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Droit pénal
général
28 édition
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P R É C I S D O M A T

CONSEIL É D I T O R I A L :
Christian de Boissieu, François Burdeau,
Jean Combacau, Pierre Mayer, Serge Sur.

Ouvrages parus

DROIT DE L'URBANISME ET DE LA CONSTRUCTION


(2e é d . ) . — J.-B. AUBY et H. PERINET-MARQUET.
DROIT PARLEMENTAIRE
Pierre AVRIL et J e a n GICQUEL.
MÉDIAS ET SOCIÉTÉ
(se é d . ) . — Francis BALLE.
DROIT INSTITUTIONNEL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(3e é d . ) — Jean BOULOUIS.
ÉLÉMENTS DE MATHÉMATIQUES
(2e é d . ) . — J e a n - L o u i s BOURSIN.
HISTOIRE DES IDÉES POLITIQUES DEPUIS LA RÉVOLUTION
Philippe BRAUD et François BURDEAU.
HISTOIRE DE L'ADMINISTRATION FRANÇAISE — lse.20e S I È C L E S
François BURDEAU.
DROIT ADMINISTRATIF GÉNÉRAL
René CHAPUS.
T. 1. ( 5 e é d . ) . S e r v i c e p u b l i c — p o l i c e — r e s p o n s a b i l i t é — a c t e s — o r g a n i s a t i o n a d m i n i s -
trative.
T . II (se é d . ) . F o n c t i o n p u b l i q u e — D o m a i n e public — Travaux publics — Expropria-
tion.

DROIT DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF


(2e é d . ) . — René CHAPUS.
DROIT CIVIL
(2e é d . ) (Les obligations) — Alain BÉNABENT.
DROIT CIVIL
(Introduction — Personnes — Biens) (4e é d . ) — Gérard CORNU.
DROIT CIVIL
(2e é d . ) (La Famille). — G é r a r d CORNU.
LINGUISTIQUE JURIDIQUE
Gérarq CORNU.
INITIATION A LA GESTION
(2e é d . ) — Alain C O U R E T et G é r a r d HIRIGOYEN.
DROIT COMMERCIAL
Actes de commerce — Fonds de commerce — Bail — Concurrence — Effets de
commerce. — Françoise DEKEUWER-DÉFOSSEZ.
DYNAMIQUE ÉCONOMIQUE DE L'HISTOIRE
(2eéd. ). — M a u r i c e FLAMANT.
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HISTOIRE DU DROIT ET DES INSTITUTIONS


T. II (La société des Temps féodaux à la Révolution). — Francis GARRISSON.
LES INSTITUTIONS DE L'ANTIQUITÉ
(2e éd.). — Jean GAUDEMET.
FINANCES PUBLIQUES
T. 1 (se éd.) (Politique financière — Budget et Trésor). — Paul-Marie GAUDEMET et
Joël MOLINIER.
FINANCES PUBLIQUES
T. II (4e éd.) (Emprunt et Impôt). — Paul-Marie GAUDEMET et Joël MOLINIER.
DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES
(lle éd.). — Jean GICQUEL et Patrice GÉLARD.
INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC
(2e éd.). — Max GOUNELLE.
COMMERCE INTERNATIONAL
H.-F. HENNER.
PROCÉDURE CIVILE
Jacques HÉRON.
DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
(2e éd.). — Wilfrid JEANDIDIER.
DROIT DES SOCIÉTÉS
Michel JEANTIN.
ÉLÉMENTS D'ANALYSE MACROÉCONOMIQUE
(2e éd.). — CI. JESSUA.
LE TRÉSOR ET LA POLITIQUE FINANCIÈRE
Ph. JURGENSEN et D. LEBÈGUE.
STRATÉGIES D'ENTREPRISE : UNE ANALYSE MICROÉCONOMIQUE
A. LABOURDETTE.
ÉLÉMENTS D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE
Jacques LECAILLON.
ÉCONOMIE MANAGÉRIALE
Jacques LECAILLON, Brigitte GOSSE, L. de MESNARD, J.-M. LE MONNIER.
DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
(3e éd.). — Pierre MAYER.
POLITIQUE COMPARÉE
(3e éd.). — Y. MÉNY.
INSTITUTIONS JUDICIAIRES
(4e éd.). — Roger PERROT.
ÉLÉMENTS DE MICROÉCONOMIE
(2e éd.). — Pierre PICARD.
LIBERTÉS PUBLIQUES
(4e éd.). — Jacques ROBERT et J. DUFFAR.
DROIT DU CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL
Dominique ROUSSEAU.
SOCIOLOGIE POLITIQUE
(4e éd.). — Roger-Gérard SCHWARTZENBERG.
DROIT FISCAL DE L'ENTREPRISE
Patrick SERLOOTEN.
LA VIE POLITIQUE EN FRANCE SOUS LA VE RÉPUBLIQUE
(2e éd.). — Serge SUR.
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HISTOIRE DU DROIT DES AFFAIRES


Romuald SZRAMKIEWICZ.
DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Jean COMBACAU, Serge SUR.
HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE. DES ORIGINES A NOS JOURS
Jacques WOLFF
LES PARTIS POLIQUES SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE
Colette YSMAL.
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D O M A T / D R O I T P R I V É

Wilfrid 'iecindidier
Professeur agrégé des Facultés de droit

Droit p é n a l
g é n é r a l

2e édition

MONTCHRESTIEN
26, rue Vercingétorix, 75014 P.aris
1991
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Du même auteur :

— La juridiction d'instruction du second degré, Cujas, 1982.

— Les grandes décisions de la jurisprudence, procédure pénale (avec le concours


de J. Belot), P.U.F. Themis, 1986.

— Code pénal annoté, Litec, réédité tous les ans.

— Droit pénal des affaires, Précis Dalloz, 1991.

@ ' s t i e n , 1991
NlG 2-^076-0476-3
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A mes enfants
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PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Act. lég. Dalloz Actualité législative Dalloz.
Adde Ajouter.
A.J.D.A Actualité juridique, droit administratif.
Ass. plén Cour de cassation, Assemblée plénière.
B Bulletin des arrêts de la Cour de cassation.
C Code.
C. ass Cour d'assises.
C. civ Code civil.
C.E Conseil d'État.
Ch. réun Cour de cassation, chambres réunies.
C. I. Code d'instruction criminelle.
Civ Cour de cassation, Chambre civile.
C.J.C.E Cour de justice des communautés européennes.
C.J.M Code de justice militaire.
Cons. Const Conseil constitutionnel.
C.P Code pénal.
C.P. P Code de procédure pénale.
Crim Cour de cassation, Chambre criminelle.
D Recueil Dalloz.
D. A Recueil analytique Dalloz.
D.C Recueil critique Dalloz.
D.H Recueil hebdomadaire Dalloz.
G.P Gazette du Palais.
J.C.P Jurisclasseur périodique (Semaine juridique).
J.O. Journal officiel.
Juriscl Jurisclasseur.
n° numéro.
obs observations.
op. cit opere citato (ouvrage cité).
P page.
Rec Recueil (des décisions de la juridiction considérée).
Req Cour de cassation, Chambre des requêtes.
Rev. soc Revue des sociétés.
R.D.P Revue de droit public
R.D.P.C Revue de droit pénal et de criminologie.
R.I.D.P Revue internationale de droit pénal.
R.S.C Revue de science criminelle et de droit pénal comparé.
R.T.D.C Revue trimestrielle de droit civil.
R.T.D. Com Revue trimestrielle de droit commercial.
s et suivants.
S Recueil Sirey.
S. chr Recueil Sirey chronologique.
T.C Tribunal des conflits.
T. G. tribunal de grande instance.
Trib. corr tribunal correctionnel.
Trib. pol ...................... tribunal de police.
v voir.
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BIBLIOGRAPHIE

I. — TRAITES ET MANUELS.

A) Ouvrages du XIXe siècle.

Blanche, Etude pratique sur le Code pénal, 2e éd., 1888.


Carnot, Commentaire sur le Code pénal, 1824.
Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, 6e éd., par Villey, 7 vol., 1887.
Ortolan, Eléments de droit pénal, 5e éd., 1886.
Rossi, Traité de droit pénal, 1829.
Trébutien, Cours élémentaire de droit criminel, 1854.
Villey, Précis d'un cours de droit criminel, 2e éd., 1880.
Les ouvrages du XIXe siècle n'ont pas échappé aux outrages du temps. Reflets
d'un droit pénal qui a depuis beaucoup évolué, ils dorment pour la plupart sur les
rayons oubliés des bibliothèques. Le nom le plus important est celui d'Ortolan —
célèbre jurisconsulte, professeur à la Faculté de droit de Paris et également auteur
de poèmes —, aux idées souvent novatrices. Le traité le plus volumineux est celui
de Chauveau et Hélie, véritable encyclopédie juridique et de facture nettement
plus classique ; le premier de ces deux auteurs était universitaire — doyen de la
Faculté de droit de Toulouse — et le second haut magistrat — conseiller à la Cour
de cassation puis vice-président du Conseil d'Etat. — On retiendra encore le nom
de Rossi : universitaire d'origine italienne — il enseigna à Genève puis à Paris —,
dont la carrière politique fut mouvementée et qui périt assassiné à Rome en 1848.

B) Ouvrages du XXe siècle.


Bouzat et Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie, 3 vol., Sirey, 2e éd.,
1970. Le tome I, écrit par le doyen Bouzat, est consacré au droit pénal
général.
Conte et Maistre du Chambon, Droit pénal général, Masson, 1990.
Decocq, Droit pénal général, Armand Colin, 1971.
Degois, Traité élémentaire de droit criminel, 2e éd., 1922.
Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et de législation pénale comparée,
Sirey, 3e éd., 1947.
Doucet, La loi pénale, Gazette du Palais — Litec, 1986.
Garçon, Code pénal annoté, Sirey, lre éd., 1901 ; 2e éd., 1952 à 1959, 3 vol., par
Patin, Rousselet et Ancel.
Garraud, Traité théorique et pratique de droit pénal, 6 vol., Sirey, 3e éd., 1913
à 1935.
Larguier, Droit pénal général, 12e éd., 1989, Mémento Dalloz.
Le droit pénal, Que sais-je ?
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Levasseur, Chavanne et Montreuil, Droit pénal et procédure pénale, Sirey, 9e éd.,


1988 (Capacité).
Merle, Droit pénal général complémentaire, Manuel Thémis, PUF, 1957.
Merle et Vitu, Traité de droit criminel, 4 vol. Tome 1 : Problèmes généraux de
la science criminelle et droit pénal général, Cujas, 6e éd., 1988.
Pradel, Droit pénal général, Cujas, 7e éd., 1989.
Puech, Droit pénal général, Litec, 1988.
Rassat, Droit pénal, Manuel Droit fondamental, PUF, 1987.
Droit pénal et procédure pénale, Mémento Thémis, PUF, 1986.
Robert, Droit pénal général, Manuel Thémis, PUF, 1988.
Roux, Cours de droit criminel français, Sirey, 2e éd., 1927, 2 vol. Tome 1 : droit
pénal.
Soyer, Manuel de droit pénal et de procédure pénale, L.G.D.J., 8e éd., 1990
(Capacité).
Stéfani, Levasseur et Bouloc, Droit pénal général, 13e éd., 1987, Précis Dalloz.
Vidal et Magnol, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2 vol., 9e éd.,
1949.
Vouin, Manuel de droit criminel, 1949.
Vouin et Léauté, Droit pénal général et criminologie, Manuel Thémis, PUF, 1956.
Pour la première moitié du siècle, deux auteurs occupent une place prépondé-
rante. Garçon, professeur à la Faculté de droit de Paris, a écrit le Code pénal
annoté qui est un véritable monument. Il commente successivement tous les articles
du Code pénal. La richesse des références jurisprudentielles et leur présentation
à la fois concise et détaillée sont sans pareilles. Réédité avec le concours de trois
hauts magistrats dans les années 1950, le Code pénal annoté reste — et pour
longtemps encore — une œuvre inégalée. Le Traité de Garraud — professeur à
la Faculté de droit de Lyon et avocat — est une somme remarquable ; il est sans
conteste le traité fondamental de l'époque. Parmi les ouvrages de taille plus
modeste, le plus attachant est celui de Roux — professeur à la Faculté de droit
de Strasbourg — qui fourmille, principalement dans les notes en bas de page,
d'idées personnelles et ingénieuses. Plus classique est le Cours de Vidal et Magnol,
tous deux professeurs à la Faculté de droit de Toulouse. Enfin on signalera le livre
de Donnedieu de Vabres — professeur à la Faculté de droit de Paris —, intéressant
à plus d'un titre et notamment par ses développements de droit comparé.
Depuis 1950, d'assez nombreux ouvrages de droit pénal général ont vu le
jour, phénomène qui s'explique par deux facteurs. Le premier est l'augmentation
sensible des effectifs estudiantins qui a rendu nécessaire l'éclosion de traités et
surtout de précis et manuels, réédités souvent à un rythme rapide en raison de
l'évolution accélérée du droit positif. Le deuxième facteur est le renouveau de la
doctrine pénaliste française. Longtemps le droit pénal a été considéré comme le
parent pauvre chez les universitaires privatistes et il était même déconseillé aux
candidats à l'agrégation de rédiger une thèse de droit criminel. Cet invraisemblable
état d'esprit s'est vu peu à peu battu en brèche, en partie grâce à l'exemple
étranger, notamment allemand. Désormais, d'excellentes thèses de droit pénal et
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de procédure pénale voient le jour et, symbole, des pénalistes ont été appelés à
présider le jury d'agrégation de droit privé (G. Levasseur en 1971 et A. Chavanne
en 1986).

II. — RECUEILS DE GRANDS ARRETS.

Pradel et Varinard, Les grands arrêts du droit criminel, Sirey, 1988, 2e éd., 2 vol.
Tome 1 : Les sources du droit pénal ; l'infraction. Tome II : Le procès ; la
sanction.
Puech, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle. Tome 1 : Légalité de la
répression et droit pénal général, Cujas, 1976.
L'intérêt d'écrire des grands arrêts est d'exercer un choix de décisions particu-
lièrement importantes. Si inévitablement les différents choix se rencontrent sur
certains points, ils ne peuvent que diverger sur d'autres. La lecture d'ouvrages
consacrés aux grands arrêts est une excellente préparation au difficile exercice du
commentaire d'arrêt.

III. — MELANGES.

Les Mélanges sont des recueils d'articles doctrinaux écrits par divers auteurs
en hommage à une forte personnalité, généralement universitaire. Les Mélanges
contiennent souvent des études juridiques de toutes spécialités, parmi lesquelles
figurent par conséquent des études de droit criminel. Mais il n'est pas rare que
les Mélanges soient spécialisés. On indiquera ci-dessous les Mélanges ayant trait
aux sciences criminelles.
Mélanges dédiés à Joseph Magnol, 1948.
Les principaux aspects de politique criminelle moderne, Recueil d'études en hom-
mage à la mémoire d'Henri Donnedieu de Vabres, 1960.
Problèmes contemporains de procédure pénale, Recueil d'études en hommage à
Louis Hugueney, 1964.
La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Recueil d'études en hommage à la
mémoire de Maurice Patin, 1965.
L'évolution du droit criminel contemporain, Recueil d'études à la mémoire de
Jean Lebret, 1968.
Etudes en l'honneur de Jean Graven, 1969.
Etudes de sciences pénales et de politique criminelle (tome II de Aspects nouveaux
de la pensée juridique, Recueil d'études en hommage à Marc Ancel), 1975.
Mélanges en l'honneur du doyen Pierre Bouzat, 1980.
Droit pénal contemporain, études dédiées à André Vitu, 1989.
Mélanges offerts à Albert Chavanne, 1990.
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IV. — PREPARATION DES TRAVAUX DIRIGES.

Cartier, Exercices pratiques, Droit pénal, Montchrestien, 1991.


Dana, Droit pénal et procédure pénale, L.G.D.J., 1987.
Gendrel, Maîtriser le droit pénal général, Roudil, 1988.
Levasseur et Doucet, Le droit pénal appliqué, droit pénal général, Cujas, 1969.

V. — ENCYCLOPEDIES.

Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, 5 vol.


Jurisclasseur pénal, 5 vol. ; Jurisclasseur pénal annexes, 5 vol. ; Jurisclasseur de
procédure pénale, 5 vol.
L'Encyclopédie Dalloz adopte un classement thématique par ordre alphabétique.
Le Jurisclasseur pénal suit l'ordre du Code pénal, chaque article ou groupe d'arti-
cles faisant ainsi l'objet d'un commentaire distinct. Les matières de droit pénal
non codifiées dans le Code pénal figurent au Jurisclasseur pénal annexes qui suit
cette fois un ordre thématique et alphabétique. L'intérêt de ces encyclopédies est
double. Elles contiennent d'abord des articles souvent très approfondis rédigés par
des spécialistes incontestés de la matière concernée. Elles s'efforcent ensuite de
refléter au mieux le dernier état du droit positif au moyen de feuillets mobiles de
couleur qui se superposent à l'article actualisé dans le Jurisclasseur et se placent
en début de chaque volume pour le Répertoire. Lorsque l'actualité impose une
refonte entière de l'article, celle-ci remplace la précédente version qui est retirée
de l'ouvrage.

VI. — REVUES DE DOCTRINE, DE JURISPRUDENCE


ET DE LEGISLATION.

Actualité juridique Dalloz.


Archives de politique criminelle (depuis 1975).
Bulletin criminel.
Bulletin de la Société internationale de défense sociale (depuis 1961 ; avant :
Revue internationale de défense sociale à partir de 1947).
Droit pénal (Editions Techniques ; depuis 1989).
Gazette du Palais.
Journal officiel de la République française. 1) Lois et décrets ; 2) Débats parle-
mentaires.
Recueil Dalloz-Sirey.
Recueil de droit pénal (de 1942 à 1974).
Revue de droit pénal et de criminologie (belge, depuis 1907).
Revue de droit pénal suisse (depuis 1888).
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé (depuis 1936).
Revue internationale de criminologie et de police technique (suisse, depuis 1947).
Revue internationale de droit pénal (depuis 1923).
Revue internationale de police criminelle (depuis 1945).
Revue internationale de politique criminelle (O.N.U.).
Revue pénitentiaire et de droit pénal (depuis 1876).
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Semaine juridique (Jurisclasseur périodique), édition générale.


Les grandes revues juridiques non spécialisées en droit criminel — Recueil
Dalloz-Sirey — qui a pris la succession du Dalloz et du Sirey qui ont fusionné en
1965 —, Semaine juridique édition générale, Gazette du Palais, Actualité législa-
tive Dalloz — publient de nombreuses décisions jurisprudentielles (sauf la dernière)
et de nombreux articles et commentaires dans tous les domaines juridiques et par
conséquent en droit pénal et en procédure pénale. Aussi leur dépouillement est-
il indispensable. Le Journal officiel de la République française est fort précieux
à maints égards. Son édition Lois et décrets, de par sa fonction, a la primeur de
tous les textes législatifs et réglementaires ; elle a l'intérêt en outre de publier
toutes les décisions du Conseil constitutionnel. L'édition Débats parlementaires
reproduit l'intégralité des débats à l'Assemblée Nationale et au Sénat ; sa consulta-
tion est donc très utile pour l'étude des lois.
Parmi les revues spécialisées, deux occupent une place prééminente. La pre-
mière est le Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation,
édité par les Journaux officiels. Ce Bulletin, qui comporte dix numéros par an et
un numéro supplémentaire pour les tables, publie les décisions les plus importantes
— selon les membres de la Chambre criminelle qui effectuent eux-mêmes ce choix
— rendues chaque année par la Chambre criminelle de la Cour de cassation et
accessoirement en matière pénale par une Chambre mixte ou l'Assemblée plénière
de la haute juridiction. Cela représente en moyenne 400 à 500 décisions par an
sur un total d'environ 6 500. Seul figure le texte de la décision précédé d'un
sommaire de la teneur de celle-ci, avec renvoi à des décisions antérieures, et de
renseignements très succincts sur l'affaire jugée — identité de l'auteur du pourvoi,
solution retenue par la Cour de cassation (cassation ou rejet), nature et solution
de l'arrêt attaqué —. Le Bulletin criminel est un ouvrage incomparable pour le
criminaliste. La seconde revue capitale est la Revue de science criminelle et de
droit pénal comparé qui existe depuis 1936 et qui est éditée par la maison Sirey.
Cette revue comporte principalement des articles doctrinaux et surtout de nom-
breuses chroniques parmi lesquelles des chroniques de jurisprudence relatives aux
différentes branches du droit criminel et une chronique de législation. La chronique
de jurisprudence consacrée au droit pénal général est naturellement de toute
première importance. Il n'y a pas une mais plusieurs chroniques de jurisprudence
sur le droit pénal spécial, étant donné l'extrême diversité des infractions qui sont
pour la circonstance regroupées en différentes rubriques (par ex. infractions contre
la chose publique, contre les biens, contre les personnes, en matière économique,
en matière d'environnement, etc.). La chronique de législation, qui couvre toutes
les branches du droit criminel, rend d'appréciables services, surtout à une époque
d'inflation textuelle. La Revue de science criminelle et de droit pénal comparé,
par l'abondance et la qualité de ses écrits, est d'une utilité incontestée.

VII. — CODE PENAL.

Le Code pénal, complété par de nombreux textes extérieurs d'ordre pénal,


est régulièrement édité par deux maisons d'édition. C'est un instrument de travail
indispensable.
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Code pénal Dalloz, 1991-1992, 89e éd.


Code pénal Litec, 1991-1992, annoté par W. Jeandidier, 6e éd.
Le Projet de Code pénal, dans sa version de 1986, est édité chez Dalloz (1988),
avec une présentation de R. Badinter.

VIII. — AUTRES BRANCHES DU DROIT CRIMINEL.

On donnera ci-dessous une bibliographie sommaire relative aux autres bran-


ches du droit criminel, l'étude du droit pénal général ne pouvant naturellement
être complètement coupée de celles-ci.

A) Procédure pénale.
Jeandidier et Belot, Les grandes décisions de la jurisprudence, Procédure pénale,
Thémis, 1986.
Merle et Vitu, Traité de droit criminel. Tome II, Procédure pénale, Cujas, 4e éd.,
1989.
Pradel, Procédure pénale, Cujas, se éd., 1989.
Rassat, Procédure pénale, Droit Fondamental, PUF, 1990.
Stéfani, Levasseur et Bouloc, Procédure pénale, 14e éd., 1990, Précis Dalloz.

B) Droit pénal spécial.


Azéma, Le droit pénal de la pharmacie Litec, 1990.
Caballero, Droit de la drogue, Précis Dalloz, 1989.
Cabrillac et Mouly, Droit pénal de la banque et du crédit, 1982.
Couvrat et Massé, Circulation routière : infractions et sanctions, Sirey, 1989.
Delmas-Marty, Droit pénal des affaires, PUF, Thémis, 3e éd., 1990.
Gauthier et Catheu-Lauret, Droit pénal des affaires, 1986.
Godard, Droit pénal du travail, 1980.
Jeandidier, Droit pénal des affaires, Précis Dalloz, 1991.
Larguier, Droit pénal des affaires, 7e éd., 1986.
Larguier (J. et A.-M.), Droit pénal spécial, 5e éd., 1987, Mémento Dalloz.
Mayer, Droit pénal de la publicité, 1979.
Merle et Vitu, Traité de droit criminel. Tomes III et IV, Droit pénal spécial, par
A. Vitu, 1982.
Robert et Rémond-Gouilloud, Droit pénal de l'environnement, 1983.
Véron, Droit pénal spécial, Masson, 3e éd., 1988.
Vouin et Rassat, Droit pénal spécial, 6e éd., 1988, Précis Dalloz.

C) Science pénitentiaire.
Bouloc, Pénologie, Précis Dalloz, 1991.
Imbert, La peine de mort, Que sais-je ?, 1989.
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Larguier, Criminologie et science pénitentiaire, 6e éd., 1989, Mémento Dalloz.


Léauté, Criminologie et science pénitentiaire, Manuel Thémis, 1972.
Lucas, Traité du système pénal, du système répressif et de la peine de mort en
particulier, 1836.
Réforme des prisons ou théorie pénitentiaire, 1838.
Stéfani, Levasseur et Jambu-Merlin, Criminologie et science pénitentiaire, 5e éd.,
1982, Précis Dalloz.

D) Droit pénal international.


Lombois, Droit pénal international, 2e éd., 1979, Précis Dalloz.

E) Histoire du droit pénal.


Jousse, Traité de la justice criminelle de France, 4 vol., 1771.
Laingui, La responsabilité pénale dans l'Ancien droit, 1970.
Histoire du droit pénal, Que sais-je ?, 1986.
Laingui et Lebigre, Histoire du droit pénal, T. I, 1979.
Lascounes, Poncela et Lenoël, Au nom de l'ordre ; une histoire politique du Code
pénal, 1989.
Mommsen, Manuel des antiquités romaines, droit pénal, 2 vol., 1907.
Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, 1780.
Schnapper, Les peines arbitraires du XIIIe au XVIIIe siècles, 1974.
Thonissen, Etudes sur le droit criminel des peuples anciens, 2 vol., 1869.

F) Droit comparé.
Ancel, Utilité et méthodes du droit comparé, 1971.
Ancel et Marx, Les codes pénaux européens, 5 vol.
Ancel, Piontkowsky et Tchklikvadze, Le système pénal soviétique, 1975.
Ancel et Radzinowicz, Introduction au droit criminel de l'Angleterre, 1959.
Ancel et Schwartz, Le système pénal des Etats-Unis, 1965.
Ancel et Strahl, Le droit pénal des pays scandinaves, 1969.
Ancel et Srzebtic, Le droit pénal nouveau de la Yougoslavie, 1962.
Andrejew, Le droit pénal comparé des pays socialistes, 1981.
Bellon, Droit pénal soviétique et droit pénal occidental, 1961.
Donnedieu de Vabres, La politique criminelle des Etats autoritaires, 1938.
Doucet, Droit pénal général (belge), 1976.
Fortin et Viau, Traité de droit pénal général (canadien), 1982.
Nostafa, Principes de droit pénal des pays arabes, 1973.
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IX. — POLITIQUE CRIMINELLE ET PRINCIPALES DOCTRINES.

Ancel, La défense sociale nouvelle, lre éd., 1954, 3e éd., 1981.


Beccaria, Traité des délits et des peines.
Bentham, Traité de législation civile et pénale, 1802.
Bonneville de Marsangy, De l'amélioration de la loi criminelle, 1864, 2 vol.
Cusson, Pourquoi punir ? 1987.
Croissance et décroissance du crime, 1990.
Delmas-Marty, Les chemins de la répression, 1980.
Modèles et mouvements de politique criminelle, 1983.
Le flou du droit ; du Code pénal aux droits de l'homme, 1986.
Gramatica, Principes de défense sociale, 1964.
Guizot, Traité de la peine de mort en matière politique, 1822.
Hulsman et Bernat de Celis, Peines perdues, le système pénal en question, 1982.
Kant, Critique de la raison pure, 1782.
Critique de la raison pratique, 1788.
Lazerges, La politique criminelle, Que sais-je ?, 1987.
Léauté, L'Ecole d'Utrecht, 1959.
Maistre (de), Les soirées de Saint-Petersbourg, 1821.
Peyrefitte, Les chevaux du lac Ladoga, 1981.
Rassat, Pour une politique anti-criminelle de bon sens, 1983.
Roux, Répression et prévention, 1922.

X. — CRIMINOLOGIE, SOCIOLOGIE CRIMINELLE


ET PHILOSOPHIE PENALE.

Outre les ouvrages cités supra sous la rubrique science pénitentiaire, on pourra
consulter :
Bossard, La criminalité internationale, Que sais-je ?, 1988.
Bouzat et Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie. Tome III, 3e éd., 1975,
Criminologie, par Pinatel.
Constant, Introduction à la criminologie, 1965.
Debuyst, La criminologie clinique, 1968.
Ferri, Sociologie criminelle, 1881.
Garofalo, La criminologie, 1885.
Gassin, Criminologie, 2e éd., 1990, Précis Dalloz.
Greef (de), Introduction à la criminologie, 1947.
Kinberg, Les problèmes fondamentaux de la criminologie, 1960.
Lombroso, L'homme criminel, 1876.
Merle, La pénitence et la peine, 1985.
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Novak, Force de caractère et crime, 1989.


Picca, La criminologie, Que sais-je ?, 1983.
Pinatel, Le phénomène criminel, 1987.
Seelig, Traité de criminologie, 1956.
Sutherland et Cressey, Principes de criminologie, 1966.
Tarde, La criminalité comparée, 1886.
La philosophie pénale, 1890.
Les lois de l'imitation, 1896.
Tullio (di), Principes de criminologie clinique, 1967.
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Introduction

1 — UNE CONSTANTE HUMAINE : LA DELINQUANCE — Une humanité sans délin-


quance est une vue de l'esprit. Le crime apparaît avec l'homme, et il disparaîtra
avec lui. Dès les origines la société a naturellement cherché à lutter contre ce
fléau, sans jamais parvenir à le résorber. L'une des causes de cet échec est sans
doute la quasi-ignorance du phénomène criminel qui, jusqu'à une époque récente,
n'a jamais fait l'objet d'études scientifiques. L'empirisme seul inspirait le législa-
teur. Ce n'est qu'à partir de 1825 que l'on a pu avoir une idée du volume de la
délinquance avec le Compte général de la justice criminelle française. Surtout, à
la fin du siècle dernier, les premiers balbutiements de la criminologie marqueront
le point de départ d'une nouvelle approche de la criminalité, plus rationnelle et
scientifique. En cette fin du XXE siècle, le phénomène, sans avoir certes livré la
plupart de ses secrets et dévoilé ses mystères, est moins mal connu et la panoplie des
mesures destinées à protéger l'ordre social s'est singulièrement enrichie. Pourtant la
délinquance n'a pas disparu ; l'essor démographique, les progrès de la technologie,
la mutation des mentalités lui ont même conféré une dimension nouvelle. Découra-
geante s'il en est, la constatation ne saurait toutefois inciter à renoncer à l'effort :
le crime est en effet l'une des calamités les plus graves qui frappe l'humanité. Ce
n'est pas seulement l'ordre public d'un Etat déterminé qui est en jeu, mais l'ordre
social, la cohésion et même l'existence d'un groupe quelconque. A défaut donc
d'éradiquer le phénomène criminel, il importe de le contenir, voire de le réduire.
Afin de mieux cerner ce phénomène criminel, il convient de l'étudier en
premier lieu sous divers angles (Chapitre 1), puis d'exposer en second lieu la
réaction qu'il a suscitée (Chapitre 2).

CHAPITRE 1

La délinquance

2 — A LA DECOUVERTE DE LA DELINQUANCE — C o n n a î t r e la d é l i n q u a n c e n ' e s t


p a s aisé. P o u r y p a r v e n i r o n p e u t d i s t i n g u e r t r o i s d é m a r c h e s c o m p l é m e n t a i r e s e t
d e d i f f i c u l t é c r o i s s a n t e . D a n s u n e p r e m i è r e a p p r o c h e , la d é c o u v e r t e d e la d é l i n -
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q u a n c e e s t e n t r e p r i s e à p a r t i r d e m a n i f e s t a t i o n s e x t é r i e u r e s : c ' e s t r e c h e r c h e r les
a s p e c t s d u p h é n o m è n e c r i m i n e l ( S e c t i o n 1). D a n s u n e d e u x i è m e a p p r o c h e , d é j à
p l u s d é l i c a t e , il f a u t e s s a y e r d e d é c o u v r i r les c a u s e s d e la d é l i n q u a n c e d a n s u n b u t
o u v e r t e m e n t p r é v e n t i f : e n a g i s s a n t s u r les c a u s e s d u m a l o n e s p è r e a g i r s u r lui
( S e c t i o n 2). M a i s ceci n ' e s t p a s e n c o r e s u f f i s a n t : c ' e s t le p h é n o m è n e m ê m e d e la
t r a n s f o r m a t i o n d e l ' h o m m e e n d é l i n q u a n t q u i d o i t ê t r e é t u d i é e t ce m é c a n i s m e n e
laisse d ' ê t r e f o r t difficile à a p p r é h e n d e r ( S e c t i o n 3).

Section I : Les aspects de la délinquance.

3 — ALLIER LA THEORIE ET L'OBSERVATION — P o u r t e n t e r d e c o m p r e n d r e le


p h é n o m è n e c r i m i n e l , il f a u t c o m m e n c e r p a r le d é c r i r e , e n d é c o u v r i r les m u l t i p l e s
a s p e c t s . O n p e u t le f a i r e à p a r t i r d e c e r t a i n e s a b s t r a c t i o n s e t d é g a g e r u n c o n c e p t ,
o u p l u t ô t d i v e r s c o n c e p t s d e c r i m e (§ 1). O n p e u t aussi le f a i r e à p a r t i r d e la
r é a l i t é , c ' e s t - à - d i r e d e visu (§ 2).

§ 1 : L ' a p p r o c h e c o n c e p t u e l l e d e la d é l i n q u a n c e .

4 — L E TRI DES CONCEPTS — D é f i n i r le c r i m e p e u t p a r a î t r e u n e g a g e u r e , c a r la


d é f i n i t i o n v a r i e i n é l u c t a b l e m e n t s e l o n les p r é o c c u p a t i o n s d e c h a c u n . S a n s d o u t e
u n d é n o m i n a t e u r c o m m u n e x i s t e - t - i l e t l ' o n p e u t a f f i r m e r à c e t é g a r d q u e le c r i m e
c ' e s t le m a l . M a i s ceci e s t t r è s i n s u f f i s a n t . Il e s t e n c o r e p o s s i b l e d e d i r e q u e le
c r i m e e s t t o u t c o m p o r t e m e n t s a n c t i o n n é p a r u n e p e i n e . T o u t e f o i s ce n ' e s t t o u j o u r s
g u è r e avancer, parce q u e l'édiction d ' u n e peine ne saurait être u n caractère fiable,
étant variable au gré des é p o q u e s et des pays. N é a n m o i n s seule cette définition
d e n a t u r e j u r i d i q u e p a r a î t p l a u s i b l e , le c r i m e é t a n t a v a n t t o u t u n p h é n o m è n e
a p p r é h e n d é p a r le d r o i t . A u s s i f a u t - i l é l i m i n e r les c o n c e p t i o n s e x t r a - j u r i d i q u e s .
D e la s o r t e u n e a n a l y s e m o r a l e n e s a u r a i t ê t r e r e t e n u e : il n ' y a p a s c o n c o r d a n c e
e n t r e c r i m e e t a t t e i n t e à la m o r a l e . S a n s d o u t e n o m b r e d ' i n f r a c t i o n s r é a l i s e n t -
elles s i m u l t a n é m e n t d e s a t t e i n t e s à u n e r è g l e é t h i q u e , m a i s d ' a u t r e s n e c h o q u e n t
a u c u n e m e n t la m o r a l e , p a r e x e m p l e la v i o l a t i o n d e s r è g l e s d e la c i r c u l a t i o n r o u t i è r e .
P a r e i l l e m e n t la d é f i n i t i o n s o c i o l o g i q u e n e s a u r a i t c o n v e n i r . C e t t e d é f i n i t i o n v o i t
d a n s le c r i m e « u n a c t e b l e s s a n t les é t a t s f o r t s d e la c o n s c i e n c e c o m m u n e »
( D u r k h e i m , D e la d i v i s i o n d u t r a v a i l s o c i a l , 1910, p. 35 s.). O r , ce q u i i m p o r t e
d a n s u n e telle d é f i n i t i o n d u c r i m e , ce n ' e s t p a s t a n t ses c a r a c t è r e s o b j e c t i f s , m a i s
p l u t ô t le j u g e m e n t p o r t é s u r lui p a r la s o c i é t é . D e m ê m e e n c o r e , l ' o r d r e r e l i g i e u x
n e p e r m e t p a s d e d o n n e r u n e d é f i n i t i o n d u c r i m e , n e p o u v a n t se c o n f o n d r e a v e c
l ' o r d r e socio-juridique. Q u e l'on s o n g e a u b l a s p h è m e , a u suicide o u à l'hérésie
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q u i , p é c h é s g r a v e s d a n s la r e l i g i o n c a t h o l i q u e , n e c o n s t i t u e n t p a s d e s i n f r a c t i o n s
p é n a l e s . F o r c e est ainsi d e s ' e n t e n i r à u n e c o n c e p t i o n j u r i d i q u e . L e c r i m e e s t u n
a c t e g r a v e q u i p o r t e a t t e i n t e à la m o r a l e s o c i a l e , c ' e s t - à - d i r e a u x r è g l e s a d m i s e s
p a r la g r a n d e m a j o r i t é d e s c i t o y e n s d ' u n p a y s , o u a u x n é c e s s i t é s d e la v i e e n
s o c i é t é , o u a u x d e u x à la f o i s , e t p u n i d ' u n e p e i n e .

L ' A v a n t - p r o j e t d e C o d e p é n a l f r a n ç a i s , d a n s sa v e r s i o n d e 1983, i l l u s t r e
p a r f a i t e m e n t la c o n c e p t i o n j u r i d i q u e d u c r i m e — a u s e n s l a r g e d ' i n f r a c t i o n — e n
é n o n ç a n t s o u s la f o r m e s u i v a n t e le p r i n c i p e d e la c l a s s i f i c a t i o n t r i p a r t i t e d e s
i n f r a c t i o n s ( a r t . 1) : « L e s c r i m e s e t les d é l i t s s o n t d e s a t t e i n t e s a u x v a l e u r s e s s e n -
t i e l l e s d e la s o c i é t é . L e s c o n t r a v e n t i o n s s o n t d e s a t t e i n t e s à l ' o r g a n i s a t i o n d e la v i e
s o c i a l e ». A u t o t a l , le s o i n d e d é t e r m i n e r les faits c o n t r a i r e s à l ' o r d r e s o c i a l n e
peut donc être remis q u ' a u législateur et n o n à u n e o p i n i o n p u b l i q u e versatile et
influençable.

5 — L'ARTIFICE DE LA DISTINCTION ENTRE CRIME NATUREL ET CRIME CONVEN-


TIONNEL — C e t t e a p p r o c h e , q u i e s t c e r t a i n e m e n t l ' e x p r e s s i o n d e la v é r i t é , n ' e s t
t o u t e f o i s p a s p l e i n e m e n t s a t i s f a i s a n t e , p a r c e q u e les c h o i x d u l é g i s l a t e u r n e s o n t
pas tous n é c e s s a i r e m e n t h e u r e u x . C e t t e o b s e r v a t i o n conduit à faire état d ' u n e
d i s t i n c t i o n d é c o u v e r t e a u s i è c l e d e r n i e r p a r le c r i m i n o l o g u e i t a l i e n G a r o f a l o q u i
opposait crime n a t u r e l et crime c o n v e n t i o n n e l . Le crime n a t u r e l est u n acte criminel
e n l u i - m ê m e q u ' a u c u n l é g i s l a t e u r n e p e u t l a i s s e r i m p u n i , c a r il p r é e x i s t e e n q u e l q u e
s o r t e a u x a p p r é c i a t i o n s s u b j e c t i v e s d e s h o m m e s , t e l s le m e u r t r e , les c o u p s e t
b l e s s u r e s , le vol o u le viol. E n r e v a n c h e le c r i m e c o n v e n t i o n n e l e s t u n e c r é a t i o n
des c o n v e n t i o n s sociales ; c'est u n e infraction artificielle, é m i n e m m e n t variable p a r
n a t u r e e t q u i n e c h o q u e p a s les s e n t i m e n t s p r o f o n d s d e c h a c u n . O n r e n c o n t r e r a i t d e
telles i n f r a c t i o n s d a n s les d o m a i n e s p o l i t i q u e , é c o n o m i q u e e t f i n a n c i e r e n p a r t i c u -
lier. L a d i s t i n c t i o n d e G a r o f a l o est i n t é r e s s a n t e e n ce q u ' e l l e i n s i s t e s u r la p é r e n n i t é
d e c e r t a i n e s i n c r i m i n a t i o n s e t s u r le c a r a c t è r e c o n t i n g e n t , artificiel d e b e a u c o u p
d ' a u t r e s . M a i s e l l e e s t e x c e s s i v e d a n s la m e s u r e o ù elle c h e r c h e à m i n i m i s e r les
infractions conventionnelles p a r r a p p o r t aux infractions naturelles. A u j o u r d ' h u i
e n e f f e t d e n o m b r e u x s e c t e u r s d u d r o i t p é n a l d i t s artificiels s o n t b i e n l ' e x p r e s s i o n
d ' u n e éthique caractéristique de leur é p o q u e . Ce sont des infractions au sens plein
et e n t i e r d u t e r m e e t s e u l c e l a d o i t i m p o r t e r d a n s u n e p e r s p e c t i v e p o s i t i v i s t e ,
c ' e s t - à - d i r e r é a l i s t e d u c r i m e (v. D e l m a s - M a r t y , C r i m i n a l i s a t i o n e t i n f r a c t i o n s
f i n a n c i è r e s , é c o n o m i q u e s e t s o c i a l e s , R . S . C . 1977, 5 0 9 ) .

6 — CONTESTATION JUDICIAIRE — O n l ' a d é j à laissé e n t e n d r e p l u s h a u t : la loi


n ' e s t p a s i n f a i l l i b l e , elle n ' e s t q u e l ' e x p r e s s i o n d ' u n e v o l o n t é p r é s u m é e g é n é r a l e
à un m o m e n t donné. La définition légale du crime peut donc être contestée.
C e t t e c o n t e s t a t i o n r e v ê t d ' a b o r d u n e f o r m e j u d i c i a i r e . A i n s i les t r i b u n a u x p e u v e n t
n e u t r a l i s e r u n e loi t r o p s é v è r e à l e u r g r é e n a c q u i t t a n t la p e r s o n n e p o u r s u i v i e
p o u r t a n t à l ' é v i d e n c e c o u p a b l e , p a r e x e m p l e e n cas d ' e u t h a n a s i e . D a n s le m ê m e
o r d r e d ' i d é e o n p e u t s i g n a l e r u n a r r ê t r é c e n t ( D o u a i , 28 s e p t . 1989, D . 1991,
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s o m m . 65, o b s . A z i b e r t ) q u i a r e l a x é d u c h e f d ' o u t r a g e p u b l i c à la p u d e u r u n
i n d i v i d u q u i s ' é t a i t e n t i è r e m e n t d é v ê t u s u r les q u a i s d ' u n p o r t , a v a i t p l o n g é d a n s
l ' e a u et é t a i t r e m o n t é p a r u n e s c a l i e r d ' a c c è s à u n n a v i r e d o n t l ' é q u i p a g e l ' a v a i t
r e m i s à la p o l i c e d a n s c e t t e a b s e n c e d e t e n u e . L e s j u r i d i c t i o n s p e u v e n t é g a l e m e n t
à l ' a i d e d e s c i r c o n s t a n c e s a t t é n u a n t e s p r o n o n c e r d e s p e i n e s d e p r i n c i p e , ainsi e n
m a t i è r e d ' a v o r t e m e n t ( T r i b . c o r r . B o b i g n y , 22 n o v . 1972, G . P . 1972, 2, 8 9 0 ) ,
o u t r a n s f o r m e r s y s t é m a t i q u e m e n t c e r t a i n s c r i m e s e n d é l i t s c o r r e c t i o n n e l s a v e c le
p r o c é d é c é l è b r e d e la c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n j u d i c i a i r e (v. s u r c e t t e q u e s t i o n J e a n d i -
d i e r e t B e l o t , L e s g r a n d e s d é c i s i o n s d e la j u r i s p r u d e n c e , P r o c é d u r e p é n a l e , n° 7).
A u t r e a s p e c t d u p h é n o m è n e : le m i n i s t è r e p u b l i c p e u t d é c i d e r d e n e p a s p o u r s u i v r e
les a u t e u r s d e d é l i t s d o n t la r é p r e s s i o n p e u t p a r a î t r e a n a c h r o n i q u e , c o m m e ce f u t
le cas d a n s les a n n é e s p r é c é d a n t la loi d u 17 j a n v i e r 1975 r e l a t i v e à l ' a v o r t e m e n t .
A l ' o p p o s é il a r r i v e q u e les j u g e s c h e r c h e n t à p u n i r d e s c o m p o r t e m e n t s n o n
i n c r i m i n é s p a r le l é g i s l a t e u r , e n f o r ç a n t a l o r s le s e n s d e c e r t a i n e s q u a l i f i c a t i o n s
e x i s t a n t e s . U n e b o n n e i l l u s t r a t i o n e s t f o u r n i e p a r la f i l o u t e r i e d ' a l i m e n t s , a n a l y s é e
à u n m o m e n t p a r p l u s i e u r s j u r i d i c t i o n s c o m m e u n vol (v. les r é f é r e n c e s c i t é e s p a r
G a r ç o n , C o d e p é n a l a n n o t é , a r t . 4 0 1 , n° 11), t h è s e c o n d a m n é e p a r la C o u r d e
c a s s a t i o n , d ' o ù l ' i n t e r v e n t i o n d u l é g i s l a t e u r a v e c la loi d u 26 j u i l l e t 1873 q u i a c r é é
l ' i n c r i m i n a t i o n s p é c i f i q u e d e f i l o u t e r i e d ' a l i m e n t s ( a r t . 401 C . P . ) . P l u s p r è s d e n o u s
on m e n t i o n n e r a l'irritante question de l'utilisation abusive d ' u n e carte m a g n é t i q u e
p a r s o n titulaire d a n s u n d i s t r i b u t e u r a u t o m a t i q u e de billets, qualifiée p a r plusieurs
c o u r s d ' a p p e l d e vol o u d ' e s c r o q u e r i e (v. les r é f é r e n c e s in J e a n d i d i e r , L e s t r u q u a g e s
e t u s a g e s f r a u d u l e u x d e c a r t e s m a g n é t i q u e s , J . C . P . 1986, I, 3229, n° 24) a l o r s
q u e la C h a m b r e c r i m i n e l l e , d a n s u n a r r ê t c é l è b r e , v o i t d a n s ce c o m p o r t e m e n t
l ' i n o b s e r v a t i o n d ' u n e o b l i g a t i o n c o n t r a c t u e l l e q u i n ' e n t r e d a n s les p r é v i s i o n s d ' a u -
c u n t e x t e r é p r e s s i f ( C r i m . , 24 n o v . 1983, B . n° 315 ; J . C . P . 1985, I I , 2 0 4 5 0 , n o t e
C r o z e ; D . 1984, 465, n o t e L u c a s d e L e y s s a c ) .

7 — CONTESTATION DE L'OPINION PUBLIQUE — L a c o n t e s t a t i o n p e u t e n s u i t e


é m a n e r d e l ' o p i n i o n p u b l i q u e . D e s e n q u ê t e s r é v è l e n t q u e la p e r c e p t i o n d u c r i m e
e s t t r è s h é t é r o g è n e a u s e i n d e la s o c i é t é . L e s u n s p a r e x e m p l e a d m e t t e n t la
d é l i n q u a n c e fiscale e t d o u a n i è r e , d ' a u t r e s l ' a v o r t e m e n t o u l ' u t i l i s a t i o n d e s t u p é -
f i a n t s a l o r s q u e d ' a u t r e s les c o n d a m n e n t s a n s é q u i v o q u e . O u e n c o r e c e r t a i n s
m e t t e n t l ' a c c e n t s u r la d é f e n s e d e q u e l q u e s i n t é r ê t s p r o t é g é s p a r la s o c i é t é — ainsi
p r o t e c t i o n sociale des travailleurs — q u e d ' a u t r e s sacrifieraient à des préoccupa-
t i o n s p l u s é g o ï s t e s — d é f e n s e e x a c e r b é e d e la p r o p r i é t é p r i v é e — . M a i s c e r t a i n s
c o m p o r t e m e n t s a n t i - s o c i a u x p a r a i s s e n t c o n d a m n é s p a r la q u a s i - t o t a l i t é d e s p e r s o n -
nes interrogées — pollution industrielle, vol à main a r m é e , mauvais traitements
à e n f a n t s , etc. — . T o u t ceci d é m o n t r e e n d é f i n i t i v e q u e les c h o i x d u l é g i s l a t e u r ,
r é p u t é s e x p r e s s i o n d e la v o l o n t é g é n é r a l e , n e c o r r e s p o n d e n t p a s n é c e s s a i r e m e n t
à celle-ci (v. ainsi les c o n c l u s i o n s d u r a p p o r t W e i n b e r g e r , J a k u b o w i c z e t R o b e r t ,
S o c i é t é e t g r a v i t é d e s i n f r a c t i o n s , R . S . C . 1976, 915). C e s c h o i x p e u v e n t m ê m e
r e f l é t e r u n e p o s i t i o n a s s e z a m b i g u ë , r e f l e t d ' u n e o p i n i o n d i v i s é e . L ' e x e m p l e typi-
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que en est l'inceste, c o n c e p t certes i g n o r é d u droit p é n a l , mais c o m p o r t e m e n t


p o u v a n t e n c e r t a i n e s o c c u r r e n c e s r é a l i s e r l ' i n c r i m i n a t i o n d ' a t t e n t a t à la p u d e u r (v.
R a s s a t , I n c e s t e e t d r o i t p é n a l , J . C . P . 1974, I , 2 6 1 4 ; M a y e r , L a p u d e u r d u d r o i t
f a c e à l ' i n c e s t e , D . 1988, c h r o n . 2 1 3 ) .

8 — VARIABILITE TEMPORELLE DES CHOIX DU LEGISLATEUR — A u d e m e u r a n t ,


à q u i v o u d r a i t p a r v e n i r à u n e c o n c e p t i o n p o s i t i v e s y n t h é t i q u e d u c r i m e , il e s t aisé
d ' o p p o s e r l ' e x t r ê m e d i v e r s i t é d e s c h o i x d u l é g i s l a t e u r d a n s le t e m p s e t d a n s l'es-
pace. U n seul pays, m ê m e sur u n e p é r i o d e d e t e m p s limitée, offre des solutions
d i v e r g e n t e s s u r u n p r o b l è m e d o n n é . A u g r é d e s p r é o c c u p a t i o n s d u m o m e n t il p e u t
y avoir dépénalisation ou décriminalisation. L a décriminalisation consiste à faire
s o r t i r d e la s p h è r e d u d r o i t p é n a l d e s c o m p o r t e m e n t s j u s q u ' a l o r s i n c r i m i n é s . A i n s i
d e p u i s la R é v o l u t i o n d e s a g i s s e m e n t s c o m m e le b l a s p h è m e , l ' h é r é s i e , la s o r c e l l e r i e ,
le s a c r i l è g e o u le s u i c i d e s o n t i m p u n i s s a b l e s . P l u s r é c e m m e n t la loi d u 3 j a n v i e r
1975 a a t t r i b u é a u x b a n q u e s u n r ô l e e s s e n t i e l e n m a t i è r e d e c h è q u e s s a n s p r o v i s i o n ,
la loi d u 11 j u i l l e t 1975 a f a i t d e l ' a d u l t è r e u n e s i m p l e f a u t e civile e t l ' o r d o n n a n c e
d u 1er d é c e m b r e 1986 a s u p p r i m é les i n f r a c t i o n s a u r a v i t a i l l e m e n t , d e m a r c h é n o i r ,
d e p r a t i q u e s d i s c r i m i n a t o i r e s e t d e r e f u s d e v e n t e e n t r e p r o f e s s i o n n e l s (v. C a l a i s -
A u l o y , L a d é p é n a l i s a t i o n e n d r o i t d e s a f f a i r e s , D . 1988, c h r o n . 3 1 5 ) . L a d é p é n a l i s a -
tion p r é s e n t e d e s o n c ô t é u n d o u b l e visage. Le plus s o u v e n t elle consiste à a t t é n u e r
la s é v é r i t é o r i g i n e l l e d e la r é p r e s s i o n : ainsi d e s c r i m e s s o n t t r a n s f o r m é s e n d é l i t s
c o r r e c t i o n n e l s , t e l s la b i g a m i e (loi d u 17 f é v r i e r 1 9 3 3 ) , l ' a v o r t e m e n t (loi d u 27 m a r s
1923), le f a u x e n é c r i t u r e s p r i v é e s ( o r d o n n a n c e d u 23 d é c e m b r e 1 9 5 8 ) , c e r t a i n s v o l s
a g g r a v é s (loi d u 2 f é v r i e r 1 9 8 1 ) , l ' i n f a n t i c i d e (loi d u 2 s e p t e m b r e 1941, r e d e v e n u
d ' a i l l e u r s c r i m e a v e c la loi d u 13 avril 1 9 5 4 ) , c e r t a i n s f a u x t é m o i g n a g e s (loi d u
13 m a i 1863). E n c o r e f a u t - i l r e m a r q u e r q u e c e r t a i n e s c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n s l ég i sl at i -
ves ne sont pas f o r c é m e n t inspirées p a r u n e volonté de m a n s u é t u d e mais bien au
c o n t r a i r e d e s t i n é e s à r e n d r e la r é p r e s s i o n p l u s r a p i d e e t p l u s e f f i c a c e , la v o i e
c o r r e c t i o n n e l l e p a r a i s s a n t m o i n s a l é a t o i r e q u e c e l l e d e s a s s i s e s , s u r t o u t l o r s q u e les
j u r é s d é l i b é r a i e n t s e u l s s u r la c u l p a b i l i t é c o m m e c ' é t a i t le c a s a v a n t 1941 (v.
J e a n d i d i e r , L a c o r r e c t i o n n a l i s a t i o n l é g i s l a t i v e , J . C . P . 1991, I, 3 4 8 7 ) . Il a r r i v e
é g a l e m e n t q u e d e s d é l i t s d e v i e n n e n t c o n t r a v e n t i o n s , t e l le r e f u s d e v e n t e à u n
c o n s o m m a t e u r , a v e c l ' o r d o n n a n c e d u 1er d é c e m b r e 1986. L a d é p é n a l i s a t i o n p e u t
e n c o r e p r e n d r e u n e a u t r e f o r m e e t e l l e c o n s i s t e a l o r s à o r g a n i s e r la r é a c t i o n s o c i a l e
e n n e f a i s a n t p l u s a p p e l à la n o t i o n c l a s s i q u e d e p e i n e : o n s o n g e n o t a m m e n t a u x
mesures d'assistance applicables aux m i n e u r s et a u x m e s u r e s de cure applicables
aux toxicomanes.

A l'inverse u n e législation d o n n é e p e u t créer de nouvelles incriminations p o u r


c o m b l e r des lacunes qui ne sont a p p a r u e s q u e progressivement, en particulier en
raison de l'évolution t e c h n o l o g i q u e . L e droit p é n a l r o u t i e r , celui de l ' i n f o r m a t i q u e ,
celui d e l ' e n v i r o n n e m e n t le d é m o n t r e n t . D e m ê m e l ' é v o l u t i o n d e s s t r u c t u r e s d e s
échanges et d u c o m m e r c e a d o n n é naissance à u n e n s e m b l e fort c o m p l e x e de
t e x t e s r é p r e s s i f s d a n s le d o m a i n e d e s s o c i é t é s c o m m e r c i a l e s , d e s p r i x , d e s v e n t e s
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o u des fraudes. E t q u e dire de l'influence d é t e r m i n a n t e d ' u n e actualité brûlante ?


A i n s i la c r é a t i o n p a r la loi d u 13 j u i l l e t 1990 d u d é l i t d e « r é v i s i o n n i s m e » p o u r
r a m e n e r à la r a i s o n les n é g a t e u r s d e l ' e x i s t e n c e d e s c h a m b r e s à g a z d a n s les c a m p s
d e c o n c e n t r a t i o n n a z i s . A i n s i la l u t t e c o n t r e le b l a n c h i m e n t d e l ' a r g e n t d e la d r o g u e
a v e c les lois d u 31 d é c e m b r e 1987, d u 23 d é c e m b r e 1988 e t d u 12 j u i l l e t 1990.
Il a r r i v e e n c o r e q u ' u n e r é p r e s s i o n p r é e x i s t a n t e s ' a g g r a v e , d e s c o n t r a v e n t i o n s s e
t r a n s f o r m a n t e n d é l i t s c o r r e c t i o n n e l s ( p a r e x e m p l e la loi d u 5 j u i l l e t 1972 p o u r
plusieurs c o n t r a v e n t i o n s e n droit d u travail) o u des délits e n crimes (ainsi l'infanti-
c i d e a v e c la loi d u 13 avril 1954). Il a r r i v e é g a l e m e n t q u e le l é g i s l a t e u r m e t t e fin
à u n e e x p é r i e n c e d e d é p é n a l i s a t i o n . T e l l e la r é c e n t e loi d u 2 6 n o v e m b r e 1990 q u i ,
a v e c le n o u v e l a r t i c l e 4 2 3 - 5 d u C o d e p é n a l , p u n i t t o u t e a t t e i n t e a u x d r o i t s d u
p r o p r i é t a i r e d ' u n b r e v e t d ' i n v e n t i o n . O r la c o n t r e f a ç o n e n la m a t i è r e n ' é t a i t p l u s
q u ' u n e s i m p l e f a u t e civile d e p u i s 1978.

9 — VARIABILITE SPATIALE DES CHOIX DU LEGISLATEUR — L a v a r i a b i l i t é d u


p h é n o m è n e criminel est é g a l e m e n t éclatante au niveau d e l'espace. L e droit p é n a l
c o m p a r é d é m o n t r e l'extrême divergence des solutions pénales d'un pays à un autre.
D e s p e c t a c u l a i r e s d é c a l a g e s a p p a r a i s s e n t ainsi : d a n s q u e l q u e s p a y s i s l a m i q u e s les
v o l e u r s s o n t p e n d u s o u m u t i l é s , la f e m m e a d u l t è r e e t s o n c o m p l i c e s o n t l a p i d é s
a l o r s q u ' e n F r a n c e le vol s i m p l e e s t p u n i d ' u n e m p r i s o n n e m e n t d e t r o i s m o i s à
t r o i s a n s e t d ' u n e a m e n d e d e 1 . 0 0 0 à 2 0 . 0 0 0 F o u d e l ' u n e d e ces d e u x p e i n e s
s e u l e m e n t , e t q u e l ' a d u l t è r e n ' e s t p l u s u n e f a u t e p é n a l e d e p u i s 1975. Si e n F r a n c e
l ' a u t e u r d ' u n e d i f f a m a t i o n e n c o u r t a u pire un a n de p r i s o n e t 300 000 F d ' a m e n d e ,
il e s t f l a g e l l é a u S o u d a n ( L e M o n d e , 24-25 m a r s 1991). E t d a n s le m ê m e p a y s , u n
m u s u l m a n a p o s t a t e s t p a s s i b l e d e m o r t . A u t r e e x e m p l e , o ù le d é c a l a g e e s t c e r t e s
m o i n d r e , m a i s t o u t d e m ê m e r é v é l a t e u r : l ' a u t e u r d ' u n viol a u P a k i s t a n e s t l a p i d é
à m o r t p a r d e s c h e f s t r i b a u x d e v a n t d e s m i l l i e r s d e p e r s o n n e s ( L e M o n d e , 20 fév.
1991) a l o r s q u ' e n F r a n c e il e n c o u r t u n e p e i n e d e r é c l u s i o n c r i m i n e l l e d e c i n q à dix
a n s . A u S o u d a n , l ' a u t e u r d ' u n vol à m a i n a r m é e e s t a m p u t é d e la m a i n d r o i t e e t
d u p i e d g a u c h e , p u i s c r u c i f i é ( L e M o n d e , 24-25 m a r s 1991), a l o r s q u ' e n F r a n c e il
e s t p a s s i b l e d e la r é c l u s i o n c r i m i n e l l e à p e r p é t u i t é . O u e n c o r e d a n s d e s s o c i é t é s
primitives l'homicide volontaire n'est pas r é p r i m é lorsqu'il est rituel, o u qu'il venge
u n h o n n e u r b a f o u é , o u q u ' i l p e r m e t la s é l e c t i o n d e s g u e r r i e r s v a l e u r e u x , a l o r s q u e
d a n s t o u s les p a y s civilisés l ' h o m i c i d e v o l o n t a i r e e s t c o n s i d é r é c o m m e le c r i m e le
plus grave. D ' a u t r e s différences, moins f r a p p a n t e s , existent e n t r e divers systèmes
j u r i d i q u e s , les u n s i n c r i m i n a n t d e s faits d e g r a v i t é o b j e c t i v e m é d i o c r e o u m o y e n n e
e t les a u t r e s r e f u s a n t d e le f a i r e ( p a r e x e m p l e l ' h o m o s e x u a l i t é ) , o u les u n s p u n i s s a n t
m o d é r é m e n t c e r t a i n e s i n f r a c t i o n s q u e les a u t r e s é r i g e n t e n c r i m e s ( a i n s i q u e l q u e s
i n f r a c t i o n s é c o n o m i q u e s d a n s les E t a t s m a r x i s t e s ) . N é a n m o i n s u n e r e l a t i v e u n i f o r -
m i s a t i o n d e s i n c r i m i n a t i o n s s ' e s t f a i t e j o u r e n d e s d o m a i n e s o ù la r é p r o b a t i o n
u n i v e r s e l l e n e p o s e g u è r e d e p r o b l è m e , ce q u i a p e r m i s la s i g n a t u r e d e c o n v e n t i o n s
internationales p o u r lutter contre certains crimes gravissimes : trafic de stupéfiants
( C o n v e n t i o n s d e L a H a y e d e 1912, d e G e n è v e d e 1931 et 1936, C o n v e n t i o n
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u n i q u e s o u s l ' é g i d e d e l ' O . N . U . d e 1961, C o n v e n t i o n d e s N a t i o n s U n i e s d e 1988),


t e r r o r i s m e ( C o n v e n t i o n i n t e r n a t i o n a l e d e 1937, C o n v e n t i o n e u r o p é e n n e d e 1 9 7 7 ) ,
faux m o n n a y a g e ( C o n v e n t i o n d e 1929), traite des ê t r e s h u m a i n s ( C o n v e n t i o n d e
1949), c a p t u r e illicite d e s a é r o n e f s ( C o n v e n t i o n d e T o k y o d e 1 9 6 3 ) , c r i m e s c o n t r e
l ' h u m a n i t é et crimes de g u e r r e ( C o n v e n t i o n e u r o p é e n n e sur leur imprescriptibilité
d e 1974).

10 — DELINQUANCE N'EST PAS DEVIANCE — P o u r s y n t h é t i s e r o n d i r a q u e le


p h é n o m è n e c r i m i n e l e s t u n f a i t c o n t r a i r e à l ' o r d r e s o c i a l , p r é v u e t p u n i p a r la loi
p é n a l e . L e c r i m e n e d o i t p a s ê t r e c o n f o n d u a v e c la d é v i a n c e , c o n c e p t t r è s u t i l i s é
p a r les c r i m i n o l o g u e s c o n t e m p o r a i n s . L e c r i m e est u n c o m p o r t e m e n t a n t i s o c i a l
s t i g m a t i s é p a r le d r o i t , t a n d i s q u e la d é v i a n c e v i s e d e s c o n d u i t e s a s o c i a l e s n o n
a p p r é h e n d é e s p a r le d r o i t c r i m i n e l . D ' a i l l e u r s , lato s e n s u , la d é v i a n c e p e u t r e c o u v r i r
e t les a t t i t u d e s s t i g m a t i s é e s p a r la loi e t c e l l e s q u i n e le s o n t p a s . S o n t p a r e x e m p l e
d e s d é v i a n t s — a u s e n s s t r i c t — les i n d i v i d u s q u i d a n s l e u r v i e p e r s o n n e l l e se
l i v r e n t à d e s p r a t i q u e s s e x u e l l e s c o n t r e n a t u r e , les h o m m e s d ' a f f a i r e s q u i o n t
r e c o u r s à la d é l o y a u t é e t à la t r i c h e r i e , v o i r e m ê m e l ' e n f a n t c a r a c t é r i e l i n c a p a b l e
d e s ' a d a p t e r à la v i e s c o l a i r e o u l ' a d u l t e p a r e s s e u x o u i n t e m p é r a n t i n c a p a b l e d e
t r o u v e r u n travail régulier. L e d é v i a n t est d o n c t o u t ê t r e a n o r m a l qui s'écarte de
la n o r m e , d e la c o n d u i t e n o r m a l e m e n t s u i v i e p a r les a u t r e s ( s u r la d é v i a n c e v.
n o t a m m e n t C o h e n , L a d é v i a n c e , 1970 ; C o r n i l , C r i m i n a l i t é e t d é v i a n c e , R . S . C .
1970, 2 8 9 ) . L a f r o n t i è r e e n t r e c r i m e e t d é v i a n c e e s t n a t u r e l l e m e n t s u j e t t e à d e
nombreuses variations, des c o m p o r t e m e n t s simplement asociaux pouvant devenir
à u n m o m e n t d o n n é a n t i s o c i a u x p a r la v o l o n t é d u l é g i s l a t e u r o u i n v e r s e m e n t .
Il e s t à r e m a r q u e r a u d e m e u r a n t q u e la p l u p a r t d e s c r i m i n o l o g u e s p r ô n e n t la
d é p é n a l i s a t i o n d e c e r t a i n s c o m p o r t e m e n t s d é v i a n t s , ce q u i n e signifie p a s p o u r
a u t a n t q u e leurs a u t e u r s r e s t e n t livrés à e u x - m ê m e s . D ' a u t r e s e n r e v a n c h e p r é c o n i -
sent un recours systématique au droit pénal, voulant soumettre tout type de
d é v i a n c e à la loi p é n a l e .

I l — LIMITES DE LA METHODE — F o r c e e s t d e c o n v e n i r q u e t o u t ce q u i p r é c è d e
e s t r é s o l u m e n t a b s t r a i t , le p h é n o m è n e c r i m i n e l s e r a m e n a n t à u n e a b s t r a c t i o n
j u r i d i q u e . Il e s t é v i d e n t q u e le c r i m e n ' e s t p a s q u e c e l a , q u ' i l e s t u n e r é a l i t é
h u m a i n e e t s o c i a l e . E n t a n t q u e r é a l i t é h u m a i n e , le c r i m e e s t u n a c t e h u m a i n ,
p r o c é d a n t d ' u n ê t r e d o u é d ' i n t e l l i g e n c e e t d e v o l o n t é . Il i m p o r t e d o n c d e d é c o u v r i r
les c a u s e s d e ce c r i m e d a n s la p e r s o n n e d e s o n a u t e u r , c ' e s t - à - d i r e d a n s s o n
individualité p h y s i q u e et aussi d a n s s o n e n v i r o n n e m e n t social. E n t a n t q u e réalité
s o c i a l e , l ' i n f r a c t i o n s ' a n a l y s e c o m m e u n a c t e d i r i g é c o n t r e la s o c i é t é , c o n t r e l ' o r d r e
é t a b l i , m ê m e si la v i c t i m e e s t u n s i m p l e p a r t i c u l i e r , p u i s q u e c ' e s t a g i r c o n t r e
la s o c i é t é q u e d ' e m p ê c h e r a u t r u i d ' e x e r c e r l i b r e m e n t les d r o i t s q u i lui o n t é t é
reconnus.

P o u r u n e p a r t i e d e la d o c t r i n e , c e t t e a p p r o c h e d u p h é n o m è n e c r i m i n e l a p u
p a r a î t r e r é a l i s t e . T o u t e f o i s e l l e n e p e r m e t p a s p l u s q u e la p r é c é d e n t e d ' a v o i r u n e
c o n n a i s s a n c e c o n c r è t e d e la d é l i n q u a n c e e n g é n é r a l . P a r d é f i n i t i o n e l l e se l i m i t e
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à c h a q u e i n d i v i d u e t elle n e s a u r a i t p e r m e t t r e q u ' u n e a p p r é h e n s i o n t r è s p a r t i e l l e
d u p r o b l è m e . T o u t a u plus s'agit-il d ' u n e m é t h o d e d e s t i n é e à m i e u x c o n n a î t r e
l ' i n t é r e s s é a f i n d e le m i e u x j u g e r , p u i s d e le m i e u x t r a i t e r p o u r r é u s s i r sa r é i n s e r t i o n
d a n s le c o r p s s o c i a l . M i e u x p e r c e v o i r le p h é n o m è n e c r i m i n e l , c ' e s t n é c e s s a i r e m e n t
en avoir u n e a p p r o c h e visuelle.

§ 2 : L ' a p p r o c h e visuelle d e la d é l i n q u a n c e .

12 — PROCESSUS DE LA DEMARCHE — P o u r o b s e r v e r le p h é n o m è n e c r i m i n e l afin


d ' e n t i r e r d e s e n s e i g n e m e n t s à p a r t i r d e r é s u l t a t s p r é c i s ( B ) , il f a u t a u p r é a l a b l e
disposer de moyens d'investigation (A).

A ) Les moyens d'investigation

13 — LES RECUEILS DE STATISTIQUES — L e s p r e m i e r s m o y e n s d ' i n v e s t i g a t i o n


s o n t s t a t i s t i q u e s e t ils e x i s t e n t d e p u i s le s i è c l e d e r n i e r (v. n o t a m m e n t les t r a v a u x
d u B e l g e Q u é t e l e t ) . D i v e r s o r g a n i s m e s ainsi r a s s e m b l e n t les c h i f f r e s r e l a t i f s à la
c r i m i n a l i t é . C ' e s t d ' a b o r d le cas d e s o r g a n i s m e s p o l i c i e r s : s t a t i s t i q u e s é m a n a n t d e s
s e r v i c e s d e la G e n d a r m e r i e e t s u r t o u t d u M i n i s t è r e d e l ' I n t é r i e u r q u i p u b l i e d e p u i s
1972 u n o u v r a g e a n n u e l (v. S u s i n i , L a c r i m i n a l i t é e n F r a n c e d ' a p r è s les d e r n i è r e s
s t a t i s t i q u e s d e la p o l i c e , R . S . C . 1981, 161). C ' e s t e n s u i t e le cas d u M i n i s t è r e d e
la J u s t i c e . A u p r e m i e r c h e f f i g u r e n t les s t a t i s t i q u e s d e la D i r e c t i o n d e s a f f a i r e s
c r i m i n e l l e s e t d e s g r â c e s q u i i n d i q u e n t le n o m b r e d e s a f f a i r e s j u g é e s p a r les
j u r i d i c t i o n s : il s ' a g i t d u C o m p t e g é n é r a l d e la j u s t i c e c r i m i n e l l e q u i e s t a p p a r u e n
1825. Il e x i s t e e n c o r e les s t a t i s t i q u e s d e la D i r e c t i o n d e l ' a d m i n i s t r a t i o n p é n i t e n -
t i a i r e q u i p u b l i e u n r a p p o r t a n n u e l s u r la p o p u l a t i o n p é n a l e e t c e l l e s d e la D i r e c t i o n
d e l ' é d u c a t i o n s u r v e i l l é e q u i d o n n e d e s i n d i c a t i o n s c h i f f r é e s s u r la d é l i q u a n c e
j u v é n i l e e t s u r les j e u n e s e n d a n g e r m o r a l . D e p u i s 1981 les p r i n c i p a l e s s t a t i s t i q u e s
s o n t r e g r o u p é e s d a n s l ' A n n u a i r e s t a t i s t i q u e d e la J u s t i c e é d i t é p a r la D o c u m e n t a -
t i o n f r a n ç a i s e e t q u i a p r i s le r e l a i s d u C o m p t e g é n é r a l d e la J u s t i c e .
14 — INSUFFISANCES DES STATISTIQUES — L ' é t a b l i s s e m e n t d e t o u t e s ces statisti-
q u e s p o s e d e d é l i c a t s p r o b l è m e s d e m é t h o d e . Il f a u t d é l i m i t e r la c r i m i n a l i t é d a n s
le t e m p s ( o n u t i l i s e l ' a n n é e civile, m a i s d e s p é r i o d e s p l u s r é d u i t e s p e u v e n t ê t r e
p r i s e s e n r é f é r e n c e ) , d a n s l ' e s p a c e ( s t a t i s t i q u e s n a t i o n a l e s , r é g i o n a l e s , d e s villes,
d e s c a m p a g n e s , e t c . ) e t s e l o n la n a t u r e d e s faits r e t e n u s ( l ' u n i t é d e c o m p t e é t a n t
p o u r le M i n i s t è r e d e l ' I n t é r i e u r l ' a f f a i r e t r a i t é e e t p o u r le M i n i s t è r e d e la J u s t i c e
l ' a f f a i r e j u g é e ) . M a l h e u r e u s e m e n t a u c u n e s t a t i s t i q u e n ' e s t p a r f a i t e . E n e f f e t les
s t a t i s t i q u e s p o l i c i è r e s e t a f o r t i o r i les s t a t i s t i q u e s j u d i c i a i r e s n e p e u v e n t p r é t e n d r e
d r e s s e r u n t a b l e a u c o m p l e t d e la c r i m i n a l i t é r é e l l e , c ' e s t - à - d i r e d e s i n f r a c t i o n s
e f f e c t i v e m e n t c o m m i s e s , b i e n plus n o m b r e u s e s q u e celles traitées et jugées. Ainsi
30 % d e s i n f a n t i c i d e s s e r a i e n t i g n o r é s e t a v a n t 1975 u n a v o r t e m e n t s u r m i l l e a u r a i t
é t é c o n n u d e l a p o l i c e . C ' e s t le f a m e u x c h i f f r e n o i r d e la d é l i n q u a n c e . P o u r q u o i
existe-t-il u n e t e l l e d i s c o r d a n c e e n t r e l ' a p p a r e n c e e t la r é a l i t é ? L e s c a u s e s e n s o n t
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m u l t i p l e s . Il a r r i v e d ' a b o r d q u e la v i c t i m e n ' a i t p a s c o n s c i e n c e q u ' u n e i n f r a c t i o n


a é t é c o m m i s e à s o n d é t r i m e n t si le d é l i n q u a n t a e u l ' h a b i l e t é d e m a s q u e r s o n
f o r f a i t : ainsi les a c t i o n n a i r e s d ' u n e s o c i é t é p e u v e n t p a r f a i t e m e n t i g n o r e r les m a l -
v e r s a t i o n s d ' u n d i r i g e a n t s o c i a l . O u b i e n la v i c t i m e p a r p e u r d e r e p r é s a i l l e s n ' i r a
p a s p o r t e r p l a i n t e . P a r e i l l e p a s s i v i t é s e r e t r o u v e d ' a i l l e u r s l o r s q u e la v i c t i m e e s t
c o n v a i n c u e d e l ' i n e f f i c a c i t é d e la j u s t i c e , o u l o r s q u e s o n p r é j u d i c e e s t m i n i m e , o u
lorsqu'elle se t r o u v e e l l e - m ê m e d a n s u n e s i t u a t i o n p e u r e l u i s a n t e ( h o m m e m a r i é
dépouillé par une prostituée), ou lorsqu'elle a initialement encouragé l'auteur de
l ' i n f r a c t i o n ( f e m m e v i o l é e a y a n t c o n s e n t i a b initio c e r t a i n e s f a v e u r s ) . P a r a i l l e u r s
d e s i n f r a c t i o n s , q u o i q u e d é c o u v e r t e s , n e s o n t p a s a p p r é h e n d é e s p a r les s t a t i s t i q u e s
p a r c e q u e le p r é j u d i c e c a u s é a u r a é t é r é p a r é , c o m m e c e l a se p r o d u i t p o u r d e
n o m b r e u x v o l s c o m m i s d a n s les g r a n d s m a g a s i n s .

R e s t e n t d o n c l a c r i m i n a l i t é a p p a r e n t e e t la c r i m i n a l i t é légale. L a p r e m i è r e
i n d i q u e les faits q u i f o n t l ' o b j e t d e d é n o n c i a t i o n s , p l a i n t e s , e n q u ê t e s p o l i c i è r e s o u
poursuites et qui n ' o n t pas e n c o r e d o n n é lieu à des c o n d a m n a t i o n s . Les statistiques
d u M i n i s t è r e d e l ' I n t é r i e u r p a r t a g e n t l a c r i m i n a l i t é e n t r o i s c a t é g o r i e s : la g r a n d e
criminalité (homicides et prises d ' o t a g e s crapuleux, vols avec a r m e s o u violences,
t r a f i c d e s t u p é f i a n t s ) , la m o y e n n e c r i m i n a l i t é ( h o m i c i d e s e t p r i s e s d ' o t a g e s n o n
c r a p u l e u x , c o u p s m o r t e l s , c a m b r i o l a g e s ) , e t les a u t r e s f o r m e s d e d é l i n q u a n c e ( v o l s
de voitures, p r o x é n é t i s m e , délits é c o n o m i q u e s et financiers, a v o r t e m e n t s , etc.).
C e classement est affecté de coefficients d e p o n d é r a t i o n qui visent à d é g a g e r u n
i n d i c e c h e r c h a n t à t r a d u i r e l ' i m p a c t g l o b a l d e la c r i m i n a l i t é s u r le c o r p s s o c i a l . L e s
faits c l a s s é s d é l i n q u a n c e o n t le c o e f f i c i e n t 1, c e u x d e la m o y e n n e c r i m i n a l i t é le
c o e f f i c i e n t 10, e t c e u x d e la g r a n d e c r i m i n a l i t é le c o e f f i c i e n t 100. Il e s t p i q u a n t d e
constater q u ' u n e telle division c o n d u i t à de curieux résultats p u i s q u e p a r e x e m p l e
le fait d ' a r r a c h e r le sac à m a i n d ' u n e f e m m e e s t u n a c t e d e g r a n d e c r i m i n a l i t é ,
m a i s q u e s o n viol o u s o n m e u r t r e r e l è v e n t d e la c r i m i n a l i t é m o y e n n e d u m o m e n t
q u e l ' a g e n t n ' a p a s c h e r c h é à s ' a p p r o p r i e r s o n s a c à m a i n . Q u a n t à la c r i m i n a l i t é
l é g a l e , e l l e s ' é l o i g n e e n c o r e p l u s d e la r é a l i t é e t e l l e n ' e s t m ê m e p a s u n r e f l e t e x a c t
d e s i n f r a c t i o n s d o n t c o n n a i s s e n t les t r i b u n a u x . E n e f f e t les s t a t i s t i q u e s j u d i c i a i r e s
n e t i e n n e n t p a s c o m p t e d e s c o n c o u r s r é e l s d ' i n f r a c t i o n s p u i s q u e la c o n d a m n a t i o n
p r e n d e n c o n s i d é r a t i o n la s e u l e i n f r a c t i o n la p l u s g r a v e . E n o u t r e les s t a t i s t i q u e s
j u d i c i a i r e s n e d o n n e n t a u c u n e i n d i c a t i o n s u r le l i e u e t s u r les c i r c o n s t a n c e s d e
l'infraction. L a différence e n t r e criminalité a p p a r e n t e et criminalité légale est
p a r f o i s a p p e l é e le c h i f f r e gris d e la c r i m i n a l i t é .

15 — ETUDES DE CAS — A c ô t é d e s m o y e n s g l o b a u x d e c o n n a î t r e la c r i m i n a l i t é
q u e s o n t les s t a t i s t i q u e s e x i s t e n t les e n q u ê t e s e t les m o n o g r a p h i e s . L ' e n q u ê t e l i m i t e
l ' é t u d e à c e r t a i n s a s p e c t s d e la c r i m i n a l i t é e n v i s a g é e à t r a v e r s u n g r o u p e l i m i t é d e
d é l i n q u a n t s . P a r e x e m p l e o n c h o i s i r a le m e u r t r e e t o n s ' a t t a c h e r a à d é t e r m i n e r
l ' i n f l u e n c e d e c e r t a i n s f a c t e u r s , t e l s d r o g u e , a l c o o l , r i v a l i t é a m o u r e u s e , e t c . Il e s t
i n d i s p e n s a b l e d a n s c e t t e m é t h o d e d e p o u v o i r c o m p a r e r les r e n s e i g n e m e n t s o b t e n u s
a v e c c e u x q u e d o n n e r a u n a u t r e g r o u p e h u m a i n f o r m é so i t d e n o n - d é l i n q u a n t s ,
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soit d e d é l i n q u a n t s d ' a u t r e s c a t é g o r i e s e t la c o m p a r a i s o n p e r m e t t r a d e v é r i f i e r
l'impact spécial d ' u n e cause précise. Afin de mieux connaître certains types de
d é l i n q u a n c e , les e n q u ê t e s p e u v e n t p r e n d r e la f o r m e d ' e n q u ê t e s d ' a u t o - c o n f e s s i o n ,
i n t e r r o g e a n t u n g r o u p e d e p e r s o n n e s s u r l e u r d é l i n q u a n c e c a c h é e ; elles s o n t
s u r t o u t p r a t i q u é e s a u x E t a t s - U n i s . Il e x i s t e a u s s i d e s e n q u ê t e s d e v i c t i m i s a t i o n
p o r t a n t s u r le f a i t d ' ê t r e v i c t i m e o u s u r la p e u r d ' ê t r e v i c t i m e e t ici e n c o r e la F r a n c e
brille p a r s o n r e t a r d .

A v e c la m é t h o d e d e la m o n o g r a p h i e — m i s e a u p o i n t a u x E t a t s - U n i s p a r les
é p o u x G l u e c k — o n se livre à l ' e x a m e n d ' u n e c i r c o n s c r i p t i o n d é f i n i e ( p a r e x e m p l e
u n e ville) o u à l ' é t u d e b i o g r a p h i q u e m i n u t i e u s e d ' u n d é l i n q u a n t o u d ' u n t r è s p e t i t
g r o u p e de d é l i n q u a n t s et, à l'aide de tests m é d i c a u x , psychiatriques et d ' e n q u ê t e s
s o c i a l e s , o n t e n t e d e d é c o u v r i r la d y n a m i q u e d u c r i m e p r o p r e à l ' i n d i v i d u e x a m i n é .
C e t t e é t u d e du d é l i n q u a n t est p o u r s u i v i e a p r è s sa libération afin d ' o b s e r v e r l'effet
t h é r a p e u t i q u e d e la s a n c t i o n a p p l i q u é e ( f o l l o w u p s t u d i e s ) . A i n s i les é p o u x G l u e c k
o n t n o t a m m e n t travaillé s u r un é c h a n t i l l o n de 500 d é l i n q u a n t s juvéniles et d e
500 n o n - d é l i n q u a n t s . A i n s i f u t e n c o r e e x a m i n é e u n e f a m i l l e a m é r i c a i n e , les J u k e ,
dont l'ancêtre était un déviant. Les mécanismes du crime furent étudiés à travers
c e t t e f a m i l l e o ù l ' o n t r o u v a 511 d é l i n q u a n t s , v a g a b o n d s , p r o x é n è t e s , p r o s t i t u é e s .
U n e a u t r e m é t h o d e q u e l ' o n p e u t m e n t i o n n e r e s t l ' é t u d e p a r c o h o r t e s , ce t e r m e
d é s i g n a n t u n e n s e m b l e d ' i n d i v i d u s liés p a r u n é v é n e m e n t i m p o r t a n t , c o m m e u n e
c o n d a m n a t i o n a u c o u r s d ' u n e m ê m e a n n é e . Il e s t é v i d e n t q u e ces t e c h n i q u e s d e
c o n n a i s s a n c e i n d i v i d u e l l e d e la c r i m i n a l i t é r e s t e n t p a r t r o p l i m i t é e s . E l l e s p e r m e t -
t e n t u n e m e i l l e u r e c o n n a i s s a n c e d u d é l i n q u a n t m a i s n o n d e la d é l i n q u a n c e e n
g é n é r a l , e t t o u t a u p l u s d ' u n a s p e c t l i m i t é d e la d é l i n q u a n c e . A u s s i les s e u l s
résultats qui p e u v e n t d o n n e r u n e idée synthétique du p h é n o m è n e criminel sont-
ils c e u x f o u r n i s p a r les s t a t i s t i q u e s à u n e g r a n d e é c h e l l e .

B) Les résultats

16 — VOLUME DE LA DELINQUANCE — L e s s t a t i s t i q u e s a p p o r t e n t d ' a b o r d d ' i n t é -


ressants renseignements sur l'évolution quantitative du p h é n o m è n e criminel sur
des périodes plus o u moins longues. D e s m o u v e m e n t s à long t e r m e p e u v e n t de
la s o r t e ê t r e o b s e r v é s : p a r e x e m p l e la c r i m i n a l i t é a t r i p l é e n F r a n c e e n t r e 1886
et 1925, e s s e n t i e l l e m e n t , s e m b l e - t - i l , à c a u s e d e l ' i n d u s t r i a l i s a t i o n . A u t r e e x e m p l e :
d e p u i s 1825 le n o m b r e d ' a c c u s a t i o n s p o u r m e u r t r e o u a s s a s s i n a t est e n d i m i n u t i o n
c o n s t a n t e , d u m o i n s j u s q u ' a u x a n n é e s 1980. L e s c o m p a r a i s o n s à q u e l q u e s a n n é e s
d ' i n t e r v a l l e e x p r i m e n t d e s m o u v e m e n t s à m o y e n t e r m e : ainsi e n 1932-1933 e s t
r e l e v é e u n e f o r t e m o n t é e d e la d é l i n q u a n c e d u e à la crise é c o n o m i q u e . A c o u r t
t e r m e les m o u v e m e n t s s o n t p r i s e n c o n s i d é r a t i o n s u r m o i n s d ' u n e a n n é e , ainsi
v a r i a t i o n s s a i s o n n i è r e s (la c r i m i n a l i t é d e s a n g é t a n t p l u s m a r q u é e e n é t é e t celle
d ' a p p r o p r i a t i o n p l u s m a r q u é e e n h i v e r ) o u j o u r n a l i è r e s (les f o r m e s d e d é l i n q u a n c e
v a r i a n t e n c o u r s e t e n fin d e s e m a i n e ) . P o u r r e v e n i r à d e s t e r m e s p l u s l o n g s e t
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d o n n e r des chiffres précis qui t r a d u i s e n t u n a c c r o i s s e m e n t c o n s t a n t d u p h é n o m è n e


c r i m i n e l , o n se r e p o r t e r a a u t a b l e a u c i - d e s s o u s r e l a t i f à la c r i m i n a l i t é l é g a l e .

S a n s d o u t e d e p u i s u n e v i n g t a i n e d ' a n n é e s les c h i f f r e s p a r a i s s e n t - i l s e n h a u s s e
c o n s t a n t e — c e u x d e l ' a n n é e 1988 é t a n t p r o v i s o i r e s — m a i s u n e x a m e n d é t a i l l é
r é v è l e u n e s e n s i b l e h é t é r o g é n é i t é d a n s les c o u r b e s d ' é v o l u t i o n . C e r t a i n e s i n f r a c -
t i o n s c o n n a i s s e n t ainsi u n e p r o g r e s s i o n s p e c t a c u l a i r e — p a r e x e m p l e 59 2 9 8
c o n d a m n a t i o n s p o u r v o l s c o r r e c t i o n n e l s e n 1974 c o n t r e 125 894 e n 1986, 3 196
c o n d a m n a t i o n s p o u r r e c e l e n 1974 c o n t r e 19 0 2 2 e n 1987, 60 c o n d a m n a t i o n s p o u r
viol o u a t t e n t a t à la p u d e u r s u r a d u l t e s e n 1973 c o n t r e 4 0 2 e n 1986, 9 c o n d a m n a -
t i o n s p o u r t r a f i c d e s t u p é f i a n t s e n 1975, 4 2 4 e n 1978, 3 572 e n 1982, 6 3 0 0 e n 1985
et p l u s d e 10 000 e n 1987 — , p r o g r e s s i o n c o m p e n s é e c e p e n d a n t p a r u n e s t a g n a t i o n
e n d ' a u t r e s d o m a i n e s — 7 5 9 c o n d a m n a t i o n s p o u r v o l s q u a l i f i é s c r i m e s e n 1979,
689 e n 1984 e t 808 e n 1985 ( l e s c h i f f r e s m o n t a n t c e p e n d a n t a u c o u r s d e s d e u x
a n n é e s s u i v a n t e s : 967 e t 8 8 6 ) , 12 c o n d a m n a t i o n s p o u r i n f a n t i c i d e e n 1975, 10 e n
1984 e t 10 e n 1985 ( e t m ê m e 8 e n 1 9 8 6 ) , 102 c o n d a m n a t i o n s p o u r p o l l u t i o n e n
1975, 95 e n 1984, 91 e n 1985, 115 e n 1986 e t 104 e n 1987 — , e t u n e d i m i n u t i o n
e n d ' a u t r e s — 1 663 c o n d a m n a t i o n s p o u r p r o x é n é t i s m e e n 1975, 1 139 e n 1984 e t
1 092 e n 1987, 1 238 c o n d a m n a t i o n s p o u r c o u p s e t m a u v a i s t r a i t e m e n t s à e n f a n t s
e n 1975, 525 e n 1984 e t 5 9 8 e n 1986, 3 4 7 4 c o n d a m n a t i o n s p o u r f i l o u t e r i e e n 1973,
1 607 e n 1983, 2 862 e n 1984 e t 2 813 e n 1987. — M a i s t o u s ces c h i f f r e s n e s o n t
p a s d e s p l u s significatifs c a r , o n l ' a d é j à s o u l i g n é , la c r i m i n a l i t é l é g a l e n ' e s t q u ' u n e
p a r t i e d e la c r i m i n a l i t é r é e l l e . P a r a i l l e u r s d ' u n e a n n é e à l ' a u t r e les c h i f f r e s p e u v e n t
connaître une variation i m p o r t a n t e p o u r une seule infraction considérée, au gré
de multiples facteurs (attitude des p a r q u e t s et des victimes, l o n g u e u r inégale des
p r o c é d u r e s , e t c . ) . A i n s i les c o n d a m n a t i o n s p o u r v o l s q u a l i f i é s c r i m e s s o n t 629 e n
1973, 499 e n 1974, 914 e n 1975, 6 5 9 e n 1976, 1 0 2 7 e n 1981, 8 4 7 e n 1982, 7 2 0 e n
1983, 689 e n 1984, 808 e n 1985, 9 6 7 e n 1986 e t 886 e n 1987 ; c e l l e s p o u r a b u s d e
c o n f i a n c e 5 157 e n 1973, 3 6 7 0 e n 1974, 6 4 2 2 e n 1979, 6 617 e n 1980, 3 611 e n
1981, 4 365 e n 1983, 4 9 6 9 e n 1984, 5 503 e n 1985, 5 5 5 8 e n 1986 e t 5 2 5 9 e n 1987.
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T o u t e s ces c o u r b e s s o n t d o n c a s s e z c a p r i c i e u s e s , m ê m e si la t e n d a n c e g é n é r a l e est
à la h a u s s e .

U n e o b s e r v a t i o n i d e n t i q u e s ' i m p o s e a u s u j e t d e la c r i m i n a l i t é a p p a r e n t e a v e c
t o u t e f o i s u n e a u g m e n t a t i o n p l u s n e t t e d e s c h i f f r e s g l o b a u x : 14 8 5 2 0 0 0 i n f r a c t i o n s
c o n s t a t é e s e n 1975, 16 5 7 9 0 0 0 e n 1980, 20 7 26 0 0 0 e n 1984, 20 6 2 8 0 0 0 e n 1985,
20 541 000 e n 1986, 21 6 7 0 0 0 0 e n 1987 e t 20 5 7 0 0 0 0 e n 1988. O n n o t e p o u r
l ' e n s e m b l e d e s s e u l s c r i m e s e t d é l i t s u n e d i m i n u t i o n a s s e z s e n s i b l e a p r è s 1984
(3 681 453 e n 1984, 3 5 7 9 194 e n 1985, 3 2 9 2 189 e n 1986, 3 170 9 7 0 e n 1987 e t
3 132 294 e n 1988), m a i s p a r la s u i t e u n e n e t t e h a u s s e (3 2 6 6 4 4 2 e n 1989, 3 492 712
e n 1990). C e t t e l é g è r e d i m i n u t i o n , i n t e r v e n a n t a p r è s d e n o m b r e u s e s a n n é e s d e
h a u s s e , s e m b l e s ' e x p l i q u e r n o t a m m e n t p a r le c o m p o r t e m e n t d e s v i c t i m e s q u i o n t
moins porté plainte à propos de quelques types spécifiques d'infractions, tout
particulièrement en matière de chèques sans provision.
L a m o n t é e d u p h é n o m è n e c r i m i n e l , à l ' é v i d e n c e c o û t e c h e r à la s o c i é t é (v.
G o d e f r o y e t L a f f a r q u e , L e s c o û t s d u c r i m e e n F r a n c e . D o n n é e s 1984, 1985, 1986,
1987 e t 1989) : o n a ainsi é v a l u é à 15 2 2 7 m i l l i o n s d e f r a n c s ce c o û t e n 1975 p o u r
la F r a n c e . E n 1979, les f r a u d e s fiscales a u r a i e n t c o û t é 53 183 m i l l i o n s d e f r a n c s e t
les a t t e i n t e s à la v i e h u m a i n e 29 025 m i l l i o n s d e f r a n c s . L e s d e r n i e r s c h i f f r e s
f o n t n o t a m m e n t é t a t d e p l u s d e 130 m i l l a r d s p o u r la d é l i n q u a n c e é c o n o m i q u e e t
f i n a n c i è r e e t d e p l u s d e 3 0 m i l l a r d s p o u r la d é l i n q u a n c e p a r i m p r u d e n c e , e n
p a r t i c u l i e r r o u t i è r e . Si ces c h i f f r e s n e r e f l è t e n t s a n s d o u t e p a s l ' e x a c t e r é a l i t é , ils
o n t le m é r i t e d ' a t t i r e r l ' a t t e n t i o n s u r l ' i m m e n s e g a s p i l l a g e f i n a n c i e r q u e r e p r é s e n t e
la c r i m i n a l i t é . P l u s g r a v e e n c o r e : l ' e s s o r d e la d é l i n q u a n c e a e n t r a î n é u n e v é r i t a b l e
psychose d u crime, assez s o u v e n t irraisonnée et aux c o n s é q u e n c e s désastreuses à
b i e n d e s é g a r d s ( c o n s t i t u t i o n d e m i l i c e s p r i v é e s , d é s e r t i o n d e s v o i e s p u b l i q u e s le
so ir, r a l e n t i s s e m e n t d e la c r o i s s a n c e é c o n o m i q u e n o t a m m e n t ) .

17 — VISAGES DE LA DELINQUANCE — L e s c h i f f r e s e n s u i t e p e r m e t t e n t d e p r e n -
dre conscience de différents types de criminalité : c'est l'évolution qualitative du
p h é n o m è n e c r i m i n e l . C i n q o r d r e s d e c o m p a r a i s o n s o n t à d i s t i n g u e r . Il est d ' a b o r d
c o u t u m e d e m e t t r e e n p a r a l l è l e la c r i m i n a l i t é m a s c u l i n e e t la c r i m i n a l i t é f é m i n i n e
e t s u r ce p r e m i e r p o i n t la s u p é r i o r i t é m a s c u l i n e e s t é c r a s a n t e : e n m a t i è r e c r i m i n e l l e
2 774 h o m m e s c o n d a m n é s c o n t r e 239 f e m m e s e n 1988 e t e n m a t i è r e c o r r e c t i o n n e l l e
418 318 h o m m e s c o n d a m n é s c o n t r e 63 0 8 8 f e m m e s e n 1987. O n c o n s t a t e p a r
a i l l e u r s q u e la d é l i n q u a n c e f é m i n i n e e s t c a n t o n n é e à c e r t a i n s s e c t e u r s p r i n c i p a u x
( i n f a n t i c i d e s , d é l i t s c o n t r e l ' e n f a n t e t la f a m i l l e , v o l s d a n s les g r a n d s m a g a s i n s ,
c h è q u e s s a n s p r o v i s i o n ) . L e s essais d ' e x p l i c a t i o n d u p a r t i c u l a r i s m e d e la d é l i n -
q u a n c e f é m i n i n e n ' o n t p a s m a n q u é . L a c o n d i t i o n p h y s i q u e d e la f e m m e , sa p l a c e
d a n s la s o c i é t é o n t é t é a v a n c é e s p o u r c o m p r e n d r e la f a i b l e s s e n u m é r i q u e d e s
i n f r a c t i o n s q u ' e l l e c o m m e t . M a i s d ' a u t r e s o n t p u r é p l i q u e r q u e la c r i m i n a l i t é
f é m i n i n e r é e l l e s e r a i t s u p é r i e u r e à celle d e l ' h o m m e , la f e m m e é t a n t s o u v e n t
l ' i n s t i g a t r i c e , o u p l u s a s t u c i e u s e e t é c h a p p a n t d e la s o r t e p l u s a i s é m e n t a u x p o u r s u i -
tes, o u e n c o r e la p r o s t i t u t i o n r e p r é s e n t a n t p o u r e l l e u n e x u t o i r e n o n c o m p t a b i l i s é .
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E n t o u t é t a t d e c a u s e u n e é v o l u t i o n c e r t a i n e s e f a i t j o u r p r é s e n t e m e n t , les f e m m e s
n'hésitant plus à s'illustrer d a n s des d o m a i n e s j u s q u ' a l o r s t r a d i t i o n n e l l e m e n t réser-
vés aux h o m m e s (hold-up, prises d ' o t a g e s ) .
L a s e c o n d e c o m p a r a i s o n e s t a x é e s u r l ' â g e d e s d é l i n q u a n t s . C h e z l ' h o m m e la
d é l i n q u a n c e se m a n i f e s t e p r i n c i p a l e m e n t d e 12 à 25 a n s a l o r s q u e c h e z la f e m m e
la p é r i o d e c r i t i q u e e s t c o m p r i s e e n t r e 40 e t 45 a n s . O n o b s e r v e d e s u r c r o î t q u e les
j e u n e s d é l i n q u a n t s c o m m e t t e n t p l u s v o l o n t i e r s d e s v o l s ( p l u s d e 7 0 % d e s faits
c o n s t a t é s e n 1 9 8 9 ) , d e s v i o l e n c e s et d e s d é l i t s s e x u e l s e t q u e les i n f r a c t i o n s d i t e s
d'astuce (escroquerie, abus de confiance) ont essentiellement pour auteurs des
i n d i v i d u s d e p l u s d e 35 a n s . E n 1985 le t o t a l d e s m i n e u r s c o n d a m n é s p a r les
j u r i d i c t i o n s p é n a l e s p o u r m i n e u r s a é t é d e 69 2 8 2 e t e n 1986 ce c h i f f r e a é t é d e
68 572.

L e t r o i s i è m e p a r a m è t r e e s t la n a t i o n a l i t é e t il r e s s o r t d e s c h i f f r e s q u e la
c r i m i n a l i t é a p p a r e n t e d e s é t r a n g e r s e s t p r o p o r t i o n n e l l e m e n t p l u s é l e v é e q u e celle
d e s n a t i o n a u x . E n 1986 136 6 0 2 é t r a n g e r s o n t é t é m i s e n c a u s e c o n t r e 5 1 8 541
F r a n ç a i s , le p o u r c e n t a g e d e s é t r a n g e r s p a r r a p p o r t a u t o t a l d e s p e r s o n n e s e n c a u s e
é t a n t d e p l u s d e 20 % E n 1986 115 2 4 6 é t r a n g e r s o n t é t é c o n d a m n é s p a r les
t r i b u n a u x c o r r e c t i o n n e l s c o n t r e 4 3 7 721 F r a n ç a i s e t s ' a g i s s a n t p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t
d e s c o u p s e t v i o l e n c e s v o l o n t a i r e s e t d u t r a f i c d e s t u p é f i a n t s la p r o p o r t i o n r e s p e c t i v e
d e s c o n d a m n é s é t r a n g e r s e s t d e p l u s d ' u n t i e r s e t d e p l u s d e la m o i t i é . P o u r m i e u x
a p p r é c i e r ces r e n s e i g n e m e n t s s t a t i s t i q u e s o n i n d i q u e r a q u e la p o p u l a t i o n é t r a n g è r e
i m m i g r é e é t a i t d e 4 448 8 4 0 i n d i v i d u s e n 1985. C e s c h i f f r e s é l o q u e n t s d o i v e n t
t o u t e f o i s ê t r e i n t e r p r é t é s a v e c p r u d e n c e c a r la p o p u l a t i o n é t r a n g è r e n e p r é s e n t e
p a s les m ê m e s c a r a c t é r i s t i q u e s q u e la p o p u l a t i o n n a t i o n a l e ( c o n d i t i o n s o c i o - p r o f e s -
sionnelle différente, s u r - r e p r é s e n t a t i o n de l ' é l é m e n t masculin et de certaines
ethnies).
O n o p p o s e e n q u a t r i è m e l i e u la c r i m i n a l i t é u r b a i n e e t la c r i m i n a l i t é r u r a l e e t
t o u s les c h i f f r e s m o n t r e n t q u e la d é l i n q u a n c e e s t n e t t e m e n t p l u s é l e v é e d a n s les
villes — c ' e s t - à - d i r e d a n s les a g g l o m é r a t i o n s d e p l u s d e 2 0 0 0 h a b i t a n t s s e l o n le
C o m p t e g é n é r a l d e la j u s t i c e c r i m i n e l l e — e t s p é c i a l e m e n t d a n s les g r a n d e s villes.
A i n s i P a r i s a le t a u x le p l u s é l e v é d e c r i m e s e t d e d é l i t s p o u r m i l l e h a b i t a n t s ( 1 2 2 , 1 4
e n 1978, 137,17 e n 1980). E n o u t r e l a d é l i n q u a n c e u r b a i n e v a r i e s e l o n les q u a r t i e r s :
d a n s les g r a n d e s c i t é s e u r o p é e n n e s e l l e a t t e i n t s o u v e n t s o n p a r o x y s m e d a n s les
z o n e s p é r i p h é r i q u e s a l o r s q u e d a n s les g r a n d e s c i t é s a m é r i c a i n e s les z o n e s c r i t i q u e s
sont p l u t ô t celles p r o c h e s d u c e n t r e e t qui a b r i t e n t u n e p o p u l a t i o n p a u v r e . Q u a n t
à la n a t u r e d e s d é l i t s c o m m i s , les s e c t e u r s u r b a n i s é s s o n t le d o m a i n e d ' é l e c t i o n
d e s v o l s , h o l d - u p , v i o l e n c e s d i v e r s e s , p r o x é n é t i s m e e t t r a f i c d e s t u p é f i a n t s , e t les
s e c t e u r s r u r a u x c o n n a i s s e n t p l u t ô t les d é l i t s s e x u e l s , les i n c e n d i e s v o l o n t a i r e s e t
d i v e r s d é l i t s c o n t r e les p e r s o n n e s .
E n f i n o n a r e m a r q u é q u e la p r o f e s s i o n d u d é l i n q u a n t c o n d i t i o n n e d a n s u n e
large m e s u r e sa criminalité. D e p u i s q u e l q u e s dizaines d ' a n n é e s a é t é n o t a m m e n t
c o n s t a t é e l ' é m e r g e n c e d ' u n e d é l i n q u a n c e s p é c i a l e , d i t e e n col b l a n c , q u i e s t le fait
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d ' i n d i v i d u s a p p a r e m m e n t r e s p e c t a b l e s m a i s q u i se l i v r e n t à d e s o p é r a t i o n s illicites
o u se laissent c o r r o m p r e d a n s l'exercice d e leurs fonctions ( p r o m o t e u r s i m m o b i -
liers, a g e n t s d ' a f f a i r e s , c o m m e r ç a n t s , i n d u s t r i e l s , c a d r e s s u p é r i e u r s , p r o f e s s i o n s
l i b é r a l e s ) . Si b o n n o m b r e d e ces i n f r a c t i o n s r é s u l t e n t d ' u n e v o l o n t é d é l i b é r é e ,
d ' a u t r e s s o n t s o u v e n t les c o n s é q u e n c e s d é s a s t r e u s e s d e c o m p o r t e m e n t s n é g l i g e n t s
o u i m p r u d e n t s , t e l s les b a n q u e r o u t e s e t b e a u c o u p d e d é l i t s c o m m i s d a n s le c a d r e
d e s s o c i é t é s c o m m e r c i a l e s . A s s e z l o n g t e m p s la d é l i n q u a n c e d ' a f f a i r e s a é t é l ' o b j e t
d ' u n e r e l a t i v e m a n s u é t u d e d e la p a r t d e s a u t o r i t é s j u d i c i a i r e s . M a i s d e p u i s q u e l q u e s
a n n é e s les c h o s e s o n t c h a n g é c a r o n a pris c o n s c i e n c e d e la n o c i v i t é d e c e t t e f o r m e
d e c r i m i n a l i t é . L e d é l i t d e b a n q u e r o u t e est e n p r o g r e s s i o n s e n s i b l e : e n 1975 o n
d é n o m b r a i t 2 862 b a n q u e r o u t e s c o n s t a t é e s , 4 455 e n 1980, 4 035 e n 1983, 4 288
e n 1984, 4 252 e n 1985. Si les c h i f f r e s t o m b e n t d e f a ç o n s p e c t a c u l a i r e e n 1986
(2 666) e t e n 1987 (2 3 2 5 ) , c ' e s t e n r a i s o n d ' u n e l a r g e d é p é n a l i s a t i o n o p é r é e p a r
la loi d u 25 j a n v i e r 1985. A u n i v e a u d e s a f f a i r e s j u g é e s les b a n q u e r o u t e s o n t é t é
1 855 e n 1984, 1 9 8 4 e n 1985, 1 0 0 7 e n 1986, 1 0 3 4 e n 1987 et 1 0 3 2 e n 1988. P l u s
e n c o r e q u e les b a n q u e r o u t e s , les d é l i t s d e s o c i é t é s c o n n a i s s e n t u n a c c r o i s s e m e n t
t r è s s o u t e n u : 733 i n f r a c t i o n s c o n s t a t é e s e n 1972, 1 914 e n 1981, 2 573 e n 1983,
2 864 e n 1985, 2 8 1 4 e n 1986. L a p u b l i c i t é m e n s o n g è r e r e p r é s e n t e 681 a f f a i r e s
j u g é e s e n 1984, 72 4 e n 1985, 7 2 5 e n 1986, 7 1 0 e n 1987 e t 632 e n 1988. C u r i e u s e m e n t
les i n f r a c t i o n s fiscales e t d o u a n i è r e s s t a g n e n t o u r é g r e s s e n t , d u m o i n s a u n i v e a u
j u d i c i a i r e : 922 i n f r a c t i o n s fiscales j u g é e s e n 1975, 4 9 7 e n 1984, 5 6 8 e n 1985, 597
e n 1986, 694 e n 1987 e t 905 e n 1988, 295 i n f r a c t i o n s d o u a n i è r e s j u g é e s e n 1975,
388 e n 1984, 358 e n 1985, 3 5 2 e n 1986, 3 4 6 e n 1987 e t 3 3 2 e n 1988. C e s c h i f f r e s
m o d i q u e s s o n t d u s à l ' i m p o r t a n c e d e la t r a n s a c t i o n e n m a t i è r e fiscale e t d o u a n i è r e .
O n t e r m i n e r a e n i n d i q u a n t q u e les c a t é g o r i e s s o c i o - p r o f e s s i o n n e l l e s les p l u s
t o u c h é e s p a r la d é l i n q u a n c e s o n t les s a l a r i é s e t les o u v r i e r s ( 4 0 , 2 8 %c) e t les i n d u s -
triels e t c o m m e r ç a n t s ( 4 8 , 6 3 %c) a l o r s q u e les a g r i c u l t e u r s e x p l o i t a n t s c o n n a i s s e n t
u n t a u x d e 10,59 %c e t les e m p l o y é s u n t a u x d e 2 4 , 1 9 %c, t o u s ces c h i f f r e s c o n c e r n a n t
l ' a n n é e 1978, le r e n s e i g n e m e n t n ' e x i s t a n t p l u s d e p u i s d a n s l ' A n n u a i r e .

Section II : Les causes de la délinquance.


18 — COMMENT TENTER DE PERCER UN GRAND MYSTERE — La recherche des
causes du phénomène criminel, ou criminogenèse, est une tâche ardue qui n'a été
vraiment entreprise de façon sérieuse et scientifique que depuis un siècle environ.
Auparavant les explications procédaient de la pétition de principe. Ainsi primitive-
ment ce fut en référence à la religion que le crime fut analysé. Sous l'Antiquité
l'acte criminel était la conséquence d'un sort des dieux. Dans l'Ancien Droit
français l'homme criminel est un pécheur et « l'étude du péché et de ses causes
se confond ainsi avec l'étude du crime » (Laingui, L'homme criminel dans l'Ancien
Droit, R.S.C. 1983, 19). Et déjà est mise en lumière l'idée fondamentale de la
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liberté de l'homme. Concept fondamental, véritable dogme, le libre arbitre a


inspiré les grands codes pénaux du XIXE siècle et notamment le Code pénal français.
C'est donc résolument que l'homme choisit l'état de délinquant, décide d'enfrein-
dre les lois de la société. Il aura fallu attendre les travaux de l'Italien Lombroso
pour que la criminogenèse s'élabore sur des bases moins irrationnelles et relègue
à sa juste place le postulat du libre arbitre. D'ailleurs auparavant celui-ci n'était plus
perçu par certains auteurs comme la panacée : Saint Thomas d'Aquin expliquait la
perversité du délinquant par un ensemble de dispositions morbides et Thomas
More voyait dans la grande misère une cause du crime. On se doute que la
recherche des causes de la délinquance est d'une utilité primordiale. Elle présente
l'avantage de permettre de mieux lutter contre la délinquance (par exemple par
une politique d'assainissement de l'habitat, par la lutte contre certains fléaux, telles
la maladie, la misère, la drogue) et d'aider à déterminer le traitement à appliquer
aux délinquants (prison classique, mesures éducatives ou médicales par exemple).
Deux grands types de causes de la criminalité peuvent être distingués : les causes
internes (§1) et les causes externes (§ 2).

§ 1 : Les causes internes.

19 — DUALITE — On entend par là les causes qui tiennent à l'individu, propres


au délinquant, et dont la combinaison caractérise la personnalité du sujet étudié.
Les unes sont innées (A), les autres sont acquises (B).

A) Les causes internes innées.


20 — ANOMALIES PHYSIOLOGIQUES — Au premier rang figurent les facteurs
corporels dus à l'hérédité pris en considération par plusieurs écoles. Il y a d'abord
la théorie du criminel-né ou théorie de la criminalité atavique, qui a pour auteur
Lombroso et dont l'ouvrage, L'homme criminel, publié en 1876, a eu un retentisse-
ment énorme. Lombroso part de la constatation selon laquelle le crime n'est pas
propre à l'homme ni le produit de la liberté, mais qu'il est aussi le fait d'animaux
ou de plantes. Observant ensuite les caractères physiques de nombreux criminels,
Lombroso est amené à relever les diverses anomalies que présente le grand crimi-
nel, qui évoquent la bestialité de l'homme primitif (proéminence des arcades
sourcillières, capacité réduite du crâne, front fuyant, oreilles écartées, hyperostose,
insensibilité à la douleur — d'où la pratique du tatouage —, égoïsme, frivolité).
La thèse de Lombroso a vite été critiquée, en particulier par l'un de ses disciples,
Ferri et par Gabriel Tarde, et il a été démontré que les prétendus stigmates du
criminel sont un critère des plus contestables. Elle suscite même l'hilarité générale
des auditoires estudiantins ! Après Lombroso d'autres chercheurs se sont penchés
sur l'importance des facteurs héréditaires. Ainsi on a pu étudier certaines familles
avec la technique de la monographie (v. supra n° 15), tels les Juke ou les Kallikak.
L'ancêtre de cette dernière famille s'était marié deux fois, avec une femme de
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mauvaises mœurs puis avec une femme vertueuse, et seuls les descendants du
premier lit s'avérèrent des délinquants. Ici encore, un manichéisme aussi primaire
en devient risible. Plus récemment ont été découvertes des particularités chromoso-
miques et l'on a constaté que la majeure partie des personnes présentant des
aberrations chromosomiques se trouvaient parmi les délinquants. Néanmoins cette
thèse ne saurait trop porter à conséquence : d'une part la grande majorité des
délinquants ne présentent pas d'aberrations chromosomiques, et d'autre part les
sujets affectés de cette anomalie sont loin d'être tous des délinquants.
21 — CORRELATIONS ENTRE MORPHOLOGIE ET CARACTERE — Une autre théorie
consiste à procéder à des analyses morpho-caractériologiques pour déterminer les
rapports entre le corps humain et la délinquance, l'essentiel étant de comparer
délinquants et non délinquants, ce que Lombroso n'avait pas fait. La classification
la plus connue est celle de l'Autrichien Kretschmer qui, dans son ouvrage La
structure du corps et du caractère, distingue quatre types morphologiques fonda-
mentaux : le type pycnique — formes arrondies et potelées, assez petite taille —,
le type leptosome — formes amaigries et anguleuses —, le type athlétique — grand
squelette, muscles puissants, pilosité abondante —, et le type dysplastique —
croissance retardée, déficience des organes sexuels —. Au niveau caractériel
Kretschmer distingue deux catégories d'individus : les cyclothymiques, allant de
l'euphorie à la mélancolie, et les schizothymiques, qui sont invertis. Il résulte de
plusieurs enquêtes que si les pycniques s'adonnent peu à la délinquance, les
leptosomes sont souvent voleurs ou escrocs, les athlétiques prédisposés aux actes
de violence et les dysplastiques à la délinquance sexuelle. Une autre classification
est due à l'Américain Sheldon (Varieties of delinquant youth, 1949) qui oppose
trois types morphologiques : l'endomorphe — prédominance du feuillet interne
du tissu embryonnaire, à savoir viscères —, le mésomorphe — prédominance du
feuillet médian, à savoir musculature —, et l'ectomorphe — prédominance du
feuillet externe, à savoir système nerveux —, et trois types caractériels : viscéroto-
nie (sociabilité), somatotonie (agressivité), cérébrotonie (réserve). Toutes ces clas-
sifications n'ont qu'une valeur relative, la délinquance ou la non délinquance de
chaque individu n'étant aucunement prédéterminée de façon infaillible par son
appartenance à une catégorie donnée ; simplement cette dernière peut avoir une
influence sur le comportement du sujet.
22 — THESES CONSTITUTIONNALISTES — D'autres criminologues ont voulu élar-
gir leur champ d'investigation, partant de l'idée que la délinquance ne peut être
conditionnée par les seuls détails morphologiques, chromosomiques et héréditaires.
L'homme est en effet beaucoup plus complexe que cela, comme l'a souligné l'école
criminologique constitutionnaliste. Trois thèses ont été soutenues à cet égard. La
première est la théorie du pervers constitutionnel, élaborée notamment par Dupré
et Michaux. Divers instincts existent chez l'homme (nutrition, appropriation,
reproduction, association) et l'hypertrophie ou la déviation d'un de ces instincts
est une perversion. Il existerait ainsi chez de nombreux délinquants une perversion
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constitutionnelle, originelle et incurable. La seconde théorie est celle de la constitu-


tion délinquantielle de l'Italien Di Tullio (Principes de criminologie clinique, 1967).
Pour cet auteur deux groupes fondamentaux caractérisent la société : les individus
neutres ou conformistes, et les individus originaux ou non conformistes, plus
prédisposés au crime et parmi lesquels se trouvent les criminels constitutionnels.
Ceux-ci sont répartis en trois catégories. Il y a d'abord les criminels constitutionnels
à orientation hyper-évolutive, les criminels constitutionnels à orientation psycho-
névrotique et les criminels constitutionnels à orientation psychopatique. Enfin doit
être mentionnée la théorie constitutionnelle de Kinberg (Les problèmes fondamen-
taux de la criminologie, 1960). Quatre facteurs radicaux constitutionnels — c'est-
à-dire de la constitution psychique — existent à des degrés variables chez chaque
individu : ce sont la capacité — ou intelligence maximale à laquelle peut parvenir
un individu —, la validité — ou quantité d'énergie cérébrale —, la stabilité — ou
degré de facilité de rétablissement de l'équilibre émotionnel — et la solidité — ou
degré d'unité fonctionnelle de l'activité —. Les prédispositions de chaque sujet
peuvent être corrigées par la fonction morale, définie comme la réaction plus ou
moins rapide aux stimuli moraux venant de l'extérieur. A cet égard Kinberg
distingue quatre groupes : les sujets connaissant les actes défendus par la morale
mais dépourvus d'élément émotionnel, les sujets connaissant la morale et réagissant
émotionnellement, les sujets dont la connaissance ou l'émotion sont affectées par
des lésions pathologiques, les sujets dont les fonctions morales sont réduites.

B) Les causes internes acquises.


23 — MALADIE — L'hypothèse de la maladie criminogène ne pouvait pas ne pas
être envisagée. On songe d'abord tout particulièrement à la démence, qui est une
maladie acquise et non congénitale, et aux diverses névroses. Il est évident que
les maladies mentales prédisposent à la délinquance et les criminologues qui ont
voulu classer les délinquants en plusieurs catégories ont toujours accordé une place
importante aux délinquants poussés par la démence : ainsi Lombroso (avec le
criminel-fou), Ferri (avec le criminel aliéné), Di Tullio (avec le criminel-fou).
D'autres maladies ont encore une influence non négligeable, tels la syphilis, la
tuberculose et le sida. Surtout plusieurs criminologues ont étudié les relations entre
le fonctionnement des glandes endocriniennes et le psychisme de l'individu. Un
excès ou une insuffisance de sécrétion de ces glandes (hypophyse, thyroïde, glandes
surrénales, glandes génitales) auraient une incidence sur le comportement de
l'intéressé (travaux de Schlapp et Smith aux Etats-Unis). Enfin la consommation
de produits toxiques, (alcool, stupéfiants) est une cause importante et indiscutée
de nombreux crimes et délits. Stricto sensu il ne s'agit pas véritablement de
maladies, mais d'habitudes contractées, quoiqu'il puisse arriver que ce genre
d'excès soit la source de certaines lésions.

24 — PSYCHISME — Une place à part doit être faite aux facteurs proprement
psychiques de la délinquance. Il existe en premier lieu des théories psychanalitiques.
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On signalera celle du Français Daniel Lagache (Psychocriminogenèse, 1950) qui


distingue deux phases essentielles dans le processus de formation de la personnalité,
processus qualifié par les psychologues de socialisation progressive de l'individu.
La première phase est dite de retrait, ou refus de l'identification au groupe, le
sujet voyant alors son processus de maturation troublé par des anomalies, d'où
des troubles se manifestant par l'égocentrisme et l'immaturité. La seconde phase est
dite de restitution, ou tentative d'ajustement. Détaché d'un groupe le délinquant va
en chercher un autre. Lagache perçoit à cet égard les aspects interpersonnel et
intrapersonnel des conduites criminelles. Le premier concerne les rapports entre
le délinquant et les groupes auxquels il participe. L'infraction révèle que son auteur
commet une agression contre les valeurs du groupe dont il enfreint les règles et
qu'il pose d'autres valeurs propres au groupe auquel il aspire. Le second concerne
les rapports entre le délinquant et son acte. Le conflit inconscient interne au
sujet sera résolu par une action extérieure, le crime, qui est donc une tentative
d'ajustement.
En deuxième lieu doit être mentionnée la théorie psycho-physiologique, princi-
palement illustrée par le Belge Etienne de Greef (Introduction à la criminologie,
1937). Chacun est un délinquant virtuel et inconscient, car le système neurophysio-
logique transmet à tout individu des incitations constantes à l'agressivité. Le plus
souvent l'homme réussit à les endiguer, à les contenir en édictant une barrière
morale à l'aide de son psychisme supérieur qui sécrétera certaines valeurs altruistes,
à savoir l'amour, la sympathie. Mais il arrive que le sujet succombe et devienne
alors délinquant. De Greef a dégagé le concept de fonctions incorruptibles, qui
échappent complètement à la volonté. Ces fonctions, indifférentes au bien et au
mal, se reconnaissent notamment dans les sentiments de responsabilité, de justice,
de destinée. Si elles jouent sous l'impulsion des instincts de défense, sans contrôle,
le sujet commettra alors une infraction, laissant libre cours aux réactions de son
mésencéphale (ou cerveau moyen). Il importe par conséquent d'avoir en soi des
fonctions de protection suffisantes. De Greef écrivait : « Un honnête homme est
un sujet qui se trouve constamment en équilibre instable. Il est toujours en train
de perdre son honnêteté. Il est toujours en train de la retrouver ».

§ 2 : Les causes externes

25 — QUELQUES DONNEES ESSENTIELLES ET QUELQUES CONCLUSIONS QUI LE


SONT MOINS — Nul ne doute de l'importance des facteurs du milieu dans la genèse
du phénomène de la délinquance. Il y a d'abord le milieu familial dont l'influence
peut être énorme. Une enquête effectuée dans l'agglomération parisienne en 1942
a montré que 88 % des délinquants mineurs étaient issus de familles dissociées
(divorce, séparation de corps ou de fait, mésentente). Pareillement diverses études
ont mis en lumière le poids d'un niveau socio-économique modeste de la famille
d'origine et celui du comportement des parents. Le milieu physique est également
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important : ainsi le milieu rural favorise la criminalité violente et le milieu urbain


une délinquance d'une autre nature, plus orientée vers les biens. Surtout l'influence
de l'habitat paraît prédominante, neuf enfants inadaptés sur dix ayant vécu dans
des taudis ou bidonvilles. Outre le milieu familial et le milieu physique il faut
encore citer le milieu économique, le milieu social et même le milieu répressif,
notamment le milieu carcéral. Forts de ces constatations quelques criminologues
ont dégagé à partir d'observations statistiques certaines lois criminologiques qui
traduisent l'impact des facteurs exogènes. Ferri par exemple a découvert la loi de
la saturation criminelle s'exprimant telle une formulation chimique. Le niveau de
la criminalité est déterminé chaque année par les différentes conditions du milieu
physique et social combinées avec les tendances héréditaires et les impulsions
occasionnelles de l'individu. De la sorte s'explique le concept de saturation : selon
les conditions de chaque milieu considéré on arrive à connaître avec précision le
nombre de crimes. Une autre loi due au même auteur est celle de la sursaturation
qui joue en cas de changement social important. La quantité de crimes augmente
alors, comme celle du sel dans l'eau quand la température de ce mélange est portée
plus haut. De son côté le Belge Quételet est l'inventeur de la loi de la régularité
constante du crime dont la formulation est mécanique. En vertu de cette loi les
crimes se reproduisent chaque année au même nombre, dans les mêmes propor-
tions et avec des peines identiques, d'où la possibilité de déterminer à l'avance
combien de personnes tueront, voleront, violeront... Une autre loi célèbre est la
loi thermique de la criminalité formulée par Quételet et le Français Guerry. Les
infractions contre les personnes, en vertu de cette loi, sont plus nombreuses dans
les régions méridionales et pendant les saisons chaudes, alors que les infractions
contre les biens prédominent dans les régions septentrionales et pendant les saisons
froides. Gabriel Tarde devait démontrer plus tard qu'il n'y avait là qu'illusion, le
contraste entre le nord et le sud s'expliquant par le degré différent d'urbanisation.
Toutes ces lois tirent donc des conclusions à partir de phénomènes statistiques et
telle est leur seule ambition.
Plus récemment la criminologie a découvert le rôle majeur que joue la victime
dans bien des cas. Ainsi la victime peut être un agent actif lorsqu'elle commet une
infraction pour mettre fin à son état de victime : par exemple une femme maltraitée
qui en vient à tuer son mari brutal. La victime peut encore être un agent passif,
lorsque en particulier son attitude provoque le délinquant, l'illustration classique
étant celle de la femme violée qui par un comportement de complaisance initiale
aura attisé les pulsions du criminel.
26 — CRIMINOLOGIE SOCIOLOGIQUE — Divers courants existent au sein des
explications du mécanisme de la socio-criminogenèse. Le premier et le plus ancien
est le courant de la criminologie sociologique qui comporte plusieurs manifesta-
tions. Il y a ainsi la théorie de l'anomie, ou disparition des valeurs sociales. Ce
concept, élaboré par Durkheim, a été développé en criminologie principalement
par l'Américain Merton dans son ouvrage Eléments de théorie et de méthode
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sociologique (1949). Les structures sociales présentent deux éléments : les buts et
objectifs culturels proposés par la société à ses membres et les moyens légitimes
pour y parvenir. Lorsque la coïncidence entre buts et moyens disparaît, il y a
délinquance ; alors les buts dépassent les moyens. Tous les individus sont de plus
en plus soumis dans la société à un « processus d'exaltation des fins » sans cesse
grandissant, les moyens restant toutefois identiques. Deviennent délinquants ceux
dont le mode d'adaptation se caractérise par l'un des procédés suivants : innovation
— l'individu accepte le but proposé par la société mais refuse les normes sociales
—, évasion — l'individu ne partage aucune des valeurs communes —, rébellion
— l'individu rejette la structure sociale existante —. Echappent au contraire à la
délinquance deux catégories d'individus : les conformistes — qui acceptent les buts
et les moyens définis par la société — et les ritualistes — qui renoncent à l'idéal
de la réussite financière pour se cantonner à des projets plus réalisables —.
La seconde théorie importante est celle des conflits de cultures du criminologue
américain Sellin (Culture conflict and crime, 1938 ; Conflits culturels et criminalité,
R.D.P.C. 1960, 815 et 879). Un tel conflit surgit quand les valeurs morales et les
règles de conduite sanctionnées par le Code pénal d'un pays donné à un moment
donné contredisent les valeurs et normes adoptées par certains groupes sociaux.
Afin d'assimiler la minorité, la majorité fait pression sur elle, d'où une crise. Ainsi
la criminalité procède de la difficulté pour une personne élevée dans un certain
milieu de s'adapter à un autre milieu. Les exemples de tels conflits abondent :
conflits lors de la colonisation de pays du Tiers-Monde entre la culture européenne
et la culture des indigènes, conflit dans un pays entre immigrés et nationaux, conflit
entre certaines minorités politiques agissantes (gauchistes) et le reste de la nation,
etc.
La troisième théorie, dite de l' association différentielle, est due à l'Américain
Sutherland (Principes de criminologie, publiés en France en 1966) qui s'est inspiré
de la loi de l'imitation dégagée par Tarde, loi selon laquelle le milieu social agit
sur l'individu parce que chacun cherche à imiter la conduite des autres. Ainsi pour
Sutherland le comportement criminel est appris au contact d'autres personnes
par des processus de communication individuelle. Deux éléments peuvent être
distingués dans cette formation : l'enseignement des techniques de commission de
l'infraction et l'orientation des mobiles, des tendances impulsives. Et celle-ci ne
peut se faire dans le sens de la délinquance que si l'individu est en contact avec
des modèles criminels. Tel est le principe de l'association différentielle.
27 — THEORIE DU LABEL — Un autre courant, appelé courant interactionniste —
représenté en particulier par les Américains Lemert (Social pathology, 1951) et
Becker (Outsiders, studies in the sociology of deviance, 1963) —, insiste sur le rôle
essentiel que jouent les institutions pénales et les attitudes sociales dans l'apparition
de la délinquance ou dans l'essor des comportements déviants. Ce sont le législateur
et la société qui, au terme d'un processus d'interaction, fixent la liste des actes
infractionnels, stigmatisent pareils comportements, d'où l'expression américaine
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de labelling theory ou théorie du label. En quelque sorte certains individus sont


poussés par la société à la délinquance. Cette explication est radicalement opposée
à l'explication classique fournie par la criminologie sociologique pour laquelle la
déviance conduit au contrôle social, puisque ici c'est le contrôle social qui mène
à la déviance. Il en résulte une modification considérable de l'objet de la criminolo-
gie parce que l'on passe de la criminologie de l'acte à la criminologie de la réaction
sociale. Cette théorie, qui explique d'ailleurs mieux le phénomène de la récidive,
a eu un grand succès dans les années 1960. Elle ne présente pas moins la faiblesse
majeure de ne pas avoir vu que les définitions par la société des comportements
délinquants ne sont pas arbitraires. La labelling theory confond bel et bien la
délinquance et sa sanction en parlant de criminologie de la réaction sociale (v.
Gassin, De quelques tendances récentes de la criminologie anglaise et nord-
américaine, R.S.C. 1977, 266 et 267).
28 — CRIMINOLOGIE POLITIQUE — Le dernier courant, que l'on peut considérer
comme un courant de contestation politico-économique, est représenté par la
criminologie radicale ou criminologie critique, née aux Etats-Unis et en Grande-
Bretagne vers 1970. Ses principaux représentants sont les Américains Schwendin-
ger, les Anglais Taylor, Walton et Young et le Français Michel Foucault. Ce
mouvement a pour origine certaines luttes politiques qui se sont déroulées aux
U.S.A. et l'influence du marxisme sur plusieurs intellectuels anglo-saxons. La
criminologie radicale propose une intervention essentiellement politico-économi-
que du phénomène criminel. L'action criminelle est l'acte politique par lequel le
délinquant exprime son refus de l'organisation sociale en place. Mais les tenants
de cette école ne se contentent pas de cette analyse et ils proposent des solutions.
En effet ils pensent régler le problème criminel avec la transformation révolution-
naire de la société et l'élimination des systèmes économiques et politiques d'exploi-
tation, dans une perspective marxiste. Le criminologue a donc une tâche norma-
tive : celle-ci « consiste à démasquer le vernis moral et idéologique qui dissimule
une société inégale et à lutter pour le changement social et l'établissement, parmi
les alternatives post-capitalistes, d'une société conforme à son idéal » (Gassin,
article précité, 264). Qualifiée par les uns de « criminologie militante » (Gassin,
article précité), par d'autres d'« anticriminologie » (Merle et Vitu, Traité de droit
criminel, T. 1, n° 28), la criminologie radicale se heurte à de sérieuses objections,
en particulier au caractère politique de son orientation.

Section III : Le mécanisme de la délinquance


29 — L'INSTANT CRUCIAL — Facteurs exogènes et facteurs endogènes de la crimi-
nalité ne suffisent pas mais constituent simplement un cadre prédisposant à la
commission de l'infraction. L'homme ne devient délinquant que lorsqu'il passe à
l'acte. Le passage à l'acte, cœur de la criminogenèse, est sans aucun doute l'aspect
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le plus déroutant, le plus insaisissable. Ses motivations, très variables d'un individu
à l'autre, sont souvent hétérogènes. En tout cas elles transformeront le sujet en
agent criminel. Les théories qui se sont attachées à décrire le processus du passage
à l'acte, sont assez nombreuses. On exposera succinctement les trois principales.

§ 1 : Le processus de maturation criminelle.

30 — UNE EXPLICATION QUI N'EN EST PAS VRAIMENT UNE — Cette théorie a été
élaborée par Sutherland — dans son ouvrage Principes de criminologie — qui,
parmi les constantes du comportement criminel, a découvert le processus de
maturation, directement antérieur au passage à l'acte au sens strict. Pour passer
à l'acte il faut avoir atteint l'âge criminel, synonyme de maturité criminelle. Le
sujet doit par conséquent avoir une attitude réceptive à l'égard de la criminalité
et avoir acquis la connaissance des techniques criminelles d'exécution et ce phéno-
mène de maturation peut être plus ou moins long selon la personne considérée.
Ainsi il arrive que l'âge criminel soit atteint à douze ans si l'enfant vit dans un
milieu très criminogène ou à l'inverse qu'il ne soit atteint que bien plus tard lorsque
l'individu vit dans un milieu honnête. Tel est par exemple le cas du comptable
indélicat qui, pour satisfaire des besoins pécuniaires immodérés, détourne l'argent
de son employeur à l'aide de jeux d'écritures. La théorie de Sutherland explique
certes le passage à l'acte dans un cas de ce genre ; mais elle présente la faiblesse
dans la plupart des cas de ne pas aller au-delà d'une simple compréhension de la
formation de la personnalité criminelle. En d'autres termes c'est retomber peu ou
prou dans l'étude de certains facteurs criminogènes.

§ 2 : Le processus d'acte grave.

31 — UN MOUVEMENT A QUATRE TEMPS — De Greef, à propos de l'homicide,


a décrit dans son Introduction à la criminologie le mécanisme du passage à l'acte.
Cet acte est qualifié de grave car il implique une option capitale. Le célèbre
criminologue belge décompose le passage à l'acte en quatre phases. La première,
la phase de l'assentiment inefficace, est le résultat d'un lent travail inconscient :
l'agent acquiert alors l'idée du crime, l'envisage sans déplaisir, sans cependant en
avoir le projet. Les choses pourraient s'arrêter là, sous l'effet d'une salutaire
réaction morale, ce qui est le cas la plupart du temps, mais elles peuvent aussi
déboucher sur une seconde phase dite d'acquiescement formulé. L'idée de la
disparition de la future victime continue de faire son chemin, l'agent s'envisageant
désormais comme auxiliaire éventuel de l'œuvre de destruction ; bref il commence
à concevoir sa propre participation dans la réalisation du crime. La troisième étape
est la crise : le sujet accepte la honte et le risque du crime. De Greef a souligné
ici que certains criminels, pour surmonter cette crise, s'imposent un processus
avilissant « en se créant une personnalité pour qui le crime ne soit plus une chose
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grave et tabou ». Enfin la quatrième phase, le dénouement, est la commission du


crime et juste après l'émotivité exacerbée de l'agent va faire place à une autre
attitude, variable selon chaque personnalité : joie, indifférence, remords.

§ 3 : Le drift.

32 — UNE EXPLICATION LIMITEE AUX JEUNES DELINQUANTS — Le sociologue


américain David Matza, dans son ouvrage Delinquency and drift (1964), pense que
l'action criminelle n'est pas liée à des facteurs endogènes ou exogènes. Elle résulte
du libre choix du délinquant au terme d'un processus de laisser-aller, de flottement,
de dérive, ce dernier mot se traduisant dans la langue anglaise par le substantif
drift. Le sentiment d'injustice subie et la négation de la culpabilité ont d'abord
pour cause le système culturel qui a tendance à exagérer la responsabilité de la
société et des parents. Un autre fondement en est, selon, Matza, le système
répressif qui contient toute une panoplie de mécanismes d'exonération de la
responsabilité — légitime défense, force majeure, causes de non imputabilité —
qu'il suffit à l'agent d'exploiter au maximum. Il est important de signaler que cette
explication de la délinquance n'a été envisagée par Matza que pour la délinquance
juvénile, sa théorie ne prétendant donc nullement à l'universalité.

CHAPITRE II

La lutte contre la délinquance


33 — LE CONCEPT DE POLITIQUE CRIMINELLE — La tâche du législateur est de
lutter contre la délinquance. Pour ce faire il doit d'une part choisir les valeurs qu'il
estime importantes et qu'il veut protéger par la menace de sanctions pénales, et
d'autre part chercher par quels procédés techniques il pourra le mieux protéger
ces valeurs, juguler la criminalité. Cette double préoccupation exprime le concept
de politique criminelle apparu au siècle dernier — notamment sous la plume de
l'Allemand Feuerbach — et de nos jours extrêmement répandu. On peut dans un
premier sens définir la politique criminelle comme l'ensemble des procédés utilisés
par le législateur ou susceptibles de l'être à un moment donné et dans un pays
donné pour combattre la criminalité. Mais à la vérité la politique criminelle ne se
limite pas à un ensemble de règles de droit et elle inclut en outre les pratiques
des différentes institutions chargées d'assurer l'application de ces règles : police,
parquets, tribunaux, administration pénitentiaire, éducation surveillée, organismes
de prévention, services sociaux. La politique criminelle est donc l'ensemble des
moyens de lutte contre le crime ; c'est « une stratégie juridique et sociale, fondée
sur des choix idéologiques pour répondre avec pragmatisme aux problèmes posés
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par la prévention et la répression du phénomène criminel entendu largement »


(Lazerges, La politique criminelle, Que sais-je, 1987, 7).
La réaction de la société contre le crime est certainement l'histoire d'un
perpétuel échec. Au fil du temps les idées n'ont cessé d'évoluer, de tenter de
s'adapter à une réalité implacable, et l'étude de cette évolution s'avère riche
d'enseignements (Section 1). Il conviendra ensuite de dresser l'inventaire des
moyens présents de lutte contre le phénomène criminel (Section 2).

Section I : L'évolution de la politique criminelle.


34 — TROIS AGES — Longtemps la réaction de la société contre le crime a été
conçue selon des solutions de force brutale marquées par la mystique religieuse.
Puis les analyses se sont progressivement affinées et compliquées. Il est possible
de discerner trois grandes étapes : la première allant de l'Antiquité à la Révolution
(§ 1), la seconde de la Révolution à 1850 (§ 2) et la troisième de 1850 à aujourd'hui
(§ 3).

§ 1 : Le premier âge.

35 — UN LEITMOTIV ; LA RIGUEUR — Cette première période est fort longue,


puisqu'elle couvre l'histoire de l'humanité de ses origines à la Révolution française.
Elle se caractérise par la prédominance des idées de vengeance, d'expiation,
d'intimidation. La politique criminelle est tout entière axée sur une lutte sans merci
contre le délinquant qui, ayant violé l'ordre social, ne peut qu'être l'objet d'une
juste vengeance destinée à lui faire expier sa faute.

A) La vengeance.
36 — VENGEANCE PRIVEE — A l'origine la vengeance est privée et elle caractérise
les sociétés primitives à une époque où l'Etat n'était pas fortement organisé. Si
le délinquant appartient au groupe social, la répression prend un aspect religieux,
magique, la divinité ayant été offensée ; afin d'éviter son courroux il importe que
le groupe se désolidarise du coupable. Ceci peut entraîner le sacrifice du délin-
quant, mais le plus souvent il s'agit d'une élimination ignominieuse du groupe,
correspondant en général à la peine de mort. Si le criminel n'appartient pas au
groupe social, la vengeance prend alors l'allure d'une guerre entre groupes
sociaux : c'est au groupe tout entier qu'il incombe de venger l'un de ses membres
offensé. Supposons par exemple qu'un pillage a été commis par un individu, le
groupe offensé ira attaquer la collectivité à laquelle appartient le délinquant pilleur.
L'exécution de cette vengeance ne connaît aucune restriction imposée par la morale
et tout est permis : ruse, moyens déloyaux, mal causé disproportionné par rapport
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au préjudice initialement subi. Il existe par conséquent une étroite solidarité active
et passive du groupe, la responsabilité pénale étant en ces temps reculés collective.
Par la suite cette forme initiale de vengeance va s'atténuer pour faire place
à une réaction toujours d'ordre privé, mais soumise à certaines limites : l'arbitraire,
la force brutale cèdent le pas à une véritable justice privée. Les causes de cette
évolution sont au nombre de trois. Au premier plan figure sans conteste la montée
du pouvoir étatique : peu à peu l'autorité des chefs de clans fait place à celle des
organes chargés des destinées de la cité. Ensuite l'importance de la religion doit
être soulignée, le culte des dieux servant de lien entre les clans, de base à leur
union. Aussi n'est-il pas surprenant que la réaction de la société contre le crime
soit souvent dominée par des considérations religieuses : le délinquant ne désho-
nore pas seulement la cité, il provoque la colère divine. Enfin la troisième cause
d'apparition de la justice privée est le caractère épuisant des luttes sans fin déchirant
les clans. Ceux-ci finissent par préférer renoncer à la vengeance privée, moyennant
compensation. Diverses institutions sont ainsi venues réduire les excès de la ven-
geance privée. C'est d'abord la loi du talion, dont l'origine remonte à la législation
mosaïque et qui est formulée de la sorte dans l'Exode : « Vie pour vie, dent pour
dent, œil pour œil... ». Le talion est autorisé par les législations grecque et romaine,
puis inséré par Mahomet dans le Coran mais avec promesse de la miséricorde
divine pour celui qui pardonnerait. L'apparition du talion marque un progrès
considérable sur l'époque antérieure, car le degré de vengeance se trouve désor-
mais sévèrement limité. Une autre institution spécifique de la justice privée est
l'abandon noxal qui est la remise volontaire de l'individu offenseur au groupe
offensé. Initialement décidé par la famille entière, l'abandon l'est par la suite par
son chef. Le coupable livré ne risque d'ailleurs pas forcément la mort, un temps
d'esclavage pouvant suffire à la famille lésée si la solution lui paraît avantageuse.
L'abandon noxal est connu du droit grec, du droit romain, de la Bible, de différen-
tes coutumes barbares. Enfin il faut signaler l'apparition quasi universelle des
compositions volontaires. La partie offensée accepte de son agresseur le versement
d'une indemnité et elle renonce à l'exercice de son droit de vengeance. La rançon
s'avère toujours énorme, comparable à une confiscation générale, que le coupable
acquitte le plus souvent à l'aide de sa famille. Chez les Germains la composition
pécuniaire porte le nom de wergeld. Tant que la justice demeure privée, le taux
de la composition volontaire est naturellement laissé à la discrétion de la victime.

37 — VENGEANCE PUBLIQUE — Sous la justice privée l'Etat se contente d'aider


la partie lésée à obtenir satisfaction et se cantonne à un rôle passif : l'initiative des
poursuites revient à la victime, celle-ci conduit le déroulement de la procédure et
seul compte son intérêt personnel. La phase de la vengeance publique traduit de
profonds changements, non pas dans les buts de la politique criminelle qui demeu-
rent vengeance et accessoirement expiation et intimidation, mais dans les caractères
de la réaction contre le crime : ceux-ci portent désormais l'empreinte de la puis-
sance publique. Le droit d'accusation n'est plus réservé à la victime ou à ses
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proches parents, mais étendu à d'autres citoyens (dans la Grèce antique) puis à
des représentants du pouvoir central. Quant à la sanction, elle prend peu à peu
un caractère social, intervenant au nom de la société et à son bénéfice : tout
particulièrement la composition tarifaire est fixée par la puissance publique. Voici
à titre d'illustration les distinctions établies par la loi salique à propos du wergeld
de la femme. Si celle-ci ne peut plus avoir d'enfants, elle vaut 200 sous, comme
l'homme libre ; si elle a commencé à en avoir, elle vaut le triple, soit 600 sous.
L'embryon vaut la moitié d'un homme, soit 100 sous. Ces sommes sont élevées
puisque à l'époque un bœuf vaut 2 sous et un cheval 6 sous. L'Etat finit d'ailleurs
par prélever sa part dans la contribution versée à la victime, ce qui réalise la
première forme d'amende. Cette part porte le nom de fredum, ou argent de la
paix, et dans la loi salique elle représente le tiers de la composition pécuniaire ;
par la suite elle tend progressivement à absorber la plus grande partie du wergeld.
Une autre manifestation de l'idée de vengeance publique consiste dans le fait
pour l'Etat de se réserver peu à peu la répression de certaines infractions graves
dirigées essentiellement contre la collectivité, la plainte de la victime devenant
alors inutile. Plusieurs délits deviennent désormais publics (désertion, trahison,
lèse-majesté) et le roi s'attribue le pouvoir de les juger directement en son tribunal
du palais.

B) Le juste châtiment.

38 — L'EMPREINTE DU CHRISTIANISME — Une nouvelle nuance se fait jour avec


le développement du christianisme : à la vengeance s'associent les idées de rétribu-
tion et de pénitence (sur ce point v. Merle, La pénitence et la peine, 1985). Dans
les écrits chrétiens l'infraction est analysée comme un péché. La peine doit être
la compensation exacte de la faute et l'Eglise condamne la plupart du temps à des
peines spirituelles : l'excommunication, l'interdit — qui s'applique parfois à des
localités —, la suspension pour les clercs. Elle admet progressivement des peines
afflictives : l'amende, la prison, la fustigation, mais elle ne condamne pas à la
peine de mort ni aux peines corporelles mutilantes. En cas de crime particulière-
ment odieux l'Eglise livre le coupable au bras séculier qui peut appliquer la peine
capitale. La fonction rétributive de la peine n'est d'ailleurs pas la seule car pour
la doctrine chrétienne il faut aider le pécheur à se relever, il faut le purifier, si
bien que la peine comprend une fonction d'amendement. La formule latine sui-
vante résume parfaitement la philosophie pénale ecclésiastique : « punitur quia
peccatum est, et ne peccetur » : le délinquant est puni parce qu'il a péché et afin
qu'il ne pèche plus. On comprend que la bienveillance relative des juridictions
ecclésiastiques et une plus grande douceur dans la répression poussent les délin-
quants à rechercher la justice de l'Eglise. A l'époque féodale sa compétence est
fort vaste. Aucune action répressive ne peut être portée contre un clerc : c'est le
privilège du for ou de clergie, étendu aux croisés, aux écoliers des universités de
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Paris et d'Orléans, aux veuves et orphelins. De surcroît l'Eglise connaît des causes
touchant à la foi et aux sacrements telles que le sacrilège, la simonie, le parjure,
l'hérésie, la sorcellerie, les vœux religieux, les causes matrimoniales. Par la suite
le pouvoir séculier va s'efforcer de lutter avec vigueur contre la justice ecclésiasti-
que. Ainsi sont créés en matière criminelle des cas privilégiés qui commencent à
apparaître au XIIIE siècle. Les ecclésiastiques coupables d'un crime rentrant dans
l'un de ces cas sont jugés en raison du trouble apporté à l'ordre public par le juge
laïc qui prononce une peine pécuniaire, tandis que le délit en lui-même demeure,
sous le nom de délit commun, de la compétence du juge de l'Eglise. Au XVIE siècle
est établie une procédure conjointe pour l'instruction faite en commun par le juge
royal et par le juge ecclésiastique, chacun statuant ensuite séparément, ce qui a
l'inconvénient d'entraîner des sentences contradictoires. Aussi finit-on par admet-
tre au XVIIE siècle que le cas privilégié conduit automatiquement à la dégradation
du clerc, ce qui rend celui-ci uniquement justiciable du juge royal.

C) Le châtiment exemplaire.

39 — L'ABSOLUTISME PENAL — Les notions d'expiation, de conversion et de


rétribution ne sont pas étrangères au droit laïc de l'Europe médiévale, de la
Renaissance et ultérieurement. Mais les nécessités du maintien de l'ordre accordent
une place prépondérante à la vengeance et à l'exemplarité, l'aspect personnel de
la peine s'estompant. Divers traits résument le droit pénal des siècles antérieurs
à la Révolution. Les incriminations ne sont pas très nombreuses et elles sont
essentiellement fondées sur les règles énoncées par les Dix Commandements de
Dieu, de telle sorte que les comportements involontaires sont rarement incriminés.
Les peines sont d'une grande sévérité : la mort est souvent appliquée, entourée
de supplices atroces (feu, roue, claie, poing ou langue coupés, etc.) et les peines
sont inégales, les nobles étant par exemple décapités et les manants pendus. Une
autre peine redoutable est celle des galères (v. Vigié, Comment punir ? « Galères »
et philosophes au temps de Louis XV, R.S.C. 1990, 285). Cette rigueur ne doit
pas faire oublier que le droit pénal de l'Ancien Régime n'ignore pas certaines
nuances : il prend en considération les qualités de l'auteur et de la victime, les
circonstances de commission de l'infraction, la nature des choses sur lesquelles
l'infraction a porté, d'où sans doute de nombreuses circonstances aggravantes,
mais aussi de nombreuses circonstances atténuantes (64 selon le jurisconsulte
Tiraqueau du XVIE siècle). Le trait le plus saillant, le plus célèbre de l'Ancien Droit
est sans conteste son arbitraire. Arbitraire du roi d'abord, avec la théorie de la
justice retenue qui fait du souverain la source de toute justice. Il peut ainsi faire
cesser les poursuites — lettres de grâce, de rémission, de pardon, d'abolition de
procédure, de commutation de peine, de rappel de galères — ou à l'inverse
organiser une répression sur un plan parallèle — lettres de cachet (utilisées au
demeurant de façon beaucoup plus raisonnable que ne le laisse entendre l'opinion
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reçue : v. à ce sujet Harouel et autres, Histoire des institutions de l'époque franque


à la Révolution P.U.F., 1987, 451, note 5). Arbitraire des juges ensuite : lorsque
les règles juridiques leur permettent de ne pas appliquer la peine ordinaire, les
juges peuvent arbitrer la sanction, c'est-à-dire prendre en compte la responsabilité
du coupable. Cet arbitraire, fort mal perçu aujourd'hui, ne confère pas néanmoins
aux magistrats des pouvoirs sans limites, ceux-ci étant globalement comparables
aux circonstances atténuantes du temps présent.
Il faut encore insister sur le caractère élaboré du droit pénal d'avant 1789 :
il est en effet tenu compte de l'âge du délinquant et le mineur n'encourt normale-
ment la peine ordinaire que s'il est jugé doli capax, c'est-à-dire capable de dol,
de fraude. La théorie de la responsabilité pénale s'est progressivement développée
et des notions telles que la contrainte, la démence, l'état de nécessité et la légitime
défense sont connues. La tentative est incriminée, mais punie d'une peine atténuée
et les complices sont assimilés à l'auteur principal.
Plusieurs auteurs importants se sont faits à cette époque les ardents sectateurs
de la répression et des méthodes rigoureuses de vengeance. En France deux grands
jurisconsultes sont restés célèbres : Jousse (1704-1781) qui a écrit entre autres
ouvrages un Traité de la justice criminelle de France (1771) et Muyart de Vouglans
(1713-1781) dont le principal ouvrage est un Traité sur les lois criminelles de la
France dans leur ordre naturel (1780) et qui s'est opposé vigoureusement à Beccaria
et à Montesquieu dans des polémiques fameuses. A l'étranger se signalent l'Italien
Farinacci (1554-1618) et l'Allemand Carpzov (1595-1666).

§ 2 : L'âge médian.

40 — DU DROIT RADICAL AU DROIT TRANSACTIONNEL — Cette période, qui


s'étend de la fin de la monarchie jusqu'à la moitié du XIXe siècle, commence par
une cassure, le droit des temps nouveaux devant s'édifier sur les ruines de l'Ancien
Régime (A). Mais tout excès est blâmable et rapidement le pays fera une assez
ingénieuse synthèse, mêlant des acquis révolutionnaires et monarchiques (B).

A) La rupture.

41 — L'ECOLE CLASSIQUE — A partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle un


mouvement philosophico-politique s'élabore, qui critique avec force l'arbitraire et
la sévérité de la répression alors en usage. Plutôt que de lutter par la violence
contre la criminalité il vaut mieux, estiment les penseurs de ce courant, contrôler
l'usage des sanctions, endiguer l'arbitraire et protéger les citoyens contre les abus
de l'Etat. Le droit pénal doit enseigner ce qui est permis et ce qui est interdit par
une stricte délimitation des incriminations, sa mission est de fixer un code précis
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indispensable pour la formation des sujets. De ces idées va naître le droit pénal
classique et des noms fort célèbres défendent la nouvelle pensée : Voltaire, qui a
notamment écrit des pamphlets à l'occasion de procès marquants (affaires Calas,
Sirven, du Chevalier de la Barre), Montesquieu, dont l'Esprit des lois comporte
un livre consacré au droit pénal, Rousseau, avec son Contrat social. Mais deux
auteurs ont donné au mouvement classique son caractère le plus achevé et toute
son ampleur.

42 — BECCARIA — Il s'agit d'abord de l'Italien Beccaria (1738-1794), marquis,


professeur d'économie politique à Milan, qui publie en 1764 à Livourne son Traité
des délits et des peines écrit en dix mois à la suite de ses entretiens avec son ami
Verri, inspecteur des prisons à Milan. Traduit en France par l'abbé Morellet, ce
petit ouvrage connaît un succès retentissant, puisque six éditions se succèdent en
sept mois. L'auteur part de l'idée que l'homme est conduit en toutes circonstances
par ses intérêts et ses passions. Il appartient donc à l'Etat de contrôler ces deux
aspects de l'individu pour parvenir à un juste équilibre générateur de la plus grande
utilité sociale. Beccaria de ce fait est amené à critiquer la rigueur des peines et
notamment la torture et la peine de mort (v. Badinter, Beccaria, l'abolition de la
peine de mort et la Révolution française, R.S.C. 1989, 235). Il met en évidence
l'idée selon laquelle l'intimidation, principale fonction de la peine à l'époque, est
beaucoup mieux réalisée par la certitude du châtiment que par la rigueur de celui-
ci. Une peine modérée à laquelle on ne peut se soustraire a un meilleur effet
préventif qu'une peine lourde mais aléatoire. Pour échapper à l'arbitraire Beccaria
soumet les délits et les peines à une détermination préalable et légale ; et pour
être égalitaire cette détermination doit être fonction des actes et non de leurs
auteurs. La loi enseigne donc ce qui est interdit et aussi ce qui est permis. En
outre Beccaria préconise l'amendement du coupable autant que sa punition. S'il
conserve les peines corporelles, il rejette la peine de mort, sauf lorsque l'infraction
est dirigée contre l'existence de l'Etat ; et il propose en revanche d'accentuer le
recours aux peines pécuniaires.

43 — BENTHAM — Le philosophe et juriconsulte anglais Bentham (1748-1832) a


fait rayonner ses idées dans sa Théorie des peines et des récompenses, dans ses
Principes du Code pénal et dans son Traité de législation civile et pénale. Comme
Beccaria il considère que les hommes sont guidés par leurs intérêts, donc que la
répression doit être exemplaire pour être utile. A la différence de Beccaria il
préconise un système plus rigoureux et plus spécialisé. La peine doit être détermi-
née de telle façon que l'individu, placé devant l'alternative de commettre l'infrac-
tion et de subir la peine, ou de ne pas commettre l'infraction et de ne pas subir
la peine, a fortement intérêt à s'abstenir. De plus, pour Bentham, la peine ne doit
pas être infligée sans distinction entre les individus et il propose de tenir compte
de la sensibilité de chacun (sexe, âge, rang ou fortune). Les peines corporelles
doivent être abandonnées au profit des peines privatives de liberté : l'emprisonne-
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ment et l'isolement du condamné permettent de réaliser le double objectif de la


peine, correction et intimidation. Selon la logique du calcul utilitaire la peine est
un mal d'où procède un plaisir : la prévention générale. En 1791 Bentham envoie
à l'Assemblée nationale son travail sur une prison modèle — le Panopticon —
qu'il souhaite diriger en personne. Cette prison serait constituée de deux bâtiments
circulaires emboîtés l'un dans l'autre : à la périphérie un bâtiment en anneau
contenant les cellules ouvertes vers l'intérieur et au centre une tour permettant à
l'inspecteur de voir sans être vu. « Etre perpétuellement sous les yeux d'un inspec-
teur, c'est perdre la puissance de faire le mal et presque la pensée de le vouloir ».

44 — LE SUCCES DE L'ECOLE CLASSIQUE — L'influence de Bentham et surtout


de Beccaria a été considérable (v. Delmas-Marty, Le rayonnement international
de la pensée Cesare Beccaria, R.S.C. 1989, 252). Joseph II d'Autriche abolit ainsi
la peine de mort dans un nouveau Code pénal en 1788 ; le bailli de Gand Vilain
XIV fait construire une prison modèle ; le pape Clément XI modifie les institutions
répressives des Etats pontificaux ; Frédéric II de Prusse abolit la torture dès son
avènement. En France le Garde des Sceaux Lamoignon tente d'imposer une
réforme libérale de l'organisation judiciaire et des lois criminelles, Louis XVI
tenant à cet effet un lit de justice le 7 mai 1788 à Versailles. C'est le signal
d'une révolte aristocratique : les parlements se soulèvent, des émeutes éclatent en
province et la royauté finit par céder. Convoqués peu après, les Etats généraux
expriment rapidement leur volonté de profonds changements, spécialement en
droit criminel. Au demeurant les cahiers de doléances réclamaient l'adoucissement
du système pénal, la suppression de l'arbitraire du juge, l'égalité dans la répression
et de nombreuses réformes procédurales.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacre expressé-
ment en son article 8 le principe de la légalité des délits et des peines. Puis vont
intervenir deux lois très importantes de la Constituante inspirées de Beccaria : la
loi des 19-22 juillet 1791 pour la police municipale et correctionnelle et la loi des
24 septembre-6 octobre 1791 pour la police criminelle, qui constituent un Code
pénal. Les peines corporelles sont supprimées ainsi que le droit de grâce et les
autres sanctions sont adoucies. Quoique maintenue, la peine de mort connaît un
recul spectaculaire, puisque ses cas d'application passent de 115 à 32, la légalité
des incriminations et des sanctions est établie avec un système de peines fixes,
éliminant tout risque d'arbitraire du juge mais empêchant toute individualisation.
La personnalité des sanctions est affirmée, toute comme la séparation du droit
pénal et de la morale en réaction contre les incriminations religieuses. Excepté en
certains cas (assassinat, empoisonnement), la tentative est impunissable et le com-
plice moins sévèrement réprimé que l'auteur de l'infraction. Toutes ces règles ne
sont pas remises en cause par le Code du 3 brumaire an IV, appelé Code des délits
et des peines et rédigé par le grand jurisconsulte Merlin de Douai. Ce texte,
d'ailleurs, malgré son titre, concerne essentiellement la procédure.
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Cette législation libérale n'a malheureusement pas eu les effets escomptés, en


raison des troubles politiques. Elle n'est pas parvenue à enrayer le développement
de la délinquance et elle a été tenue, en partie de façon abusive, responsable de
l'insécurité régnant dans le pays. Le retour à une certaine rigueur a donc été
inéluctable.

B) La synthèse.
45 — LE CODE PENAL NAPOLEONIEN — La synthèse entre Révolution et Ancien
Régime va d'abord se manifester sur le plan des institutions avec le nouveau Code
pénal français de 1810 entré en vigueur le 1er janvier 1811. Nombre de conquêtes
révolutionnaires sont conservées : séparation entre morale et droit pénal, légalité
des délits et des peines, division tripartite des infractions. D'autres sont abandon-
nées : le Code ainsi n'adopte pas le système des peines fixes et instaure pour
chaque infraction une peine maximale et une peine minimale, ce qui permet déjà
une réelle individualisation par le juge. Les circonstances atténuantes sont prévues,
mais elles sont alors très limitées, puisqu'elles ne jouent que pour les infractions
correctionnelles ayant causé un préjudice inférieur à 25 F. ; quelques excuses
atténuantes sont encore instituées. Mais le trait saillant du Code pénal est sa
sévérité. De nombreuses circonstances aggravantes existent, qui obligent le juge
à dépasser le maximum légal normal. Les peines sont rigoureuses : peine de mort
(dans 36 cas), peines perpétuelles, et divers supplices sont rétablis — marque au
fer rouge, carcan, ou encore amputation du poing droit pour les parricides —.
Cette sévérité s'inspire de la doctrine utilitariste de Bentham : si les rédacteurs du
Code pénal ont fait œuvre intimidante, c'est parce qu'ils sont convaincus que « le
crime doit se faire craindre davantage par la répression à laquelle il expose, que
désirer par les satisfactions qu'il procure ». Enfin le Code pénal a une conception
classique des plus abstraites du criminel : celui-ci est un homme libre qui a volontai-
rement choisi de faire le mal et qui est apte à subir le juste châtiment que lui
réserve la société. C'est le fameux postulat du libre arbitre, qui ne cède que devant
la folie.
L'habileté de cet équilibre entre ancien et nouveau droits explique sans doute
la longévité de notre Code pénal et son influence en Europe dans la première
moitié du XIXE siècle. Pourtant l'ouvrage n'est pas sans présenter des faiblesses
notables. Son plan d'abord n'est pas satisfaisant, la sanction étant envisagée avant
l'infraction. Ensuite le Code contient peu de développements relatifs à des théories
générales fondamentales ; aucune construction juridique sur l'erreur ou la faute
ou l'état de nécessité, des articles insuffisants sur la démence ou la force majeure
(prévues pour les seuls crimes et délits) ou imparfaits sur la légitime défense
(envisagée pour les seuls homicides et coups ou blessures). Enfin des règles relatives
au fond du droit, tel le non-cumul des peines, ne figurent pas dans le Code pénal
mais dans le Code d'instruction criminelle, phénomène qui n'a cessé depuis de
s'amplifier.
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46 — L'ECOLE DE LA JUSTICE ABSOLUE — Sur le plan des idées deux écoles


importantes se sont développées. La première, dite de la justice absolue, a eu deux
représentants essentiels : Kant (1724-1804) et Joseph de Maistre (1753-1821). C'est
bien avant la rédaction du Code pénal que le philosophe allemand Kant a élaboré
sa doctrine dans une étude intitulée Critique de la raison pratique (1788) puis dans
un autre livre, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit (1796). Ses idées ne
sont diffusées en France qu'après 1810 grâce notamment au publiciste français de
Maistre qui reprend la pensée de Kant en la modifiant légèrement pour en faire
une doctrine personnelle dans un ouvrage publié en 1821, Les soirées de Saint-
Petersbourg. Pour ces deux auteurs le droit de punir repose sur les exigences de
la justice : lorsqu'une infraction est perpétrée, la justice a été bafouée et la peine
qui sanctionne l'auteur de l'infraction doit assurer l'expiation du crime. Néanmoins
les analyses des deux penseurs diffèrent quant à la notion de justice. Pour Kant
la justice se confond avec l'ordre moral qu'il convient de faire respecter et c'est
au pouvoir qu'il incombe de faire respecter cet ordre moral. Pour de Maistre le
pouvoir social est le représentant temporel de la Providence, l'infraction est un
péché et la peine sa pénitence. En tout état de cause la répression doit être assurée
indépendamment du problème de savoir si elle est utile ou non à la société ; et
Kant affirme que la répression doit être assurée intégralement, quand bien même
son inutilité est certaine. L'apologue de l'île abandonnée illustre cette exigence de
la morale, cet « impératif catégorique ». L'auteur imagine qu'une société est
contrainte de quitter une île ; or au sein du groupe social existe un criminel
condamné à mort. La dernière tâche de cette société est pour Kant d'exécuter ce
condamné, exécution dépourvue pourtant d'utilité sociale, puisque la société se
dissout.

47 — L' ECOLE NEO-CLASSIQUE — L'Ecole néo-classique, encore appelée éclecti-


que — car elle se situe à mi-chemin entre Becarria et les tenants de la Justice
absolue — a pour principaux représentants le ministre de Louis-Philippe Guizot
(1787-1874) auteur d'un Traité de la peine de mort en matière politique (1822),
l'universitaire d'origine italienne Rossi (1787-1848) auteur d'un Traité de droit
pénal (1829) et l'universitaire Ortolan (1802-1873) qui a écrit de nombreux ouvrages
de droit. La doctrine néo-classique résume la synthèse entre les idées de la Révolu-
tion et celles de l'Ancien Droit dans cette formule célèbre : « Punir ni plus qu'il
n'est juste, ni plus qu'il n'est utile ». C'est une combinaison de l'utilité sociale et
de la justice morale. Pour parvenir à une peine juste, les néo-classiques insistent
sur la nécessité de son individualisation et c'est en celà qu'ils se différencient
essentiellement de l'école classique. Sans doute tous les hommes sont-ils libres,
mais tous ceux qui commettent le même délit ne sont pas identiques : leur passé,
les circonstances de commission de l'infraction, leur personnalité, leur sexe sont
autant d'éléments qui différencient les individus. Autrement dit la responsabilité
doit s'apprécier in concreto, ce qui suppose un pouvoir d'adaptation de la peine
reconnu au juge. Outre son individualisation le peine ne doit pas-être trop lourde
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pour être juste. Mais ce n'est pas tout : la peine doit aussi être utile, c'est-à-dire
rétributive et amendante et par là les néo-classiques renouent avec la pensée des
juristes canonistes. Il importe à ce sujet de signaler que cette double fonction de
la peine a été spécialement développée par l'Ecole pénitentiaire qui voit dans la
prison une sorte de panacée et qui est à l'origine d'une science nouvelle, la science
pénitentiaire. Cette école a été dominée par Charles Lucas (1803-1889), inspecteur
général des prisons et fondateur de la Société générale des prisons, auteur d'une
Réforme des prisons (1836-1838) et le magistrat Bonneville de Marsangy (1802-
1894).
Pour revenir à l'Ecole néo-classique, ses membres ont également voulu limiter
le pouvoir de créer des incriminations reconnu à l'Etat, comme le montre le fameux
adage précité ; chaque incrimination doit être juste et utile. Dans son Traité de
droit pénal Rossi illustre cette exigence en raisonnant sur le meurtre, l'usure et
le duel. Le meurtre doit être incriminé car sa répression est utile à la société et
moralement juste pour son auteur. En revanche la répression de l'usure, quoique
utile, n'est pas juste car ce comportement n'est pas suffisamment immoral pour
être puni. Quant au duel, s'il paraît juste de le sanctionner, il est pourtant inutile
de le faire, parce que cet acte n'est socialement guère dangereux.
48 — INFLUENCE DU NEO-CLASSICISME — Le néo-classicisme a exercé une pro-
fonde influence sur le droit positif. Alors que le Code pénal a envisagé le délinquant
comme un être purement abstrait, s'est avant tout préoccupé de l'infraction punie
avec une grande sévérité, le mouvement législatif postérieur, cherchant un adoucis-
sement de la répression, traduit un souci d'individualisation de la sanction. La
Charte de 1814 supprime la confiscation générale, la loi du 28 avril 1832 supprime
les peines corporelles comme la marque, le carcan et la mutilation du poing,
correctionnalise divers crimes, institue la double échelle des peines politiques
et de droit commun. Surtout ce texte généralise l'application des circonstances
atténuantes à toutes catégories d'infractions, réagissant de la sorte contre de
nombreux acquittements abusifs émanant des jurys qui ne disposaient jusqu'alors
d'aucun pouvoir de mitigation de peines trop sévères. Par la suite la Constitution
du 4 novembre 1848 abolit la peine de mort en matière politique et la loi du 13 mai
1863 réalise un nouvel adoucissement de la répression en certains domaines.
Sur le plan de l'exécution des peines apparaissent aussi quelques changements :
construction de prisons cellulaires, développement du travail pénal, établissement
d'un régime colonial d'exécution de la peine des travaux forcés afin « d'améliorer
l'homme par la terre et la terre par l'homme », par la loi du 30 mai 1864.

§ 3 : Le dernier âge

49 — UN PHENOMENE D'INTENSIFICATION — Débutant vers 1870, cette période


s'étend jusqu'à nos jours ; elle se caractérise par un extrême bouillonnement des
idées (A) et du droit positif (B).
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A) Les doctrines.

50 — L'ECOLE POSITIVISTE — La première de ces doctrines est le positivisme


pénal illustré principalement par trois Italiens. Lombroso (1836-1909), professeur
de médecine légale à Turin, publie en 1876 l'Homme criminel. Ferri (1856-1928),
professeur de droit et avocat à Rome, est l'auteur d'un ouvrage intitulé La sociolo-
gie criminelle (1892) et Garofalo (1852-1934), magistrat, a écrit une Criminologie
(1885). Tous trois sont des disciples d'Auguste Comte, célèbre philosophe français,
chef de file du positivisme et fondateur d'une science nouvelle, la sociologie. Les
positivistes italiens dénoncent l'inefficacité de la politique criminelle de l'Ecole
néo-classique, puisque par exemple la criminalité a triplé en France entre 1826 et
1880. Ils critiquent également la conception abstraite qu'a cette école du criminel,
le postulat du libre arbitre et la proportionnalité des peines. L'apport du positivisme
pénal se traduit d'abord par une compréhension nouvelle du phénomène criminel
et ensuite par l'élaboration de divers moyens de lutte.
Les positivistes expliquent la criminalité et ses mécanismes par deux concepts.
Le premier est le déterminisme : le crime, pour eux, est le résultat inexorable de
causes exogènes ou endogènes. On sait déjà que pour Lombroso le crime a une
explication anthropologique, étant la résurgence des instincts primitifs de l'homme
(v. supra n° 20). Pour Ferri l'explication est sociologique, le crime étant causé
essentiellement par le milieu et cet auteur a d'ailleurs formulé à ce sujet sa célèbre
loi de la saturation criminelle (v. supra n° 25). Le second concept fondamental est
l' irresponsabilité morale du délinquant. En effet, raisonner en termes de responsa-
bilité morale, de culpabilité, de libre arbitre est insensé aux yeux des positivistes
puisque l'homme est déterminé dans ses gestes et ses pensées par sa morphologie
ou son milieu. L'Etat intervient cependant contre le crime, mais son intervention
repose sur la notion d'état dangereux (en italien temebilita) du délinquant. Selon
Lombroso le délinquant est un « microbe social » qui menace la santé de la
collectivité. Ce concept d'état dangereux a connu depuis les positivistes un vif
succès et a fait progresser la science criminelle. Mais quels critères révèlent cet
état dangereux ? Ferri à cet égard divise les criminels en cinq classes principales.
Les trois premiers groupes, les plus dangereux, sont composés de délinquants à
éliminer : il s'agit des criminels-nés — qui portent les stigmates anatomiques,
physiologiques et psychologiques qui permettent de les reconnaître —, des crimi-
nels aliénés — comprenant les déments stricto sensu et les fous moraux privés de
tout sens moral — et des criminels d'habitude — récidivistes incorrigibles contre
lesquels il n'y a plus rien à faire —. Les deux derniers groupes comprennent des
délinquants moins dangereux qui méritent l'indulgence et doivent être traités : ce
sont les criminels occasionnels et les criminels passionnels. Cette classification n'a
d'ailleurs pour son auteur qu'une valeur relative et celui-ci admet parfaitement
qu'un criminel-né ait pu par exemple obéir de façon accidentelle à des motifs
légitimes, le juge devant ainsi rechercher les « motifs déterminants » de chaque
action criminelle.
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Les positivistes ont ensuite élaboré une politique criminelle privilégiant la


défense de la société ; pour ce faire il faut un système propre à éradiquer le danger
criminel en utilisant deux moyens de lutte. Le premier consiste en des mesures
préventives de prophylaxie sociale qualifiées de « substituts pénaux » par Ferri.
C'est l'intervention avant toute infraction, à l'égard d'individus par hypothèse non
déterminés. L'exemple célèbre donné par Ferri est celui d'une rue obscure où se
commettent de nombreuses infractions ; le meilleur moyen d'y mettre fin est
d'installer dans cette rue un éclairage violent, alors que classiques et néo-classiques
auraient recours à des rondes de police, arrêtant sans doute — mais pas toujours
— les malfaiteurs mais ne supprimant pas les infractions. Pareillement Ferri préco-
nise la démolition des taudis, la réglementation de la vente de l'alcool, la construc-
tion d'écoles, la recherche scientifique. Mais aucun positiviste n'a souhaité une
autre forme d'intervention a priori, dite intervention ante delictum, qui consiste à
agir à l'encontre d'individus déterminés qui, sans avoir commis actuellement d'actes
délictueux, se trouvent dans une situation pré-criminelle ou présentent un penchant
criminel décelable. Outre cette politique préventive les positivistes ont imaginé
d'appliquer aux criminels plusieurs types de mesures individuelles, dénommées
mesures de sûreté ou mesures de défense. Ces mesures s'opposent aux peines par
leur absence de but afflictif, par leur durée indéterminée et par leurs modalités
d'application (mesures curatives, éducatives, éliminatrices). Par exemple Garofalo
préconise pour les meurtriers par cupidité la peine de mort ou un asile d'aliénés
criminels, pour les meurtriers par vengeance de l'honneur la relégation dans une
île, pour les meurtriers par légitime défense l'éloignement de l'endroit où vit la
victime et pour les voleurs occasionnels l'interdiction d'exercice d'une profession
jusqu'à complète réparation du préjudice.
Pour conclure sur la doctrine positiviste, on signalera qu'elle a été l'objet de
sévères critiques. Ainsi elle choque l'esprit dans la mesure où elle fait du délinquant
une sorte de mécanique déterminée : l'homme finit par y perdre sa dignité et son
âme. On a encore reproché au positivisme les conséquences qu'il a tirées de la
notion d'état dangereux, en particulier les mesures indéterminées dans la durée
à l'encontre des délinquants. En outre il est difficile, semble-t-il, de faire totalement
abstraction de la moindre notion morale. Il n'en demeure pas moins vrai que le
positivisme a permis aux sciences criminelles de réaliser d'énormes progrès. L'uti-
lité des mesures préventives n'a pas besoin d'être démontrée ; l'essor des mesures
de sûreté prouve ensuite leur nécessité. Quant aux travaux des positivistes sur les
causes du crime, ils sont à l'origine de la science nouvelle qu'est la criminologie.
Enfin les doctrines postérieures, à des degrés divers, sont tributaires du positivisme
pénal.

51 — LES ECOLES DE LA DEFENSE SOCIALE — Le courant dit de la défense sociale


connaît plusieurs expressions. La plus ancienne et la plus proche du positivisme
a été exposée par le Belge Prins (Science pénale et droit positif, 1899 ; La défense
sociale et les transformations du droit pénal, 1910) qui certes rejette le postulat
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déterministe mais, ne voulant considérer que l'état dangereux, se montre partisan


de sanctions à durée indéterminée. Avec l'Italien Gramatica la défense sociale
prend une tout autre coloration. Avocat à Gênes, cet auteur a fait la synthèse de
ses idées — exprimées dès 1934 — dans ses Principes de défense sociale. Gramatica
répudie l'ensemble du droit criminel et en particulier les concepts d'infraction et de
délinquant. L'infraction doit être rejetée parce qu'elle se fonde sur l'appréciation
objective d'un dommage ; or seul importe le sujet. Seulement celui-ci ne saurait
être considéré comme un délinquant, mais comme un homme qu'il incombe de
resocialiser car il a sombré dans l'antisocialité. Cette notion fort complexe est seule
à pouvoir servir de critère à l'intervention étatique. Il faut appliquer à l'homme
reconnu antisocial des mesures de défense sociale visant à l'amélioration du sujet
et pouvant intervenir avant comme après l'infraction. Ces mesures, qui doivent
constituer l'unique type de réaction de l'Etat — ce qui implique la disparition des
peines — s'exécuteront « partout, sauf en prison ». Enfin Gramatica propose de
développer une action politique tournée vers une hygiène sociale absolue. Toutes
ces idées ont suscité de sérieuses réserves chez nombre de criminalistes. Le concept
d'antisocialité est des plus flous alors que celui d'infraction, expression du principe
de la légalité, édifie une solide barrière contre l'arbitraire. Aussi n'est-il pas
surprenant que les adeptes français du système de défense sociale aient construit
une doctrine fort différente.
L'Ecole de la défense sociale nouvelle a pour manifeste le célèbre ouvrage de
Marc Ancel (1902-1990) — président de chambre honoraire à la Cour de cassation
— La défense sociale nouvelle publié en 1954 et réédité à deux reprises. La
caractéristique fondamentale de cette doctrine est sa personnalisation très poussée.
Moins que la défense de la société, c'est la défense de l'individu qui est envisagée
en vue de sa resocialisation. Aussi bien — et il y a ici un point commun avec les
prédécesseurs — doit être rejeté tout préjugé métaphysique à la base de la justice
pénale : ni déterminisme, ni libre arbitre. La justice pénale est une justice humaine
dont l'action implique la mise en œuvre de toutes les ressources que lui offrent
les sciences de l'homme. La défense sociale nouvelle ne rejette pas l'idée de
responsabilité morale. Il est nécessaire d'étudier la personnalité de chaque délin-
quant afin de pouvoir le traiter et à ce sujet peuvent être utilisées les peines comme
les mesures de sûreté, d'ailleurs fondues dans un système unique de sanctions. Et
ce traitement permettra de faire acquérir ou retrouver les valeurs morales perdues.
Le libre arbitre est ainsi le but du traitement et non son point de départ : ce n'est
que lorsqu'il sera guéri que le condamné jouira de sa pleine liberté et de son
entière responsabilité. La défense sociale nouvelle s'intéresse donc au premier chef
à l'homme concret et elle rejette toute considération de vengeance, d'expiation,
voire de rétribution. Pour mieux connaître cet homme il faut pratiquer l'observa-
tion du délinquant avec des examens médicaux, sociaux, psychiatriques destinés
à constituer un dossier de personnalité seul capable de permettre la mise en œuvre
d'un véritable traitement de resocialisation. Cette exigence conduit à la division
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du procès pénal en deux phases. La première est le classique procès répressif,


relatif à la matérialité des faits et qui prend fin avec une décision sur la culpabilité.
La seconde est axée sur l'examen de la personnalité : c'est le procès de défense
sociale, les magistrats étant entourés de médecins, psychologues et psychiatres
pour la décision sur la sanction. Cette seconde phase connaîtrait des règles de
déroulement originales : publicité restreinte, possibilité d'exclure le délinquant du
débat, collaboration étroite entre ministère public et défense. Quant à la sentence,
elle doit être constamment modifiable pour tenir compte de la personnalité du
sujet.
Quoique séduisantes, les thèses de la défense sociale nouvelle ont des détrac-
teurs. Il est excessif, semble-t-il, de minorer par trop l'idée de rétribution de la
condamnation pénale. Il semble paradoxal de ne pas supprimer les notions de
faute et de responsabilité morale et de refuser de porter un jugement de valeur sur
la conduite du délinquant. Il paraît illogique de conserver une fonction rétributive
traditionnelle en certains domaines limités comme les infractions d'imprudence et
les délits artificiels et de préférer pour les infractions intentionnelles une réaction
à dominante préventive. De surcroît la volonté de « déjudiciarisation » du droit
pénal chère à Ancel présente des risques : sans doute l'auteur veut-il seulement
éliminer fictions et présomptions du droit classique, par trop artificielles, mais le
glissement est aisé vers des conclusions plus radicales.

52 — AUJOURD'HUI : LA TOUR DE BABEL DES DOCTRINES — Depuis la défense


sociale — qui a fait nombre d'émules — les doctrines soutenues de part et d'autre
peuvent être classées en trois groupes. Le premier représente des idées contestatai-
res qui procèdent de la criminologie radicale et interactionniste. Répression égale
pour ces auteurs oppression et toute réforme pénitentiaire est par exemple analysée
comme un procédé hypocrite destiné à perpétuer la mainmise sur l'individu
désarmé. L'Italien Versele (Aspects juridiques de la perception de la déviance et
de la criminalité, rapport à la 9e conférence des directeurs de recherches criminolo-
giques, Conseil de l'Europe, 1972) et le Néerlandais Hulsman figurent parmi les
principaux représentants de ce courant contestataire. Ce dernier auteur a même
vu dans le crime une « situation problème » dont la solution doit être recherchée
en dehors des voies pénales : modification de l'environnement, renouvellement
des mentalités et en cas d'échec, procédures de conciliation-règlement des conflits
sur le mode civil (Peines perdues. Le système pénal en question, par Hulsman et
Bernat de Célis, 1982).
Une autre tendance, qualifiée de néo-pragmatisme (v. ainsi Gassin, Confronta-
tion du système français de la sanction pénale avec les données de la criminologie
et des sciences de l'homme, in Travaux du Colloque de science criminelle de
Toulouse, 1969, 117 s.), reprend la doctrine de l'Ecole pragmatique représentée
au début du siècle par l'Espagnol Saldana et suggère que cessent les querelles
doctrinales et que l'on s'attache exclusivement aux données de l'expérience.
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Mais l'école la plus importante en France est présentement le néo-classicisme


contemporain qualifié parfois de néo-classicisme nouveau. Ce mouvement,
annoncé il y a déjà longtemps par Saleilles (De l'individualisation de la peine,
1898), a pour principaux représentants Georges Levasseur et Roger Merle (La
confrontation doctrinale du droit pénal classique et de la défense sociale, R.S.C.
1964, 725) et à l'étranger l'Ecole d'Utrecht. S'opposant à la défense sociale nouvelle
ces divers auteurs insistent sur les idées de blâme, de responsabilité morale et de
rétribution. Mais ils souhaitent aussi conserver certains aspects de la défense sociale
et ils estiment primordiale une connaissance approfondie de la personnalité des
criminels. En outre les néo-classiques contemporains refusent tout lien entre le
quantum de la peine et la responsabilité morale, puisque cette règle capitale pour
leurs devanciers revient à reléguer au second plan la prise en considération de la
personnalité de l'intéressé. Depuis la recrudescence de la délinquance une tendance
plus dure s'est manifestée au sein du néo-classicisme contemporain avec des auteurs
comme Jean-Claude Soyer (Justice en perdition, 1982), Michèle-Laure Rassat (Pour
une politique anticriminelle de bon sens, 1983) et l'ancien Garde des Sceaux Alain
Peyrefitte (Les chevaux du lac Ladoga, 1981). Cette branche renoue avec l'an-
cienne idée d'expiation. La réinsertion, du moins pour les délinquants profession-
nels, doit céder le pas devant le châtiment : la prison a pour fonction de neutraliser
les individus dangereux pour le corps social et aussi de les intimider.

B) Les réalisations.

53 — DES TRAINS SUCCESSIFS DE REFORMES — L'influence de la doctrine positi-


viste a été rapide en France. La loi du 27 mai 1885 a créé ainsi la relégation
destinée à neutraliser les multirécidivistes incorrigibles envoyés jusqu'à leur mort
en Guyane. Une autre loi du 14 août 1885 a créé la libération conditionnelle
permettant de réduire sensiblement la durée de l'emprisonnement en cas de bonne
conduite. La loi du 26 mars 1891 introduit dans le droit français le sursis à
l'exécution de l'emprisonnement pour les délinquants primaires mais simultané-
ment aggrave la répression contre les petits récidivistes. S'agissant des mineurs
diverses mesures de sûreté sont instituées par la loi du 22 juillet 1912. Quant à la
défense sociale nouvelle, elle a fortement marqué le droit français postérieur à
1945 dans ses textes qui prennent en considération le délinquant, faisant même
preuve au dire d'un auteur d'« impérialisme » (Rassat, Droit pénal, n° 29). On
citera ainsi l'ordonnance du 2 février 1945 et la loi du 24 mai 1951 relatives à
l'enfance délinquante, la loi du 15 avril 1954 prescrivant une cure de désintoxication
pour les alcooliques dangereux, le sursis avec mise à l'épreuve instauré par le Code
de procédure pénale, la loi du 17 juillet 1970 remplaçant la relégation par la tutelle
pénale, la loi du 11 juillet 1975 créant divers substituts à l'emprisonnement, la
dispense et l'ajournement de la peine. De son côté l'Ecole néo-classique contempo-
raine a inspiré plusieurs textes orientés vers la sévérité : par exemple la loi du
11 juillet 1975 majore sensiblement la peine d'emprisonnement encourue par les
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proxénètes, la loi du 22 novembre 1978 renforce le régime d'exécution des peines


pour les délinquants avec la création d'une période de sûreté durant laquelle ils
ne peuvent bénéficier de mesures de faveur réalisant un retour progressif vers la
liberté. Le texte le plus significatif est sans conteste la loi du 2 février 1981 dite
loi Sécurité et liberté, qui réduit les pouvoirs du juge quant aux circonstances
atténuantes, au sursis, à l'exécution des peines en ce qui concerne les infractions
de violence assorties de peines plus élevées (v. sur cette loi v. Francillon, La loi
n° 81-82 du 2 févr. 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des person-
nes, n° spécial du Jurisclasseur pénal, 1981).
Après le changement politique de mai-juin 1981 les textes marquent l'abandon
de ce raidissement pénal : la loi du 9 octobre 1981 abolit la peine de mort, la loi
du 23 décembre 1981 abroge la loi anti-casseurs du 8 juin 1970 contre les troubles
apportés à l'ordre public par l'action concertée de groupes, la loi du 8 juin 1983
revient sur les dispositions les plus critiquées de la loi Sécurité et liberté en
supprimant la catégorie des infractions de violence et leur régime particulier et
crée par ailleurs de nouveaux substituts à l'emprisonnement (jours-amendes, travail
d'intérêt général). Mais la victoire aux élections législatives en mars 1986 des partis
de droite traduit un retour en force des idées et des réalisations sécuritaires : la
loi du 3 septembre 1986 relative aux contrôles et vérifications d'identité et surtout
les quatre lois du 9 septembre 1986 sur la lutte contre la criminalité et la délin-
quance, sur la lutte contre le terrorisme, sur l'application des peines, et sur les
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (v. Pradel, Vers un retour
à une plus grande certitude de la peine avec les lois du 9 septembre 1986, D. 1987,
Chron. 59 et Les infractions de terrorisme, un nouvel exemple de l'éclatement du
droit pénal, D. 1987, Chron. 39). Depuis ont encore notamment vu le jour la loi
du 10 juillet 1987 renforçant la lutte contre l'alcool au volant, la loi du 30 novembre
1987 relative à la prévention et à la répression du recel, la loi n° 87-1133 du
31 décembre 1987 tendant à réprimer la provocation au suicide, la loi n° 87-1157
du 31 décembre 1987 relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants et modifiant
certaines dispositions du Code pénal et la loi du 5 janvier 1988 relative à la fraude
informatique.
Le retour au pouvoir de la gauche socialiste en juin 1988 ne traduit pas pour
l'instant une rupture caractérisée avec la période immédiatement antérieure. Sans
doute certains domaines se voient-ils dotés d'une réglementation plus libérale —
comme le droit des étrangers (loi n° 89-548 du 2 aôut 1989) — ; mais pour l'essentiel
on a l'impression que le législateur réagit au gré des circonstances, comme l'aurait
fait son prédécesseur de l'autre bord politique. Le phénomène est net pour la lutte
contre le blanchiment de l'argent de la drogue, entreprise avec la loi du 31
décembre 1987 et depuis renforcée (lois n° 88-1149 du 23 décembre 1988 et n° 90-
614 du 12 juillet 1990). Et, pour ne citer qu'eux, il en va identiquement pour la
lutte contre certaines discriminations (loi n° 90-602 du 12 juillet 1990), pour la
lutte contre les accidents de la circulation (loi n° 89-469 du 10 juillet 1989) ou pour
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la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (loi n° 91-32 du 10 janvier 1991). Mais


les bons vieux clivages politiques resurgissent en d'autres occurrences, comme cela
a par exemple été le cas avec la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer
tout acte raciste, antisémite ou xénophobe ou avec la loi n° 90-55 du 15 janvier
1990, relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du
financement des activités politiques, amnistiant certaines infractions en relation
avec ces questions et tombant à pic pour un ancien ministre socialiste faisant l'objet
d'une instruction diligentée par la commission d'instruction de la Haute Cour de
justice...
Avec cette énumération l'on constate que la politique criminelle ne connaît
pas de tendance uniforme et qu'elle est souvent ballottée au gré de facteurs
essentiellement politiques. Ainsi les réformes alternent par une sorte de mouve-
ment de balancier, « modèle libéral » et « modèle autoritaire » (pour reprendre les
expressions de Mme Delmas-Marty, Modèles et mouvement de politique criminelle,
1983) se succédant tour à tour. Toutefois sur deux points au moins une évolution
plus continue se fait jour. On relève en effet d'abord une certaine libéralisation
dans le domaine de la sexualité : la loi du 11 juillet 1975 a supprimé le délit pénal
d'adultère, la loi du 17 janvier 1975 — pérennisée par celle du 31 décembre 1979
— autorise l'avortement pratiqué dans les dix premières semaines de la grossesse,
la loi du 4 août 1982 abroge l'alinéa 2 de l'article 331 C.P. qui punissait de peines
correctionnelles « quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature
avec un mineur du même sexe ». La loi du 25 juillet 1985 étend les peines de la
discrimination raciale à la discrimination à raison des mœurs. En second lieu le
thème de protection de la victime semble fort vivace. La loi du 17 juillet 1970
organisant le contrôle judiciaire prévoit que l'une de ses modalités consiste dans
le versement d'un cautionnement destiné à garantir la réparation des dommages
causés. Par ailleurs la loi du 3 janvier 1977 crée une indemnisation par l'Etat des
préjudices d'ordre économique subis par toute victime d'un dommage corporel
commis à la suite d'une infraction volontaire ou non, lorsque cette victime ne peut
obtenir à un titre quelconque réparation et se trouve de ce fait dans une situation
matérielle grave. La loi Sécurité et liberté comporte un titre entier consacré à la
protection de la victime et elle étend le domaine d'application des indemnités
allouées par l'Etat à des victimes de dommages matériels, tout en facilitant les
constitutions de partie civile avant l'audience. La loi du 8 juillet 1983 crée le délit
d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité (art. 404-1 C.P.), élargit les conditions
d'indemnisation par l'Etàt des victimes de dommages corporels et améliore l'exer-
cice des actions civiles (v. Couvrat, La protection des victimes d'infractions. Essai
d'un bilan, R.S.C. 1983, 577). Puis intervient la loi du 5 juillet 1985 — dite loi
Badinter — qui pose le principe d'un droit à indemnisation pour les victimes d'un
accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur
(v. Flour et Aubert, Les obligations, T. 2, 4e éd. 1989, n° 293s.). Par la suite la
loi du 9 septembre 1986 sur le terrorisme et la loi du 30 décembre 1986 prévoient
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TITRE II : L'individualisation de la sanction 465

Chapitre 1 : Le prononcé de la sanction 465


Section I : Le casier judiciaire 466
§ 1 : Le casier judiciaire normal 467
§ 2 : Les casiers judiciaires spéciaux 469
Section II : L'aggravation de la sanction 470
§ 1 : Généralités 471
§ 2 : Cas de récidive 474
Section III : L'atténuation de la sanction 480
§ 1 : Les circonstances atténuantes 480
A) Généralités 480
B) Domaine 482
C) Effets 483
a) Sur les peines principales 483
b) Sur les peines secondaires 486
§ 2 : Les excuses atténuantes 488
Section IV : L'exemption de la sanction 491
§ 1 : L'exemption légale 491
§ 2 : L'exemption judiciaire 492
A) La dispense de peine 493
B) L'ajournement du prononcé de la peine 494
Section V : Les sanctions de substitution 496
§ 1 : La gamme des substituts 496
§ 2 : Le rôle des substituts 498
Section VI : La suspension de l'exécution de la sanction 499
§ 1 : Le sursis simple ........................ ...................................... 500
A) Conditions ................................................................... 500
B) Effets .......................................................................... 502
§ 2 : Le sursis avec mise à l'épreuve 505
A) Conditions 505
B) Effets 505
§ 3 : Le sursis avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général 509
Section VII : Le concours d'infractions 512
§ 1 : Le concours réel d'infractions 512
A) Sens de la règle du non-cumul 513
a) Unité de poursuite 513
b) Pluralité de poursuites 517
B) Domaine de la règle de non-cumul 522
§ 2 : Le concours idéal d'infractions 524
A) Vrai concours idéal 524
B) Faux concours idéal 527
Chapitre II : L'exécution de la sanction 530
Section 1 : La privation de liberté 533
§ 1 : La prison 533
§ 2 : Le prisonnier 536
§ 3 : La période de sûreté 539
Section II : Le retour à la liberté 541
§ 1 : Les réductions de peine 541
§ 2 : Les permissions de sortir 543
§ 3 : Le placement à l'extérieur 544
§ 4 : La semi-liberté 545
§ 5 : La libération conditionnelle 546

TITRE III : L'extinction de la sanction ............................... 549

Chapitre 1 : L'extinction directe de la sanction 549


Section 1 : La prescription ............................................................. 549

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