écouler le délai de prescription de l’action en nullité. Ce délai existe, en effet,
tant en matière de nullité relative que de nullité absolue ; seule sa durée varie.
En vertu de l’article 1304 du code civil, en matière de nullité relative, ce délai
est en principe de cinq ans à partir du moment où il devient possible d’agir en
justice239, alors qu’en matière de nullité absolue, il est de trente ans. Toutefois ce
comportement négatif de la part du titulaire du droit d’agir en nullité n’assure
pas une validation certaine du contrat puisqu’il pourra, à tout moment pendant le
délai, par une attitude active, mettre en œuvre l’action en justice ; il n’est même
pas possible de parler dans une telle hypothèse de validation du contrat puisque
le vice l’affectant n’est en aucun cas réparé.

97. La volonté unilatérale de l’un des cocontractants ne pourrait assurer la survie


du contrat que pour autant qu’elle emporterait rétroactivement réparation du
vice.

Or cette réparation du vice est visée par l’article 1338du code civil240 qui traite
de la confirmation de l’acte nul uniquement pour les actes entachés de nullité
relative241 et non de nullité absolue242. Certains auteurs243 contestent toutefois ce

239
En matière d’incapacité, le point de départ est fixé au moment où l’incapacité cesse ;
s’agissant de l’erreur et du dol, on se situe au moment de la découverte de l’erreur, tandis qu’en
matière de violence, c’est le moment où la violence cesse qui est retenu.
240
Cet article dispose que « l’acte de confirmation […] d’une obligation contre laquelle la loi
admet l’action en nullité […] n’est valable que lorsqu’on y trouve […] l’intention de réparer le
vice sur lequel cette action est fondée ».
241
Cass. com., 29 mars 1994, D. 1994, inf rap, 109. Une réserve doit toutefois être formulée
lorsque les nullités, même relatives, sanctionnent l’inobservation des formes protectrices du
consentement. Ainsi, l’article 1339 du code civil prévoit que « le donateur ne peut réparer par

86
caractère réparateur à la confirmation. Ils soutiennent, en effet, que cette
affirmation repose sur le postulat erroné selon lequel la nullité serait un état de
l’acte ; de ce fait les parties pouvaient donc valider l’acte en réparant le vice.

Pour ces auteurs, il convient d’envisager la confirmation comme la renonciation


au droit de critique, la loi, exigeant uniquement, en vertu de l’article 1338 du
code civil, que celui qui confirme ait connaissance du vice et la volonté de
passer outre. Or, comment concevoir que l’un des cocontractants confirme un
acte dont il ne sait même pas qu’il est vicié. Son but est bien de réparer la
situation qui affaiblit son contrat. S’il est certain que tout vice tel qu’une erreur
sur la substance ne peut pas être réparé, il ne faut toutefois pas en conclure que
la confirmation se résume exclusivement à la renonciation au droit d’agir en
nullité.

244
98. Selon M. GHESTIN , la confirmation combinerait une réparation du vice à
une renonciation à s’en prévaloir ; aussi la définit-il comme « un acte juridique
ni réglementaire, ni législatif qui vise à valider rétroactivement un autre acte
frappé de nullité soit par la renonciation du titulaire de l’action en nullité, soit
par la réparation de l’irrégularité dont un acte est affecté ».

Deux sortes de confirmation existeraient donc : la « confirmation-réparation » et


la « confirmation-sanction ». La « confirmation-réparation », généralement
désignée sous le vocable de « régularisation »245, est l’acte juridique ni
réglementaire, ni législatif qui valide rétroactivement et à l’égard de tous, un

aucun acte confirmatif les vices d’une donation entre vifs, nulle en la forme ; il faut qu’elle soit
refaite en la forme légale ».
242
Cf Cass. 1ère civ., 4 mai 1966, D. 1966, 553, note P. MALAURIE, JCP 1967, II, 15038, note J.
ère er
MAZEAUD ; Cass. 1 civ., 1 décembre 1976, Bull. civ. I, n° 380 ; Cass. com., 30 novembre
1983, Bull. civ. IV, n° 333, JCP 1984, IV, p. 45 et Cass. com., 3 novembre 1988, D. 1989,
som., 234, obs. J.-L. AUBERT pour une vente nulle pour défaut de prix.
243
J. FLOUR et J.-L. AUBERT, Les obligations, 1. L’acte juridique, Armand Colin, 8ème éd., 1998,
n° 349 s.
244
J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ, 3ème éd., 1993..
245
DUPEYRON, La régularisation des actes nuls, thèse Toulouse, LGDJ, 1973.

87
acte initialement nul, en lui apportant l’élément objectif ou subjectif qui lui
faisait défaut.

L’effet de cet acte est de valider le contrat initial et donc d’éteindre le droit
d’agir en nullité même à l’égard des tiers. Cette validation paraît a priori
contraire à la règle selon laquelle la validité de l’acte s’apprécie au moment de
sa formation puisqu’elle ne l’est en fait qu’à la date de l’acte confirmatif ; c’est
pourquoi est attaché à l’acte confirmatif un effet rétroactif validant l’acte au jour
de sa formation. Mais cette rétroactivité est parfois tempérée et la date de l’acte
de régularisation est préférée à la date de conclusion de l’acte régularisé. Ainsi,
en matière de lésion, la régularisation consistant dans la révision du prix suppose
que le supplément du prix soit évalué à la date à laquelle il est offert.

La « confirmation-renonciation », quant à elle, est un acte unilatéral, abdicatif et


déclaratif ayant un effet rétroactif246. Elle a un effet plus limité que la
« confirmation-réparation » puisque cet acte rétroactif ne peut porter préjudice
aux tiers. A l’égard de ces derniers, l’efficacité de cette confirmation est limitée
par le préjudice que sa survenance est susceptible de provoquer à leur encontre.
Par exemple, la vente par un mineur de l’un de ses biens est entachée d’un vice.
Devenu majeur, il décide de vendre ce même bien à une autre personne ; s’il
décide de confirmer la première vente, cette confirmation à effet rétroactif ne
saurait priver de ses droits le second acheteur. La date de la confirmation
constitue donc une date pivot lorsqu’il s’agit de savoir si l’acte abdicatif nuit ou
non aux droits des tiers ; si l’acte conférant des droits à un tiers à l’acte confirmé
est conclu postérieurement à l’acte abdicatif, la confirmation leur sera opposable
et le contrat sera considéré comme valable à leur encontre. Dans le cas inverse,
l’effet confirmatif de l’acte sera paralysé247.

246
Contrairement à la réfection qui consiste à renouveler le consentement primitif dans des
conditions régulières, l’acte refait ne produit ses effets que pour l’avenir.

88
B.- La rupture unilatérale du contrat

99. Envisager la rupture d’un contrat par la volonté unilatérale de l’un des
contractants peut apparaître comme une idée erronée puisque, comme il a été
dit248, selon l’alinéa 2 de l’article 1134 du code civil, les contrats ne peuvent être
révoqués que du consentement mutuel des parties. Or, à la fin de ce même
alinéa, il est précisé que la révocation de ces conventions peut également avoir
lieu « pour les causes que la loi autorise ». La cause principale que vise le texte
est la résiliation unilatérale (1) qui connaît une application particulière dans le
cadre de la loi du 25 janvier 1985 régissant le redressement et la liquidation
judiciaires des entreprises (2).

1.- La résiliation unilatérale

100. La reconnaissance d’une telle faculté de résiliation unilatérale d’un contrat


par la loi249 se justifie par le principe de la prohibition des contrats perpétuels250.
Les contrats à durée indéterminée doivent être susceptibles de résiliation
unilatérale même lorsque la loi ne l’a pas formellement édictée. Il n’en demeure
pas moins que les textes prévoyant cette faculté sont nombreux, qu’ils soient
issus du code civil ou d’autres sources. Au titre des dispositions du code civil,

247
Cf C. civ., art. 1338, al. 3 aux termes duquel « la confirmation (…) dans les formes et à
l’époque déterminée par la loi, emporte renonciation aux moyens ou exceptions que l’on pouvait
opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».
248
Cf supra n° 88 et s.
249
P. SIMLER, « L’article 1134 du code civil et la résiliation unilatérale des contrats à durée
indéterminée », JCP 1971, I, 2413 ; B. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats
synallagmatiques, thèse, Paris II, 1973 ; B. LE BARS, « La résiliation unilatérale du contrat pour
cause d’intérêt légitime », D. 2002, chron., pp. 381-387, spéc. § . 1.
250
Cf J. GHESTIN, « Existe-t-il en droit français un principe général de prohibition des contrats
perpétuels », in Mélanges en l’honneur de D. TALLON, Sté de législation comparée, 1999, p. 250
et s. Pour la réaffirmation de la prohibition de la perpétuité, cf Cass. 1 ère civ., 19 mars 2002, RTD
civ. 2002, p. 510, obs. J. MESTRE ET B. FAGES.

89
peuvent être ainsi rompus le contrat d’entreprise251 le bail252, le louage de
services253, le contrat de rente254, le contrat de dépôt255…

Le droit de la consommation, quant à lui, prévoit de nombreux cas de résiliation


unilatérale qu’il dénomme droit de repentir256, droit de revenir sur son
engagement, droit de faire retour du produit.

101. La résiliation unilatérale se justifiant généralement par la prohibition des


engagements perpétuels, les parties aux contrats à durée déterminée en cours
d’exécution ne paraissent donc pas pouvoir bénéficier de cette faculté257. Or
certains textes l’ont admis pour les contrats conclus intuitu personae, et c’est
d’ailleurs sous cette seule condition que la résiliation unilatérale aura un effet
extinctif. Ainsi l’article 1944 du code civil permet au déposant de récupérer
l’objet déposé avant le terme ; l’article 2007 du même code autorise le
mandataire à renoncer au mandat, de même que le mandant est libre de le
révoquer à tout moment258; l’article L. 113-12 du code des assurances donne le
droit à l’assuré de se retirer périodiquement du contrat d’assurance, les articles
L. 113-15 et L. 113-16 prévoient la résiliation unilatérale consécutive à la
survenance de certains événements, l’article L. 113-8 donne à l’assureur la
possibilité de résilier le contrat d’assurance d’un assureur ayant, de mauvaise

251
C. civ., art. 1794.
252
C. civ., art. 1736.
253
C. civ., art. 1780. Dans le contrat de travail, la faculté de résiliation unilatérale porte tantôt le
nom de démission, tantôt celui de licenciement.
254
C. civ., art. 530 et 1911.
255
C. civ., art. 1944.
256
Le droit de repentir qui met un terme au déroulement du contrat ne doit pas être confondu
avec le droit de rétractation qui affecte la naissance même du rapport obligatoire
257
Le droit français refuse en principe la résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée,
alors que d’autres droits l’admettent tels que les droits québécois (C. civ., art. 1605), allemand
(B.G.B, art. 349), néerlandais (C. civ., art. 267), coréen (C. civ., art. 543 al.1; cf S.-K. MYOUNG,
La rupture du contrat pour inexécution fautive en droit coréen et français », LGDJ, 1996,
préface J. GHESTIN, n° 174 et s., p. 152 et s.), japonais (C. civ., art. 540 al. 1). La Convention de
Vienne sur la vente internationale de marchandises (art. 49-1 a), les principes Unidroit relatifs au
commerce international (art. 7.3.1) et les principes de droit européen dégagés par la Commission
Lando (art. 4-303) consacrent ce principe.
258
C. civ., art. 2004.

90
foi, procédé à une déclaration inexacte du risque ou omis de déclarer une
aggravation du risque259.

En dehors de ces textes et de quelques usages commerciaux, la jurisprudence


refusait, jusqu’en 2001, de reconnaître l’existence d’une possibilité de résilier
unilatéralement un contrat à durée déterminée260. Or, la première chambre civile
de la Cour de cassation, le 20 février 2001261, a admis l’efficacité d’une
résiliation unilatérale sans distinguer selon que le contrat est à durée déterminée
ou indéterminée262.

L’exercice de cette faculté n’est généralement permise qu’à charge pour son
titulaire d’indemniser le cocontractant et sous la condition de ne pas commettre
d’abus dans les circonstances de la rupture.

102. Par sa volonté unilatérale, l’un des contractants peut donc mettre un terme
au contrat. L’extinction produite par l’exercice de la faculté de résiliation a un
effet immédiat ; ne revêtant pas de caractère rétroactif et ne pouvant de ce fait
pas nuire aux tiers, la date de l’extinction à l’égard des tiers devrait être
identique à celle retenue pour le ou les contractants.

259
La liste établie n’est pas exhaustive.
260
Cf Cass. com., 25 mars 1991, contrats, conc., cons., 1991, n° 162, obs. L. LEVENEUR ; Cass.
com., 24 juin 1980, Bull. civ. IV, n° 273, D. 1981, inf rap, 40 ; Cass. com., 24 novembre 1964,
Bull. civ. IV, n° 517.
261
Cet arrêt affirme que « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que
l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat
soit à durée déterminée ou non » (Bull. civ. I, n° 40 ; D. 2001, 1568, note C. JAMIN ; ibid, somm.
com., 3239, obs. D. MAZEAUD ; RTD civ. 2001, n° 9, p. 363, obs. J. MESTRE et B. FAGES ;
Defrénois 2001, n° 41, article 37365, p. 705 et s., obs. E. SAVAUX).
A été reprise ici une solution rendue le 13 octobre 1998 par la même chambre ( Bull.civ. I, n°
300 ; D. 1999, 197, note C. JAMIN, ibid, som. com., 115, obs. P. DELEBECQUE ; Defrénois 1999,
n° 17, article 36954, p. 374 et s., obs. D. MAZEAUD ; JCP 1999, II, 10133, note N. RZEPECKI).
Contra, cf CA Nancy, 20 novembre 2000, JCP 2002, II, 10113, note C. JAMIN.
262
S. AMRANI-MEKKY, « La résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée », Defrénois,
2002, art. 37688, Petites Affiches, 12 août 2002, n° 160, p. 4 et s et13 août 2002, n° 161, p. 4 et
s.

91
103. Un problème majeur demeure : comment déterminer la date de la
résiliation ? Le législateur facilite cette détermination en mettant notamment à la
charge du bénéficiaire de la faculté de résiliation l’obligation de respecter un
délai de préavis, ce qui suppose que le cocontractant ait été informé, le plus
souvent par lettre recommandée, de la décision de résiliation. Ainsi le contrat
sera rompu à l’expiration du délai de préavis. Par exemple, s’agissant du contrat
d’assurance, aux termes de l’article L. 113-12 du code des assurances, « l’assuré
a le droit de résilier le contrat à l’expiration d’un délai d’un an en envoyant une
lettre recommandée à l’assureur». Mais l’assureur doit être prévenu de la
demande de résiliation avant la date de renouvellement, l’article L. 113-12 du
code des assurances prévoyant que cette information doit parvenir à l’assureur
au moins deux mois avant la date d’échéance.

Le point d’expiration de ce délai de préavis est, selon le texte, la date


d’échéance du contrat.

Son point de départ est, quant à lui, la date d’expédition263 de la lettre


recommandée figurant sur le cachet de la Poste, et la résiliation est valable si la
lettre est expédiée deux mois avant la date anniversaire du contrat. Si ce délai est
respecté, la résiliation est valable sans que l’assureur ait à l’accepter264 et sans
que l’assuré ait nécessairement mentionné la date d’échéance265. La résiliation
n’en est pour autant effective qu’à la date anniversaire de la prise d’effet du
contrat.

263
Avant la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, le délai de résiliation était décompté en
fonction de la réception de la lettre de résiliation. Actuellement, le système de l’émission
prévaut. Viole donc la loi, le juge du fond qui retient que la lettre de résiliation a été envoyée par
l’assuré hors délai en se basant sur la date de l’accusé de réception établi par l’assureur et non
sur le cachet de la Poste figurant sur la lettre (Cass. 1 re civ., 7 octobre 1998, RGDA, 1999, p.
611).
Jugé également que la date figurant sur le cachet de la poste fixe le point de départ du préavis,
même si la lettre n’est pas retirée par l’assuré (Cass. 1 re civ., 23 juin 1992, RGAT, p. 25, note H.
MARGEAT).
264
Cass. 1re civ., 7 novembre 1972, RGAT 1973, 514.
265
Cass. 1re civ., 4 octobre 1978, Gaz. Pal. 1979, 1, som. 2.

92
104. Mais le droit des assurances a prévu d’autres cas de résiliation ne mettant
en jeu aucun délai de préavis et rendant de ce fait l'établissement de la date de
résiliation plus complexe. Ainsi, la loi prévoit une résiliation dans l’un des cas
limitativement énumérés par l’article L. 113-16 du code des assurances, à savoir
les changements de domicile, de situation matrimoniale, de régime matrimonial,
de profession, la retraite professionnelle ou la cessation définitive d’activité de
l’assuré. L’article L. 113-16, alinéa deux, du code des assurances prévoit que la
résiliation du contrat doit intervenir dans les trois mois de la date de survenance
de l’événement qui ouvre droit à cette faculté.

105. Le point de départ du délai est la date de survenance de l’événement266,


sauf application de l’article R. 113-6, alinéa deux, du code des assurances qui
précise que « lorsque cet événement est constitué ou constaté par une décision
juridictionnelle (…), la date retenue est celle à laquelle cet acte juridictionnel est
passé en force de chose jugée ».

L’assuré, comme son cocontractant, devra, dans son courrier adressé par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception à l’assureur, indiquer la date de
l’événement qu’il invoque à l’appui de sa demande de résiliation267. La
résiliation est acquise dès la notification, mais elle ne prend effet qu’un mois
après que l’autre partie au contrat l’a reçue268. Cette faculté de résiliation
unilatérale suppose donc que soient connues de nombreuses dates. En effet,
l’assureur doit remboursement à l’assuré de la partie de prime ou cotisation
correspondant à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru, en vertu du
principe de divisibilité de la prime ; cette période est calculée à compter de la
date d’effet de résiliation, soit un mois après la notification de la décision
unilatérale. Or, cette décision n’est effective et efficace que pour autant qu’elle

266
Avant le décret n° 92-1356 du 22 décembre 1992, le point de départ était défini ; il s’agissait
de « la date à laquelle la situation nouvelle prend naissance » pour les changements de domicile,
de régime matrimonial, le mariage, le décès (C ass., art. R. 113-7 al. 1er ancien) et le lendemain
de la date à laquelle la situation antérieure a pris fin pour la retraite professionnelle et la
cessation d’activité (C. ass., art. R. 113-7 al. 2 ancien).
267
C. ass., art. R. 113-6 al. 1er .
268
C. ass., art. L. 113-16 al. 3.

93
intervient bien dans un délai de trois mois suivant la date de survenance de
l’événement ouvrant droit à cette faculté. L’établissement de la date de cette
volonté unilatérale, influant sur le contrat en ce qu’elle provoque son extinction,
suppose donc que soit antérieurement établie la date d’autres événements. Cet
établissement est parfois facilité lorsque le point de départ correspond à une
décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, s’agissant par exemple
des jugements rendus en matière de procédure collective. Mais le droit des
entreprises en difficultés offre également une application spécifique de la
rupture unilatérale sans effet rétroactif qui ne se dénomme pas résiliation
unilatérale.

2.- La non-continuation des contrats et l’entreprise en difficulté

106. Le droit des entreprises en difficulté porte de nombreuses atteintes au droit


commun269 des contrats. Au titre de ces atteintes peuvent être relevées
notamment celles imposant le recul des principes du droit commun des contrats
gouvernant la formation des contrats, mais surtout et c’est le point qui nous
intéresse ici, celles niant les règles gouvernant les effets du contrat. Ainsi, sont
assujettis aux impératifs de redressement de l’entreprise tant les attributs
contractuels270, que le sort des contrats préexistant à l’ouverture de la procédure.

La première catégorie de ces atteintes regroupe les effets automatiques de


l’ouverture de la procédure collective et de ce fait ne laisse aucune place à la
manifestation d’une quelconque volonté unilatérale. Au sein de la seconde
catégorie, doivent être distinguées les hypothèses relevant de l’expression de la
volonté unilatérale de l’un des cocontractants et celles nécessitant l’intervention

269
J.-F. MONTREDON, « La théorie générale du contrat à l’épreuve du nouveau droit des
procédures collectives », JCP E 1988 II, 15156 ; D. MARTIN, « La sécurité contractuelle à
l’épreuve du redressement judiciaire », D. 1986, chron., pp. 180-184 ; C. BRUNETTI-PONS, « La
spécificité du régime des contrats en cours dans les procédures collectives », RTD com. 2000,
pp. 783-816.

94
du juge commissaire et résultant d’une décision qu’il aura prononcée. Le sort
des contrats en cours d’exécution lors du prononcé du jugement d’ouverture et
celui des contrats poursuivis pendant la période d’observation sont en effet
suspendus à la volonté de deux personnes : le juge s’agissant notamment du
devenir des contrats non cédés, et l’administrateur pour la continuation ou non
des contrats en cours au jour de l’ouverture de la procédure.

107. Les décisions de ces deux acteurs de la procédure sont motivées par un seul
et même but poursuivi par la loi du 25 janvier 1985 à savoir la sauvegarde et la
survie de l’entreprise. Les intérêts privés des cocontractants de la société
débitrice sont donc délaissés au profit des ceux de l’entreprise. Un raisonnement
en terme d’utilité justifie l’atteinte portée à la force obligatoire du contrat en tant
qu’expression de la volonté des parties. Le fondement de la rupture ou de la
continuation ou de la cession du contrat est, en effet, l’absence ou non d’utilité
du contrat pour le redressement de l’entreprise. Cette idée d’utilité contenue
dans la loi du 25 janvier 1985 est à rapprocher de celle développée par M.
271
GHESTIN pour lequel la force obligatoire du contrat est fondée sur le droit
objectif. Il fait donc fi de la volonté des parties qui n’« est qu’un instrument au
service du droit objectif et, à ce titre, elle n’est qu’un simple élément, important
certes, mais non essentiel, dont le droit tient compte ». La force obligatoire du
contrat n’est donc pas justifiée par la volonté des parties qui participe seulement
à la formation de la convention.

Aussi, cet auteur fonde la force obligatoire du contrat sur son utilité. L’utilité du
contrat dans la loi de 1985 est appréciée en fonction de l’impératif de
redressement de l’entreprise. Le fondement de la rupture du contrat a donc pour
cause son défaut d’utilité. Si le motif de rupture est le même en cas de cession
de contrat qu’en cas d’ouverture de la procédure, seule la seconde hypothèse
sera retenue ici ; le prononcé de la rupture du contrat non cédé étant le fait du

270
Par exemple, les arrêts du cours des intérêts conventionnels et légaux, la substitution de
garantie proposée ou imposée au créancier, la suspension des poursuites, la neutralisation de la
déchéance du terme à l’ouverture de la procédure.
271
J. GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, chron, p. 1 et s.

95
juge, son intervention emporte refus de tout effet à la volonté unilatérale de l’un
des cocontractants ; le juge n’est pas un cocontractant, contrairement à
l’administrateur comme cela va être montré. Il s’agira donc d’établir que
l’administrateur en tant que cocontractant dispose de la faculté par l’expression
de sa seule volonté de mettre un terme au contrat.

108. Quant à la qualité de cocontractant de l’administrateur, certains auteurs272


ont considéré que celui-ci n’agissait en aucun cas au nom du débiteur
cocontractant, mais en vertu d’un pouvoir propre. Ils justifient leur position en
arguant du fait que si l’on admettait que l’administrateur revêt la qualité de
cocontractant, cela équivaudrait à permettre la rupture unilatérale même d’un
contrat synallagmatique, ce contrairement aux dispositions de l’article 1134
alinéa deux du code civil qui ne prévoit la rupture que par mutuus dissensus des
contractants. Cette justification est critiquable ; ce même article autorise non
seulement la résiliation des contrats à durée indéterminée, mais encore celle des
contrats à durée déterminée « dans les cas que la loi autorise ». Tel est le cas ici.
La faculté offerte à l’administrateur de résilier un contrat en cours à la date
d’ouverture de la procédure ne saurait en aucun cas s’analyser en un pouvoir
propre à la fonction de l’administrateur puisque que, dans le cadre d’une
procédure simplifiée prévue par l’article L. 621-137 du code de commerce273, la
jurisprudence reconnaît au débiteur le pouvoir de provoquer la résiliation du
contrat sans qu’il soit nécessaire qu’il soit autorisé par le juge commissaire274.

109. L’administrateur en tant que représentant de la personne morale débitrice


remplit bien les fonctions du chef d’entreprise et dès lors que celui-ci peut agir
sans autorisation du juge commissaire, l’administrateur n’agit pas en vertu des
pouvoirs dus à sa fonction, mais en vertu des prérogatives d’un cocontractant.

272
M.-H. MONSERIE, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des
entreprises, Thèse, Litec, 1994, préface C. SAINT-ALARY-HOUIN, n° 544.
273
Anciennement : loi du 25 janvier 1985, art. 141.
274
Cass. com., 9 janvier 1996, JCP E 1996, I, 5554, n° 21 ; Bull. civ. IV, n° 13.

96
110. En l’espèce, cette prérogative exceptionnelle de rompre unilatéralement un
contrat275 est prévue par l’article L. 621-28 du code de commerce276, selon
lequel est offert à l’administrateur un droit d’option lui permettant soit de
résilier le contrat en cours à l’ouverture de la procédure collective, soit de le
continuer. Ce texte ne mentionne en aucun cas le terme de « rupture
unilatérale », mais tel est toutefois bien le cas. Pour s’en persuader, il suffit, en
effet, de tenter de qualifier juridiquement cette faculté offerte à l’administrateur.

L’article L. 621-8 du code de commerce dispose que « l’administrateur a seul


faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours … ». Le terme de « faculté »
est couramment défini comme une prérogative juridique, comme « un droit dont
la création est subordonnée à la manifestation de volonté de son titulaire »277 ;
dans l’article L. 621-28 du code de commerce, ce mot exprime le choix qui
s’offre à l’administrateur, en matière de continuation des contrats en cours ; d’où
la qualification généralement retenue de droit d’option définit par M.
278
NAJJAR comme « une prérogative juridique qui permet à son titulaire de
pouvoir, par un acte unilatéral de volonté, modifier une situation juridique
incertaine et cela suivant une alternative précise et prévisible ».

Que cette prérogative soit qualifiée de « faculté » ou de « droit d’option », son


exercice se manifeste dans les deux cas279 par une manifestation unilatérale de
volonté juridiquement qualifiée d’acte. En effet, l’acte par lequel
l’administrateur se prononce sur le sort du contrat en cours constitue un acte
juridique unilatéral. Il en réunit les deux éléments propres tels que définis par M.

275
Cf notamment, F. MACORIG-VENIER, « La rupture des contrats », Petites Affiches, 6 septembre
2000, n° 178, p. 21 ; A. LAUDE, « La non-continuation des contrats dans les procédures
collectives », in La cessation des relations contractuelles, Colloque de l’Institut de droit des
affaires d’Aix-en-Provence, 30-31 mai 1996, PUAM, 1997, pp. 109-124.
276
Anciennement : loi du 25 janvier 1985, art. 37.
277
LECOMTE, Essai sur la notion de faculté en droit civil, Thèse Paris 1930, p. 136 et s. ;
ROUBIER, Droits subjectifs et situations juridiques, Dalloz 1963, p. 162 et s.
278
I. NAJJAR, Le droit d’option, contribution à l’étude du droit potestatif et de l’acte unilatéral,
Thèse Paris, LGDJ 1967, PREFACE P. RAYNAUD, n° 31.
279
Cf la définition donnée de chacun des deux termes « faculté » et « droit d’option » ; l’une
vise « une manifestation de volonté de son titulaire » qui est ici l’administrateur, l’autre « un
acte unilatéral de volonté ».

97
280
MARTIN DE LA MOUTTE l’élément formel et l’élément substantiel. L’élément
formel consiste dans l’efficacité de l’acte par l’intervention d’une volonté
unique à savoir celle de l’administrateur ; l’élément substantiel, quant à lui,
consiste dans l’expression dans l’acte de l’intérêt d’une partie unique, à savoir
celui de l’entreprise débitrice.

111. L’administrateur, par l’expression de sa volonté unilatérale, provoque donc


la rupture du contrat pour l’avenir. Elle produit ainsi les mêmes effets que la
résiliation. Certains auteurs soutenaient toutefois, avant la loi du 10 juin 1994
modifiant l’article 37 de la loi de 1985, que la renonciation à la continuation du
contrat ne pouvait s’analyser en une résiliation281. La nouvelle rédaction de
l’article met un terme au débat en remplaçant dans le texte le mot
« renonciation » par le terme de « résiliation ». La rupture unilatérale du contrat
constitue donc bien l’un des cas de résiliation unilatérale du contrat autorisé par
la loi. Un élément, toutefois, conduit à penser que cette rupture revêt un
caractère propre : la résiliation unilatérale d’un contrat suppose en effet une
manifestation de volonté positive de son auteur . Or, selon l’article L. 621-28 du
code de commerce, si la volonté de rupture émanant de l’administrateur peut
être expresse, elle peut également être tacite lorsqu’il ne répond pas dans le délai
d’un mois qui lui est imparti à la mise en demeure qui lui a été adressée par le
créancier. Il ne s’agirait d’une résiliation unilatérale que dans les cas où
l’administrateur se comporte activement et d’une résiliation de plein droit
lorsqu’il garde le silence, celui-ci étant, dans ce cas, une forme d’expression de
la volonté.

112. Les effets de la rupture, à savoir l’extinction du contrat, se produisent à


compter de la date de renonciation expresse de l’administrateur ou de celle de

280
J. MARTIN DE LA MOUTTE, L’acte juridique unilatéral- Essai sur sa notion et sur sa technique
en droit civil, Thèse Toulouse 1949, n° 143.
281
F. BUSSY-DUNAUD, «Les modalités de rupture d’un contrat en cours, lorsque l’administrateur
renonce à sa continuation (art. 37 de la loi du 25 janvier 1985) », D. 1992, chron., pp. 23-29.

98
l’expiration du délai imparti pour répondre au créancier qui commence à
s’écouler à partir de la date de mise en demeure282.

La connaissance de la date de rupture283 revêt des intérêts particuliers en matière


de procédure collective, puisque le créancier dispose d’un délai supplémentaire
d’un mois à compter de la date de résiliation de plein droit ou de la notification
de la date de la décision284 prononçant la résiliation, pour déclarer sa créance de
dommages et intérêts issue de cette rupture285. Les intérêts du créancier sont
d’ailleurs protégés puisqu’il peut demander au juge commissaire de constater la
date de la résiliation286.

113. Mais les pouvoirs du juge commissaire sont parfois plus développés
puisque c’est à lui que peut appartenir la faculté de rupture du contrat. Les
pouvoirs de la volonté du ou des cocontractants sont donc parfois limités par des
prérogatives que la loi attribue à d’autres personnes. Ainsi la liberté de la
volonté est parfois et même souvent restreinte.

282
F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de
paiement, LGDJ, 5ème éd., 2001, n° 195 et n° 200.
283
Selon l’article 61-1 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, le juge commissaire doit
constater la résiliation et sa date à la demande de tout intéressé. Cette date constatée de la
résiliation de plein droit constitue le point de départ du délai supplétif d’un mois, donné au
cocontractant pour déclarer au passif « la créance éventuelle résultant de ladite résiliation »
(Décret du 27 décembre 1985, art. 66, al. 2).
284
Le terme de décision désigne l’expression de la volonté de l’administrateur et non pas un acte
judiciaire.
285
Décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 21 octobre 1994, art. 66.
286
Décret du 27 décembre 1985, art. 66-1.

99
Chapitre II :Les limites de la volonte

114. La liberté de choisir les dates influant sur le contrat n’est pas totale.
Plusieurs obstacles empêchent la volonté de s’exprimer valablement ; ils sont à
mettre en relation avec le déclin de l’autonomie de la volonté. Ainsi existe-t-il
des dates subies, s’imposant nécessairement aux contractants. Ces dates trouvent
leur origine dans deux types de limitations de la volonté : les limitations
rationnelles (section I) qui ont existé de tout temps et les limitations politiques,
œuvres du législateur ou du juge (section II).

section I : les limites rationnelles de la volonté

115. Il est un domaine où la volonté ne peut librement s’exprimer et s’imposer :


celui de l’existence d’un élément essentiel au contrat, qu’il s’agisse de la chose
objet du contrat (§1) ou de la personne contractant (§2). La volonté ne peut,
notamment, suppléer ni à la perte totale de la chose, objet du contrat alors qu’il
ne s’agissait pas d’une chose fongible, de genre, mais certaine, ni au défaut de
naissance de la personne que le contractant veut rendre bénéficiaire du contrat,
au décès du cocontractant alors que le contrat a été conclu intuitu personae.

100
101
§1.- L’inexistence de la chose objet du contrat

116. L’existence ou l’inexistence de la chose objet du contrat conditionne


l’exercice de la liberté contractuelle dans deux périodes de la vie du contrat, à
savoir sa formation et son exécution. En effet, l’inexistence de la chose au
moment de la formation du contrat (A) et la perte de celle-ci pendant son
exécution (B) constituent, pour les parties, des faits pour lesquels la fixation de
la date de survenance est imposée.

A.- L’inexistence de la chose au moment de la formation du contrat

117. En vertu de l’article 1108 du code civil, le lien d’obligation ne peut se


nouer que s’il porte sur une chose qui existe au moment de la conclusion du
contrat. Cette exigence, reprise par l’article 1601 du code civil dans le cas
particulier de la vente, paraît évidente. Elle est toutefois l’objet
d’assouplissements importants comme l’admission de la validité d’un contrat
portant sur une chose future ; il s’agit en effet d’un assouplissement puisque, par
hypothèse, une chose future ne saurait exister au moment de la conclusion du
contrat.

Deux cas d’inexistence peuvent toucher le contrat et l’anéantir : le fait que la


chose objet du contrat ait péri au moment de la conclusion du contrat et celui de
l’impossibilité de réalisation de la chose future. Ces deux événements
conduisent respectivement à la nullité du contrat (1) et à sa caducité (2).

102
1.- La nullité du contrat

118. Le lien d’obligation ne pouvant se nouer que s’il porte sur une chose
existante, il est normal que le contrat conclu alors que son objet a péri au
moment de sa conclusion soit anéanti.

S’agissant du contrat de vente, l’article 1601 du code civil distingue deux cas de
perte de gravité inégale, à savoir la perte totale de la chose et sa perte partielle.
La perte totale de la chose vendue au moment de la conclusion du contrat remet
celui-ci en cause puisque l’opération dépourvue de sa finalité première est
insusceptible de produire le résultat escompté.

119. La perte de la chose s’entend tout d’abord de la disparition ou de la


destruction physique de celle-ci.

Pour que l’anéantissement du contrat soit envisageable, il faut imaginer que les
parties n’avaient pas connaissance de la disparition de la chose au moment de
l’échange des consentements. L’absence d’objet constitue, en effet, un défaut
suffisamment important pour que les parties ne contractent pas.

Il s’agit ici de la perte matérielle de la chose rendant impossible l’exécution de


l’obligation. Une telle impossibilité ne se rencontrera que de façon
exceptionnelle s’agissant des obligations de faire qui ne sont pas relatives à un
bien matériel. Lorsqu’elles ont un tel bien pour objet, il faut distinguer selon que
celui-ci est une chose de genre ou un corps certain. En ce qui concerne les
choses de genre, non encore individualisées, il ne peut y avoir d’impossibilité
absolue de les fournir que si ces choses ne peuvent définitivement être produites.
L’impossibilité absolue est donc exceptionnelle. A l’égard d’un corps certain,
elle se conçoit plus facilement et se confond avec l’inexistence de la chose.
Cette impossibilité d’exécution matérielle se conçoit également pour les
meubles incorporels. Ainsi, le défaut de délivrance de l’autorisation

103
administrative entraîne la nullité de la vente d’un fonds de commerce 287. De
même serait nul la cession d’un bail résilié288.

120. La notion de perte de la chose recouvre ensuite les cas d’altération ou de


modification de sa substance ou de ses propriétés telles que la chose devienne
inutile ou dénaturée289. La nullité est encourue pour un contrat portant sur la
cession d’une chose incorporelle dont il est difficile de prévoir le caractère
illusoire, voire l’inexistence. Par exemple, une créance a pu être précédemment
éteinte par une compensation, un brevet d’invention a pu être perdu par
péremption, un fonds de commerce a pu être vendu alors que les autorisations
nécessaires à son exploitation ont été perdues290, ou un établissement a perdu
son agrément alors que celui est nécessaire pour son fonctionnement291.

Pour tous ces cas de perte totale, la sanction prévue est la nullité. En cas de perte
partielle, au contraire, une option est accordée par l’article 1101,alinéa 2, du
code civil à l’acquéreur ; celui-ci peut « abandonner la vente, ou (…) demander
la partie conservée, en faisant déterminer le prix par ventilation ».

121. Le mode d’anéantissement du contrat du fait de la perte de la chose


antérieurement à sa conclusion est donc la nullité. Mais un vif débat s’est élevé
sur la nature de celle-ci.

287
CA Angers, 4 février 1941, Gaz. Pal. 1941, 1, p. 229.
288
CA Pau, 21 mars 1893, S. 1893, 2, 168.
289
Req. 5 fevrier 1906, DP 1907, 1, 468 : cet arrêt a déclaré que des betteraves sucrières
stockées en silo et qui ont pourri par suite de gel à l’insu du vendeur et de l’acquéreur sont
impropres à tout usage alimentaire au moment où ils traitent.
290
CA Angers ,4 février 1941, préc.
291
Cass. 3ème civ., 4 mai 1983, Bull. civ. III n° 103, RTD civ. 1984, p.113, obs. F. CHABAS : « Le
nombre d’établissements d’enseignement de la conduite automatique n’étant limité par aucune
disposition légale et l’agrément préfectoral nécessaire à l’exploitation d’un tel établissement
étant délivré à titre personnel à tous ceux qui présentent les aptitudes requises par l’arrêté du 10
mars 1970 et justifient des conditions et loyers exigées par ces textes, la convention relative à la
cession d’agrément était, quelle que soit la qualification donnée, dépourvue d’objet ».

104
Selon la conception classique, le défaut d’objet de l’obligation entraîne la nullité
absolue de l’acte pour absence d’un élément constitutif essentiel. Selon la
théorie moderne, la nullité devrait être relative, la règle ayant avant tout pour but
292
la protection des intérêts privés. Selon M. DIDIER R. MARTIN , la nullité relative
s’accorderait mieux avec les solutions données sur des questions voisines. Alors
que le droit à restitution est reconnu à l'acheteur qui a ignoré la perte de la
chose, il est refusé à celui qui en avait connaissance ; or ce refus est
incompatible avec la nullité absolue, mais se justifie au regard de la nullité
relative pour laquelle la confirmation de l’acte est admise ; le paiement en
connaissance de cause marque la volonté de confirmer.

122. Quelle soit relative ou absolue, la nullité emporte les mêmes conséquences,
à savoir une inexistence rétroactive du contrat, le contrat est réputé n’avoir
jamais existé.

Dès lors deux situations doivent être distinguées selon que le contrat n’a pas été
encore exécuté ou qu’il l’a été en tout ou partie. Dans la première hypothèse,
chaque cocontractant est définitivement libéré ; l’avenir seul est en cause. Le
contrat sera privé d’effet à compter du prononcé de la nullité par le juge ou de la
« nullité conventionnelle »293. Ce dernier cas correspond à la reconnaissance par
les parties de la nullité du contrat résultant d’une imperfection préexistante ; le
contrat ne produirait alors plus d’effet à compter de la date de cet accord
amiable.

Dans la seconde hypothèse, les prestations déjà fournies doivent être restituées ;
l’annulation doit en effet conduire à un retour au statu quo ante, le contrat étant
réputé n’avoir jamais été conclu. Or, il ne peut en être toujours ainsi comme le
démontre l’article L. 121-15 du code des assurances. Ce texte vise le cas de la
nullité du contrat d’assurance lorsque le risque s’est réalisé avant la conclusion

292
D. R. MARTIN, « la perte de la chose vendue », J.-Cl. Civ., article 1601, n°s 5 s.
293
P. MALAURIE, Droit civil, Obligations, Cujas, 9ème éd., 1998/1999, n° 256.

105
du contrat294. Selon l’alinéa 2 de cet article, l’assuré ne recouvrera pas la totalité
des sommes versées puisque seule la prime pure lui sera remboursée ; le
remboursement des primes s’effectue en effet sous déduction des frais
d’acquisition et de gestion que lui a consacré l’assureur.

Toutefois dans le cas d’un contrat d’assurance ou de vente, comme dans tout
contrat ayant entraîné la remise d’une somme d’argent, il semblerait logique que
le dépositaire de cette somme qui a pu la faire fructifier rembourse le prix
majoré des intérêts légaux. Ces intérêts ont pour point de départ le jour de la
sommation de payer lorsque le cocontractant n’avait pas connaissance de
l’imperfection lors de la conclusion du contrat. Dans le cas contraire, ils courent
de plein droit à compter de la date de conclusion du contrat. Mais les intérêts
d’un contrat de prêt ne sauraient être restitués au taux conventionnel, le contrat
étant annulé, mais au taux légal295. S’agissant de ce même contrat, il convient de
relever l’existence d’une exception à l’effet rétroactif, l’obligation de restitution
subsistant à l’égard de l’emprunteur ; le contrat n’est alors que partiellement
annulé à la date du prononcé de la nullité, mais subsiste pour l’avenir s’agissant
de cette obligation particulière.

Le contrat dont l’objet n’existe pas à sa date de conclusion est donc annulé non
seulement pour l’avenir (comme lorsqu’il va être déclaré caduc) à la date du
prononcé de la nullité, mais aussi rétroactivement, en remontant à la date de
conclusion de l’acte. La nullité est d’ailleurs opposable à tous les tiers qui
auraient acquis des droits entre la date de conclusion du contrat et sa date de
nullité.

294
Selon l’alinéa premier, « l’assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a
déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques ».
295
CA Paris, 12 octobre 1989, D. 1989, inf. rap., p. 296.

106
2.- La caducité du contrat296

123. Par exception à la règle selon laquelle le contrat ne peut se former que si
l’objet existe au moment de la conclusion du contrat, la validité d’un contrat
dont l’objet est constitué d’une chose future et donc inexistante au moment de la
formation, est admise. L’article 1130 alinéa premier du code civil prévoit en
effet que « les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation ».

124. Le principe est donc que la chose qui n’existe pas encore, mais qui doit
exister un jour peut faire l’objet d’un contrat297.

Si la chose escomptée par les parties vient à ne pas être réalisée, le contrat sera
caduc sauf faute de l’une ou de l’autre des parties. La caducité se définit en effet
comme « l’état de non-valeur auquel se trouve réduit un acte initialement
valable du fait que la condition à laquelle il était suspendu, sa pleine efficacité

296
F. GARRON, La caducité du contrat (étude de droit privé), thèse Aix-Marseille, PUAM 1999,
préface de J. MESTRE ; Y. BUFFELAN-LANORE, Essai sur la notion de caducité des actes
juridiques en droit civil, thèse Toulouse, éd. 1983 avec préface de P. HEBRAUD ; N. FRICERO-
GOUJON, La caducité en droit judiciaire privé, thèse ronéot. Nice 1979 ; J. GHESTIN, Le contrat,
op. cit., n° 275.
297
Une distinction s’impose selon que le contrat est commutatif ou aléatoire. Seul le contrat
commutatif est concerné par la caducité. La caducité ne frappe, en effet, que les actes
régulièrement formés, mais qui perdent postérieurement à leur conclusion, un élément essentiel à
leur validité ou à leur perfection du fait de la survenance d’un événement indépendant de la
volonté des parties. (cf toutefois la vision novatrice de la caducité développée par V. WESTER-
OUISSE , in « la caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP N 2001, I, 290.
Selon elle, l’événement n’est pas forcément indépendant de la volonté des parties ; elle envisage
en effet la caducité comme une sanction de la disparition du consentement, c’est-à-dire lorsque
celui qui envisageait de s’engager dans le contrat change d’avis). Seul le contrat commutatif
remplit ces conditions puisqu’il est régulièrement formé même si son objet est une chose future ;
cette chose future n’étant pas effectivement réalisée, il perd, après sa conclusion, un élément
essentiel à sa validité. Au contraire, le contrat aléatoire, dont l’objet est la chance de voir la
chose réalisée, ne perd en aucun cas cet élément essentiel.
Malgré cette exclusion des contrats aléatoires, du champ de la caducité, les cas où celles-ci se
présentent sont fréquents ; les contrats commutatifs sur chose future sont, en effet, courants ;
ainsi en est-il du cas de la vente d’immeuble à construire, de celui où le cultivateur vend sa
prochaine récolte, ou encore lorsque l’industriel s’engage à livrer à terme telle marchandise qu’il
n’a pas encore fabriquée. Cette fréquence des cas de caducité est également due à la vision
jurisprudentielle extensive de la notion de chose future. Cette catégorie comprend non
seulement les biens envisagés dans leur matérialité, que les droits à venir tels que la cession de
loyers à échoir, l’abandon d’intérêts futurs d’une créance.

107
vient à manquer par l’effet d’un événement postérieur »298. Le contrat ne
produira alors plus d’effets pour l’avenir, le problème étant celui de savoir à
partir de quelle date.

125. La solution ne fait aucun doute ; la caducité prend effet à la date de la


disparition de l’élément essentiel du contrat299 et non pas à celle de la décision la
reconnaissant puisque le juge ne fait que constater cette caducité300 ; le moment
de la caducité ne résulte pas de la décision du juge, il découle nécessairement de
la circonstance rendant le contrat caduc. Le rôle du juge est donc limité à la
seule constatation de la date à laquelle a disparu l’élément essentiel du contrat.

Le contrat éteint par la caducité ne produit donc plus, à cette date, d’effets pour
l’avenir ; reste à s’interroger sur l’incidence de la caducité sur les effets passés,
et donc sur une éventuelle rétroactivité lui étant attachée.

126. Sur ce point, la jurisprudence s’est prononcée pour le défaut de


rétroactivité301. Cette solution est évidente pour les contrats à exécution
successive, même si sa mise en œuvre est délicate. Ainsi, l’article L. 121-9 du
code des assurances précise « qu’en cas de perte totale de la chose assurée
résultant d’un événement non prévu par la police, l’assurance prend fin de plein
droit » ; cette caducité ne rétroagit pas puisque la remise en cause de la situation
juridique passée se limite, aux termes du texte, à la seule restitution par

298
In Vocabulaire juridique, op. cit. Selon V. WESTER-OUISSE (préc.), cette vision est erronée; en
effet, le domaine de la caducité ne se limiterait pas à la défaillance d’une condition suspensive,
mais s’étendrait également à la disparition du consentement, de la cause ou de la
proportionnalité de l’objet.
299
Cass. 3ème civ., 26 avril 1989, n° 87-19.485, inédit : « le moment de l’extinction du contrat ne
dépendait pas du non-accomplissement de ladite condition dans le délai convenu ».
300
CA Paris, 29 novembre 1990, SA AREFIM c/Mme Dubourdieu, n° répertoire général
89.20881, inédit : « la non-remise de la caution bancaire dans le délai imparti emporte,
conformément aux stipulations de la promesse, la caducité de plein droit de celle-ci, au 13 juillet
1988 ; que cette caducité ne saurait conformément à la demande expresse de Mme D., qu’être
constatée par la cour. »
301
Cass. 1re civ., 29 janvier 1985, Bull. civ. I, n° 37, p. 35 : cette loi a « seulement rendu
caduques pour l’avenir les clauses des contrats en cours qui seraient contraires à ses
dispositions ».

108
l’assureur à l’assuré de la « portion de la prime payée d’avance et afférente au
temps pour lequel le risque n’est plus couru ».

Au surplus, et quelle que soit la nature du contrat, la caducité est une création
prétorienne qui n’est régie par aucun texte. La Cour de cassation considère que
« la rétroactivité » est « une simple fiction de la loi »302, ce qui signifie que, si
aucun texte ne prévoit cette rétroactivité, elle ne peut exister.

B.- La perte de la chose en cours d’exécution du contrat

127. La perte de la chose lors de l’exécution du contrat est différente de celle


intervenant avant la conclusion de celui-ci. Les deux hypothèses se distinguent
quant à leurs effets. L’incidence de la perte de la chose en cours d’exécution
d’un contrat, valablement formé, sur son devenir, varie en fonction de la gravité
de la perte. Ainsi, la perte de la chose, dont les causes peuvent être doubles (1),
emporte deux conséquences distinctes, selon que cette perte est totale ou
partielle, permanente ou temporaire (2).

1.- Les causes de la perte de la chose

128. Ces causes sont de deux sortes : ou elles sont extérieures aux parties et il
s’agit alors d’une perte par cas de force majeure, ou elles tiennent au
comportement, généralement fautif, de l’un des contractants. L’imputabilité de

302
Civ., 8 novembre 1950, JCP 1950, I, 5870.

109
la destruction est à déterminer, si elle est fortuite, au moyen de la théorie des
risques et, si elle est fautive, de la responsabilité contractuelle.

129. S’agissant de la faute du contractant, peu de choses sont à dire puisque ce


type de perte fait appel aux règles classiques du droit de la responsabilité. De
même, la notion de faute n’appelle-t-elle pas de développement particulier.

Il convient toutefois de relever que la responsabilité contractuelle suppose une


inexécution fautive de l’obligation contractuelle. Ainsi l’article 1137 du code
civil, situé dans une section consacrée à l’obligation de donner, dispose que
«l’obligation de veiller à la conservation de la chose […] soumet celui qui en est
chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille ». L’alinéa 2 de cet
article ajoute que cette obligation « est plus ou moins étendue relativement à
certains contrats dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les
concernent ». Aussi l’article 1882 du code civil régissant le prêt à usage exige-t-
il de l’emprunteur plus que ce qui est demandé au bon père de famille puisque
« si la chose prêtée périt par cas fortuit dont l’emprunteur aurait pu la garantir en
employant la sienne propre, ou si ne pouvant conserver que l’une des deux, il a
préféré la sienne, il est tenu de la perte de l’autre » ; d’autres dispositions telles
que les articles 1927 et 1928 du Code civil sont conformes aux exigences de
l’article 1137, puisque le dépositaire ne doit apporter à la conservation de la
chose donnée en dépôt que les soins qu’il donne à la garde de ses propres biens.

Le contractant en charge de la garde de la chose ne verra pas, toutefois, sa


responsabilité engagée s’il n’a pu remplir son obligation de conservation du fait
d’un cas fortuit ou de force majeure303.

130. La force majeure304 joue divers rôles en matière contractuelle. Le plus


classique est celui précédemment énoncé, à savoir la décharge de responsabilité.

303
Ces deux événements sont prévus par les articles 1147 et 1148 du code civil. Parfois le
contractant ne verra pas sa responsabilité engagée en cas d’absence de faute, lorsqu’il s’agit
d’une obligation de résultat atténuée.

110
Mais dans d’autres cas, elle permet d’éviter la disparition du lien contractuel qui
découlerait normalement du jeu d’une clause résolutoire ou d’une résiliation
judiciaire en entraînant simplement la suspension du contrat. Elle peut être aussi
un moyen efficace pour sortir définitivement et impunément du lien contractuel.
Ce n’est que pour ces deux derniers rôles que la force majeure nous intéresse
ici .

Alors que la force majeure remplit diverses fonctions importantes en droit,


curieusement, cette expression, n’est pas définie par la loi. Une certitude domine
toutefois : trois catégories d’événements sont constitutifs de force majeure, à
savoir les événements politiques, les phénomènes physiques et les causes
sociales. Mais la délimitation entre ce qui est constitutif de force majeure et ce
qui ne l’est pas est incertaine. Aussi, lorsque l’on se trouve confronté à un
problème de qualification, il convient de rechercher si les différents caractères
de la force majeure sont présents dans la situation considérée.

131. La force majeure est souvent définie comme un événement imprévisible,


irrésistible, généralement extérieur à celui qui l’invoque305. L’imprévisibilité est
relative ; l’appréciation de l’imprévisibilité de l’événement s’effectue en prenant
en considération le temps et le lieu où il se produit, ou les circonstances qui
l’accompagnent306. Quant à sa date d’appréciation, la tendance jurisprudentielle
est de tenir compte de l’événement imprévisible lors de la conclusion du
contrat307.

304
F. CHABAS, N. PETERKA, C. CHABAS, Rép. Civ. Dalloz, v° force majeure.
305
Cf notamment A. TUNC, « Force majeure et absence de faute en matière contractuelle », RTD
civ. 1945 p. 235.
306
Ainsi, en matière d’intempéries, par exemple le verglas, selon le lieu, l’heure, la date et les
conditions météorologiques, ce phénomène sera ou non considéré comme un événement de force
majeure. Cf, pour la première solution, Cass. crim., 18 décembre 1978, JCP 1980, II, 19261,
note N. ALVAREZ ; Cass. 2ème civ., 3 février 1993, Bull. civ. II, n°42 ; et pour la seconde Cass.
2ème civ., 21 mars 1957, Gaz. Pal. 1957, 2, 11 ; Cass. 2ème civ., 30 juin 1971, D. 1971, som., 135.
307
Cass. com., 6 avril 1951, Gaz. Pal., tables 1951-1955, v° obligation, n°255 ; CA Paris, 9 juin
1961, D. 1961, 297, note J. RADOUANT ; Cass. com., 11 janvier 1984, Gaz. Pal. 1984, 2, pan.
165, obs. DUPICHOT ; Cass. com., 3 octobre 1989, D. 1990, som., 269, obs. M. REMOND-
GOUILLOUD, RTD com. 1990, p.255, obs. B. BOULOC [le vol à main armé n’était pas imprévisible
lors de l’échange des consentements] ; Cass. com., 19 juin 1990, RTD civ. 1990, p. 659, obs. J.

111
L’événement est irrésistible quand on ne peut s’en prémunir même en le
prévoyant ou qui, lorsqu’il se produit, laisse le débiteur impuissant.
L’irrésistibilité se situe et s’apprécie après l’événement . Après la survenance de
cet événement, l’exécution du contrat est devenue impossible. La force majeure
suppose donc un obstacle qui ne peut être contourné par aucun moyen lorsqu’il
se réalise ou un obstacle qui ne pouvait d’avance être écarté 308. L’appréciation
du caractère irrésistible s’effectue par comparaison avec un individu
ordinairement diligent. Quant à l’extériorité, dernier caractère de la force
majeure, son étude ne revêt pas d’intérêt eu égard à la date puisqu’il est
empreint d’une dimension spatiale et non temporelle ; ainsi l’extériorité doit
s’apprécier par rapport à l’activité du débiteur ; l’événement doit être extérieur à
l’activité qu’occupait le débiteur à la date de survenance309.

132. Ces trois caractères de l’événement de force majeure (à savoir


l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité) démontrent bien que l’homme se
trouve ici face à un phénomène subi dont la date est a fortiori subie et à
l’encontre de laquelle sa volonté est impuissante. Reste maintenant à envisager
les conséquences de cet événement. Qu’advient-il du contrat à la date à laquelle
le fait fortuit se produit ? La réalisation de cet événement implique-t-il
forcément la fin du contrat ?

MESTRE [il convient de se placer à la date d’acquisition de l’immeuble] ; contra, Cass. com., 6
mars 1985, D. 1986, inf rap, 213, obs. M. VASSEUR, selon lequel il n’est pas nécessaire de se
placer à l’époque de la conclusion du contrat. Cet arrêt fait écho à une autre décision rendue par
la même formation le 21 novembre 1967 ( JCP 1968, II, 15462, note M. LE GALCHER-BARON, D.
1968, 279, note H. SINAY, RTD civ. 1968, p.733, obs. DURRY) qui rappelle que l’appréciation de
la prévisibilité s’effectue à la date de conclusion du contrat, mais qui ajoute que, jusqu’au
dernier moment, il est impossible de savoir si le mouvement de grève aurait lieu, ce qui sous-
entend que peut être prise en considération la prévisibilité en cours de contrat.
308
Lorsque l’événement entraîne uniquement une difficulté d’exécuter ou une exécution plus
onéreuse, il ne constitue pas un cas de force majeure : Cass. com., 18 janvier 1950, D. 1950,
227 ; Cass. soc., 8 mars 1972, D. 1972, 340 ; Cass. com., 3 janvier 1979, JCP 1979, IV, 79 ; CA
Versailles, 6 janvier 1993, D. 1993, inf. rap., 52 ; contra, Cass. 3ème civ., 24 juin 1971, D. 1971,
som., 138 considérant qu’il y a force majeure lorsque l’événement entraîne des « difficultés
sérieuses », mais « non insurmontables » pour exécuter des travaux pendant la période de congés
payés, dans la région parisienne.
309
Cass. 1re civ., 26 mai 1994, Bull. civ. I, n° 190, JCP 1994, I, 3809, obs. G. VINEY : « Le cas
fortuit suppose nécessairement un événement extérieur à l’activité du débiteur de l’obligation ».

112
2.- Les conséquences de la perte de la chose

Les conséquences de la perte de la chose en cours d’exécution du contrat sont de


deux ordres selon que cette perte est temporaire ou définitive. En cas de perte
temporaire, le rapport contractuel pourra être simplement suspendu (a); au
contraire, lorsque la chose a totalement et définitivement disparu, le contrat sera
résilié ou résolu (b).

a.- La suspension du rapport contractuel 310

133. Selon M. BERAUD311, les cas de suspension peuvent se classer comme suit :
la théorie de la suspension est soit un droit du créancier, soit un droit du
débiteur. Entendue comme droit du créancier, la suspension intervient dans un
premier temps comme un moyen de défense matérialisé par l’exception
d’inexécution. Dans un second temps, elle est un moyen de sanction entraînant
une mutilation unilatérale du contrat ; ainsi en matière d’assurance, l’assureur a
le droit de suspendre la garantie, objet du contrat, à titre de sanction du défaut de
paiement des primes dues par l’assuré ; le rapport contractuel est, par
conséquent, suspendu pour l’assureur. Si le sinistre survient pendant la période
de suspension, l’assureur ne sera débiteur d’aucune indemnité, mais pourra
néanmoins prétendre au paiement des primes arriérées et de celles correspondant
à la période de suspension. La suspension ne produit alors d’effet que d’un seul
côté. Telle n’est pas l’hypothèse qui ici nous intéresse.

310
Sur cette notion, cf D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, « Suspension du contrat », J.-Cl
Contrats-Distribution, Fasc. 171.
311
J.-M. BERAUD, La suspension du contrat de travail, Thèse, Sirey 1980.

113
134. En effet la suspension nous intéresse seulement quand elle est considérée
comme droit du débiteur. Elle peut alors être assimilée à un cas de force majeure
temporaire312, et constitue donc une limite rationnelle et subie de la volonté.
Dans une telle hypothèse, le lien contractuel est obligatoirement maintenu
malgré l’inexécution, le contrat reprenant ses effets lorsque l’obstacle a disparu,
c’est-à-dire lorsque le vice temporaire affectant la chose a pu être réparé.

135. Certaines conditions doivent être réunies pour qu’une telle suspension soit
envisageable. Dans un premier temps, il faut une impossibilité d’exécution. Tel
est le cas si la chose objet du contrat est perdue. Fondée sur la force majeure qui
exonère le débiteur de toute responsabilité, la suspension se caractérise par une
disparition du lien obligatoire de sorte que, dans les contrats successifs313, la
fraction du contrat qui n’a pas été exécutée ne le sera jamais ; il n’y a lieu à
aucun report, à aucun rattrapage dans l’exécution des obligations.

Dans un second temps, cette suspension suppose que l’impossibilité d’exécution


ait un caractère temporaire314, la question étant de savoir si l’exécution pourra
reprendre utilement. L’appréciation de ce caractère momentané ou définitif de
l’obstacle s’effectuera nécessairement au vu de l’intention des parties qui a
prédominé à la conclusion du contrat. Eu égard à l’économie du contrat voulue
par les parties, il s’agit donc de se demander si l’événement empêche
définitivement la réalisation du contrat dans les conditions, notamment
temporelles, prévues par les parties.

312
Cette notion est parfois utilisée par certains textes. Ainsi, en matière de transport maritime
par affrètement, l’article 14 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 (JO 11 janvier et rect.
JO 23 avril 1967 ; JCP 1967, III, 32669 et 33004) dispose que « s’il existe un cas de force
majeure qui n’empêche que pour un temps la sortie du navire, les conventions subsistent et il n’y
a pas lieu à dommages et intérêts à raison du retard ».
313
J.-F. ARTZ, « La suspension du contrat à exécution successive », D. 1979, chron., p. 95 et s.
314
CA Rennes, 9 mai 1871, DP 1872, 2, 211 : La suspension du contrat a été implicitement
admise en considérant que les perturbations occasionnées dans les transports par la guerre de
1870 ne libèrent pas le fournisseur, mais lui permettent d’en différer l’exécution jusqu’à ce que
les transports aient retrouvé un fonctionnement normal.

114
Si une exécution peut être envisagée pour une date que n’exclut pas la
convention des parties, la force majeure produira un effet suspensif, sinon elle
entraînera la rupture du contrat, le maintien de celui-ci étant par hypothèse
inutile. Il sera donc nécessaire de comparer la durée de l’empêchement et celle
du contrat. Si la durée de la suspension dépasse le terme du contrat, celle-ci sera
inutile ; l’influence de la suspension sur le contrat à durée déterminée est en
effet réduite puisque le temps lui-même n’est pas suspendu ; aussi le contrat à
durée déterminée continue-t-il à aller vers son terme sans que celui-ci soit
reporté315. Le contrat sera donc rompu à la date à laquelle son exécution serait
susceptible de recommencer.

Au contraire, si la date prévue pour l’exécution n’est pas essentielle, le contrat


sera suspendu et non pas résolu.

136. Il est donc important de connaître la date de la suspension, de dater avec


précision le moment de survenance de l’événement à l’origine de cette
suspension et, dans les contrats à durée déterminée, d’établir la date de fin de la
période de suspension, afin de la comparer avec le terme du contrat.
L’événement, à l’origine de la suspension, présente un intérêt majeur316 en terme
de sécurité et de stabilité contractuelle317, la suspension permettant de maintenir
le contrat, alors que l’obstacle qui empêche temporairement toute exécution
aurait dû conduire à son extinction.

Le contrat n’encourt ainsi la résolution que pour les cas où la date d’exécution
prévue par les parties pour l’exécution est essentielle et lorsque la perte de la
chose est totale et permanente.

315
Trib. com. Seine, 24 novembre 1916, Gaz. Pal. 1916/1917, 508 ; Cass. soc., 30 mars 1971,
Bull. civ. V, n° 273 p. 229.
316
Cf J. TREILLARD,« De la suspension des contrats », in La tendance à la stabilité du rapport
contractuel, Etudes de droit privé sous la direction de P. DURAND, LGDJ, 1960, pp. 59-108, pour
qui « le but essentiel de la notion de suspension est de courir la seule chance de sauver le
contrat ».
317
Cf en droit du travail, des cas de suspension du contrat sont légalement prévus dans un but de
protection du salarié ; la suspension fait suite à la maladie professionnelle ou à l’accident du

115
b.- La résolution du contrat318

137. Les causes de l’extinction du contrat par résolution ou résiliation peuvent


être de plusieurs sortes. Tout d’abord, l’extinction du contrat peut être la
conséquence de l’hypothèse précédemment énoncée, à savoir la perte temporaire
de la chose. Elle peut entraîner la résolution du contrat lorsque la date
d’exécution de celui-ci constituait un élément essentiel du contrat.

138. Ensuite, l’extinction du contrat peut être la conséquence de la perte totale et


permanente d’une chose irremplaçable. Ainsi, en est-il de l’hypothèse d’un bail
pour lequel les locaux donnés en location seraient totalement détruits par le feu
ou par l’eau. Il est inconcevable que dans une telle situation, le bailleur puisse
remettre en état la chose détruite ; ce serait juridiquement une charge trop lourde
pour lui. En effet, s’agissant d’un immeuble, il est certain que le bailleur
pourrait reconstruire celui-ci, mais il ne pourrait en aucun cas y être contraint.
L’article 1722 du code civil le dégage, en effet, de ses obligations en lui
permettant de résister à la demande du preneur de voir effectuer des travaux de
remise en état, voire de reconstruction, pour que la chose soit de nouveau mise à
sa disposition. Cette solution se comprend aisément lorsque la chose est détruite
par un cas de force majeure ; rien n’oblige, en effet, le bailleur non responsable
de la destruction à exécuter un contrat qui disparaît par lui-même faute d’objet.
D’ailleurs l’article 1722 du code civil ne met en aucun cas à la charge du
bailleur une obligation de reconstruction en cas de perte totale de la chose, mais
seulement une obligation d’entretenir la chose en état de servir à l’usage pour

travail (C. tr., art. L. 122-32-2 et l. 122-32-4), à une maladie non professionnelle ou à un
accident de droit commun, en cas de maternité (art. L. 122-25-2), en cas de grève (art. L. 521-1).
318
Cf M. STORK, « Contrats et obligations, Obligations conditionnelles ; Résolution judiciaire »,
J.-Cl. Civ., article 1184, Fasc. 10 ; R. CASSIN, « Réflexions sur la résolution judiciaire des
contrats pour inexécution », RTD civ. 1945, pp. 159-180.

116
lequel elle a été louée319, obligation qui ne peut plus être exécutée à l’égard
d’une chose totalement détruite. Toutefois, il faut reconnaître que la
jurisprudence est bienveillante à l’égard du bailleur puisqu’elle assimile à une
perte par force majeure la dégradation profonde de la chose par suite de
vétusté320 et élargit le champ d’application de l’article 1722 du code civil en
décidant que le louage prend fin par la perte totale de la chose non seulement
lorsqu’elle survient à la suite d’un cas fortuit, mais aussi par la faute de l’une
des parties.

139. Enfin, la résiliation du contrat peut résulter d’une option du créancier. Tel
est le cas lorsque la chose objet du contrat est partiellement détruite. L’article
1602, alinéa 2, du code civil ouvre à l’acheteur l’option suivante : il peut soit
demander la partie conservée en faisant déterminer le prix par ventilation, ce qui
nécessite l’intervention du juge, soit abandonner la vente. La force majeure à
l’origine de la disparition partielle de la chose permet donc à l’acheteur de se
libérer du contrat en demandant sa résiliation au juge. Toutefois, si cette faculté
semble laissée à la discrétion de son bénéficiaire, tel n’est pas le cas dans la
réalité, puisque doctrine321 et jurisprudence refusent à l’acheteur le droit d’opter
pour l’extinction du contrat lorsque la perte est un déchet normal, prévisible en
raison de la nature particulière des marchandises et lorsque la perte est peu
importante au regard de la chose vendue. Les juges n’accordent alors que la
réduction du prix322.

319
Cass. soc., 6 avril 1951, D. 1951, 505.
320
Cass. 1re civ., 3 octobre 1961, Bull. civ. I, n° 425.
321
D. R. MARTIN, « Perte de la chose vendue », J.-Cl. Civil, article 1601, n° 10; P. MALAURIE, L.
ème
AYNES ET P.-Y. GAUTIER, Contrats spéciaux, Cujas, 14 éd., 2001/2002, n° 188.
322
Cass. civ., 10 juin 1856, DP 1856, 1, 254 ; S. 1856, 1, 819 : « l’arrêt a pu, interprétant la
convention conformément aux usages du commerce et en raison de la nature de l’objet de la
vente, décider que le déchet n’était pas une cause de résiliation, mais seulement devait donner
lieu à modification du prix » (vente de châtaignes dont une partie était pourrie).

117
140. Ces trois hypothèses ont pour effet d’emporter extinction du contrat, même
si certains auteurs323considèrent, que l’abandon du contrat en cas de perte
partielle emporte les mêmes conséquences que la perte totale, à savoir la nullité.
Or, la nullité, contrairement à la résolution, sanctionne une irrégularité
concomitante à la formation du contrat ; dans notre hypothèse, le contrat est
valablement conclu et même en cours d’exécution au moment de la perte de la
chose. L’exécution du contrat devient alors impossible ; le créancier, quant à lui,
veut s’en libérer, l’objectif poursuivi ne pouvant plus être atteint. La résolution
est alors un moyen de sanctionner l’inexécution d’une obligation, à charge pour
le débiteur d’établir son défaut de responsabilité dans l’obstacle à l’exécution,
s’il veut éviter d’avoir à verser des dommages et intérêts. Elle porte sur une
convention parfaitement valable lors de la conclusion, mais qui est altérée par la
survenance d’un événement postérieur.

141. Le créancier a alors recours au juge pour que celui-ci prononce la


résolution du contrat324. Toutefois, la résiliation n’est pas toujours prononcée par
le juge. Un contrat peut en effet être résilié de plein droit325. Ainsi, le contrat
d’assurance n’a plus lieu d’être et disparaît par lui-même lorsque la chose
assurée périt par suite d’un événement non prévu par la police326. Dès lors
l’assureur doit-il restituer la portion de prime payée d’avance et correspondant
au temps où le risque a disparu. Ainsi, aux termes de l’article L. 123-2 du code
des assurances, « l’assureur ne peut réclamer la portion de prime correspondant
au temps compris entre le jour de la perte et la date à laquelle aurait du
normalement avoir lieu l’enlèvement des récoltes, ou celle de la fin de la
garantie fixée par le contrat, si cette dernière date est antérieure à celle de

323
D. R. MARTIN, art. préc. ; M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité de droit civil français, t. X, par F.
ème
GIVORD et A. TUNC, LGDJ, 2 éd., 1956, n° 30 ; contra J. MESTRE, obs. in RTD civ. 1990, pp.
658-660.
324
Les positions de la première chambre civile de la Cour de cassation et de la chambre
commerciale de la même cour divergent quant à la nécessité d’intenter une action en résolution
lorsque l’exécution du contrat devient impossible. Alors que la chambre civile l’exige, la
chambre commerciale l’écarte.
325
Contrairement aux dispositions de l’article 1184 du code civil aux termes duquel « le contrat
n’est point résolu de plein droit ».

118
l’enlèvement normal des récoltes ». Il appartient à l’assuré de notifier à
l’assureur cette perte, ceci aux fins d’opposabilité et de preuve de la date de
disparition. Dans une telle hypothèse le contrat prend donc fin au jour de la perte
de la chose objet du contrat.

142. Malgré l’existence de la résiliation de plein droit du contrat, la résolution


peut être constatée judiciairement. Mais les effets du prononcé d’un tel jugement
sont plus ou moins étendus selon la nature du contrat. Comme en matière de
nullité, la résolution prive d’effets le contrat non seulement pour l’avenir mais
aussi pour le passé ; le contrat est donc censé n’avoir jamais existé. Cette
rétroactivité est toutefois écartée lorsqu’est prononcée la résolution d’un contrat
à exécution successive327 au motif que ce contrat engendre une situation dont les
effets matériels sont ineffaçables, la restitution accompagnant la résolution étant
impossible. Un tempérament doit cependant être apporté; alors que la résolution
ou la résiliation (pour les contrats à exécution successive) ne prend effet qu’à
compter du jour de la décision qui la prononce328, les juges la font parfois
remonter au jour de l’inexécution329, c’est-à-dire en l’espèce au jour de
l’impossibilité d’exécution donc au jour de la perte de la chose.

Si la perte de la chose et son inexistence emportent disparition ou suspension du


contrat, l’inexistence de la personne semble, quant à elle, avoir des effets encore
plus radicaux.

326
C. civ., art. L. 121-9.
327
J. GHESTIN, « L’effet rétroactif de la résolution des contrats à exécution successive », in
Mélanges offerts à P. RAYNAUD, Dalloz-Sirey, 1985, pp. 203-226.
328
Cass. soc., 23 février 1956, Bull. civ. IV, n° 185 ; Cass. com., 26 juin 1967, JCP 1967, II,
15302 ; Cass. req., 27 mai 1839, S. 1839, 1, 678 ; Cass. req., 8 novembre 1882, S. 1884,1, 333.
329
Cass. com., 3 janvier 1972, D. 1972, 649 : la rétroactivité, dans les contrats successifs, ne
remonte pas au-delà de la date à partir de laquelle le débiteur a cessé de remplir son obligation. ;
Cass. 3ème civ., 28 janvier 1975, Bull. civ. III, n° 33.

119
§2. L’inexistence de la personne

143. L’existence de la personne importe en matière contractuelle en tant


qu’événement influant sur la vie du contrat ou en tant qu’événement
condamnant son existence.

La notion d’existence, en droit des personnes, se rapproche de la capacité de


jouissance. La personne juridique n’existe, en tant que telle, que si elle a
vocation à être titulaire de droits. Or elle n’a cette vocation que pour autant
qu’elle est faite de chair et de sang pour une personne physique ou qu’elle revêt
une réalité sociale pour les personnes morales.

144.Toutefois pourraient être distinguées l’existence de l’être juridique et son


aptitude à être titulaire de droits. Selon M. GOUBEAUX, « la personne, être doté
de capacité de jouissance a vocation à avoir des droits et donc à être sujet des
différents droits qui lui échoiront. La personne est conçue comme unique et
permanente alors que sa qualité de sujet de droit qui n’apparaît qu’avec chacun
des droits dont elle sera titulaire est multiple et plus ou moins éphémère ;
lorsque le droit s’éteint, il n’y a plus de sujet de ce droit et sa capacité
d’exercice, son pouvoir ne peut plus être exercé »330.

L’existence de la personne juridique, être vivant fait de chair et de sang ou


société reposant sur un affectio societatis fort, constitue donc une limite
rationnelle à la volonté des parties ; elle est la cause de la disparition d’un droit,
de sa caducité ou de son inexistence et non la conséquence de l’extinction de ce
même droit. Ne sera donc pas envisagée, ici, la perte de la qualité de sujet d’un
droit consécutive à la disparition de ce droit initiée par les parties.

120
145. La personne juridique est inexistante à deux moments: avant sa naissance et
lorsqu’elle s’éteint. Le commencement de la personnalité juridique et son
extinction sont deux dates qui s’imposent aux parties et qui conditionnent la
validité du contrat et son exécution331. Pour que le contrat soit valable, il faut en
effet que les contractants soient capables, caractère qu’ils n’acquièrent que par
l’existence. Dès que la personne-individu existe, c’est-à-dire dès qu’elle est
née332 et encore vivante, elle est sujet de droits333, a la capacité de jouissance.
Mais pour exercer ses droits encore faut-il qu’elle ait la faculté de les mettre
personnellement en œuvre, c’est-à-dire qu’elle ait la capacité d’exercice qui se
trouve restreinte par l’incapacité naturelle due à un obstacle de fait comme le
coma d’une personne, sa disparition, ou sa qualité de nouveau né. La date de
l’existence de la personne importe également au stade de l’exécution du contrat,
lorsque, par exemple le contrat est conclu sous la condition suspensive de la
mort d’une personne ou que sa date de prise d’effet est fixée par les parties au
décès de l’une d’elle ou d’un tiers334, ou que le contrat, du fait notamment de sa
qualité intuitu personae335, se trouve anéanti336 suite au décès de l’une des
parties337.

330
G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, Les personnes, LGDJ, 1989.
331
L’utilité de la date de commencement et de disparition de la personne sera établie dans la
seconde partie. Cf infra n° 413 et s.
332
Le futur titulaire de l’autorité parentale d’un enfant conçu mais non encore né ne pourrait en
effet pas conclure par exemple un contrat de bail portant sur un immeuble que l’enfant conçu
aurait hérité, la loi lui reconnaissant cette faculté dans le but de la protection de ses intérêts.
Il faut toutefois réserver l’hypothèse de l’infans conceptus qui sera envisagée infra, n° 149.
333
R. MARTIN, « Personne et sujet de droit », RTD civ. 1987, p. 785
334
Tel est le cas de la donation au dernier survivant dans un couple, la propriété des biens étant
transférée au survivant.
335
Ces contrats donnent naissance à des rapports strictement personnels du côté des deux parties
(cas du mandat, l’article 2003 du code civil prévoyant que le contrat prend fin à la mort du
mandant ou à celle du mandataire) ou de l’une d’elles seulement (cas du louage de services par
exemple). Le décès du débiteur a un effet extinctif.
336
L’anéantissement du contrat peut être total, ou seulement partiel. Le décès peut, en effet,
n’emporter que l’extinction du seul pouvoir créateur du contrat, celui-ci demeurant pour la
liquidation des dettes antérieures. Ainsi, la cautionnement n’est atteint, au décès de la personne
cautionnée, que dans son pouvoir créateur d’obligations nouvelles, les héritiers demeurant tenus
des dettes nés antérieurement au décès. Ne survit donc au décès que l’obligation de règlement,
l’obligation de couverture cessant (C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, Litec,
1978).
337
Lorsque le principe de la transmission à cause de mort est écarté.

121
Ainsi est-il établi que l’existence de la personne a une influence certaine sur la
vie du contrat ; il convient donc de s’intéresser à la détermination des limites de
cette existence, d’identifier les dates de commencement de la personne (A) et de
sa disparition (B).

A.- La date du commencement de la personne

146. Contrairement à la date de disparition de la personnalité, la date de sa


naissance est facile à établir, le législateur l’ayant imposée.

Ainsi s’agissant de l’apparition de la personnalité de la personne physique,


celle-ci n’est accordée à la naissance que pour autant que l’enfant soit né vivant
et viable. La date de naissance, correspondant à celle de l’accouchement que les
registres de l’hôpital confirmeront, acquiert la force probante attachée au
contenu des actes authentiques dès lors que, dans les trois jours de
l’accouchement, la déclaration de naissance aura été faite à l’officier d’état civil.

147. S’agissant de la personne morale, celle-ci n’acquiert sa personnalité, et


donc sa capacité à contracter, que du jour où elle est immatriculée au registre du
commerce et des sociétés338. Jusqu’à cette date, la société n’existe pas en tant
que personne morale sociétaire, mais elle est considérée sous son aspect de
contrat de société dès la signature des statuts. Pour autant, durant cette existence
contractuelle, les associés sont amenés à conclure des contrats nécessaires avant
tout commencement d’activité tels que le bail, les abonnements de téléphone ou
d’électricité.

338
Cf C. com., art. L. 210-6 et C. civ., art. 1842.

122
148. Aussi, afin de valider ces actes conclus au bénéfice de la société en
formation, la loi anticipe d’une certaine façon l’existence de celle-ci grâce au
mécanisme de la reprise des actes conclus pour la société avant son
immatriculation339. Dans le contrat initialement conclu par l’un des associés, la
société se substitue au contractant, avant même qu’elle existe juridiquement.
Cette reprise est automatique s’agissant des actes conclus avant la signature des
statuts s’ils sont recensés dans un état annexé à ceux-ci. Leur signature vaut
ratification des engagements antérieurs.

Pour les actes passés entre la signature des statuts et l’immatriculation, la reprise
est également rétroactive lorsqu’ils ont été accomplis en vertu d’un mandat
accordé par les associés à l’un d’eux soit dans les statuts, soit par un acte séparé.
Les reprises automatiques ont un effet rétroactif, les engagements contractés
étant réputés avoir été souscrits par la société dès l’origine. Ainsi, l’existence de
la personnalité de la société est parfois anticipée par rapport à sa naissance
effective constituée par l’immatriculation.

149. Une hypothèse identique existe s’agissant des personnes physiques. La


personnalité est attribuée à l’enfant par anticipation, à la date de sa conception340
lorsque tel est son intérêt. Ainsi, bien que l’embryon n’ait pas une existence
indépendante de celle de sa mère, le fait que l’enfant soit conçu suffit pour lui
faire acquérir par anticipation la qualité de sujet de droit. Cette personnalité est
toutefois conditionnée. Elle suppose que l’enfant soit ultérieurement né vivant et
viable et n’intervient que si elle est dans l’intérêt de l’enfant. C’est donc
seulement après la naissance qu’il est possible de déterminer la date de
conception ouvrant droit à attribution anticipée de la personnalité. Cette
détermination s’effectue à partir de la date de naissance en remontant le temps
compte tenu de la durée probable de gestation. Ainsi l’article 311 du code civil

339
Cf C. civ., art. 1843 et décret du 3 juillet 1978, art. 6.
340
Ce principe s’énonce traditionnellement sous la forme d’un adage latin : infans conceptus pro
nato habetur quoties de commodis ejus agitur, soit l’enfant conçu est considéré comme s’il était
né, chaque fois qu’il y va de son intérêt. Cf H. ROLAND ET L. BOYER, Adages du droit français,
Litec, 4ème éd., 1999.

123
présume que « l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du 300ème au
180ème jour inclusivement, avant la date de la naissance ». Ce même article
dans son deuxième alinéa précise que « la conception est présumée avoir eu lieu
à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans
l’intérêt de l’enfant ». Ainsi en matière d’assurance, pour être valablement
désigné comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie, l’enfant doit être
conçu à l’époque de l’exigibilité des prestations ; peu importe la date de
conception, l’essentiel est que la date d’exigibilité se situe dans la période de
conception établie comme précédemment indiqué341.

B.- La date de disparition de la personne

150. La date d’extinction de la personnalité soulève la même remarque que celle


faite au sujet de la date de naissance, à savoir qu’elle peut être anticipée ;
toutefois s’y ajoute une seconde à savoir que la personnalité peut être prolongée
après la disparition de la personne. Contrairement à la date de commencement
de la personnalité, la date d’extinction est parfois plus difficile à fixer comme le
démontre la date de décès de la personne physique.

La fixation de cette date incombait, dans le code civil de 1804, à l’officier d’état
civil. Il devait en effet constater lui-même le décès. Un décret du 28 mai 1960
mit fin à cette obligation qui a été confiée aux médecins.

151. Jusqu’à une époque récente, il ne paraissait pas difficile de fixer la date de
cet événement, la mort coïncidant avec l’arrêt du cœur et de la fonction
respiratoire.

341
Cass. 1ère civ., 10 décembre 1985, RGAT 1986, p. 211, note J.-L. AUBERT.

124
D’un point de vue biologique, la mort est « un processus qui affecte
successivement les diverses fonctions et organes pour s’étendre finalement à
toutes les cellules de l’organisme »342. Or, ce processus autrefois
inéluctablement contracté sur une période courte peut, par l’effet de nouveaux
procédés, s’étirer dans le temps ; en effet, aujourd’hui le maintien artificiel de
certaines fonctions vitales est possible parfois pendant une durée très longue.
Aussi la circulaire n°68 du 24 avril 1968 définit la mort comme « la disparition
de tout signal électroencéphalographique […] pendant une durée jugée
suffisante ». Il s’agit donc de la mort cérébrale. Mais les méthodes modernes de
réanimation permettent de rappeler à la vie des sujets qui auraient été
antérieurement considérés comme morts ; le décret n° 96-1041 du 2 décembre
1996 a alors renforcé la circulaire de 1968 ; il conduit en effet à rechercher la
mort non seulement au niveau du cerveau, mais également du tronc cérébral343
en distinguant selon que la personne est assistée par ventilation mécanique ou
pas.

Mais les modalités de mort par évaluation de l’activité cérébrale (mort


encéphalique) « ne s’imposent qu’au cas où un prélèvement d’organe est
envisagé »344 ; sinon les signes cliniques ordinaires que sont le refroidissement,
la rigidité, le dessèchement oculaire et les colorations345 suffisent.

152. Ainsi le législateur, sans pouvoir donner de définition libre de toute


considération technique, a dévolu aux médecins la charge de constater le décès
et donc d’en établir la date. Cette date correspond à celle figurant sur le certificat
de décès ; l’article 79 du code civil énonce en effet, au titre des mentions devant
figurer sur l’acte de décès établi par l’officier de l’état civil, le jour et l’heure

342
J. SAVATIER, Et in hora mortis nostrae, le problème des greffes d’organes prélevés sur un
cadavre, D. 1968 chron. 89 ; P. COSTE-FLORET, « la greffe du cœur devant la morale et devant le
droit », Rev. sc. crim. 1969 p. 799 : « la constatation de la mort a toujours été une chose difficile.
Elle ne se fait que par échelons. Il y a des tissus qui meurent les premiers, d’autres les derniers,
si bien que la mort n’est pas un moment, mais une période ».
343
On recherche s’il existe encore une circulation encéphalique.
344
Cass. 1re civ., 19 octobre 1999, Petites Affiches, 23 février 2001, pp. 14-19, note B. PY,
« Contestation de la date de la mort figurant dans un acte de décès ».

125
« autant qu’on pourra le savoir », ce qui laisse une certaine part d’incertitude346.
La jurisprudence considère d’ailleurs que, à défaut de toute autre indication, le
décès doit être réputé s’être produit au plus tard le jour où il est constaté par
l’officier de l’état civil, cette présomption pouvant être combattue par tout
intéressé établissant le moment précis du décès347 par expertise médicale ou
autopsie par exemple348. Au contraire, en matière de prélèvement d’organes,
l’article R. 671-7-3 du code de la santé publique lève ce doute en imposant que
figurent toujours sur le certificat de décès les mentions de la date et de l’heure
du décès.

153. Bien que les textes semblent réserver ce constat au médecin349,


juridiquement, la disparition d’une personne ne se limite pas à cette mort
cérébrale, encéphalique réservée au médecin; le juge joue lui aussi un rôle. Il ne
se prononce aucunement sur la mort réelle d’une personne, mais sur une mort
juridique fictive, permettant de régler les questions patrimoniales se rapportant à
la personne disparue et à sa famille350.

154. Le pouvoir du juge peut s’exprimer dans deux domaines351 : l’absence et la


disparition.

345
R. SAURY, L’éthique médicale et sa formulation juridique, Sauramps, 1991, p. 118.
346
C’est pourquoi il a été jugé que l’acte de décès n’établit, quant à l’heure du décès, qu’une
simple présomption qui peut être combattue par la preuve contraire (Cass. 1 ère civ., 19 octobre
1999, Petites Affiches, 23 février 2001, n° 39, pp. 14-19, note B. PY).
347
Cass. 1re civ., 28 janvier 1957, Bull. civ. I, n° 43, Paris 31 mars 1962, D. 1962, p. 459.
348
CA Metz, 13 novembre 1991, JCP 1992, IV, 201.
349
Cf notamment CSP, art. L. 671-10 .
350
Cf C. civ., art. 120.
351
Avant 1854, les magistrats disposaient d’un autre pouvoir en matière de disparition fictive de
la personne ; ils ne se contentaient pas de constater une situation, mais prononçaient l’extinction
sur un plan social de la personnalité ; il s’agissait de la mort civile définie comme « l’état d’un
homme retranché de la société civile et qui ne peut plus contracter avec elle » (F. LAURENT,
Principes de droit civil français, T. 1, 1878, p. 506); ainsi, le mort civil perdait la propriété de
ses biens et ne pouvait de ce fait plus conclure de contrat dont ils étaient l’objet ; de même leur
mariage était dissous et par conséquent son régime matrimonial.

126
Le magistrat peut en effet, après avoir judiciairement constaté l’incertitude qui
règne quant au sort de la personne, prononcer un jugement de déclaration
d’absence qui permet de régler la situation notamment patrimoniale, comme si
le décès de l’absent était établi. Cette déclaration d’absence produit les mêmes
effets que la survenance du décès, le mariage de l’absent étant dissout, celui-ci
ne pouvant plus exercer aucun droit.

La date de cette extinction de la personnalité correspond à la date du jugement


déclaratif et non celle de sa transcription, même si l’article 128 du code civil
dispose que c’est à ce moment que le jugement prend effet. Mais cette datation
est une pure fiction puisque le plus souvent lorsque l’absence est déclarée, il est
probable que l’individu est décédé depuis longtemps.

Si la date réelle de la mort vient à être prouvée, la situation issue du jugement


demeure intacte. Seule sera modifiée la date du décès ce qui peut avoir de
regrettables conséquences sur certains contrats ; en effet, entre la date réelle du
décès et la date de transcription du jugement déclaratif, l’absent était considéré
comme vivant ; en réalité, il était déjà mort. Les effets du décès vont donc être
reportés : l’absent n’aurait normalement pas du hériter d’un bien dont son
conjoint aura par exemple disposé en le vendant ; la chose sur laquelle le
conjoint n’avait aucun droit a pu être vendue, ce qui peut entraîner la nullité du
contrat de vente qui constitue une vente de la chose d’autrui. De même, l’un des
héritiers de l’absent aura pu indûment donner à bail ou vendre un immeuble sur
lequel il n’avait pas de droit.

155. Outre le cas de la déclaration d’absence, le juge peut également prononcer


une fiction de mort en cas de disparition d’une personne dans des circonstances
de nature à mettre sa vie en danger352, lorsque le corps n’a pu être retrouvé.

Il appartient au tribunal d’apprécier si les circonstances de la disparition de la


personne étaient de nature à mettre en danger sa vie. S’il estime qu’il y a lieu de
prononcer la déclaration judiciaire du décès, il en fixe la date en tenant compte

352
C. civ., art. 88.

127
des circonstances de la cause et à défaut au jour de la disparition. C’est à cette
date que la personnalité du disparu est réputée éteinte.

Si le disparu réapparaît, l’annulation de la déclaration judiciaire de décès pourra


être requise avec toutes les conséquences que cela emporte et qui sont identiques
quand la date réelle de la mort de l’absent vient à être connue.

156. Contrairement au décès de la personne physique, la disparition d’une


personne morale n’est pas un événement subi par les associés, lorsqu’elle n’est
pas consécutive à une cessation de paiement, puisque l’initiative de la
dissolution leur appartient le plus souvent et revient parfois au juge ou est
imposé par le législateur.

Lorsque la disparition appartient au juge, la date de dissolution et donc


d’anéantissement de la personne morale est celle du jugement.

Une particularité doit être toutefois relevée : la personne morale se poursuit


malgré la dissolution pour les besoins de la liquidation et jusqu’à la clôture de
celle-ci. Concrètement cela signifie qu’une société dissoute ne conserve pas
moins sa capacité de contracter lorsque la liquidation le nécessite notamment
dans le cas de comblement d’une partie du passif. Dans cette hypothèse, la
personnalité s’éteint à la date de clôture de la liquidation.

Le changement de personne morale, sa transformation peuvent parfois être


imposés par le législateur. Ainsi décide-t-il que si la société ne remplit plus les
exigences prévues pour sa forme actuelle, elle doit être dissoute. Tel est le cas
de la société en nom collectif ; l’article L. 221-15, alinéa sept, du code de
commerce prévoit que si par suite d’un décès les parts sociales sont transmises à
des héritiers mineurs non émancipés, la société doit être transformée dans
l’année du décès en société en commandite ; à défaut devra-t-elle être dissoute.

La date de dissolution est donc la date anniversaire du décès du titulaire des


parts sociales ; l’imbrication entre les dates de disparition d’une personne
physique et d’une personne morale est remarquable ici; le décès de la personne

128
physique peut entraîner la disparition de la personne morale ainsi que celle du
contrat sociétaire, la date de résolution de ce contrat étant la date anniversaire du
décès du titulaire des parts.

129
Section II : les limites politiques de la volonté

157. Les limites politiques au libre choix des dates influant sur la vie du contrat
illustrent le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté.

Le droit évolue en tout domaine et cela de deux façons : avec ou sans


l’intervention du législateur.

158. Les réactions doctrinales et jurisprudentielles à l’encontre de l’autonomie


de la volonté ont été virulentes. Les tribunaux ont limité la liberté contractuelle
en donnant un sens plus large aux notions d’ordre public et de bonnes mœurs et
en les appliquant non seulement à l’objet, mais aussi à la cause du contrat en
tant que motifs déterminant de la volonté des parties.

Cette extension de la notion d’ordre public et de bonnes mœurs est d’autant plus
justifiée qu’aucun texte n’a défini ces termes353 et que, dans tous les cas où le
législateur n’a pas donné un caractère impératif à une règle, cette qualification
revient au juge.

Mais l’immixtion du juge dans ces deux notions ne s’arrête pas là. Outre l’ordre
public législatif, existe un ordre public jurisprudentiel, judiciaire duquel se
rapproche la notion de bonnes mœurs puisque ces deux concepts sont
d’inspiration conservatrice tendant à la sauvegarde de certains principes
permanents de civilisation.

353
En effet, ni l’article 6 du code civil qui interdit de déroger aux lois qui intéressent l’ordre
public ou les bonnes mœurs, ni l’article 1128 du même code aux termes duquel il n’y a que les
choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions, ni les articles 1131
et 1133 dont le premier annule le contrat reposant sur une cause illicite et dont le second attribue
ce caractère à la cause qui est prohibée par la loi et à celle qui est contraire aux bonnes mœurs ou
à l’ordre public ne contiennent de définition.

130
159. Cette appréciation d’ordre public et de bonnes mœurs n’est pas la seule
limite jurisprudentielle apportée à l’autonomie de la volonté. En interprétant les
contrats, les tribunaux ont souvent tendance à leur faire produire les effets qu’ils
estiment souhaitables, plutôt qu’à rechercher ceux que les parties ont le plus
vraisemblablement envisagés.

Les réactions législatives ont été plus profondes, la loi supprimant la liberté
contractuelle en imposant un certain formalisme dans l’intérêt général (§1) ou
dans celui plus particulier des consommateurs (§2).

§1.- Les limites tenant à la défense d’un intérêt général

Elles varient selon le moment de la vie du contrat considéré. Au stade de la


formation du contrat, on constate une certaine gradation (A), alors qu’au
moment de l’exécution de la convention, la volonté des contractants n’est pas
respectée (B).

A.- La gradation des limites à la volonté lors de la formation du contrat

160. Au stade de la formation du contrat, il peut arriver que la liberté de


contracter ou de ne pas contracter soit supprimée ; mais parfois l’autonomie de
la volonté se trouve simplement diminuée, les contractants devant respecter les
directives plus ou moins impératives établies dans leurs intérêts en vue de leur
protection. Cette dualité se rencontre a fortiori en matière de détermination de la

131
date de conclusion du contrat : la volonté des parties est alors soit encadrée, une
part de choix demeurant, soit inhibée.

L’encadrement de la volonté des parties est lui aussi graduel : certaines règles ou
principes sont supplétifs de la volonté des parties, d’autres sont impératifs.

161. Le principe en matière de formation des contrats est que ceux-ci sont
conclus lorsque l’offre et l’acceptation sont extériorisées et se rencontrent354.

Les parties peuvent choisir la date de formation de leur contrat de différentes


façons : ils peuvent déterminer la date à laquelle leur consentement devra être
réitéré dans un acte authentique (formalisme contractuel) ; ils peuvent également
décider de la date de rencontre de leurs volontés en déterminant par avance le
moment de leur rendez-vous au cours duquel seront échangés les consentements,
ou en choisissant le moment de la communication téléphonique au cours de
laquelle seront exprimées les volontés.

162. Mais ces exemples ne valent que pour autant que les parties soient en
présence l’une de l’autre. Il n’en est pas de même lorsque le destinataire de
l’offre accepte celle-ci en l’absence de l’offrant, un contrat pouvant valablement
se former sans que ses auteurs soient l’un et l’autre présents au moment de
l’acceptation355.

En effet, les parties étant à distance l’une de l’autre, l’expression et la rencontre


des volontés cessent de coïncider ; la naissance des contrats à distance n’est
alors pas, contrairement aux contrats conclus en présence des deux parties,
instantanée.

354
Par exemple, le contrat est formé lorsque les parties ont apposé leur signature en bas de
l’acte ; mais il peut y avoir alors discordance avec la rencontre des volontés.
355
Sauf pour le mariage (C. civ., art. 75) et pour le contrat de mariage (C. civ., art. 1394).

132
163. Au cas des contrats entre présents doit être assimilé le cas des contrats
conclus par téléphone356, sauf dans une hypothèse : celle où le législateur prive
la rencontre des volontés de tout effet en recourant au formalisme qu’est
l’exigence de la réitération de l’acceptation du consommateur par sa signature
apposée sur l’offre de confirmation envoyée par le professionnel 357. En dehors
de ces exceptions introduites par le législateur, le contrat par téléphone se forme
instantanément358. Non réunies physiquement, les parties s’entretiennent comme
si elles étaient en présence l’une de l’autre. Dès lors, le contrat ne présente
comme seule difficulté que sa localisation spatiale et non pas temporelle et
n’intéresse de ce fait pas cette étude.

164. Du contrat téléphonique pourraient être rapprochés le contrat par


télématique intervenant le plus souvent en matière de téléachat359, ainsi que le
contrat conclu par internet360.

S’agissant de la télématique, la téléphonie rend, en effet, possible la


communication directe entre les parties et l’échange instantané des
consentements lorsqu’il s’agit d’un système on line : la télématique équivaut
alors à un support prolongeant la volonté du vendeur, la volonté de l’offrant
étant alors programmée et déposée dans la mémoire du système . Cette remarque
vaut également pour les contrats en ligne conclus via internet361. Mais, face à un

356
Cass. Req., 14 mai 1912, D. 1913, 1, 281, note VALERY ; Cass. Req., 22 mars 1920, S. 1920,
1, 208.
357
Cf par exemple, en matière de démarchage téléphonique : C. consom., art. L. 121-27.
358
En ce sens : Cass. soc., 11 juillet 2002, Bull. civ. V, n° 254 ; D. 2003, 1718 : l’arrêt indique
que le contrat de travail est formé par l’acceptation de l’offre d’emploi par téléphone, au
domicile du salarié, ce qui révèle bien l’instantanéité de l’appel téléphonique.
359
Sur cette question, cf B. BIZEUL, Le téléachat et le droit des contrats, CNRS Edition, 1998 ; S.
RETTERER, « Le téléachat : un contrat de vente à distance face au regard du droit
communautaire », Contrats, conc., cons., avril 1998, chron., n° 4.
360
Sur la conclusion du contrat par internet, cf L. GRYNBAUM, « Projet de loi sur la société de
l’information : le régime du « contrat électronique », D. 2002, Le point sur…, pp. 378-379, spéc.
p. 379 ; D. MORENO, « Le droit français et le commerce électronique », Cah. dr. ent., 4/02, pp.
10-14.
361
La directive du 8 juin 2000 « relative à certains aspects juridiques des services de la société
de l’information et notamment du courrier électronique » (JOCE, 17 juillet 2000, n° L 178),
dans son article 11-1, impose au prestataire, l’obligation d’ « accuser réception de la commande

133
système off line, la similitude avec le contrat par téléphone disparaît en même
temps que l’instantanéité de l’échange des consentements, puisque la
télématique est alors assimilée à une boîte à lettre électronique ou à une forme
de répondeur téléphonique.

Ce contrat se rapproche alors du contrat par correspondance, cela d’autant plus


que la télématique recourt à l’écrit pour l’expression de l’acceptation définitive.
Une remarque similaire pourrait être formulée à l’égard des contrats en ligne.

165. En effet, pour qu’un contrat soit qualifié de contrat par correspondance, il
suffit que l’acceptation définitive soit exprimée en l’absence de l’offrant. Tel est
le cas lorsque la convention est conclue par lettre ou télégramme.

Deux questions se posent alors relatives d’une part à la localisation spatiale et


d’autre part à sa localisation temporelle. Seul le deuxième problème sera
envisagé ici, la détermination de la date de conclusion important notamment
pour apprécier la validité de la convention, pour établir sa prise d’effets lorsque
celle-ci est concomitante à la conclusion, ou encore en tant que conditions de
certaines actions.

166. Les rédacteurs du code civil ne s’étant pas prononcés sur cette question362,
c’est au juge qu’il a appartenu d’apporter des éléments de réponse au vu
notamment des diverses positions doctrinales.

Quatre systèmes étaient en effet avancés pour déterminer la date de conclusion


du contrat entre absents : ceux de l’émission, de la déclaration, de la réception,
et de l’information.

du destinataire sans délai injustifié et par voie électronique ». De même, la loi sur la société de
l’information prévoit l’accusé de réception de l’offre adressé par l’auteur de celle-ci (futur art.
1369-4 C. civ.). Sur cette question, cf G. DECOCQ, « Contrats conclus à distance et contrats par
voie électronique. Réflexion sur les procédures de formation du cyber-contrat de
consommation », Communication-Commerce électronique 2001, com., n° 131.
362
Sauf l’article 932 du code civil relatif à la donation qui se réfère au système de la réception et
l’article 1985 relatif au mandat qui préfère le système de l’émission.

134
Ces quatre théories peuvent être réunies en deux grands groupes. Le premier
groupe considère que le contrat est conclu dès qu’il y a coexistence de deux
volontés concordantes, c’est-à-dire dès l’acceptation. Cette réalité correspond
aux deux systèmes de la déclaration et de l’émission.

Dans le système de la déclaration, l’acceptation est donnée lorsque le


bénéficiaire de l’offre signe la lettre ou rédige le télégramme de réponse ; dans
celui de l’émission363, la conclusion n’intervient que lorsque l’acceptant s’est
dessaisi de sa déclaration, c’est-à-dire au moment où il a remis son télégramme
ou sa lettre à la Poste, ou dès l’instant où il a appuyé sur le bouton pour envoyer
sa télécopie. A l’appui de cette thèse, les auteurs364 se prévalent des articles
1985, alinéa deux, du code civil qui dispose que le mandat est parfait dès
l’acceptation même tacitement donné par le mandataire et 1121 qui prévoit que
le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui ne peut être révoqué par le stipulant
« si le tiers a déclaré vouloir en profiter ». Ces arguments n’ont que peu de
portée. En effet, la disposition relative au mandat lui est propre et ne pourrait
être étendue à d’autres contrats : le mandant a intérêt à ce que le mandataire
exécute sa mission ; c’est pour cela que les rédacteurs du code civil ont décidé
que le mandat était formé dès l’émission de l’acceptation, et avant même que le
mandant en ait eu connaissance. Quant à la stipulation pour autrui, celle-ci ne
présente aucun intérêt ici puisque, dans l’opinion dominante365, elle ne s’analyse
pas comme une offre faite par le stipulant au bénéficiaire.

167. Les deux dernières théories ont en commun de considérer que le contrat est
conclu seulement lorsque chacune des parties a connu ou a été en mesure de
connaître la volonté de l’autre. L’acceptant connaissant au moment de son
acceptation la volonté de l’offrant, le contrat ne peut être conclu que du jour où

363
Pour une analyse récente de cette théorie, cf L. GRYNBAUM, « Contrats entre absents : les
charmes évanescents de la théorie de l’émission de l’acceptation », D. 2003, chron, pp. 1706-
1710.
364 ème
Il s’agit principalement des auteurs du XIX siècle tels que DEMOLOMBE (t. XXIV, n° 75),
BAUDRY-LACANTINERIE ET BARDE (t. I, n° 37).
365
J. GHESTIN, C. JAMIN ET M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, n° 960 et s.

135
le pollicitant a connaissance de l’acceptation. Selon le système de l’information,
il faut que le pollicitant ait connaissance de l’acceptation, par exemple par la
lecture de la lettre. Ainsi l’article 932 du code civil prévoit que la donation entre
vifs n’engage le donateur que lorsqu’elle a été acceptée par le donataire et,
lorsque l’acceptation est faite par un acte postérieur, elle n’a d’effet à l’égard du
donateur que du jour où l’acte qui constate cette acceptation lui a été notifié366.

Le système de la réception assouplit la rigidité de la théorie de l’information


puisqu’il exige simplement que le pollicitant ait eu la possibilité de prendre
connaissance de l’acceptation ; ainsi la réception de l’acceptation fait présumer
l’information.

Les auteurs367 ont généralement exclu les systèmes de la déclaration et de


l’information principalement pour des problèmes de preuve368.

168. Pour la doctrine, seuls seraient donc applicables les systèmes de l’émission
et de la réception, en faveur desquels la jurisprudence s’est d’ailleurs prononcée.

La Cour de Cassation, pendant longtemps, est restée muette sur la question,


considérant que la localisation du contrat était une « question de fait » dépendant
« des circonstances de la cause » et relevait donc de l’appréciation souveraine
des juges du fond369.

366
Cf DE LABARRE, « La formation du consentement. Rôle du notaire dans les pourparlers », in
La formation du contrat : l’avant contrat, 62 ème Congrès des Notaires de France, Perpignan,
juin 1964.
367
J. FLOUR ET J.-L. AUBERT, op. cit., n° 171.
368
Ainsi, s’agissant du système de la déclaration, comme la volonté est interne par essence, il ne
prend en considération que l’extrinsécation de la volonté ; or la détermination du moment de
l’extrinsécation et donc du moment de la formation du contrat est difficile à établir et à prouver.
Pour le système de l’information, aux difficultés probatoires et d’établissement de la date à
laquelle le pollicitant a effectivement pris connaissance de l’acceptation, s’ajoute un déséquilibre
dans les relations entre les futurs contractants ; en effet, le promettant peut retarder autant qu’il
veut la formation du contrat en ne prenant pas connaissance de la réponse volontairement, en
décidant, par exemple, de ne pas ouvrir la lettre ou en partant en voyage, mais également non
intentionnellement en étant hospitalisé à la suite d’un accident ou d’une maladie.
369
Cass. Req. 6 août 1867, DP 1868, I, p. 35 ; Cass. Req. 1er décembre 1875, DP 1877, I, p. 451.

136
Ces derniers, selon les espèces, ont opté soit pour la théorie de l’émission370, soit
pour celle de la réception371.

En 1932, la Haute juridiction se prononçait enfin sur la question. Par un arrêt du


21 mars 1932 rendu en chambre des requêtes, en décidant que « la formation de
la promesse est réalisée et le contrat rendu parfait par l’acceptation des
propositions qui sont faites, dès l’instant où cette acceptation a eu lieu »372, elle
consacra le système de l’émission. Mais cet arrêt ne fixa pas la jurisprudence,
laquelle persista dans son hétérogénéité. Ainsi, alors que les chambres sociale373
et commerciale374 appliquaient la théorie de l’émission, la première chambre
civile375 se prononçait en faveur du système de réception.

Plus récemment376, la Chambre commerciale a réitéré sa position en réaffirmant


sa préférence pour le système de l’émission. Elle a en effet déclaré que « sauf
stipulation contraire », l’offre était destinée à devenir parfaite non par la
réception par son auteur de l’acceptation, « mais par l’émission par celui-ci de
son acceptation ». Tout en affirmant le caractère supplétif de cette règle, la
Haute juridiction a tout de même encore une fois consacré la primauté de la
théorie de l’émission.

169. Pourtant cette solution peut faire l’objet de critiques telles qu’il serait
opportun que le législateur intervienne en la matière. Il semble en effet qu’il
faille distinguer deux questions : tout d’abord une question de fait relative au
moment de l’acceptation qui doit s’analyser au vu de la volonté du destinataire

370
CA Douai, 15 mars 1886, DP 1888, II, p. 37 ; CA Bordeaux, 29 janvier 1892, DP II, p. 390.
371
CA Orléans, 26 juin 1885, DP 1886, II, p. 135 ; CA Lyon 12 avril 1892, DP 1893, II, p. 324.
372
Cass. Req. 21 mars 1932, Grands arrêts, p. 318, DP 1933, I, p. 65.
373
Cass. Soc. 2 juillet 1954, Bull. civ. IV, n° 485, Cass. soc. 20 juillet 1954, JCP 1955 II, n°
8775, note RABUT, Cass. Soc. 9 mai 1962, Bull. civ. IV, n° 420, Cass. Soc. 3 mars 1965, D.
1965, 492.
374
Cass. Com. 7 janvier 1959, Bull. civ. III, n° 10.
375
Cass. 1re civ., 21 décembre 1960, D. 1961,417, note PH. MALAURIE ; la Cour de cassation a
rejeté le pourvoi formé contre un arrêt rendu par une cour d’appel qui avait admis le thèse de la
réception.
376
Cass. com. 7 janvier 1981, Bull. civ. III, n° 14, RTD civ. 1981, p. 849.

137
de l’offre : a-t-il souhaité s’engager dès la rédaction et la signature de son
acceptation, ou lorsqu’il l’a envoyée, expédiée; une question de droit ensuite
s’agissant des conditions requises pour considérer que le contrat est formé. Il est
en effet nécessaire de décider si le contrat naît de la coexistence de deux
volontés ou seulement du concours conscient de deux volontés qui
réciproquement se connaissent, la date de conclusion différant de quelques jours
voire plus.

En résumé, pour que le contrat se forme, le pollicitant doit-il ou non avoir


connaissance de l’acceptation, ce qui conduit à choisir entre le système de
l’information et celui de l’émission ? La jurisprudence s’est prononcée pour le
système de l’émission377 en considérant, qu’à défaut d’indication de la volonté
des parties, il était logique de retenir la date de l’émission puisqu’il était normal
de présumer que, dès lors que les parties ont souhaité la conclusion du contrat,
elles ont désiré par là-même que celle-ci intervienne le plus tôt possible. Le
contrat serait donc conclu à la date d’émission de l’acceptation. C’est d’ailleurs
cette théorie que retient la législateur dans l’article 14 du projet de loi pour « la
confiance dans l’économie numérique »378. Cette disposition prévoit d’insérer
un article 1369-2 dans le code civil qui disposera que « le contrat proposé par
voie électronique est conclu quand le destinataire de l’offre, après avoir eu la
possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, ainsi que de
corriger d’éventuelles erreurs, confirme celle-ci pour exprimer son

377
Cette solution est loin d’être satisfaisante. En effet, l’expéditeur d’une lettre ou d’un
télégramme confiés à la Poste a le droit de le récupérer tant qu’il n’est parti. De même, la
jurisprudence admet de façon constante qu’une acceptation peut toujours être révoquée tant
qu’elle n’est pas parvenue au destinataire, ce qui porte à croire qu’il vaudrait mieux adopter le
système de la réception, l’acceptant n’ayant qu’à adresser une lettre recommandée avec accusé
de réception afin de constituer une preuve de la date de réception. Un dernier élément vient
renforcer l’application de la théorie de la réception et imposer une intervention législative : les
dispositions de la Convention de Vienne sur la vente internationale des marchandises. Ce texte
international a en effet réglé le problème de la conclusion du contrat entre absents en optant pour
le système de la réception. Aux termes de l’article 18 « l’acceptation d’une offre prend effet au
moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre ». Cette règle ne vaut
toutefois que pour la conclusion du contrat, l’article 16 prévoyant que l’offre « peut être
révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié l’acceptation ».
378
Projet de loi n° 89, JO AN Doc ; Projet de loi n° 195, JO Sénat Doc. ; L. GRYBAUM, « Projet
de loi « pour la confiance dans l’économie numérique » : encore un petit effort de rigueur
juridique pour un « contrat électronique » fiable », D. 2003, Cahier Droit des Affaires, point de
vue, p. 747.
Ce projet de loi a été adopté aux fins de transposition de la directive 2000-31 du 8 juin 2000
(JOCE L 178, 17 juillet 2000, D. 2000, Leg., p. 333).

138
acceptation ». La technique du « double clic » consacre donc le système de
l’émission de l’acceptation, alors que la directive « commerce électronique »
semble privilégier la théorie de la réception, l’article 11 indiquant que « le
prestataire accuse réception de la commande »379.

170. Mais l’encadrement de la volonté des parties n’est pas toujours aussi
souple. En effet, les règles ne sont pas toujours supplétives ; les dispositions
législatives sont parfois impératives et imposent le moment de la conclusion du
contrat.

Ainsi en est-il du contrat de mariage. En effet, aux termes de l’article 1395 du


code civil, celui-ci doit être antérieur au mariage. Ce principe de la nécessaire
antériorité a été consacrée à partir du XVIème siècle et expressément formulée
par les rédacteurs du code civil comme corollaire au principe de l’immutabilité
des conventions matrimoniales. Ainsi a-t-il été admis que ce contrat soit conclu
bien avant le mariage même pendant une procédure de divorce, en vue d’un
second mariage380. De même est-il possible que ce contrat soit conclu le jour
même du mariage pourvu que ce soit antérieurement à l’heure de la célébration
civile, la preuve pouvant être établie par tous moyens381.

379
C’est également la théorie de la réception qui a été retenue par les principes européens du
droit des contrats. L’article 2 :205 (1) PDEC dispose en effet que « si le destinataire de l’offre
expédie son acceptation, le contrat est conclu lorsque celle-ci parvient à l’offrant » (C. PRIETO,
« Moment de conclusion du contrat », Dr. et patr., avril 2003, Dossier Principes européens du
droit du contrat. Regards croisés avec le droit français, pp. 50-51).
Le choix du système de la réception effectué par la directive est d’ailleurs conforme à celui des
conventions internationales. Ainsi, la Convention de La Haye sur la vente internationale des
objets mobiliers corporels prévoit dans son article 10 que « l’acceptation est irrévocable sauf si
la révocation parvient à l’auteur de l’offre avant ou en même temps que l’acceptation ».
La Convention sur la vente internationale de marchandises a également affirmé à plusieurs
reprises son choix du système de la réception ; l’article 22 prévoit que « l’acceptation peut être
rétractée si la rétractation parvient à l’auteur de l’offre avant le moment où l’acceptation aurait
pris effet » ; l’article 23 déclare que le contrat est conclu au moment où l’acceptation d’une offre
prend effet ; l’article 15-1 dispose que « l’offre prend effet lorsqu’elle parvient au destinataire ».
380
CA Paris, 22 juin 1954, D. 1955, 662, note A. WEILL.
381
Cass. civ., 18 août 1840, D. 1840, I, 327.

139
171. D’autres principes peuvent être édictés afin de protéger les contractants ; tel
est le cas de la fixation impérative de la date d’extinction du contrat dans le
cadre de l’interdiction des contrats perpétuels382.

Cette interdiction n’est pas posée en principe général par le législateur, mais est
exprimée par différents articles du code civil383 et fondée plus généralement sur
l’interprétation de l’article 1134 alinéa deux du code civil. Il résulte de ce texte
que les contrats à durée indéterminée sont licites dès que chacune des parties
bénéficie d’une faculté de résiliation, sous réserve384 de ne commettre aucun
abus dans l’exercice de cette faculté385. Cette interdiction trouve également une
justification économique ; en raisonnant en termes de concurrence, il apparaît
que, du fait de leur durée, ces contrats constituent une barrière à l’entrée sur le
marché d’agents économiques qui seraient en mesure de devenir des
concurrents. L’indissolubilité et le caractère perpétuel de telles relations
empêchent ces agents de se porter candidats à une relation contractuelle386.
387
Selon M. RIZZO , « l’engagement perpétuel fonctionne en tant que facteur de
sclérose du système économique ».

172. Toute la difficulté réside cependant dans la détermination de la notion


d’engagement perpétuel. Deux approches de cette notion ont en effet été
avancées : une approche subjective qui consiste à apprécier la perpétuité in
concreto, en fonction de la durée particulièrement probable de l’existence du
débiteur ; une approche objective qui considère que la perpétuité se manifeste

382
Cette date est fixée impérativement lorsque les parties ont omis d’en préciser une, sans
corrélativement accorder de faculté de résiliation unilatérale, ou lorsque le contrat est prévu pour
une durée trop longue.
383
Cf supra, n° 100.
384
C. civ., art. 1134, al. 3.
385
Cass. 1re civ., 5 février 1985, Bull. civ. I, n° 54, RTD civ. 1986, p. 105, obs. J. MESTRE ; Cass.
com., 14 novembre 1989, Bull. civ. IV, n° 286 : « Il résulte de l’article 1134 que, dans les
contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale
est, sauf abus, sanctionnée par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux deux parties ».
386
L. VOGEL ET J. VOGEL, « Vers un retour des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de
la distribution », Contrats,conc.,cons. août-septembre 1991 p. 1-2.
387
F. RIZZO, « Regards sur la prohibition des engagements perpétuels », Dr. et patr., 2000, n° 78,
pp. 60-68.

140
par une volonté active de ne pas conférer de fin au contrat. Selon les contrats,
ces deux approches ont été alternativement retenues par les rédacteurs du code
civil. Ainsi pour les contrats de société et les baux, le législateur a-t-il retenu une
conception objective fixant comme date d’extinction du contrat en cas de silence
des parties la date de conclusion à laquelle sont ajoutées 99 années. Tel n’a
cependant pas toujours été la cas en matière de société, l’article 1844 du code
civil, dans sa rédaction initiale, ayant retenu la conception subjective. Ainsi
disposait-il que « s’il n’y a pas de convention sur la durée de la société, elle est
censée contractée pour toute la vie des associés ». La perpétuité de la société se
mesurait donc en fonction de la durée de vie des associées.

173. Toutefois la date d’extinction, correspondant à celle du décès de l’un ou


des associés en tant que terme, est parfois jugée excessive par le législateur. En
effet, retenir comme date de libération de l’engagement, la date de disparition de
la personne, n’est-ce pas l’engager perpétuellement dès lors que l’on envisage la
notion de perpétuité de manière subjective comme en droit pénal. Le fait d’être
tenu à vie revient donc à être tenu à perpétuité.

C’est pour cette raison qu’en matière de contrat de travail, a été interdit
l’engagement à vie et non celui de 99 ans, l’article 1780 alinéa premier du code
civil disposant qu’ « on ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une
entreprise déterminée ».

174. La volonté des contractants est donc ici encadrée en ce qu’elle ne peut fixer
comme date d’échéance du contrat une date qui conduirait à lier indéfiniment les
parties. Ainsi en est-il de la stipulation d’un terme certain mais dont la date de
survenance pousse à retenir la qualification de perpétuel ; a fortiori en est-il
d’un terme incertain388, les parties ayant sciemment ou non omis de le fixer389. Il

388
Cas du décès d’une personne, l’incertitude affectant sa date de réalisation.
389
Cas du prêt sans échéance (C. civ., art. 1900) ou stipulé remboursable lorsque le débiteur le
pourra (C. civ., art. 1901).

141
appartient alors au juge de fixer un terme raisonnable suivant les circonstances.
Mais dans d’autres cas, le juge ne vient pas suppléer la volonté des contractants.
Usant du pouvoir qui lui est conféré par le législateur impose aux parties la date
d’un événement qu’elles n’avaient même pas prévu.

142
B. – Le non-respect des volontés des contractants quant à l’exécution de leur
convention

175. Le législateur a souvent donné au juge la possibilité de contrecarrer la


volonté des contractants quant au devenir du contrat et quant à ses effets. Celui-
ci a en effet la possibilité de retarder temporellement la survenance d’un
événement voulu par les parties.

Alors que la règle pacta sunt servanda exige l’exécution rigoureuse du contrat et
doit inciter le législateur à ne pas détourner les parties de la loi contractuelle, le
code civil avait initialement apporté quelques tempéraments en faveur des
débiteurs, en permettant au juge d’accorder des délais supplémentaires et
d’ajourner la résolution du contrat ; les atteintes du législateur moderne sont
beaucoup plus nombreuses et s’étendent à des branches autres que le droit civil.

1.- L’ajournement de la rupture

176. Les cas d’ajournement de la rupture du contrat sont nombreux.


Parallèlement aux pouvoirs du juge en matière de rupture du contrat due à la
perte de la chose et de la volonté des parties, le législateur lui permet d’influer
sur la date voulue. Généralement ces dates influant sur la volonté des parties
sont des dates extérieures au contrat établies par le juge.

177. Tout d’abord, en matière de contrat à durée déterminée, les parties ont pu
choisir la date de fin du contrat qui en l’espèce est le terme. La rupture peut ne
pas se produire à la date voulue pour satisfaire à l’intérêt supérieur qu’est la
sauvegarde de l’entreprise. En matière de procédure collective, l’administrateur

143
dispose, au début de la période d’observation, du pouvoir de décider ou non de
la continuation du contrat, même conclu intuitu personnae. Ce droit d’option lui
est offert durant un délai de un mois « à compter de » l’ouverture de la
procédure collective390. Or ce délai peut être prorogé de même que la suspension
du contrat à durée déterminée s’y rattachant. Contrairement à la situation de
droit commun, lorsque le terme du contrat à durée déterminée arrive pendant la
période de suspension, il est admis que les effets doivent en être reportés au-delà
de cette période. La prorogation du délai entraîne la prorogation du contrat dont
la durée initiale est modifiée. Le pouvoir judiciaire intervient donc indirectement
sur les modalités contractuelles en accordant cette prolongation.

La suspension des contrats à durée déterminée réalise donc une préservation de


ce type de contrat en paralysant provisoirement la cause de rupture attachée à
leur nature juridique.

Aux termes de l’article L. 814-6 du code de commerce391, le mandataire de


justice est donc doté d’une arme efficace contre la rupture du contrat, les
conséquences du mécanisme de prolongation judiciaire du droit d’option
assurant son maintien en vue de la continuation de l’entreprise au prix
d’atteintes au droit commun.

178. De même la volonté des cocontractants peut être paralysée en matière de


résolution du contrat. Celle-ci peut résulter de la mise en œuvre d’une clause
résolutoire et se produit alors à la date où la décision de rupture est connue de
l’autre partie. Or ces projets peuvent être contrariés et la résolution paralysée
dans certains cas relevant soit du législateur soit du juge.

179. S’agissant tout d’abord de l’atteinte à la volonté des contractants par le


législateur ; celui-ci vient paralyser le jeu de la clause résolutoire. Ainsi, en

390
Cf supra n° 110.
391
Anciennement : loi du 25 janvier 1985, art. 37 al. 3.

144
matière de procédure collective, il était habituel pour les contractants d’insérer
dans leur contrat des clauses qui leur permettaient de cesser leur relation
contractuelle à la suite du redressement judiciaire, sans qu’aucune autre
condition juridique ne soit nécessaire. La résolution était donc automatique.

Mais, afin de sauvegarder les intérêts des créanciers et de l’entreprise, le


législateur de 1985 a consacré le gel de ces clauses. Ainsi l’article L. 621-28,
alinéa 6 du code de commerce, dispose que « nonobstant toute disposition légale
ou toute clause contractuelle (…) aucune résiliation ou résolution du contrat ne
peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement
judiciaire ».

Les juges ont même poussé plus loin la paralysie de la clause résolutoire. Ainsi
ont-ils décidé qu’en matière de bail rural, la clause résolutoire pour défaut de
paiement ne produira effet que si cette clause a fait l’objet, avant le jugement
d’ouverture, d’une décision de justice passée en force de chose jugée392. Ainsi,
si la procédure collective est ouverte le 1er juin 2000, aucune rupture du contrat
ne pourra intervenir automatiquement le 1er juin et la volonté du contractant dont
la volonté de mettre fin au contrat s’est exprimée à cette date, ne produira effet
que si la décision de justice passée en force de chose jugée est elle-même
antérieure au 1er juin. Ce raisonnement est toutefois choquant puisqu’il vise
l’effet de la clause résolutoire qu’est la rupture du contrat. Or il conduit à ce que
la mise en œuvre de la clause soit acquise, mais pas son effet ; la rupture est
acquise, mais n’est pas effective, ce qui aboutit à l’illogisme suivant : la possible
continuation par l’administrateur d’un contrat dont la rupture est acquise.

180. Sur ce problème de la date d’effet d’une clause résolutoire, la cour de


cassation a tranché un intense débat doctrinal et des divergences
jurisprudentielles en décidant que la décision d’un tribunal relative à la
constatation de la résiliation d’un bail ne pouvait plus être exécutée393. Ainsi, le

392
CA Douai, 25 février 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, jur., p. 337.
393
Cass. com., 12 juin 1990, Bull. civ. IV, n° 172, JCP G 1990, IV p. 329, D. 1990, inf. rap., p.
188.

145
bailleur ne peut plus agir en résiliation du bail dès le prononcé du redressement
judiciaire, même si la résiliation résulte de l’application d’une clause résolutoire
mise en œuvre avant ledit redressement dans les conditions de l’article 25 du
décret n° 53-960 du 30 septembre 1953.

Si la demande de résolution pour cause d’inexécution porte sur un engagement


autre que le paiement de loyer et si le bailleur a délivré un commandement
d’avoir à mettre un terme à l’infraction avec rappel d’une clause résolutoire
inscrite au bail, le bailleur ne pourra se voir opposer ni l’article L. 621-28 du
code de commerce, ni l’article L. 621-40 du même code394 sur la suspension des
poursuites, dans la mesure où le délai imparti au débiteur sera expiré avant la
date du jugement d’ouverture. La résiliation sera acquise même si elle n’a pas
encore été constatée. Dès lors il semble ne pas pouvoir exister de clause
résolutoire automatique, mais seulement semi-automatique, nécessitant
l’intervention du juge.

181. Ainsi cette intervention peut paralyser la résolution. Dans le droit commun
des obligations, le débiteur, à qui la clause résolutoire est apposée, peut saisir le
juge, postérieurement ou antérieurement à son exercice.

S’il sollicite l’intervention du juge après la mise en œuvre de la clause, le juge


n’aura comme possibilité que de constater la résiliation ou la résolution
intervenue dès lors que les conditions en sont remplies.

Toutefois l’intervention du juge peut contrecarrer la volonté des parties, quant à


la date de rupture, en paralysant l’automaticité de la clause. Le juge peut, en
effet, refuser de constater la résolution du contrat invoquée par le créancier
lorsque celui-ci est de mauvaise foi, c’est-à-dire lorsqu’il a été animé par une
intention malveillante. Tel est le cas par exemple, du créancier qui met en
demeure son débiteur dans des conditions telles qu’il ne peut remédier à ses

394
Anciennement : loi du 25 janvier 1985, art. 47.

146
manquements395. Le juge refuse donc le départ du délai conditionnant la survie
du contrat, la date de mise en demeure n’étant pas libre dans le cas où elle est le
fruit d’une intention malveillante.

182. S’il sollicite l’intervention du juge antérieurement à la mise en œuvre de la


clause, le débiteur se retrouve dans le cas prévu par l’article 1184 du code civil
qui dispose que la condition résolutoire est sous entendue dans les contrats
synallagmatiques, l’effet de la clause étant anéanti du fait de l’antériorité de la
mise en œuvre de la résolution judiciaire par rapport à celle de la clause
résolutoire.

Certains auteurs396 en ont déduit que la résolution judiciaire est l’effet d’une
clause résolutoire tacite, d’une condition sous entendue. Cette opinion peut être
discutée puisque la résolution n’intervient pas automatiquement, mais doit être
prononcée par le juge et ce n’est qu’à compter de la décision qui la prononce
que la résolution est acquise.

Mais l’article 1184 du code civil permet également au juge d’accorder un délai
qui vient contrecarrer la volonté des parties et les maintenir dans une relation
contractuelle qu’elles ne désirent plus poursuivre.

2.- L’octroi d’un délai supplémentaire :la paralysie de la date d’effet prévue au
contrat

395
Ainsi plusieurs arrêts de la Cour de cassation approuvent les juges du fond d’avoir décidé que
les sommations d’exécuter l’obligation prévues dans la mise en œuvre de la clause résolutoire
devaient être réputées sans effet lorsque le bailleur avait manqué à la bonne foi en les faisant
effectuer pendant les vacances d’été.
396
B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, Les obligations, 2. Contrat, Litec, 6ème éd.,
1998, §. 1952 et s.

147
183. La question de la paralysie de la date d’effet prévue au contrat se pose
surtout dans le cadre des contrats à durée déterminée dans lesquels un terme est
prévu. Les parties peuvent, en effet, prévoir que la date d’extinction du contrat
sera la date de réalisation soit de l’obligation principale, soit de toutes les
obligations des contractants. Or, il peut arriver que ce terme conventionnel soit
modifié par le législateur ou par le magistrat. Il sera alors paralysé au profit d’un
terme légal ou d’un terme judiciaire.

184. Généralement le terme légal est fixé par la loi, soit en différant l’exigibilité
de certaines obligations suivant leur nature, soit en accordant suivant la
catégorie du débiteur un droit de différer l’exécution de son obligation pendant
une certaine durée ou jusqu’à une certaine date.

Ces délais sont qualifiés de moratoires légaux397, par opposition à ceux accordés
par le créancier. En effet, le moratoire peut consister soit dans l’acte par lequel
un ou plusieurs créanciers consentent au débiteur des délais et parfois même un
échelonnement des paiements, soit dans une mesure législative exceptionnelle et
collective accordant un délai en raison de circonstances graves rendant difficile
l’exécution des obligations. Cette dernière définition correspond aux moratoires
légaux.

185. Ces mesures revêtent donc un caractère exceptionnel, puisqu’elles ne sont


accordées qu’en période de crise en raison de circonstances particulièrement
graves telles que la guerre ou les paralysies par mouvement de grève. Elles font
donc l’objet de lois de circonstances, généralement temporaires, et sont
justifiées à partir du moment où l’intérêt public est menacé. Ainsi ont été
édictées durant les périodes de guerre différentes lois accordant des délais

397
T. BONNEAU, , Rép. civil Dalloz, v° « Moratoire », 1992 ; MARTY, RAYNAUD, JESTAZ, Traité
de droit civil : le régime, 2ème éd., 1989, Sirey, n° 66 et s ; MAZEAUD ET CHABAS, Leçons de droit
civil : t2, 1er vol, Obligations : théorie générale, 8ème éd, 1991, Montchrestien, n° 915 et s ; F.
ème
TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 7 éd., 1999, n° 376, n°
921 et s.

148
relativement aux obligations contractuelles, telles que la loi du 5 août 1914
emportant la suspension temporaire des toutes les échéances de tous les
débiteurs, la loi du 26 février 1941 comportant des moratoires pour le paiement
des loyers ; de même durant les événements de 1968, une loi du 13 juillet 1968 a
prorogé des délais de paiement.

Ensuite, ces mesures sont collectives puisqu’elles visent généralement un


nombre de personnes indéterminé sans prendre en considération la personne du
débiteur, le moratoire pouvant cependant être spécial quant aux personnes ou
quant aux créances.

Enfin elles sont automatiques puisque le juge n’a pas à apprécier si le débiteur
peut ou non en bénéficier.

186. Tous ces caractères permettent d’ailleurs de distinguer les moratoires


légaux des délais de grâce, notamment établis par les articles 1244 et suivants du
code civil. En effet, alors que le moratoire est général, automatique et
exceptionnel, le délai de grâce est accordé en fonction de la personne du
débiteur par le juge et est issue d’une disposition législative permanente.

Une seule similitude peut être relevée entre moratoire et délai de grâce qui est
une similitude d’objets. L’objet de ces deux mesures est en effet l’octroi de
délais. Mais ces deux mesures différent : le moratoire ne consiste pas seulement
en des délais de paiement, mais également en des délais d’échéance, pour
accomplir des actes, pour exercer des voies de recours, suspensifs de l’effet de
certaines clauses.

187. Quant à ses effets, le moratoire, s’il porte sur un délai de paiement pour
dettes échues, emporte suspension des mesures d’exécution, mais il n’ôte pas à
la dette son caractère exigible. S’il consiste en un report d’échéance d’une dette
non échue, l’exigibilité de la créance est ici suspendue. La prorogation de

149
l’échéance entraîne donc modification du terme. L’obligation ne sera exigible
qu’à la date de la nouvelle échéance.

Si le moratoire a pour objet la possibilité d’accomplir des actes dans un nouveau


délai, il permet aux titulaires du droit de s’en prévaloir, alors que le délai normal
n’était pas expiré.

Automatique, le moratoire n’appelle donc pas l’intervention du juge. Mais par


dérogation au principe selon lequel le juge ne doit pas modifier la convention
qui fait la loi des parties, le législateur a parfois octroyé aux magistrats la
possibilité d’accorder des délais de grâce qui ont pour effet de retarder
l’exécution du contrat pourtant déterminée par les parties.

188. Ces délais de grâce, c’est-à-dire « des mesures que le juge accorde au
débiteur dont la dette est exigible et que le créancier poursuit, pour se
libérer »398 existaient déjà dans l’Ancien droit qui connaissait la lettre d’état et la
lettre de répit.

Rédigé à l’époque napoléonienne où le débiteur n’était pourtant pas défendu


comme aujourd’hui, l’article 1244 du code civil est clair399. Il disposait que « le
débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette
même divisible.

Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur et


compte tenu de la situation économique, accorder pour le paiement des délais
qui emprunteront leur mesure aux circonstances, sans toutefois dépasser « deux
ans » et surseoir à l’exécution des poursuites, toutes choses demeurant en
l’état ». Cette disposition se révélait ainsi dérogatoire à l’article 1134 du code
civil.

398
J. ISSA-SAYEGH, « Extinction des obligations, Paiement : modalités, époque et lieu », J-Cl
civ., article 1235 à 1248, fasc 40.
399
Cf C. GAVALDA, « Le délai de grâce judiciaire de l’article 1244 et suivant du code civil », Dr.
et patr. avril 1997, p. 62-63.

150
A la suite des bouleversements économiques et sociaux du XXème siècle
consécutifs aux guerres, cette notion de contrat ayant force de loi pour les
parties s’est affaiblie. Selon JOSSERAND, une série de lois est venue « énerver la
force obligatoire des contrats soit en accordant des délais ou des moratoires aux
débiteurs, soit en instituant contre le gré du créancier, la révision des
conventions librement et régulièrement conclues entre les parties ». Parmi ces
lois figurent celles qui ont modifié l’article 1244 du code civil. Ainsi en est-il
des lois du 25 mars 1936 et du 20 août 1936 qui ont modifié l’article 1244
comme suit : « les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du
débiteur et compte tenu de la situation économique, accorder, pour le paiement
des délais qui emprunteront leur mesure aux circonstances, sans toutefois
dépasser un an, et surseoir à l’exécution des poursuites, toutes choses demeurant
en l’état.

En cas d’urgence, la même formalité appartient, en tout état de cause, au juge


des référés ».

La loi du 11 octobre 1985, dans son article 7, a porté le maximum du délai de


grâce à 2 ans. Puis la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 a modifié l’article 1244 qui
devient les articles 1244-1 à1244-3.

Cette modification de l’article 1244 s’inscrit dans la réforme des voies


d’exécution et des procédures collectives nouvellement instituées au profit des
particuliers et des familles surendettées. L’apport de cette dernière loi résulte
dans les pouvoirs accordés au juge : celui-ci peut en effet, dorénavant, non
seulement accorder des délais de paiement, mais aussi réduire le montant de la
dette par réduction du taux d’intérêt. Les juges du fond disposent d’un pouvoir
souverain d’appréciation pour décider si le débiteur peut bénéficier de mesures
de grâce ; mais ils se forgent leur opinion au vu de différents éléments soit
imposés par le législateur, soit se déduisant de la notion même de grâce.

151
400
189. Selon M. SERIAUX , à côté de ces grâces privées figurent les grâces
publiques, c’est-à-dire celles qu’accorde un pouvoir institué ou constitué malgré
le droit certain d’autrui, autrui étant la société en général ou une personne privée
créancière d’une autre. La grâce fait donc exception au droit et trouve son
fondement dans la bienveillance du magistrat et non dans son sens de la justice ;
en effet, en droit commun, seul un événement de force majeure, un cas fortuit,
un fait du prince excuseraient le défaut d’exécution de l’obligation. Or la grâce
l’excuse en donnant un délai supplémentaire pour accomplir l’obligation, alors
que l’on ne se situe dans aucune des hypothèses précédentes. Elle assouplit, par
la bienveillance des magistrats, un régime parfois trop rigide et tenant trop peu
compte des motifs du débiteur défaillant. Et justement, à côté de la bienveillance
doivent figurer de solides arguments et motifs allégués par le débiteur en vue de
l’obtention de sa grâce.

M. SERIAUX effectue un parallèle avec les théologiens médiévaux pour définir ce


qui peut faire opter pour le prononcé du délai de grâce. SAINT THOMAS D’ACQUIN
se posait le problème de savoir si Dieu pouvait accorder une vie éternelle en
stricte justice (ex condigno) aux chrétiens morts en état de grâce. La réponse
apportée était négative, Dieu ne récompensant non en stricte justice, mais en
vertu de l’excellence de sa propre puissance (ex congruo). Il en déduit que la
grâce ne peut être obtenue que de façon identique, c’est-à-dire selon les mérites
personnels, ceux qui en eux-mêmes ne sont pas suffisants pour justifier d’un
droit à des délais de paiement. C’est d’ailleurs cette voie que nous invite à suivre
le législateur en faisant référence à la « situation du débiteur »401 qu’il soit
débiteur d’une somme d’argent ou débiteur de toute autre obligation et
également, depuis 1991, à la prise en considération des besoins du créancier.

190. En effet, en dehors des causes d’impossibilité d’accorder le délai


énumérées par l’article 512 du nouveau code de procédure civile402, d’autres

400
A. SERIAUX, « Réflexions sur les délais de grâce », RTD civ. 1993, pp. 789-801.
401
Cf C. civ., art. 1244-1, anc. art. 1244 al. 2.
402
Cf NCPC, art. 512: « Le délai de grâce ne peut être accordé au débiteur dont les biens sont
saisis par d’autres créanciers ni à celui qui est en état de redressement judiciaire ou de

152
éléments plaident en faveur de l’octroi de la mesure de grâce. Ces éléments ont
été établis par la jurisprudence à défaut de dispositions législatives générales
expresses403.

De l’étude des différentes décisions de jurisprudence, il apparaît que deux


éléments d’appréciation sont retenus afin d’établir que le débiteur mérite l’octroi
de délai de grâce, deux éléments permettant d’évaluer ses mérites personnels
pour l’octroi d’une telle mesure ; il s’agit du malheur du débiteur et de sa bonne
foi.

Souvent en effet les juges constatent pour octroyer la mesure de grâce que le
débiteur est malheureux et de bonne foi404. Il ressort même de certains
jugements que ces deux éléments sont la condition nécessaire de l’octroi de la
mesure405.

191. Reste à déterminer ce que les juges entendent par malheur et bonne foi. La
notion de malheur est assez perceptible si l’on se réfère à sa définition
commune : est malheureux celui qui est accablé de malheurs et le terme malheur
est lui-même défini comme l’événement qui affecte péniblement, cruellement
quelqu’un, un désagrément, un ennui, un inconvénient. Mais, alors que le
vocabulaire commun assimile au malheur non seulement les petits ennuis, mais
également les catastrophes, le juriste doit opter pour une vision plus restrictive
du malheur, pour une portée plus minimaliste sous peine de qualifier le malheur
de force majeure. Or la force majeure est à elle seule un élément excusant
l’inexécution et rendant inutile l’octroi de délai de grâce. En effet, selon les

liquidation judiciaire, ou qui a, par son fait, diminué les garanties qu’il avait données par contrat
à son créancier ».
403
Existent certains textes spéciaux faisant référence aux éléments à prendre en considération ;
ainsi certains se réfèrent au licenciement du débiteur (loi 10 janvier 1978, art. 8 ; loi du 13 juillet
1979, art. 14), d’autres au fait que l’occupant d’un local d’habitation ou à usage professionnel
ayant fait l’objet d’une mesure d’expulsion ne pourra se reloger dans des conditions normales
(CCH, art. L. 613-1).
404
Cass. com., 21 janvier 1953, D. 1953, 197 ; Cass. soc, 12 avril 1956, D. 1956, som., p.110,
Bull. civ. V, n° 318 ; Cass 1ère civ., 8 octobre 1962, Bull. civ. I, n° 403 ; en cela suivie par les
juridictions du fond : CA Angers 17 décembre 1937, Gaz. Pal. 1938, 1, 398.
405
CA Aix en Provence 29 novembre 1973, D. 1974, som., p. 23.

153
conséquences de l’événement de force majeure, l’inexécution sera totalement
pardonnée et l’exécution impossible406 ou l’exécution sera simplement
suspendue en attendant que les effets dommageables soient réparés.

Dès lors, le débiteur malheureux n’est pas celui qui se trouve dans une
impossibilité de s’acquitter de ses engagements, mais celui qui, « en raison de
circonstances indépendantes à sa volonté », éprouve des difficultés réelles et
sérieuses et ne peut pas faire face à ses engagements immédiatement407.

Une liste non exhaustive peut être établie s’agissant de ces circonstances
constitutives d’un malheur ; tel est le cas des revenus modestes408, du
chômage409 et des difficultés financières de l’entreprise personnelle du
débiteur410 ou de l’entreprise dans laquelle il travaille411.

Aussi a-t-il été jugé que n’est pas malheureux le débiteur qui est solvable et qui
se borne à discuter la valeur des jugements rendus à son encontre.

192. Quant à la bonne foi, ont été déclarés comme tels les débiteurs qui par leur
comportement se montrent disposés à payer leurs dettes, font de leur mieux pour
atteindre ce but412 et ne se livrent à aucune manœuvre ou fraude pour diminuer
leur actif qui est le gage des créanciers413.

406
Cf le cas de la destruction de la chose objet du contrat.
407
En effet, en vertu de la jurisprudence, il suffit qu’ « une situation ne lui permette pas de se
libérer immédiatement », Cass. com., Bull. civ. III, n° 213.
408
CA Besançon 14 janvier 1993, Juris-Data n° 040147 : personnes âgées percevant une
pension de retraite de 4700 francs, non imposables et titulaires d’une carte d’invalidité à 80% ;
CA Orléans, 5 mai 1992, Juris-Data n° 043085 : retraités aux ressources médiocres ; CA Paris,
1er juin 1989, Juris-Data : handicapé à 80% aux ressources modestes ; CA Versailles, 6 juin
1989, Juris-Data n° 045730 : personne divorcée qui justifie d’une situation financière difficile ;
voir également CCH, art. L. 613-2.
409
CA Montpellier, 2 avril 1992, Juris-Data n° 034222 ; CA Orléans, 19 novembre 1992, Juris-
Data n° 046812 : le chômage peut être dû à une démission même abusive dès lors qu’elle se
justifie par l’imminence du dépôt de bilan de l’employeur.
410
CA Rennes, 7 juin 1989, Juris-Data n° 045014.
411
CA Riom, 9 octobre 1989, Juris-Data n° 052346.
412
CA Paris, 22 mai 4992, Juris-Data n° 021366 : le débiteur a fait le nécessaire pour
régulariser la situation administrative de son exploitation ; CA Orléans, 9 octobre 1990, Juris-

154
Alors que la bonne foi ne permet pas à elle seule l’octroi de délais, la mauvaise
foi peut seule le priver du bénéfice de la mesure de grâce. D’ailleurs le pénal
tenant le civil en l’état, la mauvaise foi pénalement reconnue par la juridiction
répressive414 suffira à priver le débiteur délinquant de l’octroi de mesures de
grâce.

193. Mais les mérites personnels ne suffisent pas à l’octroi de délai dont
l’obtention peut être compromise au vu de la situation du créancier. Selon
l’article 1244-1 du code civil, les juges doivent prendre en compte les besoins
du créancier qui permettent de justifier un paiement immédiat ou plus rapproché
que celui que sollicite le débiteur.

Il s’agit donc de trouver un équilibre raisonnable entre les parties en présence et


de sacrifier ceux du débiteur si les besoins du créancier s’avéraient plus
415
pressants que la gêne de celui-là. M. le doyen CARBONNIER et M. SANZ DE
416
ALBA ont soutenu qu’il s’agissait d’équité, puisque le juge écarte la loi
générale qui veut que le créancier reçoive son dû au moment prévu, au profit
d’une mesure particulière mieux adaptée aux circonstances. Or pour M.

SERIAUX, « l’équitable n’est rien d’autre que ce qui est juste. Or le juste consiste
à ce que le débiteur respecte scrupuleusement ses engagements quoiqu’il en
coûte ». Il ne peut donc s’agir d’équité.

Semble être appliqué ici l’adage romain summum jus, summa iniuria. Pendant
un siècle, les débiteurs poursuivis se sont présentés humblement devant le
tribunal qui rendait des décisions favorables car dictées par un sentiment de pitié
qui empêche qu’une suprême injustice résulte de l’application stricte du droit.
Ce n’est donc pas tant en terme d’équité , mais au nom d’une certaine

Data n° 050830 : le débiteur a mis en vente ses biens immobiliers pour rembourser son
créancier.
413
CA Colmar, 22 décembre 1936, Rev Alsace-Lorraine 1937, p. 134.
414
Par exemple, la condamnation pour tenue irrégulière de comptabilité, le défaut de déclaration
de cessation des paiements, la banqueroute.
415
J. CARBONNIER, Droit civil, introduction, PUF, collection Thémis, 2ème éd, 1992, n° 14.
416
R. SANZ DE ALBA, Sur quelques aspects de l’équité, Thèse Aix, 1980.

155
compassion ou solidarité entre les membres du corps social que les délais de
grâce sont accordés.

194. S’agissant d’un délai, deux dates comptent : celle de départ de ce délai et
celle du terme différé par le juge au maximum de deux ans.

La détermination du point de départ du délai de grâce est importante pour


vérifier si le maximum autorisé par la loi n’est pas dépassé. Elle l’est également
s’agissant de la durée des suspensions issues des mesures de grâces. Ces
mesures entraînent, en effet, la suspension des procédures d’exécution qui
auraient été engagées par le créancier417, celle de la réalisation des clauses de
résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une
décision de justice ayant acquis autorité de la chose jugée418. Seuls demeurent
autorisés les actes conservatoires nécessaires, l’action oblique. Est également
interdite l’introduction de toute nouvelle procédure.

Mais l’effet principal de la mesure de grâce est la suspension du moment de


l’exécution, c’est-à-dire le renvoi à une date ultérieure du paiement de la dette.
Se pose toutefois un problème : si toutes les échéances sont reportées à cette
date ultérieure, le débiteur risque de se trouver dans une situation pire que la
situation initiale au jour de l’arrivée du terme puisqu’il lui faudra rembourser
toutes ses dettes d’un coup. C’est pour éviter cette situation incompatible avec le
but poursuivi par l’octroi de délais de grâce que la loi n° 89-1010 du 31
décembre 1989 relative aux prêts bancaires accorde au juge le pouvoir de
« déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui
seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement

417
C. civ., art. 1224-2.
418
Telle était l’hypothèse envisagée dans l’arrêt du 2 avril 2003 rendu par la troisième chambre
civile de la Cour de cassation (JCP 2003, Actualité, 228) ; cette formation a considéré que c’est
à tort qu’une cour d’appel, saisie au fond, avait cru pouvoir accorder de nouveaux délais alors
qu’elle constatait que les délais accordés par une ordonnance de référé ayant suspendu la
réalisation de la clause résolutoire n’avaient pas été respectés.

156
puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le
remboursement du prêt »419.

195. La connaissance de la date de départ du délai de grâce est donc importante,


et à défaut de texte relatif à cette question, c’est au juge qu’il appartient de
régler ce problème. Or, la jurisprudence est hésitante et oscille entre trois
solutions.

Pour les juges du fond420, le point de départ de ce délai est le jour où il a été
réclamé pour la première fois et non pas le jour du titre de créance originaire, ni
le jour de la première demande en justice relative à cette créance, ni le jour où le
titre est devenu exécutoire en vertu d’un jugement.

Pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation421, le délai courra du


jour du jugement, si celui-ci est contradictoire par application des articles 122 et
123 du nouveau code de procédure civile. Elle a d’ailleurs repris en cela une
solution développée par la chambre commerciale qui avait elle aussi décidé que
le point de départ du délai maximum est le jour où il est statué sur le délai de
grâce et d’ajouter que ce délai pouvait être accordé pour le passé lorsque le
paiement intervenu avant la décision statuant sur le délai de grâce sous réserve
pour les juges de s’expliquer sur la computation du délai par rapport à la date du
paiement, non indiquée par eux.

Une troisième solution peut être relevée faisant partir le délai du jour de la
signification de la décision422.

S’agissant du nouveau terme prévu par le juge, il doit être précisément


déterminé. Le juge autorise le débiteur à différer son paiement jusqu’à une date

419
Cette disposition est inspirée de solutions jurisprudentielles aux termes desquelles le report
des échéances suspendues devait rallonger d’autant la période initialement prévue pour le
remboursement des prêts ; CA Paris 19 septembre 1989, Juris-Data n° 024778.
420
CA Nantes, 24 octobre 1957, D. 1958, som., p. 14 ; CA Paris, 4 octobre 1963, D. 1964, som,
p. 62.
421
Cass. 2ème civ., 16 mai 1974, Bull. civ. II, n° 167.
422
Cass. Ass. Plen., 30 avril 1964, D. 1964 p. 95, JCP 1964, II, 13735, note P. ESMEIN.

157
déterminée. Il peut d’ailleurs prévoir plusieurs termes et donc plusieurs dates,
dès lors qu’il accepte de diviser le paiement. Il peut combiner report et
échelonnement de la dette en décidant que les règlements fractionnés
débuteraient à une date plus ou moins lointaine de celle de sa décision.

Toutes ces dispositions sont dérogatoires du droit commun des obligations mais
moins que celles relevant du droit de la consommation.

§2.- Les limites imposées par la protection des consommateurs

196. Les relations contractuelles entre consommateurs et professionnels ne sont


que rarement le fruit d’une négociation, le fort s’imposant au faible. Aussi la loi
des parties est-elle le plus souvent constituée par le contenu du contrat
d’adhésion, c’est-à-dire un contrat établi unilatéralement et préalablement par
l’une des parties et qui n’appelle qu’une adhésion pure et simple de l’autre.

La disparition du débat contractuel entraîne parfois un déséquilibre entre celui


qui offre et le consommateur qui a comme seule alternative d’accepter ou de
refuser cette offre et non de faire une contre proposition.

Face à ce déséquilibre, la réaction du législateur a consisté à favoriser la


réflexion du consommateur et à retarder soit la formation, soit l’effectivité du
contrat, ces deux dates s’imposant aux contractants.

Pour ce faire, il a adopté différentes techniques inspirées de mécanismes


conventionnels qui permettaient d’aménager un délai de réflexion au profit de
l’un des contractants soit en retardant la formation du contrat, soit en réservant à
l’une des parties la faculté de revenir sur son engagement. Au titre de ces
mécanismes conventionnels figurent la promesse unilatérale de contrat ou le

158
pacte de préférence, c’est-à-dire des avant-contrats à l’aide desquels les parties
vont différer la formation du contrat.

197. La promesse unilatérale est le contrat par lequel une personne -le
promettant- s’engage à conclure un contrat à des conditions déterminées au
profit de son partenaire -le bénéficiaire- qui reste libre de contracter ou de ne pas
contracter.

Le bénéficiaire prend donc acte de l’engagement du promettant423, mais ne


promet pas de conclure le contrat définitif. Il dispose d’une option qui lui laisse,
dans l’avenir, la liberté de donner ou non son consentement à celui-ci.

Sa réflexion est ainsi aménagée puisqu’il dispose d’un délai de réflexion


implicitement ou explicitement prévu. Comme tout contrat, la promesse
unilatérale peut trouver ses effets limités dans le temps entre un terme a quo424
qui est celui avant l’échéance duquel le bénéficiaire n’est pas encore en mesure
d’exercer l’option425 et un terme ad quem426 après l’échéance duquel le
bénéficiaire n’est plus en mesure d’exercer l’option427.

A défaut de terme implicitement ou expressément prévu au contrat, le


promettant peut mettre le bénéficiaire en demeure d’opter dans un délai
raisonnable428 et quoiqu’il en soit, le droit d’option s’éteint à l’expiration de la
prescription trentenaire de droit commun.

423
Sur l’obligation du promettant, cf D. PRONIER, « Promesse unilatérale de vente : nature de
l’obligation du promettant », RJDA 7/96, p. 636 et s. ; I. NAJJAR, « La « rétractation » d’une
promesse unilatérale de vente (à propos d’un revirement par un arrêt de la troisième chambre
civile de la Cour de cassation du 26 juin 1996 )», D. 1997, chron., pp. 119-120.
424
C’est-à-dire le terme suspensif d’option.
425
Tel est le cas de l’obtention d’un prêt, du décès du promettent
426
C’est-à-dire le terme extinctif d’option.
427
Après cette date, le promettant n’est plus engagé, le consentement qu’il avait donné au futur
contrat s’évanouit et la promesse est désormais caduque. Mais si le bénéficiaire lève l’option
pendant le délai, le contrat est alors parfait ( Cass. 3 ème civ., 26 juin 1996, Bull. civ. III, n° 165,
RJDA 1996, n° 905).

159
198. Contrairement à la promesse unilatérale de contrat, dans le pacte de
préférence, c’est l’offrant qui se réserve un délai de réflexion. Cet avant-contrat
engendre pour l’une des parties une obligation de conclure avec l’autre par
préférence avec une tierce personne pour le cas où la décision, par exemple, de
vendre serait prise. Il semble d’ailleurs que le débiteur, à défaut de stipulations
contraires429, soit tenu indéfiniment sans même pouvoir être libéré par la
prescription trentenaire qui ne pourrait courir que de la décision de contracter du
débiteur430.

199. Les contractants peuvent ensuite favoriser leur réflexion en convenant


d’une possibilité de remise en cause de leur convention après sa formation
pendant un temps déterminé par stipulation d’un dédit ou d’une faculté de
réméré.

La faculté de réméré existe seulement en matière de contrats d’échange et de


vente. Aux termes de l’article 1659 du code civil, « la faculté […] de réméré est
un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue
moyennant la restitution du prix principal… ».

Pour la jurisprudence431, il s’agit donc d’une vente sous condition résolutoire, la


condition consistant dans la restitution à l’acheteur du prix et des frais de la
vente. La condition n’est-elle d’ailleurs pas potestative ? En effet, l’exercice de
la faculté du réméré dépend de la seule volonté du vendeur et est enfermée dans
un délai maximum de cinq ans432 après lequel la convention devient

428
Cass. 3ème civ., 24 avril 1970, Bull. civ. III, n° 279.
429
Il a toutefois été jugé que « la stipulation d’un délai n’est pas une condition de validité du
pacte de préférence » (Cass. 1ère civ., 6 juin 2001, JCP 2002, I, 134, note F. LABARTHE ; Cass.
3ème civ., 15 janvier 2003, JCP 2003, II, 10129, note E. FISCHER-ACHOURA).
430
Cass. 1ère civ., 22 décembre 1959, Bull. civ. I, n° 558, JCP 1960, II, 11494, note PE, RTD civ.
1960, p. 323, obs. J. CARBONNIER : un pacte a été déclaré valablement invoqué trente sept ans
après la signature du contrat.
431
Cass. civ., 24 octobre 1951, RTD civ. 1951, p. 391, obs. J. CARBONNIER ; Cass. civ., 31
janvier 1984, n° 82-13.459, D. 1984, 273, obs. P. JULIEN.
432
C. civ., art. 1660.

160
irrévocable433. Prévue par le législateur, cette condition purement potestative est
déclarée licite car conforme à la loi qui l’a édictée434.

De même en est-il pour la faculté de dédit stipulée généralement pour un certain


délai435 qui confère à l’un des contractants ou aux deux la faculté de se délier,
c’est-à-dire de se désengager436 moyennant paiement d’une indemnité par celui
qui en use, appelée arrhes437.

Le législateur a parfois imposé la faculté de dédit. Ainsi, la loi n° 71-566 du 12


juillet 1971 en matière d’enseignement à distance prévoit un délai de trois mois,
après la formation du contrat au cours duquel l’élève ou son représentant légal
pourra renoncer à son engagement parce que l’enseignement dispensé n’est pas
conforme à ce qu’il avait souhaité438.

200. Mais l’inspiration du législateur ne s’est pas limitée à l’instauration de la


faculté de dédit. L’exigence d’une information loyale et complète permettant
d’éclairer le consentement du consommateur est insuffisante à garantir sa
protection s’il ne lui est pas laissé le temps nécessaire à un consentement
réfléchi ; c’est pourquoi le législateur a aménagé différents délais de réflexion

433
Cass. 3ème civ., 13 novembre 1970, Bull. civ. III, p.439.
434
De plus, elle est licite car elle est potestative de la part du créancier.
435
C. civ., art. 1590. Sur ce point, cf Cass. 3 ème civ., 12 février 1971, JCP 1971, IV, 73.
436
L . BOYER, « La clause de dédit », in Mélanges P. RAYNAUD, 1981, p. 41 et s.
437
En effet, dans la vente avec arrhes, celui qui les remet à l’autre peut se départir du contrat en
les perdant, la même faculté étant reconnue à celui qui les a reçues en restituant le double. Le
problème le plus délicat s’agissant d’une telle vente est celui de la qualification d’arrhes. La
somme versée est-elle un acompte à valoir sur le restant du prix convenu ou une faculté de
dédit ? Il est donc nécessaire pour le juge de rechercher la fonction que les parties avaient voulu
attribuer à la somme versée. Le juge tiendra compte des usages auxquels les parties sont censées
se référer. Parfois la loi a résolu le problème ; ainsi la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant
la protection des consommateurs en posant une règle de portée générale pour le contrat de vente
d’un bien meuble ou de fourniture de services conclu entre professionnel et consommateur a-t-
elle prévu que « sauf stipulations contraires, les sommes versées d’avance sont des arrhes », ce
qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement.
438
Cf loi du 12 juillet 1971, art. 9 : la résiliation du contrat ne peut pas donner lieu à une
indemnité supérieure à 30% du prix de l’enseignement, fournitures comprises.

161
intervenant avant ou après l’échange des consentements439, ce parallèlement aux
méthodes conventionnelles précédemment présentées.

439
En droit français, il convient de distinguer, en fonction de ces éléments temporels, le délai de
réflexion strictement entendu et le droit de repentir. Mais entendu au sens large, le délai de
réflexion correspond soit au délai laissé au contractant pour donner son consentement, soit à la
faculté laissée au contractant de se rétracter pendant un certain délai après l’échange des
consentements. Cette conception est d’ailleurs celle adoptée par le droit belge. En ce sens, cf L.
VANDENHOUTEN, « Délai de réflexion, droit de repentir », in « Le processus de formation du
contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à l’harmonisation du droit européen »,
Centre de droit des obligations, Bruylant/LGDJ, 2002.

162
A.- L’aménagement de la réflexion avant l’échange des consentements

L’une des méthodes utilisée par le législateur afin d’éviter tout engagement hâtif
et irréfléchi du consommateur a consisté à repousser le moment de la conclusion
du contrat, en prolongeant la phase précontractuelle. Deux techniques ont ainsi
été instituées : celle du contrat préliminaire (1) et celle consistant à retarder le
moment de l’acceptation (2).

1.- Le contrat préliminaire.

201. Le contrat préliminaire, avant-contrat par lequel l’une des parties ou les
deux s’engagent à contracter à des conditions déterminées, a été utilisé par le
législateur dans le cadre des ventes d’immeubles à construire. Ainsi l’article 11
de la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967440, devenu l’article L. 216-15 du code de la
construction et de l’habitation, prévoit que les ventes d’immeubles à construire
peuvent être précédées « d’un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie
d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s’engage à
réserver à son acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble ».

Cette réservation figurant dans cet avant-contrat, contrat sui generis préparatoire
d’une opération future mais non certaine, assure donc une protection de la
réflexion du consommateur, même si dans la pratique elle avantage surtout le
promoteur. Moyennant la perte de son dépôt de garantie, le consommateur peut
se libérer de son engagement éventuel d’acheter. Le dépôt de garantie est donc
un véritable dédit permettant au réservataire de se départir du contrat en
renonçant à acquérir après réalisation de l’immeuble. Il s’agit d’un véritable
dédit et non pas d’une indemnité d’immobilisation. Le montant du dépôt de

440
JCP 1967, III, 32609.

163
garantie est de 5% du prix prévisionnel, si le délai de réalisation n’excède pas un
an, 2% s’il n’excède pas deux ans et s’il excède deux ans, aucun dépôt de
garantie ne peut être exigé. Le montant du dépôt diminue donc dès lors que le
délai de réalisation s’allonge ; il ne peut donc en aucun cas s’agir d’une
indemnité d’immobilisation dont le montant à l’inverse augmente avec
l’allongement du délai.

202. Dans la pratique, il apparaît que cet avant-contrat n’est pas qu’un
instrument de protection du consommateur, mais sert également et surtout les
intérêts du promoteur lorsque la construction de l’immeuble n’est qu’un projet
dont la mise au point n’est pas encore achevée.

En effet, dans cette hypothèse, le contrat préliminaire se transforme en un


instrument de prospection destiné à apprécier « le degré de valeur commerciale
de l’immeuble dont on projette la construction ». Le promoteur peut conclure cet
avant-contrat avant même d’avoir le permis de construire ou d’avoir acheté le
terrain.

Le délai introduit par la conclusion d’un avant-contrat court au profit du


promoteur, puisque le réservant peut notifier à tout moment, sans attendre la
date prévue dans le contrat préliminaire, le projet définitif d’acte de vente. « Il
est donc maître d’écarter le délai. Or seul le bénéficiaire d’un délai est libre de
l’écourter »441. C’est pourquoi, afin de rétablir un certain équilibre entre
réservant et réservataire, pour permettre au réservataire de confronter les
stipulations de l’acte de vente avec les prévisions du contrat préliminaire, le
législateur a octroyé un délai de réflexion d’un mois au consommateur.

Selon les articles 34 du décret du 22 décembre 1967 et R. 261-30 du code de la


construction et de l’habitation, le vendeur doit adresser au réservataire le projet
d’acte de vente par lettre recommandée un mois avant la signature. Ce délai

441
G. CAS, R. BOUT, D. FERRIER, Traité de droit de la consommation, PUF, 1986.

164
442
d’un mois constitue pour M. BERGEL une formalité d’ordre public puisque la
notification permet de fixer le point de départ du délai de réflexion qui constitue
un élément essentiel dans le dispositif de protection de l’acquéreur. Toutefois
rien n’empêche le réservataire de signer l’acte avant l’expiration du délai d’un
mois, le législateur n’ayant pas érigé ce délai en un délai minimum, impératif.

203. Le législateur a donc déployé beaucoup d’efforts pour protéger le


consommateur en lui aménageant un délai de réflexion a priori. Mais tous ces
efforts vont peut-être à terme être réduits à néant443 par la directive CEE n° 93-
13 du 5 avril 1993 imposant aux Etats membres de veiller à ce que les clauses
abusives ne soient pas incluses dans les contrats conclus avec le consommateur.

L’article 3 de cette directive considère comme abusive la clause d’un contrat


n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle en dépit de l’exigence de
bonne foi et créant au détriment du consommateur un déséquilibre significatif
entre droits et obligations découlant du contrat.

Cette disposition a été introduite en droit français dans le code de la


consommation dont l’article L. 132-1 a défini la clause abusive comme celle
qui, dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou
consommateur, crée un déséquilibre significatif entre les droits et parties au
contrat. En annexe, figurent des exemples de clauses abusives qui semblent
condamner le contrat préliminaire qui apparaît comme abusif au sens du code de
la consommation.

Ainsi, selon le §1d, peut être regardée comme abusive la clause qui permet au
professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-
ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit pour le
consommateur de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du
professionnel lorsque c’est celui-ci qui y renonce. Or le réservataire

442
J.-L BERGEL, « Les contrats préliminaires de réservation dans les ventes d’immeubles à
construire unité ou dualisme », JCP 1974, I, 2669.
443
J. GUIREC-RAFFRAY, « Feu le contrat préliminaire ? », JCP N 1997, doct., p. 563-566.

165
(l’acquéreur) est prisonnier du contrat puisqu’il se verra rendre les 5% sans
aucun dédommagement si le promoteur refuse de construire, alors que si le refus
provient du réservataire, le promoteur recevra les 5%, le réservataire ne se les
voyant pas restituer. Donc, pour que la clause ne soit pas abusive, le
consommateur devrait percevoir en plus de la restitution de son dépôt de
garantie, 5% supplémentaire équivalent à ceux reçus par le promoteur lorsque
c’est le consommateur qui refuse de contracter.

De même aux termes des §1j et k, sont considérées comme abusives les clauses
autorisant le professionnel à modifier unilatéralement le terme du contrat sans
raison valable, ainsi que celles qui autorisent le professionnel à modifier
unilatéralement sans raison valable les caractéristiques du produit à livrer ou du
service à fournir, autant d’éléments qui correspondent aux caractéristiques du
contrat préliminaire.

L’avenir du contrat préliminaire pourrait donc être compromis, ce d’autant plus


qu’il est admis que l’entrée en vigueur d’un traité ou d’un acte dérivé provoque
l’abrogation des lois antérieures dans la mesure où elles sont incompatibles avec
elle.

D’autres dispositions législatives préservant les intérêts du consommateur ont


heureusement un avenir plus prometteur.

2.- Le retardement de l’acceptation

204. Le but du législateur est de permettre au consommateur de prendre


véritablement connaissance du contrat prérédigé et de ne pas s’engager trop
hâtivement. Pour ce faire, il a imposé au professionnel le maintien de l’offre
pendant un certain temps et parallèlement interdit parfois au consommateur de
donner son acceptation avant qu’un délai de réflexion ne soit écoulé.

166
a.- L’offre préalable

205. L’offre préalable consiste à imposer au professionnel le maintien de son


offre pendant un temps suffisant pour permettre au destinataire de mûrir son
consentement, pour lui permettre d’examiner l’offre en toute quiétude.

La seule originalité de l’offre préalable, par rapport à une offre normale, est le
caractère obligatoire du délai que le législateur lui-même a fixé.

Durant ce délai, l’offre doit être impérativement maintenue, la formation du


contrat étant donc retardée au bénéfice du destinataire de l’offre, à savoir le
consommateur.

206. Le domaine d’élection de l’offre préalable est le crédit à la consommation.


Ainsi l’article L. 311-8 du code de la consommation dispose que « la remise de
l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une
durée minimale de quinze jours à compter de son émission » ; ce délai est porté
à trente jours à compter de la réception lorsqu’il s’agit d’un contrat de crédit
immobilier444.

Ces dispositions imposent que l’offre soit formalisée dans un document daté que
le professionnel doit remettre impérativement au consommateur ; c’est en effet à
compter de cette date que le délai impératif sera décompté.

444
C. consom., art. L. 312-10 al.1.

167
Pour éviter que le bénéficiaire de ce délai de réflexion renonce à s’en prévaloir,
le législateur a parfois imposé pendant ce laps de temps une période
incompressible de réflexion.

b.- Le délai de réflexion

207. Parallèlement à l’offre préalable, et en écho à cette obligation pesant sur


l’offrant, existe le délai de réflexion. Il s’agit d’une période impérative pendant
laquelle le législateur a voulu renforcer la protection du destinataire de l’offre
contre une acceptation précipitée en lui interdisant de contracter avant
l’expiration d’un délai incompressible445.

Les domaines d’élection du délai de réflexion sont nombreux. Celui-ci a tout


d’abord fait son apparition en matière d’enseignement à distance ; ainsi l’article
9 de la loi n° 71-556 du 12 juillet 1971 offre-t-elle à l’élève un délai de réflexion
de sept jours avant la signature de l’offre. Cette technique a ensuite été étendue
en matière de crédit à la consommation. Ainsi, s’agissant du crédit immobilier, il
est prévu que « l’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix
jours après qu’ils l’ont reçue »446 ; le jour de la remise de l’offre étant exclu,
c’est donc à partir du onzième jour après la remise que l’offre peut être
acceptée447. Observons toutefois que ces dix jours sont pris sur les trente jours
de maintien de l’offre, ce qui signifie que le consommateur dispose encore d’un
délai de vingt jours pour manifester son acceptation. Délai de réflexion et offre
préalable sont donc bien complémentaires.

445
B. LE TAVERNIER, « Comparaison internationale des délais de rétractation et de réflexion
prévus par les réglementations relatives à la protection du consommateur », Revue concurrence
et consommation n° 87, septembre-octobre 1995, p. 72-76.
446
Cf loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, art. 7 al. 2.
447
Rép. min JO Sénat 5 mars 1981, rép min JOAN 9 mars 1981.

168
Le dernier domaine, conquis par le délai de réflexion, est celui de l’acquéreur
immobilier d’un bien neuf ou ancien. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre
2000448 relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite « loi SRU » a, en
effet, instauré au bénéfice de l’acquéreur immobilier non professionnel449 un
délai de réflexion de sept jours à compter de la notification ou de la remise d’un
projet d’acte, lorsque la vente s’effectue sous la forme d’un acte authentique.
L’opération s’effectue donc en deux temps : la notification d’un projet d’acte,
puis la conclusion du contrat en présence des parties qui devront être
convoquées à l’étude. Une solution existe toutefois pour contourner ce délai de
réflexion et faire un acte de vente authentique ferme ; il suffit de conclure
préalablement un avant-contrat. L’article L. 271-1 alinéa 4 du code de la
construction et de l’habitation pose, en effet, comme principe que lorsque l’acte
authentique est précédé d’un avant-contrat, les dispositions relatives au délai de
réflexion ne s’applique qu’à ce dernier450 ; l’acquéreur ne peut alors prétendre
au bénéfice d’un délai de réflexion avant la signature de l’acte authentique, si
ces mesures de protection lui ont été appliquées dans le cadre de l’avant-contrat.

208. Le délai étant d’ordre public, il y a donc bien obligation pour le


consommateur de prendre le temps nécessaire à la réflexion, à défaut de quoi,
l’acceptation serait nulle. D’ailleurs un même temps de réflexion est parfois
prévu postérieurement à l’acceptation, ce qui a pour effet de bousculer les règles
du droit commun des obligations, le consommateur pouvant reprendre son
consentement et anéantir un contrat pourtant valablement conclu.

448
JO 14 décembre 2000, p. 19777.
449
P. PELLETIER, « La protection nouvelle de l’acquéreur immobilier », Defrénois 2001, article
37307, n° 7 ; H. PERINET-MARQUET, « Les difficultés de délimitation du champ d’application des
droits de rétractation et de réflexions offerts à l’acquéreur immobilier », JCP N 2002, n° 1390,
p. 953, JCP 2002, I, 129 ; P. CORNILLE, « Protection de l’acquéreur immobilier », in La loi SRU
et le droit de l’immobilier, Litec, p. 125 et s. ; B. MONTRAVERS, « Extension du dispositif de
réflexion de l’acquéreur immobilier », Dr. et patr. 2001, pp. 36-42.
450
J.-L. BERGEL, « La protection de l’acquéreur immobilier », Dr. et patr., novembre 2002, n°
109, p. 58.

169
B.- L’aménagement de la réflexion après l’échange des consentements : le droit
de repentir

209. L’aménagement de la réflexion postérieurement à l’échange des


consentements est assuré par le droit de repentir451.

Alors que la réflexion aménagée antérieurement à l’échange des consentements


respecte le processus classique de la formation des contrats, le droit de repentir
constitue une véritable atteinte aux principes fondamentaux du droit des
obligations ; en effet, selon la qualification juridique attribuée au droit de
repentir, celui-ci contrevient soit au principe de la force obligatoire ou à celui du
consensualisme.

Ce problème de qualification juridique importe pour un raisonnement en termes


de date ; ou le contrat est considéré comme conclu à l’expiration du délai de
repentir, auquel cas la date de conclusion est le terme du délai ; ou ce délai ne
fait que retarder la prise d’effet du contrat. Cette question devra donc être
étudiée après avoir fait un bref rappel sur le droit de rétractation.

210. L’octroi d’un droit de repentir, c’est-à-dire la faculté accordée à un


contractant de remettre en cause, unilatéralement, l’engagement qu’il a déjà pris,
n’est pas une innovation en matière de protection du consommateur. En effet,
dès 1946 avait été reconnue une telle faculté au bénéfice du salarié qui pouvait
dénoncer le reçu pour solde de tout compte452.

Ce mécanisme a ensuite connu un véritable essor dans les années 70. Ont ainsi
été soumis à la faculté de rétractation en 1972, les contrats relatifs au
démarchage financier453 et ceux conclus dans le cadre du démarchage et de la

451
R. BAILLOD, « le droit de repentir », RTD civ. 1984, pp. 227-254
452
Cf C. tr., art. L. 122-7 (anciennement : Loi du 8 octobre 1946) qui permet au salarié de
revenir sur sa signature dans les deux mois de celle-ci.
453
L’article 21 de la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 ouvre aux souscripteurs de plans d’épargne un
délai de quinze jours à compter de la souscription pour dénoncer leur engagement.

170
vente à domicile454. Ce mécanisme a ensuite été étendu à différents contrats :
tout d’abord à ceux conclus dans le cadre du crédit à la consommation, la loi n°
78-22 du 10 janvier 1978455 concédant à l’emprunteur la faculté de revenir sur
son engagement dans un délai de sept jours à compter de l’acceptation de
l’offre456 ; ensuite à ceux d’assurance sur la vie457 et de capitalisation458, aux
opérations de vente à distance459, au contrat de courtage matrimonial460, aux
actes sous seing privé ayant pour objet « l’acquisition ou la construction d’un
immeuble neuf d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à
l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles neufs d’habitation, les
contrats préliminaires de vente d’immeubles à construire ou de location
accession à la propriété immobilière … ». L’application de ce dernier droit de
rétractation a d’ailleurs été étendu aux immeubles anciens ; la loi « SRU » du 13
décembre 2000 consacre ce droit dès lors que l’acquisition est constatée dans un
acte sous seing privé.

211. La durée de ces délais est généralement de sept jours461, mais est parfois
portée à quinze462 ou trente jours463.

454
L’article L. 121-25 du code de la consommation issu de la loi n° 72-1137 du 22 décembre
1972 permet au client signataire du contrat proposé par le démarcheur de rétracter son
consentement dans un délai de sept jours à compter de la commande ou de l’engagement d’achat
au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
455
Aujourd’hui C. consom., art. L. 311-15.
456
L’acheteur qui sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de
services doit reconnaître dans le contrat de vente, de façon manuscrite, avoir été informé qu’une
telle demande a pour effet de réduire le délai légal de rétractation, lequel expirera le jour de la
livraison du bien ou de l’exécution de la prestation sans pouvoir être inférieur à trois jours
(décret n° 78-509 du 24 mars 1978, art. 3). Le défaut de mention manuscrite conserve intacte la
faculté de rétractation (Cass. 1 ère civ., 31 mai 1988, Bull. civ. I, n° 166).
457
Loi n° 81-5 du 7 janvier 1981 ; C. ass., art. L. 132-5-1.
458
Loi n° 85-608 du 11 juin 1985.
459
Loi n° 88-21 du 6 janvier 1988 relative aux opérations de télé promotion avec offre de vente
dites de « télé-achat ».
460
Article 6-II de la loi n °89-241 du 23 juin 1989 complété par le décret n° 90-422 du 16 mai
1990.
461
Cf les contrats de crédit à la consommation, la vente à domicile, le contrat de courtage
matrimonial, l’acte de vente sous seing privé d’un immeuble neuf ou ancien.
462
Cf les contrats passés à l’occasion d’un démarchage financier.

171
Il est admis que ces délais courent à compter du jour où a été pris l’engagement
du bénéficiaire du droit de repentir, sauf en matière d’assurance sur la vie où il
court à compter du premier versement de prime, en matière d’acquisition ou de
construction d’immeuble neuf d’habitation où il court à compter de la réception
par l’acquéreur de l’acte sous seing privé qui doit lui être adressé par lettre
recommandée avec accusé de réception464 et depuis 2000, pour l’acquisition
d’immeubles neufs ou anciens « à compter du lendemain de la première
présentation de la lettre lui notifiant l’acte ». De même en matière de téléachat,
la directive n° 97/7/CE du 20 mai 1997 fait courir le délai de sept jours pour les
biens dès leur réception et pour les services dès la conclusion du contrat ou au
jour où les obligations sont remplies dans une limite de trois mois.

L’échéance de ce délai pose la question de son incidence sur le contrat. Il s’agit


de se demander si le contrat est définitivement conclu, la date de conclusion
étant alors l’échéance du délai ou si, conclu antérieurement, il devient alors
effectif. En d’autres termes, le droit de repentir diffère-t-il la formation du
contrat et porte-t-il alors atteinte au consensualisme, ou remet-il en cause un
contrat parfaitement formé ce qui porte atteinte à la force obligatoire du
contrat ?

212. Ces deux thèses se sont longtemps opposées et s’opposent encore, puisque
le législateur ne s’est pas prononcé sur la question. Ainsi, en matière de crédit à
la consommation, il affirme que « le contrat devient parfait dès l’acceptation de
l’offre par l’emprunteur » et ajoute ensuite qu’il peut revenir sur son
engagement dans un délai de sept jours465. Le droit de repentir porte donc
atteinte à la force obligatoire du contrat puisqu’il permet au consommateur de
revenir sur un engagement déjà formé. Le problème serait réglé si l’article L.
311-16 du code de la consommation ne précisait pas que, en présence d’une
clause d’agrément, le contrat ne devient parfait qu’à la double condition d’une

463
Cf les contrats d’assurance sur la vie, contrats relatifs à un avantage individuel de
prévoyance.
464
Loi n°89-104 du 31 décembre 1989, art. 20 al. 3 .
465
C. consom., art. L. 311-15 .

172
manifestation d’agrément par le prêteur et du non exercice de la faculté de
rétractation par l’emprunteur, et si l’article L. 311-17 n’ajoutait pas qu’est
interdit tout paiement anticipé pendant le délai de rétractation, c’est-à-dire tant
que l’opération n’est pas définitivement conclue.

D’où l’idée selon laquelle le législateur, en accordant des facultés de repentir, ne


ferait que consacrer un formation par étapes du contrat. En effet, selon M.
466
GODE , « signer ce n’est plus accepter, c’est seulement vouloir. Mais vouloir
un instant est devenu insuffisant. Il faut vouloir toute une semaine pour être
vraiment engagé ». Ainsi certains auteurs467 ont expliqué le jeu de la faculté de
rétractation par la formation progressive du consentement ; la formation serait
engagée lors de l’acceptation de l’offre, mais ne s’achèverait qu’à l’expiration
du délai de réflexion.

213. Ce n’est pourtant pas l’opinion de la Cour de cassation qui, en 1992468, a


jugé que le contrat est parfait par l’échange des consentements dès l’accord sur
la chose et sur le prix, matérialisé par la signature sur le bon de commande.

La Cour de cassation suit à la lettre les dispositions généralement fixées par le


législateur qui fait courir le délai de rétractation du jour de l’engagement des
parties. Ainsi la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 sur le démarchage et la
vente à domicile469 permet au client signataire du contrat proposé par le
démarcheur de rétracter son consentement dans un délai de sept jours à compter
de la commande ou de l'engagement d'achat. De même en matière d’accidents
de la circulation, la victime peut, par lettre recommandée avec accusé de

466
RTD civ. 1978, p. 437.
467
J.-M. MOUSSERON, « La durée dans la formation des contrats », in Mélanges A. JAUFFRET,
PUAM, 1974, p. 522 et s. ; J. HUGOT, « Démarchage, délai de réflexion et de rétractation et
contrats relatifs à la construction et à la commercialisation des biens immobiliers », JCP N 1990,
n° 2, p. 9 et s. ; G. CORNU, « Rapport sur la protection du consommateur et l’exécution du contrat
en droit français », in Travaux de l’association H. CAPITANT, T. XXIV, 1973, p. 131 et s. ; RIEG,
« La punctuation, contribution à l’étude du contrat », in Mélanges A. JAUFFRET, PUAM, 1974,
p. 593 et s.
468
Cass. 1re civ., 10 juin 1992, Contrats, conc., cons. octobre 1992, n° 195.
469
C. consom., art. L. 121-25.

173
réception, dénoncer la transaction intervenue entre elle, d’une part, et la
compagnie d’assurance ou le fonds de garantie d’autre part, et ce dans les quinze
jours de sa conclusion470.

Le contrat est donc parfait dès l’échange des consentements, mais ne prendra
effet qu’à l’expiration du délai de rétractation sans qu’une nouvelle
manifestation de volonté vienne confirmer son engagement initial. Seule
l’effectivité du contrat est suspendue durant toute la durée du délai pendant
lequel le droit peut être exercé.

214. A l’expiration du délai, si le consommateur ne s’est pas rétracté, le contrat


acquiert de plein droit efficacité pour l’avenir et pour le passé, alors que dans le
cas contraire il devient caduc471.

On pourrait reprocher à cette conception du droit de repentir d’en faire une


condition purement potestative prohibée par l’article 1174 du code civil, puisque
la faculté de rétractation a un caractère purement discrétionnaire. En effet, dans
le souci de simplifier la formulation de la volonté de repentir, le législateur a
imposé au professionnel, sous peine de sanctions pénales, de joindre au contrat
un formulaire détachable qui sera retourné par lettre recommandée avec accusé
de réception. Le consommateur n’a aucunement à justifier sa décision de
repentir et les professionnels n’ont pas le droit d’enregistrer la rétractation sur
un fichier.

Le caractère de condition purement potestative ne fait aucun doute ; en vertu de


l’article 1170 du code civil, la condition est potestative lorsque sa réalisation
dépend de la volonté du créancier ou de celle du débiteur. Est purement
potestative celle qui s’exprime par la formule « si je veux » ou toute formule
équivalente : « quand il me plaira », « si je le désire »… La condition purement
potestative de la part du débiteur détruit l’idée même d’obligation ; il y a en effet

470
Loi n° 86-677 du 5 juillet 1985, art. 9; C. ass., art. L. 211-16.
471
V. CHRISTIANOS, « Délai de réflexion : théorie juridique et efficacité de la protection des
consommateurs », D. 1993, chron, p. 28-32.

174
une contradiction entre « je m’engage » et « si je veux ». Tel est le cas ici : le
consommateur s’engage, mais il peut se rétracter pendant un certain délai. Or il
semble que ne puissent être annulées au titre de l’article 1174 du code civil que
les conditions suspensives purement potestatives et pas la condition résolutoire
qui n’est qu’une faculté discrétionnaire de résolution du contrat comme l’est la
faculté de réméré prévue par l’article 1659 du code civil. La vente à réméré est
en effet une vente sous condition résolutoire, la condition consistant dans la
restitution du prix et des frais par le vendeur à l’acheteur ; cette restitution
dépend de la seule volonté du vendeur et son exercice est enfermé dans le délai
au terme duquel la convention devient irrévocable. Malgré son caractère
conventionnel, la faculté de réméré semble valider cette faculté légale de
rétractation laissée à la seule discrétion du débiteur. Or dans les contrats
synallagmatiques, le débiteur revêt également la qualité de créancier, c’est
pourquoi il est traditionnellement admis par la jurisprudence472 que la condition
purement potestative est valable dans les contrats synallagmatiques.

215. Le droit de repentir est donc, sauf dispositions légales contraires 473, une
technique portant atteinte au principe de la force obligatoire des contrats en ce
qu’il permet de remettre en cause un contrat déjà formé ; c’est d’ailleurs la
conception retenue dans la directive 85-577-CEE dont le cinquième considérant
se réfère à un droit de résiliation accordé au consommateur et dont l’article 5 fait
référence à un droit du consommateur de renoncer aux effets de son
engagement, ce qui signifie que le contrat est déjà conclu, et c’est la raison pour
laquelle la directive permet au consommateur seul de renoncer aux effets de son
engagement.

Dans tous les cas, la date de conclusion du contrat sera donc celle de la
rencontre des volontés, celle de sa prise d’effet ou de sa caducité, le terme du

472
Cass. soc, 28 avril 1956, Bull. civ. IV, n° 382 ; Cass. com, 11 mars 1968, Bull. civ. IV, n°
88 ; Cass. civ., 21 janvier 1971, D. 1971, 323, note J. GHESTIN.
473
Cf le cas de l’acquisition ou de la construction d’un immeuble neuf d’habitation ; la loi n° 90-
1129 du 19 décembre 1990 (article 7-II) déclare que l’acte sous seing privé ayant cet objet ne
devient définitif qu’au terme d’un délai de sept jours.

175
délai, soit le huitième, seizième ou trente et unième jour suivant le moment de
conclusion du contrat.

Mais une telle démarche revient à envisager déjà le problème de la


détermination de la date, le problème de la datation de l’événement en relation
avec le contrat, objet de notre second titre.

176
Titre II : L’operation de datation

216. Le pouvoir de dater, attribut de la volonté des parties ou privilège du


législateur, n’a de sens et d’intérêt que pour autant que l’événement soit
précisément matérialisé en jour, mois, année. A quoi servirait-il de prévoir que
le paiement s’effectuera au moment de la livraison et qu’à défaut, le retard sera
sanctionné par l’octroi d’intérêt, si cette date de livraison n’est pas quantifiée ?

Le pouvoir de dater n’a donc d’intérêt que pour autant qu’il soit suivi d’une
datation, c’est-à-dire de l’action de déterminer la date, d’indiquer le moment
précis d’un événement. Dans l’exemple précédemment donné, la référence à la
livraison, fruit du pouvoir de dater, aura une utilité, dès lors que cet instant
pourra être localisé sur la ligne du temps, qu’il sera un temps-coordonnée,
permettant la simultanéité ou la postériorité du paiement.

217. Cette opération de datation s’effectue en deux étapes : la première est celle
de la détermination de l’événement servant à la datation (Chapitre I), dans notre
exemple, la date de livraison ; la seconde consiste dans la détermination de la
date (Chapitre II) et donc de sa preuve, puisqu’il ne servirait à rien de dater un
événement si l’on ne pouvait pas valablement s’en prévaloir. Comment en effet,
le créancier pourra-t-il établir que le paiement n’a pas eu lieu à la date de
livraison, date contractuellement prévue dont la réalité peut être remise en cause
par le mauvais payeur ou contestée les autres créanciers venant en concours
avec lui, notamment lors de la faillite du débiteur ?

177
Chapitre I : La definition de l’evenement servant a la
datation

474
218. Le temps, selon G. BERGER n’est pas seulement « le cadre à l’intérieur
duquel nous nous croyons enfermés, mais une des manières possibles de nous
représenter notre présence au monde ». Le recours à la date permet donc de nous
situer chronologiquement sur la ligne du temps, de nous envisager
antérieurement ou postérieurement à un fait475.

Or pour se situer, il faut identifier les modalités d’expression de la date de


l’événement affectant le contrat. Cet événement correspond à l’instant opportun,
au kairos, puisque, comme cela a été indiqué en introduction476, le droit
contractuel se décline sur le mode de l’instantané ; la théorie civiliste classique
concentre ainsi sa force obligatoire dans le seul instant ponctuel d’échange des
volontés. Qu’il s’agisse d’une date subie ou d’une date choisie, il faut donc dans
un premier temps déterminer les formes d’expression de la date-instant (section
I) et ensuite procéder à sa quantification (section II), la localisation temporelle
nécessitant de chiffrer, de traduire la date-instant sous la forme calendaire.

474
In « L’originalité de la phénoménologie », Etudes philosophiques, 1954, p. 249 et s., spéc. p.
259.
475
En ce sens, cf F. FAVENNEC-HERY, « La date certaine des actes sous-seing privé », RTD civ.
1992, p. 1 : « La date est un terme qui évoque les rapports de la règle et du temps ». L’auteur fait
référence à PLATON (Discours sur les passions, Pensées 25, éd. La Pléïade) selon lequel « ceux
qui jugent un ouvrage sans règle sont à l’égard des autres, comme ceux qui n’ont pas de
montre ».
476
Cf supra, n° 18.

178
Section I : l’expression de la date-instant

219. La date-instant qui correspond à la cristallisation du droit en un instant et


qui permet de fixer le rang des droits et donc de les départager, peut être
exprimée de différentes façons qui sont ou non reconnues aux différents acteurs
de la scène juridique et judiciaire.

Deux modes d’expression existent ; le premier consiste à faire référence à un


événement dont on sait qu’il surviendra obligatoirement, nécessairement, mais
qu’il est impossible de localiser sur la ligne imaginaire du temps en le chiffrant.
L’exemple type est celui du décès d’une personne ; celui-ci interviendra à un
moment donné ; cet événement est certain, mais le moment de sa survenance, lui
est incertain. Le second mode d’expression réside dans le chiffrage direct de la
survenance de l’événement.

Curieusement, ces deux modalités d’expression qui ont été dégagées par MME
477
SOUSI-ROUBI sous les dénominations de « date abstraite » (A) et de « date
concrète » (B), sont complémentaires, alors que l’utilisation discrétionnaire de
l’un ou de l’autre n’est pas reconnue à tous : ainsi le législateur sera le plus
souvent contraint à n’utiliser qu’une date abstraite ce qui est normal eu égard au
caractère général de la loi.

477
B. SOUSI-ROUBI, « Variations sur la date », RTD. civ. 1991, pp. 69-108.

179
§1.- La date-instant en tant que date abstraite

220. La date abstraite définie par MME SOUSI-ROUBI comme « la localisation


ponctuelle dans le temps d’un acte ou d’un fait juridique » est celle faisant
référence à un événement sans le situer temporellement.

C’est la méthode la plus utilisée par le législateur qui ne peut légiférer au cas par
cas et doit au contraire établir des règles générales, sauf à indiquer la date
d’entrée en vigueur d’une loi ou la date des contrats qui seront soumis à la
nouvelle loi478.

Telle est également la méthode utilisée dès lors qu’est attachée une conséquence
juridique à un événement que l’on sait de survenance certaine, mais dont on
ignore, à moins d’être devin, le moment exact de survenance. Ainsi la date de
naissance, visée à l’article 311 du code civil, est-elle constituée d’un événement
certain dès lors que la personne naît, mais le législateur ne peut viser
expressément un jour, un mois et une année sous peine de quoi il prendrait une
mesure particulière ne s’appliquant qu’à une ou un nombre limité de personnes,
telles celles nées ce jour.

De même lorsque l’on envisage le droit des contrats de vente, différentes


références temporelles exprimées en la forme de date abstraite peuvent être
relevées : la date de livraison479, la date du paiement480, « au jour de la
vente »481, « à compter du paiement »482, « au moment de la vente »483, « au
temps de la vente »484.

478
En employant l’expression « à compter de … ».
479
Cf C. civ., art. 1601-2.
480
Cf décret du 31 mai 1978 sur les ventes en l’état futur d’achèvement, art. 261-11-1.
481
Cf C. civ., art. 1601-2.
482
Cf C. civ., art. 1646-1.
483
Cf C. civ., art. 1601 et 1614 .
484
Cf C. civ., art. 1609.

180
221. Ces exemples tirés du droit de la vente, révèlent la multitude de vocables
employés pour désigner la localisation dans le temps : date, jour, moment, à
compter de485…

La reconnaissance de dates abstraites étant effectuée, se pose un problème dû au


caractère abstrait des dates ; en effet, si la définition de certaines dates
s’imposent, comme la date de naissance, de décès486, de paiement, d’autres se
doivent d’être déterminées ; tel est le cas par exemple de la date de cessation des
paiements.

Parler en effet de la date de cessation des paiements487 ne signifie rien si la


notion même de cessation des paiements n’est pas définie, si les éléments de sa
détermination ne sont pas posés. Ainsi la cessation des paiements est constituée
lorsque l’entreprise se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible
avec son actif disponible488 ; la date de cessation des paiements est donc celle de
cette impossibilité.

Une règle de droit détermine donc la date en définissant l’événement à dater.

485
Par exemple : C. consom., art. L. 311-8 : « à compter de son émission » ; C. consom., art. L.
312-10 : « à compter de sa réception par l’emprunteur ».
486
Cette affirmation doit être nuancée s’agissant du décès. Successivement la mort a coïncidé
avec l’arrêt du cœur et de la fonction respiratoire (circulaire n° 32 du 3 février 1948 retenant
comme critère celui de l’absence de circulation sanguine par l’artériotomie et l’épreuve d’Icard à
la fluorescine, puis la circulaire du 19 septembre 1958 remplaçant cette épreuve par la méthode
du signe de l’éther), puis à la mort cérébrale (circulaire n° 68 du 24 avril 1968). Mais cette
vision quasi-instantanée de la mort a été condamnée par le progrès scientifique et technique ; les
méthodes modernes de réanimation permettent de rappeler à la vie des sujets qui auraient été
antérieurement considérés comme morts. Aussi le décret n° 96-1041 du 2 décembre 1996
conduit à rechercher la mort non seulement au niveau du cerveau, mais également du tronc
cérébral et une absence totale de ventilation spontanée (CSP, art. R. 671-7-1). Si le malade est
placé sous assistance respiratoire, il faut vérifier l’absence de ventilation spontanée par épreuve
d’hypercarnie et procéder à deux encéphalogrammes pour attester du caractère irréversible de la
destruction encéphalique. Pour un rappel des procédés de détermination de la mort, cf supra, n°
151.
487
Il faut observer que la date de cessation des paiements est une date d’autant plus abstraite
qu’elle sera fonction de l’opinion et de l’analyse de chaque juge. Ainsi le juge répressif ne sera
aucunement tenu par la date de cessation des paiements établie par le tribunal de commerce et
pourra la fixer antérieurement ou postérieurement à celle-ci lorsqu’il s’agira pour lui d’apprécier
la culpabilité du chef d’entreprise au vu du délit de banqueroute.

181
222. De même, peut-on citer la date de conclusion du contrat. Celle-ci
correspond à la date de la rencontre des volontés, encore qu’il faille se demander
si, depuis la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 ayant introduit dans le code civil
des dispositions relatives à la preuve littérale, la date de conclusion du contrat ne
correspondrait pas plus à la date de signature du contrat 489. L’article 1316-4
alinéa 1er dispose en effet que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte
juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties
aux obligations qui découlent de cet acte ». Cette formule est inexacte, les
obligations ne découlant pas de l’instrumentum, mais du consentement. Cette
remarque formulée, il n’en demeure pas moins qu’il se déduit de cet article que
c’est la signature qui fixe la date du contrat et en déclenche la prise d’effets, du
moins dans les rapports entre les signataires.

Un contrat ne serait donc applicable que pour autant qu’il est signé ; la simple
rencontre des volontés ne suffirait pas pour que le contrat soit effectif. Il
semblerait donc que la validité de l’acte juridique soit soumise à une condition
de forme, une signature. Or, tel ne paraissait pas être l’objectif poursuivi par le
législateur lorsqu’il a rédigé la loi. Cette règle doit donc être interprétée
différemment : la signature portée sur un instrument probatoire a pour seul effet
de valider l’instrumentum et non l’opération juridique dont les seules conditions
de validité sont celles établies par l’article 1108 du code civil. D’ailleurs, cette
loi n’a aucunement modifié l’article 1583 du code civil qui prévoit que la vente
« est parfaite entre les parties […]dès qu’on est convenu de la chose et du prix ».
Il faut donc considérer que l’article 1316-4 n’a qu’une portée purement
probatoire.

La date de conclusion du contrat demeure donc celle de la rencontre des


volontés, et,en matière de contrat de vente, sa date de conclusion et celle de son

488
Article 3 alinéa 1er in fine de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 devenu du fait de
l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de
commerce l’article L. 621-1 du code de commerce nouvellement codifié.
489
Sur ce sujet, voir : A. RAYNOUARD, « Adaptation du droit de la preuve aux technologies de
l’information et à la signature électronique, observations critiques », Defrénois 2000, article
37174, pp. 593-619 ; E. A. CAPRIOLI, « La loi française sur la preuve et la signature électroniques
dans la perspective européenne », JCP 2000, I, 224 ; P.-Y. GAUTIER, « De l’écrit électronique et
des signatures qui s’y attachent », JCP 2000, I, 236 ; obs. J. MESTRE, RTD civ. 2000, pp. 315-
317.

182
effectivité demeurent fixées abstraitement au moment de la rencontre des
volontés ; la date de formation du contrat de vente est donc celle de l’accord sur
la chose et sur le prix.

223. Que l’événement considéré soit daté par rapport à un événement extérieur
au contrat ou par un événement lui étant propre, celui-ci peut être déterminé
légalement à l’aide d’une seule règle de droit ou de plusieurs.

Ainsi, si l’on s’intéresse aux modalités d’extinction de l’obligation, l’article


1234 du code civil renvoie à huit modes d’extinction, parmi lesquels on peut
citer la novation. La date d’extinction de l’obligation peut donc être celle de la
novation. Mais qu’est-ce que la novation ? quand survient-elle ?

Selon l’article 1272 du code civil, la date de novation est celle de l’acte par
lequel « le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est
substituée à l’ancienne », c’est-à-dire la date de substitution d’un nouveau
débiteur à l’ancien, la date du « nouvel engagement par lequel un nouveau
créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé ».
La date d’extinction est donc définie au vu de plusieurs textes.

224. Mais la date abstraite n’est pas que l’oeuvre du législateur, elle est aussi
celle des parties.

Ainsi les parties peuvent prévoir que leur contrat ne sera effectif qu’au jour où
l’inscription hypothécaire est déterminée par la mention portée sur le registre
des dépôts. Elles désignent donc abstraitement une date, mais en faisant
nécessairement référence à une règle juridique qui a défini l’événement visé ou
la date de cet événement.

225. La date abstraite consiste donc, soit dans la dénomination d’un événement
naturel qui n’a pas besoin d’être défini mais qui est de survenance inconnue, soit

183
dans la dénomination d’un événement dont le terme est lui-même abstrait et
qu’il convient de définir légalement, pour lequel il convient de poser les
éléments de sa détermination.

Les éléments de détermination posés, il conviendra de les quantifier, de leur


donner une date concrète, celle-ci pouvant d’ailleurs être une forme
d’expression de la date instant.

§2.- La date-instant en tant que date concrète

226. La date concrète est la seconde modalité d’expression de la date-instant.


Elle peut être définie comme la date calendaire, la date chiffrée en jour, mois et
année490.

La date peut être indiquée en chiffres aussi bien qu’en lettres -sauf exception491-
ou à l’aide de mentions équipollentes ne laissant place à aucun doute comme

490
Il s’agit d’ailleurs de la notion de date au sens de l’article 970 du code civil concernant le
testament olographe ; cf Cass. req. 4 juin 1934 (DH 1934. 460) : lorsque la date d’un testament
olographe manque d’un ou de plusieurs éléments nécessaires pour la constituer, les juges
peuvent la compléter à l’aide des mentions intrinsèques du testament, s’ils reconnaissent que ces
mentions leur permettent de la rétablir avec certitude, en faisant apparaître, d’une façon précise,
les jour, mois et année auxquels le testateur a rédigé son œuvre et à cet égard leur appréciation
est souveraine
491
L’article 7 alinéa 5 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 impose en matière d’acte
notarié que la date soit écrite en lettres et non en chiffres. Elle l’impose seulement pour la date à
laquelle l’acte est signé par le notaire sans rien dire au sujet de la date de signature des parties
alors que celle-ci est pourtant requise. En effet , l’article 6 du décret du 26 novembre 1971
dispose qu’il faut énoncer « la date à laquelle est apposée chaque signature », ce qui signifie que
l’acte notarié peut comporter une date unique, parfois imposée comme en matière de contrat de
mariage, de contre-lettre et de changement de régime matrimonial (C. civ., art. 1394 qui prévoit
la présence et le consentement simultanés des époux) ou une pluralité de dates (possible en
matière de donation-partage). Mais la date de signature des parties importe moins que celle du
notaire puisque la date de l’acte est celle du moment de signature par le notaire, cette date seule
lui conférant l’authenticité.

184
« le 22 mai, fête d’Alexandre veille de Royale », la coïncidence ne s’étant
produite qu’une fois dans la vie du disposant492.

227. S’il est certain que la date concrète est une date parmi celles du calendrier,
il reste à établir de quel calendrier il s’agit. La tenue du temps et le calcul des
périodes et des cycles ont évolué et différents types de calendriers ont ainsi pu
être édifiés493 ; l’un d’entre eux est le calendrier hébraïque dit luni-solaire. Il
envisage des années de longueurs inégales qui se succèdent selon des règles
compliquées de telle sorte que tous les dix neuf ans le commencement de
l’année hébraïque et celui de l’année solaire sont synchromes.

Le deuxième type de calendrier est le calendrier julien. Il a été établi par Jules
César conseillé par l’astronome grec Sosigène, en l’an 45 avant Jésus Christ. Le
point essentiel de ce calendrier était de redoubler tous les quatre ans, la date du
24 février (bis sextus dies ante calendas Martii, d’où le mot bissextile). Le début
de l’année était fixé au 1er mars puis au 1er janvier.

Le troisième type de calendrier est celui adopté dans la majorité des pays du
monde dont la France à savoir le calendrier grégorien. L’année républicaine était
divisée en douze mois de trente jours, les douze mois étant divisés en trois
groupes de dix jours.

Ce calendrier a été abandonné pendant plus de six ans pendant lesquels le


calendrier républicain, modifiant légèrement le précédent, a été appliqué.

Depuis le calendrier grégorien s’est imposé pratiquement dans tous les pays du
monde, autres que les pays musulmans qui sont régis par le calendrier
musulman.

492
CA Aix, 9 janvier 1900, Rep. Gen. Not. 1900, article 11504.
493
J. DIONO, « Le temps, la durée, l’an 2000 et l’informatique », JCP E 1999, pp. 1325-1327.

185
Il s’agit d’un calendrier lunaire qui fait coïncider le jour de l’An musulman avec
le premier jour du premier mois, l’égire494 étant célébré le premier jour du
troisième mois, le neuvième mois étant celui du Ramadan.

228. En France, s’agissant des actes publics, authentiques, la date doit être
exprimée en conformité avec le calendrier grégorien495. Mais rien n’interdit aux
parties dans leur contrat de faire référence au calendrier musulman pour dater
leur convention et les événements se rapportant au contrat. Ainsi par exemple,
les parties pourraient prévoir dans un contrat de vente que la date de délivrance
doit avoir lieu avant le commencement du Ramadan ou que, pour un contrat de
bail, l’entrée dans les locaux s’effectuera à la fin du Ramadan. La volonté des
parties de faire référence au calendrier musulman ne fait, dans ces exemples,
aucun doute ; mais si cette référence ne peut être déduite de l’interprétation de la
volonté des parties, de la rédaction de la convention, il sera nécessaire aux
parties de préciser expressément qu’ils font référence au calendrier musulman.

229. Quelle soit fondée sur le calendrier grégorien ou sur le calendrier


musulman, la date concrète exprimée en jour, mois, année peut être la date de
référence à la place de la date abstraite, mais est aussi la datation de la date
abstraite.

Date abstraite et date concrète sont ainsi complémentaires l’une de l’autre. La


date abstraite n’a en effet d’intérêt pour le juriste que pour autant qu’elle puisse
être quantifiée. Comment sinon pourrait-on décompter un délai, s’intéresser à la
prescription d’un droit, d’une action, faire produire effet au contrat ? De même à
quoi sert-il de connaître une date calendaire si celle-ci n’est rattachée à aucun
événement (fait ou acte) juridique ? Ce n’est qu’associée l’une à l’autre que ces

494
L’égire correspond au départ du prophète pour Médine.
495
Cf N. FRICERO, « Rédaction des actes d’huissier de justice », J.-Cl. Procédure civile,
Fasc.140.

186
deux dates présentent un intérêt pour le juriste qui en tire une information ou
prouve un droit.

187
section II : la quantification de la date-instant

230. Quantifier la date-instant, c’est exprimer sous forme numérale l’instant,


c’est l’exprimer sous sa forme calendaire.

Cette expression calendaire a pour conséquence que la date-instant doit être


formulée sous la forme du trinôme jour-mois-année. Cependant, la date pourra
être moins précise ou plus, selon le degré de précision exigé, et la sanction y
étant attachée. Mais la sanction d’une date insuffisamment précise (§.2) ne peut
être envisagée que pour autant que soit préalablement établi le degré de
précision souhaité pour la date, tâche d’autant plus difficile à formuler que ce
degré est caractérisé par sa variabilité (§.1).

§1.- La variabilité du degré de précision de la date-instant

231. Le degré de précision requis de la date dépend de celui qu’appelle la


localisation dans le temps de l’événement ou de l’acte considéré, mais
également de l’exigence posée par le législateur.

Il paraît toutefois nécessaire d’établir dans un premier temps ce qui constitue le


degré maximal de précision relativement à la date, ce qui doit conduire à
s’intéresser à la notion de date complète (A). Le contenu de la date complète
étant alors établi, il s’agira ensuite de s’interroger sur le point de savoir si une
date complète est toujours nécessaire, ou si au contraire, une expression moins

188
précise suffit, question qui amènera à considérer la configuration des différentes
dates exigées dans le domaine contractuel (B).

189
A.- La notion de date complète

232. Le terme « date » peut être défini par rapport à ses origines latines ; ainsi
dans le latin médiéval, la date était la lettre donnée, le premier mot d’une
formule qui indiquait la date à laquelle un acte avait été rédigé.

La date complète doit comporter l’indication du jour, du mois, de l’année. Le


terme de jour ne doit pas s’entendre en tant que jour de la semaine (lundi,
mardi…) mais en tant que quantième du mois496. Tel doit d’ailleurs être
interprétée l’exigence de date complète dans l’acte notarié.

Cette indication se révèle si l’on s’intéresse à la rédaction d’origine de l’article 6


du décret du 21 novembre 1971. En effet, avant de substituer le terme de
« date » en 1973, cet article imposait d’indiquer « l’année et le jour où l’acte est
passé ». Ce terme de « jour » devait être entendu en tant que quantième de mois,
la mention du jour de la semaine étant inutile puisqu’un acte notarié peut
valablement être reçu n’importe quel jour de la semaine, y compris les
dimanches et jours fériés497.

Chaque quantième de mois dénommé jour se définit comme l’espace de vingt-


quatre heures qui s’écoule entre zéro heure et minuit.

233. Cette référence à l’horaire pose le problème de l’heure. Une date complète
doit-elle, outre les éléments calendaires, également comporter la mention de
l’heure ? Certains auteurs498 définissent, en effet, la date comme le quadrinôme
heure-jour-mois-année.

496
Jugé que le jour est indiqué par le quantième du mois sans qu’il soit nécessaire de préciser la
dénomination de ce jour (CA Paris, 18 octobre 1923, DP 1924, 2, 45).
497
N. DUTOUR ET V. VIGNAL, « Le moment de la signature de l’acte authentique : date unique ou
pluralité de dates ? », JCP N 1998, Informations professionnelles, p.22.
498
Cf G. CORNU, Le vocabulaire juridique, PUF, Référence, 2003, v° date, « 2. Millésime de
l’année et quantième du mois ; 3. Même indication avec la précision de l’heure » ; Dictionnaire
de droit, T. 1, Dalloz, 1966, v° date : « la date comprend ordinairement l’indication du jour, du

190
Cette définition tend donc à établir que l’heure est une composante de la date.
Elle l’est d’ailleurs si on la considère comme borne du jour qui s’écoule de zéro
à vingt-quatre heures. Or lorsqu’on énonce une date, on la nomme par exemple
comme suit : le 1er janvier 2000, et tout le monde sait que ce jour commence à
zéro heure et finit à vingt quatre heures. Pour chaque jour qui s’écoule, le même
cycle se renouvelle. En ce sens l’heure ne peut donc constituer une date.

L’heure est un moment du jour fixé de manière calendaire. Dire par exemple
qu’une visite domiciliaire s’effectue entre six heures et vingt deux heures ne
localise en aucun cas temporellement sur une décennie, une année, un siècle un
acte ou un fait, mais permet seulement de le localiser dans l’écoulement d’une
journée, renseignement inutile si l’on ne connaît pas le jour.

234. Dès lors, l’heure se présente comme une indication complémentaire de la


date, comme une information supplémentaire indépendante de celle-ci, mais qui
n’a de valeur informative et de sens juridique que lorsqu’elle est accolée à une
date. L’heure n’est donc pas la date, de même qu’elle n’est pas l’un de ses
éléments ; sinon, pourquoi le législateur viserait-il expressément l’heure
lorsqu’il l’exige499 et n’emploierait-il pas seulement la notion de date ?

L’article 57 du code civil prévoit que l’acte de naissance énonce le jour et


l’heure de la naissance, de même pour l’acte de décès qui mentionne l’heure et
le jour du décès500. L’heure est donc bien différente de la date, sinon le
législateur viserait seulement la date comme il le fait lorsqu’il s’agit d’indiquer
le jour ; il n’emploie jamais l’expression « la date et le jour » ; a contrario
puisqu’il vise expressément la date et l’heure lorsque cette dernière est exigée,
cela signifie que la date ne contient pas l’heure. L’heure est un élément
supplémentaire.

mois et de l’année. Dans certains cas, elle comprend également l’heure ou l’indication que l’on
se trouve avant ou après midi ».
499
Par exemple, la mention de l’heure est prescrite dans les actes de procédure lorsqu’il s’agit de
fixer une vente forcée (décret n° 92-755, 31 juillet 1992, art. 111 et 112).
500
C. civ., art. 79.

191
235. Mais ce caractère supplémentaire de l’indication de l’heure ne doit en
aucun cas préjuger de son importance ; celle-ci est en effet un élément
complémentaire de la date ; elle représente le degré de précision maximum de
localisation temporelle de l’événement ou de l’acte.

L’indication de l’heure est même parfois indispensable. Tel est le cas en matière
de contrat de mariage, lorsque celui-ci est établi le même jour que la célébration.
L’article 1395 du code civil prévoit en effet que « les conventions matrimoniales
doivent être rédigées avant la célébration du mariage … » ; l’indication de
l’heure permettra donc, dans l’hypothèse précédemment visée, de prouver que la
signature du contrat est bien antérieure à la célébration.

Toutefois, malgré cet intérêt certain de la connaissance de l’heure, la notion de


date ne doit s’entendre que comme le trinôme jour-mois-année, l’indication de
l’heure n’étant que l’un des exemples de variabilité du degré de précision de la
localisation.

B.- La configuration des différentes dates selon leur degré de précision

236. Cette configuration diffère selon le degré de précision exigé pour la date,
qu’il soit requis pour un acte ou pour un événement. Ainsi la date complète n’est
pas toujours utile, la mention du jour et du mois suffisant, ou la mention de
l’année, ou même une date abstraite, dès lors que celle-ci peut se calculer à
partir d’une date concrète.

192
237. Une typologie des différents degrés de date peut être établie comme suit :
tout d’abord l’existence même d’une date concrète n’est pas toujours
nécessaire ; la date abstraite peut suffire, dès lors qu’est daté l’événement point
de départ de l’écoulement d’une durée. Ainsi, il est suffisant de mentionner la
date de la cessation des paiements comme moment d’extinction du contrat dès
lors que celle-ci peut être connue en se référant à la date du prononcé du
jugement d’ouverture de procédure collective ; en effet, la date de cessation des
paiements peut remonter jusqu’à dix huit mois avant la date de ce jugement.

De même il est suffisant de dire que tous les actes conclus par le débiteur mis en
liquidation judiciaire pendant la période suspecte sont nuls, dès lors que l’on sait
que cette période s’étend de la date de cessation des paiements à la date du
jugement d’ouverture.

L’imprécision de la date est donc permise dès lors que l’on raisonne en terme
d’antériorité.

238. Mais le plus souvent la date calendaire précise est nécessaire. Parfois - et il
s’agit du deuxième type -, la mention de l’année seule peut être suffisante. Par
exemple, s’agissant de la vente d’un véhicule ou de vin, le millésime seul suffit.
Ainsi, l’objet du contrat de vente de vin est suffisamment individualisé lorsque
l’on se contente d’indiquer l’année de sa cuvée. Les cocontractants peuvent se
contenter de stipuler que la vente portera sur la récolte de 1999 ou sur le vin mis
en bouteille en 1999 et l’objet sera alors suffisamment précis.

De même, s’agissant des véhicules automobiles, le décret n° 78-993 du 4


octobre 1978 prévoyait que devait figurer, sur les documents relatifs à la vente
de voitures neuves ou d’occasion, notamment le millésime de l’année modèle501.

501
L’article 5 de l’arrêté du 2 mai 1979 modifié par l’arrêté du 26 mai 1997 précisait que
« bénéficient du millésime d’une année modèle déterminée les véhicules mis en circulation dans
l’Union européenne, à partir du 1er juillet de l’année civile précédente ». Cet article a été
modifié par le décret n° 2000-576 du 28 juin 2000 et ne fait plus référence au millésime.

193
Enfin, la mention de l’année seule suffit parfois pour certaines denrées
alimentaires. Les modalités d’inscription de la date limite de consommation et
de la date d’utilisation optimale se limitent à l’indication de l’année, lorsque la
durabilité estimée du produit excède dix-huit mois502.

239. Dans le troisième type, la mention seule du mois et de l’année peut


constituer une date complète, suffisante. L’indication du jour peut être
considérée par les parties comme surabondante, notamment en matière de
contrat de vente s’agissant de la délivrance. Le code civil, en effet, ne fixe pas le
moment auquel doit s’effectuer la remise de la chose vendue, l’article 1610 de
ce même code n’envisageant des sanctions que lorsque le vendeur n’exécute pas
son obligation « dans le temps convenu entre les parties ».

Les parties peuvent ainsi se contenter de ne retenir qu’une plage de temps


laissée au débiteur de la délivrance pour exécuter son obligation. Tel est le cas
de la clause de livraison « début de mois » qui s’entend des dix premiers jours
du mois, de celle « milieu de mois » qui s’étend entre le 10 et le 20 du mois et
de celle « fin de mois » signifiant que la délivrance doit être effectuée dans les
dix derniers jours du mois.

Le vendeur devra donc, comme le prévoit l’article 33b de la Convention de


Vienne du 11 avril 1980 portant sur les contrats de vente internationale de
marchandises, livrer la marchandise à un moment quelconque au cours de cette
période. D’ailleurs, renforçant cette idée de liberté dans la précision de la date
de délivrance, l’article 1651 du code civil prévoit que le paiement intervient
« dans le temps où doit se faire la délivrance » ; dès lors le fait de viser le temps
et non pas la date peut être interprété comme la volonté de ne pas imposer de
date complète mais bien au contraire de permettre une localisation temporelle
moins précise.

502
Cf l’arrêté du 7 décembre 1984 et l’instruction du 23 août 1985 (art. 8.7 et s.).

194
240. Le degré de précision peut être, à d’autres occasions, accru notamment par
le fait d’exiger la mention de la date à savoir le trinôme jour, mois, année.

Cette exigence d’une date complète est parfois implicite et se déduit de la


complémentarité de deux ou plusieurs dispositions législatives, légales.

Ainsi en matière de démarchage, l’article L. 121-24 du code de la


consommation dispose que « tous les exemplaires du contrat doivent être signés
et datés de la main même du client ». Aucune indication n’est donnée sur le
contenu de la date, mais celui-ci se déduit de l’article L. 121-25 du code de la
consommation prévoyant la faculté de renonciation. Celle-ci doit en effet avoir
lieu dans les sept jours à compter de la commande ou de l’engagement d’achat ;
dès lors, le délai se décomptant en jours, le point de départ doit obligatoirement
être constitué de la mention d’un jour.

En fait l’exigence d’une date complète est certaine dès lors que, à défaut de
dispositions expresses, un délai de renonciation, de rétractation, de prescription
d’action courant à compter de la date est prévu.

241. Parfois en sus de la nécessité de la date, est exigée la mention de l’heure.


Cette exigence se rencontre lorsqu’un conflit de droits existe ou lorsqu’une règle
d’antériorité est prévue. Ainsi en est-il en matière de testament authentique, dans
l’hypothèse de plusieurs testaments établis le même jour, du cas des intitulés
d’inventaire, cela afin de permettre à l’administration fiscale de calculer les
droits d’enregistrements basés sur des vacations de trois heures, du cas d’une
vente si l’on craint une saisie-attribution sur le prix par plusieurs créanciers dans
la même journée.

A défaut, le contrat encourt des sanctions auxquelles il convient maintenant de


s’intéresser.

195
§2.- Les conséquences d’une date insuffisamment précise

242. S’interroger sur les conséquences de la mention d’une date insuffisamment


précise suppose que soit préalablement établi ce que recouvre cette hypothèse ;
une date est insuffisamment précise lorsqu’elle n’est pas exprimée à l’aide de
différents éléments requis ; mais ce défaut de précision découle également du
fait de l’absence de toute date.

Dès lors il s’agit de s’interroger, dans un premier temps sur le point de savoir si
une date incomplète équivaut à une date absente (A). La réponse apportée à
cette question permettra de définir le domaine d’application de la sanction
encourue du fait d’une date insuffisamment précise, dont il faudra étudier le
contenu et le régime (B).

A.- Une date incomplète équivaut-elle à une date absente ?

243. Le caractère incomplet d’une date est à envisager par rapport à la typologie
établie précédemment, c’est-à-dire par rapport au degré de précision exigé de la
date.

Parler de date absente revient à viser la situation dans laquelle une date devait
figurer dans un acte, mais fait totalement défaut, a été omise. Dès lors que l’on
ne peut tirer aucun élément d’information d’une date mentionnée, que celle-ci a
un degré de précision insuffisant, cette insuffisance ne correspond-elle pas à une
absence de date ?

Ainsi, en matière de démarchage à domicile, que faire en l’absence d’indication


du jour qui pourtant fait courir le délai de réflexion ou le droit de repentir ?

196
244. La logique voudrait que cette date insuffisamment précise soit considérée
comme absente.

Or n’est-il pas possible d’appliquer à notre hypothèse une jurisprudence


développée dans le cadre des testaments olographes pour lesquels le code civil
requiert l’indication de la date de rédaction ?

En effet, malgré l’exigence d’une date complète et lorsque celle-ci n’est pas
respectée, le testament est sauf lorsqu’il est possible de reconstituer sa date
complète, pourvu que la preuve résulte de l’acte testamentaire lui-même : les
éléments extrinsèques corroborent les éléments intrinsèques dans lesquels doit
avoir sa racine et son principe la preuve d’un testament olographe.

Au titre de ces éléments extrinsèques qui doivent se relier par leur principe et
leur racine au testament, a été par exemple retenue une déclaration d’un
directeur de l’Enregistrement selon laquelle le papier timbré portant un
millésime avait été mis en circulation antérieurement à l’année indiquée503.

En fait, il suffirait d’appliquer ici, par analogie, la théorie des équipollents ou


des équivalents du droit judiciaire privé504 qui sauve de la nullité l’acte de
procédure irrégulier. Cette théorie joue particulièrement en cas de lacune
concernant la date505 ; l’indication insuffisante est alors complétée par d’autres
énonciations puisées dans le corps même de l’acte. Ainsi, par exemple, si l’acte
de location d’un immeuble est daté simplement du dix du présent mois sans
préciser de quel mois il s’agit, cet acte contient une date incomplète. Cette
lacune pourra être comblée si, par exemple, dans l’acte même il est fait mention
que l’entrée dans les locaux aura lieu le 16 du présent mois de janvier. Cette
indication permet donc de compléter avec certitude les insuffisances de la date.
Mais là ne s’arrête pas le rôle de cette théorie puisqu’elle autorise également à

503
Cass. Req., 8 janvier 1890, S 1890,1, 409.
504
H. SOLUS ET R. PERROT, Traité de droit judiciaire privé, T. 1 : Introduction, notions
fondamentales et organisation judiciaire, Sirey, 1961, n° 339, p. 313.
505
Ainsi a-t-il été jugé que la théorie des équipollents s’appliquait s’agissant d’une lacune
concernant la date de l’exploit d’huissier : Cass. civ., 4 décembre 1861, D. 1862, 1, 74 ; Cass.
civ., 29 août 1865, D. 1865, 1, 329.

197
remplacer les énonciations omises par des équivalents non équivoques et
résultant de l’acte lui-même506.

245. Mais, sauf théorie des équipollents, la date incomplète constitue une date
absente et la jurisprudence en matière d’acte d’huissier a également assimilé
l’absence totale de date à l’indication d’une fausse date ou à la présence d’une
date illisible507 ou à l’indication d’une date qui a été raturée, sans que cette
nature ait été approuvée508. Se pose alors la question d’une date insuffisamment
précise.

B.- La sanction d’une date insuffisamment précise

246. La sanction d’une date insuffisamment précise varie en fonction du but


attaché à cette date. Figure-t-elle dans l’acte pour répondre à un impératif de
forme, de preuve, de la convention elle-même ? En définitive, la date en
question répond-elle à un impératif de l’instrumentum auquel cas elle est requise
ad solemnitatem pour l’acte authentique ou ad probationem en cas d’acte sous
seing privé ou à un impératif du negotium ?

247. La sanction d’une date insuffisamment précise ou du défaut de date


n’existe que pour autant que la mention de la date dans l’acte soit légalement
exigée, quelque soit d’ailleurs cette date : date de conclusion, date de livraison,
terme…

506
Cass. civ., 19 août 1865, DP 1865, 1, p. 329.
507
CA Paris, 24 octobre 1979, Bull. avoués 1979, 2, 20.
508
Cass. 2ème civ., 20 juin 1968, Bull. civ. II, n° 188.

198
Or le législateur ne prévoit pas toujours, la sanction du défaut d’apposition ou de
mention de la date. Or, puisqu’il s’agit de l’inobservation d’une forme prescrite
ad solemnitatem, la sanction logique est la nullité509. Les tribunaux annuleront
donc les contrats conclus au mépris d’une disposition édictant une prescription
positive sans en indiquer parfois la sanction510.

Un cas de nullité textuelle pour défaut de mention de la date existe en matière de


vente à domicile. L’article L. 121-24 du code de la consommation relatif à la
protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile
impose que figure, dans le contrat, la mention de la date. Ce même texte précise
d’ailleurs que la date doit être apposée par le client sur tous les exemplaires du
contrat, et qu’elle doit être manuscrite, écrite de la main même du client.
L’article L. 121-23 du même code sanctionne l’absence des mentions
obligatoires, dont celle de l’article L. 121-24, par la nullité511.

248. Cette obligation portant sur l’existence et la forme de la date de l’acte est
requise au titre de la protection de l’acheteur, du consommateur ; ce qui conduit
donc à se poser la question de la nature de cette nullité. S’agit-il d’une nullité
relative ou d’une nullité absolue ?

La nullité absolue est encourue lorsque l’on peut considérer le contrat comme
mort-né parce que l’une des conditions d’existence fait défaut ce qui correspond
aux cas d’inobservation des formes dans les contrats non consensuels. La nullité
relative, quant à elle, est encourue lorsque le contrat est seulement malade ou
informe, lorsque la condition qui fait défaut est une simple condition de validité.

La mention de la date devrait alors être entendue comme la condition sans


laquelle on peut logiquement concevoir la formation de l’acte, mais que le

509
Cass. com., 1er juillet 1964, Bull. civ. III, n° 345.
510
Dans un tel cas, il faut admettre l’existence d’une nullité virtuelle, par exception au principe
« pas de nullité sans texte » ; mais cette acceptation devrait être cantonnée, comme dans le
domaine de l’obligation d’information précontractuelle (Cass. com., 10 février 1998, Contrats,
conc., cons., 1998, n° 55), au défaut de mention préjudiciable pour le contractant.
511
L’article L. 121-28 du code de la consommation prévoit également une sanction pénale en
cas d’infraction, notamment à l’article L. 121-24 du même code.

199
législateur a édictée pour protéger certaines personnes. Tel semble être le cas de
toutes les dispositions édictées par le législateur pour la protection des
consommateurs et généralement pour la protection des intérêts des plus faibles.
Les dispositions sur le démarchage s’inscrivent donc dans ce cadre512.

249. La sanction la plus courante sera donc l’annulabilité du contrat ou d’une


partie de celui-ci, c’est-à-dire la possibilité de nullité puisque la nullité relative
peut s’effacer soit par la confirmation qui est une renonciation du titulaire de
l’action en nullité à exercer celle-ci513, soit par prescription quinquennale514 qui
n’est elle-même qu’une confirmation présumée.

Par contre lorsqu’il s’agit d’un cas de nullité absolue, aucune confirmation n’est
possible. Le contrat est mort-né. D’ailleurs la nullité est encourue de plein droit.
Tel est le cas du contrat de mariage pour lequel la forme est protectrice de la
volonté des parties ou de l’une d’elle.

La date a ici une grande importance puisque le contrat doit être établi avant la
cérémonie. La sanction attachée à l’exigence d’antériorité du contrat de mariage
par rapport au mariage est la nullité absolue de ce contrat, ce qui entraîne
normalement l’anéantissement des donations de biens présents que les époux se
sont faites l’un à l’autre515, ainsi que des donations de biens à venir516 par
application des solutions relevées au sujet du caractère composite des
conventions matrimoniales.

512
Cf Cass. 1ère civ., 28 novembre 1995, Contrats, conc., cons., 1996, n° 34, note G. RAYMOND.
Cette formation a jugé que l’omission d’une mention obligatoire entraînait la nullité du contrat,
nullité relative pouvant être invoquée par voie d’exception.
513
C. civ., art. 1138.
514
C. civ., art. 1304.
515
CA Lyon , 24 juin 1859, S 1860, 2, 17.
516
CA Nîmes, 8 janvier 1850, D 1852, 2, 189 ; CA Montpellier, 21 décembre 1857, S 1859, 2,
524.

200
250. Mais l’exigence de la mention de la date dans le contrat de mariage n’est
pas la seule formalité requise. Encore faut-il qu’il soit « rédigé par acte devant
notaire… »517. L’établissement d’un acte notarié et donc d’un acte authentique
est nécessaire, l’inobservation de cette exigence étant sanctionnée par la nullité
absolue. Reste à savoir si la solution est identique en cas de défaut d’une
mention requise ou de mention inexacte, incomplète et à déterminer quelle est
l’étendue de cette nullité.

L’étendue de la nullité est aux termes de la jurisprudence, une nullité totale de la


convention matrimoniale. Dès lors le contrat n’est pas rachetable et n’a aucun
effet puisque l’acte n’est authentique que s’il « a été reçu par des officiers
publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé et avec les
solennités »518 la date étant l’une de ces solennités.

Or tel n’est pas toujours le cas. En effet, l’acte authentique qui est nul du fait du
défaut de forme519 « vaut comme écriture privée »520 s’il a été signé des parties.
Donc la date étant l’une des formalités, son absence provoque la nullité de l’acte
en tant qu’acte authentique ; mais cet acte reste valable en tant qu’acte sous
seing privé. La sanction du défaut de date ou de date incomplète ou inexacte est
donc la dégénérescence de l’acte authentique en acte sous seing privé.

Mais une telle dégénérescence ne vaut que pour autant que les mentions de
l’acte notarié ne soient pas elles-mêmes frappées de nullité521.

517
C. civ., art. 1394 al. 1.
518
C. civ., art. 1317.
519
Le défaut de forme correspond ici à un défaut de date, à une date inexacte ou incomplète.
520
C. civ., art. 1318: « L’acte qui n’est point authentique par l’incompétence ou l’incapacité de
l’officier public ou par un défaut de forme vaut comme écriture privée, s’il a été signé des
parties ».
521
Cass. 1ère civ., 28 octobre 1986, Defrénois 1987, p. 257, note VION ; JCP N 1987, II, 157,
note JFP ; RTD civ. 1987, p. 765, obs. MESTRE : « un acte notarié ne vaut comme écriture privée,
sous réserve des dispositions prévues par l’article 23 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971,
que si le vice de forme invoqué lui a fait perdre son caractère authentique. En revanche, les
mentions d’un acte notarié frappées de nullité ne peuvent faire preuve comme écriture privée ».

201
251. La sanction d’une date incomplète, tout comme celle du défaut de date, est
donc constituée soit par la nullité absolue ou relative, soit par la dégénérescence
s’agissant de l’instrumentum.

La quantification de la date-instant était un problème, sa détermination en est un


autre. Comment en effet procéder à la datation de l’événement et quelle
exigence attendre quant à la date déterminée, quels caractères doit revêtir cette
date ainsi déterminée ?

202
Chapitre II : La determination de la date

252. Une fois l’événement servant à la datation établi et retenu, il reste à


déterminer la date, c’est-à-dire à procéder à la datation de l’événement en
question.

Cette opération est nécessaire en dehors des hypothèses où la date est exigée ad
validitatem, auquel cas elle est généralement exprimée sous forme chiffrée,
c’est-à-dire en la forme calendaire inscrite en lettres ou en chiffres.

253. Mais dès lors qu’elle n’est pas exigée ad validitatem, la datation n’est
nécessaire que pour autant qu’il faille s’en prévaloir, généralement pour prouver
un droit, un rang, une classification des droits. C’est donc en cas de contestation
qu’il s’agira de procéder à la datation, puisque seuls les faits dont l’existence est
douteuse doivent être prouvés.

C’est d’ailleurs ce que soutenait MOTULSKY, inspirateur du nouveau code de


procédure civile, s’exprimant en ces termes : « un fait reconnu ou simplement
non contesté n’a pas besoin d’être prouvé »522.

254. La datation de l’événement est ainsi à relier à la preuve de cette date et


donc de son existence523, puisqu’il ne sert à rien d’établir cette date et un rang si
on ne peut opposer cet événement aux tiers. De même, il faut se demander si
cette date opposable aux tiers doit nécessairement être réelle et vraisemblable.

522
H. MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, Thèse Lyon, 1947, n°
115.
523
Ainsi, selon GENY, Science et technique en droit privé positif, T3 n°205 : « l’existence
juridique d’un fait (au sens large) dépend tellement de sa preuve que celle-ci en reste la première
condition d’efficacité ».

203
Aussi, après avoir exposé les modalités de détermination de la date (Section I), il
conviendra de s’intéresser aux caractères de celle-ci (Section II).

section I : les modalités de détermination des dates du contrat

255. La détermination des dates relatives au contrat va différer selon leur nature.
Le régime de la preuve diffère, en effet, selon qu’il s’agit d’établir un acte ou un
fait juridique.

Ainsi la règle est que les actes juridiques doivent être prouvés par écrit 524, la
preuve des faits juridiques étant libre. Cette distinction vaut d’ailleurs également
en matière pénale, dès lors que les juges connaissent de l’action civile, aucune
théorie générale de la preuve propre à cette matière n’existant. En effet, alors
qu’en droit civil, la loi détermine les modes de preuves et leur admissibilité, en
droit pénal, où il s’agit le plus souvent de prouver des faits matériels ou
psychologiques, tous les modes de preuves sont admis, à moins que la loi n’en
dispose autrement.

256. Cette liberté de preuves connaît plusieurs limites. Outre le cas de


dispositions légales contraires et celui du respect des valeurs fondamentales de
la civilisation525, la liberté probatoire en matière pénale se trouve limitée par le
fait que la preuve à rapporter n’a pas de caractère pénal.

524
C. civ., art. 1341.
525
La dignité de la justice impose en effet de ne mettre en œuvre aucun moyen qui attente aux
droits fondamentaux de la personne humaine ( la torture est interdite, mais la possibilité
d’examens médicaux effectués à des fins probatoires est prévue) et la jurisprudence condamne
les procédés déloyaux.

204
Tel est le cas lorsque se présente dans le procès pénal une question de droit civil
ou de droit commercial. Ce problème a notamment été réglé à l’occasion du
délit d’abus de confiance526. La jurisprudence a décidé que la preuve d’un acte
civil, comme celle de l’existence d’un contrat invoqué à la base d’une poursuite
pour abus de confiance, doit être rapportée selon les modes du droit civil527.

En matière pénale comme en matière civile, les actes juridiques doivent donc
être prouvés par écrit et les faits peuvent l’être par tous moyens.

257. Selon une jurisprudence constante dont le législateur s’est fait l’écho,
l’exigence de la preuve écrite préconstituée s’applique aux manifestations de
volonté ayant pour effet immédiat et direct soit de créer ou de transformer, soit
de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d’éteindre des obligations ou
des droits. Elle ne s’applique pas à la preuve des faits auxquels la loi attache des
conséquences qui n’ont pas été voulues par leur auteur.

Ceci correspond à une définition des actes juridiques, par opposition aux faits
juridiques, et constitue donc un critère de distinction pour l’application du bon
régime probatoire.

258. Dès lors la question préalable consiste à établir si la date revêt la nature
d’un acte ou d’un fait juridique. Cette question peut apparaître a priori inutile
puisque la date telle que définie par le trinôme jour-mois-année constitue une

526
NCP, art. 314-1.
527
Ainsi a-t-il été jugé que lorsque la preuve d’un délit est subordonnée à l’existence d’un
contrat, celui-ci doit être prouvé d’après les règles établies par le code civil (Cass. crim., 13
juillet 1951, Bull. crim., n° 208, 17 novembre 1955, ibid, n° 493 ; 1er juin 1987, ibid, n° 224), ou
encore que la preuve du contrat civil dont l’abus de confiance présuppose l’existence doit,
lorsque l’existence de ce contrat est déniée, être faite conformément aux règles de droit civil (
Cass. crim. , 1er avril 1922, DP 1939.1.40 ; 22 mars 1946, Bull. crim., n° 90 ; 28 janvier 1976,
ibid, n° 35 ; 1er juillet 1992, ibid, n° 263) ; mais cette règle ne s’étend pas à la preuve du
détournement, élément de fait extérieur au contrat et qui, comme tel, demeure soumis à la libre
appréciation du juge de la répression (Cass. crim, 27 avril 1968, Bull. crim., n° 127 ; 20 mai
1969, ibid, n° 177).

205
simple circonstance de fait permettant de localiser la survenance de tel ou tel
événement dans le temps.

Tout acte et tout fait juridique étant nécessairement situés dans le temps, la date
ne constitue qu’une circonstance de fait, « qu’un fait matériel attestant de leur
existence à un moment donné et susceptible de prendre une coloration juridique
dans la mesure où les effets de cette nature lui sont attachés par la loi »528.

Si cette qualité factuelle ne fait aucun doute lorsque la date constitue


l’accessoire d’un fait, cette qualification se révèle douteuse lorsqu’elle est un
accessoire à un acte juridique. Sa qualité risque donc de varier selon que la date
est ou non détachable de l’acte ou du fait, selon la qualité de la personne
désirant l’invoquer et selon la qualification du titre qui la porte.

259. La nécessité première est alors de dégager un critère de distinction entre


acte et fait juridique, pour l’appliquer ensuite à la date ou plutôt aux dates
relatives au contrat. Pour ce faire un rappel de la définition de chacun de ces
deux concepts est nécessaire.

L’acte juridique en tant qu’acte conventionnel «est l’opération juridique


(negotium) consistant en une manifestation de la volonté ayant pour objet ou
pour effet de produire une conséquence juridique »529.

Le fait juridique, quant à lui, est «un fait quelconque (agissement intentionnel ou
non de l’Homme, événement social, phénomène de la nature, fait matériel),
auquel la loi attache une conséquence juridique (acquisition d’un droit, création
d’une obligation, etc.) qui n’a pas été nécessairement recherché par l’auteur du
fait »530.

528
M.-A. LAVILAINE-JUILLET, La date de l’acte juridique, Thèse Clermont, 1979, ronéo, p. 133.
529
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, Quadrige, 2003, v° acte.
530
Vocabulaire juridique, préc., v° fait.

206
260. Il apparaît donc que le critère de distinction entre acte et fait juridique
repose sur la notion de volonté, M. CATALA531 ayant d’ailleurs affiné ce critère en
déclarant que « le critère de l’acte juridique réside dans la relation nécessaire qui
unit la volonté de l’agent à l’effet de droit ».

Or il pourrait être soutenu que le fait juridique n’est pas toujours involontaire.
Dire en effet que le fait juridique est un événement auquel une règle de droit
attache des effets juridiques qui n’ont pas été spécialement voulus ne signifie
pas qu’un fait juridique soit nécessairement un événement involontaire.

Un comportement volontaire demeure un fait juridique dès lors que l’effet


juridique qui y est attaché n’a pas en tant que tel été voulu par son auteur. Tel
est le cas notamment lorsque l’on aborde le terrain de la responsabilité : une
personne crée volontairement un dommage à autrui, mais il n’était pas dans son
intention de réparer le préjudice par le versement de dommages et intérêts. La
créance de dommage et intérêts trouve donc sa source dans un fait juridique dont
la réparation est légalement imposée.

Ce caractère du comportement, fait juridique, se révèle exclusivement en


matière de responsabilité et absolument pas en matière contractuelle. Dès lors
dans ce dernier cas, la date extérieure au contrat et non voulue semble être un
fait juridique (§.1) et une date contenue au contrat, voulue par les parties, un
acte juridique (§.2) ; or cette distinction n’est pas aussi aisée qu’il y paraît aux
premiers abords.

§1. La date, fait juridique

AVANT DE S’INTERESSER AUX MODALITES D’ETABLISSEMENT DE LA DATE EN

TANT QUE FAIT JURIDIQUE (B), IL EST NECESSAIRE D’IDENTIFIER LES DATES

531
P. CATALA, La nature juridique du paiement, thèse Paris, 1961, p. 25 et s.

207
CONSTITUTIVES D’UN FAIT (A), PUISQUE CONTRAIREMENT A CE QU’ON POURRAIT
CROIRE, TOUTE DATE N’EST PAS CONSTITUTIVE D’UN FAIT JURIDIQUE.

A.- L’identification des dates constitutives d’un fait juridique

261. A priori cette identification semble simple à double titre : tout d’abord,
comme il a été dit532, la date définie par le trinôme jour, mois, année est une
simple circonstance de fait, toute activité se réalisant nécessairement à un
moment533 ; il s’agit d’une simple circonstance de fait permettant de localiser la
survenance de tel ou tel événement dans le temps.

Or la notion de temps n’est pas obligatoirement soustraite à l’influence de toute


volonté ; les parties à l’acte peuvent décider de reporter la survenance d’un
événement pour en retarder la datation ou attribuer à cet événement une fausse
date ou une date inexacte.

De même la nature de la date peut-elle varier selon qu’elle est l’accessoire d’un
fait juridique ou d’un acte juridique, selon la qualité de la personne qui
l’invoque.

262. L’identification paraît ensuite aisée du fait du critère de distinction entre


acte et fait juridique précédemment établi, à savoir la volonté.

532
Cf supra, n° 257.
533
En ce sens : TOULLIER, Le droit civil français suivant l’ordre du code », Tome IX, §223-226 :
« A l’égard de la date de l’acte, ce n’est pas une convention ; elle ne dépend pas même en
quelque sorte du fait des parties puisque, qu’elle soit exprimée ou non, il est vrai de dire qu’il y
en a une » ; cf également G. GOUBEAUX et CH. BIHR Encyclopédie Dalloz, v° « preuve », 2ème
éd. : « Il faut observer qu’un acte a nécessairement été passé à une certaine date ; si par exemple
l’écrit destiné à constater une vente ne mentionne pas le prix, on peut considérer qu’il n’y a pas
eu accord des parties sur ce point ; tandis que si la date a été omise, il n’est pas possible de dire
que l’acte n’est pas situé dans le temps ».

208
Ainsi, en application de ce critère, sont des dates constitutives d’un fait juridique
toutes les dates qui ne sont pas voulues par les parties. Cette affirmation laisse
supposer qu’il s’agit de toutes les dates subies, c’est-à-dire celles extérieures au
contrat, comme celles d’événements dus à la force majeure ou fait du prince.

Demeure toutefois le problème des dates imposées par une volonté extérieure.
Ce problème tient au fait qu’il existe différentes façons d’envisager le critère de
volonté. Celui-ci peut en effet faire l’objet de deux approches : ou l’on estime
que l’essentiel est que les effets de droit aient été voulus par les parties, auquel
cas toutes les dates non voulues sont des faits juridiques ; ou l’on recherche s’ils
ont leur source dans la volonté elle-même quel qu’en soit l’auteur (parties ou
tiers) ou dans la loi ; ainsi un acte voulu par un tiers étranger au contrat serait un
acte juridique même à l’encontre des cocontractants initiaux.

Quel que soit le raisonnement retenu, tous deux ont des inconvénients.

263. Le premier fait dépendre la nature d’un même acte des circonstances de
l’espèce ; le second restreint excessivement le domaine des actes juridiques en
excluant tous les actes-conditions, c’est-à-dire les actes qui ne sont que le fruit
d’un statut légal immuable, que la volonté des parties ne fait que déclencher.

534
Selon MM. VERDOT et HEBRAUD , le critère de l’acte juridique doit rester
indépendant du problème de la source de son efficacité et des circonstances
concrètes. Il doit permettre de qualifier une opération juridique d’après ses
535
éléments objectifs. Ainsi, selon M. DE LA MOUTTE , l’acte juridique est
l’opération qui exige comme condition de son efficacité, l’intention de produire
certains effets de droit donnés. Or cette définition ne peut recevoir totale
approbation dès lors que l’on sort de la sphère contractuelle voulue par les
initiateurs du contrat. Ainsi, une convention étrangère aux parties initiatrices
d’un premier contrat et dont la date influe sur ce dernier, ne peut que constituer
un fait juridique.

534
In Rép. Dalloz civil, v° acte.

209
La jurisprudence est parfois allée plus loin en assimilant, même à l’égard des
contractants, un contrat à un fait juridique. Elle a en effet considéré qu’un
contrat apparent n’est pas un acte, mais un fait juridique. Dans une décision du
21 mai 1969536, la Cour de cassation rappelle que la preuve d’un contrat,
exemple type de l’acte juridique, doit être rapportée par écrit ; or elle considère
que le contrat apparent n’est pas soumis à cette règle puisqu’il ne s’agit pas d’un
acte juridique, mais de faits d’où résulte l’apparence créatrice d’effets de droit.
Le même raisonnement vaut d’ailleurs pour les sociétés de fait. Il ne s’agit donc
pas, encore ici, de prouver un contrat de société, mais une situation de fait, la
preuve par témoins ou présomption ne pouvant alors pas jouer537.

264. Outre l’exception du contrat apparent, présente une nature factuelle, d’un
point de vue probatoire, la date d’un contrat qui influe sur une convention
conclue par d’autres parties, tiers au premier contrat.. Cette date extérieure à la
volonté des parties, à la nature factuelle, constitue une date subie.

Mais, si tout fait est une date subie, toute date subie n’est pas forcément un fait
dès lors qu’elle est intégrée à l’instrumentum ; élément de l’acte, elle devient
alors une date contenue. Tout événement qui apparaît en tant que fait n’en est
donc pas forcément un.

Le meilleur exemple réside dans les faits d’exécution d’un contrat.


Conformément à leur dénomination, ces événements d’exécution constituent des
faits et peuvent donc être prouvés librement. Mais il ne s’agit que d’une
apparence. En effet, en matière de bail, l’article 1715 du code civil dispose que
« si le bail fait sans écrit n’a encore reçu aucune exécution et que l’une des
parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins[…] ». Ainsi, lorsque le
contrat n’a pas encore été exécuté, le code civil l’assimile à un acte juridique.
S’agissant de leur non existence, les faits d’exécution sont donc assimilés à des
actes.

535
L’acte juridique unilatéral, Thèse Toulouse, 1949, n° 6.
536
Cass. 3ème civ., 21 mai 1969, Bull. civ. III, n° 407.

210
265. Constitue donc un fait juridique en matière probatoire, toute date non
voulue par les parties à l’acte538.

Il peut s’agir d’un événement extérieur ; peuvent notamment être cités le cas de
force majeure ou le fait d’autrui empêchant l’exécution ou la formation de la
convention, la date d’exécution ou d’inexécution du fait de l’une des parties qui
nécessairement est extérieure à l’acte, la date d’un contrat étranger au contrat
envisagé.

Il peut s’agir ensuite de l’événement dont la date est mentionnée à l’acte comme
date de conclusion d’un acte authentique, simple circonstance de fait puisqu'elle
résulte de la simple constatation par l’officier public du jour où il appose sa
signature.

Une fois ces dates identifiées, reste à les établir.

B.- Les modalités d’établissement de la date, fait juridique

266. Les modalités d’établissement de la date factuelle sont celles du régime


probatoire des faits juridiques, « l’existence juridique d’un fait dépendant
tellement de sa preuve que celle-ci en reste la première condition
d’efficacité »539.

537
Cass. 1ère civ., 26 juin 1968, Bull. civ. I, n° 184.
538
Sous réserve de celle constituant une mention de l’acte répondant à un impératif de
l’instrumentum.
539
GENY, Science et technique en droit privé positif, T. 3, n° 205.

211
Que la matière soit civile ou pénale, la preuve d’un fait juridique est libre et
s’effectue par tous moyens à savoir par l’écrit, le témoignage, l’aveu et le
serment.

S’agissant de la preuve littérale, son régime sera envisagé postérieurement lors


de l’étude du système probatoire de l’acte juridique, la règle dans une telle
situation étant la preuve par écrit.

Reste donc à envisager au titre des faits juridiques les autres modalités
probatoires précédemment exposées. Ces différentes modalités existent tant en
matière civile, qu’en matière pénale et pourtant, seul le système procédural privé
sera abordé, les dispositions pénalistes n’ayant à ce niveau que peu d’intérêt,
parce que le contrat ne joue de rôle en matière pénale qu’en tant qu’acte
juridique ; il s’agira, en effet, le plus souvent d’établir son existence et donc sa
date de conclusion, l’établissement de la date certaine n’étant d’ailleurs pas
nécessaire dès lors que, au nom de son intime conviction540, le juge répressif est
persuadé que le contrat, élément constitutif de l’infraction, existait
antérieurement à la commission de celle-ci.

267. Sur le plan purement civil donc, l’établissement de la date, fait juridique,
peut s’effectuer à l’aide de témoignage, d’aveu et de serment.

La preuve testimoniale est définie comme une déclaration effectuée par un tiers
sur des faits objets d’une contestation dont il a eu personnellement
connaissance. Le témoin doit donc être nécessairement un tiers à l’égard des
parties, mais le juge conserve la faculté d’apprécier la fiabilité du témoignage en
tenant notamment compte de la moralité du témoin. Le témoignage peut
s’effectuer sous deux formes : par oral ou par écrit par le biais d’attestation, et à

540
L’intime conviction du juge répressif semble à cet égard correspondre aux présomptions du
fait prévues par l’article 1353 du code civil. Le code civil définit en effet la présomption
(art.1349) comme « des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait
inconnu » et l’article 1353 d’ajouter que les présomptions du fait de l’homme sont celles « qui
ne sont point établies par la loi » et de s’en remettre « aux lumières et à la prudence du
magistrat » qui « ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes ».

212
deux moments : en dehors de toute instance judiciaire comme c’est le cas pour
établir un testament authentique541 ou lors de la phase judiciaire.

Lors de la phase judiciaire, le témoignage est le plus souvent oral. Il se déroule


au cours d’une procédure spéciale dénommée enquête. Les modalités d’exercice
de cette enquête diffèrent selon la qualité de l’acteur. Lorsque l’acteur est l’une
des parties, l’enquête est dite ordinaire et est réglementée par l’article 201 du
nouveau code de procédure civile. La partie sollicitant l’enquête indique le
fait542 qu’elle entend établir (ici la date), dont elle entend rapporter la preuve et
précise l’identité des témoins dont elle demande l’audition. Lorsqu’au contraire
l’acteur est le juge, l’enquête réglementée par l’article 231 du nouveau code de
procédure civile est dite enquête sur le champ, le juge pouvant entendre toute
personne dont l’audition est nécessaire à l’établissement de la vérité.

Quelle que soit la nature de l’enquête, une constante existe s’agissant de l’objet
du témoignage. Le témoignage porte en effet exclusivement sur des faits que le
témoin a personnellement vus ou entendus. Ainsi le témoin peut-il constater
personnellement la véracité d’une date ou établir, parce qu’il était présent lors de
la signature d’un acte, l’existence de celui-ci à une date. Le témoignage n’est
pourtant pas toujours nécessairement direct ; il peut également prendre la forme
d’un témoignage indirect par lequel une personne témoigne de faits qui lui ont
été rapportés par un tiers543. Ainsi un témoin peut-il relater une discussion aux
termes de laquelle une personne déclarait avoir signé un contrat à telle date ou
promis une livraison à tel moment.

268. Etablie par le biais d’une tierce personne, la date peut également l’être par
la personne contre laquelle la preuve devrait en principe être rapportée. Il s’agit
de l’aveu, longtemps considéré comme la reine des preuves et défini comme « la

541
Cf C. civ., art. 971.
542
Le terme est ici entendu au sens large.
543
Cass. civ., 23 octobre 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, 424 ; Cass. 2ème civ., 17 mars 1964, Bull. civ.
II, n° 257 déclarant recevables les témoignages indirects dans lesquels ce que le témoin a
personnellement entendu est la déclaration d’une autre personne relatant ce qu’elle a constaté
elle-même.

213
déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai et comme devant être
tenu pour avéré à son égard un fait de nature à produire contre elle des
conséquences juridiques »544.

Au vu de cette définition pourrait d’ailleurs être relevé dans le mécanisme de la


preuve littérale un élément correspondant à l’aveu : celui de la signature de
l’acte par laquelle le signataire reconnaît la véracité des énonciations de l’acte
qui lui sont défavorables, énonciation qui peut être la date de livraison, celle de
délivrance, celle de conclusion. Mais MM. PLANIOL et RIPERT excluent ce cas du
régime de l’aveu qu’ils définissent comme une « déclaration accidentelle faite
après coup par [la]quelle une partie laisse échapper la reconnaissance du fait ou
de l’acte qu’on lui oppose »545.

L’aveu peut être effectué soit lors d’une instance auquel cas il s’agit d’un aveu
judiciaire, soit en dehors de tout procès auquel cas on parle d’aveu
extrajudiciaire546. La différence entre ces deux formes d’aveu est essentielle
puisqu’elle réside dans la force probante qui leur est attachée. Alors que l’aveu
extrajudiciaire est soumis au pouvoir d’appréciation du juge qui lui attache la
force probante qui lui semble la plus réaliste en fonction de la confiance qu’il lui
accorde547, l’aveu judiciaire, quant à lui, « fait pleine foi contre celui qui l’a
fait »548 et « lie le juge qui doit le tenir pour vrai et y conformer sa
décision »549.

544
BARTIN in AUBRY ET RAU, Cours de droit civil, TII, 6ème éd., §. 751.
545
PLANIOL ET RIPERT, TVII, n° 1563.
546
Cf C. civ., art. 1354.
547
Cass. 3ème civ., 13 juin 1968, n° 65-13.233, Bull. civ. III, n° 276.
548
Cf C. civ., art. 1356 al. 2.
549
H., L. ET J. MAZEAUD ET F. CHABAS, Leçons de droit civil, TII, vol.1, Obligations, Théorie
générale, Montchrestien, 9ème éd., 1998, n° 423.

214
269. Alors que l’aveu est généralement l’affirmation d’un fait qui va s’avérer
défavorable pour celui qui s’y prête, le serment est l’affirmation par un plaideur
de la réalité d’un fait qui lui est favorable550.

Trois sortes de serments existent : le serment décisoire, le serment supplétoire et


le serment estimatoire. Seuls les deux premiers types de serment doivent être
envisagés, le serment estimatoire ne concernant en aucun cas les problèmes de
date puisque son objet est d’établir la valeur d’une chose dans un litige portant
sur cette chose551.

S’agissant du serment décisoire, il s’agit du serment « qu’une partie défère à


l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause »552, tout simplement
parce qu’il s’agit d’un fait objet central du procès que la partie demanderesse ne
parvient pas à l’établir. Elle défère donc au défendeur le serment avec l’espoir
que celui-ci refuse de prêter serment, ce refus valant aveu tacite. Ainsi lors d’un
litige relatif à la responsabilité consécutive à la destruction d’un objet vendu
avec retard du transfert des risques au jour de la livraison, l’acheteur, demandeur
à l’action, qui ne peut établir la date de livraison, propose au défendeur
d’affirmer sous serment la date de livraison ou que la survenance du fait à
l’origine de la perte du bien vendu est antérieure à la date de livraison. S’il n’est
pas déféré au serment, le défaut de serment équivaudra à un aveu tacite et il sera
alors établi que le transfert des risques n’avait pas eu lieu au moment de la perte
de la chose, et que la responsabilité pèse donc sur le vendeur.

Le serment supplétoire, quant à lui, est déféré directement par le juge à l’une ou
l’autre partie553 pour renforcer sa conviction ou pour compléter son
information ; il ne lie d’ailleurs pas le juge qui conserve sa liberté
d’appréciation554.

550
C. civ., art. 1357.
551
C. civ., art. 1369.
552
C. civ., art. 1357.
553
C. civ., art. 1357, 2°.
554
Cass. 1ère civ., 15 juillet 1964, Bull. civ. I, n° 385.

215
270. Tous ces modes de preuves ne jouent pas seulement à l’égard de la preuve
de la date en tant que fait juridique ; ils jouent également à son égard quand elle
est regardée comme un acte juridique, lorsque la preuve de celui-ci est libre. Tel
est le cas en matière d’actes juridiques inférieurs à 800 euros, pour les actes de
commerce entre commerçants, en matière d’actes mixtes lorsque la preuve est
rapportée par un particulier à l’égard d’un commerçant, en cas de
commencement de preuve par écrit.

Dans tous les autres cas, la preuve de la date, acte juridique, devra s’effectuer
par écrit.

§2.- La date, acte juridique

271. Le principe posé par l’article 1341 du code civil est celui de la
préconstitution de la preuve par écrit de tout acte supérieur à 800 euros. Dès
lors, toutes les énonciations et toutes les informations relatives à un tel acte sont
soumises à la même exigence, et tel est le cas de la date.

Du moment où elle est contenue à un tel acte, la date, notamment par le biais de
la théorie de l’accessoire, est soumise aux mêmes règles probatoires. Mais il
reste à identifier, comme précédemment, qu’elles sont ces dates soumises à un
régime probatoire réglementé (A), régime qu’il s’agira ensuite de présenter en
fonction du rôle joué par les différentes dates du contrat (B), étant précisé que la
question de l’établissement de la date en tant qu’acte juridique ne concerne que
les parties à l’acte en question, le régime de l’article 1341 du code civil ne
concernant pas les tiers.

216
A.- Identification des dates, actes juridiques

272. L’identification de telles dates pourraient s’effectuer négativement par


référence aux dates revêtant la qualité de faits juridiques ; seraient des dates-
actes juridiques, celles qui n’ont pas été identifiées en tant que faits juridiques.
Or ce n’est pas cette démarche qui sera suivie.

Il a été précédemment indiqué555 que toute date figurant à l’acte serait


nécessairement un acte juridique ; or deux questions peuvent être posées au vu
de cette affirmation : la date acte juridique est-elle toute date contenue et est-elle
nécessairement une date contenue dans celui-ci?

273. La date-acte juridique est-elle toute date contenue ? Cette question revêt
son importance lorsque l’on se réfère au critère de distinction initialement retenu
entre acte et fait juridiques. En vertu de ce postulat, est un acte juridique, tout ce
qui a été voulu par les parties, et constitue un fait juridique tout ce qui a été subi.

Donc toute date voulue par les parties serait un acte juridique et toute date subie,
un fait, peu important qu’elle soit ou non contenue au contrat.

Or cette affirmation n’est pas vraie. L’indication de la date par les parties revêt,
en vertu de la théorie de l’accessoire, la qualité d’acte juridique, dès lors que
cette mention conditionne la validité et l’efficacité du contrat.

De même, les opérations de datation effectuées par les parties au sein du contrat
semblent traduire la volonté de celles-ci de l’inscrire, même si cela leur est
imposé aux titres de conditions par la loi. Dès lors qu’elles se livrent à la
rédaction de leur acte, c’est volontairement que les parties intègrent toutes les
énonciations. C’est d’ailleurs un avis partagé par AUBRY et RAU. Ces auteurs
déclarent en effet que « la date de l’acte sous seing privé ne saurait présenter le
caractère d’un fait matériel de la même façon que l’acte authentique, puisque les

555
Cf supra n° 257 et n° 269.

217
parties n’ont pas qualité ni l’une ni l’autre pour constater des faits matériels.
L’indication qu’elles donnent de la date à laquelle elles dressent l’acte est une
indication sur laquelle elles s’accordent comme elles s’accordent sur tous les
autres éléments de rédaction de l’acte. L’indication de la date n’a donc de valeur
que leur accord sur ce point peut lui donner. C’est une indication nécessairement
conventionnelle […] »556.

Donc même si la mention de la date est imposée, la datation peut faire l’objet
d’une manifestation de volonté réelle conférant de ce fait à la date le caractère
d’acte juridique.

274. Toute date contenue semble donc être un acte juridique, mais une date-acte
juridique est-elle nécessairement une date contenue ? La réponse doit être
négative dès lors que la date envisagée a fait l’objet d’un accord de volontés des
mêmes parties, telle par exemple la date de conclusion d’un avenant au contrat
initial ou la rédaction d’un acte influant sur le contrat initial.

En fait, la réponse doit être nuancée : la date est forcément une date contenue,
mais pas obligatoirement dans l’acte, objet de la datation. Reste alors entière la
question du contenu de l’acte et de la nature de cette date.

275. La date-acte juridique est une date contenue. Cette expression de « date
contenue » doit être envisagée sous l’angle de la réglementation probatoire,
comme un écrit probatoire557.

La notion d’écrit probatoire a connu une évolution dont l’achèvement est


constitué par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 « portant adaptation du droit
de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature

556
AUBRY ET RAU par BARTIN, 5ème éd., T XII, §. 756.
557
Contrairement au titre premier où cette date contenue n’était envisagée qu’en terme de
localisation.

218
électronique » 558. L’article 1316 nouveau du code civil, issu de cette loi,
dispose que « la preuve littérale ou par écrit résulte d’une suite de lettres, de
caractères, de chiffres ou tous autres signes ou symboles dotés d’une
signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de
transmission ».559

276. L’évolution est flagrante560. L’écrit était jusqu’alors défini comme « un


acte juridique rédigé par écrit et signé, soit par les seuls intéressés (acte sous
seing privé), soit par un officier public (exemple : acte notarié) que l’écrit soit
établi ad probationem (acte probatoire) ou ad solemnitatem (acte solennel) »561.

La synomynie écrit/papier était donc très forte, alors que le monopole occupé
par le papier en tant que support était de pur fait ; aucune disposition du code
civil n’érige, en effet, en règle, le fait que tous les écrits doivent être établis sous
la forme d’un document papier signé à la main. D’ailleurs l’article 1333 du code
civil démontre que ce monopole résulte de la pratique, puisque, au titre des
modes de preuve, il assimile à l’écrit les tailles562.

558
JO du 14 mars 2000, Defrénois 2000, leg, p.97 et s ; E. CAPRIOLI, « Ecrit et preuve
électroniques dans la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 », JCP E 2000, pp. 1-11 ; A. RAYNOUARD,
« Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’informatique et à la signature
électronique ; observations critiques », Defrénois 2000, article 37174 ; P.-Y. GAUTIER, « Le
bouleversement de la preuve : vers un mode alternatif de conclusion des conventions », Petites
Affiches 2000, n° 90, pp. 14-21 ; P. NATAF ET J. LIGHTBURN, « La loi portant adaptation du droit
de la preuve aux technologies de l’informatique », JCP E 2000, com., pp. 836-839.
559
Il convient d’observer que la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en 1846, avait déjà relevé que
« dans son acceptation légale, le mot signifie tracer des lettres, des caractères ; que la loi n’a pas
spécifié ni l’instrument, ni la manière avec lesquels les caractères seraient tracés(…) ». Dans
cette affaire, les juges ont reconnus la validité d’un testament olographe rédigé au crayon par un
berger, dont la profession le tenait loin des habitations et des moyens d’user des objets employés
d’ordinaire à l’écriture. (CA Aix-en Provence, 27 janvier 1846, DP 1846, 2, 230 ; S. 1848, 2,
30).
560
Sur cette question , cf J.-L. NAVARRO, « La preuve et l’écrit entre la tradition et la
modernité », JCP 2002, I, 187.
561
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, Quadrige, 2003, v° écrit.
562
Il s’agit d’entailles sur un morceau de bois fendu en deux parties.

219
Or aujourd’hui, au terme d’une lente évolution, cette synomynie, cette confusion
de l’écrit et du support papier semble avoir disparue563. Initialement envisagé
comme tout document rédigé par écrit et signé, c’est-à-dire exprimé par des
signes d’écritures564, l’écrit, au sens instrumental, a ensuite été défini en
jurisprudence565 comme tout support susceptible de recevoir, de conserver et de
rendre à la lecture l’empreinte intelligible de la pensée566. Peu importe le mode
d’écriture, dès lors qu’il permet de recueillir sur un support quelconque et de
relever si nécessaire des données d’intérêt juridique, notamment la plus volatile :
la volonté humaine.

Et l’article 1316 du code civil, tel que rédigé en 2000, prend acte de cette
jurisprudence, même si l’apport de cette disposition est moindre par rapport à ce
qu’elle annonçait ; ainsi, alors qu’était annoncée une définition du concept de
preuve littérale, elle s’est contentée de donner une définition banale de l’écrit, à
savoir « une suite de lettres, de caractère, de chiffres567[…] » qui correspond
d’ailleurs à la définition donnée de l’écriture qui s’entend d’un « système de
représentation de la parole et de la pensée par des signes conventionnels tracés
destinés à durer »568.

563
En ce sens, cf J. HUET, « Formalisme et preuve en informatique et télématique : éléments de
solution en matière de relations d’affaires continues ou de rapports contractuels occasionnels »,
JCP E 1989, II, 35, n° 2.
564
A. FAUCHON, « Solus consensus obligat : de la validité du crayon en matière d’acte sous seing
privé », D. 1997, 504.
565
Cass. com., 2 décembre 1997, D. Affaires 1998, n° 102, p. 149 ; JCP E 1998, n°5, p. 178,
note T. BONNEAU ; D. 1998, 192, note D.-R. MARTIN; JCP 1998, II, 10097, note L. GRYNBAUM :
l’écrit constituant un acte juridique « peut être établi et conservé sur tout support, y compris par
télécopie, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné, ont été
vérifiées ou ne sont pas contestées » ; P. CATALA ET P.-Y. GAUTIER, « L’audace technologique de
la cour de cassation ; vers la libération de la preuve contractuelle », JCP E 1998, pp. 884-885 ;
JCP 1998, Actualités, n° 21.
566
Les juges ont ainsi admis que le dessus et le côté d’une machine à laver le linge peuvent
constituer un support possible de l’écrit (Cass. civ., 26 juin 1987, JCP N 1987, II, p. 96, note
VENANDET).
567
Cette référence aux chiffres renvoie notamment à la définition de la signature électronique à
savoir « un ensemble de chiffres qui résulte d’un calcul algorithmique déclenché ou initié par
frappe d’un code confidentiel » : Y. BREBAN ET I. POTTIER, « Sécurité, authentification et
dématérialisation de la preuve dans les transactions électroniques », Gaz. Pal. 1. Doct., pp. 276-
281, Gaz. Pal. 2. Doct., pp. 863-870.
568
Dictionnaire Le Robert, v° écriture.

220
Mais cette législation a toutefois eu le mérite d’ériger en règle une solution
jurisprudentielle selon laquelle premièrement une preuve peut être qualifiée de
littérale si elle résulte d’une suite de signes et seulement si cette suite est dotée
d’une signification intelligible, deuxièmement la nature du support est
indifférente, peu importe qu’il s’agisse ou non d’un papier569.

277. Dès lors, toute date contenue n’est pas forcément celle figurant dans le
contenu de l’acte reproduit de manière intelligible sur un support papier, mais
également celle figurant sur tout autre support tels un tronc d’arbre, une vitre
embuée, le sable. Ces deux derniers exemples font apparaître le problème de la
conservation de ce contenu ; en effet, la durée de conservation de cette
indication est plus qu’éphémère sur les deux derniers supports qui sont donc
totalement inadaptés au rôle qui leur est attribué.

Mais toute date contenue n’est pas forcément établie de manière identique, les
modalités différant selon la finalité attachée à l’établissement de cette date.

B.- Les modalités de détermination de la date-acte juridique

278. Contrairement à la détermination de la date en tant que fait juridique, les


modalités d’établissement de la date-acte juridique diffèrent selon la finalité
attachée à la connaissance de cette date. La connaissance de la date en tant
qu’acte juridique peut en effet être motivée soit par le désir d’établir l’existence
de l’acte, ce qui revient alors à établir la date de conclusion d’un acte juridique,

569
P. CATALA, « Ecriture électronique et actes juridiques », in Mélanges M. CABRILLAC, 2000, p.
91 n° 6 : « […] la nature de l’écrit ne dépend pas de son support physique, la preuve littérale ne
s’identifie plus au papier ».
Cf également : L. ASSAYA ET V. BAUDOUIN, « La signature électronique par cryptographie à clé
publique », JCP E 2003, com. 146, pp. 164-169, spéc. p. 166 : « La preuve d’une obligation est
donc maintenant indépendante de son support en droit français ».

221
cette date étant contenue dans le contrat, soit par celui d’établir la fausseté de la
date contenue.

Mais quelle que soit la finalité attachée à la connaissance de cette date, la règle
demeure celle posée par l’article 1341 du code civil à savoir la preuve littérale,
l’obligation de préconstituer une preuve par écrit.

279. Cette obligation qui ne s’impose que pour les actes juridiques, ne vaut que
pour certains d’entre eux ; ne sont en effet soumis à la preuve par écrit que les
actes qui portent sur une somme supérieure à une valeur fixée par décret à 800
euros570.

Aucune modalité de calcul de cette somme n’est d’ailleurs prévue ; aussi est-elle
calculée en tenant compte de la valeur de la chose ou de l’engagement souscrit à
la date de conclusion de l’acte, ce qui peut d’ailleurs poser problème lorsque
c’est la date même de conclusion de cet acte que l’on cherche à établir. A cette
valeur établie eu égard aux prestations principales s’ajoutent les prestations
accessoires. C’est réellement la valeur de l’objet de l’acte qui conditionne les
modalités probatoires et non le montant de la demande de telle sorte qu’il ne sert
à rien de fractionner la demande pour tenter d’échapper à la preuve littérale.

280. Reste à envisager la portée de ce principe de la preuve littérale en matière


d’établissement de la date-acte juridique qu’il s’agisse d’établir l’existence du
contrat à une époque donnée ou de contester une date contenue au contrat.

Etablir l’existence de l’acte est nécessaire notamment lorsqu’il y a concours de


droits, lorsqu’il s’agit d’établir quelle loi appliquer en cas de conflit de lois dans
le temps ou encore lorsque sont en cause les conditions de validité d’un contrat.

570
Ce principe consistant à limiter la liberté de la preuve à partir d’un certain seuil en valeur date
de l’ordonnance de Moulins de 1566 qui a introduit dans notre système probatoire l’obligation
de préconstituer la preuve et qui a posé la règle de la preuve écrite dans les actes juridiques ( PH.
ème
MALINVAUD, Introduction à l’étude de droit, Paris, Litec, 8 éd., 1998, n° 257). Il convient

222
Etablir l’existence de l’acte juridique, c’est prouver la date de l’acte juridique au
sens d’instrumentum, c’est-à-dire démontrer l’époque de la réalisation du titre.
La difficulté d’une telle preuve diffère selon que la date de conclusion figure
stricto sensu dans le titre ou qu’elle a été omise. Deux cas doivent donc être
distingués : celui dans lequel la date est présente à l’acte et celui où elle a été
omise.

281. Si la date de conclusion de l’acte a été omise, le plaideur sur lequel pèse la
charge de la preuve se trouve confronté à un véritable problème. L’article 1341
du code civil qui prévoit, dans son premier alinéa, la preuve par écrit de l’acte
supérieur à 800 euros, interdit de prouver par témoins ou présomption un acte
juridique dont l’existence est déniée571 par son adversaire et proscrit dans son
second alinéa toute preuve outre les énonciations quelle que soit d’ailleurs la
valeur ; sont donc interdits, lorsque la date a été omise lors de la rédaction de
l’écrit, les témoignages et présomptions tendant à compléter le contenu de
l’écrit.

Une telle solution est inadmissible en ce sens que toute possibilité de preuve est
écartée et que l’acte se trouve en quelque sorte hors du temps. Il est en effet
impossible de considérer que le contrat ne se situe pas dans le temps ; c’est
pourquoi la jurisprudence a admis que, si un écrit ne mentionne pas la date à
laquelle il a été dressé, la preuve de cette date peut être établie par témoignages
ou présomptions572. Une telle solution a été considérée comme possible
simplement parce qu’il ne s’agit pas d’introduire dans l’acte une disposition
nouvelle, mais seulement d’établir une des circonstances de fait dans lesquelles

d’observer que le législateur a introduit ces règles plus d’un siècle après qu’aient été inventées
l’imprimerie (1435) et la typographie (1455).
571
Par contre, un certain courant jurisprudentiel a admis que la restriction à l’admissibilité des
modes de preuve ne jouait pas lorsque l’existence de l’acte n’est pas contestée et que seul son
contenu est discuté, ce en contradiction avec les dispositions de l’article 1341 du code civil (
Cass. civ. 10 juillet 1945, D. 1946, 181, note MIMIN ; Cass. soc., 24 mars 1958, Bull. civ. IV, n°
42, p. 332 ; Cass. 1ère civ., 20 janvier 1969, Bull. civ. I, n° 30, p. 221 ; Cass. 3ème civ., 22 janvier
1970, Bull. civ. III, n° 50, p. 36).
572
Req. 6 février 1872, DP 1872.1. 253 ; 11 décembre 1901, DP 1903.1. 114.

223
l’acte a été conclu573 ; or la preuve d’un fait libre ; mais ne pourrait-on pas
objecter que la preuve d’un tel fait est soumis au principe de la preuve littérale
par le biais de l’application de la théorie de l’accessoire ?

282. Lorsque la date est contenue dans l’acte, sa preuve et donc celle de
l’existence de l’acte est le fruit de l’écrit lui-même ; le problème probatoire se
déplace alors du terrain de l’existence du contrat à celui de sa portée probatoire.

Entre les parties, la date, mention du contrat, a la force probante qui s’attache au
contenu de l’acte sous seing privé : elle fait foi de sa date sous réserve de la
preuve contraire574. En contestant l’exactitude de la date mise en cause, le
demandeur entend donc démontrer la fausseté de l’énonciation et établir la date
réelle.

Démontrer la fausseté de la date contenue dans le contrat revient donc à prouver


contre les énonciations de l’acte, contre les énonciations de l’écrit ; or l’article
1341 alinéa deux du code civil prohibe, sauf commencement de preuve par écrit,
la preuve par témoins et présomptions lorsqu’un plaideur prétend que l’écrit
comporte des inexactitudes dues à une erreur involontaire, à une faute commise
par l’une des parties ou à une simulation concertée entre elles 575. L’allégation
contradictoire ne peut être rapportée que par écrit, aveu ou serment. La Cour de
cassation a d’ailleurs déclaré qu’en présence d’un écrit portant l’indication de la
date, des présomptions sont impuissantes à établir que l’accord des parties
remontaient à une date antérieure576.

Cette interdiction de prouver contre les énonciations reçoit toutefois une


atténuation importante. En effet, dès lors que l’inexactitude de la date énoncée
est le fruit d’une fraude et généralement lorsque l’une des parties a intérêt à
critiquer la date d’un acte c’est que la fausse date a servi à commettre une

573
AUBRY ET RAU, T XII, §763, note 21.
574
CA Reims, 15 novembre 1973, Gaz. Pal. 1974,2, 572.
575
AUBRY ET RAU, T XII, §763, note 2.
576 ère
Cass. 1 civ., 20 janvier 1953, Bull. civ. I, n° 27.

224
fraude, la preuve par présomptions est autorisée. L’article 1353 du code civil
autorise, en effet, sans restriction, la preuve par présomptions lorsque l’acte est
attaqué « pour cause de fraude ou de dol », et même la preuve par témoignages
et attestations provenant d’un tiers577. Pour que cette exception joue, il est
nécessaire que la circonstance constitutive de la fraude soit constatée, une
simple allégation ne suffisant pas.

283. Selon qu’elle est considérée comme un fait ou un acte juridique, la date se
trouve donc déterminée en fonction des modalités qui viennent d’être décrites.
Mais ces modalités ne posent aucune exigence quant aux caractères que doit
revêtir la date pour présenter une quelconque utilité. Aussi il convient de se
demander si n’importe quelle date ainsi établie suffit, ou si au contraire, une
exigence qualitative est posée, afin que celle-ci puisse remplir notamment son
rôle probatoire.

section II : les caractères de la date déterminée

284. Déterminer une date comme cela a été fait précédemment n’a d’intérêt que
pour autant qu’elle permette d’établir un droit ; or la détermination intervenant
généralement lorsqu’il y a litige, comme lors d’un concours de droits, une
inexécution ou un retard dans l’exécution d’une obligation contractuelle, il est
nécessaire que la date déterminée et donc prouvée présente certaines garanties
en terme de sécurité.

577
NCPC, art. 200.

225
Mais le problème est de savoir quel degré de garantie exiger. Faut-il exiger que
la date établie soit la date réelle au sens de la date à laquelle le fait ou l’acte s’est
effectivement réalisé, doit-elle être vraie ou véritable ou peut-on se contenter de
garanties plus édulcorées ?

285. La seconde alternative semble devoir être celle adoptée et ce pour


différentes raisons.

Tout d’abord, dire que tout ce qui est prouvé est vrai et conclure par conséquent
que la vérité équivaut à la réalité des faits est une erreur. La vérité est en effet
une valeur attachée à un jugement, alors que la réalité n’intéresse qu’un objet ;
celui-ci est réel en dehors de tout jugement de valeur, alors que la vérité qualifie
la valeur d’une assertion.

Ensuite, il faut tenir compte du fait que ces dates sont déterminées dans le cadre
578
judiciaire. Or, comme le dit DOMAT , « les lois veulent qu’une chose jugée
passe pour vérité », et cette vérité judiciaire, qualifiée de vérité légale, ne peut
point être une vérité absolue, et ne peut être que relative579 si l’on se réfère
notamment aux modes de jugement tant civils que pénaux qui font
respectivement référence aux présomptions du fait de l’homme et à l’intime
conviction.

286. Dès lors la date établie n’accède au rang des vérités que parce qu’elle a été
judiciairement prononcée. Les garanties attachées à la date déterminée sont donc
bien édulcorées.

Ainsi à une date exacte ou empreinte de certitude (§.1), le législateur préfère une
date vraisemblable (§.2), position d’ailleurs partagée par de nombreux auteurs

578
J.-L. DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, 1771, Livre III, Titre VI, Section
IV, n°5, p. 213.
579
J.-M. LE MASSON, « La recherche de la vérité dans le procès civil », Droit et Société 38-1998,
p. 22 : « la décision de justice n’a pas à s’enquérir de vérité absolue, notion qui confine à
l’inaccessible pour le droit dont le domaine ne peut être que celui de la vérité relative ».

226
580
tel que M. CAPRIOLI qui déclare que « prouver consiste à apporter la
démonstration de la réalité d’un fait juridique ou de la véracité d’une
information contenue dans un acte, sa probabilité ou sa vraisemblance » et le
581
doyen CARBONNIER de dire que « prouver un droit c’est le faire apparaître
sinon comme vrai (car dans l’univers juridique, on ne prétend pas atteindre la
vérité), du moins comme probable ».

580
« Preuve et signature dans le commerce électronique », Dr. et patr. n° 55, 1997, p. 56.
581
Droit civil, Introduction, PUF, 18ème éd., 1990, n° 173.

227
§1.- Une date exacte et utopiquement empreinte de certitude.

287. Prouver consiste à établir une vérité supposant, lorsque la preuve n’est pas
582
préconstituée, un raisonnement. Selon M. AMMAR , deux types de
démonstration peuvent être relevés ; l’un appartient aux mathématiques ; il
consiste à établir la cohérence d’une proposition avec l’ensemble des autres
propositions relevant du même langage et déjà cohérentes entre elles ; la vérité
rime alors avec cohérence. L’autre est utilisé dans le domaine des sciences
humaines et intéresse de ce fait la matière juridique.

La démonstration consiste alors à établir « l’adéquation entre l’allégation du


demandeur et la réalité qui s’est déroulée dans un passé plus ou moins lointain ».
La date paraîtra alors exacte, et la force probante attachée à cette date exacte la
supposerait empreinte de certitude (A), vision à vrai dire utopique (B).

A.- Une date exacte

288. Ce qui est exact est ce qui est conforme à la vérité. Exiger une date exacte
revient donc à exiger une date conforme à la vérité ; il doit y avoir adéquation
entre la date alléguée par le demandeur et la réalité qui s’est déroulée dans un
passé plus ou moins lointain.

289. Le problème en matière de date est de savoir de quelle date est exigé ce
caractère certain : de la date concrète ou de la date abstraite ? Ni de l’une ni de
l’autre en fait, mais de leur adéquation.

582
« Preuve et vraisemblance », RTD civ. 1993, pp. 499-593.

228
Exiger en effet de la date concrète, par exemple le 24 janvier 2001, qu’elle soit
exacte, signifie qu’elle doit être conforme à la réalité du calendrier ; tel ne serait
pas le cas du 29 février 2001, cette année n’étant pas une année bissextile, ou du
35 janvier, ce mois ne comptant que 31 jours. L’inexactitude de ces dates tient
donc au fait qu’elles n’existent pas dans le calendrier.

Il en va de même si l’on s’intéresse maintenant à l’exactitude de la date


abstraite. Comment établir l’exactitude d’une date, c’est-à-dire sa conformité à
une règle ou à la vérité du calendrier, dès lors qu’elle n’a pas fait l’objet d’une
datation, qu’elle n’est pas exprimée sous la forme du trinôme jour, mois, année ?
Comment établir que la « date du contrat » est conforme au calendrier ?

290. Seule peut être déclarée exacte ou inexacte la date abstraite chiffrée, et plus
précisément l’exactitude doit concerner le rapprochement de ces deux dates.
L’exactitude de la date consiste en l’adéquation entre date abstraite et date
concrète. Comme le dit MME SOUSI-ROUBI, « si la date concrète que l’on appose
est la date qu’indique le calendrier comme étant celle du jour où on opère, le
rattachement est exact ; au contraire, il est inexact s’il n’est pas conforme à la
vérité du calendrier »583.

Si l’inexactitude est le fruit d’une erreur matérielle, celle-ci peut-être corrigée


notamment par le biais d’informations contenues dans l’acte lui-même comme
s’il s’agissait d’une date incomplète.

Si l’inexactitude est volontaire, son auteur ayant par exemple antidaté ou


postdaté le document, cette date n’a aucune valeur dès lors que le cocontractant
à qui on l’oppose prouve librement que l’acte a été conclu à une autre date, dès
lors finalement qu’il établit la date du negotium, peu important la date de
l’instrumentum ; en effet, en l’espèce, seule l’exactitude de la date du negotium
a été atteinte puisque les parties peuvent très bien décider plus tard de mettre
leur engagement par écrit.

583
« Variations sur la date », préc., spéc. p. 104, n° 66.

229
La date n’est donc exacte que s’il s’agit réellement du jour calendaire où le fait
ou l’acte s’est produit.

Mais l’exactitude à elle seule ne suffit pas. Encore faut-il qu’à cette date exacte
soit attachée une certaine force probante ; encore faut-il que cette date soit
considérée comme la véritable date par la personne à laquelle elle est opposée ;
elle doit donc revêtir un grand degré de certitude.

230
B.- Une date certaine utopique

291. Les caractères de la date ne peuvent être correctement établis que s’ils sont
recherchés en prenant en compte le caractère utilitaire de la connaissance ou de
l’établissement d’une telle date. Or, lorsque des parties sont amenées à établir
une date, c’est qu’une atmosphère conflictuelle s’est développée entre elles et
qu’elles veulent, dans le pire des cas, que la véritable date soit judiciairement
établie. La date judiciairement arrêtée est avec certitude celle recherchée.

292. Toute approbation totale, pleine et entière de cette affirmation est proscrite.
La certitude de la date ne peut être en effet pleinement affirmée qu’en matière
de date légale.

Il y a date légale584 lorsque le législateur lui-même fixe une date. Tel est le cas
en matière de baux d’habitation où, devant la floraison de textes, le législateur a
été obligé de régler le problème des contrats en cours : la loi du 22 juin 1982
prévoie une mise en conformité des contrats conclus avant son entrée en
vigueur ; la loi de 1986 dispose que les contrats de location à durée indéterminée
en cours, qui n’ont pas fait l’objet d’une telle adaptation sont réputés avoir été
renouvelés par période de trois ans à compter du 24 juin 1983585. Plusieurs dates
légales empreintes de certitude sont ainsi établies par ce texte celle du 24 juin
1983, date du premier renouvellement, 24 juin 1986, date du deuxième
renouvellement, 24 juin 1989, date du troisième renouvellement et ainsi de suite.

Dans d’autres cas, la certitude de la date peut être affirmée, mais c’est à la
condition que cette date ne soit pas contestée ; il s’agirait alors d’une certitude
en quelque sorte en sursis, premier degré dans l’affirmation qu’une date certaine
est purement utopique.

584
F. FAVENNEC-HERY, « La date certaine des actes sous seing privé », RTD civ. 1992, pp. 1-43.
585
GIVERDON, « les dispositions transitoires de la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux
droits et obligations des locataires et bailleurs », D. 1982, chron., 253.

231
293. Deux justifications peuvent fonder cette opinion critique.

La première tient à un impératif de gestion du temps par les magistrats586. Ceux-


ci ne peuvent adopter comme principe celui de la certitude, sous peine de
rallonger les délais de traitement des dossiers peut-être même indéfiniment, si
aucune certitude ne leur apparaît.

La seconde justification, et de loin la meilleure, à cette désapprobation


quasiment totale trouve son fondement dans la réglementation elle-même.

Le système probatoire du code civil ne fixe pas la recherche de la certitude


comme impératif du droit de la preuve.

Ainsi les articles 1321 et 1322 du code civil indiquent que doit être considéré
comme prouvé ce qui fait pleine foi. Faire pleine foi n’est pas synonyme de
certitude puisque la pleine foi connaît toujours la limite constituée par une
démonstration contraire ; ainsi l’acte authentique fait-il pleine foi jusqu’à
inscription de faux587 et l’acte sous seing privé tant qu’il n’est pas dénié588.

De même, l’objectif ne peut être la certitude, puisque le code civil prend en


considération les notions de simples renseignements, laisse jouer un rôle aux
indices et a souvent recours à la notion de présomption qui, par définition, ne
peut prétendre au statut d’une technique probatoire permettant d’établir une
vérité certaine.

586
G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE , Introduction au droit français, Erasme, éd. 1990, p. 302 :
« Si la production des preuves devant un tribunal obéit à des principes juridiques et non aux
règles de la méthode scientifique, c’est parce que la démonstration destinée au juge ne peut être
aussi rigoureuse qu’une expérience scientifique […]. Devant un tribunal, il s’agit avant tout
d’établir des faits de la vie sociale ; non des phénomènes naturels. Or, les premiers sont
généralement plus fuyants que les seconds. Il faut ajouter qu’une fois saisi d’un procès, le juge
doit absolument rendre une décision qui termine le procès (article 4 du code civil) […] Il ne peut
différer son jugement jusqu’à ce que cette instruction lui donne des certitudes […] C‘est
pourquoi, en dernière analyse, un discours juridique portant sur la preuve est nécessaire : ce
discours doit justifier l’inévitable risque d’erreur et le fait qu’il soit opportun de malmener un
tant soit peu la vérité pour atteindre l’indispensable décision » .
587
C. civ., art. 1319 al. 2.
588
C. civ., art 1323 et 1324.

232
Enfin, peut être cité le mécanisme de la date dite certaine589 qu’il vaudrait
d’ailleurs mieux nommer date certifiée590. Ce mécanisme est simple ; alors que
les actes authentiques font foi de leur date jusqu’à inscription de faux591 tant
entre les parties qu’à l’égard des tiers, l’acte sous seing privé est soumis au
principe de l’effet relatif énoncé par l’article 1165 du code civil et son
opposabilité aux tiers est commandée par la preuve de cette date.

S’agissant de personnes extérieures au contrat, la garantie de leur droit passe par


la certitude de la date de l’acte qui leur est opposée. Or l’article 1328 du code
civil ne consacre pas la certitude de la date, mais la certitude de l’antériorité de
l’acte à la date de l’événement qui certifie la date. Cet article dispose, en effet,
que « les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils
ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont
souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par
des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellés ou d’inventaire ».

Ces événements relatent bien, d’une façon certaine, l’existence de l’acte à


l’époque des faits considérés, mais ne préjugent en rien de l’exactitude de la
date. Ainsi à l’égard des tiers, non seulement la date de l’acte n’est pas certaine
mais certifiée, seule la date de l’événement certificateur étant certaine, mais
encore son exactitude n’a aucun intérêt, ce qui est justifié du fait que l’on ne
tienne pas compte des dates apposées, mais de leur antériorité.

Les garanties de sécurité attachées à la date sont donc peu développées ; elles ne
sont toutefois pas inexistantes, puisque si l’on ne peut exiger du juge qu’il
prenne ses décisions au vu de certitudes, au moins doit-il statuer au vu de
vraisemblances.

589
C. civ., art. 1328.
590
S. MERCOLI, « Incertitudes sur la date des actes sous seing privé (de l’écrit sur support papier
à l’écrit électronique) », JCP N 2000, informations, pp. 44-49.
591
NCPC, art. 303.

233
§2.- Une date nécessairement vraisemblable

294. Outre les cas de date légale, il ne peut être attendu de la date qu’elle soit
empreinte de certitude, mais au minimum le sera-t-elle de vraisemblance, ce qui
réduit d’ailleurs d’autant les garanties de sécurité puisque « le domaine du
vraisemblable est compris entre le certain-vrai et le certain-faux et comprend les
preuves allant du possible jusqu’au probable »592.

295. La recherche du vraisemblable est une exigence légale, le statut


épistémologique de la preuve juridique étant inséré dans la notion de
vraisemblance. Nombreux sont, en effet, les textes renvoyant à cette notion et
invitant le juge à apprécier le caractère de vraisemblance de la preuve apportée,
caractère dépendant étroitement de la fiabilité du mode de preuve.

A.- La vraisemblance, objectif probatoire légalement affirmé

296. Prouver, c’est démontrer et convaincre, c’est au minimum démontrer la


vraisemblance d’une allégation qui en l’espèce est une date, et en convaincre le
juge.

592
D. AMMAR, op.cit. p. 529.

234
297. Initialement le recours à la notion de vraisemblance dans le domaine de la
preuve des obligations figurait à l’article 1347 du code civil régissant le
commencement de preuve par écrit.

Cet article exige du commencement de preuve par écrit qu’il rende


vraisemblable le fait allégué. La jurisprudence a, d’ailleurs, à cette occasion
donné une définition du vraisemblable en jugeant que « la vraisemblance n’est
pas l’apparence de la vérité, mais ce qui est probable et il ne suffit pas que le fait
allégué soit simplement possible »593.

La sécurité du défendeur est donc garantie par cette exigence quant au caractère
du fait allégué : il ne doit pas être seulement possible, c’est-à-dire qu’il ne doit
pas être ce qui peut être, ce qui peut exister et qui n’est donc pas forcément
constitué, mais également probable ; ainsi, sans être absolument certain, il peut
ou doit être tenu pour vrai plutôt que pour faux.

298. Plus récemment, le législateur a de nouveau eu recours à cette notion de


vraisemblance dans le cadre de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 sur la preuve
et la signature électroniques. L’écrit sur support papier et l’écrit électronique
ayant la même valeur probatoire594, il a fallu régler le problème de conflits entre
preuves littérales. Ainsi l’article 1316-2 du code civil prévoit que « […] le juge

593
CA Colmar, 12 novembre 1948, D. 1949, 72.
594
Si légalement cette affirmation est vraie, elle doit toutefois être nuancée du fait de la
dichotomie de l’écrit qui est soit requis à titre probatoire (ad probationem), soit à titre substantiel
(ad validitatem). Dans ce dernier cas, en l’absence d’écrit, le contrat est nul. La loi ne mettant
pas fin à cette dichotomie, il semble que la reconnaissance de l’écrit électronique se limite au cas
où l’écrit n’est exigé qu’à titre probatoire. Le papier devrait donc encore conserver pendant un
certain temps son monopole de fait, tout au moins jusqu’à la transposition en droit français de la
directive européenne « commerce électronique » de mai 2000 destinée à la création d’une charte
des contrats en ligne pour le XXIème siècle. Or, cette directive interdit aux Etats membres de
mettre un obstacle à la pleine reconnaissance de la validité des contrats électroniques ; donc, si
la France laisse sa législation en l’état et ne met pas un terme à la dichotomie, elle s’expose à
une action en manquement.
Au-delà même de cette sanction liée au statut de l’écrit électronique, l’incertitude pesant sur son
régime conduit dans la pratique à produire le double écrit des documents, les contractants
établissant tant un écrit immatériel qu’un écrit matériel, cela afin de garantir la validité de leurs
contrats spéciaux.

235
règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le
plus vraisemblable »595.

Ce système se rapproche nettement des présomptions du fait de l’homme,


abandonnées à la sagesse du magistrat ou de l’intime conviction en droit pénal,
le principe étant celui du pouvoir souverain d’appréciation du magistrat en tant
que juge du fond.

Ce pouvoir souverain semble toutefois limité par une nécessité tenant au


caractère de vraisemblance, dont la recherche est étroitement liée à l’efficacité
du mode de preuve utilisé, c’est-à-dire à sa fiabilité.

B.- Le caractère vraisemblable de la date conditionné par la « fiabilité » du


mode de preuve

299. La nécessité de la fiabilité attachée au mode probatoire est incessamment


affirmée tant par la jurisprudence que par le législateur. Ainsi les juges ont-ils
affirmé que la finalité de l’écrit était d’être fiable596 et le législateur consacre la
force probante de l’écrit électronique au même titre que l’écrit sur support
papier « sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité »597.

Cette identité de régime entre les deux types d’écrit est conditionnée notamment
par la fiabilité de la signature électronique apposée sur l’écrit sous forme

595
La rédaction de cet article rappelle celle de l’article 311-12 du code civil en matière de
filiation qui a réglé de la même façon les conflits de filiations dans les termes suivants : « les
tribunaux règlent les conflits de filiation pour lesquels la loi n’a pas fixé d’autre principe, en
déterminant par tous les moyens de preuve la filiation le plus vraisemblable ».
596
Cass. 1ère civ., 8 novembre 1989, D.1990, p. 369, note CH. GAVALDA.
597
C. civ., art. 1316-1.

236
électronique. L’article 1316-4 du code civil prévoit en effet que cette signature
électronique consiste « en l’usage d’un procédé fiable d’identification
garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » et que la fiabilité du
procédé de signature électronique est « présumée, jusqu’à preuve contraire,
lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et
l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil
d’Etat ».

Le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001598 pose les conditions de la signature


sécurisée et de la fiabilité du procédé de signature, la fiabilité au sens technique
s’entendant comme le caractère d’un « matériel dans lequel on peut avoir
confiance et fonctionne bien »599. L’article 2 de ce décret considère que la
fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée « lorsque ce
procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un
dispositif sécurisé de création électronique et que la vérification de cette
signature repose sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié ».

300. Des différents textes exigeant ce caractère fiable, ressortent différents


critères .

De l’article 1348 du code civil réglementant la production d’une copie ou la


reproduction d’un titre détruit en tant que mode de preuve600, peuvent être
dégagés les critères de fidélité et de durabilité.

De l’article 1316-1 du code civil précédemment rappelé, il découle que la


fiabilité passe également par l’intégrité du support. M. CROZE601 ajoute d’ailleurs

598
JO 31 mars 2001, p. 5070 ; JCP 2001, III, 20468.
599
I. DE LAMBERTERIE ET J.-F. BLANCHETTE, « Le décret du 30 mars 2001 relatif à la signature
électronique ; Lecture critique, technique et juridique », JCP E 2001, com., pp. 1269-1275, spéc.
p. 1271.
600
Cet article dispose dans son second alinéa « Elles [les règles ci-dessus] reçoivent aussi
exception lorsqu’une partie ou le dépositaire n’a pas conservé le titre original et présente une
copie qui en est le reproduction non seulement fidèle, mais aussi durable. Est réputée durable
toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du
support ».
601
« Informatique, preuve et sécurité », D. 1987, chron., p. 165.

237
qu’est fiable l’enregistrement exact, intelligible et inaltérable, la notion
d’inaltérabilité renvoyant à celle de durabilité. Cette notion d’intégrité de l’écrit
électronique, dont on ne connaît d’ailleurs pas l’objet (support ? contenu ? ou les
deux ?) ne renvoie-t-elle pas à la notion de fidélité ?602 Telle semble être
603
l’opinion de M. PIETTE-COUDOL qui déclare que « en technique, intègre
qualifie l’état d’un objet qui n’a pas été modifié, intentionnellement ou non, par
rapport à un état antérieur ». Cette notion d’intégrité est importante, en cas de
transmission des messages, car il faut s’assurer que le message reçu est
conforme à celui envoyé, qu’il lui est bien fidèle puisque, du fait de la
transmission, il subit des transformations d’ordre techniques.

301. La fidélité suppose que le contenu de l’acte, et donc la date, soit bien celle
voulue par les parties, ce qui a conduit M. AMMAR à déclarer que « peut être
considéré comme fiable en matière d’acte juridique ce qui lors de sa production
peut être admis comme reflétant avec exactitude la manifestation de volonté qui
en est à l’origine ».

La durabilité, quant à elle, suppose que le support soit inaltérable, caractère


difficilement compatible avec les notions d’écrit papier et d’écrit électronique,
mais que la doctrine semble plus facilement reconnaître au premier qu’au
second.

S’agissant en effet de l’écrit électronique, celui-ci ne semble pouvoir satisfaire


aux exigences de fidélité et de durabilité que pour autant que l’information soit
déconnectée des traitements, en la stockant par exemple sur des sauvegardes
infalsifiables, non réinscriptibles. Il faut donc que le fichier informatique
représentatif de l’instrumentum connaisse un état fixe dans le temps ce qui
suppose que le fichier ne puisse être accessible à un seul partenaire

602
Voir cependant X. LINANT DE BELLEFONDS, « Signatures électroniques et tiers certificateurs »,
Expertises, février 2000, p. 19 : « la fidélité et la durabilité du support font l’intégrité du
document » ; cet auteur semble donc attacher le caractère intègre au contenu du document, alors
qu’il attache la fidélité et la durabilité au support du document.
603
Cité par F. SCHWEBER, « Réflexion sur la preuve et la signature dans le commerce
électronique », Contrats, conc., cons., décembre 200, pp. 4-7.

238
indépendamment de l’autre, ce qui impose le recours à une clé, c’est-à-dire un
code d’accès chiffré pour chacun, le cryptage du fichier, ce qui le rend
insusceptible d’altération autre que destructive, voire l’intervention d’un tiers
authentificateur 604.

302. Le juge devra donc apprécier librement cette vraisemblance en


caractérisant la fiabilité de la preuve lui étant rapportée, et la date ne sera
vraisemblable que pour autant que le mode probatoire l’établissant sera fiable ce
qui passe pour l’écrit électronique notamment par une technique d’horodatage
fiable, voire certifiée par un tiers.

604
Cf infra n° 368 et s.

239
Conclusion de la premiere partie

303. La conclusion d’un contrat est un moyen de diriger et d’encadrer


strictement la vie économique de ses auteurs, mais également leur vie privée.
Les hommes concluent des conventions pour prévoir leur avenir605, pour gérer
leur présent. Ils disposent ainsi d’un certain pouvoir dans la fixation des instants,
et plus particulièrement dans la fixation des instants contractuels.

Au nom de la liberté contractuelle, de l’autonomie de la volonté, l’homme peut


choisir son kairos, c’est-à-dire son instant opportun, que ce soit pour la
conclusion du contrat, ou pour son exécution. Il dispose donc d’un pouvoir de
dater qui ne connaît de limites que dans des circonstances rationnelles et
politiques. A une date choisie ou voulue s’oppose une date subie.

Date subie et date voulue se distinguent donc en fonction du titulaire du pouvoir


de choisir la date.

304. Ces deux types de dates se différencient ainsi par leur origine, mais elles se
rejoignent lorsque sont envisagées les modalités d’expression de la date. Qu’il
s’agisse d’une date voulue ou d’une date subie, celle-ci peut se présenter sous
deux formes. La première est la date abstraite606. Elle consiste à faire référence à
un événement sans le situer temporellement, c’est-à-dire sans le quantifier, sans
lui donner de coordonnée temporelle sur la ligne du temps, tout simplement
parce qu’est attaché à cet événement non une incertitude quant à sa survenance,
mais quant au moment où celui-ci se produira. Ainsi en est-il de la prise d’effet
d’un contrat prévue au moment du décès d’une personne. Le décès est de
survenance certaine, mais le moment de sa survenance est, quant à lui, inconnu.

605
Ou l’avenir des êtres qui leur sont chers en concluant par exemple un contrat d’assurance vie.
606
Cf supra n° 219 et s.

240
La seconde modalité d’expression de la date est la date concrète 607, c’est-à-dire
la date calendaire, celle qui ab initio est quantifiée, chiffrée en jour, mois et
année.

C’est cette forme calendaire de la date qui assure l’unité entre les deux types de
dates. La date abstraite pour être utile doit en effet être quantifiée, être exprimée
sous la forme calendaire, à l’aide au minimum d’une année et au maximum sous
la forme du trinôme jour-mois-année, lorsque le degré de précision le plus aigu
est exigé.

305. La détermination de la date en la forme calendaire permet donc de placer


l’instant envisagé sur la ligne temporelle, de façon plus ou moins précise. Mais
cette nécessité de quantifier une date abstraite n’apparaît que dans le cadre d’un
différend naissant entre les parties ou avec les tiers. Ainsi, entre les parties, si
l’exécution du contrat se déroule normalement, au temps de la date abstraite,
celle-ci se suffit à elle-même ; la date concrète et quantifiée n’est nécessaire que
pour constater, par exemple, le retard d’exécution et calculer les intérêts de
retard. A l’égard des tiers, la date abstraite se révèle insuffisante lorsque les
droits issus du contrat sont contestés par un tiers se prévalant d’un droit
identique antérieur.

Ces deux exemples permettent de faire la constatation suivante : les caractères


exigés de la date déterminée ne seront pas identiques, selon que cette date
servira à prouver une date à l’encontre du cocontractant ou à l’égard des tiers.

A l’égard des tiers, s’agissant d’un conflit de droits existants sur le même objet,
il faudra établir l’antériorité de l’un par rapport à l’autre. Une date seulement
vraisemblable suffira à condition toutefois qu’elle repose sur un mode
probatoire fiable, garantissant la sécurité des tiers.

607
Cf supra n° 225 et s.

241
Entre les parties, au contraire, une date certaine, précise, sera le plus souvent
nécessaire ; la relation contractuelle est, en effet, soumise à de nombreux délais,
exprimés en jour, qui ont pour point de départ un instant du contrat, comme la
date de rencontre des volontés ; le calcul de l’écoulement de ces délais nécessite
donc que la date, dies a quo, soit précisément définie.

Quelle soit précise ou simplement vraisemblable, la date exprimée en la forme


calendaire n’est nécessaire que pour autant qu’elle est utile, utilité qu’il convient
d’envisager dans une seconde partie.

Deuxieme partie : L’utilité de la date


détérminée

242
306. Il ne servirait à rien de déterminer les différentes dates d’un contrat si
celles-ci ne revêtaient aucune utilité. Dès lors, il faut préciser quelle utilité
présente la connaissance d’une date, ce qu’est une date utile.

307. Quand la date se présente comme une formalité imposée, comme


l’expression d’une solennité requise, elle est plus qu’une date utile ; il s’agit
d’une date nécessaire puisqu’elle conditionne la validité de l’acte ou son
opposabilité aux tiers ; elle est déterminée par avance, le problème se limitant à
celui de savoir si elle est conforme au calendrier, s’il s’agit d’une date réelle.

Du fait de sa nature, une date nécessaire est donc forcément une date utile.

308. Envisager plus spécialement le problème de la date utile conduit au


contraire à rechercher pour qui la connaissance des dates du contrat est utile ;
cette question conduit à distinguer les parties, les tiers et la société en général.

Le degré de précision exigée de la date diffère, en effet, selon la qualité de la


personne dont l’intérêt est protégé.

S’agissant des tiers et de la société en général, on se contentera d’une date


vraisemblable. La fonction de la date est alors celle d’une condition. La date est
une condition de la sanction pénale garante des intérêts de la société, ou des
droits des tiers.

S’agissant ensuite des relations entre les parties, la date du contrat est le plus
souvent utilisée comme référence ; ainsi la date d’exécution du contrat, qu’il
s’agisse de la date du paiement ou de la livraison par exemple, permet d’établir
le retard d’exécution qui pourra être ensuite sanctionné ; la date de conclusion
du contrat sert de référence lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité de la
convention, de limiter la rétroactivité, par exemple, des effets de l’annulation du
contrat, et constitue le point de départ de nombreux délais.

243
Aussi la date vraisemblable remplit-elle une fonction de condition (Titre I) et la
date précise une fonction de référence (Titre II).

244
245
Titre I : La date vraisemblable, une date
condition

309. Comme il a été dit précédemment608, « la vraisemblance n’est pas


l’apparence de la vérité, mais ce qui est probable et il ne suffit pas que le fait
allégué soit simplement possible »609 ; cette notion de vraisemblance qui
gouverne le droit de la preuve est un gage de sécurité pour le défendeur à
l’action, qui peut être une partie, mais également un tiers.

Le degré de vraisemblance est donc déterminé non par référence au possible,


mais au probable, c’est-à-dire à ce qui doit être tenu pour vrai plutôt que pour
faux.

310. Dès lors qu’il s’agit de la défense d’intérêts autres que ceux des parties au
contrat, la tendance législative, tant en matière civile que pénale, est de se
contenter de la démonstration de l’antériorité d’un fait par rapport à un autre, par
exemple l’antériorité du droit d’un tiers par rapport à celui issu du contrat. Ce
fait est la condition des actions engagées par les tiers au contrat pour la défense
de leurs intérêts (Chapitre II). Il peut également constituer l’une des conditions
de l’action publique, en matière pénale, et peut conduire au prononcé d’une
condamnation à l’encontre des contractants réels ou prétendus tels. La date
vraisemblable du contrat constitue alors une condition de la sanction pénale
(Chapitre I), son utilité ne se limitant pas à son caractère antérieur, puisque les
textes répressifs imposent également de prendre en considération l’existence du
contrat concomitamment ou postérieurement à la commission de l’infraction, à
la survenance du comportement répréhensible.

608
Cf, supra, n° 295.
609
D. AMMAR, « Preuve et vraisemblance », préc., p. 529.

246
Chapitre II : La date, condition de la sanction pénale

311. Le droit pénal n’a généralement à connaître les contrats qu’en tant
qu’éléments de l’infraction ou comme exigence préalable à l’établissement d’un
comportement délictueux. Il s’agit d’une distinction classique en droit pénal
selon laquelle certaines infractions ne peuvent être commises que si certaines
conditions préalables, ne présentant elles-mêmes aucun caractère illicite, sont
réunies610 . Cette distinction présente un intérêt pratique : les règles relatives aux
éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas applicables aux éléments
préalables. Ainsi, quand une modification législative de ces éléments intervient,
les comportements punissables en vertu de la loi ancienne le demeurent avec la
loi nouvelle. Il sera donc important d’opérer cette distinction s’agissant du
contrat dont le domaine d’élection est celui des infractions économiques,
autrement dit du droit pénal des affaires.

312. Le contrat constitue, en effet, dans le domaine économique, le moyen de


délimiter et d’encadrer les conditions d’une relation commerciale que l’on
s’apprête à établir.

Mais une telle relation peut se révéler dangereuse notamment pour la partie
économiquement faible, autrement dit pour le consommateur face au
professionnel.

La partie forte peut, à l’aide du contrat ou en utilisant l’environnement


contractuel, faire supporter des charges intolérables à son cocontractant dont le
rôle se limite le plus souvent à un rôle d’adhésion. Elle peut abuser de lui, le
tromper.

610
Ainsi l’abus de confiance est une infraction nécessitant, pour être constituée, un contrat ayant
entraîné à titre précaire la dépossession de la chose qui en est l’objet et qui va être
ultérieurement détournée (NCP, art. 314-1).

247
Aussi, quand les sanctions civiles ne suffisent pas, et notamment la
réglementation relative aux clauses abusives611, il a été créé en sus des
infractions pénales classiques, des infractions spécifiques. Plus précisément, le
législateur adopte deux démarches différentes. : ou il impose certaines
formalités lors de la conclusion de contrats spécifiques dont il sanctionne
pénalement le défaut, ou il érige le cadre contractuel en champ d’application de
la répression.

313. Mais l’existence du contrat, la connaissance de sa date de conclusion, ou de


formation ne sont pas les seuls éléments importants pour le droit pénal.
Certaines autres dates du contrat conditionnent étroitement l’exercice de l’action
publique.

Lorsque l’on étudie les différentes infractions nécessitant pour leur qualification
l’existence d’un contrat612, il apparaît que la date précise de la convention n’est
pas essentielle ; ce qui est important, c’est la certitude de son antériorité par
rapport à la commission de l’infraction.

En matière pénale, l’existence d’une convention est requise à deux titres :


comme condition d’application du texte répressif (Section I) et comme condition
de la répression (Section II).

611
C. consom., art. L. 132-2.
612
Tel est le cas des infractions suivantes : le taux usuraire, la tromperie, la corruption, le
détournement de gage, l’abus de confiance, le démarchage à domicile, la bigamie, le délit de
versement irrégulier.

248
section I : l’existence du contrat, condition d’application du texte
répressif

314. Le contrat conditionne l’application de certains textes répressifs, qu’il


constitue une condition préalable de l’infraction, c’est-à-dire le cadre dans
lequel celle-ci est commise (§1), ou qu’il permette d’établir la qualité de l’auteur
pour les infractions requérant le statut spécifique du commettant (§2).

§1.- Le contrat, cadre de l’infraction

En tant que cadre de l’infraction, le contrat doit nécessairement exister (A), et


également être antérieur au comportement répréhensible (B).

A. La nécessité d’un contrat déterminé comme cadre de l’infraction

315. Certains textes répressifs ont été créés pour réprimer une infraction précise
instaurée afin de sanctionner les déséquilibres existant entre la partie forte et la
partie faible.

249
Ces dispositions exigent, au titre des conditions d’application, l’existence de
contrats bien précis. Dès lors il est nécessaire d’établir qu’à la date de
commission de l’infraction, existait un contrat précisément défini.

316. La lecture des différents textes répressifs imposant l’existence d’un contrat
conduit à distinguer deux grandes catégories d’infractions : celle nécessitant une
qualification du contrat en cause et celle imposant l’existence d’un contrat
quelle que soit sa nature.

A ces deux catégories pourraient correspondre d’une part les dispositions du


droit pénal des affaires et d’autre part celles prévues par le code pénal.

317. Cette affirmation est spécialement vraie depuis la réforme du code pénal en
1994. Ainsi en témoigne la transformation de l’infraction d’abus de confiance.

En vertu de l’article 408 du code pénal ancien, seuls six contrats constituaient le
cadre obligé de la remise pouvant déboucher sur la qualification d’abus de
confiance, à savoir le louage, le dépôt, le mandat, le nantissement, le prêt à
usage, le travail salarié ou non salarié.

La juridiction correctionnelle devait donc qualifier l’opération juridique à


l’origine de la remise, puisque l’existence du délit était directement tributaire du
contrat conclu entre la personne poursuivie et la victime, et donc de la
conclusion de cet acte, de sa date de formation.

Aujourd’hui, selon l’article 314-1 du nouveau code pénal, le domaine


d’application de l’abus de confiance a été élargi puisque la liste limitative de
contrats de l’article 408 a été supprimée613.

613
Il convient toutefois de citer une solution inattendue rendue par la Cour de cassation en 2000
qui prive le contrat de son rôle de cadre nécessaire de l’infraction d’abus de confiance. La
chambre criminelle a, en effet, jugé que « l’abus de confiance ne suppose pas nécessairement
que le bien détourné ait été remis en vertu d’un contrat ». M. VERON, commentant cet arrêt,
considère que deux lectures de la décision sont possibles : la première signifierait que l’abus de
confiance ne suppose pas nécessairement l’existence d’un contrat au sens civiliste du terme ; la

250
318. Mais la qualification des contrats n’est pas seulement liée aux infractions
du droit pénal des affaires. En effet, généralement, la qualification n’est requise
pour l’infraction prévue par le code pénal, que lorsqu’un même fait est
également répréhensible sur le fondement d’un texte spécial en vertu de l’adage
specalia generalibus derogant.

Tel est le cas du délit de tromperie qui relève d’une disposition spéciale du droit
de la consommation, mais qui peut, à défaut d’application d’un texte spécial,
être poursuivi sous la prévention d’escroquerie.

Ainsi l’article L. 213-1 du code de la consommation exige, pour son application,


un contrat ayant pour objet un bien ou une prestation de service. Dans la
première hypothèse, il doit s’agir d’un contrat qui oblige une partie à livrer le
bien avec ou sans transfert de propriété614 ; dans la seconde, il s’agira d’un
contrat obligeant une partie à fournir un travail quelconque, sans considération
pour la chose travaillée615.

Inversement, en matière d’escroquerie, aucune référence à aucun contrat


particulier n’est exigée ; la tromperie doit non seulement consister en un
mensonge, mais ce mensonge doit être accompagné d’un fait extérieur ou d’un
acte matériel, d’une mise en scène ou de l’intervention d’un tiers ayant pour but
de donner force et crédit aux allégations mensongères616. C’est au titre des
éléments venant corroborer les allégations mensongères que le contrat peut
intervenir ; ainsi en est-il du cas de l’usage d’une fausse qualité, comme par

seconde signifierait que l’abus de confiance ne suppose pas nécessairement un accord de


volontés préalable au détournement. L’auteur opte pour la première lecture (note sous Cass.
crim., 18 octobre 2000, Droit pénal 2001, com., n° 28.).
614
Il peut s’agir par exemple de contrats de vente, de location, de société lorsque l’on fait un
apport en nature de propriété ou de jouissance, de travail lorsque le salaire est partiellement payé
en nature.
615
Il peut s’agir par exemple de contrats d’entreprise, de travail, de transport, de société lorsque
l’on fait un apport en industrie.
616
Cass. crim., 8 novembre 1951, JCP 1952, IV, 1.

251
exemple la qualité de salarié perdue du fait de la résiliation du contrat de
travail617.

De même en est-il des manœuvres frauduleuses qui peuvent consister dans


l’utilisation d’un écrit pouvant être un contrat. Il y a escroquerie à produire un
écrit attestant la véracité du mensonge initial, cet écrit devant être une pièce
distincte de celle exprimant le mensonge618.

319. Ainsi là où un texte spécial peut s’appliquer, la réglementation issue du


code pénal n’exige pas l’existence d’un contrat particulier. Mais certains textes
généraux nécessitent, pour leur application, un contrat bien déterminé. Ce n’est
alors plus relativement à leur objet que le juge opère la qualification, mais eu
égard à la nature même du contrat.

Ainsi pour être inculpé de bigamie, délit régi par l’article 433-20 du nouveau
code pénal, deux contrats particuliers sont exigés : le mariage que le code pénal
considère lui-même comme un contrat, puisqu’il condamne « le fait, pour une
personne engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la
dissolution du précédent ». Il s’agit donc de rechercher si au moment de la
conclusion du second mariage619, il existait un premier contrat qui perdurait.
Une telle infraction n’est donc constituée que pour autant qu’un premier
mariage, en tant que contrat existe, est valable et perdure au moment de la
conclusion du second mariage qui, du fait du premier, est nul.

Un second exemple peut être tiré du droit pénal général où un contrat


précisément déterminé est exigé: il s’agit de l’infraction régie par les articles
314-5 et 314-6 du nouveau code pénal, à savoir notamment le détournement de
gage. Comme l’indique l’intitulé même de l’infraction, celle-ci nécessite

617
Cass. crim., 9 septembre 1869, DP 1870, 1, 144 : un commis, que son patron a congédié qui
parvient par usage de son ancienne qualité à se faire remettre des objets ou valeur, use de la
fausse qualité de l’article 405 du code pénal.
618
Jugé que l’élément matériel de l’escroquerie était constitué dans l’hypothèse d’une demande
de paiement en vertu d’un contrat authentique, mais en réalité rompu, ce que l’agent ne pouvait
ignorer (CA Paris, 27 janvier 1982, Juris-Data n° 021000).
619
Nul en vertu de l’article 147 du code civil.

252
l’existence d’un gage qui est défini par le droit civil et le droit commercial
comme « un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour
sûreté de la dette ». Il s’agit en fait de la définition du nantissement, le texte
étant appliqué tant en matière de gage mobilier qu’immobilier, qu’il soit avec ou
sans dépossession.

320. Cette nécessité de qualifier le contrat et de déterminer son existence à la


date de commission de l’infraction existe également en droit pénal des affaires
comme le montre l’existence de délits tels que celui de versement irrégulier en
matière de construction de maison individuelle ou de promotion immobilière.

Dans le premier cas, pour que la répression s’applique, doit exister


antérieurement un contrat tel que défini par l’article L. 231-2 du code de la
construction et de l’habitation, à savoir « tout contrat autre que celui mentionné
au titre II du présent livre (contrat de promotion) par lequel une personne se
charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble
à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements
destinés au même maître de l’ouvrage d’après un plan qu’elle a proposé ou fait
proposer au maître d’œuvre ».

Dans le second cas, le contrat dont l’existence est exigée est un contrat de
promotion immobilière tel que défini par les articles 1831-1 et 1832 du code
civil. Selon ces dispositions, il s’agit d’un mandat d’intérêt commun par lequel
le promoteur s’oblige envers le maître de l’ouvrage à faire procéder pour un prix
convenu, au moyen d’un contrat de louage d’ouvrage, à la réalisation d’un
programme de construction d’un ou plusieurs édifices, ainsi qu’à procéder lui-
même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou
partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au
même objet.

Ce contrat emporte pour le promoteur le pouvoir de conclure les contrats,


recevoir les travaux, liquider les marchés et généralement celui d’accomplir, à

253
concurrence du prix global convenu, au nom du maître d’œuvre, tous les actes
qu’exige la réalisation du programme.

321. Dans toutes ces hypothèses, les prévenus ne sauraient contourner


l’application de la réglementation en qualifiant faussement le contrat. Les juges
doivent en effet vérifier l’existence du contrat, mais aussi le requalifier lorsque
la qualification initiale est erronée.

Ainsi s’agissant du délit de versement irrégulier dans le cadre du contrat de


construction, la conclusion d’un contrat « d’études préliminaires » peut
dissimuler un contrat de construction qui, en vertu de l’article 231-2 du code de
la construction et de l’habitation, ne permettait aucune perception de fonds 620 ; il
en est de même pour la conclusion d’un contrat de reconnaissance d’un
terrain621 ou la conclusion d’un contrat d’entreprise622.

322. Le domaine d’application de ces dispositions est donc bien défini ; il


suppose l’existence d’une convention en général sans autre précision, pourvu
qu’il y ait rencontre des volontés entre l’auteur de l’infraction et le tiers, qu’il
soit victime, bénéficiaire ou complice, ou l’existence d’un contrat qualifié au vu
de son objet ou de sa nature, pourvu qu’il existe antérieurement.

B.- La nécessité d’un contrat préexistant à l’infraction

620
Cass. crim., 14 janvier 1982, RD imm. 1982, p. 438.
621
Cass. crim., 26 novembre 1985, RD imm. 1986, p. 264.
622
CA Paris 4 juillet 1990, Jurisdata n° 023162.

254
323. De nombreux textes en matière pénale nécessitent pour leur mise en œuvre
l’existence d’un contrat antérieurement à la commission de l’infraction. Mais
cette exigence est exprimée soit expressément, soit tacitement. Divers exemples
peuvent être donnés.

324. Ainsi l’exigence d’un contrat est posée implicitement notamment en


matière de corruption623. La jurisprudence exigeait la préexistence d’un pacte de
corruption.

En effet, en vertu des articles 177 du code pénal et 432-11 du nouveau code
pénal, deux conceptions de l’acte répréhensible sont adoptées : celle consistant à
solliciter des offres ; cette attitude s’accompagne d’une démarche active de la
part du sujet invitant son interlocuteur à comprendre qu’il faut nécessairement
verser une rémunération s’il veut obtenir telle action ou telle abstention.

La seconde est celle de l’agrément d’offres.

Ces deux attitudes démontrent bien la nécessité d’un acte appelé pacte de
corruption dans le cadre duquel s’effectuera l’acte répréhensible qu’est celui de
solliciter ou d’agréer, sans droit, directement ou indirectement des offres, des
promesses, des dons ou des présents.

La jurisprudence n’a eu de cesse de rappeler la nécessaire antériorité du pacte


par rapport à la commission de l’acte répréhensible.

En effet, dès 1953624, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé


que le délit de corruption n’était caractérisé que si la convention passée par le
corrupteur et le corrompu a précédé l’acte ou l’abstention qu’elle avait pour

623
Anc. c. pén., art. 177 ; NCP, art. 432-11.
624
Cass. crim., 19 février 1953, Bull. crim., n° 59 ; D. 1953, 284 . Cette solution a été réaffirmée
depuis à maintes reprises dont : Cass. crim., 8 février 1966, Bull. crim., n° 35, Cass. crim., 14
mai 1986, Bull. crim., n° 63, Cass. crim., 26 novembre 1991, Droit pénal 1992, com., n° 116 .

255
objet de rémunérer625. Il s’agit donc d’établir sur la ligne du temps que la date de
conclusion du contrat est antérieure à la date de commission de l’infraction.

325. L’existence du pacte de corruption et son antériorité sont laissées à


l’appréciation souveraine des juges du fond. Ainsi a-t-il été jugé que le caractère
d’antériorité de la convention conclue entre le corrupteur et le corrompu résulte
suffisamment du fait que les avantages reçus ont été consentis de façon régulière
pendant la période durant laquelle ont été commis les faits constitutifs de
corruption de telle sorte qu’ils ont nécessairement précédé les agissements du
corrupteur et déterminé le corrompu626.

Les juges du fond n’ont donc pas à déterminer précisément la date de conclusion
du pacte de corruption qui le plus souvent d’ailleurs est un accord oral ; seule
l’antériorité devant être démontrée, une date vraisemblable peut suffire. Une
date précise doit toutefois être établie, celle de la commission de l’infraction, qui
permettra alors de vérifier si un contrat préexistait.

326. Ce lien contractuel, implicitement requis, constitue donc le cadre dans


lequel le délit se produit et sans lequel il ne peut y avoir répression ; tel est le cas
également lorsque l’existence d’une convention est expressément exigée. De tels
textes existent notamment en matière de protection des consommateurs.

Peuvent ainsi être relevées les infractions de tromperie et de démarchage.

Aux termes de l’article L. 213-1 du code de la consommation, est coupable de


tromperie « quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté
de tromper le contractant ».

625
Mais une telle convention est réprimée même si elle n’a reçu aucune exécution, c’est-à-dire
même si la contrepartie promise n’a pas été perçue ; en ce sens : Cass. crim., 9 novembre 1995,
Bull. crim., n° 346.
626
Cass. crim., 6 février 1968, Bull. crim., n° 37.

256
Cet article ne peut donc s’appliquer qu’à l’occasion d’une convention
effectivement conclue ou en cours de formation, peu important que l’auteur soit
ou non partie à la convention.

Dans le cas le plus simple, le contrat a été conclu avant le fait délictueux qui
consiste alors en un mensonge sur l’exécution de la promesse. Doit donc être
établie l’antériorité de la convention par rapport au fait délictueux.

327. En dehors de tout contexte de protection du consommateur, le législateur a


également expressément exigé la rédaction d’un contrat par écrit; tel est le cas
de l’infraction de détournement de gage prévue par l’article 314-5 du nouveau
code pénal.

Selon cette disposition, le contrat de gage doit être nécessairement antérieur à la


commission du comportement délictueux, puisqu’il est la condition
d’application du texte répressif.

328. La connaissance de la date de formation du contrat est donc nécessaire pour


établir le cadre de commission de l’infraction ; une date réelle n’est pas utile,
une date vraisemblable suffisant à établir l’antériorité. Une telle date n’est
toutefois pas toujours suffisante pour établir avec exactitude la qualité de
l’auteur de l’infraction, qui peut être conférée par un contrat.

257
§.2- La qualité de l’auteur de l’infraction conférée par le contrat

329. Certaines infractions ne peuvent faire l’objet de poursuite, et donc de la


mise en œuvre de l’action publique, que pour autant qu’elles aient été le fait
d’une personne revêtant une qualité juridique particulière telle celle de
fonctionnaire, d’élu, de salarié…

Cette qualité dépend parfois d’un lien contractuel dont il est important de savoir
si au moment du comportement répréhensible il était constitué, existait,
perdurait.

Outre la qualification de ce lien contractuel, le juge est également forcé de


vérifier son existence.

330. A titre d’exemple peut être cité le délit de corruption de salarié. L’un des
éléments constitutifs de cette infraction visée à l’article L. 152-6 du code du
travail est la qualité de la personne corrompue. L’article sus-énoncé impute le
délit de corruption à « tout directeur ou salarié », alors que l’article 177 de
l’ancien code pénal visait tout commis, employé ou préposé, salarié 627 ou
rémunéré sous une forme quelconque.

La personne corrompue est donc toute personne se trouvant dans une situation
de subordination juridique vis-à-vis de l’employeur, dans un lien contractuel de
subordination avec l’entreprise.

Ainsi la personne corrompue pourra-t-elle être liée à cette dernière par un


contrat de travail ou d’apprentissage, puisque, par ces contrats, elle se trouve
placée dans un lien de subordination.

627
Cass. crim., 4 juin 1955, Bull. crim., n° 279 ; 12 décembre 1988, Bull. crim., n° 241, Gaz.
Pal. 1989, 1, 435 ; Trib. Correc. Nevers, 27 novembre 1942, S. 1943, 2, 23 ; Cass. crim., 10 avril
1997, Bull. crim, n° 137, RTD com. 1998, p. 214, obs. B. BOULOC.

258
Mais, pour que ce délit soit constitué, encore faut-il qu’au moment de la
sollicitation, et donc au moment de la passation du pacte corrupteur, la personne
corrompue soit liée à l’entreprise ; il faut donc que le pacte de corruption soit
conclu après la date de formation du contrat de travail et avant son extinction. A
défaut de cette convention de travail, la partie corrompue n’aurait pas la qualité
de salarié et l’infraction, base de l’action publique, ne serait pas constituée, le
comportement répréhensible ne pouvant être de ce fait poursuivi sous ce chef de
prévention.

331. Observons également que le contrat en tant qu’élément conférant telle


qualité à l’auteur peut constituer un élément de l’infraction dès lors qu’il permet
l’usage d’une fausse qualité628 sanctionné notamment par le délit d’escroquerie
629
du moins lorsqu’il cause un préjudice.

Les dates du contrat revêtent alors une importance particulière pour


l’établissement de la fausse qualité. Celle-ci est en effet constituée lorsque le
contrat qui conférait jusqu’alors la qualité a disparu ; le prévenu ayant alors
perdu cette qualité du fait de l’extinction du contrat630, il conviendra de se
reporter à cette date d’extinction.

La fausse qualité peut également être retenue lorsque la personne s’en prévaut
avant que le contrat ne soit conclu ou parfait631, ou avant qu’il ne soit effectif ou
exécuté. Pour illustrer cette dernière hypothèse, peut être cité l’exemple de

628
Observons toutefois que la fausse qualité n’est un élément constitutif du délit d’escroquerie
qu’autant que l’auteur du fait incriminé en a fait usage.
629
Cass. crim., 21 avril 1970, Bull. crim., n° 136 : « l’usage d’une fausse qualité constitue par
lui-même des modalités du délit, consistant dans le seul fait d’avoir usé frauduleusement de cette
qualité et sans qu’il soit nécessaire qu’elle ait été, en outre, accréditée par quelle que
manœuvre », cf également Cass. crim., 2 mars 1933, Bull. crim., n° 45 ; 12 juin 1936, DH
1936.398 ; 6 janvier 1953, Bull.. crim., n° 2 ; 8 février 1956, Bull. crim., n° 141 ; 18 juin 1958,
Bull. crim., n° 473.
630
Cass. crim., 9 septembre 1869, DP 1870.1.144 : « le fait de se prévaloir d’une qualité perdue
équivaut à l’usage d’une fausse qualité ».
631
Notamment lorsqu’une formalité est nécessaire comme, par exemple, la réitération du
consentement dans un acte authentique.

259
l’utilisation d’un faux état de « Pacsé » 632, c’est-à-dire le cas dans lequel, pour
escompter un avantage indu, les « Pacsés » utilisent cet état, alors qu’ils ont
omis de satisfaire à la condition de communauté de vie. L’article 515-1 du code
civil définit, en effet, le pacte civil de solidarité comme un contrat conclu « pour
organiser leur vie commune ». L’utilisation de ce faux état de « Pacsé » peut
permettre la commission d’une escroquerie, la conclusion d’un PACS blanc
pouvant être incitée par des considérations de droit social, de droit fiscal et de la
législation des loyers633. Cette infraction pour être constituée, outre la nécessité
d’un préjudice, suppose à l’époque des faits une inexécution de son contrat. Il
faut donc s’interroger sur l’existence de cette exécution ou inexécution et de la
dater afin de savoir s’il y a eu ou non usage d’un faux état, d’une fausse qualité.

Importeraient alors tant la date de conclusion du contrat, que la date d’effectivité


ou d’exécution.

Après avoir déterminé si le contrat permet l’application du texte répressif, il


s’agit d’envisager les éléments du délit, leur existence n’étant établie qu’au
sortir d’une confrontation entre la date de conclusion ou d’extinction du contrat
et celle de la survenance du comportement répréhensible.

632
Cf F. ALT-MAES, « Le Pacs à l’épreuve du droit pénal », JCP 2000, I, 275.
633
Un PACS peut être signé dans le but de bénéficier de prestation d’assurance maladie
maternité (CSS, L. 161-14 al. 1er), ou pour invoquer le droit de continuer le bail (loi n° 89-462
du 6 juillet 1989, art. 14). S’agissant du droit fiscal, le législateur a limité le risque de fraude en
n’autorisant la déclaration d’imposition commune entre « Pacsés » qu’après trois ans de PACS
effectif (CGI, art. 6-1).

260
section II : l’existence du contrat, condition de la répression

332. Après avoir qualifié le contrat comme étant celui nécessaire à l’application
du texte répressif, les juges devront vérifier si les éléments constitutifs de
l’infraction sont réunis.

Pour de nombreux délits, l’existence de l’infraction est conditionnée par un


élément temporel . Le comportement n’est ainsi répréhensible que pour autant
qu’il intervienne antérieurement ou postérieurement à la conclusion du contrat
constitutif de la condition préalable ; la date de formation du contrat constitue
alors un élément d’appréciation de la culpabilité (§1). Mais pour certaines
infractions, la simple détermination de l’existence antérieure ou postérieure du
contrat ne suffit pas ; il faut que le contrat persiste à la date de commission de
l’infraction (§2).

§.1- La date de formation du contrat, élément d’appréciation de la culpabilité

333. Le contrat constitue la condition d’appréciation du caractère répréhensible


du comportement poursuivi; ce rôle est flagrant lorsque le contrat est le moyen
générateur de l’infraction (A) ; mais il existe également lorsque ce contrat
constitue la référence temporelle permettant d’établir si la culpabilité peut ou
non être reconnue (B).

A.- Le contrat, élément matériel de l’infraction conditionnant la poursuite

261
334. D’après certains auteurs, « Le fait générateur de la responsabilité pénale est
l’existence d’un comportement qui viole la loi pénale »634, c’est-à-dire une
infraction. Pour que la responsabilité pénale soit engagée, cette infraction doit
comporter deux éléments constitutifs: l’élément matériel et l’élément
intellectuel.

335. L’exigence de l’élément intellectuel, dont l’étude ne revêt pas d’importance


pour notre sujet, a été maintenue par le nouveau code pénal635 consacrant le
principe traditionnel selon lequel une infraction suppose non seulement un
comportement (élément matériel), mais également une attitude intellectuelle, un
état d’esprit, une psychologie particulière (élément intellectuel).

336. Pour que la responsabilité pénale soit engagée, à cet élément intellectuel
doit s’ajouter un élément matériel, l’infraction étant nécessairement définie
comme une action, une manière d’agir, autrefois désignée par l’expression
« corps de délit ».

C’est l’article 121-1 du nouveau code pénal qui exige indirectement cet élément,
texte corroboré par la rédaction des différentes incriminations comme suit : « le
fait de… »636.

Cet élément matériel peut être le contrat lorsqu’il est envisagé comme élément
constitutif de l’infraction.

Dès lors il s’agit de rechercher sa date, notamment celle de conclusion ou


d’extinction637, pour savoir à quel moment est survenue l’infraction. Le moment

634
F. LE GUNEHEC ET F. DESPORTES, Droit pénal général, Economica, 9ème éd., 2002.
635
Cf NCP, art. 313-1 selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le
commettre ».
636
Cf par exemple, NCP, art. 313-1 « l’escroquerie est le fait, soit …, soit… » ; NCP, art. 433-
20 définissant la bigamie comme « le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage,
d’en contracter un autre ».
637
La date de conclusion importe notamment pour le délit de bigamie comme cela a été établie
dans la note précédente ; la date d’exécution quant à elle est important pour le délit

262
de survenance de l’infraction détermine notamment la loi applicable (et parfois
la qualification à retenir). De nombreuses dispositions légales rappellent cette
affirmation.

Tout d’abord, l’article 8 de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789


déclare que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée
antérieurement au délit » ; ensuite, l’article 7 de la Convention européenne de
sauvegarde des Droits de l’Homme dispose que « nul ne peut être condamné
pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne
constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même
il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment
où l’infraction a été commise » ; enfin, l’article 112-1 du nouveau code pénal
rappelle, dans son alinéa premier, que « sont seuls punissables les faits
constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis » ; et l’alinéa
2 d’ajouter que « peuvent seules être prononcées les peines légalement
applicables à la même date ».

La date du contrat pris en tant qu’élément matériel de l’infraction permet donc


d’établir si un texte sanctionne le comportement supposé et surtout si le fait
constitué par le contrat est répréhensible et conduit à retenir la culpabilité de son
auteur ; mais sans être l’élément de l’infraction, le contrat peut constituer la
référence temporelle nécessaire à l’appréciation de la culpabilité.

B.- Le contrat, élément temporel d’appréciation de la culpabilité

337. Dans la majorité des infractions, le comportement pour être répréhensible


doit être postérieur à la conclusion du contrat (mais il peut être également
antérieur ou survenir pendant la durée d’existence du contrat, celui-ci devant
persister lors de la commission de l’infraction).

d’escroquerie : Cass. crim., 15 novembre 1955, Bull. crim., n° 478 : « le délit d’escroquerie étant
consommé par la remise des fonds […], le point de départ de la prescription se situe au jour de la
remise » ; or c’est l’exécution du contrat qui incite la remise.

263
L’antériorité de l’existence de ce dernier est donc exigée.

Tel est le cas en matière d’abus de confiance, de corruption638, ces délits n’étant
constitués que pour autant que l’acte du délinquant se produise dans le cadre
d’une convention.

338. Mais l’acte peut également être répréhensible parce qu’il intervient
antérieurement à la conclusion de la convention .

Illustrent parfaitement ce cas, les délits de versements irréguliers en matière de


construction ou de promotion immobilière. Dans de telles hypothèses, l’illicéité
du versement résultant de l’inobservation des prescriptions légales est constituée
lorsque le contrat n’existe pas au moment des versements d’argent ou lorsque
les échéances contractuellement prévues ne sont pas respectées ; ce qui signifie
que pour être licite, le paiement doit intervenir postérieurement à la conclusion
du contrat.

Deux types de vente se retrouvent en matière de construction : la vente en l’état


futur d’achèvement et la vente à terme. Dans le premier cas 639, le vendeur ne
peut ni exiger, ni accepter aucun versement avant la signature du contrat, ni
avant la date à laquelle la créance est exigible. L’appel de fonds initial est donc
prohibé avant la signature du contrat en sa forme authentique. La chambre
criminelle de la Cour de cassation640 a en effet décidé que seul l’acte authentique
rend le versement licite et pas l’acte sous seing privé, puisque la solennité est
également exigée à des fins de protection de l’acquéreur.

638
« Le délit de corruption n’est caractérisé que si la convention passée par le corrupteur et le
corrompu a précédé l’acte ou l’abstention qu’elle avait pour objet de rémunérer » : Cass crim 19
février 1953, Bull. crim., n°59, D. 1953.2.84 ; 8 février 1966, Bull. crim., n° 35, D. 1966 som
104 ; 13 décembre 1972, Bull. crim., n° 396, Gaz. Pal. 1973.1.somm 94 ; 14 mai 1986, Bull.
crim., n° 163, Rev. sc. crim. 1987, 685 ; 26 novembre 1991, Droit pénal 1992, 116 ; CA Paris 14
février 1988, Rev. sc. crim. 1989, 123, obs. BOUZAT.
639
Cf CCH, art. L. 261-12 al. 1 et L. 261-14.
640
Cass. crim., 29 octobre 1973, Bull. crim., n° 388.

264
Sont encore prohibés les versements de fonds ultérieurs intervenant avant la date
d’exigibilité de la créance contractuellement fixée dans le respect des
prescriptions légales.

La régularité des versements est donc subordonnée à l’existence du contrat et à


son effectivité, au respect de ses stipulations.

S’agissant de la vente à terme (le second cas), le paiement du prix de


l’immeuble ne peut s’effectuer qu’à la date de la livraison, seuls étant autorisés
des dépôts de garantie sur un compte ouvert au nom de l’acquéreur, ces fonds
étant insaisissables, incessibles et indisponibles jusqu’au paiement.

339. Ainsi la reconnaissance du caractère répréhensible du comportement est


fonction de la localisation temporelle et chronologique de ce comportement par
rapport à la formation du contrat.

Dès lors se pose le problème de savoir en fonction de quelle date doit


s’apprécier le caractère délictuel. Est-ce en fonction de celle du negotium ou de
celle figurant sur l’instrumentum ?

Le système prévalant en matière civile est celui du consensualisme ; l’échange


des consentements ou l’expression des volontés suffisent à réaliser la
convention. C’est donc la date de rencontre des volontés qui doit être retenue.

Le plus souvent un instrumentum est établi concomitamment au negotium ; il ne


fait donc que constater la date du negotium. Cette identité de date évite tout
problème. Mais qu’advient-il lorsque les deux diffèrent ? ou lorsque
l’instrumentum est exigé au titre de solennités ?

340. Ces formalités peuvent être exigées par les parties elles-mêmes, mais
résultent le plus souvent de dispositions législatives tant civiles que pénales

265
Le législateur exige souvent la rédaction d’un écrit pour la protection de l’une
des parties. Ainsi en est-il pour le contrat de vente d’immeuble à construire; ce
contrat doit être rédigé en la forme authentique. Dans une telle hypothèse, seule
la date portée sur l’acte instrumentaire doit être prise en considération puisque
cette formalité est exigée à des fins de protection ; or cet objectif ne pourrait être
atteint si la date du negotium ou d’un acte sous seing privé était retenue comme
référence.

Mais qu’advient-il lorsque cette formalité conditionne la validité de la


convention et qu’elle n’a pas été remplie ? L’absence de formalité rendant le
contrat nul prive-t-elle par conséquent un comportement de son caractère
répréhensible ou la seule existence du negotium suffit-elle ? Quelle est
l’influence de la validité de la convention sur la sanction pénale ?

Ces interrogations peuvent être résumées sous la forme d’une seule question : le
contrat doit-il persister à la date de commission de l’infraction pour que le
comportement envisagé soit répréhensible ?

§2.- La persistance du contrat à la date de commission de l’infraction

341. La persistance du contrat est parfois exigée à la date de la commission de


l’infraction notamment pour que celle-ci soit constituée et puisse être
poursuivie.

Tel est le cas du délit de bigamie. Celui-ci nécessite l’existence simultanée de


deux contrats : un premier mariage persistant lors de la conclusion du second.

Cette exigence de persistance signifie que le contrat doit non seulement être
formé, mais doit continuer d’exister. Il ne doit donc, en aucun cas, avoir pris fin,

266
cela de quelque façon que ce soit : arrivée du terme, résolution, résiliation,
annulation…

Le mécanisme de l’annulation, qui vient notamment sanctionner un défaut de


validité d’un contrat, pose le problème de l’influence de celle-ci sur la
constitution et donc sur la répression de l’infraction.

Dès lors, il convient de rechercher si la validité d’un contrat est nécessaire pour
que le comportement incriminé soit répréhensible.

342. La réponse doit être négative, même si pour certains 641 cette position est
critiquable.

Le droit civil et le droit pénal poursuivent en effet des objectifs différents. Le


droit pénal n’a pas pour but de sanctionner des obligations civiles, mais des
agissements illégaux. Et la validité d’une convention n’a aucune influence sur la
répression, sur l’existence de l’infraction. La criminalité est en effet la même
que le contrat soit valable ou entaché de nullité. La nullité d’une convention ne
paralyse pas le but poursuivi par l’auteur de l’infraction 642 ; en tout cas, elle
n’annihile pas l’intention criminelle.

Celle-ci doit donc être sanctionnée en dehors de tout problème de validité du


contrat puisque la loi civile se borne à déterminer les cas de nullité ou
d’annulation, abstraction faite des éléments délictueux et de leurs conséquences.

Cette position a d’ailleurs été approuvée par la Cour de cassation statuant sur un
problème de détournement d’objet gagé. Pour la chambre criminelle de cette
formation643, la validité de la convention n’a aucune influence, aucune

641
Cf notamment J.-A ROUX, note sous Cass. crim., 25 novembre 1927, S. 1929, 1, 153 . Cet
auteur considère qu’il est « regrettable que le droit pénal tende à faire exécuter une convention
que le droit civil déclare nulle ».
642
Cf toutefois les exceptions citées infra, n° 343.
643
Cass. crim., 26 février 1970, Bull. crim., n° 79, JCP 1970, IV, p. 101 : s’agissant de
l’infraction visée à l’article 314-5 du code pénal, les poursuites ne trouvent leur fondement que
dans le détournement frauduleux de la chose remise en gage et non dans le contrat lui-même qui
ne constitue que la condition préalable, mais nécessaire à la réalisation de l’infraction.

267
importance, tout simplement parce que les poursuites exercées ne trouvent pas
leur source dans le contrat, mais dans le comportement qui s’avère répréhensible
du fait de l’existence du contrat.

C’est « au temps de l’action » qu’il convient de se placer pour apprécier


l’existence de la qualification pénale ; l’infraction est cristallisée dès que ses
éléments constitutifs sont réunis ; c’est pourquoi la disparition ultérieure du
contrat ne peut remettre en cause l’existence de la qualification pénale.

343. Une exception peut toutefois être relevée s’agissant du cas de bigamie, où
le contrat est un élément constitutif de l’infraction. Pour que ce délit soit
constitué, il faut que persiste le premier mariage au moment de la conclusion du
second. Si aucun problème ne se pose lorsque la nullité du premier mariage a été
prononcée judiciairement, tel n’est pas le cas lorsqu’elle ne l’a pas été au
moment où est commise l’infraction644.

Qu’advient-il en effet lorsque le premier mariage est nul, mais que cette nullité
n’a pas été constatée par un jugement ?

En 1811, la Cour de cassation considérait le délit constitué dès lors que le


second mariage avait été contracté sans qu’aucune décision de justice n’ait
prononcé l’annulation du premier645.

Puis, en 1813646, cette même juridiction a opéré une distinction entre la nullité
relative prévue à l’article 184 du code civil et la nullité absolue. La nullité
absolue empêcherait toute condamnation pour bigamie sans qu’aucune décision
de justice ne soit nécessaire car elle ferait que « ce lien n’a jamais existé »647 ; au
contraire, l’individu accusé de bigamie ne pouvait invoquer la nullité relative du
premier mariage.

644
Cass. civ., 9 mai 1900, DP 1905, 1, p. 101, S. 1901, 1, p. 185 : « L’annulation du premier
mariage légalement et définitivement prononcée à l’étranger ne peut être remise en question en
France et ne permet pas des poursuites en bigamie ».
645
Cass. crim., 1er mars 1811, D. rep. 1847, n° 12.
646
Cass. crim., 12 novembre 1813, J.-Cl Droit pénal, article 433-20, §54.

268
Cette distinction est aujourd’hui condamnée en application d’une solution
jurisprudentielle développée en matière d’adultère648. La Cour de cassation a
décidé « qu’il importe peu […] que le mariage soit annulé à raison d’une nullité
relative ou à raison d’une nullité absolue » puisque « l’une et l’autre de ces
nullités prennent naissance au jour de la célébration du mariage ; que leurs effets
remontent nécessairement à cette date et sont identiquement les mêmes ». La
nullité du premier mariage est donc exclusive de la qualification de bigamie ; de
même d’ailleurs que la nullité du second mariage.

344. En effet, même si l’examen de la jurisprudence révèle que le prévenu


conteste plus fréquemment le premier mariage, pour laisser subsister le second
qui lui convient le mieux, rien ne l’empêche de contester le second et de
conserver le premier. La seule différence de traitement entre ces deux mariages
relève de la compétence juridictionnelle : si le prévenu conteste le premier
mariage, la question de la validité de ce mariage est une question préjudicielle
réservée à la compétence des juridictions civiles ; s’il conteste la validité du
second, il s’agit alors d’une contestation portant sur l’élément constitutif de
l’infraction dont le tribunal correctionnel peut connaître649.

S’agissant de l’incidence de la nullité du second mariage sur la constitution du


délit de bigamie, la solution est identique à celle précédemment exposée pour le
premier mariage. Il a ainsi été jugé, au vu d’un certificat de nullité du second
mariage, que la nullité prend naissance au jour de la célébration du mariage, que
les effets de la nullité remontent à cette date, que le prévenu n’a donc jamais été
marié deux fois, et que par conséquent le délit de bigamie n’est pas constitué650.

Mais cet exemple constitue une exception, le principe étant que la validité du
contrat est indifférente ; la persistance du contrat n’est donc exigée que pour les

647
Cf D rep 1857, v° Question préjudicielle, n° 7.
648
Cass. crim., 13 avril 1967, DP 1967, 1, 3553.
649
Cass. crim., 18 février 1942, Bull. crim., n° 11.
650
CA Toulouse, 27 juin 2002, Droit pénal 2003, com., n°1, obs. M. VERON.

269
infractions s’inscrivant dans une certaine durée et exigeant une succession
d’événements dépendant les uns des autres, et dont l’un est un contrat.

345. L’utilité de la date du contrat, quel que soit le rôle que celui-ci joue dans la
répression en tant qu’instrument au service de la protection de la société, vient
d’être établie. Mais cette utilité en matière de protection ne se limite pas aux
intérêts de la société en général, de l’ordre public ; elle porte également sur la
défense des droits des tiers au contrat.

Chapitre II: La date, condition de la défense des droits des


tiers

346. Outre sa fonction en droit pénal, la date vraisemblable joue un rôle


important en matière de défense des droits des tiers et notamment de ceux
attachés à une chose (le droit de propriété, de gage, d’hypothèques…), ou à une
créance.

La gestion de la défense des droits des tiers au contrat se pose en présence d’un
conflit de droits concurrents, soit entre une partie au contrat et un tiers, soit entre
deux tiers, ayants-cause à titre particulier.

L’existence de droits concurrents sur un même bien démontre que tout contrat
peut avoir une influence sur la situation d’un tiers, ceci malgré le principe de
l’effet relatif du contrat posé par l’article 1165 du code civil. Ce principe,
conséquence logique du dogme de l’autonomie de la volonté, signifie que la
volonté des parties ne peut créer d’obligations qu’entre elles et pas à l’égard des

270
tiers. Si, selon l’article 1165 du code civil, le contrat ne peut ni nuire ni profiter
aux tiers, en tant que fait, il leur est opposable651.

347. Selon des auteurs, « l’opposabilité est un phénomène général qui tend à
faire reconnaître l’existence du contrat par les tiers, car si ces derniers étaient
autorisés à le méconnaître, il ne pourrait pratiquement pas atteindre à l’efficacité
, même entre les parties »652.

Cette notion, inconnue du code civil, se déduit du principe de la force


obligatoire du contrat653 « puisqu’en modifiant la composition des patrimoines
des parties, le contrat ne peut être rationnellement dépourvu de conséquences
sur la situation des tiers »654 ; celui-ci peut notamment amoindrir leurs droits en
tant que créancier, limiter leur droit de contractant655. Le contrat n’est donc
efficace qu’à la condition de s’imposer aux tiers, de leur être opposable et donc
de les obliger à le respecter.

348. Or l’opposabilité de l’acte aux tiers est intimement liée à la preuve de sa


date656. Alors que les actes authentiques font foi de leur date jusqu’à inscription
de faux657 tant entre les parties qu’à l’égard des tiers, il n’en est pas de même

651
D. VEAUX, « Contrats et obligations, Effets des conventions à l’égard des tiers », J.-Cl. Civ,
article 1165, fasc. 10, 30,1996 ; S. MERCOLI, « Incertitudes sur la date des actes sous seing
privé », JCP N 2001, pp. 44-49 ; J. DUCLOS, L’opposabilité : essai d’une théorie générale,
LGDJ, 1984, Bibl. Dr privé t. LXXIX.
652
J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, LGDJ , 3ème éd.,
2001, n° 724.
653
Cf C. civ., art. 1134 al. 1er .
654
J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, préc., n° 724.
655
Tel est le cas par exemple du tiers désirant conclure un contrat avec le débiteur d’une
obligation de non-concurrence.
656
S. CALASTRENG, La relativité des conventions. Etude de l’article 1165 du code civil, Thèse
Toulouse, 1939, p. 354 : « Pour prouver, il faut d’abord opposer » à son adversaire l’élément
invoqué dont le juge appréciera la pertinence… Mais logiquement, il est bien évident que pour
« opposer, il faut d’abord prouver ».
657
NCPC, art. 303.

271
pour les actes sous seing privé, la date ne pouvant leur être opposée que dans la
mesure où elle a acquis une certitude qui la rend indiscutable.

En effet, la date de l’acte apposée par les parties est présumée suspecte par le
législateur ; aussi a-t-il voulu éviter les risques d’antidate préjudiciables aux
tiers et a instauré un mécanisme de certification, aboutissant à établir une date
certaine658.

349. L’article 1328 du code civil dispose en effet que « les actes sous seing
privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour
de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur
substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que
procès-verbaux de scellés ou d’inventaire ».

Ce mécanisme aboutit donc à établir la simple antériorité par rapport à un


événement certificateur qui permet ensuite, en cas de conflits de droits, d’établir
l’antériorité de ce droit par rapport aux droits concurrents.

La date certaine n’est donc pas forcément la date réelle659, mais présente une
grande utilité : elle joue un rôle subsidiaire en matière d’opposabilité et est
l’instrument de mise en œuvre des règles protectrices (Section II). Or la
certification de la date conditionne son utilité (Section I).

658
F. FAVENNEC-HERY, « La date certaine des actes sous seing privé », RTD civ. 1992, pp. 1-43 ;
S. DRAPIER, Les contrats imparfaits, PUAM, 2001, p. 418 et s.
659
Le meilleur témoignage de cette affirmation est que le législateur lui-même n’a pas pris le
risque de qualifier cette date de « certaine », contrairement aux articles 1743, 1750 et 2102, 1°
du code civil relatifs au bail. En fait, il est une certitude : la date réelle de l’acte est toujours
antérieure à la date de sa certification.

272
section I : la défense des droits des tiers conditionnée par la
certification de la date

350. Le mécanisme décrit par l’article 1328 du code civil appelle deux séries de
précisions : les premières relatives au domaine de la certification rendues
nécessaires par l’imprécision de la notion de tiers (§1) ; les secondes relatives
aux instruments de certification ( §2) indispensables du fait de la consécration
légale de l’écrit électronique et de la signature électronique.

§1.- Le domaine de la certification.

L’application du mécanisme de l’article 1328 du code civil suppose que soient


réunies deux conditions: des tiers susceptibles de bénéficier du régime
protecteur qu’est celui de la date certaine, ce qui suppose que soient identifiés
les sujets bénéficiaires de la certification (A), des actes dont la date doit être
certifiée pour leur opposabilité, ce qui nécessite de déterminer l’objet de la
certification (B).

A.- Les sujets bénéficiaires de la certification

351. L’article 1328 du code civil traite de la force probante de la date d’un acte
sous seing privé à l’égard des tiers. Mais, il ne définit en rien la notion de tiers.

273
Il s’agit donc de se demander si celle-ci est identique à celle requise pour
l’application du principe de l’effet relatif des contrats660 ou au contraire
autonome.

352. La notion de tiers au sens de l’article 1328 du code civil est, en fait,
nécessairement plus limitée, plus restrictive que celle de l’article 1165 du même
code ; le but recherché par le législateur, en instaurant le mécanisme de la date
certaine, était de protéger les tiers contre les antidates susceptibles de leur nuire.
Ainsi, pour être tiers au contrat, faut-il ne pas avoir été partie à l’acte et invoquer
un droit auquel le contenu de l’acte porterait atteinte si son antériorité était
établie.

Aussi convient-il de se référer au contenu de la notion de tiers développée pour


l’application du principe de l’effet relatif des contrats et ensuite de rechercher si,
pour chacune des personnes envisagées, le droit invoqué est distinct de celui des
parties à l’acte et s’il est concurrent.

353. Dans la conception générale de la notion de tiers, est tiers toute personne
qui n’est pas partie661. N’est donc pas tiers la personne qui a voulu conclure
l’acte662. Sont assimilées aux parties les personnes représentées et les

660
C. GUELFUCCI-THIBIERGE, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat…à
l’élargissement de la portée de l’effet relatif , RTD civ. 1994, pp. 275-285 ; J.-L. AUBERT, « A
propos d’une distinction renouvelée des parties et des tiers », RTD civ. 1993 pp. 263-278 ; J.
ème
GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, LGDJ, 3 éd., 2001,
§. 682 et s. ; J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des
parties et des tiers », RTD civ. 1994, p. 777 et s.
661
Cette conception correspond d’ailleurs à celle développée dans les motifs de la loi sur les
contrats ou les obligations conventionnelles en général, présentés par BIGOT DE PREAMANEU au
Corps législatif dans sa séance du 7 pluviose An XII ( in Code civil des Français, lib. F. Didot, t.
V, an XII, p. 25-26 cité par M. BILLIAU ET J. MOURY, note sous Cass. 1ère civ., D. 2001, 952-954,
spéc. 953) : « Chacun ne pouvant contracter que pour soi, les obligations ne doivent avoir d’effet
qu’entre les parties contractantes et ceux qui les représentent. Il serait injuste qu’un acte auquel
une tierce personne n’a point concouru, pût lui être opposé ».
662
Cf J. GHESTIN, « La distinction entre les parties et les tiers au contrat », JCP 1992, I, 36628.
Pour l’auteur, sont des parties toutes les personnes qui sont « liées par le contrat » et qui
« doivent l’être en vertu d’une manifestation de volonté effective » (n° 5).

274
successeurs des parties au contrat, c’est-à-dire les ayants-cause universels ou à
titre universels, puisqu’ils invoquent les droits de leur auteur.

Contrairement à la théorie de l’effet relatif des contrats où il est parfois regardé


comme un tiers, le créancier chirographaire ne l’est pas au sens de l’article 1328
du code civil, sauf lorsqu’il invoque un droit propre663. Le créancier
chirographaire était traditionnellement exclu du fait de son assimilation à un
ayant cause à titre universel ; pourtant, il ne continue en aucun cas la personne
du débiteur. En réalité, son exclusion se fonde plutôt sur le fait que, titulaire
d’un droit de gage général, celui-ci ne porte pas sur une fraction individualisée
et identifiable du patrimoine du débiteur.

A l’inverse, les ayants-cause à titre particulier sont toujours des tiers664,


puisqu’ils ont un droit propre, concurrent de celui du contractant de leur auteur
qui invoque un titre sous seing privé dépourvu de date certaine665.

Par contre, et conformément à la distinction opérée pour l’application de


l’article 1165 du code civil, sont tiers les penitus extranei, c’est-à-dire « ceux

663
BONNECASSE, « La condition juridique du créancier chirographaire », RTD civ. 1920, p. 103 ;
Cass. civ., 11 février 1946, D. 1946, 389, RTD civ. 1946, p. 308 . Selon cet auteur, « les
créanciers chirographaires, agissant en cette qualité, sans faire valoir de droits autres que ceux
qu’elle leur confère sur l’ensemble du patrimoine de leur débiteur, doivent être considérés
comme ses ayants cause universels et non comme des tiers ; ainsi, les actes sous seing privé
opposables à ce dernier font la même foi vis-à-vis d’eux que vis-à-vis de lui, de leur contenu et
de leur date, sauf à eux de les repousser comme frauduleusement antidatés, en rapportant la
preuve de cette fraude. »
664
Ce contrairement à la notion de tiers au sens de l’article 1165 du code civil. En ce sens, cf J.
FLOUR ET J.-L. AUBERT, Les obligations, L’acte juridique, Armand Colin, 8ème éd., 1998, n° 461 :
« s’agissant des contrats créateurs de droits ou d’obligations indissociables du bien acquis par
l’ayant-cause, les auteurs considèrent que les ayants-cause à titre particulier ne peuvent rester
totalement étrangers aux effets du contrat conclu par leur auteur. Recueillant activement et
passivement les droits constitués par l’auteur, ils ont vocation à devenir débiteurs ou créanciers
en vertu du contrat préalablement conclu ». Mais les auteurs ajoutent qu’il ne s’agit pas d’une
dérogation à l’article 1165 du code civil et que les ayants-cause à titre particulier ne sont donc
pas parties au sens de ce même article, car ils ne deviennent « partie substituée » ou « tiers lié »
(J. GHESTIN, Traité de droit civil, Les effets du contrat, préc., n° 589 et suiv.) que
postérieurement à la formation du contrat alors que l’article 1165 ne vise que le pouvoir
juridique immédiat des volontés (J. FLOUR ET J.-L. AUBERT, préc., n° 431).
665
Cf le cas de la location d’un même immeuble à deux locataires et la solution proposée par la
chambre sociale de la Cour de cassation le 1er juin 1954 (JCP 1955, II, 8507 ). Il a été jugé que
« Vu les articles 1134, 1328 et 1719 du code civil, entre deux preneurs successifs de la même
chose louée, celui qui a l’antériorité du titre doit être préféré à l’autre, son droit, opposable aux
tiers depuis le jour où il avait eu date certaine, l’étant par conséquent à celui de l’autre
locataire postérieur au sien ».

275
qui ne s’étant engagés ni par eux-mêmes, ni par représentant ne sont en outre ni
créanciers de l’une ou de l’autre des parties »666.

Le domaine de la certification étant délimité quant aux bénéficiaires de la


protection, reste à établir les actes soumis à certification.

B.- L’objet de la certification

354. Le mécanisme de la certification imposé par l’article 1328 du code civil ne


s’applique qu’aux actes sous seing privé par opposition aux actes authentiques
qui font foi de leur date jusqu’à inscription de faux.

L’acte sous seing privé est un acte établi par de simples particuliers et signé par
eux, cette signature pouvant être, depuis la loi du 13 juin 2000, une signature
électronique. L’article 1328 du code civil s’applique donc à l’instrumentum, à
l’acte spécialement établi pour rapporter la preuve d’un droit sous réserve de
ceux constatant une opération commerciale, l’article 1328 du code civil n’étant
pas applicable en la matière, et sous certaines conditions aux actes mixtes.

355. Tel n’est pourtant pas l’analyse retenue par la jurisprudence ; celle-ci
reconnaît, en effet, que l’article 1328 du code civil s’applique également au
contrat verbal, alors que celui-ci, par sa nature même, ne comporte aucun écrit.
Ainsi la troisième chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle décidé que la
relation d’un bail verbal dans un acte authentique de vente conférait date
certaine à ce bail667. Mais la chambre commerciale de la même juridiction a,

666
J. FLOUR ET J.-L. AUBERT, préc., n° 440.
667 ème
Cass. 3 civ., 30 janvier 1969, Bull. civ. III, n° 90.

276
quant à elle, estimé que la relation d’un contrat verbal ou d’un contrat sous seing
privé dans un autre acte sous signature privée, même enregistré, ne confère pas
au premier date certaine668.

356. Indirectement donc la suprématie de l’écrit est à nouveau reconnue. Reste


simplement à savoir si cette suprématie est identique qu’il s’agisse d’un écrit
papier ou d’un écrit électronique.

En effet, « la pleine efficacité [du consentement] » n’est possible « sans


encadrer celui-ci par la preuve de l’extériorisation de la volonté dans un
instrumentum »669. La sécurité juridique passe donc par la preuve littérale, le
régime de la date certaine se présentant alors comme celui de la date écrite.

357. La date figurant sur un écrit électronique a-t-elle dès lors le même rôle que
celle sur support papier ?

Le législateur, par la loi du 13 juin 2000, l’a indirectement reconnu puisque


l’article 1316 nouveau du code civil présente l’écrit comme « […] une suite de
lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou de symboles dotés
d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités
de transmission » et l’article 1316-1 du même code d’ajouter que l’écrit
électronique « est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support
papier ».

La loi du 13 juin 2000 s’est donc contentée de résoudre le problème de la


signature, laissant de côté celui de la date qui peut pourtant être source de

668
Cass. com., 21 janvier 1958, Gaz. Pal. 1958, 1, 360 . Egalement jugé qu’un bail verbal est
inapte à acquérir date certaine : Cass. com., 24 janvier 1961, Bull. civ. III, n° 50 ; 16 juin 1953,
RTD civ. 1954, p. 116, obs. J. CARBONNIER.
669
S. MERCOLI, « Incertitudes sur la date des actes sous seing privé, (de l’écrit sur support papier
à l’écrit électronique) », JCP N 2001, p. 47.

277
contentieux670. Or les procédés de certification tels que déterminés par l’article
1328 du code civil semblent pour le moins archaïques en présence d’écrits
électroniques.

§2.- Les instruments de certification

358. La liste des procédés de certification, prévue à l’article 1328 du code civil,
a été établie en 1804. Le législateur avait alors pris conscience du danger de
l’absence de définition des circonstances pouvant donner certitude à une date.
En effet, pour PLANIOL ET RIPERT671, « celui qui voulait prouver contre un tiers la
date d’un acte sous seing privé, devait recourir à d’autres moyens que la
production de l’acte, il avait à établir par des preuves extrinsèques à l’acte et
conformes aux dispositions légales sur les preuves », le risque étant alors celui
de l’antidate672.

La solution adoptée par le législateur, pour protéger ceux qui sont étrangers à
l’acte et dont celui-ci lèse les intérêts673, a consisté dans l’établissement d’une
liste des procédés de certification (A), qui du fait de son caractère limitatif et de
l’émergence d’écrits électroniques s’avère inadaptée (B).

670
Cela même si, selon f. FAVENNEC-HERY, « la référence à la date des actes sous seing privé et
le contentieux qu’elle suscite restent du domaine de l’exceptionnel, alors que la notion de date
est généralement présentée en droit commun comme une donnée essentielle », op cit , p. 1.
671
Traité pratique de droit civil français, n° 1483, p. 923.
672
En ce sens AUBRY ET RAU, Cours de droit civil français, par ESMEIN, p. 179, note n° 116 :
« La possibilité pour les tiers de prouver par tous moyens la fausseté de la date n’a pas paru
une protection suffisante ».
673
F. FAVENNEC-HERY, « La date certaine des actes sous seing privé », préc., §. 4.

278
A.- Les procédés de certification

359. Selon l’article 1328 du code civil, trois procédés permettent de conférer
une date certaine à un acte, c’est-à-dire d’établir son antériorité par rapport à la
survenance de telle circonstance ; il s’agit de l’enregistrement, de la mort de l’un
des souscripteurs de l’acte, de la relation de l’acte sous seing privé dans un acte
authentique.

360. S’agissant de l’enregistrement, cette formalité, parfois requise comme


condition de validité de la convention674, permet de donner date certaine à l’acte
sous seing privé ; le contenu de celui-ci étant relaté et constaté lors de
l’enregistrement675, l’acte dont la date est certifiée est forcément antérieur à la
date de cette constatation. Cette date de constatation apparaîtra sur le registre
des formalités tenu au jour le jour par le receveur des impôts et dans la mention
apposée sur l’acte lui-même676. Dès lors la date sera opposable aux tiers et ne
pourra être mise en doute que par la procédure d’inscription de faux.

361. Le deuxième procédé de certification est celui de la relation de l’acte sous


seing privé dans un acte authentique, dans « des actes dressés par des officiers
publics, tels que les procès-verbaux de scellés ou d’inventaire ».

674
Cf le cas de la promesse unilatérale de vente ; l’article 1840A du code général des impôts
dispose qu’ « est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente dans ces domaines si
elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans le
délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ».
675
Deux originaux doivent être présentés au receveur de l’enregistrement qui conserve l’un
d’eux rédigés sur une feuille de format spécial permettant de relier les registres.
676
La mention de la date de présentation est apposée sur le second original qui est restitué au
déposant. Il est même possible d’obtenir un certificat mentionnant l’heure de l’enregistrement
(Cass. 1ère civ., 29 juin 1982, Bull. civ. I, n° 247, p. 212).

279
Mais pour que l’acte sous seing privé acquiert date certaine, encore faut-il que
sa substance soit constatée dans l’acte authentique, la simple mention de l’acte
ne suffisant pas.

Cette substance est suffisamment établie lorsque rappel est fait des termes
essentiels de la convention qui en est l’objet, de la date de sa rédaction, du nom
des parties677.

Cette position jurisprudentielle est fâcheuse pour les tiers, en ce qu’elle ne les
met pas à l’abri d’une éventuelle fraude de la part des parties, alors que le but
même de l’article 1328 du code civil était d’éviter tout risque d’antidate. De ce
fait, l’effet de cette disposition est fortement amoindri et son mécanisme est
affaibli par le caractère limitatif des circonstances certifiantes.

362. La troisième circonstance de certification de la date est le décès de l’un des


souscripteurs, c’est-à-dire de l’un des signataires de l’acte.

Le décès de l’un des signataires établit que l’acte a été dressé antérieurement au
décès, ou au plus tard le jour même. La date du décès pourra donc être opposée
aux tiers, comme date de l’acte678, cette date étant celle constatée par l’acte
d’état civil679.

Mais cette circonstance de certification montre à quel point la liste limitative des
procédés de certification de l’article 1328 du code civil est insuffisante puisque
d’autres événements que le décès peuvent établir avec certitude cette antériorité.

677
Cette solution a été adoptée dès 1933 (Cass. civ., 19 juin 1933, DP 1934, 1, 28 ; S. 1933, 1,
351) et confirmée ensuite (Cass. req., 10 décembre 1934, DH 1935, 34 ; S. 1935, 1, 269) ; elle
constitue un revirement de jurisprudence puisqu’antérieurement l’acte devait être présenté à
l’officier public pour que celui-ci puisse en attester l’existence (Cass. civ., 5 février 1851, DP
1851, 1, 14).
678
Cass. soc., 11 janvier 1962, Bull . civ. IV, n° 45 ; Cass. 3ème civ., 25 octobre 1968, Bull. civ.
III, n° 418.
679
Cf infra, n° 151 sur les modalités d’établissement de la date du décès.

280
B.- L’inadaptation de l’énumération limitative des procédés de certification

363. Selon une jurisprudence constante680 et la doctrine dominante681, la liste des


procédés de certification de la date de l’acte sous seing privé est limitative682.

Un intérêt pratique est avancé. Il s’agit de ne pas priver l’Etat de rentrées


fiscales, phénomène possible dès lors que les cocontractants sont dispensés de
procéder à l’enregistrement de l’acte.

364. Cette interprétation rigoureuse de l’article 1328 du code civil n’est pas
justifiée dès lors que certains événements peuvent remplir le même rôle et
garantir une certification identique683. C’est d’ailleurs ce raisonnement que le
projet de code franco-italien avait adopté prévoyant dans l’article 238 qu’ « un
acte a date certaine du jour de sa survenance, de l’impossibilité d’écrire de celui

680
Cass. civ., 4 février 1986, Bull. civ. I, n° 13 : La cour d’appel a relevé que l’acte produit
n’avait pas date certaine, faute de remplir l’une des trois conditions limitativement énumérées à
l’article 1328 du code civil.
681
AUBRY ET RAU, Cours de droit civil français, t. XII par ESMEIN, §756, p.191 ; COLIN ET
ème
CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, t. II, 11 éd. par JULLIOT DE LA
MORANDIERE, §. 750 ; J. GHESTIN ET G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, introduction générale,
n° 704 ; JOSSERAND, Cours de droit civil positif français, t. II, n° 187 ; PLANIOL ET RIPERT,
Traité pratique de droit civil français, t. VII, les obligations par M. GABOLDE, n° 1485 ; PLANIOL
ème
ET RIPERT, Traité élémentaire de droit civil français, t.II, 4 éd. par M. BOULANGER, n° 440 ;
D. BASTIAN, Essai d’une théorie générale de l’inopposabilité, thèse Paris, Sirey, 1929, p. 123 et
s. ; S. MERCOLI, « Incertitudes sur la date des actes sous seing privé (de l’écrit sur support papier
à l’écrit électronique) », JCP N 2001, pp. 44-49.
682
Ont été ainsi déclarés inaptes à conférer date certaine : le cachet de la Poste (CA Aix 27 mai
1845, DP 1845, 2, 118 ; cf également sur le défaut de fiabilité du cachet de la Poste, D.
BOULMIER, « la crise de foi dans le cachet de la Poste », JCP 2003, I, 131), l’oblitération des
timbres fiscaux ( CA Poitiers 10 juin 1941, Gaz. Pal. 1941.2.99), la légalisation de l’acte ( Cass.
soc., 25 novembre 1948, S. 1949.1.100).
683
Cf notamment PLANIOL ET RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t.VII par GABOLDE
n° 1485, et H. DESBOIS, note sous Tribunal par arrondissement Bourges 16 novembre 1945, JCP
1947, II , 3487, pour qui d’autres événements offrent une certitude équivalente de la date.

281
ou de ceux qui l’ont souscrit, et aussi du jour où se produit un fait de même
nature établissant de façon évidente l’antériorité de l’acte »684.

Tel est le cas de certains procédés équivalents au décès ; la certification de la


date pourrait en effet être acquise au vu d’événements empêchant le contractant
de conclure l’acte, de le signer après leur date de survenance. Ces événements
pourraient être par exemple un handicap physique (paralysie, amputation des
deux mains) ou le coma de l’un des contractants.

365. Le législateur lui-même, conscient que certains événements pouvaient être


équivalents à ceux décrits dans l’article 1328 du code civil et notamment le
décès, a indirectement intégré une nouvelle hypothèse de certification en
assimilant décès et absence685. Ainsi, selon l’article 128 du code civil, le
jugement déclaratif d’absence d’un individu « emporte, à partir de la
transcription, tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eu » ; ce
jugement déclaratif d’absence, tout comme le décès, confère date certaine à
l’acte que l’absent aurait souscrit à compter de sa transcription sur les actes de
l’état civil686.

366. Mais le législateur n’est pas le seul à souligner le caractère désuet de cette
liste limitative, la jurisprudence méconnaissant parfois l’article 1328 du code
civil. Ainsi a-t-il pu être décidé que le cachet de la Poste, dont une lettre est
revêtue, donne date certaine687.

684
Cité par P. STRASSER, « Force probante de la date d’un acte sous seing privé. Date certaine »,
J.-Cl civ, article 1328.
685
Cf loi n° 77-1447 du 28 décembre 1977.
686
Pour des développements sur le décès du de cujus, cf I. CORPART, « Les difficultés liées à la
constatation des décès après la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2003 », JCP N 2002, 1483, pp.
1209-1215.
687
CA Paris, 4 juillet 1833, D Rep, v° Obligation, n° 2384.

282
Le problème actuel est de savoir si cette attitude jurisprudentielle ne va pas
s’accentuer du fait de l’admission de l’écrit électronique au même titre que
l’écrit sur support papier en tant que mode de preuve.

367. En effet, excepté le décès, les autres modes classiques de certification de la


date semblent inadaptés à l’écrit électronique ; la constatation du contenu de
l’acte électronique dans un acte authentique ou par la procédure
d’enregistrement paraissent en totale contradiction avec l’esprit de la loi du 13
juin 2000.

Celle-ci a eu pour but de mettre sur un pied d’égalité l’écrit électronique et


l’écrit papier. Or, ce serait contredire cette avancée que de soumettre la
certification de la date de l’acte sous seing privé électronique à sa relation dans
un écrit papier. La suprématie de l’écrit papier serait alors réaffirmée et nierait le
principe posé par l’article 1316-1 du code civil, à savoir que l’écrit électronique
« est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier ».

Les mécanismes de certification de la date imposés par l’article 1328 du code


civil sont donc inadaptés à l’écrit électronique. Pour autant le législateur, en
2000, en modifiant le système de la preuve littérale, ne s’est en aucun cas
intéressé aux conséquences de ces modifications à l’égard des tiers.

Pourtant une procédure de certification paraît toujours nécessaire; mais la date


de l’acte sous seing privé devrait pouvoir être opposée aux tiers, selon d’autres
procédés que ceux figurant dans la liste limitative de l’article 1328 du code civil.

368. A cet égard, divers procédés de certification ont été proposés par la
doctrine688. Ils reposent sur les notions d’inaltérabilité de l’acte, de fiabilité.

688
H. CROZE, « Informatique, preuve et sécurité, D 1987, chron. p.165 ; A. BENSOUSSAN,
« Contribution théorique au droit de la preuve dans le domaine informatique : aspects juridiques
et solutions techniques, Gaz. Pal. 1991, 2, Doct., 361 ; E.-A CAPRIOLI, « Sécurité et confiance
dans le commerce électronique. Signature numérique et autorité de certification », JCP 1998, I,
123.

283
Pour ce faire, trois techniques ont été avancées. Les deux premières qui sont
complémentaires sont l’attribution de clés et le cryptage; le premier de ces deux
procédés consiste à ne pas rendre accessible le fichier à un seul des partenaires
indépendamment de l’autre. Pour ce faire, un code d’accès chiffré (clé) est
attribué à chacun des contractants, et le fichier, c’est-à-dire l’acte électronique,
ne pourra être modifié ou vérifié que lorsque les deux clés seront réunies,
seulement par leur usage combiné.

Or un tel procédé seul ne garantit en rien la sécurité des tiers puisque


l’utilisation combinée des deux clés permettrait aux contractants d’antidater
librement l’acte au préjudice des tiers. Aussi est-il nécessaire, pour que la date
soit certifiée, qu’un mécanisme garantisse le contenu de l’acte ; ce mécanisme
est le cryptage689. Celui-ci intervient au moment de l’acte juridique ou lors de
l’utilisation du code d’accès par les parties en vue par exemple d’une
vérification.

Par l’utilisation combinée des deux procédés, l’acte pourrait revêtir comme date
certaine la date de la première ouverture avec les deux clés690.

Le troisième procédé consiste à recourir à la tierce certification que certains691


comparent à un notaire et dénomment d’ailleurs notaire électronique, la
certification s’apparentant à l’acte authentique du fait du caractère triangulaire
de la technique.

689
F. BLOCH, J. SAULGRAIN, B. DURET, « Le prestataire de service de certification : émergence
d’une nouvelle profession, Communication, commerce électronique, Septembre 2001, n° 21, pp.
8-10. Ces auteurs justifient le cryptage par les difficultés liées à la transmission de données en
réseau ouvert, à savoir « i) garantir l’identité de l’émetteur du message et de son contenu
(authenticité), ii) permettre techniquement que le message ne puisse être intercepté et lu par
d’autres que son destinataire (inviolabilité), iii) garantir que le message reçu par le destinataire
est identique au message envoyé par l’émetteur (intégrité) ».
690
S. MERCOLI, « Incertitudes sur la date des actes sous seing privé (de l’écrit sur support papier
à l’écrit électronique), JCP N 2001, pp. 44-49.
691
P.-Y. GAUTIER ET X. LINANT DE BELLEFONDS, « De l’écrit électronique et des signatures qui
s’y attachent », JCP 2000, I, 236, §. 21.

284
369. La solution adoptée par le législateur lors de la sécurisation de la signature
associe ces trois procédés692. Selon les décrets du 30 mars 2001693 et du 18 avril
2002694, ainsi que l’arrêté du 31 mai 2002695, la certification de la signature
s’effectue comme suit : la signature électronique est fondée sur les technologies
de cryptographie à clé publique. Le signataire dispose grâce à son logiciel de
messagerie électronique de deux clés : une clé dite privée, secrète et connue de
lui seul, et une clé dite publique connue du destinataire.

Lorsque le destinataire reçoit l’acte électronique, il doit pouvoir s’assurer que la


clé publique qui lui a permis d’authentifier la signature reçue est bien celle du
signataire, ce que permet le certificat électronique696 délivré par une autorité de
certification (AC) ou un prestataire de service de certification électronique
(PSC)697.

L’article 1er-11 du décret du 30 mars 2001 définit le « PSC électronique »


comme « toute personne qui délivre des certificats électroniques ou fournit
d’autres services en matière de signature électronique »698. Le rôle premier est

692
X. BUFFET DELMAS ET B. LIARD, « L’achèvement du cadre juridique de la signature
électronique sécurisée. Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 et Arrêté du 31 mai 2002 », JCP
2002, Actualité, 519. ; L. ASSAYA ET V. BAUDOUIN, « La signature électronique par cryptographie
à clé publique », JCP E 2003, com., p. 146 ; I. DE LAMBERTERIE ET J.-F. BLANCHETTE, « Le droit
du 30 mars 2001 relatif à la signature électronique : lecture critique, technique et juridique »,
JCP E 2001, com., p. 1269.
693
Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil
et relatif à la signature électronique, JORF , n° 77, 31 mars 2001, p. 5070. JCP E 2001, n° 17, p.
717.
694
Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002, relatif à l’évaluation et à la certification de la sécurité
offerte par les produits et les systèmes de technologies de l’information, JORF, n° 92, 19 avril
2002, p. 6944.
695
Arrêté du 31 mai 2002, relatif à la reconnaissance de la qualification des prestataires de
certification électronique et à l’accréditation des organismes chargés de l’évaluation, JORF, n°
132, 8 juin 2002, p. 10223.
696
Défini par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001, art. 1er, 9° : « « Certificat électronique » :
un document sous forme électronique attestant du lien entre les données de vérification de
signature électronique et un signataire ».
697
Il convient d’observer qu’existaient antérieurement en droit français des « tiers de
confiance » qui participaient au cryptage du message (loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 sur
la réglementation des télécommunications et les décrets de 1998 et 1999 relatifs à la
cryptologie).
698
Le législateur français a repris la définition contenue dans la directive n° 99/93 du 13
décembre 1999 ( J.-Cl. Concurrence, consommation, fasc 1905 , JOCE n° L13, 19 janvier 2000,
pp. 12 et s. ; Voir également : F. SCHWERER, « Réflexions sur la preuve et la signature

285
donc de certifier la véracité des informations contenues dans le certificat
électronique. Mais la définition de sa fonction donnée par la directive et reprise
par le décret aurait pu conduire le législateur à lui confier une mission de
certification de la date de l’acte à l’égard des tiers au titre « des autres services
en matières de signatures électroniques ». Il aurait ainsi pu le charger d’une
mission d’horodatage699, c’est-à-dire la signature datée d’un condensé de
message, mais également l’horodatation de la réception et de la transmission des
messages.

La garantie des droits des tiers serait totale si, en sus de cette mission, le
prestataire de service de certification se chargeait également de détenir
l’instrumentum qui serait de ce fait à l’abri de toute modification frauduleuse du
contrat préjudiciable aux tiers.

370. Le législateur n’a malheureusement pas investi le PSC d’une telle mission,
limitant son action à la seule détermination avec précision de la date de
délivrance et de révocation d’un certificat électronique700.

La date certaine, encore plus que l’acte authentique701, est la grande oubliée de
cette réforme du système probatoire qui ne s’est focalisée que sur la certification

électronique dans la perspective européenne, Dir. 1999/93/CE du Parlement européen et du


conseil du 13 décembre 1999 », JCP 2000, I, 224) qu’il transpose.
L’article 2-11 de la directive précitée déclare, en effet que les PSC sont des entités ou des
personnes physiques ou morales qui délivrent des certificats ou fournissent d’autres services liés
aux signatures électroniques ; cf également article 2-e) de la loi type de la CNUDCI sur les
signatures électroniques (Vienne 23 juin-13 juillet 2001) adoptée le 5 juillet 2001 par la
Commission (cf http://www.uncitral.org) aux termes duquel le PSC « désigne une personne qui
émet des certificats et peut fournir d’autres services liés aux signatures électroniques » (E. A.
CAPRIOLI, « La loi type de la CNUDCI sur la signature électronique (Vienne 23 juin-13
juillet) », Communication, commerce électronique, décembre 2001, n° 27, pp. 9-10).
699
Cf la définition donnée de l’horodatage par P.A. FOUQUE, in « Les technologies de l’écrit
électronique », in Vers l’authenticité électronique, Dixièmes rencontres « notariat-université »,
Petites affiches, 2 avril 2002, n° 65, pp. 8-14. L’auteur considère que « le procédé d’horodatage
consiste à envoyer un message signé à un serveur de temps, possédant une référence temporelle
de confiance, c’est-à-dire dont l’exactitude est assurée avec différentes sources de temps. La
confiance dans ce serveur concerne à la fois la date ajoutée et le fait qu’il ne puisse pas tricher
et antidater une signature. Le serveur ajoute une date à ces données et signe le document signé
et le date ».
700
Décret 30 mars 2001, art. 6 II.

286
de la signature, celle-ci engageant pleinement son auteur, alors que la date
certaine « fixe aux yeux des tiers le jour d’efficacité de l’acte ainsi souscrit »702.

Mais cet oubli est peut-être justifié par le fait que le rôle premier de la date
certaine qui est la protection des droits des tiers voit aujourd’hui son utilité
réduite.

section II : le rôle de la date certifiée

371. Alors que l’article 1328 du code civil ne vise que l’opposabilité de la date
de l’acte, les auteurs703 ont l’habitude de soutenir que l’opposabilité même de
l’acte est soumise à la certification de la date.

En effet, en cas de conflits de droits, les tiers entendent prouver l’antériorité de


leur acte par rapport à celui avancé par les autres ayants-cause. Or si la date de
cet acte contenant l’étendue de leur droit ne leur est pas opposable, son contenu
ne sera d’aucune utilité en vertu du principe de la relativité des conventions. En
ce sens, l’opposabilité de la date conditionne l’opposabilité de l’acte lui-même
ou plus exactement son effectivité par rapport aux tiers.

701
Cf M. GRIMALDI, “L’acte authentique électronique”, Defrénois 2003, Doct., article 37798 ; A.
RAYNOUARD, « Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique »,
Defrénois, Doct., article 37806.
702
S. MERCOLI, art. préc., p. 49.
703
J. GHESTIN ET G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, introduction générale, LGDJ, 1983 n° 635,
pp. 547-548 : « En réglementant l’opposabilité de la date de l’acte sous seing privé, l’article
1328 du code civil limite pratiquement l’opposabilité de la convention elle-même » ; F.
FAVENNEC-HERY, préc.

287
La date certifiée apparaît donc avoir un rôle certain en matière d’opposabilité ;
mais dans la pratique, il s’avère que ce rôle n’est que subsidiaire (§1) et que la
fonction première est probatoire (§2), ces deux rôles étant d’ailleurs fonction de
la nature des deux parties au litige, titulaires de droits concurrents.

§1. La subsidiarité du rôle de la date certaine en matière d’opposabilité

372. Au moment de la rédaction du code civil, l’efficacité des contrats était


cantonnée aux parties, en vertu de l’article 1165 du code civil ; le règlement des
conflits entre droits concurrents s’effectuait par le recours à la règle «Prior
tempore, potior jure »704.

En vertu de cette règle, la préférence était donnée à ce qui est antérieur. Son
application suppose donc que soient confrontées deux dates, en l’espèce les
dates de conclusion ou d’effectivité des deux actes conférant à deux personnes
différentes des droits identiques. Or la date de naissance des droits n’est plus, en
législation, la référence prise en considération pour l’application de l’adage, sauf
cas exceptionnels où la date certaine conserve une certaine utilité pouvant être
qualifiée de résiduelle.

A.- Les causes de l’utilité réduite de la date certaine

704
C’est-à-dire Premier en date, meilleur en droit (H. ROLAND ET L. BOYER, Adages du droit
français, Litec, 4ème éd., 1999).

288
373. La date certaine du contrat n’est plus, du fait du législateur, la référence
pour l’application de l’adage prior tempore potior jure. Celui-ci a, en effet, à
plusieurs reprises conditionné l’opposabilité d’un droit et donc de l’acte
constatant ce droit à sa publicité.

Ainsi en matière de droits réels immobiliers, le conflit des droits de propriété


entre deux personnes sur un même immeuble est réglé par le mécanisme de la
publicité foncière. L’opposabilité de l’acte n’est effective ni à la date de
conclusion du contrat, ni au moment du transfert de propriété du bien, objet du
contrat, mais à la date d’exécution des formalités de publicité.

Aussi en application de l’adage prior tempore potior jure, la préférence est


donnée à celui qui a le premier publié son titre ; ainsi, le second acheteur, s’il a
publié le premier, l’emportera705 bien qu’il ait traité avec un vendeur qui, du fait
du contrat précédent, avait cessé d’être propriétaire.

Des règles de publicité identiques existent pour certains droits mobiliers comme
ceux portant sur des biens soumis à immatriculation tels les aéronefs 706 et les
navires707, même si la règle générale, en principe, est que le transfert de
propriété n’est opposable aux tiers que par la mise en possession réelle de
l’acquéreur.

De telles règles existent également pour certains droits incorporels comme les
créances. En cas de cession de créances, l’opposabilité de la cession aux tiers est
soumise aux formalités de l’article 1690 du code civil, à savoir la signification
au débiteur cédé, l’acceptation du transport par le débiteur dans un acte
authentique.

705
A condition toutefois que le second acquéreur ait agi de bonne foi, c’est-à-dire qu’il n’ait pas
eu connaissance d’une vente préalable non publiée. (cf BOULANGER, « Les conflits de droits qui
ne sont pas soumis à publicité », RTD civ. 1933, p. 545, spéc. p. 579 : « Le droit du premier
preneur ne devient opposable au second, qu’à la condition d’être connu de lui » ; H. ROLAND ET
ème
L. BOYER, Adages du droit français, Litec, 4 éd., 1999, v° « Prior tempore, potior jure ».
706
L’article L. 121-2 du code de l’aviation civile institue un registre d’immatriculation des
aéronefs tenu par les soins du ministre chargé de l’aviation civile. Aux termes de l’article L.
121-11 du même code, la cession de propriété d’un aéronef « doit être constatée par écrit et ne
produit d’effet à l’égard des tiers que par l’inscription au registre d’immatriculation ».

289
374. Pour d’autres droits, sont appliquées des règles différentes. Ainsi, entre
deux droits de nature différente, le conflit peut être réglé en fonction d’une
supériorité de l’un sur l’autre, les droits réels immobiliers étant supérieurs aux
droits personnels.

Est également pris en considération comme critère, le commencement


d’exécution de l’obligation de faire, l’exécution d’une obligation par le second
contractant par exemple, excluant l’exécution de l’autre (le premier). Celui-ci ne
peut en effet pas remettre en cause l’exécution du second dès lors qu’il ignorait
la conclusion de la première convention. Il s’agirait d’une opposabilité de droits
et non de titres, ce qui explique l’exclusion de l’article 1328 du code civil qui
conserve une certaine utilité lorsque se pose un problème d’opposabilité de
titres.

B.- La persistance d’une utilité de la date certaine en matière d’opposabilité

375. L’utilité de la date certaine en tant que critère d’opposabilité des droits,
instrument de mise en œuvre de la règle prior tempore potior jure, demeure
toutefois dans deux hypothèses : tout d’abord lorsque le législateur lui-même
attribue un tel rôle à la date certaine (1) ; ensuite lorsque le système de publicité
est défaillant, insuffisant ou ineffectué (2).

707
Aux termes du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967, les actes portant sur les navires sont
soumis à inscription sur une fiche matricule (pour leur opposabilité aux tiers) tenu par les
bureaux des douanes.

290
1.- Une utilité légalement affirmée.

376. L’hypothèse est celle de l’article 1743 du code civil relatif aux baux708.
Cet article pose le principe de l’opposabilité à l’acquéreur des baux conclus
antérieurement709 à la vente du bien immobilier lorsqu’ils ont acquis date
certaine710. « L’acquéreur de la chose louée ne peut » donc « expulser le
locataire qui a un bail […] dont la date est certaine »711. La date certaine figurant
à l’article 1743 du code civil a donc pour but de protéger le locataire712, tiers au
contrat de vente dont le bailleur est l’un des cocontractants et même un tiers à
tout contrat emportant aliénation713.

708
B. VIAL-PEDROLETTI, « Locations régies par le droit commun du louage (code civil). Fin du
bail : vente de la chose louée », J.-Cl civ, article 1708 à 1762, fasc. 289.
709
Jugé que l’acquéreur étant tenu de respecter le bail ayant date certaine antérieure à la vente
(CA Pau, 21 février 1989, Juris-Data n° 051006), il ne serait donc pas tenu de respecter le bail
qui aurait acquis date certaine le jour même de la vente (CA Pau, 21 février 1898, S. 1898, 2,
303).
710
Aux termes de l’article 1743 du code civil, « si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur
ne peut expulser le fermier, le colon partiaire ou le locataire qui a un bail authentique ou dont
la date est certaine ».
711
Cass. 3ème civ., 19 avril 1989, Loyers et coprop. 1989, com., n° 366. En ce sens également,
Cass. 3ème civ., Bull. civ. III, n° 90 : « Attendu qu’aux termes du second de ces textes (C. civ.,
art. 1743), si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier qui a un
bail dont la date est certaine ; que d’après le premier (C. civ., art. 1328), la date certaine d’un
acte résulte de la constatation de sa substance dans un acte dressé par un officier public ».
712
Il convient de relever que la jurisprudence a accru la protection du locataire, en admettent que
les formalités de l’article 1328 du code civil peuvent être suppléés par un autre moyen, à savoir
la connaissance du bail par l’acquéreur de l’immeuble au moment de la vente (Cass. 3 ème civ., 29
septembre 1999, D. 1999, inf. rap., p. 240). Cette solution est notamment justifiée par le fait que
l’article 1743 du code civil, destiné à protéger les tiers contre le risque d’une antidate, n’est pas
une disposition d’ordre public, le tiers en faveur duquel la protection est établie pouvant y
renoncer (Cass. soc., 15 juillet 1953, D. 1953, 729). Il appartient toutefois au locataire de
prouver la connaissance par l’acquéreur de la location.
713
cf F. FAVENNEC-HERY, préc., §20, note 132 qui faisant référence à J. DERUPPE, (La nature
juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits réels et des droits de créance,
Thèse Toulouse 1951, p. 172, n° 143), affirme que « l’article 1743 du code civil ne parle que de
la vente », mais que « la solution est généralisée à toute sorte d’aliénation ».

291
377. La date certaine utile pour empêcher toute expulsion du locataire titulaire
d’un bail antérieur à la vente revêt également un intérêt lorsque cette expulsion
en cas de vente est prévue par le contrat de location lui-même714.

L’article 1744 du code civil prévoit que dans une telle hypothèse, le bailleur
vendeur est tenu de verser au locataire une indemnité d’éviction715.

Mais, de la lecture combinée des articles 1750 et 1744 du code civil, il ressort
que cette indemnité n’est due qu’au cas notamment où le bail a date certaine.

La date certaine joue également un rôle lors de l’expulsion intervenant


postérieurement à la vente, du fait de l’acquéreur. Celui-ci, s’il use de la faculté
de résiliation réservée au bail, est en effet tenu, lorsque le bail a date certaine, de
donner un congé régulier716.

378. La règle de la date certaine permet en définitive de prouver l’existence d’un


droit une fois le conflit né, en l’espèce, par exemple en cas de non-paiement de
l’indemnité d’éviction, alors que les règles de publicité qui ont pour but de
porter à la connaissance des tiers les droits tendent à éviter la naissance de
litiges.

Pourtant certaines fois, des conflits naissent du fait d’une défectuosité de la


publicité et à l’opposabilité des droits est alors préférée une opposabilité des
titres.

2.- L’utilité de la date certaine en cas de défectuosité de la publicité

714
Cette possibilité est affirmée par l’article 1744 du code civil.
715
Sauf clause mettant cette indemnité à la charge de l’acquéreur.
716
L’article 1748 du code civil vise le « temps d’avance usité dans le lieu pour les congés ».

292
379. L’utilité de la date certaine réapparaît lorsque le système de publicité est
défaillant ou insuffisant et ne permet pas de ce fait de donner préférence à un
droit plutôt qu’à un autre.

Plusieurs hypothèses sont à envisager.

380. La date certaine importe, tout d’abord, lorsque les formalités de publicité
n’ont pas été réalisées ou n’ont pas été normalement effectuées par les deux
titulaires des droits concurrents. Dans un tel cas, la jurisprudence fait application
des dispositions de l’article 1328 du code civil pour régler le conflit. La
préférence est donnée à l’acte le plus ancien717.

381. Le recours au critère de la date certaine du titre constitutif du droit se


rencontre ensuite lorsque la publicité des différents actes a bien été réalisée,
mais le même jour, ce qui ne permet pas de régler le conflit par application de la
règle de l’antériorité.

Le décret du 4 janvier 1955 dispose en effet qu’est réputée d’un rang antérieur la
formalité requise en vertu du titre le plus ancien. Mais alors que le litige aurait
pu être réglé par une antériorité d’heure de publicité, il l’est par l’ancienneté du
titre. En matière d’acte sous seing privé, s’applique alors l’article 1328 du code
civil ; sera donc préféré celui qui produit le titre ayant le premier acquis date
certaine718.

382. La date certaine importe, enfin, lorsque la publicité foncière ne peut pas
s’appliquer ; tel est le cas lorsque l’on est en présence d’un conflit de titres
émanant d’auteurs différents. La publicité foncière ne permet, en effet, de régler

717
Cass. 3ème civ., 31 mai 1978, Bull. civ. III, p. 199.
718
CA Paris, 29 juin 1964, JCP 1965, II, 13977, RTD civ. 1965, p. 365, p. 376, obs. J.-D.
BREDIN .

293
que les conflits de droits concurrents entre des ayants-cause à titre particulier du
même auteur.

Mais le rôle de la date certaine change alors ; le conflit est présent, réel. Les
tiers, agissant de bonne foi, n’ont jamais eu connaissance des droits identiques
aux leurs, détenus par une autre personne. Il s’agit dès lors non pas d’opposer
aux tiers des droits, mais de rapporter la preuve de l’existence de ces droits. Il
faut alors raisonner en termes d’opposabilité de titres, d’instrumentum et plus en
termes d’opposabilité de droit.

§2.- La fonction probatoire, rôle premier de la date certifiée

383. Si la date certaine n’a plus qu’un rôle mineur en matière d’opposabilité,
elle revêt en revanche une utilité certaine sur le terrain de la preuve.

La date certifiée n’a alors plus pour fonction de porter à la connaissance des
tiers la convention litigieuse, mais de prouver et d’établir avec certitude la date
de l’instrumentum qui matérialise le contrat, c’est-à-dire sa date de conclusion,
de naissance.

Mais cette date ne marque pas seulement la naissance de la convention ; dans


certains cas, elle correspond à son effectivité, à la naissance des effets du
contrat.

La fonction probatoire de la date certifiée joue alors tantôt en faveur d’ayants-


cause à titre particulier issus d’auteurs différents lorsqu’en présence de droits
concurrents le litige se règle par un conflit de titres, tantôt en faveur du tiers
créancier, dont la date de naissance de son droit conditionne son action en
recouvrement.

294
295
A.- La date certifiée, mode de résolution des conflits de titres

384. Le conflit de titres apparaît en matière de droits concurrents et se présente


comme un mode départiteur de ces droits, lorsque les règles de publicité ne le
permettent pas719, mais également lorsque ce conflit oppose des ayants-cause à
titre particulier d’auteurs différents.

Tel est le cas, par exemple, entre des acquéreurs d’un bien immobilier tenant
leur droit d’auteurs différents. L’un possède le bien, l’autre pas. Un conflit
oppose donc le possesseur du bien et celui qui sera le demandeur en
revendication. Ces deux personnes sont bien des tiers au sens de l’article 1328
du code civil pour les actes passés par chacun. Or la preuve directe de la
propriété étant impossible à rapporter, la jurisprudence et la loi720 se contentent
de preuves indirectes, notamment par les titres721. Il s’agit alors pour les juges de
régler un conflit de preuves.

385. Le possesseur du bien peut invoquer la prescription acquisitive abrégée722 ;


il doit alors être de bonne foi et produire un juste titre, c’est-à-dire un titre qui
existe, est valable, est translatif de propriété et qui a date certaine 723. C’est en
effet à compter de ce jour que le délai de prescription abrégée commence à
courir.

Il convient toutefois d’observer que, si le preneur n’invoque pas la prescription


acquisitive, le titre devient une preuve comme une autre, et lors d’un conflit de

719
Cf supra, n° 379 et s.
720
Cf C. LARROUMET, Droit civil, t. 2, Les biens, Droits réels principaux, Economica, 3ème éd.,
1997, n° 685 et s. L’auteur note que s’applique un système de liberté de preuve.
721
Et également une autre présomption constituée par la possession.
722
C. civ., art. 2265.
723
Cass. civ., 16 janvier 1969, D. 1969, 453, RTD civ. 1969, p. 807 ; Cass. civ., 18 janvier 1899,
S. 1901.1.415 ; Cass. civ., 14 juin 1961, JCP 1962, II, 12492 ; Cass. 3ème civ., 9 janvier 1973,
Bull. civ. III, n° 35.

296
titres, le juge devra choisir le plus convaincant ; et si ce titre prouve
l’acquisition, il n’établit nullement qu’elle a lieu a domino.

L’article 1328 du code civil retrouve alors son utilité puisqu’il permet d’établir
l’antériorité de l’acte.

Mais ce n’est pas le seul intérêt de la certification de la date qui permet


également aux tiers de recouvrer leurs droits.

B.- La date certifiée, condition probatoire de l’action paulienne

386. Des développements précédents il ressort que tout créancier ne peut pas
bénéficier de la protection issue de l’article 1328 du code civil.

Rappelons, par exemple, que le principe est l’exclusion du créancier


chirographaire du rang des tiers au sens de l’article 1328 du code civil, ce
créancier étant traditionnellement assimilé à un ayant-cause universel et donc
aux parties elles-mêmes.

Cette exclusion est constante dès lors que le créancier fonde son action sur les
droits de son débiteur, sur son droit de gage général, mais elle ne joue plus
lorsqu’il invoque un droit propre et exclusif.

387. Il est toutefois une hypothèse témoignant de l’importance de la date de


naissance de la créance ou de celle de son effectivité, lorsque la prise d’effet du
contrat est différée. Il s’agit du cas de l’action paulienne prévue par l’article
1167 du code civil.

297
Cet article confère aux créanciers, par exception au principe de l’effet relatif des
contrats, une action qui leur permet d’« attaquer les actes faits par leur débiteur
en fraude de leurs droits ».

Cette action, qui est fondamentale pour le créancier souhaitant préserver son
droit de gage général, est une action personnelle intentée par le créancier
poursuivant, contre le tiers ayant traité avec le débiteur et ayant de ce fait
participé à l’appauvrissement du patrimoine du demandeur. Lorsqu’elle est
accueillie, cette action entraîne révocation rétroactive de l’acte litigieux et donc
retour du bien aliéné dans le patrimoine du débiteur où le créancier demandeur
pourra éventuellement le saisir724.

388. Mais, pour qu’il soit fait droit à cette demande, celle-ci doit remplir
certaines conditions relatives aux parties, à l’acte attaqué qui doit être
préjudiciable au créancier et relatives à la créance du demandeur.

La créance présentée doit en effet être antérieure à l’acte attaqué725.

Seuls les créanciers disposant d’un droit né antérieurement à l’acte frauduleux


peuvent exercer l’action paulienne726 ; les créanciers postérieurs à l’acte
litigieux n’ont, en effet, pas subi de préjudice, l’acte d’appauvrissement leur
étant antérieur727.

724
Cass. 1ère civ., 1er juillet 1975, Bull. civ. I, n° 213. En ce sens, G. MARTY ET P. RAYNAUD, Les
obligations, t. 2, Sirey, 1969.
725
En ce sens: Cass. civ., 20 juin 1849, D .1850, 183 ; Cass. 1ère civ., 27 janvier 1987, JCP
1987, IV, 109, Bull. civ. I, n° 26 ; Cass. 1ère civ., 2 mai 1989, Bull. civ. I, n° 172, JCP 1989, IV,
245. La jurisprudence atténue parfois cette exigence de l’antériorité de la créance en admettant
le jeu de l’action paulienne lorsque le débiteur organise son insolvabilité en prévision d’une
créance future. Cf le cas d’une personne ayant donné presque tous ses biens à ses enfants avant
d’emprunter ( Cass. 1ère civ., 15 février 1967, Bull. civ. I, n° 66) ou avant que son compte
courant ne soit clos (Cass. 1ère civ., 4 mai 1982, Bull. civ. I, n° 156).
726
En ce sens, B. STARCK, H. ROLAND ET L. BOYER, Les obligations, t. III, Régime général, Litec,
5ème éd., 1997, n° 727.
727
Des tempéraments existent quant à cette exigence d’un acte d’appauvrissement provoquant
l’insolvabilité du débiteur. Ainsi, lorsque l’acte frauduleux n’est pas un acte d’appauvrissement,
mais un acte conclu à des conditions normales comme une vente, la jurisprudence admet l’action
paulienne s’il résulte que cet acte avait pour objectif de substituer des biens aisément saisissables
par des valeurs aisément dissimulables comme des espèces (Cass. 1 ère civ., 21 novembre 1967,

298
Deux dates doivent dès lors être prises en considération : celle de la créance et
celle de l’acte attaqué.

La créance peut être issue d’un acte ou d’un fait juridique. Il suffit qu’elle soit
antérieure à l’acte frauduleux, au moins dans son principe728. Dès lors, la date
certaine retrouve une utilité lorsque la créance est issue d’un acte sous seing
privé. Cette date se révèle en effet nécessaire au créancier qui doit prouver
l’antériorité de son droit729 contre celui qui a traité avec son débiteur et qui est
tiers à son égard.

Parallèlement, le créancier demandeur étant tiers par rapport à la personne qui a


traité avec son débiteur ne peut voir son action écartée et son droit méconnu si le
contrat qui lui est opposé est dit antérieur à sa créance. Mais, encore faut-il que
la date de cet acte soit certaine. C’est en tout cas la position dominante, tant de
la jurisprudence730 que de la doctrine731.

La date certaine ou certifiée qui n’est qu’une date vraisemblable conserve donc
encore quelque utilité ; la vraisemblance intervient dès lors que l’un des acteurs
à la procédure ou que l’un des intérêts défendus se situe hors de la sphère
contractuelle.

Lorsque le litige, au contraire, s’inscrit dans cette sphère, et que le principe de


l’effet relatif du contrat est alors paralysé, c’est une date précise qui est exigée

D. 1968, 317, note Y. LAMBERT-FAIVRE ; Cass. com., 1er mars 1994, Bull. civ. IV, n° 81,
Defrénois 1994, p. 1118, obs. D. MAZEAUD).
728
Il n’est en effet pas indispensable que la créance soit certaine à la date d’accomplissement de
l’acte litigieux ; il suffit juste que son principe le soit ; cf Cass. 1ère civ., 17 janvier 1984, Bull.
civ. I, n° 16, D. 1984, 437, RTD civ. 1984, p. 719.
729
Même si l’antériorité de la créance se prouve par tous moyens (Cass. 1 ère civ., 11 octobre
1978, Bull. civ. I, n° 299). La date certaine de créance n’est donc qu’un moyen permettant
d’établir l’antériorité.
730
CA Amiens, 7 décembre 1961, Gaz. Pal. 1962, som, 2.
731
Cf GAUTIER, MARTY, RAYNAUD, JESTAZ, op.cit., n° 170; P. STRASSER, “Force probante de la
date d’un acte sous seing privé. Date certaine, J.-Cl. Civ., article 1328, §. 51 : « les actes
postérieurs à la naissance de la créance peuvent seuls être attaqués ; l’antériorité d’un acte ne
peut être opposée au créancier que dans la mesure où elle est certaine au sens de l’article 1328
du code civil » ; « Refuser au créancier exerçant l’action paulienne, le bénéfice de l’ article
1328[…] serait le soumettre au bon plaisir du débiteur car il suffirait d’antidater tout acte passé
pour faire échec à l’exercice de l’action » (Cass. civ., 4 janvier 1847, D. 1847, 1, 130 ; Cass.
req., 10 mars 1847, ibid ; 2 février 1852, DP 1852, 1, 49).

299
pour régir les différentes situations conflictuelles ou non naissant entre les
parties.

300
Titre II la date precise, date reference

389. La date revêt un rôle important en tant que référence, tout aussi important
que celui qu’elle joue en tant que condition.

En matière contractuelle, la référence, que l’on peut définir comme l’action de


se référer à quelque chose, est l’outil essentiel du juge lorsqu’un litige dont le
contrat est l’objet est porté devant lui.

Plusieurs causes peuvent être à l’origine du différend qui peut porter sur la
validité du contrat, une responsabilité contractuelle, l’inexécution de la
convention avec toutes les conséquences procédurales qui en découlent, telles
que les points de départ du délai de prescription ou la réparation des dommages
découlant de l’inexécution.

390. Dans ce rôle de référence, la date remplit une double fonction : une
fonction de rattachement lorsque le juge se livre à un travail d’appréciation
(Chapitre I), qu’il s’agisse d’apprécier la validité d’un acte, l’existence des
éléments de formation du contrat à la date de conclusion de celui-ci, de
déterminer la loi applicable au contrat, d’évaluer les dommages ; et une fonction
délimitative (Chapitre II) lors de l’exercice de certaines actions en justice et des
effets de la décision judiciaire.

391. De telles fonctions ne peuvent être remplies que pour autant que cette
référence soit une date précise ; le point de départ du délai de prescription, par
exemple, et son écoulement ne peuvent être fixés que par rapport à une date

301
déterminée avec précision, c’est-à-dire sous la forme du trinôme jour-mois-
année. De même en est-il pour la détermination de la loi applicable.

Fonction de rattachement et fonction délimitative nécessitent donc la


connaissance d’une date précise.

302
Chapitre I : la date precise, consideree dans sa fonction de
rattachement

392. La connaissance d’une date précise permet de se livrer à différents types


d’appréciation.

Apprécier, c’est estimer quelque chose comme par exemple l’existence ou la


validité de la convention ou de l’un de ses éléments constitutifs, estimer
également quelle est la loi applicable, la loi qui servira de référence pour
apprécier la validité d’un acte ou les règles de procédure applicables. Dans ces
derniers exemples, il s’agira donc de vérification (Section I).

Apprécier, c’est également reconnaître la valeur de quelque chose, c’est-à-dire


l’évaluer (Section II). Cette évaluation s’effectue à plusieurs moments en
matière contractuelle : lors de la formation du contrat si l’on s’interroge sur
l’existence d’une lésion par exemple, ou pour déterminer la prévisibilité d’un
dommage, condition d’une réparation prévue par l’article 1150 du code civil.

393. La date de rattachement retenue peut varier en fonction de l’objet de


l’appréciation à laquelle il faut se livrer ; mais il s’agira le plus souvent de la
date de conclusion ou de formation du contrat, comme le montrera l’étude
successive, de la vérification de la régularité du contrat et de son exécution
(section I) et de l’évaluation des déséquilibres contractuels et des effets attachés
à l’anéantissement et à l’inexécution du contrat (section II).

303
section I : la date de verification de la régularité et de l’éxécution du
contrat

394. L’opération de vérification de la régularité du contrat et de son exécution


(§2) impose que soit préalablement déterminée la loi applicable au contrat en
cause (§1), puisque c’est au vu de ses dispositions que le travail de vérification
pourra s’opérer, déterminant ainsi ce qui est licite ou pas, en prenant en
considération le caractère supplétif ou impérative des règles ainsi posées.

§1.- La détermination de la loi applicable

395. La détermination de la loi applicable au contrat en cause ne sera bien


entendu envisagée ici que sous l’angle temporel et non pas spatial.

La détermination de la loi applicable est notamment nécessaire lorsqu’un conflit


de lois dans le temps732 survient. A l’occasion de toute réforme législative, il
devient alors nécessaire de délimiter dans le temps le domaine d’application de
la loi ancienne et celui de la loi nouvelle, certains types de lois telles celles de
validation, de confirmation ou interprétatives pouvant déroger au principe de
règlement du conflit qui va maintenant être développé.

732
Le droit transitoire, 2ème éd., Sirey, 1960 ; LEVEL, Essai sur les conflits de lois
P. ROUBIER,
dans le temps, Thèse Paris, 1959 ; G. ROUJOU DE BOUBEE, « La loi nouvelle et le litige », RTD
civ. 1968, p. 479 ; L. BACH, « Contribution à l’étude du problème de l’application des lois dans
le temps », RTD civ. 1969, p. 405.

304
396. Le principe fondamental, consacré par l’article 2 du code civil733, est celui
de la non-rétroactivité des lois734.

Deux certitudes découlent de l’affirmation de ce principe de non-rétroactivité ;


la première est que toutes les conséquences des faits ou actes juridiques
postérieurs à la loi nouvelle lui sont soumises.

La seconde est que tous les effets passés sont hors du domaine de la loi
nouvelle, point que justifie PORTALIS735 comme suit : « partout où la rétroactivité
serait admise, non seulement la sûreté n’existerait plus, mais son ombre même »
« que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu’après
coup il serait exposé au danger d’être recherché dans ses actions ou troublé dans
ses acquis, par une loi postérieure ». Ce raisonnement se retrouve aujourd’hui
dans l’une des dispositions du code civil : l’article 1134 du code civil pose
comme principe celui de l’intangibilité du contrat736, nécessaire pour que la
sécurité juridique soit garantie. Ainsi la loi du 18 février 1938 qui a supprimé
l’incapacité de la femme mariée, du fait de son caractère non rétroactif n’a pas
eu pour effet de valider les actes passés irrégulièrement avant cette date par une
femme mariée ; ces derniers demeurent donc nuls.

397. En dehors de ces deux certitudes, des difficultés apparaissent pour les
situations juridiques qui se prolongent dans le temps737 ; ce principe ne permet
en effet pas de régler l’action de la loi nouvelle dans l’avenir notamment sur les

733
C. civ., art. 2: « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».
734
L’effet immédiat, second principe issu de l’article 2 du code civil, sera envisagé
ultérieurement, infra n° 397 et s.
735
PORTALIS, « Exposé des motifs, projet de Code civil », in Faits et discours juridiques et
politiques, PUAM, 1988, p. 65, spéc. pp. 71-72.
736
Sur cette notion d’intangibilité du contrat, cf « Que reste-t-il de l’intangibilité du contrat ? »,
Dossier, Dr. et patr., mars 1998, pp. 41-82, notamment « Introduction » par G. PAISANT, pp. 42-
45 et « Révision et intangibilité du contrat ou la double philosophie de l’article 1134 du code
civil », pp. 46-57.
737
Cf P. ROUBIER, Le droit transitoire, préc., p. 292 : le principe de non rétroactivité « ne nous
apprend rien en ce qui concerne le traitement des situations en cours au jour du changement de
la loi ».

305
effets futurs de contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle.

Dès lors se pose la question suivante : la loi ancienne demeure-t-elle compétente


ou doit-elle au contraire laisser place à la loi nouvelle ?738

Il s’agit donc de s’interroger sur les critères permettant de résoudre ces conflits
de loi dans le temps, cette question reposant sur deux concepts : celui de la non-
rétroactivité de la loi nouvelle et celui de son effet immédiat.

398. La solution traditionnelle reposait sur la distinction entre les droits acquis et
les simples expectatives. Etait donc privilégiée une méthode subjective reposant
sur la nature des droits dont sont titulaires les personnes en présence739.

Le critère de la non-rétroactivité, utilisé a contrario pour appliquer la loi


nouvelle, est celui des droits acquis.

Le droit acquis a été défini comme « le droit qui existe dans le patrimoine au
moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et dont la validité ne peut être
remise en cause »740.

La loi nouvelle ne peut porter atteinte au droit acquis741 parce qu’elle causerait
un trouble grave à l’ordre social en ce qu’elle serait négatrice de toute sécurité
juridique742.

738
Cf J. MESTRE ET B. FAGES, « Les effets du contrat demeurent-ils sous l’empire de la loi
ancienne ou sont-ils régis par la loi nouvelle ? », RTD civ. 2002, p. 507 et s.
739
La méthode objective, quant à elle, consisterait à distinguer selon les faits accomplis et les
situations en cours ; cf P. ROUBIER, préc. , n° 35.
740
Cf T. BONNEAU, La Cour de cassation et l’application de la loi dans le temps, PUF , 1990, n°
78, p. 67.
741
Cass. 3ème civ., 29 janvier 1980, Bull. civ. III, n° 25 : « une loi qui a consacré un principe
nouveau n’est applicable aux situations et aux rapports juridiques établis ou formés avant sa
promulgation qu’autant qu’il n’en doit pas résulter la lésion des droits acquis » ; Cass. 1ère civ.,
17 juin 1981, Bull. civ. I, n° 224 : « la disposition d’une loi qui exprime la vocation de ce texte à
régir les effets à venir des situations juridiques préexistantes ne permet pas de méconnaître des
droits antérieurement acquis » ; Cass. com., 9 octobre 1984, Bull. civ. IV, n° 258 : « si une loi
nouvelle est d’application immédiate, elle ne peut, sans rétroactivité, atteindre les effets de la
situation juridique définitivement réalisée antérieurement ».

306
399. Mais, dès lors que les droits ne sont pas acquis soit parce que le contrat est
en cours de constitution, soit parce que les droits sont en cours d’acquisition,
743
ROUBIER a proposé de retenir comme principe complémentaire à celui de la
non-rétroactivité de la loi nouvelle, celui de son effet immédiat, concept
d’ailleurs suivi par la Cour de cassation744.

Selon cet auteur, pour l’application de ce principe doit être prise en


considération la phase d’évolution de la situation. Si la situation est constituée
ou éteinte ou si ses effets sont passés, la loi ancienne doit s’appliquer. Au
contraire, si la situation est en cours de constitution, d’extinction ou d’effet, la
loi nouvelle doit s’appliquer745.

Donc ce principe de l’effet immédiat devrait a priori s’appliquer aux contrats. Or


tel n’est pas le cas s’agissant des effets futurs du contrat conclu antérieurement à
l’entrée en vigueur de la loi nouvelle746, la jurisprudence747 ayant recours au
principe de la non-rétroactivité pour exclure l’effet immédiat.

742
Par exemple cf P. GUIHO ET T. GARE, Droit civil, 1 Introduction générale ,L’Hermès, 3ème éd.,
1991, n° 171 : si une loi limite le taux d’intérêt, elle ne peut avoir pour effet de réduire l’intérêt
d’un prêt consenti avant son entrée en vigueur parce que l’on porterait atteinte aux prévisions
des parties ; le prêteur n’aurait peut être pas consenti à prêter à ce taux réduit ; c’est donc
garantir sa sécurité juridique que de méconnaître toute application rétroactive à une loi qui
viendrait accroître son engagement.
743
Cf supra, n° 397.
744
Cass. civ., 29 décembre 1942, DC 1943, J, 85 note J. CARBONNIER ; Cass. 1ère civ., 16
novembre 1960, Bull. civ. I n°501, D. 1961, 7, note G. HOLLEAUX.
745
Cass. 1ère civ., 3 avril 1984, Bull. civ. I, n° 126 : « la loi et le règlement s’appliquent en
principe immédiatement aux situations existant lors de leur entrée en vigueur »
746
Cass. 3ème civ., 13 novembre 1984, Bull. civ. III, n° 189 : « toute loi nouvelle s’applique
immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au
moment où elle entre en vigueur ».
747
Cass. 27 mai 1861, S. 1861,1,507 : « les effets du contrat en cours demeurent déterminés par
la loi en vigueur au moment où ils ont été formés » ; Cass. 1ère civ., 27 mai 1974, Bull. civ. I,
n°102, statuant sur l’article 33 du décret n°65-226 du 25 mars 1965 accordant une faculté de
dénonciation unilatérale aux parties liées par un mandat exclusif pour la vente d’immeuble
lorsque le contrat prévoit qu’une commission est due par le vendeur à l’intermédiaire même si
l’opération est conclue sans ses soins. Jugé que ce décret « qui n’a pas d’effet rétroactif » n’a
pas pu s’appliquer antérieurement à son entrée en vigueur . ; Cass. 3ème civ., 23 février 1982,
Gaz. Pal. 1982,1, pan jur 242 : au sujet de la loi n°65-356 du 12 mai 1965 qui a ajouté au décret
du 30 septembre 1953 un article 3-1 aux termes duquel la durée du contrat de bail commercial
ne peut être inférieur à 9 ans ; la Cour de cassation a considéré que ce serait violer l’article 2 du

307
Le raisonnement suivi est le suivant : la jurisprudence concentre les effets du
contrat au jour de sa conclusion; qu’ils soient passés ou futurs, ils existent en
germe au jour de la conclusion de la convention et ont donc été acquis avant la
date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle dès lors que le contrat lui-même a été
conclu antérieurement. La date d’acquisition des effets du contrat étant
antérieure à la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la loi ancienne est
donc la seule applicable en vertu du principe de non-rétroactivité.

La doctrine748 partage cette opinion et estime que toute réglementation légale du


contrat au jour où il est passé se trouve tacitement incorporée au contrat et
constitue un droit acquis. Une nouvelle réglementation ne peut donc avoir pour
effet de rendre caducs les actes passés avant son entrée en vigueur 749. En fait, le
maintien du contrat en cours d’exécution sous l’empire de la loi ancienne se
justifie par le fait que le contrat est l’expression de l’autonomie de la volonté,
qu’il tend à régler certaines relations sociales. Or ce but serait réduit à néant si
l’on admettait qu’une loi postérieure à la conclusion du contrat vienne le
modifier.

400. L’application et l’articulation des deux principes sus-énoncés gouvernant le


règlement des conflits de lois dans le temps connaissent des exceptions.

S’agissant tout d’abord de celles concernant le principe de l’application


immédiate de la loi nouvelle : ce principe reparaît en matière contractuelle dans
plusieurs cas ; en premier, lorsqu’il s’agit d’une loi interprétative ou d’ordre
public750. L’effet immédiat de telles lois peut être reconnu par la jurisprudence
ou simplement être prévu par le législateur lui-même. Une illustration de cette

code civil que d’appliquer cette disposition aux contrats en cours car « la loi ne disposant que
pour l’avenir, sauf volonté contraire du législateur, les effets d’un contrat sont régis en principe
par le loi en vigueur à l’époque où il a été conclu ».
748
Traité de droit romain modernisé, 2ème éd., Paris TVIII, p. 427 ; AUBRY ET RAU,
SAVIGNY,
Cours de droit civil [d’après le méthode de Zacharie], 5ème éd 1877, TI, p.116.
749
Cass. com., 11 octobre 1988, Bull. civ. IV, n° 274.
750
Il ne suffit toutefois pas qu’une loi soit d’ordre public pour qu’elle régisse les effets à venir
des contrats précédemment conclu ; il lui faut une impérativité particulière. (Cass. com., 26 mars
2002, D. 2002, 1341, note A. LIENHARD ; Cass. 1ère civ., 17 mars 1998, RTD civ. 1999, p. 378).

308
dernière hypothèse peut être empruntée à la réglementation des baux ruraux.
L’article 34 de la loi n° 75-632 du 15 juillet 1975 précise que cette loi est
applicable aux baux en cours.

Cette même réglementation offre un exemple d’effet immédiat reconnu par la


jurisprudence ; celle-ci a en effet considéré que l’interdiction des sous-locations
par la loi du 1er septembre 1948 était applicable aux baux en cours751. De même,
la Cour de cassation a décidé que la prohibition des clauses de paiement en or ou
en monnaie étrangère établie en 1914 s’appliquait aux contrats en cours ; ainsi,
dès 1914, une telle clause insérée dans un contrat antérieur ne pouvait plus
recevoir exécution après la loi nouvelle.

La Cour de cassation applique ensuite immédiatement les lois modifiant le statut


légal du contrat752, c’est-à-dire le statut prenant directement son origine dans la
loi et étant indépendant de la volonté des parties, par opposition au statut
contractuel753. Ainsi, s’agissant de l’opposabilité de la clause de réserve de
propriété en cas de procédure collective, la chambre commerciale de la Cour de
cassation754 s’est prononcée pour son effet immédiat car « la loi du 12 mai 1980
avait seulement consacré un effet indépendant de la volonté des parties » ;
l’opposabilité constitue donc un effet légal de la clause de réserve de propriété.

Enfin, sont considérées comme étant d’application immédiate, les lois relatives
au mode d’exercice des droits contractuels (forme, conditions et délais
d’exercice des droits contractuels) au motif qu’ils sont soumis, non à la loi en
vigueur au jour de la conclusion du contrat, mais à la loi en vigueur au jour de
leur exercice. La date de l’exercice peut d’ailleurs poser quelques problèmes
quant à sa détermination. S’agissant par exemple de l’exercice du droit au
renouvellement du droit au bail, doit-on prendre en considération la date de

751
Cass. soc., 20 mars 1952, Bull. civ. V, n° 236, D. 1952, 453.
752
Pour T. BONNEAU, il s’agit d’effets légaux (« Application de la loi dans le temps. Loi nouvelle
et événements futurs », J.-Cl. Civ., article 2, fasc. 30, spéc. n° 60).
753
Pour une illustration de l’opposition entre ces deux statuts, cf Cass. 3 ème civ., 15 mars 1989,
Bull. civ. III, n° 65 : « à défaut d’accord entre les parties, le droit au renouvellement a sa source
dans la loi », ce qui a pour conséquence que la détermination du loyer a de ce fait une nature
légale justifiant l’application de la loi nouvelle.
754
Cass. com., 7 mars 1983, Bull. civ. IV, n°95, D. 1984, inf rap 1, obs. F. DERRIDA.

309
délivrance du congé ou sa date de prise d’effet pour apprécier si la loi nouvelle
est applicable755 ? Selon les lois existant en la matière, la solution n’est pas
toujours la même. Ainsi la jurisprudence a-t-elle retenu la date de délivrance du
congé pour apprécier si la loi n° 65-356 du 12 mai 1965756 devait s’appliquer ;
mais elle a privilégié la date de prise d’effet du congé s’agissant de la loi n° 62-
902 du 4 août 1962 relative aux baux d’habitation757.

401. S’agissant ensuite du principe de la non-rétroactivité, plusieurs exceptions


sont à relever.

La première concerne les lois déclarées rétroactives par le législateur 758, mais
celles-ci sont rares et n’interviennent qu’au vu de considérations particulières, à
savoir lors de période de crise, de situations dangereuses pour l’ordre social759.
La rareté de ces lois justifie que leur étude soit écartée.

Les lois constituant la deuxième série d’exceptions sont, quant à elles, plus
nombreuses. Il s’agit des lois interprétatives par détermination du législateur760
ou par nature.

Une loi interprétative a pour objet de déterminer le sens d’une loi antérieure ;
elle « ne peut être considérée comme interprétative qu’autant qu’elle se borne à

755
Il convient d’observer que, dans cette hypothèse, le bail est en cours d’exécution jusqu’à la
date de prise d’effet du congé.
756
Cass. 3ème civ., 16 février 1969, Bull. civ. III, n° 133 ; Cass. 3ème civ., 19 février 1971, Bull.
civ. III, n° 129.
757
Cass. soc., 17 décembre 1963, JCP 1964 , II, 13527, obs. RD ; 27 février 1964, Bull. civ. V,
n° 184.
758
Cf l’exemple constitué par le décret du 17 nivôse An II par lequel la Convention annulait
toutes les donations faites depuis le 14 juillet 1789 et disposait que les règles nouvelles édictées
en matière de dévolution des biens laissés par les personnes mortes sans testament
s’appliqueraient à toute les successions ouvertes depuis cette date. Or cette disposition emporta
une perturbation profonde consistant dans la modification de la répartition des richesses et donc
la modification de la structure de la société. C’est pourquoi la Constitution de l’An III a consacré
le principe de non-rétroactivité. (Exemple donné par F. TERRE, Introduction générale au droit,
Précis Dalloz, 5ème éd., 2000, §. 443).
759
Cf loi du 20 juillet 1940 qui a exonéré les chemins de fer de leur responsabilité pour les
transports effectués depuis le 10 mai 1940.
760
P. ROUBIER,Le droit transitoire, 2ème éd. 1960, n° 57, p. 249. Cet auteur qualifie ces types de
lois de lois interprétatives « par déclaration de la loi ».

310
reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu’une définition imparfaite a
rendu susceptible de controverse »761.

Deux éléments sont donc nécessaires pour qu’une loi soit qualifiée
d’interprétative : la loi nouvelle doit reconnaître un droit préexistant sans rien
innover762, ni modifier763, sinon elle ne peut être considérée comme
interprétative.

Ensuite une loi ne peut être interprétative que si elle vient préciser sans innover
une définition imprécise , imparfaite764.

Si une disposition légale ou réglementaire comporte ces deux éléments, le


caractère interprétatif lui est conféré et par là même sa qualité de loi
rétroactive765. Mais, cet effet rétroactif est seulement dû au fait que la loi
interprétative fait une avec la loi qu’elle interprète et s’applique à compter de la
même date ; la loi interprétative réagit sur le passé puisque le juge est contraint
de donner « aux faits déjà passés, accomplis sous l’empire d’une ancienne loi
obscure, une interprétation qu’ils n’auraient probablement pas reçue »766.

761
Cass. soc., 28 mars 1962, Bull. civ. V, n° 332, 19 juin 1963, Gaz. Pal. 1963,2 , 278 ; 7
novembre 1963, Bull. civ. V, n° 765 ; à rapprocher de Cass. 2ème civ., 20 février 1963, Bull. civ.
II, n° 174 ; Cass. soc., 14 juin 1989, Bull. civ. V, n° 442. Cf également la définition donnée par
ROUBIER (Le droit transitoire, préc., p. 254) : « est, de sa nature, interprétative la loi qui, sur un
point où la règle de droit est incertaine ou controversée, vient consacrer une solution qui aurait
pu être adoptée par la seule jurisprudence ».
762
La qualité d’interprétative n’a pas été reconnue à la loi n° 76-1101 du 6 décembre 1976
relative au développement de la prévention des accidents du travail au motif qu’elle créait des
droits nouveaux ; cf Cass. soc, 15 janvier 1978, JCP 1978 G, IV, 123.
763
Le décret n° 59-175 du 7 janvier 1859, modifiant les dispositions antérieures n’a pu être
appliqué à un bail conclu à une date antérieure à son entrée en vigueur ; cf Cass. soc., 5 mai
1961, Bull. civ. V, n° 466.
764
Cass. 3ème civ., 30 avril 1974, Bull. civ. III, n° 76 qui a refusé de conférer un caractère
interprétatif et donc rétroactif au décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 aux motifs qu’il
n’apporte pas de précision à un texte antérieur.
765
Cf Cass. 3ème civ., 27 février 2002, D. 2002, 1142, note Y. ROUQUET. Les juges ont ici
reconnu le caractère interprétatif de l’article 26 de la loi dite MURCEF du 11 décembre 2001. Ils
ont en effet considéré que cet article ne fait que préciser, par une référence expresse à l’article L.
145-33 du code de commerce, le caractère dérogatoire de l’alinéa 3 de l’article L. 145-3 du
même code.
766
F. TERRE, Introduction générale au droit, préc., §. 443.

311
402. La dernière catégorie d’exception à la règle de la non-rétroactivité de la loi
nouvelle est constituée par les lois de validation767 également dénommées lois
confirmatives768. Ces lois viennent valider des actes nuls selon les dispositions
de la loi ancienne ; elles confèrent donc rétroactivement force obligatoire à
l’acte menacé, alors qu’entaché de nullité, il aurait dû disparaître de
l’ordonnancement juridique769.

Ces lois viennent contrarier les prévisions des parties et la sécurité juridique
puisqu’elles assurent la pérennité de la situation contractuelle au-delà du
consentement des parties et maintiennent ces dernières dans un état d’instabilité
juridique, d’imprévisibilité puisque le législateur soumet des actes relevant de la
loi ancienne à une modification législative pouvant intervenir jusqu’aux
instances en cours770.

Certes les limites à l’intangibilité du contrat771 étaient déjà envisagées dans le


code napoléonien772 et constituent une constante législative773, mais cette

767
S. DRAPIER, « Réflexions sur la légitimité des lois de validation en matière contractuelle »,
Petites Affiches 9 février 2001, n° 29, pp. 4-10 ; A. BOUJEKA, « Les lois de validation sous les
fourches caudines de la Convention Européenne des Droits de l’Homme », Petites Affiches, n°
114, 8 juin 2000 ; M.-C. ALEXIS ET J.-F. ROUX, « Eclairage sur une pratique contestable : les lois
de validation affectant les intérêts des consommateurs », Contrats, conc., cons., 2002, chron., n°
11.
768
T. BONNEAU, « Application de la loi dans le temps, Loi nouvelle et événements passés », J.-
Cl. civ., article 2, Fasc. 20, n° 43 et suiv.
769
Cf la définition donnée par un conseiller d’Etat : « toute intervention législative qui, par un
texte modifiant rétroactivement l’état du droit, met des actes juridiques à l’abri du risque de
nullité ou de péremption sans avoir à distinguer selon que ces actes relèvent de relations de
droit privé ou de rapports de droit public » ( cité par J. LE GARS, « Les validations législatives et
le contrôle de conventionnalité », Petites Affiches, n° 71, 15 juin 1998) ; cf également la
définition donnée par G. CORNU, in Vocabulaire juridique, v° validation législative :
« intervention du législateur en forme de loi destinée, à titre rétroactif ou préventif, à valider de
manière expresse, indirecte ou même implicite un acte administratif annulé ou susceptible de
l’être ».
770
Sauf pour les affaires en cours devant la Cour de cassation. L’effet immédiat de la loi
nouvelle aux instances en cours n’est en effet pas applicable aux pourvois en cassation exercés
contre des décisions jugées sous l’empire de la loi ancienne (Cass. com., 16 décembre 1975,
JCP 1976, II, 18248, obs. A.S.).
771
Dossier : « Que reste-t-il de l’intangibilité du contrat ? » , Dr. et patr., préc..
772
Dès 1804, le code civil, dans l’alinéa 2 de l’article 1134 a évoqué l’autorité de la loi pour la
révocation des conventions et l’article 1224 prévoyait l’existence d’un délai de grâce.
773
Cf les différentes lois successives transformant la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948
relative aux rapports entre bailleurs et locataires. La loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 prévoit, par
exemple que certains effets faisant suite à la rupture du contrat, comme le départ du locataire et
l’expiration du bail seront rattachés à la loi nouvelle.

312
ancienneté ne les rend pour autant pas louables au regard de la sécurité
juridique. Ce principe de sécurité juridique est garanti constitutionnellement par
le Conseil constitutionnel dans une décision du 16 décembre 1999 774 qui a
proclamé le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Cette décision
déclare, en effet, que l’égalité devant la loi, « énoncée par l’article 6 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et la garantie des droits
requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne
disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont
applicables (…) ».

Certains auteurs775 ont considéré que cette affirmation conduisait à


l’établissement du principe de la sécurité juridique. Or des contractants ne
peuvent, au moment de la conclusion du contrat, avoir connaissance d’une loi de
validation qui, par hypothèse, intervient postérieurement à cette formation. Une
telle loi, de part sa nature même, était inaccessible et de surcroît inintelligible
pour le contractant sous l’empire d’une première norme puisque la loi de
validation, par hypothèse n’existait pas. Or, comme il ne s’agit pas d’un droit
subjectif, les contractants ne peuvent s’en prévaloir. Ils ne sont pour autant pas
privés de tout recours ; les lois de validation et notamment celle n° 96-314 du
12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier776

Cf également l’exemple de la clause pénale dont le statut a été modifié par la loi n° 75-597 du 9
juillet 1975 et la loi n° 85-1097 du 11 octobre 1985 déclarées immédiatement applicables aux
instances en cours ; ces dispositions nouvelles n’affectaient donc plus seulement les effets futurs
du contrat, mais aussi la validité et les effets passés de la clause pénale déjà exécutée.
774
Cons. Const., 16 décembre 1999, déc. n° 99-421 D.C., JO du 22 décembre 1999, p.19041 ;
M.-A. FRISON-ROCHE ET W. BARANES, « Le principe constitutionnel de l’accessibilité et de
l’intelligibilité de la Loi », D. 2000 chron, p. 361.
775
B. MATHIEU, « La sécurité juridique : un produit d’importation dorénavant « made in France »
(à propos des décisions 99-421 D.C. et 99-422 D.C. du Conseil constitutionnel) », D. 2000, n° 4,
Point de vue, p. VII ; B. MATHIEU, « La sécurité juridique : un principe clandestin mais
efficient », Mélanges offerts à P. GRELARD, Montchrestien, 2000, p. 302 et s. ; N. MOLFESSIS,
RTD civ. 2000, p. 186 et s.
776
Cette loi est venue valider les offres de crédit immobilier émises avant le 31 décembre 1994
qui ne comportaient pas de tableau d’amortissement comme prévu par le code de la
consommation postérieurement à 1994. La loi du 13 juillet 1979 relative à la protection et à
l’information des emprunteurs dans le domaine immobilier ne prévoyait pas une telle
obligation; l’article 87 de la loi du 12 avril 1996 valide donc 15 années de pratiques bancaires
irrégulières.

313
ont été déclarées, par la Cour d’appel de Dijon le 28 mai 1998777, contraires à
l’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l’Homme et des libertés fondamentales selon lequel le principe de prééminence
du droit et la notion de procès équitable interdisent toute ingérence du pouvoir
législatif dans l’administration de la justice778. Mais cette solution est pour le
moment esseulée, puisque la Cour de cassation n’a pas encore avalisé un tel
raisonnement. Consciente du danger de telles lois, elle n’applique en effet que
les lois de validations qui sont expressément visées comme confirmatives. Elle
refuse ainsi tout pouvoir confirmatif aux lois qui libéralisent les conditions de
validité d’un acte juridique antérieur en l’absence d’une disposition transitoire
expresse ; elle n’admet donc pas la confirmation tacite des actes nuls779.

S’agissant des lois expressément confirmatives, demeure le problème de leur


portée. A quelle date, en effet l’acte acquiert-il sa validité ? à sa date de
conclusion ou à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi de validation ? La
jurisprudence opte généralement pour la solution qui fait produire le plus
d’effets bénéfiques à la loi780.

403. La détermination de la loi applicable s’effectue donc normalement en


prenant en considération la date de formation du contrat, les droits même en
germe au jour de la conclusion étant dores et déjà acquis ; et les exceptions

777
CA Dijon, 28 mai 1998, D. Affaires. 1998, p. 1436 : l’emprunteur a été victime d’une
ingérence du pouvoir législatif dans le domaine contractuel par le biais de la loi de validation de
1996 et, refusant d’appliquer cette loi, les juges ont dû logiquement prononcer la nullité du prêt.
La Cour d’appel s’exprime en ces termes : « Le principe de prééminence du droit et la notion de
procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’oppose à toute ingérence du pouvoir législatif
dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire d’un litige
(…) ; que ce serait le violer que de faire application en l’espèce de la loi suscitée, qu’il convient
en connaissance de prononcer la nullité du contrat de prêt (…)».
778
CEDH 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreatis c/ Grèce, Rec.
CEDH, n° 301-B, Série A.
779
Cass. 3ème civ., 19 mars 1969, JCP, 1972, II, 16361, note J.-P. LEVY : la cour n’a pas validé
une clause d’indexation contraire à la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat, faute
pour la loi de validation d’avoir été déclarée expressément confirmative.
780
Cf le cas des effets de la reconnaissance d’une filiation adultérine avant la loi n° 72-3 du 3
janvier 1972, les reconnaissances d’enfants adultérins n’étaient pas valables ; cette loi a admis ce

314
soulevées relatives notamment à la rétroactivité de certaines lois montrent que la
date de conclusion joue également un rôle phare puisque l’acte peut ainsi être
validé ab initio ; c’est donc à la date de conclusion du contrat que semble devoir
être appréciés les éléments de formation du contrat, mais parfois également à la
date de la loi nouvelle lorsqu’elle produit effet immédiatement.

§2. L’appréciation des éléments de formation du contrat

404. Le choix de la loi applicable en fonction de la date de conclusion du contrat


qui a été présenté précédemment n’a de sens que pour autant que cette loi soit
utilisée, c’est-à-dire que pour autant qu’elle serve à l’appréciation de la validité
de la convention et notamment qu’elle permette la recherche d’éléments de
formation du contrat.

Observons que la détermination de la loi applicable temporellement n’est alors


plus suffisante, mais qu’il sera également nécessaire de s’intéresser à la
détermination spatiale de la loi et donc de prendre en compte le lieu de
conclusion du contrat, question qui ne relève donc pas de notre étude, la date de
conclusion du contrat n’y jouant aucun rôle.

405. L’appréciation des éléments de formation du contrat et donc de la validité


du contrat est une étape nécessaire lorsqu’un litige apparaît notamment
puisqu’elle permet d’établir si le contrat était effectif, seul un contrat valable et
licite pouvant produire des effets et conduisant de ce fait à reconnaître la
recevabilité et le bien fondé de certaines actions.

type de reconnaissance ; la Cour de cassation a alors validé les reconnaissances antérieures à

315
406. L’appréciation des éléments de formation s’effectue au vu des dispositions
impératives établies par la loi qui peuvent être communes à tous les contrats ou
propres à certains d’entre eux781.

Les éléments communs à tous les contrats pour leur validité sont énoncés à
l’article 1108 du code civil. Ils sont au nombre de quatre, à savoir « le
consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un objet certain
qui forme la matière de l’engagement, une cause licite dans l’obligation ».

Tous ces éléments doivent exister lors de la conclusion du contrat (A) et certains
doivent, en outre, être licites (B).

A.- L’appréciation de l’existence des éléments de formation

407. Le contrat n’est valablement conclu que pour autant qu’existe un


consentement valable, une cause, un objet et que les parties ont la capacité
d’agir.

Ainsi, s’agissant du consentement, l’article 1109 du code civil dispose que celui-
ci n’est pas valable « s’il n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par
violence ou surpris par le dol ».

Or le contrat n’est formé que par la rencontre des volontés ou des


consentements. Donc l’appréciation de la validité des consentements doit

compter de leur date.


781
Par exemple pour le contrat de vente, l’article 1591 du code civil qui pose comme condition
supplémentaire à la formation du contrat et à sa validation la détermination du prix par les
parties.

316
obligatoirement s’effectuer au moment de la rencontre des volontés, soit à la
date de formation du contrat782.

C’est ainsi que les vices du consentement s’apprécient à cette même date.

408. S’agissant de la violence, cette date d’appréciation ressort des dispositions


légales puisque, aux termes de l’article 1112 du code civil, « il y a violence
lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et
qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal
considérable et présent ». La violence n’est donc cause de nullité que parce
qu’elle fait naître chez celui qui la subit un sentiment de crainte qui vicie son
consentement ; et cette crainte doit exister au moment de la conclusion du
contrat, l’article 1112 du code civil visant la menace « d’un mal considérable et
présent ». La menace du mal et la crainte qu’il engendre, élément psychologique
de la violence, doivent donc être présents et concomitants à la signature de
l’acte.

409. Une remarque identique peut être formulée à l’égard du dol.

L’article 1116 du code civil déclare en effet que « le dol est une cause de nullité
de la convention lorsque les manœuvres […] sont telles […] que, sans ces
manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».

Cet article établit donc bien qu’il n’y a vice de consentement que pour autant
que les manœuvres conduisent à la conclusion du contrat, ce qui ressort d’une
lecture a contrario de l’expression « sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait
pas contracté ».

782
Cass. com., 13 décembre 1994, Bull. civ. IV, n° 375, RJDA 1996, n° 397 : « c’est sans
encourir la critique du pourvoi que la cour d’appel a fait état, pour se prononcer sur l’existence
d’un vice du consentement (en l’espèce un dol) en la personne de Mme M au moment de la
formation du contrat, d’éléments d’appréciation postérieurs à cette date ».

317
La jurisprudence confirme d’ailleurs cette analyse puisqu’elle a affirmé à
plusieurs reprises que le dol s’apprécie au jour de la formation du contrat783.

L’appréciation de la qualité d’un événement en tant que dol s’effectue au jour de


la conclusion du contrat, le juge pouvant toutefois faire état d’éléments
d’appréciation postérieurs à cette date784.

Ainsi, lorsque l’inconstructibilité d’un terrain résulte d’une décision judiciaire


postérieure à l’acte de vente, mais ayant fait application d’une loi antérieure à
celui-ci, cet élément doit être pris en considération pour apprécier le vice du
consentement subi par l’acquéreur au jour de la vente785.

410. Une solution identique est développée par la jurisprudence s’agissant de


l’erreur. Comme tout vice du consentement, celle-ci doit, en effet, être établie à
la date de la conclusion du contrat. Il est donc normalement interdit de tenir
compte d’événements postérieurs à la formation du contrat pour demander la
nullité pour erreur786 ; mais, là encore, la jurisprudence admet de façon

783
Cf notamment Cass. com., 20 juin 1995, n° 92-16.647, RJDA 1995, n° 1321 ; Cass. com., 30
novembre 1999, n°97-19.757, Lamyline ; CA Paris, 23 mars 1982, Gaz. Pal. 1983, som., p.112.
784
Cass. com., 13 décembre 1994, préc.; en ce sens également Cass. com., 13 février 1996, n°
93-19.654, RJDA 1996, n° 795, la prise en compte d’éléments postérieurs n’ayant pas permis en
l’espèce de prouver les manœuvres frauduleuses , et Cass. com., 6 avril 1999, n° 96-18.332,
Lamyline.
785
Cass. 3ème civ., 13 juillet 1999, n° 97-16.362, Lamyline : dans cette affaire, il était reproché
aux juges du fond de ne pas avoir établi de lien temporel direct entre des pratiques relevées et
l’expression du consentement, les seuls éléments précis étant postérieurs à l’acte. En effet, ici, la
violence survient entre 1972 et 1987 ; la vente a lieu en 1980 ; il est donc établi que la contrainte
a été exercée sur la personne avant et surtout lors de l’acte. Il n’est donc pas choquant que des
éléments postérieurs soient utilisés pour étayer la réalité et l’importance de la crainte. C’est
pourquoi, la Cour d’appel pouvait se fonder sur des éléments d’appréciation postérieurs à la date
de formation du contrat. Mais, pour autant, le vice ne peut être caractérisé par les seuls éléments
postérieurs. D’ailleurs la loi elle-même envisage que la violence ait pu durer au-delà de la
formation du contrat : selon l’article 1304 alinéa 2 du code civil, ce n’est qu’à partir du jour où
elle a cessé que la prescription quinquennale de l’action en nullité commence à courir ; et ici la
demande en nullité est formée en 1991 pour un acte conclu en 1980, la violence cessant en 1987.
786
Cf par exemple, le cas du comportement des parties consistant dans le fait de faire paraître
une annonce vantant mensongèrement les mérites d’une voiture pour pouvoir la revendre ; cf
Cass. 1ère civ., 26 octobre 1983, Bull. civ. I, n° 249, Defrénois 1984, article 33368, p. 1013, obs.
J.-L. AUBERT, RTD civ. 1985, p. 160, obs. J. MESTRE : « La validité du consentement doit être
appréciée au moment de la formation du contrat et les juges ne peuvent débouter l’acquéreur
d’une voiture d’occasion de son action en nullité pour erreur en se fondant sur le fait que, pour

318
constante que la prise en considération d’éléments postérieurs à la conclusion de
la convention reste possible lorsque ces éléments permettent d’apporter la
preuve de l’erreur commise au jour de la formation du contrat787.

Cette solution n’est pourtant pas sans danger, car en autorisant à fonder
l’annulation sur l’application rétroactive des connaissances nouvelles ou des
doutes nouveaux aux contrats antérieurs, elle pourrait constituer une menace
pour la stabilité contractuelle.

411. Une solution quasiment identique est retenue s’agissant de la cause.


L’article 1108 du code civil pose comme condition de validité du contrat
l’existence d’une cause. Selon l’article 1131 du code civil, l’existence de la
cause au moment de la formation du contrat doit être établie pour que la
convention produise effet, mais pour établir l’existence du mobile déterminant
du contrat au moment de sa conclusion, les juges ne peuvent, contrairement au
cas des vices du consentement, se fonder sur des faits postérieurs à la conclusion
du contrat788. Ainsi chaque obligation doit être assortie d’une contrepartie dès la
conclusion du contrat puisque la personne qui s’oblige en concluant une
convention a l’intention de s’engager, et sa volonté doit avoir une cause.

Or cette question ne se pose actuellement plus dans les mêmes termes parce que
la jurisprudence a rompu avec la vision abstraite de la cause.

L’appréciation de l’existence de la cause se rattachait classiquement à la notion


de cause de l’obligation qui est une cause objective, invariable et définie une
fois pour toutes pour un même type d’acte juridique789.

revendre le véhicule, le demandeur avait fait paraître une annonce dans laquelle il indiquait que
l’état de la voiture était bon ».
787
Cass. 1ère civ., 13 décembre 1983, n° 82-12.237, D. 1984, 341, note J.-L. AUBERT, JCP 1984,
II, 20186, concl. M. GULPHE, second arrêt Poussin ; CA Versailles 15 mars 1988, D. 1989, som,
p. 51, obs. C. COLOMBET, RTD civ. 1989, p. 295, obs. J. MESTRE.
788
Cass. 1ère civ., 3 décembre 2002, RJDA 05/03, n° 461.
789
Par exemple pour le contrat de vente : la cause de l’obligation du vendeur est de payer le prix
et celle du cocontractant de délivrer la chose vendue. Cf Cass. 1 ère civ., 12 juillet 1989, JCP
1990, II, 21546.

319
Mais cette conception classique790 a été abandonnée par la jurisprudence791 qui a
pris en considération l’économie du contrat et les mobiles concrets des parties
pour établir l’existence de la cause792.

Cette tendance à adopter une conception unitaire de la cause, d’inspiration


subjectiviste793, correspond à la notion de cause du contrat. Celle-ci
s’identifierait au but contractuel commun aux parties ou poursuivi par l’une
d’elle et pris en compte par les autres. C’est la finalité de l’opération
contractuelle voulue par les contractants qui serait déterminante794.

412. Cette solution a été réaffirmée en matière de contrat de rente viagère. Un


tel contrat constitue un contrat aléatoire795.

La cause est constituée par l’aléa en vue duquel l’accord a été conclu. Dès lors
le contrat est nul pour absence de cause lorsque l’aléa n’existe pas, soit parce

790
Sur la théorie classique de la clause, cf l’étude synthétique de P. SIMLER ( « Cause. Notion.
Preuve. Sanctions », J.-Cl civ., article 1131 à 1133, fasc. 10) citant P. LOUIS-LUCAS, Volonté et
cause, étude sur le rôle respectif des éléments générateurs du lien obligatoire en droit privé,
thèse Dijon, 1918, E. GAUDEMET, Théorie générale des obligations, 1937, rééd, Sirey, 1965, p.
115 et s. ; G. ROUHETTE, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse Paris,
1965, n° 137 et s.
791
Cf notamment Cass. 1ère civ., 3 juillet 1996, D. 1997, 500-502, note P. REIGNE, JCP 1997, I,
4015, note F. LABARTHE.
792
Selon B. FAGES ET J. MESTRE (« L’influence du droit du marché sur le droit commun des
obligations », RTD com. 1998, p. 81), les juges effectuent une « sorte d’audit concurrentiel du
contrat ».
793
Pour une analyse purement subjective de la cause, cf H. CAPITANT, De la cause des
obligations, Dalloz, 3ème éd., 1927, n° 4 et s. ; P. REIGNE, La notion de cause efficiente du contrat
en droit privé français, thèse dactyl., Paris II, 1993. Pour une définition dualiste, cf RIPERT, La
règle morale dans les obligations civiles, 4ème éd., 1949, n° 22 et s.
794
Ce que J. MAURY dénommait « l’équivalent voulu » (Essai sur la notion d’équivalence en
droit civil français, thèse Toulouse, 1920).
795
C. civ., art. 1104 al. 2 : « lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte
pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire ».
C. civ., art. 1964 : « le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux
avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles
dépendent d’un événement certain ».

320
qu’il fait défaut, soit parce qu’il se trouve soumis, non à des circonstances
étrangères, mais à la volonté arbitraire du débiteur796.

L’aléa doit donc exister au jour du contrat puisque la cause doit exister à cette
date. C’est d’ailleurs ce qui résulte des articles 1974 et 1975 du code civil. Le
premier de ces articles dispose en effet que « tout contrat de rente viagère créé
sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat ne produit pas
effet » ; le second prévoit le défaut d’effectivité « du contrat par lequel la rente a
été créé sur la tête d’une personne atteinte de maladie dont elle est décédée dans
les vingt jours de la date du contrat ».

Le contrat de rente viagère trouve donc sa cause dans l’aléa qu’est le décès plus
ou moins lointain du vendeur et même le risque pour l’acheteur de décéder avant
le crédirentier.

De ces articles, il ressort bien que l’aléa doit exister au jour de la conclusion du
contrat puisque le législateur utilise les expressions « au jour du contrat »,
« dans les vingt jours de la date du contrat »797.

Si le décès est intervenu entre ces deux moments, l’aléa n’existe pas et le contrat
est nul faute de cause. Et la jurisprudence, en plus, réaffirme généralement la
nécessité de l’existence de la cause au moment du contrat ; il en est ainsi quand
le décès, bien qu’intervenu postérieurement à l’expiration du délai légal 798, était
imminent aux yeux du débirentier au moment de la conclusion, le contrat est nul
pour absence de cause799.

796
Cass. 3ème civ., 12 juin 1996, n° 94-16.988, JCP 1997, II, 22781, note Y. DAGORNE-LABBE, où
le débirentier avait la certitude d’obtenir un bénéfice très au-delà de l’espérance de vie du
crédirentier ; CA Paris, 15 février 1957, JCP, 1957, II, 10418.
797
Cass. 3ème civ., 3 octobre 1968, n° 66-10.724, Bull. civ. III, n° 362, RTD civ. 1969, p. 142,
obs. G. CORNU : en cas de vente sous condition suspensive, le délai court à compter du jour de la
conclusion du contrat et non de la réalisation de la condition.
798
Annulation d’un contrat de rente viagère alors qu’un délai de 15 mois séparait le décès du
crédirentier de la date de conclusion du contrat : Cass. 3ème civ., 2 février 2000, n° 98-10.714,
Bull. civ. III, n° 26, JCP 2000, II, 10289, note J.-F WEBER.
799
Cass. 1ère civ., 2 mars 1977, n° 75-14.566, Bull. civ. I, n° 115, RTD civ. 1979, p. 398, obs. G.
ère
CORNU ; Cass. 1 civ., 16 avril 1996, n° 93-19.661, D. 1996, 584, note Y. DAGORNE-LABBE,
Defrénois 1996, p. 1078, note A. BENABENT : jugé qu’il n’est pas nécessaire que le crédirentier
soit décédé de la maladie dont il était atteint au jour de la signature de l’acte ; la circonstance

321
413. S’agissant enfin de la capacité, une observation similaire peut être formulée
quand on s’attache aux différents régimes de protection et notamment au régime
de la tutelle. La capacité du cocontractant doit s’apprécier au moment de la
conclusion du contrat, l’article 489 du code civil exigeant pour faire un acte
valable, d’être sain d’esprit ; cet article ajoute d’ailleurs qu’il faut « prouver
l’existence d’un trouble mental au moment même de l’acte »800. Il s’agit donc
d’établir la date de l’acte et de rechercher si, à ce moment, le contractant était
capable, en prenant en considération la possibilité d’un intervalle lucide ; mais
on observera que la constatation judiciairement effectuée de l’altération des
facultés de la personne lors de son placement sous tutelle, rend vraisemblable la
permanence du trouble mental, l’absence d’intervalle lucide au moment précis
de l’établissement de l’acte étant alors présumée801.

Par ailleurs, selon l’article 502 du code civil, tous les actes passés
postérieurement au jugement d’ouverture de la tutelle par la personne protégée
sont nuls ; il s’agit donc de rapporter la preuve de la date de l’acte, et celui-ci
sera nul dès lors qu’il aura été conclu postérieurement à la mise sous tutelle.
L’article 503 du code civil, quant à lui, prévoit une période suspecte802,
antérieure à l’ouverture du régime de protection, pendant laquelle « les actes
[…] pourront être annulés si la cause qui a déterminé l’ouverture de la tutelle
existait notoirement à l’époque où ils ont été faits ». Encore une fois, la date de
conclusion du contrat sert de référence pour apprécier la validité du contrat

que le débirentier ait eu connaissance de la gravité de son état de santé suffisant en effet à priver
le contrat d’aléa.
800
Cass. soc., 8 juillet 1980, Bull. civ. V, n° 618 : il résulte de l’article 489 du code civil que le
trouble mental doit exister au moment précis où l’acte attaqué a été fait. Mais, si l’insanité
d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période
immédiatement postérieure à l’acte litigieux, il revient alors au défendeur d’établir en pareil cas
l’existence d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé (CA Paris, 10 janvier 1969, D.
1969, 333).
801
Cass. 1ère civ., 25 février 1986, Bull. civ. I, n° 41 ; Gaz. Pal. 1986, 2, 771, note J.M.,
Defrénois, 1986, art. 33821, chron. jurisp. civ. gén., n° 104, p. 1436, obs. J. MASSIP.
802
PLEVEN, rapport sur le texte qui allait devenir la loi du 3 janvier 1968, Ass. Nat. n° 1891,
2ème session ordinaire 1965-1966, annexe au procès verbal de la séance du 9 mai 1967.

322
s’agissant de l’existence des éléments nécessaires à sa formation ; mais elle est
également utile pour apprécier leur licéité.

B.- L’appréciation de la licéité des éléments de formation du contrat

414. L’appréciation de la validité d’un contrat ne se limite pas à l’existence de


ses éléments de formation, mais également, pour certains d’entre eux, à leur
licéité.

Tel est le cas de l’objet803 et de la cause804 du contrat dont l’illicéité est


sanctionnée par la nullité absolue.

Ces deux éléments sont déclarés illicites lorsqu’ils sont contraires aux bonnes
mœurs ou à l’ordre public, à la loi, et, pour l’objet, lorsqu’il est hors du
commerce.

Sont ainsi hors du commerce certaines choses dont la nature même peut
expliquer qu’elles ne fassent l’objet d’aucune convention, d’autres dont
l’exploitation pourrait heurter des droits fondamentaux ou des droits privatifs.

415. L’appréciation de la licéité doit s’effectuer au jour de la formation du


contrat805. Cette règle a été clairement établie par la jurisprudence s’agissant de
la cause et ne se limite pas à la seule notion de cause subjective, mais également
objective.

803
Cf c. civ., art. 1128, C. civ., art. 1598, C. civ., art. 1878, C. civ., art. 2226, C. com., art. L.
420-1, C. com., art. L. 420-2, I, 2°, C. com., art. L. 442-5.
804
Cf C. civ., art. 1131, C. civ., art. 1133.
805
Cass. 3ème civ., 4 mars 1998, Société Champagne Beauvet c/Hutinel , n° 96-11.148, inédit : la
cour d’appel « a exactement retenu que la cause d’une obligation devant s’apprécier à la date

323
La vision qu’ont les magistrats de la cause pour en apprécier la licéité n’est pas
identique à celle adoptée pour constater son existence.

Est, en effet, pris en considération, pour annuler des conventions dont l’objet est
illicite, le motif essentiel, la cause impulsive et déterminante ayant animé les
parties, c’est-à-dire le motif « en l’absence duquel l’acquéreur ne se serait pas
engagé »806.

Ce caractère illicite de la cause s’apprécie au regard des lois en vigueur au


moment de sa conclusion, peu important que celles-ci aient été ultérieurement
abrogées807, peu important la nature du texte prohibant la cause ; en effet,
l’article 1133 du code civil dispose que « la cause est illicite lorsqu’elle est
prohibée par la loi ». Or la Cour de cassation, dans ce même arrêt du 10 février
1998808, indique que le terme de « loi » doit s’entendre « au sens large » ; il peut
donc s’agir tant de loi civile que de loi pénale809, tant d’un texte législatif que
réglementaire.

de formation du contrat, la limitation ultérieure des droits de plantation ne pouvait pas être
invoquée ».
806
Cass. 1ère civ., 12 juillet 1989, n° 88-11.443, Bull. civ. I, n° 293, JCP 1990, II, 21456, note Y.
DAGORNE-LABBE, RTD civ. 1990, p. 468, obs. J. MESTRE.
807
Cass. 1ère civ., 10 février 1998, n° 96-15.275, JCP 1998, II, 10142, note B. FAGES, RTD civ.
1998, p. 669, obs. J. MESTRE : dans cette affaire, une astrologue s’engage, par contrat, à présenter
sa clientèle à une tierce personne. N’ayant pas été payée malgré l’exercice de la présentation,
l’astrologue assigne sa cocontractante en paiement de la somme due. Or la Cour de Cassation,
retenant le raisonnement suivi par la Cour d’appel, retient la nullité de la convention et donc le
fait que la cocontractante ne doive rien payer du fait de l’absence de validité de la convention ;
or, seule la cession de clientèle civile est interdite, la clientèle civile étant par nature hors
commerce (sauf cession d’un fonds libéral et sauvegarde de la liberté de choix du patient, Cass.
1ère civ., 7 novembre 2000, JCP 2001, II, 10452) ; la présentation de clientèle contre
rémunération est, quant à elle, permise puisque ce droit a une valeur patrimoniale (Cass. 1 ère civ.,
7 octobre 1997, D. 1998, 78, note B. BEIGNER). C’est donc sur un autre fondement que le contrat
a été déclaré nul, à savoir celui de l’illicéité de la cause ; en effet, à la date de conclusion du
contrat, l’article R. 34-7° du code pénal alors en vigueur punissait « les gens qui font métier de
deviner, de pronostiquer ou d’expliquer les songes » ; or tel est exactement le but de la
profession d’astrologue. Le fait que cette incrimination n’ait pas été maintenue dans le code
pénal réformé en 1992, soit postérieurement à la conclusion du contrat, ne permet pas de valider
a posteriori cette convention, l’appréciation de la validité s’effectuant au jour de la conclusion.
808
Cf note précédente.
809
Cass. 1ère civ., 22 juillet 1987, Bull. civ. I, n° 252, RTD civ. 1988, p. 345, obs. J. MESTRE : a
été prononcée la nullité d’une convention ayant pour objet de déterminer la rémunération d’une
personne ayant servi d’intermédiaire en vue d’une adoption, l’article 353-1 du code pénal alors
en vigueur sanctionnant « quiconque aura, dans un esprit de lucre, apporté ou tenté d’apporter
son entremise pour faire adopter un enfant ». Cf également J. CARBONNIER, Droit civil, T. IV,
Les obligations, PUF, 21ème éd., 1998 : « les lois pénales ont, en outre, un rôle particulier :

324
416. La solution doit être identique s’agissant de l’objet, même si ce n’est
qu’implicitement que l’appréciation de son caractère licite doive s’effectuer au
jour de la conclusion810.

Mais cette règle d’appréciation à la date de conclusion ne vaut que pour ce qui
est de la loi et de l’ordre public, et pas pour les bonnes mœurs, cette notion
n’étant pas figée, mais évoluant au contraire avec la représentation que se fait
chaque société de ce qui est fondamental811.

Les magistrats, lorsqu’ils apprécient la conformité aux bonnes mœurs, ne


peuvent le faire qu’au jour du jugement, tant il est difficile d’établir le contenu
de celles-ci au jour de la conclusion du contrat812.

lorsque le législateur fait d’une certaine convention une infraction pénale, cette convention doit,
par le fait même, être considérée comme contraire à l’ordre public et la sanction civile de la
nullité s’ajoutera aux sanctions pénales ».
810
Cass. 1ère civ., 5 mai 1993, JCP 1994, II, 22279 ; RGAT 1993, p. 897, note J. KULLMANN : a
été déclarée nulle comme contraire à l’ordre une assurance garantissant l’exercice illégal
d’activité professionnelle. Dans cette affaire, un patient consulte un masseur kinésithérapeute
pratiquant la chiropractie ; à la suite de la consultation, le patient a des problèmes de circulation
cérébrale. Au pénal, le masseur est déclaré coupable d’exercice illégal de la médecine et de
blessures involontaires. Il se retourne alors en garantie contre son assureur avec lequel il a
conclu un contrat portant sur les risques inhérents à l’exercice de la profession. La Cour de
cassation conclut donc que le contrat ne peut avoir pour objet l’assurance d’une profession
illégale, ne peut donc pas avoir d’objet illicite.
811
L’immoralité est une notion subjective puisque son contenu n’est que l’écho d’une culture
sociale et que son application aux faits dépend de l’appréciation souveraine des juges ; en ce
sens cf Cass. 1ère civ., 16 octobre 1956, Bull. civ. I, n°353, Gaz pal 1956, 2, p.306 ; 1er juillet
1965, Bull. civ. I, n°443 ; 22 octobre 1980, Bull. civ. I , n°269 ; 17 novembre 1987, D. 1987, inf
rap, p. 244.
812
Cf notamment le problème de la licéité des libéralités consenties à une personne avec laquelle
l’auteur entretient une relation adultérine. Traditionnellement il était jugé que si la libéralité
avait pour cause ces rapports de concubinage, elle était nulle spécialement lorsqu’elle avait pour
but l’établissement, la continuation ou le reprise de telles relations ( Cass. req., 2 février 1853,
DP 1853, 1, p. 57 ; 31 juillet 1860, S. 1860, 1, p. 34 ; Cass. civ., 14 octobre 1940, DH, 1940,
p.174 ; Cass. 1ère civ., 6 janvier 1964, Gaz. Pal. 1964, 1, p. 215 ; 4 novembre 1982, Bull. civ. I,
n° 319), a fortiori lorsque celles-ci se doublaient d’adultère ( Cass. req., 4 mars 1914, D. 1916,
1, 27 ; Cass. civ., 11 mars 1918, DP 1918, 1, p.100 ; 20 juillet 1936, DH 1936, p.441 ; Cass.
1ère civ., 8 octobre 1957, JCP 1957, II, 10234, D. 1958, 317, note P. ESMEIN ; 8 novembre
1982, Bull. civ. I, n° 321) ; mais inversement n’étaient pas sanctionnées les libéralités consenties
entre concubins pour réparer les conséquences d’une rupture. Or la première chambre civile de
la Cour de cassation dans un arrêt du 3 février 1999 (JCP 1999, II, 10083) a considéré que
« n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir
la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire ». Cette décision montre bien à quel
point la notion de bonnes mœurs et son contenu sont évolutifs. Et cette évolution se révèle
également en matière légale puisque l’adultère a été dépénalisé ; aussi les bonnes mœurs ont-

325
417. La date de conclusion du contrat importe donc quant à l’appréciation de
l’existence et de la licéité des éléments de formation du contrat, autant
d’éléments nécessaires à la validité de l’acte et partant à son effectivité, à sa
capacité à produire des effets ; mais encore faut-il pour cela que certains des
engagements ne soient pas disproportionnés au regard de ceux du cocontractant
ou eu égard au marché ou aux capacités de leur débiteur. Il convient alors
d’évaluer ces disproportions et partant de déterminer la date à laquelle il faut se
placer pour procéder à cette évaluation.

section II : la date d’evaluation des déséquilibres contractuels et des


effets attachés à l’inexécution ou a l’anéantissement du contrat.

418. Le contrat se prête à de nombreuses occasions à évaluation par les juges


lorsque des différends apparaissent tant au stade de sa formation (§1) que de son
exécution ou inexécution (§2) et qu’il s’agisse d’évaluer un engagement afin de
rétablir un certain équilibre au sein du contrat ou le degré de responsabilité de
l’un des cocontractants inexécutant ses obligations.

elles intégré cette évolution, la cour décidant que le maintien des relations matrimoniales
n’excluaient pas l’admission d’une certaine liberté sexuelle des conjoints que l’autorité

326
§1.- Evaluation et formation du contrat.

419. L’obligation pour le juge de se livrer à une évaluation dès la formation du


contrat apparaît notamment lorsqu’il est nécessaire d’établir l’existence d’une
certaine disproportion.

420. Si l’on se réfère à l’article 1134 du code civil qui pose le principe de la
force obligatoire du contrat, celui-ci ne peut être remis en cause du seul fait que
les prestations réciproques sont déséquilibrées ; l’intangibilité du contrat
s’oppose à la prise en compte d’un déséquilibre tant au moment de la formation
du contrat813 qu’à celui de son exécution.

Mais, bien que la sécurité et la stabilité juridiques soient privilégiées en droit


français, toute préoccupation de justice commutative n’est pas absente814.

421. Le législateur a, en effet, pris de nombreuses mesures tendant à réparer les


déséquilibres et disproportions, ce qui permet de s’interroger sur l’existence
d’un principe de proportionnalité en droit privé815 comme c’est le cas en droit

judiciaire peut difficilement contenir.


813
La lésion est indifférente, sauf le cas de certains contrats. C. civ., art. 1118.
814
Certains pays européens ont une vision plus souple et font prévaloir la justice commutative
sur la sécurité juridique. Ainsi les codes civils allemand (BGB §138 al. 2), suisse (CSO, art. 21)
et italien (C. civ., art. 1448) prévoient de façon générale la sanction de la lésion, à condition
toutefois que le déséquilibre incriminé soit particulièrement important et résulte de l’exploitation
de la faiblesse du cocontractant.
815
S. PECH-LE-GAC, La proportionnalité en droit privé, thèse, Paris IX, 1997 ; Cf Colloque du
20 mars 1998, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé ? », Centre de droit des
affaires et de gestion de la Faculté de droit de Paris V, Petites Affiches, n° 117, 30 septembre
1998 ; V. LASBORDES, Les contrats déséquilibrés, PUAM, 2000, p. 596 et s.

327
public816 où il s’agit de rechercher s’il existe une adéquation des moyens
employés au but poursuivi.

Ce principe, s’il était reconnu de manière générale817, pourrait constituer un


mécanisme de protection des contractants en situation d’infériorité économique
puisqu’il repose sur l’idée d’équilibre et de juste mesure.

Aussi, nombreux sont les auteurs à soutenir que les notions d’équilibre et de
proportion se confondent. Ainsi, M. le doyen CARBONNIER déclare que le
principe de proportionnalité « est ramené à une exigence un peu vague
d’équilibre raisonnable »818.

422. Il semble pourtant que ces deux notions puissent être distinguées 819 en se
référant aux notions de cause et d’objet820.

816
Ce principe existe en droit administratif, droit constitutionnel et droit communautaire ; en ce
sens : M. GUIDAL, « De la proportionnalité », AJDA, octobre 1998, p. 477 ; J.-P. COSTA, « Le
principe de proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil d’Etat, AJDA, 1988, p. 434 et s. ;
S. NERI, « Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence de la Cour relative au droit
communautaire agricole », RTD eur. 1981, p. 652.
817
Selon D. MAZEAUD, in « Le principe de proportionnalité et la formation du contrat », Petites
Affiches, n° 117, pp. 12-20, « l’intégration dans notre droit des contrats d’un principe de
proportionnalité non seulement ne semble pas une absolue nécessité dans une perspective de
justice contractuelle, mais encore paraît d’un maniement plus que délicat au regard de
l’impératif de sécurité juridique , un tel principe impliquant que soit déterminé le seuil au-delà
duquel la disproportion frappera le contrat d’illicéité ».
818 ème
J. CARBONNIER, Droit civil, introduction, Thémis, PUF, 25 éd, 1997, spéc. n° 53 ; en ce
sens également D. MAZEAUD , préc. note n° 443 ; C. THIBIERGE-GUELFUCCI, « Libres propos sur
la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997, p. 379 et s. : « chaque partie doit donc
non seulement recevoir l’équivalent de ce qu’elle donne, mais aussi ne pas se trouver soumise à
des obligations disproportionnées au regard de celles de l’autre dans l’économie globale de
l’acte » ; il y aurait donc bien confusion entre les notions d’équilibre et de disproportion.
819
Cf notamment P. CRAMIER, « Essai sur la protection du contractant professionnel (en marge
du droit de la concurrence) », Petites Affiches, 14 juin 2000, n° 118, p. 8, qui déclare que le
principe de proportionnalité désigne la « juste mesure entre les obligations réciproques des
parties ou entre les facultés du débiteur et ses obligations ». Dans la note n°134 de cet article, il
relève que dans les affaires mettant en œuvre l’application du principe de proportionnalité, ce
principe était utilisé « non pour sanctionner une insuffisance de contrepartie reçue, mais à
remédier à un engagement jugé excessif de la part du débiteur qui ne lui permettait pas –sinon à
un coût démesuré- d’assumer ses obligations. C’est davantage une question de proportionnalité
entre l’engagement du débiteur et ses facultés, et non entre les obligations réciproques des
parties, dont il s’agit ». Il opère donc une distinction entre les notions d’équilibre et de
proportion.

328
Ainsi la proportion concernerait le rapport entre l’engagement d’une partie et sa
capacité821, au sens de ses possibilités par exemple financières, ce qui
correspondrait à un principe « d’adéquation des moyens employés au but
poursuivi qui permettrait de sanctionner les disproportions manifestes nées
d’« un excès de pouvoir » de la part d’un contractant dominant »822. Il s’agit
donc d’un problème relatif à la portée de l’engagement, à l’objet de l’obligation.

La notion d’équilibre, quant à elle, concerne au contraire un problème de


contrepartie, ce qui renvoie à la notion de cause823.

Les notions de proportion (B) et d’équilibre (A) doivent donc être distinguées.

820
Cf M. FABRE-MAGNAN, in Chronique Droit des contrats, JCP 1999, I, 114, obs. sur Cass.
com., 13 mai 1997.
821
En ce sens, M. FABRE-MAGNAN, « De l’illicéité d’une obligation d’approvisionnement
exclusif d’un montant disproportionné : quelques remarques sur l’utilisation récente de la notion
de proportionnalité », JCP 1999, I, 114 : “L’utilisation du terme de proportionnalité permet
finalement à la jurisprudence de veiller à ce que le débiteur ne s’engage pas au-delà de ses
capacités ».
822
Ainsi a été annulée une clause d’approvisionnement exclusif aux motifs que « l’obligation
ainsi imposée était disproportionnée par rapport au pourcentage des ventes de la société Estée
Lauder sur l’ensemble du marché » (Cass. Com., 13 mai 1997, Bull. civ. IV, n° 131, RTD civ.
1998, p. 101, obs. J. MESTRE, JCP 1999, I, 114, obs. M. FABRE-MAGNAN).
823
En ce sens, cf J.-P. CHAZAL, « Théorie de la cause et justice contractuelle. A propos de l’arrêt
Chronopost (Cass. com., 22 octobre 1996) », JCP 1998, I, 155, n° 7. pour cet auteur, « la théorie
de la cause permet de corriger l’économie du contrat, d’en rééquilibrer le contenu par
l’annulation de la clause qui est à l’origine du déséquilibre ».

329
A.- L’évaluation des déséquilibres existant à la date de conclusion du contrat

423. Les cas de recherche de l’équilibre ou de retour à l’équilibre se trouvent


surtout au stade de la formation du contrat, point qui nous intéresse ici,
puisqu’admettre de telles solutions au stade de l’exécution reviendrait à
appréhender la notion d’imprévision qui traditionnellement824 n’est pas retenue
en droit français825.

Au stade de la formation du contrat, la recherche de l’équilibre contractuel passe


par divers mécanismes légaux ou jurisprudentiels.

En jurisprudence826, les magistrats ont recours aux notions de cause827, d’abus,


de vice du consentement et de potestativité.

824
Cass. civ., 6 mars 1876, affaire du Canal de Craponne, D. 1876, 1, 193, note GIBOULOT, S.
1876, 1, 161, GAJciv, n° 94 : « Attendu que la règle qu’il [l’article 1134 du code civil]
consacre est générale et absolue et régit les contrats dont l’exécution s’étend à des époques
successives, de même que ceux de toute autre nature ; que dans aucun cas il n’appartient aux
tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération
le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses
nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ».
825
Même si actuellement, de par l’évolution de la notion de bonne foi, la jurisprudence glisse
d’une obligation de coopération abondamment renforcée vers une obligation d’adaptation ; ainsi
la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 février 1992 (Bull. civ. V,
n°122 ; D. 1992, 390, note M. DEFOSSEZ ; RTD civ. 1992, p.760, obs. J. MESTRE), a imposé à
l’employeur une obligation d’assurer l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi ; la
chambre commerciale de cette même juridiction a, dans un arrêt du 3 novembre 1992 (Bull. civ.
IV, n° 338 ; JCP 1993, II, 22164, note G.-J. VIRASSAMY ; RTD civ. 1993, p. 124, n° 7, obs. J.
MESTRE) renforcé l’exigence de bonne foi en passant d’une obligation d’adaptation à une
obligation de renégociation en cas de changement imprévu dans les circonstances économiques ;
cf également Cass. com., 24 novembre 1998 (Defrénois 1999, article 36953, obs. D. MAZEAUD ;
RTD civ. 1999, p. 98, obs. J. MESTRE). Il convient d’observer que des pays européens retiennent
l’imprévision. La jurisprudence allemande, sur le fondement du § 275 BGB a forgé le concept
d’impossibilité économique ; les magistrats britanniques recourent à la notion de frustration ; en
Italie, l’article 1467 du code civil permet expressément au juge, à la demande du débiteur, de
prononcer la résolution ou la révision du contrat s’il survient un événement extraordinaire et
imprévisible conduisant à un surcoût excessif de la prestation.
826
Rapport de la Cour de cassation 2000, rendu le 25 avril 2001, relatif à « la protection de la
personne » ; Lamy Droit du contrat, Actualités, n° 16, 21 mai 2001, pp. 6-8.
827
D’ailleurs PORTALIS, en défendant l’introduction de la lésion dans le code civil, a fondé son
argumentation sur l’idée de cause ; ainsi a-t-il déclaré que « s’il y a lésion, c’est-à-dire, s’il n’y a
point d’équilibre entre la chose et le prix, le contrat se trouve sans cause, ou du moins sans une
cause raisonnable et suffisante ». Cité par J.-P. CHAZAL, « Théorie de la cause et justice
contractuelle. A propos de l’arrêt Chronopost (Cass. com., 22 octobre 1996) », préc., n° 10.

330
La loi a pour sa part sanctionné les clauses abusives, mais également la lésion,
même si c’est de manière limitative. L’article 1118 du code civil précise en effet
que « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats828 ou à
l’égard de certaines personnes829 ».

424. La lésion, synonyme dans le langage courant du terme « dommage », est le


préjudice subi par l’un des contractants du fait du déséquilibre existant au
moment de la formation du contrat entre les prestations.

Par exemple, il y a lésion si une personne achète un immeuble pour un montant


de 460 000euros alors que, au jour de la conclusion du contrat de vente, sa
valeur sur le marché n’était que de 300 000euros. L’acheteur a alors été lésé de
160 000euros. L’existence de la lésion s’apprécie au jour de la conclusion du
contrat, en fonction de la valeur du bien à cette date, car si la valeur varie
postérieurement, il ne s’agira pas de lésion, mais d’imprévision, puisque cette
hypothèse correspond à la survenance d’un déséquilibre lors de l’exécution.

Cette indication quant à la date d’évaluation n’est pas posée en principe, mais
ressort de différents textes spécifiques; ainsi, quant au prêt à intérêt, l’article L.
313-3 alinéa 1 du code de la consommation prévoit la révision du taux d’intérêt
d’un prêt conventionnel contracté par un consommateur, si le taux effectif
global « excède au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif
moyen pratiqué au cours du trimestre précédent ». La date de conclusion joue ici

828
A savoir le partage (C. civ, art. 887 al. 2), la vente d’immeuble (C. civ., art. 1674 ), la vente
d’engrais (loi du 8 juillet 1907 modifiée par la loi du 10 mars 1937 et la loi du 13 juillet 1979),
la cession des droits d’exploitation d’auteur (CPI, art. L. 131-5), le prêt à intérêt (C. com., art. L.
313-3 al. 1 relatif à la réglementation de l’usure), la convention d’assistance maritime (L. n° 67-
545 du 7 juillet 1967, art. 15). La jurisprudence a précisé à de nombreuses reprises que l’aléa
chasse la lésion ; il n’y a donc aucune place pour la lésion dans le contrat aléatoire, ce qui est
normal puisque l’appréciation de la lésion par comparaison quantitative des prestations est
impossible, celles-ci étant inconnues au moment de la formation du contrat. De même l’intention
libérale chasse-t-elle la lésion, puisque le don est le résultat de la volonté du donateur qui se
dépouille volontairement, charitablement et normalement de façon tout à fait désintéressé, sans
attendre de contrepartie.
829
Cas du mineur non émancipé s’agissant des actes d’administration (C. civ., art. 1305 modifié
par l’article 2 de la loi n°64-1230 du 14 décembre 1964 : « la simple lésion donne lieu à
rescision en faveur du mineur non émancipé contre toute sorte de convention »), du majeur
placé sous sauvegarde de justice (C. civ., art. 491-2 al. 2), du majeur en curatelle ( C. civ., art.
510-3 modifié par la loi n°68-5 du 3 janvier 1968, renvoyant à l’article 491-2 du code civil).

331
un double rôle, puisqu’elle constitue le moment d’évaluation du montant de la
lésion, mais également la date permettant d’établir le trimestre servant de
référence pour la comparaison du taux appliqué830.

Quant à la convention d’assistance maritime, celle-ci peut être rescindée ou


modifiée « lorsque les conditions convenues ne sont pas équitables »831, ce qui
signifie que le déséquilibre s’évalue au moment de la conclusion du contrat,
puisque c’est bien le moment où les cocontractants conviennent des conditions
et prestations du contrat.

425. La jurisprudence a tiré un certain nombre de conséquences de ce principe


d’évaluation au jour de la formation du contrat : seul le moment de la signature
de l’acte de vente sous seing privé compte et non le moment de sa réitération par
acte authentique pour l’appréciation de la lésion832 ; de même, lorsqu’une vente
est assortie d’une condition suspensive, il ne faut pas retenir la date de
réalisation de la condition, mais le moment de conclusion du contrat du fait de la
rétroactivité attachée à la réalisation de la condition suspensive833 ; en présence
d’une promesse unilatérale de vente, « la lésion s’apprécie au jour de la
réalisation », c’est-à-dire au jour de la levée de l’option par le candidat
acquéreur834.

830
Cass. crim., 14 janvier 1997, n° 94-81.069, Contrats,conc.,cons. 1997, n° 108, note G.
RAYNAUD : dans cette affaire où le dépassement du tiers était suffisamment établi, mais où les
prêteurs faisaient valoir que les juges du fond ne s’étaient pas référés au taux pratiqué le
trimestre précédent exactement la conclusion du prêt (ayant prétendument confondu le premier
et le deuxième trimestre de l’année), la Cour de cassation a considéré qu’il s’agissait d’une
simple erreur matérielle dans la rédaction de l’arrêt, mais que le trimestre pris en référence était
bien celui du véritable trimestre précédant la conclusion du prêt.
831
Loi n° 67-545 du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer, art. 15 faisant suite à la loi
du 29 avril 1916, art. 17.
832
Cass. 3ème civ., 29 janvier 1992, n° 90-15.555, Bull. civ. III, n° 35.
833
Cass. 3ème civ., 30 juin 1992, n° 90-19.882, Bull. civ. III, n° 236 ; D. 1993, som, p. 236, obs.
G. PAISANT.
834
C. civ., art. 1675 al. 2 modifié par la loi n° 49-1509 du 28 novembre 1949.

332
B.- L’évaluation des disproportions existant à la date de formation du contrat

426. L’intérêt de la date de conclusion du contrat est également important en cas


de disproportion existant entre l’engagement d’une partie et son aptitude à
remplir ses obligations.

L’une des meilleures illustrations de la prise en considération de cette


disproportion est offerte par le droit du crédit835.

Dans ce droit, le principe de proportionnalité joue tant à l’égard de


l’emprunteur, qu’à l’égard de la caution.

427. Ainsi, les établissements de crédit doivent apprécier la proportionnalité


entre les montants des crédits consentis et les facultés de remboursement de
l’emprunteur. Ils doivent prendre en considération l’intérêt du client, apprécier
si « les concours qui lui sont demandés sont en rapport avec la rentabilité
espérée de l’affaire et les facultés de remboursement de l’emprunteur »836.

Le devoir de conseil du banquier doit le conduire à refuser d’octroyer un crédit


dont le remboursement lui apparaît insupportable au vu de la situation financière
de l’emprunteur et de ses capacités de remboursement837, ou à mettre en garde
celui-ci quant aux difficultés ou à l’importance du remboursement, la décision
appartenant in fine au débiteur dûment informé.

835
D. LEGEAIS, « Principe de proportionnalité : le cas du contrat de crédit avec constitution de
garantie », Petites Affiches, 30 septembre 1998, n° 117, pp. 38-43.
836
D. LEGEAIS, art. préc.
837
Voir par exemple une décision exigeant qu’un prêteur professionnel vérifie les capacités de
remboursement de l’emprunteur : Cass. 1ère civ., 8 juin 1994, Bull. civ. I, n° 206, JCP E, 1995,
II, 652, note D. LEGEAIS.

333
S’il ne remplit pas son devoir de conseil ou octroie un crédit disproportionné ou
ruineux838, l’établissement de crédit pourra voir sa responsabilité engagée839.

428. Cette exigence de proportionnalité entre l’engagement souscrit et la


capacité à remplir ses obligations existe également en ce qui concerne à la
caution840, ce depuis peu841.

L’article 2018 du code civil dispose que « le débiteur obligé à fournir une
caution doit en présenter une (…) qui ait un bien suffisant pour répondre de
l’objet de son obligation ». Cet article, institué dans le seul intérêt du créancier,
dans le but de lui fournir un garant solvable, ne fixe en aucun cas une règle
générale imposant une proportionnalité entre la capacité financière de la caution
et le montant de la dette garantie ; d’ailleurs l’article 2018 du code civil ne
pouvait être invoqué par la caution désireuse de se soustraire de ses
engagements.

L’apparition de l’exigence de proportionnalité date de la loi n° 89-1010 du 31


décembre 1989842 relative au surendettement des particuliers, intégrée dans le
code de la consommation.

Aux termes de l’article L. 313-10 du code de la consommation, « un


établissement de crédit ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une
opération de crédit […] (à la consommation ou de crédit immobilier), conclu par

838
Cf pour l’engagement de la responsabilité du banquier pour accord de crédit ruineux : Cass.
1ère civ., 27 juin 1997, Bull. civ. I, n° 287, p. 200 ; Cass. 1ère civ., 5 juillet 1995, Rev. dr.
bancaire et bourse 1996, 52, obs. F.-J. CREDOT et Y. GERARD.
839
Cf Cass. com., 18 juin 1996, JCP E 1996, II, 896, note D. LEGEAIS ; 18 février 1997, JCP E
1997, pan., 335 ; ces décisions indiquent que les banques engagent leur responsabilité si elles
accordent des crédits ruineux ou disproportionnés par rapport à l’importance de l’entreprise ou
ses perspectives d’avenir.
840
D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, LGDJ, 1996.
841
S. PIEDELIEVRE, « le cautionnement excessif », Defrénois 1998, article 36836.
842
Sur cette réglementation, voir : P. DELBECQUE, « Les incidences de la loi du 31 décembre
1989 sur le cautionnement », D. 1990, doct, 256 ; G. PAISANT, « La loi du 31 décembre 1989
relative au surendettement des ménages », JCP 1990, I, 3457 ; A. PIEDELIEVRE, « Les
modifications apportées à certains cautionnements par la loi du 31 décembre 1989 », Gaz. Pal.,
1990, 1, doct, 157 ; M. VION, « Information et protection des cautions et emprunteurs en matière
de crédit immobilier après la loi du 31 décembre 1989 », Defrénois 1990,article 34746, p. 321.

334
une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion,
disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette
caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son
obligation ».

429. Ce principe de proportionnalité s’applique donc restrictivement ; peu


importe que le cautionnement résulte d’un acte sous seing privé ou d’un acte
authentique, mais il ne concerne que les cautionnements souscrits au profit
d’établissements de crédit, consentis par des personnes physiques, pour des
opérations de crédit à la consommation et de crédit immobilier des particuliers.

Dans tous les autres cas, ce principe n’existait pas ; mais il a été introduit dans le
droit commun par un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de
cassation, le 17 juin 1997843.

Se fondant sur les règles de la responsabilité civile délictuelle, la Cour de


cassation a approuvé les juges du fond d’avoir sanctionné le comportement
fautif de la banque qui avait demandé « un tel aval « sans aucun rapport » avec
le patrimoine et les revenus de l’avaliste ». Le cautionnement doit donc être
proportionné aux revenus et patrimoine du garant.

430. L’appréciation du caractère disproportionné appartient, de manière


souveraine aux juges du fond qui doivent rechercher si l’engagement est
« manifestement excessif », notion figurant dans l’article L. 313-10 du code de
la consommation.

843
Bull. civ. IV, n° 188 ; JCP E 1997, II, 1007, note D. LEGEAIS ; D. 1998, 308, note CASEY ;
RTD civ. 1998, p. 100, obs. J. MESTRE, et p. 154 et 157, obs. P. CROCQ ; Rev. dr. bancaire et
bourse 1997, 221, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD ; Dr. sociétés, octobre 1997, p. 8, obs. T.
BONNEAU ; Banque et droit, novembre et décembre 1997, p. 79, obs. J.-L. GUILLOT ; Defrénois
1997, article 36703, n° 158, p. 1424, obs. L. AYNES ; Petites Affiches, 27 mai 1998, p. 33, note S.
PIEDELIEVRE.

335
Cette exigence semble également nécessaire pour l’application des règles de
responsabilité civile et donc pour la qualification de la faute du bénéficiaire de la
garantie consentie en dehors du cadre de la loi du 31 décembre 1989.

431. Dans l’affaire jugée le 17 juin 1997, la faute de la banque a été retenue en
raison de « l’énormité de la somme garantie par une personne physique »844. En
effet, le dirigeant de la société s’était porté avaliste pour une somme de 20 000
000f alors que ses revenus mensuels s’élevaient à 37 550F et que son patrimoine
était d’un montant inférieur à 4 000 000F.

De la jurisprudence développée en application de l’article L. 313-10 du code de


la consommation ressort une règle selon laquelle l’engagement est
manifestement excessif lorsqu’il oblige la caution à se départir chaque mois
d’une somme excédant 30% de ses revenus disponibles.

Ont ainsi été jugés manifestement disproportionnés le contrat engageant 38%


des revenus de la caution845, celui engageant 40% des revenus de la caution
après paiement de son loyer846, celui aux termes duquel le montant de la somme
garantie représente deux fois le revenu annuel de la première caution et trois fois
celui de la seconde847.

Dans cette dernière hypothèse, il est d’ailleurs précisé que, en cas de pluralité de
cautions, les juges du fond doivent apprécier le caractère disproportionné des

844
Cf Cass. com., 17 juin 1997, préc., dernier attendu du moyen unique du pourvoi incident :
« Après avoir retenu que M. Macron avait souscrit un aval de 20 000 000F, « manifestement
disproportionné » à ses revenus, d’un montant mensuel de 37 550F et à son patrimoine, d’un
montant inférieur à 4 000 000F, la Cour d’appel, tout en estimant que M. Macron n’avait pas
commis d’erreur, viciant son consentement, a pu estimer, en raison de « l’énormité de la somme
garantie par une personne physique », que […] (la banque) avait commis une faute en
demandant un tel aval ».
845
CA Grenoble, 29 avril 1996, Juris-Data n° 042146.
846
CA Paris, 30 janvier 1996, Juris-Data n° 020531, JCP 1997, I, 3991, obs. P. SIMLER et P.
DELBECQUE.
847
Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, Bull. civ. I, n° 362 ; JCP 1997, I, 3991, obs. P. SIMLER et P.
DELBECQUE ; JCP 1997, II, 22826, note S. PIEDELIEVRE ; RTD civ. 1997, p. 189, obs. P. CROCQ ;
D. 1997, 515, note M. WACONGNE ; Defrénois 1997, article 36526, n° 43, p. 397, note L. AYNES ;
Contrats, conc,. cons., janvier 1997, n° 11, pp. 18-19 , obs. G. RAYMOND.

336
ressources de chaque caution avec l’engagement848 qu’elle a pris en considérant
les ressources évaluées au moment de la conclusion du contrat.

432. Il est donc important de connaître réellement la date de conclusion du


cautionnement afin de savoir si, à cette date ses revenus lui permettent d’apurer
la dette du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci, d’établir
notamment la consistance du patrimoine de la caution, et sanctionner
l’éventuelle fraude de la caution.

La reconnaissance du caractère excessif du contrat et les conséquences sur celui-


ci peuvent conduire certaines cautions à dissimuler une partie de leurs
ressources ou de leur patrimoine avant la conclusion du contrat afin de voir le
montant de la garantie qui leur est demandée diminué849, cette hypothèse
s’apparentant à la fraude paulienne850.

S’il s’avère que l’engagement est excessif, cette constatation n’empêche pas le
contrat de cautionnement de produire ses effets ; mais, la caution devra
actionner le bénéficiaire de la garantie en responsabilité civile, et la somme due
au titre de la garantie viendra se compenser avec les dommages et intérêts que le
créancier sera condamné à verser à la caution.

433. La situation en matière de crédit à la consommation est tout autre ; si


l’engagement s’avère excessif au moment de la conclusion du contrat de
cautionnement, celui-ci sera inefficace, comme le précise l’article L. 313-10 du
code de la consommation en employant l’expression « ne peut se prévaloir ».

848
Ce qui est logique au regard de l’article 2025 du code civil qui prévoit que, lorsque plusieurs
personnes se sont rendues caution d’un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées
chacune à l’intégralité de la dette.
849
En ce sens P. SIMLER, Cautionnement et garanties indépendantes, Litec, 2ème éd, n° 81 ; M.
CONTAMINE-RAYNAUD, obs. sous Cass. com., 17 juin 1997, préc..
850
Cf supra, n° 387 et s.

337
Le contrat se trouve privé de ses effets ; mais tel n’est plus le cas si, au moment
où la caution est appelée, le patrimoine de celle-ci s’est accru, d’une manière
telle qu’il lui permette de faire face à son obligation.

Pour apprécier le caractère excessif de l’engagement de la caution, le juge devra


donc se placer à deux moments : à la date de conclusion du contrat et au
moment de l’exercice du recours contre la caution, c’est-à-dire à la date
d’exécution du contrat.

434. Il convient d’observer que cette possibilité d’exécuter un contrat qui était
pourtant inefficace du fait de son caractère excessif au moment de sa conclusion
a soulevé de vives interrogations quant à la nature de la sanction de la
disproportion, la Cour de cassation ayant refusé de se prononcer sur cette
question851.

Pour certains auteurs852, il s’agirait d’une déchéance, pour d’autres853, de nullité.

Il ne semble pas qu’il s’agisse d’un cas de nullité, la proportion n’étant pas
érigée en condition de formation et de validité du contrat ; cet argument se
justifie d’ailleurs pleinement si on raisonne par référence au mécanisme de la
lésion qui, dans certain cas, permet uniquement une réparation du dommage
subi.

D’ailleurs, le recours au mécanisme de la nullité ne se justifierait que si le


contrat avait été exécuté, le prononcé de la nullité entraînant restitution.

Cette technique de la restitution donne également lieu à évaluation, tout comme


d’autres qui se rencontrent au moment de l’exécution du contrat.

851
Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, préc.
852
S. PIEDELIEVRE, « Le cautionnement excessif », art. préc.
853
G. PAISANT, « La loi du 31 décembre 1989 relative au surendettement des ménages », art.
préc.

338
§2.- Evaluation et exécution du contrat

435. L’évaluation n’est pas limitée à la formation du contrat, mais apparaît


également au moment de son exécution; tout comme la date de conclusion revêt
une importance pour les différends apparaissant au moment de la formation du
contrat, elle importe également pour les litiges survenant au stade de
l’exécution.

A ce stade, la date est utile pour évaluer les restitutions en cas d’anéantissement
du contrat (A) et lors de la mise en œuvre de la responsabilité civile (B) en cas
d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat.

A.- La date d’évaluation des restitutions en cas d’anéantissement du contrat

436. L’anéantissement du contrat emporte évaluation lorsqu’il intervient alors


que la convention a reçu exécution ou commencement d’exécution, et qu’au
prononcé de cet anéantissement est attaché un effet rétroactif854.

Tel est le cas s’agissant des prononcés de la nullité et de la résolution855.

854
Toutefois certains auteurs ne considèrent pas que la résolution ou la nullité soient par essence
rétroactives ; en ce sens cf A. BOUSIGES, Les restitutions après annulation ou résolution d’un
contrat, thèse Poitiers, dactyl., 1982, p. 398 et s., pour qui « l’effet rétroactif n’est qu’une
modalité de l’anéantissement du contrat dont l’existence dépend de son utilité … La
rétroactivité n’est pas de l’essence de l’annulation ou de la résolution ; elle se justifie par une
idée de politique juridique » ; R. JAMBU-MERLIN, « Essai sur la rétroactivité dans les actes
juridiques », RTD civ. 1948, p. 282, n° 13 pour qui la rétroactivité « ne possède pas le caractère
automatique, absolu, que l’on serait d’abord tenté de lui attribuer ».
855
Cf Cass. 3ème civ., 29 janvier 2003, JCP 2003, II, 10116, note Y.-M. SERINET. Dans cet arrêt,
les juges ont rappelés que « lorsqu’un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution de

339
La première hypothèse recouvre le cas où la nullité vient sanctionner le non-
respect d’une condition de formation du contrat dont la sanction a été demandée
postérieurement à l’exécution de la convention. La seconde hypothèse
correspond à un cas d’inexécution des obligations contractuelles.

437. Le point commun de ces deux mécanismes réside dans le fait que le
prononcé de la sanction emporte rétroactivité. Celle-ci se justifie pleinement
dans les deux cas. Dans la mesure où la nullité vient sanctionner le défaut initial
d’une condition de validité, elle doit normalement856 opérer de manière
rétroactive, afin de priver le contrat d’un effet qu’il n’aurait jamais dû avoir.

Ensuite, dans la mesure où l’article 1184 du code civil, dans son alinéa deux857,
laisse le choix au créancier de l’obligation inexécutée entre le prononcé d’une
exécution forcée et la résolution, il est normal que celle-ci produise effet
rétroactivement858, le créancier préférant se libérer du contrat plutôt que de le
voir exécuté sous la contrainte.

Le prononcé de ces anéantissements aux conséquences rétroactives conduit alors


à revenir sur le passé, afin d’effacer tous les effets produits par le contrat.

Il va donc s’agir de revenir au statu quo ante, l’effet rétroactif entraînant


rétablissement de l’état des choses antérieur à la conclusion du contrat anéanti.
Dans les rapports entre les parties, l’effet essentiel de la rétroactivité est la

l’une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les
obligations nées du contrat n’avaient jamais existées ».
856
La rétroactivité n’opère pas en matière de sociétés ou de copropriété ; cf Cass. 3ème civ., 20
octobre 1981, Bull. civ. III, n° 163 : l’arrêt annule la clause d’un règlement de copropriété qui
prévoyait une répartition illégale des charges, et invite l’assemblée des copropriétaires à fixer
une nouvelle répartition, mais pour l’avenir seulement.
857
C. civ., art. 1184 al. 2 « […] La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a
le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible ou d’en
demander la résolution avec dommages et intérêts ».
858
Sauf pour les contrats à exécution successive pour lesquels on parle, pour cette raison, de
résiliation et non de résolution. ; cf J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les
effets du contrat, LGDJ, 3ème éd., 2001, n° 430 et s.

340
restitution des prestations déjà fournies en exécution du contrat, par le biais d’un
régime de restitution proche de celui de l’action en répétition de l’indu859.

Les prestations effectuées en vertu du contrat effacé n’ayant plus de cause, tout
se passe comme si le paiement avait été fait indûment.

438. Le principe est celui de la restitution totale en nature ; la chose doit être
restituée dans l’état où elle se trouvait au moment de la conclusion du contrat860.
L’évaluation de cet état s’effectue donc à la date de formation du contrat, les
frais de la remise en état appartenant au restituant861, étant également prise en
considération la dépréciation de la chose entre la date du contrat et celle de la
restitution862.

Mais la restitution en nature n’est pas toujours possible. Tel est le cas lorsque la
restitution d’une chose est devenue impossible863 ou lorsque la prestation porte
sur un service. La restitution s’effectue alors en valeur ou par équivalent, le

859
La première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt rendu le 24 septembre
2002, considéré que « les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la
répétition de l’indu, mais seulement des règles de la nullité » (Bull. civ. I, n° 218, p. 168 ;
Defrénois 2003, jur., 37664, pp. 185-193, note J.-L. AUBERT). Pour M. AUBERT, la portée de cette
décision doit être limitée à « la question nécessaire de l’action en répétition dès lors que l’action
en nullité se trouve atteinte par la prescription », « le régime des restitutions appelées par
l’annulation du contrat étant très proche de celui organisé par les articles 1376 et s. du code
civil pour le paiement de l’indu. Les quelques divergences […] ne sont en réalité, que le
résultat de la nécessaire adaptation des solutions édictées par les articles au particularisme de
l’indu consécutif à une nullité » ; ainsi dans les cas de restitution après nullité, l’erreur du
solvens n’est pas exigée comme condition de la répétition ; en ce sens, F. TERRE, P. SIMLER, Y.
ème
LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 7 éd., 1999, §. 964 ; D. VEAUX,
« Nullité ou rescision des conventions ; effets de la nullité », J.-Cl. Civ., article 1304 à 1315,
fasc. 50, §. 33.
860
J. SCHMIDT-SZALEWSKI, « Les conséquences de l’annulation du contrat », JCP 1989, I, 3397.
861
Même s’il n’a commis aucune faute à l’origine de la nullité (Cass. 1 ère civ., 2 juin 1987, n°
84-16.624, Bull. civ. I, n° 183 ; Defrénois 1988, p. 373, note J.-L. AUBERT ; RTD civ. 1988, 528,
obs. J. MESTRE).
Il s’agit ici de « l’exécution de l’obligation de conservation pesant sur les restituants.
L’opération de conservation comprend la garde de la chose, ainsi que l’entretien lié à son
usage, un attribut résultant souvent du contrat ayant fait l’objet de l’annulation » ; cf M.-L.
MORANCAIS-DEMEESTER, RTD civ. 1993, p. 757 et s.
862
Cass. com., 11 mai 1976, Bull. civ. IV, n°162 ; Defrénois 1977, article 31343, obs. J.-L.
AUBERT.
863
Tel est le cas lors de la perte de la chose (destruction) ou lorsque, entre le jour de la vente et
celui où les restitutions doivent avoir lieu, l’acquéreur a déjà cédé le bien à un tiers.

341
problème étant celui de savoir comment procéder à la détermination de cette
valeur.

439. La jurisprudence864 appliquait alors ici le mécanisme de l’enrichissement


sans cause conduisant au calcul de l’enrichissement de l’un et l’appauvrissement
corrélatif de l’autre pour fixer l’indemnité à la plus faible des deux sommes.
Mais il est fait maintenant référence plus largement à l’«indemnisation des
prestations fournies »865, ce qui laisse plus de liberté aux juges du fond dans leur
évaluation de l’indemnité qui peut être autre que la somme la plus faible.

440. Plusieurs systèmes ont été préconisés et se sont succédés pour évaluer les
sommes à restituer866.

Le premier de ces systèmes est celui consistant dans la restitution de la valeur du


bien au jour de la restitution867, c’est-à-dire la valeur actuelle d’un bien de même
date de fabrication qui tient compte d’un coefficient normal d’usure et de
dépréciation. Mais ce système a vite été censuré par la Cour de cassation 868, ce
qui se justifie par le fait qu’il est injuste que le vendeur supporte le coût de
l’usure, l’acheteur seul s’étant servi du bien.

Le deuxième système est celui consistant à évaluer le montant de la restitution


en fonction de la valeur au jour de la vente en l’état au jour de la vente869.

864
Cass. civ., 28 juin 1887, DP 1888, 1, p. 296 ; T. civ. Seine, 17 janvier 1946, Dr. soc. 1946, p.
175, obs. P. D..
865
Cass. soc., 3 octobre 1980, Bull. civ. V, n° 704 ; D. 1982, 68, note E. AGOSTINI.
866
Cf E. POISSON-DROCOURT, « Les restitutions entre les parties consécutives à l’annulation d’un
contrat », D. 1983, chron., pp. 85-90.
867
CA Rouen, 1er juillet 1969, D. 1970, 235.
868
Cass. com., 29 février 1972, D. 1972, 623 ; Gaz. Pal., 1972, 2, 708 : « Ne donne pas de base
légale à sa décision, l’arrêt qui réduit la restitution due au vendeur, en considération de l’usure
ou de la dépréciation de ce véhicule, alors qu’en cas d’exécution d’un contrat nul, les parties
doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient auparavant ».
869
Cass. com., 18 novembre 1974, D. 1975,625, note P. MALAURIE : la somme est « égale […] à
la valeur de ladite machine au jour de la vente ».

342
Le dernier système est celui longtemps préconisé par la doctrine870, à savoir la
technique de la dette de valeur ; l’indemnité doit alors être égale à la valeur du
bien au jour de la restitution, en son état au jour de la vente.

441. Ces deux derniers systèmes se retrouvent tour à tour en jurisprudence871.


Toutefois le système consistant à retenir la valeur du bien au jour de la vente est
le plus usité du fait de la spécificité tenant à la dette de valeur. En effet, si cette
dernière technique doit permettre la restitution au vendeur de la valeur qu’il a
transmise lors de la vente, elle ne peut atteindre ce but que pour des biens dont
la valeur demeure stable ou augmente, mais pas pour des biens de
consommation qui se déprécient rapidement. Ce mécanisme valait donc surtout
pour les biens immobiliers avant que ce domaine ne connaisse certaines crises.
Cette analyse consistant à écarter le système de la dette de valeur se justifie par
le nominalisme monétaire qui interdit toute revalorisation872.

873
C’est pourquoi de nombreux auteurs lorsqu’ils envisagent cette notion de
restitution, ne visent jamais le système des dettes de valeur. Ils choisissent donc

870
Notamment P. MALAURIE, notes D. 1974,583 et D. 1975, 625.
871
Cf notamment pour le système consistant à retenir la valeur du bien au jour de la vente en
l’état au jour de la vente : Cass. com., 21 juillet 1975, D. 1976, 582, note E. AGOSTINI ET P.
ère
DIENER ; Cass. 1 civ., 12 décembre 1979, Bull. civ. I, n° 318, JCP 1980, II, 19464, note
PREVAULT, D. 1980, inf. rap., 390, obs. E.-N. MARTINE ; CA Angers, 6 novembre 1981, Juris-
Data n° 041263. Dans ces deux derniers cas, il s’agissait de contrats d’intégration agricole
déclarés nuls et à la suite desquels il n’était pas possible de rendre aux fournisseurs des aliments
pour le bétail qui avaient été consommés.
Cf notamment pour le système consistant à retenir la dette de valeur : Cass. 1ère civ., 18 octobre
1994, n°91-22.330, JCP N 1996, II, p.179, note J.-F. PILLEBOUT.
872
Ainsi, le droit de l’acheteur est-il immutablement fixé au prix convenu au jour du contrat ;
voir en ce sens, Cass. com., 29 mars 1994, Bull. civ. IV, n° 137 ; D. 1995, 520, note J. MOURY ;
Defrénois 1994, article 35881, n° 2, p. 1018, note J. HONORAT ; Bull. Joly 1994, §. 183, note A.
COURET ; JCP E 1994, II, 610, note Y. GUYON. Il s’agissait, en l’espèce, de la nullité d’une
cession d’actions de société ; cette nullité avait été demandée plus de dix ans après la conclusion
du contrat. Les actions avaient fait l’objet d’une seconde cession. La Cour de Paris avait évalué
les actions au jour de cette seconde cession, en minorant le montant de la restitution des 10% du
montant des plus-values survenues entre la cession annulée et la seconde vente. La Cour de
cassation a cassé cet arrêt aux motifs que « l’annulation de la cession litigieuse conférait au
vendeur le droit d’obtenir la remise des actions en nature ou en valeur, sans qu’aucune
réduction ne puisse affecter le montant de cette restitution, à l’exception des dépenses
nécessaires ou utiles faites par l’acquéreur pour la conservation des titres ».
873
C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitution et responsabilités, préf. J. GHESTIN, LGDJ,
1992, n° 800, p. 458 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Précis
Dalloz, 7ème éd., 1999, p. 388, note n° 5 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Les obligations, 1. L’acte

343
comme date d’évaluation, la date de conclusion du contrat si celui-ci reçoit
exécution immédiate et la date d’exécution874 dans les autres cas. La
détermination de cette date et sa connaissance occupent donc la place centrale
de ce mécanisme de restitution.

442. Mais cette référence à la date de conclusion ou d’exécution comme date


d’évaluation doit être relativisée, la jurisprudence prenant en considération la
situation née de la nullité au jour où elle se dénoue875 par l’établissement d’un
compte entre les parties.

Aussi le contenu des restitutions ne se limite-t-il pas aux éléments


précédemment décrits, mais s’étend aux fruits et intérêts et à la prise en
considération de l’usure subie par le bien.

S’agissant des fruits et intérêts, ne constituant que l’accessoire de la chose, ils


devraient être restitués avec celle-ci. Toutefois une distinction est effectuée par
le code civil876 entre le restituant de bonne foi et le restituant de mauvaise foi877.

Seul le restituant de mauvaise foi878, c’est-à-dire celui qui avait connaissance


des vices entachant le contrat est tenu à restitution. Il est comptable de tous les
fruits879, mais uniquement des « fruits qu’aurait produits la chose dans l’état

juridique, Armand Colin, 8ème éd., 1998, §. 370 ; J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de
droit civil, Les effets du contrat, LGDJ, 2001, 3ème éd., §. 529.
874
Paiement ou livraison.
875
B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, les obligations, 2. Contrat, Litec, 1998, 6ème
éd., §. 1080.
876
Cf C. civ., art. 549 aux termes duquel : «Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans
le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec
la chose au propriétaire qui la revendique … ».
877
Pour la définition des possesseurs de bonne et mauvaise fois, cf C. civ., art. 550 aux termes
duquel « le possesseur est de bonne foi lorsqu’il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre
translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d’être de bonne foi du moment où ces
vices lui sont connus ».
878
Cass. 1ère civ., 5 décembre 1960, Bull. civ. I, n° 527 : le simple possesseur ne fait les fruits
siens que s’il possède comme propriétaire, soit en vertu d’un titre translatif de propriété dont il
ignore les vices, soit en vertu d’un titre putatif.
879
Sauf si tout ou partie des fruits provient de l’activité même du possesseur.

344
qu’elle avait lors de la conclusion du contrat »880 et réalisés depuis la date du
contrat881.

L’évaluation de ces fruits, lorsqu’ils n’ont pas été conservés en nature,


s’effectue selon leur valeur estimée à la date du remboursement au vu de l’état
de la chose à la date de conclusion du contrat882. La date de conclusion du
contrat remplit donc une fois de plus la fonction de date d’évaluation.

Parallèlement, la mauvaise foi du vendeur qui retrouve son bien après


anéantissement du contrat emporte pour conséquence que les intérêts moratoires
dus sur le prix à restituer courent de plein droit à compter du jour où les sommes
à restituer ont été versées883, c’est-à-dire à compter de la date d’exécution du
contrat. C’est donc cette date qui constitue la date d’évaluation, les magistrats se
plaçant au moment du paiement pour évaluer le montant des intérêts
moratoires884.

880
Cass. 1ère civ., 20 juin 1967, Bull. civ. I, n° 227 ; JCP 1967, II, 15262, note J. A. ; D. 1968,
32 ; RTD civ. 1968, p. 398, obs. J.-.D. BREDIN ; CA Paris, 22 novembre 1972, D. 1974, 92, note
P. MALAURIE. Dans ces espèces, les loyers avaient été perçus par un acquéreur qui avait édifié le
bâtiment loué sur le terrain acquis.
881
Cf J. SCHMIDT-SZALEWSKI, « Les conséquences de l’annulation d’un contrat », JCP 1989, I,
3397.
882
C. civ., art. 549 in fine.
883
Cf Cass. 3ème civ., 10 octobre 2001, RJDA 1/02, n° 9 : « Viole l’article 1153 du code civil la
cour d’appel qui, après avoir annulé une vente d’immeuble pour dol condamne le vendeur à
restituer le prix augmenté des intérêts aux taux légal au jour de la vente et au paiement des
accessoires avec intérêts à la date des versements excessifs, en retenant que la nullité de la
vente produit effet rétroactif au jour de sa réalisation » ; en ce sens également : Cass. 3ème civ., 4
mai 1982, Bull. civ. III, n° 154 , Defrénois 1983, article 33082, obs. J.-L. AUBERT, D. 1982, inf.
rap., 353 ; Cass. 1ère civ., 4 octobre 1988, D. 1989, som. com., 231, obs. J.-L. AUBERT.
Le créancier de la restitution n’a pas à justifier d’un préjudice spécial par application de l’article
1153 alinéa 3 du code civil ; cf Cass. 1ère civ., 8 juin 1983, Bull. civ. I, n° 172, RTD civ. 1985, p.
168, obs. J. MESTRE ; Cass. com., 4 janvier 2000, Contrats, conc., cons., mai 2000, com., n° 79.
884
Sur cette notion, cf P. HOONAKER, « Des intérêts dus sur les créances de restitution », D.
1999, chron., 328-332.

345
443. Outre ces éléments, s’ajoute à la restitution en nature de la chose, lorsque
celle-ci existe encore à la date de l’anéantissement, une indemnisation de l’usure
pour les dommages subis par le bien885.

Cette indemnisation sera fixée en considération de la valeur qu’avait la chose


vendue au jour de la vente886 et non de celle qu’elle aurait, dans son état
d’origine, au jour de l’annulation.

L’évaluation s’effectue donc au vu de la valeur réelle887 de la chose au jour de la


conclusion du contrat, cette valeur ne correspondant pas forcément au prix
stipulé au contrat anéanti888.

444. S’ajoutent enfin aux restitutions, des dommages et intérêts compensatoires


versés à celui qui obtient l’anéantissement ou à celui qui le subit, à condition
qu’il s’agisse de préjudices distincts de la nullité et non éventuels.

Le préjudice réparable peut être celui causé au créancier de la restitution par


l’impossibilité de reprendre la chose en nature parce qu’elle a été vendue à un

885
Cass. com., 21 juillet 1975, D. 1976, 582, note E. AGOSTINI et P. DIENER ; Cass. com., 11 mai
1976, Bull. civ. IV, n° 162.
886
Cass. com., 18 novembre 1974, D. 1975, 625, note P. MALAURIE.
887
Cass. 1ère civ., 16 mars 1999, Bull. civ. I, n° 95, Defrénois 1999, article 37079, n° 93, note P.
DELBECQUE : une Cour d’appel qui, après avoir retenu la vileté du prix de la vente d’arbres
plantés, constate que l’acheteur en a pris livraison et qu’ainsi la restitution en nature est
impossible, décide exactement que le vendeur est en droit d’obtenir paiement de la valeur réelle
des arbres livrés ; cf également Cass. 1ère civ., 12 décembre 1979, JCP, II, 19464 : après avoir
prononcé la nullité d’un contrat de fourniture d’aliments, en retenant, pour servir de base au
calcul des restitutions dues au fabricant d’aliments par l’éleveur, le prix des aliments qui incluait
le bénéfice de la société fabricante et, par suite, aboutissait à l’exécution de la vente nulle, sans
rechercher si le prix demandé correspondait à la valeur réelle des aliments fournis au moment de
la livraison, qui seule devait faire l’objet de la restitution, une Cour d’appel n’a pas donné de
base légale à sa décision.
888
Décider que la valeur réelle serait égale au prix stipulé reviendrait à donner effet à un contrat
annulé ; en ce sens, cf Cass. com, 18 novembre 1974, précité : la somme « égale, non au prix
convenu, ce qui eût été l’exécution de la vente nulle ». Cet arrêt a sanctionné la position adoptée
par la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 31 octobre 1973 (D. 1974, 583, note P.
MALAURIE), avait déclaré qu’ « il convient, pour que les parties soient remises en l’état
antérieur au contrat annulé, de rembourser à l’acquéreur les sommes qu’il a payées sur le prix
de vente et le condamner à payer au vendeur une somme égale à la valeur du bien acquis à la
date du contrat, valeur dont il n’est pas contestée qu’elle est égale au prix de vente ».

346
tiers de bonne foi889 ; il peut simplement résulter du fait que le créancier soit
obligé de reprendre la chose qu’il avait voulu aliéner, ou enfin correspondre à la
différence entre le prix de vente et le prix de réalisation de la marchandise
vendue890.

445. Les évaluations des préjudices s’effectuent donc en vertu de différentes


dates du contrat et eu égard à ce qui a été attribué au titre de l’annulation ou de
la résolution du contrat.

A titre d’exemple, a été prise en considération l’année d’exécution défectueuse,


c’est-à-dire la période s’écoulant de la date de conclusion du contrat à son
anéantissement, pour évaluer le montant des dommages et intérêts
compensatoires. Il s’agissait, en l’espèce, de la vente d’arbres plantés, ne
pouvant être restitués en nature, qui ont fait l’objet d’une restitution en valeur à
laquelle se sont ajoutés des dommages et intérêts en réparation du préjudice
d’exploitation causé au vendeur. Ces dommages et intérêts se sont élevés à
9130F pour, déclare la Cour, « perte d’une année de pousse » des arbres.

B.- La date d’évaluation des dommages réparables en responsabilité


contractuelle

446. Les dates du contrat jouent également un rôle en matière de responsabilité


contractuelle.

Ce rôle intervient à deux niveaux : l’évaluation porte tout d’abord sur le


dommage et l’étendue de sa réparation (1); ensuite, il convient de voir si le

889
CA Rouen, 24 décembre 1901, DP 1902, 2, p. 397.
890
Cass. Req., 6 février 1922, S. 1922, 1, p. 375 ; Cass. com., 15 octobre 1956, Bull. civ. III, n°
236.

347
débiteur ne peut pas être exonéré de sa responsabilité (2), analyse qui s’effectue
notamment à la date de conclusion du contrat.

1.-La mesure de la réparation due par le débiteur.

447. Prévue aux articles 1146 à 1156 du code civil, la responsabilité


contractuelle891 suppose que soient réunis trois éléments qui sont la faute, le
dommage et le lien de causalité entre cette faute et ce dommage.

Dans cette étude concernant le rôle de la date dans l’évaluation, ne sera donc
envisagé que le dommage, l’intérêt de la date en matière de faute ne jouant que
pour l’appréciation du retard dans l’exécution ou le constat du défaut
d’exécution à la date prévue892.

Le dommage en matière contractuelle est induit par l’inexécution de la


convention, que ce dommage soit matériel, corporel ou moral. Encore faut-il,
pour que le droit à réparation soit reconnu, que le dommage présente un certain
nombre de caractères ; certains d’entre eux, à savoir les caractères direct, certain
et personnel, sont communs à tous les dommages et n’appellent aucun
commentaire quant à la date d’évaluation.

891
Il convient d’observer que certains auteurs contestent l’existence d’une responsabilité
contractuelle aux motifs que les dommages et intérêts contractuels constitueraient un simple
mode d’exécution par équivalent du contrat ; en ce sens : D. TALON, « L’inexécution du contrat :
pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223, Mélanges CORNU, 1995, p. 429 ;
« Pourquoi parler de faute contractuelle ? », Mélanges CORNU, 1994, 429 ; P. REMY, « La
« responsabilité contractuelle » : histoire d’un faux concept », RTD civ. 1997, p.323 ; C.
LAPOYADE-DESCHAMPS, « Le mythe de la responsabilité contractuelle en droit français », in
Failure of contracts : Oxford, Francis Rose, 1997, p. 175 et s. ; L. CADIET ET P. LE TOURNEAU,
Droit de la responsabilité, Dalloz Action, 1998, n° 220 s. et 1481 s. En sens contraire : C. RADE,
« Droit à réparation, Condition de la responsabilité contractuelle, Dommage », J.-Cl. Civ., article
1146 à 1155, fasc. 10 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Précis
Dalloz, 7ème éd., 1999, §. 534 et s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les
obligations, 3. Le rapport d’obligation, Armand Colin, 1ère éd., 1999, §. 172.
892
Ce qui sera envisagé dans le chapitre suivant, cf infra n° 468.

348
Mais un quatrième caractère propre au dommage contractuel se doit d’être
étudié ; il s’agit de la prévisibilité du dommage893 dont l’évaluation conditionne
l’étendue et l’existence du droit à réparation.

448. Aux termes de l’article 1150 du code civil, « le débiteur n’est tenu que des
dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat
… » ; seul est donc réparable le dommage qui a pu être prévu au moment de la
conclusion du contrat et le droit à réparation du créancier sera conditionné par
l’évaluation de la prévisibilité du dommage effectuée par les juges du fond.

Ils vont donc devoir apprécier souverainement le caractère prévisible du


dommage . Encore faut-il s’interroger sur les éléments concernés par cette
exigence de prévisibilité.

Certains arrêts894 ont considéré que la prévisibilité du dommage ne devait être


envisagée que s’agissant de la cause de celui-ci ; cette interprétation restrictive
reposait sur le fait que l’article 1150 du code civil constituait une exception au
principe de réparation intégrale posé par l’article 1149 du code civil. Mais la
Cour de cassation895 s’est opposée à une telle lecture de l’article 1150 du code
civil aux motifs que cette disposition « ne fait aucune allusion à la prévision de
la cause du dommage »896.

449. Ainsi la prévisibilité du dommage concerne non la cause du dommage,


mais sa quotité, c’est-à-dire son importance, le montant du dommage. Les juges
vont donc devoir évaluer la fraction prévisible du préjudice lors de la conclusion
de l’acte puisque seule cette fraction pourra donner lieu à indemnisation.

893
I. SOULEAU, La prévisibilité du dommage contractuel, th. ronéo., Paris II, 1979.
894
CA Paris, 23 avril 1902, DP 1903,2, 323, S. 1904, 2, 261 ; CA Pau, 11 août 1903, DP 1904,
2, 302 ; CA Paris, 22 décembre 1910, Gaz. Pal. 1911, 1, 606 ; CA Besançon, 27 janvier 1911, S.
1911, 2, 376.
895
Cass. civ., 29 décembre 1913, DP 1916, 1, 117.
896
Cass. civ., 7 juillet 1924, D. 1927, 1, 119 ; S. 1925, 1, 321, note LESCOT.

349
Pour ce faire, ils vont devoir se référer à un dommage normalement prévisible
pour le bon père de famille et pour le type de contrat concerné. Toutefois, cette
appréciation in abstracto est parfois assouplie. Tel est le cas lorsque les parties
ont « personnalisé » un type de contrat. Il sera alors nécessaire de tenir compte
des spécificités897 pour évaluer le montant du dommage prévisible. Le bon père
de famille sera alors doté de qualités propres à certaines catégories de
personnes898.

450. Le juge devra, en adoptant ce modèle de référence, se placer à la date de


conclusion du contrat pour évaluer le montant ou fraction prévisible du
préjudice899. Cette référence temporelle est logique : le débiteur ne peut être
engagé au-delà de la substance de l’obligation issue du contrat et celui-ci est
conclu eu égard à un certain équilibre qu’il convient de respecter.

Chacun doit pouvoir évaluer les risques qu’il court en concluant le contrat ; il
faut donc se limiter stricto sensu à la lettre du contrat ; ainsi, si des circonstances
non prévues au contrat viennent aggraver le dommage résultant de l’inexécution
de celle-ci, elles ne pourront pas être prises en considération pour l’évaluation
du dommage réparable900.

897
N. DEJEAN DE LA BATIE, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil
français, LGDJ, 1965, préf. H. MAZEAUD, n° 337 s., n° 384 s.
898
Ainsi l’exploitant d’un établissement de luxe doit-il prévoir que ses clients seront en
possession d’objets de valeur ou de sommes importantes : Cass. 1ère civ., 5 février 1957, D.
1957, 232 ; Cass ; 2ème civ., 18 novembre 1975, Bull. civ., III, n° 333. Cf également : Cass. 1ère
civ., 3 juin 1998, Bull. civ., I, n° 199, JCP 1999, II, 10010, note N. RZEPECKI, JCP E 1999,
jurisp., p. 225, note C. YOVEGO, D. Affaires 1998, 1393, obs. S. P. : c’est par une appréciation
souveraine qu’une cour d’appel a estimé que le transporteur pouvait prévoir que, compte tenu du
programme du voyage, les voyageurs emporteraient dans leurs bagages des objets de valeur
(bijoux d’une valeur supérieure à 200 000F) et leur imposer d’en déclarer le prix.
899
Cass. 1ère civ., 25 janvier 1989, D. 1989, inf. rap., 47 : un dommage est prévisible, au sens de
l’article 1150 du code civil, lorsqu’il peut être normalement prévu par les contractants au
moment de la conclusion de la convention.
900
Cass. 3ème civ., 27 juin 1984, RD imm. 1985, 166, obs. GROSLIERE ET C. SAINT-ALARY-HOUIN :
ainsi un dommage corporel résultant d’une défectuosité d’un système de ventilation ne peut être
mis à la charge de l’entrepreneur, ce dommage ne pouvant être considéré comme prévisible,
l’entrepreneur n’ayant pas connaissance de l’allergie aux moisissures dont souffrait le maître
d’ouvrage.

350
451. Une fois la quotité du dommage prévisible évaluée, il convient de procéder
à l’évaluation de la réparation.

La règle issue de l’article 1150 du code civil ne permet que de limiter la quotité
du dommage réparable, c’est-à-dire la fraction prévisible au moment de la
conclusion du contrat ; elle ne limite en rien le montant de la réparation901.

L’évaluation de la réparation s’effectue donc eu égard à la quotité du dommage


prévisible au jour du contrat, mais à la date où intervient la condamnation
définitive ; il est en effet tenu compte des fluctuations monétaires intervenues
entre la conclusion du contrat et le jour du jugement902. Cette évaluation à la
date de conclusion du contrat de la quotité de dommage réparable sert à mesurer
la responsabilité du débiteur et à ne faire peser sur lui que les dommages qu’il
était conscient de pouvoir provoquer lorsqu’il a conclu le contrat.

L’évaluation d’une autre prévisibilité à la date de conclusion du contrat va servir


cette fois-ci à exonération le débiteur de sa responsabilité.

901
Cass. com., 4 mars 1965, D. 1965, 449, JCP 1965, II, 14219, note R. RODIERE : les
dispositions de l’article 1150 du code civil, qui limitent la responsabilité du débiteur, concernent
seulement la prévision ou la prévisibilité des éléments constitutifs du dommage et non
l’équivalence monétaire destinée à le réparer ; cf également Cass. 1ère civ., 6 décembre 1983,
Bull. civ. I, n° 287.
902
Cass. 1ère civ., 1er juin 1976, JCP 1976, II, 18483, note R. SAVATIER ; Cass. com., 2 novembre
1993, Bull. civ. IV, n° 380, JCP 1994, I, 3773, obs. G. VINEY, RTD civ. 1994, 622, obs. P.
JOURDAIN.

351
2.- L’évaluation des circonstances emportant exonération du débiteur

452. Les causes d’exonération903 en matière contractuelle sont prévues aux


articles 1147 et 1148 du code civil. Le premier vise la cause étrangère et le
second précise de quelle cause étrangère il doit s’agir.

Aux termes de l’article 1148 du code civil, « il n’y a lieu à aucuns dommages et
intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a
été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui
était interdit ». Sont donc exonératoires le cas fortuit ou la force majeure,
notions aujourd’hui considérées comme synonymes904 ; mais, le débiteur peut
également être exonéré par l’effet de la cause étrangère au cas où l’inexécution
est due au fait d’un tiers ou au fait du créancier. Ce fait du créancier peut revêtir
le caractère de force majeure. Il est d’ailleurs important de déterminer si tel est
le cas car cette qualification conditionne l’étendue de l’exonération.

Pour que des faits puissent être exonératoires, encore faut-il qu’ils remplissent
un certain nombre de conditions905 que sont les caractères d’extériorité,
d’irrésistibilité et d’imprévisibilité906. C’est sur ce dernier caractère que les dates
du contrat revêtent un rôle d’évaluation du degré de responsabilité de
l’inexécutant.

903
Seules sont envisagées ici les causes légales d’exonération ; mais l’exonération du débiteur
peut également résulter de stipulations contractuelles.
904 ème
F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Précis Dalloz, 7 éd., 1999,
§. 556 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, 3. Le rapport
d’obligation, Armand Colin, 1999, §. 208 ; J. RADOUANT, Du cas fortuit et de la force majeure,
thèse Paris, 1919 ; P. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, thèse
Montpellier, éd. 1992; L. JOSSERAND, « Force majeure et cas fortuit », DH 1934, chron., 25 ; A.
TUNC, « Force majeure et absence de faute en matière contractuelle », RTD civ. 1935, p. 19.
905
Sur ces conditions, cf J.-L. PIOTRAUT, « L’impossibilité d’exécuter un contrat », Petites
Affiches, 20 mai 1994, n° 60, pp. 10-17.
906
Sur le devenir de cette notion, cf C. COUTANT-LAPALUS, « Variation autour de
l’imprévisibilité de la cause étrangère », Petites Affiches, 26 février 2002, n° 41, p. 15 et s.

352
453. L’imprévisibilité étant relative, ce caractère va devoir s’apprécier en
fonction de l’époque où il se produit. Reste à déterminer la date à laquelle il faut
se placer pour déterminer ce caractère.

Selon la jurisprudence, il faut tenir compte de l’événement imprévisible lors de


la conclusion du contrat907 ; cette référence temporelle, adoptée également par
les principes européens du droit des contrats908, est logique : le débiteur ne doit
pas avoir été en mesure de prévoir la survenance de l’événement qui s’est
opposée à l’exécution du contrat ou à sa bonne exécution au moment de la
conclusion du contrat, sinon cela signifierait que les parties en ont tenu compte
dans leur convention.

Il convient toutefois d’atténuer cette règle ; en effet, dès lors que l’événement
servant d’exonération s’inscrit dans la durée, la jurisprudence prend alors en
considération la prévisibilité en cours de contrat. Ainsi, en matière de grève, la
chambre commerciale909 de la Cour de cassation apprécie en principe la
prévisibilité en se plaçant à la date de conclusion du contrat, mais ajoute que,

907
Cass. 1ère civ., 7 mars 1966, JCP 1966, II, 14878, note J. MAZEAUD, RTD civ. 1966, 823, obs.
DURRY : si l’irrésistibilité de l’événement est, à elle seule, constitutive de force majeure, lorsque
sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, il n’en est plus ainsi lorsque le
débiteur pouvait normalement prévoir cet événement au moment de la conclusion du contrat. Cf
également : Cass. com., 21 novembre 1967, D. 1968, 279, note H. SINAY, RTD civ. 1967, p. 733 ;
Cass. 3ème civ., 10 octobre 1972, D. 1973, 378, note J. M.
Cf également en ce sens que l’imprévisibilité doit s’apprécier au moment du contrat : Ch. Mixte,
4 février 1983, Bull. civ., n° 1 et n° 2, RTD civ. 1983, p. 549, obs. DURRY (grève EDF), Gaz.
Pal. 1983. 1. Pan. ,164, obs. F. CHABAS ; cette formation a considéré que le mouvement de
revendication, résultant de nouvelles directives gouvernementales en matière de salaires, à
l’origine d’interruption de courant, était imprévisible pour EDF, lors de la conclusion des
contrats d’abonnement et pouvait donc satisfaire les exigences requises pour constituer un cas de
force majeure ; Cass. com., 19 juin 1990, RTD civ. 1990, 659, obs. J. MESTRE : il convient de se
placer à la date d’acquisition de l’immeuble ; Cass. 1ère civ., 4 février 1997, Dr et patrimoine
1997, n° 1817, obs. P. CHAUVEL.
908
PDCE, art. 8 :108 (1) : « Est exonéré des conséquences de son inexécution le débiteur qui
établit que cette inexécution est due à un empêchement qui lui échappe et que l’on ne pouvait
raisonnablement attendre de lui qu’il le prenne en considération au moment de la conclusion du
contrat, qu’il le prévienne ou le surmonte ou qu’il en prévienne ou surmonte les conséquences »,
(P. BONFILS, « Exonération résultant d’un empêchement » in « Principes européens du droit des
contrats. Regards croisés avec le droit français », Dossier, Dr. et patr., avril 2003, pp. 72-74).
909
Cass. com., 21 novembre 1967, JCP 1968, II, 15462, note M. LE GALCHER-BARON, D. 1968,
279, note H. SINAY, RTD civ. 1968, 733, obs. DURRY. Egalement Cass. com., 6 mars 1985,
Bull.civ. IV, n° 90 : mais lorsque c’est en raison de sa durée exceptionnelle qu’une grève a
revêtu un caractère imprévisible, c’est à bon droit que les juges du fond ont fait ressortir qu’il
n’était pas nécessaire pour apprécier le caractère insurmontable de l’événement, de se placer à
l’époque du contrat unissant les parties.

353
jusqu’au dernier moment, il n’était pas certain que le mouvement de grève ait
lieu, celui-ci ayant été annoncé pour une date incertaine.

Il convient d’observer que l’évaluation du caractère exonératoire d’un fait ne se


limite pas à cette imprévisibilité, mais nécessite surtout l’irrésistibilité de
l’événement de force majeure; or un événement ne pourra être qualifié
d’irrésistible, s’il était prévisible lors de la conclusion du contrat sauf à ce qu’il
soit insurmontable.

454. Donc dès lors qu’à la date de conclusion du contrat, le fait n’était pas
imprévisible, l’événement ne peut pas être constitutif de force majeure et le
débiteur est responsable. L’évaluation de l’imputabilité du dommage s’effectue
bien à la date de conclusion du contrat.

Si l’événement est qualifié de force majeure, l’exonération du débiteur est totale,


il ne doit alors rien ; aucun dommage ne lui est imputable.

Au contraire, si la qualification de force majeure n’est pas retenue, le fait du


créancier, s’il constitue une faute, permet une exonération partielle du débiteur ;
il ne sera alors condamné qu’à une réparation partielle du dommage souffert par
le créancier.

La qualification de force majeure par le biais d’appréciation de la prévisibilité


du dommage permet donc de déterminer et d’évaluer l’étendue de l’exonération
et donc l’étendue de la responsabilité du débiteur.

Il convient toutefois de relativiser le rôle de la date de conclusion dans cette


évaluation. L’importance de la notion de prévisibilité dans l’appréciation des
caractères constitutifs de la force majeure semble en effet minimisée par la
jurisprudence qui se fonde exclusivement sur le caractère irrésistible910 et par la

910
Il convient toutefois de distinguer les solutions rendues par la première chambre civile et la
chambre commerciale de la Cour de cassation, de celles rendues par la deuxième chambre de
cette même formation. Les deux premières se fondent exclusivement sur le caractère irrésistible.
En ce sens, cf Cass. 1ère civ., 7 mars 1966, JCP 1966, II, 14878, note J. MAZEAUD :
« l’irrésistibilité est, à elle seul, constitutive de la force majeure »; Cass. 1ère civ., 10 février
1998, D. 1998, 539 : constatant que, en raison de sa maladie, un élève n’a pu suivre les cours

354
doctrine qui la considère comme une simple « condition d’admission ou de
recevabilité » de la force majeure911 et qui propose de substituer à ce critère
classique celui d’inévitabilité912.

455. La date du contrat, qu’elle soit date de conclusion, date d’exécution ou date
d’inexécution, permet donc au juge d’apprécier relativement librement différents
événements affectant le contrat et de tirer, tout aussi librement, au titre de son
pouvoir souverain d’appréciation, les conséquences de certains comportements
ou événements. Il lui appartient de décider laquelle de ces différentes dates il
prendra en considération pour rendre sa décision.

Mais cette possibilité de choisir librement l’instant qui l’intéresse dans l’espace
temporel du contrat se trouvera limitée dès lors que la date sera associée à
l’écoulement d’une durée, d’un délai légalement prévu. Les dates du contrat
exercent alors une fonction de bornage de l’efficience de certains droits
découlant du contrat, de son effectivité.

dispensés par un établissement d’enseignement privé, une cour d’appel considère justement que
cette maladie, irrésistible, constitue un événement de force majeure, bien que n’étant pas
extérieur à cet élève ; Cass. 1ère civ., 6 novembre 2002, Bull. civ. I, n° 258, Dr. et patr. 2003, n°
112, chron., n° 3224, obs. F. CHABAS, et chron., n° 3228, obs. P. CHAUVEL : « la seule
irrésistibilité caractérise la force majeure » ; Cass. com., 28 avril 1998, D. 1999, 469, note B. M.
ET F. L., D. 1999, som. com., 319, obs. B. MERCADAL : la force majeure « peut être constituée par
la seule irrésistibilité de l’événement […] abstraction faite des motifs relatifs à
l’imprévisibilité ». La deuxième chambre civile, quant à elle, subordonne systématiquement
l’exonération à l’imprévisibilité de l’événement. Cf en ce sens : Cass. 2ème civ., 13 juillet 2000,
RTD civ. 2000, p. 841 ; 15 mars 2001, RTD civ. 2001, p. 375 ; 29 mars 2001, RTD civ. 2001, p.
598.
911
P. JOURDAIN, obs. sous Cass. 1ère civ., 9 mars 1994, RTD civ. 1994, p. 871.
912
P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, thèse précitée ; P. JOURDAIN,
art. préc. : « Mais en réalité, plutôt que de l’imprévisibilité, c’est alors l’inévitabilité qui fait
figure de condition de portée générale de la force majeure aux côtés de l’irrésistibilité » ; cet
auteur a récemment réaffirmé sa position, in « Imprévisibilité de la force majeure : une pomme
de discorde entre les première et deuxième chambres civiles », RTD civ. 2003, pp. 301-303.

355
Chapitre II : La date precise, considérée dans sa fonction
delimitative

456. L’étude de la détermination de la date a révélé que la relation du droit au


temps est purement instantanéiste. La date constitue une image fixe du temps.
Pourtant, sans contredire cette affirmation, force est de constater que la date peut
se révéler utile lorsqu’il s’agit de raisonner en terme de durée. Le contrat a, en
effet, vocation à s’inscrire dans la durée. Tel est le cas dès lors que le contrat
n’est pas à exécution instantanée, les effets du contrat se produisant à une date
différente de celle de sa formation, les parties pouvant aussi décider d’une prise
d’effet différée.

Plusieurs dates coexistent donc, se succédant sur la ligne du temps. Il ne s’agit


en aucun cas d’une étude de la durée, mais de celle des deux dates délimitatives
de cette durée. Cette fonction délimitative est double : l’effet créateur de droits
et d’obligations du contrat est nécessairement délimité (Section I), en amont et
en aval, notamment par les dates de naissance et d’extinction du contrat.
L’irrespect de ces différentes obligations ou droits entraînent des sanctions dont
le prononcé est subordonné à l’exercice de l’action dans certains délais ayant
pour point de départ une date du contrat, à partir de laquelle le délai s’écoule,
permettant d’établir une seconde date, celle de l’extinction de ce délai. La
connaissance de ces différentes dates permet donc de délimiter les droits et
actions des contractants (Section II).

356
section I : la délimitation de l’effet créateur de droits et d’obligations
du contrat

457. La délimitation de l’effectivité du contrat consiste à déterminer deux dates :


la date de conclusion ou de prise d’effet du contrat et sa date d’extinction. A la
connaissance de ces deux types de dates est attaché un intérêt certain relatif aux
droits des contractants. Cette délimitation permet alors de connaître la naissance
et l’exigibilité de certaines obligations.

A la date de prise d’effet du contrat et à sa date d’extinction peuvent en effet


correspondre la naissance de certaines obligations (§1), voire leur exigibilité ; et
cette date d’exigibilité permettra d’en sanctionner l’irrespect (§2), irrespect
pouvant consister dans un retard d’exécution.

§1.- L’effectivité du contrat et la naissance des droits et obligations

458. La délimitation de l’effectivité du contrat emporte la référence à deux


dates : celle de prise d’effet du contrat et celle d’extinction. La prise d’effet du
contrat emporte création d’obligations (A) ce qui est tout à fait normal puisque
c’est le but de conclusion de tout contrat ; plus inattendu est l’effectivité de
certaines stipulations contractuelles survivant à l’extinction du contrat
provoquée par elle (B).

357
A.- La prise d’effet du contrat emportant naissance des obligations

459. Aux termes de l’article 1101 du code civil, « le contrat est une convention
par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. ». Le contrat est donc
créateur d’obligations et emporte également certains effets automatiques tels que
le transfert de propriété913 ou le transfert de risques.

Dès lors il est nécessaire de connaître la date à laquelle le contrat devient


effectif, cette date correspondant à celle de naissance de certaines obligations ou
à leur exigibilité (lorsque le contrat est à exécution instantanée)914.

460. Le principe est que le contrat est réputé conclu dès la rencontre des
consentements915 et qu’il produit effet dès cet instant916, sauf stipulations
contraires917 ou dispositions légales différant ou anticipant cette efficience.

913
Aussi parle-t-on de transfert solo consensu ; le droit de propriété se transmet
indépendamment de la chose sur laquelle il porte.
914
En ce sens : I. PETEL, Les durées d’efficacité du contrat, Thèse Montpellier I, 1984, dactyl., n°
7, p. 5-6 : « Le contrat n’est (donc) pas efficace par la seule création de l’obligation. celle-ci
marque le point de départ de l’existence de l’obligation, non celui de l’efficacité du contrat… le
point de départ de l’efficacité de la convention est donc constitué par le moment où l’obligation
devient exigible. Le contrat prend effet lorsque deux éléments sont réunis : la naissance et
l’exigibilité de l’obligation ».
915
Cf C. civ., art. 1583 : « (la vente) est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de
droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la
chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
916
Cf C. civ., art. 1138: « L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement
des parties contractantes. Elle rend le créancier propriétaire […] dès l’instant où elle a du être
livrée … ». Les commentateurs dont F. GORE, in « le transfert de propriété dans les ventes de
chose de genre », Etudes de droit contemporain, Sirey, 1959, T2, interprètent l’expression « dès
l’instant où elle a du être livrée » comme signifiant « dès l’instant où l’obligation de livrer est
née » ; cette analyse justifie bien que la tradition étant due ce jour-là, la transmission de
propriété a lieu le jour même du contrat. Cf également, s’agissant du transfert de propriété dans
le contrat de vente, il a été jugé que « la vente est un contrat consensuel qui, sauf stipulation
contraire, opère transfert de propriété dès l’échange des consentements » ; Cass. 3ème civ., 6
mars 1996, Bull. civ. III, n° 66.
917
La prise d’effet différée peut résulter de la stipulation d’un terme, d’une condition
suspensive, d’une condition résolutoire.

358
Lorsque de telles exceptions sont formulées, la date de prise d’effet du contrat
est alors distincte de celle de sa conclusion. Ainsi en est-il en droit de la
consommation, où, pour protéger le consommateur qui donnerait trop
rapidement, sous la pression commerciale du vendeur, son consentement, le
législateur a prévu des droits de repentir ou délai de rétractation. Le droit de
repentir918 n’a pas pour but de retarder la formation du contrat 919, comme le fait
le délai de réflexion ; seule l’effectivité du contrat est suspendue durant toute la
durée du délai pendant lequel le droit de repentir peut être exercé.

Deux dates coexistent donc : la date de conclusion du contrat et sa date de prise


d’effet lorsque celle-ci est différente de la première.

461. Les intérêts de la connaissance de cette date de conclusion et d’efficience


sont nombreux920, mais ne seront envisagés ici que ceux liés directement à
l’effectivité du contrat dont notamment l’attribution des risques de la chose dans
les contrats translatifs de propriété tels que la vente, l’échange921, l’apport en
société… Dans ces contrats translatifs de droits réels, les risques sont à la charge
de l’acheteur à partir de la formation du contrat, c’est-à-dire à partir du moment
où l’acheteur, est devenu propriétaire922.

918
T. BONNEAU, « La durée dans les contrats », J.-Cl. Contrats-distribution, fasc 70.
919 ère
Cass. 1 civ., 10 juin 1992, Bull. civ. I, n° 178 : dans le contrat de démarchage à domicile,
qui prévoit un délai de renonciation de sept jours (loi du 22 décembre 1972), le contrat est formé
dès la commande.
920
Ces intérêts ont été précédemment envisagés à différents niveaux de cette étude. A titre de
rappel, la date de formation du contrat joue un rôle dans l’appréciation de la capacité des
contractants, si l’une des parties devient dans l’intervalle entre l’offre et l’acceptation, incapable
ou capable ; elle importe également pour savoir si le retrait de l’offre était possible, c’est-à-dire
s’il est intervenu ou non pendant le délai de maintien obligatoire de l’offre ; elle a une
importance déterminante sur le fonctionnement de certaines procédures comme l’action
paulienne ; elle détermine en cas de modification de la législation, la loi applicable ratione
temporis.
921
Sur cette notion, cf P. GODE, « L’échange », J.-Cl civ., article 1702 à 1707, refondu par R. LE
GUIDEC.
922
C. civ., art. 1583 en vertu duquel l’acheteur devient propriétaire de la chose achetée dès que
le contrat est formé et avant même qu’il en ait pris livraison. En matière d’échange, il a été jugé
que les risques de la chose sont à la charge du coéchangiste à partir du transfert de propriété, et
,en tout cas au plus tard à la date de la mise en demeure de prendre livraison ( CA Bordeaux, 6
novembre 1985, n° 042393).

359
L’article 1138, alinéa deux, du code civil dispose en effet que « Elle
(l’obligation de livrer la chose) rend le créancier propriétaire et met la chose à
ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait
point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel
cas la chose reste aux risques de ce dernier ».

Il est donc nécessaire de connaître le moment exact de la formation du


contrat923, si la chose périt, pour savoir qui supporte cette perte, c’est-à-dire pour
établir l’identité du propriétaire à cette date. Ainsi si la chose est détruite par un
cas de force majeure après la conclusion du contrat, c’est l’acheteur devenu
propriétaire qui en subit la perte924 : il doit en payer le prix au vendeur qui avait
cessé d’en être propriétaire lors de sa destruction.

462. Mais l’attribution des risques n’est pas le seul intérêt de cette date
délimitative. La connaissance de cette date importe aussi pour établir la
survenance du transfert de propriété, indépendamment du rôle joué en matière
de transfert des risques.

La détermination du moment du transfert de propriété importe à plusieurs


égards. Ainsi elle permet d’établir la date d’extinction des droits du vendeur sur
le bien925 et corrélativement la date d’apparition d’un droit de propriété sur ce
même bien dans le patrimoine de l’acheteur. L’intérêt de cette date limitative
n’est alors plus relatif à la relation entre les deux contractants, mais à la relation
entre l’un des contractants et les créanciers de son partenaire, lorsque le bien

923
A moins que le transfert de propriété n’ait été différé par la stipulation d’un terme, auquel cas
la date à prendre en considération serait l’expiration d’un délai que les parties auraient fait partir
à compter de la vente ou la date stipulée. Même observation lorsque le transfert de propriété est
affecté d’une condition suspensive, important la date de survenance de l’événement. Ajoutons
que ce principe du transfert solo consensu ne vaut que pour la vente consensuel d’un corps
certain, c’est-à-dire un bien individualisé au moment du contrat.
924
Cf l’adage « res perit domino », la chose est perdue pour le propriétaire..
925
Il peut également s’agir de créances. En vertu de l’article 1689 du code civil, la cession de
créance est une vente ; la créance est donc transmise par le seul échange des consentements.
« Sur l’échelle du temps, le moment du transfert se situe au premier degré : Echange des
consentements » (P. DE LAPASSE, « Le moment du transfert de propriété lors de la vente des
valeurs mobilières et d’autres droits incorporels », Cah. dr. ent., 5/ 1995, « Faut-il retarder le
transfert de la propriété ? », pp. 18-21, spéc. p. 20).

360
transmis est susceptible de faire partie de leur droit de gage. Ainsi la date du
transfert de propriété importe pour faire obstacle aux saisies exercées par les
créanciers de l’acheteur ou du vendeur926.

L’importance de la connaissance de la date de conclusion du contrat927 se révèle


particulièrement en matière de procédure collective928 ; il est en effet essentiel
de déterminer avec certitude le moment du transfert de propriété du ou des biens
vendus par rapport à l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire
pour établir si cette chose fait partie du gage des créanciers ou pas. Ainsi, si,
avant l’ouverture de la procédure collective dont le vendeur fait l’objet, le bien a
été vendu, mais n’a pas été livré, l’acheteur alors devenu propriétaire du fait du
transfert solo consensu peut revendiquer le bien, à condition que celui-ci soit
identifiable, son droit étant opposable aux autres créanciers s’il parvient à établir
qu’il a acheté le bien avant l’ouverture du redressement judiciaire. Si, au
contraire, la propriété est demeurée celle du vendeur, l’acquéreur concourra
avec les autres créanciers, par exemple, pour obtenir le remboursement des
acomptes versés929.

463. La détermination de la date du transfert de propriété importe également en


droit des assurances. L’article L. 121-10 du code des assurances prévoit, en
effet, la transmission, à l’acquéreur, du contrat d’assurance corrélativement au
transfert de propriété de la chose aliénée930.

926
En ce sens, cf P. BLOCH, « L’obligation de transférer la propriété dans la vente », RTD civ.
1988, p. 673 et s., n°2.
927
Dans l’hypothèse où les contractants n’ont pas différé le transfert de propriété par la
stipulation par exemple d’une clause de réserve de propriété.
928
Cf F. GORE, « Le moment du transfert de propriété dans les ventes à livrer », RTD civ. 1947,
pp. 160-174, spéc. n° 3.
929
Cf G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, 1956, pp. 1108-1109 : « le droit
commercial a décidé de sacrifier le vendeur à la masse… il ne s’est pas arrêté à cette
considération que le vendeur non payé enrichit la masse à ses dépens ».
930
Cass. 1ère civ., 28 juin 1988, n° 86-11.005, RGAT 1988, p. 770, note J. BIGOT : « Le transfert
de la chose assurée opère, en vertu de l’article L. 121-10 du code des assurances, la
transmission active et passive, à l’acquéreur, du contrat d’assurance ». Cf également, P.
CASSON, « Le contrat d’assurance et le transfert de propriété de l’immeuble assuré », Petites
Affiches, n° 39, 31 mars 1997.

361
Ainsi, l’une des conditions de fond de cette transmission931 est la détermination
de l’existence du contrat d’assurance dont la transmission est prévue par la loi
au moment où s’opère le transfert de propriété.

Ensuite, si le contrat est transmis, l’aliénateur perd alors la qualité d’assuré,


l’acquéreur devient l’assuré, est tenu des mêmes obligations que l’aliénateur932
et reçoit, du fait de l’aliénation, les droits issus du contrat existant au moment de
la transmission ; l’assureur peut donc opposer à l’acquéreur les exceptions dont
il disposait, à cet instant, contre l’aliénateur.

Enfin, la date du transfert de propriété sert de référence pour établir qui, du


vendeur ou de l’acquéreur, est débiteur des primes. Sera, en effet, tenu des
primes échues à la date du transfert de propriété emportant transmission du
contrat, l’aliénateur. Les primes à échoir après la date de transmission sont,
quant à elle, en principe, supportées par l’acquéreur ; mais l’aliénateur demeure
garant des primes à échoir dues par le nouveau propriétaire, tant que l’assureur
n’a pas été informé du transfert de propriété933.

L’intérêt de la date de conclusion du contrat ayant été envisagé, reste à


envisager l’utilité de la seconde date délimitative qu’est la date d’extinction du
contrat.

B.- L’extinction du contrat emportant effectivité de certaines stipulations


contractuelles

931
Il doit également s’agir d’une assurance propre à la chose.
932
Cf C. ass., art. L. 121-10: le nouvel assure a la charge « d’exécuter toutes les obligations
dont l’assuré était tenu vis-à-vis de l’assureur en vertu du contrat ».
933
La réglementation propre à l’aliénation des véhicules terrestres à moteur et des navires (C.
ass., art. L. 121-11) impose à l’assuré d’informer l’assureur, par lettre recommandée, de la date
de l’aliénation.

362
464. Il peut paraître inattendu de conférer une quelconque effectivité à un
contrat éteint934. Le contrat est, en effet, privé de tout effet pour l’avenir.

Pourtant, certaines clauses contractuelles deviennent effectives à la date


d’extinction du contrat. Ainsi la durée d’efficacité du contrat se distingue de la
durée d’exécution du contrat. Comme le soutient M. GHESTIN, « la durée
d’efficacité du contrat peut ainsi avoir un point de départ antérieur et un point
d’arrivée postérieur à ceux de la durée d’exécution. D’une façon générale, la
durée d’efficacité du contrat sera plus longue que sa durée d’exécution »935.

Aussi, notamment dans le cas où les obligations issues du contrat se répartissent


en principales et accessoires, certaines dispositions deviendront effectives à
l’extinction du contrat, soit à la date d’exécution de l’obligation principale ou à
la date de survenance de toutes autres causes d’extinction du contrat936.

465. De telles stipulations contractuelles prenant effet à l’extinction du contrat


existent surtout dans les contrats de la vie économique ; elles ont pour but la
sauvegarde de l’entreprise ou du réseau de distribution937, et d’éviter que le
contractant contredise dans l’après-contrat les obligations qu’il a exécutées dans

934
Sauf à donner au terme « suites » employé dans l’article 1135 du code civil, une dimension
temporelle comme le propose G. BLANC-JOUVAN (« Les stipulations à effet postcontactuel en
propriété littéraire et artistique », Communication-Commerce électronique 2003, chron., n° 15).
Ce terme viserait expressément l’après-contrat. Pour cet auteur, « les suites du contrat » seraient
« le prolongement de la convention dans le temps nécessairement inclu dans l’opération
contractuelle ».
935
Traité de droit civil, T. II, Les effets du contrat, LGDJ, 3ème
J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU,
éd., 2001, §. 148 et s. ; cf également, sur la remise en cause des frontières traditionnellement
assignées au contrat, V. M., « Fontaine, Naissance, vie et survie du contrat : quelques réflexions
libres », in Festschrift für KARL H. NEUMAYER, Baden-Baden, 1985, p. 217 et , spéc. p. 228 :
« La « vie » d’un contrat n’est pas toujours inscrite entre deux dates précises où le contrat se
forme, où le contrat s’éteint ».
936
Comme l’arrivée du terme, la résolution…
937
Cf pour un plaidoyer en faveur de ces stipulations à effet postcontractuel, G. BLANC-JOUVAN,
« Les stipulations à effet postcontactuel en propriété littéraire et artistique », préc.

363
le cadre de la convention938. Aussi ces stipulations sont-elles fréquentes, par
exemple, dans les contrats de travail, de franchisage, de concession
commerciale.

Les clauses les plus courantes ont pour but d’empêcher, avec plus ou moins
d’intensité, toute relation du débiteur avec la concurrence. Il peut s’agir d’une
clause de non-emploi du personnel du cocontractant939, de clauses de non-
affiliation940, de clauses de non-concurrence941. Le point commun de toutes ces
clauses est d’avoir pour point de départ la rupture du contrat.

466. Ainsi, prenons le cas de la clause de non-concurrence figurant dans les


contrats de travail et de franchisage942.

Stipulée dans un contrat de travail, elle a pour effet de lier l’employé licencié
par une clause de confidentialité et une certaine loyauté envers son ancien
employeur pendant une durée limitée à compter de la date de cessation du

938
En ce sens, cf B. FAGES, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, préf. J. MESTRE, n°
591 : « ce que l’on a fait pour exécuter le contrat, il ne faut pas au terme de celui-ci, par son
comportement aussitôt le défaire ».
939
Pour un exemple de rédaction de cette clause, cf J.-M. LELOUP, La franchise droit et pratique,
Delmas Encyclopédie, 3ème éd., 2000, §. 2117 : « Pendant deux ans, après la fin du contrat, à
quelque moment et pour quelque cause qu’elle intervienne, les parties s’interdisent
réciproquement de recruter à titre de salariés ou d’utiliser à quelque titre que ce soit,
directement ou indirectement, les salariés ou anciens salariés de l’autre partie ».
940
Ces clauses n’empêchent pas l’ancien franchisé d’exercer dans la même branche d’activité,
mais lui interdisent de s’affilier à un quelconque groupement. Elles peuvent être rédigées comme
suit : « en fin de contrat, après la cessation du contrat, soit à son terme normal, soit dans le
cadre d’une résiliation anticipée, le franchisé s’interdit d’adhérer directement ou indirectement
à un réseau de franchise ou à un réseau de distribution analogue dont l’objet serait
l’exploitation d’une jardinerie » ( CA Paris, 18 décembre 1998, D. Affaires. 1999, 420, JCP E,
numéro spécial Cah. dr. ent. 1999/2, chron. Droit de la distribution, n° 6, obs. D. MAINGUY, P.
GRIGNON ET J.-L. RESPAUD) ; cf également, D. MAINGUY, « Les clauses d’effets du contrat », JCP
E, numéro spécial Cah. dr. ent. 1999/4, p. 17 et s.
941
Y. SERRA, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile, Dalloz, 1991 ; B.
TULLIER, « Les conditions de licéité des clause de non-concurrence », D. 2003, som. com., p.
1222 ; Y. SERRA, « Tsunami sur la clause de non-concurrence en droit du travail », D. 2002,
2491.
942
Une clause de non-concurrence peut figurer dans de nombreux autres contrats, les contrats
cités en exemple ayant été choisis arbitrairement. Aurait pu également être visée la clause de
catalogue, forme atténuée de la clause de non-concurrence, figurant dans le contrat d’artiste ; par
cette clause, l’artiste s’engage en effet à ne pas enregistrer pour un tiers, pendant une certaine
durée après l’expiration du contrat d’exclusivité, les morceaux déjà enregistrés au profit du
premier producteur pendant la période d’exclusivité.

364
contrat. Plus précisément, il a été jugé que cette clause s’applique dès le départ
du salarié de l’entreprise et s’applique dès le début de l’essai avec une autre
entreprise943. Ainsi si le salarié n’est pas dispensé d’effectuer son préavis, il est
lié par l’obligation de non-concurrence dès le premier jour qui suit la date
d’expiration de son contrat de travail. S’il est dispensé du préavis, la clause de
non-concurrence jouera dès le jour de la démission et non à l’expiration du
préavis944.

Stipulée dans un contrat de franchisage, cette clause de non-concurrence alors


dénommée clause de non-rétablissement945 a pour but d’assurer la non-
exploitation, après le contrat, du système franchisé par l’ancien franchisé. La
réglementation communautaire en cette matière illustre bien que la durée
d’efficacité du contrat est plus longue que celle de son exécution. L’article 5.b.
du Règlement d’exemption 2790/1999 du 22 décembre 1999946 dispose que pour
être valide, la clause de non-concurrence doit, entre autres conditions947, être
limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord. Selon cette disposition,
l’effectivité de la clause commence à la date d’expiration du contrat.

943
Cass. soc., 25 février 1997, Bull. civ. V, n° 80.
944
Cass. soc., 19 juillet 1983, D. 1984, inf. rap., 138, obs. Y. SERRA ; 27 septembre 1989, JCP E
1990, II, 15768, D. 1990, 102, note Y. SERRA ; 19 juin 1991, Bull. civ. V, n° 31 ; 15 juillet 1998,
D. 1999, som., 106, obs. Y. SERRA, TPS 1998, com. n°352, Juris-data n° 00.3221 : « Le salarié
dispensé d’effectuer son préavis est en droit de prétendre dès son départ effectif de l’entreprise
au versement de l’indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence ».
Il s’agit d’un revirement de jurisprudence ; antérieurement, la solution inverse était retenue (
Cass. soc., 17 octobre 1985, D. 1985, inf. rap., 387). Cette solution était d’ailleurs conforme à
l’article L. 122-8 alinéas deux et trois du code du travail aux termes duquel « l’inobservation du
délai-congé n’a pas, dans ce cas, pour conséquence d’avancer la date à laquelle le contrat
prend fin. En conséquence, la dispense par l’employeur de l’exécution du travail pendant le
délai-congé ne doit entraîner, jusqu’à l’expiration de ce délai aucune diminution des salaires et
avantages, y compris l’indemnité de congés payées que le salarié aurait reçus s’il avait
accompli son travail ».
945
Définie par H. BENSOUSSAN, « La clientèle « au » franchisé, facteur d’illégitimité de la clause
de non-rétablissement », D. 2001, chron, 2498, comme celle qui « permet à un franchiseur
d’empêcher son ex-partenaire de continuer une activité similaire à celle de son réseau pendant
une certaine durée ».
946
Règlement de la Commission concernant l’application de l’article 81§3 du Traité CE à des
catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOCE, 29-12-1999, L 336/21 à 25 ; D.
2000, Lég., 127.
947
Ces autres conditions sont les suivantes : concerner « des biens ou services en concurrence
avec les biens ou services contractuels », être « limitée aux locaux et terrains à partir desquels
l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat », être « indispensable à la protection du savoir-
faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ».

365
Point de départ de certaines obligations, cette date d’extinction du contrat
comme parfois celle de conclusion ou de prise d’effet du contrat détermine la
date d’exigibilité de l’obligation ; or la connaissance de cette date se révèle
importante, notamment pour sanctionner l’inexécution d’une obligation qui
pourtant était exigible.

§2. La sanction de l’inexécution d’une obligation exigible

467. La délimitation de l’existence ou de l’exécution du contrat emporte donc la


connaissance de plusieurs dates, dont le nombre varie en fonction notamment de
la nature du contrat, et qui sont les dates de conclusion, de prise d’effet,
d’exécution et d’extinction.

En fonction de la nature du contrat, chacune de ces dates peut correspondre à la


date d’exigibilité des obligations. Ainsi si le contrat est à exécution instantanée,
l’obligation sera exigible immédiatement ; la date de formation du contrat
équivaudra à la date d’exigibilité des obligations. Lorsque le contrat est à
exécution successive, la date d’exigibilité de l’obligation correspondra à la date
d’exigibilité de la créance de rémunération ; la date d’exigibilité de l’obligation
sera alors la date d’exécution par le cocontractant de sa prestation issue du
contrat à exécution successive.

Il convient toutefois d’observer que cette date d’exigibilité de l’obligation peut,


même en dehors de tout contrat à exécution successive, être reportée par la
volonté des parties948 ou par celle du juge949. L’utilité de la date du contrat

948
Ainsi la stipulation d’un terme suspensif diffère la date d’exigibilité de l’obligation,
l’exécution de l’obligation ne pouvant être exigée avant l’arrivée du terme. De même ce terme a
pour effet de différer l’exigibilité de la créance de rémunération due en contrepartie de la
prestation. La stipulation d’une clause de réserve de propriété, quant à elle, suspendra le transfert
de propriété à l’exécution de la prestation due en contrepartie, à savoir le paiement.

366
correspondant à la date d’exigibilité de l’obligation ne se révélera bien entendu
que pour autant que cette date n’aura pas subi d’aménagements.

468. La connaissance de la date d’exigibilité de l’obligation se révèle importante


pour le créancier de l’obligation pour obtenir réparation en cas d’inexécution ou
de retard950 d’exécution951.

Cet intérêt se révèle spécialement s’agissant de l’obligation de paiement et plus


particulièrement s’agissant des intérêts dus pour retard de paiement. Les parties
sont en effet libres de prévoir ou non une date ou un délai de paiement dans leur
convention952.

Dans l’hypothèse où la date ou le délai de paiement sont prévus par le contrat953,


l’article L. 441-3 du code de commerce, conformément aux dispositions de
l’article 3,1-a954 de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du
Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les

949
Tel est le cas du délai de grâce qui est une mesure que le juge accorde au débiteur dont la
dette est exigible et que le créancier poursuit pour se libérer.
950
Sur cette notion : A. CATHELINEAU, « Le retard en droit civil », Petites affiches, 28 août 1998,
n° 103 ; pp. 4-11 et 31 août 1998, n° 104, pp. 4-10.
951
Cela même dans les cas où la date d’exigibilité a été modifiée par la volonté des parties, par
celle du législateur ou du juge.
952
Les parties sont d’ailleurs libres de prévoir la date d’exécution d’autres obligations que celle
de paiement. C’est en termes généraux que les Principes Européens du Droit du Contrat (PEDC)
traitent du cas de la date d’exécution. Ainsi l’article 7:102 des PDEC dispose que « Une partie
doit s’exécuter : (a) si une date est fixée par le contrat ou déterminable d’après le contrat à cette
date ; (b) si une période de temps est fixée par le contrat ou déterminable d’après le contrat, à
un moment quelconque au cours de cette période, à moins qu’il ne résulte des circonstances de
l’espèce que c’est à l’autre partie de choisir le moment ; (c) dans tous les autres cas, dans un
délai raisonnable à partir de la conclusion du contrat ».
953
L’article 33 alinéa 2 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 devenu l’article L.
441-6 du code de commerce ne prévoyait, en effet, avant sa modification par la loi n° 2001-420
du 15 mai 2001 (JO 16 mai 2001), que les conditions de règlement et non le temps du paiement,
cette fixation appartenant aux parties . Toutefois, dans le cas où les parties se sont accordées sur
la date de paiement ou sur les conséquences d’un retard de paiement non conformes aux
dispositions prévues par la directive n° 2000/35 du 29 juin 2000 en cas de non-fixation d’un
délai de paiement ou d’intérêts de retard , cet accord sera considéré comme constituant un
« abus manifeste à l’égard du créancier », compte tenu notamment des usages commerciaux ou
de la nature des produits.
954
Aux termes de cet article, « des intérêts de retard seront obligatoirement exigibles le jour
suivant cette date de paiement ou la fin du délai de paiement ».

367
transactions commerciales955, prévoit que la facture doit mentionner « le taux
des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la
facture ».

La connaissance de la date d’exigibilité de l’obligation de paiement, qui dans le


cas d’un contrat à exécution instantanée est celle de conclusion du contrat,
permet donc de déterminer la date à laquelle sont dus les intérêts de retard ; cette
date est d’autant plus importante que les pénalités de retard, selon l’article L.
441-6 du code de commerce, sont exigibles, « sans qu’un rappel soit
nécessaire »956 ; contrairement à ce qui était jusqu’alors prévu en droit interne957,
une mise en demeure préalable de procéder au règlement du prix n’est pas
obligatoire958.

469. Dans le cas du silence gardé par les parties959, c’est-à-dire si aucune date ou
aucun délai de paiement n’ont été prévus au contrat, l’article L. 441-6 du code

955
JOCE n° L 200, 8 août 2000, p.35. La transposition en droit interne devait intervenir avant le
8 août 2002 (article 6.1), date respectée en France puisqu’elle s’est effectuée par la promulgation
de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 précité ; BRDA, 18/00, p. 12 et s.
956
Le législateur a reproduit ici les termes de l’article 3,1-b de la directive n° 2000/35, en
omettant toutefois de recopier l’adverbe automatiquement.
957
Cf C. civ., art. 1230 relatif aux clauses pénales qui dispose que « la peine n’est encourue que
lorsque celui qui s’est obligé (…) est en demeure ». Ainsi était-il nécessaire pour les parties de
prévoir dans leur contrat que le débiteur sera constitué en demeure dès la survenance du terme
pour pouvoir se dispenser de la mise en demeure, l’article 1139 du code civil prévoyant
expressément cette possibilité.
958
La principale conséquence de cette disposition est la modification du point de départ du
calcul des intérêts de retard ; ce n’est en effet plus la date de mise en demeure qui est prise en
considération, mais la date du règlement contractuellement prévue. Il n’est toutefois pas certain
que cette disposition modifie la situation actuelle ; encore faut-il en effet que le vendeur ose
réclamer son dû à l’acheteur, ce qui est incertain lorsque l’acheteur représente une part
importante du chiffre d’affaires, par peur de perdre le marché ; et ce n’est pas l’engagement pris,
lors de la discussion parlementaire (JO débats AN, 24 janvier 2001, compte rendu intégral de la
2ème séance du 23 janvier 2001, p.107) par le secrétaire d’Etat aux PME, au commerce, à
l’artisanat et à la consommation, en vertu duquel les pénalités seront exigées par
l’administration, qui devrait être de nature à rassurer complètement les fournisseurs de la grande
distribution.
959
Et également lorsque la clause relative au délai de paiement a été annulée. L’article 56 de la
loi du 15 mai 2001 a ajouté une précision à l’article L. 442-6, II du code de commerce. Elle
concerne l’application du délai de paiement légal en cas de nullité de la clause relative au délai
de paiement ; si le contrat qui contient la clause fixant le délai de règlement des sommes dues est
annulé pour l’une des trois causes visées par l’article L. 442-6 du même code, le délai de trente
jours posé au deuxième alinéa de l’article L. 441-6 s’applique automatiquement, « sauf si la
juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions différentes qui soient équitables ».

368
de commerce respectant les prescriptions de la directive fixe dans une
disposition supplétive le délai de règlement « au trentième jour suivant la date
de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée » ,
délai au terme duquel les intérêts de retard seront automatiquement exigibles960.

470. Le texte communautaire prévoyait un ordre hiérarchisé d’application de


différents points de départ de ce délai.

Le premier point de départ prévu était la date de réception de la facture par le


débiteur.

Si la date de réception était incertaine ou si le débiteur recevait la facture ou la


demande de paiement équivalente avant les marchandises ou l’exécution de la
prestation de service, le point de départ était constitué par la date de réception
des marchandises ou des prestations. Enfin, si une procédure d’acceptation ou de
vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des
services au contrat était prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur
recevait la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date
de l’acceptation ou de la vérification, la date de vérification jouait alors le rôle
de point de départ.

Le législateur français n’a pas transposé cet ordre ; il a retenu comme point de
départ du délai de paiement la date de livraison961 ou la fin de la décade de

960
L’article 3,2 de la directive n°2000/35 permettait aux Etats membres pour certaines
catégories de contrats, de fixer un délai de paiement maximal de soixante jours à condition
d’empêcher les parties de prévoir dans leur contrat la possibilité de proroger ce délai ou de fixer
un taux d’intérêt obligatoire dépassant le taux légal. Le législateur français n’a pas respecté cette
disposition. Selon l’article L. 443-1 du code de commerce, pour les boissons alcooliques
passibles des droits de circulation prévus à l’article 438 du code général des impôts, à défaut
d’accords interprofessionnels conclus en application du livre VI du code rural et rendus
obligatoires par voie réglementaire, la durée maximale du délai de paiement est de soixante-
quinze jours après le jour de livraison. L’irrespect de ce délai maximal est pénalement
sanctionné ; il est passible d’une amende d’un montant maximal de 75 000 euros (C. com., art.
L. 443-1 al.1).
961
Définie comme la date de remise matérielle de la marchandise à l’acheteur ou à son
mandataire (Rép. Dubourg : AN 1er novembre 1993, p.3821.

369
livraison962ou la fin du mois de livraison963 du bien ou d’exécution de la
prestation.

471. La date d’exigibilité de l’obligation de paiement qui peut ressortir de


l’écoulement d’un délai permet donc de déterminer la date d’exigibilité des
intérêts dus pour retard de paiement ; et la connaissance de la date de règlement,
postérieure à celle figurant au contrat ou sur la facture, permet, quant à elle, de
fixer la limite de l’exigibilité de ces pénalités.

D’ailleurs, l’article L. 441-3 du code de commerce définit cette date de


règlement ; il précise que « le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les
fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire »964.

Ce même article prévoit d’ailleurs que la date de règlement est une mention
obligatoire de la facture ; aussi ne s’agit-il pas d’écrire sur la facture les délais
accordés à son partenaire commercial, mais la date ultime au-delà de laquelle
des pénalités seront exigées, cette date correspondant à celle résultant des
dispositions légales supplétives, des conditions générales de vente ou de la
négociation commerciale.

962
Cf C. com., art. L. 443-1, 1°. Selon la note de service de la DGCCRF n°5955 du 5 août 1993,
les fins de décade doivent être fixée au 10, au 20 et au dernier jour du mois quelle que soit la
durée de ce mois. Ainsi, pour une livraison effectuée entre le 1 er et le 10 janvier (première
décade de livraison), le délai de paiement fixé à trente jours court à compter du 10 janvier et
s’achève le 10 février.
963
Cf C. com., art. L. 443-1, 3°.
964
Selon P. LEBOUCHE, Petites Affiches, 25 décembre 1996, n°155, p. 7, c’est afin d’assurer la
sécurité juridique du débiteur dont l’encaissement des fonds a été retardé par le créancier ou par
tout autre intermédiaire, que le règlement est réputé réalisé au moment où le paiement est
effectivement crédité au profit du créancier, soit à la date de la mise à disposition des fonds et
non celle de la remise du moyen de paiement. Ainsi une lettre de change simplement remise
mais non arrivée à échéance ne constitue pas un règlement puisque le bénéficiaire ne dispose pas
effectivement de la somme qui lui est due. Cette nouvelle disposition impose donc de tenir
compte des délais de compensation interbancaires et des dates de valeur. L’administration a
d’ailleurs précisé que, en cas de paiements fractionnés, la date de règlement est celle à laquelle
doit intervenir le dernier paiement portant règlement définitif du prix du produit ou du service
(note de service de la DGCCRF n° 5955 du 5 août 1993).

370
472. Même si elle résulte de l’écoulement d’un délai, la date d’exigibilité du
contrat devra donc figurer sur la facture sous la forme de quantième du mois, du
mois et de l’année et non sous la forme d’un délai ; c’est pour cela que l’étude
du délai de paiement peut se justifier ici ; il n’est que l’accessoire de l’étude du
rôle de la date en tant que date délimitative de l’effet créateur de droits et
d’obligations.

Mais cette analyse a permis également d’aborder une autre fonction de la date,
celle de point de départ de l’écoulement d’un délai notamment de prescription ;
cette relation entre ces deux études est logique puisque la prescription supposant
l’inaction du créancier, le délai ne commence à courir qu’à compter du jour où
l’obligation est exigible965, fonction qu’il va maintenant s’agir de développer en
excluant toute référence à l’exécution du contrat ; il s’agira alors d’étudier la
fonction procédurale de la date.

section II : la délimitation des droits et actions des contractants

965
Cass. 1ère civ., 9 mars 1999, D. Affaires 1999, 663, obs. V. A.-R. ; Lamy Droit économique,
bull. A, n° 166, avril 1999, p. 9 ; Rapport annuel Cour de cassation 1999, p.388, D. 1999, inf
rap, 95 : « Conformément à la règle selon laquelle le point de départ d’un délai à l’expiration
duquel une action ne peut plus s’exercer se situe nécessairement à la date d’exigibilité de
l’obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-
37 du code de la consommation court, dans le cas d’une ouverture de crédit consentie sous
forme d’un découvert en compte reconstituable, à compter de la date à laquelle prend fin
l’ouverture de crédit ». Pour une créance sous condition suspensive, l’obligation étant exigible
au jour de la réalisation de la condition (C. civ., art. 2257 al. 2), la prescription ne court pas
jusqu’à l’arrivée de l’événement (Cass. civ., 24 février 1847, DP 1847.1.99 ; Cass. Req., 24
février 1853, DP 1853.1.121). Pour une créance à terme, l’obligation étant exigible au jour de
l’échéance (C. civ., art. 2257 al. 4), la prescription ne court pas jusqu’à ce que l’échéance soit
arrivée (Cass. soc., 13 décembre 1945, Bull. civ. n° 236, D. 1946, 137). Quant au
cautionnement, étant un contrat accessoire, la prescription de l’obligation qui en découle ne
commence à courir que du jour où l’obligation principale est exigible (CA Paris, 12 février
1982, Gaz. Pal., 1982.2.som.298).

371
473. L’intérêt de la connaissance de la date précise se révèle particulièrement
dès lors que l’on raisonne en terme de délais. La multitude des délais en droit
des contrats, qu’il s’agisse de délais de forclusion, de prescription, de déchéance
suffit à démontrer l’importance de cette fonction délimitative de la date ; en
effet, un délai n’est rien d’autre qu’une durée délimitée par deux dates.
Déterminer le point de départ et le point d’arrivée du délai revient à déterminer
deux dates. La date du contrat joue un rôle important en matière de computation
des délais (§1), notamment dans sa fonction de dies a quo (§2), c’est-à-dire en
tant que jour point de départ du délai.

§1.- Les modalités de computation des délais

474. La computation des délais, qui s’entend de « l’action de calculer un délai


sur un calendrier »966, est une question qui importe tant en droit civil qu’en droit
pénal967 ; en effet, pour agir en justice, il faut que le droit que l’on exerce ne soit
pas éteint par l’écoulement du temps. De manière générale, la prescription est,
en effet, l’irrecevabilité à agir pour le titulaire d’un droit s’il est resté trop
longtemps inactif.

Il s’agit d’une limite tracée dans le temps à l’exercice de l’action par la loi,
lorsqu’un certain délai s’est écoulé depuis qu’une infraction a été commise, ou
depuis un événement affectant le contrat, sans que la procédure tendant à la
répression de l’infraction (A) ou à la sanction civile d’une inexécution, une

966
Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, PUF, Référence, 3ème éd., 2002,
G. CORNU,
v° computation.
967
Précisons que cette question importe également en droit public, point qui ne sera pas envisagé
dans cette étude. Cf notamment R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Montchrestien,
5ème éd.

372
mauvaise exécution ou un défaut de validité du contrat n’ait été engagée ou
valablement continuée (B).

A.- La computation des délais en droit pénal968

475. L’action publique est prescrite lorsque l’infraction ne peut plus être
poursuivie parce qu’un certain laps de temps s’est écoulé depuis sa perpétration,
sans qu’aucun acte de poursuite ou d’instruction n’ait été accompli. La durée de
ce délai varie en fonction de la nature de l’infraction : en matière de
crime, l’action publique se prescrit par dix ans révolus, en matière de délits par
trois ans et pour les contraventions, une année.

La durée est le seul élément variant en fonction de la nature de l’infraction, le


régime étant le même, s’agissant notamment du point de départ de la
prescription.

476. Ainsi, selon l’article 7, alinéa premier, du code de procédure pénale,


l’action publique se prescrit « à compter du jour où le crime a été commis » et
les articles 8 alinéa premier pour les délits et 9 alinéa premier du même code
pour les contraventions posent la même règle969.

968
Sur cette notion, cf Pratiques professionnelles du pénal, Lamy, 2000, n° 851-1 et s. ; P.
MALIBERT, « Action publique. Prescription », J.-Cl. Procédure pénale, art. 7 à 9.
969
Cf également Cass. chambre mixte, 26 février 1971, Bull. crim., n° 67, p. 173 : « L’action
publique se prescrit, en principe, à partir du jour où l’infraction a été accomplie en tous ses
éléments, c’est-à-dire du jour où les poursuites ont été possibles sous la qualification retenue ».

373
477. La jurisprudence aménage cette règle en décidant que la prescription
commence à courir le lendemain du jour où est commise l’infraction970.

Le jour de l’infraction est donc exclu ; la prescription démarre le lendemain à


zéro heure. Inversement le dernier jour du terme est compris dans le délai
d’expiration à partir duquel la prescription est acquise. Le délai est donc expiré à
l’anniversaire de la date à laquelle la prescription971 a commencé sans qu’il y ait
lieu de retrancher le nombre de jours que pouvaient contenir les mois ou les
années intermédiaires972.

B.- La computation des délais en droit civil973

478. La computation des délais de prescription en matière civile s’effectue de


manière similaire à celle exposée en matière pénale. En application de
l’expression latine « dies a quo non compatur in termino »974, il ressort que le
jour où se produit l’événement qui déclenche le cours de la prescription n’est
pas inclus dans le délai975.

970
Cass. crim., 8 septembre 1998, Bull. crim., n° 227.
971
Soit le jour portant le même quantième que le dies a quo ; cf Cass. crim., 1er février 1993,
Bull. crim., n° 53 ; -2 mars 1960, Bull. crim., n° 132.
972
Cass. crim., 27 décembre 1811, D. jur gen, v° prescription criminelle, n°24.
973
S. JOLY, « La nouvelle génération des doubles délais extinctifs », D. 2001, Chron., 1450.
974
Ce qui signifie que le dies a quo ne compte pas.
975
Ce principe a été consacré par l’Ancien droit (V. MARCADE, Explication théorique et pratique
du Code civil, T. XII, De la prescription, Paris, 7ème éd., 1874, n° 227), alors qu’en droit romain,
le dies a quo était compté dans le délai (cf L. GUILLOUARD, Traité de la prescription, T. 1er ,
Paris, 1900, n° 83). Ce même principe est d’ailleurs retenu en droit administratif où faute de
texte, les juges ont appliqués la méthode développée par la doctrine ( R. CHAPUS, Droit du
contentieux administratif, Montchrestien, 5ème éd., n° 526, p. 470). Selon cette méthode, pour
apprécier le terme d’un délai, il convient d’ajouter une unité au jour de son déclenchement puis
de le dérouler ou de le remonter (CE, 18 novembre 1991, Perrochon, Rec., p. 824, concl.

374
479. Si cette règle emporte l’adhésion unanime de la jurisprudence976 et de la
doctrine977, cette unanimité n’existe pas en matière de dies ad quem. Une chose
est certaine pour tous : en application de l’article 2261 du code civil qui dispose
que la prescription « est acquise lorsque le dernier jour du terme est
accompli »978, le dies ad quem, c’est-à-dire le dernier jour du délai, est inclus
dans le délai979.

480. Une divergence d’opinion apparaît quant à la définition de ce dies ad quem.

Pour certains auteurs980, le dies ad quem est le jour qui a le même quantième que
le jour de l’événement initial ; pour d’autres981, c’est celui qui a le même
quantième que le premier jour compris dans le délai, c’est-à-dire le lendemain
de l’événement initial.

Cette question a priori doctrinale a une incidence pratique, un écart d’un jour.
En effet si l’événement se produit le 1er janvier N et que le délai est de un an, en

conformes O. Fouquet ; Petites Affiches 11 décembre 1991, p. 4 ; CAA Lyon, 2 mars 1994,
commune d’Allos, Rec.T., p. 110).
976
Cass. com. 8 mai 1972, Bull. civ. IV, n° 136 ; 10 juillet 1989, Bull. civ IV, D. 1989, inf rap,
246.
977
Notamment COLIN et CAPITANT par JULLIOT DE LA MORANDIERE, T. II, n° 1614 ; H. LECUYER,
« Prescription », J.-Cl civ., fasc 72, n° 73 et s. ; A. SERIAUX, Droit des obligations, PUF, coll.
Droit fondamental, 2ème éd., 1998, n° 204 ; C. ATIAS, Droit civil. Les biens, Litec, 4ème éd., 1999,
n° 209 ; F. ZENATI ET T. REVET, Les biens, PUF, coll. Droit fondamental, 2ème éd., 1997, n° 318.
978
Notamment Cass. soc., 24 février 1961,Gaz. Pal., 1961.1.369.
979
Cette solution est donc conforme à la procédure civile qui ne connaît plus, contrairement au
droit administratif de délais francs. Le droit administratif fait,en effet, souvent référence aux
délais francs définis par le Président ODENT comme ceux qui ne comprennent « ni le jour qui
leur (sert) de point de départ, ni le jour de l’échéance » (R. ODENT, Contentieux administratif,
Les cours du droit, 1976-1981, p. 1065). Or depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 août
1972 relatif aux délais de procédure, il n’existe plus en principe, en droit judiciaire privé, de
délais francs, tendance qui semble toucher la majorité des délais en matière civile.
980 ème
AUBRY et RAU par P. ESMEIN, Droit civil français, T. II, Paris, 7 éd., 1961, n° 286 ; M.
PLANIOL par G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, T. I, LGDJ, 3ème éd.,
1946, n° 3156 ; B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, Les obligations, Régime général,
Litec, 6ème éd., 1999, n° 386.
981
G. MARTY ET P. RAYNAUD par P. JOURDAIN, Droit civil, Les biens, Dalloz, 1995, n°189 ; J.
FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, 3.Le rapport d’obligation, Armand
Colin, 1999, n° 489 ; J.-L. BERGEL, M. BRUSCHI, S. CIMAMONTI, Traité de droit civil, Les biens,
LGDJ, 1999,n° 200.

375
application de la première technique, le délai expirera le 1er janvier N+1, alors
qu’en application de la seconde méthode, il expirera le 2 janvier N+1.

982
Comme le fait remarquer M. LE BARS , cette dernière méthode a pour effet de
prolonger une année d’un jour. C’est certainement pour cette raison que la
jurisprudence983, dans la majorité des cas, applique la première technique, à
savoir celle considérant que le dies ad quem est le jour qui a le même quantième
que le dies a quo.

Ce raisonnement a d’ailleurs pour avantage d’adopter une unicité entre la


matière civile en générale et la procédure civile. L’article 641 alinéa 2 du
nouveau code de procédure civile dispose, en effet, que « lorsqu’un délai est
exprimé en mois ou en année, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la
dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de
l’événement (…) qui fait courir le délai ». La jurisprudence a d’ailleurs entériné
ce rapprochement déclarant que « la disposition de l’article 641 alinéa 2 du
nouveau code de procédure civile, relative à la computation des délais, n’est que
l’expression en matière procédurale d’une règle de portée générale, applicable à
la notification de tous les actes juridiques ou judiciaires »984.

481. Ce calcul du délai sur un calendrier ne s’effectue pas forcément dans


l’ordre chronologique, « en feuilletant le calendrier à l’endroit »985, mais peut
également consister en un calcul à rebours lorsque sont prévus des délais à
l’envers.

982
In « La computation des délais de prescription et de procédure, quiproquo sur le dies a quo et
le dies a quem », JCP 2000, I, 258.
983
Cass. civ., 3 mai 1854, S., 1854,1,479 ; Cass. 3ème civ., 13 novembre 1984, Bull. civ. III , n°
188, D. 1985, 345, note J.-L. AUBERT.
984
Cass. 3ème civ., 21 décembre 1987 (2 arrêts), Bull civ. III, n° 215 et 216, JCP 1988, II, 21012,
note J. PREVAULT, RTD civ. 1988, p. 392, obs. R. PERROT.
985
Y. CLAISSE, « Sur la computation des « délais à l’envers » devant le juge administratif (Cour
administrative d’appel de Nantes, 29 octobre 1997) », Petites Affiches, n° 39, 1er avril 1998.

376
Ces délais sont nombreux en droit des contrats. A titre d’exemple peuvent être
cités le délai relatif à l’information préalable avant la conclusion du contrat et le
délai de congé ou de renouvellement en matière de bail.

L’article L. 330-3 du code de commerce dispose que « toute personne qui met à
la disposition d’une autre personne un nom commercial, (…), en exigeant d’elle
un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son
activité, est tenue préalablement à la signature du contrat (…) de fournir à
l’autre partie un document donnant des informations sincères(…) », et son
alinéa 4 précise que ce document doit être communiqué vingt jours au minimum
avant la signature du contrat. Le dies a quo de ce délai est donc le jour de la
signature du contrat986.

S’agissant ensuite de l’exemple tiré des baux, la loi du 6 juillet 1989 fixe un
délai de préavis applicable au congé. L’article 15 de cette loi prévoit que le
congé ou l’offre de renouvellement doivent être portés à la connaissance du
preneur au moins six mois avant le terme du contrat, le dies a quo étant donc
constitué par la date d’échéance du contrat.

Dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’un délai compté à rebours que M.
987
PERROT définit comme « le calcul (…) en sens inverse, en remontant le passé
à partir d’un événement futur qui sert de butoir et dont la date est d’ores et déjà
déterminée ».

Mais que le délai soit calculé à l’endroit ou à rebours, la date du contrat


constitue toujours un dies a quo et jamais un dies ad quem.

Reste alors à déterminer quels événements ou dates du contrat sont constitutifs


du dies a quo.

986
Peu important le moment où les parties ont exprimé leurs accords de volonté, le législateur ne
se référant qu’à « l’aspect formel de l’échange des consentements » (E. CHEVRIER, « Loi
Doubin : le délai s’apprécie par rapport à la signature du contrat », D. 2001, Actualité
jurisprudentielle, p. 2674).
987
RTD civ., 1986, p. 179.

377
§2.- La date du contrat en tant que dies a quo de différents délais

482. De nombreux délais coexistent en droit des contrats ; ils se dénomment


délais de prescription, délais de forclusion ou de déchéance, délais préfix988.

Alors que les délais préfix sont des délais accordés pour accomplir un acte ou
une action en justice, ayant pour seule fin d’obliger les titulaires de droit à faire
diligence, la prescription extinctive989 au sens strict est celle qui « emporte la
disparition d’un droit de créance exigible »990.

Mais à côté de cette prescription existe également un cas de prescription


empêchant une créance de naître ; le créancier ne pourra alors agir, non parce
que son droit est éteint, mais parce qu’il n’est jamais né ou n’a jamais été
établi991. Aussi pour faciliter l’étude seront envisagés successivement le dies a
quo des délais ayant pour objet l’action au sens large que leur écoulement
empêche uniquement l’action ou éteigne également le droit (A), et le dies a quo
des délais ayant uniquement pour objet l’extinction d’un droit en mettant en
avant quelle date du contrat importe pour chacun de ces délais (B). Cette étude
démontrera que ce dies a quo est soit la date de formation du contrat, soit celle
de son extinction, soit celle de l’exécution de l’obligation.

988
Sur la distinction entre ces différents délais, cf M. VASSEUR, « Délais préfix, délais de
prescription, délais de procédure », RTD civ. 1950, p. 459 ; R. PERROT, obs. RTD civ 1988, pp.
392-393; S. GUINCHARD, “Le temps en procédure civile », Ann. Univ. Clermont-Ferrand, fasc.
20, p. 21 et s. ; H. SOLUS ET R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. 1, n° 428.
989
Sur cette notion, cf J. CARBONNIER, « Notes sur la prescription extinctive », RTD civ 1952,
171 ; M. BANDRAC, La nature juridique de la prescription extinctive, préf. RAYNAUD,
Economica, 1986 ; A. BENABENT, « Le chaos du droit de la prescription extinctive », Mélanges L.
BOYER, P.U des sciences sociales de Toulouse, 1996 ; B. STRACK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit
civil, Les obligations, 2. Contrat, Litec, 6ème éd., 1998, §. 1026 et s.
990
J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation,
Armand Colin, 1999, n° 480.
991
Il s’agit généralement de délais de garantie, ce qui a conduit Mme JOLY à distinguer les délais
de prescription d’action et les délais de responsabilité (in « La nouvelle génération des doubles
délais extinctifs », D. 2001, Chron., 1450).

378
A.- Le dies a quo des délais ayant pour objet l’action

483. Dans cette catégorie de délais ayant pour objet l’action, figurent les délais
de forclusion ou de déchéance et les délais de prescription tels qu’ils ont été
opposés à ceux de responsabilité, de garantie.

La distinction entre les délais de forclusion et de prescription n’est pas toujours


aisée et en l’absence d’indication du législateur, il revient au magistrat de
qualifier le délai qu’il doit appliquer. Mais qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de
ces délais, une constante est à relever : l’importance de la date du contrat en tant
que dies a quo.

484. S’agissant du délai de forclusion, deux illustrations peuvent être données de


cette importance.

La première concerne l’action en rescision pour lésion de la vente d’immeuble.


L’article 1676 du code civil prévoit un délai préfix de deux ans pour intenter
cette action en cas de lésion de plus des sept douzièmes au détriment du
vendeur ; l’alinéa deux de l’article précité prévoit que le délai court du jour de la
vente992 « contre les femmes mariées et les absents, les majeurs en tutelle et les
mineurs venant du chef d’un majeur qui a vendu ».

485. La seconde illustration relève du droit de la consommation et plus


particulièrement du crédit à la consommation993, s’agissant de contrats conclus

992
Cass. 1ère civ., 18 juin 1962, n° 60-13.267, D. 1962, 608.
993
N. MONACHON-DUCHENE, « La forclusion en matière de crédit à la consommation », JCP
1995, I, 3655 ; A. GOURIO, « Le délai de forclusion en matière de crédit à la consommation, RD
bancaire et financier 2000 p. 201 et s. ; D. DRUESNE-GARNIER, « Crédit à la consommation et
délai de forclusion », Banque et Droit n° 48, juil.-août 1996, p. 8.

379
antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre
2001, dite loi MURCEF994.

Avant cette loi, l’article L. 311-37 du code de la consommation, qui demeure


applicable aux contrats en cours, disposait que les actions nées de l’application
des dispositions protectrices du consommateur de crédit à la consommation
« doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné
naissance à peine de forclusion » ; la jurisprudence en avait déduit que le point
de départ du délai de forclusion était la date de formation définitive du
contrat995.

De même avait-elle décidé que les actions de la caution étaient soumises à ce


délai de forclusion996, le délai de contestation par la caution de la validité de son
engagement commençant à courir du jour où le cautionnement a été consenti. La
date de conclusion du contrat constitue alors le dies a quo de ce délai de
forclusion.

Malgré la réforme issue de la loi MURCEF limitant l’application de ce délai de


forclusion aux « actions en paiement engagées […]à l’occasion de la défaillance
de l’emprunteur », la date de conclusion n’en perd pas moins son rôle de dies a
quo.

994
X. LAGARDE, « Forclusion biennale et crédit à la consommation, la réforme de l’article L.
311-37 du code de la consommation », JCP 2002, I, 106.
995
Cass. 1ère civ., 9 décembre 1997, Bull. civ. I, n° 364, JCP 1998, IV, 1222, Juris-Data n°
004954 : « le point de départ du délai de forclusion opposable à l’emprunteur qui conteste la
régularité de l’offre préalable, par la voie d’action ou d’exception, est la date à laquelle le
contrat de crédit est définitivement formé » ; dans le même sens : Cass. avis, 9 octobre 1992, n°
92-07, Bull. civ., n°4, D. 1992, inf rap, 268, JCP E 1993, I, n° 207, chron. D. MARTIN ; Cass. 1ère
civ., 30 octobre 1995, Contrats, conc., consom., 1995, n° 209, obs. G. RAYMOND, RD bancaire et
bourse 1995, p. 49, obs. F.-J. CREDOT et Y. GERARD ; - 10 avril 1996, Bull. civ. I, n° 178, D.
1996, 527, note T. HASSLER.
996
Cass. 1ère civ., 23 mai 2000, D. 2000, n° 22, Actualité: la forclusion s’applique de même à
l’action de la caution personne physique tendant à faire juger que le créancier ne peut se
prévaloir du cautionnement du fait de la disproportion manifeste de l’engagement à ses biens et
revenus ; Cass. 1ère civ., 15 décembre 1998, Bull. civ. I, n° 365, JCP 1999, II, 10098, note
MONACHON-DUCHENE, RTD civ. 1999, p. 619, obs. J. MESTRE.

380
486. Les contestations de l’emprunteur seraient alors soumises au droit commun
de la prescription, dont la durée du délai est à préciser : délai décennal en
raisonnant par rapport à la solution retenue en matière de crédit immobilier997,
délai quinquennal si l’on considère que la déchéance du droit aux intérêts
équivaut à une nullité de stipulation d’intérêts ; mais dans les deux cas, le point
de départ est la conclusion définitive du contrat.

487. Le rôle de cette date de conclusion en tant que dies a quo ne se limite pas
au délai de prescription de l’action de l’emprunteur dans le cadre d’un contrat
spécial, mais joue également dans le droit contractuel en général.

Ainsi, le délai trentenaire de prescription de l’action en nullité absolue du


contrat998 court à compter du jour de la formation du contrat 999, la jurisprudence
considérant qu’il s’agit de la date qui est souvent la plus certaine1000.

En matière de nullité relative, le délai de prescription de droit commun fixé à


cinq ans par l’article 1304 du code civil débute en principe au jour où l’acte a
été conclu1001; la référence à la date de formation du contrat, comme date de
point de départ du délai de prescription, se retrouve à propos de l’action en
nullité des contrats passés par un incapable qui ne faisait pas l’objet d’un régime
de protection légale. L’article 489, alinéa deux, du code civil prévoit que cette
action doit être intentée par l’incapable ou par son tuteur ou curateur, s’il lui en
a été nommé un dans les cinq années qui suivent le jour où l’acte a été passé.
Cette règle selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale est

997
Cass. 1ère civ., 30 septembre 1997, Bull. civ. I, n°262, Contrats, conc., cons., décembre 1997,
n° 184, obs. G. RAYMOND : « la demande tendant à voir constater la déchéance est soumise à la
prescription décennale ».
998
C. civ., art. 2262.
999
Cass. 1ère civ., 26 janvier 1983, Bull. civ I, n° 39, D. 1983, 317, note A. BRETON, RTD civ.
1983, p. 749, obs. F. CHABAS, p. 773, obs. J. PATARIN.
1000
Cass. req., 5 mai 1879, DP 1880, 1, p.145, note BEUDANT ; Cass. 1ère civ., 19 novembre
1991, n° 90-10.997 et Cass. 1ère civ., 18 février 1992, n° 90-17.952, D. 1993, 277, note J.
MASSIP.
1001
Cass. 1ère civ., 16 mai 1972, n° 71-11.411, D. 1972, 636.

381
la date de conclusion du contrat a vocation à s’appliquer chaque fois qu’aucun
texte ne dispose autrement1002.

488. La date de conclusion du contrat, parce qu’elle constitue la date la plus


certaine joue un rôle central en tant que dies a quo ; mais d’autres dates du
contrat remplissent également la même fonction.

Ainsi les actions naissant du mandat commencent à se prescrire le jour où le


mandat a pris fin1003 ou au moins le jour du dernier acte de gestion1004 . Les
dates d’exécution des obligations et d’extinction du contrat jouent donc
également un rôle important, ce que démontre l’étude de la prescription en droit
pénal.

489. Dans cette branche du droit, la date de conclusion du contrat n’est pas la
seule à remplir la fonction de point de départ du délai de prescription.

Fixer le point de départ de la prescription de l’action publique revient à


déterminer la date à laquelle l’infraction a été commise. Cet instant peut
correspondre à une date du contrat qui varie en fonction de la nature de
l’infraction, en fonction de la durée de l’élément matériel de celle-ci.

Une distinction des infractions est en effet fondée sur la durée de l’élément
matériel ; doivent ainsi être distinguées les infractions instantanées et les
infractions continues. Les infractions continues sont celles dont l’élément
matériel se prolonge pendant une certaine durée du fait de la volonté réitérée du
délinquant. Les infractions instantanées, quant à elles, sont celles dont l’acte
matériel s’accomplit en un trait de temps. Constituant une sous-catégorie à

1002
L’article 1304 du code civil prévoit lui-même une dérogation à cette règle ; ainsi l’alinéa
deux dispose, s’agissant des vices du consentement, que le délai court à partir du jour où la
cause de la nullité a disparu. D’autres dérogations sont issues du droit des incapables lorsque la
nullité est due à l’incapacité (C. civ., art. 464).
1003
CA Aix, 25 juin 1868, DP 1870, 2, 15.
1004
CA Dijon, 2 janvier 1866, DP 1866, 2, 30.

382
l’intérieur des infractions instantanées, les infractions dites permanentes sont
celles dont l’acte matériel s’exécute en un trait de temps, mais dont les effets se
prolongent dans le temps sans aucune intervention de l’auteur des faits initiaux.

490. En fonction de la qualification de continue ou d’instantanée de l’infraction,


le point de départ du délai de prescription différera. Ainsi la prescription de
l’infraction continue commence à courir du jour où l’activité délictueuse a pris
fin, alors que le point de départ de la prescription de l’infraction instantanée ou
permanente est le jour de la commission de cette infraction, même si ces effets
se prolongent après cette date.

491. La majorité des infractions supposant un contrat sont des infractions


instantanées ou des infractions successives non permanentes.

Mais le point de départ varie selon le moment de la commission de l’infraction.


Ainsi cette commission peut correspondre à la date de conclusion du contrat
lorsque l’infraction est constituée à ce moment, ou à celle de son exécution.

La prise en considération de la date de conclusion du contrat peut être illustrée


par le délit de bigamie. Bien que ses effets se prolongent après la date de
conclusion du second mariage, la bigamie est considérée comme un délit
instantané dont la prescription commence à courir au jour de la célébration du
second mariage1005 ; ainsi trois ans après le mariage contracté par bigamie,
l’infraction est prescrite même si ce mariage n’est pas encore annulé.

La date d’exécution du contrat est prise en considération lorsque l’infraction est


consommée lors de la mise en œuvre de la convention ou lorsque celle-ci
produit des effets. Ainsi le délit de fraude est un délit instantané consommé par
la livraison de la chose ; c’est au jour de cette livraison que doit être fixé le point
de départ de la prescription1006. De même s’agissant de l’escroquerie, la

1005
Cass. crim., 12 avril 1983, Bull. crim., n° 97.
1006
Cass. crim., 10 juin 1980, Bull. crim, n° 183.

383
prescription ne commence à courir que du jour de la remise de la chose
détournée, sans qu’il y ait lieu d’avoir égard aux actes qui ont pu ultérieurement
poursuivre ou réaliser l’exécution des titres escroqués1007 ou du jour de la
dernière remise, en cas de remises successives si les manœuvres forment un tout
indivisible1008.

Les magistrats agissent donc ici contra legem, en retardant le point de départ du
délai de prescription à une date ultérieure à celle de la commission de l’acte
matériel.

Le dies a quo des délais de prescription est donc constitué tantôt par la date de
conclusion du contrat, tantôt par celle d’exécution du contrat ; une remarque
identique peut être formulée à l’égard des délais de garanties existant en matière
contractuelle.

B.- Le dies a quo des délais ayant pour objet l’extinction d’un droit

492. Parallèlement aux délais de forclusion éteignant uniquement l’action et aux


délais de prescriptions éteignant les droits et actions, existe une catégorie de
délais se rencontrant en matière de garantie.

Ces délais, qualifiés de délais de responsabilité1009, emportent uniquement


l’extinction du droit, la naissance et l’extinction de l’action ne correspondant pas
alors nécessairement avec celles du droit1010.

1007
Cass. crim., 16 décembre 1965, Bull. crim., n° 279.
1008
Cass. crim., 18 juillet 1968, Bull. crim., n° 234.
1009
Cf S. JOLY, « La nouvelle génération des doubles délais extinctifs », préc. ; C. LARROUMET,
« La responsabilité du fait des produits défectueux », D. 1998, chron., 311 ; cet auteur utilise
également l’expression de délai « de garantie ».
1010
Ainsi, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les points de départ des
délais de responsabilité et de prescription de l’action sont distincts. L’article 1386-16 du code

384
493. Ces délais de responsabilité se rencontrent fréquemment. L’une des
matières privilégiées est celle du droit des assurances où la durée de la garantie
est légalement ou conventionnellement arrêtée, et où différentes dates du contrat
fixent les limites de cette durée.

Cette affirmation peut être illustrée par les contrats d’assurance de responsabilité
civile professionnelle1011, pour lesquels la durée de la garantie était jusqu’au
mois de février 20021012 réglementairement déterminée. Aux termes de
différents textes, l’assureur garantissait l’assuré pour toutes les réclamations
présentées entre le moment de la prise d’effet du contrat et son extinction 1013;
l’assureur était ensuite tenu de prendre en charge les sinistres dont le fait
générateur était survenu pendant la durée du contrat et à condition que la
réclamation de la victime ait été effectuée dans un délai limité suivant son
extinction1014 ; enfin, dans certains cas, une clause dite de reprise du passé

civil fixe le point de départ de la prescription de l’action à « la date à laquelle le demandeur a eu


ou aurait du avoir connaissance du dommage » ; l’article 1386-17 du même code fixe le point
de départ du délai de responsabilité au jour « de la mise en circulation du produit qui a causé le
dommage ». Le point de départ de ces deux délais et leur durée (trois ans pour le premier, dix
ans pour le second) étant différents, le dies ad quem de ces deux délais et donc leur durée
peuvent diverger. Pour une étude de la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des
produits défectueux, cf L. MAYAUX, « L’incidence de la loi du 19 mai 1998 sur la durée de
garantie d’assurance en matière de produits livrés », RGDA 1999, pp. 63-90. cf contra, J.
CARBONNIER, « Notes sur la prescription extinctive », RTD civ. 1952, p. 181 ; l’auteur déclare
que « la théorie de la prescription est près de se dissoudre dans la théorie de la responsabilité ».
1011
S. BERTOLASO, « Une nouvelle gestion du temps dans les contrats d’assurance de
responsabilité professionnelle », JCP 2002, Actualité, 264 ; H. GROUTEL, « Nettoyage de
printemps (A propos de l’étendue de la garantie dans le temps) », Resp. civ. et assur., 2002,
chron. 5, pp. 4-5.
1012
Décrets n° 2002-207 et n° 2002-208 du 12 février 2002 (JO 19 février 2002, p.3176 ; JCP
2002, actualité 113 et 130) et trois arrêtés du 5 février 2002 (JO 15 février 2002, p. 2972, 2982,
2983). Pour autant, les dispositions antérieures demeurent applicables pour les polices en cours
d’exécution.
1013
Par exemple, s’agissant du contrat d’assurance professionnelle des commissaires aux
comptes, l’alinéa deux de l’article 4 de l’annexe à l’arrêté du 13 mars 1972 dispose que « la
garantie s’exercera pour les réclamations présentées entre la date de prise d’effet et celle de
l’expiration ou de résiliation du contrat. […] ».
1014
S’agissant du contrat d’assurance professionnelle des courtiers d’assurance, l’article R. 530-
8 du code des assurances prévoyait «la réparation de tout sinistre connu de l’assuré dans un

385
inconnu obligeait l’assureur à indemniser les sinistres survenus au cours d’une
période limitée précédant la date de prise d’effet du contrat1015.

De l’analyse de ces différents textes, il ressort que tant la date de prise d’effet du
contrat, que sa date de cessation, d’expiration ou de résolution constituaient le
point de départ de la durée de garantie, du délai de garantie.

494. La loi n° 2003-706 du 1er août 2003 dite loi de « sécurité financière » a
encadré l’application dans le temps des garanties d’assurance de
1016
responsabilité ; l’article L. 124-5, alinéa premier, du code des assurances
dispose désormais que, dans les contrats d’assurance de responsabilité, le
déclenchement de la garantie s’effectuera au choix par le fait dommageable ou
par la réclamation de la victime ou de l’assuré. S’agissant du mécanisme de
déclenchement de la garantie par la réclamation, la réclamation1017 suffit à elle
seule à déclencher la garantie à l’exclusion de tout autre élément constitutif du
sinistre1018. Le seule condition relative au fait dommageable est qu’il soit

délai maximum de douze mois à compter de l’expiration du contrat, à condition que le fait
générateur du sinistre se soit produit pendant la période de validité du contrat » ; rédaction
identique pour les professionnels de l’immobiliers (Annexe I à l’arrêté du 1 er septembre
1972, art. 1er) et pour les experts en automobiles (Annexe à l’arrêté du 13 août 1974, art. 3).
1015
Ainsi, l’article premier de l’annexe I à l’arrêté du 1 er septembre 1972 relatif au contrat
d’assurance de responsabilité civile des professionnels de l’immobilier dispose que « si les faits
générateurs des dommages sont survenus avant la souscription du contrat, la garantie ne les
couvrira que si : -lesdits faits générateurs se sont produits au cours de la période de douze mois
précédent la souscription du contrat […] ».
1016
G. BARBIER, « Les nouvelles dispositions légales encadrant l’application dans le temps des
garanties d’assurance de responsabilité », JCP 2003, Actualité, 329 ; H. GROUTEL, « Fausses
notes au parlement », Resp. civ. et assurance, août 2003, Repères.
1017
Constitue une réclamation , toute demande en réparation amiable ou contentieuse formulée
par le tiers lésé ou ses ayants droit, qu’elle soit adressée indifféremment à l’assuré ou à
l’assureur (cf J. BIGOT, « La loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 sur l’assurance de la
responsabilité médicale, Une lueur d’espoir pour les « clauses réclamations », JCP 2003, I, 118 ;
Cass. 1ère civ., 16 mai 1995, RGAT 1995, p. 422, note J. BIGOT). Cette définition correspond à
celle donnée par la jurisprudence (Cass. 1ère civ., 13 octobre 1967, RGAT 1968, p. 108, note
BOUT).
1018
Cette notion de sinistre a été définie par le législateur en décembre 2002, lors de la
modification du régime de responsabilité civile médicale ( J. BIGOT, « La loi n° 2002-1577 du 30
décembre 2002 sur l’assurance de la responsabilité médicale, Une lueur d’espoir pour les
« clauses réclamations », préc. ; Y. LAMBERT-FAIVRE, « La responsabilité médicale : la loi du 30
mars 2002 modifiant la loi du 4 mars 2002 », D. 2003, chron., 361 ; P. MISTRETTA, « La loi n°
2002-1577 du 30 décembre 2002 … », JCP 2003, Actualité, 57). Selon l’article L. 251-2

386
antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie1019. Sera donc
garanti le fait dommageable survenu pendant la période de « passé inconnu » ;
d’ailleurs l’article L. 124-5, alinéa quatre nouveau, du code des assurances
prévoit que la victime qui forme sa réclamation pendant le cours du délai
subséquent est indemnisée pour les sinistres dont le fait dommageable est
survenu pendant la période de passé inconnu. Cette garantie subséquente1020, de
cinq ans au moins, est due par l’assureur à compter de l’expiration ou de la
résiliation de la garantie1021.

1022
Cette formulation du point de départ du délai de garantie a conduit M. BIGOT

à se demander s’il ne s’agissait pas plutôt de la date d’expiration ou de


résiliation du contrat, seul le contrat pouvant être résilié, non la garantie. Selon
cette analyse, la date de cessation du contrat conserverait tout son intérêt. Il peut
être objecté à cette analyse que la durée du contrat qui est le temps séparant sa
conclusion de son extinction n’est pas la durée de garantie. Mais cette durée de
garantie peut être comprise comme « le temps pendant lequel le produit ses
effets »1023, « le temps pendant lequel la réalisation du risque contrat obligera
l’entreprise d’assurances à accorder sa garantie »1024. Or, ce temps peut être
postérieur à la fin de la période d’effets, notamment lorsqu’est stipulée une
clause de garantie subséquente ; l’assureur est alors tenu à garantie pour des
réclamations postérieures à la période d’effets, mais à la condition que le fait
générateur soit compris dans cette période1025. Ainsi, seule l’obligation de

nouveau du code des assurances, le sinistre est constitué pour les risques relevant de la loi, par le
dommage causé au tiers engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait générateur
imputable aux activités de l’assuré, garanti par le contrat, et ayant donné lieu à réclamation. Cf
également C. ass., art. L. 124-1-1 issu de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003.
1019
C. ass., art. L. 124-5 al. 4.
1020
Sauf si la nouvelle garantie est souscrite en base réclamation, auquel cas il n’y a pas de délai
subsequent “cf. C. ass., art. L. 124-5).
1021
C. ass., art. L. 124-5 al. 4 et 5.
1022
In « La loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 sur l’assurance de la responsabilité médicale,
une lueur d’espoir pour les « clauses réclamations » », préc., n°16.
1023
En ce sens, cf H. GROUTEL, Le contrat d’assurance, Dalloz, Coll. Connaissance du droit, p.
101.
1024
Cf également L. MAYAUX, « Le risque garanti », in Traité de droit des assurances, tome 3, Le
contrat d’assurance, LGDJ 2002, n° 1147 et s.
1025
Cf pour une définition similaire : J. LANDEL ET M. CHARRE-SERVEAU, Lexique des termes
d’assurance, Editions L’Argus de l’assurance, 2003.

387
règlement de l’assureur se trouve en dehors de la période d’effectivité du
contrat, étant conditionnée et suspendue à la réclamation de la victime1026 ;
l’obligation de couverture, elle, est comprise dans cette période. Dès lors la
durée de garantie s’applique à cette seule obligation de couverture. Il
conviendrait donc de suivre la remarque de M. BIGOT, et considérer que le
législateur visait plus la cessation du contrat que celle de la garantie. D’ailleurs,
dans la partie relative aux conditions d’entrée en vigueur de la loi, il est prévu
que la garantie est régie par les dispositions de la loi concernant le
déclenchement de la garantie par le fait dommageable, lorsque « la survenance
du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition
nécessaire de l’indemnisation »1027.

La date de cessation du contrat ou de la fin de son effectivité joue encore un rôle


en matière d’assurance en ce qu’elle constitue le point de départ de la durée la
garantie subséquente ; ce point de départ est utile pour déterminer si la
réclamation de la victime porte sur un dommage dont le fait générateur s’est
produit pendant la durée de validité du contrat, comprise comme la période
d’effet de la convention.

495. La date d’exécution du contrat sert également de dies a quo des délais
ayant pour objet l’extinction d’un droit ce que démontre les modalités
d’engagement de la responsabilité du constructeur. Celui-ci est en effet soumis à
un délai de responsabilité que la jurisprudence a qualifié de « délai
d’épreuve »1028 de dix ans à compter de la réception des travaux1029 pour les

1026
Cf J. KULLMANN (Lamy assurances, 2002, n° 1251 et s.) qui considère que la clause claims
made est « une condition suspensive de la garantie de l’assureur ».
1027
L. n° 2002-706 du 1er août 2003, art. 80, IV.
1028
Cass. 3ème civ., 15 février 1989, Bull. civ. III, n° 36 (arrêt n° 2) : Le délai de la garantie
décennale étant un délai d’épreuve et non un délai de prescription, toute action fondée sur cette
garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception.
1029
C. civ., art. 2270 et 1792-6.

388
« dommages […] qui compromettent la solidité de l’ouvrage, ou qui, […], le
rendent impropre à sa destination »1030.

496. Date de conclusion, date de prise d’effet, date d’exécution, date


d’extinction, toutes ces images fixes du temps présentent donc une utilité
certaine dans l’appréhension des droits dans la durée, l’adage quieta non
movere1031 démontrant bien cette importance, mais également dans la relation
conflictuelle des contractants et tiers et pour la répression des comportements
antisociaux, trouvant notamment leur origine dans un contrat, réprimés au titre
du droit pénal.

1030
C. civ., art. 1792.
1031
Il ne faut pas troubler ce que le temps a consolidé.

389
390
Conclusion de la deuxieme partie

497. La date déterminée, qu’il s’agisse de la date de conclusion du contrat, de sa


prise d’effet, de son exécution, se révèle utile tant à l’égard des tiers au contrat
et de la société en général, qu’à l’égard des parties.

Cette utilité ne semblait faire aucun doute à l’égard des tiers, puisque la
dimension utilitaire de la date n’est expressément visée par le code civil que
relativement au mécanisme de la date certaine ou certifiée ; celle-ci conditionne,
en effet, l’opposabilité du contrat aux tiers.

Or force est de constater que ce n’est pas dans cette fonction légalement
attribuée que la date revêt le plus d’importance.

Le rôle du mécanisme de la certification a, en effet, été amoindri par les règles


de la publicité, et la date certaine ne joue alors plus que subsidiairement.
L’efficacité future de ce mécanisme est également incertaine, le législateur ayant
omis de l’adapter à l’écrit électronique, qu’il a pourtant consacré en 2000. Il
paraît ainsi difficile de concevoir comme mode de certification de l’écrit
électronique sa relation dans un acte authentique, qui n’existe actuellement que
sur support papier ; un tel mécanisme serait en totale contradiction avec l’esprit
de la loi du 13 juin 2000 dont le but a été de mettre sur un pied d’égalité l’écrit
électronique et l’écrit papier.

498. Amoindrie dans les relations avec les tiers, l’utilité de la date déterminée se
révèle pleinement lorsqu’il s’agit de régler un problème survenant à l’intérieur

391
de la sphère contractuelle. Elle permet ainsi de vérifier la validité du contrat, de
déterminer son effectivité et donc le moment de son effet créateur, de constater
l’inexécution des obligations et de conditionner les actions visant à sanctionner
ces fautes contractuelles en délimitant leur exercice dans le temps et en fixant
l’époque à laquelle il faut se placer pour évaluer la sanction.

499. Cet accroissement d’utilité de la date déterminée dans la sphère


contractuelle emporte des conséquences sur le degré de précision exigé de la
date. Le caractère vraisemblable de la date, c’est-à-dire le caractère d’une date
qui n’est pas la date réelle, mais dont l’établissement est issu d’un procédé fiable
de preuve, est souvent insuffisant, puisqu’il ne vaut que s’agissant de
l’établissement d’un droit concurrent à celui d’un tiers, d’une faute à l’encontre
de la société.

Une date précise est donc fréquemment nécessaire, ce qui démontre


l’importance de l’étape préalable à toute action réparatrice qu’est celle de la
datation et notamment d’une datation en la forme calendaire, dans l’expression
la plus complète du trinôme jour-mois-année.

392
Conclusion générale

500. L’ étude de la relation de la date et du contrat révèle que la première notion


se décline au pluriel, tant les instants influant sur le cours du contrat sont
nombreux. Cette date peut en effet être date du contrat, contenu dans celui-ci,
mais également toute date lui étant extérieure, qu’il s’agisse d’une date voulue
par les parties, ou d’une date subie en ce qu’elle est par exemple issue d’un
événement naturel inexorable.

Cette date peut ensuite être une des dates du contrat, puisque celui-ci
s’inscrivant dans l’écoulement du temps, voit son cours rythmé par ses instants.
Ces instants peuvent être la date de conclusion du contrat, les dates de sa prise
d’effet, de sa résolution, de son annulation, de son exécution. Et chacune de ces
dates peut connaître une multitude de fonctions, qu’il s’agisse d’une fonction de
référence ou d’une fonction de condition.

393
Ainsi, la date de formation du contrat constitue la référence temporelle de
l’appréciation de la validité du contrat au moment de sa formation, celle de
l’évaluation des dommages réparables des déséquilibres ou disproportions entre
les obligations des parties; elle conditionne également l’opposabilité des droits
aux tiers, la répression pénale de certains comportements. Jointe à la date
d’extinction du contrat, elle permet de délimiter la période d’effectivité du
contrat, à condition toutefois que les parties n’aient pas prolongé ses effets au-
delà de la durée du contrat. En effet, la date d’extinction du contrat peut
constituer, outre une extrémité de la « vie » du contrat, le moment de la prise
d’effet de clauses prévues par le contrat éteint, pour aménager la période
postcontractuelle ou le point de départ de certains délais, comme les délais de
responsabilités ou de prescription.

501. L’énoncé de ces fonctions multiples démontrent l’utilité des dates du


contrat, qu’il s’agissent de régler des différends survenant entre les parties au
contrat, ou en dehors de la sphère contractuelle.

Cette affirmation conduit alors à un second constat : les parties, les tiers ou les
juges ne s’intéressent à la date que lorsque survient un litige. Et ce n’est qu’à ce
moment-là que se pose le problème de sa détermination, voire de sa
quantification. Si le contrat s’exécute normalement, il ne sert à rien de
s’interroger sur la date d’exécution normale ou conventionnellement prévue,
puisque celle-ci n’a d’intérêt que pour constater un retard susceptible de donner
lieu à réparation. De même à défaut de conflits de titres, il ne sert à rien d’établir
la date de conclusion respective de ces deux contrats et de ce fait l’antériorité de
l’un par rapport à l’autre.

502. La datation d’un instant du contrat n’est donc nécessaire que dans un
contexte conflictuel. La précision de la datation sera alors fonction des parties au
litige. Les caractères exigés de la date diffèreront selon qu’il s’agit d’établir un

394
droit à l’encontre d’un tiers au contrat ou de la société en général, ou à l’égard
du contractant.

Ainsi, les qualités maximales seront requises pour tout conflit survenant dans la
sphère contractuelle. Pour être efficace, la date devra souvent être complète,
précise, c’est-à-dire exprimée sous la forme du trinôme jour-mois-année ; en
effet de nombreux délais comptés en jour ont pour dies a quo une date du
contrat, et nécessitent de ce fait la connaissance du jour précis de la survenance
de l’événement constitutif du point de départ. Cette date devra en outre être la
date certaine, exacte, c’est-à-dire qu’il doit s’agir réellement du jour calendaire
où le fait ou l’acte s’est produit et que cette date soit considérée comme la
véritable date par la personne à laquelle elle est opposée.

Inversement, aucune exigence de précision n’est formulée à l’égard de la date


lorsqu’elle est un élément de résolution d’un litige survenant en dehors de la
sphère contractuelle. Généralement une date vraisemblable, mais toutefois
fiable, suffira puisqu’il s’agira seulement d’établir une antériorité ; cette
antériorité peut être celle du contrat par rapport à la commission de l’infraction,
celle d’un droit issu du contrat par rapport à celui d’un tiers, celle de la créance
par rapport à l’acte frauduleux en matière d’action paulienne. C’est d’ailleurs
sur cette notion d’antériorité qu’est fondé le mécanisme de la date certaine ou
certifiée, prévu par l’article 1328 du code civil. Cette disposition permet
seulement de certifier à l’égard des tiers que la date de conclusion d’un acte sous
seing privé est survenue antérieurement à l’événement certificateur ; elle
n’établit en rien la date concrète de cet acte, mais simplement sa date
vraisemblable, suffisante en matière d’opposabilité.

503. Date concrète et date vraisemblable ont donc chacune une utilité certaine,
conditionnée par la localisation spatiale du litige, à savoir dans ou hors sphère
contractuelle.

Pourtant force est de constater que le rôle de la date vraisemblable s’est


amenuisé ; le législateur ne prend plus comme référence pour l’application de

395
l’adage Prior tempore, potior jure, la date de naissance des droits. La date
vraisemblable paie ainsi son manque de précision, de certitude et de fiabilité que
ne connaît pas le système des publicités qui lui est préféré.

La véritable utilité d’une date déterminée, dans la relation qu’elle entretient avec
le contrat, semble donc cantonnée à la sphère contractuelle, constat qui risque
d’être confirmé si le législateur n’adapte pas le mécanisme de la date certifiée
aux écrits électroniques, récemment consacrés, notamment en concevant
d’autres procédés de certification que ceux visés à l’article 1328 code civil.

396
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M. (B.) ET L. (F.), note sous Cass. com., 28 avril 1998, D. 1999, 469.

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M. (J.),

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-note sous Cass. 3ème civ., 10 octobre 1972, D. 1973, 378.

M. (P.), note sous Cass. com., 6 mai 1997, Quot. jur., 23 septembre 1997, n° 76,
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MARTINE (E.-N.), obs. Sous Cass. 1ère civ., 12 décembre 1979, D. 1980, inf rap,
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-note sous Cass. 1ère civ., 22 avril 1992, RGAT 1992, p. 497.

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468
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MAZEAUD (J.),

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MEMETEAU (G.), note sous Cass. 1ère civ., 5 mai 1993, JCP 1994, II, 22279.

MERCADAL (B.), obs. sous Cass. com., 28 avril 1998, D. 1999, som. com., p. 319.

MESTRE (J.),

-obs. sous Cass. 1ère civ., 15 décembre 1998, RTD civ. 1999, p. 619.

-obs. sous Cass. com., 24 novembre 1998, RTD civ. 1999, p. 98.

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-obs. sous Cass. com., 17 juin 1997, RTD civ. 1998, p. 100.

-obs. sous Cass. com., 13 mai 1997, RTD civ. 1998, p. 101.

-obs. sous Cass. com., 6 mai 1997, RTD civ. 1997, p. 936.

-obs. sous CA Paris, 3 novembre 1994, RTD civ. 1995, p. 369.

-obs. sous Cass. com., 1er février 1994, RTD civ. 1994, p. 356.

469
-obs. sous Cass. com., 3 novembre 1992, RTD civ. 1993, p. 124.

-obs. sous Cass. soc., 25 février 1992, RTD civ. 1992, p. 760.

-obs. sous Cass. com., 7 janvier 1992, RTD civ. 1992, p. 762.

-obs. sous Cass. com., 19 juin 1990, RTD civ. 1990, p. 659.

-obs. sous Cass. com., 13 mars 1990, RDT civ. 1990, p. 464.

-obs. sous Cass. 1ère civ. 12 juillet 1989, RTD civ. 1990, p. 468.

-obs. sous CA Versailles, 15 mars 1988, RTD civ. 1989, p. 295.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 22 juillet 1987, RTD civ. 1988, p. 345.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 2 juin 1987, RTD civ. 1988, p. 528.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 28 octobre 1986, RTD civ. 1987, p. 765

-obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juillet 1986, RTD civ. 1987, p. 748.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 5 février 1985, RTD civ. 1986, p. 105.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 17 janvier 1984, RTD civ. 1984, 719.

-obs. sous Cass. com., 30 novembre 1983, RTD civ. 1985, p. 166.

-obs. sous Cass. 3ème civ., 26 octobre 1983, RTD civ. 1985, p. 160.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 8 juin 1983, RTD civ. 1985, p. 168.

MIMIN (P.), note sous Cass. civ., 10 juillet 1945, D. 1946, 181.

MESTRE (J.) ET FAGES (B.),

-obs. sous Cass. 1ère civ., 20 février 2001, RTD civ. 2001, p. 363.

470
-obs. sous Cass. 1ère civ., 19 mars 2002, RTD civ. 2002, p. 510.

MONACHON-DUCHENE (N.), note sous Cass. 1ère civ., 15 décembre 1998, JCP
1999, II, 10098.

MOURALIS (J.-L.), note sous Cass. 1ère civ., 28 mars 1995, D. 1996, 180.

MOURY (J.), note sous Cass. com., 29 mars 1994, D. 1995, 520.

MUTELET (C.), v°. BRAULT (P.-H).

PAISANT (G.), note sous Cass. 3ème civ., 30 juin 1992, D. 1993, som., p. 236.

P. (S.), note sous Cass. 1ère civ., 3 juin 1998, D. Affaires 1998, 1393.

PE, note sous Cass. civ., 22 décembre 1959, JCP 1960, II, 11494.

PERROT (R.), obs. sous Cass. 3ème civ., 21 décembre 1987, RTD civ. 1988, p.392.

PIEDELIEVRE (S.), note sous Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, JCP 1997, II, 22826.

471
PILLEBOUT (J.-F.), note sous Cass. 1ère civ., 18 octobre 1994, JCP N 1996, II, p.
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PIROVANO (A.), note sous Cass. com., 15 octobre 1969, D. 1970, 83.

PLANCQUEEL (A.), note sous Cass. 1ère civ., 2 avril 1979, Gaz. Pal. 1980, 1, 213.

PREVAULT (J.),

-note sous Cass. 3ème civ., 21 décembre 1987, JCP 1988, II, 21012.

-note sous Cass. 1ère civ., 12 décembre 1979, JCP 1980, II, 19464.

PY (B.), note sous Cass. 1ère civ., 19 octobre 1999, Petites Affiches, 23 février
2003, n° 39, pp. 14-19.

RABUT (A.), note sous Cass. soc., 20 juillet 1954, JCP 1955, II, 8775.

RADOUANT (J.), note sous CA Paris, 9 juin 1961, D. 1961, 247.

RAYMOND (G.),

-obs. sous Cass. 1ère civ., 30 septembre 1997, Contrat, conc., cons., décembre
1997, n° 184.

-obs. sous Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, Contrats, conc., cons., janvier 1997,
n° 11, p. 18.

472
-obs. sous Cass. 1ère civ., 30 octobre 1995, Contrats, conc., cons., 1995, n° 209.

RAYNAUD (G.), obs. sous Cass. crim., 14 janvier 1997, Contrats, conc., cons.,
1997, com., n° 108.

REIGNE (P.), note sous Cass. 1ère civ., 3 juillet 1996, D. 1997, 500.

REMOND-GOUILLOUD (M.), obs. sous Cass. com., 3 octobre 1989, D. 1990, som.,
269.

RESPAUD (J.-L.), v° D. MAINGUY.

RIVES-LANGES (J.-L.), v° M. CABRILLAC.

RODIERE (R.),

-note sous Cass. com., 21 novembre 1972, D. 1974, 213.

-note sous Cass. com., 4 mars 1965, JCP 1965, II, 14219.

ROUJOU DE BOUBEE (G.),

-note sous Cass. crim., 26 novembre 1985, RD imm. 1986, p. 264.

-note sous Cass. crim., 14 janvier 1982, RD imm. 1982, p. 438.

473
ROUAST (A.), note sous Cass. soc., 27 avril 1964, D. 1965, 214.

ROUQUET (Y.), note sous Cass. 3ème civ., 27 février 2002, D. 2002, 1341.

ROUX (D.), note sous CA Reims, 2 mars 1987, D. 1988, 251.

ROUX (J.-A.),note sous Cass. crim., 25 novembre 1927, S. 1929, 1, 153.

RZEPECKI (N.),

-note sous Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998, JCP 1999, II, 10133.

-note sous Cass. 1ère civ., 3 juin 1998, JCP 1999, II, 10010.

S. (A.), note sous Cass. com., 16 décembre 1975, JCP 1976, II, 18248.

SAVATIER (R.),

-note sous Cass. 1ère civ., 1er juin 1976, JCP 1976, II, 18483.

-note sous Cass. soc., 6 avril 1951, D. 1951, 505.

SAVAUX (E.), note sous Cass. 1ère civ., 20 février 2001, Defrénois 2001, article
37365, p. 705 et s.

474
SCHMIDT-SZALEWSKY (J.), note sous Cass. 3ème civ., 14 janvier 1987, D. 1988,
80.

SERINET (Y.-M.), note sous Cass. 3ème civ., 29 janvier 2003, JCP 2003, II, 10116.

SERRA (Y.),

-obs. sous Cass. soc., 15 juillet 1998, D. 1999, som., p. 106.

-note sous Cass. soc., 27 septembre 1989, D. 1990, 102.

-obs. sous Cass. soc., 19 juillet 1983, D. 1984, inf rap, p. 138.

SIMLER (P.)ET DELBECQUE (P.),

-note sous Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, JCP 1997, I, 3991.

-note sous CA Paris, 30 janvier 1996, JCP 1997, I, 3991.

SINAY (H.), note sous Cass. com., 21 novembre 1967, D. 1968, 279.

SOULEAU (H.), note sous Cass. 1ère civ., 2 avril 1979, Defrénois 1980, p. 953.

TROCHU (M.), note sous Cass. com., 3 janvier 1972, D. 1972, 649.

VALERY (J.), note sous Cass. req., 14 mai 1912, D. 1913, 1, 281.

475
VASSEUR (M.), obs. sous Cass. com., 6 mars 1985, D. 1986, inf. rap., 213.

VERON (M.),

-note sous Cass. crim., 27 juin 2002, Droit pénal 2003, comm., n° 1.

-note sous Cass. crim., 18 octobre 2000, Droit pénal 2001, com., n° 28.

VIALLA (F.), note sous Cass. 1ère civ., 7 novembre 2000, JCP 2001, II, 10452.

VINEY (G.),

-obs. sous Cass. 1ère civ., 26 mai 1994, JCP 1994, I, 3809.

-obs. sous Cass. com., 2 novembre 1993, JCP 1994, I, 3773.

VION (M.), note sous Cass. 1ère civ., 28 octobre 1986, Defrénois 1987, p. 257.

VIRASSAMY (G.), note sous Cass. com., 3 novembre 1992, JCP E 1993, pan., n°
46.

WACONGNE (M.), note sous Cass. 1ère civ., 22 octobre 1996, D. 1997, 515.

WEBER (J.-F.), note sous Cass. 3ème civ., 2 février 2000, JCP 2000, II, 10289.

476
WEILL (A.), note sous CA Paris, 22 juin 1954, D. 1955, 662.

YOVEGO (C.), note sous Cass. 1ère civ., 3 juin 1998, JCP E 1999, jur., p. 225.

477

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