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THÈSE PRÉSENTÉE

POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEUR DE
L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (ED 41)


SPÉCIALITÉ DROIT PRIVÉ ET SCIENCES CRIMINELLES

Par Marion Galy

Le pluralisme juridictionnel en droit du travail


Sous la direction de Monsieur le Professeur Christophe Radé

Soutenue le 4 décembre 2017

Membres du jury

Monsieur Gilles Auzero


Professeur, Université de Bordeaux, président du jury

Monsieur Frédéric Géa


Professeur, Université de Lorraine, rapporteur

Monsieur Thierry Le Bars


Professeur, Université de Caen, rapporteur

Madame Laurence Pécaut-Rivolier


Conseiller à la Cour de cassation

Monsieur Christophe Radé


Professeur, Université de Bordeaux, directeur de la recherche

1
L’Université de Bordeaux n’entend donner aucune approbation aux opinions émises dans la
thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

3
Remerciements

Je remercie très sincèrement mon directeur de thèse, le Professeur Christophe Radé, pour sa
grande disponibilité, ses précieux conseils et sa confiance. L’exigence qu’il a maintenue
durant ces cinq années me permet de présenter une thèse dont j’ai plaisir à défendre le
contenu.

Mes remerciements vont ensuite aux membres du Comptrasec. Je pense ici aux enseignants-
chercheurs, et plus particulièrement au Professeur Jean-Pierre Laborde, avec lesquels j’ai pu
échanger et nourrir mes réflexions, à l’équipe administrative pour sa disponibilité et son
soutien mais aussi à tous les doctorants sans qui l’aventure aurait certainement été différente.

Un grand merci également à ma famille, mes amis, et plus particulièrement à mon frère, ma
mère et mon père pour lesquels le monde universitaire, l’enjeu et la durée d’une thèse relèvent
de l’inconnu, voire du domaine de l’énigmatique et qui m’ont malgré tout toujours soutenue
et réconfortée dans les moments de doute.

Ma reconnaissance profonde va aussi à tous ceux qui m’ont littéralement portée dans cette
dernière ligne droite, que ce soit par leur relecture, leur bonne humeur ou leurs
encouragements. Anne-Cécile, Claire, Didier, Gaëtan, Julie, Léa, Manon, Marie-José et
Pascale, un grand merci. Une pensée toute particulière pour Aurore, Charline, Damien et
Kieran, la force de notre « quintet » prouve que la cohésion et l’entraide mènent plus loin et
rendent plus riche que l’individualisme. Belle leçon de vie.

Je remercie enfin et surtout Anthony, mon mari, pour son amour, sa patience infinie et son
soutien indéfectible.

5
Sommaire

!
Partie 1. Un pluralisme juridictionnel pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire!

Titre 1. La limitation du risque de conflits de compétences!

Chapitre 1. La clarification des répartitions de compétences!

Chapitre 2. Le maintien des effets limités de l’incompétence!

Titre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges!

Chapitre 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence!

Chapitre 2. Le risque mesuré d’une amplification de l’incohérence!

Partie 2. Un pluralisme juridictionnel partiellement réalisable entre les ordres de juridictions!

Titre 1. Un pluralisme juridictionnel possible!

Chapitre 1. La limitation du risque de conflits de compétences!

Chapitre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges!

Titre 2. Un pluralisme juridictionnel circonscrit!

Chapitre 1. Une confrontation inévitable aux difficultés de la pluralité juridictionnelle!

Chapitre 2. Une confrontation légitimant la création de blocs de compétences!

7
Principales abréviations

act. Actualité
AJDA Actualités juridiques de droit administratif
APD Archives de philosophie du droit
BICC Bulletin d’information de la Cour de cassation
Bull. civ Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
Bull. Joly Bulletin Joly de droit des sociétés
Bull. Joly Entr. Diff. Bulletin Joly des Entreprises en Difficulté
c/ Contre
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
Cass. Cour de cassation
Cass. ass. plén. Cour de cassation, assemblée plénière
Cass. civ. Cour de cassation, chambre civile
Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale
Cass. crim. Cour de cassation, chambre criminelle
Cass. soc. Cour de cassation, chambre sociale
CE Conseil d’État
CEDH Cour européenne des droits de l’Homme
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
ch. Chambre
chron. Chronique
coll. Collection
comm. Commentaire
concl. Conclusions
Conf. Confirmation
Cons. const. Conseil constitutionnel
Contra En sens contraire
CPH Conseil de prud’hommes
CSBP Cahiers Sociaux du Barreau de Paris

9
D. Recueil Dalloz
dactyl. Dactylographié
dir. Sous la direction de
doctr. Doctrine
Dr. adm. Revue Droit administratif
Dr. et patr. Revue Droit et patrimoine
Dr. ouvr. Le droit ouvrier
Dr. pén. Droit pénal
Dr. soc. Droit social
éd. Édition, éditeur
ét. Étude
fasc. Fascicule
GAJA Grands arrêts de la jurisprudence administrative
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem (dans le même ouvrage)
in Dans (référence d’un article au sein d’un ouvrage collectif)
infra Ci-dessous
IRJS Institut de recherche juridique de la Sorbonne
J.-Cl. Procédure civile Jurisclasseur de procédure civile
J.-Cl. Travail Jurisclasseur de droit du travail
JCP A La semaine juridique, édition administrative
JCP E La semaine juridique, édition entreprise
JCP G La semaine juridique, édition générale
JCP S La semaine juridique, édition sociale
JO Journal officiel de la République Française
JSL Jurisprudence sociale Lamy
Lexbase Hebdo éd. S Revue Lexbase hebdomadaire, édition sociale
LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence
Liais. soc. Liaisons sociales
LPA Les Petites Affiches
no Numéro
nos Numéros
obs. Observations

10
op. cit. Opus citatum (œuvre citée)
p. Page
PUAM Presses universitaires d’Aix-Marseille
PUB Presses universitaires de Bordeaux
PUF Presses universitaires de France
PUR Presses universitaires de Rennes
PUT Presses universitaires de Toulouse
RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye
RDP Revue de droit public
RDS Revue des sociétés
RDT Revue de droit du travail
Rec. Recueil Lebon
réf. Référé
Rép. cont. adm. Répertoire de contentieux administratif
Rép. pén. et proc. pén. Répertoire de droit pénal et de procédure pénale
Rép. proc. civ. Répertoire de procédure civile
Rép. trav. Répertoire de droit du travail
Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives
RFAS Revue française des affaires sociales
RFDA Revue française de droit administratif
RJS Revue de jurisprudence sociale
RLDC Revue Lamy de droit civil
RRJ Revue de la recherche juridique - Droit prospectif
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
S. Sirey
sect. Section
spéc. Spécial, spécialement
SSL Semaine sociale Lamy
suiv. Suivant
Supra Ci-dessus
t. Tome
TA Tribunal administratif

11
TASS Tribunal des affaires de sécurité sociale
T. com. Tribunal de commerce
T. confl. Tribunal des conflits
TGI Tribunal de grande instance
TI Tribunal d’instance
TPS Travail et protection sociale
vol. Volume

12
À mes oncles.
« Ne meurent que ceux qu’on oublie »
.

13
Introduction

« Les projets de réformes de la juridiction


sociale en France font penser à ces preux
chevaliers, qui doivent vaincre d’insurmontables
obstacles pour obtenir la main d’une désirable
princesse : leurs cadavres s’empilent en grand
nombre devant la porte du château, où la belle
continue de se morfondre, privée d’amour et
d’enfants. Aussi peut-on hésiter avant de se
lancer à son tour dans une si périlleuse
aventure »1.

1. Les juridictions du travail au centre des critiques. Présentées comme « à bout


de souffle »2, « inéquitables »3, voire « dépassées »4, les juridictions du travail déchaînent les
passions et suscitent actuellement la critique. Certains vont même jusqu’à évoquer une « crise
de la justice du travail »5. Les données statistiques ont, il est vrai, de quoi alerter6 : faible
succès de la conciliation, taux important de départage et d’appel, allongement des délais de

1
A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », RFAS 1993, n° 1, p. 97 (article reprenant la
contribution à un colloque organisé par le Centre de recherche d’économie sociale de l’Université de
Perpignan, l’Association française de droit du travail et de la sécurité sociale et le concours du Barreau des
avocats des Pyrénées-Orientales les 19 et 20 juin 1992 et intitulé « La perspective d’un ordre juridictionnel
social »).
2
B. Holleaux, « Comment revitaliser la justice prud’homale ? Du charme des temps anciens aux dures
réalités des temps présents », SSL 2015, n° 1679, p. 5 – D. Métin et S. Doudet, « La juridiction
prud’homale à bout de souffle », SSL 2013, n° 1575, p. 2.
3
Ch. Vigneau, « L’inéquitable procès prud’homal », RJS 2013, p. 363.
4
E. Souffi, « La machine dépassée des prud’hommes », Liais. soc. magazine 2014, n° 157, p. 22.
5
C. Taillandier, « Le conseil de prud’hommes entre crise et réforme », SSL 2015, n° 1696, p. 12. Une thèse
est actuellement en préparation sur ce thème sous la direction du Professeur Lise Casaux à l’Université de
Toulouse : M. Junqua, Le règlement des conflits du travail : la crise de la justice du travail en France.
6
Certains auteurs appellent cependant à une analyse prudente des données statistiques. En ce sens, voir : T.
Durand et P. Henriot, « Fables et légendes prud’homales », Dr. ouvr. 2014, p. 171. Le nombre de procès-
verbaux de conciliation ne rend en effet pas compte du nombre de solutions non contentieuses intervenues
à l’occasion de l’action devant les prud’hommes (Ph. Clément, A. Jeammaud et É. Serverin, « Les
règlements non juridictionnels des litiges prud’homaux », Dr. soc. 1987, p. 55). Le taux d’appel mérite en
outre d’être mis en relation avec le taux de désistement des appels ainsi que le taux de confirmation des
décisions prud’homales (F. Guiomard, « Quelle réforme pour la justice sociale ? », RDT 2014, p. 129, spéc.
p. 131).

15
traitement des affaires7, auxquels s’ajoutent les nombreuses condamnations de l’État pour
fonctionnement défectueux du service public de la justice8. La consultation des multiples
articles9, ouvrages10, rapports11 et colloques12 consacrés au contentieux du travail corrobore
cette impression tout en laissant apparaître de nouvelles critiques. Au-delà de la situation des
prud’hommes13, c’est en effet la dispersion du contentieux du travail qui se trouve contestée14.

7
Sur ces chiffres, voir : É. Serverin, « Agir aux prud’hommes, hier et aujourd’hui », in Dossier « Vers un
ordre juridictionnel social », Dr. ouvr. 2014, p. 699, spéc. p. 704. Pour des études plus complètes, voir : M.
Guillonneau et É. Serverin, L’activité des conseils de prud’hommes de 2004 à 2012 : continuité et
changements, ministère de la Justice, direction des Affaires civiles et du Sceau, Pôle d’évaluation de la
justice civile, 2013 – B. Munoz-Perez et É. Serverin, Le droit du travail en perspective contentieuse 1993 à
2004, ministère de la Justice, Direction des affaires civiles et du Sceau, Cellule études et recherches, juin
2005, 133 p.
8
M. Poirier, « La lenteur excessive de la justice prud’homale (TGI Paris 5 juin 2013, n° 12-04.402) », Dr.
ouvr. 2013, p. 656 – É. Serverin, « Le procès des délais de procédure prud’homale », RDT 2012, p. 471 –
D. Métin et S. Doudet, « Délais déraisonnables de la procédure prud’homale : l’état condamné », SSL 2012,
n° 1529, p. 8. Pour une condamnation récente, voir notamment : TI Meaux, 22 mars 2017, n° 11-
16.001457.
9
Voir notamment : P. Henriot, « Ne rien changer (ou presque) pour que tout change. Que reste-t-il de la
prud’homie ? », RDT 2017, p. 143 et p. 214 – A. Bugada, « État des lieux des réformes de la justice
prud’homale et questions d’actualités », JCPS 2016, 1283 – F. Géa, « Une meilleure justice du travail »,
RJS 2016, p. 191 – D. Van der Vlist, « La fin de la justice prud’homale est-elle écrite ? », SSL 2016, n°
1726, p. 5 – P. Lagesse, « La juridiction prud’homale est-elle réformable ? », in Controverse « Réformer le
conseil des prud’hommes ? », RDT 2014, p. 88 – M. Beckers, « Réformer : est-ce détruire sans améliorer
ou améliorer sans détruire ? », in Controverse « Réformer le conseil des prud’hommes ? », RDT 2014, p. 88
– T. Durand et P. Henriot, « Fables et légendes prud’homales », op. cit. – Y. Rolland, « Le conseil de
prud’hommes entre mythe et réalité », Dr. soc. 2013, p. 618 – Y. Saint-Jours, « Les particularités du
contentieux social », Dr. ouvr. 2013, p. 696 – D. Arlie, « Pour une meilleure justice prud’homale », RJS
2010, p. 347 – A. Chevillard, « Conseils de prud’hommes et procédure prud’homale : quelles réformes ? »,
in Dossier « Les juges et le droit social : questions d’actualité », Dr. soc. 2010, p. 919.
10
P. Joxe, Soif de Justice. Au secours des juridictions sociales, Fayard 2014, 324 p. – F. Champeaux et S.
Foulon, Dernier recours. Le monde du travail devant les tribunaux, Seuil 2012, 312 p. – H. Michel et L.
Willemez (dir.), Les prud’hommes. Actualité d’une justice bicentenaire, Éditions du croquant 2008, coll.
Champ social, 253 p. – M. Keller (dir.), Procès du travail, travail du procès, LGDJ 2008, coll. Bibliothèque
de l’institut André Tunc, t. 16, 456 p.
11
Rapport Rostand, Mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale,
rapport remis à Monsieur le Premier ministre, avr. 2017 – Lettre du Trésor, Le traitement des litiges en
droit du travail : constats et perspectives économiques, Trésor-Eco, n° 137, oct. 2014 – Rapport Lacabarats,
L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle, rapport remis à la garde
des Sceaux, ministre de la Justice, juillet 2014. – Rapport du CEE, Les Conseils des prud’hommes, un frein
à l’embauche ?, Connaissance de l’emploi, n° 11, mai 2014 – Rapport Marshall, Les juridictions du XXIème
siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice, rapport remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice,
décembre 2013.
12
Colloque organisé par le collège des Bernardins, « Droit du travail de demain : ses juges et ses
sanctions », 9 décembre 2016 (actes du colloque reproduits dans la revue Droit social de mai 2017) –
Colloque organisé par la Commission de droit social du SAF, « Loi Macron, rapport Combrexelle. Quels
enjeux, quel avenir pour la justice prud’homale ? », 5 décembre 2015 (actes du colloque reproduits dans la
revue Droit ouvrier de mars 2016) – Colloque organisé par la CGT, « Vers un ordre juridictionnel social »,
5 et 6 juin 2014 (actes du colloque reproduits dans la revue Droit ouvrier de novembre 2014) – Colloque
organisé par l’AFDT, « Les juridictions du travail, leur création, leur évolution et leur avenir », 29
novembre 2013.
13
Les critiques adressées à la juridiction prud’homale ne sont pas nouvelles. Voir notamment : J.-J.
Dupeyroux, « Les conseils de prud’hommes : un contre-privilège des salariés ? », Le Monde, 28 déc. 1977,
p. 2 – Dossier spécial « La juridiction du travail en France », Dr. soc. févr. 1974.

16
Le contentieux du travail est effectivement « éparpillé » entre plusieurs juridictions : la
juridiction prud’homale, le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance, le tribunal de
commerce, la juridiction pénale et la juridiction administrative15. Si certains relativisent cette
« atomisation du contentieux » 16 ou la considèrent inéluctable 17 , nombreux sont ceux à
envisager sa suppression ou à réclamer son aménagement18. Une telle dispersion s’avère au
demeurant surprenante. Dans l’Histoire, la « spécialisation du droit » s’est en effet
généralement traduite par une spécialisation juridictionnelle19, laquelle avait pour objet de
« rendre effectif et concret le droit d’accès au juge et d’améliorer la qualité de la justice »20,
notamment en adaptant la procédure « aux caractéristiques des litiges » et « aux
caractéristiques sociologique et économique des catégories de justiciable »21. En droit du
travail, cette spécialisation – concrétisée par l’existence des prud’hommes et des chambres
sociales des cours d’appel et de la Cour de cassation – n’a jamais mis un terme à la dispersion
du contentieux. Une analyse historique de cette dispersion permet d’ailleurs de révéler que

14
Sur cette contestation, voir notamment : B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux
autour du contrat de travail, Thèse de 3ème cycle 1982 (dactyl.), 300 p. – G. Lyon-Caen, « A propos d’une
réorganisation des juridictions sociales », D. 1969, chron. IV, p. 21 – P. Durand, « La réorganisation des
juridictions du travail », Dr. soc. 1943, p. 363.
15
« Le qualificatif de juridictions du travail peut [ainsi] servir à désigner deux objets différents : soit les
juridictions qui ont pour objet spécifique et exclusif le contentieux du travail et seuls les prud’hommes y
répondent ; soit toutes les juridictions qui ont à connaître du contentieux du travail, et dans ce cas elles
seront quasiment toutes présentes à l’appel » : A. Supiot, Les juridictions du travail, Dalloz 1987, coll.
Traité de droit du travail sous la direction de G.-H. Camerlynck, t. 9, p. VI.
16
J.-E. Ray, Droit du travail, Droit vivant, 25e éd., Liaisons 2017, coll. Droit Vivant, p. 54. Les demandes
sont en effet massivement portées devant le conseil de prud’hommes. En ce sens, voir : B. Munoz-Perez et
É. Serverin, Le droit du travail en perspective contentieuse 1993 à 2004, op. cit., p. 5.
17
A. Jeammaud « Un état de choses irrémédiables », in Controverse « Dispersion du contentieux du
travail ? », RDT 2013, p. 539. Ce dernier considère que des obstacles constitutionnels s’opposent à la mise
en place d’une juridiction du travail regroupant les juridictions civiles, administratives et pénales. La mise
en place d’un tribunal du travail est quant à elle compromise en raison du tabou entourant la suppression de
la juridiction prud’homale dans une période où on exalte la démocratie sociale.
18
Voir notamment : A. Lacabarats « La réforme de la justice du travail », in Controverse « Dispersion du
contentieux du travail ? », RDT 2013, p. 536 – R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les
conflits du travail », in Dossier « La juridiction du travail en France », Dr. soc. 1974, S 22 – « La justice du
travail : Bilan et Perspectives, Rapport syndical », in Dossier « La juridiction du travail en France », Dr.
soc. 1974, S 38 – J. Vincent, « Quelques observations sur les conflits de juridictions en matière de contrat
de travail », in Études de droit du travail offertes à André Brun, Institut d’études du travail et de la sécurité
sociale 1974, p. 603 – P. Voirin, « Interprétation judiciaire et interprétation administrative en Droit social »,
in Mélanges offerts à René Savatier, Dalloz 1965, p. 941.
19
En ce sens : C. Bléry, « La notion de spécialisation », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges,
PUT 2012, p. 13, spéc. p. 19 – F. Leborgne, « Compétence », in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice,
PUF 2004, p. 176 – G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, 3e éd., PUF 1996, coll. Thémis, p. 167 : « La
multiplication des juridictions répond à un principe d’adéquation » – A. Supiot, Les juridictions du travail,
op. cit., spéc. p. 111 : « La spécialisation d’une juridiction correspond en principe à l’existence d’une telle
branche, c’est-à-dire à l’identification d’un système de règles et d’institutions autonomisable ».
20
N. Fricero, « La fusion des juridictions civiles du premier degré en question », in C. Ginestet (dir.), La
spécialisation des juges, PUT 2012, p. 107, spéc. p. 108.
21
Ibid., spéc. p. 107.

17
c’est au contraire, et de manière paradoxale, la construction du droit du travail et son
affermissement qui ont accéléré la dispersion du contentieux.

2. Aux origines de la dispersion du contentieux. L’année 1806 marque


l’apparition des premiers conseils de prud’hommes 22 . À cette époque, les fonctions
juridictionnelles des prud’hommes sont assez résiduelles : leur mission première est en effet
la « disciplinarisation de l’industrie et du travail »23. Les chambres de commerce chargées de
leur mise en place les appréhendent d’ailleurs davantage comme « un espace de contrôle du
monde industriel et de maintien de l’ordre corporatif [que comme] une véritable
juridiction » 24 . Progressivement, leur fonction va évoluer vers la recherche d’une
« pacification sociale »25. L’idée est d’apaiser les relations entre employeurs et salariés dans
le but de maintenir et de développer la production. Dominent alors des considérations de
bonne foi et d’équité dans le règlement des litiges26. Malgré cette évolution, les prud’hommes
apparaissent comme des juridictions du patronage et ce n’est que progressivement qu’ils
seront considérés par le mouvement ouvrier comme l’une de ses conquêtes27. Rappelons en
effet que les prud’hommes ne deviendront véritablement paritaires qu’en 188028, date à

22
Certains auteurs relèvent toutefois l’existence d’une « justice des relations professionnelles » bien avant
la création des prud’hommes : A. Cottereau, « Les prud’hommes au XIXe siècle : une expérience originale
de pratique du droit », Justices 1997, n° 8, p. 9 – M. David, « L’évolution historique des Conseils de
prud’hommes en France », in Dossier « La juridiction du travail en France », Dr. soc. 1974, S 3. Nous
renvoyons sur ce point aux travaux des historiens cités par ces derniers : Fr. Olivier-Martin, Histoire du
Droit français, Domat-Montchrestien 1948, p. 176 – Fr. Olivier-Martin, L’organisation corporative de la
France d’Ancien Régime, Sirey 1938, p. 160 – R. Bloch et H. Chaumel, Traité théorique et pratique des
Conseils de prud’hommes, 2e éd., Dalloz 1925, p. 1 – E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières avant
1789, t. 1, 1900, p. 358 – H. Hauser, Ouvriers du temps passé (XV-XVIe siècles), F. Alcan 1899, p. 72.
23
J.-C. Farcy, Histoire de la justice en France : de 1789 à nos jours, Éditions La Découverte 2015, coll.
Repères, p. 23. Ce dernier renvoie sur ce point à la thèse de Monsieur Bruno Dubois, Les conseils de
prud’hommes au XXIe siècle. Entre États, patrons et ouvriers : les linéaments de la justice du travail
(1806-1868), Thèse de doctorat Lille II (dactyl.) 2000. Sur ce point, voir également : P. Cam, Les
prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, Presses de la Fondation
nationale des sciences politiques 1981, p. 25 : « Les prud’hommes peuvent sur plainte, se transporter dans
les entreprises, assistés d’un officier public, et ce dans le but de constater les malfaçons ou autres fraudes ».
24
L. Guerlain, « Contribution à l’histoire de la justice du travail au XIXe siècle. À propos des débuts du
Conseil des prud’hommes de Bordeaux (1849-1900) », in Mélanges offerts à Gérard Aubin : De la terre à
l’usine : des hommes et du droit, PUB 2014, p. 99, spéc. p. 106.
25
P. Cam, Les prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit.,
spéc. p. 70.
26
L. Guerlain, « Contribution à l’histoire de la justice du travail au XIXe siècle. À propos des débuts du
Conseil des prud’hommes de Bordeaux (1849-1900) », op. cit., spéc. p. 123.
27
Sur cette démonstration, voir : M. David, « L’évolution historique des Conseils de prud’hommes en
France », op. cit.
28
La plupart des auteurs attribuent toutefois la naissance du paritarisme au décret du 27 mai 1848. En ce
sens : F. Géa, « Une meilleure justice du travail », op. cit., spéc. p. 192 – A. Supiot, Les juridictions du
travail, op. cit., n° 398, p. 380. Sur ce décret, voir : N. Olszak, « Invention et défense du caractère paritaire

18
laquelle la juridiction se transforme en « un champ de lutte privilégié entre le patronat et les
ouvriers »29.
C’est d’ailleurs à la même époque que la Cour de cassation fait « rentrer les conseils de
prud’hommes dans le rang de la légalité juridictionnelle » en censurant des jugements
prud’homaux rendus par référence à l’équité et aux usages30. Compte tenu du caractère peu
étoffé de la législation « sociale » à cette époque, ce seront ainsi essentiellement des
dispositions du code civil qui auront vocation à s’appliquer31. Cette législation se limite en
effet aux premières lois ouvrières du 22 mars 1841 sur le travail des femmes et des enfants, du
25 mai 1864 dépénalisant les coalitions ouvrières, du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et
des filles mineures employés dans l’industrie ou du 21 mars 1884 qui ouvre « la voie à la mise
en place des relations collectives de travail » en légalisant les syndicats32.
De manière surprenante, « la naissance [du conseil des prud’hommes] a [ainsi] précédé de
plus d’un siècle celle du droit du travail »33. Certains historiens font certes remonter le droit
du travail bien avant les premières lois sociales du milieu du XIXème siècle34, mais les
premiers écrits consacrés à la législation datent seulement de la fin du XIXème siècle, et le
droit du travail ne deviendra une « discipline universitaire », puis une véritable branche du

de la juridiction prud’homale », in H. Michel et L. Willemez (dir.), Les prud’hommes. Actualité d’une


justice bicentenaire, Éditions du Croquant 2008, coll. Champ social, p. 18.
29
L. Guerlain, « Contribution à l’histoire de la justice du travail au XIXe siècle. À propos des débuts du
Conseil des prud’hommes de Bordeaux (1849-1900) », op. cit., spéc. p. 133. Rappelons qu’à cette époque,
le blocage résultant du paritarisme était réglé par une voie prépondérante du président. L’instauration d’un
juge départiteur en cas de partage de voix n’aura lieu qu’avec la loi du 15 juillet 1905.
30
L. Cadiet, « Du Juste travail à la justice du travail », Justices 1997, n° 8, p. VII, spéc. p. X. Sur l’arrêt de
la Cour de cassation du 14 février 1866, voir : A. Cottereau, « Les prud’hommes au XIXe siècle : une
expérience originale de pratique du droit », op. cit., spéc. p. 9.
31
Les relations de travail sont alors gouvernées par la liberté contractuelle, « le maitre est cru sur son
affirmation », et seul le recours au droit commun de la responsabilité et à la théorie de l’abus de droit
permet de limiter les pouvoirs de l’employeur.
32
Ch. Radé, « Peut-on dire qu’à l’époque moderne le droit civil reposerait sur l’idée d’une égalité abstraite
alors que le droit du travail reposerait sur l’idée d’une inégalité concrète ? », in Mélanges en l’honneur du
Professeur Jean Hauser, Dalloz, LexisNexis 2012, p. 589, spéc. p. 597.
33
F. Géa, « Une meilleure justice du travail », op. cit. spéc. p. 192. En ce sens également : F. Grua, « Les
divisions du droit », RTD civ. 1993, p. 59, spéc. p. 62 : « Quelques divisions du droit ont été commandées
par le besoin de circonscrire la compétence de certaines juridictions particulières que des raisons politiques
ou pratiques avaient conduit à instituer : le droit du travail pour les conseils de prud’hommes (…). Les
divisions du fond ont suivi alors les divisions de la procédure ».
34
Certains visent ainsi la législation des esclaves dans l’antiquité, la tenure au moyen âge pour les serfs ou
encore les règles pour les compagnons et les apprentis (Ph. Waquet, « Préface », in J. Le Goff, Du silence à
la parole. Une histoire du droit du travail des années 1830 à nos jours, PUR 2004, coll. L’univers des
normes, p. 11). D’autres retiennent la date de 1789 (N. Olszak, Histoire du droit du travail, PUF 1999, coll.
Que sais-je ?, 127 p. – G. Aubin et J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, PUF 1995,
coll. Droit Fondamental, 320 p.), voire celle de 1830 (J. Le Goff, Du silence à la parole. Une histoire du
droit du travail des années 1830 à nos jours, PUR 2004, coll. L’univers des normes, 621 p.).

19
droit qu’au début du XXème siècle35. C’est d’ailleurs la constitution de ce droit qui marque
l’amplification de la dispersion du contentieux. Celle-ci a effectivement toujours existé36. La
création des prud’hommes étant abandonnée à l’initiative patronale sur demande des
chambres de commerces37, la compétence des prud’hommes se trouvait limitée tant sur le plan
géographique que professionnel38 et de nombreux salariés, non justiciables de la juridiction
prud’homale, devaient se tourner vers la justice de paix39. Cette dispersion va cependant
s’accélérer avec le développement des droits collectifs à partir de 1936 et la création de la
Cour supérieure d’arbitrage en 193840. La chambre sociale de la Cour de cassation est en
outre créée à la même époque par un décret-loi du 17 juin 193841. Notons toutefois que cette
création répond à un besoin de désengorger la chambre civile de la Cour de cassation et non à
une volonté de consacrer l’existence d’un droit social42. L’idée est de « régler plus rapidement
un contentieux en expansion, trouvant souvent sa source dans une législation spéciale mal
intégrée au droit commun » 43 . Les attributions de cette chambre dépassent d’ailleurs
largement le contentieux des relations de travail et s’étendent notamment aux questions de

35
J. Pélissier, A. Supiot et A. Jeammaud, Droit du travail, 23e éd., Dalloz 2006, coll. précis, p. 4. Sur la
construction de ce droit et son évolution à l’Université, voir notamment : P. Cam, Les prud’hommes : juges
ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit., spéc. p. 135 et suiv. – Voir également :
G. Lyon-Caen, « Les fondements historiques et rationnels du droit du travail », Dr. ouvr. 1951, p. 1. Pour
une remise en cause du mythe fondateur du droit du travail reposant sur une opposition de ce dernier avec
celui du droit civil, voir : Ch. Radé, « Peut-on dire qu’à l’époque moderne le droit civil reposerait sur l’idée
d’une égalité abstraite alors que le droit du travail reposerait sur l’idée d’une inégalité concrète ? », op. cit.
36
Certains auteurs justifient d’ailleurs l’emploi du terme dispersion, par préférence à celui d’éclatement en
raison de l’absence d’unité préalable du contentieux du travail : A. Jeammaud, « L’état du contentieux
judiciaire social », Dr. soc. 1993, p. 445.
37
P. Cam, Les prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit.,
spéc. p. 24. Concernant les réticences de la chambre de commerce de Bordeaux à l’extension ratione
personae et ratione loci de la compétence du conseil de prud’hommes, voir : L. Guerlain, « Contribution à
l’histoire de la justice du travail au XIXe siècle. À propos des débuts du Conseil des prud’hommes de
Bordeaux (1849-1900) », op. cit., spéc. p. 111.
38
Sur l’extension progressive de cette compétence, voir notamment : A. Cottereau, « Les prud’hommes au
XIXe siècle : une expérience originale de pratique du droit », op. cit., spéc. p. 12 et P. Cam, Les
prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit., spéc. p. 10.
39
A. Cottereau, « Les prud’hommes au XIXe siècle : une expérience originale de pratique du droit », op.
cit., spéc. p. 9.
40
Cette dernière connaît des sentences arbitrales provenant de la mise en place d’un arbitrage obligatoire
des conflits collectifs du travail par la loi du 31 décembre 1936. Sur la création de la Cour d’arbitrage,
voir : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. 292 et p. 339 (Loi du 4 mars 1938 et Décret 3 avril
1938).
41
G. Gélineau-Larrivet, « De la législation industrielle au droit du travail et au droit de la sécurité sociale.
La chambre sociale de la Cour de cassation de 1938 à 1998 », in Soixantième anniversaire de la chambre
sociale de la Cour de cassation, 1938 - 1998, La Documentation française 2000, p. 35.
42
J. Savatier, « Le contexte de la création de la chambre sociale », in Soixantième anniversaire de la
chambre sociale de la Cour de cassation, 1938 - 1998, La Documentation française 2000, p. 55, spéc. p.
56.
43
Ibid., spéc. p. 56.

20
loyers, de baux commerciaux ou encore de prix de vente des fonds de commerce44. Deux
juridictions suprêmes se partagent ainsi le contentieux du travail en 1938 : la chambre sociale
de la Cour de cassation connaissant des litiges nés du contrat de travail et la Cour supérieure
d’arbitrage traitant des conflits collectifs de travail45.
La physionomie actuelle du contentieux du travail résulte également de l’adoption de la Vème
République. Plusieurs ordonnances du 22 décembre 1958 ont en effet totalement bouleversé
l’organisation juridictionnelle : remplacement des juges de paix par les tribunaux d’instance
qui deviennent alors les juges départiteurs des prud’hommes, substitution des tribunaux de
grande instance aux anciens tribunaux de première instance et extension de la compétence de
la cour d’appel qui devient la juridiction d’appel de toutes les décisions rendues par
l’ensemble des tribunaux de l’ordre judiciaire, y compris celles des conseils de
prud’hommes46. L’essor de la juridiction administrative en droit du travail résulte également
de la réforme constitutionnelle de 1958 qui a étendu l’intervention du pouvoir règlementaire
en droit du travail47. Le contentieux administratif du travail va ainsi s’intensifier à mesure que
vont se multiplier les décrets, arrêtés ou circulaires portant sur le droit du travail. Cette
extension du rôle de la juridiction administrative s’explique en outre par la diversification des
attributions de l’autorité administrative qui n’intervient plus seulement pour contrôler le
respect de la législation sociale, mais également pour « arbitrer une contestation dans
l’entreprise »48. À cela s’ajoute un accroissement du rôle des juridictions répressives que le
développement du droit pénal du travail à cette époque ne saurait expliquer en totalité49. Les
sociologues justifient l’ampleur d’un tel recours au juge pénal par l’inadéquation des

44
Ibid., spéc. p. 64.
45
Pour une critique de cette dualité de juridictions, voir : P. Durand, « Vers une dangereuse dissociation du
droit du travail », Dr. soc. 1938, p. 321.
46
J.-C. Farcy, Histoire de la justice en France : de 1789 à nos jours, op. cit., p. 88. La cour d’appel
apparaît aujourd’hui comme la deuxième juridiction du travail. « Le taux d’appel actuel est tel (67% en
moyenne nationale, selon « l’infostat justice » publié au mois d’août 2015 par le ministère de la Justice)
que la place du contentieux tranché définitivement au stade de la première instance paritaire est devenue
résiduelle » : A. Lacabarats, « Les conseils de prud’hommes », RJS 2016, p. 187. Sur ce point, voir
également : B. Munoz-Perez et É. Serverin, Le droit du travail en perspective contentieuse 1993 à 2004,
op. cit., p. 5.
47
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 207, p. 214.
48
Ibid.
49
Sur la substitution progressive d’un « droit pénal des salariés » à un « droit pénal de l’employeur », voir
notamment : A. Lyon-Caen, « Sur les fonctions du droit pénal dans les relations de travail », Dr. soc. 1984,
p. 438 – G. Levasseur, « Droit social et droit pénal », in Études A. Brun, Librairie sociale et économique
1974, p. 317 – J.-C. Javillier, « Ambivalence, effectivité et adéquation du droit pénal du travail : quelques
réflexions en guise d’introduction », Dr. soc. 1975, p. 375 – R. Merle, « L’évolution du droit pénal français
contemporain », D. 1977, chr. p. 303. Voir également : A. Cœuret, É. Fortis et F. Duquesne, Droit pénal du
travail, 6e éd., LexisNexis 2016, coll. Manuel, p. 1 – R. Salomon et A. Martinel, Droit pénal social, 3e éd.,
Économica 2016, coll. Corpus droit privé, p. 1.

21
prud’hommes avec les nouvelles attentes des justiciables. Ces derniers n’hésitent plus en effet
à se faire représenter et attendent un règlement juridique de leurs litiges50. La multiplication
des avancées pénales amplifiera d’ailleurs un tel phénomène puisque le juge répressif va
progressivement être perçu par les classes populaires comme « un agent possible de limitation
de la toute-puissance patronale »51. Une telle place s’explique également par l’évolution du
rapport des syndicats au droit et au recours judiciaire52, lequel est progressivement devenu un
outil des stratégies syndicales aux côtés de l’action syndicale traditionnelle53. La chambre
criminelle de la Cour de cassation facilitera d’ailleurs une telle saisine en retenant une
interprétation souple de l’intérêt de la profession54.
Ce bref rappel historique permet d’expliquer la multiplicité des juridictions actuellement
compétentes en droit du travail. Les réformes ultérieures n’auront en effet qu’un impact limité
sur cette dispersion puisqu’elles ne concerneront pour l’essentiel que la juridiction
prud’homale. L’on pourrait à ce titre citer la loi dite Boulin du 18 janvier 1979 dont l’objet
principal était justement de consolider les prud’hommes55. Si cette loi a permis de limiter la
dispersion du contentieux en procédant à une généralisation professionnelle et territoriale de
la juridiction prud’homale56 et en supprimant l’option de compétences pour les cadres57, elle

50
P. Cam, Les prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit., p.
156.
51
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 196, p. 207.
52
Sur cette évolution, voir la thèse du Professeur Alain Supiot qui consacre une partie de ses
développements aux stratégies judiciaires défensives et offensives des syndicats : A. Supiot, Le juge et le
droit du travail, Thèse Bordeaux I (dactyl.) 1979, 1039 p., spéc. p. 274 et suiv. Voir également : P. Cam,
Les prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit., p. 157.
53
M. Keller, « Action syndicale sur le terrain et action en justice : deux démarches complémentaires pour
le syndicat », Dr. ouvr. 2009, p. 262. Voir également : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 39,
p. 47 et suiv. (Titre 1. Les stratégies collectives face à la justice) : « Ces organisations recourent à la Justice
pour obtenir non pas tant la satisfaction de leurs intérêts matériels, que le respect de certains principes (…).
Leur action judiciaire se rattache à un projet plus vaste de transformation sociale ».
54
Cass. crim., 7 oct. 1959, n° 58-93.562 : Bull. crim, n° 410 ; D. 1960, J. p. 294, note J.-M. Verdier. Sur la
reconnaissance progressive de leur capacité à défendre un intérêt collectif au-delà de leurs intérêts propres,
voir : J.-M. Verdier, Syndicats et droit syndical, vol. 1 : liberté, structures, action, 2e éd., Dalloz 1987, coll.
Traité de droit du travail sous la direction de G.-H. Camerlynck, t. 5, n° 189, p. 583. Sur cette action, voir
également : A. Coeuret, « Droit syndical et droit pénal : regard sur une collaboration fructueuse »,
in Mélanges en l’honneur de Jean-Maurice Verdier : Droit syndical et droits de l’homme à l’aube du XXIe
siècle, Dalloz 2001, p. 1, spéc. p. 17.
55
N. Olszak, Histoire du droit du travail, op. cit., spéc. p. 45 – B. Alibert, « La loi n° 79-44 du 18 janvier
1979 sur le Conseil de Prud’hommes », D. 1979, chron. XXVIII, p. 168.
56
P. Cam, Les prud’hommes : juges ou arbitres ? Les fonctions sociales de la justice du travail, op. cit., p.
79 : « En 1979, seul un travailleur sur trois relevait de la juridiction prud’homale (…), sept fois sur dix ce
salarié appartenait à ce qu’on appelle les classes populaires et (…) la quasi-totalité des conseils, n’ayant pas
vu modifier depuis 1910 la compétence professionnelle de leur juridiction, pouvaient juger les maréchaux-
ferrants, mais pas les programmeurs en informatique, les épingliers mais pas les hôtesses d’accueil, etc. ».
Sur cette généralisation, voir également : P. Estoup, La pratique de la juridiction prud’homale, Litec 1991,
p. 3.

22
n’a toutefois pas mis un terme à la pluralité juridictionnelle existant en droit du travail. La
distinction entre les litiges collectifs et les litiges individuels n’a par exemple pas été remise
en cause, ce qui explique une partie de la compétence actuelle du tribunal de grande instance
en droit du travail58. Des remarques semblables peuvent être formulées à l’égard des lois plus
récentes et notamment à propos de la loi dite Macron du 6 août 201559. Là encore, les
répartitions de compétences entre les juridictions du travail n’occupent qu’une place
secondaire dans une loi dont le but affiché est avant tout le renforcement de l’efficacité des
prud’hommes 60 . Les récentes ordonnances dites Macron, du 22 septembre 2017 61 , ne
contrarient pas cette analyse puisque les quelques dispositions relatives à la justice du travail
concernent uniquement les prud’hommes62. La dispersion du contentieux du travail ne semble

57
Cette suppression ne sera toutefois effective qu’avec l’adoption de la loi du 6 mai 1982 dans la mesure
où la réforme Boulin avait supprimé l’option au profit du tribunal de commerce sans abroger les
dispositions du code de commerce. Sur ce point, voir : A. Supiot, « La consécration de la réforme Boulin »,
Dr. soc. 1982, p. 595.
58
Toutefois, sur le phénomène de « prud’homisation » des litiges collectifs par la chambre sociale de la
Cour de cassation, suite à la substitution de l’arbitrage obligatoire par la médiation et l’arbitrage facultatif
par la loi 11 février 1950, voir : infra, n° 33.
59
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances : JO 7 août, p.
13537 – Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du
contentieux du travail : JO 25 mai 2016, texte n° 30. Sur cette loi, voir notamment le Dossier spécial dans
la revue Droit social d’octobre 2015.
60
A. Lacabarats, « Les conseils de prud’hommes », op. cit. La réforme porte essentiellement sur la
procédure : enrichissement des pouvoirs du bureau de conciliation transformé en bureau de conciliation et
d’orientation, création de plusieurs formations de jugement, adaptation de la procédure lorsque les deux
parties sont représentées par un avocat, suppression du principe de l’unicité de l’instance, suppression de la
faculté de formuler des demandes nouvelles en appel, introduction d’une procédure de représentation
obligatoire devant la cour d’appel. Notons toutefois la nouvelle compétence du tribunal de grande instance
en matière de départage prud’homal et la plus grande place laissée aux modes alternatifs de règlement des
litiges.
61
Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective :
JORF n° 0223 du 23 septembre 2017, texte n° 29 – Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017
relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant
l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : JORF n° 0223 du 23 septembre 2017, texte n°
31 – Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des
relations de travail : JORF n° 0223 du 23 septembre 2017, texte n° 33 – Ordonnance n° 2017-1388 du 22
septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective : JORF n° 0223 du
23 septembre 2017, texte n° 35 – Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention
et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte
professionnel de prévention : JORF n° 0223 du 23 septembre 2017, texte n° 37. Voir notamment les
dossiers spéciaux consacrés à ces ordonnances dans : Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 712 ; JCP S 2017, n°
39 et n° 40. Voir également : B. Teyssié, « Les ordonnances du 22 septembre 2017 ou la tentation des
cathédrales », JCP G 2017, 1068.
62
Les dispositions de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la
sécurisation des relations de travail, consacrées au conseil de prud’hommes sont assez résiduelles. Elles
concernent l’expiration des mandats, la compétence des conseillers sortants (article 36) ainsi que la
Commission nationale de discipline (article 38). L’article 35 aménage quant à lui la procédure de départage
qui avait été modifiée par la loi dite Macron et prévoit qu’en cas de partage devant le bureau de
conciliation et d’orientation, l’affaire ne devra plus être renvoyée devant le même bureau mais devant le
bureau de jugement (article L. 1454-2 tel que modifié par l’article 35 de l’ordonnance précitée).

23
en revanche préoccuper le législateur que lorsqu’il est question des répartitions de
compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire 63. La création de blocs de
compétences au profit du juge judiciaire, dans le contentieux de la rupture conventionnelle64
et plus récemment dans celui des élections professionnelles65, témoigne en effet d’une prise
en compte progressive des difficultés suscitées par le dualisme juridictionnel en droit du
travail66. En dehors de cette hypothèse, les répartitions de compétences évoluent au gré des
réformes sans que le législateur ne leur accorde véritablement d’attention67.

3. La pluralité juridictionnelle comme objet de recherche. L’intérêt porté par le


législateur à la question de la pluralité juridictionnelle contraste avec celui qu’elle a pu
susciter et qu’elle suscite encore dans la doctrine.
Cette question se trouve notamment au cœur du projet d’ordre juridictionnel social défendu
par Pierre Laroque au milieu du XXème siècle68. La création d’un tel ordre y est justifiée par la
nécessité de parfaire l’autonomie du droit social par rapport au droit public et au droit privé,
en le dotant de règles et de méthodes d’interprétation spécifiques 69. C’est ainsi le lien
imparfaitement réalisé entre la spécialisation du droit du travail et la spécialisation
juridictionnelle qui est ici dénoncé70. Lorsqu’Yves Saint-Jours développe à nouveau cette idée
dans les années quatre-vingt-dix71, les motivations avancées restent identiques. Ce dernier

63
Serait-ce parce qu’il n’a jamais été démontré que la dispersion du contentieux avait un impact sur
l’emploi ?
64
Voir : infra, n° 215 et suiv.
65
Voir : infra, n° 73 et n° 217 et suiv.
66
Pour une critique des inconvénients du dualisme juridictionnel en droit du travail, voir notamment : C.
Taillandier, « Il était une fois… », in Dossier « 24 regards sur la sécurisation de l’emploi », SSL 2013, n°
1592, p. 87 – X. Prétot, « Le juge administratif et le droit du travail », Justices 1997, n° 8, p. 41 – L. Cadiet,
« Du Juste travail à la justice du travail », op. cit.
67
L’exemple des lois modifiant le rôle dévolu à l’autorité administrative en droit du travail est sur ce point
manifeste. L’introduction de nouveaux mécanismes de contrôle (l’homologation du document unilatéral, la
validation de l’accord majoritaire par la loi de sécurisation professionnelle en 2013 et plus récemment
l’homologation ou l’autorisation pour les salariés protégés de la future rupture conventionnelle collective
par les ordonnances du 22 septembre 2017), l’extension du périmètre des conventions collectives étendues
(avec la création du contrat de chantier par les ordonnances du 22 septembre 2017 notamment) ou encore
l’élargissement du périmètre des sanctions administratives ont ainsi eu une influence sur la compétence du
juge administratif sans que celle-ci ne constitue pour autant l’objet de l’intervention législative.
68
P. Laroque, « Contentieux social et juridiction sociale », Dr. soc. 1954, p. 271. Cette idée sera d’ailleurs
reprise par d’autres : P. Hébraud, « Le contrôle juridictionnel des décisions du comité d’entreprise », Dr.
soc. 1954, p. 342, spéc. p. 348.
69
P. Laroque, « Contentieux social et juridiction sociale », op. cit.
70
Sur le lien existant normalement entre spécialisation du droit et spécialisation juridictionnelle, voir :
supra, n° 1.
71
Y. Saint Jours, « Un ordre juridictionnel social, pourquoi ? », RFAS 1993, n° 1, p. 87 (article reprenant la
contribution à un colloque organisé par le Centre de recherche d’économie sociale de l’Université de
Perpignan, l’Association française de droit du travail et de la sécurité sociale et le concours du Barreau des

24
estime en effet que le contentieux social transcende l’organisation juridictionnelle actuelle et
se caractérise par une finalité propre : la protection des individus « dans une situation de
subordination juridique ou de précarité économique » 72. Les autres juridictions poursuivraient
au contraire d’autres finalités : l’autonomie de la volonté pour les juridictions civiles et
l’intérêt du service public pour les juridictions administratives73. L’ordre juridictionnel social
constituerait dès lors « le passage obligé pour la conceptualisation d’un droit social autonome
affranchi de toute sujétion étrangère à sa vocation » 74.
Si l’idée d’un troisième ordre juridictionnel n’a en réalité jamais véritablement disparu75, les
difficultés de mise en œuvre d’une telle proposition76, notamment juridiques77, ont conduit à
la formalisation de projets de regroupement de contentieux moins ambitieux. Distincts par
leurs ampleurs, ces derniers se singularisent également par l’intérêt qui les anime. Il s’agit en
effet moins d’asseoir l’autonomisation du droit du travail78, voire du droit social dans son

avocats des Pyrénées-Orientales les 19 et 20 juin 1992 et intitulé « La perspective d’un ordre juridictionnel
social »).
72
Y. Saint-Jours, « La perspective d’un ordre juridictionnel social : utopie ou prémonition ? », Dr. ouvr.
1993, p. 167, spéc. p. 170.
73
Ibid., spéc. p. 170. Ce propos est réaffirmé dans son dernier ouvrage : Y. Saint-Jours, Éloge du droit
social, La dispute 2013, p. 150, spéc. p. 152 : « L’urgence d’un tel ordre juridictionnel est indispensable
pour impulser enfin au droit social son émancipation technique et son autonomie ».
74
Y. Saint-Jours, « Un ordre juridictionnel social, pourquoi ? », op. cit., spéc. p. 96. Contra, voir : F.
Saramito, « À propos d’un ordre juridictionnel social », Dr. ouvr. 1992, p. 199. Ce dernier estime que le
droit social a su conquérir une autonomie grandissante et que la dispersion du contentieux est à relativiser
en raison d’une prépondérance du contentieux devant le conseil de prud’hommes et de la disparition de la
dispersion au niveau de l’appel et de la cassation. Eu égard à la nature des questions qui relèvent
actuellement de la compétence des juridictions administrative et pénale, la mise en place d’un ordre
juridictionnel pluri-compétent ne correspond pas selon lui à un besoin réel. Sur ce point, voir également :
A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p. 111. Ce dernier estime d’une
part que le droit social ne forme pas un ensemble cohérent, distinct à la fois du droit privé et du droit public
et d’autre part que la répartition actuelle du contentieux procure de « l’émulation jurisprudentielle ».
75
L’idée d’un troisième ordre juridictionnel n’a toutefois pas véritablement disparu dans la doctrine. Voir
notamment : E. Dockès (dir.), Proposition de Code du travail, Dalloz 2017, spéc. p. 373 – M. Keim-Bagot,
De l’accident du travail à la maladie : la métamorphose du risque professionnel, vol. 148, Dalloz 2015,
coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, spéc. p. 424 – V. Orif, La règle de l’unicité de l’instance, LGDJ
2012, coll. Bibliothèque de droit social, t. 56, spéc. p. 500.
76
M. Laroque, « Unifier les juridictions sociales au profit des bénéficiaires », RDSS 2013, p. 1099 – A.
Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit.
77
Rapport du Conseil d’État, L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, La
Documentation française 2003, p. 54. Est évoqué l’obstacle juridique de la réserve de compétence du juge
administratif.
78
Sur la nécessité d’élaborer des principes fondamentaux du droit du travail autres que ceux du droit civil,
voir : G. Lyon-Caen, « Les principes généraux du droit du travail », in Tendances du droit du travail
français contemporain : études offertes à G.-H. Camerlynck, Dalloz 1978, p. 35 – J. Laroque, « Réflexions
sur la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation », in Tendances du droit du travail
français contemporain : études offertes à G.-H. Camerlynck, Dalloz 1978, p. 27 – G. Lyon-Caen, « Du rôle
des principes généraux du droit civil en droit du travail », RTD civ. 1974, p. 229 – P. Durand, « Le
particularisme du droit du travail », Dr. soc. 1945, p. 298. Contra : G. Couturier, « Les techniques civilistes
et le droit du travail : chronique d’humeur à partir de quelques idées reçues », D. 1975, chr. p. 151 et p.
221.

25
ensemble, que de satisfaire l’intérêt des justiciables confrontés à la dispersion du contentieux.
Une telle évolution marque ainsi la prise en compte progressive des « standards européens
d’une bonne justice », que résume à elle seule l’expression « procès équitable » 79, et qui
« tournent autour de l’idée que le justiciable doit rester au centre du système judiciaire : c’est
à lui qu’il faut d’abord penser en termes d’organisation judiciaire » 80. Les modalités de
suppression de la dispersion du contentieux sont en revanche diverses. Alors que certains se
prononcent en faveur d’une extension de la compétence du conseil de prud’hommes 81 ,
d’autres envisagent au contraire le regroupement du contentieux du travail autour de la
juridiction de droit commun82. Cette dernière proposition n’est d’ailleurs généralement que
l’élément d’un projet plus ambitieux consistant à mettre en place une juridiction de première
instance unique83, dans laquelle serait constituée une chambre pour le contentieux du travail84.
Les réflexions qui ont été menées autour de la réforme de la Justice du XXIème siècle
confirment cette analyse. Un des rapports85, commandé par la ministre de la Justice, garde des
Sceaux, Christiane Taubira, avait justement proposé la création d’un tribunal de première

79
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit., spéc. p. 228. Sur l’émergence d’un modèle universel de
procès équitable, voir : S. Guinchard et alii, Droit processuel : droits fondamentaux du procès, 9e éd.,
Dalloz 2017, coll. Précis, p. 531 et suiv.
80
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit., spéc. p. 229. Également en ce sens : J.-M. Sauvé, « Quel
juge pour les libertés », D. 2016, p. 1320 : « Il n’y a de bonne administration de la justice que dans l’intérêt
des justiciables » – A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p. 98 – F.
Julien-Laferrière, « La dualité de juridiction, un principe fonctionnel ? », in L’unité du droit : mélanges en
hommage à Roland Drago, Économica 1999, p. 395, spéc. p. 425 : « Le bon fonctionnement de la justice
(…) c’est d’abord la satisfaction du justiciable et le premier droit du justiciable, c’est de connaître les
principes qui déterminent quel juge est compétent pour trancher son litige ».
81
Ibid., spéc. p. 116. Ce dernier propose un regroupement des compétences en première instance autour du
conseil de prud’hommes. Voir également : « La justice du travail : Bilan et Perspectives, Rapport
syndical », in Dossier « La juridiction du travail en France », Dr. soc. 1974, S 38, spéc. S 53. Le groupe de
travail syndical préconise d’étendre la compétence de l’institution prud’homale à tous les litiges juridiques
du travail, individuels ou collectifs à l’exception des problèmes du ressort du contentieux de la sécurité
sociale, du contentieux des élections professionnelles et de la compétence des juridictions administrative et
pénale.
82
B. Teyssié, « Crise, crise, crise (2008-2009) », JCP S 2009, act. 336 – C. Orliac, La juridiction
prud’homale : étude critique et propositions de rénovation, L’hermès 1993, p. 35 : « J’ai renoncé à
proposer le transfert du contentieux prud’homal aux tribunaux de droit commun, ce qui serait pourtant la
solution la meilleure et la plus simple ».
83
Sur le débat entourant sa mise en place, voir : N. Fricero, « La fusion des juridictions civiles du premier
degré en question », op. cit. En faveur de cette création : C. Bléry, « Plaidoyer pour une simplification des
règles internes de compétence en matière judiciaire », Procédures 2008, ét. 3, p. 7. Pour une critique, voir :
Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française 2008, p. 187
et suiv.
84
Sur les difficultés d’intégrer les conseils de prud’hommes au sein d’un éventuel tribunal de première
instance, voir : Rapport V. Klès et Y. Détraigne, Pour une réforme pragmatique de la justice de première
instance, Rapport d’information n° 54 (2013-2014) fait au nom de la commission des lois, déposé le 9
octobre 2013, spéc. p. 66 et suiv.
85
Rapport Marshall, Les juridictions du XXIème siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice, rapport
remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, décembre 2013.

26
instance divisé en sept pôles86. Au tribunal de proximité devait s’ajouter un tribunal civil, un
tribunal familial, un tribunal de l’enfance, un tribunal pénal, un tribunal commercial et un
tribunal social quant à lui divisé en deux sections : le tribunal du travail et le tribunal des
affaires sociales87. La loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle n’a toutefois abouti
ni au tribunal de première instance, ni au regroupement du contentieux du travail88. Les
juridictions du travail ont en effet rapidement été exclues du projet de loi, avant d’être
insérées dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite
Macron, et seul le contentieux de la protection sociale a été partiellement unifié89.
Bien que non concrétisés, de tels projets ont le mérite de mettre en lumière les difficultés que
provoque la dispersion du contentieux pour le justiciable. Ces dernières sont en effet de deux
ordres. La multiplication des juridictions compétentes peut, d’une part, entrainer des « conflits
90
de compétences qui obscurcissent les voies d’accès à la justice » et qui favorisent

86
Dans l’optique d’une réforme de la justice du XXIème siècle, Christiane Taubira, alors garde des Sceaux,
ministre de la Justice, avait également commandé trois autres rapports : l’un sur l’évolution des missions du
juge (Rapport de l’Institut des Hautes Études de la Justice, A. Garapon et alii., La prudence et l’autorité :
l’office du juge au XXIème siècle, La Documentation Française, juillet 2013), un deuxième sur la conception
et l’organisation de la justice civile (P. Delmas-Goyon, Le juge du XXIème siècle. Un citoyen acteur, une
équipe de justice, La Documentation Française, décembre 2013) et un dernier sur la réforme du parquet (J.-
L. Nadal, Refonder le ministère public, La Documentation Française, novembre 2013). S’était ensuivie une
réunion de plus de deux mille professionnels et experts du monde judiciaire au siège de l’Unesco, à Paris,
les 10 et 11 janvier 2014 afin de débattre sur « la Justice du XXIème siècle », avant que ne soit présenté le
projet de loi en Conseil des ministres le 30 juillet 2015. Sur les difficultés d’intégrer les conseils de
prud’hommes au sein d’un éventuel tribunal de première instance, voir : Rapport V. Klès et Y. Détraigne,
Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance, Rapport d’information n° 54 (2013-
2014) fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 oct. 2013, spéc. p. 66 et suiv.
87
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle n’a toutefois abouti ni au tribunal de première
instance, ni au regroupement du contentieux du travail ; les juridictions du travail ayant été rapidement
exclues du projet de loi, avant d’être insérées dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques, dite Macron. Seul le contentieux de la protection sociale a été profondément
modifié.
88
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle : JORF n° 0269 du
19 novembre 2016.
89
Des tribunaux de grande instance, spécialement désignés, connaîtront prochainement du contentieux
général et technique de la sécurité sociale et d’une partie du contentieux d’admission à l’aide sociale. Sur
cette réforme du contentieux de la protection sociale, voir notamment : A. Bouilloux, « La réforme des
contentieux sociaux par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle », JCP S 2017, 1077 – S. Izard,
« Les contentieux de la Sécurité sociale et de l’aide sociale aux mains des TGI – Entretien avec Pierre
Januel », SSL 2016, n° 1748, p. 8 – M. Galy, « Du changement (mesuré) pour le droit social après la loi de
modernisation de la justice du XXIe siècle », Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 679. Sur la nécessité de
réformer ce contentieux, voir également : M. Keim Bagot, « Une réforme des juridictions de sécurité
sociale en mouvement », RDT 2016, p. 360, spéc. p. 361.
90
A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p. 102. Pour une critique de
la multiplication du nombre de juridictions compétentes en général, voir : C. Bléry, « La notion de
spécialisation », op. cit., spéc. p. 21.

27
l’accroissement de la durée globale des procès avant qu’une décision au fond ne soit rendue91.
Elle peut, d’autre part, contraindre le justiciable à multiplier les instances parallèles ou
successives pour le règlement d’un seul litige, ce qui accroît également le coût et la durée du
procès 92. De telles études permettent, sinon d’affirmer l’existence d’un « problème » posé par
la pluralité juridictionnelle, du moins d’en soulever l’hypothèse dans le cadre d’une recherche
sur la dispersion du contentieux du travail.
Par cette démarche, il ne s’agit en aucun cas de considérer la question des prud’hommes
comme subalterne. L’étude des travaux sur ce point révèle au contraire tout l’intérêt qu’une
telle recherche pourrait représenter. Les maux invoqués sont en effet à la mesure de la
diversité des solutions proposées. Ces dernières oscillent notamment entre suppression du
conseil de prud’hommes93, amélioration de son fonctionnement et encouragement de la justice
alternative 94 . Au-delà d’un changement de nom purement symbolique de la juridiction
prud’homale95, c’est le caractère suffisant des moyens humains et financiers qui est souvent
discuté 96 . Certains suggèrent à ce titre l’amélioration de la formation des conseillers
prud’hommes97, voire l’introduction de l’échevinage98 ou encore la substitution d’une justice

91
Des parties pourraient d’ailleurs exploiter ces conflits de compétence à des fins dilatoires. En ce sens : S.
Guinchard, « Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 223,
spéc. p. 230.
92
Également en ce sens : A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p.
102.
93
B. Teyssié, « Crise, crise, crise (2008-2009) », op. cit. – C. Orliac, La juridiction prud’homale : étude
critique et propositions de rénovation, op. cit.
94
Voir notamment : E. Barret, Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail, Thèse
Bordeaux (dactyl.) 2006, 461 p. Cette dernière tend à démontrer que le droit du travail doit privilégier un
libre recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, notamment en cours de contrat. La
contrepartie de cet élargissement réside dans une soumission du contenu du règlement à l’ordre public
social. Le droit des contrats apparait en effet inadapté selon elle dans le cadre d’une négociation inégalitaire
pour assurer un règlement juste et efficace.
95
Les appellations proposées sont variées : « Tribunal des prud’hommes » (Rapport Lacabarats, L’avenir
des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle, rapport remis à la garde des
Sceaux, ministre de la Justice, juillet 2014), « Tribunal du travail » (M. David, « L’évolution historique des
Conseils de prud’hommes en France », op. cit., spéc. S 21) ou encore « Tribunal social » (M. Hamiaut,
« Vers un tribunal social », Dr. soc. 1966, p. 18).
96
C. Taillandier, « Le conseil de prud’hommes entre crise et réforme », op. cit., spéc. p. 14 – M. Beckers,
« Réformer : est-ce détruire sans améliorer ou améliorer sans détruire ? », op. cit., spéc. p. 93 – T. Durand
et P. Henriot, « Fables et légendes prud’homales », op. cit., spéc. p. 176.
97
F. Géa, « Une meilleure justice du travail », op. cit., spéc. p. 194 – Rapport Lacabarats, L’avenir des
juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle, rapport remis à la garde des Sceaux,
ministre de la Justice, juill. 2014, p. 31 – T. Durand et P. Henriot, « Fables et légendes prud’homales », op.
cit., spéc. p. 177 – Y. Rolland, « Le conseil de prud’hommes entre mythe et réalité », op. cit., spéc. p. 622 –
D. Arlie, « Pour une meilleure justice prud’homale », op. cit., spéc. p. 348. Sur le risque toutefois d’une
professionnalisation du mandat de conseiller prud’hommes résultant d’une réforme de la formation de ces
conseillers, voir : N. Maggi-Germain, « Les enjeux autour de la réforme de la formation des conseillers
prud’hommes », Dr. soc. 2015, p. 547. Sur la formation des conseillers prud’hommes, voir le décret n°
2017-684 du 28 avril 2017 relatif à la formation initiale et continue des conseillers prud’hommes.

28
dite « professionnelle » 99 . Les spécificités de la procédure prud’homale sont également
souvent débattues, qu’il s’agisse du principe de l’oralité 100, du caractère obligatoire du
préalable de la conciliation 101 ou de l’insuffisante mise en état des affaires 102 . Les
dysfonctionnements de la justice du travail semblent en outre avoir ravivé le débat sur le
recours aux modes alternatifs de règlement des litiges 103 . Cette voie est notamment
encouragée par certains économistes qui comptent la justice prud’homale parmi les obstacles

98
C. Taillandier, « Le conseil de prud’hommes entre crise et réforme », op. cit., spéc. p. 14 – Lettre du
Trésor, Le traitement des litiges en droit du travail : constats et perspectives économiques, Trésor-Eco, n°
137, oct. 2014 – Rapport Marshall, Les juridictions du XXIème siècle, un citoyen acteur, une équipe de
justice, rapport remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, décembre 2013, spéc. p. 111 – Y.
Rolland, « Le conseil de prud’hommes entre mythe et réalité », op. cit., spéc. p. 623 – D. Boulmier, Preuve
et instance prud’homale : à la recherche d’un procès équitable, LGDJ 2002, coll. Bibliothèque de droit
social, t. 37, p. 566 – L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », in Ph. Waquet (dir.), 13
paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit, 2012, p. 383, spéc. p. 386 – C. Orliac, La
juridiction prud’homale : étude critique et propositions de rénovation, op. cit., spéc. p. 36. Contra : F.
Guiomard, « Quelle réforme pour la justice sociale ? », op. cit., spéc. p. 131 – T. Durand et P. Henriot,
« Fables et légendes prud’homales », op. cit., spéc. p. 176.
Pour une composition originale du conseil de prud’hommes, voir également : A. Supiot, « L’impossible
réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p. 116. Ce dernier propose l’entrée des magistrats
professionnels aux cotés des juges élus. Le contentieux de la conciliation et le règlement du contentieux de
l’indemnité seraient dévolus aux conseillers tandis que le juge professionnel connaîtrait de l’ensemble des
affaires actuellement éparpillées (litiges collectifs, contentieux électoral, référés et contentieux de la nullité
des actes).
99
P. Laroque, « Contentieux social et juridiction sociale », op. cit., spéc. p. 329. Ce dernier se prononce en
faveur d’une magistrature professionnelle spécialisée en droit social et évoque sa méfiance à l’égard des
juges non professionnels. Évoquons également la thèse d’Yves Edouard en préparation depuis 2014 sous la
direction d’Alain Chevillard : Du Conseiller prud’homal au Juge du Contrat de travail. Ce dernier
s’interroge sur le maintien du paritarisme et la substitution d’une justice professionnelle au regard des
exigences de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme.
100
Voir notamment : A. Lacabarats, « Les conseils de prud’hommes », op. cit., spéc. p. 189 – Th. Durand
et Patrick Henriot, « Fables et légendes prud’homales », op. cit., spéc. p. 181 – D. Arlie, « Pour une
meilleure justice prud’homale », op. cit., spéc. p. 355 – L. Cadiet, « Ouverture. Procès du travail, travail du
procès, procès du procès du travail ? », in M. Keller (dir.), Procès du travail, travail du procès, LGDJ
2008, coll. Bibliothèque de l’institut André Tunc, t. 16, p. 13, spéc. p. 26 – R. Bernard-Menoret, « Critique
de l’oralité de la procédure prud’homale », TPS 2004, ét. 19.
101
En faveur d’une conciliation préalable facultative : P. Lagesse, « La juridiction prud’homale est-elle
réformable ? », op. cit. – A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., spéc. p. 106.
102
Ch. Vigneau, « L’inéquitable procès prud’homal », op. cit. – L. Buratti, « Quand la conciliation n’en a
plus que le nom », in Controverse « Le bureau de conciliation exerce-t-il suffisamment ses pouvoirs ? »,
RDT 2013, p. 743 – Ch. Vigneau, « Le rendez-vous manqué de l’audience initiale », in Controverse « Le
bureau de conciliation exerce-t-il suffisamment ses pouvoirs ? », RDT 2013, p. 745 – T. Grumbach, « De
l’audience initiale devant les conseils de prud’hommes », Dr. ouvr. 2006, p. 235 – C. Orliac, La juridiction
prud’homale : étude critique et propositions de rénovation, op. cit., spéc. p. 47.
103
Sur le risque d’une migration d’une justice prud’homale vers une justice privée, voir notamment : V.
Orif, « Quels commandements pour la nouvelle procédure prud’homale ? », Dr. soc. 2015, p. 821 – F.
Guiomard, « Que faire de la médiation conventionnelle et de la procédure participative en droit du
travail ? », RDT 2015, p. 628 – D. Boulmier, « Le volet prud’homal du projet de loi Macron : en ‘‘coup de
force’’ mais sans ‘‘coup de jeune’’ », Dr. soc. 2015, p. 430, spéc. p. 440 – M. Beckers, « Une vraie
mauvaise idée », in Controverse « Faut-il prendre au sérieux l’arbitrage en matière prud’homale ? », RDT
2014, p. 731.

29
entravant l’activité économique et ayant un impact négatif sur l’emploi104. La création du
Centre national d’arbitrage du travail en mai 2015 est d’ailleurs présentée par son président
comme palliant l’insuffisance des juridictions prud’homales à répondre au besoin de justice
des concitoyens105. Cette défiance à l’égard du juge prud’homal, critiquée par certains106, se
remarque également dans la volonté d’encadrer ses pouvoirs, qu’il s’agisse de l’instauration
de référentiels guidant l’indemnisation107, du récent plafonnement des indemnités pour défaut
de cause réelle et sérieuse108 ou encore du raccourcissement des délais de prescription ayant
pour but de « caler le temps de la justice sur celui de l’entreprise »109. Pris pêle-mêle, ces
quelques éléments pourraient convaincre de l’utilité d’une recherche centrée sur le conseil de
prud’hommes. Ce dernier n’étant que le maillon d’une chaîne juridictionnelle plus importante,
toute réflexion sur la question prud’homale, sans avoir au préalable étudié la dispersion du
contentieux, nous semble toutefois assez vaine. En conséquence, si « le qualificatif de
juridictions du travail peut servir à désigner deux objets différents : soit les juridictions qui
ont pour objet spécifique et exclusif le contentieux du travail et seuls les prud’hommes y
répondent ; soit toutes les juridictions qui ont à connaître du contentieux du travail, et dans ce
cas elles sont quasiment toutes présentes à l’appel » 110, c’est dans leur seconde acception que
les juridictions du travail seront ici retenues.

104
En ce sens : A. Sutra, « L’arbitrage, un mode de règlement des conflits valable et utile », in Controverse
« Faut-il prendre au sérieux l’arbitrage en matière prud’homale ? », RDT 2014, p. 734 – Lettre du Trésor,
Le traitement des litiges en droit du travail : constats et perspectives économiques, Trésor-Eco, n° 137, oct.
2014 – Rapport J. Barthélémy et G. Cette, Refondation du droit social : concilier protection des
travailleurs et efficacité économique, Rapport au Conseil d’Analyse Économique, 2010.
105
Pour une présentation rapide de ce centre : voir l’entretien d’Hubert Flichy : JCP S 2015, n° 204, p. 3.
Ce dernier reconnaît toutefois que le « recours à l’arbitrage ne permettra pas d’échapper à une réforme
générale de la justice sociale » (p. 5)
106
F. Canut et F. Géa, « Le droit du travail, entre ordre et désordre (première partie) », Dr. soc. 2016, p.
1038, spéc. p. 1045 – M. Grévy et P. Henriot, « Le juge, ce gêneur… », RDT 2013, p. 173 – F. Guiomard,
« La justice du travail confrontée aux politiques de flexicurité », RDT 2013, p. 52.
107
D. Boulmier, « Faciliter la conciliation prud’homale… mais pour qui ? », Dr. soc. 2013, p. 837, spéc. p.
839.
108
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des
relations vient de plafonner les indemnités pour défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement. Sur ce
point, se reporter au tableau figurant à l’article L. 1235-3 du code du travail.
109
Sur ce point, voir le Dossier Controverse dans le numéro d’avril 2014 de la Revue de droit du travail :
« Faut-il caler le temps de la justice sur celui de l’entreprise ? » et notamment l’article critique du
Professeur Thomas Pasquier : Th. Pasquier, « Où mènent les mauvais chemins… ? », in Controverse
« Faut-il caler le temps de la justice sur celui de l’entreprise ? », RDT 2014, p. 153 : « Le temps de la
justice n’est plus instituant mais au service et sous la gouvernance de la normativité comptable ».
110
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. VI.

30
4. L’outil du pluralisme dans une recherche sur la pluralité juridictionnelle. Si
« toute recherche part d’un problème »111, l’orientation à donner à une étude sur la pluralité
juridictionnelle peut cependant s’avérer délicate. Pour révéler les potentialités d’un tel sujet,
la question de la dispersion du contentieux doit au départ être envisagée dans son intégralité.
Il s’agit ainsi d’apprécier la véracité du postulat de la complexité du contentieux du travail, de
déterminer les obstacles à la suppression de la dispersion du contentieux, d’envisager les
différentes modalités d’une telle suppression ou encore d’identifier la ou les raisons ayant
justifié le maintien de cette pluralité juridictionnelle. Ce n’est qu’avec une connaissance plus
fine de l’objet d’étude qu’un véritable axe de recherche peut par la suite se dessiner.
Dans cette entreprise, la notion de « pluralisme » se révèle être un précieux outil. La
consultation des principaux dictionnaires enseigne en effet que le terme « pluralité » permet
de décrire un état de fait, à savoir « le fait d’exister en grand nombre »112, alors que celui de
« pluralisme » renvoie à des philosophies ou à des doctrines sur la pluralité. Afin de stimuler
les réflexions menées sur la pluralité juridictionnelle en droit du travail et d’entrevoir des
orientations possibles à donner à cette recherche, il semble particulièrement utile d’étudier ce
qui motive le recours au terme « pluralisme » par préférence à celui de « pluralité » dans
différents travaux, notamment philosophiques, sociologiques et juridiques, pour ensuite
envisager ce que pourrait renfermer le terme « pluralisme juridictionnel ». L’étude menée n’a
ainsi aucunement pour objectif de réaliser une présentation exhaustive des différentes
acceptions du terme « pluralisme » et des théories s’y référant, mais de découvrir des
justifications à l’emploi d’un terme qui en lui-même renvoie à peu de choses113.

5. À la recherche du « pluralisme ». Le pluralisme fait « partie de ces notions,


voire de ces concepts sur-sollicités depuis l’Antiquité. Elle est au cœur des problématiques
scientifiques (…) les plus diverses, de la philosophie – épicurienne, ou plus tard, leibnizienne

111
F. Géa, Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle – Droit du travail et théorie du
droit dans la perspective du dialogisme, t. 1, vol. 1, LGDJ 2009, coll. Thèse, spéc. p. 151.
112
A. Rey, « Pluralisme », in Dictionnaire culturel en langue française, t. 3, Le Robert 2005, p. 1820. Voir
également : J. Vanderlinden, « À la rencontre de quelques conceptions du pluralisme juridique », in J.
Vanderlinden, Les pluralismes juridiques, Bruylant 2013, coll. Penser le Droit, t. 22, p. 233, spéc. p. 234 :
« Le pluralisme, comme c’est le cas pour beaucoup de mots en –isme du vocabulaire scientifique, est ce
qu’il est convenu d’appeler une doctrine, autrement dit une manière de penser au départ de certains faits de
manière, entre autres, à permettre de mieux les comprendre et éventuellement d’y agréger d’autres faits ».
113
Pour une reconnaissance de la polysémie de ce terme, voir notamment : J. Vanderlinden, « À la
rencontre de quelques conceptions du pluralisme juridique », op. cit., spéc. p. 235 : « L’inclusion de
certaines conceptions dans ce texte ne signifie en rien qu’elles ont plus de valeur que d’autres, voire que
certaines d’entre elles s’imposent aux autres. Ce serait pour un pluraliste convaincu nier la pluralité des
pluralismes et se comporter en moniste, voire en totalitariste ».

31
– aux mathématiques ou à la physique, en passant par la sociologie ou le droit »114. Malgré la
polysémie de ce terme, deux sens du mot sont généralement identifiés : le pluralisme
évoquerait, d’une part, « un état ou une qualité, l’état d’une entité ou d’un objet composé
d’une pluralité d’éléments » et, d’autre part, « une exigence, celle de l’instauration d’un tel
caractère là où il fait défaut, celle de son maintien ou de son développement » 115. Le
pluralisme apparaît dès lors comme un concept tantôt descriptif, tantôt normatif116.

5.-1. Un concept descriptif. Même lorsqu’il est utilisé en tant que concept descriptif
et présenté comme une « donnée objectivement observable »117, le pluralisme ne saurait être
assimilable à la pluralité. Il suggère en effet la réalisation par celui qui l’emploie d’une
certaine appréciation, voire d’une qualification de la pluralité qu’il observe. L’exemple du
« pluralisme axiologique » est sur ce point manifeste. Il s’agit en effet d’une thèse
métaphysique tendant à démontrer qu’il existerait dans l’univers axiologique une pluralité de
valeurs irréductibles, incommensurables, auxquelles devrait être accordée une égale
considération118. Le pluralisme des valeurs s’oppose dès lors aux thèses monistes selon
lesquelles il n’existerait qu’ « un seul système de valeurs ordonné et raisonnable possible » et
à celles relativistes selon lesquelles les « valeurs sont conventionnelles et dépendent des
contextes »119.
Un constat similaire peut être réalisé à l’égard de certaines acceptions du « pluralisme
juridique ». Ce terme peut en effet désigner une théorie générale du droit qui s’est construite
par opposition à la théorie moniste120 selon laquelle « le droit [n’existerait] que sous la forme

114
J.-F. Akandji-Kombé, « Propos introductifs », in L. Fontaine (dir.), Droit et pluralisme, Bruylant 2007,
coll. Droit et justice, t. 76, p. 11.
115
Ibid., spéc. p. 12.
116
Sur l’opposition entre concept descriptif et concept normatif, voir : D. Weinstock, « Fausse route : le
chemin vers le pluralisme politique passe-t-il par le pluralisme axiologique ? », in Le pluralisme, Dalloz
2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 185, spéc. p. 187. Voir également : B. Reber,
« Pluralisme », in I. Casillo et alii. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, GIS
Démocratie et participation 2013 : « Souvent confondu avec la pluralité, qui décrit un fait, le pluralisme est
un concept normatif qui prend position sur le devoir-être ».
117
J.-F. Akandji-Kombé, « Propos introductifs », op. cit., spéc. p. 12.
118
D. Weinstock, « Fausse route : le chemin vers le pluralisme politique passe-t-il par le pluralisme
axiologique ? », op. cit., spéc. p. 187. Le pluralisme axiologique est pour cet auteur une thèse
« métaphysique descriptive qui prétend caractériser un domaine de la réalité ».
119
Pour une présentation de l’opposition entre relativisme, pluralisme et monisme axiologiques, voir
notamment : D. Weinstock, « Fausse route : le chemin vers le pluralisme politique passe-t-il par le
pluralisme axiologique ? », op. cit., spéc. p. 186. Voir également : B. Reber, « Pluralisme moral : les
valeurs, les croyances et les théories morales », in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives de
philosophie du droit, t. 49, p. 21, spéc. p. 24.
120
D. Boden, « Le pluralisme juridique en droit international privé », in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll.
Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 275 – H. Moutouh, « Pluralisme juridique », in D. Alland et S.

32
d’un système unique et universel »121. Le pluralisme juridique renvoie au contraire à l’idée
d’une pluralité « d’ordres juridiques irréductibles les uns aux autres en général, et
irréductibles en particulier aux ordres juridiques étatiques (ou à l’un d’entre eux, ou à un ordre
juridique qui leur conférerait à tous une unique juridicité), tous ces ordres juridiques nouant
entre eux diverses relations, ou refusant d’en nouer » 122 . Les tenants du « pluralisme
juridique » remettent ainsi en cause « l’équation moniste entre espace juridique et espace
territorial, qui voudrait à la fois qu’à un territoire déterminé ne corresponde qu’un seul
système juridique – qui, à la limite, coïnciderait avec le territoire de l’ordre juridique
universel – et réciproquement qu’à tout système juridique corresponde un territoire
déterminé »123. Les auteurs ne s’accordent toutefois pas sur les critères permettant d’identifier
des systèmes juridiques autonomes et irréductibles entre eux124, et le terme peut viser tantôt
une pluralité de systèmes juridiques étatiques125, tantôt une pluralité de systèmes juridiques
supra-étatiques, infra-étatiques, transnationaux ou encore déterritorialisés126. Dès lors, selon le
degré d’importance accordé au critère de l’autonomie sociale, à celui de l’autonomie
organique ou à celui de l’autonomie organisationnelle, des auteurs peuvent identifier un
pluralisme juridique à l’endroit où d’autres voient une simple pluralité juridique.

Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF 2003, coll. Quadrige dicos poche, p. 1158, spéc. p.
1159 – É. Zoller, « Le pluralisme, fondement de la conception américaine de l’État », in Le pluralisme,
Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 109 : « Le pluralisme juridique est un courant
théorique dissident né à la fin du XIXème siècle en réaction contre le monisme étatique, courant théorique
dominant qui voyait dans l’État l’unique source de droit ».
121
F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit,
Publications des facultés universitaires Saint-Louis 2002, coll. Droit, p. 184. Parmi les auteurs
généralement cités comme défenseurs du monisme juridique : H. Kelsen, Théorie pure du droit, trad. De H.
Thévenaz, Neuchâtel, La Baconnière 1953 – R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de
l’État, t. 1, Sirey 1920. Pour un exposé très détaillé et très pédagogique des différences entre théories
moniste et pluraliste, notamment en droit international privé voir : D. Boden, « Le pluralisme juridique en
droit international privé », op. cit., spéc. p. 280 et suiv.
122
Ibid., spéc. p. 277. Sur ce point, voir également : D. Gutmann, « Pluralisme et fiscalité », in Le
pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 243.
123
F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, op.
cit., spéc. p. 219.
124
Pour un exposé de la diversité des critères d’autonomie et une démonstration de leurs caractères relatifs,
voir : F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, op.
cit., p. 188.
125
Ibid., spéc. p. 186 : « Une [certaine] conception pluraliste du droit admet, dès lors, d’abord la
coexistence d’une pluralité de systèmes juridiques de même nature, et en particulier une pluralité de
systèmes juridiques étatiques (unitaires, confédéraux, fédéraux et fédérés) ». Sur le pluralisme étatique, ces
derniers renvoient aux travaux suivants : N. Bobbio, Teoria dell’ordinamento giuridico, G. Giappichelli
1960, p. 188 et H.-L.-A. Hart, Kelsens’s doctrine of the unity of law, in H.-L.-A. Hart, Essays in
jurisprudence and philosophy, Oxford University press 1983, p. 309, spéc. p. 337.
126
F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, op.
cit., spéc. p. 187.

33
Le « pluralisme juridique » se différencie également du simple constat de la pluralité juridique
lorsqu’il est employé pour désigner « l’existence simultanée, au sein d’un même ordre
juridique, de règles de droit différentes s’appliquant à des situations identiques »127. Les
auteurs exigent en effet que la diversité des règles ait pour objet de résoudre des conflits de
nature identique pour que le terme pluralisme puisse être utilisé128. Dans cette acception, « la
législation française peut ainsi être caractérisée par le pluralisme juridique en matière de
régimes matrimoniaux (communauté universelle, communauté réduite aux acquêts, séparation
de biens) ou en matière de sociétés commerciales (société à responsabilité limitée, société
anonyme, société en commandite, société en nom collectif) »129.

5.-2. Un concept normatif. La distinction entre les termes « pluralité » et


« pluralisme » se manifeste avec davantage d’acuité lorsque le pluralisme est utilisé dans sa
seconde acception, autrement dit comme un « concept normatif ». Le pluralisme peut alors
être employé soit pour émettre un jugement de valeur positif sur la pluralité, soit pour établir
des règles ou des principes permettant de proposer un nouvel ordonnancement de la pluralité.

5.-2.-1. Une promotion de la pluralité. Dans certains travaux, le pluralisme apparaît


comme une « idée valeur » 130, « une valeur à l’aune de laquelle on évaluera les principes d’un
État, les normes de l’action publique, les programmes politiques, mais aussi les théories
politiques elles-mêmes » 131 . La notion de pluralisme a ainsi été utilisée en philosophie

127
J.-G. Belley, « Pluralisme juridique », in A.-J. Arnaud (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et
de sociologie du droit, 2e éd., LGDJ 1993, p. 446. Cette définition est directement inspirée de celle retenue
par le Professeur Jacques Vanderlinden en 1972. Ce dernier définissait en effet le pluralisme juridique
comme l’ « existence, au sein d’une société déterminée, de mécanismes juridiques différents s’appliquant à
des situations identiques » : J. Vanderlinden, « Le pluralisme juridique. Essai de synthèse », in J.
Vanderlinden, Les pluralismes juridiques, Bruylant 2013, coll. Penser le Droit, t. 22, p. 13, spéc. p. 35.
Dans son ouvrage Les pluralismes juridiques, ce dernier présente l’évolution de sa conception du
« pluralisme juridique » sur une période de quarante ans, en reproduisant seize textes ou extraits de textes
(Partie I. Le premier pas (1972-1988) – Partie II. Le long temps du reniement (1989-2011) – Partie III. En
guise de conclusion non conclusive – La permanence du doute (au-delà de 2012)).
128
J. Vanderlinden, « Le pluralisme juridique. Essai de synthèse », op. cit., p. 13, spéc. p. 15.
129
D. Boden, « Le pluralisme juridique en droit international privé », op. cit., spéc. p. 276. Dans cette
acception, le pluralisme juridique peut en réalité avoir pour objets « l’ensemble du droit d’une société
déterminée, une branche de ce droit ou même une partie plus ou moins importante de l’une de ces
branches ». Sur ce point : J. Vanderlinden, « Le pluralisme juridique. Essai de synthèse », op. cit., p. 13,
spéc. p. 35.
130
D. Terré, « Le pluralisme et le droit », in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du
droit, t. 49, p. 69.
131
M.-A. Dilhac, « Introduction », in M.-A. Dilhac et S. Guérard de Latour, Étant donné le pluralisme,
Publications de la Sorbonne 2013, p. 9.

34
politique pour interroger le libéralisme132, qu’il s’agisse de démontrer l’incompatibilité du
pluralisme avec le libéralisme ou de proposer les conditions d’une compatibilité entre
libéralisme et pluralisme133. On retrouve notamment cette utilisation normative du pluralisme
dans les travaux du Philosophe John Rawls. À en croire les spécialistes des écrits rawlsiens, la
référence au « fait du pluralisme » dans Le libéralisme politique 134 ne permettrait pas
seulement à ce dernier de constater la pluralité des conceptions du bien et des intérêts mais
également d’affirmer la nécessaire prise en compte de ce fait dans l’élaboration des principes
de justice135.
C’est en outre dans cette acception que le terme pluralisme apparaît dans la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière fait effectivement du pluralisme un
élément consubstantiel de la notion de « société démocratique » et l’impose aux États parties
comme « valeur supérieure de l’ordre public européen »136. Il s’agit là encore de promouvoir
la diversité en garantissant « un système admettant l’existence d’opinions politiques et
religieuses, de comportements culturels et sociaux différents, au sein d’un groupe
organisé »137.

132
R. Merril, « Pluralisme et libéralisme : incompatibles ? », in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives
de philosophie du droit, t. 49, p. 123. Ce dernier renvoie notamment aux travaux d’Isaiah Berlin qui
s’appuie sur la fragmentation du monde moral en valeurs irréductibles les unes aux autres et
incommensurables entre elles, pour justifier l’utilité du libéralisme comme sauvegarde du pluralisme (I.
Berlin, Éloge de la liberté, trad. J. Carnaud et J. Lahana, Calmann-Lévy 1988).
133
P. Pharo, « Pluralisme et libéralisme moral. Le cas des dépendances consenties », in Le pluralisme,
Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 199. Voir également : D. Weinstock, « Fausse
route : le chemin vers le pluralisme politique passe-t-il par le pluralisme axiologique ? », op. cit., p. 185. Ce
dernier s’oppose au « libéralisme de la tolérance », notamment défendu par William Galston, et qui rejette
l’autonomie libérale. Il remet en cause la thèse selon laquelle le pluralisme des valeurs devrait entrainer le
rejet de l’autonomie libérale en faveur du libéralisme fondée sur l’idéal de tolérance. Au contraire, le
pluralisme fonde selon lui « une théorie morale et politique individualiste et modérément autonomiste » (p.
194).
134
J. Rawls, Libéralisme politique, 1993, trad. Fr. C. Audard, Paris, PUF 1995, p. 63. Pour une présentation
de cette théorie, voir notamment : M.-A. Dilhac, « Deux concepts de tolérance dans le libéralisme
politique », in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 137. Pour une
critique de la justification publique élaborée par Rawls et notamment des recommandations d’abstinence
épistémique voir : S. Dumitru, « La raison publique : une conception politique et non épistémologique ? »,
in Le pluralisme, Dalloz 2005, coll. Archives de philosophie du droit, t. 49, p. 159, spéc., p. 162 et suiv.
135
M.-A. Dilhac, « Introduction », op. cit., spéc. p. 13 et suiv. – M.-A. Dilhac, « Deux concepts de
tolérance dans le libéralisme politique », op. cit.
136
F. Sudre, « Le pluralisme saisi par le juge européen », in L. Fontaine (dir.), Droit et pluralisme, Bruylant
2007, coll. Droit et justice, t. 76, p. 261, spéc. p. 264. Voir également la jurisprudence citée : CEDH, 25
mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce § 31 : F. Sudre et alii., Les Grands arrêts du droit de la Cour européenne
des droits de l’homme, 4e éd., PUF 2007, n° 54 – CEDH, 7 déc. 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, § 49 : F.
Sudre et alii., Les Grands arrêts du droit de la Cour européenne des droits de l’homme, 4e éd., PUF 2007,
n° 7.
137
J. Rey-Debove et A. Rey, Le Petit Robert 2017, p. 1938. Sur ce lien, voir notamment : M.-A. Cohendet,
« Synthèse et conclusion », in L. Fontaine (dir.), Droit et pluralisme, Bruylant 2007, coll. Droit et justice, t.
76, p. 371, spéc. p. 374 et suiv.

35
C’est également en ce sens que certains auteurs distinguent le « pluralisme juridique » de la
pluralité juridique. Les écrits du Professeur Jacques Vanderlinden sont à ce titre éclairants
puisqu’après avoir envisagé le pluralisme juridique comme un fait jusqu’en 1993, l’auteur l’a
par la suite considéré comme « une construction de l’esprit »138. Reconnaissant qu’« il y a
sans doute autant de pluralismes juridiques qu’il y a de personnes qui s’y intéressent »139, il
développe les conditions d’un système juridique pluraliste qui préserverait réellement la
diversité et particulièrement celle des minorités. Le pluralisme juridique ne peut se situer
selon lui qu’ « au niveau de l’individu en tant que point de convergence d’ordres qu’il
considère comme juridiques et qui sont produits par des sociétés dont, à un titre ou un autre,
volontairement ou non, il relève »140. Le pluralisme juridique n’existe alors qu’à la condition
de maintenir cette pluralité de systèmes juridiques ayant chacun l’intention de contrôler le
comportement d’un même individu dans une situation précise. À cette condition, l’individu
devient un « sujet de droitS », à charge pour lui de déterminer sous quel régime juridique il
entend placer ses actes juridiques141. Le pluralisme juridique se distingue alors de la pluralité
en ce qu’il est « une théorie » que le Professeur Jacques Vanderlinden propose de « traduire
dans la réalité »142.

5-2-2. Une proposition d’un nouvel ordonnancement de la pluralité. Dans une


acception plus méconnue, le pluralisme désigne parfois la proposition d’un nouvel
ordonnancement de la pluralité afin d’aboutir à une plus grande cohérence143. Nous renvoyons
ici au cours dispensé par le Professeur Hélène Gaudemet-Talon à l’Académie de La Haye sur
le pluralisme en droit international privé. Celle-ci justifie en effet l’emploi du terme
pluralisme, par préférence à celui de pluralité, en ce qu’il impliquerait « un système, un ordre
et non une simple coexistence » 144. « Le pluralisme, s’il veut se distinguer de la simple
pluralité, implique [en effet] un élément d’organisation qui est bénéfique : il évite le

138
J. Vanderlinden, « À la rencontre de quelques conceptions du pluralisme juridique », op. cit., spéc. p.
290.
139
J. Vanderlinden, « L’utopie pluraliste, solution de demain au problème de certaines minorités ? », in J.
Vanderlinden, Les pluralismes juridiques, Bruylant 2013, coll. Penser le Droit, t. 22, p. 105, spéc. p. 106.
140
Ibid., spéc. p. 106.
141
J. Vanderlinden, « Les Amérindiens du Nord à l’heure du pluralisme juridique ? », in J. Vanderlinden,
Les pluralismes juridiques, Bruylant 2013, coll. Penser le Droit, t. 22, p. 97, spéc. p. 99 et p. 102.
142
J. Vanderlinden, « L’utopie pluraliste, solution de demain au problème de certaines minorités ? », op.
cit., spéc. p. 105.
143
H. Gaudemet-Tallon, Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule
et l’arc-en-ciel), Cours général, RCADI 2005, vol. 312, n° 3, p. 23.
144
H. Gaudemet-Tallon, Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule
et l’arc-en-ciel), Cours général, op. cit., p. 24.

36
morcellement, l’éclatement et les incohérences qui en découlent »145. Or, elle considère qu’en
droit international privé la diversité des sources et des objectifs ne doit pas être une simple
juxtaposition et qu’il doit exister dans cette multiplicité « des rapports logiques (rapports de
hiérarchie, de cause à effet, etc.) qui évoquent l’idée de système »146. Le Professeur Hélène
Gaudemet-Talon estime à ce titre que « le but auquel doit tendre le droit international privé
est bien une cohérence systémique qui justifie que l’on parle de pluralisme et non de
pluralité »147. Dans ce cours, le pluralisme apparaît alors comme un « construit », distinct de
la pluralité.
On retrouve cette idée d’ordonnancement de la pluralité dans les travaux du Professeur
Mireille Delmas-Marty relatifs à l’émergence d’un ordre public mondial dans un contexte de
mondialisation148. Le terme « pluralisme ordonné » apparaît dans ses travaux comme une
manière d’articuler le relatif et l’universel « en cherchant à dépasser à la fois un universalisme
abstrait, qui ignore les différences culturelles et la légitime aspiration des États à exercer leur
souveraineté, cachant souvent des pratiques hégémoniques, et un relativisme absolu qui
méconnaît les interdépendances et la constitution, par fragments certes, de lieux juridiques
d’interaction et de coopération »149. Le « pluralisme ordonné », qu’elle oppose d’ailleurs au
pluralisme de fusion et au pluralisme de séparation est donc une « hypothèse » permettant au
Professeur Mireille Delmas-Marty de démontrer que l’on peut « maintenir une séparation,
sans imposer la fusion, et pourtant construire quelque chose comme un ordre, ou un espace
ordonné »150. Le « pluralisme ordonné » n’existe pas en tant que tel mais est un concept
normatif, une proposition formulée en réponse « à la complexité juridique du monde » et dont
elle élabore les conditions.

6. À la recherche des acceptions possibles du « pluralisme juridictionnel ».


L’étude du « pluralisme » a permis de révéler les potentialités d’un tel concept pour toute
recherche menée sur la pluralité. Qu’elle soit utilisée à des fins descriptives ou normatives,
cette expression permet au chercheur de porter un regard sur la pluralité. Il ne s’agit pas

145
H. Gaudemet-Tallon, Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule
et l’arc-en-ciel), Cours général, op. cit., p. 477.
146
Ibid., p. 24.
147
Ibid., p. 24.
148
M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, t. 1 : Le relatif et l’universel, Seuil 2004, 439 p.
M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, t. 2 : Le pluralisme ordonné, Seuil 2006, 303 p. – M.
Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, t. 3 : La refondation des pouvoirs, Seuil 2007, 299 p. – M.
Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, t. 4 : Vers une communauté de valeurs, Seuil 2011, 423 p.
149
J. Caron, « Note de lecture », Revue Projet, 4/2011, n° 323, p. 87.
150
M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, t. 2 : Le pluralisme ordonné, Seuil 2006, p. 26.

37
seulement de décrire la pluralité observée mais de la qualifier d’irréductible 151 , de la
promouvoir152, de démontrer l’utilité de sa prise en compte153, ou encore d’envisager son
ordonnancement pour aboutir à un ensemble plus cohérent154.
Dans le cadre d’une réflexion plus restreinte sur la pluralité juridictionnelle, la recherche des
acceptions possibles du « pluralisme juridictionnel » s’avère dès lors essentielle. La multitude
de sens que l’expression pourrait recouvrir constitue, en effet, autant d’orientations possibles
à donner à une recherche relative à la dispersion du contentieux du travail. Sans s’en tenir au
sens retenu par certains auteurs155, il s’agit ainsi d’appréhender cette notion dans sa polysémie
potentielle afin d’identifier l’acception la plus pertinente au regard de l’objet de recherche
retenu.

6.-1. Première acception envisageable du « pluralisme juridictionnel ». Le


« pluralisme juridictionnel » pourrait tout d’abord désigner la coexistence de plusieurs ordres
juridictionnels non réductibles les uns aux autres et dont il s’agirait d’apprécier les relations.
Rapportée à notre objet de recherche, l’étude aurait alors consisté à identifier des ordres
juridictionnels parmi les juridictions compétentes en droit du travail. Or, sauf à considérer que
chaque juridiction de première instance constitue un ordre juridictionnel ou à étendre

151
Voir : supra, n° 5-1.
152
Voir : supra, n° 5-2-1.
153
Pour une démonstration de l’utilité de la prise en compte de la diversité en méthodologie, voir
notamment Gh. Otis, « Les figures de la théorie pluraliste dans la recherche juridique », in Gh. Otis,
Méthodologie du pluralisme juridique, Karthala 2012, coll. 4 vents, p. 9, spéc. p. 22 : « L’approche
pluraliste » permet au chercheur de prendre en considération la réalité empirique de la pluralité juridique
pour expliquer un phénomène social, évaluer un régime juridique ou une politique publique et, le cas
échéant, porter un jugement sur l’opportunité sociale de ce régime ou de cette politique ». Sur le pluralisme
méthodologique, voir également : F. Géa, Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle –
Droit du travail et théorie du droit dans la perspective du dialogisme, t. 1, vol. 1, LGDJ 2009, coll. Thèse,
p. 25.
154
Voir : supra, n° 5-2-2.
155
Ce terme est encore peu répandu. Sur son utilisation, voir toutefois : M. Lardeux, Le pluralisme
juridictionnel en droit de la famille, Thèse Toulon (dactyl.) 2015, 466 p. – M.-F. Mazars, « La question
préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point de vue du juge judiciaire », in Association Bordelaise
des juristes en Contentieux Publics (coord.), Le procès à l’épreuve de la question préjudicielle, Bruylant
2014, p. 67, spéc. p. 78 – P. Richard, Introduction au droit italien : institutions juridictionnelles et droit
procédural, L’Harmattan 2004, coll. Logiques Juridiques, p. 51 – N. Rouland, L’État français et le
pluralisme, histoire politique des institutions publiques de 476 à 1792, Éditions Odile Jacob 1995, p. 22.
Certains emploient parfois le terme de « pluralisme de justice » (S. Karaa, Les juges de l’activité
professionnelle sportive. Contribution à l’étude des relations entre pluralisme juridique et pluralisme de
justice, LGDJ 2016, coll. Bibliothèque de droit social, t. 68, 631 p.) ou de « pluralisme judiciaire » (J.
Vanderlinden, « Le pluralisme juridique. Essai de synthèse », op. cit., spéc. p. 41. Pour ce dernier, le
« pluralisme judiciaire » désigne une pluralité de juridictions appliquant des droits différents dans un
espace donné (tribunaux ecclésiastiques, juridictions militaires, …). Il se demande d’ailleurs si « le
pluralisme substantif n’est pas une condition nécessaire (quoi que non suffisante) de l’existence du
pluralisme judiciaire »).

38
l’analyse aux juridictions européennes et/ou internationales, voire sportives156, le pluralisme
juridictionnel se serait alors confondu avec le dualisme juridictionnel. Retenir cette acception
aurait ainsi conduit à une réduction manifeste de l’objet de recherche.

6.-2. Deuxième acception envisageable du « pluralisme juridictionnel ». Ce terme


pourrait ensuite renvoyer à un concept normatif consistant à défendre l’utilité d’une pluralité
de juridictions dans un domaine donné. La recherche aurait alors consisté à apprécier l’intérêt
d’un maintien de la dispersion du contentieux en droit du travail en comparaison avec la mise
en place de l’unité juridictionnelle. Le « juriste » semble toutefois peu armé pour entreprendre
une telle recherche157. Le service public de la justice traduit en effet « la mise en œuvre
d’impératifs politiques, économiques et sociaux (…) variables selon les époques »158. Certains
auteurs rappellent d’ailleurs sur ce point que l’existence d’une juridiction du travail, telle que
le conseil de prud’hommes, se justifie par le fait que « la relation de travail ne peut être
complètement appréhendée par le droit et qu’il faut donc lui admettre un système de
règlement des conflits qui soit différent du droit commun »159. Lorsqu’il est question d’un
choix entre la pluralité et l’unité juridictionnelles, celui-ci ne doit et ne peut dès lors être dicté
par des considérations uniquement ni principalement juridiques160.

156
S. Karaa, Les juges de l’activité professionnelle sportive. Contribution à l’étude des relations entre
pluralisme juridique et pluralisme de justice, op. cit.
157
Voir toutefois : M. Lardeux, Le pluralisme juridictionnel en droit de la famille, op. cit., spéc. n° 33, p.
29 : « Le pluralisme juridictionnel en droit de la famille est alors apprécié comme la coexistence de
plusieurs juridictions dans un même système de justice familiale ». Sans qu’elle l’exprime explicitement,
nous considérons que le pluralisme juridictionnel est entendu dans ses travaux au sens d’un concept
normatif de promotion de la pluralité. Cette dernière cherche en effet à démontrer dans sa thèse que le
pluralisme juridictionnel est justifié en droit de la famille par la recherche d’une meilleure application de la
règle de droit aux personnes composant la famille, notamment en réservant une protection plus spécifique à
l’enfant.
158
N. Fricero, « La fusion des juridictions civiles du premier degré en question », op. cit., spéc. p. 110.
Également en ce sens : S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit., spéc. p. 225 – C. Bléry, « La notion
de spécialisation », op. cit., spéc. p. 20 : « La spécialisation – et le choix d’une forme de spécialisation
plutôt qu’une autre – est au contraire une volonté politique ; volonté éminemment variable dans le temps,
comme en témoignent les diverses réformes intervenues à un rythme soutenu ces dernières années et le
projet de la loi de répartition du contentieux, déposé en mars 2010 ».
159
L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit., spéc. p. 384.
160
En ce sens, voir : J. Caillosse, « Les justifications du maintien actuel du dualisme juridictionnel », in
Dossier « Débat sur l’avenir du dualisme juridictionnel », AJDA 2005, p. 1781 : « À la question du
dualisme juridictionnel, il n’y a aucune réponse qui s’imposerait sur le terrain du droit, au sens où la
logique juridique finirait par nous convaincre qu’elle est la seule issue nécessaire. La longue histoire des
institutions, même s’il s’agit de juridictions, est loin de pouvoir s’expliquer par les considérations qui,
traditionnellement, permettent aux juristes de définir leur singularité intellectuelle ».

39
6.-3. Troisième acception retenue du « pluralisme juridictionnel ». Le
« pluralisme juridictionnel » pourrait enfin dénommer un concept normatif préconisant un
nouvel ordonnancement de la pluralité juridictionnelle.
Une telle acception présente un réel intérêt en droit du travail en ce qu’elle permet
d’interroger la complexité du contentieux dénoncée par de nombreux auteurs et de dépasser le
présupposé selon lequel l’unique solution réside dans l’unité juridictionnelle. Avant de rejeter
l’existant et d’affirmer de manière péremptoire la nécessité de cette unité, il semble en effet
indispensable d’envisager les modalités de sa transformation. Nous rejoignons d’ailleurs sur
ce point les auteurs qui considèrent qu’ « il faut être sobre de nouveauté en matière de
législation, parce que s’il est possible dans une institution nouvelle de calculer les avantages
que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique
seule peut découvrir »161.
Cette acception permet en outre de ne pas céder à la tentation des discours simplificateurs qui
traversent le droit du travail depuis quelques années162. La complexité du droit du travail ne
peut, il est vrai, être niée ou ignorée 163 . Elle renvoie aux difficultés qu’il y aurait à
comprendre, à maîtriser ce droit eu égard au nombre de normes qui le composent164, à
l’hétérogénéité des sources, à la multiplication des exceptions aux exceptions165 ou encore à
l’imprécision de ces textes166. Face à cette « opacité »167, il faut cependant se garder d’une
simplification « politique » qui consiste à réduire la protection que confère le droit du travail
au salarié168. Doit lui être préférée une simplification « technique » visant à améliorer la

161
Portalis, « Discours préliminaires », rééd., in Naissance du code civil, Flammarion 1989, p. 38.
162
Sur cette tendance, voir : P. Lokiec, Il faut sauver le droit du travail !, Odile Jacob 2015, coll. Corpus,
163 p. Plus largement sur la question de la réforme du droit du travail et du code du travail, voir les
dossiers spéciaux contenus dans les numéros de mai et de juin 2016 de la revue Droit social et
successivement intitulé : « Réforme du code du travail - Projets » et « Réforme du code du travail -
Propositions des juristes ».
163
Ch. Radé, « Simplifier le droit du travail – ou comment vider le tonneau de Danaïdes », Lexbase Hebdo
éd. S 2015, n° 623. Sur cette complexité, voir les développements de Monsieur Yann Leroy dans sa thèse :
Y. Leroy, L’effectivité du droit au travers d’un questionnement en droit du travail, LGDJ 2011, coll.
Bibliothèque de Droit social, t. 55, p. 83.
164
Certains dénoncent à ce titre « l’obésité du code du travail » : R. Badinter et A. Lyon-Caen, Le travail et
la loi, Fayard 2015, coll. Essais, 80 p.
165
Cette tendance traverse le droit contemporain dans son ensemble. En ce sens : Th. Le Bars,
« Positivisme, dogmatisme, réalisme et dérive de la Cour de cassation », in Mélanges dédiés à la mémoire
du Doyen Jacques Héron, LGDJ 2009, p. 297, spéc. p. 301 : « Le droit contemporain est de plus en plus
complexe et pointilliste ».
166
Sur ce point, voir : G. Borenfreund, « Le droit du travail en mal de transparence ? », Dr. soc. 1996, p.
461.
167
Ibid.
168
B. Teyssié, « Propos autour d’un projet d’autodafé », in Dossier spécial « Faut-il brûler le code du
travail ? », Dr. soc. 1986, p. 559.

40
lisibilité des textes afin d’en améliorer l’applicabilité169. Un parallèle entre la complexité du
droit du travail et celle du contentieux du travail est sur ce point éclairant. Lorsqu’est en cause
la question de la pluralité juridictionnelle, le point de vue du justiciable devrait en effet
toujours guider l’analyse170 et la suppression de cette pluralité ne devrait jamais être guidée
par une logique seulement simplificatrice. En s’appuyant sur les reproches généralement
adressés à la pluralité juridictionnelle, à savoir le risque de conflits de compétences et le
risque d’éclatements des litiges, il importe en conséquence de rechercher si les difficultés sont
intrinsèques à la pluralité juridictionnelle ou si un nouvel ordonnancement de la pluralité
juridictionnelle, plus respectueux des droits des justiciables, est envisageable en droit du
travail. C’est en d’autres termes l’émergence d’un pluralisme juridictionnel qui sera ici
discutée.

7. La possibilité d’un pluralisme juridictionnel en droit du travail. La thèse se


propose de démontrer qu’un pluralisme juridictionnel, entendu dans sa troisième acception,
est possible en droit du travail. Les difficultés suscitées par la pluralité juridictionnelle, à
savoir le risque de conflits de compétences et le risque d’éclatements des litiges, peuvent en
effet être réduites sous réserve de certains correctifs dans l’ordre judiciaire. L’émergence d’un
pluralisme au sein du dualisme juridictionnel s’avère en revanche plus délicate. Si le risque de
conflits de compétences et d’éclatements des litiges peut être limité pour une partie du
contentieux, certaines difficultés se révèlent en réalité intrinsèques à la pluralité
juridictionnelle et ne peuvent en conséquence être levées par de simples aménagements. La
persistance de ces difficultés, qui témoigne du caractère circonscrit du pluralisme
juridictionnel au sein du dualisme juridictionnel, ne justifie pas pour autant la suppression de
ce dernier171. L’unité juridictionnelle, par la création de blocs de compétences, est en effet

169
La distinction entre « simplification politique » et « simplification technique » est empruntée au
Professeur Marc Véricel : M. Véricel, « Que faut-il entendre par simplification du droit du travail ? », Dr.
soc. 2015, p. 833. Également en ce sens : P. Lokiec, Il faut sauver le droit du travail !, op. cit. Ce dernier
s’oppose à une simplification qui serait synonyme de réduction des droits pour le salarié. Le droit du travail
est garant de droits fondamentaux qu’on ne peut opposer à la productivité. Ce dernier ne considère
d’ailleurs pas que la réduction de la place de la loi en droit du travail aura pour effet de décomplexifier le
droit du travail.
170
A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit., spéc. p. 98 : « le point de vue du
justiciable devrait toujours dominer toute discussion relative à l’organisation des juridictions ».
171
Comme nous le verrons, de nombreux auteurs critiquent vivement le dualisme juridictionnel (voir :
infra, n° 209). Voir notamment : B. Louvel, « Pour l’unité juridictionnelle », 2017, Tribune disponible sur
le site de la Cour de cassation (déjà en ce sens : entretien avec B. Louvel, JCP G 2015, act. 1122, spéc. p.
1908) – J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, spéc. note
163, p. 413 – P. Léger, « Le dualisme juridictionnel a-t-il encore une raison d’être ? », in Principes de
justice : Mélanges en l’honneur de Jean-François Burgelin, Dalloz 2008, p. 233 – R. Drago et M.-A.

41
constitutionnellement encadrée et ne devra ainsi être recherchée qu’à l’égard des litiges pour
lesquels le pluralisme se révèle impossible. En conséquence, si un pluralisme juridictionnel
est pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire, il ne l’est que partiellement entre les ordres
de juridictions.

Plan de thèse
Partie 1. Un pluralisme juridictionnel pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire
Partie 2. Un pluralisme juridictionnel partiellement réalisable entre les ordres de
juridictions

Frison-Roche, « Mystères et mirages des dualités des ordres de juridiction et de la justice administrative »,
in Le privé et le public, Sirey 1997, coll. Archives de philosophie du droit, t. 41, p. 135 – D. Truchet,
« Mauvaises et bonnes raisons de mettre fin au dualisme juridictionnel », Justices 1996, n° 3, p. 53, spéc. p.
59 – D. Truchet, « Fusionner les juridictions administrative et judiciaire ? », in Études offertes à Jean-
Marie Auby, Dalloz 1992, p. 335.

42
Partie 1. Un pluralisme juridictionnel pleinement
réalisable dans l’ordre judiciaire

8. Limiter les cas de conflits de compétences et d’éclatements des litiges.


L’émergence d’un pluralisme juridictionnel dans l’ordre judiciaire s’avère possible en droit
du travail et suppose seulement une réorganisation de la pluralité juridictionnelle. Il ne s’agit
donc en aucun cas d’anéantir l’organisation existante, mais de l’« organiser de nouveau, d’une
autre manière » dans le but de supprimer les difficultés de la pluralité juridictionnelle172.
Afin de limiter les erreurs de saisine et, partant, le risque de conflits de compétences, il
semble nécessaire d’assurer une répartition des compétences la plus lisible possible pour le
justiciable173. Une telle ambition nécessite d’étudier de manière approfondie le contentieux du
travail et plus spécifiquement la compétence matérielle de l’ensemble des juridictions de
l’ordre judiciaire, appelées à intervenir en droit du travail 174 . Cette connaissance des
répartitions de compétences permet en effet d’identifier les véritables incertitudes auxquelles
sont confrontés les justiciables et de proposer les clarifications afférentes175.
Au-delà de cette clarification, une attention doit également être portée à l’éclatement des
litiges en droit du travail. Là encore, seule une connaissance approfondie du contentieux du
travail permet de mettre au jour les hypothèses dans lesquelles les moyens de défense et les
demandes incidentes dépassent la compétence d’attribution de la juridiction saisie au principal
et dans lesquelles le justiciable s’avère contraint de saisir plusieurs juridictions. Une telle
identification rend en effet possible la levée des obstacles qui empêchent cette unification et
qui confrontent ainsi le justiciable à la pluralité juridictionnelle.

172
Le petit Robert 2017, p. 2196, « Réorganiser ».
173
En ce sens, voir : N. Jacquinot, « La spécialisation en contentieux administratif, remarques sur les
juridictions administrative spécialisées », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p.
81, spéc. p. 87 – S. Guinchard, « Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges,
PUT 2012, p. 223, spéc. p. 230.
174
La compétence est l’aptitude d’un tribunal à connaître d’un procès et exercer son pouvoir de juridiction.
Seule la compétence matérielle, autrement dit la compétence en raison de la valeur ou de la nature du litige,
sera étudiée. Sur la notion de compétence matérielle, voir : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé,
op. cit., spéc. p. 110.
175
Rappelons qu’en 1993, le Professeur Alain Supiot avait adopté une démarche similaire en estimant que
le point de vue du justiciable était souvent exclu des discussions relatives à l’organisation des juridictions
pour remédier à leurs imperfections : A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », RFAS
1993, n° 1, p. 97, spéc. p. 98.

43
Plan.
Titre 1. La limitation du risque de conflits de compétences
Titre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges

44
Titre 1. La limitation du risque de conflits de compétences

9. L’outil de clarification des répartitions de compétences. La multiplication des


juridictions compétentes en droit est souvent critiquée en ce qu’elle provoquerait des
difficultés de choix pour le justiciable 176. Elle favoriserait en outre le recours aux procédures
de règlement des incidents de compétence et pourrait alors entraîner l’accroissement de la
durée globale du procès avant d’arriver au jugement sur le fond177. Il est vrai que lorsque la
spécialisation se réalise au sein d’une juridiction de première instance unique, sous la forme
de chambres ou de pôles spécialisés, de telles difficultés n’existent pas puisque la répartition
s’effectue en interne par des mesures d’administration judiciaire178.
Malgré ces réserves, la pluralité juridictionnelle nous semble uniquement critiquable
lorsqu’elle obscurcie effectivement les voies d’accès au juge en comportant des répartitions
byzantines. Ainsi, la multiplicité des juridictions appelées à intervenir en droit du travail peut
être maintenue à condition qu’une clarification des répartitions de compétences soit opérée.
Une telle clarification nécessite alors une connaissance approfondie des répartitions actuelles
de compétences, afin d’en dévoiler les subtilités et les justifications et d’envisager par la suite
des ajustements. Les écrits consacrés à la dispersion du contentieux en droit du travail ne
poursuivent généralement pas cet objectif et privilégient une présentation plus synthétique de
la dispersion du contentieux : le conseil de prud’hommes paraît compétent pour les relations
individuelles du travail, le tribunal de grande instance pour les relations collectives, le tribunal
d’instance pour le contentieux des élections, le tribunal de commerce pour les procédures
collectives et les juridictions répressives pour le droit pénal du travail.
Lorsqu’on dépasse cette présentation simplifiée, on perçoit les véritables difficultés
d’appréhension des répartitions actuelles. En effet, la seule connaissance des textes
d’attribution s’avère bien insuffisante pour prétendre maîtriser l’ensemble des répartitions de
compétences dans le contentieux du travail. La présente recherche aura ainsi pour enjeux de
dévoiler cette complexité et de proposer des clarifications à même de prévenir les éventuels
conflits de compétences. En effet, « tout ce qui touche les critères de compétence doit être

176
C. Bléry, « La notion de spécialisation », op. cit., spéc. p. 21.
177
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p.
223, spéc. p. 230.
178
En ce sens : C. Bléry, « La notion de spécialisation », op. cit., spéc. p. 21. Toutefois, pour une critique
de la mise en place d’un tribunal de première instance, voir : Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée
d’une justice apaisée, La Documentation française 2008, p. 187 et suiv.

45
rigide et brutal (…). Il n’y a rien à doser, rien à supputer, rien à nuancer lorsqu’il s’agit de
rechercher un juge. Le propre de la civilisation, c’est de désigner ce juge très rapidement et
sans ambiguïté à l’attention des justiciables »179.

10. Maintien des effets limités de l’incompétence. Si la justice doit être lisible pour
en faciliter l’accès au justiciable180, la réduction des conflits de compétence doit également
passer par une limitation des effets de l’incompétence. Il est ainsi nécessaire d’encadrer le
moment mais également le nombre de personnes pouvant soulever l’exception
d’incompétence. Or, sur ce point, l’arbitrage actuellement retenu paraît satisfaisant en ce qu’il
permet la contestation de l’incompétence tout en prévenant les éventuelles exploitations de
conflits de compétences à des fins dilatoires.

Plan.
Chapitre 1. La clarification des répartitions de compétences
Chapitre 2. Le maintien des effets limités de l’incompétence

179
G. Liet-Veaux, « Préface », in C. Durand, Les rapports entre les juridictions administrative et
judiciaire, LGDJ 1956, coll. Bibliothèque de Droit public, t. 2, p. VII, spéc. p. X.
180
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p.
223, spéc. p. 230.

46
Chapitre 1. La clarification des répartitions de compétences

11. Une complexité affirmée du contentieux du travail. Les auteurs travaillant sur
la dispersion du contentieux en droit du travail s’accordent généralement sur sa complexité181.
Les plaideurs sont présentés comme « à la recherche de leur juge »182, « désorientés, renvoyés
de tribunal en tribunal »183, voire empêtrés dans un véritable « labyrinthe »184. S’appuyant sur
ces travaux et la réalisation de nombreuses auditions, le rapport Lacabarats aboutit d’ailleurs
au même constat et souligne la complexité récurrente de la répartition des contentieux entre
juridictions judiciaire et administrative d’une part, mais également au sein de l’ordre judicaire
en droit du travail185.

12. Dépasser l’impression générale de complexité. Sans remettre en cause un tel


diagnostic, des précisions, voire des nuances, méritent d’être apportées. En effet, si des
difficultés dans la détermination du juge compétent en droit du travail existent aujourd’hui,
elles ne doivent pas être surestimées car elles représentent une part finalement assez réduite
du contentieux. Tout d’abord, elles ne concernent ni le stade de l’appel, ni celui de la
cassation. À ce niveau en effet, le plaideur n’a pas à s’interroger sur la chambre compétente
pour le traitement de son litige dans la mesure où la spécialisation s’est réalisée au sein même
de la cour d’appel et de la Cour de cassation. Or, l’éventualité d’un conflit de compétences
suppose une pluralité de juridictions186. Ensuite, une clarification progressive des répartitions
de compétences a été opérée en première instance si bien que l’affirmation selon laquelle « la
détermination du juge compétent en droit du travail constitue souvent une redoutable
énigme » nous semble assez dépassée187.

181
Voir notamment : L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », in Ph. Waquet (dir.), 13
paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit, 2012, p. 383 – B. Desjardins, Recherche
sur la dispersion du contentieux autour du contrat de travail, Thèse de 3e cycle Bordeaux (dactyl.) 1982,
300 p. – R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op. cit., spéc. S 32 :
« Se dégage une impression de grande complexité dans les modes de règlement des conflits du travail ».
182
B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du contrat de travail, op. cit., spéc. p.
48.
183
L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit.
184
R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op. cit., spéc. S 22.
185
Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIe siècle,
rapport remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice, juillet 2014, p. 14.
186
En ce sens, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 4. Sur ce point, voir
également : Ph. Théry, Pouvoir juridictionnel et compétence. Étude de droit international privé, Thèse
Paris II (dactyl.) 1981, n° 12.
187
B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du contrat de travail, op. cit., p. 48.

47
Prétendre clarifier les répartitions de compétences en droit du travail implique ainsi
d’appréhender le contentieux du travail tel qu’il est, autrement dit sans surestimer ni sous-
estimer sa complexité. Cela permet de mettre en exergue les difficultés auxquelles sont
confrontés les justiciables et qui seules favorisent les conflits de compétences.

Plan.
Section 1. La recherche d’une lisibilité en première instance
Section 2. L’existence d’une lisibilité au niveau supérieur

Section 1. La recherche d’une lisibilité en première instance

13. Manque de visibilité de la pluralité juridictionnelle dans le code du travail.


Parmi toutes les juridictions appelées à intervenir en droit du travail, certains estiment que le
conseil de prud’hommes occupe « une place centrale, non seulement parce qu’il est proche
des salariés et qu’il tranche les litiges relatifs à l’existence, l’exécution et la rupture du
contrat, non seulement parce que le volume de ses contentieux est important, mais aussi parce
que sa composition et son fonctionnement reflètent la philosophie du droit du travail »188.
Cette prééminence transparait d’ailleurs dans le plan du code du travail qui consacre une
partie contentieuse exclusivement au conseil de prud’hommes. Seule une étude plus
approfondie de ses dispositions laisse au contraire entrevoir les attributions de compétences
pour les autres juridictions de première instance, autrement dit pour le tribunal de grande
instance, le tribunal d’instance, le tribunal de commerce et les juridictions répressives189.
Un tel centrage sur la juridiction prud’homale peut favoriser des erreurs de saisine en donnant
l’impression d’une unité juridictionnelle en première instance. Gageons que la commission de
réécriture du code du travail prenne en compte cette remarque et fasse davantage apparaître
cette pluralité juridictionnelle dans une section consacrée aux juridictions du travail190. La
consécration de cette pluralité juridictionnelle permettra en effet au justiciable d’avoir une
vision plus fidèle à la réalité du contentieux.
188
B. Bossu, F. Dumont et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, 3e éd., Montchrestien 2011, coll. Cours, p. 60.
189
Le recours aux mots-clés sur le site Legifrance a rendu possible une telle recherche.
190
Sur le rapport de « préfiguration de la commission de refondation du code du travail » par France
Stratégie, voir : Liais. soc. Quotidien, 10 mai 2017, n° 17323, p. 3. Le Groupe de recherche pour un autre
code du travail qui s’est prononcé en faveur de la constitution d’un ordre juridictionnel social, prévoit au
contraire la rédaction d’un article consacré au seul tribunal social en vertu duquel « Le tribunal social est
compétent pour l’ensemble des litiges individuels et collectifs, de droit privé comme de droit public, qui
relèvent de l’application du droit du travail » : E. Dockès (dir.), Proposition de Code du travail, Dalloz
2017, p. 375.

48
14. La persistance d’incertitudes quant aux répartitions de compétences. Au
manque de visibilité de la pluralité juridictionnelle en droit du travail s’ajoute un certain
nombre d’incertitudes quant aux répartitions de compétences. Si dans la majorité des cas, la
détermination de la juridiction compétente ne pose plus de difficulté, quelques complexités
persistent tout de même çà et là. Ces dernières concernent essentiellement les juridictions
civiles, puisqu’au sein des juridictions répressives, c’est l’articulation entre les instances
civile et pénale qui paraît davantage problématique que la délimitation de la compétence191.

Plan.
Paragraphe 1. La recherche d’une lisibilité entre les juridictions civiles
Paragraphe 2. Le maintien de la lisibilité au sein des juridictions répressives

§1. La recherche d’une lisibilité entre les juridictions civiles

15. Une clarification à poursuivre. Les incertitudes relatives à la détermination de


la juridiction compétente en droit du travail ont progressivement diminué. Concernant tout
d’abord le conseil de prud’hommes, l’interprétation compréhensive par la jurisprudence des
critères de l’intérêt individuel et de la survenue du litige à l’occasion du contrat de travail a en
effet contribué à ce qu’un nombre très limité de demandes opposant un salarié et son
employeur échappe à la compétence de la juridiction prud’homale. La principale difficulté
réside en réalité dans l’appréhension des contours du salariat, difficulté qui tend d’ailleurs à
s’accroître avec l’émergence de nouvelles formes de travail et notamment l’ubérisation de la
société192.
Concernant ensuite le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, un constat similaire
peut être opéré puisque de nombreuses dispositions règlementaires délimitent leurs
compétences respectives. Si cette diversité rend délicat un éventuel exercice de
systématisation, elle facilite en revanche l’identification de la juridiction compétente puisqu’il
suffit de se reporter aux textes d’attribution. Persistent à l’heure actuelle seulement quelques

191
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, Thèse Université de Bourgogne (dactyl.) 2011, 904 p. Cette dernière
se demande « dans quelle mesure le mouvement de recul de la primauté du pénal sur le civil au bénéfice de
l’autonomie du juge civil [porte] atteinte à une éventuelle exigence de cohérence entre décisions civile et
répressive (p. 21). Une partie est consacrée à l’évaluation de l’exigence de cohérence des choses jugées et
une seconde sur l’appréciation du mouvement d’autonomisation des juridictions.
192
Sur ce point, voir : infra, n° 23.

49
incertitudes notamment pour le contentieux de la reconnaissance d’une unité économique et
sociale, ou encore pour le contentieux de la participation193.
Concernant enfin le tribunal de commerce, sa compétence a été considérablement réduite et
ne concerne plus aujourd’hui que le contentieux des licenciements intervenus dans le cadre
d’une procédure collective et la demande de désignation d’un mandataire de justice chargé de
convoquer l’assemblée des actionnaires194. Son intervention ne pose en réalité de difficultés
qu’à titre incident. Sa compétence d’attribution pour les litiges entre commerçants ou entre
commerçants et sociétés commerciales, et ceux qui portent sur les actes de commerce l’amène
en effet à connaître du droit du travail dans le cadre de moyens de défense et se pose alors la
délicate question de la possibilité de réaliser une prorogation de compétence195.

Plan.
A. Le perfectionnement de la lisibilité pour le conseil de prud’hommes
B. Le perfectionnement de la lisibilité pour les autres juridictions

A. Le perfectionnement de la lisibilité pour le conseil de prud’hommes

16. Une compétence doublement limitée. En tant que juridiction d’exception, le


conseil de prud’hommes dispose d’une compétence doublement encadrée. En effet, sa
compétence d’attribution se heurte à celle des autres juridictions196 et tout ce qui ne lui est pas
expressément attribué relève de la juridiction de droit commun, autrement dit du tribunal de
grande instance197. Afin d’identifier la compétence du conseil de prud’hommes, un justiciable
doit ainsi non seulement maîtriser les attributions de compétences de la juridiction
prud’homale mais également celles des autres juridictions. C’est d’ailleurs sur ce point que se
concentrent les principales difficultés dans la mesure où le code du travail exclut seulement
les litiges pour les accidents du travail et les maladies professionnelles et ne liste aucunement
les autres exclusions de compétence.
193
Sur ce point, voir : infra, n° 57 et suiv. (pour l’UES) et infra, n° 59 (pour la participation).
194
La Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a en effet supprimé la
saisine du tribunal de commerce lorsque la procédure d’information-consultation sur la recherche d’un
repreneur dans le cadre d’une opération de restructuration et de licenciement économique n’a pas été
respectée. Désormais, cette contestation se réalise dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi et relève
du contentieux de l’homologation ou de validation du plan de sauvegarde de l’emploi (article L. 1233-57-2
du code du travail).
195
Article L. 721-3 du code de commerce.
196
Article L. 1411-4 du code du travail.
197
Seul le tribunal de grande instance est une véritable juridiction de droit commun en vertu de l’article L.
211-3 du code de l’organisation judiciaire.

50
17. Une systématisation délicate de la compétence prud’homale. Cette difficulté
à cerner la compétence prud’homale ressort d’ailleurs des écrits consacrés au conseil de
prud’hommes. Ce dernier est en effet indifféremment qualifié de « juge de droit commun en
droit du travail »198, « juge naturel du salarié »199, « juge naturel du droit du travail »200, ou
encore « juge naturel des relations de travail »201. Or, aucun de ces qualificatifs ne semble
totalement satisfaisant. Ils se révèlent soit trop étroits pour saisir l’entière compétence du
conseil de prud’hommes, soit trop larges pour cerner les limitations de sa
compétence.
Le qualificatif de « juge de droit commun en droit du travail » peut porter à confusion puisque
le conseil de prud’hommes n’est qu’une juridiction d’exception dont la compétence se limite
aux seuls litiges expressément confiés par la loi202. Si celui de « juge naturel du salarié »
présente le mérite de la précision, il s’avère finalement trop étroit203. Il fait en effet fi de la
saisine possible du conseil de prud’hommes par l’employeur204 et ne laisse pas suffisamment
apparaître la compétence du conseil de prud’hommes pour certains travailleurs non-salariés ;
les gérants de succursales non-salariés. Il apparaît au contraire trop extensif dans la mesure où
certains contrats de travail, ceux des avocats salariés ou des marins et capitaines notamment,
échappent à la compétence prud’homale205. La qualification de « juge du contrat de travail »,
tout en recelant les mêmes écueils que la précédente, s’avère encore plus limitée puisqu’elle

198
B. Boubli, « Conseil de prud’hommes – Compétence matérielle », J.-Cl. Travail 2008, fasc. 81-20, n°
48.
199
J. Le Goff, Droit du travail et société, t. 1 : Les relations individuelles de travail, PUR 2001, spéc. p.
977.
200
J.-E. Ray, Droit du travail, Droit vivant, 25e éd., Liaisons 2017, coll. Droit Vivant, p. 54.
201
B. Bossu, F. Dumont et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, 3e éd., Montchrestien 2011, coll. Cours, p. 60 ;
F. Favennec-Héry et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, 5e éd., LGDJ 2016, coll. Manuel, n° 139, p. 130.
202
F. Kernaleguen, « Juridiction(s) d’exception », in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice, PUF 2004,
p. 707.
203
Pour une critique de l’utilisation de ce qualificatif, voir : Th. Clay, « L’arbitrage en droit du travail :
quel avenir après le rapport Barthélémy-Cette ? », Dr. soc. 2010, p. 930, spéc. p. 940. Sur la notion de juge
naturel, voir également : Th. Clay, « Juge naturel », in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice, PUF
2004, p. 680.
204
Un employeur peut par exemple saisir le conseil de prud’hommes pour faire établir la non-conformité de
l’utilisation des heures de délégation effectuées par un salarié (Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26.967 : Bull.
civ., V, à paraître ; JCP E 2016, 1369, note L. Dauxerre) ou contester le non-respect par un salarié de sa
clause de non-concurrence (Cass. soc., 8 févr. 2005, n° 02-45.089, inédit). Le futur article L. 2315-10 du
code du travail prévoit expressément la saisine du juge judiciaire par l’employeur qui entend contester
l’utilisation faite des heures de délégation par les membres du comité social et économique.
205
Les litiges des avocats salariés sont actuellement soumis à l’arbitrage du bâtonnier à charge d’appel
devant la cour d’appel. Sur ce point, voir : infra, n° 47. Les litiges des marins et des capitaines relèvent
quant à eux du tribunal d’instance. Sur ce point, voir : infra, n° 70 et 71.

51
laisse de côté la compétence à l’égard des litiges survenus à l’occasion d’un contrat de
travail.
Moins restrictive que la référence au contrat de travail, la qualification de « juge des relations
de travail » permet d’englober l’ensemble des litiges survenus à l’occasion du contrat de
travail, ceux entre les salariés, ceux initiés par l’employeur, ou encore ceux relatifs aux
travailleurs non-salariés. Comme les définitions précédentes, ce qualificatif n’est pas exempt
de critiques puisqu’il laisse insuffisamment apparaître les limitations de la compétence
prud’homale, notamment pour les litiges collectifs. Il serait en outre plus correct de retenir la
qualification de « juge des relations de travail de droit privé » pour qu’apparaisse l’exclusion
de compétence pour les relations de travail de droit public.
Cette tentative de systématisation révèle ainsi le caractère délicat d’une telle entreprise et la
nécessité qu’apparaissent clairement au justiciable sa compétence d’attribution mais
également ses limites. Perfectionner la lisibilité de la compétence prud’homale nécessite ainsi
une clarification sur ces deux points.

Plan.
1. La clarification des critères de la compétence d’attribution
2. La clarification des limites de la compétence

1. La clarification des critères de la compétence d’attribution

18. Manque de visibilité de la compétence prud’homale dans le code du travail.


L’article L. 1411-1 du code du travail s’avère insuffisant pour cerner véritablement la
compétence du conseil de prud’hommes. Pourtant, de nombreux manuels de droit du travail
visent seulement cet article et restreignent ainsi sa compétence aux litiges individuels nés à
l’occasion du contrat individuel de travail206. Si d’autres évoquent également sa compétence
pour les litiges entre les salariés 207 , rares sont ceux qui abordent sa compétence plus
spécifique pour les créances salariales dans le cadre d’une procédure collective, pour les
gérants de succursales ou encore pour le personnel des services publics employé dans des

206
J.-E. Ray, Droit du travail, Droit vivant, 25e éd., Liaisons 2017, coll. Droit Vivant, p. 58 – A. Coeuret,
B. Gauriau et M. Miné, Droit du travail, 3e éd., Dalloz 2013, coll. Sirey, p. 21 – P. Lokiec, Droit du travail,
t. 1 : Les relations individuelles de travail, PUF 2011, coll. Thémis, spéc. p. 50.
207
F. Favennec-Hery et P.-Y. Verkindt, Droit du travail, 5e éd., LGDJ 2016, coll. Manuel, n° 148, p. 136 –
M. Miné et D. Marchand, Le droit du travail en pratique, 27e éd., Eyrolles 2015, coll. Références, p. 72.

52
conditions de droit privé208. Cette diversité nous semble due au manque de visibilité de ces
compétences annexes, qui notamment pour les créances salariales ou les gérants de
succursales, sont disséminées dans le code du travail. Un article récapitulatif, procédant à des
renvois, faciliterait selon nous l’appréhension de la compétence prud’homale.

19. Une clarification progressive de la compétence prud’homale. En dehors de


ces quelques réserves, l’identification de la compétence prud’homale ne présente pas de
difficultés particulières. La jurisprudence a en effet progressivement clarifié les contours de la
compétence du conseil de prud’hommes en opérant une interprétation compréhensive des
critères de compétence de cette juridiction. Les salariés ne sont plus désormais à la recherche
de leur juge quand le litige les oppose à leur employeur puisque leurs demandes, sauf
exclusion de compétence, entrent dans le domaine de la compétence du conseil de
prud’hommes209. La délimitation précise de ses autres attributions conforte d’ailleurs cette
impression de lisibilité de la compétence prud’homale pour le justiciable. Au-delà des litiges
entre employeur et salarié, le conseil de prud’hommes est en effet compétent pour les litiges
survenus entre des salariés, pour ceux des gérants non-salariés de succursales et pour ceux
relatifs aux créances salariales dans le cadre d’une procédure collective. La compétence
prud’homale en matière de référé ne soulève aucune difficulté particulière puisque la
compétence du juge des référés est alignée sur la compétence matérielle de la juridiction qui
statue au fond210. Ses pouvoirs sont par ailleurs identiques à ceux des autres juridictions211.

a. Une compétence étendue pour les litiges opposant employeur et salarié

20. Des critères plus ou moins contraignants. Parmi les critères délimitant la
compétence prud’homale pour les litiges entre employeur et salarié, seule l’exigence d’un
contrat de travail de droit privé pose de redoutables difficultés aux justiciables. Sur ce point,
ce n’est d’ailleurs pas l’interprétation des articles d’attribution qui s’avère délicate mais bien
l’identification des frontières du salariat dans un contexte de bouleversement des formes de

208
Voir toutefois : G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis,
p. 143.
209
La principale difficulté réside d’ailleurs dans la connaissance de ces exclusions de compétence par le
justiciable. Sur ce point, voir : infra, n° 46 et suiv.
210
Article L. 1423-13 du code du travail.
211
Les articles 808 et suivants du code de procédure civile, les articles 848 et suivants du code de
procédure civile, les articles 872 et suivants du code de procédure civile et les articles R. 1455-5 et suivants
du code du travail prévoient les cas d’ouverture à référé respectivement pour le tribunal de grande instance,
le tribunal d’instance, le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes.

53
travail et de brouillage des frontières entre les sphères publique et privée. On peut d’ailleurs
souligner que ces difficultés ne tiennent pas à la pluralité de juridictions compétentes mais à
l’absence d’un droit de l’activité professionnelle qui dépasserait le droit du travail subordonné
et les frontières entre le public et le privé. Il ne serait à ce titre pas incongru d’envisager la
compétence du conseil de prud’hommes pour le contentieux du travail des entreprises
publiques, exception faite des fonctionnaires212, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne213.
L’exigence d’un litige individuel survenu à l’occasion du contrat de travail fait au contraire
l’objet d’une interprétation plus compréhensive de la jurisprudence et conduit à ce que
l’ensemble des demandes ayant un lien même étroit avec le contrat de travail et présentant un
intérêt individuel pour le salarié, relèvent de la compétence du conseil de prud’hommes.

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21. Exigence d’un contrat de travail de droit privé. Le caractère déterminant du


critère du contrat de travail de droit privé pourrait surprendre ceux qui s’intéressent à
l’histoire des prud’hommes. Ces derniers ont en effet été créés à une époque où le salariat
était peu répandu et ses contours non encore définis214. Malgré cet héritage, le conseil de
prud’hommes est progressivement devenu la juridiction des salariés de droit privé et les textes
d’attribution ne visent pas l’ensemble des travailleurs mais seulement les titulaires d’un
contrat de travail soumis au code du travail215, et les personnels employés dans des conditions
de droit privé216.

α. L’exigence d’un contrat de travail

22. Une compétence conditionnée par l’existence d’un contrat de travail. Les
travailleurs non titulaires d’un contrat de travail ne relèvent pas du conseil de prud’hommes et

212
Sur ce débat, voir : A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », RFAS, n° 1, 1993, p.
97, spéc. p. 114 : « Est-on sûr que le contentieux du travail dans les entreprises publiques puisse être
détaché de la compétence du Conseil d’État sans que soient perdues de vue les spécificités de la mission de
service public qui caractérise ces entreprises ? ».
213
I. Schmidt, La Cour fédérale du travail, Erfurt 2014, 36 p., consulté le 1er mars 2017 sur le site suivant :
http://www.bundesarbeitsgericht.de/franzoesisch/franzoesische_version.pdf. Voir également : J. Villebrun
et G.-P. Quétant, Les juridictions du travail en Europe, LGDJ 1992, coll. Droit des affaires, p. 11.
214
O. Marchand, « Salariat et non salariat dans une perspective historique », Économie et statistique 1998,
n° 319-320, p. 3 (cité par Laetitia Guerlain dans l’article suivant : « Contribution à l’histoire de la justice du
travail au XIXe siècle. À propos des débuts du Conseil des prud’hommes de Bordeaux (1849-1900) », op.
cit., spéc. p. 117).
215
Article L. 1411-1 du code du travail.
216
Article L. 1411-2 du code du travail.

54
doivent saisir pour leurs litiges le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance en
fonction du montant de leurs demandes. Sont ainsi exclus de la compétence prud’homale les
personnes incarcérées 217 , les stagiaires 218 , ou encore les travailleurs des plateformes
numériques auxquels la loi El Khomri a récemment reconnu un certain nombre de droits sans
toutefois leur octroyer la qualité de salarié219.
L’incompétence du conseil de prud’hommes ne concerne toutefois pas les éventuelles
demandes de requalification de ces contrats en contrat de travail220. Le code du travail prévoit
d’ailleurs expressément cette possibilité pour les stagiaires qui doivent saisir directement le
bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statuera quant à lui au fond dans un délai
d’un mois suivant sa saisine sur la demande de requalification221. À la condition de démontrer
leur qualité de salarié, les autres travailleurs peuvent également saisir le conseil de
prud’hommes d’une telle demande222. Des contentieux de requalification des contrats des
travailleurs des plateformes numériques commencent d’ailleurs à émerger devant certains
conseils de prud’hommes223, et on assiste aux premières requalifications224. Mais en l’absence

217
Article 717-3 du code de procédure pénale. Sur cette exclusion, voir : Cass. soc., 17 déc. 1996, n° 92-
44.203, inédit : TPS 1997, 100, obs. B. Boubli ; Dr. soc. 1997, p. 344, obs. G. Guidicelli-Delage et M.
Massé – Cons. const., 14 juin 2013, n° 2013-320/321-QPC : RDT 2013, p. 565, obs. C. Wolmark. En
faveur de la reconnaissance d’un véritable droit du travail en prison, voir : Ph. Auvergnon (dir.), Droit du
travail en prison. D’un déni à une reconnaissance, PUB 2015, coll. Droit, 288 p.
218
Article L. 124-7 du code de l’éducation. Sur la réforme du statut du stagiaire intervenue en 2014, voir :
F. Héas, « Statut du stagiaire, obligations des organismes de formation et des entreprises d’accueil », RDT
2015, p. 112 et F. Bizeur, « Loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 : le stagiaire enfin reconnu ? », Dr. ouvr.
2015, p. 372. Sur la définition du stage, voir également : S. Tournaux, « La distinction entre stage et
notions voisines », Lexbase Hebdo éd. S 2006, n° 213.
219
Afin de faire face à l’émergence du phénomène d’ubérisation de la société, la loi El Khomri a introduit
un régime spécifique pour les travailleurs du numérique afin qu’ils puissent bénéficier de protections en
matière d’accidents du travail, de formation professionnelle ou de droits d’action collective. Au-delà de ces
dispositions protectrices, l’exécution de la prestation de service relève des dispositions du code civil et
notamment de l’article 1165 du code civil. Sur le potentiel que recèlent les autres branches du droit – à
savoir le droit commercial et le droit civil – pour protéger les travailleurs ubérisés, voir : Th. Pasquier,
« Sens et limites de la qualification de contrat de travail. De l’arrêt Formacad aux travailleurs
‘‘ubérisés’’ », RDT 2017, p. 95, spéc. p. 107.
220
Une réserve doit toutefois être réalisée à l’égard des détenus pour lesquels l’existence d’un contrat de
travail a été expressément exclue par le code de procédure pénale.
221
Article L. 1454-5 du code du travail. Pour une illustration, voir : Cass. soc., 27 oct. 1993, n° 90-42.620,
inédit.
222
Concernant les travailleurs de plateformes numériques, voir notamment : G. Loiseau et A. Martinon,
« L’homo-ubericus est-il un salarié ? », CSBP 2016, p. 283 – A. Fabre, « Plateformes numériques : gare au
tropisme « travailliste » ! », in Controverse « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de
l’ubérisation ? », RDT 2017, p. 166.
223
Sur l’existence d’actions en requalification dirigées contre l’entreprise Uber pour les contrats de
partenariat, voir l’entretien réalisé avec Jean-Paul Teissonnière, SSL 2017, n° 1767, p. 8. Sur la saisine des
prud’hommes par d’ex-coursiers entrepreneurs de l’entreprise Take Eat Easy, voir : Liais. soc. Quotidien,
act. 5 mai 2017, n° 17321, p. 4. Des contentieux sont également en cours devant les Tribunaux des affaires
de la sécurité sociale. Sur ce point, voir l’entretien avec Cédric Jacquelet, SSL 2016, n° 1725, act. p. 5.

55
d’une telle demande de requalification et avant que ne se crée un contrat de travail
numérique 225 , voire un « droit des travailleurs sans qualificatif » 226 , le conseil de
prud’hommes ne pourra connaître de leurs litiges et ce même s’ils bénéficient d’une partie des
dispositions du code du travail227.
L’exigence d’un contrat de travail explique également pourquoi les demandes formées par les
salariés intérimaires, doivent être dirigées contre l’entreprise de travail temporaire alors même
que pèse sur l’entreprise utilisatrice un certain nombre d’obligations228. Ces salariés sont en
effet liés par un contrat de travail à la seule entreprise de travail temporaire. Si la chambre
sociale de la Cour de cassation a pu affirmer dans un arrêt assez ancien qu’en cas de
défaillance de l’entreprise de travail temporaire, l’entreprise utilisatrice lui était substituée de
plein droit pour le paiement tant du salaire et de ses accessoires que des cotisations
sociales229, on ne peut déduire de cet arrêt la reconnaissance d’une compétence du conseil de
prud’hommes pour un contentieux opposant une entreprise utilisatrice et un salarié en cas de
défaillance de l’entreprise de travail temporaire230. Il s’agissait en effet dans cette affaire d’un
contentieux opposant l’Urssaf et l’entreprise utilisatrice. Le conseil de prud’hommes n’est dès
lors compétent que lorsque l’action porte sur une demande de requalification du contrat à
l’égard de l’entreprise utilisatrice231.

224
Pour un exemple d’une requalification du contrat d’un chauffeur VTC Lecab, voir : CPH Paris, 20 déc.
2016, R G F 14/11044.
225
E. Lederlin, « Le travail numérique à l’épreuve du droit social. L’appréciation du lien de subordination
selon le principe de réalité », JCP S 2015, 1415. Sur l’utilisation de la technique de l’extension de la
catégorie de contrat de travail par présomption de contrat de travail pour les travailleurs du numérique,
voir : Th. Pasquier, « Sens et limites de la qualification de contrat de travail. De l’arrêt Formacad aux
travailleurs ‘‘ubérisés’’ », RDT 2017, p. 95, spéc. p. 105.
226
En faveur de son émergence comme réponse à l’ubérisation et à l’ère du numérique, voir : M.-C.
Escande-Varniol, « L’ubérisation, un phénomène global – Regard de droit comparé », in Controverse « Le
droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », RDT 2017, p. 171, spéc. p. 173. Sur
l’émergence d’un droit de l’activité professionnelle en général, voir : A. Supiot, Au-delà de l’emploi, Nouv.
éd., Flammarion 2016, 316 p. – A. Supiot, « Indépendance et salariat » La nouvelle revue du travail 2014,
n° 5 – A. Supiot, « Les nouveaux visages de la subordination », Dr. soc. 2000, p. 139.
227
Rappelons que les stagiaires bénéficient des protections contre la discrimination, le harcèlement moral
et le harcèlement sexuel dans les mêmes conditions que les salariés en vertu de l’article L. 124-12 du code
de l’éducation.
228
Articles L. 1251-21 et L. 1251-22 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc., 31 oct. 2012, n° 11-
21.293 : Bull. civ., V, n° 285 ; JCP S 2013, 1043, obs. F. Bousez.
229
Cass. soc., 7 mars 1984, n° 82-15.766 : Bull. civ., V, n° 90.
230
D’ailleurs, un tel contentieux semble en pratique peu probable dans la mesure où en cas de défaillance
de l’entreprise de travail temporaire, les créances antérieures ainsi que celles résultant de la rupture du
contrat de travail seront pris en charge par l’AGS (article L. 3253-8 1° et L. 3253-8 2° du code du travail).
Les autres créances seront quant à elles prises en charge par une garantie professionnelle (article L. 1222-2
du code du travail). Sur ces garanties, voir : D. Bondat, Droit du travail et sûreté, Thèse Université de
Bordeaux (dactyl.) 2017, p. 230 et p. 470.
231
Articles L. 1251-40 et L. 1251-41 du code du travail.

56
23. La détermination délicate des frontières du salariat. En l’absence d’une
définition légale, le contrat de travail est traditionnellement défini comme « la convention par
laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la
subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération »232. L’émergence de
nouvelles formes de travail – en raison de la tertiarisation de la société, du développement de
233
l’autonomie dans l’exécution du travail , et plus récemment du phénomène
d’ « ubérisation » du travail234 – nécessite toutefois que soient réinterrogés, voire qu’évoluent
les critères du contrat de travail. Au nom du « réalisme de la qualification »235, la chambre
sociale de la Cour de cassation s’attache d’ailleurs aux conditions d’exécution de la prestation
de travail et non à la dénomination qu’en ont donnée les parties 236. Ont pu ainsi être
requalifiés en contrat de travail des contrats de prestation de services237, des contrats de
franchise 238 , des contrats de participation à des jeux 239 , ou encore des contrats de
wwoofing240.
Le critère de la prestation de travail est en réalité interprété de manière compréhensive par la
Cour de cassation qui n’exige pas que l’activité soit professionnelle, autrement dit qu’elle soit
économiquement et socialement reconnue comme telle. Si cette souplesse a pu être
232
G.-H. Camerlynck, Contrat de travail, t. 1, 2e éd, Dalloz 1982, coll. Traité de droit du travail sous la
direction de G.-H. Camerlynck, spéc. n° 43, p. 52.
233
J.-E. Ray, « De germinal à Internet. Une nécessaire évolution du critère du contrat de travail », Dr. soc.
1995, p. 634.
234
Sur ce point, voir le dossier Controverse « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de
l’ubérisation ? », RDT 2017, p. 166 avec les contributions d’Alexandre Fabre et de Marie-Cécile Escande-
Varniol : A. Fabre, « Plateformes numériques : gare au tropisme « travailliste » ! », in Controverse « Le
droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », op. cit. – M.-C. Escande-Varniol,
« L’ubérisation, un phénomène global – Regard de droit comparé », in Controverse « Le droit du travail
peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », RDT 2017, p. 171. Dès les années 2000, des auteurs avaient
pointé du doigt les conséquences de l’avènement du numérique sur le travail : A. Supiot, « Les nouveaux
visages de la subordination », op. cit.
235
A. Jeammaud, « L’avenir sauvegardé de la qualification de contrat de travail. A propos de l’arrêt
Labanne », Dr. soc. 2001, p. 227.
236
Cass. ass. plén., 4 mars 1983, nos 81-11.647 et 81-15.290 : Bull. ass. plén., n° 3 ; D. 1983, p. 381, concl.
J. Cabannes – Cass. soc., 19 déc. 2000, n° 98-40.572, Labanne : Bull. civ., V, n° 437 ; Dr. soc. 2001, p.
227, note A. Jeammaud.
237
Voir notamment : Cass. civ. 2e, 7 juill. 2016, n° 15-16.110 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p.
859, obs. J. Mouly.
238
Voir notamment : Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 09-41.644, inédit : Dr. soc. 2011, p. 715, obs. E. Dockès
– Cass. soc., 4 déc. 2001, n° 99-41.265 : Bull. civ., V, n° 373 ; Dr. soc. 2002, p. 158, note A. Jeammaud.
239
Voir notamment : Cass. soc., 25 juin 2013, n° 12-13.968, Mister France : Bull. civ., V, n° 165 : Dr.
ouvr. 2014, p. 101, note A. Mazière ; RDT 2013, p. 622, chron. D. Gardes – Cass. soc., 25 juin 2013, n° 12-
17.660, inédit, Koh Lanta : RDT 2013, p. 622, chron. D. Gardes – Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981,
L’île de la tentation : Bull. civ., V, n° 141 ; RDT 2009, p. 507, obs. G. Auzero ; Dr. soc. 2009, p. 791, obs.
J.-J. Dupeyroux ; Dr. soc. 2009, p. 930, obs. Ch. Radé.
240
Pour un exemple de requalification, voir notamment : CA Aix-en-Provence, 30 nov. 2010, n°
2010/1254. Toutefois, pour une démonstration selon laquelle le wwooffing ne devrait, sauf abus, être
assimilé à une relation de travail salarié, voir : L. Bento de Carvalho, « Wwoofing et droit du travail : le
bonheur est-il dans le pré ? », Dr. soc. 2016, p. 71.

57
critiquée 241 , elle présente selon nous l’intérêt de permettre l’appréhension de nouvelles
réalités professionnelles en recourant à la technique du faisceau d’indices242. Ainsi, au lieu de
définir abstraitement la prestation de travail, la Cour de cassation s’attache à la finalité de la
prestation, autrement dit à ce qu’elle s’inscrive dans le cadre de la réalisation d’une opération
économique243. L’exigence d’une rémunération a quant à elle pour unique but d’exclure les
situations de bénévolat du domaine du contrat de travail244. Là encore, la jurisprudence
s’avère peu exigeante à l’égard de ce deuxième critère dans la mesure où elle n’accorde pas
d’importance au niveau, aux modalités ni à la réalité du versement de la rémunération pour
retenir la qualification de contrat de travail245.
Concernant enfin le critère de la subordination246, il nous semble plus exact de recourir à la
notion « d’état de subordination » puisque la Cour de cassation s’attache aux conditions
factuelles de réalisation de la prestation de travail et utilise là encore la technique du faisceau
d’indices247. En effet, si la subordination est entendue, depuis l’arrêt Société générale, comme
l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres
et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements248, la Cour
de cassation continue de recourir aux indices de la dépendance économique et du service
organisé pour se prononcer sur l’existence d’un lien de subordination249.
Certains auteurs repoussent en outre le caractère déterminant de la subordination juridique et
présentent une approche renouvelée des critères du contrat de travail250. L’existence d’un lien
de subordination juridique ne suffirait plus à justifier la qualification de contrat de travail et il
serait nécessaire de promouvoir le critère de « l’intégration du salarié dans l’activité
économique de son employeur »251. Dans cette voie, d’autres proposent alors une analyse
renversée du critère du contrat de travail en partant, non plus de la subordination, mais de

241
Voir notamment : P.-Y. Verkindt, « Debout ! les damnés de la terre », JCP S 2009, act. 305 – J.-E. Ray,
« Sea, sex... and contrat de travail », SSL 2009 n° 1403, p. 11.
242
En ce sens : Ch. Radé, « La possibilité d’une île », Dr. soc. 2009, p. 930.
243
Ibid., spéc. p. 933.
244
Sur cette distinction, voir : H. Guichaoua, « La frontière entre l’activité professionnelle et le
bénévolat », Dr. ouvr. 2013, p. 229.
245
Cass. soc., 13 déc. 2007, n° 06-45.243 : Bull. civ. V, n° 210.
246
Sur l’émergence de ce critère, voir : C. Wolmark, « L’émergence de la subordination », SSL n° spéc.
2013, n° 1576, p. 7.
247
Sur l’utilisation de la terminologie « d’état de subordination », voir : E. Dockès, « Notion de contrat de
travail », Dr. soc. 2011, p. 546. Cette terminologie permet de différencier le critère de la subordination de
la véritable subordination juridique qui est en réalité un effet du contrat de travail.
248
Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187 : Bull. civ., V, n° 386.
249
Sur la possible compensation de ces indices entre eux, voir : E. Dockès, « Notion de contrat de travail »,
Dr. soc. 2011, p. 546.
250
Ch. Radé, « Des critères du contrat de travail », Dr. soc. 2013, p. 202.
251
Ibid.

58
l’absence d’indépendance et de la répartition des risques entre les parties252. Il s’agit de traiter
« celui qui n’a pas sa propre indépendance, sa propre entreprise (…) comme un salarié en ce
qu’il participe en réalité à l’entreprise d’autrui »253. Ces thèses ne semblent toutefois pas
incompatibles avec le critère proposé de « l’état de subordination ». L’ « intégration dans une
activité économique » doit en effet constituer un indice de l’état de subordination, au même
titre que l’autorité de l’employeur, ou l’intégration dans un service organisé. La multiplication
des indices à la disposition des juges du fond facilite en effet l’entreprise de ces derniers qui
cherchent à redonner aux faits leur véritable qualification.

24. Une délimitation de la compétence prud’homale facilitée par l’existence de


présomptions de salariat. Au regard de la délimitation délicate du critère du contrat de
travail, l’existence des présomptions de salariat facilite grandement la détermination de la
compétence du conseil de prud’hommes. Elles existent notamment pour les VRP254, les
travailleurs à domicile255, les artistes de spectacle et metteurs en scène256, les mannequins257
ou encore les journalistes professionnels s’ils exercent leur activité à titre principal et régulier
dans une entreprise de presse et s’ils en tirent l’essentiel de leurs ressources258.
La situation de ces travailleurs bénéficiant d’un contrat de travail présumé ne doit pas être
confondue avec celle des travailleurs pour lesquels la compétence du conseil de prud’hommes
est précisée dans le code du travail. Pour ces derniers, la Cour de cassation s’assure en effet
de l’existence d’un lien de subordination pour retenir la compétence prud’homale à leur
égard259. La référence à la compétence du conseil de prud’hommes pour les concierges, les
employés d’immeubles ou les femmes de ménage d’immeubles à usage d’habitation devrait
ainsi être supprimée car elle s’avère source de confusions pour ces justiciables. Ces derniers
pourraient en effet se croire titulaire d’un contrat de travail présumé, alors que la compétence
prud’homale est seulement visée à titre informatif dans le code du travail.

252
Th. Pasquier, « Sens et limites de la qualification de contrat de travail. De l’arrêt Formacad aux
travailleurs ‘‘ubérisés’’ », RDT 2017, p. 95.
253
Ibid., p. 102.
254
Articles L. 7313-1 et L. 7313-18 du code du travail.
255
Article L. 7412-1 du code du travail.
256
Article L. 7121-1 du code du travail.
257
Article L. 7123-1 du code du travail. Voir : Y. Saint-Jours, « Le statut juridique des artistes de spectacle
et des mannequins », D. 1970, chron. p. 17.
258
Article L. 7112-1 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc., 13 avr. 2016, n° 11-28.713 : Bull.
civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1228, note T. Lahalle – Cass. soc., 13 mai 2015, n° 14-11.621, inédit : JCP
S 2015, 1264, note N. Dauxerre – Cass. soc., 7 déc. 2011, n° 10-10.192 : Bull. civ., V, n° 293 ; D. act., 21
déc. 2011, obs. J. Siro ; JCP S 2012, 1095, obs. T. Lahalle.
259
Article L. 7215-1 du code du travail. Voir : Cass. soc., 25 janv. 2012, n° 10-13.858 : Bull. civ., V, n° 27.

59
β. L’exigence du caractère privé de la relation de travail

25. Des précisions sur l’exigence du caractère privé de la relation de travail.


L’exigence d’un contrat de travail de droit privé pourrait constituer une difficulté
supplémentaire dans l’appréhension de la compétence prud’homale. Il n’existe en effet
aucune corrélation automatique entre le caractère public de l’employeur et la nature publique
ou privée du contrat de travail et il s’avère important de ne pas confondre les notions
d’entreprise publique, de personne morale de droit public, de service public ou encore de
secteur public.
Le Tribunal des conflits, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont en réalité
progressivement clarifié les contours de la compétence prud’homale sur ce point. Il importe
tout d’abord de déterminer le caractère privé ou public de la personne morale employeur260,
puisque seule une personne morale de droit public peut employer des agents de droit
public261. Il est ensuite nécessaire de vérifier si l’employeur assure la gestion d’un service
public et de qualifier la nature de ce dernier262. En effet, les agents d’une personne publique
ne travaillant pas pour un service public sont des agents de droit privé qui relèvent du conseil
de prud’hommes263, et parmi ceux travaillant pour un service public, seuls les personnels non
statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une
personne publique, quelles que soient leurs conditions d’emploi, sont des agents de droit
public qui relèvent de la juridiction administrative 264 . Les salariés travaillant pour une
personne publique gérant un service public industriel et commercial relèvent au contraire du
conseil de prud’hommes. Par dérogation, les agents de direction et le comptable public des

260
Constituent des personnes morales de droit public l’État, les collectivités territoriales, les Établissements
publics, la Banque de France ou encore les autorités administratives indépendantes dotées de la
personnalité juridique.
261
Voir notamment : Cass. soc., 1er mars 1995, n° 90-45.896, inédit (fondation gérant un hôpital privé) – T.
confl., 25 juin 2002 : Bull. civ., V, n° 216 (société d’ambulance liée au service d’urgence d’un centre
hospitalier).
262
Les critères de distinction entre un service public administratif et un service public industriel et
commercial sont l’objet du service, l’origine des ressources et les modalités de son organisation et de son
fonctionnement (T. confl., 22 janvier 1921, n° 00706, Société commerciale de l’Ouest africain : Rec. p. 91,
GAJA 2017, n° 35 – CE, Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques : Rec. p.
434 ; AJDA 1956 II, p. 489, chr. J. Fournier et G. Braibant).
Précisons que la nature de l’Établissement public ne préjuge pas nécessairement de la nature du service
public puisqu’un Établissement public administratif peut très bien gérer à la fois un SPA et un SPIC. Les
Chambres de commerce et d’industrie en sont une parfaite illustration. Voir sur ce point : Cass. soc., 24
juin 2014, n° 13-11.142 : Bull. civ., n° 157 ; JCP S 2014, 1440, note Th. Lahalle.
263
T. confl., 18 juin 2001, n° 3241, Lelaidier c/ Ville de Strasbourg : AJFP 2001, p. 5, obs. C. Fortier.
264
T. confl., 25 mars 1996, n° 03000, Berkani : D. 1996, p. 598, note Y. Saint-Jours ; Dr. soc. 1996, p. 735,
note X. Prétot ; JCP 1996, II, 22664, note P. Moudoudou. Pour une application récente, voir : T. confl., 9
févr. 2015, n° 3997 : AJDA 2015, p. 1300. « En tant qu’agent d’un service public administratif, le serveur
du Président de la République est un agent public ».

60
services publics industriels et commerciaux, gérés par une personne publique, sont toutefois
titulaires d’un contrat de travail de droit public et doivent ainsi saisir la juridiction
administrative pour le règlement de leurs litiges265. La jurisprudence estime en outre que les
agents des établissements, qualifiés par la loi d’Établissement public industriel et commercial,
relèvent du conseil de prud’hommes, et ce quelle que soit la nature du service public dont cet
établissement assure la gestion. Le Tribunal des conflits et la Cour de cassation considèrent en
effet que le législateur, en opérant une telle qualification, a souhaité que le droit privé
s’applique à leurs personnels, peu important d’ailleurs l’éventuelle gestion d’un service public
administratif par cet établissement266.
À ces exceptions jurisprudentielles, s’ajoutent en outre des dérogations légales. Des contrats
de droit privé peuvent en effet être conclus, à titre dérogatoire, par une personne publique
gérant un service public administratif267. La loi a également permis à certains personnels de
conserver leur ancien statut et a ainsi favorisé la présence de fonctionnaires en position
d’activité dans des entreprises privées ne gérant plus un service public et dont les litiges
relèvent de la juridiction administrative268.

26. L’organisation légale du transfert d’entreprise entre le privé et le public.


Afin de clarifier les répartitions de compétences entre le conseil de prud’hommes et la
juridiction administrative, le législateur a fait prévaloir la nature initiale du contrat de travail

265
CE, sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau : JCP G 1957, II, 9987, note J. Dufau ; D. 1957, p. 43,
chron. A. Mathiot ; AJDA 1957 p. 184, chron. J. Fournier et G. Braibant. Pour une application récente voir :
Cass. soc., 18 déc. 2007, n° 06-45.132 : Bull. civ., V, n° 215 ; Dr. soc. 2008, p. 246, obs. Ch. Radé ; RFDA
2008, p. 499, ét. X. Dupré de Boulois.
266
Cass. soc., 17 juill. 2001, n° 99-42652, Oniflhor : Bull. civ., V, n° 274, p. 220 ; Dr. ouvr. 2001, p. 20,
note. Y. Saint-Jours et T. confl., 29 déc. 2004, n° C3416, Époux Blanckeman : Dr. adm. 2005, p. 32, note
F. Naud.
267
Sont notamment des contrats de droit privé en vertu de la loi les contrats de génération (article L. 5121-6
du code du travail, abrogé à compter du 24 septembre 2017 par l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1387 du
22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) et les contrats aidés
tels que le contrat d’accompagnement dans l’emploi (article L. 5134-24 du code du travail), le contrat
initiative-emploi (article L. 5134-69 du code du travail) et le contrat relatif aux activités d’adultes-relais
(article L. 5134-103 du code du travail). La présomption de salariat des artistes du spectacle fait également
échec à la compétence de la juridiction administrative pour connaître d’un litige relatif à un contrat passé
entre une collectivité publique gérant un service public administratif et un artiste du spectacle (T. confl., 17
juin 2013, n° 3910, Mme Olteanu c/ Ville de Saint-Etienne : AJDA 2013, p. 1251, note D. Poupeau).
268
Citons notamment la SEITA, la Caisse nationale du crédit agricole, le groupement industriel des
armements terrestres, la caisse nationale de prévoyance (CNP), l’imprimerie nationale ou encore France
télécom. Concernant l’incompétence du conseil de prud’hommes pour les litiges opposant les
fonctionnaires à La Poste voir notamment : Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-26.721 : Bull. civ., V, n° 291 –
Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 13-12.033 : Bull. civ., V, n° 292 ; JCP S 2014, 1273, note L. Drai. Sur ces
arrêts, se reporter également à la chronique suivante : F. Debord, « La poste : ses personnels, ses statuts, ses
juges », RDT 2014, p. 108.

61
lorsqu’intervient un changement dans la situation juridique de l’employeur269. Ainsi, en
application des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail, la personne publique qui
reprend une activité jusqu’ici concédée à une entreprise privée doit proposer aux salariés,
concernés par le transfert, « un contrat de droit public » reprenant « les clauses substantielles
du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la
rémunération ». Toutefois, tant que le nouvel employeur n’a pas placé les salariés dans ce
régime de droit public270, les contrats demeurent de droit privé et relèvent du conseil de
prud’hommes. Ce dernier est ainsi compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’exécution
et à la rupture du contrat de travail alors même qu’elle serait prononcée par une personne
morale de droit public271. Le juge administratif recouvre ainsi son entière compétence à partir
de l’acceptation du contrat de droit public272.

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27. Des critères peu contraignants. Si l’intervention du conseil de prud’hommes se


limite aux litiges individuels, survenus à l’occasion du travail, ces deux critères s’avèrent en

269
Les difficultés se concentrent sur la connaissance par le conseil de prud’hommes des moyens de défense
invoqués par le salarié. Ce dernier pourrait notamment contester la légalité de l’offre du contrat de droit
public réalisée par la personne publique. Sur ce point, voir : infra, n° 163.
270
Article 1224-3 du code du travail. T. confl., 19 janv. 2004, n° 3393, Devun c/ Commune de Saint-
Chamond : Dr. soc. 2004, p. 433, obs. A. Mazeaud ; Dr. ouvr. 2004, p. 146, note J. Duplat.
271
T. confl., 26 juin 2006, n° 3508 – Cass. soc., 12 juin 2007, nos 05-44.337 et 05-44.743 : Bull. 2007, V,
n° 96 ; RDT 2007, p. 524, chron. Ph. Waquet ; JCP S 2007, 1878, note B. Bossu. Le conseil de
prud’hommes est ainsi compétent pour statuer sur la nullité d’un licenciement pour motif économique
intervenu en violation de l’article L. 1224-1 du code du travail quelques mois avant la reprise de l’entité par
la personne morale : Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 13-26.032 : Bull. civ., V, à paraître ; Lexbase Hebdo éd. S
2015, n° 628, obs. Ch. Radé ; Dr. soc. 2015, p. 1025, act. J. Mouly. Il est également compétent pour se
prononcer sur le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, par la personne publique, au salarié
ayant refusé le contrat de droit public : Cass. soc., 10 janv. 2017, n° 15-14.775 : Bull. civ., V, à paraître ;
AJDA 2017, p. 82, obs. M.-C. De Montecler ; Dr. soc. 2017, p. 375, act. J. Mouly. Il est en outre compétent
pour se prononcer sur les conséquences indemnitaires de l’absence de notification de la rupture du contrat,
par la personne publique, après le refus des salariés d’accepter le contrat de droit public proposé : Cass.
soc., 8 déc. 2016, nos 15-17.176 et 15-17.177 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2017, p. 79, act. J. Mouly.
Toutefois, sur la compétence du juge administratif pour connaître des questions préjudicielles portant sur la
légalité de l’offre de contrat faite par la personne publique, voir : infra, n° 163. Sur la prorogation de
compétence du juge judiciaire en ce domaine, voir : infra, n° 180.
272
Cass. soc., 18 févr. 2014, n° 13-10.356 : Bull. civ., V, n° 53 ; JCP G 2014, act. 302 C. Lefranc-
Hamoniaux. Précisons toutefois que lorsque le contrat, proposé au salarié de droit privé, est retiré par la
personne publique à la demande du préfet en raison d’un niveau de rémunération trop élevé, les parties sont
replacées dans la situation antérieure à la conclusion du contrat. Le juge judiciaire est alors compétent pour
apprécier la nouvelle proposition faite au salarié de droit privé et pour tirer les conséquences de l’éventuel
refus du salarié : Cass. soc., 1er févr. 2017, n° 15-18.480 : Bull. civ., V, à paraître ; AJDA 2017, p. 256, obs.
M.-C. De Montecler ; Dr. soc. 2017, p. 375, act. J. Mouly.

62
pratique peu restrictifs et seulement quelques demandes échappent à l’heure actuelle à la
compétence du conseil de prud’hommes273.
La jurisprudence considère en effet que la notion de litiges survenus à l’occasion du travail
renvoie non seulement à l’ensemble des « différends qui trouvent leurs sources dans la
conclusion, l’exécution ou la rupture du contrat de travail »274, mais également aux « litiges
nés d’une convention accessoire au contrat de travail »275. Le conseil de prud’hommes est
ainsi incompétent uniquement dans les cas où il n’existe aucun moyen de rattachement au
contrat de travail, autrement dit lorsque le litige est antérieur à la conclusion du contrat de
travail ou lorsqu’il est totalement déconnecté de l’existence de ce dernier.
La Cour de cassation fait en outre prévaloir la nature individuelle de la demande sur son
origine ou ses répercussions collectives pour délimiter la compétence du conseil de
prud’hommes. Ce phénomène, qualifié par certains de « prud’homisation » des litiges276, a
pour conséquence que l’ensemble des demandes entre un employeur et un salarié et
présentant un intérêt individuel relève du conseil de prud’hommes.

α. L’exigence peu contraignante d’un litige survenu « à l’occasion du travail »

28. Une compétence étendue pour la conclusion, l’exécution et la rupture du


contrat de travail. Le conseil de prud’hommes dispose d’une compétence relativement
étendue lorsque le différend oppose un employeur et un salarié. Il connaît en effet des litiges
relatifs à l’existence et à la validité du contrat de travail, des litiges portant sur des obligations
ou prérogatives nées du contrat de travail, des litiges relatifs à la suspension du contrat de
travail ou encore des litiges résultant de la rupture du contrat de travail277.
L’intervention du conseil de prud’hommes dans le contentieux de la formation du contrat de
travail semble en revanche plus restreinte. L’article L. 1411-1 du code du travail, qui délimite
la compétence prud’homale, vise en effet uniquement les « salariés ». La chambre sociale de
la Cour de cassation ne s’appuie d’ailleurs pas sur cette disposition mais sur celle relative à la
discrimination à l’embauche pour affirmer la compétence du conseil de prud’hommes en ce
domaine278. En dehors de cette hypothèse particulière, le conseil de prud’hommes ne peut

273
P. Lokiec, « Le pacte d’actionnaires n’est pas un accessoire au contrat de travail », D. 2008, n° 4, p. 262.
274
A. Supiot, Les juridictions du travail, Dalloz 1987, coll. Traité de droit du travail sous la direction de
G.-H. Camerlynck, t. 9, p. 268.
275
Ibid., p. 272.
276
R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op. cit., spéc. S 28.
277
Sur ce point, voir notamment : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 262, p. 270.
278
Voir notamment : Cass. soc., 28 nov. 2007, n° 07-40.787, inédit.

63
ainsi connaître des éventuelles actions en responsabilité civile pour rupture abusive des
pourparlers279. La compétence du conseil de prud’hommes pour le contentieux des promesses
d’embauche se justifie quant à elle par le fait que les plaideurs ne recherchent pas la sanction
de la rétractation des promesses d’embauche mais réclament des indemnités pour rupture
abusive du contrat de travail. Ces derniers se prévalent en effet de la formation du contrat de
travail par la seule acceptation de la promesse d’embauche280. Le contentieux soumis au
conseil de prud’hommes n’est dès lors pas relatif à la formation du contrat de travail mais
porte sur la sanction de la rupture abusive d’un contrat de travail et justifie ainsi la
compétence du conseil de prud’hommes en ce domaine281.

29. Une compétence étendue aux litiges accessoires. Le conseil de prud’hommes


dispose en outre d’une compétence relativement étendue pour les relations contractuelles qui
se nouent entre l’employeur et le salarié de manière accessoire au contrat de travail. La Cour
de cassation multiplie en effet les critères – qu’ils soient formel, fonctionnel, matériel ou
personnel – pour qualifier la convention d’accessoire au contrat de travail et retenir la
compétence prud’homale 282. Le conseil de prud’hommes est ainsi compétent lorsque la
convention fait l’objet d’une stipulation dans le contrat de travail283, lorsque l’application des
règles de droit du travail est nécessaire à la résolution du litige284, lorsque la convention est

279
Les pourparlers ne sont en effet qu’une invitation à la négociation d’un contrat dont la conclusion
s’avère seulement éventuelle. Sur ce point, voir notamment : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit.,
n° 261, p. 269.
280
La sanction prononcée dans ce type de contentieux par la chambre sociale de la Cour de cassation est
d’ailleurs l’absence de cause réelle et sérieuse. Voir notamment : Cass. soc., 11 févr. 2015, n° 13-22.579,
inédit – Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 08-42.951 : Bull. civ., V, n° 296. Pour une critique de l’assimilation de
la promesse d’embauche au contrat de travail, voir : S. François, « Promesse de vente et promesse
d’embauche - Regards croisés sur le sort réservé aux promesses de contrat par la jurisprudence », JCP G
2012, 529. Toutefois, sur le resserrement récent des conditions relatives à la promesse d’embauche, voir :
Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.103 : Bull. civ., V, à paraître, Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 714, obs.
Ch. Radé.
281
Le conseil de prud’hommes est ainsi compétent pour connaître des suites à donner à une promesse
d’embauche non suivie d’effet malgré la réalisation de la condition à laquelle l’engagement d’embauche
était subordonnée : Cass. soc., 5 avr. 2005, n° 02-45.636 : Bull. civ., V, n° 123 ; JCP S 2005, 1041, note B.
Boubli.
282
Sur la systématisation de ces critères, voir : P. Lokiec, « Le pacte d’actionnaires n’est pas un accessoire
au contrat de travail », op. cit., spéc. p. 263.
283
Ibid. Ce dernier vise à titre d’exemple la compétence du conseil de prud’hommes pour connaître d’un
litige relatif à une obligation de cessions de parts sociales pesant sur un directeur salarié en cas de rupture
du contrat de travail lorsque cette obligation est prévue dans le contrat de travail (Cass. soc., 17 déc. 1968 :
D. 1969, somm. 76).
284
Ibid. Ce dernier vise, entre autres, la compétence prud’homale pour les clauses dites de présence en
matière de stock-options.

64
elle-même accessoire au contrat de travail en raison de son objet285, mais également lorsque la
convention a été conclue par le plaideur en sa « qualité de salarié », autrement dit lorsqu’elle a
été conclue ou mise en œuvre dans le cadre d’un lien de subordination286.
La compétence du conseil de prud’hommes cesse dès lors seulement dans l’hypothèse où il
n’existe aucune possibilité de rattacher le litige au contrat de travail. L’étude du contentieux
du bail et de l’actionnariat-salarié permet d’ailleurs de corroborer ces affirmations.

30. L’exemple du contentieux du bail. Le conseil de prud’hommes est incompétent


pour connaître des contestations relatives à la conclusion d’un bail entre un employeur et un
salarié lorsque celui-ci relève du droit commun des baux d’habitation. Il n’existe en effet dans
cette hypothèse aucun moyen – ni formel, fonctionnel, matériel ou personnel – de rattacher
cette convention au contrat de travail287.
Il en va différemment lorsque le litige est relatif à un logement de fonction puisque ce dernier
constitue un accessoire du contrat de travail 288 . Le conseil de prud’hommes est ainsi
compétent pour connaître des contestations relatives aux caractéristiques du logement de
fonction, à la mise à disposition du logement promis et à l’évaluation de la valeur de cet
avantage en nature289, mais également pour se prononcer sur une demande d’expulsion fondée
sur la commission d’abus de jouissance grave du logement par le salarié290. Cette compétence
cesse toutefois à la rupture du contrat de travail dans la mesure où le tribunal d’instance
dispose d’une compétence exclusive pour l’expulsion de l’occupant d’un logement sans droit
ni titre291. Ces deux actions s’avèrent d’ailleurs totalement indépendantes puisque l’éventuelle

285
Ibid. Le conseil de prud’hommes est ainsi compétent pour connaître d’un engagement pris par un
employeur en matière de prévoyance dans la mesure où il constitue un avantage social complémentaire et
accessoire du contrat de travail (Cass. soc., 19 janv. 1999, nos 96-44.688 et 97-43.785 : Bull. civ., V, n° 34 ;
Dr. soc. 1999, p. 315, obs. Ph. Langlois).
286
Ibid., p. 264. On peut notamment viser la compétence prud’homale pour un litige relatif au
remboursement d’une somme d’argent, versée par un salarié « à titre de garantie » en raison de la signature
d’un contrat de travail (Cass. soc., 14 mai 1987, n° 84-41.490 : Bull. civ., V, n° 331).
287
Également en ce sens : M. Malet, L’exécution des décisions de justice prud’homales, LexisNexis 2016,
coll. Droit et professionnels, p. 45.
288
Voir : M. Richevaux, « Logement de fonction », J.-Cl. Travail 2010, fasc. 18-28.
289
Ibid. Voir parmi la jurisprudence citée : Cass. soc., 20 mai 2009, n° 08-43.211, inédit – Cass. soc., 21
mai 2008, n° 07-42.800, inédit.
290
La compétence exclusive du tribunal d’instance ne concerne en effet que les demandes d’expulsion des
occupants sans droit ni titre. Également en ce sens : M. Malet, L’exécution des décisions de justice
prud’homales, op. cit., spéc. p. 48.
291
Article R. 221-5 du code de l’organisation judiciaire. Voir notamment : Cass. soc., 29 juin 2010, n° 09-
13.219, inédit. Certains auteurs retiennent toutefois la compétence du conseil de prud’hommes lorsque la
rupture du contrat de travail est contestée et qu’une réintégration du salarié est envisageable. Sur ce point :
M. Malet, L’exécution des décisions de justice prud’homales, op. cit., spéc. p. 48 (CA Lyon, 10 mai 2011,
n° 10/01504).

65
remise en cause du bien-fondé du licenciement ne peut donner lieu qu’à un contentieux
indemnitaire et ne devrait avoir aucune incidence sur le prononcé d’une éventuelle expulsion
réclamée par l’employeur. Lorsque la nullité du licenciement est au contraire encourue, un
sursis à statuer du tribunal d’instance, dans l’attente du jugement du conseil de prud’hommes,
semble toutefois préférable. La Cour de cassation n’autorise d’ailleurs le juge des référés du
tribunal d’instance à ordonner une telle expulsion qu’en l’absence d’une contestation sérieuse
permettant au salarié de prétendre à la nullité de son licenciement292.

31. L’exemple du contentieux relatif à l’actionnariat salarié. Le développement


d’un droit de l’actionnariat salarié, avec l’apparition des options de souscription ou d’achat
d’actions, des attributions gratuites d’actions, et des bons de souscription de parts de créateurs
d’entreprise, nécessite que soit nuancée l’affirmation d’une véritable indépendance entre le
contrat de travail et le contrat de société293. Des clauses ont d’ailleurs pour objet de relier
l’acquisition ou la suppression de la qualité d’associé à celle de salarié. On vise notamment
les clauses de présence qui conditionnent l’exercice de droits d’options de souscription au
capital social mais également les clauses de départ qui subordonnent le maintien de la qualité
d’associé à la persistance de celle de salarié294.
La compétence prud’homale concerne les seuls litiges portant sur l’acquisition de la qualité
d’associé. La Cour de cassation considère en effet que l’attribution par l’employeur d’une
option donnant droit à une souscription d’actions constitue un accessoire au contrat de
travail295. Le conseil de prud’hommes est dès lors compétent pour se prononcer sur la validité
et la mise en œuvre des clauses subordonnant le bénéfice de l’option à la présence du salarié
dans l’entreprise. La juridiction prud’homale est ainsi amenée à déclarer non écrites – car
constitutives d’une sanction pécuniaire – les clauses privant les salariés licenciés pour faute
grave du bénéfice des stock-options296, ou encore à réparer le préjudice subi par un salarié du

292
Cass. soc., 29 mai 2001, n° 99-17.101, inédit.
293
En ce sens : P. Lokiec, « Le pacte d’actionnaires n’est pas un accessoire au contrat de travail », op. cit.,
spéc. p. 265. Sur le développement de l’actionnariat salarié, voir notamment : M. Cozian, A. Viandier et F.
Deboissy, Droit des sociétés, 30e éd., LexisNexis 2017, coll. Manuel, n° 1108 et suiv. – F. Laronze, « Le
salarié, justiciable au titre de son droit d’option », Dr. soc. 2014, p. 534 – G. Auzero, « Développement de
la participation et de l’actionnariat salarié », Bull. Joly 2007, p. 331 – R. Vatinet, « Développement de
l’actionnariat salarié », JCP S 2007, 1032.
294
Sur ce point : F. Deboissy et P. Lokiec, « Condition de présence du salarié dans la société et droit
d’associé », JCP S 2013, 1443.
295
Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-20.444 : Bull. civ., V, n° 161 ; JCP S 2008, 492, obs. N. Léger – Cass.
soc. 21 juin 2005, n° 02-45.479 : Bull. civ., n° 207 ; JCP S 2005, 1183, note B. Boubli.
296
Cass. soc., 21 oct. 2009, n° 08-42.026 : Bull. civ., V, n° 227 ; Dr. soc. 2010, p. 117, obs. G. Couturier.

66
fait de l’existence d’une inégalité de traitement dans l’octroi des actions297. Le conseil de
prud’hommes est en outre compétent pour connaître de la demande d’indemnisation d’un
salarié injustement privé du bénéfice de stock-options en raison de l’irrégularité de son
licenciement298.
La Cour de cassation estime en revanche que « les différends pouvant ensuite s’élever dans
les relations entre la société et le salarié devenu actionnaire, indépendamment des conditions
d’acquisition de ses actions, sont de la compétence de la juridiction commerciale » 299 .
L’intervention du conseil de prud’hommes ne se justifie plus dans cette hypothèse dans la
mesure où le litige concerne les relations entre le salarié, pris en sa qualité d’actionnaire, et la
société. Le conseil de prud’hommes est ainsi incompétent pour connaître des demandes qui
portent sur le caractère irrégulier de l’établissement des comptes de la société, ou pour
indemniser le préjudice résultant de la diminution des dividendes et de la dévalorisation de
l’action300. Son incompétence s’étend au contentieux relatif au prix de cession des actions
détenues par le salarié en cas de perte de sa qualité de salarié. Lorsque des clauses d’exclusion
statutaire ou un pacte d’actionnaires prévoient que les salariés s’engagent à céder la totalité de
leurs actions en cas de perte de la qualité de salarié pour quelque raison que ce soit, et
modulent le prix de la cession selon la cause de la cessation du contrat de travail, les salariés
peuvent en effet contester le prix de cession fixé en application de la méthode de calcul prévu
dans l’acte et saisir un expert désigné en justice en application de l’article 1843-4 du code
civil301. En ce domaine, le tribunal de commerce est dès lors seul compétent pour apprécier la
validité de ces clauses qui font dépendre la valeur des titres des circonstances de la rupture du
contrat de travail302.

297
Cass. soc., 11 sept. 2012, n° 11-26.045 : Bull. civ., V, n° 225.
298
Cass. soc, 27 févr. 2013, n° 11-27.319, inédit – Cass. soc., 29 sept. 2004, n° 02-40.027 : Bull. civ., V, n°
234 ; Rev. sociétés 2005, p. 396, note B. Saintourens. Pour une critique de l’indemnisation de la seule perte
de chance de bénéficier des actions, voir : F. Deboissy et P. Lokiec, « Condition de présence du salarié
dans la société et droit d’associé », op. cit., spéc. p. 11. Ces derniers estiment en effet que la subordination
de l’option d’achat à la présence du salarié dans l’entreprise constitue une condition de la promesse
unilatérale réalisée par l’employeur. L’employeur ne devrait ainsi pas pouvoir se prévaloir du jeu de la
condition lorsqu’il est à l’origine de sa défaillance.
299
Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-20.444, op. cit.
300
Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-20.444 : Bull. civ., V, n° 161 ; RDS 2009, p. 102, note J.-F. Barbièri ;
JCP S 2009, 1044, note J. Kovac et P. Montanier – Cass. soc., 18 oct. 2007, n° 06-45.331 : D. 2008, p. 262,
note P. Lokiec ; Bull. Joly 2008, p. 119, n° 29, note C. Néau-Leduc.
301
Sur l’application des dispositions de l’article 1383-4 du code aux clauses de rachat contenues dans une
promesse unilatérale conditionnelle de cessions souscrite par un salarié, voir : Cass. com., 4 déc. 2012, n°
10-16.280 : Bull. IV, n° 223 ; JCP E 2013, 1000, note B. Dondero.
302
Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1087, note F. Duquesne ;
JCP G 2016, 957, note J. Chacornac. L’incompétence prud’homale s’explique également en l’espèce par le
fait que l’employeur n’était ni le promettant, ni le bénéficiaire de la promesse de cession. Le contentieux
opposait en effet le salarié associé à une entreprise du groupe auquel appartient l’employeur.

67
β. L’exigence peu contraignante d’un litige « individuel »

32. Origine de l’exclusion des litiges collectifs303. L’exclusion de la compétence du


conseil de prud’hommes pour les litiges collectifs ne résulte explicitement d’aucun texte et
s’explique par des raisons historiques304. La création des prud’hommes a en effet précédé
l’apparition des droits collectifs et lorsque ces derniers se sont développés, le choix s’est
tourné vers la création d’une juridiction spéciale, distincte du conseil de prud’hommes305. Au
regard de la vocation conciliatrice des prud’hommes, la mise en place de la Cour supérieure
d’arbitrage paraît surprenante. Certains auteurs estiment d’ailleurs que les prud’hommes
auraient tout à fait pu être inclus « dans les procédures de règlement des conflits
collectifs »306, à l’instar de ce qui avait cours dans les juridictions du travail en Alsace et
Moselle307.
Malgré les nombreuses contestations relatives aux contours et au bien-fondé de la distinction
entre l’individuel et le collectif 308 et l’abandon du caractère obligatoire des procédures
d’arbitrage et de conciliation309, la compétence du conseil de prud’hommes n’a toutefois
jamais été étendue aux litiges collectifs.

303
Nous renvoyons ici à la terminologie retenue par le Professeur Antoine Jeammaud dans l’article
suivant : A. Jeammaud, « Conflit, différend, litige », Droits 2001, n° 34, p. 15. Ce dernier y distingue les
litiges, les différends et les conflits collectifs. Alors que le conflit n’est qu’une « relation antagonique que
réalise ou révèle une opposition de prétentions ou aspirations souvent complexes, plus ou moins clairement
formulées entre deux ou plusieurs groupes ou individus et qui peut connaître une succession d’épisodes,
d’actions, d’affrontements », le différend est un désaccord juridique non encore porté devant une
juridiction. Le litige est quant à lui une opposition de prétentions juridiques soumises à une juridiction
civile, pénale, administrative ou arbitrale appelée à trancher par une décision ».
304
En ce sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 291, p. 291. Sur la limitation de la
compétence du conseil de prud’hommes aux seuls litiges individuels, voir notamment : B. Boubli,
« Conseil de prud’hommes – Compétence matérielle », J.-Cl. Travail 2008, fasc. 81-20, n° 65 – J. Le Goff,
Droit du travail et société, op. cit., spéc. p. 977 – H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La
compétence, Sirey 1973, n° 136, p. 185. Voir également : J. Villebrun, Traité théorique et pratique de la
juridiction prud’homale, LGDJ 1963, n° 149, p. 110 : « Seul un conflit individuel relève de la compétence
de la juridiction prud’homale ».
305
Voir : supra, introduction, n° 2.
306
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 291, p. 291.
307
Directement issues du modèle Allemand, les juridictions du travail en Alsace et Moselle ont pu concilier
et arbitrer les conflits collectifs jusqu’en 1982. Sur la spécificité de ce statut local, voir : A. Supiot, Les
juridictions du travail, op. cit., p. 295, note 1 et l’article cité : N. Olszak, « Le statut local des Conseils de
prud’hommes : un particularisme fondé sur l’indifférence », Revue D’Alsace 1980, n° 106, p. 135.
308
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 290, p. 290 : « L’articulation de l’individuel et du
collectif est l’un des problèmes les plus redoutables de droit du travail ». Voir également : J.-C. Javillier et
H. Sinay, La grève, 2e éd, Dalloz 1984, coll. Traité de droit du travail sous la direction de G.-H.
Camerlynck, t. 6, spéc. n° 318, p. 487 – M. David, « L’évolution historique des Conseils de prud’hommes
en France », op. cit., spéc. S. 17.
309
Sur la nécessité de faire évoluer les critères de la compétence prud’homale après la suppression du
caractère obligatoire de l’arbitrage, voir : J. Rivero, « Conciliation et arbitrage dans la loi du 11 février

68
33. Interprétation restrictive de la notion de litige collectif. L’étude de la
jurisprudence révèle une interprétation finalement assez restrictive du périmètre des litiges
collectifs par la Cour de cassation. À partir des années cinquante, la chambre sociale de la
Cour de cassation a en effet fait prévaloir l’aspect individuel des litiges sur leur aspect
collectif310. Ce phénomène de « prud’homisation » des litiges est tel que la compétence
prud’homale n’est aujourd’hui exclue que lorsque l’objet de la demande principale porte sur
la reconnaissance ou l’interprétation d’un droit collectif311, autrement dit lorsque la demande
ne présente aucun intérêt individuel312. Le conseil de prud’hommes est ainsi incompétent pour
connaître de demandes se bornant soit à vouloir faire juger l’application d’un accord
collectif313, soit à voir préciser la portée d’une disposition d’une convention collective314. Le
conseil de prud’hommes peut toutefois proroger sa compétence lorsque l’appréciation ou
l’interprétation de la convention collective constitue un moyen de défense au soutien d’une
demande individuelle de rappel de salaires ou tendant au bénéfice d’un avantage315. Le
caractère individuel ou collectif des moyens de défense invoqués ne saurait en effet avoir une
incidence sur la compétence prud’homale au principal.

1950 », Dr. soc. 1950, p. 145. La procédure de conciliation a quant à elle été rendue facultative par la loi n°
82-957 du 13 novembre 1982. La Cour supérieure d’arbitrage continue d’exister et connaît actuellement
des recours pour excès de pouvoir et violation de la loi formés par les parties contre les sentences arbitrales
en vertu de l’article L. 2524-7 du code du travail.
310
A cette époque, qualifier un conflit de collectif aurait conduit à le « vouer au marais » : R. De Lestang,
« L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op. cit., spéc. S. 28 et suiv. Également en ce
sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 292, p. 291 – J.-C. Javillier, Recherche sur les
conflits du travail, Thèse Paris I (dactyl.) 1973, t. 1, p. 146 : « L’absence de mode de solution propre aux
conflits collectifs conduit à restreindre leur domaine ».
311
J. Villebrun et G.-P. Quétant, Traité de la juridiction prud’homale, 3e éd., LGDJ 1998, coll. Traité, p.
243 et suiv. – A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 293, p. 292. Sur la définition d’un conflit
collectif par la Cour supérieure d’arbitrage avant 1950, voir : J.-C. Javillier, Recherche sur les conflits du
travail, op. cit., t. 1, p. 148 et suiv.
312
J.-C. Javillier, Recherche sur les conflits du travail, op. cit., t. 1, p. 155 et suiv.
313
Cass. soc., 6 mai 1998, n° 96-41.712 : Bull. civ., V, n° 234 ; Dr. soc. 1998, p. 731, obs. G. Couturier ;
TPS 1998, comm. 377 B. Boubli.
314
Cass. soc., 30 avr. 1997, nos 95-43227 et 95-43261 : Bull. civ., V, n° 153 ; TPS 1997, comm. 271 B.
Boubli.
315
Cass. soc., 20 oct. 1988, n° 85-45.164 : Bull. civ. 1988, V, n° 548. Sur ce point, voir notamment : M.
Despax, Négociations, conventions et accords collectifs, t. 7, 2e éd., Dalloz 1989, coll. Traité de droit du
travail sous la direction de G.-H. Camerlynck, n° 198, p. 347 – C. Pactet, « Le contentieux des conventions
collectives », Dr. soc. 1973, p. 102 – C. Giverdon, « Les juridictions compétentes à l’effet de connaître des
litiges se rapportant aux conventions collectives de travail », in Mélanges offerts à Monsieur le Professeur
Pierre Voirin, LGDJ 1967, p. 248 – P. Hébraud, « De la répartition des compétences sur les litiges se
rapportant à une convention collective », RTD civ. 1960, p. 164.

69
Le nombre de litiges individuels316, la répercussion potentiellement étendue de la solution à
intervenir317, ou encore l’origine collective de la demande318 ne font pas davantage perdre au
litige son caractère individuel. Les incidences que pourraient avoir la grève sur l’exécution du
contrat de travail relèvent ainsi du conseil de prud’hommes, qu’il s’agisse notamment de la
contestation d’une sanction disciplinaire infligée au salarié pour fait de grève 319 ou de
l’indemnisation des pertes de salaires consécutives à un lock-out320.

b. Une compétence délimitée pour les autres attributions

34. Compétence pour les litiges entre salariés. La compétence prud’homale


s’étend aux litiges qui pourraient s’élever à « l’occasion du travail » entre des salariés321.
L’existence d’un lien avec le travail n’est toutefois pas suffisante puisque la Cour de cassation
exige que le litige soit né à l’occasion « du contrat de travail ». Le conseil de prud’hommes
est ainsi incompétent pour connaître de l’action intentée, par un salarié licencié, à l’encontre
d’anciens collègues ayant fourni des attestations diffamatoires dans le cadre d’un contentieux
opposant ce salarié à son ancien employeur322. Dans cette hypothèse, l’incompétence du
conseil de prud’hommes s’explique par le fait que le litige est né après la rupture du contrat
de travail et n’oppose donc plus des salariés. Les cas de saisine du conseil de prud’hommes
sur le fondement de l’article L. 1411-3 du code du travail sont en réalité assez rares en
jurisprudence. Peuvent notamment être cités un litige né à l’occasion d’une grève entre des
salariés qui avaient souhaité poursuivre leur travail et ceux qui y avaient fait obstacle323 ou
encore un litige entre deux musiciens portant sur la redistribution des cachets versés à
l’occasion du travail qu’ils exécutaient en commun pour les mêmes employeurs, dans le cadre
des contrats de travail individuels conclus avec les organisateurs de spectacle, peu important

316
Cass. soc., 23 juin 1960 : Bull. civ., V, n° 688. Également en ce sens : J.-C. Javillier, Recherche sur les
conflits du travail, op. cit., t. 1, p. 157 : « La coexistence de multiples demandes fondées sur une
disposition de droit ne peut changer la qualification de chacune des demandes ; elles restent individuelles ».
317
Cass. soc., 24 avr. 1975, n° 74-40.509 : Bull. civ., V, n° 209. Pour une critique du « critère quantitatif »
pour délimiter les conflits individuels et collectifs, voir : J.-C. Javillier, Recherche sur les conflits du
travail, op. cit., t. 1, p. 117.
318
Il importe peu que la demande soit née à l’occasion d’un conflit collectif ou de l’exercice d’un droit
collectif. En ce sens, voir : B. Boubli, « Conseil de prud’hommes – Compétence matérielle », J.-Cl. Travail
2008, fasc. 81-20, n° 68.
319
Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-12.561, inédit.
320
Cass. soc., 17 déc. 2013, n° 12-23.006 : Bull. civ., V, n° 303.
321
Article L. 1411-3 du code du travail.
322
Voir notamment : Cass. soc., 26 mars 1997, n° 94-44.055, inédit – Cass. soc., 15 juin 1995, n° 94-
40748, inédit.
323
Cass. soc, 3 mars 1983, n° 81-15.453 : Bull. civ.,V, n° 129 ; Dr. soc. 1983, p. 638, note J. Savatier.

70
l’absence de lien de subordination entre les intéressés324. Malgré la faiblesse quantitative de
ce contentieux, une réécriture de cette attribution de compétence semble nécessaire. Afin
d’éviter les erreurs de saisine et les conflits de compétence, le texte d’attribution devrait
laisser apparaître plus clairement l’exigence d’un lien avec le contrat de travail.

35. Compétence pour les litiges des gérants non-salariés de succursales. L’article
L. 7322-5 du code du travail étend la compétence du conseil de prud’hommes aux litiges
relatifs aux conditions de travail des gérants non-salariés de succursales325. Le conseil de
prud’hommes est ainsi compétent pour connaître d’une demande tendant à voir juger abusive
la rupture d’un contrat de gérance justifiée par une inaptitude, au motif de l’irrespect de
l’obligation de reclassement326. La compétence du conseil de prud’hommes cesse en réalité
uniquement lorsque le litige ne concerne pas les conditions de travail et porte sur les
modalités commerciales d’exploitation des succursales et notamment sur le déficit de
gestion327.
L’attribution spéciale de compétence pour les gérants non-salariés de succursales révèle a
contrario l’incompétence du conseil de prud’hommes pour les autres travailleurs non-salariés
pour lesquels une telle attribution n’existe pas. Aucune des dispositions relatives aux
travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique ne donne par
exemple compétence au conseil de prud’hommes328. Ces travailleurs non-salariés devront
ainsi saisir en fonction du montant de leur litige le tribunal d’instance ou le tribunal de grande
instance329. Afin de prévenir d’éventuels conflits de compétence330, une attribution expresse
de compétence au profit de l’une de ces juridictions paraît plus que nécessaire331.

324
Cass. soc., 18 mars 2008, n° 07-40.835 : Bull. civ., V, n° 67 ; JCP S 2008, 1327, note Th. Lahalle.
325
Cass. soc., 26 févr. 1992 : RJS 1992, n° 536.
326
Cass. soc., 5 oct. 2016, n° 15-22.530 : Bull. civ., V, à paraître.
327
Article L. 7322-5, alinéa 1 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc., 22 nov. 1979, n° 78-11.708 :
Bull. civ., V, n° 890 – Cass. com., 9 juill. 1962 : Bull. civ. 1962, III, n° 349.
328
Articles L. 7342-1 et L. 7342-4 du code du travail. Ces dispositions concernent uniquement les
plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu, qui
fixent son prix et qui réalisent un certain chiffre d’affaire.
329
Un certain nombre de contentieux sont envisageables : i. En cas de défaut de prise en charge d’une
partie de la cotisation du travailleur lorsque ce dernier souscrit à une assurance couvrant le risque
d’accidents du travail ou à l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail de la sécurité sociale ; ii.
En cas de défaut de prise en charge de la contribution au droit d’accès à la formation professionnelle ; iii.
En cas de défaut de prise en charge des frais d’accompagnement pour la validation des acquis de
l’expérience ; iiii. En cas d’engagement de leurs responsabilités contractuelles, de la rupture de leurs
relations avec la plateforme ou de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité au motif de
l’exercice de leur droit de refuser de manière concerté de fournir le service en vue de défendre des
revendications professionnelles ; iiiii. En cas d’atteinte au droit de constituer une organisation syndicale,
d’y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs.

71
36. Compétence pour le contentieux des relevés de créances salariales lors d’une
procédure collective. L’ouverture d’une procédure collective emporte des conséquences
importantes sur le règlement des créances. Afin d’être réglée dans le plan de sauvegarde, de
redressement ou de liquidation, toute créance doit en effet faire l’objet d’une consécration
judiciaire 332 . Les créances salariales relèvent toutefois de dispositions spécifiques et
l’obligation de déclarer les créances ne pèse pas sur les salariés mais sur le mandataire
judiciaire qui doit effectuer le relevé des créances salariales333. Ce dernier est ensuite soumis à
la vérification du représentant des salariés et visé par le juge-commissaire334. Après dépôt au
greffe, ces relevés sont transmis à l’Association pour la Gestion du régime de garantie des
créances des Salariés (AGS) qui garantit une partie des créances à charge pour elle de
récupérer ces avances auprès du débiteur principal en subrogation des droits du salarié
désintéressé335.
Lorsqu’un salarié veut contester l’état des créances figurant dans le relevé des créances
salariales, il doit saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes dans un délai de
deux mois à compter de la publication de l’avis de dépôt au greffe dans un journal d’annonces
légales336. Il revient alors au conseil de prud’hommes de déterminer le montant des sommes à
inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce. Cette compétence
s’étend également à la contestation par le salarié du refus, par l’AGS ou les institutions
mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail, de régler une créance figurant sur un
relevé des créances résultant de son contrat de travail avec mise en cause du mandataire

330
L’organisation d’une partie des conditions d’exécution de la prestation de travail de ces travailleurs par
le code du travail pourrait en effet conduire le justiciable à penser qu’il relève du conseil de prud’hommes.
331
Le décret n° 2017-774 du 4 mai 2017 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mise en
relation par voie électronique n’envisage aucunement la question des attributions de compétences.
332
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ 2016, coll. Précis Domat, spéc.
p. 467 : « Chapitre 2 : La détermination du patrimoine du débiteur ».
333
R. Vatinet, « Le volet social de la loi de sauvegarde des entreprises précisé par son décret
d’application », JCP S 2006, 1205.
334
Articles L. 625-1 et R. 625-1 du code de commerce. Article L. 3253-19 du code du travail.
335
Article R. 625-1 du code de commerce. Sur les créances garanties par l’AGS et la limite de leur
montant, voir : G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis, n°
1001 et suiv.
336
Articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de commerce. Jusqu’en 1985, le salarié devait contester l’absence
de sa créance sur le relevé de créances devant le tribunal de commerce avec renvoi possible devant le
conseil de prud’hommes pour trancher une éventuelle question de fond. Sur cette double saisine, voir
notamment : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. 329 – F. Saramito, « La suspension des
poursuites individuelles et les instances prud’homales », Dr. ouvr. 1985, p. 181.

72
judiciaire, du débiteur et de l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance337. Là
encore, seul le bureau de jugement est compétent pour une telle demande338.

c. Des pouvoirs précisés pour la formation de référé

37. Distinction entre le référé et la forme des référés. L’ordonnance de référé ne


doit pas être confondue avec le jugement rendu « en la forme des référés » qui est un
jugement au fond, qui se caractérise par son caractère exécutoire et qui bénéficie de l’autorité
de la chose jugée 339 . La forme des référés emprunte toutefois au référé ses formes
procédurales quant au mode de saisine du tribunal, de comparution ou de représentation des
parties et quant aux débats à l’audience340.
En droit du travail, l’article R. 1455-12 du code du travail prévoit à ce titre que lorsque le
conseil de prud’hommes statue en la forme des référés, et à moins qu’il en soit disposé
autrement, la demande est portée à une audience tenue à cet effet aux jour et heures habituels
des référés, dans les conditions prévues pour le référé. En créant cet article, le décret n° 2016-
660 du 20 mai 2016 n’a toutefois pas permis d’unifier le traitement procédural des affaires
relevant de cette procédure341. Dans un certain nombre de cas, la loi désignait en effet
expressément le bureau de jugement pour statuer en la forme des référés342 ou prévoyait la
compétence du bureau de jugement tout en renvoyant à un texte règlementaire qui précisait,
quant à lui, la forme des référés343. Il en résulte que désormais la procédure en la forme des

337
Article L. 625-4 al 2 du code de commerce.
338
Article L. 625-5 du code de commerce.
339
Ibid. L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 91, p. 95.
340
Ibid. Article 492-1 du code de procédure civile.
341
En ce sens, consulter la fiche « La procédure prud’homale : les référés en la forme », disponible sur le
site du ministère de la Justice. La loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dite Rebsamen n’avait par exemple pas
précisé la formation compétente pour connaître du contentieux des ruptures non consenties d’un contrat
d’apprentissage (article L. 6222-18 du code du travail).
342
Tel est le cas de l’action ouverte au salarié ou au délégué du personnel pour faire cesser une atteinte aux
droits des personnes après l’exercice infructueux du droit d’alerte (article L. 2313-2 du code du travail).
Cette action est reprise au futur article L. 2312-59 du code du travail pour le comité social et économique.
343
Tel est le cas du refus du congé de formation économique et sociale et de formation syndicale (articles
L. 3142-13 et R. 3142-4 du code du travail), du refus du congé de solidarité internationale (articles L. 3142-
34 et D. 3142-16 du code du travail), du refus du congé de représentation (articles L. 3142-54 et R. 3142-
29 du code du travail), ou encore du congé de reprise d’entreprise ou sabbatique (articles L. 3142-97 et D.
3142-52 du code du travail).

73
référés relève tantôt de la formation des référés statuant au fond344, tantôt du bureau de
jugement saisi sans préalable de conciliation345.

38. Les cas d’ouverture à référé. Les cas d’ouverture à référé devant le conseil de
prud’hommes sont en réalité identiques à ceux des autres juridictions346. Des pouvoirs sont en
effet conférés au juge des référés prud’homal en cas d’urgence 347 , en présence d’une
obligation dont l’existence n’est pas sérieusement contestable348 et pour prévenir un dommage
imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite349.

39. Pouvoir du juge des référés en cas d’urgence. Le juge des référés peut, dans
tous les cas d’urgence, ordonner les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse
ou que justifie l’existence d’un différend. L’urgence se matérialise « lorsque la situation ne
peut souffrir d’aucun retard ou lorsque le retard risque d’entraîner un préjudice
irréparable » 350 . En matière prud’homale, certains font d’ailleurs remarquer que la
jurisprudence considère cette condition toujours remplie, « ne serait-ce qu’en raison des
enjeux alimentaires qui président au litige »351.
Si l’absence de contestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point
contesté352, le deuxième sous-critère semble viser la préservation du droit d’action au fond353.
Il s’agit donc d’ordonner des mesures préparatoires utiles au règlement ultérieur du fond de
l’affaire. La formation de référé pourrait à ce titre ordonner la production de pièces ou

344
Il en est ainsi pour le contentieux relatif aux ruptures non consenties d’un contrat d’apprentissage
(article L. 6222-18 du code du travail).
345
Sur ce point, voir : D. Boulmier, « Vers la disparition de la conciliation prud’homale ? À propos de
l’extension des cas d’exemption », Dr. ouvr. 2014, p. 811. Ce dernier souhaite que l’ensemble des litiges
exemptés de conciliation relèvent de la procédure « en la forme des référés » (p. 813). Tel n’est pas le cas à
l’heure actuelle des litiges portant sur une prise d’acte (article L. 1451-1 du code du travail) ou des litiges
relatifs à la requalification d’une convention de stage (article L. 1454-5 du code du travail).
346
Les articles 808 et suivants du code de procédure civile, les articles 848 et suivants du code de
procédure civile, les articles 872 et suivants du code de procédure civile et les articles R. 1455-5 et suivants
du code du travail prévoient les cas d’ouverture à référé respectivement pour le tribunal de grande instance,
le tribunal d’instance, le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes.
347
Article R. 1455-5 du code du travail.
348
Article R. 1455-7 du code du travail.
349
Article R. 1455-6 du code du travail.
350
R. Perrot, « L’évolution du référé », in Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des sciences
sociales de Toulouse 1981, p. 645.
351
A. Supiot, « Les pouvoirs de la formation des référés », Dr. soc. 1986, p. 535, spéc. p. 536.
352
M.-C. Rivier, « L’évidence et la notion de contestation sérieuse devant le juge des référés », Gaz. Pal.
1991, 2, p. 355 : « Il n’y a pas de contestation sérieuse lorsqu’il n’y a pas de doute raisonnable sur la
solution que retiendrait le juge du fond s’il était saisi ».
353
En ce sens, voir : B. Boubli, « Juridictions du travail », J.-Cl. Travail 2009, fasc. 80-10, n° 37.

74
d’informations détenues par une partie354. Concernant l’absence de contestation sérieuse, le
juge des référés prud’homal est notamment autorisé à ordonner le paiement d’une somme
indûment retenue par un employeur sur le salaire d’un salarié et correspondante à la fraction
d’un préavis non exécuté355.

40. Pouvoir du juge des référés en présence d’une obligation dont l’existence
n’est pas sérieusement contestable. L’article R. 1455-7 du code du travail prévoit que
lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut
accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit
d’une obligation de faire. Il ne doit en réalité exister aucun doute sur la manière dont cette
contestation serait tranchée par le juge du fond. Autrement dit, l’éventuelle contestation ne
doit avoir aucune chance de prospérer356.
Constituent notamment des obligations dont l’existence n’est pas sérieusement contestable et
qui peuvent donner lieu à provision, la créance de salaire liée à des retenues au-delà du temps
d’une grève357, la créance liée à l’absence de motivation d’une lettre de licenciement358, ou
encore la créance de paiement de frais de déplacement professionnel qu’un salarié justifie
avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de
l’employeur359. Face à une obligation non contestable, le juge des référés prud’homal peut
également ordonner l’exécution en nature de l’obligation, et notamment le report des jours de
congés d’un salarié qui a été empêché de les prendre en raison d’absences liées à une
maladie360. Dans l’ensemble de ces hypothèses, le référé représente donc « une sorte de
‘‘délestage’’ qui permet d’obtenir à bref délai la solution des litiges les plus simples »361. Les
mesures prononcées dans ce cadre permettent en effet la plupart du temps de mettre un terme
définitif au litige.

354
En ce sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 644, p. 603.
355
Cass. soc., 28 avr. 1994, n° 90-46.044 : Bull., V, n° 155.
356
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 638 et suiv, p. 595. Ce dernier évoque notamment
l’hypothèse de la contestation relative à la désignation d’un représentant du personnel, qui faute d’avoir été
soulevée à bref délai devant le tribunal d’instance ne pourrait plus faire obstacle à l’intervention de la
formation de référé.
357
Cass. soc., 3 févr. 1993, n° 90-41.665 : Bull. civ., V, n° 40. L’exercice du droit de grève ne peut donner
lieu de la part de l’employeur qu’à un abattement proportionnel à l’arrêt de travail.
358
Cass. soc., 29 mai 2002, n° 00-42.101, inédit – Cass. soc., 17 févr. 1998, n° 97-41.409 : Bull. civ., V,
n° 87 – Cass. soc., 28 juin 1995, n° 93-43.893, RATP c/ Mokrane : Bull. civ., V, n° 222.
359
Cass. soc., 23 sept. 2009, n° 07-44.477, Société Eismann c/ Marcos : Bull. civ., V, n° 204.
360
Cass. soc., 24 févr. 2009, n° 07-44.488 : Bull. civ., V, n° 49 ; Dr. ouvr. 2009, p. 229, note E. Richard.
361
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. 599.

75
41. Pouvoir du juge des référés pour prévenir un dommage imminent ou faire
cesser un trouble manifestement illicite. En vertu de l’article R. 1455-6 du code du travail,
le juge, même en présence d’une contestation sérieuse, peut prescrire les mesures
conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent,
soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite implique « la violation flagrante d’une règle impérative ou
une atteinte à un droit protégé »362. Constituent notamment un tel trouble la sanction de
l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice363, le non-paiement des salaires en
l’absence de rupture du contrat de travail364, le non-respect du délai de prévenance prévu au
contrat concernant la modification des horaires de travail365, l’exécution d’une clause de non-
concurrence non assortie d’une contrepartie financière366, le refus de réintégrer un salarié
protégé malgré l’annulation de l’autorisation de son licenciement 367 , des pratiques
discriminatoires liées à l’activité représentative368 telles que le licenciement d’un salarié
protégé sans autorisation administrative préalable369 ou encore la modification unilatérale du
contrat de travail d’un salarié protégé 370 . Peuvent également être cités le refus d’une
entreprise cessionnaire de poursuivre l’exécution des contrats de travail à la suite d’un

362
E. Wagner, « La violation d’une règle légale impérative par l’employeur (à propos de la réintégration
des salariés ordinaires) », Dr. ouvr. 1995, p. 365. Pour davantage d’illustrations, voir : Th. Durand, « Le
juge prud’homal des référés, à saisir d’urgence ! », Dr. ouvr. 2012, p. 533 et S. Nicolier-Bigel,
« L’expérience d’une conseillère prud’homme CGT au référé parisien », in Dossier spéc. « Les contentieux
de l’urgence et le droit du travail », Dr. ouvr. 2004, p. 282.
363
Le juge des référés peut ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d’une
liberté fondamentale par l’employeur : Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-11.740 : Bull. civ., V, n° 27 ; Dr.
ouvr. 2013, p. 549, note A. Mazières.
364
Le juge peut ordonner au mandataire d’une société de reprendre le paiement des salaires : Cass. soc., 3
mars 2015, n° 13-22.411 : Bull. civ., V, n° 37 ; RDT 2015, p. 477, obs. M. Grévy.
365
Le juge des référés peut ordonner le rétablissement des horaires antérieurs : Cass. soc., 5 oct. 2011, n°
10-30599, inédit.
366
CPH Bordeaux, réf., dép., 5 juill. 2011, Lasserre c/ IFI Peinture : Dr. ouvr. 2011, p. 739 (le juge peut
déclarer inopposable au salarié la clause de non-concurrence) – Cass. soc., 1er juill. 2009, n° 08-43.305,
inédit – Cass. soc., 25 mai 2005, n° 04-45.794 : Bull. civ., V, n° 180.
367
Cass. soc., 20 avr. 2017, n° 15-25.401, inédit.
368
Pour davantage d’exemples de reconnaissance de troubles manifestement illicites dans des hypothèses
de pratiques discriminatoires liées à l’état de santé, au handicap ou au sexe du salarié, voir : M.-A. Drica,
« Le juge prud’homal des référés face aux discriminations », Dr. ouvr. 1998, p. 431 et P. Moussy, « Le
référé prud’homal face aux discriminations », Dr. ouvr. 1992, p. 366.
369
Cass. soc., 23 oct. 2007, n° 06-44.438 : Bull. civ., V, n° 174 (le juge des référés peut ordonner la
réintégration du salarié.) – Cass. soc., 14 juin 1972, n° 71-12.508, Revêt-sol : Bull. civ., V, n° 425.
370
Le juge des référés peut ordonner la réintégration dans l’ancien poste : Cass. soc., 10 mai 2005, n° 03-
43.292, inédit.

76
transfert d’entreprise répondant aux conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail371, ou
encore le licenciement d’un salarié avec pour seul motif la participation à une grève372.
La notion de dommage imminent s’entend quant à elle d’un « dommage qui n’est pas encore
réalisé » mais qui se produira nécessairement si la situation présente se perpétue373. Aucun
préjudice actuel n’est donc exigé pour se prévaloir de cette notion. Constitue notamment un
tel dommage le risque de perte d’emploi d’un salarié par l’effet de la survenance du terme de
son contrat de travail durant la procédure de requalification de ce contrat en contrat à durée
indéterminée. Les salariés en contrat à durée déterminée peuvent ainsi demander en référé la
poursuite des relations de travail pendant le temps de la procédure de requalification devant le
conseil de prud’hommes374.

2. La clarification des limites de la compétence

42. Une clarification nécessaire. La limitation des cas de conflits de compétences


nécessite d’accroître pour le justiciable la visibilité des limites de la compétence du conseil de
prud’hommes. À l’heure actuelle, seuls les litiges survenus en matière d’accidents du travail
et de maladies professionnelles (ATMP) sont en effet expressément exclus par le code du
travail, alors que l’incompétence du conseil de prud’hommes s’étend à tous les litiges
attribués à une autre juridiction par la loi375.

a. Une clarification progressive pour le contentieux des ATMP

43. L’époque des incertitudes. L’exclusion de la compétence du conseil de


prud’hommes pour les accidents du travail et les maladies professionnelles doit être mise en
perspective avec l’immunité de l’employeur qui empêche la victime de demander une

371
Le juge des référés peut ordonner la poursuite des contrats de travail avec l’entreprise cessionnaire :
Cass. soc., 12 juin 2007, n° 06-41.554, inédit : Dr. ouvr. 2008, p. 86, note A. de Senga.
372
Cass. soc., 14 avr. 2010, n° 08-44.845, inédit (le juge des référés peut ordonner la réintégration des
salariés) – Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-40.139 : Bull. civ., V, n° 172 ; Dr. ouvr. 2010, p. 53, note E.
Delgado – Cass. soc., 26 sept. 1990, n° 88-41.375 : Bull. civ., V, n° 387 ; Dr. ouvr. 1990, p. 457, note F.
Saramito.
373
Cass. com., 13 avr. 2010, n° 09-14.386, inédit : Procédures 2010, comm. 222 R. Perrot.
374
Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-18.560, inédit : RDT 2017, p. 415, note S. Tournaux ; RDT 2017, p. 347,
note S. Mraouahi ; JCP E 2017, 1339, note J.-J. Perrin. Un arrêt récent semble toutefois annonciateur d’un
prochain revirement : Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.270 : Bull. civ., V, à paraître ; Lexbase Hebdo éd.
S 2017, n° 714, obs. Ch. Willmann ; RDT 2017, à paraître, note M. Galy.
375
Article L. 1411-4 du code du travail.

77
indemnisation complémentaire sur le fondement du droit commun376. D’apparence simple,
cette répartition de compétence entre le conseil de prud’hommes et le tribunal des affaires de
la sécurité sociale s’est obscurcie lorsque certains salariés – dans le cadre d’un contentieux de
l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle devant le
conseil de prud’hommes – ont réussi à contourner l’interdiction de réparation complémentaire
en invoquant une action en responsabilité contre l’employeur pour mauvaise exécution du
contrat de travail ou pour manquement à l’obligation de sécurité377.
Tout en rappelant « la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale pour
l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la
conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité », la chambre
sociale de la Cour de cassation affirmait en effet la compétence exclusive de la juridiction
prud’homale pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la
rupture du contrat de travail378, et avait ainsi pu admettre la réparation de la perte d’emploi379,
ou encore celle de la perte de droit à la retraite380. Le conseil de prud’hommes pouvait ainsi
indemniser les préjudices à la condition qu’ils ne soient ni réparés ni réparables par la
législation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Or, avec la réserve
d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel quant à la constitutionnalité de l’article
L. 452-3 du code de sécurité sociale381, la liste de ces préjudices réparables s’est accrue et la

376
Selon l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents du
travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou
ses ayants droit. Sur ce point, voir notamment : J.-J. Dupeyroux, M. Borgetto et R. Lafore, Droit de la
sécurité sociale, 18e éd., Dalloz 2015, coll. Précis, p. 620 – J.-P. Laborde, Droit de la sécurité sociale, PUF
2005, coll. Thémis Droit public, p. 351 – J.-J. Dupeyroux, « Un deal en béton », Dr. soc. 1998, p. 613.
377
Voir notamment : A. Bugada, « L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur en matière
prud’homale : obligation de moyen ou de résultat ? », JCP S 2014, 1450, spéc. p. 21 – M. Pierchon, « La
réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle entre le Tass et le conseil de
prud’hommes », JCP S 2007, 1666.
378
Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-18.696 : Bull. civ., V, n° 185 ; JCP S 2014, 1428, note É. Combes et S.
Orbec-Barthe – Cass. soc., 11 déc. 2013, n° 12-19.408, inédit : JCP S 2014, 1231, note M. Babin – Cass.
soc., 29 mai 2013, n° 11-20.074 : Bull. civ., V, n° 139 ; Dr. soc. 2013, p. 764, obs. V. Orif – Cass. soc.,
30 sept. 2010, n° 09-41.451 : Bull. civ., V, n° 209 ; JCP S 2010, 1503, note G. Vachet ; Dr. ouvr. 2010, p.
662, note. F. Meyer ; Procédures 2010, comm. 377 A. Bugada. Voir également : D. Chapellon-Liedhart,
« Une seule voie de réparation pour les victimes d’AT/MP ? », SSL 2014, n° 1612, p. 5.
379
Cass. soc., 26 janv. 2011, n° 09-41.342, inédit : « Les juges du fond apprécient souverainement les
éléments à prendre en compte pour fixer le montant de [l’indemnisation de la perte d’emploi] à laquelle ne
fait pas obstacle la réparation spécifique afférente à l’accident du travail ayant pour origine la faute
inexcusable de l’employeur par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui n’a pas le même
objet » – Cass. soc., 17 mai 2006, n° 04-47.455 : Bull. civ., V, n° 176 ; JCP S 2006, 1538, note G. Vachet.
380
Cass. soc., 26 oct. 2011, n° 10-20.991 : Bull. civ., V, n° 373 ; JCP S 2012, 1026, note S. Brissy. Sur
cette affaire, voir : M. Keim-Bagot, De l’accident du travail à la maladie : la métamorphose du risque
professionnel, vol. 148, Dalloz 2015, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, n° 501, p. 369.
381
Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC : JCP S 2010, 1361, note G. Vachet ; JCP E 2010, 1090,
note A. Bugada ; Dr. ouvr. 2010, p. 612, obs. F. Guiomard.

78
deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, elle aussi, été amenée à se prononcer sur
la liste des préjudices couverts par la législation des accidents du travail et des maladies
professionnelles. En présence d’une faute inexcusable de l’employeur ou de son substitué, le
salarié peut en effet obtenir – en sus de la majoration de la rente d’accident du travail et de
l’indemnisation des préjudices complémentaires prévus par l’article L. 452-3 du code de
sécurité sociale – la réparation des préjudices qui n’ont fait l’objet d’aucune indemnisation,
même partiellement, au titre du livre IV du code de la sécurité sociale382.
La pérennité de la répartition de compétences opérée par la chambre sociale de la Cour de
cassation supposait ainsi que les deux chambres de la Cour de cassation identifient les mêmes
types de préjudices non réparés mais également non réparables par la sécurité sociale. Il leur
appartenait alors de déterminer ce qui était indemnisé par la majoration de la rente, par les
préjudices complémentaires de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et d’identifier
les préjudices non couverts par le code de la sécurité sociale, mais réparables en présence
d’une faute inexcusable. Or, force est de constater que l’analyse des deux chambres divergeait
sur ce point. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, contrairement à la chambre
sociale de la Cour de cassation, considérait en effet que la perte de droits à la retraite était
couverte par la rente majorée, censée également réparer les pertes de gains professionnels et
l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de
la consolidation383.

44. L’époque des clarifications. Par un arrêt du 9 janvier 2015, la Cour de cassation
réunie en chambre mixte est venue mettre un terme à cette divergence de jurisprudences. En
décidant que le préjudice de perte de droits à la retraite était déjà réparé par la Sécurité sociale
dans le cadre de la rente majorée384, elle a ainsi définitivement écarté la possibilité d’une
indemnisation complémentaire devant la juridiction prud’homale 385. S’inscrivant dans le
sillon de cette jurisprudence fixée en chambre mixte et par la deuxième chambre civile, la
chambre sociale de la Cour de cassation exclut désormais toute indemnisation de la perte
d’emploi ou de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour

382
Ibid.
383
Cass. civ. 2e, 28 févr. 2013, n° 11-21.015 : Bull. civ., II, n° 48 – Cass. civ. 2e, 11 juin 2009, n° 07-
21.768 : Bull. civ., II, n° 153. Pour une critique de cette conception « hypertrophiée » de la rente, voir : M.
Keim Bagot, « Les atteintes à la santé – Réflexions sur l’ordonnancement des préjudices », in Colloque
« Préjudices et indemnisation en droit social », Dr. ouvr. 2015, p. 476, spéc. p. 478.
384
Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, n° 13-12.310 : Bull. ch. mixte, n° 1 ; RDT 2015, p. 345, chron. J. Morin ;
JCP E 2015, 1081, note F. Taquet ; Procédures 2015, comm. 85 A. Bugada.
385
Voir le communiqué de la Cour de cassation relatif à l’arrêt n° 280 de la Chambre mixte du 9 janvier
2015, consultable sur le site de la Cour de cassation.

79
inaptitude386. Elle estime en effet que ces demandes correspondent en réalité à des demandes
de réparation des conséquences de l’accident du travail.

45. Une compétence résiduelle pour le conseil de prud’hommes. Malgré la


« perte sèche d’indemnisation » qu’elle entraîne pour les victimes 387 , cette nouvelle
répartition des compétences permettra de limiter le risque de conflits de compétences pouvant
résulter de ces divergences de jurisprudence388. On peut néanmoins se demander si la Cour de
cassation n’est pas allée trop loin dans l’interprétation de la ligne fixée en chambre mixte. La
Cour de cassation n’a en effet aucunement exclu la compétence du conseil de prud’hommes
pour la réparation des préjudices non réparables par la Sécurité sociale. Or, nous considérons,
avec d’autres389, que la perte d’emploi n’est pas réparable par la Sécurité sociale puisqu’elle
constitue « une lésion éventuelle d’un intérêt qui n’est ni direct, ni certain » avec l’accident du
travail ou la maladie professionnelle 390. D’ailleurs, la deuxième chambre civile de la Cour de
cassation n’a jamais à notre connaissance considéré que le préjudice de la perte d’emploi
faisait partie des préjudices non couverts au titre du livre IV mais réparables par la Sécurité

386
Cass. soc., 6 oct. 2015, n° 13-26.052 : Bull. civ., V, à paraître ; Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 630, obs.
J. Bourdoiseau ; JCP S 2016, 1018, note G. Vachet ; Dr. soc. 2015, p. 1043, act. M. Keim-Bagot.
387
M. Keim-Bagot, « Nouvelle restriction de la réparation allouée aux victimes du risque professionnel –
Note sous Cass. soc., 6 oct. 2015 », Dr. soc. 2015, p. 1043. Voir également : M. Keim Bagot, « Les
atteintes à la santé – Réflexions sur l’ordonnancement des préjudices », in Colloque « Préjudices et
indemnisation en droit social », Dr. ouvr. 2015, p. 476.
388
Toutefois : A. Lacabarats, « Les conseils de prud’hommes », op. cit., spéc. p. 188 : « Si le projet de loi «
Justice du XXIe siècle » envisage la création d'une juridiction sociale, reste en dehors de ses prévisions la
principale d’entre elles, le conseil de prud’hommes, de sorte que les hésitations nées dans certains
contentieux sur les compétences respectives des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des conseils de
prud’hommes subsisteront ».
389
J. Morin, « Répartition du contentieux et indemnisation du dommage corporel du salarié consécutif à un
accident du travail », RDT 2015, p. 345, spéc. p. 349 – M. Keim-Bagot, De l’accident du travail à la
maladie : la métamorphose du risque professionnel, vol. 148, Dalloz 2015, coll. Nouvelle Bibliothèque de
Thèses, n° 493 et suiv, p. 363 : « Le préjudice de perte d’emploi, doit être analysé comme l’imputation de
la rupture aux torts de l’employeur qui a mal exécuté le contrat de travail en ne respectant pas son
obligation de sécurité » (p. 368) – Il n’entre donc pas « dans le cadre de l’indemnisation de l’accident du
travail ou de la maladie professionnelle » (p. 364).
Contra, voir : G. Vachet, « Réparation de la perte d’emploi et des droits à la retraite en cas de faute
inexcusable de l’employeur – Note sous Cass. soc., 6 oct. 2015 », JCP S 2016, 1018 – G. Vachet,
« Indemnisation du salarié licencié pour inaptitude et faute inexcusable de l’employeur, note sous Soc., 17
mai 2006 », JCP S 2006, 1538, spéc. p. 24 : « Il est inexact de dire que la sécurité sociale ne répare pas la
perte de l’emploi ». Voir également : M. Babin, « Accident du travail : compétence du TASS, note sous
Soc. 11 déc. 2013 », JCP S 2014, 1231, spéc. p. 39 : « Il est après tout de bonne administration de la justice
que tous les préjudices résultant de l’AT, y compris celui de la perte de l’emploi, soient désormais portés
devant le TASS. Nul doute qu’au moins la clarté du droit y gagnera » – P. Morvan, « Securitas omnia
corrumpit », Dr. soc. 2007, p. 674.
390
J. Morin, « Répartition du contentieux et indemnisation du dommage corporel du salarié consécutif à un
accident du travail », op. cit., spéc. p. 349. Sur les critères du dommage réparable, voir : J. Flour, J.-L.
Aubert et É. Savaux, Droit civil. Les obligations, t. 2 : Le fait juridique, 14e éd., Sirey 2011, coll.
Université, n° 136.

80
sociale en présence d’une faute inexcusable. Elle a seulement accepté de réparer à ce titre les
frais d’aménagement du logement ou l’adaptation du véhicule 391 , le déficit fonctionnel
temporaire392, le préjudice sexuel393, ou encore un préjudice permanent exceptionnel394.
Au regard de la jurisprudence actuelle, l’intervention du conseil de prud’hommes semble en
réalité réduite à l’hypothèse dans laquelle l’affection n’a pu être prise en charge par les
organismes de sécurité sociale comme un accident du travail ou une maladie
professionnelle395. Le conseil de prud’hommes est ainsi compétent pour le préjudice d’anxiété
puisque ce dernier a pour objet d’indemniser la peur d’avoir été exposé à l’amiante avant
l’éventuelle survenue d’une affection396.

b. Une clarification nécessaire des autres exclusions de compétence

46. Des exclusions de compétence actuellement peu visibles. L’étude des


compétences d’attribution des autres juridictions révèle dans un certain nombre de cas
l’existence d’un chevauchement de l’intervention de ces juridictions avec celle du conseil de
prud’hommes397. Dans ces hypothèses, la compétence du conseil de prud’hommes est en
réalité exclue en application de l’article L. 1411-4 du code du travail qui prévoit
l’incompétence de la juridiction prud’homale pour connaître des litiges attribués à une autre
juridiction par la loi. Si le code du travail envisage expressément cette limitation de
compétence, il ne propose toutefois aucune liste exhaustive de ces exclusions et se contente
de viser les seuls litiges pouvant s’élever à l’occasion d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle398. Afin de faciliter la détermination de la juridiction compétente en
droit du travail et d’éviter des conflits de compétences, il semble nécessaire que les autres cas

391
Cass. civ. 2e, 30 juin 2011, n° 10-19.475 : Bull. civ., II, n° 148.
392
Cass. civ. 2e, 4 avr. 2012, nos 11-14.311 et 11-14.594 : Bull. civ., II, n° 67 ; Dr. ouvr. 2012, p. 681, obs.
F. Guiomard.
393
Ibid.
394
Cass. civ. 2e, 2 mars 2017, n° 15-27.523 : Bull. civ., V, à paraître.
395
Cass. soc., 7 déc. 2011, n° 10-22.575 : Bull. civ., V, n° 287 – Cass. soc., 28 oct. 1997, nos 95-40.272 et
95-40.509 : Bull. civ., V, n° 339 ; D. 1998, p. 219, note Ch. Radé.
396
Sur les contours du préjudice d’anxiété, voir notamment : M. Keim-Bagot, « Préjudice d’anxiété : la
Cour de cassation referme la boîte de Pandore », Dr. soc. 2015, p. 360 et M. Ledoux et F. Quinquis,
« L’obligation de sécurité de résultat à l’épreuve du préjudice d’anxiété », RJS 2015, p. 355. Sur la
jurisprudence relative à ce préjudice, voir notamment : Cass. soc., 10 févr. 2016, nos 14-26.909 à 14-
26.914 : Bull. civ., V, à paraître – Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 12-20.912 : Bull. civ., V, n° 202 ; JCP S
2013, 1459, note M. Ledoux et F. Quinquis ; Procédures 2014, comm. 15 A. Bugada ; JCP E 2014, 1170,
note G. Vachet – Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241 : Bull. civ., V, n° 106 ; Dr. soc. 2010, p. 839, avis
J. Duplat ; RTD civ. 2010, p. 564, obs. P. Jourdain.
397
Sur ces compétences, voir : infra, n° 49 et suiv.
398
Article L. 1411-4, alinéa 2 du code du travail.

81
d’exclusion apparaissent également de manière explicite dans la partie consacrée au conseil
de prud’hommes.

47. Une meilleure visibilité pour les exclusions relatives à certains contrats de
travail. Si l’existence d’un contrat de travail constitue le critère déterminant de la compétence
prud’homale399, il n’est toutefois pas suffisant pour certains salariés pour lesquels le conseil
de prud’hommes est incompétent. Devrait ainsi apparaître plus clairement l’incompétence du
conseil de prud’hommes pour connaître des litiges des marins et des capitaines qui relèvent
actuellement du tribunal d’instance400, et pour connaître des litiges nés du contrat de travail
des avocats salariés, actuellement soumis à l’arbitrage du bâtonnier à charge d’appel devant la
cour d’appel401. Doit également être relevée la compétence exclusive d’une commission
arbitrale pour la détermination du montant de l’indemnité de rupture due à un journaliste
professionnel dont l’ancienneté excède quinze années, lorsque la rupture est à l’initiative de
l’employeur402.

48. Une meilleure visibilité pour les exclusions relatives à des litiges survenus à
l’occasion du contrat de travail. Des erreurs de saisine pourraient également se produire à
l’égard de certains litiges survenus à l’occasion du contrat de travail mais échappant à la
compétence prud’homale du fait de la compétence d’attribution d’une autre juridiction. On
vise ici les litiges relatifs à des brevets d’invention403, à la participation404, ou encore le
contentieux de l’expulsion d’un logement de fonction405. La compétence prud’homale se
trouve également entamée du fait de l’autorisation préalable d’un certain nombre de mesures

399
Voir : supra, n° 21 et suiv.
400
Sur la compétence du tribunal d’instance pour les marins et les capitaines, voir : infra, n° 70 et 71.
401
Article 7, alinéa 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques. Sur la contestation du terme arbitrage pour cette procédure devant le bâtonnier,
voir : Th. Clay, « L’arbitrage en droit du travail : quel avenir après le rapport Barthélémy-Cette ? », op. cit.,
spéc. p. 936. Au niveau de la Cour de cassation, le contentieux semble relever indifféremment de la
première chambre civile et de la chambre sociale. Voir notamment : Cass. soc., 29 mars 2017, n° 15-
29.028, inédit – Cass. soc., 16 sept. 2015, n° 14-17.842 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2015, p. 937,
act. J. Mouly – Cass. civ. 1ère, 14 mai 2009, n° 08-12.966 : Bull. civ, I, n° 90.
402
Articles L. 7111-1 et L. 7112-4 du code du travail. A contrario, le conseil de prud’hommes conserve sa
compétence lorsque l’ancienneté ne dépasse pas quinze ans (Cass. soc., 11 déc. 1991, n° 88-41171 : Bull.
civ, V, n° 565), pour toutes les indemnités autres que celle prévue à l’article L. 7112-4 du code du travail
(Cass. soc., 17 mars 1993 : RJS 1993, n° 561) et lorsqu’il ne s’agit pas d’une rupture à l’initiative de
l’employeur (pour une résiliation amiable intervenue dans le cadre d’un PSE : Cass. soc., 9 avr. 2015, nos
13-23.588 à 13-23.591, nos 13-23.630 à 13-23.633, nos 13-23.883 à 13-23.886 : Bull. civ., V, n° 72 ; JCP S
2015, act. 186 N. Léger).
403
Voir : infra, n° 58.
404
Voir : infra, n° 59.
405
Voir : supra, n° 30.

82
relatives au contrat de travail d’un salarié protégé par l’inspection du travail 406 , mais
également du fait de la validation de l’accord majoritaire ou de l’homologation du document
unilatéral fixant notamment les mesures du plan de sauvegarde de l’emploi par le Direccte407.
L’intervention de l’autorité administrative entraîne en effet la compétence de la juridiction
administrative et diminue d’autant la compétence du conseil de prud’hommes en ce
domaine408.

B. Le perfectionnement de la lisibilité pour les autres juridictions

49. Une surestimation des difficultés résultant du partage de compétences entre


les tribunaux d’instance et de grande instance. Le partage de compétences entre les
tribunaux d’instance et de grande instance est parfois présenté comme se réalisant « par
défaut », ou « dans des conditions qui (…) complexifient inutilement la situation » 409 .
Certains auteurs vont même jusqu’à souhaiter la suppression de ce partage de compétences et
envisagent un transfert de compétence tantôt au profit du tribunal d’instance410, tantôt au
profit du tribunal de grande instance411. Si la proposition paraît attrayante, elle emporte
toutefois avec elle un certain nombre de difficultés. Un transfert de l’ensemble des
compétences actuellement réparties entre les tribunaux d’instance et de grande instance entre
les mains du tribunal d’instance nécessiterait en effet la spécialisation de certains magistrats
pour appréhender un contentieux aussi vaste412. Sans même envisager la suppression du
partage de compétences entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance, le

406
Le licenciement des salariés protégés ne peut se réaliser qu’après autorisation de l’inspecteur du travail
(article L. 2411-1 du code du travail), de même que la rupture du contrat à durée déterminée (article L.
2412-1 du code du travail) ou du contrat de travail temporaire (article L. 2413-1 du code du travail). Cette
autorisation est également requise en cas de transfert du contrat d’un salarié protégé compris dans un
transfert partiel d’entreprise ou d’établissement (article L. 2414-1 du code du travail). Cette décision peut
faire l’objet de recours hiérarchique ou contentieux devant le juge administratif (article L. 2422-1 du code
du travail).
407
Article L. 1233-57-1 du code du travail.
408
Voir : infra, n° 194 et suiv. (contentieux de la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé) et n°
197 et suiv. (contentieux du plan de sauvegarde de l’emploi).
409
L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit., spéc. p. 391.
410
Ibid. Cette dernière envisage que le tribunal d’instance pourrait devenir le juge naturel du contentieux
des institutions représentatives du personnel, qu’il s’agisse du fonctionnement, des expertises, des
difficultés dans le déroulement des séances, mais également de l’ensemble des litiges collectifs, à la
condition que des moyens soient alloués à ces juges.
411
Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIe siècle,
op. cit., p. 53. Est envisagée la réunion entre les « mains d’un juge spécialisé de tous les contentieux
généralistes de droit du travail, collectifs ou individuels, qui ne sont pas dévolus à un juge particulier ».
412
Un parallèle peut être effectué avec les inquiétudes formulées par certains auteurs sur l’extension des
compétences du juge aux affaires familiales : Th. Garé et M.-F. Tremoureux, « Le juge spécialisé, le juge
aux affaires familiales », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 51.

83
rapport Guinchard avait d’ailleurs déjà mis en évidence la nécessité de spécialiser certains
magistrats du tribunal d’instance dans la « matière complexe et sensible » du contentieux
électoral et s’était prononcé en faveur d’une concentration de ce contentieux dans un seul
tribunal d’instance par tribunal de grande instance413. Une unification au profit du tribunal de
grande instance aurait quant à elle pour conséquence d’éclater le bloc de compétences
aujourd’hui constitué en matière électorale pour les élections politiques, professionnelles ou
judiciaires et qui est de nature à « faciliter l’émergence d’un droit électoral cohérent » 414.
Le risque de conflits de compétences résultant du partage de compétences entre le tribunal
d’instance et le tribunal de grande instance ne doit pas en outre être surestimé. La multiplicité
des attributions de compétences du tribunal de grande instance, auxquelles s’ajoutent celles
du président du tribunal de grande instance, rendent il est vrai délicate toute tentative de
systématisation. Mais sur la délimitation de la compétence des tribunaux d’instance et de
grande instance elle-même, les difficultés semblent mesurées. En l’absence d’attribution
expresse de compétence à l’une des deux juridictions, la compétence revient en effet au
tribunal de grande instance qui, en tant que juridiction de droit commun, a vocation à
connaître de l’ensemble des demandes qui n’ont pas spécifiquement été attribuées aux autres
juridictions.

50. Lisibilité de la compétence du tribunal de commerce. La compétence du


tribunal de commerce est aujourd’hui limitée aux contentieux des licenciements intervenus
dans le cadre d’une procédure collective et aux demandes de désignation d’un mandataire de
justice chargé de convoquer l’assemblée des actionnaires415. Par ailleurs, si des incertitudes,
relativement à ces deux attributions, ont pu exister par le passé, elles se sont progressivement
estompées. Les compétences respectives du tribunal de commerce et du conseil de
prud’hommes pour la contestation d’un licenciement intervenu dans le cadre d’une procédure
collective sont en effet à l’heure actuelle clairement délimitées.

413
Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, op. cit., p. 244. Le contentieux des
élections professionnelles ne requiert pas de proximité géographique particulière.
414
Ibid., p. 243.
415
Sur l’amenuisement progressif de la compétence du tribunal de commerce en droit du travail, voir : I.
Pétel-Teyssié, « La compétence « prud’homale » du tribunal de commerce », in Le Code de commerce
1807-2007 – Livre du bicentenaire, Dalloz 2007, p. 581. Rappelons que le tribunal de commerce n’est plus
la juridiction d’appel en droit du travail depuis 1905 et que l’option de compétence pour les cadres au profit
du tribunal de commerce a été définitivement supprimée par la loi du 6 mai 1982 (A. Supiot, « La
consécration de la réforme Boulin », op. cit.).

84
Plan.
1. La clarification des répartitions de compétences entre les tribunaux d’instance et
de grande instance
2. Le maintien de la lisibilité de la compétence du tribunal de commerce

1. La clarification des répartitions de compétences entre les tribunaux d’instance et de grande instance

51. Des incertitudes résiduelles. Les incertitudes relatives aux répartitions de


compétences entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance se révèlent assez
limitées en pratique. Elles tiennent essentiellement à l’absence d’attribution de certains
contentieux qui relèvent pourtant d’un domaine de compétence traditionnellement attribué à
une juridiction en particulier. On peut à ce titre évoquer un certain nombre de désignations qui
échappent à la compétence du tribunal d’instance, pourtant perçu par le justiciable comme le
juge des élections et des désignations, et qui relèvent par défaut du tribunal de grande instance
en raison de sa compétence générale. Doit également être abordé le contentieux de la
reconnaissance d’une unité économique et sociale qui relève du tribunal d’instance en vertu
de la jurisprudence de la Cour de cassation, sans qu’aucune attribution de compétence
n’existe pourtant en ce domaine. Clarifier les répartitions de compétences entre les tribunaux
d’instance et de grande instance implique ainsi de modifier à la marge certaines attributions
de compétences en ayant égard aux implications d’une telle entreprise.

a. La clarification de la compétence du tribunal de grande instance

52. Une compétence duale. Chercher à clarifier l’intervention du tribunal de grande


instance nécessite d’envisager non seulement la compétence de la juridiction dans son
ensemble, mais également la compétence de son président. Le président du tribunal de grande
instance dispose en effet d’une compétence étendue et intervient au fond comme en référé.

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53. Amenuisement du périmètre de la compétence de droit commun. Identifier


les contours de la compétence du tribunal de grande instance nécessite de maîtriser la
compétence des autres juridictions. En qualité de juge de droit commun, le tribunal de grande
instance a en effet vocation à intervenir dans tout le contentieux du droit du travail, sauf

85
attribution à une autre juridiction 416 . Une clarification des répartitions de compétences
pourrait dès lors consister à attribuer ce contentieux au tribunal de grande instance de manière
expresse. Si une telle attribution faciliterait la détermination de la juridiction compétente pour
le justiciable, elle présenterait toutefois un certain nombre d’inconvénients, parmi lesquels
figure la limitation des possibilités d’unification du contentieux. Comme nous le verrons par
la suite, l’existence d’une compétence exclusive empêche en effet les éventuelles prorogations
de compétence aux moyens de défense et aux demandes incidentes417. Sous bénéfice de ces
observations, cette compétence par défaut ne doit ainsi être supprimée que dans les seules
hypothèses où l’absence d’attribution obscurcit la détermination de la juridiction compétente
pour le justiciable.

54. Un manque de visibilité de la compétence exclusive du tribunal de grande


instance. De nombreuses dispositions attribuent également au tribunal de grande instance une
compétence exclusive. Celles-ci sont toutefois disséminées dans l’ensemble du code du
travail, voire dans le code de la propriété intellectuelle. L’adoption d’un texte répertoriant
l’ensemble de ces attributions nous semble dès lors nécessaire afin de faciliter leur
appréhension par le justiciable418.

α. La limitation de la compétence générale du TGI

55. Une compétence potentiellement vaste. Le périmètre d’intervention du tribunal


de grande instance s’avère en pratique illimité dans la mesure où tout ce qui n’a pas été confié
à un tribunal d’exception, en raison du montant de la demande ou de la matière, relève de sa
compétence419. Le tribunal de grande instance est ainsi compétent pour l’ensemble des litiges
intervenus en matière personnelle et mobilière lorsque leur valeur excède dix mille euros.
Dans le cas contraire, le contentieux relève en effet de la compétence du tribunal

416
S. Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, 14e éd., Dalloz 2017, coll.
Précis, n° 394, p. 535.
417
Voir : infra, n° 104 et n° 108.
418
Si l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire liste une partie des compétences exclusives du
tribunal de grande instance, cette liste n’intéresse qu’indirectement le droit du travail. Seul l’article R. 211-
4, 8° relatif aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire pourrait intéresser le
droit du travail. Toutefois, cet article est devenu caduc depuis l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre
2008 et le décret d’application n° 2009-160 du 12 février 2009 qui ont opéré des modifications quant au
critère de compétence respectif entre le TGI et le tribunal de commerce. Ainsi, le « TGI n’est compétent
pour en connaître que si l’activité n’est ni commerciale, ni artisanale, peu important que l’artisan soit ou
non inscrit au répertoire des métiers », selon Serge Guinchard, André Varinard et Thierry Debard (S.
Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, op. cit., n° 403, p. 540.
419
Article L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire.

86
d’instance420. Les éventuelles actions engagées par un employeur à l’encontre d’un syndicat
afin de mettre en cause sa responsabilité en raison d’une grève doivent ainsi être portées,
selon la valeur du litige, devant le tribunal d’instance ou devant le tribunal de grande
instance421.
En droit du travail, ce partage de compétences se réalise en réalité au profit du tribunal de
grande instance. Dans le cadre des litiges collectifs, les demandes présentent en effet
généralement un caractère indéterminé et sont ainsi de la compétence du tribunal de grande
instance 422 . Peuvent notamment être évoquées les demandes d’annulation de certaines
dispositions d’un règlement intérieur423, les demandes d’interprétation ou d’annulation d’un
424
accord collectif ou encore les demandes visant à l’exécution d’un accord
collectif425.
Par ailleurs, lorsqu’il n’existe aucune attribution de compétence au profit d’une autre
juridiction426, les demandes relatives au fonctionnement des institutions représentatives du
personnel – qu’il s’agisse de la mise en place de celles-ci, de leur composition ou de leur
suppression – sont également de la compétence du tribunal de grande instance427. Relèvent

420
Article L. 221-4 du code de l’organisation judiciaire.
421
En ce sens : S. Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, op. cit., n° 396, p.
537. Les actions en responsabilité civile, à défaut d’attribution spécifique, relèvent du droit commun des
actions personnelles ou mobilières et donc du tribunal de grande instance lorsque la valeur du litige excède
dix mille euros. Sur de telles actions, voir notamment : J.-C. Javillier et H. Sinay, La grève, op. cit., spéc.
n° 263, p. 364 – G. Lyon-Caen, « La recherche des responsabilités dans les conflits du travail », D. 1979,
ch. 255.
422
En ce sens : B. Boubli, « Juridictions du travail », J.-Cl. Travail 2009, fasc. 80-10, n° 4. Sur la notion de
caractère indéterminé des demandes, voir : infra, n° 84.
423
Cass. soc., 15 janv. 2013, n° 11-28. 324 : Bull. civ, V, n° 9.
424
Cass. soc., 21 nov. 2012, n° 11-15.057 : Bull. civ., V, n° 297 ; JCP S 2013, 1094, note Th. Lahalle ;
Procédures 2013, comm. 153 A. Bugada : « Le litige entre un employeur et des syndicats quant à
l’interprétation d’accords collectifs relève de la compétence du tribunal de grande instance ». Précisons
qu’en application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au
renforcement de la négociation collective, toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un
accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter de la
notification de l’accord d’entreprise pour les organisations disposant d’une section syndicale dans
l’entreprise et de la publication de l’accord dans les autres cas (nouvel article L. 2262-14 du code du
travail). Ce délai s’applique aux conventions ou accord conclus postérieurement à la date de publication de
l’ordonnance. Pour ceux conclus antérieurement, le délai court à compter de la publication de l’ordonnance
(article 15 de l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective).
425
Cette action peut être menée sur le fondement de l’article L. 2262-11 du code du travail par les syndicats
liés par l’accord collectif, mais également sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail pour
les autres syndicats (Cass. soc., 11 juin 2013, n° 12-12.818 : Bull. civ, V, n° 151 ; Procédures 2013, comm.
292 A. Bugada). Pour une demande en vue de l’application d’une garantie conventionnelle d’emploi, voir
notamment : Cass. soc., 25 sept. 2013, nos 12-13.697, 12-14.980 12-16.979 : Bull. civ, V, n° 218 ; Dr. ouvr.
2014, p. 41, note M. Keller Lyon-Caen.
426
Le contentieux relatif à la mise en place et au fonctionnement de l’instance de représentation dans les
réseaux de franchise a été expressément attribué au tribunal d’instance (article 9 du décret n° 2017-773 du
4 mai 2017).
427
En ce sens : L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit., spéc. p. 388.

87
ainsi de cette juridiction les litiges relatifs à la création d’une section syndicale428, à la
suppression du comité d’entreprise par l’employeur429, mais également à la fin du mandat
d’un délégué syndical en cas de diminution des effectifs430. Sa compétence s’étend en outre à
certaines désignations qui n’ont fait l’objet d’aucune attribution de compétence au tribunal
d’instance. On vise ici la désignation des représentants syndicaux conventionnels au comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail431, la désignation du salarié mandaté par les
organisations syndicales représentatives pour négocier dans les entreprises dépourvues de
délégué syndical432, la désignation des représentants dans le comité d’entreprise européen
institué par accord, mais également la désignation des représentants dans les instances de

428
En ce sens : M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et
des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, 3e éd., Dalloz 2015, coll. Guides Dalloz, n°
611.46, p. 1174. Il en va autrement lorsque la contestation de la création de la section syndicale n’est qu’un
moyen au soutien de la contestation de la désignation d’un délégué syndical ou d’un représentant syndical,
qui relève quant à elle de la compétence du tribunal d’instance. Voir infra, n° 109.
429
Article L. 2322-7 du code du travail. Depuis la loi Rebsamen, lorsque l’effectif de l’entreprise tombe à
moins de cinquante salariés, la suppression du comité d’entreprise ne nécessite plus
un accord employeur/syndicats ou une autorisation administrative. L’employeur peut désormais le
supprimer dès lors que l’effectif de cinquante salariés n’a pas été atteint pendant vingt-quatre mois,
consécutifs ou non, au cours des trois années précédant la date du renouvellement du comité d’entreprise.
Une disposition similaire est prévue à l’article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017
relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant
l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales pour la suppression du comité social et
économique (futur article L. 2313-10 du code du travail).
430
Article L. 2143-11 du code du travail. À défaut d’accord, l’autorité administrative peut également
décider la fin du mandat du délégué syndical.
431
M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des
désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611.31, p. 1170 et n° 611-41 à
611.43, p. 1171. Sur ce point, voir également : Cass. soc., 22 févr. 2017, n° 15-25.591 : Bull. civ., V, à
paraître. En l’espèce, la société avait saisi le tribunal de grande instance aux fins d’annulation de la
désignation d’un représentant syndical au CHSCT en faisant valoir que ce syndicat n’était pas représentatif
dans l’entreprise – Cass. soc., 18 juin 1986, nos 85-60.647 et 85-60.685 : Bull. civ., V, n° 318.
Ce contentieux se réduira certainement avec l’entrée en vigueur, au plus tard le 1er janvier 2018, de
l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et
économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Son
article 1 supprime en effet le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au profit du comité
social et économique. Ce contentieux ne disparaîtra pas pour autant puisque les dispositions relatives au
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail demeureront applicables aux établissements
publics de santé, sociaux et médico-sociaux, aux groupements de coopération sanitaire de droit public et
aux agences régionales de santé (article 10 de l’ordonnance précitée).
432
Nouveaux articles L. 2232-23-1 et L. 2232-26 du code du travail tels qu’ils résultent de l’article 8 de
l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.
Sur la compétence du tribunal de grande instance pour le salarié mandaté, voir : M.-L. Morin, L. Pécaut-
Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des désignations de représentants
syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611.47, p. 1174. On peut toutefois trouver des décisions rendues
par des tribunaux d’instance lorsque leur compétence n’a pas été pas contestée. Voir notamment : Cass.
soc., 20 juin 2000, n° 99-60.083 : Bull. civ., V, n° 238. Sur la négociation en l’absence de délégué syndical,
voir : infra, n° 75.

88
représentation instituées par accord pour la constitution d’une société européenne, d’une
société coopérative européenne ou d’une société issue d’une fusion transfrontalière433.

56. Des attributions de compétences à opérer dans le contentieux des


institutions représentatives du personnel. S’il ne paraît pas nécessaire d’attribuer au
tribunal de grande instance l’ensemble des demandes précédemment évoquées, des
attributions expresses de compétence doivent en revanche être opérées dans le contentieux des
institutions représentatives du personnel. Le partage de compétences entre les tribunaux
d’instance et de grande instance peut en effet s’avérer d’appréhension délicate en ce domaine
puisqu’un certain nombre de désignations relèvent par défaut de la compétence du tribunal de
grande instance, faute d’avoir été attribuées au tribunal d’instance. Afin de faciliter
l’identification de la juridiction compétente pour le justiciable, il semble ainsi nécessaire
d’attribuer expressément le contentieux de la constitution, du fonctionnement et de la
disparition des institutions représentatives du personnel au tribunal de grande instance et de
réunir l’ensemble du contentieux des élections et des désignations entre les mains du tribunal
d’instance. Les dispositions relatives à l’instance de représentation dans les réseaux de
franchise devront dès lors être modifiées dans la mesure où la compétence du tribunal
d’instance dépasse actuellement le contentieux de la désignation des membres du groupe de
négociation et de l’instance de représentation et s’étend à l’ensemble des demandes relatives à
la mise en place et au fonctionnement de l’instance de représentation dans les réseaux de
franchise434. Les désignations ne relevant pas actuellement de la compétence du tribunal
d’instance devront quant à elle faire l’objet d’une attribution expresse de compétence à son
profit.

433
La compétence du tribunal d’instance n’est en effet expressément prévue que pour les représentants
désignés au sein des comités institués en l’absence d’accord entre le groupe spécial de négociation et les
sociétés, autrement dit pour la désignation des représentants au comité d’entreprise européen « légal », au
comité de la société européenne, au comité de la société coopérative européenne, et au comité de la société
issue de fusions transfrontalières. Sur ce point, voir : infra, n° 76.
434
Article 9 du décret n° 2017-773 du 4 mai 2017. Le tribunal d’instance est ainsi compétent pour les
contestations portant sur l’ouverture des négociations, sur l’absence de sollicitation de la constitution d’un
groupe de négociation, sur le montant de la contribution demandée par le franchiseur ou encore sur la
validité de l’accord de mise en place de l’instance. Pour une présentation assez critique de l’instauration de
cette instance par l’article 64 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation
du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, voir : L. Fin-Langer et D. Bazin-Beust,
« L’instance de dialogue social du réseau de franchise », JCP S 2017, 1095.

89
57. Nécessité d’identifier la juridiction compétente pour le contentieux de la
reconnaissance d’une unité économique et sociale (UES). Malgré la diversification des
conséquences liées à la reconnaissance d’une unité économique et sociale et l’admission des
actions en reconnaissance d’UES à titre principal435, la Cour de cassation n’a jamais remis en
cause l’attribution prétorienne de compétence au profit du tribunal d’instance436. Elle a même
réaffirmé cette compétence dans un avis en 2007 en s’appuyant sur la prééminence du lien
entre la reconnaissance d’une UES et la mise en place des institutions représentatives du
personnel437.
L’absence de texte spécifique consacrant cette compétence438, ajoutée à la déconnexion de la
reconnaissance d’une UES du contentieux électoral depuis la loi du 20 août 2008 439 ,
fragilisent pourtant – selon nous – l’affirmation d’une telle compétence440. Jusqu’en 2008, la
reconnaissance d’une UES pouvait en effet être envisagée dans le cadre d’un contentieux
relatif à la désignation d’un délégué syndical dans la mesure où le juge d’instance devait
statuer sur le périmètre de désignation pour se prononcer sur la validité de la désignation. Or,
désormais, l’élection sur un périmètre précède nécessairement la désignation d’un délégué
syndical puisque les résultats obtenus à cette élection permettent d’établir la représentativité
d’un syndicat et sa capacité à procéder à une telle désignation. La reconnaissance judiciaire

435
Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-60.135 : Bull. civ, V, n° 157 ; Dr. soc. 2004, p. 913, obs. J. Savatier – A.
Cœuret, « Le juge compétent pour connaître de l’UES », SSL 2007, n° 1303, p. 7
436
Voir notamment : Cass. soc., 29 oct. 2003, nos 02-60.820, 02-60.821, 02-60.831 : Bull. civ, V, n° 267 –
Cass. soc., 10 mai 1983, n° 82-60.274 : Bull. civ., V, n° 255 – Cass. soc., 30 mars 1978, n° 78-60.060 :
Bull. civ., V, n° 247.
437
Cass. avis, 19 mars 2007, n° 06-00020, inédit : JCP S 2007, 1458, note G. Blanc-Jouvan ; JSL 2007, n°
211, note J.-E. Tourreil. Voir les critiques formulées à l’encontre de cet avis : Ph. Waquet, « Le contentieux
électoral et la procédure d’avis devant la Cour de cassation », RDT 2007, p. 540 et T. Grumbach, « La
compétence du tribunal d’instance en matière d’UES, au cœur d’un conflit de logiques », RDT 2007, p.
743.
438
L’article L. 2322-4 du code du travail vise en effet uniquement la reconnaissance de l’UES par
« décision de justice » sans davantage de précision. La compétence du tribunal d’instance pour les actions
mobilières ne permet pas davantage d’affirmer sa compétence dans la mesure où la demande de
reconnaissance d’une UES présente un caractère indéterminé.
439
Cass. soc., 31 janv. 2012, nos 11-20.232 et 11-20.233 : Bull. civ, V, n° 37 ; Lexbase Hebdo éd. S 2012,
n° 473, obs. G. Auzero. Voir également : L. Pécaut-Rivolier, « L’unité économique et sociale, quel
avenir ? », in Dossier spécial « Les périmètres sociaux de l’entreprise », Dr. soc. 2012, p. 974, spéc. p. 978.
La Cour de cassation reconnaît, elle-même, dans cet arrêt que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20
août 2008, « la demande en reconnaissance ne peut plus (…) être formulée à l’occasion d’un contentieux en
matière d’élection professionnelle ou de désignation de représentants syndicaux ». Elle réaffirme toutefois
dans le Communiqué relatif à cet arrêt la compétence du tribunal d’instance en reprenant les termes de son
avis de 2007.
440
En ce sens : M. Cloitre, L’unité économique et sociale, Thèse Université de Rennes I (dactyl.) 2013, p.
194 et suiv. Contra : M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections
professionnelles et des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611.12, p.
1165. Sur la présentation de la controverse, voir toutefois : Ibid., n° 611-45.

90
d’une UES précède donc nécessairement l’organisation d’une élection pour qu’elle puisse en
constituer un nouveau périmètre, sauf à envisager l’hypothèse dans laquelle la tenue des
élections, dans chacune des sociétés non encore constitutives de l’UES, permettrait, par
l’addition des suffrages, de déterminer la représentativité des syndicats. La compétence du
tribunal d’instance pour se prononcer sur l’existence d’une UES ne serait toutefois ici
qu’incidente puisque constitutive d’un moyen de défense dans le cadre d’un litige en
contestation de la désignation d’un délégué syndical.
Les arrêts les plus récents plaident également en ce sens puisque la chambre sociale de la
Cour de cassation a peu à peu détaché le contentieux de la reconnaissance d’une UES des
conséquences qui s’attachent à celui des élections professionnelles. Ainsi après avoir admis
l’appel441, la Cour de cassation, dans une affaire où la compétence du tribunal d’instance
n’avait pas été contestée, a précisé par substitution de motif qu’il ne « résulte ni de l’article L.
2322-4 ni d’aucun autre texte que l’appel contre la décision statuant sur une demande de
reconnaissance d’une UES doit être formé selon les règles de procédure sans représentation
obligatoire »442. Elle a d’ailleurs également reconnu dans ces affaires que la reconnaissance
d’une UES ne pouvait plus se faire à l’occasion d’un contentieux relatif à la mise en place des
institutions représentatives du personnel depuis la loi du 20 août 2008443.
Le contentieux de la reconnaissance conventionnelle d’une unité économique et sociale
semble également échapper à la compétence du tribunal d’instance dans la mesure où la Cour
de cassation a octroyé à cet accord la valeur d’un accord collectif de droit commun444. Ainsi,
sauf à envisager une reconnaissance de l’UES dans le cadre d’un protocole d’accord
préélectoral445, la compétence du tribunal d’instance pour connaître de la reconnaissance
conventionnelle d’une UES dans le cadre d’un contentieux relatif aux élections nous semble
désormais exclue446.

441
Cass. soc., 31 janv. 2012, op. cit.
442
Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 14-16.196 : Bull. civ., V, n° 77 ; Procédures 2015, comm. 229 A. Bugada ;
JCP S 2015, 1261, note S. Brissy.
443
Cass. soc., 31 janv. 2012, op. cit.
444
Cass. soc., 14 nov. 2013, n° 13-12.712 : Bull. civ., V, n° 266 ; RDT 2014, p. 276, chron. Isabel Odoul-
Asorey ; JCP S 2014, 1087, note J.-S. Lipski. Voir également J. Crédoz-Rosier, « La reconnaissance de
l’UES : des interrogations subsistent », JCP S 2014, 1425.
445
Eu égard aux conditions de validité respectives de ces deux accords, une telle hypothèse semble
toutefois assez peu probable en pratique.
446
Cass. soc., 16 janv. 2008, n° 07-60.163 : Bull. civ., V, n° 9. La Cour de cassation a pu admettre en 2008
que le tribunal d’instance, compétent pour statuer sur la régularité des désignations contestées, l’était
également pour apprécier la validité de l’accord préélectoral sur la base duquel les désignations des
délégués syndicaux avaient été effectuées.

91
Afin de mettre un terme à ces incertitudes, une attribution de compétence semble ainsi
nécessaire. Elle devrait toutefois s’effectuer au profit du tribunal d’instance. L’attribution
d’une compétence exclusive au tribunal de grande instance empêcherait en effet le tribunal
d’instance de proroger sa compétence lorsqu’il est saisi à titre incident d’une telle question447.

β. La recherche d’une meilleure visibilité de la compétence exclusive du TGI

58. Compétence pour le contentieux de l’invention. Le règlement des litiges


relatifs aux inventions des salariés relève de la compétence exclusive du tribunal de grande
instance448. Ce dernier intervient en effet pour fixer la rémunération supplémentaire due au
salarié ayant réalisé une invention dans le cadre d’une mission inventive. Dans cette
hypothèse, l’employeur, à qui appartient l’invention, doit en effet verser au salarié une
rémunération supplémentaire dont la fixation est soumise, sauf dispositions prévues par les
conventions collectives, accords d’entreprise ou contrats individuels de travail, à une
commission de conciliation ou au tribunal de grande instance449.
Ce dernier peut également intervenir pour fixer le juste prix d’une invention réalisée en
dehors du cadre d’une mission inventive. L’employeur peut en effet se faire attribuer la
propriété ou la jouissance d’une invention réalisée par un salarié dans le cours de l’exécution
de ses fonctions, dans le domaine des activités de l’entreprise, voire en raison de la
connaissance ou de l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de
données procurées par elle450. Or, à défaut d’accord entre les parties, ce juste prix est là
encore fixé par la commission de conciliation ou par le tribunal de grande instance451.
Cette compétence exclusive du tribunal de grande instance pour le contentieux des inventions
constitue une source de confusions pour le justiciable. Ce dernier pourrait en effet saisir à tort
le conseil de prud’hommes en considérant le litige né à l’occasion du contrat de travail. Afin

447
Sur ces prorogations, voir : infra, n° 104 et suiv.
448
C. Gaillard et A. Sybillin, « Prud’hommes », Rép. proc. civ., Dalloz 2014, n° 208. Sur l’incompétence
du conseil de prud’hommes, voir notamment : Cass. soc., 18 févr. 1988, n° 85-40.213 : Bull. civ., V,
n° 126. Voir également : F. Ahner et J.-J. Touati, Inventions et créations des salariés. Du Code du travail
au Code de la propriété intellectuelle, 3e éd., Wolters Kluwer 2015, coll. Lamy Axe Droit, 300 p. – A. Le
Corroncq et M. Cohuet, « Ce qu’il faut retenir de la jurisprudence 2016 en matière de créations de
salariés », JCP S 2017, 1149, spéc. n° 26 et suiv.
449
Article L. 611-7 1° du code de la propriété intellectuelle. Sur la procédure devant la CIC, voir
l’intervention du conseiller honoraire à la Cour de cassation Françoise Marais sur la commission nationale
d’invention des salariés disponible sur : http://www.lagbd.org/index.php/Les_créations_et_inventions_de
_salariés_(fr).
450
Article L. 611-7 2° du code de la propriété intellectuelle.
451
Cass. soc., 9 janv. 2013, n° 11-11.808 : Bull. civ., V, n° 2.

92
de limiter le risque d’incidents de compétence, il paraît ainsi nécessaire que l’incompétence
de la juridiction prud’homale apparaisse plus clairement dans le code du travail452.

59. Compétence pour le contentieux de la participation. Le tribunal de grande


instance est également compétent pour connaître des litiges relatifs à l’application des accords
de participation 453 . De nombreuses exclusions de compétence limitent toutefois cette
intervention454.
La contestation de la valeur des éléments retenus pour calculer la réserve spéciale de
participation, lorsqu’elle est établie selon la formule de calcul fixée par la loi, échappe en
effet à la compétence du tribunal de grande instance455. Il est ainsi incompétent pour connaître
des litiges portant sur le montant des salaires déclarés à l’administration fiscale et sur le calcul
de la valeur ajoutée456. Les éventuelles contestations sont en effet réglées selon les procédures
de règlement des litiges stipulées par les accords de participation, ou – lorsqu’elles ne sont pas
prévues – par les juridictions compétentes en matière d’impôts directs, autrement dit par le
tribunal administratif457. Le tribunal de grande instance recouvre sa compétence uniquement
lorsque le litige ne porte pas sur le montant des salaires mais sur la distorsion entre les salaires
déclarés à l’administration fiscale et ceux retenus dans le cadre du calcul de la participation
des salariés. La compétence du tribunal de grande instance se justifie ici par la nature de la
demande qui consiste seulement à trancher un litige relatif à l’exécution loyale des accords et
de la loi458.
Le tribunal de grande instance est ensuite incompétent pour connaître des contestations
relatives aux montants du bénéfice net et des capitaux propres à l’entreprise, lorsqu’ils sont
établis par une attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des finances
publiques. La loi exclut en effet toute possibilité de contester ce montant à l’occasion d’un
litige né de l’application de dispositions relatives à la participation459, afin d’éviter que « les
litiges sur la participation aux résultats ne dégénèrent en litiges relatifs à l’exactitude des

452
Voir : supra, n° 46 et suiv.
453
Article R. 3326-1 du code du travail.
454
Après avoir conféré au tribunal de grande instance une attribution générale de compétence, l’article L.
3326-1 du code du travail procède à des exclusions de compétence.
455
Sur cette incompétence, voir le Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts du 12 septembre 2012.
456
Article L. 3326-1 du code du travail.
457
Voir notamment : Cass. soc., 2 déc. 2008, nos 07-16.615 et 07-42.506 : Bull. civ., V, n° 241– Cass. soc.,
15 nov. 2006, n° 04-40.510, inédit.
458
Cass. soc., 2 déc. 2008, op. cit.
459
Article L. 3326-1 du code du travail. Pour une application, voir notamment : Cass. soc., 8 déc. 2010, n°
09-65.810 : Bull. civ., V, n° 288 – Cass. soc., 9 févr. 2010, n° 08-11.338, inédit – Cass. soc., 11 mars 2009,
n° 08-41.140 : Bull. civ., V, n° 8 – Cass. soc., 7 nov. 2001, n° 00-12.216, inédit.

93
comptes sociaux » 460 . Le tribunal de grande instance recouvre toutefois sa compétence
lorsque le montant du bénéfice net et des capitaux propres à l’entreprise n’a pas été fixé par
une telle attestation461. Lorsque l’attestation est au contraire non conforme ou incomplète, la
compétence du tribunal de grande instance semble plus incertaine. La jurisprudence de la
Cour de cassation – déclarant recevables les contestations relatives aux montants du bénéfice
net à l’occasion d’un litige portant sur le montant de la réserve de participation, en présence
d’une attestation du commissaire aux comptes ne mentionnant pas le montant du bénéfice net
ou des capitaux propres462 – ne semble pas en effet transposable aux attestations établies par
un inspecteur des impôts. Dans cette hypothèse, le contentieux devrait ainsi relever de la
compétence exclusive de la juridiction administrative463.
La compétence du tribunal de grande instance cesse enfin lorsque le litige ne porte pas sur
l’accord de participation mais sur le bénéfice du droit à participation. Relèvent ainsi de la
compétence du conseil de prud’hommes les litiges relatifs au versement des droits
à participation d’un salarié démissionnaire 464 , ou absent pour congé maladie 465 , mais
également les litiges relatifs à la liquidation des droits à participation d’un salarié466.
Les nombreuses incertitudes entourant la compétence du tribunal de grande instance dans le
contentieux de la participation rendent nécessaire la réécriture des textes d’attribution. Cette
dernière permettrait d’ailleurs de supprimer la référence à un article abrogé du code de
l’organisation judiciaire et d’éviter toute référence à la compétence générale du tribunal de
grande instance qui amène certains auteurs à considérer à tort qu’il existe en matière de
participation un partage de compétences avec le tribunal d’instance467.

460
R. Vatinet, « Calcul de la réserve de participation et portée de l’effet rétroactif d’un apport partiel
d’actif », JCP S 2011, 1063.
461
Cass. avis, 14 sept. 2015, n° 15006P. Contrairement aux observations de l’avocat général, Mme
Pénichon, la Cour de cassation conclue à la recevabilité de la demande de la contestation du montant du
bénéfice net en l’absence d’une attestation de l’inspecteur des impôts et du commissaire aux comptes
(rapport disponible sur le site de la Cour de cassation, 1er févr. 2016, p. 19, spéc. p. 22.). Conf. Cass. soc.,
10 janv. 2017, n° 14-23.888 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2017, 1981, note G. Duchange.
462
Cass. soc., 5 mars 2014, n° 12-29.315, inédit – Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 12-11.875 : Bull. civ., V, n°
26 ; BJS 2013, p. 256, note G. Auzero ; RDS 2013, p. 707, note Th. Granier.
463
CE, 26 janvier 1990, nos 60197, 60249 et 66275, Sté Sobéa.
464
Cass. soc., 1er mars 1994, n° 92-40.447, inédit.
465
Cass. soc., 11 oct. 1994, n° 91-40.732, inédit. Contra : Cass. soc., 20 oct. 1977, op. cit.
466
Cass. soc., 11 mars 2009, n° 08-41.140 : Bull. civ., V, n° 80.
467
En ce sens : C. Gaillard et A. Sybillin, « Prud’hommes », Rép. proc. civ., Dalloz 2014, n° 205. Ces
derniers se réfèrent d’ailleurs à des arrêts datant d’une époque où la compétence du tribunal d’instance était
expressément visée par l’article R. 442-26 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc., 20 oct. 1977, n°
76-40.880 : Bull. civ., V, n° 558 ; Dr. soc. 1978, p. 127, obs. J. Savatier.

94
60. Compétence en matière de départage. Afin de pallier l’éventuel blocage
résultant du fonctionnement des prud’hommes fondé sur le paritarisme468, le code du travail
prévoit également le renvoi de l’affaire devant le même bureau de jugement ou la même
formation de référé présidé par un juge du tribunal de grande instance469. L’intervention du
tribunal de grande instance en ce domaine est assez récente puisqu’avant la loi Macron cette
présidence était assurée par un juge du tribunal d’instance470. Un tel transfert mérite d’être
salué car il permet de constituer, autour du tribunal de grande instance, « un véritable pôle
social apte à juger toutes les affaires de droit du travail, c’est-à-dire, outre la départition,
celles qui traditionnellement ne relèvent pas de la compétence des conseils de
prud’hommes »471. Ce transfert contribue en outre à clarifier un peu plus les répartitions de
compétences entre les tribunaux d’instance et de grande instance en cantonnant l’intervention
du tribunal d’instance au contentieux des élections et des désignations professionnelles.
Depuis la loi Macron, le bureau de conciliation et d’orientation peut également renvoyer les
parties – à leur demande ou si la nature du litige le justifie – devant le bureau de jugement
présidé par un juge du tribunal de grande instance sans qu’existe une situation de départage.
Cette possibilité est en réalité assez mal accueillie par les conseillers prud’hommes qui « y
voient une porte entr’ouverte sur l’échevinage et une dépossession de leurs prérogatives. Ils
font en outre remarquer que le recours à cette formation suppose la disponibilité du juge
départiteur qui, en l’état des effectifs, fait trop souvent défaut »472. D’ailleurs, aucun des
conseils de prud’hommes rencontrés par la mission de soutien et d’accompagnement à la
réforme de la justice prud’homale, n’a pour l’instant recouru à ce mécanisme473.

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61. Compétence du président de grande instance au fond. Si l’on associe


généralement la compétence du président du tribunal de grande instance à la matière du
référé, celle-ci s’avère en réalité beaucoup plus vaste. Le président intervient en effet dans un

468
Articles R. 1423-34 et R. 1423-35 du code du travail.
469
Article L. 1454-2 du code du travail. Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative
à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, l’éventuel partage devant le bureau de
conciliation et d’orientation entraîne le renvoi de l’affaire non plus devant le même bureau de conciliation
et d’orientation mais devant le bureau de jugement présidé par le juge du tribunal de grande instance
(article 35).
470
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
471
A. Lacabarats, « Les conseils de prud’hommes », op. cit.
472
Rapport Rostand, Mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale,
rapport remis à Monsieur le Premier ministre, avril 2017, p. 9.
473
Ibid., p. 8.

95
certain nombre d’hypothèses « en la forme des référés »474, et dispose ainsi d’une compétence
au fond.

α. Clarification de la compétence du président du TGI en référé

62. Compétence étendue en référé. La compétence du président du tribunal de


grande instance, statuant en référé, n’appelle pas de développements particuliers dans la
mesure où celle-ci suit la compétence du tribunal de grande instance. Le président du tribunal
de grande instance peut ainsi connaître des demandes relatives à la violation des règles sur le
repos dominical 475 , des atteintes portées par l’employeur au libre exercice du droit de
grève476, ou encore de l’action intentée par un syndicat en contestation d’une mutation
d’office d’un fonctionnaire représentant du personnel477.

63. Des cas d’ouverture à référé spécifiques. Le code du travail prévoit toutefois
des cas d’ouverture à référé spécifiques devant le président du tribunal de grande instance. De
telles attributions pourraient surprendre puisqu’en vertu de la compétence de droit commun
du tribunal de grande instance, le référé s’étend à « toutes les matières où il n’existe pas de
procédure particulière de référé »478. Celles-ci sont en réalité justifiées par la particularité des
pouvoirs conférés au président dans de telles hypothèses479. Ces cas spéciaux concernent
uniquement l’intervention de l’inspecteur du travail qui, dans le cadre de sa mission, peut
saisir le juge des référés afin qu’il ordonne rapidement des mesures s’imposant à l’employeur.
On se réfère ici au « référé-sécurité » qui permet de faire cesser le risque sérieux d’atteinte à
l’intégrité physique d’un travailleur résultant de l’inobservation des dispositions législatives et
règlementaires en matière d’hygiène et de sécurité480 ou de l’inobservation des règles de

474
Sur la notion, voir : supra, n° 37.
475
Cass. soc., 22 janv. 2014, n° 12-27.478, Sté Bricorama c/ FO du Val d’Oise : Bull. civ, V, n° 31.
476
Voir notamment : TGI Lyon, réf., 6 déc. 2012, CGT TCL et a. c/ Kéolis : Dr. ouvr. 2013, p. 404, note A.
Basic (l’exigence de réitérer quotidiennement l’intention de faire grève sous peine d’être considéré en
absence injustifiée constitue un trouble manifestement illicite) – TGI Dax, réf., 15 avr. 2008, Syndicat
CFDT multi départemental des transports routiers Aquitaine Atlantique c/ SAS GT Logistics.01 : Dr. ouvr.
2008, p. 611, note P. Rennes (l’avance d’une prime proposée aux travailleurs s’engageant à maintenir la
permanence de leur prestation constitue un trouble manifestement illicite).
477
Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-11.123 : Bull. civ., V, n° 53 ; JCP S 2008, 1309, note J.-Y. Kerbourc’h.
478
Article 810 du code de procédure civile.
479
Sur ce point, voir : B. Gorchs, « Référés spéciaux et droit commun », in n° spéc. « Les procédures
d’urgence en matière judiciaire et administrative », RRJ 2003, p. 2933.
480
Article L. 4732-1 du code du travail. Sur ce point, voir : J.-F. Zapata, « L’inspection du travail et le juge
des référés », Dr. soc. 1975, p. 434.

96
sécurité sur les chantiers du bâtiment ou de génie civil481. Le juge des référés peut également,
sur saisine de l’inspecteur du travail, ordonner le respect du principe du repos dominical dans
les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur. Le juge
peut d’ailleurs aller jusqu’à exiger dans cette hypothèse la fermeture des établissements
concernés et assortir sa décision d’une astreinte liquidée au profit du Trésor482. L’article L.
1251-47 du code du travail prévoit en outre la compétence du président du tribunal de grande
instance pour ordonner la fermeture d’une entreprise de travail temporaire pour une durée ne
pouvant excéder deux mois, en cas d’irrespect par cette dernière de ses obligations en matière
de déclaration et de garantie financière et après une mise en demeure demeurée
infructueuse483.

64. Un amenuisement du périmètre des référés spéciaux. La dernière réforme de


l’inspection du travail a considérablement amoindrie la liste de ces référés spéciaux484. Dans

481
Article L. 4732-2 du code du travail.
482
Articles L. 3132-31, L. 3134-15, D. 3132-24 et D. 3134-5 du code du travail. Pour un exemple
d’application de ce référé voir : Cass. soc., 19 mars 2014, n° 12-28.411 : Bull. civ, V, n° 80 ; JCP S 2014,
1306, note Th. Kapp.
483
Articles L. 1251-47 et R. 1251-10 du code du travail.
484
Ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 : JO 8 avr. 2016, texte n° 20. Pour une présentation de cette
ordonnance, voir notamment : L. Gamet, « Inspection du travail et répression », in Dossier « Inspection du
travail et répression », Dr. soc. 2017, p. 439 – C. Mandy, « Les ‘‘nouveaux pouvoirs’’ de l’inspection du
travail après l’ordonnance du 7 avril 2016 », Dr. soc. 2017, p. 170 – F. Grégoire, « Renforcement des
pouvoirs des agents de l’inspection du travail à compter du 1er juillet 2016 », JCP S 2016, 183.
Cette ordonnance, prise en application de l’article 261 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la
croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a accru les moyens d’action des agents de
l’inspection du travail (simplification de la procédure d’arrêt d’activité de l’entreprise en cas d’exposition
des salariés au risque chimique, extension des possibilités d’ordonner des analyses de produits, facilitation
de l’accès aux documents pour les enquêtes dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et en
matière de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, extension des possibilités de décider d’un arrêt
temporaire de travaux ou d’activité en cas de danger grave et imminent, institution d’une procédure de
retrait d’urgence des jeunes travailleurs âgés de quinze à dix-huit ans) et a modifié les mécanismes de
sanctions à l’encontre des employeurs (renforcement des sanctions pénales encourues en cas d’infraction
aux règles de santé et de sécurité au travail, extension du champ des sanctions administratives).
L’ordonnance a également introduit l’ordonnance pénale en droit du travail en abrogeant la dérogation
prévue à l’article 524, alinéa 2, 1° du code de procédure pénale relative aux contraventions en matière de
droit pénal du travail. Les contraventions prévues par le code du travail étaient en effet jusqu’à présent
exclues du mécanisme de l’ordonnance pénale. Le périmètre de ce mode de poursuite demeure toutefois
restreint puisqu’il n’est toujours pas applicable en matière délictuelle pour les infractions au code du travail
(article 495 du code de procédure pénale). Il s’agit d’une procédure simplifiée par laquelle le ministère
public transmet au tribunal de police le dossier de poursuite et ses réquisitions, pour qu’il statue sans débat
préalable et sans motivation sur l’affaire. En l’absence d’opposition effectuée par le ministère public ou par
le prévenu, l’ordonnance pénale produit les effets d’un jugement passé en force de chose jugée, sauf à
l’égard de l’action civile en réparation des dommages causés par l’infraction. Sur le faible succès prévisible
de cette ordonnance en droit du travail, voir : L. Gamet, « Ordonnance pénale, transaction pénale et
amendes administratives : le nouveau droit répressif du travail », SSL 2016, n° 1719, p. 4, spéc. p. 6.
L’ordonnance avait également introduit la transaction pénale en droit du travail à la disposition du Direccte
mais le Conseil d’État a annulé les règles d’application de la transaction pénale en raison d’une violation du

97
le cadre de son contrôle, l’inspection du travail est en effet amenée à prendre un certain
nombre de décisions administratives, qu’il s’agisse de mises en demeure, de demandes de
vérification ou de décisions d’arrêt de travaux. Si la plupart de ces décisions devait jusqu’à
présent faire l’objet d’un recours hiérarchique auprès du ministre du Travail ou du directeur
régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ou
d’un recours contentieux devant le juge administratif485, certaines d’entre-elles pouvaient être
contestées devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé486. Ces
demandes relèvent désormais de la compétence du juge administratif saisi en référé487. La
suppression de l’intervention du tribunal de grande instance en ce domaine est en réalité
source de clarification pour le justiciable488. De telles exceptions n’avaient d’ailleurs plus lieu
d’être au regard du perfectionnement de la procédure de référé dans l’ordre administratif489.

droit au procès équitable. Les dispositions relatives à la transaction ne prévoyaient en effet pas
l’information des personnes se faisant proposer une transaction pénale sur les faits reprochés et l’infraction
qu’ils constituent : CE, 24 mai 2017, nos 395321 et 395509, Syndicat de la magistrature et autres, Syndicat
national des magistrats force ouvrière.
485
Voir : infra, n° 162.
486
Il en était ainsi : i. Des décisions de mises en demeure réalisées par l’inspecteur du travail préalablement
à un arrêt d’activité dans les hypothèses où les salariés se trouvent dans une situation dangereuse suite au
dépassement de la valeur limite de concentration d’un agent chimique cancérogène, mutagène ou toxique
pour la reproduction ; ii. Des décisions d’arrêt temporaire des travaux sur un chantier du bâtiment et des
travaux publics ; iii. Des décisions d’arrêt temporaire d’activité dans les entreprises dans lesquelles persiste
le dépassement de la valeur limite de concentration d’une substance chimique cancérogène, mutagène ou
toxique pour la reproduction, malgré la mise en demeure.
487
Article L. 4731-4 du code du travail.
488
C. Mandy, « Les ‘‘nouveaux pouvoirs’’ de l’inspection du travail après l’ordonnance du 7 avril 2016 »,
op. cit., spéc. p. 175.
489
Sur ce point, voir notamment : A. Bretonneau et J. Lessi, « Référés : l’irrésistible ascension », AJDA
2014, p. 1484 – B. Stirn, « Juge des référés, un nouveau métier pour le juge administratif ? », in Juger
l’administration, administrer la justice : Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz 2007, p. 795
– R. Vandermeeren, « La réforme des procédures d’urgence », AJDA 2000, p. 706. Sur le développement
d’une culture de l’urgence au sein des juridictions administratives, voir : J.-M. Sauvé, « Bilan de quinze
années d’urgence devant le juge administratif », Discours prononcé le 26 juin 2015 aux états généraux du
droit administratif (article disponible sur le site du Conseil d’État).

98
β. Clarification de la compétence du président du TGI au fond

65. Compétence pour les litiges relatifs au recours à l’expertise par le comité
d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail490. Les
contestations relatives au recours à un expert-technique ou un expert-comptable par le comité
d’entreprise relèvent de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en
la forme des référés491. Celui-ci est en effet compétent pour connaître au fond des litiges
relatifs à la nécessité d’une expertise, au choix de l’expert et à l’étendue de la mission d’un
expert-technique désigné à l’occasion de tout projet important d’introduction de nouvelles
technologies dans les entreprises d’au moins trois cents salariés ou à l’occasion de la
négociation sur l’égalité professionnelle492. Lorsque le litige concerne au contraire le recours
à un expert-comptable, la compétence du président du tribunal de grande instance s’avère plus
limitée et concerne les seules contestations relatives à la rémunération de l’expert493. Si
l’employeur souhaite contester le principe même du recours à l’expert-comptable ou la
mission qui lui a été confiée, il doit ainsi saisir le tribunal de grande instance selon la

490
Ce contentieux devrait progressivement se tarir avec la disparition programmée et progressive du comité
d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à compter du 1er janvier 2018
(article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du
dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités
syndicales). Les dispositions relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
demeureront seulement applicables aux établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, aux
groupements de coopération sanitaire de droit public et aux agences régionales de santé (article 10 de
l’ordonnance précitée).
Les contestations relatives au recours à l’expertise par le futur comité social et économique relèveront du
juge judiciaire statuant en la forme des référés (futur article L. 2315-86 du code du travail, tel qu’il résulte
de l’article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du
dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités
syndicales). Il faut attendre les décrets d’application pour que la compétence du président du tribunal de
grande instance soit en ce domaine confirmée. La comparaison des dispositions du futur article L. 2315-86
du code du travail avec les dispositions relatives à la contestation du recours à l’expertise par le comité
d’entreprise ou le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail révèle que l’intervention du
juge judiciaire, en la forme des référés, ne sera plus conditionnée. Elle concernera en effet, pour l’ensemble
des expertises, les contestations relatives à la nécessité de l’expertise, au choix de l’expert, au coût
prévisionnel, à l’étendue ou à la durée de l’expertise mais également celles relatives au coût final de
l’expertise.
491
Article R. 2325-7 du code du travail.
492
Article L. 2325-38 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc. 2 juill. 1987, n° 85-18.434 : Bull.
civ, V, n° 438.
493
Article L. 2325-40 du code du travail. Relevons également l’existence d’une procédure de conciliation
facultative pour le règlement des litiges sur les honoraires des experts comptables devant le Conseil
régional de l’ordre concerné. Sur cette procédure voir : M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités
d’entreprise et des comités de groupe, 13e éd., LGDJ 2017, coll. Traités, n° 1559.

99
procédure de droit commun494. Il n’en va différemment que lorsque la contestation du recours
à l’expertise ou de l’étendue de la mission constitue un moyen de défense invoqué par
l’employeur pour refuser de régler le montant des honoraires. Dans cette hypothèse, le
président du tribunal de grande instance peut en effet statuer sur cette contestation à titre
incident en prorogeant sa compétence aux moyens de défense495.
Le président du tribunal de grande instance peut également être saisi en la forme des référés
par un employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le
coût prévisionnel de l’expertise, l’étendue ou le délai de l’expertise à laquelle un CHSCT peut
avoir recours496. Cette intervention, en la forme des référés, se justifie par l’urgence de la
situation dans la mesure où l’annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT
entraîne le remboursement des sommes perçues par l’expert à l’employeur à moins que le
comité d’entreprise ne décide de les prendre en charge497. La compétence du président du
tribunal de grande instance ne se justifie toutefois plus lorsque la demande de l’employeur
porte sur le coût final de l’expertise. Dans cette hypothèse en effet, l’expertise a déjà
commencé et il appartient ainsi l’employeur de saisir le tribunal de grande instance498.
Il faut également relever l’incompétence du président du tribunal de grande instance lorsque
la demande d’expertise est réalisée dans le cadre d’une consultation sur un projet de
restructuration et de compression des effectifs donnant lieu à l’élaboration d’un plan de
sauvegarde de l’emploi499. Les contestations relatives à cette expertise doivent en effet être
adressées à l’autorité administrative500 et ne pourront faire l’objet d’un recours contentieux

494
En ce sens : M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, 13e éd.,
LGDJ 2017, coll. Traités, n° 1559.
495
Cass. soc., 13 juin 1990, n° 87-16.948 : Bull. civ., V, n° 280.
496
Articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail.
497
Article L. 2325-41-1 du code du travail. D. Guillouet et L. Peugny, « Procédure de contestation des
expertises CHSCT : une réforme réfléchie ? », SSL 2017, n° 1760, p. 8.
Rappelons qu’avant la loi El Khomri, les frais d’expertise du CHSCT étaient pris en charge par
l’employeur en vertu de l’article L. 4614-13 du code du travail. Cet article avait toutefois été censuré par le
Conseil constitutionnel qui avait reporté les effets de sa décision au 1er janvier 2017 : Cons. const., 27 nov.
2015, n° 2015-500 QPC : SSL 2015, n° 1701, p. 4, obs. F. Champeaux. Sur la conventionnalité de ce report,
voir : Cass. soc., 31 mai 2017, n° 16-16.949 : Bull. civ., V, à paraître. Voir sur ce point, l’entretien avec
Jean-Guy Huglo, SSL 2017, n° 1772, p. 13.
498
Articles L. 4614-13-1 et R. 4614-20 du code du travail.
499
Article L. 4614-12-1 du code du travail. Cette réserve de compétence a été reprise dans les dispositions
relatives à la contestation du recours à l’expertise par le futur comité social et économique (futur article L.
2315-86 du code du travail).
500
Article R. 4616-10 du code du travail.

100
devant la juridiction administrative qu’avec la contestation de la validation de l’accord
majoritaire ou de l’homologation du document unilatéral501.

66. Compétence pour les litiges relatifs à l’action du groupe spécial de


négociation. Le président du tribunal de grande instance statue également « en la forme des
référés » pour les contestations relatives aux actions du groupe spécial de négociation mis en
place en raison de la constitution d’une société européenne502, d’une société coopérative
européenne503, ou d’une société issue de fusions transfrontalières504. Ce groupe a pour rôle de
déterminer, avec les dirigeants participant à la création de ces sociétés, les modalités de
l’implication des salariés au sein de la future société505. Le but est en effet d’aboutir à la
signature d’un accord sur la mise en place d’un organe de représentation du personnel, avec
détermination de ses modalités de constitution, de composition voire de fonctionnement.

67. Compétence pour les demandes de suspension d’un accord de maintien de


l’emploi. Le président du tribunal de grande instance est également compétent pour suspendre
un accord de maintien de l’emploi à la demande de l’un de ses signataires, lorsque les
engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués
de manière loyale et sérieuse ou lorsque la situation économique de l’entreprise a évolué de
manière significative506. Les éventuelles contestations portant sur les accords de préservation
ou de développement de l’emploi, créés par la loi El Khomri et étendus par l’ordonnance
relative au renforcement de la négociation collective507, doivent en revanche être portées
devant le tribunal de grande instance selon la procédure de droit commun. Il n’existe en effet

501
Articles L. 4614-14 et L. 1235-7-1 du code du travail. Voir : P.-Y. Verkindt, « Quand les conditions de
travail s’invitent dans la sécurisation de l’emploi », Dr. soc. 2013, p. 726 et F. Cochet, « L’expertise du
CHSCT au lendemain de la loi du 14 juin 2013 », Dr. soc. 2013, p. 733. Voir : infra, n° 197.
502
Articles R. 2352-19 et R. 2354-1 du code du travail.
503
Articles R. 2362-19 et R. 2364-1 du code du travail.
504
Article R. 2372-19 du code du travail.
505
Article L. 2352-2 du code du travail pour la société européenne – Article L. 2362-2 du code du travail
pour la société coopérative européenne – Article L. 2372-2 du code du travail pour la société issue du
fusions transfrontalières.
506
Article L. 5125-5 du code du travail. Ce contentieux devrait progressivement se tarir dans la mesure où
cet article a été abrogé par l’article 3 de l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective
du 22 septembre 2017.
507
Au-delà de la préservation et du développement de l’emploi, ces accords peuvent désormais être pris
pour répondre « aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise » (article L. 2254-2, I du code du
travail tel qu’il résulte de l’article 3 de l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective
du 22 septembre 2017).

101
aucune disposition prévoyant la compétence du président du tribunal de grande instance pour
ces derniers508.

b. La clarification de la compétence du tribunal d’instance

68. Amenuisement progressif de la compétence du tribunal d’instance. Au fil


des années, les attributions de compétences du tribunal d’instance en droit du travail se sont
amoindries. Le tribunal d’instance n’intervient plus, nous l’avons vu, en cas de partage de
voix devant le conseil de prud’hommes puisque cette compétence a été transférée à un juge du
tribunal de grande instance depuis la loi Macron509. On peut également relever la disparition
de sa compétence pour les affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes lorsque ce
dernier ne peut se constituer ou fonctionner et qu’aucun autre conseil de prud’hommes ne
peut être désigné510. Dans cette hypothèse, il appartient désormais au premier président de la
cour d’appel de désigner un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel pour connaître
des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes ou dont il aurait dû être
ultérieurement saisi. Le tribunal d’instance n’a conservé sa compétence qu’en présence d’une
dissolution d’un conseil de prud’hommes dont les litiges n’ont pas pu être portés devant le
conseil de prud’hommes le plus proche du domicile du demandeur dans le même ressort de la
cour d’appel511.

69. Clarification de la compétence restante du tribunal d’instance. Malgré cet


amenuisement, l’intervention du tribunal d’instance en droit du travail n’en reste pas moins
importante. En effet, au-delà de sa compétence générale pour les actions personnelles et
mobilières d’une valeur inférieure à dix mille euros 512 , le tribunal d’instance demeure

508
Article L. 2254-2 du code du travail. Les décrets qui seront pris suite à l’ordonnance relative au
renforcement de la négociation collective modifieront peut-être ce point.
509
Voir : supra, n° 95. Voir la nouvelle rédaction de l’article L. 1452-2 du code du travail issue de la loi n°
2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
510
Voir la nouvelle rédaction de l’article L. 1423-8 du code du travail et le nouvel article L. 1423-10-1 du
code du travail issus de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques. De tels transferts existent en pratique. Pour des exemples, voir : Rapport Rostand,
Mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice prud’homale, rapport remis à Monsieur
le Premier ministre, avr. 2017, p. 11. On peut notamment citer le cas du conseil de prud’hommes de
Cayenne dont le contentieux est traité par le tribunal d’instance depuis octobre 2011 en raison du
dysfonctionnement de ce conseil de prud’hommes. Le contentieux de deux sections du conseil de
prud’hommes de Vienne a également été transféré sur décision du premier président au conseil de
prud’hommes de Bourg-en-Bresse.
511
Article L. 1423-11 du code du travail.
512
Sur ce partage de compétences, voir : supra, n° 55. La compétence du tribunal d’instance s’est accrue
par l’effet de la suppression de la juridiction de proximité, suppression ayant fait l’objet d’un long périple :

102
compétent pour les litiges relatifs au contrat de travail des marins et des capitaines et pour le
contentieux de la désignation et de l’élection de certains représentants du personnel. L’étude
de l’évolution de la compétence du tribunal d’instance en droit du travail révèle en réalité une
clarification progressive de cette intervention et ne persiste à l’heure actuelle qu’un nombre
assez résiduel d’incertitudes relativement à cette compétence. La création d’un bloc de
compétences au profit du juge judiciaire dans le contentieux des élections professionnelles a
en effet grandement facilité la détermination de la juridiction compétente en ce domaine
puisque, jusqu’à la loi Macron, le contentieux était éclaté entre le tribunal d’instance et la
juridiction administrative 513.

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70. Une compétence du tribunal d’instance désormais clarifiée pour les marins.
Des doutes avaient pu surgir quant à la compétence du tribunal d’instance pour les litiges
relatifs au contrat de travail des marins dans la mesure où le décret n° 59-1337 du 20
novembre 1959, relatif aux litiges entre armateurs et marins, avait été abrogé avant même que
les dispositions règlementaires du code des transports ne soient adoptées514. Certains avaient
ainsi considéré que cette suppression conduisait à la reconnaissance de la compétence
prud’homale pour les litiges des marins, après une tentative infructueuse de conciliation
devant le directeur départemental des territoires et de la mer515.
Le décret du 27 février 2015 est venu mettre un terme à ces incertitudes en précisant que le
juge judiciaire compétent pour les « [différends] [pouvant] s’élever à l’occasion de la
formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le

prévue par l’article 70 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux
et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, cette suppression a été reportée du 1er janvier
2013 au 1er janvier 2015 par l’article unique de la loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012, puis de nouveau
reportée par l’article 99 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 du 1er janvier 2015 au 1er janvier
2017. La loi organique du 8 août 2016 et celle du 18 novembre 2016 ont quant à elles prévu la suppression
des juges et des juridictions de proximité à compter du 1er juillet 2017. Le décret n° 2017-683 du 28 avril
2017 vient d’ailleurs de tirer les conséquences de la suppression des juridictions de proximité et des juges
de proximité.
513
Article 267 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques. Pour une présentation de l’enchevêtrement antérieur, voir notamment : A. Lalet, « Le
contentieux des institutions représentatives du personnel devant le juge administratif », in J.-F. Akandji-
Kombé (dir.), Le Conseil d’État et le droit social, Montchrestien 2011, coll. Grands colloques, p. 147.
514
Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.
515
Z. Pajot et A. Moulinas, « Abrogation du Titre VII du code du travail maritime par le Code des
transports : Quelle compétence juridictionnelle pour les conflits de travail maritime ? » DMF 2012, n° 737,
p. 503.

103
marin », et visé à l’article L. 5542-48 du code des transports, était bien le tribunal
d’instance516. Ont ainsi été consacrées les solutions jurisprudentielles antérieures. Il n’est en
effet plus nécessaire de distinguer selon que le marin a ou non embarqué pour délimiter la
compétence du tribunal d’instance et celle du conseil de prud’hommes517. La compétence
d’attribution du tribunal d’instance s’étend ainsi à toutes les contestations relatives à la
formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin. Il
est en outre compétent pour le contentieux des élections et des désignations dans le domaine
maritime, même si dans cette hypothèse l’intervention du tribunal d’instance n’est pas
déterminée par le caractère maritime des contrats de travail mais par la nature même du
contentieux518.
Malgré cette clarification, l’incompétence du conseil de prud’hommes pour le contrat de
travail des marins mérite d’être discutée519. On pourrait en effet envisager la généralisation de
la compétence prud’homale avec un maintien de la conciliation actuellement effectuée par le
directeur départemental des territoires et de la mer520. La majorité des syndicats de marins
s’était d’ailleurs – lors de l’adoption de la partie réglementaire du code des transports –
prononcée en faveur d’un transfert de ce contentieux à des sections maritimes spécialement
créées au sein de certains conseils de prud’hommes. Au regard du nombre restreint de
décisions portant sur le droit du travail maritime, la création de telles sections maritimes
n’était pas envisageable et la compétence du tribunal d’instance a été maintenue 521 .
L’impossibilité de créer de telles sections ne semble toutefois pas constituer un argument
516
Article 12 du décret n° 2015-219 du 27 février 2015 relatif à la résolution des litiges individuels entre
les marins et leurs employeurs. Sur ce décret, voir : I. Jarry, « Regard sur le décret du 27 février 2015
relatif à la résolution des litiges individuels entre les marins et leurs employeurs », DMF 2015, n° 768, p.
358.
517
Sur l’évolution de la jurisprudence et l’abandon depuis 1983 de la distinction temporelle du moment
d’apparition du litige pour délimiter la compétence respective du tribunal d’instance et du conseil de
prud’hommes, voir : P. Chaumette, « Le contrat d’engagement maritime à la recherche de son identité »,
Dr. soc. 1991, p. 651. Voir également : Cass. Soc., 22 juin 2016, n° 15-12.824, inédit – Cass. soc., 12 févr.
2014, n° 13-10.643 : Bull. civ., V, n° 51 ; Dr. soc. 2014, p. 389, note P. Chaumette ; JCP E 2014, 1476,
comm. S. Brissy – Cass. soc. 3 mai 2006, n° 04-46.506 : Bull. civ., V, n° 164 ; Dr. soc. 2006, p. 805, obs.
P. Chaumette.
518
Voir : P. Chaumette, « Contentieux du travail maritime. Compétences juridictionnelles quant aux litiges
entre marins et employeurs », juillet 2015, article consulté le 1er mai 2017 sur le site :
http://www.afcan.org/dossiers_juridique1.html. et la jurisprudence citée : TI Marseille, 5 nov. 2009 : DMF
2010, n° 715, p. 497, obs. P. Chaumette. Sur la compétence du tribunal d’instance sur le contentieux de la
désignation en général, voir : infra, n° 76 et suiv.
519
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 283, p. 286.
520
Sur la modernisation de la conciliation par le décret du 27 février 2015, voir : P. Chaumette,
« Contentieux du travail maritime. Compétences juridictionnelles quant aux litiges entre marins et
employeurs », op. cit. Sur cette tentative de conciliation, voir : J. Villebrun et G.-P. Quétant, Traité de la
juridiction prud’homale, 3e éd., LGDJ 1998, coll. Traité, spéc. p. 267-269.
521
En ce sens, voir : Ch. Eoche-Duval, « Réforme de la résolution des litiges individuels entre les marins et
leurs employeurs », DMF 2015, n° 768, p. 289.

104
suffisamment dirimant pour défendre le statu quo. Les spécialistes du contentieux maritime
font en effet remarquer que les juges d’instance qui traitent de ces litiges découvrent
également la plupart du temps le droit social maritime522. On ne saurait donc se prévaloir
d’une plus grande spécialisation des magistrats du tribunal d’instance sur le contrat de travail
maritime pour rejeter l’intervention des conseillers prud’hommes sur ce point. Ce transfert de
compétence présenterait en outre l’avantage de réunir le contentieux du travail maritime
national et international, qui a quant à lui toujours relevé du conseil de prud’hommes523. Au-
delà de ce transfert de compétence, il faudrait également davantage faire apparaître
l’incompétence du tribunal d’instance – voire du conseil de prud’hommes, si le transfert était
opéré – pour connaître des litiges collectifs. Ces derniers relèvent en effet, comme pour les
autres salariés, de la compétence de la juridiction de droit commun524.

71. Des incertitudes persistantes pour les capitaines. L’abrogation du décret du


20 novembre 1959 précité a également entraîné des incertitudes quant à la juridiction
compétente pour les litiges survenus entre les armateurs et les capitaines525. L’article 12 de ce
décret, qui prévoyait la compétence du tribunal de commerce en ce domaine, a en effet
disparu.
Si nous considérons que la situation du capitaine a « été alignée sur l’ensemble des marins et
relève aussi de la compétence du tribunal d’instance »526, certains auteurs réfutent toutefois
cette analyse et affirment la compétence du tribunal de commerce. Ces derniers estiment en
effet que l’abrogation du code du travail maritime et son remplacement par le code des
transports n’ont pu avoir pour conséquence de supprimer la compétence du tribunal de
commerce entre les armateurs et les capitaines dans la mesure où la codification s’est opérée à

522
Sur ce point, voir : P. Chaumette, « Contentieux du travail maritime. Compétences juridictionnelles
quant aux litiges entre marins et employeurs », op. cit.
523
Sur cette compétence : Voir notamment : Cass. soc., 28 juin 2005, n° 03-45.042 : Bull. civ., V, n° 216 ;
JCP G 2005, 179, obs. J. Béguin ; D. 2005, panor. 3052, obs. Th. Clay – CA Aix, 17 déc. 2013 : DMF
2014, p. 214, obs. P. Chaumette.
524
Voir notamment : Cass. soc., 8 oct. 2014, n° 13-13792, SNCM c/ Syndicat CGT des marins de
Marseille, Bull. civ., V, n° 224 ; DMF 2015, n° 766, p 131, obs. P. Chaumette – Cass. soc., 25 janvier
2012, n° 10-26.237 : Bull. civ., V, n° 18 ; Dr. soc. 2012, p. 433, obs. P. Chaumette.
525
Sur ces incertitudes, voir : Z. Pajot et A. Moulinas, « Abrogation du Titre VII du code du travail
maritime par le code des transports : Quelle compétence juridictionnelle pour les conflits de travail
maritime ? » DMF 2012, n° 737, p. 503 – P. Chaumette, « Quel juge compétent pour un litige capitaine-
armateur ? », mai 2012, article consulté le 1er avril 2015 sur le site :
http://www.afcan.org/dossiers_juridiques/litige_captaine_armateur.html.
526
P. Chaumette, « Contentieux du travail maritime. Compétences juridictionnelles quant aux litiges entre
marins et employeurs », juillet 2015, article consulté le 1er mai 2017 sur le site :
http://www.afcan.org/dossiers_juridique1.html.

105
droit constant527. Ces derniers font d’ailleurs valoir que la compétence de la juridiction
commerciale se justifie par le fait que le capitaine réalise des actes de commerce et qu’il est
électeur et éligible à la juridiction consulaire. La lecture combinée des articles L. 5542-48 du
code des transports et R. 221-13 du code de l’organisation judiciaire – tel qu’il résulte du
décret du 28 février 2015 – permet au contraire de conclure à la compétence du tribunal
d’instance pour les capitaines. Seule la tentative de conciliation préalable devant le directeur
départemental des territoires et de la mer n’est pas requise à leur égard528.
L’existence même de ce débat est en réalité révélatrice d’une certaine ambiguïté des textes
actuels d’attribution. Que le contentieux soit maintenu au tribunal d’instance ou transféré au
conseil de prud’hommes, les textes devront donc être réécrits afin qu’apparaisse plus
clairement la juridiction compétente en ce domaine.

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72. Une compétence étendue dans le contentieux des élections professionnelles.


La compétence du tribunal d’instance dans le contentieux des élections est relativement
vaste529. Elle concerne en effet non seulement les élections des délégués du personnel et des
représentants au comité d’entreprise530, les élections organisées sur un plan régional pour la
mesure de la représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés mais également
les consultations réalisées dans l’entreprise dans le cadre d’un référendum – qu’il s’agisse de
l’approbation majoritaire d’un accord collectif minoritaire ou de l’approbation majoritaire
d’un accord conclu par un élu mandaté ou un salarié mandaté dans les entreprises dépourvues
de délégués syndicaux.

527
I. Jarry, « Regard sur le décret du 27 février 2015 relatif à la résolution des litiges individuels entre les
marins et leurs employeurs », op. cit. Cette dernière s’appuie sur l’arrêt du Conseil d’État du 23 novembre
2011 (n° 344753) dans lequel le Conseil d’État rappelle que les dispositions codifiées sont celles en vigueur
au moment de la publication de l’ordonnance.
528
Article L. 5542-48 du code des transports.
529
Le tribunal d’instance est souvent d’ailleurs présenté comme le juge de l’élection. Voir notamment : B.
Boubli, « Juridictions du travail », J.-Cl. Travail 2009, fasc. 80-10, n° 8 et J. Le Goff, Droit du travail et
société, op. cit., p. 977 : « Il est avant tout le juge de l’élection ».
530
Et certainement l’élection des membres élus de la future institution représentative du personnel, le
comité social et économique, qui remplacera à terme, au plus tard le 31 décembre 2019, les délégués du
personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail. L’article 1
de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social
et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales vise
pour l’instant la compétence du juge judiciaire mais les décrets d’application consacreront certainement la
compétence du tribunal d’instance en ce domaine.

106
73. Contentieux de l’élection des délégués du personnel et des représentants au
comité d’entreprise 531 . Le tribunal d’instance est tout d’abord compétent en matière
préélectorale. Il peut, en effet, être saisi pour la mise en place d’un dispositif de contrôle du
scrutin 532 ou pour fixer les modalités d’organisation et le déroulement des opérations
électorales en l’absence d’un protocole d’accord préélectoral valide 533. Le tribunal d’instance
est en outre compétent pour les litiges portant sur le découpage de l’entreprise en
établissements distincts, sur la répartition du personnel dans les collèges électoraux et sur la
répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel. Lorsqu’il n’existe pas de
protocole d’accord préélectoral et qu’aucune organisation n’a répondu à l’invitation de
négocier, la loi du 5 mars 2014 a en effet habilité l’employeur à déterminer unilatéralement
ces éléments, avec contestation possible devant le juge judiciaire534. Jusqu’à la loi Macron, la

531
Ce contentieux a vocation à disparaître avec la substitution progressive du comité social et économique
à ces institutions représentatives. Les dispositions transitoires accélèrent d’ailleurs cette disparition
puisqu’elles prévoient la prorogation des mandats, arrivant à échéance entre la date de publication de
l’ordonnance et le 31 décembre 2017, jusqu’au 31 décembre 2017 (article 9, II, 2° de l’ordonnance n°
2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans
l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales). Le contentieux de
l’élection des délégués du personnel et des représentants au comité d’entreprise n’est désormais
envisageable qu’à l’égard des seules hypothèses dans lesquelles un protocole d’accord préélectoral a été
conclu avant la publication de l’ordonnance. Les élections se déroulent en effet, dans cette situation,
conformément aux dispositions en vigueur avant l’ordonnance (article 9, II, 1° de l’ordonnance précitée).
Les développements qui suivent resteront dans l’ensemble valables pour le contentieux de l’élection des
membres du comité social et économique ; l’ordonnance reprend en effet les règles existantes. Nous
indiquerons dès lors les futurs articles consacrés au conseil social et économique pour information.
532
Article L. 2314-14 et R. 2314-7 du code du travail pour les délégués du personnel. Articles L. 2324-9 et
R. 2324-23 1° du code du travail pour le comité d’entreprise. Futur article L. 2314-17 pour le comité social
et économique.
533
Articles L. 2314-23 et R. 2314-5 du code du travail pour les délégués du personnel. Articles L. 2324-21
et R. 2324-2 du code du travail pour le comité d’entreprise. Futur article L. 2314-28 du code du travail pour
le comité social et économique.
Le tribunal d’instance est ainsi amené à se prononcer sur la validité de la négociation du protocole d’accord
préélectoral, qu’il s’agisse des règles régissant l’invitation à la négociation ou des conditions de signature
des accords préélectoraux. Les règles du scrutin fixées dans le cadre d’un protocole valide ne pourront faire
l’objet d’une contestation devant le tribunal d’instance qu’à la condition que soit méconnue une règle
d’ordre public : Cass. soc., 6 oct. 2011, n° 11-60.035 : Bull. civ., V, n° 228 ; RJS 2012, p. 9, chr. Y.
Struillou ; JCP S 2012, 1125, obs. J.-Y. Kerbouc’h. Sur ce point, voir également : M.-L. Morin, L. Pécaut-
Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des désignations de représentants
syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611.25, p. 1167
534
Articles L. 2314-31 et L. 2314-11 du code du travail pour les délégués du personnel. Articles L. 2322-5
et L. 2324-13 du code du travail pour le comité d’entreprise. Avant la loi du 5 mars 2014, l’employeur ne
pouvait fixer unilatéralement que les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote :
Cass. soc. 26 sept. 2012, n° 11-22.598 : Bull. civ, V, n° 239 ; JCP S 2012, 1478, obs. F. Petit.
Cette habilitation est reprise dans les dispositions relatives au futur comité social et économique (futur
article L. 2314-14 du code du travail). Le règlement des litiges relatifs à décision de l’employeur portant
sur le nombre et le périmètre des établissements distincts est toutefois aménagé pour tenir compte de
l’évolution du mode de détermination des établissements distincts. Ces derniers pourront être déterminés
par accord d’entreprise et à défaut par un accord conclu entre l’employeur et le comité social et

107
compétence du tribunal d’instance était en revanche exclue lorsque les parties à la négociation
n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur la reconnaissance d’un établissement distinct, sur
la répartition du personnel entre les différents collèges et sur la répartition des sièges entre les
différentes catégories de personnel. Il appartenait aux parties de saisir l’autorité administrative
pour qu’elle fixe ces modalités et les éventuels recours à l’encontre de cette décision devaient
être portés devant la juridiction administrative535. La contestation de ces décisions relève
désormais de la compétence du tribunal d’instance536. La création de ce bloc de compétences
doit être approuvée car le partage de compétences antérieur pouvait être source de
contradictions de décisions. Dans la mesure où la compétence de l’autorité administrative –
pour la reconnaissance d’un établissement distinct ou la répartition du personnel entre les
différents collèges – est subordonnée à l’absence d’un protocole d’accord préélectoral valide,
la question de la validité de cet accord peut en effet se poser devant l’autorité administrative.
Or, si la chambre sociale de la Cour de cassation réservait l’appréciation de la validité du
protocole d’accord préélectoral à la seule compétence du tribunal d’instance et obligeait
l’autorité administrative à surseoir à statuer537, il arrivait en pratique que celle-ci se prononce
malgré tout sur la validité d’un tel accord, avec recours possible devant la juridiction
administrative538. Désormais, le tribunal d’instance pourra statuer sur la validité du protocole

économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité
(futurs articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail). Ce n’est qu’à défaut qu’il reviendra à
l’employeur de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de
gestion du responsable de l’établissement (futur article L. 2313-4 du code du travail). L’autorité
administrative n’interviendra qu’en cas de contestation de la décision de l’employeur pour fixer ces
modalités, avec un recours possible devant le juge judiciaire. La compétence du tribunal d’instance sera
certainement prévue dans une telle hypothèse par les décrets d’application (futur article L. 2313-5 du code
du travail).
535
L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, « Protection des représentants du personnel, Cour de cassation et
Conseil d’État : des marches parallèles à la démarche commune », in Dossier « Les juges et le droit social :
questions d’actualité », Dr. soc. 2010, p. 902.
536
Article 267 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques venant modifier les articles L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2324-13, L. 2324-18 et L.
2327-7 du code du travail : « En cas de contestation, le recours à l’encontre de la décision de l’autorité
administrative relève de la compétence du juge judiciaire ». Ce bloc de compétences a été parachevé dans
la loi El Khomri dans la mesure où aucune dérogation n’avait été prévue dans la loi Macron pour la
reconnaissance des établissements distincts pour l’élection des membres de la délégation au comité
d’établissement. Voir l’article L. 2322-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi El Khomri.
Ce bloc de compétences est repris dans l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la
nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la
valorisation des responsabilités syndicales pour l’élection des membres du futur comité social et
économique (futur article L. 2314-13 du code du travail) et du futur comité social et économique central
(futur article L. 2316-8 du code du travail).
537
Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-60.483 : Bull. civ., V, n° 67.
538
Pour un exemple éclairant sur l’imbrication antérieure à la mise en place du bloc de compétences, voir
Cass. soc., 4 juillet 2012, nos 11-60.229, 11-60.230 et 11-60.232 : Bull. civ., V, n° 214 ; Lexbase Hebdo éd.
S 2012, n° 494, obs. G. Auzero.

108
et éventuellement annuler la décision de l’autorité administrative dans le cadre de la même
décision. Le risque de contradictions de décisions entre les juridictions administrative et
judiciaire provenant de ces interventions parallèles a ainsi disparu.
Au-delà de la fixation des modalités d’organisation et de déroulement des opérations
électorales et du règlement des litiges préélectoraux, le tribunal d’instance est également
compétent pour les contestations relatives à l’électorat – autrement dit portant sur le respect
des conditions pour être admis et figurer au vote et l’établissement des listes électorales539 – et
les contestations relatives à la régularité des opérations électorales – autrement dit portant sur
l’éligibilité et les opérations de vote540. L’intérêt de telles contestations s’est en réalité accru
avec la loi du 20 août 2008 qui a fait de l’audience obtenue au premier tour des élections des
titulaires du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel l’un des critères de la
représentativité syndicale541. On a ainsi assisté à l’émergence d’un contentieux portant sur la
régularité des opérations électorales du premier tour des élections professionnelles542.

74. Élections dans les entreprises de moins de onze salariés pour mesurer la
représentativité. Dans les entreprises de moins de onze salariés, l’organisation des opérations
électorales ayant pour but de mesurer l’audience des organisations syndicales et d’établir leur
représentativité peut également donner lieu à la saisine du tribunal d’instance543. Tout électeur
peut en effet saisir le tribunal d’instance d’une contestation relative à une inscription sur une
liste électorale, après un recours gracieux infructueux effectué devant le directeur régional des
entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) de la région dans laquelle
l’électeur est inscrit 544 . Les décisions relatives à l’enregistrement d’une ou plusieurs
candidatures peuvent également être contestées, dans un délai de dix jours à compter de la
publication au recueil des actes administratifs, devant le tribunal d’instance dans le ressort

539
Pour un contentieux récent, voir notamment : TI Châteauroux, 23 févr. 2017, n° 11-17-000053 : Liais.
soc. Quotidien, 9 mai 2017, n° 17322, p. 4. Relevons toutefois la compétence de l’autorité administrative
pour les dérogations aux conditions d’ancienneté pour l’électorat et l’éligibilité (article L. 2314-20 du code
du travail pour les délégués du personnel. Article L. 2324-18 du code du travail pour le comité
d’entreprise). Des dispositions similaires prévoient la compétence de l’autorité administrative pour le futur
conseil social et économique (futur article L. 2314-25 du code du travail).
540
Articles L. 2314-25 et R. 2314-27 du code du travail pour les délégués du personnel. Articles L. 2324-
23 et R. 2324-23 du code du travail pour le comité d’entreprise. Articles L. 2327-8 et R. 2327-6 du code du
travail pour le comité central d’entreprise. Futur article L. 2314-32 du code du travail pour le comité social
et économique.
541
Voir notamment : Cass. soc. 13 janv. 2010, n° 09-60.203 : Bull. civ., V, n° 7 ; Dr. soc. 2010, p. 595,
obs. F. Petit.
542
Cass. soc., 26 mai 2010, n° 09-60.453 : Bull. civ., V, n° 113.
543
Articles R. 2122-26 et R. 2122-39 du code du travail.
544
Articles L. 2122-10-5, R. 2122-21 et R. 2122-26 du code du travail.

109
duquel l’autorité administrative susmentionnée a son siège par tout électeur ou tout
mandataire d’une organisation candidate. En revanche, lorsque le recours est formé contre les
décisions des services centraux du ministère du travail portant sur les candidatures, seul le
tribunal d’instance de Paris XV est compétent545. Relevons enfin la compétence du tribunal
d’instance pour les contestations relatives au déroulement des opérations électorales par tout
électeur ou tout mandataire d’une organisation candidate relevant de la région pour laquelle la
contestation est formée, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de l’affichage des
résultats546.

75. Les contestations relatives à l’approbation majoritaire d’un accord collectif


« imparfait » 547 . Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et de conseil
d’entreprise, les accords d’entreprise ou d’établissement peuvent être négociés et conclus, à
certaines conditions548, par un membre de la délégation du personnel du comité social et
économique expressément mandaté par une organisation syndicale représentative549, par un
membre de la délégation du personnel du comité social et économique non mandaté550, par un

545
Article R. 2122-39 du code du travail.
546
Articles L. 2122-10-11 et R. 2122-93 du code du travail.
547
La compétence du tribunal d’instance devrait prochainement s’accroître puisque l’article 8 de
l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective du 22 septembre 2017 prévoit la
possibilité (dans les entreprises dont l’effectif habituel est inférieur à onze salariés et dans les entreprises
dont l’effectif habituel est compris entre onze et vingt salariés et qui sont dépourvues de membre élu de la
délégation du personnel du comité social et économique) de rendre un accord valide par la ratification du
projet d’accord à la majorité des deux tiers du personnel (nouveaux articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L.
2232-23 du code du travail. Voir sur ce point : Ch. Radé, « Ordonnances réformant le droit du travail : le
droit de la négociation collective après l’ordonnance n° 4 relative au renforcement de la négociation
collective », Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 712). Les modalités d’organisation de cette consultation seront
prochainement fixées par décret en Conseil d’État. La compétence du tribunal d’instance sera certainement
prévue.
548
L’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective du 22 septembre 2017 a quelque peu
modifié les dispositions consacrées à la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué
syndical et de conseil d’entreprise. Sur ce point, voir : Ch. Radé, « Ordonnances réformant le droit du
travail : le droit de la négociation collective après l’ordonnance n° 4 relative au renforcement de la
négociation collective », op. cit. Les articles visés dans les notes de bas de page suivantes sont dès lors ceux
à jour de l’ordonnance. Les dispositions antérieures ayant été abrogées à compter du 24 septembre 2017, la
négociation et la conclusion d’un accord collectif dans les entreprises non encore pourvues d’un comité
social et économique ne nous semblent ainsi possibles qu’avec un salarié mandaté. Sur le régime antérieur
à l’ordonnance du 22 septembre 2017, voir notamment : S. Béal et C. Terrenoire, « La négociation selon un
mode dérogatoire après la loi Travail », JCP S 2016, 1338 – M. Morand, « La négociation avec les élus
dans la loi Rebsamen », RJS 2016, p. 497.
549
Article L. 2232-23-1 du code du travail pour la négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel
est compris entre entre onze et moins de cinquante salariés. Article L. 2232-24 du code du travail pour la
négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins de cinquante salariés.
550
Article L. 2232-23-1 du code du travail pour la négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel
est compris entre entre onze et moins de cinquante salariés. Article L. 2232-25 du code du travail pour la
négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins de cinquante salariés.

110
salarié mandaté par une organisation représentative551 ou par le représentant de la section
syndicale 552. Certains de ces accords – ceux conclus par un salarié mandaté 553 , par le
représentant de la section syndicale 554 ou par un membre mandaté de la délégation du
personnel du comité social et économique dans les entreprises d’au moins cinquante
salariés555 – ne sont valides qu’à la condition d’avoir été approuvés par les salariés à la
majorité des suffrages exprimés. Dans le cadre de cette consultation, le tribunal d’instance
peut alors être saisi par les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou
l’établissement en cas de désaccord sur les modalités d’organisation de la consultation
retenues par l’employeur556. Il peut en outre connaître des contestations relatives à l’électorat
et à la régularité de cette consultation557.
Le tribunal d’instance est également compétent pour les litiges survenus à l’occasion de
l’approbation par les salariés de l’accord signé par des syndicats minoritaires558. La loi El
Khomri a en effet introduit la possibilité de « sauver » un accord minoritaire, signé par des
organisations syndicales ayant obtenu plus de trente pour cent des suffrages exprimés en
faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections, à condition que

551
Article L. 2232-23-1 du code du travail pour la négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel
est compris entre entre onze et moins de cinquante salariés. Article L. 2232-26 du code du travail pour la
négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins de cinquante salariés.
552
Article L. 2143-23 du code du travail. Cette disposition n’a été modifiée ni par la loi Rebsamen, ni par la
loi El Khomri, ni par l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective du 22 septembre
2017.
553
Article L. 2232-23-1 du code du travail pour la négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel
est compris entre entre onze et moins de cinquante salariés. Article L. 2232-26 du code du travail pour la
négociation dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins de cinquante salariés.
554
Article L. 2232-14 du code du travail. Cette disposition n’a été modifiée ni par la loi Rebsamen, ni par la
loi El Khomri, ni par l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective du 22 septembre
2017.
555
Article L. 2232-24 du code du travail. Les accords d’entreprise ou d’établissement signés par un
membre, mandaté ou non mandaté, de la délégation du personnel du comité social et économique dans les
entreprises dont l’effectif habituel est compris entre onze et moins de cinquante salariés n’ont pas à être
approuvés par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Pour être valides, ces derniers doivent
seulement être signés par des membres du comité social et économique représentant la majorité des
suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles (article L. 2232-23-1, II du code du
travail). Il en va de même pour les accords signés par un membre, non mandaté, de la délégation du
personnel du comité social et économique dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins de
cinquante salariés (article L. 2232-25 du code du travail).
556
L’article D. 2232-9 du code du travail prévoyait jusqu’alors la compétence du tribunal d’instance.
Gageons que les prochains décrets continueront de viser le tribunal d’instance. Précisons qu’aucune
disposition ne concerne le représentant de la section syndicale, comme si les dispositions le concernant
étaient devenues caduques.
557
L’article R. 2232-5 du code du travail prévoyait jusqu’alors la compétence du tribunal d’instance.
Gageons que les prochains décrets continueront de viser le tribunal d’instance.
558
Pour une critique de ce système d’approbation, voir : D. Boulmier, « ‘‘Les damnés de la terre’’,
électeurs pour leur propre misère : ou comment l’article L. 2232-12 du code du travail favorise une
collusion ‘‘minorité syndicale/employeur’’ », Dr. soc. 2016, p. 907. Pour une position plus mesurée, voir :
F. Petit, « Le référendum en entreprise comme voie de secours », Dr. soc. 2016, p. 903.

111
celui-ci soit approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés559. Le tribunal
d’instance peut dès lors être saisi par les organisations syndicales représentatives dans
l’entreprise ou l’établissement en cas de désaccord sur les modalités d’organisation de la
consultation fixées par le protocole d’accord préélectoral560, et est en outre compétent pour les
contestations relatives à l’électorat et à la régularité de cette consultation561.

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76. Une lisibilité des attributions existantes. En l’absence d’une attribution de


compétence pour l’ensemble des désignations professionnelles intervenues dans l’entreprise,
le tribunal d’instance n’est compétent qu’à l’égard des désignations pour lesquelles existe une
attribution spéciale de compétence. Relèvent ainsi du tribunal d’instance les seules
contestations portant sur la désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels562,
du représentant de la section syndicale563, de la délégation des représentants du personnel au
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail564, des représentants du personnel au
comité de groupe 565 , des représentants syndicaux au comité d’entreprise, au comité

559
Article L. 2232-12 du code du travail. Conformément à l’article 17 de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22
septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, modifiant l’article 21 IX de la loi n°
2016-1088 du 8 août 2016, le recours à l’approbation par les salariés concerne les accords collectifs portant
sur la durée du travail, les repos et les congés et aux accords de préservation et de développement de
l’emploi (article L. 2254-2 du code du travail). Ces dispositions s’appliqueront à compter du 1er mai 2018 à
tous les autres accords collectifs.
560
Article D. 2232-7 du code du travail.
561
Article R. 2232-5 du code du travail.
562
Articles L. 2143-8 et R. 2143-5 du code du travail. Article R. 221-28 1° du code de l’organisation
judiciaire. Dans ce cadre, le juge d’instance est également compétent pour reconnaître des établissements
distincts pour la désignation des délégués syndicaux : Cass. soc., 7 oct. 1998, n° 97-60.303 : Bull. civ., V,
n° 414.
563
Article L. 2142-1-2 du code du travail. Par un mécanisme de renvoi, cet article rend les dispositions de
l’article L. 2143-8 du code du travail – qui attribue le contentieux de la désignation du délégué syndical au
tribunal d’instance – applicables au représentant de la section syndicale.
564
Articles L 4613-3 et R. 4613-11 du code du travail. Article R. 221-28 2° du code de l’organisation
judiciaire. Voir notamment : Cass. soc., 18 déc. 2002, n° 01-60.806, inédit.
Ce contentieux se réduira certainement avec l’entrée en vigueur, au plus tard le 1er janvier 2018, de
l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et
économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Son
article 1 supprime en effet le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au profit du comité
social et économique. Ce contentieux ne disparaîtra pas pour autant puisque les dispositions relatives au
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail demeureront applicables aux établissements
publics de santé, sociaux et médico-sociaux, aux groupements de coopération sanitaire de droit public et
aux agences régionales de santé (article 10 de l’ordonnance précitée).
565
Article R. 2331-3 du code du travail.

112
d’établissement, au comité central d’entreprise et au comité de groupe566, des membres des
commissions paritaires régionales interprofessionnelles567, du représentant des salariés dans
une procédure collective568, ou des membres du groupe de négociation et de l’instance de
représentation dans les réseaux de franchise569.
Sa compétence s’étend à la désignation des membres du groupe spécial de négociation mis en
place pour constituer un comité d’entreprise européen conventionnel570, une instance de
représentation conventionnelle dans une société européenne571, une instance de représentation
conventionnelle dans une société coopérative européenne 572, ou encore une instance de
représentation conventionnelle dans une société issue de fusions transfrontalières 573 . Le
tribunal d’instance est enfin compétent pour connaître de la désignation des représentants au
comité institué à défaut d’accord sur la mise en place d’une instance conventionnelle. Relève
ainsi de sa compétence la désignation des représentants au comité d’entreprise européen574, au
comité de la société européenne575, au comité de la société coopérative européenne576, ou
encore au comité de la société issue de fusions transfrontalières577.

566
Article R. 221-28 1° du code de l’organisation judiciaire pour le comité de groupe. Article R. 2324-23
du code du travail pour le comité d’entreprise. Article R. 2327-6 du code du travail pour le comité central
d’entreprise. Les décrets, qui seront prochainement pris en application de l’article 1 de l’ordonnance n°
2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans
l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, consacreront
certainement également la compétence du tribunal d’instance pour les contestations relatives à la
désignation des représentants syndicaux au comité social et économique (futurs articles L. 2314-2 et L.
2314-32 du code du travail) et au comité social et économique central d’entreprise (futur article L. 2316-7
du code du travail).
567
Articles L. 23-111-1, L. 23-112-6 et R. 23-112-15 du code du travail. Ces commissions ont été créées
par la loi Rebsamen dans le but d’assurer une représentation des salariés pour les entreprises de moins de
onze salariés, ne relevant pas de branches ayant institué des commissions paritaires régionales ou
départementales.
568
Article R. 221-29 du code de l’organisation judiciaire. Cass. soc., 15 juin 2011, nos 10-60.392 et 10-
60.393 : Bull. civ., V, n° 156 ; JCP S 2011, 1390, note L. Fin-Langer. Précisons qu’en l’absence de
délégués du personnel ou d’un comité d’entreprise, le représentant des salariés dans une procédure
collective n’est pas désigné mais élu.
569
Article 64 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue
social et à la sécurisation des parcours professionnels – Article 9 du décret n° 2017-773 du 4 mai 2017. Sur
cette instance, voir : supra, note 485.
570
Articles L. 2344-7 et R. 2344-3 du code du travail.
571
Articles L. 2352-8 et R. 2352-18 du code du travail.
572
L’article L. 2362-3 du code du travail renvoie en effet aux dispositions applicables à la désignation des
membres du groupe spécial de négociation mis en place en raison de la constitution d’une société
européenne.
573
L’article L. 2372-3 du code du travail renvoie en effet aux dispositions applicables à la désignation des
membres du groupe spécial de négociation mis en place en raison de la constitution d’une société
européenne.
574
Articles L. 2344-7 et R. 2344-3 du code du travail.
575
Articles L. 2353-11 et R. 2353-3 du code du travail.
576
Article R. 2363-3 du code du travail.
577
Article R. 2373-3 du code du travail.

113
77. Une extension nécessaire de la compétence du tribunal d’instance à
l’ensemble des désignations. L’absence d’attribution de compétence pour l’ensemble des
désignations professionnelles s’avère source d’incertitudes pour le justiciable puisqu’un
certain nombre de désignations relèvent actuellement, par défaut, de la compétence du
tribunal de grande instance578. Il existe ainsi un décalage entre la perception que peut avoir le
le justiciable du tribunal d’instance comme juge des élections et des désignations
professionnelles et le caractère limité de sa compétence en ce domaine. Afin de clarifier la
ligne de partage de compétences entre les tribunaux d’instance et de grande instance, il est
ainsi nécessaire d’attribuer au tribunal d’instance une compétence générale pour le
contentieux des élections professionnelles et des désignations579.

2. Le maintien de la lisibilité de la compétence du tribunal de commerce

78. Clarification de la compétence du tribunal de commerce pour les


licenciements prononcés dans le cadre d’une procédure collective. L’ouverture d’une
procédure collective à l’égard d’un employeur peut justifier, à certaines conditions, le
licenciement d’un ou plusieurs salariés pour motif économique580. Des licenciements peuvent
en effet être autorisés dans un plan de sauvegarde581, dans un plan de redressement582, dans un
plan de cession établi lors d’une liquidation judiciaire583, ou encore par une ordonnance du
juge commissaire – au cours de la période d’observation d’un redressement judiciaire –
lorsque ces derniers sont « urgents, inévitables et indispensables », autrement dit lorsqu’ils
578
Relèvent de sa compétence la désignation des représentants syndicaux conventionnels au comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la désignation du salarié mandaté par les organisations
syndicales représentatives pour négocier dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, la
désignation des représentants dans le comité d’entreprise européen institué par accord, mais également la
désignation des représentants dans les instances de représentation instituées par accord pour la constitution
d’une société européenne, d’une société coopérative européenne ou d’une société issue d’une fusion
transfrontalière. Voir : supra, n° 55.
579
Également en faveur d’une telle attribution, voir : S. Hunter-Falck, « Le double paradoxe du juge
départiteur », in Ph. Waquet (dir.), 13 paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit
2012, p. 411. Gageons que les décrets d’application de l’article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22
septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et
favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales attribueront le contentieux de la
désignation du représentant de proximité, nouvellement créé, au tribunal d’instance.
580
Sur la prise en compte progressive des salariés par le droit des entreprises en difficulté, voir : H. Blaise,
« La sauvegarde des intérêts des salariés dans les entreprises en difficulté », Dr. soc. 1985, p. 449 – J.
Paillusseau, « Du droit des faillites au droit des entreprises en difficulté », in Études offertes à Roger
Houin : Problèmes d’actualité posés aux entreprises, Dalloz 1985, p. 109.
581
Article L. 626-2 du code de commerce.
582
Article L. 631-19 du code de commerce.
583
Article L. 642-5 du code de commerce.

114
sont nécessaires à la continuation de l’entreprise584. Se pose alors la délicate question de la
répartition des compétences entre le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes
lorsqu’une contestation surgit sur ces licenciements. Si cette répartition a fait l’objet d’un
contentieux abondant dans les années quatre-vingt-dix585, la compétence respective de ces
deux juridictions semble aujourd’hui clairement établie. L’intervention du tribunal de
commerce se limite en effet à l’aspect collectif des licenciements et porte sur le contrôle de
leurs causes économiques. Le conseil de prud’hommes intervient quant à lui pour l’ensemble
des litiges relatifs à « la situation individuelle du salarié »586, autrement dit aux demandes
relatives au non-respect de la procédure de licenciement postérieure à l’autorisation de
licenciement587, à la motivation insuffisante de la lettre de licenciement588, au non-respect de
l’obligation de reclassement589, ou encore au non-respect de l’ordre des licenciements590.
Faute d’avoir saisi le tribunal de commerce, les salariés ne peuvent ainsi contester la cause
économique de la rupture de leur contrat devant le conseil de prud’hommes591. Le partage de
compétences entre le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes n’est donc plus
source de difficultés pour le justiciable sur la question de la contestation des licenciements
prononcés dans le cadre d’une procédure collective.

79. Clarification des conditions de recevabilité de la demande de désignation


d’un mandataire de justice lui-même chargé de convoquer l’assemblée des actionnaires.
Il résulte de la lecture combinée des articles L. 2323-67 et R. 2323-13 du code du travail

584
Articles L. 631-17 du code de commerce.
585
Sur ce contentieux, voir notamment : F. Pillet, « Procédures collectives : les rôles partagés du Conseil
des prud’hommes et du Tribunal de commerce », JSL 1999, n° 30, p. 4 – Y. Chagny, « La situation des
salariés de l’entreprise en difficulté. Deuxième partie : le sort des contrats de travail », RJS 1999, p. 819 –
P. Morvan, « Le contrôle judiciaire des licenciements pour motif économique prononcés au cours d’une
procédure collective », Dr. soc. 1998, p. 442 – N. Maggi-Germain, « La dualité contentieuse du Tribunal de
commerce/ Conseil de prud’hommes dans le règlement des défaillances d’entreprises », LPA 12 août 1998,
p. 3.
586
Y. Chagny, « La situation des salariés de l’entreprise en difficulté. Deuxième partie : le sort des contrats
de travail », RJS 1999, p. 819, spéc. p. 826.
587
Cass. soc., 12 janv. 1999, n° 96-41.756 : Bull. civ., V, n° 11.
588
Cass. soc., 21 févr. 1996, n° 93-41.310, inédit : JCP E 1996, II, 862, note J.-J. Serret.
589
Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-45.201 : Bull. civ., V, n° 112 ; Dr. soc. 1998, p. 508, obs. R. Vatinet –
Cass. soc., 3 mars 1998, nos 95-45201 et 95-45203 : Bull. civ., V, n° 112 ; D. 1998, p. 418, note. P. Bailly.
590
Cass. soc., 8 avr. 1992, n° 89-43.288 : Bull. civ., V, n° 260 – Cass. soc., 27 nov. 2001, n° 99-43.380 :
Bull. civ., V, n° 358.
591
Cass. soc., 5 mars 1997, n° 95-41.230, inédit : D. 1997, p. 522, note P. Bailly – Cass. soc., 9 juill. 1996,
n° 93-41.877 : Bull. civ., V, n° 268 ; D. 1997, p. 60, note P. Bailly. Toutefois, sur la compétence du conseil
de prud’hommes en présence d’une fraude, voir : Cass. soc., 8 déc. 2004, n° 02-44.045 : Bull. civ., V, n°
320 (la fraude résultait dans cette affaire du remplacement du salarié dans son emploi le jour même de son
licenciement). Sur la compétence du conseil de prud’hommes pour apprécier à titre incident la régularité de
l’ordonnance du juge commissaire, voir : infra, n° 111.

115
qu’en cas d’urgence le comité d’entreprise peut demander au président du tribunal de
commerce, statuant en référé, la désignation d’un mandataire de justice chargé de convoquer
l’assemblée des actionnaires592. Si la juridiction compétente est expressément prévue, les
conditions de son intervention soulèvent toutefois des incertitudes. La question se pose en
effet de l’appréciation de la condition d’urgence et de son éventuelle autonomie par rapport à
celle réalisée par la jurisprudence en application de l’article L. 225-103, II, 2° du code de
commerce593. Sous l’empire de l’ancien article L. 432-6-1 – dont les dispositions ont été
reprises à l’identique dans l’article L. 2323-67 du code du travail – le tribunal de commerce
de Marseille a en effet considéré que l’urgence devait être appréciée au regard du comité
d’entreprise et des intérêts dont il a la charge594. Cette jurisprudence, vivement critiquée par
une partie de la doctrine qui considère que l’urgence doit ressortir de la mise en balance des
risques encourus par chacune des parties en présence à la réunion exceptionnelle des
actionnaires595, n’a toutefois jamais été confirmée par la chambre commerciale de la Cour de
cassation. Il semble donc nécessaire – en application de la jurisprudence relative à l’article L.
225-103, II, 2° du code de commerce – de mettre en balance les « risques qu’il y aurait à
différer trop longtemps une décision » et les « risques qu’il y aurait, au contraire, à perturber
inconsidérément la bonne marche de la société et à lui imposer le coût d’une réunion
exceptionnelle de ses actionnaires »596.

§2. Le maintien de la lisibilité au sein des juridictions répressives

80. Lisibilité de la compétence des juridictions répressives en droit du travail.


En vertu du principe de légalité des délits et des peines, des poursuites pénales ne peuvent être

592
Sur cette demande de désignation, voir notamment : B. Jadaud, « La participation du comité d’entreprise
aux assemblées générales d’actionnaires », LPA 18 juill. 2001, p. 4 – N. Vignal, « Les nouveaux pouvoirs
du comité d’entreprise », Dr. et patr. 2001, n° 98, p. 68, spéc. p. 73 – H. Le Nabasque, « Commentaire des
principales dispositions de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques intéressant le
droit des sociétés », LPA 5 juill. 2001, p. 7.
Le comité social et économique pourra également demander en justice la désignation d’un mandataire
chargé de convoquer l’assemblée générale des actionnaires en référé (futur article L. 2312-77 du code du
travail). Les décrets devraient conserver la compétence du tribunal de commerce en ce domaine.
593
Cet article permet à « tout intéressé » de demander en cas d’urgence la désignation en justice d’un
mandataire, chargé de convoquer l’assemblée générale des actionnaires dans les sociétés anonymes.
594
T. com. Marseille, réf., 7 nov. 2001, Comité d’entreprise de la société anonyme Gemplus c/ SA
Gemplus : Rev. soc. 2002, p. 57, note R. Vatinet ; Droit 21, note A. Coeuret, article consulté le 12 janvier
2015 sur http://www.droit21.com. Il s’agissait en l’espèce d’une action intentée par un comité d’entreprise
confronté à la paralysie d’une procédure d’alerte, faute de délibération du conseil de surveillance.
595
R. Vatinet, « La convocation d’une assemblée générale d’actionnaire à la demande d’un comité
d’entreprise – note sous T. com. Marseille, 7 nov. 2001 », Rev. soc. 2002, p. 57.
596
Ibid.

116
engagées qu’en vertu d’un texte légal ou règlementaire d’incrimination597. Afin de délimiter
le périmètre d’intervention des juridictions pénales en droit du travail, il suffit ainsi de
s’assurer de l’existence d’un texte d’incrimination venant sanctionner les éventuelles
violations du droit du travail598. Sur ce point, la réforme du code du travail, intervenue en
2008, a grandement facilité la tâche des justiciables puisque les dispositions pénales ont été
insérées en fin de chapitre et ainsi rapprochées des dispositions dont elles garantissent
l’application599. La consultation de ces textes d’incrimination permet en outre d’identifier la
juridiction pénale compétente puisque c’est la gravité théorique et la nature des infractions qui
déterminent en droit pénal français la répartition des compétences entre les juridictions
pénales600. En effet, tandis que les contraventions relèvent de la compétence du tribunal de
police 601 , les délits et les contraventions connexes à un délit relèvent du tribunal
correctionnel 602 . L’identification de la juridiction pénale compétente ne posant aucun

597
Article 111-2 du code pénal. Sur ce principe, voir notamment : E. Dreyer, Droit pénal général, 4e éd.,
LexisNexis 2016, coll. Manuel, p. 209 et suiv.
598
De nombreux manquements aux dispositions édictées par le code du travail constituent des infractions
pénales. Si la plupart des incriminations du droit pénal du travail sont codifiées dans le code du travail,
certaines figurent toutefois dans des textes non codifiés relatifs au régime du travail, dans des dispositions
du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et
du droit d’asile, du code pénal ou encore dans des dispositions des conventions ou accords collectifs
dérogeant à des dispositions législatives ou règlementaires ayant expressément prévu cette dérogation. Sur
le droit pénal du travail, se reporter utilement aux ouvrages suivants : A. Cœuret, É. Fortis et F. Duquesne,
Droit pénal du travail, 6e éd., LexisNexis 2016, coll. Manuel, 611 p. – R. Salomon et A. Martinel, Droit
pénal social, 4e éd., Économica 2017, coll. Corpus droit privé, 896 p. Voir également : D. Guirimand,
« Droit pénal et droit du travail », in J.-C. Saint-Pau (dir), Droit pénal et autres branches du droit : regards
croisés, Cujas 2012, coll. Actes et Études, p. 313. Si l’importance numérique des incriminations du droit
pénal du travail rend fastidieuse une énumération exhaustive, on peut toutefois citer à titre d’illustration
l’utilisation irrégulière des contrats à durée déterminée, les nombreux délits d’entrave relatifs aux
institutions représentatives du personnel, les cas de travail illégal ou dissimulé ou encore les atteintes à la
santé et la sécurité et à la dignité.
599
D. Combrexelle, « Une réponse adaptée à un besoin manifeste », in Controverse « Le ‘‘nouveau Code
du travail’’, une réussite ? », RDT 2007, p. 356, spéc. p. 357. Sur la recodification, voir également : A.
Jeammaud et A. Lyon-Caen, « Ni indignité, ni excès d’honneur », in Controverse « Le ‘‘nouveau Code du
travail’’, une réussite ? », RDT 2007, p. 358 – E. Dockès, « La décodification du droit du travail », Dr. soc.
2007, p. 388 – Ch. Radé, « Le nouveau Code du travail et la doctrine : l’art et la manière », Dr. soc. 2007,
p. 513.
600
S. Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, op. cit., n° 579, p. 657.
601
Avant la suppression de la juridiction de proximité, intervenue le premier juillet 2017, la juridiction de
proximité et le tribunal de police se partageaient le contentieux des contraventions. Les contraventions de
police des quatre premières classes, sauf exception, relevaient de la compétence de la juridiction de
proximité en application de l’article 521 du code de procédure pénale. Sur la compétence de la juridiction
de proximité, voir : S. Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, 12e éd., Dalloz
2013, coll. Précis, n° 647, p. 671.
602
Articles 381 et 382, alinéa 4 du code de procédure pénale.

117
problème spécifique en droit du travail pour l’action publique, le risque de conflits de
compétences s’avère ainsi limité603.
Il en va de même pour la délimitation de la compétence du juge pénal pour l’action civile en
droit du travail. S’il est en effet nécessaire pour le justiciable de distinguer les actions civiles
stricto sensu – qui relèvent de la compétence de la juridiction pénale – des actions à fin civile
qui n’en relèvent pas604, l’étude du contentieux révèle une concentration des difficultés dans
le seul domaine du travail dissimulé. Certains plaideurs continuent en effet de demander à tort
l’attribution de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 8223-1 du code du travail devant les
juridictions pénales. Une telle demande relève en réalité de la compétence du conseil de
prud’hommes puisque l’indemnité forfaitaire est seulement liée à la rupture du contrat de
travail et ne répare aucunement le préjudice directement causé par l’infraction de travail
dissimulé605. Même s’il faut garder à l’esprit que la jurisprudence qui apparaît dans les arrêts
et dans les revues n’est qu’une image réduite d’un contentieux plus vaste606, la délimitation
des actions civiles stricto sensu et des actions à fin civile ne semble présenter aucune véritable
difficulté pour le justiciable en dehors du contentieux spécifique du travail dissimulé.

81. Maintien de la compétence des juridictions pénales. Les critiques sont


rarement dirigées vers le risque de conflits de compétences et portent surtout sur l’inefficacité
du droit pénal du travail607. De nombreux auteurs relèvent en effet le faible taux de procès-
verbaux de l’inspection du travail après constatation d’une infraction608, le faible taux de

603
M.-F. Mazars, « Réflexions sur la dispersion des contentieux pénal et civil », in Ph. Waquet (dir.), 13
paradoxes en droit du travail, Lamy 2012, coll. Lamy Axe droit, p. 399, spéc. p. 400.
604
Alors que les actions civiles stricto sensu permettent la réparation du préjudice directement causé par
l’infraction de travail, celles à fin civile permettent de « tirer certaines conséquences civiles d’une situation
que l’infraction a manifestée ou de ramener à exécution un droit que l’infraction a pu troubler ». Sur cette
distinction voir notamment : B. Bouloc, Procédure pénale, 25e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 1197.
605
Cass. crim., 24 févr. 2015, n° 14-82.045, inédit – Cass. crim., 16 avr. 2013, n° 12-82.288, inédit : JCP E
2013, 1525, note S. Brissy – Cass. crim., 30 oct. 2012, n° 11-81.694 : Bull. crim., n° 226.
606
Sur ce point, voir : M.-P. Durand, « La connaissance de phénomène juridique et les tâches de la doctrine
moderne du droit privé », D. 1956, chron. XV, p. 73 : « Le droit créé par les juges ne nous est d’ailleurs pas
entièrement connu ».
607
Sur cette inefficacité, voir notamment : L. Gamet, « Critique du droit pénal du travail », Dr. soc. 2014,
p. 446 (1ère partie) et p. 566 (2nde partie).
608
Dans le cadre de leurs missions, les agents de l’inspection du travail ont la possibilité de constater par
des procès-verbaux un certain nombre d’infractions au code du travail qui sont ensuite transmises au
procureur de la République. En présence d’une infraction pour laquelle l’agent de contrôle n’a pas la
compétence de dresser un procès-verbal, ou en cas de difficulté d’établissement de la matérialité d’une
infraction qui relève de sa compétence, l’agent de l’inspection du travail peut également signaler cette
infraction au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.
Dans cette hypothèse, les constatations servent de socle aux investigations diligentées par le parquet mais
n’ont toutefois pas la même valeur probante que les procès-verbaux. Sur le faible recours aux procès-
verbaux par les agents de l’inspection du travail, voir notamment : Rapport L’inspection du Travail en

118
poursuites par le procureur de la république lorsqu’un procès-verbal est dressé609, le faible
taux de condamnations dans les peines prononcées, voire la faiblesse des sanctions en cas de
poursuites610. Certains vont même jusqu’à envisager une dépénalisation du droit du travail611.
Une telle proposition, ne serait-ce qu’en raison du retentissement d’une affaire portée au
pénal612, doit selon nous être écartée. L’intervention des juridictions pénales participe en effet,
dans une certaine mesure, à l’effectivité du droit du travail613. Ce dernier ne peut en outre se
passer de la particularité du droit pénal qui est marquée par l’idée de « l’intérêt de la
répression »614. Comme le soulignent les spécialistes, la répression est en effet « autre chose
que la simple sanction de l’irrégularité d’un acte juridique ou du manquement à une
obligation et vise à punir une intention criminelle »615.
Le maintien de la compétence des juridictions pénales en droit du travail n’est toutefois pas
incompatible avec le développement de voies alternatives aux poursuites et avec la

France en 2014, p. 109 – D. Robiliard, Rapport fait au nom de la Commission des affaires sociales sur la
proposition de loi relative aux pouvoirs de l’Inspection du travail, n° 1942, 2014, p. 8.
609
Le procureur de la République – chef des poursuites pénales – décide seul des suites à donner à l’affaire
en vertu du principe de l’opportunité des poursuites (article 40 du code de procédure pénale).
Éventuellement après l’ouverture d’une enquête préliminaire ou la réalisation d’une information judiciaire
après réquisitoire (article 75 du code de procédure pénale), le procureur peut décider de classer le procès-
verbal sans suite (article 40-2 al 2 du code de procédure pénale), de renvoyer l’employeur devant le tribunal
de police ou le tribunal correctionnel aux fins de poursuite pénale, ou de proposer des alternatives aux
poursuites telle que la composition pénale pour les délits inférieurs à cinq ans d’emprisonnement (article
41-2 du code de procédure pénale). Sur la faiblesse du taux de poursuite : Rapport L’inspection du Travail
en France en 2013, p. 149.
610
L. Gamet, « Ordonnance pénale, transaction pénale et amendes administratives : le nouveau droit
répressif du travail », SSL 2016, n° 1719, p. 4, spéc. p. 5. Ce dernier explique qu’il « existe un abîme entre
les peines encourues et les peines prononcées. Le juge pénal fait souvent preuve de tempérance ». Voir
également : Y. Calvez et Ph. Auvergnon, « Réformer l’inspection du travail ? », RDT 2014, p. 229 : « Les
tribunaux condamnent peu, trop tard et trop faiblement pour que la sanction soit dissuasive ». Sur la rareté
des condamnations pénales en droit du travail, voir : É. Serverin, « L’application des sanctions pénales en
droit social : un traitement juridictionnel marginal », Dr. soc. 1994, p. 654.
611
En faveur d’une dépénalisation du droit du travail, voir : G. Levasseur, « Droit social et droit pénal »,
Études de droit du travail offertes à André Brun, Institut d’études du travail et de la sécurité sociale 1974,
p. 317. Sur ce débat, consulter notamment : L. Gamet, « Critique du droit pénal du travail », Dr. soc. 2014,
p. 446 (1ère partie) et p. 566 (2nde partie) – É. Fortis et M. Segonds, « La dépénalisation du droit du travail :
un objectif caduc ? », RDT 2012, p. 402.
612
M.-F. Mazars, « Réflexions sur la dispersion des contentieux pénal et civil », op. cit., spéc. p. 403.
Marie-France Mazars y souligne le rôle moteur des poursuites pénales et l’impact d’une décision
répressive.
613
En ce sens : J.-F. Cesaro, « La norme pénale, l’entreprise et le droit social », Dr. soc. 2005, p. 139 – Ph.
Auvergnon, « Contrôle étatique, effectivité et ineffectivité du droit du travail », Dr. soc. 1996, p. 598, spéc.
p. 605 – A. Lyon-Caen, « Sur les fonctions du droit pénal dans les relations de travail », Dr. soc. 1984, p.
438 – J.-C. Javillier, « Ambivalence, effectivité et adéquation du droit pénal du travail : quelques réflexions
en guise d’introduction », op. cit.
614
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 179, p. 190.
615
Ibid.

119
diversification des modes de sanctions en droit du travail616. C’est d’ailleurs dans cette voie
que s’est engagée la récente ordonnance relative à l’inspection du travail puisqu’elle a
multiplié les outils d’action et de répression à la disposition des parquets et des agents des
Direccte617. Si l’accroissement du rôle de l’administration du travail laisse présager pour
certains un effacement du procès pénal en droit du travail618, il n’aura selon nous une
incidence que sur le traitement des infractions les moins graves et qui n’étaient jusqu’à
présent que faiblement poursuivies619. L’instruction DGT du 12 juillet 2016 sur la mise en
œuvre de l’ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail
et la circulaire du 18 juillet 2016 relative au droit pénal du travail préconisent en effet le
maintien des poursuites pénales pour les manquements les plus graves620. Les sanctions
administratives ne sont en outre que subsidiaires au déclenchement d’une éventuelle action
publique. Or, s’il appartient aux agents de l’inspection du travail de choisir entre la voie
pénale ou la voie administrative – en dressant soit un procès-verbal, soit un constat
d’infraction aux fins de sanctions administratives, ils ne disposent toutefois pas en droit du
travail d’un monopole de déclenchement du procès pénal. D’autres agents de contrôle sont en
effet spécifiquement habilités à établir des procès-verbaux pour certaines infractions à
destination du procureur de la République. Il en est ainsi des agents de contrôles mentionnés à
l’article L. 8271-1-2 du code du travail qui peuvent rechercher et constater au moyen de

616
Sur la rapidité, l’efficacité, l’opportunité et le caractère dissuasif des sanctions administratives en droit
du travail, voir : A. Martinon, « Les sanctions extérieures au droit privé », in B. Teyssié (dir.) La sanction
en droit du travail, éd. Panthéon-Assas 2012, coll. Colloques, p. 29.
617
Ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 : JO 8 avr. 2016, texte n° 20. Sur cette ordonnance, voir :
supra, note 485.
618
A. Coeuret, F. Duquesne et D. Jonin, « Punir sans juger en droit du travail ? », RJS 2016, p. 555.
619
Notons qu’en Belgique, où l’amende administrative ou transactionnelle a conquis le terrain du droit
social, ces sanctions ne sont d’ailleurs utilisées que pour réprimer la violation des manquements aux règles
sociales impératives qui ne reposent pas sur une volonté démontrée de résistance à celles-ci. En ce sens : A.
Coeuret, F. Duquesne et D. Jonin, « Punir sans juger en droit du travail ? », RJS 2016, p. 555. Ces derniers
renvoient sur ce point à l’ouvrage du Professeur Fabienne Kéfer : F. Kéfer, Précis de droit pénal social, 2e
éd., Anthemis 2014, coll. Criminalis 2014, 382 p.
620
Instruction DGT n° 2016/03 du 12 juillet 2016 sur la mise en œuvre de l’ordonnance n° 2016-413 du 7
avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail – Circulaire n° 2016-07 du 18 juillet 2016
relative au droit pénal du travail. Afin d’assurer la coordination des interventions administratives et
répressives, la circulaire préconise également l’établissement de contacts entre un magistrat référent en
matière de droit pénal du travail et le Direccte ou son représentant. Une telle coordination s’avère
nécessaire dans la mesure où le champ des sanctions administratives recoupe une partie du champ des
incriminations pénales contraventionnelles ou délictuelles en droit du travail. Sur ce point, voir
notamment : Th. Chevalier, « La coordination des sanctions pénales et administratives en droit du travail »,
Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 675 – L. Gamet, « Droit répressif du travail : coordination du ministère
public et de l’administration du travail », SSL 2016, n° 1739, p. 6 et 7.

120
procès-verbaux transmis directement au parquet, des infractions à l’interdiction du travail621,
ou des personnes visées à l’article 480-1 du code de l’urbanisme qui peuvent constater en
matière d’hygiène et de sécurité du travail les infractions aux dispositions des articles L.
4744-1 et L. 4744-5 du code du travail pour les opérations de bâtiment et de génie civil. Le
déclenchement de l’action publique peut en outre être réalisé par la victime elle-même622 qui
saisit soit directement le tribunal de police ou le tribunal correctionnel par citation directe, soit
le juge d’instruction avec constitution de partie civile après un classement sans suite de la part
du procureur ou une absence de réponse de sa part623. Au regard de la diversité des acteurs
déclencheurs du procès pénal en droit du travail, le risque d’une disparition de l’intervention
des juridictions répressives en droit du travail semble assez réduit. La diversification des
sanctions permet seulement d’améliorer la rapidité et l’efficacité du traitement des infractions
les moins graves, qui n’étaient en réalité déjà pas sanctionnées.

Section 2. L’existence d’une lisibilité au niveau supérieur

82. Une résorption des incertitudes relatives à la compétence au niveau


supérieur. L’étude de la compétence des juridictions au stade de l’appel ou de la cassation
révèle une résorption des incertitudes par rapport à la première instance624. Le justiciable n’est

621
Article L. 8271-7 du code du travail. Sont plus spécialement visés les officiers et agents de police
judiciaire, les agents des impôts et des douanes, et les agents agréés et assermentés des organismes de
sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole.
622
Rappelons que les syndicats, qui défendent l’intérêt collectif de la profession, peuvent également saisir
les juridictions pénales en vertu de l’article L. 2132-3 du code du travail. Certains considèrent d’ailleurs
que le pénal est le « terrain d’élection » de cette action : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n°
533, p. 494.
Sur l’adaptation de la qualité de victime à la particularité du préjudice collectif dans cette hypothèse, voir :
S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 10e éd., LexisNexis 2014, coll. Manuel, n° 1164. Sur cette
action, voir notamment : A. Coeuret, « Droit syndical et droit pénal : regard sur une collaboration
fructueuse », in Mélanges en l’honneur de Jean-Maurice Verdier : Droit syndical et droits de l’homme à
l’aube du XXIe siècle, Dalloz 2001, p. 1, spéc. p. 17.
623
Article 1er al 2 du code pénal reprenant les dispositions de l’arrêt Laurent Atthalin de la chambre
criminelle de la Cour de cassation du 8 décembre 1906.
624
Les autres voies de recours – à savoir l’opposition, la tierce opposition, et le recours en révision – ne
sont pas étudiées puisqu’elles sont soit portées devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée soit
devant la juridiction devant laquelle la décision en cause est contestée. L’opposition est une voie de recours
de rétractation, ouverte à la partie défaillante, devant la juridiction qui a rendu un jugement ou un arrêt par
défaut (article 571 à 578 du code de procédure civile – article R. 1463-1 du code du travail pour
l’opposition devant le conseil de Prud’hommes). La tierce opposition est quant à elle une voie de recours
par laquelle un tiers qui n’a pas été partie au procès demande que la décision soit rétractée ou réformée
dans la mesure où elle lui fait grief (articles 582 à 592 du code de procédure civile). Le recours en révision
tend quant à lui à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée, pour qu’il soit à nouveau statué
en fait et en droit, en présence d’une erreur involontaire de la part de la juridiction qui a rendu la décision
attaquée (article 596 du code de procédure civile). Sur ces voies de recours, voir notamment : Conseil

121
en effet plus directement confronté à la pluralité juridictionnelle puisque la spécialisation
s’effectue au sein même de la cour d’appel ou de la Cour de cassation625. Au niveau supérieur,
le risque de conflits de compétences disparaît donc malgré la persistance d’une certaine
dispersion du contentieux626.

Plan.
Paragraphe 1. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de
l’appel
Paragraphe 2. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de la
cassation

§1. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de l’appel

83. Une confrontation indirecte du justiciable à la dispersion du contentieux au


stade de l’appel. L’existence d’une chambre sociale au sein de la cour d’appel laisse présager
une résorption de la dispersion du contentieux du travail au stade de l’appel627. Certains
présentent d’ailleurs la cour d’appel comme ayant « le mérite d’opérer un regroupement de
tout le contentieux social autre que pénal et administratif et, [comme constituant] à ce titre le
seul écho – lointain et considérablement assourdi – des projets d’unification de la juridiction
sociale »628. Une telle affirmation mérite en réalité d’être nuancée. En effet, si l’article R.
1461-2 du code du travail prévoit expressément la compétence de la chambre sociale de la
cour d’appel s’agissant de l’appel des jugements du conseil de prud’hommes, aucune
précision de la sorte n’existe pour les autres juridictions compétentes en droit du travail. On
ne peut dès lors relever avec certitude la compétence de la chambre sociale de la cour d’appel
pour les litiges non prud’homaux tels que ceux relatifs à l’aspect collectif des licenciements

supérieur de la prud’homie, L’exercice des voies de recours contre les décisions prud’homales, La
Documentation française 1990, 217 p.
625
La cour d’appel constitue en effet depuis 1959 « la seule juridiction où les justiciables peuvent mettre en
œuvre le principe du double degré de juridiction » : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 767,
p. 701.
626
Les conflits de compétences n’existent en effet pas en présence d’une unicité de juridiction. Sur ce
point, voir : Ph. Théry, Pouvoir juridictionnel et compétence. Étude de droit international privé, op. cit., n°
12. Également en ce sens : A. Perdriau, « Les avis entre chambres de la Cour de cassation », JCP G 1999, I,
190.
627
Le décret n° 58-1281 du 22 décembre 1958 a créé au sein de chaque cour d’appel une chambre sociale
compétente pour l’appel des jugements rendus en matière de « sécurité sociale, de contrat de travail et en
application des lois sociales ». Article R. 311-6 du code de l’organisation judiciaire.
628
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 768, p. 702.

122
prononcés dans le cadre d’une procédure collective. Un tour d’horizon des sites internet des
principales cours d’appel n’apporte pas davantage de précisions sur la répartition des
compétences entre les chambres de la cour d’appel. La résorption de la dispersion du
contentieux au sein de la chambre sociale de la cour l’appel demeure ainsi incertaine.
En réalité, le justiciable n’est qu’indirectement confronté à ces incertitudes puisqu’en France
le choix retenu a été celui d’une spécialisation fonctionnelle au sein des cours d’appel629. La
répartition des affaires entre les chambres est ainsi effectuée par le premier président de la
cour d’appel via des règles d’administration judiciaire et ne donne lieu à aucun conflit de
compétences630. L’appel porté par erreur en matière sociale devant une chambre civile n’est
dès lors pas irrecevable631. De même, un arrêt rendu en matière sociale n’encourt pas la
cassation du simple fait qu’il émane d’une chambre ordinaire632.

84. Non-incidence de la dispersion du contentieux sur les modalités de l’appel


en droit du travail. Des réformes successives ont en outre eu pour effet de limiter l’incidence
de la dispersion du contentieux sur la recevabilité de l’appel en matière sociale633. Avant
même la généralisation récente de la procédure écrite avec représentation obligatoire devant la
chambre sociale de la cour d’appel634, le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 avait en
effet déjà mis un terme à la spécificité des modalités de calcul du taux de ressort devant le
conseil de prud’hommes. Jusqu’en 2006, la chambre sociale procédait à un regroupement des
chefs de demande par famille pour le calcul du taux de ressort sans égard pour l’article R.

629
Sur la distinction entre spécialisation organique et spécialisation fonctionnelle, voir : S. Guinchard,
« Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 223. Sur le choix
d’une spécialisation organique en Allemagne, voir notamment : I. Schmidt, La Cour fédérale du travail,
Erfurt 2014, 36 p., consulté sur : http://www.bundesarbeitsgericht.de/franzoesisch/franzoesische_version.
pdf – J. Villebrun et G.-P. Quétant, Les juridictions du travail en Europe, LGDJ 1992, coll. Droit des
affaires, p. 11, spéc. p. 12.
630
Article 904 du code de procédure civile.
631
La chambre saisie peut toutefois demander au premier président ou à son délégué d’attribuer l’affaire à
la chambre sociale. Sur ce point voir : Cass. soc., 31 janv. 1974, n° 72-40524 : Bull. 1974, V, n° 86.
632
Cass. soc., 16 juin 1961 : Bull. 1961, V, n° 652 ; RTD civ. 1962, p. 165, obs. P. Hébraud.
633
La procédure d’appel différait auparavant selon que l’appel était formé contre une décision civile rendue
par un tribunal d’instance ou de grande instance ou contre un jugement d’un conseil de prud’hommes. Sur
ce point : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 769 et suiv., p. 702.
634
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques –
Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du
contentieux du travail : JO 25 mai 2016, texte n° 30. Sur cette réforme, voir notamment : V. Orif, « L’appel
prud’homal en pleine effervescence », Dr. ouvr. 2017, p. 14 – R. Laffly, « La réforme de la procédure
devant la chambre sociale de la cour d’appel », JCP G 2016, 838 – P. Lanoy, « La nouvelle procédure
prud’homale issue de la loi Macron et du décret du 20 mai 2016 », CSBP 2016, n° 288, p. 451. Pour une
présentation de la procédure d’appel en matière prud’homale avant la réforme, voir notamment : K. Salhi,
« Les spécificités de l’appel en matière prud’homale », in M. Keller (dir.), Procès du travail, travail du
procès, LGDJ 2008, coll. Bibliothèque de l’institut André Tunc, t. 16, p. 373.

123
517-4 du code du travail qui prévoyait un calcul du taux de ressort par chef de demande635.
Une telle pratique, tout en facilitant l’appel, venait inutilement complexifier la matière en
raison des contours assez poreux entre les familles de chefs de demandes dégagées par la
Cour de cassation636. Le calcul du taux de ressort est désormais unifié en matière sociale et
dépend de la valeur totale des prétentions. En d’autres termes, il y a lieu d’additionner le
montant des différentes prétentions exprimées devant le juge de première instance pour
déterminer précisément le taux de ressort637.
Une telle unification des modalités de calcul du taux de ressort pour le justiciable ne saurait
toutefois masquer la persistance d’une certaine complexité en ce domaine. En effet, si le taux
de ressort est déterminé par la valeur totale des prétentions, toutes les demandes ne sont pas
prises en compte pour le calcul de ce taux. Sont ainsi exclus le montant des intérêts dus à
compter de la demande638, le montant des dépens639, ainsi que le montant des sommes
réclamées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile640. Les demandes
incidentes ne sont quant à elle prises en compte qu’à la condition de ne pas constituer des
demandes reconventionnelles en dommages-intérêts fondées exclusivement sur la demande
initiale641. Par ailleurs, certaines demandes, qualifiées d’indéterminées, rendent l’ensemble du
litige susceptible d’appel en vertu de l’article 40 du code de procédure civile. Il en est ainsi

635
Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-44.843 : Bull. civ., V, n° 100 ; JCP S 2007, 1832, obs. T. Lahalle – Cass.
soc., 17 juill. 1996, nos 93-41.741, 93-42820, 93-44030 : Bull. civ, V, n° 293. Sur ce point, voir : M. Keller,
« Le taux du litige devant le Conseil de prud’hommes », Justices 1997, n° 6, p. 135 ; J. Savatier,
« Décisions prud’homales en premier ou en dernier ressort », Dr. soc. 1997, p. 170 – A. Balsan, « L’appel
prud’homal et la notion de « chef de demande », quatre arrêts de la Cour de cassation », Gaz. Pal. 1997, 2,
doct. p. 797.
636
Pour un exposé exhaustif et critique de ce mode spécifique de calcul voir : G.-P. Quétant, « Les
tribulations du taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud’hommes ! », JSL 2005, n° 168, p.
4.
637
Article 543 du code de procédure civile. Le taux de ressort est de 4000 euros pour le conseil de
prud’hommes (article D. 1462-3 du code du travail), pour le tribunal de commerce (article R. 721-6 du
code de commerce) et pour le tribunal d’instance (article R. 221-37 du code de l’organisation judiciaire).
Le taux de ressort du tribunal de grande instance dans les matières pour lesquelles il a compétence
exclusive en raison de la nature de l’affaire est également de 4000 euros. Il connaît, à charge d’appel, de
toutes les affaires pour lesquelles la compétence n’est pas attribuée expressément à une autre juridiction, en
raison de la nature de l’affaire ou du montant de la demande (article R. 211-3 du code de l’organisation
judiciaire).
638
Cass. civ. 2e, 17 nov. 1993, n° 92-12.333 : Bull. civ., II, n° 332.
639
Cass. soc., 8 oct. 1970, n° 69-40.287 : Bull. civ., V, n° 511.
640
Cass. civ. 3e, 6 janv. 1981, n° 79-10.651 : Bull. civ., III, n° 4.
641
Article 39 du code de procédure civile – Article R. 1462-2 du code du travail. Il en est ainsi lorsque le
défendeur se plaint du préjudice que lui cause la prétention émise par le demandeur, autrement dit lorsque
le préjudice allégué trouve sa cause dans la demande en justice elle-même. Voir notamment : Cass. soc.,
24 janv. 1968 : Bull. civ, V, n° 52 (demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire).
Seule la demande reconventionnelle chiffrée est ici visée, ce qui implique a contrario qu’une demande
reconventionnelle indéterminée peut tout à fait rendre le litige totalement susceptible d’appel. Sur ce point :
Cass. soc., 24 nov. 2004, n° 02-42696, inédit (demande reconventionnelle en qualification de la rupture en
démission et, subsidiairement, en « résolution » judiciaire du contrat de travail aux torts de la salariée).

124
des demandes d’annulation d’une sanction disciplinaire642 ou de requalification d’un contrat
de travail643 , des demandes tendant à l’interprétation d’un accord collectif644 ou à faire
reconnaître illicite et abusif un lock-out mis en place par la société645 ou encore de la demande
de contestation du refus du représentant des créanciers d’admettre sa créance646. Lorsque ces
demandes ne sont que la conséquence d’une autre demande également chiffrée, c’est au
contraire le montant de cette demande chiffrée qui détermine la voie de l’appel647. Évoquons
enfin le cas particulier d’une pluralité de demandeurs. À défaut de titre commun648, lorsque
des prétentions sont fondées sur des faits différents et non connexes, la compétence et le taux
de ressort sont déterminés par la valeur de chaque prétention considérée isolément649. Ainsi,
en cas de jonction d’instance, le jugement n’est susceptible d’appel qu’à l’égard du seul
salarié dont les demandes dépassent le taux de ressort650. Au regard du risque d’erreurs
provoqué par l’existence de ce taux de ressort, la question de son maintien mérite d’être
posée. « Pour traditionnelle qu’elle soit, la règle est [en effet] étrange. Il ne serait [dès lors]
pas incongru d’ouvrir l’appel à l’encontre de tous les jugements de première instance et de
réserver le pourvoi en cassation aux seuls jugements rendus en deuxième instance »651.

642
Cass. soc., 1er oct. 1996, n° 93-43.959 : Bull. civ., V, n° 309 (annulation d’une mise à pied) – Cass. soc.,
15 déc. 2004, n° 03-44.857, inédit (annulation d’un blâme).
643
Cass. soc., 14 janv. 2004, n° 01-46.662, inédit.
644
Cass. soc., 18 mai 1973, n° 72-40.015 : Bull. civ., V, n° 305.
645
Cass. soc., 4 juill. 1989, n° 86-44.993 : Bull. civ., V, n° 500.
646
Cass. soc., 18 févr. 2004, n° 02-45.730, inédit : Rev. proc. coll. 2004, p. 254, obs. F. Taquet.
647
Cass. soc., 23 mars 2011, n° 09-70.827 : Bull. civ., V, n° 78 ; JCP S 2011, 1263, note S. Brissy
(demande de rectification d’un bulletin de paie). Une distinction doit toutefois être opérée sur ce point entre
l’objet de la demande et les moyens invoqués à son soutien. N’est en effet pas considérée comme
indéterminée la demande chiffrée qui implique de se prononcer sur les dispositions d’un accord contesté.
Voir notamment : Cass. soc. 23 fév. 2005, n° 02-45660, inédit.
648
En vertu de l’article 36 du code de procédure civile, lorsque plusieurs prétentions sont émises en vertu
d’un titre commun par plusieurs demandeurs ou défendeurs, la compétence et le taux du ressort sont
déterminés pour l’ensemble des prétentions par la plus élevée d’entre elles. En droit du travail, ce titre
commun n’a jamais été à notre connaissance consacré. A titre d’exemple une convention collective ne
constitue pas un titre commun : Cass. soc., 30 juin 1971, n° 70-40.112 : Bull. civ., V, n° 508.
649
Article 35 du code de procédure civile.
650
Cass. soc., 1er oct. 2002, n° 00-45.272, inédit : TPS 2003, comm. 49 B. Boubli. Ceci explique le risque
de contradictions de décisions. Sur ce point, voir : infra, n° 126.
651
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., p. 684, note 73. Sur ce point, voir également : A.
Perdriau, « Comment neutraliser un piège dans lequel tombent trop de plaideurs », Gaz. Pal. 24 avril 1998,
n° 205, p. 2.
Seule la matière privée est ici concernée puisqu’il n’existe pas de limitation de l’appel en matière pénale.
La chambre des appels correctionnels est compétente pour se prononcer sur les affaires jugées au premier
degré par les tribunaux correctionnels et de police de son ressort. L’appel est possible pour les
contraventions d’une certaine gravité, c’est-à-dire lorsque l’amende encourue est celle des contraventions
de cinquième classe ou lorsque la peine prononcée est supérieure à l’amende prévue pour les
contraventions de 2ème classe (article 546 du code de procédure pénale). Les jugements correctionnels sont
quant à eux toujours susceptibles d’appel (article 496 du code de procédure pénale). Depuis la loi du 15
juin 2000, la cour d’assises juge également en premier ressort en vertu de l’article 231 du code de
procédure pénale devant la cour d’assise d’appel. Sur cette généralisation du double degré de juridiction en

125
D’ailleurs, si l’adage De minimis non curat praetor – qui signifie que le juge n’a pas à
s’intéresser aux menus litiges652 – pourrait être invoqué à l’encontre d’une telle proposition,
nous considérons au contraire que « la difficulté à juger une affaire et l’importance d’une
question de droit ne correspondent pas toujours au montant de la demande »653. Par ailleurs,
rien ne s’oppose – malgré la suppression du taux de ressort – au maintien des exceptions
actuelles au double degré de juridiction654.

§2. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de la cassation

85. Persistance d’une dispersion du contentieux du travail au sein de la Cour de


cassation. Certains auteurs s’appuient sur l’existence d’une chambre sociale au sein de la
Cour de cassation pour relativiser les difficultés résultant de la dispersion du contentieux en
première instance en droit du travail. Ces derniers font en effet valoir que « cette dispersion
n’a rien de dramatique puisque la Cour de cassation assure l’unité des solutions aux questions
de droit susceptibles de se poser aux diverses juridictions judiciaires » 655. En réalité, les
litiges relatifs au droit du travail ne relèvent pas dans leur ensemble de la compétence de la
chambre sociale656. Les attributions de chacune des chambres civiles sont en effet fixées par
ordonnance du premier président après avis du procureur général, à charge pour le président

droit pénal, voir notamment : S. Guinchard, A. Varinard et Th. Debard, Institutions juridictionnelles, op.
cit., n° 663, p. 739.
652
J. Carbonnier, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., L.G.D.J. 2001, spéc. p.
74 et suiv. – J. Carbonnier, « De minimis… », Mélanges dédiés à Jean Vincent, Dalloz 1981, p. 29.
653
N. Gerbay, « L’accès au double degré de juridiction en matière civile », in V. Donier et B. Lapérou-
Scheneider, L’accès au juge. Recherche sur l’effectivité d’un droit, Bruylant 2013, p. 585, spéc. p. 587. Ce
dernier renvoie également à sa thèse : N. Gerbay, L’oralité du procès civil, Thèse Paris I, 2008, n° 181.
654
Des exceptions à la règle selon laquelle toute décision est susceptible d’appel à partir du moment où le
taux de ressort est dépassé existent déjà en droit du travail. Le conseil de prud’hommes statue ainsi en
dernier ressort pour les demandes de remise de certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce
que l’employeur est tenu de délivrer, pour les demandes de contestations relatives au refus de certains
congés par l’employeur (congé de formation économique, sociale et syndicale, congé de solidarité
internationale, congé de représentation et congé sabbatique). Le tribunal d’instance statue quant à lui en
dernier ressort en ce qui concerne la fixation des modalités d’organisation et de déroulement des opérations
électorales sur lesquelles aucun accord n’a pu intervenir, les contestations relatives à l’électorat et à la
régularité des opérations électorales, les contestations relatives à l’approbation majoritaire par référendum
de la conclusion d’un accord collectif ou le contentieux des désignations professionnelles. Le président du
tribunal de grande instance statue enfin quant à lui en dernier ressort et en la forme des référés lorsque le
comité d’entreprise s’estime insuffisamment informé relativement à une offre publique d’acquisition.
655
En ce sens : A. Jeammaud « Un état de choses irrémédiable », op. cit., spéc. p. 541.
656
Sur ce point, voir notamment : C. Puigelier, La pratique de la cassation en matière sociale, 2e éd.,
LexisNexis 2013, coll. procédure Droit et professionnel, 485 p. – P. Sargos, « L’organisation et le
fonctionnement de la chambre sociale de la Cour de cassation : la mission normative au péril de l’effet de
masse », Dr. soc 2006, p. 48. Sur la création de la chambre sociale, voir notamment : J. Savatier, « Le
contexte de la création de la chambre sociale », in Soixantième anniversaire de la chambre sociale de la
Cour de cassation, 1938 - 1998, La Documentation française 2000, p. 55.

126
de chambre de déterminer à l’intérieur de chacune d’elles, le nombre de sections et les règles
de répartition des affaires entre elles657. Or, si les attributions de la chambre sociale de la Cour
de cassation sont assez diversifiées pour absorber le contentieux de première instance du
conseil de prud’hommes, du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance en droit du
travail, tel n’est en revanche pas le cas pour les litiges traités par le tribunal de commerce ou
les juridictions pénales 658 . Ces litiges relèvent en effet respectivement de la chambre
commerciale et de la chambre criminelle de la Cour de cassation659. La Cour de cassation
réunie en chambre mixte et l’assemblée plénière sont également amenées à intervenir en droit
du travail. Rappelons en effet qu’un renvoi d’une affaire devant une chambre mixte peut être
ordonné lorsque celle-ci pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs
chambres ou lorsque la question a reçu, ou est susceptible de recevoir, devant les chambres
des solutions divergentes660. L’assemblée plénière peut quant à elle être saisie d’une affaire
posant une question de principe, lorsqu’il existe notamment des solutions divergentes soit
entre les juges du fond eux-mêmes, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation. Celle-

657
Article R. 431-2 du code de l’organisation judicaire. Sur la répartition du contentieux entre les
chambres, consulter l’ouvrage suivant : J. Boré et L. Boré, La cassation en matière civile, 5e éd., Dalloz
2015/2016, coll. Dalloz Action, spéc. p. 59.
658
Les attributions respectives des chambres de la Cour de cassation sont énumérées sur le site de la Cour
de cassation. Relèvent ainsi des attributions de la chambre sociale de la Cour de cassation le droit
communautaire du travail, le droit de l’emploi et de la formation, les droits et obligations des parties au
contrat de travail, les élections en matière sociale et professionnelle internes à l’entreprise, les entreprises à
statut, les interférences du droit commercial et du droit du travail, le licenciement disciplinaire, les relations
collectives du travail, la représentation du personnel, la protection des représentants du personnel ainsi que
la situation économique et le droit à l’emploi.
659
Seule la chambre commerciale peut ainsi connaître du contentieux de l’autorisation des licenciements
dans le cadre d’une procédure collective. Sur ce point, voir notamment : Cass. com., 5 nov. 2013, n° 12-
25.362 : Bull. civ., IV, n° 161 – Cass. com., 16 janv. 2007, 04-19.943, inédit. Sur le rôle protecteur de la
chambre criminelle de la Cour de cassation en droit du travail, voir notamment : A. Supiot, Le juge et le
droit du travail, Thèse Bordeaux I (dactyl.) 1979, p. 433 : « L’interprétation du droit du travail par la
chambre criminelle se révélait rigoureuse pour les employeurs, souvent plus rigoureuse que celle de la
chambre sociale de la Cour de cassation ».
660
Article L. 431-5 du code de l’organisation judiciaire. Pour un exemple marquant d’une réunion d’une
chambre mixte en droit du travail, voir : Cass. ch. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier : Bull. ch.
mixte, n° 3. Par cet arrêt, la Cour de cassation est venue mettre un terme aux oppositions existantes entre la
chambre criminelle et la chambre sociale sur la recevabilité d’une demande de résolution judiciaire du
contrat de travail d’un salarié protégé. Elle a en effet affirmé que « les dispositions législatives soumettant à
l’assentiment préalable du comité d’entreprise ou à la décision conforme de l’inspecteur du travail de
licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, ont institué, au profit de tels
salariés et dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, une protection exceptionnelle et
exorbitante du droit commun qui interdit par suite à l’employeur de poursuivre par d’autres moyens la
résiliation du contrat de travail ». Plus récemment, voir également : Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, n° 13-
12.310 : Bull. ch. mixte, n° 1 ; RDT 2015, p. 345, chron. J. Morin ; JCP E 2015, 1081, note F. Taquet ;
Procédures 2015, comm. 85 A. Bugada. Sur cet arrêt, voir : supra, n° 44.

127
ci doit en outre intervenir lorsqu’après cassation d’un premier arrêt ou jugement, la décision
rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens661.

86. Une confrontation indirecte du justiciable à la pluralité juridictionnelle. Là


encore, le justiciable n’est qu’indirectement confronté à la pluralité juridictionnelle existant au
sein de la Cour de cassation. L’affaire est en effet « distribuée » à la chambre compétente dès
que le demandeur remet son mémoire et il n’appartient pas à ce dernier de saisir une chambre
en particulier662. La persistance d’une dispersion du contentieux au sein de la Cour de
cassation ne pose dès lors aucune difficulté pour le justiciable en droit du travail et confirme
une nouvelle fois que les incertitudes restent cantonnées en droit du travail au stade de la
première instance.

661
Article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire. Pour une intervention récente de l’assemblée
plénière en droit du travail, voir notamment : Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, Baby Loup :
Bull. ass. plén., n° 1 ; Dr. soc. 2014, p. 811, ét. J. Mouly ; RDT 2014, p. 607, note P. Adam. Sur cet arrêt,
voir également : J.-G. Huglo, « Le rôle de la Cour de cassation dans l’articulation des normes en droit du
travail », in Dossier « Le droit du travail, ses juges et ses sanctions », Dr. soc. 2017, p. 404. Pour un
désaveu récent de la chambre sociale par l’assemblée plénière, voir : Cass. ass. plén., 23 oct. 2015, n° 13-
25.279 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p. 27, ét. J. Mouly ; JCP S 2015, 1433, note L. Dauxerre.
662
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 1001, p. 859 – O. Dutheillet de Lamothe et L.
Pécaut-Rivolier, « Regards croisés sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’État, statuant au
contentieux, et de la chambre sociale de la Cour de cassation », Dr. soc. 2016, p. 564, spéc. p. 568 : « Les
dossiers sont enregistrés par le service de documentation et d’études qui leur donne une référence
thématique et qui détermine la chambre et la section à laquelle ils seront affectés. Il recherche
systématiquement s’il n’y a pas lieu à signaler une jonction ou une proximité avec un dossier opposant les
mêmes parties ».

128
Chapitre 2. Le maintien des effets limités de l’incompétence

87. Le lien entre conflit de compétences et sanction de l’incompétence. Les


arbitrages opérés relativement à la protection des attributions de compétences influencent
directement le risque de conflits de compétences. Plus le moment et le nombre de personnes
pouvant se prévaloir de l’incompétence sont importants, plus la sanction de l’incompétence se
révèle stricte et plus s’en trouve accru le risque de conflits de compétences. Pour le dire
autrement, le risque d’impunité de l’incompétence s’avère inversement proportionnel à celui
des conflits de compétences. Chercher à limiter ce dernier risque suppose ainsi d’étudier et
d’apprécier, à l’aune de cet objectif, les arbitrages retenus.

88. Maintien de la sanction actuelle de l’incompétence. L’équilibre actuellement


retenu par le droit positif paraît satisfaisant puisqu’il permet de sanctionner l’incompétence,
tout en contenant le risque de conflits de compétences. Les règles qui gouvernent les incidents
de compétences sont en effet guidées par « le principe de célérité procédurale » 663 .
L’incompétence est traitée comme une exception de procédure – au même titre que
l’exception de litispendance, l’exception de connexité, l’exception dilatoire et l’exception de
nullité – ce qui emporte des conséquences sur la sanction de cette irrégularité et le moment de
son invocation. Le choix d’une telle qualification est d’ailleurs expliqué par la volonté du
législateur d’éviter que ces exceptions ne deviennent des moyens dilatoires entre les mains
d’un plaideur de mauvaise foi664. À ceci s’ajoute la possible neutralisation des effets de
l’incompétence au stade de l’appel. L’effet dévolutif de l’appel permet en effet à la cour
d’appel de statuer sur l’entier litige sans avoir à renvoyer l’affaire devant la juridiction
compétente665. Le mécanisme de l’évocation permet quant lui de « purger » l’incompétence
de première instance dans la mesure où la cour d’appel peut statuer sur l’ensemble des
problèmes de droit et de fait non jugés en première instance666.

663
En ce sens : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 26. Sur le principe de célérité
procédurale, voir également : S. Amrani-Mekki, Le temps et le procès civil, Dalloz 2002, coll. Nouvelle
Bibliothèque de thèses, 589 p. – D. Cholet, La célérité de la procédure en droit processuel, LGDJ 2006,
coll. Bibliothèque de Droit privé, t. 466, 713 p. Sur l’évolution du dispositif des incidents de compétences
de manière générale, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 10.
664
I. Pétel-Teyssié, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir », Rép. proc. civ., Dalloz 2013, n° 72.
665
G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 186 – J. Héron et Th. Le Bars, Droit
judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1048, p. 826.
666
Le terme « purger » est emprunté à : F. Leveneur, « A propos de la plénitude de juridiction de la cour
d’appel », Gaz. Pal. 3 juill. 1970, 2, p. 10.

129
Afin de contenir le risque de conflits de compétences, il est dès lors nécessaire de maintenir
les effets actuellement limités de l’incompétence en acceptant les prorogations tacites de
compétences et en maintenant la possible neutralisation de l’incompétence au stade de
l’appel.

Plan.
Section 1. La mise en œuvre de l’exception de procédure
Section 2. La neutralisation des effets de l’incompétence

Section 1. La mise en œuvre de l’exception de procédure

89. Une exception de procédure. Afin de prévenir la multiplication des incidents de


compétences, il convient de conserver le traitement de l’incompétence comme une exception
de procédure. En effet, contrairement aux défenses au fond ou aux fins de non-recevoir,
l’exception d’incompétence ne peut pas être soulevée en tout état de cause, mais seulement in
limine litis, sous peine d’irrecevabilité667, et le relevé d’office de cette incompétence par le
juge n’est possible qu’à l’égard des juridictions répressives et administratives. Des
prorogations tacites de compétences sont ainsi tout à fait envisageables en droit du travail dès
lors que l’autre partie à l’instance ne conteste pas ou ne peut plus contester la compétence de
la juridiction saisie et que le juge ne peut que rarement soulever d’office son incompétence668.

Plan.
Paragraphe 1. Un encadrement strict du moment pour soulever l’incompétence
Paragraphe 2. Une limitation du nombre de personnes pouvant soulever
l’incompétence

667
Article 74 du code de procédure civile.
668
X. Lagarde et G. Couchez, Procédure civile, 17e éd., Sirey 2014, coll. Université, p. 102. Voir
également : N. Fricero, « Tribunaux de grande instance (Organisation et compétence) », Rép. proc. civ.,
Dalloz 2009, n° 169. Cette dernière estime notamment que lorsque « les parties ne soulèvent pas
l’incompétence parce qu’elles sont d’accord sur la prorogation, et que le défendeur comparaît (à défaut, le
juge retrouve le pouvoir de se déclarer d’office incompétent), on peut imaginer une prorogation effective de
la compétence du TGI ».

130
§1. Un encadrement strict du moment pour soulever l’incompétence

90. La nécessité d’invoquer l’incompétence in limine litis. Il résulte des


dispositions de l’article 74 du code de procédure civile que « les exceptions doivent, à peine
d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-
recevoir ». L’exception d’incompétence doit dès lors être présentée in limine litis, autrement
dit avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et simultanément avec toutes les autres
exceptions.
Si la mise en œuvre de ce « principe de chronologie » a pu susciter un certain nombre
d’incertitudes, ces dernières ont progressivement été levées par la jurisprudence669. La Cour
de cassation retient en effet un critère formel pour distinguer les exceptions de fond et
l’exception de compétence et s’attache seulement à la manière dont les parties ont placé le
débat670. Ainsi, à partir du moment où les parties se fondent sur l’incompétence dans leurs
conclusions, l’éventuelle invocation de motifs tirés du fond du droit, au soutien de cette
demande, n’emporte aucune conséquence.
Le régime de l’exception d’incompétence a par ailleurs été précisé pour permettre son
adaptation aux procédures orales ou comportant une phase préliminaire de conciliation. Pour
les procédures orales, il est désormais admis que les déclarations faites à la barre prévalent sur
les conclusions671. Dès lors, l’exception d’incompétence doit être soulevée lors des débats
avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond, nonobstant ce qui a pu être invoqué lors
du dépôt des conclusions au fond avant l’audience672. Concernant la phase préliminaire de
conciliation, la Cour de cassation admet que l’exception d’incompétence puisse n’être
soulevée que durant la phase de jugement, autrement dit s’il s’agit du conseil de
prud’hommes directement devant le bureau de jugement673.

91. Irrecevabilité de l’exception d’incompétence devant la cour d’appel et la


Cour de cassation. Lorsqu’un jugement rendu en première instance est contradictoire,
l’exception d’incompétence ne peut plus être soulevée pour la première fois en appel par une

669
Pour une présentation complète de cette chronologie imposée par l’article 74 du code de procédure
civile, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 26 et suiv.
670
Sur ce critère formel, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 28.
671
Cass. civ 2e, 1er oct. 2009, n° 08-14.135 : Bull. civ., II, n° 233 ; RDT civ. 2010, p. 153, obs. R. Perrot –
Cass. civ. 2e, 16 oct. 2003, n° 01-13.036 : Bull. civ. II, n° 311 ; D. 2004, p. 454, note S. Mary ; Procédures
2003, n° 148, obs. R. Perrot.
672
Sur le régime antérieur, voir : J.-D. Bretzner, « Exception d’incompétence et oralité des débats », Gaz.
Pal. 1997, 1, Doctr. 222.
673
Cass. soc., 22 janv. 1975, n° 74-40.133 : Bull. civ. V, n° 28 ; RTD civ. 1976, p. 192, obs. J. Normand.

131
partie qui a comparu674. Seule la partie défaillante en première instance contre laquelle a été
rendu un jugement réputé contradictoire peut invoquer cette exception pour la première fois
en appel675. Dans cette hypothèse, la possibilité de soulever l’incompétence se justifie car le
jugement étant réputé contradictoire, la voie de l’opposition est fermée au défaillant au profit
de l’appel676. Cette irrecevabilité se retrouve également au stade de la cassation. L’exception
d’incompétence ne peut en effet être soulevée pour la première fois devant la Cour de
cassation677.
Il en va toutefois différemment lorsque l’exception a été soulevée par les parties en première
instance. La cour d’appel et la Cour de cassation peuvent en effet connaître d’un incident de
compétence sur voie de recours678. Sur ce point, le décret du 6 mai 2017 a considérablement
réaménagé les dispositions relatives aux recours formés contre une décision se prononçant sur
un incident de compétence en mettant fin au régime dérogatoire du contredit de
compétence679. Jusqu’au premier septembre 2017, une décision se prononçant sur un moyen
tiré de l’incompétence pouvait en effet être contestée tantôt par la voie du contredit, tantôt par
celle de l’appel. Le critère de délimitation entre ces deux procédures résidait dans le
tranchement d’une question de fond par le jugement. Ainsi, lorsque le juge de première
instance s’était déclaré compétent et avait statué sur le fond du litige, le jugement ne pouvait
plus être attaqué que par la voie de l’appel. Si ce dernier était rendu en premier et dernier
ressort, l’appel se limitait au seul chef de compétence680. Le contredit, prévu à l’ancien article
80 du code de procédure civile, était quant à lui seul recevable lorsque le juge s’était prononcé
sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, lorsque le juge pour déterminer sa

674
En ce sens : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 48.
675
Cass. 2e civ., 15 oct. 1980, n° 79-11.763 : Bull. civ., II, n° 208.
676
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 86, p. 92.
677
Cass. civ. 1re, 28 févr. 2006, n° 03-21.048 : Bull. civ., I, n° 130. Pour davantage de jurisprudences, voir :
G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 50.
678
J. Boré et L. Boré, La cassation en matière civile, op. cit., n° 73-11 et suiv., p. 360 .
679
Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile.
Sur ce décret, voir notamment : M. Kebir, « Le contredit n’est plus, vive l’appel », Dalloz act. 29 mai 2017
– S. Amrani Mekki, « L’appel en matière civile ? À propos du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux
exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile », JCP G 2017, 659 – N. Fricero, « L’appel
nouveau est arrivé ! », D. 2017, p. 1057. La suppression du contredit fait suite à la mise en évidence des
difficultés suscitées par l’existence de cette voie spécifique dans le rapport de la Cour de cassation de
2014 : rapport de la Cour de cassation, Le temps, La Documentation française 2014, p. 58.
680
Voir l’ancien article 78 du code de procédure civile. Cass. soc., 15 juin 1977, n° 77-60.462 : Bull. civ.,
V, n° 394. Dans cette hypothèse, soit le jugement acquérait force de chose jugée pour l’intégralité des
dispositions lorsque la compétence était confirmée, soit il était frappé de caducité lorsque la décision était
infirmée sur le chef de compétence. Sur ce point, voir : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 9e
éd., LexisNexis 2016, n° 315, p. 235.

132
compétence avait tranché une question de fond dont dépendait la compétence681, ou encore
lorsque le juge, tout en se déclarant compétent, avait ordonné une mesure d’instruction ou une
mesure provisoire. Enfin, lorsque le juge, statuant en premier ressort, se déclarait d’office
incompétent, la voie du contredit était également seule ouverte à moins que l’incompétence
n’ait été établie au motif que l’affaire relevait de la compétence de la juridiction
administrative682.
Désormais, les contestations des jugements relatifs à la compétence relèvent dans leur
ensemble du régime de l’appel. Des spécificités sont toutefois maintenues à l’égard des
jugements statuant exclusivement sur la compétence683. Ces derniers ne font en effet pas
l’objet d’un appel classique mais d’une procédure accélérée. En vertu des nouvelles
dispositions de l’article 84 du code de procédure civile, la partie doit, dans le délai d’appel de
quinze jours, saisir le premier président d’une demande d’autorisation d’assigner à jour fixe
ou de fixation prioritaire de l’affaire, sous peine de caducité de la déclaration d’appel.
L’affaire doit dans cette hypothèse être instruite et jugée selon la procédure à jour fixe si la
procédure est avec représentation obligatoire et suivre les règles de l’article 948 du code de
procédure civile dans le cas contraire.

§2. Une limitation du nombre de personnes pouvant soulever l’incompétence

92. La question centrale du relevé d’office. Afin de mesurer le risque de conflits


de compétences, il importe de déterminer le nombre de personnes susceptibles de pouvoir
soulever l’exception d’incompétence. La réponse à cette question nécessite en réalité de se
concentrer sur le relevé d’office puisque, quelle que soit l’incompétence, le défendeur peut
toujours présenter un déclinatoire de compétence, à l’inverse du plaideur qui a formé sa
demande684. La faculté pour le juge d’être à l’initiative d’un incident de compétence dépend
au contraire d’un certain nombre de facteurs au titre desquels figurent le stade de la procédure
et la juridiction en cause.

681
Il en est ainsi lorsque le conseil de prud’hommes se prononce sur l’existence d’un contrat de travail.
Voir notamment : Cass. soc., 26 nov. 2003, n° 01-44.589, inédit.
682
Article 94 du code de procédure civile.
683
Nouvel article 83 du code de procédure civile.
684
Il s’agit d’une application de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans qui signifie que
« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Sur ce point, voir : Cass. civ. 2e., 7 déc. 2000, n° 99-
14.902 : Bull. civ., V, n° 163. Sur cette impossibilité, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ.,
Dalloz 2016, n° 18.

133
93. Caractère déterminant du stade de l’instance en droit judiciaire privé. Le
relevé d’office de l’incompétence matérielle d’un juge n’est possible en première instance que
lorsque la compétence en question est d’ordre public ou exclusive, ou lorsque le défendeur ne
comparait pas685. Ce relevé d’office est en réalité une simple faculté pour le juge686. L’inverse
aurait en effet eu pour conséquence de permettre au justiciable d’obtenir la cassation d’un
arrêt du seul fait que le juge n’aurait pas soulevé d’office son incompétence. Ce caractère
facultatif présente en outre l’avantage de laisser le juge apprécier l’intérêt d’une prorogation
tacite de compétence en comparaison avec le déclenchement d’un incident de compétence.
Le relevé d’office de cette incompétence matérielle est au contraire exclu pour la cour d’appel
et la Cour de cassation. Il résulte d’une interprétation a contrario de l’article 76 du code de
procédure civile que ni la cour d’appel ni la Cour de cassation ne peuvent soulever d’office
l’incompétence d’une juridiction de première instance dans l’ordre judiciaire privé687. Cet
article n’envisage en effet le relevé d’office qu’à l’égard des affaires relevant de la
compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappant à la connaissance de
la juridiction française688.

94. Faculté de relever d’office l’incompétence pour le répressif. Contrairement à


ce qu’il se passe dans l’ordre judiciaire privé, la cour d’appel et la Cour de cassation peuvent
relever d’office l’incompétence d’attribution d’une juridiction de première instance si l’affaire
relève de la compétence d’une juridiction répressive689. Sur ce point, les parties ont d’ailleurs
tout intérêt à soulever ce moyen d’incompétence pour la première fois devant la Cour de
cassation, même si celui-ci est irrecevable 690 . Cela peut en effet « inciter [la Cour de
cassation] à le reprendre à son compte et à le soulever d’office »691. Rappelons tout de même

685
Article 92 du code de procédure civile.
686
Cass. civ. 3e, 7 févr. 2007, n° 06-13.175 : Bull. civ., III, n° 21 – Cass., ass. plén., 26 mai 1967 : RTD civ.
1967, p. 697, obs. Hébraud. Pour une critique de ce caractère facultatif lorsque la compétence est exclusive,
voir : J. Normand, RTD civ. 1986, p. 410. Des exceptions à ce caractère facultatif existent mais elles ne
concernent pas le droit du travail. Citons à ce titre l’article 1038 du code de procédure civile relatif à la
compétence exclusive du tribunal de grande instance pour statuer sur les contestations concernant la
nationalité française ou étrangère des personnes physiques ou encore l’article 1406, alinéa 3 du code de
procédure civile en matière d’injonction de payer.
687
Reprise de l’ancien article 92 du code de procédure civile.
688
Cass. civ. 2e, 18 oct. 2007, nos 06-21.046 et 06-21.047, inédit : RTD civ. 2008, p. 150, obs. Ph. Théry.
689
Article 76 du code de procédure civile (ancien article 92 du code de procédure civile). Cet article prévoit
également cette faculté lorsque l’incompétence concerne une juridiction administrative ou lorsqu’elle
échappe à la connaissance d’une juridiction française. Voir : infra, n° 166.
690
Comme nous venons de le voir, les parties ne peuvent en effet initier un incident de compétence au stade
de la cassation. Sur cette irrecevabilité, voir notamment : Cass. soc. 19 juin 1987, n° 84-43.987 : Bull. civ.,
V, n° 398 – Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, n° 73-13.556 : Bull. ch. mixte, n° 4.
691
J. Boré et L. Boré, La cassation en matière civile, op. cit., n° 73.13, p. 361.

134
que là encore, la Cour de cassation n’est jamais tenue de relever cette exception
d’incompétence même lorsqu’elle est d’ordre public692. Une telle faculté doit là encore être
saluée au regard des conséquences qu’emporte une déclaration d’incompétence. Cette
dernière provoque en effet l’annulation de la décision rendue par les juges du fond ayant
retenu à tort leur compétence, sans que la cour de renvoi ne soit liée par cet arrêt693.

Section 2. La neutralisation des effets de l’incompétence au stade de l’appel

95. Une sanction non systématique de l’incompétence. Lorsque la cour d’appel est
amenée à statuer sur un incident de compétence694, l’éventuelle incompétence de la juridiction
de première instance ne se trouve pas systématiquement sanctionnée. La « plénitude de
juridiction », dont seule dispose la cour d’appel695, lui permet en effet de donner une solution
au litige même si elle estime qu’il aurait dû être porté devant une autre juridiction au premier
degré696. En application de cette plénitude, le principe de l’effet dévolutif de l’appel et le
mécanisme de l’évocation donnent ainsi la possibilité à la cour d’appel de pallier une
incompétence antérieure697.
Ces mécanismes sont parfois décriés en ce qu’ils priveraient le justiciable du double degré de
juridiction et des atouts de la spécialisation du juge de première instance 698. Malgré le
caractère recevable de ces critiques, l’évocation et l’effet dévolutif de l’appel présentent
toutefois des avantages en termes de « rapidité, d’économie, de simplicité et de
compréhensibilité pour le justiciable » et sont ainsi sources d’accélération du procès699. De
tels mécanismes doivent dès lors être maintenus puisqu’ils permettent que la question des
compétences ne perdure trop longtemps dans le règlement du litige.

692
Cass. 1re civ., 13 mars 1979, n° 77-15.344 : Bull. civ., I, n° 89.
693
Sur ce point, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 100.
694
Elle peut l’être lorsque l’exception d’incompétence a été soulevée en première instance ou lorsqu’un
jugement réputé contradictoire a été rendu contre une partie défaillante. Sur ce point, voir : supra, n° 91.
695
Toutefois, sur le débat relatif à la plénitude de compétence du tribunal de grande instance, voir : M.
Segonds, « La plénitude de juridiction du tribunal de grande instance », JCP 2000, I, 738 – H. Solus et R.
Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 15, p. 21. Certains auteurs visent « l’idée
de plénitude de juridiction » du tribunal de grande instance tout en reconnaissant l’incompétence du TGI en
présence d’une compétence exclusive : L. Cadiet, « Connexité », Rép. proc. civ., Dalloz 2010, n°15.
696
Sur ce point, voir : R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op.
cit., spéc. S 22.
697
En ce sens : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 186 – J. Héron et Th. Le
Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1048, p. 826.
698
En ce sens, voir : E. Glasson, Précis théorique et pratique de procédure civile, t. 1, 2e éd. Mise au
courant de la législation et de la jurisprudence par Albert Tissier, LGDJ 1908, p. 690.
699
F. Leveneur, « A propos de la plénitude de juridiction de la cour d’appel », op. cit., spéc. p. 11.

135
Plan.
Paragraphe 1. L’incompétence « purgée » par l’effet dévolutif de l’appel
Paragraphe 2. L’incompétence « purgée » par le mécanisme de l’évocation

§1. L’incompétence « purgée » par l’effet dévolutif de l’appel

96. L’effet dévolutif de l’appel. En vertu de l’effet dévolutif de l’appel et sous


réserve d’une limitation de l’appel à certains chefs de jugement par l’acte d’appel ou les
dernières conclusions, la cour d’appel doit statuer sur l’ensemble du litige, autrement dit sur
l’ensemble des questions, de fait et de droit, tranchées en première instance700.
L’article 90 du code de procédure civile envisage d’ailleurs expressément l’effet dévolutif de
l’appel des jugements ayant statué sur la compétence et sur le fond701. La cour d’appel doit en
effet statuer sur le fond du litige lorsque la décision attaquée est susceptible d’appel dans
l’ensemble de ses dispositions, lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la
juridiction qu’elle estime compétente et lorsqu’elle infirme du chef de la compétence702.
L’effet dévolutif de l’appel permet ainsi de « purger » l’incompétence du premier ressort
puisque tout en infirmant la décision sur la compétence, la cour d’appel doit obligatoirement
statuer au fond sur les points qui lui sont déférés, sans pouvoir renvoyer l’affaire devant les
premiers juges703. La cour d’appel peut ainsi statuer sur une demande de dommages-intérêts
pour inexécution des dispositions d’un accord de fin de conflit formée par un syndicat et un
comité d’entreprise et jugée à tort en première instance par le conseil de
704
prud’hommes .
Cet effet dévolutif cesse toutefois lorsque le jugement est rendu en premier et dernier ressort.
Dans cette hypothèse, l’appel se limite en effet au seul chef de compétence et lorsque la cour
d’appel infirme la compétence, elle ne peut connaître du fond de l’affaire et doit renvoyer

700
Article 561 du code de procédure civile.
701
Ancien article 79 du code de procédure civile avant le décret. En ce sens : G. Chabot, « Incompétence »,
Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 186 : « Il y a là, non pas un cas d’évocation du fond par la cour d’appel,
mais une simple extension du principe de l’effet dévolutif de l’appel ».
702
Nouvel article 90, alinéa 2 du code de procédure civile. Voir : Cass. soc., 21 nov. 2000, n° 98-45.837:
Bull. civ., V, n° 380 ; Dr. soc. 2001, p. 318, obs. A. Mazeaud.
703
Sur les vertus d’un tel mécanisme permettant de rendre « inattaquable au point de vue de la compétence
toute décision [que la cour d’appel] émet sur une affaire civile ou commerciale », voir : J.-E. Labbé, note
sous Cass. civ., 14 août 1882, S. 1883, 1, p. 145 (cité par : F. Leveneur, « A propos de la plénitude de
juridiction de la cour d’appel », op. cit., spéc. p. 11).
704
Cass. soc., 5 juill. 2006, n° 04-43.213 : Bull. civ., V, n° 238.

136
devant la juridiction compétente705. Il en est de même lorsque la cour d’appel n’est pas
juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance en
raison de son incompétence territoriale. Dans cette hypothèse, elle doit en effet renvoyer
l’affaire devant la cour qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été
compétente en première instance706.

§2. L’incompétence « purgée » par le mécanisme de l’évocation

97. La « purge » en raison du mécanisme de l’évocation. Le mécanisme de


l’évocation permet à une cour d’appel d’attraire à elle l’ensemble du litige pour lui donner
une solution définitive sur le fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice
commande la solution et que le principe du contradictoire a été respecté707. Elle se distingue
de l’effet dévolutif par son caractère facultatif et la possibilité donnée à la cour d’appel de
statuer sur des points non tranchés en première instance 708. Cette possibilité d’évoquer
l’affaire au fond est désormais réduite aux seuls cas où la cour « infirme ou annule un
jugement » ayant ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de
procédure, a mis fin à l’instance709. Une telle restriction s’avère surprenante. Lorsque la cour
confirme le jugement, il semble en effet justifié que celui qui a pris le risque de le contester
prenne également celui de perdre un degré de juridiction710.
La faculté d’évoquer l’affaire dans le cadre de l’appel d’un jugement statuant exclusivement
sur la compétence est toutefois maintenue. Les dispositions relatives à l’évocation dans le
cadre du défunt contredit sont en effet reprises à l’article 88 du code de procédure civile.

705
Ce renvoi est désormais expressément prévu à l’article 91, alinéa 2 du code de procédure civile. Le
décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a également précisé l’articulation entre l’appel réalisé sur la compétence
et l’éventuel pourvoi réalisé sur le jugement rendu en dernier ressort. Dans cette hypothèse, la formation
d’un pourvoi en cassation à l’encontre des dispositions sur le fond du jugement aura pour conséquence de
rendre l’appel sur l’incompétence irrecevable (nouvel article 91, alinéa 1er du code de procédure civile).
706
Article 90, alinéa 3 du code de procédure civile (ancien article 79, alinéa 2 du code de procédure civile).
707
Article 568 du code de procédure civile. Pour une illustration en droit du travail, voir notamment : CA
Paris, (Pôle 6, ch. 9), 1er avr. 2015, E. et FNIC CGT contre SA Cryopal venant aux droits de la société Air
liquide France Industrie (ALFI) : Dr. ouvr. 2016, p. 79, note D. Boulmier (Évocation d’une affaire au fond
sur l’existence d’une discrimination syndicale après constat d’une nullité des jugements pour violation de
l’article 455 du code de procédure civile).
708
Sur cette distinction, voir la fiche méthodologique « L’effet dévolutif de l’appel et l’évocation »,
disponible sur le site de la Cour de cassation et consulté le 1er juin 2017.
https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_informa
tion_2005_1877/n_620_1936/.
709
Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, op. cit.
710
En ce sens : S. Amrani Mekki, « L’appel en matière civile ? À propos du décret n° 2017-891 du 6 mai
2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile », JCP G 2017, 659, spéc. p.
1111.

137
L’évocation demeure ainsi possible lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la
juridiction qu’elle estime compétente et qu’il est de bonne justice de donner à l’affaire une
solution définitive. Dans cette hypothèse, au lieu de renvoyer l’affaire devant la juridiction
compétente, la cour d’appel peut statuer sur celle-ci malgré la véracité de la contestation de la
compétence de première instance. Elle invite alors les parties, par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception, à constituer avocat dans le délai qu’elle fixe si les règles
applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé
d’appel imposent cette constitution. Si aucune des parties ne constitue avocat, la cour peut
prononcer d’office la radiation de l’affaire par décision motivée non susceptible de recours711.

711
Article 89 du code de procédure civile.

138
Conclusion Titre 1

98. Le cantonnement du risque de conflits de compétences. Le cantonnement du


risque de conflits de compétences constitue le premier pas vers l’émergence d’un pluralisme
juridictionnel en droit du travail, autrement dit d’une organisation de la pluralité
juridictionnelle plus respectueuse des droits des justiciables. Cette pluralité ne s’avère en effet
problématique que lorsqu’elle obscurcit effectivement les voies d’accès à la justice et qu’elle
provoque des incidents de compétences récurrents. Afin d’établir la réalité du risque actuel de
conflits de compétences, l’ensemble des attributions matérielles de compétences en droit du
travail devaient ainsi être identifiées, analysées et mises en perspective.
Une telle entreprise a révélé un nombre de difficultés finalement plus mesuré que ne le
laissaient apparaître les écrits sur la dispersion du contentieux. Le risque de conflits de
compétences n’existe pas, en effet, au stade de l’appel et de la cassation puisque la
spécialisation s’est réalisée au sein même de ces juridictions. Il paraît également limité pour
les juridictions répressives en raison du principe de légalité des délits et des peines et de
l’accessibilité pour le justiciable des textes d’incrimination en droit pénal du travail. Si les
incertitudes se concentrent ainsi au stade de la première instance entre les juridictions civiles,
même à ce niveau, elles paraissent également mesurées. La distribution des compétences
s’opère en effet dans la majorité des cas au regard de la personne saisissant la juridiction. À la
différence du contentieux de la famille712, c’est ainsi davantage le droit du travail qui se
trouve confronté à la pluralité de juridictions que le justiciable lui-même. L’interprétation
compréhensive des critères d’attribution du conseil de prud’hommes par la jurisprudence
conduit en effet à ce que pratiquement l’ensemble des litiges entre un salarié et son employeur
soient portés devant le conseil de prud’hommes. Lorsque l’affaire oppose au contraire un
employeur à un syndicat ou une institution représentative du personnel ou des syndicats entre
eux, elle relève des tribunaux d’instance ou de grande instance. Sur ce point, la ligne de
répartition des compétences entre les deux juridictions mériterait toutefois d’être plus
clairement tracée. L’absence d’attribution de certains contentieux – qu’il s’agisse de l’unité
économique et sociale ou de certaines désignations professionnelles – est créatrice

712
Voir notamment : M. Lardeux, Le pluralisme juridictionnel en droit de la famille, Thèse Toulon
(dactyl.) 2015, 466 p. – Th. Garé, M.-F. Tremoureux, « Le juge spécialisé, le juge aux affaires familiales »,
in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 51 – L. Cadiet, « Les métamorphoses de la
juridiction familiale », in Mélanges en l’honneur d’Henry Blaise, Économica 1995, p. 33.

139
d’incertitudes pour le justiciable. Une autre difficulté réside également dans l’absence de
visibilité pour le justiciable de la pluralité juridictionnelle en droit du travail. Une section du
code du travail devrait ainsi être consacrée aux juridictions du travail et à leurs attributions
respectives. On pourrait d’ailleurs profiter de cette réécriture pour établir plus clairement les
exceptions à la compétence prud’homale.
Si ces clarifications permettront de contenir davantage le risque de conflits de compétences,
elles n’auront cependant pas pour effet de supprimer l’ensemble des incidents de
compétences. Il est dès lors apparu nécessaire d’étudier la manière dont le droit positif
appréhendait la sanction de l’incompétence. Cette recherche a révélé la réalisation d’un
arbitrage très satisfaisant puisque permettant la contestation de l’incompétence tout en
prévenant les éventuelles exploitations de conflits de compétences à des fins dilatoires. Le
régime actuel de sanction de l’incompétence et les possibilités de neutraliser les effets de
l’incompétence au niveau de l’appel doivent ainsi être maintenus.

140
Titre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges

99. Nécessité d’étendre le périmètre des prorogations de compétence. Au cours


d’un procès, les moyens de défense et les demandes incidentes ne relèvent pas toujours de la
compétence de la juridiction saisie. Dans de telles hypothèses, le respect scrupuleux des
attributions de compétences pourrait apparaître excessif si l’on raisonne en termes de célérité
dans la mesure où il entraînerait la saisine de deux juridictions pour régler un seul litige. Deux
écueils doivent en réalité être évités : d’une part admettre largement des dérogations privant
d’effet les répartitions de compétences et entraînant un risque de divergence de
jurisprudences, et d’autre part multiplier les partages de compétences en consacrant des
compétences exclusives systématiquement. Un équilibre doit ainsi être trouvé entre le
traitement unitaire du litige et la préservation des attributions de compétences713.
Sur ce point, le code de procédure civile admet des prorogations de compétence pour
certaines demandes incidentes et pour certains moyens de défense qui relèveraient
normalement de la compétence d’attribution d’une autre juridiction714. Cette faculté, qui évite
« le dépècement d’un procès en autant de quartiers que de matières »715, paraît actuellement
trop encadrée. Ces mécanismes d’unification du contentieux dépendent en effet de différents
paramètres, au nombre desquels figurent l’ordre de juridiction, le degré de juridiction, le
caractère exclusif de la compétence à proroger, l’étendue de la compétence d’attribution de la
juridiction prorogeant sa compétence ou encore la cause de l’extension. Au regard du nombre
de partages de compétences qu’ils suscitent, ces obstacles doivent dès lors être levés afin de
permettre au justiciable d’unifier le traitement de son litige s’il le souhaite. Cette limitation
des cas d’éclatements des litiges passe ainsi par l’extension du périmètre des prorogations de
compétence.

713
Sur ce délicat équilibre à trouver, voir notamment : B. Beignier, « Ordre public et compétence » in
Mélanges dédiés à Louis Boyer, PUT 1996, p. 99 – J. Vincent, « Quelques réflexions sur la compétence
exclusive des juridictions civiles », in Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des sciences sociales
de Toulouse 1981, p. 917 – H. Sinay, « La compétence exclusive », JCP 1958, I, 1451 – F. Leveneur, « A
propos de la plénitude de juridiction de la cour d’appel », op. cit.
714
Par demandes incidentes, on entend non seulement les demandes additionnelles connexes formées par le
demandeur (article 65 du code de procédure civile), les demandes reconventionnelles formées par le
défendeur (article 64 du code de procédure civile), les demandes formées par un tiers dans le cadre d’une
intervention volontaire (article 66 du code de procédure civile) ou encore les demandes formées contre un
tiers dans le cadre d’une intervention forcée (article 66 du code de procédure civile).
715
H. Sinay, « La compétence exclusive », op. cit., spéc. p. 32.

141
100. Des critiques non dirimantes. L’opportunité d’une proposition se mesure de
manière inversement proportionnelle aux difficultés qu’elle entraîne. Il semble dès lors
nécessaire d’envisager les principales critiques pouvant être adressées à l’extension du
domaine des prorogations de compétence et de mesurer leur pertinence. Pourrait tout d’abord
être avancé le risque d’atteinte à la compétence naturelle des prud’hommes, voire
l’encouragement d’un « démantèlement » futur de cette juridiction. De telles craintes nous
semblent en réalité infondées puisque l’extension ne se réalisera pas nécessairement au
détriment de la juridiction prud’homale 716 . Par ailleurs, l’admission de prorogations de
compétence n’aura pas pour effet de remettre en cause le caractère d’ordre public de la
compétence prud’homale717. Seront en effet maintenues la nullité des clauses attributives de
juridiction 718 , l’inopposabilité des clauses compromissoires aux salariés 719 ou encore
l’inefficacité des clauses instituant une procédure de conciliation préalable720. En outre, des
dérogations à la compétence du juge non professionnel existent déjà en pratique du fait de
l’arbitrage retenu par le droit positif quant au traitement de l’incompétence. Lorsqu’il rend
possible des prorogations tacites de compétences ou qu’il neutralise les effets de
l’incompétence au stade de l’appel, le législateur fait en effet prévaloir l’unité du procès et la

716
Le conseil de prud’hommes verra sa compétence prorogée dans un certain nombre de cas. Sur ce point,
voir : infra, n° 118 et suiv.
717
L’exclusivité d’une compétence se distingue de son caractère d’ordre public. Sur cette distinction, voir :
J. Villebrun et G.-P. Quétant, Traité de la juridiction prud’homale, 3e éd., LGDJ 1998, n° 530 et suiv., p.
275.
718
Article L. 1221-5 du code du travail.
719
Cass. soc., 30 nov. 2011, nos 11-12.905 et 11-12.906 : Bull. civ., V, n° 277 ; D. act., 3 janv. 2012, obs.
L. Perrin ; Dr. soc. 2012, p. 309, obs. B. Gauriau ; JCP S 2012, 1049, obs. S. Brissy. En faveur de la
validité de telles clauses en droit interne, voir : Rapport J. Barthélémy et G. Cette, Refonder le droit social,
La Documentation française 2013, p. 90. La clause compromissoire doit être distinguée du compromis
d’arbitrage qui est valide lorsqu’il est conclu après la fin du contrat de travail. Sur la validité du compromis
d’arbitrage malgré la nouvelle rédaction de l’article L. 511-1 du code du travail par les lois Auroux de
1982, voir : J. Robert, « Les conflits individuels du travail et l’arbitrage après la loi du 6 mai 1982 », Rev.
Arb. 1982, p. 69 – J.-M. Olivier, « Arbitrage et Droit du travail », Dr. et patr. 2002, n° 104, p. 52 – Th.
Clay, « L’arbitrage en droit du travail : quel avenir après le rapport Barthélémy-Cette ? », op. cit., spéc. p.
946 – A. Sutra, « L’arbitrage, un mode de règlement des conflits valable et utile », op. cit., spéc. p. 735.
Contra, voir toutefois : J. Pélissier, A. Lyon-Caen, A. Jeammaud et E. Dockès, Les grands arrêts du droit
du travail, 4e éd., Dalloz 2008, p. 112 – M. Beckers, « Une vraie mauvaise idée », in Controverse « Faut-il
prendre au sérieux l’arbitrage en matière prud’homale ? », op. cit., spéc. p. 733.
Sur la nullité des clauses compromissoires dans les contrats internationaux de travail peu important la loi
régissant le contrat de travail, voir notamment : Cass. soc. 12 mars 2008, n° 01-44.654, inédit : RDT 2008,
p. 326, obs. T. Grumbach et É. Serverin – Cass. soc., 28 juin 2005, n° 03-45.042 : Bull. civ., V, n° 216 ;
JCP G 2005, 179, obs. J. Béguin ; D. 2005, Panor. 3052, obs. Th. Clay ; D. 2007, Panor. 118, obs. H.
Kenfack – Cass. soc., 16 févr. 1999, n° 96-40.643 : Bull. civ., V, n° 78 ; Dr. soc. 1999, p. 632, obs. M.-A.
Moreau ; JCP E 1999, 1685, note Ph. Coursier ; TPS 1999, 214, obs. B. Boubli.
720
Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-20.004 : Bull. civ., n° 326 ; D. act., 8 janv. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013, p.
121, obs. P. Bailly ; RDT 2013, p. 124, obs. É. Serverin ; Dr. soc. 2013, p. 178, obs. D. Boulmier ; JCP S
2013, 1075, obs. G. François.

142
célérité de la justice sur la protection des compétences. Il paraît ainsi paradoxal de s’opposer à
des prorogations de compétence sous prétexte d’une préservation des attributions de
compétence, tout en admettant largement des prorogations tacites de compétence par une
sanction limitée de l’incompétence.
Si l’argument de l’atteinte à la compétence des prud’hommes ne semble pas dirimant, le
risque d’une amplification de l’incohérence juridictionnelle mérite au contraire une attention
particulière. L’extension du domaine des prorogations de compétence – en multipliant le
nombre d’interprètes de la règle de droit – pourrait en effet avoir un impact sur la cohérence
juridictionnelle. Il semble dès lors opportun de déterminer dans quelle mesure l’extension du
domaine des prorogations de compétence amplifie le risque d’incohérence en droit du travail.
En réalité, au regard de l’ensemble des facteurs de l’incohérence, une étude plus approfondie
permet de démontrer que ce risque est surestimé.

Plan.
Chapitre 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence
Chapitre 2. Le risque mesuré d’une amplification de l’incohérence

143
Chapitre 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence

101. La levée des obstacles à l’unification des litiges. Qualifiée par certains
« d’ingénieuse et pratique »721, la possibilité donnée à une juridiction d’étendre sa compétence
pour connaître d’une demande n’en relevant pas permet de pallier les inconvénients de la
dispersion du contentieux. Les prorogations de compétence – en assurant l’unification du
litige – empêchent en effet que le justiciable soit directement confronté à la pluralité de
juridictions.
Malgré ces avantages, le périmètre des prorogations de compétence s’avère relativement
limité en droit du travail. Actuellement, une juridiction compétente au principal ne peut en
effet connaître des demandes incidentes ou encore des moyens de défense qui soulèvent des
questions relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction722. L’existence d’une
compétence exclusive paralyse ainsi les règles d’unification du contentieux723 et « aboutit,
trop souvent, à dissocier le règlement de certains problèmes dont la solution dépend de
facteurs entre lesquels existe une réelle connexité, au sens banal du mot »724. À ce premier
obstacle s’ajoute celui du caractère limité de la compétence d’attribution de la juridiction
souhaitant étendre sa compétence 725 . Les juridictions d’exception ne peuvent en effet
connaître des demandes incidentes excédant leurs compétences d’attribution. Ainsi, alors que
les juridictions de droit commun peuvent proroger leur compétence pour n’importe quelle
demande – à moins que celle-ci ne relève de la compétence exclusive d’une autre juridiction –
la prorogation de compétence pour les juridictions d’exception est limitée aux seuls moyens
de défense. La recherche d’une unification des litiges, malgré la pluralité juridictionnelle,
nécessite ainsi la levée des obstacles aux prorogations de compétence.

721
H. Sinay, « La compétence exclusive », op. cit., spéc. p. 32.
722
Voir notamment : F. Leborgne, « Compétence », op. cit., spéc. p. 180. Article 49 du code de procédure
civile pour les moyens de défense – Article 51 du code de procédure civile pour les demandes incidentes –
Article 101 du code de procédure civile pour la connexité.
723
Sur les inconvénients de la généralisation des compétences exclusives, voir : H. Sinay, « La compétence
exclusive », op. cit. Voir également : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. 277, note 6. Ce
dernier estime que « la compétence exclusive est porteuse de nombreux inconvénients car elle rigidifie le
jeu des règles de compétence et accentue la dispersion du contentieux ».
724
J. Vincent, « Quelques réflexions sur la compétence exclusive des juridictions civiles », op. cit., spéc. p.
946.
725
Voir notamment : F. Leborgne, « Compétence », op. cit., spéc. p. 180. Article 51 du code de procédure
civile. Les mêmes obstacles s’opposent également à l’unification prévue pour des demandes initiales
connexes (article 101 du code de procédure civile).

145
Plan.
Section 1. La réalité des obstacles
Section 2. La levée des obstacles

Section 1. La réalité des obstacles

102. Des obstacles différents selon la cause de l’extension. L’étude du régime des
prorogations de compétence révèle l’existence d’obstacles différents selon la cause de
l’extension de compétence. Les modalités de la prorogation diffèrent en effet selon qu’elle
concerne un moyen de défense ou une demande incidente. Pour les demandes incidentes, à
l’obstacle de la compétence exclusive s’ajoute en effet celui de la compétence d’attribution.
Les juridictions d’exception, en raison du caractère limité de leur compétence d’attribution, ne
peuvent ainsi connaître des demandes incidentes qui n’entrent pas dans leurs compétences.
L’unification du contentieux est dès lors compromise en présence de deux juridictions
d’exception ou d’une juridiction d’exception détenant une compétence exclusive mais ne
disposant pas d’une compétence d’attribution assez étendue pour connaître de l’ensemble du
contentieux.

103. Des obstacles d’intensité variable. Seule la confrontation de ces obstacles


théoriques au contentieux du travail permet de révéler leur véritable intensité. Il ressort en
effet d’une telle étude que les compétences exclusives n’ont en droit du travail qu’un
périmètre limité. L’unification du litige s’avère donc assurée à l’égard des moyens de défense.
Il en va différemment pour les prorogations de compétence aux demandes incidentes pour
lesquelles la combinaison de la compétence exclusive et le caractère limité de la compétence
d’attribution constituent de véritables obstacles en droit du travail.

Plan.
Paragraphe 1. Des obstacles limités pour les moyens de défense
Paragraphe 2. De véritables obstacles pour les demandes incidentes

146
§1. Des obstacles limités pour les moyens de défense

104. Relativité de l’adage selon lequel « le juge de l’action est le juge de


l’exception » 726 . En vertu de l’adage selon lequel « le juge de l’action est le juge de
l’exception », toute juridiction saisie d’une demande relevant de sa compétence peut connaître
de l’ensemble des moyens de défense qu’il s’agisse d’une défense au fond727, d’une fin de
non-recevoir728 ou d’une exception de procédure729. Ce principe n’est toutefois pas absolu.
Lorsque le moyen soulève une question relevant de la compétence exclusive d’une autre
juridiction, cette question n’est en effet plus préalable et doit être tranchée par le juge
compétent730. La juridiction saisie doit alors surseoir à statuer jusqu’à que la juridiction
compétente se prononce sur cette question préjudicielle dite spéciale731. Dans ces hypothèses,
l’unicité du procès est sacrifiée par le législateur en raison de l’importance qu’il accorde à
certaines compétences.

105. Mesure de cette relativité. L’identification des compétences exclusives en


droit du travail permet de mesurer l’efficacité des mécanismes d’unification du procès, et plus
spécifiquement de la règle selon laquelle « le juge de l’action est le juge de l’exception ». Il
faut en effet dépasser la présentation fonctionnelle de la compétence exclusive – définie
comme celle « qui impose, que pour une affaire déterminée, une seule juridiction connaisse et
soit seule à pouvoir connaître d’une demande initiale, d’une demande incidente, d’une

726
Sur l’emploi du terme « adage », voir notamment : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n°
279, p. 281 – D. Cholet, « Dérogations légales de compétence », in S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de
la procédure civile : droit interne et européen, 9e éd., Dalloz 2017/2018, coll. Dalloz action, n° 142-31, p.
314, spéc. p. 317. Voir également : H. Roland et L. Boyer, Locutions latines et adages du Droit français
contemporain, t. 2 : Adages, L’hermès 1978, p. 418 (cité par le Professeur Alain Supiot).
727
Article 71 du code de procédure civile. C’est un moyen de défense tendant à « faire rejeter comme non
justifiée, après examen au fond du droit la prétention de l’adversaire ».
728
Article 122 du code de procédure civile. C’est un moyen de défense tendant à faire « déclarer
l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de
qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
729
Article 73 du code de procédure civile. C’est un moyen de défense qui tend « soit à faire déclarer la
procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».
730
Article 49 du code de procédure civile. Sur la distinction entre questions préjudicielle et préalable, voir :
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 237, p. 205.
731
Les questions préjudicielles dites spéciales renvoient aux questions posées au sein de l’ordre judiciaire
civil, par opposition aux questions préjudicielles générales qui supposent que soit saisie une juridiction
d’un autre ordre. Sur cette distinction, voir : Ph. Florès, « Question préjudicielle », Rép. proc. civ., Dalloz
2014, n° 113 – X. Lagarde et G. Couchez, Procédure civile, 17e éd., Sirey 2014, coll. Université, p. 96 – J.
Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1003, p. 796.

147
défense, ou même d’un incident du procès »732, et déterminer pour chaque juridiction, appelée
à intervenir en droit du travail, la nature de sa compétence. Une telle étude permet finalement
de relativiser l’intensité des obstacles existants pour les prorogations de compétence aux
moyens de défense. Le périmètre des compétences exclusives est en effet limité en droit du
travail et l’obstacle des compétences exclusives ne concerne pas les juridictions répressives
qui disposent quant à elles d’une plénitude de compétence.

Plan.
A. La plénitude de compétence du juge pénal
B. Le périmètre limité des compétences exclusives en droit du travail

A. La plénitude de compétence du juge pénal

106. La plénitude de compétence du juge répressif sur les questions civiles733.


En vertu de l’article 384 du code de procédure pénale, « le tribunal saisi de l’action publique
est compétent pour statuer sur toutes les exceptions proposées par le prévenu pour sa défense,
à moins que la loi n’en dispose autrement, ou que le prévenu n’excipe d’un droit réel
immobilier »734. Le juge répressif, dans le cadre de l’action publique, bénéficie ainsi d’une
véritable plénitude de compétence lui permettant de proroger sa compétence à l’ensemble des
questions de droit privé qui constituent alors des questions préalables735. Cette plénitude
semble illimitée dans le domaine du droit du travail dans la mesure où les exceptions
préjudicielles qui obligent le juge pénal à surseoir à statuer ne semblent pas concerner le droit
du travail. Ces dernières sont en effet relatives à la propriété immobilière et aux droits réels
immobiliers, ainsi qu’à certaines questions telles que la filiation, la nationalité ou encore la
dénonciation calomnieuse736.

732
J. Vincent, « Quelques réflexions sur la compétence exclusive des juridictions civiles », op. cit., spéc. p.
922. Le code de procédure civile ne définit pas davantage cette compétence exclusive et se contente de la
viser dans ses articles 49, 51 et 93.
733
Sur la plénitude de compétence du juge pénal pour les questions administratives, voir : infra, n° 173.
734
Sur l’application par la chambre criminelle de la Cour de cassation de concepts et de notions conçus par
d’autres disciplines, voir : É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les
divergences de jurisprudence », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ.
Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 167.
735
Voir L. Erstein, « Question préjudicielle », Rép. dr. pénal et proc. pén., Dalloz 2003, n° 34 et suiv.
736
Article 384 du code de procédure pénale. Sur ces exceptions, voir : L. Erstein, « Question
préjudicielle », Rép. dr. pénal et proc. pén., Dalloz 2003, n° 34 et suiv. et n° 38. – S. Guinchard et
J. Buisson, Procédure pénale, 10e éd., LexisNexis 2014, coll. Manuel, n° 1313.

148
107. Quelques exemples en droit du travail. S’il semble impossible d’établir une
liste exhaustive des prorogations de compétence réalisables par le juge pénal en droit du
travail, quelques cas d’unification du contentieux peuvent néanmoins être présentés737. La
juridiction pénale peut par exemple se prononcer sur le bénéfice de la protection d’un salarié
protégé titulaire d’un mandat extérieur. Cette question, qui relève normalement de la
compétence du conseil de prud’hommes saisi d’une demande d’annulation du licenciement
d’un salarié protégé prononcé sans autorisation de l’inspection du travail – peut en effet se
poser pour la caractérisation d’un délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité
d’établissement738. Tout comme le conseil de prud’hommes, le juge pénal doit ainsi s’assurer
que l’employeur a été informé par le salarié de l’existence de ce mandat extérieur739. La
juridiction pénale est également amenée à se prononcer sur la question des effectifs de
l’entreprise. Rappelons en effet que le délit d’entrave à la mise en place d’une institution
représentative du personnel peut être caractérisé en cas d’omission volontaire d’un salarié
dans le décompte de l’effectif de l’entreprise740. Dans ces deux hypothèses, l’unification du
litige est ainsi assurée par la possibilité donnée à la juridiction pénale d’étendre sa
compétence à l’ensemble des moyens de défense.

B. Le périmètre limité des compétences exclusives en droit du travail

108. L’affirmation d’une « compétence exclusive généralisée » du conseil de


prud’hommes à relativiser741. Si le caractère exclusif de la compétence du conseil de

737
Sur l’interprétation par le juge pénal de concepts extra-pénaux en droit du travail, voir : J.-C. Javillier,
« Ambivalence, effectivité et adéquation du droit pénal du travail, quelques réflexions en guise
d’introduction », op. cit., spéc. p. 390.
738
Cass. crim., 26 juill. 1988, n° 87-82.181 : Bull. crim., n° 308.
739
Sur l’exigence d’information de l’employeur du mandat extérieur, voir : Cons. const., 14 mai 2012, n°
2012-242 QPC, Association Temps de vie : Dr. ouvr. 2012, p. 621, note P.-Y. Gahdoun ; Constitutions
2012, 459, chron. Ch. Radé. Lire également : Th. Durand, « Le salarié investi d’un mandat extérieur à
l’épreuve de la schizophrénie patronale : la chambre sociale de la Cour de cassation confirme le diagnostic
erroné du Conseil constitutionnel », Dr. ouvr. 2013, p. 1. Voir également : Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-
12.982 : Bull. civ., V, à paraître ; SSL 2016, n° 1735, p. 12, note F. Champeaux ; JCP G 2016, act. 859 C.
Hablot ; Actualité juridique de l’Institut du travail de Bordeaux, novembre 2016, note M. Galy – Cass.
soc., 26 mars 2013, n° 11-28.269 : Bull. civ., V, n° 84 : JCP S 2013, 1252, note D. Boulmier – Cass. soc.,
14 sept. 2012, n° 11-28.269 : Bull. civ., V, n° 229.
740
Cass. crim., 10 janv. 1970, Bull. crim., n° 31. Sur le rôle des juridictions pénales pour les élections,
voir : guide élections ; M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections
professionnelles et des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 631, p. 1266.
741
Nous empruntons cette formulation au Professeur Hélène Sinay dans l’article suivant : H. Sinay, « La
compétence exclusive », op. cit., spéc. p. 32. La compétence exclusive est dite généralisée lorsque la
totalité des attributions conférées à une juridiction l’est à titre exclusif.

149
prud’hommes avait suscité des discussions dans les années soixante-dix742, la généralisation
de la juridiction prud’homale sur tout le territoire et la suppression de l’option de
compétences pour les cadres demandeurs avaient permis de clore ce débat et d’affirmer la
compétence exclusive de cette juridiction743. Certains auteurs considéraient d’ailleurs qu’il y
avait une coïncidence parfaite entre la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes et
sa compétence exclusive et arguait d’une compétence exclusive généralisée744.
Les récents contentieux relatifs à la clause de non-concurrence permettent toutefois de
nuancer une telle affirmation. Dans le cadre d’une action en concurrence déloyale opposant
deux employeurs successifs745, le nouvel employeur conteste parfois la violation par le salarié
d’une clause de non-concurrence ou cherche à en obtenir la nullité afin d’échapper à
l’engagement de sa responsabilité délictuelle. La possibilité pour le tribunal de commerce de
statuer sur ce moyen de défense dépend ainsi de l’étendue de la compétence exclusive du
conseil de prud’hommes746. Jusqu’à présent, la chambre commerciale de la Cour de cassation
refusait au tribunal de commerce la possibilité de statuer sur la violation par le salarié de la
clause de non-concurrence, au nom de la compétence exclusive du conseil de

742
Voir notamment : Cass. soc., 21 avr. 1977, n° 75-12.345 : Bull. civ., V, n° 261 ; D. 1978, p. 9, note Y.
Serra ; RTD civ. 1978, n° 7, p. 415, obs. J. Normand – Cass. soc., 15 mai 1974, n° 72-13.582 : Bull. civ., V,
n° 297 ; D. 1974, p. 702, note Y. Serra. Dans ces arrêts, la Cour de cassation revient sur « l’interprétation
historique » du texte déclarant les conseils de prud’hommes « seuls compétents », effectuée par certains
auteurs. L’emploi du terme « seuls compétents » était justifié selon eux par la volonté du législateur
d’exclure les ouvriers et les employés du bénéfice de l’option reconnue aux cadres et non de consacrer une
compétence exclusive. Sur cette interprétation, voir : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 274,
p. 277, citant : H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 157, p.
205.
Précisons qu’il a fallu attendre la deuxième édition du Traité de la juridiction prud’homale pour voir
apparaitre la notion de compétence exclusive du conseil de prud’hommes. Sur ce point, comparer : J.
Villebrun, Traité théorique et pratique de la juridiction prud’homale, LGDJ 1963, p. 153 et J. Villebrun,
Traité de la juridiction prud’homale, 2e éd., LGDJ 1987, n° 525, p. 202. Cette exclusivité est réaffirmée
dans la mise à jour de 1992 : J. Villebrun, Traité de la juridiction prud’homale, t. 2 « Réforme de la
juridiction prud’homale depuis décembre 1987 », LGDJ 1992, n° 525, p. 126, ainsi que dans la troisième
édition : J. Villebrun et G.-P. Quétant, Traité de la juridiction prud’homale, 3e éd., LGDJ 1998, n° 524, p.
271.
743
Pour une présentation de ce régime antérieur, voir : J. Villebrun, Traité théorique et pratique de la
juridiction prud’homale, LGDJ 1963, n° 216, p. 157 et sur la faculté du cadre demandeur de saisir soit le
conseil de prud’hommes, soit le tribunal d’instance, soit le tribunal de commerce, voir plus précisément n°
230, p. 163.
744
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 275, p. 279 : « Toutes les matières qui entrent dans la
compétence d’attribution des conseils de prud’hommes sont l’objet d’une compétence exclusive de ces
juridictions » – J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n°
975, p. 782 : « Dans toutes ces matières, aux termes de l’article L. 1411-4 du code du travail, le conseil de
prud’hommes dispose d’une compétence exclusive » – L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 9e
éd., op. cit., n° 152, p. 139.
745
Article L. 721-3 du code de commerce. L’action peut également être portée devant le tribunal de grande
instance si les employeurs successifs ne sont pas commerçants.
746
La compétence exclusive empêche en effet toute prorogation de compétence aux moyens de défense et
contraint la juridiction saisie à surseoir à statuer. Sur ce point, voir : supra, n° 101 et suiv.

150
747
prud’hommes , alors qu’elle semblait l’admettre pour ce qui en concerne
l’applicabilité748.
Dans un arrêt de 2013, la chambre commerciale de la Cour de cassation a toutefois rompu
avec cette jurisprudence en admettant une prorogation de compétence sans distinguer entre les
moyens de défense749. Elle a en effet reconnu la compétence du tribunal de commerce pour
connaître de la validité d’une clause de non-concurrence et pour se prononcer sur sa violation
par le salarié. Le périmètre de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes ne dépend
dès lors plus du fait de savoir si la question posée concerne l’applicabilité, la nullité ou la
violation de la clause par le salarié750. Elle semble ainsi conditionnée « non seulement par
l’objet de la contestation mais également par les qualités d’employeur et de salarié des
parties »751. Il en résulte qu’une question de droit du travail – non spécifiquement attribuée au
conseil de prud’hommes et dont le conseil connaît uniquement parce qu’elle est soulevée à
l’occasion d’un litige entre un salarié et un employeur – pourrait tout à fait être traitée à titre
incident devant une autre juridiction du travail.
Cette importance accordée à la compétence personnelle du conseil de prud’hommes n’est pas
surprenante si l’on envisage la position inverse qui aurait contraint l’ancien employeur à
réaliser une action en justice à l’encontre de son salarié devant le conseil de prud’hommes en
violation de la clause de non-concurrence752. Nous refusons en effet de considérer, à la

747
Cass. com., 26 oct. 2010, n° 09-71.313 et 09-72.558, inédit : JCP S 2010, 1561, note S. Brissy – Cass.
com., 6 mai 2003, n° 01-15.268 : Bull. civ., IV, n° 67 : D. 2004, 1154, obs. A. Bugada ; Procédures 2003,
n° 258, note H. Croze.
748
Cass. com., 27 mars 2001, n° 99-11.320 : Bull. civ., IV, n° 68 ; D. 2001, p. 1617, obs. E. Chevrier.
749
Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351, Gemo Interim 3 (sté) c/ SDL Intérim (Sté) : Bull. civ., IV, n°
75 ; Dr. soc. 2013, p. 649, obs. J. Mouly ; Dr. soc. 2013, p. 622, ét. M. Poumarède.
750
Sur cette jurisprudence antérieure, voir : I. Beyneix, « Compétence de la juridiction commerciale pour
statuer sur la violation d’une clause de non-concurrence invoquée au soutien d’une action en concurrence
déloyale », JCP S 2013, 1380, p. 44. Voir également : M. Poumarède, « La sanction de l’embauche
déloyale d’un salarié d’une entreprise concurrente : aux confins du droit des affaires et du droit du travail »,
RDT com. 2012, p. 651, spéc. p. 652.
751
O. Staes, « Complicité de la violation d’une clause de non-concurrence et compétence exclusive du
conseil de prud’hommes », Bull. Joly 2013, n° 9, p. 547.
752
G. Auzero, « Action en concurrence déloyale et violation d’une obligation de non-concurrence »,
Lexbase Hebdo éd. S 2013, n° 530. Voir toutefois la position du Professeur Matthieu Poumarède : M.
Poumarède, « Le sort de la clause de non-concurrence liant un salarié à son ancien employeur devant la
chambre commerciale de la Cour de cassation : revirement, confirmation, simplification ? », Dr. soc. 2013,
p. 622, spéc. p. 624. Ce dernier retient une conception strictement matérielle de la compétence exclusive du
conseil de prud’hommes. Il souhaite limiter la compétence exclusive du conseil de prud’hommes à la
question de la violation par le salarié de la clause de non-concurrence. La question de la validité ne
s’élevant pas à l’occasion du contrat de travail mais à l’occasion d’une action en concurrence déloyale, elle
ne relève selon lui ni de sa compétence « personnelle », ni de sa compétence « matérielle ».

151
différence de certains auteurs753, que la chambre commerciale de la Cour de cassation a
consacré dans cet arrêt une exception à la prorogation dans l’hypothèse d’une saisine
concomitante du conseil de prud’hommes. Par une interprétation a contrario des motifs,
certains affirment en effet l’impossibilité pour le tribunal de commerce de proroger sa
compétence lorsque le conseil de prud’hommes est saisi en parallèle754. Cette analyse, qui
consiste à faire dépendre le caractère exclusif de la compétence d’une éventuelle saisine du
conseil de prud’hommes, nous semble erronée. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a en effet
seulement considéré que l’absence de saisine parallèle du conseil de prud’hommes
« n’empêchait pas » la prorogation. D’ailleurs, lorsqu’on observe la jurisprudence antérieure
au revirement de 2013, la saisine parallèle du conseil de prud’hommes ne semble jamais avoir
été érigée en critère de la compétence exclusive. Les arrêts s’avèrent beaucoup trop
contradictoires pour qu’on puisse en tirer de telles conclusions755. La chambre commerciale
de la Cour de cassation avait ainsi retenu la compétence exclusive du conseil de prud’hommes
dans des affaires où une instance était pendante devant lui mais également dans des affaires
pour lesquelles aucune mention n’était faite d’une éventuelle saisine parallèle756. À l’inverse,
cette même chambre avait admis la prorogation non seulement dans des arrêts où elle avait
mentionné l’absence de saisine concomitante du conseil de prud’hommes757, mais également
dans des affaires où le conseil de prud’hommes avait été saisi en parallèle sur le même
point758. Cette absence de lien entre la saisine parallèle du conseil de prud’hommes et la
nature exclusive de la question en cause se confirme d’ailleurs dans d’autres contentieux.
Nous pouvons notamment nous référer à une affaire relative à la candidature d’un ancien

753
M. Poumarède, « Le sort de la clause de non-concurrence liant un salarié à son ancien employeur devant
la chambre commerciale de la Cour de cassation : revirement, confirmation, simplification ? », op. cit.,
spéc. p. 625.
754
Voir notamment : I. Beyneix, « Compétence de la juridiction commerciale pour statuer sur la violation
d’une clause de non-concurrence invoquée au soutien d’une action en concurrence déloyale », op. cit. En ce
sens également : G. Auzero, « Action en concurrence déloyale et violation d’une obligation de non-
concurrence », op. cit. – J. Colona, « Clause de non-concurrence et action en concurrence déloyale :
compétence du tribunal de commerce », Gaz. Pal. 17 août 2013, n° 229, p. 28 – J. Mouly, « Compétence du
tribunal de commerce pour statuer sur un litige entre employeurs relatif à une clause de non-concurrence
stipulée dans un contrat de travail », Dr. soc. 2013, p. 649, spéc. p. 650.
755
Contra, voir notamment : I. Beyneix, « Compétence de la juridiction commerciale pour statuer sur la
violation d’une clause de non-concurrence invoquée au soutien d’une action en concurrence déloyale », op.
cit. Cette dernière évoque « l’absence de tout litige pendant sur la question de la validité » pour pouvoir
admettre la compétence du tribunal de commerce. Partageant la même analyse : J. Mouly, « Compétence
du tribunal de commerce pour statuer sur un litige entre employeurs relatif à une clause de non-concurrence
stipulée dans un contrat de travail », op. cit., spéc. p. 650.
756
Cass. com., 26 oct. 2010, op. cit. (aucune référence à une éventuelle saisine du conseil de prud’hommes)
et Cass. com., 6 mai 2003, op. cit. (instance pendante devant le conseil de prud’hommes).
757
Cass. com., 8 avr. 2008, n° 07-11.821, inédit.
758
Cass. com., 27 mars 2001, n° 99-11.320 : Bull. civ., IV, n° 68 ; D. 2001, p. 1617, obs. E. Chevrier.

152
cadre de la SNCF à l’élection des délégués du personnel dans laquelle le tribunal d’instance
avait sursis à statuer estimant qu’il ne pouvait se prononcer, même par voie d’exception, sur
la question de l’existence d’un contrat de travail. Or, malgré la saisine parallèle du conseil de
prud’hommes par le salarié souhaitant obtenir sa réintégration, la chambre sociale avait admis
la prorogation de compétence au profit du tribunal d’instance sur la question de l’existence
d’un contrat de travail759.
Si l’éventuelle saisine parallèle du conseil de prud’hommes ne doit avoir aucune incidence sur
la nature exclusive de sa compétence, on ne peut toutefois nier le risque de contrariété de
décisions qu’elle suscite760. Un nouvel employeur pourrait en effet être condamné pour
complicité de violation d’une clause de non-concurrence, finalement ultérieurement annulée
par le conseil de prud’hommes. Il faut toutefois préciser que l’existence d’une possibilité de
proroger une compétence n’empêche aucunement de recourir au mécanisme du sursis à
statuer lorsque le juge l’estime opportun. La prorogation de compétence n’est en effet qu’une
faculté pour le juge qui peut, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, surseoir à
statuer761.
À la lumière de ces développements, l’affirmation d’une « compétence exclusive
généralisée » du conseil de prud’hommes paraît ainsi toute relative. Une prorogation de
compétence est en effet envisageable dès lors que la question de droit, matériellement de la
compétence du conseil de prud’hommes, n’est pas posée entre un employeur et un salarié. Or
généralement, si le conseil de prud’hommes n’est pas compétent au principal, c’est par
définition parce que le litige n’oppose par un employeur et un salarié. On mesure très vite
l’extension considérable du périmètre de la prorogation de compétence qu’a permis l’arrêt de
2013 en conditionnant le caractère exclusif de la compétence du conseil de prud’hommes à sa
compétence non seulement matérielle mais également personnelle762. Pour s’en convaincre,

759
Cass. soc., 8 févr. 2012, n° 11-14.802 : Bull. civ., V, n ° 60 ; Procédures 2012, comm. 105 R. Perrot ;
JCP S 2012, 1172, p. 47, note S. Brissy. Voir également : Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 14-13.712 : Dr. soc.
2015, p. 284, obs. F. Petit. Dans cette affaire, la Cour de cassation affirme que les syndicats ont qualité
pour demander au juge d’instance, juge de l’élection, la requalification des CDD en CDI s’agissant des
intérêts que cette qualification peut avoir en matière d’institutions représentatives du personnel et des
syndicats, notamment pour la détermination des effectifs de l’entreprise.
760
C’est d’ailleurs cet argument qui est avancé par certains pour affirmer la compétence exclusive du
conseil de prud’hommes. Sur ce point, voir H. Sinay, « La compétence exclusive », op. cit., spéc. p. 35.
Cette dernière expose également les inconvénients d’une expansion de cette exclusivité.
761
Il n’existe aucune limitation des motifs permettant l’admission d’un sursis à statuer. Les juges du fond
disposent d’un pouvoir discrétionnaire en cette matière : Cass., 2e civ., 24 nov. 1993 : Bull. civ., II, n° 338.
762
Cass. com., 14 mai 2013, op. cit. Pour une critique de cette « contraction du champ de la compétence
exclusive du conseil de prud’hommes », voir : M. Poumarède, « Le sort de la clause de non-concurrence
liant un salarié à son ancien employeur devant la chambre commerciale de la Cour de cassation :
revirement, confirmation, simplification ? », op. cit., spéc. p. 624.

153
on citera une affaire dans laquelle le tribunal de commerce a été déclaré compétent pour
statuer sur la licéité d’une clause de Badleavers au regard de l’interdiction des sanctions
pécuniaires en droit du travail763. Comme nous l’avons vu précédemment764, seul le tribunal
de commerce est en effet compétent pour apprécier la validité des clauses d’exclusion
statutaire ou d’un pacte d’actionnaires prévoyant que les salariés s’engagent à céder la totalité
de leurs actions en cas de perte de la qualité de salarié pour quelque raison que ce soit.
Lorsque le tribunal de commerce apprécie la validité de ces clauses, il peut ainsi statuer sur
les moyens de défense posant une question de droit du travail telle que l’interdiction des
sanctions pécuniaires765. On pourrait également citer la possibilité pour le tribunal des affaires
de la sécurité sociale de se prononcer sur l’existence d’un contrat de travail dans le cadre d’un
contentieux en matière d’affiliation aux régimes de sécurité sociale opposant l’Urssaf et
l’employeur refusant de s’acquitter des cotisations sociales ou opposant la caisse primaire
d’assurance maladie et un travailleur se disant victime d’un accident du travail766. Rappelons
en effet que seuls les salariés ou travailleurs dépendants sont couverts, sauf assurances
volontaires, par la branche professionnelle767.

109. Le périmètre limité de la compétence exclusive du tribunal de grande


instance. Le tribunal de grande instance dispose en droit du travail d’une compétence
exclusive seulement en matière d’inventions768. À l’exception de cette compétence spécifique,

763
Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1087, note F. Duquesne ;
JCP G 2016, 957, note J. Chacornac. Rappelons que des clauses d’exclusion statutaire ou un pacte
d’actionnaires peuvent prévoir que les salariés s’engagent à céder la totalité de leurs actions en cas de perte
de la qualité de salarié pour quelque raison que ce soit, et modulent le prix de la cession selon la cause de la
cessation du contrat de travail.
764
Voir : supra, n° 31.
765
Cass. com., 7 juin 2016, op. cit.
766
Sur la compétence du TASS en ce domaine, voir : P. Morvan, Droit de la protection sociale, 7e éd.,
LexisNexis 2015, coll. Manuel, spéc. n° 783 et suiv., p. 661. Voir récemment : Cass. civ. 2e, 7 juill. 2016,
n° 15-16.110 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p. 859, obs. J. Mouly. Précisons toutefois que la
formulation même des articles L. 311-2 et L. 411-1 du code de la sécurité sociale laisse à penser que la
notion de travailleur dépendant peut déborder celle de travailleur salarié. Sur le recentrage de la
jurisprudence autour du travail salarié, voir toutefois : J.-P. Laborde, Droit de la sécurité sociale, PUF
2005, coll. Thémis Droit public, n° 537, p. 254 et n° 693, p. 331.
767
Articles 411-1 et 743-1 du code de la sécurité sociale. Sur ce point, voir notamment : J.-P. Laborde,
Droit de la sécurité sociale, PUF 2005, coll. Thémis Droit public, n° 693, p. 331.
768
Articles L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D. 211-6 du code de l’organisation judiciaire.
Pour les autres compétences exclusives, nous renvoyons aux travaux de la doctrine qui opère une
catégorisation des compétences exclusives du tribunal de grande instance. L’article L. 211-4 du code de
l’organisation judiciaire dispose que le « tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les
matières déterminées par les lois et règlements ». L’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire
énumère quant à lui la liste de ces compétences de manière non exhaustive. Pour une classification, voir
notamment : N. Fricero, « Tribunaux de grande instance (Organisation et compétence) », Rép. proc. civ.,
Dalloz 2009, n° 173. Cette dernière identifie les compétences exclusives du tribunal de grande instance en

154
les autres juridictions peuvent dès lors statuer sur l’ensemble des moyens de défense qui
soulèvent des questions relevant de la compétence du tribunal de grande
instance.
Il en est, par exemple, ainsi de la question de la fin du mandat d’un délégué syndical. Si cette
contestation relève à titre principal du tribunal de grande instance769, elle peut toutefois être
soulevée devant le tribunal d’instance comme moyen de défense. Dans le cadre d’un
contentieux sur la régularité du remplacement d’un délégué syndical, le tribunal d’instance est
en effet amené à se prononcer sur l’incidence d’une désaffiliation d’un délégué syndical sur la
fin de son mandat 770 . On pourrait également citer le contentieux de la reconnaissance
judiciaire ou conventionnelle d’une unité économique et sociale (UES) qui relève
actuellement de la compétence du tribunal de grande instance mais qui pourrait se poser à titre
incident devant le tribunal d’instance 771 . La reconnaissance d’une UES peut en effet
constituer un moyen de défense dans le cadre d’un litige sur la contestation de la désignation
d’un délégué syndical lorsque la tenue des élections dans chacune des sociétés non encore
constitutives de l’UES a permis, par l’addition des suffrages, de déterminer la représentativité
des syndicats. Par ailleurs, lorsque la reconnaissance de l’unité économique et sociale a été
réalisée dans le protocole d’accord préélectoral, le tribunal d’instance peut également
connaître à titre incident de cette reconnaissance dans le cadre d’un contentieux relatif aux
élections 772 . L’absence de compétence exclusive du tribunal de grande instance sur
l’application et l’interprétation d’une convention collective explique également la possibilité
du conseil de prud’hommes de proroger sa compétence lorsque l’appréciation ou
l’interprétation d’une convention collective constitue un moyen de défense au soutien d’une
demande individuelle de rappel de salaires ou tendant au bénéfice d’un avantage773. L’étude

matière familiale (n°174 et suiv.), en droit des biens (n°. 184 et suiv.) et pour certaines actions en
responsabilité (n° 194 et suiv.).
769
Sur cette compétence, voir : supra, n° 55. Le tribunal de grande instance est par exemple compétent
pour connaître de la caducité du mandat d’un représentant syndical du fait de la survenance des élections.
Sur ce point, voir : M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles
et des désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611-43, p. 1172.
770
Cass. soc., 16 oct. 2013, n° 12-60.281 : Bull. civ., V, n° 241.
771
Sur la compétence du tribunal de grande instance, voir : supra, n° 57.
772
Cass. soc., 16 janv. 2008, n° 07-60.163 : Bull. civ., V, n° 9. La Cour de cassation a pu admettre en 2008
que le tribunal d’instance, compétent pour statuer sur la régularité des désignations contestées, l’était
également pour apprécier la validité de l’accord préélectoral sur la base duquel les désignations des
délégués syndicaux avaient été effectuées. Eu égard aux conditions de validité respectives de ces deux
accords, une telle hypothèse semble toutefois assez peu probable en pratique.
773
Cass. soc., 20 oct. 1988, n° 85-45.164 : Bull. civ., V, n° 548. Sur ce point, voir notamment : M. Despax,
Négociations, conventions et accords collectifs, t. 7, 2e éd., Dalloz 1989, coll. Traité de droit du travail sous
la direction de G.-H. Camerlynck, n° 198, p. 347 – C. Pactet, « Le contentieux des conventions
collectives », op. cit. – C. Giverdon, « Les juridictions compétentes à l’effet de connaître des litiges se

155
de ces quelques prorogations de compétence convainc de l’intérêt de ne pas spécifiquement
attribuer au tribunal de grande instance l’ensemble des questions relevant de sa compétence
en droit du travail774. Une telle attribution aurait en effet pour conséquences de rendre
exclusive sa compétence et d’empêcher les prorogations de compétence précédemment
exposées. Lorsqu’une attribution de compétence s’avère toutefois nécessaire – en raison
notamment des incertitudes que suscite son absence – il convient de privilégier la juridiction
qui connaît du contentieux à titre incident pour éviter l’éclatement de certains litiges. Une
attribution au profit du tribunal d’instance doit ainsi être préférée à une attribution au profit du
tribunal de grande instance pour le contentieux de la reconnaissance d’une unité économique
et sociale775.
Aucune prorogation de compétence n’est en revanche envisageable à l’égard des questions
relatives à une invention 776 . Afin de mesurer la véritable incidence d’une compétence
exclusive, il faut néanmoins se demander si des questions relatives à cette compétence
pourraient constituer des moyens de défense devant d’autres juridictions. Concernant les
inventions, on peut tout à fait envisager le licenciement disciplinaire d’un salarié pour avoir
déposé, sans en informer l’employeur, un brevet d’invention en rapport direct avec l’activité
qu’il exerçait au sein d’une société dans le but de l’exploiter777. En cas de contestation du
licenciement devant le conseil de prud’hommes, l’employeur pourrait invoquer le fait que
l’invention lui appartenait778. Il n’est toutefois pas certain que le conseil de prud’hommes ait
véritablement à se prononcer sur le caractère attribuable de l’invention pour statuer sur le
bien-fondé du licenciement. La jurisprudence estime en effet « qu’une simple erreur ne

rapportant aux conventions collectives de travail », op. cit. – P. Hébraud, « De la répartition des
compétences sur les litiges se rapportant à une convention collective », op. cit.
774
L’article L. 211-4 du code de l’organisation judiciaire énonce que le « tribunal de grande instance a
compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements ».
775
Voir : supra, n° 57.
776
F. Ahner et J.-J. Touati, Inventions et créations des salariés. Du Code du travail au Code de la propriété
intellectuelle, 3e éd., Wolters Kluwer 2015, coll. Lamy Axe Droit, 300 p.
777
Cass. soc., 15 janv. 2015, n° 13-14.811, inédit. Dans cette affaire, un premier litige avait été porté
devant le tribunal de grande instance par l’employeur afin de se voir attribuer l’invention d’un salarié,
réalisée en dehors du cadre d’une mission inventive. Le conseil de prud’hommes avait été saisi dans un
second temps de la contestation du licenciement. Pour priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, le
conseil de prud’hommes avait tenu compte de l’aveu judiciaire de l’employeur lors du procès devant le
tribunal de grande instance pour considérer que l’invention litigieuse n’avait pas été réalisée dans le cadre
d’une mission inventive. On pourrait également envisager le cas d’une prise d’acte ou d’une demande de
résiliation judiciaire pour non-paiement du juste prix ou du salaire supplémentaire en cas de dépôt d’une
invention réalisée dans le cadre d’une mission ou d’une invention attribuable.
778
En ce sens voir : CA Nancy, ch. soc., 25 janv. 2013, n° 12/00145. Cité par : A. Le Corroncq et M.
Cohuet, « Ce qu’il faut retenir de la jurisprudence 2016 en matière de créations de salariés », op. cit., spéc.
n° 25. Dans cet arrêt, la cour avait jugé que lorsque le salarié manque à son obligation de déclaration, cette
omission ne saurait être qualifiée de manque de loyauté ni caractériser une intention de nuire justifiant un
licenciement pour faute, dès lors que l’invention doit être reconnue comme lui appartenant.

156
constitue pas une faute qui puisse être assimilée à de la mauvaise foi ou de la déloyauté, la
procédure de déclaration des inventions régie par le code de la propriété intellectuelle
permettant à l’employeur de la contester en cas de désaccord à la suite notamment de l’avis
donné par l’INPI de la déclaration faite par le salarié. L’employeur conserve même la priorité
puisqu’en cas de désaccord sur le classement de la prime, c’est le choix de l’employeur qui
prime sauf au salarié à faire judiciairement trancher le différend » 779 . Le risque d’un
éclatement du litige semble donc réduit dans la mesure où le dépôt par un salarié d’une
invention ne saurait constituer un motif légitime de licenciement.

110. Les incidences limitées de la compétence exclusive du tribunal d’instance.


Si le tribunal d’instance dispose d’une compétence exclusive pour le contentieux des élections
et des désignations professionnelles780, elle semble en revanche ne donner lieu à aucun
éclatement des litiges. Les questions entrant dans le champ de cette compétence exclusive ne
se posent en effet à titre incident devant aucune autre juridiction. On pourrait cependant
envisager le cas particulier du licenciement d’un délégué syndical sans autorisation de
l’inspection du travail. En cas de contestation de ce licenciement devant le conseil de
prud’hommes par le salarié, l’employeur pourrait en effet invoquer la nullité de la désignation
781
pour justifier l’absence de demande d’une autorisation de licenciement . Mais
l’impossibilité pour l’employeur de voir ce moyen de défense traité par le conseil de
prud’hommes ne s’explique pas ici par la compétence exclusive du tribunal d’instance mais
par l’encadrement du délai de contestation de la désignation d’un délégué syndical. Cette
contestation est en effet enfermée dans un délai de quinze jours suivant la désignation782. En
l’absence de contestation par l’employeur, la désignation demeure ainsi valable pendant toute
la durée du cycle électoral et ne peut plus être contestée devant le tribunal d’instance, et donc
a fortiori devant le conseil de prud’hommes. La Cour de cassation estime d’ailleurs que
l’annulation d’une désignation « quel qu’en soit le motif, n’a pas d’effet rétroactif sur le statut

779
Sur ce point, voir : CA Nancy, ch. soc., 2 oct. 2015, n° 14/01428. Cité par : A. Le Corroncq et M.
Cohuet, « Ce qu’il faut retenir de la jurisprudence 2016 en matière de créations de salariés », op. cit., spéc.
n° 25.
780
X. Lagarde et G. Couchez, Procédure civile, 17e éd., Sirey 2014, coll. Université, p. 79 – M.-L. Morin,
L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des désignations de
représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., p. 1165.
781
M.-L. Morin, L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, Le guide des élections professionnelles et des
désignations de représentants syndicaux dans l’entreprise, op. cit., n° 611.44, p. 1173.
782
Article L. 2143-8 du code du travail.

157
protecteur »783. Jusqu’au jour du jugement prononçant l’annulation de la désignation, le
salarié reste donc un salarié protégé. Il appartient dès lors à l’employeur de contester la
désignation devant le tribunal d’instance avant de procéder au licenciement. Il lui est
d’ailleurs conseillé d’attendre que celle-ci soit devenue irrévocable784.

111. Les incidences limitées de la compétence exclusive du tribunal de


commerce. Le tribunal de commerce dispose d’une compétence exclusive concernant les
procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires785. En pratique, cette
compétence exclusive s’avère limitée en droit du travail dans la mesure où la chambre sociale
de la Cour de cassation autorise le conseil de prud’hommes à connaître à titre incident de la
régularité de l’ordonnance du juge commissaire lorsqu’il est saisi d’une contestation du bien-
fondé d’un licenciement. Malgré la compétence du tribunal de commerce pour apprécier la
régularité de l’ordonnance de juge commissaire786, la Cour de cassation accepte en effet que
des salariés ordinaires, mais également des salariés protégés 787 , se prévalent de cette
irrégularité devant le conseil de prud’hommes pour remettre en cause le bien-fondé de leur
licenciement 788 . Là encore, l’existence d’une compétence exclusive du conseil de
prud’hommes n’a donc pas pour effet d’entraîner l’éclatement du traitement d’un litige.

§2. De véritables obstacles pour les demandes incidentes

112. Recherche des obstacles en droit du travail. Malgré l’existence d’un lien
suffisant entre la demande incidente et les prétentions initiales, une juridiction ne dispose pas

783
Cass. soc., 16 déc. 2014, n° 13-15.081 : Bull. civ., V, n° 290. Pour s’opposer à la réintégration d’un
délégué syndical, l’employeur faisait valoir qu’il avait contesté la désignation du délégué syndical devant le
tribunal d’instance au motif que le salarié ne remplissait pas la condition d’ancienneté d’au moins un an
pour pouvoir être valablement désigné. L’employeur en concluait que le salarié n’était pas, à l’époque du
licenciement, un salarié protégé. La cour d’appel avait au contraire considéré que l’annulation de la
désignation n’avait pas encore eu lieu à la date du licenciement (en novembre 2008), si bien que le salarié
bénéficiait à cette date de la protection et que la violation du statut protecteur était avérée. La désignation
n’avait en effet été annulée par le tribunal d’instance que le 6 janvier 2009.
784
Sur l’irrévocabilité de la chose jugée, voir : C. Bouty, L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé,
PUAM 2008, 528 p.
785
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 148, p. 136.
786
Article R. 621-21, alinéa 4 du code de commerce : « Ces ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours
devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre
récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe ».
787
Cass. soc., 23 mars 2016, n° 14-22.950 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1179, note L. Fin-
Langer ; JSL 2016, n° 409, p. 11, obs. H. Tissandier ; RDT 2016, p. 263, note A. Fabre ; Lexbase Hebdo éd.
S 2016, n° 651, obs. M. Galy.
788
Cass. soc., 5 oct. 2004, n° 02-42.111 : Bull. civ., V, n° 244 – Cass. soc., 12 juin 2007, n° 05-45.669,
inédit : RDT 2007, p. 522, note Ph. Waquet.

158
toujours du pouvoir de juger de telles demandes789. Une juridiction compétente au principal
ne peut en effet connaître des demandes incidentes qui soulèvent des questions relevant de la
compétence exclusive d’une autre juridiction ou n’entrant pas dans le champ de sa
compétence d’attribution790. Dès lors, seule la juridiction disposant d’une compétence de droit
commun – le tribunal de grande instance – a vocation à connaître de l’ensemble des demandes
incidentes ne relevant pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction. Les juridictions
d’exception ne connaissent quant à elles que des demandes incidentes entrant dans le champ
de leur compétence d’attribution791. À défaut, elles devront trancher la demande introductive
d’instance et renvoyer la demande incidente devant la juridiction compétente pour en
connaître792. L’unification s’avère ainsi impossible dans trois situations : lorsque les deux
juridictions disposent d’une compétence exclusive, lorsque la juridiction disposant d’une
compétence exclusive n’est pas une juridiction de droit commun et enfin lorsque les deux
juridictions sont des juridictions d’exception. La confrontation de ces situations théoriques au
contentieux du travail s’avère nécessaire pour mesurer la véritable intensité de ces deux
obstacles en droit du travail.

113. L’impossible unification en présence de deux compétences exclusives.


Lorsque deux juridictions disposent d’une compétence exclusive, l’éclatement du litige est
inévitable. En droit du travail, le contentieux des inventions des salariés fournit un exemple de
cette impossibilité de proroger les compétences de l’une des juridictions dans une telle
hypothèse793. Un salarié, dans le cadre d’une action en contestation du bien-fondé de son
licenciement devant le conseil de prud’hommes, pourrait en effet être tenté de réaliser une
demande incidente sur le paiement d’une rémunération supplémentaire ou du juste prix d’une
invention attribuée à l’employeur. Si une telle demande, intervenue à l’occasion du contrat de
travail, entre dans le champ de compétence du conseil de prud’hommes, la compétence
exclusive du tribunal de grande instance sur ce point s’oppose toutefois à ce que le conseil de

789
Sur la distinction entre compétence et pouvoir de juger, voir : L. Cadiet, « Connexité », Rép. proc. civ.,
Dalloz 2010, n°13.
790
Voir notamment : F. Leborgne, « Compétence », op. cit., spéc. p. 180. Article 51 du code de procédure
civile. Sur les compétences exclusives en droit du travail, voir : supra, n° 108.
791
Seule la compétence d’attribution matérielle est ici visée. Les juridictions d’exception peuvent tout à fait
connaître des demandes incidentes excédant leur compétence territoriale. En ce sens, voir : X. Lagarde et
G. Couchez, Procédure civile, 17e éd., Sirey 2014, coll. Université, p. 98. En ce sens également : D. Cholet,
« Dérogations légales de compétence », op. cit., spéc. n° 142-93, p. 323.
792
Le tribunal d’instance a toutefois la capacité de se dessaisir de l’entier litige et peut renvoyer le tout au
tribunal de grande instance en application de l’article 38 du code de procédure civile.
793
Sur l’impossibilité de proroger la compétence du conseil de prud’hommes également pour les moyens
de défense, voir : supra, n° 109.

159
prud’hommes en connaisse. Une unification du traitement du litige ne serait pas davantage
envisageable au profit du tribunal de grande instance en raison de la compétence exclusive du
conseil de prud’hommes pour les litiges opposant un employeur et un salarié. Le salarié ne
peut ainsi contester son licenciement à titre incident devant le tribunal de grande instance794.

114. L’impossible unification lorsque la juridiction bénéficiant de la


compétence exclusive n’est pas une juridiction de droit commun. Lorsqu’une demande
incidente est portée devant une juridiction d’exception, disposant d’une compétence exclusive
pour la demande initiale, l’unification du litige est là encore compromise.
On pourrait à ce titre évoquer le contentieux de la mise en cause de la responsabilité
extracontractuelle d’un tiers au contrat de travail après la fermeture d’une entreprise795. On
assiste en effet depuis quelques années à la diversification des stratégies judiciaires ayant pour
but de trouver un débiteur solvable – capable d’indemniser les salariés – lorsqu’il apparaît que
leur situation est imputable à la faute d’un tiers796. Certains salariés sollicitent ainsi le droit de
la responsabilité civile pour engager la responsabilité d’une société-mère797, d’un actionnaire

794
Pour une proposition de prorogation de compétence du conseil de prud’hommes en ce domaine, voir :
infra, n° 120.
795
A. Fabre, « Les vices et vertus de la responsabilité pour faute dans les groupes de sociétés – note sous
CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, n° 16/02344 », CSBP 2016, n° 289, p. 473 : La responsabilité
délictuelle semble « devenir une nouvelle piste contentieuse pour tous les salariés ayant perdu leur emploi
par la faute d’un ‘‘autre’’ ».
Toutefois, sur les chances de succès assez limitées de telles actions, voir : G. Auzero, « L’intérêt personnel
des salariés », Bull. Joly Entr. Diff. 2016, p. 220, spéc. p. 222. Lorsque le tiers s’avère être la société mère,
le tiers est en effet un actionnaire, un associé dont on exige pour engager sa responsabilité la démonstration
« d’une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des
prérogatives attachées à la qualité d’actionnaire ». Dans le même sens, voir : A. Fabre, « La responsabilité
délictuelle pour faute au secours des salariés victimes d’une société tierce », RDT 2014, p. 672 et Y.
Pagnerre, « La faute de la société mère : des divergences à surmonter », JCP S 2014, 436.
796
Sur ces stratégies, voir notamment : G. Auzero, « Le droit du licenciement pour motif économique
confronté au principe de l’autonomie des personnes morales », in Le droit des affaires à la confluence de la
théorie et de la pratique : Mélanges en l’honneur du Professeur Paul Le Cannu, Dalloz 2014, p. 655 – A.
Fabre, « La responsabilité délictuelle pour faute au secours des salariés victimes d’une société tierce », op.
cit. – E. Peskine, « La responsabilisation des sociétés mères », Dr. ouvr. 2013, p. 157 – E.
Peskine « L’imputation en droit du travail. A propos de la responsabilité des sociétés mères en matière de
licenciement pour motif économique », RDT 2012, p. 347.
Lorsque les créances des salariés ont été garanties par l’AGS, il ne s’agit pas de trouver un débiteur
solvable mais de faire « payer » le véritable responsable. En ce sens, voir : G. Auzero, « L’intérêt personnel
des salariés », op. cit. – A. Fabre, « Les vices et vertus de la responsabilité pour faute dans les groupes de
sociétés – note sous CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, n° 16/02344 », op. cit. L’AGS recourt parfois au
mécanisme de la responsabilité délictuelle dans le cadre d’un appel en garantie des sociétés d’un groupe.
Sur ce point voir notamment l’affaire Klarius : CA Versailles, 31 oct. 2011, RG n° 10/00578 : RDT 2012,
p. 49, ét. É. Serverin et T. Grumbach.
797
Voir notamment : Cass. soc., 14 nov. 2007, n° 05-21.239, Bull : Bull. civ., V, n° 188 ; RDT 2008, p.
103, note Y. Chagny ; JCP S 2008, 1081, note F. Dumont.

160
principal tel qu’un fonds de pension798, ou encore d’un établissement de crédit ayant octroyé
des prêts ruineux 799 . La question de la recevabilité de telles actions se pose lorsque
l’employeur fait l’objet d’une procédure collective. Les organes de la procédure – le
mandataire judicaire, le commissaire à l’exécution au plan ou le liquidateur suivant l’avancée
de la procédure – disposent en effet d’un monopole d’action en justice pendant la procédure
collective800. La Cour de cassation admet toutefois la recevabilité de l’action d’un créancier
contre un tiers, également débiteur de la société en procédure collective, lorsque celui-ci
démontre l’existence d’un préjudice personnel et distinct des autres créanciers, autrement dit
d’un préjudice « insusceptible de se rattacher à la défense des intérêts collectifs des
créanciers »801. Or, les chambres commerciale et sociale de la Cour de cassation considèrent
que les actions des salariés – ne tendant pas à la défense de l’intérêt collectif – sont recevables
à l’égard d’un tiers débiteur de l’employeur en procédure collective802. Une fois admis le
principe de leur recevabilité, encore faut-il déterminer la juridiction compétente pour
connaître de telles demandes. Certains salariés ont cru pouvoir demander l’intervention forcée
d’un tiers devant le conseil de prud’hommes afin d’engager sa responsabilité délictuelle803.

798
CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, n° 16/02344, Lee Cooper : CSBP 2016, n° 289, p. 473, obs. A.
Fabre ; Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 667, note G. Auzero ; Dr. ouvr. 2016, p. 778, note M. Bonnechère.
En l’espèce, un fonds d’investissement – Sun Capital Partners – a été condamné à indemniser les salariés
de la société Lee Cooper France pour avoir conduit l’entreprise à la ruine et provoqué les licenciements.
799
Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24.714, Bank of Scotland : Bull. civ., IV, à paraître ; JCP E 2015, 888,
note F. Dumont ; JCP S 2015, 1278, note G. Loiseau ; Dalloz act. 4 juin 2015, obs. A. Lienhard. En
l’espèce, les salariés étaient intervenus volontairement, devant le tribunal de commerce, dans une instance
dans laquelle le commissaire à l’exécution du plan mettait en cause la responsabilité d’une banque pour
octroi de crédits ruineux lors de la mise en place d’un montage financier destiné à restructurer le groupe.
800
Article L. 622-20 du code de commerce. Seuls les organes de la procédure peuvent d’ailleurs exercer les
actions spécifiques au droit des procédures collectives. On vise ici l’extension de la procédure collective en
cas de fictivité ou de confusion de patrimoine et l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif menée
contre les dirigeants (de droit ou de fait) ayant commis une faute de gestion dans le cadre d’une liquidation
(article L. 651-1 du code de commerce). La voie de l’extension de la procédure avait été empruntée dans
l’affaire Metaleurop par le liquidateur soutenu par les salariés. Sur cette affaire, consulter l’ouvrage de
Françoise Champeaux et Sandrine Soulon : F. Champeaux et S. Foulon, Dernier recours. Le monde du
travail devant les tribunaux, Seuil 2012, p. 42 et suiv. Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif, voir
notamment : C. Lisanti, « La responsabilité patrimoniale des dirigeants de sociétés objet d’une procédure
collective », in Mélanges en l’honneur du Professeur Jean Prieur, LexisNexis 2014, p. 183.
801
La doctrine considère que le monopole des organes de la procédure cesse lorsqu’il s’agit d’exercer une
action dans l’intérêt d’un groupe particulier de créanciers. En ce sens, voir notamment : A.
Lienhard, « Procédure collective : action des salariés licenciés en réparation de leur préjudice », Dalloz act.
4 juin 2015 – P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 9e éd., Dalloz 2016, coll. Dalloz
Action 2017/2018, n° 611.36 – F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ 2014, coll. Manuels,
n° 526.
802
Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, op. cit. – Cass. soc., 14 nov. 2007, Bull., op. cit. Sur cet arrêt,
voir également le rapport du conseiller à la Cour de cassation : M.-L. Morin, « Cession d’une société filiale,
responsabilité du cédant et nature du préjudice causé aux salariés », Dr. ouvr. 2008, p. 106. Sur ces deux
arrêts, voir également : G. Auzero, « L’intérêt personnel des salariés », op. cit.
803
Voir notamment : CPH Mulhouse, 28 juin 2010, n° RG 09/00998 : RDT 2010, p. 529, ét. É. Serverin et
T. Grumbach (affaire Superba) – CA Chambéry, 5 janv. 2010, n° RG 09/01050 et Cass. soc., 28 sept. 2010,

161
Une telle demande nous semble toutefois irrecevable puisqu’elle n’entre pas dans le champ de
la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes804. Elle se distingue de l’action en
reconnaissance d’un coemploi qui tend à trouver un nouvel employeur et à lui imposer « les
obligations que la loi impose à tout employeur » et qui relève ainsi de la compétence du
conseil de prud’hommes805. Une unification du traitement du litige ne pourrait davantage être
réalisée au profit du tribunal de grande instance dans la mesure où cette demande incidente
s’inscrit généralement dans le cadre d’un contentieux sur la contestation du bien-fondé du
licenciement, contentieux qui relève de la compétence exclusive du conseil de
prud’hommes806.
On pourrait également citer le cas des litiges dit « mixtes » qui ne peuvent être réglés devant
une seule juridiction en raison de leur caractère tant individuel que collectif807. Comme nous
l’avons vu, le conseil de prud’hommes est en effet incompétent pour connaître des litiges
collectifs et le tribunal de grande instance ne peut quant à lui étendre sa compétence aux
demandes individuelles, en raison de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes sur
ce point. Un « mouvement jurisprudentiel » visant à étendre les effets des actions syndicales
est toutefois observable808. Certains syndicats ont en effet fait valoir devant les juges du fond,
puis devant la Cour de cassation, qu’au-delà de la réparation du préjudice collectif la
régularisation de la situation de l’ensemble des salariés devait être obtenue. Alors que certains
soulignent le risque d’une atteinte au droit des salariés de ne pas agir en justice809, la Cour de
cassation tend progressivement à « donner une portée individuelle et plurale à la décision du

n° 09-41.243, inédit : RDT 2010, p. 529, ét. É. Serverin et T. Grumbach (affaire Eurodec). Ces demandes
n’ont en réalité pu aboutir qu’en raison de l’absence d’invocation de l’exception d’incompétence par la
société mise en cause ou en raison du « sauvetage » de cette incompétence par l’évocation du litige par la
cour d’appel.
804
Rappelons que la prorogation à une demande incidente suppose que celle-ci n’entre pas dans la
compétence exclusive d’une autre juridiction mais qu’elle soit comprise dans la compétence d’attribution
de la juridiction d’exception. Également en ce sens : A. Fabre, « Les vices et vertus de la responsabilité
pour faute dans les groupes de sociétés – note sous CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, n° 16/02344 », op.
cit., spéc. p. 473 : « Exit le conseil de prud’hommes, faute de contrat de travail ».
805
Dans le coemploi, le tiers a vocation à devenir partie au contrat de travail : G. Auzero, « L’intérêt
personnel des salariés », op. cit., spéc. p. 221 – Y. Pagnerre, « Coemployeur : tiers ou partie au contrat de
travail ? », JCP S 2015, 1436. Sur la notion de coemploi, voir également : G. Loiseau, « Le coemploi mort
ou vif », JCP S 2016, 1317 – G. Auzero, « Coemploi : en finir avec les approximations ! », RDT 2016, p.
27.
806
Pour une proposition de prorogation de compétence du conseil de prud’hommes en ce domaine, voir :
infra, n° 118.
807
M. Keller, « La compétence du TGI dans les litiges du travail », RGDP 1999, p. 444, spéc. p. 460.
808
Sur ce mouvement, voir : M. Keller Lyon-Caen, « Note sous soc., 25 sept. 2013 », Dr. ouvr. 2014, p. 41,
spéc. p. 44.
809
Voir le commentaire réalisé par Monsieur Raphaël Dalmasso et Madame Évelyne Serverin sous TGI
Nanterre, 2e ch., 12 sept. 2013, RG n° 11/12781 : RDT 2013, p. 642, chr. R. Dalmasso et É. Serverin.

162
TGI »810. En effet, à partir du moment où l’action du syndicat ne tend pas au paiement de
sommes déterminées à des personnes déterminées, mais a pour objet l’application d’un accord
collectif, l’employeur peut être condamné à procéder à la régularisation de la situation
individuelle des salariés 811 . La jurisprudence s’oppose seulement à ce qu’un syndicat
demande la réparation du préjudice « personnellement subi » par un salarié au nom de
l’intérêt collectif de la profession812. Le tribunal de grande instance peut ainsi exiger qu’il soit
procédé aux augmentations prévues par l’accord collectif813, que soit déterminée l’étendue des
droits acquis par les salariés à la suite d’une dénonciation d’un accord collectif814, que soient
proposés des avenants aux salariés en application d’une garantie conventionnelle d’emploi815,
ou que soient intégrés dans l’assiette de calcul d’une allocation de départ à la retraite
l’intéressement, la participation au chiffre d’affaires ou aux résultats et l’abondement pour
tous les anciens salariés816. De même, sous couvert du respect du principe d’égalité de
traitement, un syndicat peut obtenir l’attribution d’une prime de « temps repas » à l’ensemble
des salariés817.
Lorsque le litige ne porte pas sur l’annulation ou l’application d’une convention collective, la
jurisprudence semble plus réticente à étendre les effets collectifs de l’action syndicale818.
Seules certaines décisions de première instance laissent en effet entrevoir une prochaine
évolution. On peut, à ce titre, citer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre qui
a admis la recevabilité d’une action en demande de destruction d’évaluations

810
M. Keller Lyon-Caen, « Note sous soc., 25 sept. 2013 », Dr. ouvr. 2014, p. 41, spéc. p. 44.
811
C’est d’ailleurs ce que proposait Madame Odile Levannier-Gouel dans sa thèse : O. Levannier-Gouel
Contentieux objectif et subjectif en droit du travail, Thèse Paris I (dactyl.) 2006, spéc. n° 124. Cette thèse
porte plus largement sur l’impuissance du système judiciaire à mettre fin à un litige collectif par un
jugement unique. Madame Odile Levannier-Gouel y préconise une conception objective du contentieux en
droit du travail afin que le jugement qui tranche un litige collectif puisse profiter au salarié. Les jugements
verront ainsi leurs effets étendus aux salariés afin de mettre un terme à un litige intéressant une collectivité
de salariés.
812
Cass. soc., 18 nov. 2009, n° 08-44.175 : Bull. civ., V, n° 261 ; JCP S 2009, 1584, note J.-Y. Kerbourc’h
– Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 05-16.492 : Bull. civ., V, n° 22 ; JCP S 2008, 1277, note J.-Y. Kerbouc’h.
813
Cass. soc., 20 sept. 2006, n° 04-10.765, AJD : Bull. civ., V, n° 278 ; Dr. ouvr. 2007, p. 96, note P.
Batten – Cass. soc., 22 févr. 2006, n° 04-14.771, inédit. Pour une application de cette jurisprudence devant
les juges du fond, voir : TGI Lille, 1re ch., 24 nov. 2011 : Dr. ouvr. 2012, p. 471, ét. M. Keller Lyon-Caen.
814
Cass. soc., 2 déc. 2008, n° 07-44.132 : Bull. civ., V, n° 243 ; Dr. soc. 2009, p. 240, obs. Ch. Radé ; JCP
S 2009, 1098, note L. Dauxerre.
815
Cass. soc., 25 sept. 2013, nos 12-13.697, 12-14.980 et 12-16. 979 : Bull. civ., V, n° 218 ; Dr. ouvr. 2014,
p. 41, note M. Keller Lyon-Caen.
816
Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-15.817, inédit.
817
Cass. soc., 12 févr. 2013, n° 11-27.689 : Bull. civ., V, n° 271 ; JCP S 2013, 1398, note J.-B. Cottin et A.
Martinon.
818
En ce sens : M. Keller Lyon-Caen, « Le déplacement vers le Tribunal de grande instance de l’action
syndicale au bénéfice des salariés », Dr. ouvr. 2012, p. 471, spéc. p. 492. Cette dernière souhaite
l’extension des dispositifs procéduraux de l’arrêt Sofaco à « l’entier domaine de l’action syndicale dans
l’intérêt collectif ».

163
professionnelles819, mais également le jugement du tribunal de grande instance de Lons-Le-
Saunier qui a reconnu une situation de coemploi au profit de l’ensemble des salariés à la suite
d’une action du comité d’entreprise destinée à faire financer un plan de sauvegarde de
l’emploi820. Dans cette lignée, certains envisagent ainsi que le tribunal de grande instance
pourrait ordonner la requalification de contrats de travail après le constat d’une pratique
irrégulière de l’intérim ou encore déclarer inopposable aux salariés un transfert des contrats
de travail en raison de l’inapplication des conditions de l’article L. 1224-1 du code du
travail821. De telles extensions nous semblent toutefois peu probables en l’état actuel de la
jurisprudence de la Cour de cassation. Cette dernière a en effet toujours déclaré irrecevables
les demandes tendant à la reconnaissance d’un contrat de travail devant le tribunal de grande
instance 822 ou les actions relatives au manquement de l’employeur à son obligation de
reclassement individuel 823 . La Cour de cassation a d’ailleurs récemment rappelé qu’un
syndicat, agissant dans l’intérêt collectif de la profession, pouvait réclamer qu’une entreprise
modifie son calcul des heures supplémentaires, mais qu’il appartenait aux salariés, même en
cas de succès de cette action, de veiller à agir dans les temps pour leur propre compte devant
le conseil de prud’hommes824. Actuellement, le règlement des litiges dits « mixtes » n’est
donc pas toujours réalisable devant une seule juridiction825.

115. L’impossible unification en présence de deux juridictions d’exception. La


prorogation de compétences s’avère également exclue lorsque les demandes relèvent de deux
juridictions d’exception. Dans le cadre d’un litige opposant un employeur à son ancien salarié
pour violation d’une clause de non-concurrence, l’employeur ne peut demander l’intervention
forcée du nouvel employeur afin d’engager sa responsabilité pour concurrence déloyale826.

819
TGI Nanterre, 2e ch., 12 sept. 2013, RG n° 11/12781 : RDT 2013, p. 642, chr. R. Dalmasso et É.
Serverin. En sens contraire, voir toutefois : CA Toulouse, 4e ch., sect. 1, 21 sept 2011, n° 11/00604 : Dr.
ouvr. 2012, p. 39, note A. Mazières.
820
TGI Lons Le Saunier, 22 août 2012, n° 12/01079. Jurisprudence citée dans l’article suivant : Y.
Pagnerre, « Le coemploi à l’épreuve du droit des contrats et du droit processuel : de l’incompétence de
l’Administration à reconnaître un coemploi », JCP S 2014, 1263, spéc. p. 26. Ce dernier qualifie d’ailleurs
cette pratique « d’action de groupe déguisée ».
821
Pour d’autres exemples, voir notamment M. Keller Lyon-Caen, « Le déplacement vers le Tribunal de
grande instance de l’action syndicale au bénéfice des salariés », op. cit., spéc. p. 494.
822
Cass. soc., 23 janv. 2008, op. cit.
823
Cass. soc., 18 nov. 2009, op. cit.
824
Cass. soc., 8 sept. 2016, n° 15-12.600 : Bull. civ., V, à paraître.
825
En faveur de l’introduction d’une exception à la compétence exclusive du conseil de prud’hommes en ce
domaine, voir : infra, n° 121 et suiv.
826
Sur la possibilité pour le tribunal de commerce d’étendre sa compétence pour statuer sur le moyen de
défense de la validité d’une clause de non-concurrence ou de sa violation par un salarié, voir : supra, n°
108.

164
Une telle demande – opposant deux employeurs – n’entre en effet aucunement dans le champ
de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes. Une prorogation de compétences
ne pourrait davantage s’effectuer au profit du tribunal de commerce. Cette impossibilité
s’explique en effet dans cette hypothèse par le caractère limité de la compétence d’attribution
du tribunal de commerce mais également par la compétence exclusive du conseil de
prud’hommes en ce domaine827. On pourrait également évoquer le règlement des litiges
relatifs à l’expulsion d’un logement de fonction. Si certains considèrent que l’éventuelle
contestation parallèle de la rupture du contrat de travail permet d’établir le lien avec le travail
et entraîne ainsi la compétence du conseil de prud’hommes pour se prononcer sur la raison
d’être de l’expulsion828, une telle affirmation doit être nuancée. Le tribunal d’instance dispose
en effet d’une compétence exclusive pour ordonner une expulsion après constatation de
l’absence de droit et de titre d’un occupant829. La demande formée par un employeur de
libérer un logement occupé sans droit ni titre par un salarié postérieurement à la rupture de
son contrat de travail, à l’occasion d’un litige portant sur le bien-fondé du licenciement, ne
peut ainsi être portée devant le conseil de prud’hommes830. L’unification ne pourrait là encore
se réaliser au profit du tribunal d’instance pour les raisons précédemment évoquées.

Section 2. La levée des obstacles

116. Les exceptions actuelles aux obstacles à la prorogation. Si la prorogation


des compétences aux demandes incidentes s’avère relativement encadrée en droit du travail,
l’étude du contentieux révèle l’existence d’un certain nombre d’exceptions à l’impossibilité
de proroger les compétences. Afin de neutraliser les obstacles à la prorogation – que
constituent la compétence exclusive et la limitation de la compétence d’attribution – le
législateur proroge en effet la compétence du conseil de prud’hommes à l’accessoire et
permet l’intervention de certaines personnes dans le procès prud’homal.
Le code du travail prévoit notamment la mise en cause possible, devant la juridiction
prud’homale, des organismes qui se substituent habituellement aux employeurs pour
827
Certains auteurs soulignent d’ailleurs le caractère inadapté du mécanisme de la connexité dans le
contentieux des clauses de non-concurrence : J. Mouly, « Compétence du tribunal de commerce pour
statuer sur un litige entre employeurs relatif à une clause de non-concurrence stipulée dans un contrat de
travail », op. cit., spéc. p. 650.
828
B. Boubli, « Conseil de prud’hommes – Compétence matérielle », J.-Cl. Travail, fasc. 81-20, n° 56.
Voir également la jurisprudence citée par ce dernier : Cass. civ. 2e, 6 juill. 1955 : Bull. civ. 1955, II, n° 485.
– CA Paris, 19 mars 1954 : JCP G 1954, II, 8196.
829
Article R. 221-38 du code de l’organisation judiciaire.
830
Cass. soc., 29 juin 2010, n° 09-13.219, inédit.

165
l’exécution de leurs obligations légales 831 . Une telle intervention dépend cependant de
l’existence préalable d’un litige entre le salarié et l’employeur832. Ces prorogations ont en
effet seulement pour objet de permettre une unification du litige. Un salarié ne peut donc
saisir le conseil de prud’hommes pour former une demande uniquement contre cet organisme
– une caisse de congés payés par exemple – en l’absence d’un litige parallèle avec
l’employeur833. De même, un litige opposant une entreprise à une caisse de congés payés du
bâtiment pour non-paiement des cotisations ne peut être porté devant le conseil de
prud’hommes en l’absence d’un procès en cours entre un employeur et un salarié834. On peut
également relever l’intervention forcée de l’autorité de tutelle pour les litiges des agents des
organismes de sécurité sociale. Le préfet doit en effet être appelé en la cause à peine de
nullité835. Là encore, cette intervention suppose l’existence d’un litige entre un employeur et
un salarié. L’autorité de tutelle ne peut donc être directement condamnée à l’égard de l’agent
devant le conseil de prud’hommes836. Il faut également évoquer la situation de Pôle emploi
dans le procès prud’homal. Contrairement aux organismes qui se substituent légalement aux
obligations de l’employeur, Pôle emploi est partie au litige par l’effet de la loi, sans avoir
besoin d’être mis en cause837. L’article L. 1235-4 du code du travail prévoit en effet la
condamnation d’office de l’employeur au remboursement des indemnités de chômage versées
par Pôle emploi aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse838. Cette condamnation
demeure toutefois accessoire par rapport à celle prononcée au profit du salarié. En cas de
désistement du salarié en première instance, le juge ne peut ainsi ordonner le remboursement

831
Article L. 1411-6 du code du travail. Une association d’aide à la personne qui établissait des fiches de
paie pour le compte de l’employeur a par exemple été considérée comme un organisme visé par la loi
(Cass. soc., 28 févr. 2006, n° 03-44.781 : Bull. civ., V, n° 91 ; JCP S 2006, 1394, note B. Boubli ; Dr. soc.
2006, p. 680, obs. J. Savatier), à la différence d’un organisme gestionnaire d’un régime de prévoyance
complémentaire (Cass. soc., 16 nov. 2010, n° 10-12.156 : Bull. civ., n° 259 ; JCP S 2011, 1053, note R.
Chiss) ou d’une association d’aide aux personnes âgées dont le rôle s’était limité à des tâches
administratives pour le compte de l’employeur (Cass. soc., 2 juin 1993, n° 90-40.275 : Bull. civ., V,
n° 156).
832
En ce sens, voir : Cabinet Bredin-Pra et C. Gaillard, « Conseil de prud’hommes », Rép. trav., Dalloz
2017, n° 217.
833
Cass. soc, 5 avr. 2012, no 11-140.20, M. X c/ Caisse de congés payés Intempéries BTP Rhône et Drôme,
inédit. Voir : V. Orif, « L’incompétence du conseil de prud’hommes pour trancher un litige opposant un
salarié à un organisme se substituant aux obligations légales de l’employeur », Gaz. Pal. 2012, n° 251, p.
28.
834
Cass. soc., 17 févr. 2010, n° 08-17.572, inédit.
835
Articles R. 123-3, D. 725-26 et L. 151-1 du code de la sécurité sociale.
836
Cass. soc., 11 juin 1987, n° 84-43.324 : Bull. civ., V, n° 383.
837
Voir B. Boubli, « Le droit des ASSEDIC au remboursement des indemnités de chômage », in Dossier
« La crise du droit des licenciements », Dr. soc. 1981, p. 258, spéc. p. 263.
838
Ces dispositions relatives au remboursement des indemnités chômage ne sont pas applicables au
licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise
employant habituellement moins de onze salariés (article L. 1235-5 du code du travail).

166
des indemnités de chômage à Pôle emploi839. Lorsqu’au contraire une condamnation a été
prononcée au profit du salarié et de Pôle emploi en première instance, la transaction
intervenue au stade de l’appel est inopposable à Pôle emploi840.
Il faut enfin citer la situation particulière des syndicats dont certains considèrent qu’elle
constitue « l’une des données les plus originales du contentieux du travail »841. Les syndicats
peuvent en effet exercer – devant toutes les juridictions – l’ensemble des droits réservés à la
partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de
la profession qu’ils représentent842. Lorsqu’un procès est déjà engagé entre un salarié et un
employeur devant le conseil de prud’hommes843, la Cour de cassation admet que les syndicats
interviennent à l’instance pour exercer une telle action844. Les syndicats peuvent également
agir devant le conseil de prud’hommes pour défendre l’intérêt personnel d’un seul salarié
dans le cadre d’une action en substitution845. Cette action permet en effet aux syndicats, par
dérogation à la règle selon laquelle « nul en France ne plaide par procureur », de faire
respecter les droits d’un salarié devant les juridictions civiles et pénales. On mesure ici la
spécificité de cette action qui ne nécessite pas l’existence d’une action entre le salarié et
l’employeur846. Initialement prévue pour les seules actions en application d’une convention

839
Cass. soc., 14 janv. 1982, n° 79-42.492 : Bull. civ., V, n° 25.
840
Cass. soc., 7 juin 1995, n° 91-43.234 : Bull. civ.,V, n° 188. JCP E 1995, II, 764, note F. Taquet.
841
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 522, p. 485.
842
Article L. 2132-3 du code du travail. Sur cette action, voir notamment : M. Petit, « La constitution de
partie civile des syndicats devant la Juridiction prud’homale », RPDS 1975, p. 213.
843
Une action syndicale, à l’exception de l’action en substitution, ne peut être exercée à titre principal
devant le conseil de prud’hommes en raison de sa compétence d’attribution limitée aux litiges individuels.
Sur ce point, voir : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 533, p. 494.
844
Cass. soc., 9 déc. 1960, n° 59-40.080 : Bull. civ., V, n° 1168, D. 1961, jur., p. 143, note J.-M. Verdier.
Pour un exemple d’intervention d’un syndicat devant le conseil de prud’hommes, voir notamment : Cass.
soc., 12 févr. 2008, nos 06-45.397 à 06-45.401 : Bull. civ., V, n° 36. Dans cette affaire, un syndicat s’était
désisté de son action en substitution et était intervenu volontairement à l’instance engagée postérieurement
par le salarié.
Sur la possibilité d’intervenir devant le conseil de prud’hommes pour l’action en exécution d’une
convention collective, exercée par les syndicats signataires de l’accord (article L. 2262-11 du code du
travail), voir : Cass. soc., 9 avr. 2002, n° 99-45.963 : Bull. civ., V, n° 124.
Pour une présentation détaillée des différentes actions en exécution d’une convention collective, voir : M.
Henry, « L’action syndicale en exécution des conventions collectives », in M. Keller (dir.), Procès du
travail, Travail du procès, LGDJ 2008, coll. Bibliothèque de l’Institut André Tunc, t. 16, p. 157. Voir
également : J.-M. Verdier, « Accords collectifs et action “syndicale” en justice : le rôle fondateur de
l’article L. 411-11 du Code du travail », D. 2002, chron. p. 503.
845
Sur cette action, voir notamment : F. Petit, « L’action de substitution, un cadeau promis à un avenir
meilleur », Dr. soc. 2004, p. 262 – E. Jeuland, « L’action de substitution des syndicats à la place des
salariés », JCP E 2001, II, 10451 – H. Peschaud, « Le droit de substitution et les garanties des salariés »,
Dr. ouvr. 2000, p. 478 – M. Cohen, « Le droit de substitution, un cadeau empoisonné aux syndicats », Dr.
soc. 1990, p. 790. Sur l’inadaptation de cette action en matière de discrimination, voir le rapport suivant :
L. Pécaut-Rivolier et D. Pons, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, Ministère du
droit des femmes 2013, p. 81.
846
L’intervention du salarié à l’instance prud’homale est seulement facultative.

167
collective en faveur des membres du syndicat liés par la convention847, l’action en substitution
concerne désormais une multitude d’hypothèses ayant pour point commun de s’adresser « à
des salariés (…) présentant une vulnérabilité accentuée »848.

117. Nécessité d’étendre le périmètre des exceptions. Cette neutralisation des


obstacles à la prorogation de compétence mériterait d’être étendue aux cas précédemment
évoqués et pour lesquels l’unification du traitement des litiges s’avère actuellement
impossible. On vise ici l’impossibilité pour un salarié de mettre en cause la responsabilité
d’un tiers dans le cadre d’un litige l’opposant à son employeur, l’impossibilité pour un
employeur d’attraire le nouvel employeur d’un salarié dans un contentieux relatif à la clause
de non-concurrence devant le conseil de prud’hommes, ou encore l’impossibilité pour un
salarié de demander le paiement d’une rémunération supplémentaire ou du juste prix d’une
invention dans le cadre d’une instance l’opposant déjà à son employeur. Pour éviter
l’éclatement actuel du règlement de ces litiges, il convient ainsi d’étendre la compétence
d’attribution du conseil de prud’hommes. Dans d’autres situations, il est au contraire
nécessaire de prévoir des exceptions à la compétence exclusive du conseil de prud’hommes.
Celle-ci empêche en effet le tribunal de grande instance de tirer des conséquences
individuelles pour le règlement des litiges collectifs.

Plan.
Paragraphe 1. L’extension de la compétence d’attribution du conseil de
prud’hommes
Paragraphe 2. L’introduction d’exceptions à la compétence exclusive du conseil de
prud’hommes

847
Article L. 2262-9 du code du travail. Voir notamment : Cass. soc., 14 févr. 2001, n° 98-46.149 : Bull.
civ., V, n° 56 ; Dr. soc. 2001, p. 573, obs. M. Miné.
L’action en substitution peut désormais intervenir dans les matières suivantes : le travail intérimaire (article
L. 1251-59 du code du travail), le travail à durée déterminée (article L. 1247-1 du code du travail), le
travail à domicile (article L. 7423-2 du code du travail), l’égalité professionnelle entre hommes et femmes
(article L. 1144-2 du code du travail, article L. 3221-2 et suiv. du code du travail), l’emploi de travailleurs
étrangers dans des conditions irrégulières (article L. 8255-1 du code du travail), le prêt de main-d’œuvre
illicite (article L. 8242-1 du code du travail), le marchandage (article L. 8233-1 du code du travail), le
harcèlement (article L. 1154-2 du code du travail), la discrimination (article L. 1134-2 du code du travail),
le licenciement économique (article L. 1235-8 du code du travail) et les droits des salariés des groupements
d’employeurs (article L. 1253-16 du code du travail).
848
F. Petit, « Nature et vertus de l’action de substitution », in M. Keller (dir.), Procès du travail, Travail du
procès, LGDJ 2008, coll. Bibliothèque de l’Institut André Tunc, t. 16, p. 205, spéc. p. 219. Également en ce
sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 524, p. 487 : c’est un « instrument de l’effectivité
des droits reconnus à des salariés particulièrement vulnérables ».

168
§1. L’extension de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes

118. Prorogation aux demandes incidentes portant sur l’engagement de la


responsabilité d’un tiers. Qu’elle soit formulée à titre principal ou à titre incident au cours
d’une instance, la demande d’un salarié tendant à engager la responsabilité d’un tiers est
actuellement irrecevable devant le conseil de prud’hommes849. Cette irrecevabilité paraît
critiquable si l’on envisage les avantages qui découleraient de l’admission d’une telle mise en
cause. « En réunissant dans une seule instance les recours contractuels et délictuels, les
salariés s’épargne[raient] en effet les délais et le coût d’une action devant la juridiction de
droit commun (…). Tant pour une bonne administration de la justice, que pour éviter les coûts
de procédure et renforcer l’efficacité de ces actions, il serait utile de réserver aux
prud’hommes un espace minimum de compétence »850. À l’instar de la disposition qui existe
actuellement pour « les organismes qui se substituent habituellement aux employeurs pour
l’exécution de leurs obligations légales » 851 , il faudrait ainsi permettre au conseil de
prud’hommes de proroger sa compétence pour les demandes incidentes portant sur la mise en
cause du tiers. D’ailleurs en pratique, des conseils de prud’hommes ont déjà été amenés à
statuer sur de telles demandes lorsqu’aucune partie n’avait soulevé une exception
d’incompétence852. En cas de difficultés, les conseillers pourraient tout à fait recourir à la
procédure d’échevinage. Rappelons en effet que depuis la loi Macron, le recours à la
présidence de l’instance par un magistrat professionnel n’est plus subordonné à un cas de
départage. Le bureau de conciliation et d’orientation peut en effet renvoyer les parties – à leur
demande ou si la nature du litige le justifie – devant le bureau de jugement présidé par un juge
du tribunal de grande instance sans qu’existe une situation de départage853. L’argument de
l’incapacité des juges prud’homaux à traiter de telles demandes ne peut donc tenir.
Cette prorogation de compétence permettrait également à la chambre sociale de la Cour de
cassation de mener une politique cohérente sur les préjudices indemnisables et l’articulation
des recours contractuels et délictuels. Les tiers, dont les salariés souhaitent engager la
responsabilité, sont en effet « souvent la cible, à titre principal, d’une action en

849
Sur la limitation de la compétence du conseil de prud’hommes aux demandes opposant un employeur et
un salarié, voir : supra, n° 20. Sur l’irrecevabilité d’une telle demande incidente, voir : supra, n° 114.
850
É. Serverin et T. Grumbach « Promouvoir la recevabilité des actions délictuelles à l’égard des sociétés-
mères des groupes dans les contentieux engagés devant les conseils de prud’hommes », RDT 2010, p. 529.
851
Article L. 1411-6 du code du travail. Sur cette prorogation, voir : supra, n° 116.
852
Sur ces prorogations tacites de compétences, voir : supra, n° 114.
853
Article L. 1454-1-1 du code du travail.

169
reconnaissance du coemploi » 854 . Il semble dès lors important que les conséquences
indemnitaires du licenciement et de la faute soient traitées dans le cadre d’un même litige afin
d’éviter qu’un préjudice ne soit réparé plusieurs fois855. Un tel argument explique sans doute
les prorogations tacites de compétences précédemment évoquées. Certains auteurs se
demandent en effet si elles résultent véritablement « d’une carence des défendeurs » et si elles
ne relèvent pas plutôt d’une volonté des sociétés mises en cause « de ne pas disperser le
contentieux entre plusieurs juridictions »856. Une unification du traitement du litige éviterait
en effet sans doute la prolifération actuelle de ces « préjudices annexes, périphériques,
fussent-ce de nano-préjudices »857. Pour donner à la responsabilité pour faute du tiers une
issue indemnitaire, les salariés multiplient en effet actuellement les chefs de préjudices et
invoquent des préjudices tels que celui de la perte d’emploi858, de la perte de chance de
conserver un emploi859, de la perte de rémunération pour l’avenir860, de la perte de chance de
retrouver un emploi faute d’avoir pu bénéficier de formations qualifiantes861 ou encore de la
dégradation de l’état de santé liée à la perte de l’emploi862. Les prud’hommes pourraient ainsi
faire respecter le principe de la réparation intégrale.

854
On peut notamment viser l’affaire Lee Cooper. Les salariés de cette société avaient demandé, devant le
conseil de prud’hommes, la reconnaissance d’un coemploi à l’égard d’un actionnaire principal de la société
employeur et l’engagement de la responsabilité civile de ce fonds d’investissement devant le tribunal de
commerce : CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, op. cit. On peut également viser l’affaire Aurélius dans
laquelle un fonds d’investissement étranger a été condamné par le tribunal de commerce à indemniser les
salariés : T. com. Orléans, 1er juin 2012, n° 2010-11170, A. et a. c/ Mme D. et Sté Aurelius AG : JCP E
2012, 1494, note A. Couret et B. Dondero. En l’espèce, une procédure de reconnaissance d’un coemploi
était également en cours devant le conseil de prud’hommes. Sur le récit de cette affaire, voir : « Le fonds
allemand Aurelius condamné pour immixtion dans la gestion du groupe Quelle La Source », Option Droit
et Affaires, 13 juin 2012, disponible sur le site « optionfinance.fr », consulté le 13 août 2015.
855
Il découle en effet du principe de la réparation intégrale l’interdiction de réparer deux fois le même chef
de préjudice. Voir notamment : Ch. Radé, « Préjudices et indemnisation : à la croisée des disciplines (Heurs
et malheurs du principe de réparation intégrale en droit du travail) », in Dossier « Préjudices et
indemnisation en droit social », Dr. ouvr. 2015, p. 441.
856
A. Fabre, « Les vices et vertus de la responsabilité pour faute dans les groupes de sociétés – note sous
CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, n° 16/02344 », op. cit.
857
G. Loiseau, « La responsabilité des tiers du fait de licenciement pour motif économique », JCP S 2015,
1278. Ce dernier pose la question du lien de causalité existant entre la faute du tiers et les préjudices
invoqués.
858
Sur le caractère réparable de ce préjudice : A. Fabre, « La responsabilité délictuelle pour faute au
secours des salariés victimes d’une société tierce. Au-delà des arrêts Sofarec du 8 juillet 2014 », op. cit.,
spéc. p. 676.
859
Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, op. cit. – TGI Péronne, 18 août 2009, n° 07/856, Flodor :
RDT 2009, p. 693, note É. Serverin et T. Grumbach.
860
Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, op. cit.
861
Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, op. cit.
862
Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, op. cit. – T. com. Orléans, 1er juin 2012, n° 2010-11170, A. et
a. c/ Mme D. et Sté Aurelius AG : JCP E 2012, 1494, note A. Couret et B. Dondero.

170
119. Prorogation aux demandes incidentes portant sur l’engagement de la
responsabilité d’un nouvel employeur pour concurrence déloyale. Une prorogation de
compétence doit également être prévue relativement au contentieux de la clause de non-
concurrence. Comme nous l’avons vu863, l’ancien employeur ne peut actuellement demander
l’intervention forcée du nouvel employeur, afin d’engager sa responsabilité pour concurrence
déloyale, dans le cadre d’un litige l’opposant à son ancien salarié pour violation d’une clause
de non-concurrence. Une telle demande – opposant deux employeurs – n’entre en effet
aucunement dans le champ de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes864.
L’employeur ne peut davantage mettre en cause le salarié devant le tribunal de commerce en
raison de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes en ce domaine et de la limite
de la compétence d’attribution du tribunal de commerce. Afin de permettre l’unification du
contentieux, une disposition du code du travail devrait ainsi prévoir la possibilité de mettre en
cause le nouvel employeur devant le conseil de prud’hommes. Au-delà du gain de temps et
d’argent pour l’employeur, une telle unification permettrait également de prévenir certaines
contradictions de décisions865. Rappelons en effet que la chambre commerciale de la Cour de
cassation admet que le tribunal de commerce proroge sa compétence pour connaître d’un
moyen de défense portant sur la validité d’une clause de non-concurrence et sur sa violation
par le salarié866. Avec la mise en cause de l’employeur devant le conseil de prud’hommes, une
seule juridiction se prononcerait ainsi sur la validité de la clause de non-concurrence et sur sa
violation par le salarié.

120. Prorogation aux demandes incidentes portant sur le paiement d’une


rémunération supplémentaire ou du juste prix d’une invention attribuée à l’employeur.
Actuellement, un salarié, dans le cadre d’une action en contestation du bien-fondé de son
licenciement devant le conseil de prud’hommes, ne peut réaliser une demande incidente sur le
paiement d’une rémunération supplémentaire ou du juste prix d’une invention attribuée à
l’employeur. Comme nous l’avons vu, la compétence exclusive du tribunal de grande instance
s’oppose en effet à ce que le conseil de prud’hommes en connaisse867. Le salarié ne peut

863
Voir : supra, n° 115.
864
Certains auteurs soulignent d’ailleurs le caractère inadapté du mécanisme de la connexité dans le
contentieux des clauses de non-concurrence : J. Mouly, « Compétence du tribunal de commerce pour
statuer sur un litige entre employeurs relatif à une clause de non-concurrence stipulée dans un contrat de
travail », op. cit., spéc. p. 650.
865
Sur la notion de contradiction de décisions, voir : infra, n° 123 et n° 126.
866
Cass. com., 14 mai 2013, op. cit. Sur cette prorogation, voir : supra, n° 108.
867
Voir : supra, n° 113.

171
davantage contester le bien-fondé de son licenciement dans le cadre d’un contentieux devant
le tribunal de grande instance. La compétence exclusive du conseil de prud’hommes pour les
litiges entre un employeur et un salarié rend en effet cette demande incidente irrecevable868.
Malgré les inconvénients d’un tel éclatement du litige, l’opportunité de l’introduction d’une
prorogation de compétence au profit du conseil de prud’hommes mérite d’être discutée. Le
législateur a en effet souhaité spécialiser le contentieux de la propriété intellectuelle en
réduisant non seulement la diversité juridictionnelle mais également le nombre de juridictions
compétentes869. Une prorogation de compétence en ce domaine irait donc à l’encontre de cette
volonté de concentrer le contentieux entre les mains du tribunal de grande instance de
Paris870. Certains auteurs critiquent toutefois les arbitrages retenus et estiment qu’en matière
d’invention, la spécialisation relève davantage de l’aménagement du territoire que de
l’amélioration des compétences des juges en ce domaine871. On peut d’ailleurs se demander
s’il s’avère réellement primordial de protéger une invention par un dépôt de brevet quelle que
soit la situation économique et géographique de l’inventeur et d’isoler son contentieux872. La
question n’est toutefois pas ici de remettre en cause la spécialisation retenue – toute
spécialisation comportant toujours une « part d’arbitraire » 873 – mais d’introduire une
prorogation de compétence lorsque la question intervient à titre incident devant le conseil de
prud’hommes. Au regard des éléments précédemment évoqués, une telle proposition paraît
donc justifiée. Il faut en effet laisser la possibilité au salarié de porter son litige devant la
commission de conciliation, le tribunal de grande instance ou le conseil de prud’hommes à
titre incident874.

868
Sur cette compétence exclusive, voir : supra, n° 108.
869
J. Larrieu et N. Morvilliers, « La création des pôles spécialisés en matière de propriété intellectuelle et
de concurrence », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 143. Pour une
présentation des différentes formes et raisons de la spécialisation, voir : C. Bléry, « La notion de
spécialisation », op. cit.
870
Article D. 211-6 du code de l’organisation judiciaire. Sur ce point, voir : S. Guinchard, A. Varinard et
Th. Debard, Institutions juridictionnelles, op. cit., n° 409, p. 543.
871
J. Larrieu et N. Morvilliers, « La création des pôles spécialisés en matière de propriété intellectuelle et
de concurrence », op. cit., p. 143, spéc. p. 151.
872
Également en ce sens : J. Larrieu et N. Morvilliers, « La création des pôles spécialisés en matière de
propriété intellectuelle et de concurrence », op. cit., p. 143, spéc. p. 154.
On peut d’ailleurs réaliser un parallèle avec le droit de la non-discrimination. L’émergence de cette
discipline implique-t-elle qu’une juridiction soit spécifiquement désignée pour absorber ce contentieux, au
risque de créer un nouvel éclatement du contentieux ? Sur l’émergence de cette discipline, voir : M.
Mercat-Bruns, « Le droit de la non-discrimination, une nouvelle discipline en droit privé ? », Dalloz 2017,
p. 224.
873
N. Bonnal, « Un exemple de spécialisation : la chambre de la presse du tribunal de grande instance de
Paris », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, PUT 2012, p. 27, spéc. p. 32.
874
Article L. 611-7 1° du code de la propriété intellectuelle. Sur la procédure devant la Commission
nationale d’invention, voir l’intervention du conseiller honoraire à la Cour de cassation Françoise Marais

172
§2. L’introduction d’exceptions à la compétence exclusive du conseil de prud’hommes

121. Nécessité de renforcer les effets individuels des actions collectives. Si la


distinction entre l’individuel et le collectif paraît pour certains « arbitraire et factice »875, elle
n’est en réalité critiquable que lorsqu’elle aboutit à un éclatement du litige. Tel est le cas,
nous l’avons vu, pour les litiges dits « mixtes » qui ne peuvent actuellement être réglés devant
une seule juridiction876. La compétence exclusive du conseil de prud’hommes empêche en
effet les salariés d’obtenir une réparation de leurs préjudices devant le tribunal de grande
instance dans la même instance que les syndicats.
Or, si l’action fondée sur l’intérêt collectif devant le tribunal de grande instance permet
d’apporter une réponse de principe susceptible d’avoir des conséquences pour l’ensemble des
salariés concernés, le jugement du tribunal de grande instance ne saurait constituer un titre
exécutoire entre les mains des salariés. Le tribunal de grande instance ne peut en effet
désigner nommément les bénéficiaires d’une action syndicale877. La régularisation de la
situation des salariés est ainsi conditionnée à la volonté de l’employeur878 et, face à l’inertie
de ce dernier, les salariés n’ont d’autres choix que de saisir individuellement le conseil de
prud’hommes pour obtenir le respect de leurs droits879. On peut à ce titre redouter une
contradiction de décisions entre le jugement du tribunal de grande instance et celui du conseil

sur la commission nationale d’invention des salariés disponible sur :


http://www.lagbd.org/index.php/Les_créations_et_inventions_de_salariés_(fr).
875
M. Henry, « L’action syndicale en exécution des conventions collectives », op. cit.
Sur la distinction entre action individuelle et action collective, se reporter aux actes du colloque « vers un
Ordre juridictionnel social », organisé par la CGT les 5 et 6 juin 2014, reproduits dans le n° 796 de la revue
Droit ouvrier de novembre 2014. Voir notamment : S. Rozez, « L’action en justice, action individuelle,
action collective », in Dossier « Vers un Ordre juridictionnel social », Dr. ouvr. 2014, p. 733 – R. Lokiec,
« La justice du travail, action individuelle et action collective », in Dossier « Vers un Ordre juridictionnel
social », Dr. ouvr. 2014, p. 740 et M. Henry, « Contentieux individuels et contentieux collectifs : les deux
versants du règlement des litiges sériels par des chemins qui ne mènent pas au sommet », in Dossier « Vers
un Ordre juridictionnel social », Dr. ouvr. 2014, p. 740.
876
Sur ce point, voir : supra, n° 114.
877
Cass. soc., 20 mai 1985, n° 83-60.040 : Bull. civ., V, n° 297. Voir également : M. Henry, « Contentieux
individuels et contentieux collectifs : les deux versants du règlement des litiges sériels par des chemins qui
ne mènent pas au sommet », op. cit.
878
M. Keller Lyon-Caen, « Le déplacement vers le Tribunal de grande instance de l’action syndicale au
bénéfice des salariés », op. cit., spéc. p. 487. L’éventuelle mobilisation syndicale dans l’entreprise après
l’action en justice pourra toutefois peser dans le choix de l’employeur : M. Keller, « Syndicats », in L.
Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice, PUF 2004, p. 1275.
879
À titre d’illustration, voir : Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 11-27.693 : Bull. civ., V, n° 206. Dans cette
affaire, plus de soixante-dix salariés avaient saisi la juridiction prud’homale à la suite d’une action en
détermination de l’accord collectif applicable devant le tribunal de grande instance. Sur cet arrêt, voir : Th.
Pasquier, « La Cour de cassation, gardienne du temple de la prescription ! », SSL 2013, n° 1608, p. 4.

173
de prud’hommes, voire entre des jugements de plusieurs conseils de prud’hommes880. En
effet, même si certains estiment qu’en droit du travail la décision de justice a « une capacité
d’irradier l’ensemble de la collectivité des travailleurs par un dépassement de l’effet relatif du
jugement » et vont même jusqu’à se demander si la décision rendue dans l’intérêt collectif ne
produit pas « un effet erga omnes » 881 , rappelons toutefois qu’aux actions du syndicat
s’attache l’effet relatif du jugement882.

122. Nécessité d’une généralisation de l’action de groupe. Face aux tâtonnements


de la jurisprudence sur l’extension des effets d’une action collective et aux risques de
contradictions de décisions883, la généralisation de l’action de groupe en droit du travail
mérite d’être discutée884. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a en effet étendu
le champ d’application de l’action de groupe au domaine de l’environnement, de la protection
des données à caractère personnel et de la discrimination885, mais n’a aucunement consacré
une action de groupe pour l’ensemble du droit français886.

880
Voir par exemple : Cass. soc., 23 oct. 2013, n° 12-12.894 : Bull. civ., V, n° 250 ; JCP S 2014, 1070,
note G. Vachet : « Les salariés ne pouvaient revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d’une
décision rendue dans une instance où ils n’étaient ni parties ni représentés ». Sur la notion de contradiction
de décisions, voir : infra, n° 123 et n° 126.
881
I. Omarjee et L. Sinopoli (dir.), Les actions en justice au-delà de l’intérêt personnel, Dalloz 2014, coll.
Thèmes et commentaires – actes, spéc. p. 189. Également en ce sens : M. Henry, « L’action syndicale en
exécution des conventions collectives », op. cit., p. 157, spéc. p. 170 – M. Keller Lyon-Caen, « Le
déplacement vers le TGI de l’action syndicale au bénéfice des salariés », op. cit., spéc. p. 477 : « Le
jugement du TGI aura nécessairement une certaine autorité sur celui à venir du CPH » – Y. Pagnerre, « Le
coemploi à l’épreuve du droit des contrats et du droit processuel : de l’incompétence de l’Administration à
reconnaître un coemploi », op. cit., spéc. p. 27. Pour lui, le jugement reconnaissant la qualité de
coemployeur à une société mère au profit d’un salarié peut constituer « un élément de fait, déterminant en
cas d’actions concurrentes d’autres salariés ».
Également en ce sens à propos de l’effet d’une action en substitution : A. Supiot, Les juridictions du
travail, op. cit., n° 532, p. 494. Si le bénéfice de l’action appartient au seul salarié, la décision aura en fait
« une portée générale, la solution du litige qu’elle retient ayant vocation à être transposée à tous les salariés
de l’entreprise se trouvant dans une situation juridique identique ».
882
C. Chainais, F. Ferrand et S. Guinchard, Procédure civile. Droit interne et européen du procès civil, 33e
éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 1123.
883
Sur le mouvement jurisprudentiel qui « tend à donner une portée individuelle et plurale à la décision du
TGI », voir : supra, n° 114.
884
Voir notamment : O. Levannier-Goüel, « Fallait-il consacrer l’action de groupe en droit du travail ? »,
SSL 2016, n° 1741, p. 8 – J. Simon, Ch. Foulon et A. Ferrer, « Faut-il introduire l’action de groupe en droit
du travail », RDT 2012, p. 603 – A. Lyon-Caen, « Action de groupe et droit du travail », in Dossier « Les
actions de groupe, implications processuelles et substantielles », RLDC 2006, n° 33, p. 77.
885
L’action de groupe concerne également le domaine de la consommation (articles L. 423-1 et suivant du
code de la consommation créés par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) et le
domaine de la santé (articles L. 1143-1 du code de la santé publique et suivants créés par la loi n° 2016-41
du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).
886
Pour une critique de la réduction du champ d’application de l’action de groupe à certains domaines,
voir : S. Amrani-Mekki, « L’action de groupe du XXIe siècle. Un modèle réduit et réducteur ? », JCP G
2015, 1196. Cette dernière estime en effet que « si l’action de groupe est créée en vue d’assurer l’effectivité

174
Une telle généralisation en droit du travail pourrait être contestée en raison des insuffisances
que présente déjà l’action de groupe en matière de discrimination 887. Il est vrai qu’en
l’absence de précisions sur le financement de cette action de groupe, sur l’anonymat des
parties, sur la protection des parties à l’action de groupe, sur l’autorité de la première décision
du tribunal de grande instance et au regard de la limitation des préjudices réparables dans le
cadre de cette action, les mécanismes existants en droit du travail – à savoir l’action des
syndicats en défense de l’intérêt de la profession888 et l’action en substitution889 – n’ont rien à
envier à l’action de groupe actuelle. Malgré tout, et sous réserve d’une amélioration du
dispositif existant, l’action de groupe présente l’avantage de limiter les contentieux sériels et
« de réunir ce qui est aujourd’hui désuni » pour les litiges dits « mixtes » en raison de leur
caractère tant individuel que collectif890. Cette action permet également de faciliter l’accès au
juge pour les salariés, parfois réticents à saisir le juge « contre celui qui [leur] fournit [leur]
subsistance »891, ou à saisir la justice pour des intérêts diffus892.

du Droit, il n’y a pas de raison pour la limiter à ce seul domaine ». D’ailleurs, la loi ne consacre
aucunement une procédure unique et de portée générale et met seulement en place un socle procédural
commun auquel pourront déroger les dispositions particulières à chaque action. Sur ce point, voir : S.
Amrani Mekki, « Le socle commun procédural de l’action de groupe de la loi de modernisation de la
justice du XXIe siècle », JCP G 2016, 1340 – H. Croze, « Un droit commun de l’action de groupe ? »,
Procédures 2017, ét. 4, p. 12. Sur la spécificité de l’action de groupe en matière de discrimination quant
aux personnes ayant qualité pour déclencher l’action mais également les modalités de la mise en demeure
préalable à l’action, l’étendue des préjudices indemnisables ainsi que leurs modes de liquidation par rapport
au socle commun, voir : J.-M. Chonnier et M.-N. Rouspide-Katchadourian, « L’action de groupe dans les
relations de travail : un dispositif novateur à l’efficacité incertaine », RJS 2017, p. 3 – A. Bugada,
« L’action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail », JCP S 2017, 1028 – M.
Galy, « Du changement (mesuré) pour le droit social après la loi de modernisation de la justice du XXIe
siècle », Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 679). Par ailleurs, l’action de groupe en matière de litiges de
consommation ne figure pas dans le champ d’application de ce socle commun (article 60 de la loi n° 2016-
1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle).
887
Sur ces insuffisances, voir : O. Levannier-Goüel, « Fallait-il consacrer l’action de groupe en droit du
travail ? », op. cit. – F. Guiomard, « L’action de groupe dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle :
un texte d’anesthésie ? », RDT 2016, p. 52 – L. Pécaut-Rivolier et E. Boussard-Verrecchia, « Projet de loi
‘‘Justice du 21e siècle’’ : action de groupe en cas de discrimination au travail », D. 2015, p. 1495. Sur la
nécessité d’une réforme procédurale afin de coordonner action de groupe et action publique, voir : B.
Lapérou-Scheneider, « De la nature répressive de l’action de groupe et de son extension en droit du
travail », Dr. soc. 2015, p. 256, spéc. p. 261.
888
L’article L. 2132-3 du code du travail permet aux syndicats d’exercer – devant toutes les juridictions –
tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à
l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, sans que cela ne constitue une atteinte à la liberté
personnelle des salariés, ni à leur droit d’agir en justice. Sur cette action, voir : supra, n° 116.
889
L’action en substitution permet aux syndicats, par dérogation à la règle selon laquelle « nul en France ne
plaide par procureur », de faire respecter les droits d’un salarié devant les juridictions civiles et pénales. Sur
cette action, voir : supra, n° 116.
890
Y.-M. Serinet, « Comparaison des actions à caractère collectif en procédure civile et droit du travail »,
in M. Keller (dir.), Procès du travail, travail du procès, LGDJ 2008, coll. Bibliothèque de l’institut André
Tunc, t. 16, p. 131, spéc. p. 153.
891
J. Simon, C. Foulon et A. Ferrer, « Faut-il introduire l’action de groupe en droit du travail ? », op. cit.
Ces derniers proposent l’extension au droit du travail de la proposition du Professeur Serge Guinchard

175
On pourrait dès lors envisager – comme cela avait déjà été proposé il y a quelques années893 –
d’introduire une exception au caractère exclusif de la compétence du conseil de prud’hommes
pour permettre au tribunal de grande instance de régler l’entier litige du travail dans le cadre
d’une action de groupe 894 . La première phase du procès, consistant à statuer sur la
responsabilité de l’employeur, ne devrait intervenir qu’en cas d’échec des négociations895. Il
semble en effet nécessaire de maintenir la phase précontentieuse tendant à faire cesser le
manquement. À ce stade, il faudrait également renforcer la préservation de l’anonymat des
salariés concernés. Certains auteurs proposent à ce titre de s’inspirer des remèdes utilisés en
droit syndical concernant la preuve de l’existence d’une section syndicale devant le tribunal
d’instance896. « Afin de prévenir des mesures de rétorsion à caractère discriminatoire », seul le

relative aux litiges de consommation. Une première phase de procédure en déclaration de responsabilité
précéderait une seconde au cours de laquelle les victimes pourraient intervenir volontairement au procès
grâce à une phase de publicité du jugement en déclaration de responsabilité. Sur ce point, voir. S.
Guinchard, « Une class action à la Française ? », D. 2005, Chron. p. 2180. Plus largement pour une étude
sociologique sur le non-recours à la justice dans le contentieux du travail, voir : I. Astier et J.-F. Laé, Aller
ou non aux prud’hommes ? Un accès difficile à la justice du travail, Rapport pour la Mission de recherche
Droit et justice 2009, 93 p.
892
La réflexion sur les actions groupées et les actions de groupe embrasse plus largement la question de
l’accès à la justice pour des demandes minimes, autrement dit pour les « intérêts diffus ou fragmentés ».
Sur ce point, voir : F. Caballero, « Plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de
groupe », RTD civ. 1985, p. 247 – L. Boré, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les
juridictions administratives et judiciaires, LGDJ 1997, coll. Thèses, t. 278, 336 p. – M. Cappelleti (dir.),
Accès à la Justice et Etat-Providence, Économica 1984, spéc. p. 93.
893
M. Keller Lyon-Caen, « Le déplacement vers le Tribunal de grande instance de l’action syndicale au
bénéfice des salariés », op. cit., spéc. p. 496.
894
Les développements du Professeur Alain Supiot sur « l’exclusivité tempérée » incitent à la prudence
dans l’analyse de la portée de la contraction du champ de la compétence exclusive du conseil de
prud’hommes évoquée précédemment. Il s’agissait en effet d’exemples portant sur des moyens de défense
(voir : supra, n° 108). Or, ce dernier met en lumière une pratique de la Cour de cassation consistant à
considérer, pour la même compétence, qu’elle était suffisamment exclusive pour « interdire la prorogation
légale de compétence en cas de connexité, mais insuffisante pour faire échec à la règle ‘‘Le juge de l’action
est juge de l’exception’’» : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 280, p. 282.
C’est cette prudence qui nous conduit à préconiser une exception légale à la compétence exclusive du
conseil de prud’hommes pour permettre au TGI d’étendre sa compétence aux demandes incidentes
individuelles.
895
La durée dérogatoire au droit commun de cette mise en demeure de l’employeur doit être maintenue.
Portée à six mois, contre quatre mois seulement dans le droit commun, cette durée se justifie par
l’obligation pesant sur l’employeur d’informer, dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette
demande, le comité d’entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel ainsi que les organisations
syndicales représentatives dans l’entreprise, voire engager une discussion avec ces derniers s’ils en font la
demande. Pour une critique de ce délai ayant pour conséquence de ralentir la procédure, voir : F.
Guiomard, « L’action de groupe dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle : un texte
d’anesthésie ? », op. cit., spéc. p. 54.
896
A. Bugada, « L’action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail », JCP S
2017, 1028, spéc. p. 8.

176
juge peut en effet être admis à prendre connaissance des éléments permettant d’identifier les
syndiqués897.
Conformément aux modalités de mise en œuvre de l’action de groupe prévues dans le socle
commun, l’action de groupe devrait se dérouler en deux temps. Le tribunal de grande instance
devrait tout d’abord se prononcer sur la responsabilité de l’employeur, définir le groupe de
personnes à l’égard desquelles la responsabilité est engagée, déterminer les critères de
rattachement au groupe et fixer le délai pendant lequel les personnes répondant aux critères de
rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité pourraient adhérer au
groupe. Les salariés pourraient ensuite intervenir volontairement à l’instance pour faire
individualiser la sanction à leur bénéfice devant le tribunal de grande instance898. Il faudrait à
ce titre étendre les préjudices réparables dans le cadre de l’action de groupe. Actuellement,
seuls les préjudices nés après la réception de la demande tendant à faire cesser la situation de
discrimination sont en effet indemnisables en matière de discrimination 899 . Une telle
limitation paraît surprenante au regard de l’objectif du mécanisme de l’action de groupe qui
« ne doit pas modifier le fond du droit mais seulement permettre un accès plus aisé au
juge » 900 . Ainsi les demandes relatives à des dommages antérieurs – les demandes de
reconstitution de carrière notamment – ne peuvent être portées devant le tribunal de grande
instance 901 . Il faudrait également conserver la procédure individuelle de réparation des
préjudices qui permet davantage l’individualisation des préjudices que la procédure de
liquidation collective des préjudices902.

897
Sur ce point, voir notamment : Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 09-60.015 : Bull. civ., V, n° 179 ; JCP 2009,
1416, ét. B. Gauriau.
898
Le rapport Pécaut-Rivolier se prononçait au contraire en faveur d’une conservation de la compétence du
conseil de prud’hommes pour le contentieux de l’indemnisation. Voir : L. Pécaut-Rivolier et D. Pons,
Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, op. cit., spéc. p. 106. Afin de faciliter cette
intervention, il faudrait également maintenir la procédure actuellement prévue en matière de discrimination.
En application des articles 69, 70 et 71 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la
justice du XXIe siècle, les personnes souhaitant adhérer au groupe doivent adresser une demande de
réparation soit à la personne déclarée responsable par le jugement, en principe l’employeur, soit au
demandeur à l’action qui reçoit alors mandat aux fins d’indemnisation. Dans cette dernière hypothèse, et
lorsque les personnes souhaitant adhérer au groupe ont effectué la demande de réparation au demandeur à
l’action, l’action de groupe, qualifiée par certains « d’action en substitution », se transforme en action « en
représentation » : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 374, p. 312.
899
Une exception est toutefois prévue pour les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de
formation.
900
S. Amrani-Mekki, « L’action de groupe du XXIe siècle. Un modèle réduit et réducteur ? », op. cit., p.
2031.
901
O. Levannier-Goüel, « Fallait-il consacrer l’action de groupe en droit du travail ? », op. cit., spéc. p. 10.
902
La procédure de liquidation collective des préjudices a été écartée en matière de discrimination : article
L. 1134-10 du code du travail.

177
Une telle intervention devrait toutefois rester une simple faculté pour les salariés. Il faudrait
en conséquence suspendre la prescription des actions individuelles en réparation des
préjudices résultant des manquements constatés par le juge 903 et consacrer un effet du
jugement du tribunal de grande instance sur les actions individuelles devant le conseil de
prud’hommes. Nous reprenons ici les propositions du rapport Pécaut-Rivolier qui préconisait
que le salarié, n’ayant pas adhéré au groupe, bénéficie, avec le jugement déclaratif du tribunal
de grande instance, d’un élément de nature à laisser présumer l’existence d’une discrimination
à son égard904. Alors que certains soulignent le caractère paradoxal du dispositif qui préserve
l’exercice des demandes formées à titre individuel en offrant « un joli parapluie temporel »905,
nous considérons qu’il s’agit en réalité d’une proposition pragmatique permettant
l’articulation entre les litiges individuels et collectifs. S’il n’est pas certain que le mécanisme
proposé puisse être qualifié d’action de groupe au sens strict du terme906, il constitue un réel
palliatif du système actuel d’enchevêtrement des compétences et des contentieux sériels907.
L’action de groupe permet en effet que les conséquences individuelles et collectives d’une
même situation soient traitées dans le cadre d’une même instance.

903
Articles 77 et 79 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe
siècle.
904
L. Pécaut-Rivolier et D. Pons, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, Ministère
du droit des femmes 2013, op. cit., p. 106.
905
A. Bugada, « L’action de groupe en matière de discrimination dans les relations de travail », op. cit.,
spéc. p. 10.
906
Sur ces réserves, voir : I. Omarjee et L. Sinopoli (dir.), Les actions en justice au-delà de l’intérêt
personnel, Dalloz 2014, coll. Thèmes et commentaires – actes, p. 40. L’action proposée ne constitue pas
une class action à l’américaine en raison de l’absence d’indemnisation collective résultant de l’action. Sur
les class action américaines, voir : A. Fiorentino, « Les class actions en droit du travail américain », JCP S
2012, 1415.
907
Sur la prévention des contradictions de décisions qu’elle induit, voir : infra, n° 138 et 140.

178
Chapitre 2. Le risque mesuré d’une amplification de l’incohérence

123. Nécessité de prendre en compte les multiples manifestations de


l’incohérence judiciaire. Afin de s’assurer que l’extension du champ des prorogations de
compétence n’a pas pour effet de favoriser l’incohérence judiciaire, il convient d’identifier
l’ensemble des facteurs de l’incohérence. Dans le langage courant, la cohérence se définit
comme « un rapport étroit d’idées qui s’accordent entre elles »908, ou encore « une absence de
contradiction ou de disparate entre les parties d’un ouvrage »909. L’incohérence judiciaire peut
quant à elle recouvrir plusieurs sens910. Certains auteurs opposent les incohérences matérielles
aux incohérences conceptuelles 911 . L’ « incohérence matérielle », ou « contradiction de
décisions », renverrait à la dimension juridictionnelle du pouvoir du juge, autrement dit à son
pouvoir de trancher les litiges 912 . L’ « incohérence conceptuelle », ou « divergence de
jurisprudences », renverrait quant à elle à la dimension jurisprudentielle du pouvoir du juge,
autrement dit à son pouvoir de « faiseur de normes »913. Parmi les incohérences matérielles,
sont en outre distinguées les simples « contrariétés » qui sont des décisions susceptibles
d’exécutions simultanées et les décisions « inconciliables » qui ne le sont pas914. Dans ce

908
J. Rey-Debove et A. Rey, Le Petit Robert de la langue française, Le Robert 2016, 2880 p. Voir :
« Cohérence », p. 462.
909
A. Lalande, Vocabulaire technique et critiques de la philosophie, vol. 1, 8e éd., PUF 2010, coll.
Quadrige, 1376 p. Voir : « Cohérence ».
910
L’étude des travaux doctrinaux sur la question montre la multiplicité des conceptions de l’incohérence.
Voir notamment : D. Houtcieff, « Essai de maïeutique juridique : la mise au jour du principe de
cohérence », JCP 2009, I, 463, spéc. n° 5 – V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale
parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit. – J. Marotte,
L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et international, Thèse
Paris X (dactyl.) 2001 – A. Perdriau, « Des différentes sortes de contradictions qui sont susceptibles
d’entacher les jugements, de leur réparation ou de leur sanction », LPA 15 déc. 1999, p. 6.
911
J. Marotte, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et
international, op. cit., spéc. p. 194. Également en ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances
civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit.,
spéc. n° 31, p. 49.
912
J. Marotte, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et
international, op. cit., spéc. p. 194. Également en ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances
civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit.,
spéc. p. 88.
913
J. Marotte, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et
international, op. cit., spéc. p. 208. Également en ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances
civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit.,
spéc. p. 31.
914
Sur cette distinction, voir : J. Marotte, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé
interne, européen et international, op. cit., spéc. p. 208.

179
dernier cas, la contradiction ne provient pas d’une incompatibilité des vérifications
juridictionnelles, autrement dit des motifs, mais des effets substantiels915.
Ces distinctions permettent ensuite aux auteurs de déterminer les enjeux attachés à chaque
type d’incohérence916. En effet, tandis que les divergences de jurisprudences portent une
atteinte objective à l’unité de l’ordre juridique, à l’égalité devant la loi et à la sécurité
juridique 917 , les contradictions de décisions affectent directement l’ordonnancement
juridique918. Certains auteurs estiment d’ailleurs qu’il ne faut pas dramatiser le phénomène de
divergence de jurisprudences919. « La divergence de jurisprudence [serait] un symptôme
normal, bien qu’un peu irritant, du fonctionnement d’un système juridictionnel complexe et
souple. Il contribue[rait] finalement à l’équilibre dynamique de l’ordre juridique et, sans
doute, en un certain sens au progrès du droit »920. L’exigence de cohérence est au contraire
renforcée à l’égard des effets substantiels des jugements puisqu’il est alors porté atteinte à
l’unité de la justice et la crédibilité du discours judiciaire921.

124. Le risque mesuré d’une amplification des contradictions de décisions. En


permettant à plusieurs juridictions de statuer sur la même question à titre principal ou à titre
incident, la prorogation de compétence aux moyens de défense favorise la survenue de
contradictions de décisions. Le risque d’amplification de l’incohérence est en réalité limité à
l’ordre judiciaire privé. La règle de l’autorité du pénal sur le civil interdit en effet au juge civil

915
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 86.
916
Madame Valérie Wittmann consacre le second titre de la première partie de sa thèse à la détermination
des enjeux de la cohérence. Elle démontre que l’exigence de cohérence diffère selon qu’on est en présence
d’énonciations de portée normative ou seulement de vérifications juridictionnelles : V. Wittmann, Les
interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière
juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 223 et suiv.
917
Sur ce point, voir : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles –
Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 226. Les divergences de
jurisprudences renvoient à l’incohérence des « énonciations jurisprudentielles ».
918
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 223. Les contradictions de décisions renvoient à
l’incohérence des « vérifications juridictionnelles ».
919
A. Jeammaud, « L’ordre, une exigence du droit ? », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences
de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 15, spéc p. 26 : Il existe une part de
désordre irréductible dans l’ordre juridique qui « invite à aborder sans excessive dramatisation le
phénomène des divergences de jurisprudence ». Sur ce point, voir : infra, n° 146.
920
H. Croze, « Le traitement des divergences de jurisprudence (Les procédures de traitement et de
prévention) », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint
Étienne 2003, coll. Droit, p. 207, spéc. p. 221. Également en ce sens : E. Piwnica, « À propos des
divergences de jurisprudence en matière judiciaire », in Principes de justice : Mélanges en l’honneur de
Jean-François Burgelin, Dalloz 2008, p. 295.
921
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 249, p. 231.

180
de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif et prévient ainsi le risque de
contradictions de décisions922. Le risque d’amplification de l’incohérence est en outre contenu
dans l’ordre judiciaire privé. La prorogation de compétence aux demandes incidentes limite
en effet l’incohérence provenant de l’éclatement des litiges923. La généralisation de l’action de
groupe permet quant à elle de limiter l’incohérence provenant de la pluralité des acteurs
pouvant se prévaloir d’une violation du droit du travail924.

125. Le risque mesuré d’une amplification des divergences de jurisprudences.


Les prorogations de compétence aux moyens de défense ou aux demandes incidentes – en
permettant à plusieurs juridictions d’interpréter les mêmes dispositions – favorisent également
la survenue de divergences de jurisprudences. Le risque d’une amplification de l’incohérence
paraît cependant mesuré eu égard au rôle de la doctrine dans l’identification de ces
divergences et aux nombreux mécanismes rendant possible la mise en œuvre d’un véritable
dialogue des juges au sein de l’ordre judiciaire925. Parfois qualifiée « d’auberge espagnole,
généreuse et accueillante, mais dénuée de rigueur » 926 , cette notion présente l’intérêt
d’englober, sous un même terme, l’ensemble des marqueurs de coopération existant entre
plusieurs juges. Si certains s’offusquent d’un dialogue des juges sans communication, nous
admettons au contraire l’idée d’un « dialogue sans parole » pour témoigner du phénomène
d’attention porté par un juge à la jurisprudence d’un autre juge et par là même l’absence

922
Sur cette règle, voir notamment : V. Tellier, « En finir avec la primauté du criminel sur le civil ! », RSC
2009, p. 797 – P. Bonfils, « Propos hétérodoxes sur la primauté du criminel sur le civil », in V. Malabat, B.
De Lamy et M. Giacopelli (dir.), La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale : Opinio
doctorum, Dalloz 2009, coll. Thèmes et commentaires, p. 257 – J.-H. Robert, « L’autorité de la chose jugée
au pénal sur le civil », Procédures 2007, ét. n° 19, p. 42 – N. Valticos, L’autorité de la chose jugée au
criminel sur le civil, Sirey 1953, 463 p. – P. Hébraud, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil,
Sirey 1929, 510 p.
923
Sur l’éclatement des litiges, voir : supra, n° 112 et suiv.
924
La généralisation de l’action de groupe prévient la survenue des contentieux sériels et limite ainsi le
risque de contradictions de décisions, voir : supra, n° 122.
925
En ce sens : L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit., spéc. p. 397 :
« L’éclatement du contentieux peut être une plaie pour le droit du travail lorsque les juges s’ignorent, ne
s’écoutent pas ou même se contredisent. Il peut être une richesse lorsque les juges se parlent et construisent
ensemble des mécanismes juridiques qui, prenant leur source dans les différentes références dont font
application chacun d’entre eux, en sortent plus mûrs et plus forts ».
926
A. Raynouard, « Synthèse de la journée », in F. Lichère, L. Potvin-Solis et A. Raynouard (dir.), Le
dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ?, Bruylant 2004, coll. Droit et
Justice, p. 237. L’expression trouve son origine dans les conclusions rendues par le président Bruno
Genevois dans l’affaire Ministre de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit : « À l’échelon de la communauté
européenne, il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le
dialogue des juges ». CE, 22 déc. 1978, Ministre de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit : Rec. p. 524 ; D. 1979. Jur.
155, spéc. p. 161. Consulter également : Le dialogue des juges : Mélanges en l’honneur du président Bruno
Genevois, Dalloz 2009, 1166 p.

181
d’indifférence au droit des autres927. Le caractère institutionnalisé des rapports entre les
juridictions ne saurait davantage remettre en cause l’idée d’un dialogue 928 , et marque
seulement l’existence d’un dialogue encouragé929.

Plan.
Section 1. Un risque mesuré pour les contradictions de décisions
Section 2. Un risque mesuré pour les divergences de jurisprudences

Section 1. Un risque mesuré pour les contradictions de décisions

126. Une conception large des contradictions de décisions. Afin de mesurer le


risque réel d’une amplification de l’incohérence, il est nécessaire de prendre en compte la
totalité des contradictions susceptibles d’affecter les décisions de justice. Des contradictions
peuvent en premier lieu découler de demandes portant sur des faits matériellement
identiques930. Elles existent par exemple lorsque la commission d’une infraction par un salarié
constitue le motif de son licenciement931, ou encore lorsqu’un salarié invoque la commission

927
En ce sens : O. Dutheillet de Lamothe, « Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de
l’homme : un dialogue sans paroles », in Le dialogue des juges : Mélanges en l’honneur du président
Bruno Genevois, Dalloz 2009, p. 403.
928
Contra : J. Allard, « Le dialogue des juges dans la mondialisation », in Le dialogue des juges – Actes du
colloque organisé le 28 avril 2006 à l’Université libre de Bruxelles », Bruylant 2007, coll. Les cahiers de
l’Institut d’études sur la Justice, p. 77, spéc. p. 91 : « Mais la force comme la rationalité de ce dialogue
tiennent justement à ce caractère bricolé, informel, partiel, que toute récupération institutionnelle risquerait
de manquer ».
929
B. Stirn, « Le Conseil d’État et le dialogue des juges », in F. Lichère, L. Potvin-Solis et A. Raynouard
(dir.), Le dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ?, Bruylant 2004, coll.
Droit et Justice, p. 81.
930
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 66, p. 77 et suiv.
Cette dernière considère que lorsque les faits qui fondent les deux décisions sont matériellement identiques,
l’exigence d’une identité de fondement juridique n’est pas nécessaire. Elle ne rendrait en effet pas compte
de la « totalité des contradictions susceptibles d’affecter les décisions de justice » (spéc. p. 84).
931
L’éventuelle action de l’employeur devant la juridiction pénale et celle du salarié en contestation de son
licenciement devant le conseil de prud’hommes peuvent en effet donner lieu à des contrariétés de décisions
sur l’existence du fait incriminé ou encore sur la participation du prévenu au fait. Pour un exemple d’abus
de confiance d’un salarié, voir notamment : Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83.031 : Bull. crim. 2013, n°
145 ; JCP G 2013, 933, note S. Détraz. Certains auteurs estiment toutefois que les contradictions entre une
décision civile et pénale sont une vue de l’esprit : A. Chavanne, « Les effets du procès pénal sur le procès
engagé devant le tribunal civil », RSC 1954, p. 239.

182
d’une infraction au soutien de la justification d’une prise d’acte ou d’une demande de
résiliation judiciaire932.
Des contradictions peuvent en second lieu concerner des faits seulement semblables mais
donnant lieu à la résolution d’une question de droit identique933. De nombreux exemples
peuvent être donnés en droit du travail dans la mesure où celui-ci régit une relation
individuelle entre un employeur et un salarié, elle-même insérée dans une collectivité de
travail. De nombreuses mesures concernent ainsi l’ensemble de la collectivité de travail, ce
qui favorise les contentieux dit « sériels » 934. Confrontés à la même violation du droit du
travail, plusieurs salariés peuvent en effet soumettre « simultanément au juge des prétentions
identiques dirigées contre un même employeur » 935.

127. Un risque limité à l’ordre judiciaire privé. Permettre des prorogations de


compétence aux moyens de défense influe directement sur le risque d’incohérence judiciaire
dans la mesure où plusieurs juridictions sont amenées à statuer sur les mêmes faits ou les
mêmes questions de droit, que ce soit à titre principal ou à titre incident936. Le conseil de
prud’hommes et la juridiction pénale peuvent ainsi par exemple se prononcer sur le bénéfice
de la protection d’un salarié protégé titulaire d’un mandat extérieur, l’un pour statuer sur la
nullité du licenciement, l’autre pour caractériser un délit d’entrave au fonctionnement régulier
du comité d’établissement937. On peut également citer la question de la validité d’une clause
de non-concurrence qui peut être traitée par le conseil de prud’hommes mais également par le
tribunal de commerce dans le cadre d’une action en responsabilité pour concurrence
déloyale938.

932
On pourrait par exemple imaginer une condamnation au pénal pour délit de harcèlement moral dont se
prévaudrait un salarié devant le conseil de prud’hommes. Voir notamment : Cass. crim., 25 avr. 2017, n°
15-86.849, inédit.
933
Sur ce point, voir : J. Marotte, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé
interne, européen et international, op. cit., spéc. p. 63. Selon lui, des décisions peuvent être incompatibles
lorsque les faits présentent une telle similitude que « l’application par le juge de la règle de droit à chacun
d’entre eux n’a pas de raison d’être modifiée » et « qu’ils portent sur le même fondement juridique ».
934
Sur ces contentieux, voir notamment : Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un
tribunal prud’homal du XXIème siècle, op. cit., p. 55. Ce dernier se prononce en faveur d’une réforme du
traitement actuel de ce type de contentieux, qui passerait par la possibilité d’une action collective devant le
TGI (proposition n° 21), par le regroupement des dossiers posant des questions similaires (proposition n°
22) et par l’instauration d’une demande d’avis à la chambre sociale pour l’interprétation des conventions
collectives (proposition n° 23).
935
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 519, p. 481.
936
C’est d’ailleurs cet argument qui est avancé par les auteurs qui défendent la compétence exclusive. Sur
ce point, voir H. Sinay, « La compétence exclusive », op. cit., spéc. p. 35. Cette dernière expose au
contraire les inconvénients d’une expansion de l’exclusivité.
937
Voir : supra, n° 107.
938
Voir : supra, n° 108.

183
Ce risque de contradiction dépend en réalité toutefois de la question de savoir si un juge doit
tenir pour acquis ce qui a été décidé à l’occasion d’un autre procès939. L’autorité positive de la
chose jugée permet en effet d’assurer l’harmonisation des décisions de justice940. Or, si
l’autorité relative de la chose jugée domine le droit judiciaire privé, l’existence d’une autorité
positive du criminel sur le civil permet d’assurer la cohérence judiciaire entre les instances
civiles et pénales. Le risque d’amplification de l’incohérence est donc limité à l’ordre
judiciaire privé.

128. Un risque contenu dans l’ordre judiciaire privé. Le risque d’une


amplification de l’incohérence dans l’ordre judiciaire privé est en réalité contenu. L’extension
du domaine des prorogations de compétence prévient en effet la survenue d’autres types de
contradictions de décisions. Certaines contradictions sont en effet actuellement dues aux
obstacles à la prorogation de compétence aux demandes incidentes qui provoquent un
règlement éclaté de certains litiges941. D’autres résultent également de la pluralité d’acteurs
pouvant se prévaloir en justice de la même violation du droit du travail942. Comme nous
l’avons vu, plusieurs salariés peuvent en effet soumettre simultanément au juge des
prétentions identiques dirigées contre un même employeur. À ces actions parallèles réalisées
par les salariés, s’ajoutent en outre celles intentées par les syndicats qui, au-delà de leurs
propres intérêts, sont habilités à agir pour la défense d’un intérêt collectif943. La violation
d’une même règle – le repos dominical par exemple – peut ainsi être contestée en justice par
un ou plusieurs salariés mais également par les syndicats944. Or, sur ce point, l’introduction

939
Sur la notion d’autorité positive de chose jugée, voir notamment : Th. Le Bars, « Autorité positive et
négative de chose jugée », Procédures 2007, n° 8, p. 9 – J. Héron, « Localisation de l’autorité de la chose
jugée ou rejet de l’autorité positive de la chose jugée ? », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?
Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz 1996, p. 131 – D. Tomasin, Essai sur l’autorité de la chose
jugée en matière civile, LGDJ 1975, coll. Bibliothèque de Droit privé, t. 143, n° 227, p. 174. Certains
auteurs réfutent l’existence d’une telle autorité : G. Wiederkehr, « Autorité de chose jugée », in L. Cadiet
(dir.), Dictionnaire de la justice, PUF 2004, p. 85. Ce dernier évoque une confusion avec l’efficacité
substantielle du jugement.
940
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 15.4, p. 29. Cette dernière estime notamment que
« l’autorité positive de la chose jugée est le seul mécanisme qui assure véritablement la cohérence des
motifs entre jugements distincts » (n° 303, p. 281).
941
Sur l’éclatement des litiges, voir : supra, n° 112.
942
Sur la notion « d’acteur du droit du travail », voir : J.-C. Javillier, Droit du travail, LGDJ 1978, p. 89.
943
Voir : supra, n° 116. Voir également : I. Omarjee et L. Sinopoli (dir.), Les actions en justice au-delà de
l’intérêt personnel, Dalloz 2014, coll. Thèmes et commentaires – actes, p. 144.
944
Elle peut également être invoquée devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce par
un employeur à l’encontre d’un employeur concurrent qui méconnaîtrait le régime du repos dominical et
créerait ainsi une rupture d’égalité. Voir notamment : Cass. soc., 30 mai 2012, n° 10-25.349 : Bull. civ., V,
n° 162.

184
d’une action de groupe limitera certainement la survenue de ces contentieux sériels en
assurant le respect du droit du travail.

Plan.
Paragraphe 1. Un risque limité à l’ordre judiciaire privé
Paragraphe 2. Un risque contenu dans l’ordre judiciaire privé

§1. Un risque limité à l’ordre judiciaire privé

129. Un risque d’amplification de l’incohérence limité par l’autorité positive de


la chose jugée. Les prorogations de compétence peuvent être créatrices de contradictions de
décisions dans la mesure où plusieurs juridictions sont amenées, à titre principal ou à titre
incident, à se prononcer sur la même situation contentieuse ou sur la qualification d’un même
acte. Nous l’avons vu, la qualification d’un contrat de travail peut par exemple être discutée
devant le conseil de prud’hommes945, le tribunal d’instance946 ou le tribunal des affaires de la
sécurité sociale947. Ce risque d’amplification de l’incohérence judiciaire se concentre en
réalité dans l’ordre judiciaire privé. L’absence d’une autorité positive de la chose jugée dans
l’ordre judiciaire privé empêche en effet la prévention de l’incohérence entre les différents
motifs des décisions au civil948. À l’inverse, les contradictions de décisions sont prévenues
dans l’ordre judiciaire pénal par l’existence de la primauté du criminel sur le civil949.

945
La qualification de contrat de travail peut être discutée dans le cadre d’une exception d’incompétence.
Voir : supra, n° 91. Voir notamment : Cass. soc., 6 mai 2015, n° 13-27.535, inédit : D. 2015, 1105, obs. X.
Delpech.
946
Les syndicats sont recevables à saisir le tribunal d’instance d’une action en requalification d’un CDD en
CDI si cette requalification peut avoir une incidence sur le calcul des effectifs dans un cadre électoral :
Cass. soc., 17 déc. 2014, nos 14-13.712 et 14-60.511 : Bull. civ., V, n° 296.
947
La qualification d’un contrat de travail peut être discutée dans le cadre d’un contentieux en matière
d’affiliation aux régimes de sécurité sociale opposant l’Urssaf et l’employeur refusant de s’acquitter des
cotisations sociales ou opposant la CPAM et un travailleur se disant victime d’un accident du travail. Voir
notamment : Cass. civ. 2e, 7 juill. 2016, n° 15-16.110 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p. 859, obs.
J. Mouly.
948
Sur ce risque, voir : F. Kernaleguen, « Choses jugées entre elles (Variations sur une harmonie bien
tempérée) », in Justices et droit fondamentaux. Études offertes à Jacques Normand, LexisNexis 2003, p.
261. L’autorité du civil sur le civil est essentiellement négative et s’attache au dispositif. Sur cette notion,
voir notamment : P. Mayer, « Réflexions sur l’autorité négative de la chose jugée », in Mélanges dédiés à
la mémoire du Doyen Jacques Héron, LGDJ 2009, p. 331.
949
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 15.4, p. 29. Cette dernière estime notamment que
« l’autorité positive de la chose jugée est le seul mécanisme qui assure véritablement la cohérence des
motifs entre jugements distincts » (n° 303, p. 281).

185
Plan.
A. Une prévention restreinte dans l’ordre judiciaire privé
B. Une prévention renforcée entre le pénal et le civil

A. Une prévention restreinte dans l’ordre judiciaire privé

130. L’effet limité de l’autorité négative sur l’incohérence. Traditionnellement


analysée comme une présomption de vérité950, l’autorité négative de la chose jugée est
désormais présentée comme un obstacle au recommencement de l’action951. Elle renvoie en
effet à l’immutabilité de la décision en assurant que ce qui a été jugé ne peut l’être à
nouveau952. Si cette autorité n’a donc pas pour objectif de garantir la cohérence entre les
décisions de justice, elle participe toutefois à la prévention de l’incohérence dans la mesure où
elle empêche que le même litige soit jugé plusieurs fois953. Est ainsi irrecevable la demande
fondée sur le même objet et la même cause, entre les mêmes parties agissant en la même
qualité954. Alors que l’identité de parties ou d’objets ne pose pas réellement de difficultés,
l’identité de causes est plus délicate à appréhender955. En 2006, la Cour de cassation dans
l’arrêt Césaréo a consacré un « principe de concentration des moyens » obligeant le justiciable
à invoquer l’ensemble des moyens juridiques à l’appui de sa demande956. Ainsi, l’identité de
cause paraît désormais constituée dès lors que les faits invoqués au soutien de chaque

950
Pour une critique de cette analyse, voir : D. Tomasin, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière
civile, op. cit., spéc. n° 324.
951
C. Bouty, L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, op. cit., spéc. n° 605.
952
C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 268. Cet attribut permet en outre d’assurer
« la stabilité juridique des droits reconnus en justice » (spéc. n° 6).
953
Ph. Théry, « Les conflits de choses jugées », in L. Cadiet et D. Loriferne (dir.), L’autorité de la chose
jugée, IRJS 2012, coll. Bibliothèque de l’IRJS-André Tunc, t. 37, p. 79.
954
Article 122 du code de procédure civile et article 1355 du code civil. Sur l’autorité négative de la chose
jugée, voir : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 296. p. 273.
955
G. Wiederkehr, « Etendue de l’autorité de la chose jugée en matière civile : notion d’identité de cause »,
JCP G 2007, II, 10070.
956
Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 : Bull. Ass. Plén., n° 8 ; Procédures 2006, comm. n° 201 R.
Perrot ; JCP 2007, II, 10070, note G. Wiederkehr. Pour une synthèse des avantages et inconvénients de
cette jurisprudence, voir : C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 568. Conf. : Cass.
civ. 2e, 12 mars 2009, n° 08-11.925 : Bull. civ., II, n° 69 – Cass. civ. 1re, 12 mai 2016, n° 15-13.435 : Bull.
civ., V, à paraître.
Cet arrêt, qui oblige le demandeur à présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des
moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, a été étendu au défendeur en ce qui concerne ses moyens
de défense : Cass. com., 20 févr. 2007, n° 05-18.322 : Bull. civ., IV, n° 49 ; Procédures 2007, comm. n°
128 R. Perrot ; Dr. et patr. 2008, p. 98, obs. S. Amrani Mekki.

186
demande sont identiques957. C’est l’identité de litiges qui devient l’élément déterminant de la
recevabilité de la nouvelle demande et non plus l’identité de fondements juridiques958. La
question se pose également de savoir si l’autorité de la chose jugée se limite au dispositif ou
s’étend aux motifs qui en sont le soutien nécessaire959. Certains auteurs interprètent les
décisions de la Cour de cassation, qui dénient aux motifs une quelconque autorité, comme
s’opposant simplement à la reconnaissance d’une autorité positive de la chose jugée960. Selon
l’École de Caen, dénier toute autorité aux vérifications juridictionnelles reviendrait à
confondre l’autorité négative de la chose jugée, qui a son siège dans les motifs décisifs, et
l’effet substantiel du jugement qui concerne uniquement le dispositif961. La jurisprudence ne
semble toutefois pas souscrire à cette analyse. L’assemblée plénière a en effet retenu en 2009
une conception formaliste de l’autorité de la chose jugée dans une affaire relative à l’autorité
négative de la chose jugée et semble ainsi avoir condamné une fois pour toute la « thèse du
dispositif virtuel » 962. À l’heure actuelle, l’autorité ne semble donc pas s’étendre à ce qui n’a
pas été formellement exprimé dans le dispositif963.

957
Dès lors, lorsque la demande est fondée sur des faits différents, l’autorité de la chose jugée ne joue pas
et ce même si le demandeur invoque un moyen déjà soulevé dans la précédente instance. Voir : Cass. soc.,
9 juin 2017, n° 16-17.298 : Bull. civ., V, à paraître ; Dalloz act. 23 juin 2017, obs. M. Kebir.
958
Certains estiment à ce titre que la Cour de cassation a modifié le fondement de l’autorité négative de
chose jugée qui est désormais fondée sur l’idée « qu’un même différend ne saurait être soumis deux fois à
la justice, quels que soient par ailleurs les moyens de droit effectivement invoqués » : V. Wittmann, Les
interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière
juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 296.2, p. 274.
959
Sur ce débat, voir notamment : J. Normand, « L’étendue de la chose jugée au regard des motifs et du
dispositif », BICC 2005, hors-série n° 3, p. 13 – J. Héron, « Localisation de l’autorité de la chose jugée ou
rejet de l’autorité positive de la chose jugée ?, op. cit., spéc. p. 137 – H. Motulsky « Pour une délimitation
plus précise de l’autorité de la chose jugée en matière civile », D. 1968, chron. 1, p. 1, spéc. n° 22.
960
J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 378, p. 309 –
J. Héron, « Localisation de l’autorité de la chose jugée ou rejet de l’autorité positive de la chose jugée ? »,
op. cit. Les arrêts cités par les auteurs concernent effectivement l’autorité positive de la chose jugée. Voir
notamment : Cass. civ., 2e, 12 févr. 2004, n° 02-11.331 : Bull. civ., II, n° 55. Ces auteurs considèrent en ce
sens que l’article 480 du code de procédure civile – qui précise que « le jugement qui tranche dans son
dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-
recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la
contestation qu’il tranche » – interdirait seulement de prendre en compte les motifs décisoires pour
déterminer la nature définitive ou avant dire droit de la décision et ne viserait aucunement les motifs
décisifs.
961
Afin de ne pas confondre les deux, le Professeur Thierry Le Bars distingue la chose décidée de la chose
jugée : Th. Le Bars, « Autorité positive et autorité négative de chose jugée », op. cit., spéc. n° 4. Sur cette
distinction, consulter également la thèse suivante : C. Bléry, L’efficacité substantielle des jugements civils,
LGDJ 2000, coll. Bibliothèque de Droit privé, t. 328, 389 p.
962
Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033 : Bull. ass. plén. n° 3 ; D. 2009, p. 169, obs. N. Fricero ;
JCP 2009, II, 10077, note Y.-M. Serinet ; Procédures 2009, comm. n° 131 R. Perrot. Conf. Cass. civ. 2e,
22 mai 2014, n° 13-19.500, inédit : Gaz. Pal. 2014, n° 252, note L. Mayer. Sur la condamnation du
dispositif virtuel : Y.-M. Serinet, « Pour une détermination plus sûre de l’autorité de la chose jugée », JCP
G 2009, I, 10077, spéc. p. 27. Le dispositif est dit virtuel lorsque la décision est seulement impliquée par le
dispositif, autrement dit lorsqu’il faut « une explication pour l’en faire sortir » (expression empruntée par

187
Ceci étant rappelé, il convient toutefois de préciser que l’autorité négative de la chose jugée,
aussi extensive qu’elle pourrait être, ne saurait dans tous les cas prévenir les contradictions de
décisions provenant des prorogations de compétences. En l’absence de la « triple identité »,
c’est en effet l’autorité positive de la chose jugée qui se trouve ici en jeu.

131. L’absence d’une autorité positive généralisée du civil sur le civil. En dehors
du cas particulier de l’article 79 du code de procédure civile964, il n’existe aucune obligation
en droit judiciaire privé pesant sur le juge de se conformer à ce qui a été décidé devant une
autre juridiction comme un élément du présupposé de la règle de droit965. La rédaction même
de l’article 79 du code de procédure civile confirme la réticence à une généralisation de
l’autorité positive de la chose jugée puisque l’autorité positive est cantonnée au seul
dispositif 966 . Cette absence d’autorité positive généralisée fait courir le risque d’une
contrariété de décisions lorsque l’un des éléments de la triple identité de l’autorité fait défaut.
En droit du travail, il est par exemple envisageable qu’une juridiction reconnaisse
l’application d’une convention collective dans une action intentée par un salarié de
l’entreprise sans que cette décision ait autorité pour l’action d’autres salariés967. L’autorité
relative de la chose jugée peut ainsi conduire à « l’application de différentes conventions
collectives au sein d’une même entreprise »968.
Malgré ce risque de contradiction, la généralisation de l’autorité positive de la chose jugée
n’apparaît pas souhaitable. Elle peut en effet se transformer en véritable piège pour le plaideur

Y.-M. Serinet au Doyen Jean Carbonnier : J. Carbonnier, Droit civil, t. IV Les obligations, PUF 1994, coll.
Thémis, n° 34, p. 76).
963
En ce sens : Y. Strickler, « La localisation de l’autorité de la chose jugée », in L. Cadiet et D. Loriferne
(dir.), L’autorité de la chose jugée, IRJS 2012, coll. Bibliothèque de l’IRJS-André Tunc, t. 37, p. 37, spéc.
p. 47. Également en ce sens : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 724, p. 623.
964
Ancien article 95 du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. Sur
cette exception, voir : J. Ghestin, « L’autorité de chose jugée des motifs ayant tranché une question de fond
dont dépendait la compétence », in Justices et droit fondamentaux. Études offertes à Jacques Normand,
LexisNexis 2003, p. 199.
965
Nous renvoyons ici aux travaux du Professeur Henry Motulsky : H. Motulsky, Principes d’une
réalisation méthodique du droit privé. La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz
2002, coll. La bibliothèque Dalloz, spéc. p. 18. Selon lui, la règle de droit se compose d’une part d’un
présupposé, c’est-à-dire de l’ensemble des conditions d’application de la règle et d’autre part de la
conséquence juridique que lui attache la loi.
966
Cet article consacre en réalité la jurisprudence de la Cour de cassation qui exigeait que la décision,
rendue sur la compétence en vertu de l’ancien article 95 du code de procédure civile, ait été tranchée dans
le dispositif pour avoir également autorité de la chose jugée sur la question de fond dont dépend la
compétence. Voir notamment : Cass. civ. 3e, 22 mars 2006, n° 05-12.178 : Bull. civ., III, n° 80 ;
Procédures 2006, n° 93, obs. R. Perrot – Cass. civ. 2e, 24 mai 2007, n° 05-21.732 : Bull. civ., II, n° 130 ;
RTD civ. 2007, p. 630, obs. Ph. Théry.
967
C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 623.
968
Également en ce sens : ibid.

188
qui se voit opposer un motif issu d’un procès précédent, soit qu’il n’a pu contester dans le
cadre d’un recours car le dispositif lui était favorable, soit qu’il n’a pas voulu contester par
crainte d’une condamnation plus lourde969. Il faut en outre avoir à l’esprit que certaines
contradictions s’expliquent par la mise en œuvre de stratégies différentes par les plaideurs. On
peut, à ce titre, prendre l’exemple du contentieux de la requalification d’un contrat de travail à
durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Si les syndicats ont un intérêt à la
requalification dans le cadre d’un contentieux sur le calcul des effectifs de l’entreprise devant
le tribunal d’instance970, un salarié n’a pas toujours intérêt à demander cette requalification en
cas de rupture anticipée du contrat à durée déterminée par l’employeur. L’indemnisation de la
rupture anticipée d’un contrat à durée indéterminée peut en effet s’avérer plus avantageuse
pour le salarié que celle d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse971.
Sans aller jusqu’à la généralisation de l’autorité positive de la chose jugée qui présente les
inconvénients précédemment évoqués, il semble toutefois utile de la reconnaître lorsque le
litige oppose les mêmes parties et concerne un contrat à exécution successive comme le
contrat de travail. Ainsi, lorsque la situation professionnelle d’un salarié n’a pas changé entre
deux procès, la question de la qualification professionnelle de l’intéressé traitée dans le cadre
d’un premier contentieux, notamment sur un rappel de salaires, devrait s’imposer au même
juge saisi d’une seconde demande de rappel de salaires pour une autre période972. Cette
reconnaissance permettrait en effet d’accélérer le cours de la justice et d’éviter des
incohérences judiciaires.

B. Une prévention renforcée entre le pénal et le civil

132. La prévention de l’incohérence parmi les multiples fondements avancés de


la primauté du pénal. La supériorité des jugements répressifs est traditionnellement alléguée

969
Sur ce piège, voir : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis
Domat, n° 369, p. 300.
970
Cass. soc., 17 déc. 2014, nos 14-13.712 et 14-60.511 : Bull. civ., V, n° 296.
971
Rappelons que l’indemnité due par un employeur en cas de rupture anticipée d’un contrat à durée
déterminée est au moins égale aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat
(article L. 1243-4 du code du travail). Jusqu’à présent, une telle réparation forfaitaire minimale n’existait
pas pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté ou
travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés (ancien article L. 1235-5 du code du travail).
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des
relations vient d’introduire une indemnité minimale au moins égale à un mois de salaire pour les salariés
ayant plus d’un an d’ancienneté. Sur ce point, se reporter au tableau figurant à l’article L. 1235-3 du code
du travail. L’absence de réparation forfaitaire persiste toutefois pour les salariés ayant moins d’un an
d’ancienneté.
972
J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 369, p. 300.

189
comme fondement de la règle de l’autorité du pénal sur le civil973. À la mise en jeu de l’intérêt
général par l’action publique, s’ajouterait en effet la supériorité technique du procès pénal
dans la recherche de la vérité974. Pour d’autres, c’est « la crainte de ruiner le crédit de la
justice pénale, aux yeux des parties à la procédure, ainsi qu’à ceux de l’opinion publique » qui
justifierait cette autorité 975 . Certains invoquent au contraire la volonté d’éviter les
contradictions de décisions – et non plus la prééminence des décisions pénales – pour justifier
l’existence de cette autorité et de la règle selon laquelle le criminel tient le civil en
l’état976.
Quel que soit le fondement retenu, force est de constater que cette autorité positive de chose
jugée a effectivement pour conséquence de prévenir l’incohérence entre le pénal et le civil977.
Le juge civil doit en effet tenir pour acquises les énonciations de nature pénale, certaines et
nécessaires, statuant sur l’action publique sur des faits identiques et formant le soutien de la
décision pénale.

133. L’existence de brèches dans la prévention de l’incohérence. S’il découle de


cette autorité une exigence renforcée de cohérence entre les vérifications juridictionnelles de
973
Sur la « prééminence des décisions pénales », voir : V. Wittmann, Les interférences entre instances
civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit.,
spéc. n° 26.1, p. 43 – J.-H. Robert, « L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil », op. cit.. Pour une
critique de ce fondement, voir : A. Botton, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal
sur le civil, LGDJ 2010, coll. Bibliothèque des sciences criminelles, t. 49, spéc. n° 128, p. 96.
974
En ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 351, p. 331. Même si elle reconnaît un
rapprochement entre procédure civile et pénale (spéc. p. 372 et suiv.), cette dernière démontre le maintien
de la prépondérance de l’intérêt général dans le procès pénal (spéc. p. 344 et suiv.) ainsi que la supériorité
technique du procès pénal dans la recherche de la vérité.
Sur le rapprochement entre les procès pénal et civil, voir notamment : É. Verges, « Procès civil, procès
pénal : différents et pourtant si semblables », D. 2007, chron. p. 1441 – L. Cadiet, « Et les principes
directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes directeurs du procès », in Justices et
droit fondamentaux : Études offertes à Jacques Normand, LexisNexis 2003, p. 71 – X. Pin, « La
privatisation du procès pénal », RSC 2002, p. 245.
975
C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 642.
976
Pour une approche renouvelée de la primauté du pénal sur le civil non pas fondée sur la question de la
prééminence des décisions pénales mais sur la notion de cohérence en matière juridictionnelle, voir : A.
Botton, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, LGDJ 2010, coll.
Bibliothèque des sciences criminelles, t. 49, 338 p. Dans cette thèse, le Professeur Antoine Botton repousse
l’idée d’une supériorité du pénal sur le civil et va même jusqu’à considérer que l’autorité devrait être duale.
Le juge pénal pourrait être tenu par les énonciations du juge civil sous réserve du respect de la présomption
d’innocence. Cette autorité devrait être subordonnée à la participation des parties au procès pénal.
977
En ce sens : M.-F. Mazars, « Réflexions sur la dispersion des contentieux pénal et civil », op. cit., spéc.
p. 400. Celle-ci considère que le risque de divergence et de désordre est peu élevé en droit du travail entre
les juridictions civiles et pénales en raison de l’autorité absolue de la chose jugée qui interdit au juge civil
de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif. Sur la qualification d’autorité positive de la chose
jugée voir : A. Botton, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, op. cit.,
spéc. n° 82, p. 62 – Th. Le Bars, « Autorité positive et autorité négative de chose jugée », op. cit., spéc. n°
13.

190
jugements distincts, par comparaison aux rapports au sein de l’ordre judiciaire privé, son
périmètre n’est pas illimité. La règle de l’autorité du pénal sur le civil joue, en effet,
uniquement dans un sens puisque le juge pénal ne s’estime pas lié par les décisions rendues en
matière civile978. Des risques de contradictions résultent en outre du caractère d’ordre privé de
la règle de l’autorité du pénal et du resserrement du champ du sursis à statuer. L’autorité du
pénal sur le civil n’est ainsi pas en mesure de prévenir l’ensemble des risques de
contradiction.

Plan.
1. L’existence d’une autorité positive du criminel sur le civil
2. L’existence de brèches dans la prévention de l’incohérence

1. L’existence d’une autorité positive du criminel sur le civil

134. L’existence d’une véritable autorité positive de chose jugée. D’origine


jurisprudentielle979, la règle de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil signifie
positivement que le juge civil doit tenir pour acquises les constatations de nature pénale,
certaines et nécessaires, contenues dans une décision pénale définitive et irrévocable et qui en
sont le soutien nécessaire. Si nous renvoyons aux travaux doctrinaux pour une présentation
approfondie des conditions de cette autorité, les principaux traits de ces dernières doivent dès
à présent être dressés980.
L’autorité ne concerne que les décisions pénales françaises, définitives et irrévocables981, et
qui tranchent au fond l’action publique 982 . Dans ces décisions, seules s’imposent les
« constatations opérées par le juge répressif de façon certaine et qui représentent le soutien

978
Sur l’autonomie du juge pénal à l’égard des constatations des juges civils, voir notamment : V.
Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 708, p. 616. – P. Bonfils, « L’autonomie du juge
pénal », in Les droits et le Droit : Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz 2007, p. 47.
979
Cass. civ., 7 mars 1855, Quertier : S. 1855, 1, p. 439.
980
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 683, p. 597.
981
Voir : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 695, p. 606 – C. Bouty,
L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, op. cit., spéc. n° 841, p. 451.
982
Sont dès lors exclues les décisions des juridictions d’instruction (Cass. ch. mixte, 10 oct. 2008, n° 04-
16.174 : Bull. ch. mixte, n° 2 ; JCP 2008, II, 10199, note J. Walther), les décisions de classement sans suite
du parquet (Cass. crim., 5 déc. 1972, n° 72-92.579 : Bull. crim. n° 375), le rappel à la loi du procureur
(Cass. soc., 21 mai 2008, n° 06-44.948 : Bull. civ., V, n° 107 ; JCP S 2008, II, 1371, note I. Beyneix), les
ordonnances de validation des compositions pénales (Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 07-44.718 : Bull. civ., V,
n° 1 ; JCP S 2009, II, 1155, note T. Lahalle).

191
nécessaire de la décision pénale »983. La Cour de cassation estime en effet que l’autorité de la
chose jugée ne s’attache qu’à ce qui a été jugé par la juridiction répressive quant à l’existence
du fait incriminé, sa qualification, la participation du prévenu au fait, la culpabilité ou
l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé984. Notons ainsi l’impossibilité de contredire
l’existence de l’infraction, sa qualification et la culpabilité du condamné en cas de
condamnation et l’impossibilité de déclarer existant un fait matériel, ou d’affirmer que
l’acquitté a participé à l’infraction en cas d’acquittement ou de relaxe.
Les « constatations de nature pénale » englobent les questions civiles que le juge pénal résout
de manière préalable. La qualification de contrat de travail dans des poursuites pour abus de
confiance985, ou encore la qualification de licenciement pour motif économique dans une
poursuite pour délit d’entrave986, ont ainsi autorité et s’imposent au juge civil. Le conseil de
prud’hommes ne peut davantage retenir comme cause réelle et sérieuse de licenciement des
faits que le juge pénal a écarté comme non établis987. Dans cette hypothèse, l’autorité dépend
toutefois de la formulation de la lettre de licenciement et plus précisément du fait de savoir si
les parties ont souhaité faire de la qualification pénale un élément de présupposé de la règle de
justification du licenciement988. En pratique, il est d’ailleurs parfois conseillé à l’employeur
de ne pas se référer expressément à la qualification pénale dans la lettre de licenciement afin
d’échapper à l’autorité du pénal sur le civil989. Le juge civil retrouve toutefois une certaine
liberté à l’égard des constatations du juge pénal avec le phénomène de « dissociation des
concepts civils et répressifs »990. La diversification des sources de la responsabilité civile et la
dissociation entre la faute pénale non intentionnelle et la faute civile ont, en effet, eu pour

983
Pour des illustrations jurisprudentielles, voir notamment : V. Wittmann, Les interférences entre
instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle,
op. cit., p. 618.
984
Voir notamment : Cass. com., 9 févr. 2010, n° 09-10.388, inédit – Cass. civ. 2e., 18 avr. 2007, n° 07-
60.188, inédit.
985
Cass. soc., 27 sept. 2006, n° 05-40.208 : Bull. civ., V, n° 292. Sous l’empire de l’ancien code pénal, la
remise devait être intervenue en vertu de l’un des six contrats limitativement visés par l’article 408. Tel
n’est plus le cas aujourd’hui : Ph. Conte, Droit pénal spécial, 5e éd., LexisNexis 2016, n° 550, p. 400. Si le
juge pénal, pour caractériser l’abus de confiance, relève malgré tout un lien de subordination existant entre
le prévenu et la partie civile, cette constatation entre dans le champ de la chose jugée. Le constat de
l’existence du lien de subordination et, partant, du contrat de travail sur lequel repose l’abus de confiance
s’impose ainsi au juge civil.
986
Cass. soc., 13 juill. 1988, n° 85-43.773 : Bull. civ., V, n° 448.
987
Cass. soc., 12 mai 2010, n° 09-40.933, inédit.
988
En ce sens, V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 179, p. 167.
989
F. Duquesne « Autorité de la chose jugée : plusieurs qualifications valent mieux qu’une – Note sous soc.
5 juill. 2006 », SSL 25 sept. 2006, p. 10.
990
Sur ce mouvement de dissociation et l’atténuation des effets de la primauté du criminel sur le civil en
découlant, voir : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 451 et suiv., puis p. 495 et suiv.

192
conséquence de réduire le périmètre des constatations du juge pénal ayant autorité de la chose
jugée991.

135. Regard critique sur cette autorité. Si cette autorité permet d’assurer une
prévention de l’incohérence, elle n’en est pas moins critiquable et d’ailleurs vivement
critiquée par une partie de la doctrine qui propose des alternatives. Certains suggèrent
l’abandon de l’autorité du criminel sur le civil, quand d’autres souhaitent conférer une autorité
à la décision intervenue en premier, qu’elle soit civile ou pénale992. Accorder une autorité à la
décision civile poserait toutefois le problème de l’atteinte à la présomption d’innocence en
établissant une sorte de présomption de culpabilité993. On pourrait envisager d’accorder aux
énonciations pénales une valeur de présomption simple 994. Cette proposition permettrait
d’assurer un compromis entre recherche de vérité et de cohérence en évitant qu’une erreur au
pénal ne s’impose dans une instance au civil, tout en prévenant la survenue de contrariétés de
décisions. Rappelons en effet que « la chose jugée n’est pas la vérité mais une vérité en ce
que ce qui a été jugé (…) est revêtu d’une autorité qui lui confère la force de la vérité par
présomption de la loi »995.

2. L’existence de brèches dans la prévention de l’incohérence

136. Le caractère d’ordre privé de l’autorité. Le moyen tiré de l’autorité du pénal


sur le civil présente un caractère d’ordre privé. La Cour de cassation refuse en effet que le
moyen tiré de l’autorité du pénal sur le civil soit relevé d’office par le juge. Cette position
jurisprudentielle se justifierait par une raison pratique, le juge civil ne disposant « ni du
temps, ni des moyens lui permettant de rechercher l’existence d’une procédure pénale en

991
Voir notamment : É. Fortis, « Les conséquences de la loi du 10 juillet 2000 en droit pénal », RSC 2001,
p. 737 – P. Jourdain, « Les conséquences de la loi du 10 juillet 2000 en droit civil », RSC 2001, p. 748 – G.
Viney, « La nouvelle définition des délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000. Conclusion », RSC
2001, p. 764.
992
Voir notamment : L. Miniato, « La jurisprudence contre la loi. Vers une interprétation (encore) trop
audacieuse de l’article 4 du code de procédure pénale », LPA 24 juill. 2008, n° 148, p. 7.
993
Sur une telle réserve, voir : A. Botton, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal
sur le civil, op. cit., spéc. n° 258, p. 181.
994
En ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 464, p. 434 et n° 857, p. 741 – V.
Tellier, « En finir avec la primauté du criminel sur le civil ! », op. cit., spéc. p. 815. Cette proposition avait
été formulée par le Professeur Stephani en 1955 : G. Stefani, « Les effets du procès pénal sur le procès
engagé devant le tribunal civil », RIDP 1955, p. 473, spéc. p. 501.
995
J.-P. Dintilhac, « La vérité de la chose jugée », in Rapport annuel de la Cour de cassation « La vérité »
2004, p. 57. Sur ce point, voir également : C. Bouty, L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, op.
cit., spéc. n° 15, p. 20.

193
cours ou d’une décision pénale antérieure »996. Si une telle objection est convaincante pour
refuser d’imposer le relevé d’office, elle ne justifie aucunement le refus de consacrer un
relevé d’office facultatif. À l’heure actuelle, cette fin de non-recevoir peut être soulevée
uniquement par les parties997 et ne peut être proposée pour la première fois devant la Cour de
cassation998. Lorsque les parties ne se prévalent pas de cette autorité, le risque de contrariété
de décisions existe ainsi entre le pénal et le civil.

137. La restriction du périmètre du sursis à statuer obligatoire. Le champ


d’application de la règle du sursis à statuer a été considérablement réduit par la loi du 5 mars
2007999. Le pénal ne tient en effet le civil en l’état que dans des cas limités. Si ce resserrement
permet d’éviter les manœuvres dilatoires des plaideurs 1000 , il provoque des risques de
contradictions de décisions. La règle du sursis augmente en effet « les cas d’applicabilité de la
théorie de la primauté du criminel sur le civil », en évitant que le juge civil ne statue avant le
juge pénal1001. Le sursis obligatoire ne concerne désormais plus que l’action civile stricto
sensu, autrement dit l’action en réparation du dommage résultant de l’infraction1002. Au
contraire, le sursis est devenu facultatif pour les actions à fin civile qui peuvent être définies
comme « les actions portées devant le juge civil, dont l’objet n’est pas la réparation des
dommages résultant de l’infraction mais qui entretiennent un lien avec une infraction pénale
avérée ou alléguée »1003. Positivement, les actions à fin civile ont pour objet de « tirer
certaines conséquences civiles d’une situation que cette infraction a manifestée ou de ramener

996
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 739, p. 645. Également en ce sens : A. Botton,
Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, op. cit., spéc. n° 443, p. 310.
997
Cass. civ. 2e, 20 janv. 1971, n° 69-13.827 : Bull. civ., II, n° 18.
998
Cass. civ. 2e, 10 juill. 2003, n° 99-21.565, inédit.
999
Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.
Voir notamment : J. Pradel, « Les suites législatives de l’affaire d’Outreau. A propos de la loi n° 2007-291
du 5 mars 2007 », JCP 2008, I, 138 – É. Mathias, « Action pénale privée : cent ans de sollicitude. À propos
de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale », Procédures 2007, ét. 6, p.
6.
1000
N. Farzam-Rochon, « Réforme de la procédure pénale et contentieux prud’homal », SSL 2007, n° 1315,
p. 2. La réforme du sursis à statuer n’était, selon elle, pas nécessaire dans la mesure où la restriction du
domaine de la constitution de partie civile permettait d’éviter suffisamment les pratiques dilatoires.
Toutefois sur l’existence de pratiques dilatoires avant la restriction du sursis obligatoire, voir : B.
Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du contrat de travail, op. cit., spéc. p. 69.
1001
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 7.3, p. 21.
1002
Article 4, alinéa 2 du code de procédure pénale. Un sursis obligatoire est également prévu à l’article
312 du code de procédure civile en matière d’inscription incidente de faux contre un acte authentique.
1003
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. note 26, p. 12.

194
à exécution un droit que l’infraction a pu troubler »1004. Le sursis n’est plus obligatoire même
lorsque l’action publique pendante devant le juge pénal est susceptible d’avoir une influence
sur la solution du litige civil1005. Dans cette dernière hypothèse, rappelons toutefois que le
juge a la faculté d’accepter de surseoir à statuer, si les plaideurs en formulent la demande,
dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice1006. Le sursis relève alors du pouvoir
souverain des juges du fond1007.
L’autorité du pénal sur le civil ne permet donc pas de prévenir l’ensemble des risques
d’incohérence en droit du travail. Le risque de contrariété est ainsi présent si l’autorité n’est
pas soulevée par les parties ou si le juge civil se prononce avant le juge pénal, ce qui est
probable en raison du caractère facultatif du sursis à statuer pour les actions à fin civile. Un tel
risque existe également au sein même de la juridiction pénale dans la mesure où lorsque
l’action civile est réalisée au pénal et qu’il y a appel du jugement sur les seuls intérêts civils,
le juge pénal peut se prononcer sur l’existence de l’infraction avec le risque de contradiction
en résultant1008. Afin de supprimer le risque de contradictions de décisions entre le pénal et le
civil en droit du travail, on pourrait envisager d’attribuer le jugement des affaires pénales en
droit du travail au conseil de prud’hommes1009. Ce transfert de compétences aboutirait en
réalité à une nouvelle dispersion du contentieux. Comme le soulignent certains
commentateurs relativement à la Belgique, mais l’observation est transposable au cas
français, « attribuer le jugement des affaires pénales au tribunal du travail poserait toutes
sortes de difficultés (…) à savoir l’impossibilité d’énoncer une règle de compétence simple
dans les cas où l’infraction sociale est liée à d’autres infractions, ce qui est le cas dans la
majorité des affaires (…). En cas de concours ou de connexité, il faudrait donc, soit

1004
R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., t. 2 : Procédure pénale, Cujas 2001, spéc. n° 134,
p. 168.
1005
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 680 et suiv. Cette dernière estime que seule la
célérité de la procédure pénale a justifié une telle réforme et qu’aucune réflexion sur les conséquences de
cet abandon sur la cohérence des choses jugées n’a été menée.
1006
Sur l’application par les cours d’appel du sursis à statuer entre 2007 et 2010, voir l’étude réalisée par
Madame Valérie Wittmann en annexe de sa thèse. Grâce aux bases de données informatiques Jurica,
Jurisdata et Legifrance, cette dernière a analysé la motivation retenue par les cours d’appel à l’appui du
prononcé d’un sursis ou d’un refus de surseoir. Elle conclut à une utilisation mesurée par les juges du fond
de la faculté de ne pas surseoir et estime que ces derniers se soucient de la cohérence des choses jugées tout
en prêtant attention aux manœuvres dilatoires. V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et
pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 771.
1007
Sur ce pouvoir, voir : J. Buffet, « Le contrôle de la Cour de cassation et le pouvoir souverain », in N.
Molfessis (dir.), La Cour de cassation et l’élaboration du droit, Économica 2004, p. 113.
1008
Article 497-3 du code de procédure pénale.
1009
Cette proposition s’inspire de la création d’une chambre de la presse au tribunal de grande instance de
Paris. Sur cette création, voir : N. Bonnal, « Un exemple de spécialisation : la chambre de la presse du
tribunal de grande instance de Paris », op. cit.

195
saucissonner le procès, ce qui n’est pas souhaitable, soit l’attribuer au tribunal correctionnel,
ce qui replace au point de départ » 1010. Une telle proposition serait en outre créatrice
d’incertitudes quant à la délimitation de la compétence du conseil de prud’hommes. Faudrait-
il lui attribuer l’ensemble des infractions du droit pénal du travail ou seulement les infractions
pour lesquelles l’inspection a le pouvoir de dresser procès-verbal ? Qu’en serait-il de la
poursuite des infractions commises par des salariés ?

§2. Un risque contenu dans l’ordre judiciaire privé

138. La prévention de certaines contradictions. Si les prorogations de


compétence aux moyens de défense favorisent les contradictions de décisions dans l’ordre
judiciaire privé, le risque d’amplification de l’incohérence s’avère toutefois contenu.
L’extension du domaine des prorogations de compétence portant sur les demandes incidentes
permet en effet – comme nous l’avons vu – de prévenir les contradictions résultant de
l’éclatement actuel de certains litiges1011.
La généralisation de l’action de groupe limite quant à elle les contradictions de décisions
provenant de la pluralité d’acteurs pouvant se prévaloir d’une violation du droit du travail1012.
Les mécanismes d’unification du contentieux ne permettent en effet d’appréhender les
contentieux sériels que de manière imparfaite. Il en résulte des saisines multiples qui sont une
« cause de déperdition d’énergies et d’inefficacité, ainsi qu’une manifestation de l’insécurité
juridique souvent dénoncée en droit du travail » 1013 . En assurant la cessation des
manquements et la régularisation de la situation des victimes du manquement, l’action de
groupe limite ainsi la survenance de ces contentieux sériels et des contradictions de décisions
y étant attachées1014.

1010
P. Palsterman, « Les juridictions du travail et la réforme de la Justice », Courrier hebdomadaire du
CRISP 2000, n° 1666-1667, p. 1, spéc. n° 112 et suiv.
1011
Sur l’unification rendue possible du contentieux de l’invention, de la clause de non-concurrence ou
encore de la mise en jeu de la responsabilité d’un tiers par un salarié, voir : supra, n° 118 et suiv.
1012
Voir notamment : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 519, p. 481.
1013
Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle,
op. cit., p. 56. Ce dernier propose à ce titre un regroupement des dossiers posant des questions similaires (p.
58).
1014
La Cour de cassation, dans son rapport annuel de 1979, avait d’ailleurs considéré que l’action des
syndicats devant le tribunal de grande instance permettait d’éviter « une cascade de réclamations
individuelles ». Sur ce point, voir : B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du
contrat de travail, op. cit., p. 76.

196
139. La suppression des éventuelles inconciliabilités. Le risque d’amplification
des contradictions de décisions s’avère également contenu dans la mesure où des techniques
procédurales permettent de résoudre a posteriori certaines d’entre elles. On vise ici le pourvoi
de l’article 618 du code de procédure civile qui donne la possibilité à la Cour de cassation
d’annuler une décision ou, s’il y a lieu, deux décisions, lorsqu’elle constate leur
inconciliabilité1015. L’incohérence est ainsi combattue en droit positif lorsqu’elle affecte les
effets substantiels des jugements1016. Une telle restriction s’avère tout à fait justifiée au regard
de l’arbitrage nécessaire entre la cohérence judiciaire et la recherche de sécurité juridique qui
s’oppose à ce qu’une décision de justice puisse indéfiniment être remise en cause1017.

Plan.
A. La prévention des contradictions provenant des contentieux dit « sériels »
B. La suppression des éventuelles inconciliabilités

A. La prévention des contradictions provenant des contentieux dits « sériels »

140. Le recours à la technique de la connexité pour les contentieux dits


« sériels ». Afin de pallier le risque de contradictions résultant des contentieux dits « sériels »,
on pourrait recourir au mécanisme de la connexité1018. Celui-ci permet en effet de joindre des
instances introduites devant la même juridiction ou devant des juridictions différentes
lorsqu’il apparait opportun de les juger ensemble en raison du lien qui les unit 1019. Il est à ce
titre exigé que « les instances présentent entre elles une corrélation telle que la solution de
l’une doive nécessairement influer sur la solution de l’autre, de telle sorte que si elles étaient
jugées séparément, il risquerait d’en résulter une contrariété de décisions »1020. L’exigence

1015
On aurait également pu citer le pourvoi de l’article 617 du code de procédure civile qui permet
l’annulation d’une décision intervenue en second lieu lorsque la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la
chose jugée a été vainement opposée devant les juges du fond. Si ce mécanisme peut avoir pour effet de
résoudre une incohérence judiciaire, la contrariété de décisions ne constitue toutefois pas une condition du
pourvoi de l’article 617 du code de procédure civile.
1016
Pour certains, c’est d’ailleurs « moins l’incohérence que l’impossibilité matérielle qui est
sanctionnée » : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 201, p. 234.
1017
Sur cet arbitrage, voir : C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 245.
1018
Sur le recours à la connexité en présence d’actions groupées, voir : A. Supiot, Les juridictions du
travail, op. cit., n° 703, p. 648. Sur la notion de connexité, voir : H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire
privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 540 et suiv., p. 588.
1019
Article 101 du code de procédure civile.
1020
L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 295, p. 246. Voir la jurisprudence citée : CA
Paris, 30 mars 1994 : JurisData n° 1994-021986.

197
d’un lien entre les affaires n’implique toutefois pas nécessairement une identité de parties et
celui-ci peut seulement tenir à la similarité des faits à l’origine du litige1021.
Si en reconstituant l’unité du procès, la connexité apparaît donc comme un outil de prévention
de l’incohérence judiciaire 1022 , l’étude du mécanisme de la jonction d’instances et de
l’exception de connexité révèle cependant leurs inadaptations au phénomène des contentieux
dits « sériels » en droit du travail.

141. La dispersion territoriale comme limite à la jonction d’instances. Lorsque


deux affaires connexes sont portées devant des formations différentes d’une même juridiction,
le président de cette juridiction peut ordonner leur réunion par une simple mesure
d’administration judiciaire1023. Les dispositions de l’article 367 du code de procédure civile
permettent également au juge, « à la demande des parties ou d’office, [d’]ordonner la jonction
de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de
l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble »1024. Le code du travail
prévoit en outre une telle jonction à l’égard des instances portant sur la contestation du motif
économique d’un licenciement collectif. En effet, lorsqu’au cours d’une séance de
conciliation et d’orientation, une section du conseil de prud’hommes est saisie par plusieurs

1021
En ce sens, voir : C. Tirvaudey-Bourdin, « Compétence – Exceptions de litispendance et de
connexité », J.-Cl. Procédure civile 2015, fasc. 213-2, spéc. n° 38.
La connexité se distingue, à ce titre, de la litispendance qui renvoie directement à la notion d’autorité de la
chose jugée. Il y a en effet litispendance « lorsque la demande formée en second aurait été déclarée
irrecevable, en raison de l’autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait l’objet
d’un jugement » (articles 100 et 102 du code de procédure civile). Si certains s’interrogent sur une
reconnaissance possible de la litispendance entre deux affaires présentant une identité de matière litigieuse
seulement partielle, le droit positif exige pour l’instant d’être en présence de deux instances présentant une
triple identité de parties, de cause et d’objet (sur la question d’une possible transposition en droit interne de
l’admission par la CJUE de l’identité partielle de la matière litigieuse, voir : J. Héron et Th. Le Bars, Droit
judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1066, p. 838).
En obligeant la deuxième juridiction saisie chronologiquement à se dessaisir si les juridictions sont de
même degré ou la juridiction de degré inférieur dans le cas contraire, la litispendance a pour effet d’éviter
que deux juridictions ne statuent sur la même affaire et le cas échéant ne se contredisent. Sur ce point, voir
notamment : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n°
1065, p. 837 – L. Cadiet, « Litispendance », Rép. proc. civ., Dalloz 2010.
1022
En ce sens, voir : Ph. Théry, « Les conflits de choses jugées », op. cit., p. 77. Ce dernier présente la
connexité comme une technique permettant d’éviter des conflits de choses jugées.
1023
Article 107 du code de procédure civile.
1024
Sur la jonction d’instances, voir : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 666, p. 583.
Attention, cette jonction n’est qu’une faculté pour le juge : Cass. soc., 20 mars 1990, n° 87-41.992 : Bull.
civ., V, n° 128. Voir également : CA Paris 7 juin 2001 : RJDA 01/02, p. 3, note Ch. Cutajar. Dans cette
affaire relative à une franchise hôtelière, plusieurs actions en requalification d’un contrat de gérance en
contrat de travail avaient été intentées contre la même société. La jonction des instances, acceptée par le
conseil de prud’hommes, a été validée par la cour d’appel au nom de la connexité.

198
demandeurs de procédures contestant le motif économique d’un licenciement collectif, le
bureau de conciliation et d’orientation en ordonne la jonction1025.
L’efficacité de la technique de la jonction d’affaires est en réalité mise à mal par la dispersion
territoriale. La jonction d’instance nécessite en effet que les instances soient engagées devant
la même juridiction, ce qui est loin d’être systématique en droit du travail ne serait-ce qu’en
raison des règles de compétence territoriale du conseil de prud’hommes1026. Les salariés
peuvent par exemple saisir indifféremment le conseil de prud’hommes du ressort de
l’établissement où est accompli le travail ou celui de leur domicile lorsque le travail est
accompli à domicile ou en dehors de tout établissement1027. Ils bénéficient également de deux
autres options de compétences, d’une part le conseil de prud’hommes du lieu où l’engagement
a été contracté et d’autre part le lieu où l’employeur est établi. Plusieurs conseils de
prud’hommes, en raison des options de compétences territoriales, peuvent ainsi être amenés à
statuer sur la validité ou l’applicabilité d’une même convention collective, sur l’existence de
la cause économique d’un même licenciement économique collectif ou encore sur les
conditions de l’article L. 1124-1 du code du travail pour un même transfert d’entreprise, sans
qu’une jonction d’instance ne puisse être ordonnée1028.

142. Les obstacles à la recevabilité de l’exception de connexité. L’exception de


connexité permet de pallier certaines limites de la jonction d’instances puisqu’elle a justement
pour objet de réunir des affaires connexes portées devant des juridictions distinctes1029. Elle

1025
Article R. 1456-5 du code du travail.
Certains estiment que lorsque des litiges connexes sont portés devant différentes sections du conseil de
prud’hommes en application des articles R. 1423-6 et R. 1423-7 du code du travail, il s’agit d’une
exception de connexité et non d’une jonction d’instances dans la mesure où les sections sont investies d’un
pouvoir juridictionnel spécifique : L. Cadiet, « Connexité », Rép. proc. civ., Dalloz 2010, nos 42 et 51.
1026
Articles R. 1412-1 à R. 1412-7 du code du travail.
1027
Notre attention se concentre sur les salariés dans la mesure où les affaires sont dans 96,3 pour cent des
cas introduites à la demande d’un salarié devant le conseil de prud’hommes, alors que les demandes
formées par les employeurs sont quasi inexistantes (0,5%). Sur ce point, consulter l’étude du ministère de
la Justice datée du mois de septembre 2013 : M. Guillonneau et É. Serverin, L’activité des conseils de
prud’hommes de 2004 à 2012 : continuité et changements, ministère de la Justice, direction des Affaires
civiles et du Sceau, Pôle évaluations de la justice civile, 2013, 33 p., spéc. p. 5.
1028
Voir sur ce point l’exemple significatif cité dans le rapport Lacabarats précité (p. 56) : Cass. soc., 14
déc. 2011, n° 10-11.042 : Bull. civ., V, n° 295 – Cass. soc., 14 déc. 2011, n° 10-13.922 : Bull. civ., V, n°
296 – Cass. soc., 14 déc. 2011, n° 09-42.395, inédit – Cass. soc., 14 déc. 2011, nos 10-14.525 et 10-14.526,
inédit – Cass. soc., 14 déc. 2011, nos 10-23.198 à 10-23.200, inédit – Cass. soc., 14 déc. 2011, n° 10-
23.753, inédit. Dans cette affaire, cinq cours d’appel avaient eu à se prononcer sur l’existence d’une cause
économique réelle et sérieuse de licenciement et les réponses avaient été contrastées.
On pourrait également citer le contentieux des affaires Pages jaunes, dans lequel la Cour de cassation avait
été saisie de plusieurs pourvois formés contre trois arrêts de cours d’appel ayant statué dans des sens
opposés sur la même opération de restructuration.
1029
Article 101 du code de procédure civile.

199
est toutefois confrontée aux mêmes obstacles que les demandes incidentes, à savoir la
compétence exclusive et la limite de la compétence d’attribution1030. L’exception de connexité
est ainsi irrecevable lorsque l’une des demandes relève de la compétence exclusive d’une
autre juridiction1031. La compétence exclusive prime ainsi sur l’intérêt d’une bonne justice qui
impliquerait de faire instruire et juger ensemble plusieurs demandes1032. Seule la « connexité
renforcée », dite « indivisibilité » entre deux demandes permet de faire échec à la compétence
exclusive d’une juridiction1033. Elle se différencie de la connexité simple en ce qu’elle vise
« l’impossibilité d’exécuter simultanément les deux décisions qui interviendraient si les deux
demandes n’étaient pas instruites et jugées par la même juridiction »1034. Ainsi, tandis que la
connexité « se situe sur le terrain de l’harmonie de la chose jugée », l’indivisibilité se situe
« sur celui de l’exécution même des décisions judiciaires ou, plus précisément, de
l’impossibilité en fait d’en assurer l’exécution simultanée »1035. Certains relient d’ailleurs
l’indivisibilité et le pourvoi en cassation fondée sur l’inconciliabilité de jugement1036. On
peut, à ce titre, citer une affaire dans laquelle d’anciens salariés avaient contesté l’opposabilité
d’un accord prévoyant la fermeture d’un régime de retraite et demandé à la caisse de retraite
et à l’ancien employeur le règlement des droits capitalisés au titre de la retraite
complémentaire. Ces demandes, dirigées à la fois contre l’ancien employeur et contre la
caisse de retraite, ont été déclarées indivisibles en raison de « l’impossibilité d’une exécution
séparée des décisions attendues » et ont été portées devant le tribunal de grande instance1037.
La compétence du tribunal de grande instance, par préférence à celle du conseil de
prud’hommes, s’explique en l’espèce par la limite de la compétence d’attribution du conseil

1030
Sur ces obstacles, voir : supra, n° 112.
1031
Voir notamment : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis
Domat, n° 1056, p. 833 : « La connexité cède devant la compétence exclusive d’une juridiction
d’exception : dans ce cas, le litige ne pourra pas être examiné de façon globale ».
1032
Sur la notion de bonne administration de la justice, voir : L. Cadiet, « Introduction à la notion de bonne
administration de la justice en droit privé », Just. et cass. 2013, p. 13.
1033
Employant le terme de connexité renforcée, voir : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e
éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1057, p. 833 – S. Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, Procédure
civile, 4e éd., Dalloz 2015, coll. Hypercours, n° 523, p. 237. Sur l’échec de l’exclusivité en présence de
demandes indivisibles, voir : Cass soc., 21 avr. 1977, n° 75-12.345 : Bull. civ., V, n° 261 ; D. 1978, J. 9,
note Y. Serra ; RTD civ. 1978, n° 7, p. 415, obs. J. Normand – Cass. soc., 15 mai 1974, n° 72-13.582 : Bull.
civ., V, n° 297 ; D. 1974, J. 702, note Y. Serra.
1034
H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 555, p. 608. Voir
également : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1057,
p. 833 : « Elle suppose une identité totale ou partielle de l’objet de la demande et donc de l’effet substantiel
du jugement, qui soit susceptible de rendre inconciliables les décisions rendues ».
1035
H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 555, p. 609.
1036
J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 1057, p. 833.
Sur ce pourvoi, voir : infra, n° 144.
1037
Cass. soc., 5 déc. 2006, n° 06-40.163 : Bull. civ., V, n° 369 ; Procédures 2007, comm. 59 R. Perrot.

200
de prud’hommes. En effet, lorsque des demandes connexes sont portées devant une juridiction
de droit commun et une juridiction d’exception, seule la juridiction de droit commun est
compétente pour connaître de l’ensemble du litige. Le seul obstacle à l’unification réside dans
l’existence d’une compétence exclusive de la juridiction d’exception. La réunion de demandes
connexes n’est en effet possible dans cette hypothèse qu’à la condition que la juridiction
bénéficiant de la compétence exclusive soit également une juridiction de droit commun ou
que l’on soit en présence de demandes indivisibles 1038 . Ces obstacles expliquent ainsi
pourquoi les demandes réalisées par un syndicat devant le tribunal de grande instance et celles
effectuées par des salariés devant le conseil de prud’hommes ne peuvent être traitées devant
une seule juridiction, malgré leur éventuelle connexité1039. La réunion de demandes connexes
devant une seule juridiction n’est pas davantage possible lorsque celles-ci sont portées devant
deux juridictions d’exception1040. La Cour de cassation refuse en effet d’admettre dans une
telle hypothèse la compétence du tribunal de grande instance1041.
En revanche, lorsque plusieurs demandes connexes sont formulées devant des juridictions de
même nature, devant plusieurs conseils de prud’hommes notamment, aucun obstacle ne
s’oppose à leur réunion devant une seule de ces juridictions1042. L’efficacité de la connexité,
dans cette hypothèse, s’avère toutefois limitée dans la mesure où celle-ci ne peut être relevée

1038
Cass. com., 7 avr. 2009, n° 08-16.884 : Bull. civ., IV, n° 51 ; JCP G 2009, 369, obs. E. Jeuland ; RTD
civ. 2009, p. 775, obs. Ph. Théry. Cet arrêt rappelle l’irrecevabilité d’une exception de connexité en
présence de deux demandes connexes présentées devant une juridiction d’exception dotée d’une
compétence exclusive et devant un tribunal de grande instance. Voir également : Cass. soc., 17 déc. 2013,
n° 12-26.938 : D. act., 27 janvier 2014, obs. M. Kebir ; JCP S 2014, 1101, obs. I. Petel-Teyssié. Dans cette
affaire, un employeur, se prévalant de faits de concurrence déloyale et souhaitant obtenir la réparation du
préjudice résultant du comportement du salarié, avait saisi d’une part, le tribunal de grande instance puis,
d’autre part, le conseil de prud’hommes. Les deux affaires connexes n’ont pu être traitées par le tribunal de
grande instance à défaut d’indivisibilité entre les deux demandes. La chambre sociale a en effet estimé qu’il
n’y avait pas impossibilité d’exécution simultanée entre les décisions rendues par le tribunal de grande
instance et par le conseil de prud’hommes, le premier n’étant compétent que pour se prononcer sur des faits
commis postérieurement à la rupture du contrat de travail.
1039
Toutefois, sur la possibilité pour un syndicat d’intervenir à une instance devant le conseil de
prud’hommes, voir : supra, n° 116.
1040
Précisons que certains auteurs réservent toutefois un sort particulier à l’indivisibilité des demandes
portées devant deux juridictions d’exception. Ainsi, lorsque le conseil de prud’hommes « est en concours
avec une autre juridiction spécialisée, indivisibilité du litige et exclusivité de compétence se conjuguent
alors pour lui attribuer la connaissance de l’affaire » : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 278,
p. 281. En l’absence de dispositions légales envisageant expressément la prorogation de compétence au-
delà de la compétence d’attribution en présence d’une connexité renforcée, la dispersion du contentieux
nous semble toutefois inévitable.
1041
En ce sens, voir l’analyse du Professeur Jacques Normand à la RTD civ. 1979, p. 185, spéc. p. 187.
Voir également : H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 2 : La compétence, Sirey 1973, n° 550,
spéc. p. 603.
1042
Les obstacles à la connexité concernent uniquement la compétence matérielle. Dès lors, les juridictions
d’exception peuvent tout à fait connaître des demandes incidentes excédant leur compétence territoriale. En
ce sens, voir : X. Lagarde et G. Couchez, Procédure civile, 17e éd., Sirey 2014, coll. Université, p. 98. En
ce sens également : D. Cholet, « Dérogations légales de compétence », op. cit., spéc. n° 142-93, p. 323.

201
d’office par le juge1043. L’unification des contentieux sériels repose ainsi sur la volonté des
parties qui paraissent pourtant assez démunies pour connaître des éventuelles actions réalisées
par les autres salariés devant d’autres juridictions. La dispersion du contentieux entre
plusieurs juridictions est en outre parfois recherchée par les conseils des parties. On peut, à ce
titre, viser l’affaire de l’amiante dans laquelle les parties ont opté pour une stratégie visant à
susciter « des contentieux dans les divers [tribunaux des affaires de la sécurité sociale] afin de
s’appuyer, le cas échéant, sur des décisions favorables, susceptibles d’influencer les juges.
L’idée [était] de se constituer au fil des mois une véritable banque de données juridiques »1044.

143. Solution de l’action de groupe. Comme nous venons de le voir, la connexité


permet d’opérer un renvoi judiciaire lorsque les demandes sont portées devant des juridictions
différentes 1045, ou une jonction d’instances pendantes devant la formation d’une même
juridiction1046. Par l’unification du contentieux ainsi opérée, la connexité, qu’elle soit simple
ou renforcée, semble ainsi permettre de prévenir les éventuelles contrariétés de décisions
résultant des contentieux dits « sériels »1047. La jonction d’instances est toutefois mise à mal
par la dispersion territoriale. L’efficacité de l’exception de connexité, pour prévenir la
dispersion des contentieux sériels, s’avère quant à elle réduite par les obstacles de la
compétence exclusive et de la compétence d’attribution. L’unification du contentieux est en
effet impossible si les deux juridictions possèdent une compétence exclusive ou si la
juridiction disposant de la compétence exclusive est une juridiction d’exception. Si la
« connexité renforcée » – ou indivisibilité – permet de mettre en échec la compétence
exclusive, l’unification du procès demeure également impossible lorsque les deux juridictions
sont des juridictions d’exception.
Au regard de ces différents obstacles, la connexité apparaît ainsi comme un outil finalement
assez imparfait de la prévention des contradictions de décisions provenant des contentieux
dits « sériels ». La généralisation de l’action de groupe assure au contraire une réelle
prévention des contradictions de décisions en permettant aux salariés, par dérogation à la

1043
Seules les parties peuvent soulever une exception de connexité en tout état de cause (article 103 du
code de procédure civile). Sur la faculté du juge de s’y opposer s’il constate une intention dilatoire, voir : L.
Cadiet, « Connexité », Rép. proc. civ., Dalloz 2010, n° 39 – J. Beauchar, « La relativité du dilatoire », in
Mélanges dédiés à la mémoire du Doyen Jacques Héron, LGDJ 2009, p. 101.
1044
F. Champeaux et S. Foulon, Dernier recours. Le monde du travail devant les tribunaux, Seuil 2012, p.
79 et suiv. Sur la stratégie des conseils des parties, voir spécialement p. 111 et suiv.
1045
Article 101 du code de procédure civile.
1046
Articles 367 et 368 du code de procédure civile.
1047
En ce sens : V. Orif, La règle de l’unicité de l’instance, op. cit., p. 403. Voir également : L. Cadiet et E.
Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 295, p. 246.

202
compétence exclusive du conseil de prud’hommes, d’intervenir à l’instance du tribunal de
grande instance. La suspension de la prescription des actions individuelles en réparation des
préjudices résultant des manquements constatés par le juge, et la reconnaissance d’un effet au
jugement du tribunal de grande instance sur les actions individuelles, auront en outre pour
conséquence de limiter le risque de contradictions provenant de la persistance des actions
individuelles1048. Le salarié n’ayant pas adhéré au groupe doit en effet bénéficier, avec le
jugement déclaratif du tribunal de grande instance, d’un élément de nature à laisser présumer
le manquement au droit du travail dont il se prévaut1049.

B. La suppression des éventuelles inconciliabilités

144. La possibilité de supprimer les décisions inconciliables. Le pourvoi prévu à


l’article 618 du code de procédure civile permet de résoudre a posteriori certaines
contradictions de décisions1050. À l’étude, les conditions de mise en œuvre de ce pourvoi
s’avèrent assez restrictives dans la mesure où la contrariété des vérifications juridictionnelles
n’est pas suffisante. La Cour de cassation exige en effet que les décisions soient
insusceptibles d’exécution simultanée, autrement dit qu’elles soient « inconciliables » pour
admettre la recevabilité du pourvoi1051. La triple identité de l’article 1355 du code civil n’est

1048
Sur cette proposition, voir : supra, n° 122.
1049
Voir : supra, n° 122.
1050
Sur ce pourvoi, voir notamment : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale
parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 100, p. 108
– M. Contamine-Raynaud, « L’ ‘‘inconciliabilité’’ de jugements : de l’autorité judiciaire à la raison
judiciaire », in Mélanges Pierre Raynaud, Dalloz 1985, p. 113, spéc. p. 133 – P. Julien, « Remarques sur la
contrariété de décisions de justice », in Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des sciences sociales
de Toulouse 1981, p. 493 – M. Loisel, « Du pourvoi en cassation pour contrariété de jugements », JCP
1945, I, doct. 486.
Il est à préciser qu’un tel recours permet également de remédier aux contradictions entre des décisions
civile et pénale (C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 640). Une telle affirmation
pourrait surprendre. Dans la mesure où la procédure pénale relève du domaine législatif, l’article 618 du
code de procédure civile n’a pas vocation à s’appliquer en matière pénale en raison de sa nature
réglementaire (J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n°
897, p. 722). La Cour de cassation a toutefois fondé l’annulation pour contrariété de décision entre une
juridiction civile et une juridiction répressive sur l’article 4 du code civil, en estimant que le maintien des
deux décisions équivaudrait à un déni de justice (Cass. ch. mixte, 11 déc. 2009, nos 08-86.304 et 09-
13.944 : Bull. ch. mixte, n° 2 – Cass. ass. plén., 29 nov. 1996, n° 93-20.799 : Bull. civ., ass. plén., n° 8 ;
JCP G 1997, II, 22807, note Th. Le Bars). Voir notamment : D. Portolano et F. Boulan, « D’une nouvelle
altération de l’autorité de chose jugée au pénal sur le civil : la consécration de la prévalence de l’article 618
du Code de procédure civile en cas de contrariété de décisions civile et pénale – A propos de l’arrêt de la
chambre mixte du 11 déc. 2009 », Dr. pén. 2010, n° 5, ét. 10.
1051
Sur l’utilisation du terme « inconciliabilité » par préférence à celui de « contrariété », voir : J. Héron et
Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 896, p. 720 et V. Wittmann,
Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en
matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 201, p. 109. Pour des illustrations, voir notamment : Cass. com., 7

203
en revanche pas nécessaire et l’inconciliabilité peut ainsi concerner des décisions rendues
entre des parties différentes1052. Sur ce point, certains auteurs relèvent toutefois la sévérité de
la Cour de cassation pour admettre le pourvoi dans une telle hypothèse1053. Ils s’appuient
notamment sur une affaire dans laquelle deux conseils de prud’hommes avaient statué sur le
caractère réel et sérieux de licenciements subséquents au refus de deux salariés d’accepter
pour l’un une modification de son lieu de travail, et pour l’autre une modification de ses
horaires de travail1054. Le rejet du pourvoi dans cet arrêt ne saurait, selon nous, illustrer une
quelconque sévérité de la part de la Cour de cassation et s’explique en réalité par la théorie de
la modification du contrat existant en droit du travail. Un salarié est, en effet, seulement fautif
lorsqu’il refuse un changement de ses conditions de travail et peut valablement s’opposer à
une modification de son contrat de travail1055. Or, en l’espèce, la cause réelle et sérieuse du
licenciement avait été retenue à l’égard du salarié ayant refusé le changement de ses
conditions de travail et déniée à l’égard du salarié ayant refusé la modification de son contrat
de travail. Ces décisions, conciliables en totalité, l’étaient donc a fortiori dans leur exécution.
La Cour de cassation prend malgré tout le soin de viser « l’inconciliabilité dans l’exécution »
dans cet arrêt, comme pour signaler que les éventuelles contradictions entre vérifications
juridictionnelles ne peuvent être sanctionnées dans le cadre du pourvoi de l’article 618.
Au-delà de cet exemple, le droit du travail fournit un certain nombre d’applications de
l’article 618 du code de procédure civile. Ont ainsi été considérés inconciliables deux
jugements validant la désignation des membres du CHSCT et annulant les élections du
CHSCT1056, ou encore deux jugements annulant et validant respectivement la désignation du
même délégué syndical1057. Dans cette dernière affaire, deux sociétés avaient contesté devant
des tribunaux d’instance différents la désignation d’un délégué syndical réalisée par un
syndicat estimant qu’il existait entre les deux sociétés une unité économique et sociale. Les
deux juridictions avaient statué en sens inverse sur la validité de la désignation en raison

févr. 2006, n° 05-11.078, inédit – Cass. civ. 2e, 14 oct. 2004, n° 02-20.733 et 02-21.054 : Bull. civ., II, n°
456.
1052
Ph. Théry, « Les conflits de choses jugées », op. cit., p. 83 : « Il n’est nullement nécessaire qu’il
s’agisse d’un litige identique ». Voir notamment : Cass. civ. 3e, 6 janv. 1982, n° 80-13.769 : Bull. civ., III,
n° 3.
1053
V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la
cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 253.
1054
Cass. soc., 23 nov. 2005, n° 05-41.833, inédit.
1055
Cass. soc., 10 juill. 1996, n° 93-41.137, Le Berre : Bull. civ., V, n° 278 ; Dr. soc. 1996, p. 976, obs. H.
Blaise ; Dr. ouvr. 1996, p. 457, note P. Moussy, JCP 1997, II, 22768, note Y. Saint-Jours.
1056
Cass. soc., 21 janv. 2009, n° 08-60.515, inédit.
1057
Cass. soc., 6 janv. 1984, nos 83-60961, 83-61023, 83-61028, 83-61032, 83-61036 et 83-61040 : Bull.
civ., V, n° 8. Voir également : Cass. soc., 28 mars 2000, nos 98-60.498 et 98-60503, inédit.

204
d’une appréciation différente des éléments de faits permettant de déduire l’existence d’une
unité économique et sociale. Une inconciliabilité de jugements sur la qualité d’employeur
pourrait également tomber sous le coup de l’article 618 du code de procédure civile. Citons à
ce titre une affaire dans laquelle un salarié avait été engagé en qualité de garde-malade de nuit
au service d’un couple de personnes placées sous tutelle, par l’intermédiaire d’une association
de gérance de tutelles. Au décès des membres du couple, deux conseils de prud’hommes
s’étaient opposés sur la détermination de l’employeur. Considérant l’association comme étant
employeur, un premier conseil de prud’hommes avait rejeté les demandes à l’encontre des
héritiers du couple tandis qu’un second avait dénié la qualité d’employeur à cette même
association1058.
Sous bénéfice de ces observations, l’article 618 du code de procédure civile ne semble donc
pas invocable en présence de plusieurs décisions statuant en sens inverse sur la cause
économique d’un même licenciement économique collectif. Les décisions pourraient en effet
s’opposer dans un tel cas sur les motifs mais resteraient susceptibles d’exécution
simultanée1059.

145. La nécessité de supprimer les seules « inconciliabilités ». La résolution des


seules « inconciliabilités » pourrait surprendre. Cette restriction s’explique en réalité par la
nécessité de réaliser un compromis entre la recherche de cohérence judiciaire et la sécurité
juridique1060. Le procès doit en effet « comme toute chose, avoir une fin »1061, et il ne paraît
pas envisageable que des décisions puissent être systématiquement remises en cause au nom
d’un « impératif supérieur de justice ou de cohérence juridique » 1062. L’incohérence doit ainsi
être combattue lorsqu’elle affecte les effets substantiels des jugements et non pas seulement
lorsqu’elle concerne leurs motifs1063.

1058
Cass. soc., 10 févr. 2009, n° 07-44.924, inédit.
1059
Voir sur ce point : J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis
Domat, n° 896, p. 721 : « S’il existe une incohérence juridique qui ne se traduit pas par des effets
concrètement inconciliables, cette incohérence ne donne pas ouverture au recours de l’article 618 ».
1060
C. Bouty, « Chose jugée », Rép. proc. civ., Dalloz 2012, n° 245.
1061
Ibid., n° 897.
1062
Sur cet impératif, voir : Ibid., n° 245.
1063
Sur ce point, voir notamment : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale
parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 201, p.
234. Toutefois : Th. Le Bars, « Note sous Cass. ass. plén., 29 nov. 1996 », JCP G 1997, II, 22807, spéc. n°
25 : « Il convient probablement de limiter la mise en œuvre de ce texte aux cas dans lesquels ce sont des
motifs décisifs qui sont en contradiction, voire des "motifs strictement indissociables du dispositif". Peut-
être même faudrait-il ne prendre en considération que les motifs proclamant un droit subjectif (ou une
obligation) abstrait ».

205
Certaines décisions ne sont en outre contradictoires qu’en apparence. On peut, pour s’en
convaincre, retenir l’exemple de deux décisions relatives au même licenciement pour motif
économique collectif et ayant retenu pour l’une le bien-fondé du licenciement et pour l’autre
l’absence de cause réelle et sérieuse. Ces décisions ne s’opposent pas nécessairement sur
l’appréciation du motif économique dans la mesure où l’absence de cause réelle et sérieuse,
dans le second cas, peut parfaitement se justifier par un manquement de l’employeur à son
obligation de reclassement. De même, un refus d’autorisation ou l’annulation de l’autorisation
du licenciement pour motif économique d’un salarié protégé ne sont pas forcément en
contradiction avec une décision du juge judiciaire estimant le licenciement d’un salarié
ordinaire justifié. Le refus ou l’annulation de l’autorisation peuvent en effet s’expliquer par
l’existence d’un motif d’intérêt général, tel que le maintien de la représentation du personnel
dans l’entreprise1064.
Par ailleurs, « aucun système de droit réaliste ne peut se donner comme visée de combattre
toutes les formes d’oppositions pouvant exister entre les décisions des juges »1065. Avec
l’essor de la « justice prédictive »1066, renoncer à l’idéal d’une jurisprudence uniforme semble
en effet être la condition d’un maintien du droit parmi les « sciences humaines »1067. Il faut
ainsi admettre que « la diversité des litiges, combinée avec la personnalité multiple des juges
appelés à trancher, constitueront toujours des éléments qui perturberont l’objectif de
cohérence » 1068.

1064
Sur le contentieux relatif au licenciement d’un salarié protégé, voir : infra, n° 194.
1065
É. Serverin, « Les divergences de jurisprudence comme objet de recherche », in P. Ancel et M.-C.
Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 73, spéc. p.
76.
1066
Sur l’essor de la justice prédictive, voir : B. Dondero, « Justice prédictive : la fin de l’aléa
judiciaire ? », D. 2017, p. 532 – D. Iweins, « La justice prédictive, nouvel allié des professionnels du
droit ? », Gaz. Pal. 3 janv. 2017, p. 5 – A. Garapon, « Les enjeux de la justice prédictive », JCP G 2017,
31 : « La justice prédictive nous fascine, peut-être parce qu’on lui prête le pouvoir de réaliser les rêves les
plus vieux du droit : un droit sans l’État (…) Mais cette justice serait-elle encore humaine ? ». Sur ce point,
voir également : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », intervention à l’École
nationale de la magistrature le 21 juillet 2017, disponible sur le site du Conseil d’État, spéc. p. 13.
1067
Sur le risque d’une déshumanisation de la justice, voir : Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée
d’une justice apaisée, op. cit., p. 263. Les inquiétudes formulées dans ce rapport à l’égard d’une
spécialisation de la justice trop poussée nous semblent transposables au phénomène la justice prédictive :
« Une spécialisation trop poussée pouvait conduire à la déshumanisation de la justice, liée à une trop
grande technicité de ceux qui seraient enfermés dans le même type de contentieux, plusieurs années
durant ». Voir également : S. Guinchard, « Rapport de synthèse », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation
des juges, PUT 2012, p. 223, spéc. p. 239 : « La spécialisation remet en cause, quoi qu’on puisse en penser,
le cœur du métier de magistrat, qui est certes un juriste (ou devrait toujours l’être), mais qui est aussi un
acteur social, placé au cœur des problèmes de son temps (…) Seule une vision généraliste des dossiers peut
lui donner cette hauteur de vue qui fait toute la différence entre un technicien du droit et un humaniste ».
1068
Ch. Chappuis et J.-F. Perrin, « Le traitement des divergences de jurisprudence en droit suisse », in P.
Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit,
p. 329, spéc. p. 350.

206
Section 2. Un risque mesuré pour les divergences de jurisprudences

146. Quelques précisions sur la notion de « divergence de jurisprudences ». La


notion de « divergence de jurisprudences » est le résultat d’une construction doctrinale1069.
Celle-ci ne relève pas, en effet, « du langage du droit mais appartient au langage des
juristes »1070. L’étude des productions doctrinales sur la question révèle d’ailleurs la pluralité
des conceptions d’une telle notion1071. Les auteurs s’entendent généralement pour considérer
que les divergences de jurisprudences renvoient à des réponses différentes, données par
plusieurs émetteurs entre lesquels il n’existe aucune hiérarchie, à une même question
juridique 1072 . Ils s’opposent en revanche sur l’identification de la « question juridique
identique »1073. Certains considèrent en effet qu’elle ne peut concerner qu’une identité de
texte ou de principe voire une question juridique posée de manière identique. La divergence
de jurisprudences consisterait alors en « une interprétation dissemblable d’un même texte ou
d’un même principe, d’une qualification opérée selon des critères différents ou d’une
appréciation de la légalité (au sens large) sur la base d’éléments distincts »1074. Pour d’autres,
l’absence de textes similaires ou de questions juridiques identiques n’empêche aucunement la
reconnaissance d’une divergence de jurisprudences. Ces derniers comparent en effet le
traitement juridique d’une situation de fait comparable ou d’une notion juridique identique par

1069
É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de
jurisprudence », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint
Étienne 2003, coll. Droit, p. 167, spéc. p. 168. Voir également les articles cités par elle : R. Colson,
« Genèse du concept de revirement de jurisprudence », RRJ 2000, 3, p. 991.
1070
É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de
jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p. 168.
1071
Sur la réalisation d’un tel exercice, voir : ibid.
1072
F. Zenati, « La notion de divergence de jurisprudence », », in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des
juges, PUT 2012, p. 53, spéc. p. 63 : « Si l’on estime au contraire que les juges du fond sont tenus de
s’incliner devant la jurisprudence suprême et que leur résistance est une anomalie, on ne doit pas parler de
divergence mais de non-conformité, voire d’illégalité de la jurisprudence inférieure ou, dans une approche
plus sociologique que juridique, de résistance ».
Pour une conception moins restrictive des divergences de jurisprudences, voir : É. Serverin, « Les
divergences de jurisprudence comme objet de recherche », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les
divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 73.
1073
É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de
jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p. 169 : « L’identification de la question juridique identique est le
point autour duquel se construisent les conceptions plus ou moins restrictives de la notion de divergence de
jurisprudence ».
1074
É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de
jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p. 169.

207
des juridictions différentes1075. Il peut ainsi y avoir divergences de jurisprudences lorsque
deux juridictions, confrontées aux frontières de l’illicite pour les mêmes faits ou des faits
comparables, s’opposent dans l’appréciation de la licéité de ces faits. Au regard de l’objectif
poursuivi dans la présente étude – à savoir l’appréciation du risque d’amplification des
divergences de jurisprudences – il semble ainsi nécessaire de retenir la conception la plus
extensive de la notion de divergence de jurisprudences.

147. Des prorogations de compétence sources de divergences de jurisprudences.


À la différence des questions préjudicielles qui sont perçues comme des mécanismes
permettant d’assurer l’unité de la jurisprudence1076, les prorogations de compétence semblent
au contraire multiplier le risque de divergences de jurisprudences1077. En permettant à des
juridictions, de nature différente, de trancher des questions juridiques identiques, on prend en
effet le risque que des solutions différentes leurs soient apportées 1078 . Le risque d’une
amplification des divergences de jurisprudences semble malgré tout mesuré. Le dialogue des
juges – qu’il se réalise, ou non, au sein des mécanismes institutionnels – permet en effet de
prévenir1079, voire de résoudre a posteriori, les éventuelles divergences de jurisprudences1080.

1075
On pourrait notamment citer le contentieux de la photocopie par un salarié de documents afin d’assurer
sa défense en justice contre son employeur. En effet, les « deux juridictions ne sont ni saisies de la même
question (qualification pénale, recevabilité de la preuve) ni des mêmes textes mais la question juridique
identique réside dans l’appréciation de la licéité des faits » : É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de
la Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p. 173.
1076
En ce sens : P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint
Étienne 2003, coll. Droit, p. 43 – F. Zenati, « La notion de divergence de jurisprudence », », op. cit., p. 53,
spéc. p. 68 : « Si une difficulté relevant de la compétence d’une autre juridiction se présente à elles
incidemment, le mécanisme de la question préjudicielle permet de respecter le cloisonnement des
compétences et l’unité de jurisprudence ».
1077
On pourrait, à ce titre, retenir l’exemple de la prorogation de compétence du conseil de prud’hommes
aux demandes incidentes portant sur la responsabilité d’un tiers. Cette dernière peut être créatrice de
divergences de jurisprudences si la chambre sociale retient des conditions différentes de celles de la
chambre commerciale concernant l’engagement de la responsabilité d’un associé. Rappelons en effet que la
chambre commerciale exige une faute qualifiée pour engager la responsabilité délictuelle d’un associé,
autrement dit « une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des
prérogatives attachées à la qualité d’associé ». Sur ce point, voir notamment : A. Fabre, « La responsabilité
délictuelle pour faute au secours des salariés victimes d’une société tierce », op. cit. et Y. Pagnerre, « La
faute de la société mère : des divergences à surmonter », op. cit.
1078
En ce sens : F. Zenati, « La notion de divergence de jurisprudence », », op. cit., p. 53, spéc. p. 68 :
« Les prorogations de compétence peuvent conduire une juridiction à trancher une question de droit qui est
du ressort d’une autre juridiction, ce qui peut favoriser l’apparition de divergences dans l’interprétation du
droit ».
1079
L’expression trouve son origine dans les conclusions rendues par le Président Bruno Genevois dans
l’affaire Ministre de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit : « À l’échelon de la communauté européenne, il ne doit y
avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges ». CE,
22 déc. 1978, Ministre de l’Intérieur c/ Cohn-Bendit : Rec. p. 524 ; D. 1979. Jur. 155, spéc. p. 161. Sur
cette notion, voir notamment : A. Raynouard, « Synthèse de la journée », in F. Lichère, L. Potvin-Solis et
A. Raynouard (dir.), Le dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ?, Bruylant

208
Le rôle de la doctrine juridique dans cette quête de cohérence ne doit pas non plus être
négligé. La jurisprudence s’élabore en effet en interaction avec la doctrine dans le cadre d’un
dialogue tant externe qu’interne1081.

Plan.
Paragraphe 1. La prévention des divergences de jurisprudences par le dialogue des
juges
Paragraphe 2. Le rôle joué par la doctrine dans la prévention des divergences de
jurisprudences

§1. La prévention des divergences de jurisprudences par le dialogue des juges

148. La prévention des divergences dans le cadre des « formations


étendues »1082. « Le rôle fondamental de la Cour de cassation, continuatrice du Tribunal de
cassation, est d’unifier l’interprétation de la loi, c’est-à-dire de faire en sorte que la loi unique
de la République ne soit pas interprétée différemment par les différentes juridictions réparties
sur le territoire » 1083. Des mécanismes ont ainsi été mis en place afin de résoudre les
éventuelles divergences de jurisprudences survenues à l’intérieur de la Cour de cassation1084.
On vise ici la possibilité de renvoyer l’affaire à une chambre mixte ou à l’assemblée

2004, coll. Droit et Justice, p. 237. Le Professeur Arnaud Raynouard compare le terme de dialogue des
juges à « une auberge espagnole, donc généreuse et accueillante, mais dénuée de rigueur ». Sur cette
question, consulter également : Le dialogue des juges : Mélanges en l’honneur du président Bruno
Genevois, Dalloz 2009, 1166 p.
1080
Sur le traitement des divergences d’interprétation, voir notamment : É. Serverin, « Les divergences de
jurisprudence comme objet de recherche », op. cit., p. 73, spéc. p. 85 – G. Canivet, « La Cour de cassation
et les divergences de jurisprudence », in P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence,
Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 141 – A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 189,
p. 199.
1081
F. Géa, Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle – Droit du travail et théorie du
droit dans la perspective du dialogisme, LGDJ 2009, coll. Thèse, 2292 p.
1082
Nous empruntons ce terme à Madame Évelyne Serverin : É. Serverin, « Les divergences de
jurisprudence comme objet de recherche », op. cit., p. 73, spéc. p. 86.
1083
G. Canivet, « La Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 141. Également en
ce sens : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 188, p. 198. Ce dernier rappelle toutefois que le
« rôle historiquement premier et encore aujourd’hui essentiel de la Cour de cassation est d’assurer la
conformité des jugements à la loi, par le contrôle de la rigueur déductive des motifs ».
1084
G. Canivet, « La Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 141, spéc. p. 152 :
« Le fait que la Cour de cassation comprenne cinq chambres civiles, que la matière attribuée à chacune
d’elles soit encore répartie entre différentes sections, et que les affaires à juger soient attribuées à des
formations diverses augmente nécessairement le risque de divergences d’une chambre à l’autre et même à
l’intérieur d’une chambre ».

209
plénière1085. Rappelons en effet qu’une chambre mixte peut être réunie lorsque la question
posée a reçu, ou est susceptible de recevoir, devant les chambres des solutions divergentes1086.
L’assemblée plénière peut quant à elle être saisie d’une affaire posant une question de
principe, lorsqu’il existe notamment des solutions divergentes soit entre les juges du fond
eux-mêmes, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation 1087 . Le renvoi à ces
« formations étendues » a ainsi clairement pour finalité d’éviter la survenance des
divergences de jurisprudences1088.
Certains magistrats soulignent toutefois la « lourdeur » de ces mécanismes1089. On pourrait, à
ce titre, envisager la création d’une formation plus allégée permettant de réunir des magistrats
de deux chambres lorsqu’existe un risque de solutions divergentes entre elles1090, ou encore la
constitution de groupes de travail au sein de la Cour de cassation, à l’instar de celui qui existe
entre la chambre sociale de la Cour de cassation et le Conseil d’État1091. Des échanges entre la
chambre sociale et la chambre commerciale de la Cour de cassation semblent par exemple
indispensables, ne serait-ce que pour préciser les critères du coemploi. Certains auteurs

1085
Sur la création de l’assemblée plénière, voir : P. Hébraud, « La loi du 22 juillet 1947 sur la Cour de
cassation », D. 1947, chron. 125. Sur ces chambres, voir également : A. Perdriau, « La Chambre mixte et
l’assemblée plénière de la Cour de cassation », JCP G 1994, I, 3798.
1086
Article L. 431-5 du code de l’organisation judiciaire. Pour un exemple marquant d’une réunion d’une
chambre mixte en droit du travail, voir : Cass. ch. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier : Bull. ch.
mixte, n° 3 ; Dr. soc. 1974, p. 454, concl. A. Touffait. Par cet arrêt, la Cour de cassation est venue mettre
un terme aux oppositions existantes entre la chambre criminelle et la chambre sociale sur la recevabilité
d’une demande de résolution judiciaire du contrat de travail d’un salarié protégé. Elle a en effet affirmé que
« les dispositions législatives soumettant à l’assentiment préalable du Comité d’entreprise ou à la décision
conforme de l’inspecteur du travail de licenciement des salariés légalement investis de fonctions
représentatives, ont institué, au profit de tels salariés et dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils
représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit par suite à
l’employeur de poursuivre par d’autres moyens la résiliation du contrat de travail ». Plus récemment, voir
également : Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, n° 13-12.310 : Bull. ch. mixte, n° 1 ; RDT 2015, p. 345, chron. J.
Morin ; JCP E 2015, 1081, note F. Taquet ; Procédures 2015, comm. 85 A. Bugada. Sur cet arrêt, voir :
supra, n ° 44.
1087
Article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire. Pour une intervention récente de l’assemblée
plénière en droit du travail, voir notamment : Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, Baby Loup :
Bull. ass. plén., n° 1 ; Dr. soc. 2014, p. 811, ét. J. Mouly ; RDT 2014, p. 607, note P. Adam. Sur cet arrêt,
voir également : J.-G. Huglo, « Le rôle de la Cour de cassation dans l’articulation des normes en droit du
travail », op. cit. Pour un désaveu récent de la chambre sociale par l’assemblée plénière, voir : Cass. ass.
plén., 23 oct. 2015, n° 13-25.279 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p. 27, ét. J. Mouly ; JCP S 2015,
1433, note L. Dauxerre.
1088
É. Serverin, « Les divergences de jurisprudence comme objet de recherche », op. cit., p. 73, spéc. p. 87.
1089
Intervention de l’ancien Président de la chambre sociale de la Cour de cassation Alain Lacabarats lors
d’un séminaire organisé par le Comptrasec le 6 avril 2017 sur « Le dialogue des juges et ses incidences sur
le droit social ».
1090
Ibid. Sur la nécessité de diversifier les parcours procéduraux devant la Cour de cassation, afin de les
adapter à la difficulté et à l’état de l’affaire, voir : C. Chainais, « À la recherche d’un modèle pluraliste de
cassation ‘‘à la française’’ », in JCP G 2017, n° 1-2 spéc. : Regards d’universitaires sur la réforme de la
Cour de cassation – Actes de la Conférence débat du 24 novembre 2015, p. 42, spéc. p. 47.
1091
Sur ce groupe de travail, voir : infra, n° 178.

210
estiment en effet que le coemploi « est une manifestation d’un abus de la personnalité morale
et, plus précisément une conséquence de la fictivité de la société initialement partie au contrat
de travail »1092 et considèrent dès lors qu’il ne pourrait y avoir coemploi sans extension de la
procédure collective à la société qualifiée de coemployeur1093. Les deux chambres devront
ainsi à terme se prononcer sur le caractère fonctionnel de la notion de fictivité, en admettant
ou non la possibilité de réaliser une appréciation différente selon la juridiction saisie. À
l’instar des conséquences de l’autonomie du droit pénal sur les divergences de jurisprudences,
on pourrait en effet considérer qu’une divergence d’interprétation entre la chambre sociale et
la chambre commerciale de la Cour de cassation sur la fictivité ne constitue aucunement une
divergence de jurisprudences1094.

149. La prévention des divergences dans le cadre des procédures d’avis. La


possibilité donnée aux juridictions du fond de solliciter l’avis d’une des chambres de la Cour
de cassation semble également être de nature à prévenir la survenance de divergences de
jurisprudences1095. Pour recourir à un tel mécanisme, il est en effet exigé que le juge soit
amené à trancher une question de droit nouvelle et se posant dans de nombreux litiges1096. Au
regard de cette condition, l’avis semble ainsi éviter que des juridictions du fond ne « se
prononcent dans des sens divers, sinon opposés »1097. Une telle procédure s’avère par ailleurs

1092
G. Auzero, « L’intérêt personnel des salariés », op. cit., spéc. p. 221. Sur ce débat, voir également : Y.
Pagnerre, « De la fictivité comme critère du coemploi : ‘‘certes mais pas que…’’ », RDT 2016, p. 175.
1093
G. Auzero, « L’intérêt personnel des salariés », op. cit., spéc. p. 221 – G. Auzero, « Coemploi : en finir
avec les approximations ! », op. cit., spéc. p. 31. Ce dernier se prononce d’ailleurs en faveur d’un dialogue
entre la chambre sociale et la chambre commerciale, le cas échéant par la constitution d’une chambre
mixte.
1094
Sur l’autonomie du droit pénal, voir notamment : É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour
de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p. 170 – V. Wittmann, Les
interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière
juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 98.
1095
Sur cette saisine, voir notamment : R. Libchaber, « La saisine pour avis, une procédure singulière dans
le paysage jurisprudentiel », RTD civ. 2003, p. 157 – F. Zenati, « La saisine pour avis de la Cour de
cassation », D. 1992, p. 247 – A.-M. Morgan de Rivery-Guillaud, « La saisine pour avis de la Cour de
cassation », JCP 1992, I, 3576. Pour un contentieux récent, voir : Cass. avis., 5 mai 2017, n° 17006. La
Cour de cassation était saisie par la cour d’appel de Versailles de la question de savoir si les règles de la
postulation s’appliquaient devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale suite à la mise en place
de la procédure avec représentation obligatoire.
1096
Articles L. 441-1 à L. 441-3 du code de l’organisation judiciaire. Articles 1031-1 à 1031-7 du code de
procédure civile. En droit du travail, la loi Macron a étendu cette procédure pour avis de la Cour de
cassation à l’interprétation des conventions et accords collectifs lorsque l’interprétation présente une
difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges (article L. 441-1 du code de
l’organisation judiciaire). Comme le soulignent les premiers commentateurs, une « telle réforme est
particulièrement bienvenue, lorsqu’on sait la très grande incertitude pesant sur la signification de trop
nombreuses stipulations conventionnelles et l’absence de l’équivalent des travaux préparatoires auquel le
juge peut se référer pour l’interprétation de la loi ».
1097
G. Canivet, « La Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 141, spéc. p. 155.

211
particulièrement intéressante dans le cadre des prorogations de compétence dans la mesure où
la question posée n’entre pas nécessairement dans la compétence d’attribution de la
juridiction à l’origine de l’avis. Or, si l’avis peut être porté devant la chambre compétente de
la cour de cassation, il peut également l’être devant une chambre mixte lorsque la demande
relève des attributions de plusieurs chambres, ou encore devant une formation plénière si elle
pose une question de principe1098.
Une telle procédure existe également au sein même de la Cour de cassation. Une chambre
peut en effet solliciter l’avis d’une autre chambre sur un point du droit qui relève de la
compétence de celle-ci1099. Une telle procédure a d’ailleurs été récemment utilisée par la
chambre commerciale de la Cour de cassation dans le cadre du contentieux de la concurrence
déloyale. Amenée à se prononcer sur le caractère personnel ou professionnel de SMS reçus ou
envoyés par un salarié sur son téléphone professionnel, la chambre commerciale de la Cour de
cassation a en effet sollicité l’avis de la chambre sociale sur ce point1100.

150. La prévention des divergences dans le cadre du pourvoi dans l’intérêt de


1101
la loi . On pourrait enfin citer le pourvoi dans l’intérêt de la loi dont l’objet est de
sanctionner une décision des juges du fond entrant en contradiction avec la solution retenue
par la Cour de cassation1102. Cette voie de recours, assez rare en pratique1103, est exercée par
le procureur général près la Cour de cassation dans un délai de cinq ans à compter du

1098
Dans le cadre de la réforme de la Cour de cassation, réalisée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre
2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le décret n° 2017-396 du 24 mars 2017 est venu
préciser la composition des formations mixte ou plénière, saisies pour avis. Sur ce décret, voir : F. Ferrand,
« Le décret du 24 mars 2017 portant diverses dispositions relatives à la Cour de cassation », JCP G 2017,
400.
Sur la réforme de la Cour de cassation, voir : F. Ferrand, « La Cour de cassation dans la loi de
modernisation de la justice du XXIe siècle », JCP G 2016, act. 1407 – L. Cadiet, « La loi ‘‘J21’’et la Cour
de cassation : la réforme avant la réforme ? », Procédures 2017, ét. 3, p. 9 – E. Piwnica, « Commentaire
des dispositions de la loi J21 relatives à la Cour de cassation », Gaz. Pal. 31 janv. 2017, p. 76.
1099
Article 1015-1 du code de procédure civile. Sur l’existence d’échanges entre les magistrats de la Cour
de cassation avant la mise en place en 1999 de cette procédure d’avis, voir : A. Perdriau, « Les avis entre
chambres de la Cour de cassation », JCP G 1999, I, 190.
1100
Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-14.779 : Bull. civ., IV, n° 20 ; RDT 2015, p. 191, chron. P. Adam ;
JCP G 2015, 226, act. C. Barrière.
1101
Article 17 de la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation.
1102
En ce sens : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à
l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 245, p. 228. Pour cette dernière, le
pourvoi dans l’intérêt de la loi peut « constituer un outil d’unification jurisprudentielle ».
1103
J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis Domat, n° 899, p. 723.
À notre connaissance, il n’existe pas d’exemple dans la jurisprudence de la chambre sociale. L’arrêt célèbre
en ce domaine est l’arrêt d’assemblée plénière Alma Mater sur les mères porteuses : Cass. ass. plén., 31 mai
1991 : Bull. ass. plén., n° 4. Sur cet arrêt, voir notamment : Y. Chartier, « L’illicéité de l’adoption plénière
de l’enfant d’une « mère porteuse », D. 1991, p. 417 et D. Huet-Weiller, « Détournement de l’adoption.
L’illicéité de la maternité de substitution et de l’adoption subséquente », RTD civ. 1991, p. 517.

212
prononcé de la décision devenue irrévocable. L’arrêt est transcrit au greffe de la juridiction
qui a rendu le jugement erroné dans le but d’éviter la propagation d’une erreur de droit. La
cassation ne produit aucun effet à l’égard des parties et présente en réalité un « intérêt
seulement doctrinal » 1104 . Ce mécanisme assure ainsi la prévention des éventuelles
incohérences en évitant que d’autres juges ne commettent des erreurs similaires.

§2. Le rôle joué par la doctrine dans la prévention des divergences de jurisprudences

151. Un rôle de la doctrine dans la prévention des divergences de


jurisprudences. L’efficacité des mécanismes de traitement de l’incohérence judiciaire
précédemment évoqués suppose des magistrats qu’ils perçoivent l’existence d’une divergence
de jurisprudences1105. Certains attendent, à ce titre, de la doctrine qu’elle joue un rôle dans la
détection des incohérences et des incertitudes dans l’interprétation de la loi, autrement dit
qu’elle assume le « rôle essentiel de veiller à la cohérence du système de droit »1106. En
prenant le droit pour objet, la doctrine est en effet amenée à dévoiler les imperfections, les
nuances, voire les éventuelles discordances existant au sein de la jurisprudence1107. Elle peut
également rechercher des justifications à certaines différences d’interprétation1108, ou encore
révéler l’exploitation, par certaines parties au procès, des conflits de jurisprudences 1109.

1104
Ibid.
1105
En ce sens : É. Rubi-Cavagna, « La chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de
jurisprudence », op. cit., p. 167.
1106
G. Canivet, « La Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 141, spéc. p. 166.
Également en ce sens à propos de la complexité du droit contemporain : Th. Le Bars, « Positivisme,
dogmatisme, réalisme et dérive de la Cour de cassation », op. cit., spéc. p. 301 : « Le rôle de la doctrine
s’en trouve accru. Elle devrait redoubler de rigueur pour donner une lisibilité et même un sens, à ce qui en
paraît trop souvent dépourvu ».
1107
Nous entendons sous le terme doctrine l’ensemble des personnes qui étudient et enseignent le droit. En
ce sens : B. Barraud, La jurisprudence et la doctrine, L’Harmattan 2017, coll. Le droit aujourd’hui, p. 19 –
G. Cornu, « Linguistique juridique », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique,
PUF 2003, coll. Quadrige, p. 952, spéc. p. 957. La doctrine renvoie au contraire, pour certains, à
l’ensemble des écrits prenant le droit pour objet. Voir notamment : R. Libchaber, L’ordre juridique et le
discours du droit – Essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ 2013, p. 368. Sur l’attention
grandissante de la doctrine au phénomène jurisprudentiel, voir : B. Barraud, La jurisprudence et la
doctrine, L’Harmattan 2017, coll. Le droit aujourd’hui, 283 p.
1108
Des auteurs démontrent que certaines divergences d’interprétation ne constituent pas des divergences
de jurisprudences au regard de l’autonomie du droit pénal. Sur ce point, voir : É. Rubi-Cavagna, « La
chambre criminelle de la Cour de cassation et les divergences de jurisprudence », op. cit., p. 167, spéc. p.
170 – V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale parallèles – Contribution à l’étude de
la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. p. 98.
1109
En droit du travail, le Professeur Alain Supiot a notamment démontré comment certaines divergences
avaient pu être exploitées stratégiquement par les syndicats « soit en obtenant des décisions novatrices des
juges de première instance, soit en jouant sur les conflits de jurisprudence pour obtenir leur résolution dans
un sens favorable aux thèses qu’ils défendaient » : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 99, p.
104. Ces stratégies ont en réalité été permises par l’incohérence formelle du droit du travail. Sur cette

213
Admettre que la doctrine puisse jouer un rôle dans le traitement de l’incohérence judiciaire
montre ici le dépassement du dogme classique de l’interprétation judiciaire consistant en un
sens unique, celui assigné par l’auteur du texte1110. Il s’agit en effet de souscrire à l’idée selon
laquelle l’interprète judiciaire exerce un choix entre les différents sens d’un texte, en
interagissant notamment avec la doctrine1111.
L’affirmation du rôle de la doctrine dans la prévention des divergences de jurisprudences ne
saurait toutefois être perçue comme une quelconque croyance en la neutralité du discours
doctrinal. Même s’il se prétend descriptif, ce dernier recèle en effet une certaine dose
d’interprétation. Certains auteurs ont d’ailleurs démontré que la doctrine se nourrit de
l’existence des divergences de jurisprudences et pourrait, à ce titre, être tentée d’amplifier le
désordre existant pour valoriser le rôle constructif qu’elle peut être amenée à jouer 1112. Si
toutes les divergences de jurisprudences étaient résolues, le travail de la doctrine serait en
effet considérablement amoindri1113. À l’inverse, si aucune divergence ne devait recevoir de
solution, l’utilité pratique de la doctrine serait remise en question. La doctrine oscille dès lors
entre neutralisation et valorisation des divergences de jurisprudences1114.
Sous bénéfice de ces observations, les travaux doctrinaux peuvent – à notre sens – constituer
de précieux outils dans la prévention, voire dans la résolution a posteriori des divergences de
jurisprudences, à la condition que les magistrats ne sous-estiment pas la capacité de la
doctrine à déformer, réduire ou amplifier le phénomène des divergences de jurisprudences.

démonstration, voir le premier titre de la thèse du Professeur Alain Supiot : A. Supiot, Le juge et le droit du
travail, op. cit., p. 35.
1110
Sur le dépassement du dogme classique de l’interprétation judiciaire, voir la thèse du Professeur
Frédéric Géa, et notamment la première partie de sa thèse « Fondations » : F. Géa, Contribution à la
théorie de l’interprétation jurisprudentielle – Droit du travail et théorie du droit dans la perspective du
dialogisme, t. 1, vol. 1 et 2, LGDJ 2009, coll. Thèse.
1111
Pour une telle démonstration : F. Géa, Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle –
Droit du travail et théorie du droit dans la perspective du dialogisme, t. 2, vol. 1 et 2, LGDJ 2009, coll.
Thèse. Ce dernier démontre que l’interaction entre jurisprudence et doctrine n’est pas uniquement celle qui
se manifeste sous une forme externe dans le cadre d’un dialogue, mais se réfère surtout au dialogisme,
autrement dit aux relations qu’un discours entretient avec des discours antérieurs et des discours à venir que
pourraient produire ses destinataires.
1112
M.-L. Mathieu-Izorche, « Les procédés discursifs d’amplification ou de réduction des divergences », in
P. Ancel et M.-C. Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll.
Droit, p. 93.
1113
Ibid., p. 93, spéc. p. 97 : « La persistance, voire l’amplification des divergences de jurisprudence peut
servir l’existence même du discours doctrinal en tant que mode d’action sur le présent ».
1114
Ibid., spéc. p. 98.

214
Conclusion Titre 2

152. La limitation du risque d’éclatements des litiges. Si la pluralité


juridictionnelle rend problématique l’identification de la juridiction compétente et favorise les
conflits de compétences, elle emporte avec elle d’autres difficultés. Une fois la juridiction
compétente saisie, encore faut-il en effet que celle-ci puisse traiter de l’ensemble du litige et
que le justiciable n’ait pas à saisir plusieurs juridictions pour la résolution de son cas. Faire
émerger un pluralisme juridictionnel en droit du travail supposait ainsi de rendre possible
l’unification des litiges. À première vue, l’arbitrage retenu par le droit positif entre le
traitement unitaire du litige et la préservation des attributions de compétences semblait
favoriser le second. La confrontation du contentieux du travail aux obstacles de la prorogation
de compétence a permis de relativiser cette affirmation et de démontrer que ces obstacles
étaient d’intensité variable. Le périmètre limité des compétences exclusives en droit du travail
rend en effet possible des prorogations de compétences aux moyens de défense et seules les
prorogations aux demandes incidentes se révèlent véritablement encadrées. Actuellement, ne
peuvent ainsi faire l’objet d’un traitement unifié, les litiges dit « mixtes » et les litiges relatifs
aux clauses de non concurrence, aux inventions des salariés, à la responsabilité
extracontractuelle d’un tiers au contrat de travail ou à l’expulsion d’un salarié de son
logement de fonction. Pour pallier ce risque d’éclatement du litige, la proposition a dès lors
été formulée d’étendre la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes et d’introduire
des exceptions à la compétence exclusive de la juridiction prud’homale.
À même de garantir l’émergence d’un pluralisme juridictionnel, l’opportunité de cette
proposition nous a toutefois semblé devoir être appréciée au regard du risque d’amplification
de l’incohérence qu’elle pouvait susciter. L’extension du domaine des prorogations de
compétence laissait en effet craindre un décuplement du risque de divergences de
jurisprudences ou de contradictions de décisions. Une étude plus approfondie de ces deux
éléments a permis de révéler que ce risque était sans doute surestimé. La levée des obstacles
favorise certes la survenue de contradictions de décisions, puisque plusieurs juridictions sont
amenées à statuer sur la même question à titre principal ou à titre incident et que le périmètre
de l’autorité positive de la chose jugée est limité dans l’ordre judiciaire privé, mais, d’un autre
côté, elle permet de prévenir les contradictions qui résultent de l’éclatement des litiges et de la
pluralité d’acteurs en droit du travail. Le risque de divergences de jurisprudences s’est quant à
lui avéré maîtrisable au regard des nombreux mécanismes rendant possible le dialogue des

215
juges et du rôle que peut-être amenée à jouer la doctrine en ce domaine. Une telle
démonstration a ainsi permis d’affermir la proposition consistant à limiter le risque
d’éclatement des litiges, proposition elle-même indispensable à l’émergence d’un véritable
pluralisme juridictionnel en droit du travail au sein de l’ordre judiciaire.

216
Conclusion Partie 1

153. Un pluralisme juridictionnel pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire.


L’émergence d’un pluralisme juridictionnel au sein de l’ordre judiciaire supposait de contenir
les difficultés suscitées par la pluralité juridictionnelle, autrement dit de limiter le risque de
conflits de compétences et d’éclatements des litiges. L’étude du contentieux du travail a
permis de révéler qu’une telle limitation était envisageable au sein de l’ordre judiciaire sous
réserve de certaines adaptations.
Le cantonnement du risque de conflits de compétences a ainsi nécessité de procéder à
certaines clarifications de compétences. Ces dernières se sont avérées finalement bien moins
nombreuses que ce qui avait était pressenti et ont consisté à parfaire la lisibilité des exceptions
à la compétence prud’homale et à redéfinir la ligne de partage de compétences entre les
tribunaux d’instance et de grande instance. Cette limitation du risque de conflits de
compétences a également supposé de maintenir le régime actuel de la sanction de
l’incompétence et les possibilités de neutraliser les effets de l’incompétence au niveau de
l’appel dans la mesure où les clarifications de compétences permettent seulement de contenir
le risque de conflits de compétences sans avoir pour effet de supprimer l’ensemble des
incidents de compétences.
Par ailleurs, si la clarification des compétences proposée, ajoutée à la récente création du
service d’accueil unique du justiciable (SAUJ)1115, peuvent favoriser l’identification de la
juridiction compétente au principal, elles ne sauraient garantir que la juridiction saisie au
principal soit également compétente pour les éventuels moyens de défense ou les demandes
incidentes. Pour éviter que le justiciable n’ait à saisir plusieurs juridictions pour la résolution
de son cas, il a ainsi fallu lever les obstacles existants aux prorogations de compétences.
L’étude du contentieux avait en effet révélé qu’un certain nombre de litiges ne pouvaient
actuellement être unifiés. Il a en conséquence été proposé d’étendre la compétence
d’attribution du conseil de prud’hommes et d’introduire des exceptions à la compétence
exclusive de ce dernier. Pour véritablement pouvoir s’en prévaloir, cette proposition a

1115
Les SAUJ permettent à tout justiciable – où qu’il se trouve sur le territoire – de s’informer de ses droits
et des procédures, d’engager des formalités et démarches, ou de suivre le traitement d’une affaire. Le site
du ministère de la Justice donne d’ailleurs l’exemple d’un salarié qui pourra désormais se rendre devant un
tribunal d’instance proche de son domicile pour s’informer d’une affaire en cours devant un conseil de
prud’hommes (nouvel article L. 123-3 du code de l’organisation judiciaire tel qu’issu de l’article 2 de la loi
n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle).

217
néanmoins dû être mise en balance avec le risque d’amplification de l’incohérence qu’elle
suscitait. Ce risque s’est révélé limité puisque tout en favorisant les contradictions de
décisions et de divergences de jurisprudences, il nous a semblé que cette proposition
permettait de prévenir en même temps d’autres contradictions de décisions et que le risque de
divergences de jurisprudences pouvait quant à lui être prévenu dans le cadre du dialogue des
juges et par le rôle joué par la doctrine. La possibilité de limiter le risque de conflits de
compétences et d’éclatements des litiges a ainsi permis de conclure qu’un pluralisme était
pleinement réalisable au sein de l’ordre judiciaire.

154. Un pluralisme partiellement réalisable entre les ordres de juridictions. La


question de l’émergence d’un pluralisme juridictionnel au sein du dualisme juridictionnel a
été, à dessein, détachée de l’étude de celle-ci au sein de l’ordre judiciaire. La limitation du
risque de conflits de compétences et d’éclatement des litiges entre les ordres de juridictions ne
s’est en effet révélée possible qu’à l’égard d’une partie seulement des litiges, ce qui a obligé à
conclure que le pluralisme n’était que partiellement réalisable entre les ordres de juridictions.

218
Partie 2. Un pluralisme juridictionnel partiellement
réalisable entre les ordres de juridictions

155. La possibilité d’un pluralisme juridictionnel. Pour certains, le dualisme


juridictionnel en droit du travail serait une « source inutile de complication et d’allongement
des procédures, un même litige pouvant relever alternativement ou cumulativement, des deux
ordres de juridictions »1116. On retrouve ici les critiques généralement formulées à l’encontre
de la pluralité juridictionnelle. Comme nous l’avons vu, cette dernière s’avère en effet
critiquable lorsque l’illisibilité des compétences est telle qu’elle constitue, d’une part, un
obstacle au droit d’accès concret et effectif à la justice et qu’elle suscite, d’autre part, une
atteinte à l’exigence de célérité en favorisant le risque d’incidents de compétences. La
pluralité s’avère également contestable lorsqu’elle contraint le justiciable à multiplier les
instances parallèles pour le règlement d’un seul litige. Cet éclatement du règlement d’un litige
accroît en effet le coût et la durée du procès et renforce ainsi le risque d’atteinte aux exigences
de célérité.
Certains considèrent en outre que l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
travail ne tendrait pas simplement à compliquer l’accès du justiciable à la justice mais qu’elle
exercerait également des effets sur la substance même du droit du travail en venant, selon le
cas, « en compléter, préciser ou contrarier les principes fondateurs »1117. La jurisprudence
administrative serait ainsi un facteur de complication du droit du travail lui-même1118.
Malgré ces critiques, la suppression de la pluralité juridictionnelle, autrement dit de
l’intervention du juge administratif en droit du travail, ne paraît pas s’imposer. Le risque de
conflits de compétences, d’éclatements des litiges et de divergences de jurisprudences ne doit
pas en effet être surestimé. Sous l’impulsion du législateur, de la Cour de cassation, du
Conseil d’État et du Tribunal des conflits, les répartitions de compétences entre les deux
ordres ont progressivement été clarifiées et les mécanismes de prévention des incidents de
compétences ont été particulièrement perfectionnés. L’extension du domaine des prorogations
de compétence entre les deux ordres a quant à elle eu pour effet de réduire le risque
1116
L. Cadiet, « Du Juste travail à la justice du travail », op. cit., spéc. p. XII. Voir également : C.
Taillandier, « Il était une fois… », op. cit., spéc. p. 87 : « Pourquoi (…) créer un peu plus de confusion pour
les justiciables quant aux compétences de chaque juridiction ».
1117
X. Prétot, « Le juge administratif et le droit du travail », Justices 1997, n° 8, p. 41, spéc. p. 45 : « La
dévolution d’un contentieux à une juridiction plutôt qu’à une autre n’est pas innocente ».
1118
Ibid., spéc. p. 46.

219
d’éclatements des litiges provenant du dualisme juridictionnel. Concernant enfin le risque de
divergences de jurisprudences, la mise en concurrence des juges les a obligés à « dialoguer »
et à harmoniser leurs interprétations pour conserver une certaine cohérence de l’ordre
juridique1119. On a ainsi assisté à un mouvement de convergence des jurisprudences en droit
du travail entre les deux ordres de juridictions1120. Eu égard à la réduction de ces risques, la
mise en place d’un pluralisme juridictionnel semble ainsi possible entre les ordres
juridictionnels.

156. Un pluralisme juridictionnel seulement circonscrit. Si les difficultés liées au


dualisme juridictionnel ont pour la plupart été levées et qu’un pluralisme juridictionnel
semble possible entre les ordres, ce dernier ne pourra qu’être circonscrit. Pour certains litiges,
les inconvénients de la pluralité juridictionnelle sont en effet inévitables. On vise ici le cas des
salariés protégés et des salariés licenciés, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi,
qui sont obligés de saisir les juridictions des deux ordres pour faire valoir leurs droits et qui se
trouvent ainsi directement confrontés à la pluralité juridictionnelle. L’impossibilité de mettre
en place un pluralisme juridictionnel dans ces hypothèses semble dès lors plaider en faveur de
l’unité juridictionnelle.
Une telle proposition mérite en réalité d’être confrontée à la jurisprudence du Conseil
constitutionnel qui protège la compétence du juge administratif et encadre la création de blocs

1119
Pour certains, « le dialogue des juges n’est plus une option mais un impératif ». La mise en réseau des
sources normatives impulserait un travail en réseau des juridictions pour conserver la cohérence de l’ordre
juridique : Y. Struillou, « Le nouveau visage de la justice du travail en France », RDT 2013, p. 26, spéc.
p. 27. Également en ce sens : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc.
p. 15 : « Une telle coopération n’est pas décorative, elle n’est pas seulement utile ou judicieuse ; elle est
impérative et d’intérêt général, si nous voulons que notre justice soit reconnue à la place qui doit être la
sienne dans une société démocratique fondée sur la séparation des pouvoirs ».
1120
Sur ce point, voir la thèse de Madame Asli Morin-Galvin : A. Morin-Galvin, La convergence des
jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d’État : contribution au dialogue des juges en droit
du travail, LGDJ 2013, coll. Bibliothèque de Droit social, t. 60, 818 p. Est mise en évidence la réelle
convergence de l’œuvre jurisprudentielle entre la Cour de Cassation et le Conseil d’État en droit du travail.
Celle-ci concerne tout d’abord les objectifs. En effet, même si des divergences sont encore observables
dans certains domaines, la Cour de cassation et le Conseil d’État optent pour une démarche pragmatique
permettant d’harmoniser leurs solutions jurisprudentielles. Ce phénomène est d’ailleurs « amplifié » sous
l’action de la jurisprudence du juge répartiteur (Tribunal des conflits) et des juges prescripteurs
(Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme). La convergence concerne ensuite les
méthodes utilisées par les deux Hautes juridictions. Si chaque ordre maintient sa spécificité, autrement dit
sa doctrine, ses usages et son style, est observable une forte identité des modes d’articulation des sources et
des techniques de construction jurisprudentielle. Plus récemment, voir également : D. Piveteau, « La dualité
de juridictions à l’épreuve du droit du travail », in Dossier « Le droit du travail, ses juges et ses sanctions »,
Dr. soc. 2017, p. 415. Ce phénomène de convergence est également observable dans d’autres domaines et
notamment en matière de responsabilité médicale. Sur ce point, voir notamment : C. Lantero, « Devoir
d’information du patient : le Conseil d’État rejoint la Cour de cassation », AJDA 2012, p. 2231 et Ch. Radé,
« Plaidoyer en faveur d’une réforme de la responsabilité civile », D. 2003, p. 2247.

220
de compétences1121. Le législateur ne peut en effet recourir à l’unité juridictionnelle que
lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice l’impose 1122 . L’étude de la
jurisprudence constitutionnelle sur ce point permet en réalité d’établir un lien entre la
justification d’un bloc de compétences et le pluralisme juridictionnel. Il semblerait en effet
que l’absence de pluralisme juridictionnel suffise en elle-même à remplir les conditions de
l’unité juridictionnelle. Dès lors, dans les litiges du travail où le pluralisme juridictionnel
s’avère impossible, la création de blocs de compétences pourra être suggérée.

Plan.
Titre 1. Un pluralisme juridictionnel possible
Titre 2. Un pluralisme juridictionnel circonscrit

1121
Figure en effet au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le
principe selon lequel « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative
l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique,
par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou
les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » : Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224
DC, Conseil de la concurrence : AJDA 1987, p. 345, note J. Chevallier, Rev. dr. publ. 1987, p. 1341, note
Y. Gaudemet ; RFDA 1987, p. 287, comm. B. Genevois. Pour une étude des implications de cette
constitutionnalisation sur le dualisme juridictionnel, voir : infra, n° 208.
1122
Un certain nombre de blocs de compétences existe déjà en droit du travail. Voir : infra, n° 214 et suiv.

221
Titre 1. Un pluralisme juridictionnel possible

157. Une surestimation des difficultés provenant du dualisme juridictionnel en


droit du travail. Comme nous l’avons vu, le pluralisme juridictionnel exige que le justiciable
ne soit pas confronté aux inconvénients de la pluralité juridictionnelle, autrement dit qu’il
puisse identifier sans difficulté la juridiction compétente et qu’il n’ait pas à saisir plusieurs
juridictions pour le règlement de son litige. S’interroger sur les conditions d’émergence d’un
pluralisme juridictionnel entre les ordres en droit du travail suppose ainsi de mesurer le risque
actuel de conflits de compétences et d’éclatements des litiges afin de proposer les correctifs
afférents. L’étude du contentieux du travail s’avère particulièrement instructive. Elle révèle en
effet l’amenuisement progressif des difficultés provenant du dualisme juridictionnel 1123 .
Concernant tout d’abord le risque de conflits de compétences, les répartitions de compétences
ont été dans leur grande majorité clarifiées et persiste à l’heure actuelle un nombre seulement
restreint d’incertitudes1124. Le perfectionnement du traitement des incidents de compétences a,
quant à lui, permis de contrebalancer les effets du caractère strict de la sanction de
l’incompétence puisque le risque d’impunité de l’incompétence est inversement proportionnel
à celui des conflits de compétences1125. Concernant ensuite le risque d’éclatements des litiges,
l’extension du périmètre des prorogations de compétence entre les ordres juridictionnels
mérite d’être soulignée1126. En permettant au juge judiciaire non répressif d’accueillir une
contestation sérieuse sur la légalité ou la validité d’un acte relevant de l’ordre administratif,
tant en présence d’une jurisprudence établie qu’en référence au droit communautaire, le
Tribunal des conflits a en effet particulièrement limité les cas d’éclatements des litiges1127.

1123
Pour une critique des difficultés résultant de l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
travail dans les années quatre-vingt-dix, voir : X. Prétot, « Le juge administratif et le droit du travail »,
op. cit.
1124
Sur le lien entre le risque de conflits de compétences et l’illisibilité des répartitions de compétences,
voir : supra, n° 9.
1125
Sur le lien entre le risque de conflits de compétences et le caractère strict de la sanction de
l’incompétence, voir : supra, n° 10.
1126
Sur le lien entre le risque d’éclatements des litiges et le périmètre limité des prorogations de
compétence, voir : supra, n° 99.
1127
T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828-3829, SCEA du Chéneau : GAJA 2017, n° 111 ; AJDA 2012, p. 27,
chron. M. Guyomar et X. Domino ; D. 2011, p. 3046, note F. Donnat ; D. 2012, p. 244, obs. N. Fricero ;
RFDA 2011, p. 1122, concl. J.-D. Sarcelet ; RFDA 2011, p. 1129, note B. Seiller ; RFDA 2011, p. 1136,
note A. Roblot-Troizier ; JCP G 2011, 1423, note B. Plessix – Conf. : T. confl., 16 juin 2014,
n° 3953, Mme Semavoine c/ Communauté d’agglomération de la Rochelle : AJDA 2014, p. 1658, note
J.-F. Struillou.

223
Une telle extension mériterait d’être poursuivie afin de rendre le renvoi préjudiciel totalement
facultatif1128.
Compte tenu de ces évolutions et sous réserve de certaines clarifications, l’émergence d’un
pluralisme juridictionnel semble ainsi possible entre les ordres juridictionnels en droit du
travail.

Plan.
Chapitre 1. La limitation du risque de conflits de compétences
Chapitre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges

1128
En faveur d’une suppression du caractère obligatoire des renvois préjudiciels, voir : Y. Gaudemet,
« L’avenir de la juridiction administrative », Gaz. Pal., 26 et 27 sept. 1979, p. 6 – M. Hauriou,
« Compétence du tribunal judiciaire pour interpréter le sens d’un règlement administratif, mais non pas
pour en apprécier la légalité – note sous Tribunal des conflits, 16 juin 1923, Septfonds, », S. 1923, III, p.
49.

224
Chapitre 1. La limitation du risque de conflits de compétences

158. La clarification des répartitions de compétences. Chercher à limiter le risque


de conflits de compétences entre les ordres suppose de mettre un terme aux répartitions de
compétences « byzantines ». Les incertitudes dans l’identification de la juridiction compétente
favorisent en effet le recours aux procédures de règlement des incidents de compétences.
En ce domaine, la consultation des écrits relatifs au dualisme juridictionnel s’avère peu
rassurante. Que les auteurs se prononcent ou non en faveur de la suppression du dualisme
juridictionnel1129, ils s’accordent malgré tout sur le caractère complexe des répartitions de
compétences et peinent à identifier le critère de la compétence administrative1130. Sur ce
dernier point, il est traditionnellement enseigné que « la compétence suit le fond »1131. Ce

1129
En faveur de la disparition du dualisme juridictionnel, voir : B. Louvel, « Pour l’unité juridictionnel »,
2017, Tribune disponible sur le site de la Cour de cassation (déjà en ce sens : entretien avec B. Louvel, JCP
G 2015, act. 1122, spéc. p. 1908) – J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll.
Précis Domat, spéc. note 163, p. 413 – R. Drago et M.-A. Frison-Roche, « Mystères et mirages des dualités
des ordres de juridiction et de la justice administrative », op. cit. – D. Truchet, « Mauvaises et bonnes
raisons de mettre fin au dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 59. En faveur de son maintien : J.
Caillosse, « Les justifications du maintien actuel du dualisme juridictionnel », op. cit. Sur la surestimation
des critiques formulées à l’encontre du dualisme juridictionnel, voir : B. Stirn, « Quelques réflexions sur le
dualisme juridictionnel », Justices 1996, n° 3, p. 41.
1130
D. Truchet, « Plaidoyer pour une cause perdue : la fin du dualisme juridictionnel », in Dossier « Débat
sur l’avenir du dualisme juridictionnel », AJDA 2005, p. 1767. Pour cet auteur, les inconvénients du
dualisme juridictionnel « tiennent principalement à la complexité de la répartition des compétences, avec
son cortège de conséquences fâcheuses : relative incertitude sur le juge qu’il convient de saisir, obligation
pour ce dernier de renvoyer à l’autre ordre les questions préjudicielles qu’il ne peut trancher lui-même,
allongement corrélatif (au-delà du raisonnable ?) du délai de règlement définitif des affaires, surtout en cas
de détour par le Tribunal des conflits ». Également en ce sens : A. Van Lang, « Le dualisme juridictionnel
en France : une question toujours d’actualité », in Dossier « Débat sur l’avenir du dualisme juridictionnel »,
AJDA 2005, p. 1760, spéc. p. 1762 – J. Caillosse, « Les justifications du maintien actuel du dualisme
juridictionnel », op. cit., spéc. p. 1783. Voir toutefois : D. Labetoulle, « L’avenir du dualisme
juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », in Dossier « Débat sur l’avenir du dualisme
juridictionnel », AJDA 2005, p. 1770, spéc. p. 1771. Le président honoraire de la section du contentieux du
Conseil d’État remarque qu’il a été finalement peu confronté aux problèmes de répartition entre les deux
ordres dans sa carrière.
1131
Sur l’émergence de l’idée de la liaison de la compétence et du fond, voir J.-L. Mestre, Introduction
historique au droit administratif français, PUF 1985, coll. Droit fondamental, n° 127, p. 199. Sur le lien
entre dualisme juridictionnel et dualisme juridique, voir : J.-M. Auby, « Dualité juridictionnelle et dualisme
juridique », in J.-M. Auby et alii, Le contrôle juridictionnel de l’administration : bilan critique, Économica
1991, p. 104 – C. Eisenmann, « Le rapport entre la compétence juridictionnelle et le droit applicable en
droit administratif français », in Mélanges offerts à Jacques Maury, Dalloz 1960, p. 379. Voir également :
D. Truchet, « Mauvaises et bonnes raisons de mettre fin au dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 58 :
« Le [dualisme juridique] est historiquement inséparable du [dualisme juridictionnel], puisque le droit
administratif s’est construit dans l’abri que lui procurait la compétence contentieuse administrative ». Sur le
risque que le dualisme juridictionnel ne devienne une menace pour le dualisme juridique, et plus
particulièrement pour l’existence du droit administratif, voir : D. Truchet, « Plaidoyer pour une cause
perdue : la fin du dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 1769. Ce dernier craint « que le caractère trop
voyant du dualisme juridictionnel ne fasse oublier, chez les utilisateurs du droit, la nécessité du dualisme
juridique ».

225
serait ainsi la réglementation par le droit public de l’objet du litige – qu’il s’agisse d’un acte
juridique litigieux ou de l’activité de l’administration – qui importerait1132. Eu égard aux
emprunts croisés réalisés entre les ordres juridictionnels 1133 , certains auteurs remettent
toutefois en cause le caractère opératoire d’un tel principe et lui préfère la formule selon
laquelle « la compétence suit la notion »1134. L’intervention du juge administratif serait en
effet tributaire de la mise en cause, dans un litige donné, d’une notion-clé du droit
administratif1135.
En réalité, aucun de ces moyens mnémotechniques ne constitue un outil de répartition des
compétences directement exploitable pour le justiciable. Il reste en effet nécessaire soit
d’identifier le critère du droit administratif, soit d’avoir une parfaite maîtrise des notions-clés
du droit administratif1136. Or, une telle entreprise s’avère délicate. Si la distinction des actes
de puissance publique et des actes de gestion dans la deuxième moitié du XIXème siècle a

1132
En ce sens : J. Rivero, « Le juge administratif, gardien de la légalité administrative ou gardien
administratif de la légalité ? », in Mélanges offerts à Marcel Waline : Le juge et le droit public, vol. 2,
LGDJ 1974, p. 701, spéc. p. 713 : « Bien plus que la mythologie de la séparation des pouvoirs, c’est l’idée
que deux droits, différents par leurs règles, leurs techniques, leur esprit, seront mieux appliqués par deux
ordres de juridiction dont chacun se consacre à l’un de ces droits qui donne aujourd’hui sa justification à la
dualité des juridictions ».
1133
Sur ce point, voir : B. Plessix, L’utilisation du droit civil dans l’élaboration du droit administratif, Éd.
Panthéon-Assas 2003, coll. Droit public, 880 p. et R. Chapus, Responsabilité publique et responsabilité
privée : les influences réciproques des jurisprudences administrative et judiciaire, LGDJ 1954, coll.
Bibliothèque de Droit public, t. 8, 583 p. Voir également : C. Durand, Les rapports entre les juridictions
administrative et judiciaire, LGDJ 1956, coll. Bibliothèque de Droit public, t. 2, p. 1 : « Cette
indépendance totale n’est toutefois qu’une vue de l’esprit. Malgré la séparation des juridictions, malgré la
division des compétences, les contacts sont en effet très nombreux entre les contentieux dont connaissent
les tribunaux des deux ordres ».
1134
J.-F. Lachaume, « La liaison entre la compétence et le fond en droit administratif », in F. Melleray,
L’exorbitance du droit administratif en question(s), LGDJ 2004, p. 71, spéc. p. 80. Contra : J. Rivero,
« Le juge administratif, gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité ? »,
op. cit., spéc. p. 714. Selon lui, le fait que le juge judiciaire soit amené à appliquer une règle administrative
et le juge administratif une règle de droit privé ne remet pas en cause le principe de « la liaison de la
compétence et du fond ». Cette formule « ne fournit à coup sûr pas un critère précis des compétences
respectives des deux ordres », mais elle « n’en demeure pas moins le principe qui les fonde ».
1135
Les deux propositions ne nous semblent pas incompatibles si l’on considère que le fond « ne se définit
pas par les règles de fond applicables mais par la nature du litige ». En ce sens : D. Labetoulle, « L’avenir
du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit., spéc. p. 1776. Ce dernier
reprend à son compte la thèse développée par René Chapus à propos de l’arrêt Blanco : « On dira
peut-être : la compétence doit être, par exemple, administrative si le juge pense que l’espèce en cause doit
être réglée par les principes du droit public […] c’est donc les règles de fond (du droit applicable) qui
commandent la compétence. Ce raisonnement, souvent fait par les auteurs, n’est pas convaincant ; il reste
en effet à savoir pourquoi le juge estime que le procès doit être réglé par application de principes de droit
public et jugé par la juridiction administrative […] Si, en, réalité, l’opinion du juge est telle, c’est parce
que, à ses yeux, le procès met en jeu un acte d’administration. Si la compétence est reconnue devoir être
administrative, c’est en considération de cet acte et non du régime qu’il conviendrait d’appliquer ».
1136
Pour une étude sur la difficulté de la doctrine à identifier un critère de la compétence administrative,
voir notamment : F. Julien-Laferrière, « La dualité de juridiction, un principe fonctionnel ? », in L’unité du
droit : mélanges en hommage à Roland Drago, Économica 1996, p. 395.

226
laissé place au critère du service public dans l’arrêt Blanco1137, ce critère a toutefois perdu de
sa vigueur avec la consécration des services publics industriels et commerciaux dans l’affaire
dite du Bac d’Éloka1138 et l’identification d’un critère unique du droit administratif semble
désormais impossible1139. « Tout critère général est [en effet] voué à l’inefficacité, parce qu’il
ne peut correspondre à une réalité en perpétuel mouvement »1140. Pour cette raison, les
spécialistes du droit administratif lui préfèrent l’énoncé d’un certain nombre de principes
directeurs : les litiges entre particuliers ne relèvent pas de la compétence administrative, les
litiges concernant l’exercice de la puissance publique ou la gestion publique d’un service
public relèvent de la juridiction administrative, l’annulation ou l’appréciation de la légalité
des actes administratifs relèvent du juge administratif et seul le juge judiciaire est gardien de
la propriété privée et des libertés individuelles1141.
Sous bénéfice de ces observations, le risque de conflits de compétences semble dès lors
particulièrement élevé entre les deux ordres juridictionnels. L’étude du contentieux du travail
permet cependant de relativiser cette première impression1142. Les difficultés relatives aux
compétences respectives des deux ordres sur la question des libertés ne concernent en effet
aucunement le droit du travail 1143 . De plus, les critères de compétences présentant un
caractère byzantin ont été progressivement supprimés et les attributions légales de
compétences se sont multipliées. Sous l’action du dialogue des juges et du législateur, le
contentieux des compétences entre les ordres juridictionnels s’est ainsi stabilisé en droit du
travail et persiste un nombre restreint d’incertitudes.

1137
T. confl., 8 févr. 1873, n° 0012, Blanco : Rec. p. 61 ; GAJA 2017, n° 1.
1138
T. confl., 22 janv. 1921, n° 00706, Société commerciale de l’Ouest africain : Rec. p. 91 ; GAJA 2017,
n° 35. Sur cette évolution, se reporter utilement au manuel suivant : J. Waline, Droit administratif, 26e éd.,
Dalloz 2016, coll. Précis, spéc. n° 589 et suiv.
1139
En ce sens : J. Waline, Droit administratif, op. cit., p. 608 et suiv. Le Professeur Jean Waline remet en
cause le présupposé selon lequel on pourrait synthétiser l’ensemble du droit positif à l’aide d’un critère
unique.
1140
F. Julien-Laferrière, « La dualité de juridiction, un principe fonctionnel ? », op. cit., spéc. p. 405.
1141
J. Waline, Droit administratif, op. cit., p. 625 et suiv.
1142
Au contraire, sur la complexité du contentieux fiscal : M. Chretien, « Réflexions sur la dualité
juridictionnelle en matière fiscale », in Mélanges offerts à Marcel Waline : Le juge et le droit public, vol. 1,
LGDJ 1974, p. 115. Sur la complexité du contentieux de la concurrence, voir : L. Cadiet, « Ordre
concurrentiel et justice », in L’ordre concurrentiel : mélanges en l’honneur d’Antoine Pirovano, Éditions
Frison-Roche 2003, p. 109 – D. Truchet, « Le mythe de l’unification du contentieux de la concurrence », in
Les mutations contemporaines du droit public : mélanges en l’honneur de Benoît Jeanneau, Dalloz 2002,
p. 539.
1143
Sur ces difficultés, voir : G. Eveillard, « Les matières réservées par nature à l’autorité judiciaire », in
Dossier « Les 30 ans de la Décision Conseil de la concurrence », AJDA 2017, p. 101. Plus largement sur
cette question, voir : J.-M. Sauvé, « Quel juge pour les libertés ? », op. cit. Pour une critique du maintien de
l’attribution à l’autorité judiciaire du rôle de gardienne exclusive de la liberté individuelle, voir : Ch.
Tukov, « L’autorité judiciaire gardienne exclusive de la liberté individuelle ? », AJDA 2016,
p. 936.

227
159. Le perfectionnement du régime entourant la sanction de l’incompétence.
L’étude du régime entourant la sanction de l’incompétence entre les ordres juridictionnels
laisse craindre un risque de conflits de compétences relativement élevé. Le nombre de
personnes pouvant soulever une exception d’incompétence et le moment pendant lequel
celles-ci disposent de la faculté de s’en prévaloir s’avèrent en effet plus étendus qu’au sein de
l’ordre judiciaire privé 1144 . L’existence d’une procédure de prévention des conflits de
compétences au sein du Tribunal des conflits permet toutefois de contrebalancer cet état de
fait. Le perfectionnement récent de cette procédure ne fait d’ailleurs qu’appuyer cette
affirmation1145. Sous réserve de certains aménagements, le régime entourant la sanction de
l’incompétence semble dès lors devoir être maintenu entre les ordres juridictionnels.

Plan.
Section 1. Une clarification progressive des répartitions de compétences
Section 2. Un perfectionnement du régime entourant la sanction de l’incompétence

1144
Sur le lien entre la sanction de l’incompétence et le risque de conflits de compétences, voir : supra, n°
10.
1145
Le Tribunal des conflits a été récemment réformé par l’article 13 de la loi n° 2015-177 du 16 février
2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la
justice et des affaires intérieures et le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits
et aux questions préjudicielles. Outre les modifications apportées à la présidence du Tribunal, à sa
composition, à la procédure de départage et au fonctionnement des questions préjudicielles, ces textes ont
également perfectionné la procédure de prévention des conflits de compétences. La loi du 16 février 2015 a
par ailleurs réuni l’ensemble des règles relatives au Tribunal des conflits au sein de la loi du 24 mai 1872,
rebaptisée loi relative au Tribunal des conflits. Jusqu’à présent, sa compétence était disséminée dans des
textes épars (la loi du 24 mai 1872 alors intitulée loi portant réorganisation du Conseil d’État,
l’ordonnance du 1er juin 1928 pour les conflits positifs de compétences, la loi du 20 avril 1932 pour les
conflits de décisions, et le décret du 26 octobre 1849 pour la prévention de l’éclosion d’un conflit) et
s’avérait ainsi difficilement saisissable. Il suffit désormais de se reporter aux nouveaux articles 12, 13, 14,
15 et 16 de la loi du 24 mai 1872 ainsi qu’aux dispositions du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 pour
saisir la compétence du Tribunal des conflits. Sur cette réforme, voir notamment : J. Arrighi de Casanova et
J.-H. Stahl, « Tribunal des conflits : l’âge de la maturité », AJDA 2015, p. 575 – B. Seiller, « Le tribunal
des conflits renforcé », JCP G 27 avril 2015, p. 844, n° 17. Cette réforme fait suite à un colloque ayant
réuni des universitaires et des praticiens en 2008 (P. Gonod et L. Cadiet (dir.), Le tribunal des conflits,
bilan et perspectives, Dalloz 2009, coll. Thèmes et commentaires, 121 p.) et au rapport d’un groupe de
travail, présidé par l’ancien vice-président du Tribunal des conflits Jean-Louis Gallet et composé de
professeurs, de membres du Conseil d’État et de la Cour de cassation et d’avocats au Conseil d’État et à la
Cour de cassation. Pour un résumé de ce rapport, voir : J.-L. Gallet, « Rapport sur la réforme du Tribunal
des conflits », AJDA 2013, p. 2130.

228
Section 1. Une clarification progressive des répartitions de compétences

160. Des difficultés désormais limitées en droit du travail. Si l’on retient la


formule selon laquelle la « compétence suit la notion » et que l’on étudie le régime des
notions-clés du droit administratif que sont l’acte administratif et le contrat administratif1146,
on s’aperçoit que leur identification ne présente pas de difficultés particulières en droit du
travail et que les répartitions de compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif
ont au contraire été facilitées en cette matière.
Pour une large partie, la compétence de la juridiction administrative résulte en effet de
l’intervention en droit du travail du pouvoir règlementaire et de l’intervention des autorités
administratives au cours de la relation de travail. Or, dans ces hypothèses, le caractère
administratif des actes s’impose avec évidence, ce qui facilite ainsi la détermination de la
juridiction compétente. Par ailleurs, la jurisprudence n’a eu de cesse de préciser le régime des
actes pris dans les entreprises en charge de la gestion d’un service public industriel et
commercial. Une telle clarification s’avérait nécessaire puisque les incertitudes relatives à la
nature de ces actes avaient pour conséquence d’obscurcir en pratique les répartitions de
compétences entre les deux ordres. Il faut en outre souligner l’évolution des critères de
distinction des contrats de travail de droit public et de droit privé qui a, quant à elle, permis de
mettre un terme à une jurisprudence casuistique et un contentieux particulièrement abondant
sur ce point. Au-delà de ces clarifications jurisprudentielles, c’est l’action du législateur qu’il
convient également de relever. Ce dernier précise en effet de plus en plus fréquemment la
nature de l’acte ou du contrat en cause et procède à des attributions expresses de compétences.

Plan.
Paragraphe 1. Une identification des actes administratifs facilitée en droit du travail
Paragraphe 2. Une identification des contrats de travail administratifs facilitée en
droit du travail

1146
J.-F. Lachaume, « La liaison entre la compétence et le fond en droit administratif », op. cit., spéc. p. 80.
En vertu de cette formule, l’intervention du juge administratif est directement tributaire du point de savoir
si la notion en cause dans un litige donné constitue ou non une notion-clé du droit administratif. Dans cet
article, le Professeur Jean-François Lachaume se réfère aux notions-clé suivantes : l’acte administratif, le
contrat administratif, l’agent public, le domaine public, le travail public, l’ouvrage public, la responsabilité
administrative et la police administrative. Seules les notions d’acte administratif et de contrat administratif
feront ici l’objet d’une étude dans la mesure où les autres notions clés du droit du travail ne concernent pas
le contentieux du travail.

229
§1. Une identification des actes administratifs facilitée en droit du travail

161. L’identification aisée des actes administratifs règlementaires. Seule la


juridiction administrative dispose d’une compétence pour connaître, à titre principal, de la
contestation des actes administratifs règlementaires1147. Or, « la part règlementaire du droit du
travail est (…) considérable »1148. Depuis la Constitution du 4 octobre 1958, l’intervention du
législateur est en effet censée se limiter à la détermination des principes fondamentaux du
droit du travail et du droit syndical1149, à charge pour le pouvoir règlementaire de fixer en
détail les règles du droit du travail1150. Ce pouvoir se manifeste à travers les décrets pris en
Conseil d’État1151, les décrets simples1152, mais également les arrêtés pris par les ministres, les
préfets ou encore les maires. Sont ici visés : i. Les arrêtés ministériels portant extension d’une
1153
convention collective , fixant la liste des organisations syndicales reconnues
représentatives1154, déterminant les zones touristiques internationales et les gares dont les
établissements de vente au détail sont autorisés à donner le repos hebdomadaire par
roulement 1155 ; ii. Les arrêtés préfectoraux autorisant le travail le dimanche dans les

1147
J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 604, p. 625. Toutefois, sur la
possibilité de contester la légalité d’un acte administratif règlementaire, à titre incident, devant le juge
judiciaire, voir : infra, n° 175 et suiv.
1148
G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis, n° 49, p. 63.
1149
Article 34 de la Constitution. Sur cette question, voir : B. Teyssié, « La loi en droit du travail », in C.
Puigelier (dir.), La loi : bilan et perspectives, Économica 2005, coll. Études juridiques, p. 161. Toutefois,
sur la tendance du législateur à étendre son rôle en droit du travail, voir : G. Auzero, D. Baugard et E.
Dockès, Droit du travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis, n° 46, p. 59.
1150
Le législateur dispose toutefois de la faculté de renvoyer la détermination des modalités d’application
d’une norme législative, normalement de la compétence du pouvoir réglementaire, à la négociation
collective. Le Conseil constitutionnel exige cependant qu’il épuise sa compétence, qu’il ne délègue pas les
missions que lui confère l’article 34 de la Constitution et que les organisations représentatives
n’interviennent que sur les modalités concrètes d’application. Sur ce point, voir : Cons. const., 29 avr.
2004, n° 2004-494 DC : RFDA 2005, p. 409, note L. Dardalhon et Cons. const., 25 juill. 1989, n° 89-257
DC.
1151
Dans le code du travail, les articles relevant d’un décret en Conseil d’État sont mentionnés par la lettre
R. Sur ce point, voir le guide de légistique disponible sur le site Legifrance. Pour un exemple récent de
contestation d’un règlement pris en Conseil d’État, voir : CE, 1re ch., 31 mars 2017, n° 399957, inédit : JSL
2017, p. 17, note M. Hautefort. Dans cette affaire, le Conseil d’État rejette le recours formé par un syndicat
contre le décret d’application de la loi Rebsamen imposant aux membres de la délégation unique du
personnel un délai de prévenance en matière d’utilisation de leur crédit d’heures.
1152
Dans le code du travail, les articles relevant d’un décret simple sont mentionnés par la lettre D. Sur ce
point, voir le guide de légistique disponible sur le site Legifrance.
1153
Article L. 2261-15 du code du travail.
1154
Article L. 2122-11 du code du travail. Pour un contentieux récent, voir : CE, 4e et 5e s.-s. r., 30 déc.
2015, n° 387420, Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT-FO) : AJDA 2016, p. 11, obs. J.-
M. Pastor.
1155
Articles L. 3132-24 et L. 3132-25-6 du code du travail. Parmi les nombreux arrêtés, voir notamment
l’arrêté du 9 février 2016 pris pour l’application de l’article L. 3132-25-6 du code du travail et autorisant
l’ouverture dominicale des commerces de détail situés dans des gares et les arrêtés du 25 décembre 2015
délimitant les zones touristiques internationales à Paris.

230
établissements dont la fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait le
fonctionnement normal de cet établissement1156, fixant les zones touristiques et les zones
commerciales au sein desquelles les établissements de vente au détail sont autorisés à donner
le repos hebdomadaire par roulement1157 ; iii. Les arrêtés municipaux portant dérogation à la
règle du repos dominical dans les commerces de détails1158.
Un certain nombre d’actes administratifs règlementaires sont également pris dans les
entreprises publiques en charge de la gestion d’un service public industriel et commercial1159.
Certaines d’entre elles sont en effet dotées d’un statut du personnel dont le caractère
administratif et règlementaire est affirmé par la jurisprudence1160. À certaines conditions, les
actes unilatéraux pris par les organes dirigeants de ces entreprises peuvent en outre présenter
ce caractère. La jurisprudence considère en effet que les actes généraux et impersonnels pris
par une personne, publique1161 ou privée1162, en charge de la gestion d’un service public

1156
Article L. 3132-20 du code du travail.
1157
Article L. 3132-25-2 du code du travail.
1158
Article L. 3132-26 du code du travail.
1159
Des précisions méritent ici d’être apportées afin de ne pas confondre les notions d’entreprise publique,
d’entreprise privée, de personne publique, de personne privée, de secteur privé ou de secteur public. Les
développements suivants s’appuient en grande partie sur le cours de Madame Marie-Thérèse Viel, intitulé
Droit des relations de travail dans le secteur public et dispensé à l’Université de Bordeaux en 2015. Pour
être qualifiée d’entreprise publique, une entreprise doit avoir la personnalité morale, exercer une véritable
activité industrielle et commerciale, et appartenir au secteur public. Ce dernier critère est rempli lorsque
l’entreprise est gérée par une personne publique (Établissement public, régie personnalisée...) ou par une
personne privée dont la moitié du capital au moins appartient à une ou plusieurs personnes publiques ou à
une entreprise publique (Société anonyme à capitaux publics, société d’économie mixte,…). Une entreprise
publique n’est donc pas nécessairement en charge d’un service public et peut être gérée tant par une
personne publique que par une personne privée. Constituent notamment des entreprises publiques gérées
par des personnes publiques : la RATP (EPIC), la SNCF (EPIC), Pôle emploi (EPA) ou encore
l’établissement français du sang (EPA). Constituent notamment des entreprises publiques gérées par une
personne privée : La Poste, le groupe ADP ou encore EDF (article L. 111-67 du code de l’énergie). À
l’inverse, des organismes privés du secteur privé peuvent exercer des missions de services publics. Il en est
ainsi de la plupart des organismes de la sécurité sociale (CAF, CPAM,…).
1160
Les statuts sont « des textes unilatéraux à caractère règlementaire (…) édictés selon les cas soit par
l’autorité administrative de tutelle, soit par la direction de l’établissement sous le contrôle de l’autorité de
tutelle » : S. Boissard, « Les entreprises publiques à statut : survivance du passé ou solution d’avenir ?
Quelques réflexions sur un régime juridique hybride », Les Cahiers de la fonction publique et de
l’administration 2002, n° 216, p. 4 (citation et référence tirées de l’article suivant : L. Seurot, « Un nouveau
principe général du droit applicable aux salariés des entreprises publiques à statut », AJDA 2014, p. 1963,
spéc. p. 1965). Sur les difficultés tenant à la qualification de statut pour les Établissements publics
industriel et commercial non explicitement dotés d’un statut dans leurs textes constitutifs et qui confient
aux conseils d’administration le soin d’adopter les règles générales de recrutement, d’emploi et de
rémunération, voir : J. Chorin, « Le nouveau Code du travail et les personnes publiques employant des
personnels de droit privé », JCP S 2010, 1463, spéc. p. 18. Sur le mouvement de réduction de la place des
régimes statutaires, voir : J. Chorin, « Choix nationaux et choix européens. Le reflux des statuts dans les
service publics industriels et commerciaux », Dr. soc. 2011, p. 448. Sur la possible contestation de ces
statuts règlementaires, à titre incident, devant le juge judiciaire, voir : infra, n° 176.
1161
Cass. soc., 5 janv. 2011, n° 10-21.445, Pôle emploi Région Île de France c/ comité d’établissement :
Bull. civ, V, n° 5 : Dr. ouvr. 2011, p. 183, note M. Desrues ; JCP S 2011, 1115, note S. Brissy. : « Le juge
de l’ordre administratif est seul compétent pour trancher un litige relatif à la procédure de consultation

231
industriel et commercial constituent des actes administratifs lorsqu’ils touchent à
l’organisation du service public. La nature privée ou publique de l’organe gérant le service
public n’est donc pas déterminante et seul importe le critère de l’organisation du service
public. L’appréhension d’un tel critère n’a pas toujours été aisée. S’il semblait se distinguer
de l’organisation interne de l’entreprise, la frontière entre les deux notions s’avérait assez
poreuse en pratique1163. La réorganisation d’une entreprise peut en effet avoir un impact sur
l’organisation du service public. Ceci explique sans doute l’évolution de la jurisprudence sur
ce point. Le Tribunal des conflits, le Conseil d’État et la Cour de cassation s’attachent en
effet, dans les arrêts les plus récents, aux répercussions de la décision sur le service public lui-
même. « Le critère de répartition des compétences n’est [dès lors] plus seulement matériel,
mais finaliste. [Et ce n’est que lorsque] les usagers du service public sont ‘‘impactés’’, [que]
la mesure querellée doit être regardée comme touchant à l’organisation du service
public »1164. Relèvent ainsi notamment de la compétence du juge administratif les décisions
impliquant l’ouverture de nouveaux sites à destination des usagers 1165 ou modifiant les
conditions d’accueil de ces derniers1166. Lorsque la décision n’a au contraire aucun effet sur
l’organisation du service public et les usagers, seul le juge judiciaire est compétent pour en

préalable des institutions représentatives du personnel, lorsqu’est en cause une décision portant sur
l’organisation du service public ». Voir également : Cass. civ. 1er, 28 juin 2005, n° 03-18.500, inédit :
Dr. ouvr. 2005, p. 551, note F. Saramito (À l’époque des faits, EDF n’avait pas encore été transformée en
Société anonyme).
1162
T. confl., 15 janv. 1968, n° 01908, Air France c/ Epoux Barbier : Rec. p. 789 ; GAJA 2017,
n° 78 : « Si la compagnie nationale Air France, chargée de l’exploitation de transports aériens, est une
société anonyme, c’est-à-dire une personne morale de droit privé, et si, par suite, il n’appartient qu’aux
tribunaux de l’ordre judiciaire de se prononcer au fond sur les litiges individuels concernant les agents non
fonctionnaires de cet établissement, les juridictions administratives demeurent, en revanche, compétentes
pour apprécier, par voie de question préjudicielle, la légalité des règlements émanant du conseil
d’administration qui, touchant à l’organisation du service public, présentent un caractère administratif ».
Plus récemment, voir : T. confl., 11 janv. 2016, n° 4038, Comité d’établissement de l’unité clients et
fournisseurs Île-de-France des sociétés ERDF et GRDF : Dr. ouvr. 2016, p. 381, note S. Deliancourt ;
JCP A 2016, 2334, note P. Levallois.
1163
En ce sens : S. Deliancourt, « Note sous T. confl., 11 janv. 2016, n° 4038 », Dr. ouvr. 2016, p. 381,
spéc. p. 383.
1164
Ibid.
1165
Voir par exemple : T. confl., 17 oct. 2011, n° 3822, Comité d’établissement de Pôle emploi Île de
France c/ Pôle emploi : AJDA 2011, p. 2042, act. M.-C. de Montecler. Le contentieux était ici relatif à
l’établissement de l’ordre du jour et de l’information d’un comité d’établissement de Pôle emploi à l’égard
d’un projet de mise en place de sites mixtes et d’ouverture de nouveaux sites à destination des usagers. Une
telle contestation relevait de la compétence des juridictions administratives dans la mesure où ces projets
constituaient, par leur objet, des mesures d’organisation du service public de l’emploi. Conf. Cass. soc.,
4 juill. 2012, n° 11-12.098, inédit et Cass. soc., 16 déc. 2014, n° 13-20.443 : Bull. civ., V, n° 291 ; D. act.
21 janv. 2015, obs. B. Ines.
1166
Voir par exemple : T. confl., 11 janv. 2016, n° 4038, op. cit. En l’espèce, la décision avait pour but de
mettre fin à la mixité d’une activité d’accueil-acheminement. En influant sur la mise en place des
abonnements et sur la gestion des réclamations des clients, la décision avait un impact sur les usagers et
relevait de la compétence du juge administratif.

232
connaître1167. De telles précisions sont loin d’être superflues en droit du travail. Dans les
entreprises publiques en charge de la gestion d’un service public industriel et commercial, la
question de la nature de ces décisions se pose en effet souvent à l’occasion de la procédure
d’information-consultation des institutions représentatives du personnel. Informées ou
consultées sur un projet de réorganisation de l’entreprise, ces dernières doivent ainsi prêter
attention à l’incidence du projet sur le service public pour saisir la bonne juridiction.
La jurisprudence recourt également au critère de l’organisation du service public à l’égard des
conventions collectives conclues par des entreprises publiques ou privées en charge de la
gestion d’un service public. Depuis 1982, ces dernières ont en effet la possibilité de signer des
accords et conventions collectifs non seulement pour régir la situation des personnes non
soumises à un statut particulier mais également pour compléter ou déterminer les modalités
d’application des dispositions statutaires1168. Or, à leurs égards, le Tribunal des conflits
considère que les dispositions d’une convention collective sont détachables de l’acte de droit
privé et présentent un caractère administratif et règlementaire lorsqu’elles touchent à
l’organisation du service public1169. En admettant le caractère divisible des dispositions d’une
convention collective, la jurisprudence reconnaît ainsi la compétence du juge administratif à
l’égard des seules dispositions se rapportant à l’organisation du service public1170.

1167
Voir notamment : T. confl., 9 févr. 2015, n° 3987, Union interprofessionnelle CFDT de Saint-Pierre et
Miquelon c/ Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre et Miquelon. En l’espèce, la création de poste de
sous-directeurs au sein d’une caisse de prévoyance sociale n’avait pas « pour objet de régir l’organisation
du service public de l’assurance sociale, mais se [rapportait] à l’organisation et au fonctionnement interne
de l’institution en cause ». Le Tribunal des conflits a ainsi retenu la compétence du juge judiciaire pour
connaître de la contestation de cette délibération du conseil d’administration de la caisse de prévoyance
sociale. Pour d’autres exemples d’actes non relatifs à l’organisation du service public, voir : Cass. soc.,
16 déc. 2014, n° 13-20.443, op. cit. – Cass. soc., 10 juill. 2013, n° 12-17.196 : Bull. civ, V, n° 187 ;
Procédures 2013, comm. 286 A. Bugada – Cass. soc., 5 janv. 2011, n° 10-21.445, op. cit. – Cass. civ. 1er,
28 juin 2005, n° 03-18.500, inédit : Dr. ouvr. 2005, p. 551, note F. Saramito.
1168
Articles L. 2233-1 et L. 2233-2 du code du travail.
1169
Relèvent du juge administratif les dispositions d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise
qui régissent l’organisation du service public. Tel n’est pas le cas des dispositions qui ont pour objet la
détermination des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que des garanties
sociales des personnels des entreprises et établissements publics. Sur ce point : T. confl., 15 déc. 2008,
n° 3652, Kim c/ Établissement français du sang : GAJA 2017, n° 78.2 ; AJDA 2009, p. 365, chron. S.-J.
Lieber et D. Botteghi. Voir également : T. confl., 15 déc. 2008, n° 3662, Voisin c/ RATP : Rec.
p. 563 : AJDA 2009, p. 365, chron. S.-J. Lieber et D. Botteghi ; Dr. ouvr. 2009, p. 512, note A. Lévy et
X. Gosselin.
1170
CE, 2e et 7e s.-s. r., 26 sept. 2014, n° 380164, Syndicat CFE-CGC/UNSA France Télécom-Orange :
AJDA 2014, p. 1855, note D. Poupeau (compétence du juge judiciaire à l’égard de la validité d’un accord
salarial de France-Télécom-Orange dont aucune disposition ne portait sur le service public et ce malgré
l’application de certaines de ces dispositions aux fonctionnaires).

233
Sous bénéfice de ces observations, l’identification des actes administratifs règlementaires ne
pose pas de réelles difficultés en droit du travail1171. Comme nous l’avons vu, la jurisprudence
a en effet progressivement précisé le critère permettant de déterminer la nature des décisions
prises et des conventions collectives conclues dans les entreprises en charge de la gestion d’un
service public. L’attention portée aux répercussions de la décision sur l’organisation du
service public devrait d’ailleurs permettre de réduire, à terme, le nombre de discussions
s’engageant autour de la nature de ces actes.

162. L’identification aisée des actes administratifs individuels. L’intervention du


juge administratif dans le contentieux du travail résulte également du rôle joué par les agents
de l’inspection du travail en collaboration avec le directeur régional des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Les décisions prises
par une autorité administrative constituent en effet des actes administratifs individuels dont la
contestation relève, sauf exception1172, de la juridiction administrative1173. Le code du travail
prévoit d’ailleurs expressément cette compétence pour certaines décisions administratives. De
telles confirmations de compétences, au sein du domaine constitutionnel réservé au juge
administratif, sont parfois critiquées par la doctrine au motif qu’elles tendraient « à semer le
doute sur l’existence même du noyau dur et finalement, à relancer le débat sur la dualité
juridictionnelle »1174. L’étude de ces attributions de compétences en droit du travail permet
toutefois de relativiser de telles critiques. En effet, lorsque la compétence du juge
administratif est prévue dans le code du travail, cette confirmation a seulement pour but soit
d’exclure les éventuels recours administratifs et hiérarchiques1175, soit de prévoir des cas

1171
Plus délicate est en revanche la question de la contestation de ces actes administratifs à l’occasion d’un
procès devant le juge judiciaire. Sur ce point, voir : infra, n° 177 et n° 179.
1172
Sur la multiplication des blocs de compétences en droit du travail au profit du juge judiciaire, voir :
infra, n° 214.
1173
Sur la compétence de la juridiction administrative à l’égard des décisions individuelles prises par une
autorité administrative, voir : J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 604,
p. 625.
1174
Ch. Froger, « Les interventions législatives après la décision Conseil de la concurrence. Que reste-t-il
du ‘‘noyau dur’’ de la compétence du juge administratif ? », in Dossier « Les 30 ans de la Décision Conseil
de la concurrence », AJDA 2017, p. 112, spéc. p. 118. Ce dernier prend d’ailleurs pour exemple le
contentieux du travail et plus spécifiquement le contentieux de la validation de l’accord majoritaire ou de
l’homologation du document unilatéral de l’employeur fixant les mesures du plan de sauvegarde de
l’emploi.
1175
Il en est ainsi pour le contentieux de la validation de l’accord majoritaire ou de l’homologation du
document unilatéral de l’employeur (article L. 1235-7-1 du code du travail) et du contentieux des amendes
pouvant être prononcées par le Direccte (article L. 8115-6 du code du travail).

234
d’ouverture à référé administratif1176. Cerner la compétence du juge administratif en droit du
travail oblige ainsi à rechercher les diverses attributions des agents de l’inspection du travail
et du Direccte sans tenir compte des éventuelles attributions de compétences.
Les agents de l’inspection du travail et le Direccte disposent en réalité d’un large pouvoir de
décision dans l’entreprise. L’exercice du pouvoir de direction de l’employeur est en effet
subordonné, dans certaines hypothèses, à l’obtention d’une décision favorable de l’autorité
administrative 1177 . On vise ici l’autorisation préalable d’un certain nombre de mesures
relatives au contrat de travail d’un salarié protégé1178, la validation de l’accord majoritaire ou
l’homologation du document unilatéral de l’employeur fixant notamment les mesures du plan
de sauvegarde de l’emploi1179, l’autorisation de déroger aux durées maximales de travail –
qu’il s’agisse de la durée quotidienne maximale 1180, de la durée hebdomadaire maximale 1181,
de la durée moyenne hebdomadaire maximale 1182 et de la durée quotidienne maximale pour
le travail de nuit1183 – ou de déroger à la durée minimale de repos quotidien1184. Ce pouvoir de
décision s’exerce également à l’égard des institutions représentatives du personnel. Les agents
de l’inspection du travail peuvent en effet imposer, sous certaines conditions, la mise en place
d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les
1176
La dernière réforme de l’inspection du travail a considérablement étendu la liste des référés spéciaux
administratifs en droit du travail (voir : supra, n° 64). Relèvent désormais du juge des référés administratif :
i. Les demandes de retrait d’urgence des jeunes travailleurs de leur poste de travail et les décisions de
suspension ou de rupture de leur contrat de travail (article L. 4733-6 du code du travail) ; ii. Les décisions
d’arrêts temporaires de travaux ou d’activités en cas de danger grave et imminent (articles L. 4731-1 et
L. 4731-4 du code du travail) ; iii. Les décisions d’arrêts temporaires d’activité dans les entreprises dans
lesquelles persiste le dépassement de la valeur limite de concentration d’une substance chimique
cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, malgré la mise en demeure (articles L. 4721-8,
L. 4731-2 et L. 4731-4 du code du travail). En ce domaine, le référé administratif aura sans doute aussi peu
de succès que ne l’avait eu le référé judiciaire. Afin de ne pas retarder l’avancée d’un chantier, les
entreprises préféraient en effet généralement régulariser la situation plutôt que saisir le juge des référés. Sur
ce point, voir : F. Grégoire, « Inspection du travail – Moyens d’action », J.-Cl. Travail 2011, fasc. 10-25,
§124.
1177
L’entrée en vigueur des dispositions relatives à « la rupture conventionnelle collective », créée par
l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations
de travail nécessitera d’allonger cette liste. L’ordonnance prévoit en effet la possibilité qu’un accord
collectif détermine le contenu d’une rupture conventionnelle collective. Or, cet accord devra être validé
pour les salariés ordinaires et autorisé pour les salariés protégés.
1178
Le licenciement des salariés protégés ne peut se réaliser qu’après autorisation de l’inspection du travail
(articles L. 2411-1 et suiv. du code du travail). Il en est de même pour la rupture du contrat à durée
déterminée (articles L. 2412-1 et suiv. du code du travail) et du contrat de travail temporaire (article
L. 2413-1 du code du travail). Cette autorisation est également requise en cas de transfert du contrat d’un
salarié protégé compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement (article L. 2414-1 du code
du travail).
1179
Article L. 1235-7-1 du code du travail.
1180
Articles L. 3121-18 et D. 3121-4 du code du travail.
1181
Articles L. 3121-21 et R. 3121-8 du code du travail.
1182
Articles L. 3121-24, L. 3121-25, R. 3121-10 et R. 3121-11 du code du travail.
1183
Article R. 3122-1 du code du travail.
1184
Articles L. 3131-3 et D. 3131-7 du code du travail.

235
établissements occupant un effectif inférieur à cinquante salariés1185, fixer le nombre de
CHSCT dans les établissements occupant habituellement cinq cents salariés1186, imposer
l’élection des délégués de site1187, mettre un terme au mandat d’un délégué syndical en cas de
réduction importante et durable de l’effectif en dessous de cinquante salariés1188 ou encore
déterminer les établissements distincts et la répartition du personnel entre les différents
collèges pour l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise
lorsque les parties à la négociation n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur ces deux
points1189.

1185
Article L. 4611-4 du code du travail. Précisons qu’à compter du 1er janvier 2018, les dispositions
relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne seront plus applicables qu’aux
établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, aux groupements de coopération sanitaire de
droit public et aux agences régionales de santé (article 10 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre
2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant
l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales). Si cette compétence a donc vocation à
disparaître pour les autres entreprises, le futur article L. 2315-37 du code du travail prévoit toutefois la
possibilité pour l’inspecteur du travail d’imposer la création d’une commission santé, sécurité et conditions
de travail lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de
l’agencement ou de l’équipement des locaux.
1186
Article L. 4613-4 du code du travail. Précisons qu’à compter du 1er janvier 2018, les dispositions
relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne seront plus applicables qu’aux
établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, aux groupements de coopération sanitaire de
droit public et aux agences régionales de santé (article 10 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre
2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant
l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales).
1187
Article L. 2312-5 du code du travail. Cette compétence a vocation à disparaître à compter du 1er janvier
2018 en application de l’article 1 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la
nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la
valorisation des responsabilités syndicales. La suppression des délégués de site semble, certes, compensée
par la création du comité social et économique interentreprises mais cette dernière institution ne sera pas
mise en place par l’autorité administrative mais par accord collectif interentreprises (futur article L. 2313-9
du code du travail).
1188
Article L. 2143-11 du code du travail.
1189
Par dérogation, la contestation d’une telle décision relève de la compétence du tribunal d’instance. La
loi Macron a en effet créé un bloc de compétences au profit du juge judiciaire en ce domaine et a ainsi
procédé à la modification des articles suivants : L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2324-13, L. 2324-
18 et L. 2327-7 du code du travail : « En cas de contestation, le recours à l’encontre de la décision de
l’autorité administrative relève de la compétence du juge judiciaire ». Ce bloc de compétences a été
parachevé par la loi El Khomri. Aucune dérogation n’avait en effet été prévue dans la loi Macron pour la
reconnaissance des établissements distincts pour l’élection des membres de la délégation au comité
d’établissement. Sur ce point, voir la nouvelle rédaction de l’article L. 2322-5 du code du travail, dans sa
rédaction issue de la loi El Khomri.
L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et
économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales
conserve la compétence de l’autorité administrative pour répartir le personnel et les sièges dans les collèges
électoraux lorsque les parties à la négociation n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur ce point et maintient
le bloc de compétences précité (futur article L. 2314-13 du code du travail).
Précisons qu’à compter du 1er janvier 2018 et de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance n°
2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans
l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, le mode de
détermination des établissements distincts pour l’élection des membres du conseil social et économique
évolue. Ceux-ci pourront être déterminés par accord d’entreprise et à défaut par un accord conclu entre

236
De nombreux actes administratifs individuels sont en outre pris par les agents de l’inspection
du travail lorsqu’ils contrôlent le respect du droit du travail. Ces derniers peuvent en effet
s’assurer à tout moment de la légalité du contenu du règlement intérieur et enjoindre à
l’employeur de réaliser certaines modifications1190, procéder à des mises en demeure1191,
réaliser des demandes de vérification1192, exiger le retrait d’urgence de certains salariés1193 et
décider l’arrêt temporaire de travaux ou d’activités1194. Un certain nombre de sanctions
administratives peuvent également être prononcées par le Direccte1195. Ce dernier dispose du
pouvoir d’infliger des amendes1196, de suspendre ou demander le remboursement de certaines
aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture à la
personne1197, de fermer un établissement1198, d’exclure une entreprise de certains marchés

l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la
délégation du personnel du comité (futurs articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail). Ce n’est qu’à
défaut qu’il reviendra à l’employeur de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte
tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement (futur article L. 2313-4 du code du
travail). L’autorité administrative n’interviendra qu’en cas de contestation de la décision de l’employeur
pour fixer ces modalités, avec un recours possible devant le juge judiciaire. La compétence du tribunal
d’instance sera certainement prévue dans une telle hypothèse par les décrets d’application (futur article L.
2313-5 du code du travail).
1190
Article L. 1322-1 du code du travail.
1191
Articles L. 4721-4, L. 4721-8 et R 2242-3 du code du travail. Certaines mises en demeure peuvent
uniquement être prononcées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi sur rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
1192
Article L 4722-1 du code du travail.
1193
Articles L. 4733-2 et L. 4733-3 du code du travail.
1194
Articles L. 4721-8, L. 4731-1 et L. 4731-2 du code du travail.
1195
Sur la rapidité, l’efficacité, l’opportunité et le caractère dissuasif des sanctions administratives en droit
du travail, voir : A. Martinon, « Les sanctions extérieures au droit privé », op. cit. Également en ce sens : F.
Grégoire, « Renforcement des pouvoirs des agents de l’inspection du travail à compter du 1er juillet 2016 »,
op. cit., spéc. p. 8. Pour ce dernier, les sanctions administratives sont « un moyen d’arriver à une effectivité
plus rapide du droit, et, subsidiairement, de désengorger les tribunaux ».
1196
L’ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail a
considérablement étendu le domaine des amendes administratives en droit du travail (sur ce point, voir : L.
Vilbœuf, « Les amendes administratives en droit du travail après l’ordonnance du 7 avril 2016 », in Dossier
« Le droit du travail, ses juges et ses sanctions », Dr. soc. 2017, p. 432 – N. Tomi, « Le nouveau droit
répressif du travail : sanctionner sans pénaliser ?, in Dossier « Le droit du travail, ses juges et ses
sanctions », Dr. soc. 2017, p. 436). Si elles concernent aujourd’hui le domaine des durées maximales de
travail, du repos minimum quotidien et de la santé et de la sécurité, elles existaient déjà en matière de
travail illégal (article L. 8291-2 du code du travail) et en matière de fraude au détachement temporaire par
une entreprise non établie en France (articles L. 1263-6, L. 1264-1 et L. 1264-2 du code du travail). Pour
une critique de la prévalence de l’amende parmi les sanctions administratives possibles dans l’ordonnance
de 2016, voir : C. Mandy, « Les ‘‘nouveaux pouvoirs’’ de l’inspection du travail après l’ordonnance du 7
avril 2016 », op. cit., spéc. p. 173 : « Dans bien des cas, pour les grandes entreprises notamment, il est
beaucoup plus problématique et coûteux en temps – donc en argent – de cesser l’infraction que de verser
une somme d’argent, éventuellement déjà provisionnée parmi les coûts estimés, au titre du ‘‘risque
administratif’’ ». Cette dernière considère qu’une obligation de faire, la suspension de l’autorisation
d’exercer ou encore l’interdiction des marchés publics, auraient pu être préférés.
1197
Cette sanction peut être prononcée en matière de travail illégal : article L. 8272-1 du code du travail.
1198
Cette sanction peut être prononcée en matière de travail illégal : article L. 8272-2 du code du travail.

237
publics1199, de prononcer des pénalités financières1200 et de suspendre la réalisation d’une
prestation de services1201. L’étendue de la compétence administrative est ainsi à la mesure de
la diversité de ces attributions.

§2. Une identification des contrats de travail administratifs facilitée en droit du travail

163. Les clarifications légales. Dans certaines hypothèses, la nature privée ou


administrative d’un contrat de travail est directement précisée par le législateur. Or, qu’elles
aient ou non pour objet de clarifier les répartitions de compétences1202, ces qualifications
légales présentent toujours l’intérêt d’éviter qu’une discussion contentieuse ne s’engage sur la
nature du contrat de travail et réduisent ainsi le risque de conflits de compétences. L’exemple
de la reprise de l’activité d’une entité économique, employant des salariés de droit privé, par
une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, est sur ce point
probant. En faisant prévaloir la nature initiale du contrat de travail sur la situation juridique de
l’employeur, le législateur a en effet levé les principales incertitudes tenant aux modifications
atteignant la situation juridique de l’employeur. Les répartitions de compétences sont
désormais clairement établies : tant que le nouvel employeur n’a pas placé les salariés dans un

1199
Cette sanction peut être prononcée en matière de travail illégal : article L. 8272-4 du code du travail.
1200
Cette sanction peut être prononcée en matière de négociation sur l’égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes (articles L. 2242-7 et L. 2242-8 du code du travail. L’article R. 2242-5 du code du
travail sera certainement modifié suite à l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au
renforcement de la négociation collective pour tenir compte de la nouvelle numérotation des articles) ou sur
les facteurs de risques professionnels (article L. 4162-4 du code du travail tel qu’il résulte de l’article
premier de l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en
compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel
de prévention).
1201
Cette sanction peut être prononcée en matière de fraude au détachement temporaire par une entreprise
non établie en France : articles L. 1263-4 et L. 1263-4-1 du code du travail.
1202
Certaines qualifications ont en effet essentiellement pour but d’assurer l’uniformité du régime
applicable à un type de contrat de travail, et ce quelle que soit la situation juridique de l’employeur. On vise
notamment ici les contrats de génération (article L. 5121-6 du code du travail, abrogé à compter du 24
septembre 2017 par l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la
prévisibilité et la sécurisation des relations de travail) ou les contrats aidés tels que le contrat
d’accompagnement dans l’emploi (article L. 5134-24 du code du travail), le contrat initiative-emploi
(article L. 5134-69 du code du travail) et le contrat relatif aux activités d’adultes-relais (article L. 5134-103
du code du travail). Lorsqu’est contestée la régularité de la conclusion de ces contrats sur le fondement des
règles issues du code du travail, seul le conseil de prud’hommes est compétent
(Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13-16.235 : Bull. civ., V, n° 126 ; JCP S 2014, 1394, note S. Molla). Lorsque
le salarié bénéficie par la suite d’un contrat de droit public, la contestation de la rupture du second contrat,
malgré la requalification du premier contrat, relève toutefois de la compétence du juge administratif.
La jurisprudence tient en effet compte de la nature du contrat en cause (Cass. soc., 31 mars 2016,
n° 14-29.225, inédit). Sur cette question, voir : C. Dobsik et K. Pagani, « Étude sur la requalification du
contrat de travail à durée déterminée dans le secteur public », JCP S 2016, 1357.

238
régime de droit public1203, les contrats demeurent de droit privé et relèvent du conseil de
prud’hommes1204. Le juge administratif recouvre quant à lui sa compétence à partir de
l’acceptation du contrat de droit public par le salarié1205. L’étude du contentieux relatif à ce
transfert d’entreprise révèle d’ailleurs que les difficultés ne concernent aucunement
l’identification de la nature du contrat de travail et tiennent surtout à la nature administrative
des décisions prises par l’employeur. Le caractère privé de la relation de travail ne saurait en
effet modifier la nature administrative des décisions d’une personne publique en charge de la
gestion d’un service public administratif. Lorsque l’employeur propose un contrat de droit
public ou au contraire refuse d’effectuer cette proposition1206, les salariés se voient ainsi
contraints de saisir, à titre principal, la juridiction administrative1207. À notre sens, la nature de
ces décisions pourrait davantage apparaître dans le code du travail afin de limiter le nombre
d’incidents de compétences sur ce point1208.

164. La clarification des critères jurisprudentiels. L’évolution des critères


retenus par la jurisprudence pour distinguer les contrats de travail de droit public et de droit
privé a également permis de mettre un terme à un contentieux relativement important dans les

1203
Rappelons que lorsqu’une personne publique reprend une activité jusqu’ici concédée à une entreprise
privée, elle doit proposer aux salariés, concernés par le transfert, « un contrat de droit public » reprenant
« les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la
rémunération » : article L. 1224-3 du code du travail. Voir : supra, n° 26.
1204
Le conseil de prud’hommes est ainsi compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’exécution et à la
rupture du contrat de travail alors même qu’elle serait prononcée par une personne morale de droit public.
Sur ce point, voir : supra, n° 26.
1205
Cass. soc., 18 févr. 2014, n° 13-10.356 : Bull. civ., n° 53 ; JCP G 2014, act. 302 C. Lefranc-
Hamoniaux.
1206
Voir notamment : T. confl., 9 janv. 2017, n° 4073, Marie-Paule de L. et autres c/ Département de la
Réunion : AJDA 2017, p. 85, obs. M.-C. De Montecler ; Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 685, obs. M. Galy.
L’affaire concernait des salariés protégés dont le licenciement avait été autorisé par le ministre du Travail
dans le cadre d’un recours hiérarchique à l’encontre d’une décision de refus de l’inspecteur du travail. Cette
décision ministérielle avait été par la suite annulée devant la cour d’appel administrative au motif que les
contrats de travail avaient été transférés à la personne publique. Suite à cette annulation, les salariés avaient
demandé à la personne publique leur réintégration et que leur soit proposé un contrat de droit public. Le
Tribunal des conflits affirme ici la compétence de la juridiction administrative pour connaître du refus
implicite de la personne publique gérant le SPA (le département de la Réunion) de faire droit à leurs
demandes.
1207
En raison de la séparation des pouvoirs, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an
III, le juge judiciaire ne pourrait d’ailleurs faire injonction à la personne publique de proposer des contrats
de droit public reprenant les clauses substantielles du contrat ou de réintégrer le salarié. Voir notamment :
Cass. soc., 1er juin 2010, n° 09-40.679 : Bull. civ., V, n° 120 ; Lexbase Hebdo éd. S 2010, n° 400, obs.
Ch. Radé. Conf. : Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 13-26.032 : Bull. civ., V, à paraître ; Lexbase Hebdo éd. S
2015, n° 628, obs. Ch. Radé ; Dr. soc. 2015, p. 1025, act. J. Mouly et T. confl., 9 janv. 2017, n° 4073, op.
cit. Toutefois, sur la possibilité pour le juge judiciaire de contrôler, à titre incident et à certaines conditions,
la légalité de ces décisions administratives, voir : infra, n° 180 et n° 186.
1208
Pour un exemple récent, voir : T. confl., 9 janv. 2017, n° 4073, Marie-Paule de L. et autres c/
Département de la Réunion, op. cit.

239
services publics administratifs gérés par une personne publique1209. Pendant longtemps, les
juridictions recouraient en effet à un critère relativement peu opérant : celui de la
« participation directe à l’exécution du service public »1210. Les juges du fond étaient ainsi
contraints d’examiner les différentes tâches confiées à un agent pour déterminer si l’une
d’entre elles l’amenait à participer au fonctionnement même du service public. Dès lors, soit
l’agent réussissait à prouver qu’il participait à l’exécution du service public et il pouvait
prétendre à la qualité d’agent public, soit il n’y parvenait pas et il était considéré comme un
salarié de droit privé relevant de la juridiction judiciaire. Ce critère de la « participation
directe au service public » aboutissait en pratique à des situations absurdes dans lesquelles
une personne était considérée, à l’égard du même employeur, comme un agent de droit public
et un agent de droit privé en fonction de l’activité exercée1211. Il a ainsi fallu attendre l’affaire
Berkani pour que le Tribunal des conflits mette un terme à cette « jurisprudence aussi désuète
que pointilliste »1212. Depuis cet arrêt, l’ensemble des personnels non statutaires travaillant
pour le compte d’un service public à caractère administratif, géré par une personne publique
sont, « quel que soit leur emploi », des agents de droit public relevant de la juridiction
administrative »1213. Certains magistrats confient d’ailleurs que la règle posée dans cet arrêt
« s’est révélée d’une application aisée et que le contentieux relatif à la répartition des
compétences en la matière s’est tari »1214.

1209
Ne sera ici abordée que la question des services publics administratifs gérés par une personne publique
dans la mesure où, comme nous l’avons vu, seule une personne morale de droit public peut employer des
agents de droit public. De plus, les agents d’une personne publique, ne travaillant pas pour un service
public ou affectés à un service public industriel et commercial, sont titulaires d’un contrat de droit privé.
Sur ce point, voir : supra, n° 25.
1210
J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 466, p. 482. La jurisprudence faisait
ici une application stricte des critères du contrat administratif au contrat de travail. Rappelons en effet
qu’un contrat n’est administratif que si l’une des parties au moins est une personne morale de droit public
et si son objet se rattache à l’exécution du service public ou, s’il n’a pas pour objet l’exécution du service,
qu’il contient une clause exorbitante de droit commun. Sur ces critères, voir : J. Waline,
Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 464, p. 479.
1211
En ce domaine, la jurisprudence Veuve Mazerand est généralement citée : T. confl., 25 nov. 1963,
Dame Veuve Mazerand : Rec. p. 792. Dans cette affaire, un agent ayant exercé dans le même service deux
fonctions successives, l’une se rattachant à l’exécution du service et l’autre non, avait été obligé de saisir
les deux ordres de juridiction pour le règlement de son litige.
1212
A. Morin-Galvin, La convergence des jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d’État :
contribution au dialogue des juges en droit du travail, op. cit., spéc. n° 339, p. 211. Pour une critique de la
jurisprudence antérieure, voir également la chronique de jurisprudence suivante : J.-H. Stahl et D.
Chauvaux, AJDA 1996, p. 355.
1213
T. confl., 25 mars 1996, n° 03000, Berkani : D. 1996, p. 598, note Y. Saint-Jours ; Dr. soc. 1996, p.
735, note X. Prétot ; JCP 1996, II, 22664, note P. Moudoudou ; AJDA 1996, p. 355, chron. J.-H. Stahl et
D. Chauvaux ; RFDA 1996, p. 819, concl. P. Martin. Pour une application récente de cette jurisprudence,
voir : T. confl., 9 févr. 2015, n° 3997 : AJDA 2015, p. 1300. « En tant qu’agent d’un service public
administratif, le serveur du Président de la République est un agent public ».
1214
M.-F. Mazars, « Le dualisme juridictionnel en 2005. Point de vue d’un juge judiciaire », in Dossier
« Débat sur l’avenir du dualisme juridictionnel », AJDA 2005, p. 1777, spéc. p. 1778. En ce sens

240
Section 2. Un perfectionnement du régime entourant la sanction de
l’incompétence

165. Des aménagements à la marge. Comme nous l’avons vu, le risque de conflits
de compétences est directement influencé par le régime encadrant la sanction de
l’incompétence. Mesurer le risque de conflits entre les ordres suppose ainsi de déterminer le
nombre de personnes pouvant se prévaloir de l’incompétence mais également d’identifier les
stades de la procédure durant lesquels l’exception d’incompétence peut être soulevée. À
l’étude, les arbitrages réalisés par le droit positif s’avèrent globalement satisfaisants. Si la
faculté pour le juge de relever d’office son incompétence est plus étendue que dans l’ordre
judiciaire privé, son incidence sur le risque de conflits de compétences paraît toutefois limitée
compte tenu du caractère facultatif du relevé d’office. En réalité, seule la procédure
d’élévation d’un conflit à la disposition du préfet mériterait d’être encadrée et cantonnée au
stade de la première instance. Celle-ci emporte en effet des conséquences relativement
importantes sur le risque de conflits en permettant au préfet de passer outre le refus du juge
judiciaire de décliner sa compétence. Au-delà de ce cantonnement, il convient en outre de
maintenir la procédure de prévention des conflits de compétences existant au sein du Tribunal
des conflits puisqu’elle permet de contrebalancer le caractère strict de la sanction de
l’incompétence entre les ordres.

Plan.
Paragraphe 1. L’encadrement des effets de l’incompétence
Paragraphe 2. Le maintien des mécanismes de prévention des conflits de
compétences

également : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. p. 6 : « Le souci
de la simplicité pour le justiciable et pour les juridictions est une source d’inspiration constante pour le
Tribunal des conflits et c’est sur ce fondement que, par exemple, l’arrêt Berkani a rassemblé au sein de la
juridiction administrative les litiges relatifs aux agents non titulaires d’un service public administratif,
quelle que soit la nature précise de leurs fonctions, ce qui a permis de mettre fin à des raffinements
jurisprudentiels devenus ésotériques ».

241
§1. L’encadrement des effets de l’incompétence

166. Un relevé d’office à maintenir. Si à l’instar de ce qui a cours dans l’ordre


1215
judiciaire privé , les parties ne peuvent indéfiniment soulever une exception
1216
d’incompétence , le juge dispose en revanche de pouvoirs beaucoup plus étendus lorsque
l’incompétence est relative aux deux ordres juridictionnels. La cour d’appel et la Cour de
cassation peuvent en effet relever d’office l’incompétence d’une juridiction judiciaire en
présence d’une affaire relevant de la compétence administrative1217. Certains auteurs vont
d’ailleurs jusqu’à conseiller aux parties de soulever ce moyen d’incompétence pour la
première fois devant la cour d’appel ou la Cour de cassation1218. Malgré l’irrecevabilité de ce
moyen, ces juridictions pourraient en effet être incitées à le reprendre à leur compte et à le
soulever d’office1219.
D’autres auteurs critiquent au contraire le régime entourant la sanction de l’incompétence et
considèrent qu’il faudrait engager une réflexion sur la possibilité de mettre en cause la
compétence d’un ordre juridictionnel pour la première fois à l’occasion d’une voie de
recours1220. À l’étude, la suppression du relevé d’office par la cour d’appel et la Cour de
cassation ne paraît pas s’imposer. Ces dernières ne sont en effet jamais tenues de relever une
exception d’incompétence et peuvent dès lors mettre en balance, dans chaque affaire, l’intérêt
du relevé d’office avec les conséquences qu’emporte une déclaration d’incompétence1221. Le
caractère facultatif du relevé d’office compense ainsi l’importante étendue du relevé d’office.

1215
Voir : supra, n° 92 et suiv.
1216
Les dispositions de l’article 74 du code de procédure civile s’appliquent à l’incompétence entre les
ordres juridictionnels. Dès lors, même entre les ordres, l’exception d’incompétence doit être présentée
in limine litis, autrement dit avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et simultanément avec
toutes les autres exceptions. Lorsqu’un jugement rendu en première instance est contradictoire, l’exception
d’incompétence ne peut plus être soulevée pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation
par une partie qui a comparu. Sur ce point, voir : G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ.,
Dalloz 2016, n° 48 et supra, n° 91.
1217
Article 76 du code de procédure civile. Il résulte d’une interprétation a contrario de cet article que ni la
cour d’appel ni la Cour de cassation ne peuvent soulever d’office l’incompétence d’une juridiction de
première instance dans l’ordre judiciaire privé. Sur ce point, voir supra, n° 93. Pour une application de ces
principes en sécurité sociale, voir : Cass. civ. 2e, 18 oct. 2007, n° 06-21.046, inédit : RTD civ. 2008, p. 150,
obs. Ph. Théry.
1218
J. Boré et L. Boré, La cassation en matière civile, op. cit., n° 73.13, p. 361. Ces conseils sont également
valables à l’égard des empiétements intervenus sur la compétence du juge pénal. Voir supra, n° 94.
1219
Ibid.
1220
D. Labetoulle, « L’avenir du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit.,
spéc. p. 1773.
1221
G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016, n° 100.

242
167. Une procédure d’élévation des conflits à cantonner. Au sein de l’ordre
judiciaire, s’interroger sur le nombre de personnes susceptibles de pouvoir soulever
l’exception d’incompétence revient à se concentrer sur le relevé d’office puisque, quelle que
soit l’incompétence, le défendeur peut toujours présenter un déclinatoire de compétence, à
l’inverse du plaideur qui a formé sa demande1222. La situation s’avère quelque peu différente
entre les ordres juridictionnels puisque, outre le juge et le défendeur, le représentant de l’État
dans le département ou dans la collectivité peut également soulever l’incompétence du juge
judiciaire. En effet, lorsqu’il estime que la connaissance d’un litige ou d’une question
préjudicielle relève de la compétence de la juridiction administrative, le préfet peut demander
à la juridiction judiciaire de décliner sa compétence et, en cas de refus de sa part, élever le
conflit devant le Tribunal des conflits 1223. Ce pouvoir s’avère particulièrement étendu puisque
le préfet peut élever ce conflit jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la compétence par une
décision passée en force de chose jugée1224, autrement dit non seulement en première instance
mais également en appel1225.
Au regard de ces différents éléments, cette procédure semble peu satisfaisante. Par son
existence mais également son étendue, la procédure d’élévation des conflits favorise en effet
le risque de conflits de compétences1226 et il paraît dès lors nécessaire de la limiter à la
première instance 1227 . Une telle proposition présente d’ailleurs un caractère tout à fait
raisonnable si l’on tient compte de la possibilité offerte à la cour d’appel de relever d’office
son incompétence et de saisir le Tribunal des conflits lorsqu’une question de compétence

1222
Voir : supra, n° 92.
1223
Article 13 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits.
1224
Articles 18 et 19 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015. Le décret reprend ici la jurisprudence selon
laquelle le préfet peut élever le conflit aussi longtemps que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée sur
la compétence par un jugement ou un arrêt devenu définitif. Sur ce point, voir : J.-L. Gallet et H. Nicolas,
« La procédure d’élévation de conflit. Le conflit positif », communications au BICC du 15 juillet 2013,
n° 786 et la jurisprudence citée page 5 : T. confl., 15 janvier 1990, n° 2607, Chamboulive et autre c/
Commune de Vallecalle.
1225
J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 573, p. 601. Voir sur ce point la
jurisprudence antérieure au décret du 27 février 2015 mais encore valable aujourd’hui : T. confl., 18 juin
2007, n° 3627, Préfet de l’Isère c/ Université Joseph Fourier – T. confl., 28 septembre 1998, n° 3090,
Société Les Grands Moulins Italiens de Venise c/ Office national interprofessionnel des céréales – T.
confl., 16 juin 1923, n° 0732, Septfonds c/ Compagnie des chemins de fer du Midi.
1226
La consultation du rapport annuel d’activité du Tribunal des conflits pour l’année 2015 permet de
relativiser quelque peu l’étendue de ce risque. Les conflits positifs n’ont constitué en effet que seize pour
cent des saisines du Tribunal des conflits pour l’année 2015 (7 conflits positifs sur 42 décisions rendues) et
six pour cent de ces saisines pour l’année 2016 (2 conflits positifs sur 35 décisions).
1227
En appel, la procédure devrait être maintenue à la seule hypothèse d’un recours contre un jugement
ayant admis le déclinatoire de compétence. Cette possibilité est actuellement prévue à l’article 22 du décret
n° 2015-233 du 27 février 2015. Lorsqu’un jugement a admis le déclinatoire de compétence et qu’une
partie fait appel de ce jugement, le préfet peut saisir la juridiction d’appel d’un nouveau déclinatoire et, en
cas de rejet de celui-ci, élever le conflit dans les mêmes conditions qu’en première instance.

243
soulève une difficulté sérieuse1228. Sans supprimer toute possibilité de mettre en cause la
compétence d’un ordre juridictionnel pour la première fois à l’occasion d’une voie de recours,
il s’agit donc seulement d’en cantonner le périmètre1229.

§2. Le maintien des mécanismes de prévention des conflits de compétences

168. La nécessité de prévenir les conflits négatifs entre les ordres. Lorsque
l’affaire relève de la compétence d’une juridiction administrative, le juge judiciaire qui
décline sa compétence n’est jamais tenu de désigner la juridiction de l’autre ordre et doit
seulement inviter les parties à mieux se pourvoir1230. Le risque que les deux ordres se
déclarent successivement incompétents pour examiner le même litige existe et doit dès lors
être pris en compte lorsqu’on étudie le risque de conflits de compétences entre les deux
ordres. Plus encore que les conflits positifs, ces conflits négatifs favorisent en effet
l’accroissement de la durée globale du procès avant d’arriver à un jugement sur le fond et
doivent ainsi être prévenus1231.
La saisine du Tribunal des conflits, pour mettre un terme à ce conflit, ne fait d’ailleurs
qu’accroître un peu plus la durée du procès dans la mesure où le juge répartiteur doit
seulement désigner la juridiction compétente sans pour autant pouvoir juger l’affaire au
fond1232. Ce renvoi à la juridiction compétente paraît contestable. Le justiciable semble en
effet en droit d’attendre du système judiciaire français qu’il apporte une réponse rapide à son
litige après des mois, voire des années d’errance entre les deux ordres. L’impossibilité pour le
Tribunal des conflits de statuer au fond en ce domaine s’avère en outre surprenante lorsqu’on
observe l’assouplissement récent des conditions de la cassation sans renvoi devant la Cour de
cassation1233. À l’instar du Conseil d’État1234, celle-ci peut en effet statuer au fond, en matière

1228
Article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015. Avant le décret du 27 février 2015, cette
procédure était réservée à la Cour de cassation et au Conseil d’État.
1229
Sur le maintien de la possibilité pour le juge de relever d’office son incompétence, voir : supra, n° 166.
1230
L’éventuelle désignation ne saurait d’ailleurs aucunement s’imposer au juge de l’autre ordre. Sur ce
point : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 286, p. 240.
1231
Les conflits sont exclusivement positifs dans l’ordre judiciaire privé puisque le juge qui décline sa
compétence est tenu de désigner la juridiction qu’il estime compétente et cette désignation s’impose aux
parties et au juge de renvoi. Sur ce point, voir : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, op. cit., n°
286, p. 240.
1232
Article 12 2° de la loi du 24 mai 1872. Articles 37 et 38 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015.
1233
Sur cette cassation sans renvoi « new look », voir : F. Ferrand, « La Cour de cassation dans la loi de
modernisation de la justice du XXIe siècle », op. cit. Cette évolution est une illustration de plus de la
volonté du législateur de s’éloigner du modèle de pure cassation. Sur ce point, voir : F. Zénati-Castaing,
« La juridictionnalisation de la Cour de cassation », RTD civ. 2016, p. 511.

244
civile, « lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie »1235. Par ailleurs,
permettre au Tribunal des conflits de régler l’affaire au fond dans cette hypothèse ne
bouleverserait aucunement sa physionomie puisqu’il dispose déjà de cette faculté dans un
certain nombre d’hypothèses 1236 . Au-delà de son rôle d’aiguilleur des compétences, le
Tribunal des conflits peut en effet régler au fond les dénis de justice résultant d’une
contrariété de jugements1237 et indemniser le préjudice causé par la durée excessive des
procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les
juridictions des deux ordres1238. On pourrait nous objecter qu’en pratique ces conflits négatifs
sont rarissimes, voire inexistants 1239 . Cet argument semble au contraire conforter notre
proposition dans la mesure où elle ne provoquerait pas d’engorgement du Tribunal des
conflits mais permettrait de mettre plus rapidement fin aux « impasses procédurales
auxquelles conduisent, encore aujourd’hui, les contentieux mal engagés »1240.

169. Une prévention des conflits négatifs actuellement satisfaisante. Le nombre


limité des conflits négatifs portés devant le Tribunal des conflits s’explique certainement par
les diverses procédures actuellement prévues par le droit positif pour empêcher la survenue de
ce type de conflit1241. Lorsqu’un juge des deux ordres a connaissance d’une déclaration
d’incompétence passée en force de chose jugée dans l’autre ordre et qu’il s’estime lui-même
incompétent, il peut en effet saisir le Tribunal des conflits pour qu’il désigne la juridiction
compétente1242. Ce dernier peut également être saisi lorsque les juges sont confrontés à un

1234
Article L. 821-2 du code de justice administrative : « S’il prononce l’annulation d’une décision d’une
juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’État peut soit (…), soit régler l’affaire au
fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ».
1235
Article L. 411-3, alinéa 2 du code de l’organisation judiciaire. Article 1015 du code de procédure
civile.
1236
D. Bardonnet, Le Tribunal des conflits, juge du fond, Thèse Paris (dactyl.) 1957.
1237
Article 15 de la loi du 24 mai 1872.
1238
Article 16 de la loi du 24 mai 1872. Jusqu’à présent, l’action en réparation du préjudice devait être
portée devant l’ordre de juridiction qui s’était prononcé en dernier sur le fond. Pour une illustration :
T. confl., 8 juill. 2013, n° 3904.
1239
Les rapports annuels d’activité du Tribunal des conflits pour l’année 2015 et 2016 révèlent que les
conflits négatifs n’ont constitué que deux pour cent des saisines du Tribunal des conflits pour l’année
2015 (1 conflit négatif sur 42 décisions rendues) et que le Tribunal des conflits n’a été saisi d’aucun conflit
négatif pour l’année 2016.
1240
L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté », op. cit., spéc. p. 398.
1241
En ce sens : Ph. Waquet, « Regard sur le Tribunal des conflits », D. 2002, chron. p. 742.
1242
Article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 (ancien article 34 du décret du 26 octobre 1849).
Les saisines sur le fondement de l’article 32 constituent la partie la plus importante de l’activité du Tribunal
des conflits. Le rapport annuel d’activité du Tribunal des conflits pour l’année 2016 révèle en effet que les
renvois en prévention d’un conflit négatif ont représenté cinquante-deux pour cent des saisines pour 2016.
Ils constituaient déjà quarante-huit pour cent des saisines en 2015.

245
litige présentant une difficulté sérieuse de compétence1243. Plus encore que le mécanisme
précédent, ce renvoi s’avère particulièrement efficace puisqu’il offre la possibilité de régler
définitivement, et à tout moment de la procédure, la question de l’ordre compétent par le
spécialiste des répartitions de compétences. On peut ainsi saluer sur ce point la dernière
réforme du Tribunal des conflits qui a étendu le périmètre de ce mécanisme 1244 .
Jusqu’à présent réservé aux seules Hautes juridictions1245, ce renvoi pour difficulté sérieuse
peut désormais être utilisé par les juges du fond, ce qui permettra de lever plus rapidement les
incertitudes relatives à l’ordre juridictionnel compétent. Les études statistiques montrent
d’ailleurs que les juges du fond ont d’ores et déjà commencé à se saisir de ce recours. Parmi
les dix-sept renvois pour difficulté sérieuse de compétence au Tribunal des conflits, sept l’ont
en effet été par des juridictions du fond1246.
Au-delà de ces mécanismes, c’est l’existence même du Tribunal des conflits qui participe,
selon nous, à la prévention des conflits positifs et négatifs de compétences. Les règles de
répartitions fixées par le Tribunal des conflits ont en effet vocation à être reprises par les juges
des deux ordres, confrontés à des questions identiques ou similaires. Le juge répartiteur
cherche d’ailleurs souvent « à anticiper sur les difficultés que les juridictions de l’un ou de
l’autre ordre auraient grand mal à trancher »1247 et privilégie des critères de distribution
opérants, autrement dit facilitant l’identification des compétences respectives du juge
administratif et du juge judiciaire1248. On est ainsi loin de l’image du Tribunal des conflits
comme garde-frontière de la compétence administrative1249. Il s’est en effet progressivement
transformé en gardien « de la cohérence, de la clarté et de la simplicité des répartitions de
compétences »1250.

1243
Article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 (ancien article 35 du décret du 26 octobre 1849).
1244
Sur cette réforme, voir : supra, note 1145, n° 159.
1245
Pour une illustration récente d’un renvoi effectué par le Conseil d’État en droit du travail : T. confl.,
11 janv. 2016, n° 4038, Comité d’établissement de l’unité clients et fournisseurs Île-de-France des sociétés
ERDF et GRDF : Dr. ouvr. 2016, p. 381, note S. Deliancourt.
1246
Rapport annuel d’activité du Tribunal des conflits pour l’année 2016 (disponible sur le site du Tribunal
de conflits). Pour un renvoi effectué par un tribunal administratif, voir : T. confl., 9 janv. 2017, n° 4073,
Marie-Paule de L. et autres c/ Département de la Réunion, op. cit.
1247
Ph. Waquet, « Regard sur le Tribunal des conflits », op. cit., spéc. p. 748.
1248
Pour une illustration, voir nos développements sur l’évolution des critères du contrat de travail de droit
public, supra, n° 164.
1249
En ce sens : B. Pacteau, « Le capitaine », in Rapport sur le Tribunal des conflits, La Documentation
française 2006, p. 32. Dans cette contribution, il repousse l’image du Tribunal des conflits comme un
mécanisme de conflits au profit de celle d’un système de conciliation entre les deux justices.
1250
J.-M. Sauvé, « Des blocs et des frontières : les juges de la légalité administrative », intervention au
colloque organisé par la Cour de cassation le 4 avril 2014 « L’acte administratif sous le regard du juge
judiciaire », disponible sur le site du Conseil d’État. Sur cette évolution, voir également : S. Petit,
Le Tribunal des conflits, PUF 1994, coll. Que sais-je ?, 127 p.

246
Chapitre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges

170. L’extension progressive du domaine des prorogations de compétence.


Certains contentieux se prêtent mal aux répartitions de compétences précédemment
évoquées1251. Il arrive en effet que la solution d’un litige dépende respectivement pour le juge
administratif et le juge judiciaire de la validité d’un acte de droit privé1252 et de la légalité
d’un acte administratif1253. Or, comme nous l’avons vu, deux écueils doivent être évités en
matière de prorogations de compétence : d’une part, admettre largement des dérogations
privant d’effet les répartitions de compétences et entraînant un risque de divergences de
jurisprudences et d’autre part, multiplier les partages de compétences et les questions
préjudicielles. Sur ce point, l’arbitrage actuellement retenu semble concilier la préservation
des répartitions de compétences avec la recherche d’un traitement unitaire du litige1254. La
jurisprudence a en effet progressivement assoupli les conditions des prorogations de
compétence et a, de ce fait, limité le « jeu byzantin des questions préjudicielles »1255. Les
juges ont désormais la possibilité d’unifier le procès lorsqu’il n’existe aucune justification au
respect strict des répartitions de compétences, soit parce que le moyen soulevé n’est pas
sérieux, soit parce que l’illégalité est manifeste au regard d’une jurisprudence établie ou du
droit de l’Union européenne. Par ailleurs, avec le perfectionnement récent du mécanisme de la
question préjudicielle1256, on ne peut plus réellement parler d’un « risque d’éclatements des
litiges » puisque le renvoi préjudiciel n’oblige plus l’une des parties à saisir le juge de l’autre

1251
En ce sens : M.-F. Mazars, « Le dualisme juridictionnel en 2005. Point de vue d’un juge judiciaire »,
op. cit., spéc. p. 1777.
1252
J.-M. Sauvé, « Le juge administratif et les actes et activités de droit privé », intervention aux
Deuxièmes États Généraux du droit administratif du 27 juin 2012, disponible sur le site du Conseil d’État.
Voir également : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire »,
AJDA 2015, p. 275. Plus largement sur l’application du droit civil par le juge administratif, voir : J. Waline,
Recherches sur l’application du droit privé par le juge administratif, Thèse Paris (dactyl.) 1962, 346 p.
1253
J.-M. Sauvé, « Des blocs et des frontières : les juges de la légalité administrative », op. cit. – J. Rivero,
« Le juge administratif, gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité ? », op.
cit., spéc. p. 713. Plus largement sur l’application du droit administratif par le juge judiciaire, voir : J.-L.
Gallet, « Juge judiciaire et droit administratif », in Dossier « Le droit administratif français en 2013 »,
AJDA 2013, p. 391 – A. Van Lang, Juge judiciaire et droit administratif, LGDJ 1996, coll. Bibliothèque de
Droit public, t. 183, 359 p. : Le juge judiciaire se retrouve praticien du droit administratif non seulement
pour déterminer sa compétence, mais également pour résoudre ses litiges.
1254
Sur cet arbitrage au sein de l’ordre judiciaire, voir : supra, n° 87 et suiv.
1255
Nous empruntons cette expression au Professeur Jacques Caillosse : J. Caillosse, « Les justifications du
maintien actuel du dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 1783.
1256
Décret n° 1015-233 du 27 février 2015. Article R. 771-2 du code de justice administrative et article 49
du code de procédure civile. Pour une critique du régime antérieur, voir notamment : Y. Gaudemet, « Les
questions préjudicielles devant les deux ordres de juridiction », RFDA 1990, p. 764, spéc. n° I D et IIB.

247
ordre mais s’opère désormais directement de juge à juge 1257 . L’époque où les auteurs
comparaient les politiques juridictionnelles menées par la chambre sociale de la Cour de
cassation et le Conseil d’État « à une partie de ping-pong », dans laquelle « des millions de
salariés [servaient] de balles », semble ainsi révolue1258.

171. La suppression nécessaire du caractère obligatoire des renvois


préjudiciels. Si l’extension du domaine des prorogations de compétence entre les deux ordres
mérite d’être soulignée, elle semble toutefois insuffisante. La multiplication des exceptions au
principe du renvoi préjudiciel s’avère en effet créatrice d’incertitudes et laisse songeur quant à
l’existence même d’un tel principe1259. Les fondements de ce dernier sont d’ailleurs discutés.
Certains refusent de voir dans le principe législatif de séparation des autorités administratives
et judiciaires, issu de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, une
obligation pour le juge judiciaire de renvoyer une question préjudicielle1260. Ce principe de
séparation n’a en outre qu’« une portée asymétrique » et protège seulement « le juge
administratif contre les empiétements du juge judiciaire, sans réciprocité »1261. L’obligation
de renvoi pesant sur le juge administratif est ainsi expliquée par des raisons historiques ; elle
résulterait de « la construction de la juridiction administrative comme un juge d’attribution
distinct du juge de droit commun »1262. D’autres auteurs avancent également des justifications

1257
Sur le régime antérieur, voir notamment : M.-F. Mazars, « La question préjudicielle : fonction ou
pouvoir du juge ? Le point de vue du juge judiciaire », in Association Bordelaise des juristes en
Contentieux Publics (coord.), Le procès à l’épreuve de la question préjudicielle, Bruylant 2014, p. 69. Pour
un exemple récent de renvoi préjudiciel effectué par le juge judiciaire, à propos du statut de la RATP, voir :
Cass. soc., 20 avr. 2017, n° 15-19.979 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2017, p. 665, ét. J. Mouly.
1258
G. Thomas, « Note sous Cass. soc., 9 oct. 1980, Terrié », Dr. ouvr. 1980, p. 61.
1259
Sur ce point, voir : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire »,
AJDA 2015, p. 274, spéc. p. 275 et suiv.
1260
M. Hauriou, « Compétence du tribunal judiciaire pour interpréter le sens d’un règlement administratif,
mais non pas pour en apprécier la légalité – Note sous Tribunal des conflits, 16 juin 1923, Septfonds », op.
cit. Pour une contestation du lien entre question préjudicielle et séparation des autorités administratives et
judiciaires, voir également : Y. Gaudemet, « Les questions préjudicielles devant les deux ordres de
juridiction », op. cit., spéc. n° II A 3, p. 764.
1261
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », AJDA 2015, p.
274, spéc. p. 275. Également en ce sens : C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du
juge ? Le point de vue du juge administratif », in Association Bordelaise des juristes en Contentieux
Publics (coord.), Le procès à l’épreuve de la question préjudicielle, Bruylant 2014, p. 79, spéc. p. 80 : « Si
le principe de séparation – dans sa portée législative et non pas constitutionnelle – explique les questions
préjudicielles que les juges de l’ordre judiciaire adressent aux juges administratifs, ce n’est pas lui, ou alors
très indirectement, qui interdit au juge administratif de statuer sur les questions de droit privé ».
1262
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
275. Également en ce sens : C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point
de vue du juge administratif », op. cit., spéc. p. 84.

248
d’ordre technique1263. Dans un certain nombre de cas, le juge peut en effet se sentir « démuni
sur un terrain qui n’est pas le sien »1264. Si cet argument convainc de l’utilité des questions
préjudicielles, il n’en justifie pas pour autant leur caractère obligatoire. Le principe selon
lequel « le juge de l’action est le juge de l’exception » doit ainsi être consacré sans pour
autant supprimer la possibilité pour le juge de renvoyer l’affaire lorsqu’il se sent
« techniquement » incompétent1265.

Plan.
Section 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge
judiciaire
Section 2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge
administratif

Section 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le


juge judiciaire

172. La nécessité de rendre le renvoi préjudiciel facultatif pour le juge


judiciaire. Le juge judiciaire peut être amené, en droit du travail, à connaître de la légalité
d’un acte administratif dans le cadre d’un moyen de défense invoqué par une partie. Dans

1263
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
275. Également en ce sens : C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point
de vue du juge administratif », op. cit., spéc. p. 85.
1264
D. Labetoulle, « L’avenir du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit.,
spéc. p. 1773. Ce dernier cite à ce titre l’exemple des arrêtés ministériels étendant les conventions
collectives : « J’ai le souvenir d’affaires où le Conseil d’État, saisi, dans le cadre de conclusions dirigées
contre des arrêtés ministériels étendant des conventions collectives, de moyens tirés de ces conventions, a
estimé impossible de recourir, pour éviter les inconvénients en termes de délai d’une question préjudicielle,
à la théorie de l’acte clair car l’appréciation de la validité des conventions ne pouvait être faite par la simple
application de la jurisprudence civile. Dans un tel cas la bonne administration de la justice conduit à
privilégier le souci de la cohérence du droit plutôt que le gain de temps ». Également en ce sens : J.-M.
Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. p. 5.
1265
En faveur d’une suppression du caractère obligatoire des questions préjudicielles, voir : Y. Gaudemet,
« L’avenir de la juridiction administrative », op. cit., spéc. p. 6 : « La faculté reconnue à tout juge (civil ou
répressif) d’apprécier, par voie d’exception, la légalité de l’action administrative constituerait un progrès
incontestable de l’Etat de droit » – M. Hauriou, « Compétence du tribunal judiciaire pour interpréter le sens
d’un règlement administratif, mais non pas pour en apprécier la légalité – Note sous Tribunal des conflits,
16 juin 1923, Septfonds », op. cit. : « Nous n’avons jamais aimé les questions préjudicielles et les
complications des procédures. Nous verrions sans regret disparaître les renvois obligatoires au Conseil
d’État, soit en interprétation, soit en appréciation de validité, aussi bien pour les actes administratifs
particuliers que pour les règlements ». Sur la volonté que le juge de l’impôt devienne un véritable juge de
pleine juridiction, voir également : M. Chretien, « Réflexions sur la dualité juridictionnelle en matière
fiscale », op. cit., spéc. p. 119.

249
cette hypothèse, l’obligation de poser une question préjudicielle au juge administratif n’est
pas systématique. En raison de la plénitude de sa compétence, le juge judiciaire répressif peut
en effet connaître, à titre incident, des questions relevant de la juridiction administrative1266.
La faculté pour le juge judiciaire non répressif de proroger sa compétence a été, quant à elle,
étendue par le Tribunal des conflits dans l’affaire SCEA du Chéneau1267. Depuis 2011, le juge
civil est ainsi autorisé à accueillir une contestation sérieuse sur la légalité ou la validité d’un
acte relevant de l’ordre administratif tant en présence d’une jurisprudence établie qu’en
référence au droit communautaire1268. Si cette extension a permis d’améliorer « les recours
juridictionnels en évitant les errements [jusqu’à présent] imposés aux justiciables »1269, elle
semble encore insuffisante. Le mécanisme de la question préjudicielle entre les ordres devrait
en effet devenir facultatif.

Plan.
Paragraphe 1. Le maintien de la plénitude de compétence du juge judiciaire répressif
Paragraphe 2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge
judiciaire non répressif

§1. Le maintien de la plénitude de compétence du juge judiciaire répressif

173. La plénitude de compétence du juge répressif étendue aux actes


administratifs. D’origine prétorienne1270, la plénitude de compétence du juge répressif à
l’égard des actes administratifs est désormais codifiée à l’article 111-5 du code pénal. Ce
dernier dispose que « les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes
administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet
examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis »1271. Le législateur a en

1266
Sur cette plénitude au sein de l’ordre judiciaire, voir : supra, n° 106.
1267
T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828-3829, SCEA du Chéneau, op. cit.
1268
Ibid.
1269
Sur ces errements, voir : B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux autour du contrat
de travail, op. cit., spéc. p. 193.
1270
Cass. crim. 3 août 1810 : Bull. crim, n° 98. Sur cet arrêt, voir : Th. Cathala, Le contrôle de la légalité
administrative par les tribunaux judiciaires, LGDJ 1966, coll. Bibliothèque de droit public, t. 67, p. 9 – C.
Pelletier, L’appréciation de la légalité des actes administratifs par le juge répressif, Thèse Paris, Éd. R.
Pichon et R. Durand-Auzias 1953, p. 6.
1271
L’éventuelle illégalité de l’acte doit ainsi avoir une incidence sur les poursuites, autrement dit être de
nature à retirer aux faits, qui servent de base à la poursuite, leur caractère d’infraction. Pour davantage de
précisions, voir : L. Erstein, « Questions préjudicielles », Rép. pén. et proc. pén., Dalloz 2003, n° 58 et
suiv. Sur les conséquences de cette consécration légale, voir également : L. S. Moyen, « Vers un déclin du
principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire ? Réflexions sur le nouveau Code

250
réalité entériné et poursuivi dans cet article l’extension réalisée par la chambre criminelle de
la Cour de cassation et a ainsi mis fin aux « dissidences » jurisprudentielles existantes
jusqu’alors avec le Tribunal des conflits1272. En opposition totale avec la jurisprudence du
« juge répartiteur »1273, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait en effet étendu sa
compétence au contrôle de la légalité interne des actes règlementaires administratifs et à
l’appréciation de la légalité des actes individuels1274.
Si le juge pénal, lorsqu’il statue sur la légalité d’un acte administratif, vérifie l’ensemble des
motifs d’illégalité qui constituent les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir1275, ce
contrôle n’a toutefois pas la même portée que celui exercé par le juge administratif. Le juge
répressif répond seulement à la question préjudicielle qui lui est posée mais ne peut annuler
un acte administratif. Les conséquences que le juge tire de cette illégalité n’en restent pas
moins importantes puisque l’acte en cause est privé de toute sanction pénale 1276 . Ceci
explique ainsi tout l’intérêt pour le prévenu d’invoquer l’illégalité d’un acte administratif.

174. Illustration en droit du travail. La consultation des écrits consacrés à cette


plénitude de compétence semble laisser penser que celle-ci n’a que peu ou pas d’impact en
droit du travail. Les exemples retenus ne concernent en effet jamais le contentieux du
travail1277. Une telle affirmation mérite d’être nuancée puisque cette plénitude peut trouver à

pénal », Gaz. Pal., 28 juill. 2001, p. 16 et V. Lesclous, « L’appréciation des actes administratifs par le juge
répressif », JCP G 1994, 3747. Pour une illustration récente, voir : Cass. crim. 17 déc. 2014, n° 13-86.686 :
Bull. crim. 2014, n° 279 ; D. act. 5 févr. 2015, obs. S. Anane ; RSC 2015, p. 642, note É. Fortis ; RTD com.
2015, p. 170, obs. B. Bouloc (appréciation de la légalité d’un décret relatif aux importations de
médicaments vétérinaires dans le cadre de poursuites pour importation de médicaments vétérinaires sans
autorisation).
1272
En ce sens : J. Moreau, « De la compétence des juridictions pénales pour apprécier la légalité des actes
administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation »,
Procédures 2005, ét. 7, p. 6.
1273
T. confl., 5 juill. 1951, n° 01187, Avranches et Desmarets : Lebon p. 638, S. 1952, p. 1, note J.-M.
Auby. Conf. : T. confl., 6 nov. 1967, Préfet du Loir-et-Cher : JCP 1968, II, 15448, note Sauty.
1274
Sur ce point, voir : J. Moreau, « De la compétence des juridictions pénales pour apprécier la légalité des
actes administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de
cassation », op. cit. et la jurisprudence citée : Cass. crim., 23 févr. 1938 : Gaz. Pal. 1938, I, p. 576 – Cass.
crim., 21 déc. 1961, Dame Leroux : D. 1962, p. 102, rapport Y. Costa.
1275
J. Moreau, « De la compétence des juridictions pénales pour apprécier la légalité des actes
administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation », op.
cit., spéc. n° 23.
1276
Voir : J. Moreau, « De la compétence des juridictions pénales pour apprécier la légalité des actes
administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation », op.
cit., spéc. n° 2 et V. Lesclous, « L’appréciation des actes administratifs par le juge répressif », op. cit., spéc.
p. 145.
1277
J. Moreau, « De la compétence des juridictions pénales pour apprécier la légalité des actes
administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation », op.
cit. – L. Erstein, « Questions préjudicielles », Rép. pén. et proc. pén., Dalloz 2003, n° 58 et suiv. – V.
Lesclous, « L’appréciation des actes administratifs par le juge répressif », op. cit.

251
s’exercer dans le contentieux relatif à l’arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire des
établissements ouverts au public 1278 . Dans cette hypothèse, le préfet peut ordonner la
fermeture au public des établissements d’une profession ou d’une zone géographique pendant
toute la durée du repos hebdomadaire fixée dans un accord intervenu entre les organisations
syndicales de salariés et les organisations d’employeurs de cette profession et de cette
zone1279. Or, lorsque l’employeur est poursuivi au pénal pour ne pas avoir respecté cet arrêté
de fermeture 1280, il peut tout à fait invoquer l’illégalité de cet acte pour échapper aux
poursuites pénales1281.
La situation s’avère en revanche différente lorsque l’employeur est poursuivi du chef
d’entrave pour avoir licencié un salarié protégé malgré le refus de l’inspecteur du travail de
délivrer une autorisation de licenciement. La chambre criminelle de la Cour de cassation
considère en effet que dans cette hypothèse la décision de l’inspecteur du travail ne constitue
pas « la base nécessaire de la poursuite dès lors que son illégalité prétendue, à la supposer
démontrée, n’équivaudrait pas à une autorisation de licenciement sans laquelle un
représentant du personnel ne peut être privé de son emploi, et qu’elle n’aurait pas pour effet
d’ôter aux faits poursuivis leur caractère punissable »1282. L’inapplicabilité de l’article 111-5
du code pénal se justifie donc ici par l’absence de lien entre l’éventuelle illégalité de l’acte
administratif et la constitution de l’infraction d’entrave. L’employeur ne peut en effet se
prévaloir de l’illégalité d’un refus d’autorisation pour prononcer un licenciement non autorisé,
sous peine de commettre une entrave au fonctionnement des institutions représentatives du
personnel. La solution inverse aurait d’ailleurs porté atteinte à l’esprit de la jurisprudence
Perrier qui interdit à l’employeur de contourner la protection exorbitante de droit commun,
dont bénéficient les salariés protégés, en demandant la résiliation judiciaire de leurs contrats
devant le juge judiciaire1283. Face au refus de l’inspecteur du travail de délivrer l’autorisation,

1278
Article L. 3132-29 du code du travail. On aurait d’ailleurs pu prendre un autre exemple relatif à
l’hypothèse des contraventions en matière de durée du travail pour lesquelles la loi exige un accord de
branche étendu. Le contrevenant peut en effet contester la légalité de l’arrêté préfectoral devant le juge
pénal.
1279
Sur cet exemple, voir : A. Cerf-Hollender, « Droit pénal du travail », Rép. trav., Dalloz 2010, n° 78.
1280
Contravention de cinquième classe prévue par l’article R. 3135-2 du code du travail.
1281
Voir notamment : Cass. crim., 1er juill. 1997, n° 96-83.433 : Bull. crim., n° 261 ; Dr. pén. 1998, comm.
9, obs. J.-H. Robert ; RCS 1998, p. 342, note A. Cerf. Plus récemment, voir : Cass. crim, 8 avr. 2014, n° 11-
84.722 : Bull. crim. 2014, n° 102 ; RDT 2014, p. 630, chron. P. Bourdon ; JCP E 2014, 1558, note G.
Chastagnol et U. Sansy.
1282
Cass. crim., 5 déc. 1989, n° 89-82.031 : Bull. crim., n° 467 ; RSC 1990, p. 591, note Ch. Lazerges.
1283
Cass. ch. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier : Bull. ch. mixte, n° 3 ; Dr. soc. 1974, p. 454,
concl. A. Touffait. Sur ce point, voir : L. Pécaut-Rivolier, H. Rose et Y. Struillou, « Représentants du
personnel (Statut protecteur) », Rép. trav., Dalloz 2013, n° 249.

252
l’employeur n’a dès lors d’autre choix que de contester cette décision administrative devant le
juge administratif à titre principal.
À l’étude, le contentieux du travail semble ainsi constituer un terrain peu fertile pour la mise
en œuvre de la plénitude de compétence du juge pénal à l’égard des actes administratifs. Cette
plénitude a cependant le mérite d’exister pour éviter l’éclatement des litiges relatifs aux
arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire des établissements ouverts au public.

§2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge judiciaire non
répressif

175. L’extension possible du domaine des prorogations de compétence. À la


différence du juge pénal, le juge judiciaire non répressif ne bénéficie pas d’une plénitude de
compétence. Il est seulement autorisé à apprécier la légalité d’un acte administratif pour
repousser une question préjudicielle peu sérieuse ou pour accueillir une contestation sérieuse
en présence d’une jurisprudence établie ou au regard du droit de l’Union européenne. Le
principe demeure ainsi celui du renvoi obligatoire.
Or, comme nous l’avons vu, certains auteurs refusent de voir dans le principe législatif de
séparation des autorités administratives et judiciaires, issu de la loi des 16 et 24 août 1790 et
du décret du 16 fructidor an III, une obligation pour le juge judiciaire de renvoyer une
question préjudicielle1284. Selon eux, ce décret interdirait seulement « à un tribunal judiciaire
(…) de connaître d’un recours formé devant lui contre un acte administratif, d’une façon
directe et principale (…) mais cette interdiction de connaître des actes d’administration ne
s’étend[rait] pas de plein droit à la compétence indirecte qui fait que le juge de l’action est
juge de l’exception »1285. Une telle interprétation ne semble pas avoir emporté la conviction
du Tribunal des conflits et de la Cour de cassation qui continuent de se fonder sur le principe
de séparation des autorités pour imposer au juge judiciaire le renvoi préjudiciel1286. Rien

1284
M. Hauriou, « Compétence du tribunal judiciaire pour interpréter le sens d’un règlement administratif,
mais non pas pour en apprécier la légalité – note sous Tribunal des conflits, 16 juin 1923, Septfonds », op.
cit.
1285
Ibid.
1286
Voir notamment : T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828-3829, SCEA du Chéneau : op. cit : « Considérant
qu’en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l’article 13 de la
loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par
nature à l’autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n’appartient qu’à la juridiction
administrative de connaître des recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par
l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge
administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle,

253
n’interdirait cependant au législateur de rendre le mécanisme de la question préjudicielle
facultatif à l’instar de ce qu’il a déjà fait pour le juge judiciaire répressif. Si le Conseil
constitutionnel s’est fondé sur le principe de séparation des autorités administratives et
judiciaires pour consacrer l’existence d’un noyau dur de compétences du juge administratif, il
a en effet refusé de considérer qu’il avait, dans sa généralité, valeur constitutionnelle1287. Le
caractère facultatif du renvoi peut donc être imposé par le législateur. Une telle réforme serait
d’ailleurs particulièrement bienvenue en droit du travail compte tenu du nombre d’actes
administratifs auxquels peut être confronté, à titre incident, le juge judiciaire non répressif.

Plan.
A. Une extension justifiée
B. Une extension bienvenue en droit du travail

A. Une extension justifiée

176. Des prorogations de compétence déjà facilitées. Il est traditionnellement


déduit de la jurisprudence Septfonds l’interdiction pour le juge judicaire non répressif
d’apprécier la légalité d’un acte administratif, qu’il soit individuel ou règlementaire, par voie
d’exception1288. En réalité, l’obligation de renvoyer cette question à l’appréciation de la
juridiction administrative n’est pas absolue1289. Le juge judicaire peut en effet refuser de
renvoyer une question préjudicielle dont l’examen n’est pas nécessaire à la solution du
litige1290 ou n’ayant aucune chance de succès1291. Pour se prononcer sur le caractère sérieux

sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l’occasion d’un litige relevant à titre
principal de l’autorité judiciaire ». Voir également : Cass. soc., 12 sept 2012, n° 10-26.157, inédit.
1287
En ce sens : C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point de vue du
juge administratif », op. cit., spéc. p. 80. Sur ce point, voir également : infra, n° 208.
1288
T. confl., 16 juin 1923, n° 00732, Septfonds : Rec. p. 498 ; GAJA 2017, n° 111-1.
1289
En ce sens : B. Seiller, « Questions préjudicielles », Rép. cont. adm., Dalloz 2014, n° 62 et suiv. – Y.
Gaudemet, « Les questions préjudicielles devant les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. n° 2C – D.
Granjon, « Les questions préjudicielles », AJDA 1968, p. 75, spéc. p. 87.
1290
Il n’y a pas lieu à question préjudicielle lorsque la réponse attendue est simplement utile à la solution
du litige sans en être indispensable : Cass. soc., 17 avr. 2013, nos 12-10.057 et 12-10.058, inédit. Sur cette
pratique, voir également : M.-F. Mazars, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le
point de vue du juge judiciaire », op. cit., spéc. p. 70.
1291
En ce sens : A. Minet, « La jurisprudence établie : les ambiguïtés d’une notion », in Dossier
« Actualités des questions préjudicielles », AJDA 2015, p. 279 : « Le juge judiciaire est compétent pour
rejeter lui-même la question de légalité dans la mesure où, étant dépourvue de toute difficulté, elle est
immanquablement vouée à l’échec ». Pour une étude plus approfondie du caractère sérieux d’une question
préjudicielle, se reporter à la thèse référence : J.-F. Flauss, Les questions préjudicielles et le principe de
séparation des autorités administrative et judiciaire, Thèse Strasbourg (dactyl.) 1976, spéc. p. 61.

254
de la question posée, le juge judiciaire doit ainsi apprécier la légalité de l’acte administratif et
analyser la jurisprudence administrative1292.
Depuis 2011, le Tribunal des conflits permet également au juge judiciaire non répressif
d’accueillir une contestation sérieuse sur la légalité d’un acte relevant de l’ordre administratif
tant en présence d’une jurisprudence établie qu’au regard du droit de l’Union européenne1293.
La notion de jurisprudence établie renvoie aux hypothèses dans lesquelles « la jurisprudence
administrative est suffisamment engagée et fixée pour que son application par le juge civil
conduise sans difficulté au constat de la légalité ou de l’illégalité de l’acte
administratif querellé »1294. « En d’autres termes, l’appréciation du juge de l’action comporte
deux étapes : il faut d’abord vérifier l’existence d’une jurisprudence dénuée d’ambiguïté puis
contrôler que cette dernière est d’application aisée pour relever l’illégalité »1295. Si l’illégalité
de l’acte doit relever de l’évidence1296, on ne saurait toutefois exiger de l’acte administratif
qu’il ait été annulé. Ce serait en effet confondre la notion de jurisprudence établie avec
l’autorité de la chose jugée dont sont revêtues les décisions d’annulation d’un acte
administratif1297. Selon nous, un lien peut en revanche être réalisé entre les déclarations
d’illégalité prononcées par le juge administratif et l’existence d’une jurisprudence établie.
Malgré le refus du Conseil d’État d’accorder à ces déclarations la même autorité qu’un

1292
C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point de vue du juge
administratif », in Association Bordelaise des juristes en Contentieux Publics (coord.), Le procès à
l’épreuve de la question préjudicielle, Bruylant 2014, p. 79, spéc. p. 86 : « Le caractère manifestement
légal d’un acte permet au juge qui n’est pas compétent pour en connaître par voie d’action de juger lui-
même l’acte valide ». Également en ce sens : M.-F. Mazars, « La question préjudicielle : fonction ou
pouvoir du juge ? Le point de vue du juge judiciaire », op. cit., spéc. p. 71.
1293
T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828-3829, SCEA du Chéneau : op. cit.
1294
M. Guyomar et X. Domino, « Note sous T. confl., 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau et T. confl., 12 déc.
2011, Société Green Yellow », AJDA 2012, p. 27, spéc. p. 31.
1295
A. Minet, « La jurisprudence établie : les ambiguïtés d’une notion », op. cit., spéc. p. 281. L’auteure
dénonce dans cet article l’utilisation trop extensive et le « fonctionnement nébuleux » de la notion de
jurisprudence établie. Elle fait à ce titre référence à certains arrêts dans lesquels les juridictions font
prévaloir le temps, et évitent un renvoi, tout en reconnaissant la faiblesse de la jurisprudence établie (CE 19
nov. 2013, n° 352615, Société Credemlux international : AJDA 2014, p. 2008, note C. Vautrot-Schwarz).
Le perfectionnement du mécanisme de la question préjudicielle devrait selon nous limiter ce type de dérive
à l’avenir.
1296
En ce sens : A. Minet, « La jurisprudence établie : les ambiguïtés d’une notion », op. cit., spéc. p. 282 :
« L’application de la jurisprudence établie au cas d’espèce ne doit pas requérir d’appréciation de la part du
juge de l’action, c’est-à-dire que celui-ci ne doit pas avoir à ‘‘soupeser, apprécier les divers éléments’’ de la
contestation et à effectuer ‘‘un effort intellectuel’’ pour l’accueillir ».
1297
Sur l’autorité absolue de la chose jugée de l’annulation d’un acte administratif, voir : CE, 22 mars
1961, Simonet : Rec. p. 289 – Cass. civ. 1re, 23 oct. 1962 : Bull. civ., I, n° 439 – Cass. crim., 16 nov. 2010,
n° 10-81.740 : Bull. crim., n° 182 : Procédures 2011, comm. 66 A.-S. Chavent-Leclère. Cet effet erga
omnes s’impose aux juges civil et pénal jusqu’à ce qu’une décision irrévocable intervienne. Le juge civil
accepte ainsi de faire produire des effets à une annulation postérieure à l’arrêt ou au jugement déféré devant
lui : Cass. civ. 1re, 23 oct. 1962, op. cit.

255
jugement d’annulation1298, le juge civil s’estime en effet lié par elles et refuse de faire
application du texte illégal1299. Certains auteurs approuvent cette solution en ce qu’elle
« permet une économie de procédures en évitant au juge civil de surseoir pour questions
préjudicielles et tend à appliquer le principe selon lequel on ne peut, ni ne doit appliquer des
règlements illégaux, même si ceux-ci n’ont pas été expressément évincés de
l’ordonnancement juridique »1300. Davantage qu’une illustration de l’autorité de la chose
jugée, ces jurisprudences témoignent, selon nous, d’une application anticipée de la
jurisprudence SCEA du Chéneau. Les conditions de la triple identité de parties, d’objets et de
causes n’étant pas remplies, on peine en effet à percevoir comment l’autorité de la chose
jugée pourrait être retenue dans cette hypothèse. La notion de jurisprudence établie paraît dès
lors plus adaptée puisqu’elle permet au juge judiciaire de refuser de renvoyer une question
préjudicielle lorsque l’illégalité de l’acte relève de l’évidence. Or, sauf à ce que le requérant
fasse valoir de solides arguments au soutien de la légalité de l’acte, cela semble être bel et
bien le cas ici. Cette situation peut être rapprochée de celle relative aux décisions de rejet d’un
recours en annulation formé contre un acte administratif. Même si ces décisions n’ont pas
d’autorité1301, le juge judiciaire doit en effet pouvoir considérer la question préjudicielle peu
sérieuse lorsque le requérant invoque des moyens d’illégalité identiques à ceux écartés devant
la juridiction administrative. Le fait que le juge administratif ait rejeté antérieurement un
recours pour excès de pouvoir pour le même acte ou une exception d’illégalité semble
toutefois antinomique de l’existence d’une jurisprudence établie. Si le juge considère la
question sérieuse, notamment parce que le requérant fait valoir de nouveaux moyens
d’illégalité, la jurisprudence SCEA du Chéneau lui impose de renvoyer la question
préjudicielle au juge administratif1302.

1298
Sur ce point : F. Melleray, « L’étendue de l’autorité de chose jugée des déclarations d’illégalité d’actes
administratifs opérées par le juge administratif », AJDA 2004, p. 138.
1299
Le juge judiciaire non répressif estime que « toute déclaration d’illégalité d’un texte réglementaire par
le juge administratif, même décidée à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil, qui ne peut
faire application d’un texte illégal » : Cass. civ. 1re, 19 juin 1985, n° 84-11.528 : Bull. civ., I, n° 200 ; D.
1985, p. 426, rapp. P. Sargos – Cass. soc., 8 avr. 2009, nos 07-43.891 et 07-43.982 : Bull. civ.,V, n° 110.
Les déclarations d’illégalité n’ont en revanche aucune autorité sur le juge répressif qui est tenu d’apprécier
la légalité ou d’interpréter un acte administratif. Sur ce point, voir : G. Devolvé, « Chose jugée », Rép. cont.
adm., Dalloz 2008, n° 275.
1300
G. Devolvé, « Chose jugée », Rép. cont. adm., Dalloz 2008, n° 274.
1301
CE, 27 oct. 1965, Blagny : Rec. p. 559.
1302
Dans cette hypothèse, le juge répressif est au contraire tenu d’apprécier la légalité des actes
administratifs qu’ils soient réglementaires ou individuels. Voir : Cass. crim., 4 mars 1986, n° 85-93.836 :
Bull. crim., n° 89 : « Attendu que le rejet par le tribunal administratif d’un recours en annulation formé
contre un acte assorti d’une sanction pénale ne fait pas nécessairement obstacle à ce qu’il soit fait droit à
l’exception d’illégalité dudit acte devant les tribunaux judiciaires ». Conf. : Cass. crim., 17 déc. 2014, n°

256
Le juge judiciaire non répressif peut également accueillir une contestation sérieuse sur la
légalité d’un acte relevant de l’ordre administratif au regard du droit de l’Union
européenne1303. En se référant uniquement au droit de l’Union européenne, le Tribunal des
conflits a ainsi condamné la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’était reconnue
compétente pour apprécier la conventionnalité des textes règlementaires en s’appuyant
indifféremment sur l’article 55 de la Constitution et sur la primauté du droit de l’Union
européenne1304. Si le juge judiciaire a réceptionné cette limitation1305, on peut cependant
considérer qu’il demeure compétent pour apprécier, à titre incident, la compatibilité d’un acte
administratif avec les autres normes de droit international lorsqu’il existe une jurisprudence
établie sur ce point1306.

177. Une réception timide de la jurisprudence SCEA du Chéneau par la


chambre sociale de la Cour de cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation
semble en réalité prudente dans l’admission de la jurisprudence SCEA du Chéneau et dans
l’encouragement des juges du fond à la réceptionner. L’exemple du contentieux relatif à la
légalité de la circulaire PERS 633 dans les sociétés ERDF et GRDF permet de s’en
convaincre 1307. Ces sociétés ont organisé la prise en charge des frais de nettoyage des
vêtements de travail de leurs salariés à compter de novembre 2008. De nombreux salariés ont
saisi différents conseils de prud’hommes afin d’obtenir le rappel de primes de nettoyage de
leurs vêtements professionnels en invoquant, à titre incident, l’illégalité des circulaires PERS
618 et 633 en vigueur antérieurement. De 2012 à 2014, tous les jugements des conseils de
prud’hommes qui avaient statué sur ce point et qui avaient fait l’objet d’un pourvoi en
cassation, ont été cassés pour violation de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16
fructidor an III. La chambre sociale de la Cour de cassation a en effet relevé, pour chaque

13-86.686 : Bull. crim., n° 279 ; D. act. 5 févr. 2015, obs. S. Anane ; RSC 2015, p. 642, note É. Fortis ;
RTD com. 2015, p. 170, obs. B. Bouloc.
1303
T. confl., 17 oct. 2011, n° 3828-3829, SCEA du Chéneau, op. cit.
1304
Sur le fondement de l’article 55 de la Constitution, voir : Cass. civ. 1re, 3 avr. 2001, n° 00-05.026 : Bull.
civ., I, n° 97 ; RTD civ. 2001, p. 578, obs. J. Hauser. Sur le fondement de la primauté du droit
communautaire, voir : Cass. soc., 18 déc. 2007, n° 06-45.132 : Bull. civ., V, n° 215 ; Dr. soc. 2008, p. 246,
obs. Ch. Radé ; RFDA 2008, p. 499, ét. X. Dupré de Boulois.
1305
Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-19.118 : Bull. civ., V, n° 21 ; Dr. soc. 2014, p. 286, obs. J. Mouly
(refus par la chambre sociale de la Cour de cassation d’opérer un contrôle de conventionnalité d’un texte
règlementaire et renvoi au juge administratif d’une question préjudicielle).
1306
B. Seiller, « L’appréciation de la légalité d’actes administratifs par les tribunaux judiciaires non
répressifs », RFDA 2011, p. 1129. Également en ce sens : M. Guyomar et X. Domino, « Note sous T.
confl., 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau et T. confl., 12 déc. 2011, Société Green Yellow », op. cit., spéc. p.
31.
1307
Plus largement sur la possible contestation de la légalité d’un statut devant le juge judiciaire, voir :
infra, n° 179.

257
jugement, le caractère sérieux de la difficulté soulevée quant à la légalité des circulaires1308.
Les conseils de prud’hommes avaient cru déceler dans cette affaire un simple contrôle de
« favorabilité »1309, alors qu’il s’agissait bien d’un contrôle de légalité1310. Or, la chambre
sociale de la Cour de cassation, tout en reconnaissant le caractère sérieux de la difficulté,
aurait très bien pu casser les arrêts pour défaut de base légale et encourager les conseils de
prud’hommes à rechercher s’il n’y avait pas une jurisprudence établie ou une exception au
droit de l’Union européenne évitant le renvoi. La Cour de cassation a en outre été saisie d’un
arrêt dans lequel la cour d’appel avait refusé de surseoir à statuer en invoquant directement la
jurisprudence SCEA du Chéneau1311. Le pourvoi interjeté par les deux sociétés est rejeté au
motif que le moyen est devenu sans objet dans la mesure où le Conseil d’État a entre-temps
déclaré ces circulaires illégales suite à la découverte d’un nouveau principe général du droit
applicable aux salariés des entreprises publiques à statut1312. Il nous semble que la chambre
sociale de la Cour de cassation aurait pu, par un obiter dictum, se prononcer sur le
raisonnement de la cour d’appel qui avait appliqué la jurisprudence du Tribunal des conflits,
voire affirmer, comme nous l’avons précédemment proposé 1313, que la déclaration d’illégalité
des circulaires constituait une jurisprudence établie permettant d’accueillir la contestation
sérieuse.
Au-delà de cette affaire particulière, une recherche approfondie sur la base de données
jurisprudentielles Legifrance confirme la prudence de la chambre sociale de la Cour de

1308
Voir notamment : Cass. soc., 12 sept 2012, n° 10-26.157, inédit (jugement du CPH de Thionville) –
Cass. soc., 16 oct. 2013, n° 12-14046, inédit (jugement du CPH de Colmar) – Cass. soc. 26 juin 2013, n°
11-21.810, inédit (jugement du CPH de Quimper) – Cass. soc., 26 juin 2013, nos 12-20.876 et 12-20.877,
inédit (jugements du CPH de Morlaix) – Cass. soc., 9 avr. 2014, n° 13-10.852, inédit (jugement du CPH de
Montluçon).
1309
Expression empruntée au Professeur Christophe Radé : Ch. Radé, « L’office du juge et l’acte
règlementaire illégal : pour en finir avec une certaine hypocrisie », Dr. soc. 2003, p. 459. Pendant
longtemps, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que les juges du fond étaient en mesure
d’écarter une règle statutaire au profit de la loi sans qu’il s’agisse d’une appréciation de légalité de l’acte
règlementaire en cause à la condition de ne pas opérer une comparaison entre les dispositions en cause. Sur
ce point, voir : infra, n° 179.
1310
En ce sens, voir les conclusions de Patrick Henriot, sous CA Paris, pôle 6, ch. 2, 30 mai 2013. Ces
conclusions ont été reproduites dans la revue Droit ouvrier : « Contrôle de légalité des actes administratifs
et intérêt du justiciable : quels nouveaux espaces pour le juge prud’homal ? », Dr. ouvr. 2013 p. 635, spéc.
p. 637.
1311
Cass. soc., 2 déc. 2014, nos 13-21.722, 13-21.723, 13-21.724, 13-21.725, 13-21.726 13-21.727 et 13-
21.728, inédit.
1312
CE, 1re et 6e s.-s. r., 17 juin 2014, n° 368867 : AJDA 2014, p. 1963, comm. L. Seurot. Sur les
divergences existantes entre le Conseil d’État et la Cour de cassation quant au niveau de prise en charge des
frais d’entretien, voir : Ch. Radé, « Prise en charge des frais d’entretien des vêtements de travail par
l’employeur : le Conseil d’État en désaccord partiel avec la Cour de cassation », Lexbase Hebdo éd. S
2014, n° 577.
1313
Voir : supra, n° 176.

258
cassation dans le recours à la jurisprudence SCEA du Chéneau1314. Si elle s’est déjà référée au
droit de l’Union européenne1315, elle n’a cependant jamais visé – à notre connaissance – la
notion de jurisprudence établie et a seulement admis – dans un arrêt non publié – qu’une cour
d’appel puisse apprécier l’illégalité d’un contrat de travail de droit public lorsque cette
illégalité est manifeste1316. Il est vrai que les principaux inconvénients du renvoi préjudiciel –
à savoir la complexité, la lenteur de la procédure et la possible instrumentalisation du
mécanisme par les parties1317 – ont été supprimés par le décret n° 1015-233 du 27 février
2015 qui a transformé la question préjudicielle en un mécanisme de juge à juge et qui a réduit
les voies de recours1318. Un tel perfectionnement ne saurait toutefois justifier l’absence de
réception de la jurisprudence SCEA du Chéneau par la chambre sociale de la Cour de
cassation. Elle devrait ainsi s’inspirer des première et deuxième chambres civiles de la Cour

1314
Voir notamment : Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-19.118 : Bull. civ., V, n° 21 ; Dr. soc. 2014, p. 286,
obs. J. Mouly (sur le seul constat d’une difficulté sérieuse et sans référence à la décision SCEA du
Chéneau, renvoi en appréciation de légalité d’une disposition règlementaire du code rural ne prévoyant pas
le versement de la contrepartie financière d’une clause de non concurrence).
1315
Cass. soc., 30 sept. 2013, nos 12-14.752 et 12-14.964 : Bull. civ., V, n° 222 ; RDT 2014, p. 45, chron.
M. Mercat-Bruns : « Que s’agissant du droit de l’Union européenne, (…) il doit pouvoir, en cas de
difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou,
lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la
juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre
incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne ».
1316
Cass. soc., 13 nov. 2012, n° 11-12.050, inédit (cité par le Professeur Christophe Radé : Ch. Radé,
« Limites à l’office du juge judiciaire en cas de cession des contrats de travail à une commune – Note sous
Cass. soc., 22 sept. 2015 », Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 628) : « Mais attendu que, relevant que la
salariée, qui était liée par un contrat de droit privé à son employeur, avait refusé le contrat de droit public
qui lui avait été proposé, et constatant que la personne publique n’invoquait aucune justification tirée de la
nécessité de respecter les dispositions applicables aux agents contractuels pouvant fonder la diminution de
salaire contenue dans son offre, la cour d’appel a pu en déduire, sans violer le principe de la séparation des
autorités administratives et judiciaires, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Plus largement sur la possible contestation de la légalité d’un contrat de droit public, proposé par une
entreprise publique en charge de la gestion d’un SPA, devant le juge judiciaire, voir : infra, n° 180.
1317
En ce sens : M. Guyomar et X. Domino, « Note sous T. confl., 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau et T.
confl., 12 déc. 2011, Société Green Yellow », AJDA 2012, p. 27, spéc. p. 30 : « La plénitude de compétence
du juge de l’action sert tout d’abord l’intérêt du justiciable pour lequel la question préjudicielle constitue
toujours une source de complications, d’allongement des procédures et de renchérissement de leurs coûts ».
Voir également : J.-M. Sauvé, « La répartition des compétences dans la juridiction administrative »,
Intervention dans le cadre du colloque organisé par l’Association des juristes de contentieux de droit
public (AJCP), 15 mai 2009 (article disponible sur le site du Conseil d’État) – M.-F. Mazars, « Le dualisme
juridictionnel en 2005. Point de vue d’un juge judiciaire », op. cit., spéc. p. 1779 – D. Labetoulle,
« L’avenir du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit., spéc. p. 1773 – Y.
Gaudemet, « Les questions préjudicielles devant les deux ordres de juridictions », op. cit., spéc. p. 769.
1318
Désormais, le tribunal administratif, saisi par l’autorité judiciaire en application du nouvel article 49 du
code de procédure civile, doit statuer en premier et dernier ressort (article R. 811-1 du code de justice
administrative). Le Conseil d’État intervient en qualité de juge de cassation (articles R. 771-2-1 et R. 771-
2-2 du code de justice administrative). Toute juridiction de l’ordre judiciaire, saisie d’une question
préjudicielle de la juridiction administrative, doit également statuer en dernier ressort (article 126-15 du
code de procédure civile). Pour un renvoi récent du juge judiciaire au juge administratif, voir : Cass. soc.,
20 avr. 2017, n° 15-19.979 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2017, p. 665, ét. J. Mouly.

259
de cassation qui se sont explicitement emparées d’une telle possibilité, en incitant les juges du
fond à y recourir1319 ou en faisant directement application d’une « jurisprudence établie »1320.

178. Un renvoi facultatif à privilégier. Au regard de la multiplication des


exceptions au renvoi préjudiciel, la question du maintien d’un tel principe mérite d’être posée.
Ce dernier s’avère en effet source de complications inutiles puisque le renvoi est seulement
imposé lorsqu’il existe un doute sur la légalité ou l’illégalité d’un acte administratif1321. La
raison d’être de la question préjudicielle n’est donc plus de préserver le pré carré du juge
administratif1322 mais de permettre au juge judiciaire de consulter la juridiction administrative
lorsqu’il se trouve confronté à une difficulté sérieuse sur la légalité ou l’illégalité d’un acte
administratif. Or, la suppression du caractère obligatoire du renvoi préjudiciel n’aurait pas
pour conséquence de remettre en cause une telle possibilité. Elle encouragerait seulement les
juges du fond à proroger leur compétence lorsqu’aucun obstacle « technique » n’impose le
renvoi. La timide réception de la jurisprudence SCEA du Chéneau par la chambre sociale de
la Cour de cassation montre d’ailleurs tout l’intérêt d’une telle inversion du principe et de
l’exception.
On pourrait là encore nous objecter que cette proposition favorise le risque de divergences de
jurisprudences et de contradictions de décisions1323. Le mécanisme de la question préjudicielle
est en effet souvent présenté comme un outil de collaboration entre les deux ordres permettant
de garantir la cohérence de l’application du droit 1324 . L’absence d’une cour régulatrice

1319
Cass. civ. 1re, 9 déc. 2015, n° 14-16.548 : Bull. civ., V, à paraître ; RDR 2016, n° 441, p. 44, note Th.
Tauran – Cass. civ. 1re, 12 mai 2016, nos 15-16.743 et 15-18.595 : Bull. civ., V, à paraître ; Procédures
2016, comm. 223 Y. Strickler : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de surseoir à statuer
jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de la clause litigieuse soit tranchée par la juridiction
administrative, sauf à constater qu’il était manifeste, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation
pouvait être accueillie par le juge saisi au principal, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes
susvisés ».
1320
Cass. civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-12.371 : Bull. civ., V, à paraître ; « Il apparaît manifestement, eu égard
à la jurisprudence établie du Conseil d’État, qu’une telle contestation pouvait être tranchée par le juge
judiciaire saisi du litige au principal ».
1321
Sur ce point, voir l’interprétation actuellement retenue des notions de question sérieuse et de
jurisprudence établie, supra, n° 176.
1322
D. Labetoulle, « L’avenir du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit.,
spéc. p. 1773. Également en ce sens : Y. Struillou, « Le nouveau visage de la justice du travail en France »,
op. cit., spéc. p. 27.
1323
Pour une démonstration de la surestimation de ce risque au sein de l’ordre judiciaire, voir : supra, n°
126 et suiv. et n° 146 et suiv.
1324
En ce sens : G. Lebrun, « Propos introductifs », in Association Bordelaise des juristes en Contentieux
Publics (coord.), Le procès à l’épreuve de la question préjudicielle, Bruylant 2014, p. 17, spéc. p. 26 : « La
question préjudicielle est un instrument procédural qui permet fondamentalement le maintien de la
cohérence de l’application du droit dans un système juridique complexe, avec de multiples sources de

260
susceptible d’assurer en dernier ressort l’unité de l’interprétation et de l’application du droit
pourrait d’ailleurs corroborer cette crainte1325. Ce serait en réalité surestimer le rôle joué par le
mécanisme de la question préjudicielle dans la prévention de l’incohérence puisqu’entre les
ordres le dialogue des juges ne se réduit pas aux seuls renvois préjudiciels1326. D’autres
formes de dialogue permettent également de prévenir et de corriger a posteriori les
éventuelles divergences de jurisprudences1327. Malgré la suppression du caractère obligatoire
du renvoi préjudiciel, le juge judiciaire devra en effet porter attention à la jurisprudence
administrative comme il le fait déjà d’ailleurs lorsqu’il apprécie le caractère sérieux de la
question posée ou l’existence d’une jurisprudence établie. À ce dialogue « sans parole » 1328,
s’ajoute le phénomène de mise en réseau des juridictions1329. Les échanges de personnalités
entre les deux ordres1330, la participation de magistrats de la Cour de cassation à la formation
de juges administratifs1331 ou encore la constitution d’un groupe de travail entre la chambre
sociale de la Cour de cassation et le Conseil d’État permettent en effet d’entretenir un

productions normatives, ainsi que de multiples juges spécialisés ». Également en ce sens : D. Granjon,
« Les questions préjudicielles », op. cit., spéc. p. 78.
1325
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
275.
1326
Le caractère institutionnalisé des rapports entre les juridictions serait d’ailleurs, pour certains, exclusif
de l’idée de dialogue. En ce sens : J. Allard, « Le dialogue des juges dans la mondialisation », in Le
dialogue des juges – Actes du colloque organisé le 28 avril 2006 à l’Université libre de Bruxelles, Bruylant
2007, coll. Les cahiers de l’Institut d’études sur la Justice, p. 77, spéc. p. 91. Nous considérons avec
d’autres qu’il s’agit seulement « d’un dialogue encouragé » : B. Stirn, « Le Conseil d’État et le dialogue
des juges », op. cit.
1327
Sur l’affermissement du dialogue des juges entre les ordres, voir : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les
deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. p. 15 – Y. Struillou, « Le nouveau visage de la justice du travail
en France », op. cit. – M.-F. Mazars, « Le dualisme juridictionnel en 2005. Point de vue d’un juge
judiciaire », op. cit., spéc. p. 1779. Sur l’évolution du dialogue entre la chambre sociale de la Cour de
cassation et le Conseil d’État, voir : L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, « Protection des représentants du
personnel, Cour de cassation et Conseil d’État : des marches parallèles à la démarche commune », op. cit.
1328
Comme nous l’avons vu, le « dialogue sans parole » renvoie au phénomène d’attention porté par un
juge à la jurisprudence d’un autre juge et par là même l’absence d’indifférence au droit des autres. Sur ce
point, voir : O. Dutheillet de Lamothe, « Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de
l’homme : un dialogue sans paroles », op. cit., p. 403.
1329
Y. Struillou, « Le nouveau visage de la justice en France », op. cit.
1330
Citons le cas du conseiller d’État Yves Struillou, désormais directeur général du travail au Ministère du
travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui a été détaché en service
extraordinaire à la chambre sociale de la Cour de cassation de 2011 à 2014.
1331
Le Conseiller Doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation Pierre Bailly est notamment
intervenu dans la formation délivrée aux juges administratifs sur le contentieux de la régularité des plans de
sauvegarde de l’emploi, transféré par la loi du 14 juin 2013 du juge judiciaire au juge administratif
(information délivrée par le Directeur général du Travail Yves Struillou au cours d’un séminaire, organisé
par le Comptrasec le 20 février 2014 et intitulé « Le nouveau visage de la justice du travail en France : le
contentieux du travail saisi par les mouvements de fond »).

261
dialogue des juges1332, au sens où on l’entend dans le langage commun1333, et de favoriser
l’émergence d’une cohérence des interprétations.
L’argument d’une amplification du risque de contradictions de décisions ne semble pas
davantage dirimant. Ce risque existe déjà en effet puisque le juge administratif n’est pas tenu
des éventuelles déclarations d’illégalité opérées par le juge répressif dans le cadre de sa
plénitude de compétence 1334 . Le juge administratif peut ainsi valider un acte déclaré
antérieurement illégal par le juge répressif ou, au contraire, censurer un acte validé
antérieurement par lui1335. À l’inverse, le juge pénal peut tout à fait déclarer illégal un acte
validé antérieurement par la juridiction administrative1336. Ce risque de contradictions de
décisions existe également au sein même de l’ordre administratif puisque le Conseil d’État
refuse d’accorder aux déclarations d’illégalité la même autorité qu’un jugement
d’annulation1337. Un juge administratif peut ainsi valider un acte déclaré antérieurement
illégal par un autre juge administratif. Il convient en outre de relativiser la gravité des
contradictions provoquées par les prorogations de compétence puisque, dans cette hypothèse,
les éventuelles contrariétés tiennent seulement aux motifs. Or, comme nous l’avons vu, il faut
distinguer les simples contradictions de décisions, qu’« aucun système de droit réaliste ne
peut se donner comme visée de combattre »1338, et les véritables inconciliabilités. Seules ces
dernières méritent d’être supprimées dans la mesure où l’incohérence affecte les effets

1332
L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, « Protection des représentants du personnel, Cour de cassation et
Conseil d’État : des marches parallèles à la démarche commune », op. cit. Dans cet article, les auteurs
évoquent la création en 2009 d’un « groupe de concertation » réunissant des membres des deux ordres
juridictionnels pour évoquer les points juridiques posant des difficultés.
1333
J. Rey-Debove et A. Rey (dir.), Le Petit Robert, 2011, p. 730. Le dialogue implique l’idée de
conversation ou de discussion entre deux personnes. Pour des réserves sur ce sens commun, voir : F. Géa,
Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle – Droit du travail et théorie du droit dans la
perspective du dialogisme, t. 1, vol. 1, LGDJ 2009, coll. Thèse, p. 59, et spéc. p. 64 : « La signification
étymologique de dialogue nous informe de ce que le mot réfère, non pas à une dualité ou à une bipolarité
structurelle, mais à l’idée d’une interaction ».
1334
Sur ce risque de contrariété de décisions, voir : V. Lesclous, « L’appréciation des actes administratifs
par le juge répressif », op. cit., spéc. p. 145. Ce dernier regrette l’absence de « mécanisme permettant de
réduire les contrariétés de jurisprudence ». Certains expliquent cette absence d’autorité par l’idée selon
laquelle le juge administratif est le juge naturel de la légalité administratif : G. Devolvé, « Chose jugée »,
Rép. cont. adm., Dalloz 2008, n° 224.
1335
V. Lesclous, « L’appréciation des actes administratifs par le juge répressif », op. cit.
1336
Ibid.
1337
Sur ce point : F. Melleray, « L’étendue de l’autorité de chose jugée des déclarations d’illégalité d’actes
administratifs opérées par le juge administratif », op. cit.
1338
É. Serverin, « Les divergences de jurisprudence comme objet de recherche », in P. Ancel et M.-C.
Rivier (dir.), Les divergences de jurisprudence, Publ. Univ. Saint Étienne 2003, coll. Droit, p. 73, spéc. p.
76.

262
substantiels des jugements et non pas seulement leurs motifs 1339 . Au demeurant, les
éventuelles « inconciliabilités » qui pourraient se produire entre deux décisions civile et
administrative sont traitées par le droit positif. Le Tribunal des conflits dispose en effet de la
faculté de statuer au fond en présence de deux décisions définitives ayant statué sur le fond
d’un litige, portant sur le même objet et présentant une contrariété conduisant à un déni de
justice1340. Au-delà de son rôle d’aiguilleur des compétences, le Tribunal des conflits doit
ainsi régler les « litiges que le dualisme juridictionnel n’a pas permis de trancher au
fond »1341.
Sous bénéfice de ces observations, il convient ainsi de rendre le mécanisme de la question
préjudicielle facultatif entre les deux ordres.

B. Une extension bienvenue en droit du travail

179. L’exemple des entreprises à statut. Comme nous l’avons vu, le conseil de
prud’hommes est compétent pour connaître à titre principal des litiges relatifs aux personnels
des entreprises à statut1342. Malgré cette compétence, il peut cependant arriver que la solution

1339
Sur ce point, voir notamment : V. Wittmann, Les interférences entre instances civile et pénale
parallèles – Contribution à l’étude de la cohérence en matière juridictionnelle, op. cit., spéc. n° 201, p.
234.
1340
Article 15 de la loi du 24 mai 1872. Pour davantage de précisions sur cette procédure, voir : M.-A.
Latournerie et J. Arrighi de Casanova, « Tribunal des conflits », Rép. cont. adm., Dalloz 2007, n° 196. Ces
derniers précisent que la condition du caractère définitif de la décision n’oblige pas le justiciable à épuiser
ses voies de recours mais signifie seulement que la décision ne doit pas ou plus être susceptible de recours.
Une exigence contraire aurait contraint le plaideur à exercer des voies de recours inutiles, notamment
lorsque les juges civils et administratifs se sont bornés à appliquer une jurisprudence constante dégagée par
la juridiction souveraine de leur ordre. L’exigence d’une décision sur le fond permet quant à elle de
distinguer ce cas de recours du conflit négatif pour lequel les deux ordres se sont déclarés tous deux
incompétents. Enfin, la condition d’une contrariété des décisions conduisant à un déni de justice peut
recouvrir un certain nombre d’hypothèses. En raison de la marge de liberté laissée aux juges du fond, le
déni peut en effet résulter d’appréciations inconciliables portées non seulement sur des questions de fait (T.
confl., 8 mai 1933, Rosay : Rec. p. 1236 : Inconciliabilité quant à l’appréciation des faits d’une collision
entre véhicules), des qualifications inconciliables d’une même situation (T. confl., 17 févr. 1947, Dame
Claveyrolat : Rec. p. 500 : Inconciliabilité quant à l’attribution de la qualité de préposé à un ouvrier) ou
encore sur la règle de droit à appliquer (T. confl., 2 juill. 1979, Caisse primaire d’assurance-maladie de
Béziers Saint-Pons c/ Min. Éducation : Rec. p. 570 : appréciation divergente quant au champ d’application
d’une même loi). L’identité de parties ou d’argumentation n’est pas exigée mais les conclusions doivent
tendre à la même fin pour pouvoir envisager une « inconciliabilité » de décisions. La caractérisation du
déni de justice est en outre subordonnée à l’impossibilité pour l’intéressé d’obtenir la satisfaction à laquelle
il avait droit (T. confl., 2 juill. 1962, Épx Kirby c/ Dame Dussais : Rec. p. 827. Les décisions étaient bien
inconciliables. Toutefois, en raison du caractère bénévole du transport, les parties n’avaient dans tous les
cas aucun droit à réparation). Les actions en responsabilité sont ainsi un terrain propice à un tel recours
puisque les décisions des deux ordres peuvent s’opposer quant au partage de responsabilité.
1341
B. Seiller, « La saisine du Tribunal des conflits », in P. Gonod et L. Cadiet, Le tribunal des conflits –
Bilan et perspectives, Dalloz 2009, coll. Thèmes et commentaires, p. 61, spéc. p. 65.
1342
Voir : supra, n° 25.

263
du litige – la contestation d’une sanction disciplinaire, d’une retenue sur salaire, d’une
rétrogradation ou d’une mise à la retraite par exemple – dépende de la légalité du statut du
personnel.
Tel est notamment le cas lorsque le code du travail n’est pas applicable au litige1343. Pour
contester une mesure prise en application du statut, le requérant peut en effet avancer comme
moyen de défense la violation d’un principe général du droit par le statut1344. Or, dans cette
hypothèse, le juge judiciaire doit actuellement surseoir à statuer et poser une question
préjudicielle au juge administratif, seul compétent pour connaître de la légalité de cet acte
administratif. Celui-ci se prononcera alors sur l’existence d’un principe général du droit et sur
l’éventuelle illégalité du statut au regard du principe découvert et des nécessités du service
public1345. L’éclatement du litige n’est toutefois pas systématique puisque le juge judiciaire
peut refuser de renvoyer une question dépourvue de caractère sérieux 1346 . Ce serait
notamment le cas si les parties se prévalaient d’une contradiction du statut et des dispositions
du code du travail non applicables au litige1347. Le renvoi peut également être évité lorsque la
légalité du statut est contestée au regard du droit communautaire, en matière de discrimination

1343
Même si cela peut paraître surprenant, le code du travail n’est pas toujours applicable au litige du
personnel des entreprises à statut. En effet, le code du travail ne vise pas systématiquement les entreprises à
statut dans son champ d’application, réserve le cas des dispositions particulières du statut ayant le même
objet (articles L. 1111-1, L. 1211-1, L. 2111-1 du code du travail notamment) ou encore admet des
dérogations dans les entreprises publiques (article L. 1233-1 du code du travail notamment). Pour une
présentation assez critique de la recodification du code du travail sur ce point, voir : J. Chorin, « Le
nouveau Code du travail et les personnes publiques employant des personnels de droit privé », op. cit.,
spéc. p. 17 et suiv.
1344
Pour un exemple significatif, voir : CE, 1er et 6e s.-s. r., 17 juin 2014, n° 368867 : AJDA 2014, p. 1963,
comm. L. Seurot ; Lexbase Hebdo éd. S 2014, n° 577, obs. Ch. Radé. Dans cette affaire, la Cour de
cassation avait invité les parties à poser une question préjudicielle à la juridiction administrative sur la
légalité des statuts d’EDF, D’ERDF et de GRDF mettant à la charge des agents d’entretien et à leurs frais le
nettoyage des vêtements de travail. Le Conseil d’État confirme ici le recours à la technique des principes
généraux du droit lorsque le code du travail n’est pas applicable au litige. Il prend en effet soin de
distinguer selon que le vêtement est imposé pour des raisons d’hygiène, de sécurité et de santé ou pour
parfaire l’image de marque de l’employeur puisque dans le premier cas, la situation est réglée par
l’application du code du travail. Le Conseil d’État découvre ainsi pour le second cas le principe général du
droit selon lequel « les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans
l’intérêt de son employeur doivent, dès lors qu’ils résultent d’une sujétion particulière, être supportés par ce
dernier ».
1345
Voir notamment : CE, ass., 29 juin 2001, n° 222600, Berton : AJDA 2001, p. 648, chron. M. Guyomar
et P. Collin ; Dr. soc. 2001, p. 948, concl. S. Boissard (découverte du principe général du droit selon lequel
« toute modification des termes d’un contrat de travail recueille l’accord à la fois de l’employeur et du
salarié ») – CE, ass., 1er juill. 1988, n° 66405, Billard et Volle : AJDA 1988, p. 592, chron. M. Azibert et M.
de Boisdeffre ; Dr. soc. 1989, p. 512, ét. J.-F. Lachaume (découverte du principe général du droit
d’interdiction des sanctions pécuniaires). Pour d’autres exemples de principes généraux du droit découverts
par le juge administratif, voir : B. Arvis, « Contrôle du juge administratif sur les dérogations du statut de la
SNCF au code du travail », AJDA 2012, p. 467.
1346
Voir : supra, n° 176.
1347
Sur ce point, voir : Cass. soc., 23 janv. 2007, n° 05-41.608 : Bull. civ., V, n° 9 ; JCP S 2008, 1082, note
Th. Lahalle ; Lexbase Hebdo éd. S 2007, n° 247, obs. S. Tournaux.

264
notamment 1348 , ou lorsqu’il existe une jurisprudence établie permettant d’accueillir la
contestation. Il peut en être ainsi soit parce que le statut a déjà fait l’objet d’un constat
d’illégalité dans une autre affaire, soit parce que la portée du principe général du droit
invoqué a été précisée dans un litige présentant des circonstances similaires1349. En revanche,
lorsque l’existence du principe général ou sa portée n’ont pas clairement été définies par la
juridiction administrative, le renvoi s’impose1350.
La question de la légalité du statut peut également se poser lorsque le code du travail est
applicable au litige et que le législateur n’a pas articulé l’application du statut et du code du
travail1351. Le Conseil d’État considère en effet que la résolution de l’éventuel conflit entre les
deux normes revient à apprécier la légalité du statut1352. Par conséquent, lorsque le salarié se
prévaut des dispositions plus protectrices du code du travail, le juge administratif doit être
saisi d’une question préjudicielle portant sur la compatibilité des dispositions du code du

1348
On pourrait à ce titre viser une affaire dans laquelle le Conseil d’État avait jugé illégal, car
discriminatoire, l’article 75 du règlement intérieur du personnel navigant commercial d’Air France qui
réservait au seul personnel masculin « la possibilité de prolonger son activité au-delà de cinquante ans » :
CE, sect., 6 févr. 1981, n° 14869, Delle Baudet : AJDA 1981, p. 489, concl. P. Dondoux (cité par le
Professeur Jean-François Lachaume dans l’article suivant : J.-F. Lachaume, « La prohibition, par un
principe général du droit, des sanctions pécuniaires dans le secteur public », Dr. soc. 1989, p. 512, spéc. p.
514). Si le juge judiciaire avait à connaître de ce contentieux aujourd’hui, le renvoi judiciaire ne
s’imposerait plus en application de la jurisprudence SCEA du Chéneau.
1349
En ce sens : T. confl., 12 déc. 2011, n° 3841, Société Green Yellow et autres c/ Électricité de France :
AJDA 2012, p. 27, chron. M. Guyomar et X. Domino ; Procédures 2012, comm. 56 S. Deygas.
1350
Pour un exemple récent, à propos du statut de la RATP, voir : Cass. soc., 20 avr. 2017, n° 15-19.979 :
Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2017, p. 665, ét. J. Mouly ; Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 698, obs. Ch.
Radé. La chambre sociale de la Cour de cassation renvoie au Conseil d’État une question préjudicielle
tenant à l’appréciation de la légalité du statut de la RATP qui permet à l’employeur d’imposer une
rétrogradation disciplinaire. Cette disposition contrevient à la jurisprudence de la chambre sociale selon
laquelle toute modification du contrat de travail doit faire l’objet d’un accord de la part du salarié, même
lorsqu’elle est imposée à titre disciplinaire (Cass. soc. 16 juin 1998, n° 95-45.033, Hôtel Le Berry : Bull.
civ., V, n° 320 ; Dr. soc. 1998, p. 803, rapp. Ph. Waquet. Pour une critique de cette jurisprudence, voir :
Ch. Radé, « A propos de la contractualisation du pouvoir disciplinaire de l’employeur, critique d’une
jurisprudence hérétique », Dr. soc. 1999, p. 3). En l’espèce, le renvoi s’imposait puisque le Conseil d’État
n’avait jamais eu l’occasion de se prononcer sur l’existence d’un principe général du droit du travail qui
interdirait à un employeur, à l’instar de la jurisprudence Hôtel le Berry, d’imposer à un salarié soumis au
code du travail, comme sanction d’un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification
de son contrat de travail.
1351
L’article L. 1111-1 du code du travail prévoit par exemple que les dispositions du livre premier du code
du travail sur les dispositions préliminaires sont « applicables au personnel des personnes publiques
employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet
résultant du statut qui régit ce personnel ». Une telle réserve n’est pas prévue à l’égard des salariés des
employeurs de droit privé. La question de l’articulation entre le statut et le code du travail se pose donc
lorsque l’entreprise à statut est gérée par une personne morale de droit privé (EDF, Groupe ADP par
exemple). Pour une critique de cette différence de régime basée sur la nature juridique des entreprises : J.
Chorin, « Le nouveau Code du travail et les personnes publiques employant des personnels de droit privé »,
op. cit., spéc. p. 18.
1352
Voir notamment : CE, 1re et 6e s.-s. r., 18 janv. 2012, n° 344677, M. Virmont : AJDA 2012, p. 1467,
note B. Arvis.

265
travail avec les nécessités du service public confié à l’entreprise à statut1353. La chambre
sociale de la Cour de cassation a cependant accepté par le passé que les juges du fond
contournent cette obligation de renvoi1354. Procédé qualifié par certains « d’habile »1355, et par
d’autres de « subterfuge condamnable »1356, la chambre sociale de la Cour de cassation
considérait en effet que les juges du fond étaient en mesure d’écarter une règle statutaire au
profit de la loi – sans que cela ne constitue une appréciation de légalité de l’acte règlementaire
– à partir du moment où ils ne comparaient pas les dispositions en cause1357. Lorsqu’on
observe la jurisprudence la plus récente, cette pratique semble avoir disparu. La chambre
sociale de la Cour de cassation recourt au contraire à la technique des principes généraux du
droit ce qui lui évite d’avoir à se prononcer sur les questions d’applicabilité du code du travail
et d’articulation entre statut et code du travail. Un arrêt récent du 26 octobre 2016 permet
d’illustrer ce propos1358. Dans cette affaire, un salarié de la SCNF contestait devant le conseil
de prud’hommes une retenue effectuée sur une indemnité de caisse conformément aux
dispositions du référentiel Ressources humaines RH00131 et invoquait, à ce titre, l’illégalité
des dispositions du statut. Considérant la question sérieuse, un sursis à statuer est prononcé
par la chambre sociale de la Cour de cassation. L’étude du visa et du chapeau introductif est
sur ce point éclairante. La chambre sociale de la Cour de cassation renvoie en effet au Conseil

1353
Pour un exemple d’incompatibilité entre le code du travail et le statut du personnel de la SNCF, voir :
CE, ass., 7 juill. 1995, n° 146028, 149495, 149946, 149947, Damiens : Lebon p. 290 ; Dr. soc. 1996, p.
175, ét. J. Chorin ; AJDA 1995 p. 692, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux. Dans cet arrêt, la SNCF a été
admise à déroger au droit commun du calcul des congés payés puisque les règles du statut étaient
nécessaires pour assurer les missions de service public. Plus récemment, voir : CE, 1re et 6e s.-s. r., 18 janv.
2012, n° 344677, M. Virmont, op. cit. Dans cette affaire, le Conseil d’État déclare illégale une disposition
du statut de la SNCF car rien dans l’activité de l’établissement ne justifiait qu’il soit dérogé à la disposition
du code du travail selon laquelle les congés de formation des membres du conseil de prud’hommes sont
tenus pour du travail effectif.
1354
Plus largement sur cette question, voir : A. Morin-Galvin, La convergence des jurisprudences de la
Cour de cassation et du Conseil d’État : contribution au dialogue des juges en droit du travail, op. cit.,
spéc. p. 148.
1355
J. Chorin, Le particularisme des relations du travail dans les entreprises publiques à statut, t. 245,
LGDJ 1994, coll. Bibliothèque de Droit privé, p. 409.
1356
Ch. Radé, « L’office du juge et l’acte règlementaire illégal : pour en finir avec une certaine
hypocrisie », op. cit., spéc. p. 461. Voir également la bibliographie citée dans cet article et allant dans le
même sens : C. Garbar, Le droit applicable au personnel des entreprises publiques, LGDJ 1998, coll.
Bibliothèque de Droit public, t. 175, p. 268 et C. Garbar, « La résistible théorie de l’applicabilité du Code
du travail au personnel des entreprises publiques à statut », RJS 1998, p. 355, spéc. p. 360.
1357
Pour une illustration de cette pratique, voir : Cass. soc., 10 juill. 1984, n° 82-41.229, SNCF c/ Grostin :
Bull. civ., V, n° 313 ; Dr. soc. 1985, p. 122, ét. J.-F. Lachaume – Cass. soc., 18 févr. 2003, n° 00-45.931 :
Bull. civ, V, n° 58. Sur cette jurisprudence, voir : Ch. Radé, « L’office du juge et l’acte réglementaire
illégal : pour en finir avec une certaine hypocrisie », op. cit. Ce dernier propose de distinguer le contrôle de
légalité et celui qu’il qualifie de « favorabilité » et que le juge judiciaire devrait pouvoir effectuer. Il se
prononce également en faveur d’une exception à la jurisprudence Septfonds lorsque sont en cause « le
respect des droits des personnes ou les libertés individuelles et collectives ».
1358
Cass. soc., 26 oct. 2016, n° 14-28.055 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1412, note K. Pagani et
M. Pellissier ; Procédures 2016, comm. 368 A. Bugada.

266
d’État la question préjudicielle sans se prononcer sur l’application du code du travail et vise
non seulement l’article L. 1331-2 du code du travail mais également le principe général du
droit d’interdiction des sanctions pécuniaires. On retrouve ici une technique déjà utilisée par
le Conseil d’État dans le célèbre arrêt Billard et Volle1359. « En considérant que la prohibition
des sanctions pécuniaires constitu[ait] un principe général du droit, le Conseil d’État [avait en
effet contourné] le problème des rapports entre les dispositions du code du travail et le statut
du personnel de la SNCF »1360. En réalité, le fondement retenu importe peu. Que l’on invoque
une contradiction avec le code du travail ou avec un principe général du droit, le renvoi
préjudiciel s’impose tout autant puisqu’il appartient au juge administratif d’« évaluer la
nécessité que pourrait présenter la disposition litigieuse du statut au regard de la spécificité
des missions de l’établissement »1361. Seule l’existence d’une jurisprudence établie ou une
contradiction avec le droit communautaire pourrait permettre au juge judiciaire d’accueillir
une contestation sérieuse sur ce point. Avec la suppression du caractère obligatoire des
questions préjudicielles, le renvoi ne serait donc plus aussi systématique.

180. L’exemple de la reprise de l’activité d’une entité économique, employant


des salariés de droit privé, par une personne publique dans le cadre d’un service public
administratif. Nous l’avons vu, le législateur a levé les principales incertitudes résultant de la
reprise de l’activité d’une entité économique, employant des salariés de droit privé, par une
personne publique dans le cadre d’un service public administratif1362. En effet, jusqu’à ce que
le nouvel employeur place les salariés dans un régime de droit public, les contrats de travail
demeurent de droit privé et les éventuelles contestations relèvent du juge judiciaire1363. Ce
dernier est ainsi compétent pour statuer sur les litiges relatifs à la rupture de plein droit des
contrats de travail1364, intervenue suite au refus des salariés d’accepter le contrat de travail de
droit public proposé par l’employeur1365. À cette occasion, les salariés ont tout intérêt à

1359
CE, ass., 1er juill. 1988, n° 66405, Billard et Volle, op. cit.
1360
J.-F. Lachaume, « La prohibition, par un principe général du droit, des sanctions pécuniaires dans le
secteur public », op. cit., spéc. p. 513.
1361
B. Arvis, « Contrôle du juge administratif sur les dérogations du statut de la SNCF au code du travail »,
AJDA 2012, p. 1467, spéc. p. 1470.
1362
Voir : supra, n° 26 et 163.
1363
Voir : supra, n° 26 et 163.
1364
Article L. 1224-3, alinéa 4 du code du travail. Pour une critique de cette rupture de plein droit, voir : M.
Morand, « La rupture automatique du contrat de travail », RJS 2017, p. 443, spéc. p. 446. Ce dernier estime
que les dispositions du code du travail se heurtent à l’exigence de motivation de la convention 158 de
l’OIT.
1365
Les litiges entourant cette rupture de plein droit ne portent pas systématiquement sur la légalité de
l’offre du contrat de travail de droit public. Certains sont en effet relatifs aux conséquences indemnitaires
de l’absence de notification de cette rupture du contrat (Cass. soc., 8 déc. 2016, nos 15-17.176 et 15-17.177

267
soulever l’illégalité de l’offre du contrat de droit public puisqu’elle permet de transformer la
rupture de plein droit en un licenciement sans cause réelle et sérieuse1366. Si le juge judiciaire
s’estime en principe incompétent pour se prononcer sur un tel moyen de défense1367, le renvoi
préjudiciel n’est pas systématique. Là encore, le juge judiciaire peut en effet repousser une
contestation non sérieuse, autrement dit une question n’ayant aucune chance de succès. Tel
pourrait être le cas si le salarié contestait la légalité d’une offre d’un contrat de travail de droit
public alors que la rémunération proposée dans le contrat de droit public était au moins
équivalente à celle antérieure et que les fonctions de chef comptable n’avaient pu être
maintenues puisqu’elles relevaient de l’emploi de comptable public régi par le statut de la
fonction publique1368. La Cour de cassation a en outre déjà admis qu’une cour d’appel
apprécie l’illégalité d’un contrat de travail de droit public dans une affaire où la personne
publique n’invoquait aucune justification tirée de la nécessité de respecter les dispositions
applicables aux agents contractuels pouvant fonder la diminution de salaire contenue dans son
offre contrairement aux exigences légales1369. La cour d’appel avait ainsi pu en déduire, sans
violer le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire, que le
licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Si dans cet arrêt, aucune référence
n’est faite à la jurisprudence SCEA du Chéneau et plus particulièrement à la notion de
« jurisprudence établie », l’exemple n’en demeure pas moins intéressant. Il témoigne en effet
de la volonté de la Cour de ne pas recourir au mécanisme de la question préjudicielle lorsque
que l’illégalité est manifeste. La suppression du caractère obligatoire de la question
préjudicielle ne ferait dès lors que conforter cette jurisprudence et encouragerait les juges du

: Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2017, p. 79, act. J. Mouly) ou au paiement de l’indemnité compensatrice
de préavis (Cass. soc., 10 janv. 2017, n° 15-14.775 : Bull. civ., V, à paraître ; AJDA 2017, p. 82, obs. M.-C.
De Montecler ; Dr. soc. 2017, p. 375, act. J. Mouly). Si la rupture prononcée produit les effets d’un
licenciement, les dispositions de l’article L. 1232-2 du code du travail, relatives à la convocation à
l’entretien préalable en cas de licenciement pour motif personnel, ne sont toutefois pas applicables. Le
salarié ne peut dès lors obtenir une indemnité pour irrégularité de la procédure (Cass. soc., 1er févr. 2017, n°
15-18.480 : Bull. civ., V, à paraître ; AJDA 2017, p. 256, obs. M.-C. De Montecler ; Dr. soc. 2017, p. 375,
act. J. Mouly).
1366
Sur ce point, voir : M. Morand, « La rupture automatique du contrat de travail », op. cit., spéc. p. 443.
1367
Cass. soc., 1er juin 2010, n° 09-40.679 : Bull. civ., V, n° 120 ; Lexbase Hebdo éd. S 2010, n° 400, obs.
Ch. Radé. Pour un exemple d’appréciation de la légalité d’un contrat de travail administratif par la
juridiction administrative, voir : CE, 4e et 5e s-s-r, 25 juill. 2013, n° 355804 (cité par le Professeur
Christophe Radé dans l’article suivant : Ch. Radé, « Limites à l’office du juge judiciaire en cas de cession
des contrats de travail à une commune », Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 628).
1368
Cass. soc., 23 mars 2011, n° 10-13.444, inédit : Lexbase Hebdo éd. S 2011, n° 435, obs. L. Casaux-
Labrunée. Il n’était pas question ici d’un quelconque renvoi préjudiciel ; la Cour de cassation censure
seulement les juges du fond d’avoir dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. On peut
toutefois s’appuyer sur les faits de l’espèce pour considérer que si une question préjudicielle avait été posée
sur la légalité du contrat de droit administratif, elle aurait pu être considérée comme peu sérieuse.
1369
Cass. soc., 13 nov. 2012, n° 11-12.050, inédit, op. cit.

268
fond à proroger leur compétence et à réserver le renvoi qu’aux seules situations réellement
délicates.

181. L’exemple du licenciement d’un salarié protégé. Le licenciement d’un


salarié protégé permet également d’illustrer le risque d’éclatements des litiges en droit du
travail. L’employeur doit en effet obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail avant de
procéder au licenciement. Or, tout ce qui a été contrôlé par l’autorité administrative – à savoir
la qualité de salarié protégé1370, la régularité de la procédure préalable à la saisine de
l’inspecteur du travail1371 ou encore le bien-fondé du licenciement1372 – s’impose au conseil
de prud’hommes1373. Lorsque le licenciement a été autorisé1374, le salarié se trouve dès lors
contraint de demander l’annulation de cet acte administratif à titre principal devant le juge
administratif ou de soulever une exception d’illégalité directement devant le juge
judiciaire1375. Là encore si ce dernier doit en principe surseoir à statuer1376, le renvoi d’une
question préjudicielle à la juridiction administrative n’est pas systématique puisqu’il peut
statuer sur la légalité de l’autorisation lorsqu’elle porte atteinte au droit de l’Union
européenne ou lorsque l’illégalité est manifeste au regard d’une jurisprudence établie. La
suppression du renvoi préjudiciel obligatoire n’aurait en réalité qu’un enjeu limité dans le
contentieux des salariés protégés. L’éventuelle déclaration d’illégalité, qu’elle soit prononcée
par le juge administratif ou le juge judiciaire, n’emporte pas les mêmes conséquences en effet
que l’annulation de l’autorisation. Elle permet seulement au juge judiciaire de retrouver sa

1370
La décision d’incompétence d’un inspecteur du travail, qui constitue une décision administrative,
empêche également le juge judiciaire de se prononcer sur la nécessité d’une autorisation de licenciement et
la qualité de salarié protégé. Voir notamment : Cass. soc., 1er févr. 2011, n° 08-44.569, inédit.
1371
Voir notamment : Cass. soc., 27 mai 2015, n° 13-26.985 : Bull. civ., V, à paraître ; CSBP 2015, n° 276,
p. 382, note F. Canut – Cass. soc., 3 mars 2010, n° 08-42.526 : Bull. civ., V, n° 50 ; RDT 2010, p. 246, note
É. Serverin ; Dr. soc. 2010, p. 606, obs. Y. Struillou – Cass. soc., 30 avr. 1997, n° 94-45.418 : Bull. civ., V,
n° 149 ; Dr. soc. 1997, p. 645, obs. Ph. Waquet.
1372
Voir notamment : Cass. soc., 16 juin 2010, n° 09-42.354, inédit – Cass. soc., 7 juin 2005, n° 02-
47.374 : Bull. civ., V, n° 190 – Cass. soc., 30 avr. 1997, n° 94-45.418 : Bull. civ., V, n° 149.
1373
Toutefois, sur la compétence résiduelle du conseil de prud’hommes en présence d’une autorisation de
licenciement devenue définitive, voir : infra, n° 202.
1374
Lorsque le licenciement est intervenu sans autorisation, le conseil de prud’hommes recouvre son
entière compétence pour se prononcer sur la nullité de la rupture et ordonner la réintégration du salarié. Sur
ce point, voir infra, n° 194.
1375
Le salarié protégé peut également opérer des recours administratifs pour contester cette autorisation de
licenciement. On vise ici non seulement les recours gracieux devant l’inspecteur, auteur de la décision,
mais également les recours hiérarchiques devant le ministre du Travail.
1376
Voir notamment : Cass. soc., 12 juill. 2010, n° 08-44.642 : Bull. civ., V, n° 170 – Cass. soc., 6 juill.
1994, n° 92-42.199, inédit.

269
pleine compétence pour statuer sur la cause réelle et sérieuse de licenciement1377. On touche
en réalité ici aux limites des techniques de prorogations de compétence qui ne peuvent aller à
l’encontre de la réserve constitutionnelle de compétence du juge administratif. Seul le
législateur peut en effet déroger, pour une bonne administration de la justice, aux répartitions
de compétences constitutionnellement protégées1378. Que l’on supprime ou non le caractère
obligatoire de la question préjudicielle, le salarié qui souhaite sa réintégration dans
l’entreprise n’a ainsi d’autre choix que de saisir directement la juridiction administrative et ne
peut dès lors échapper à l’un des inconvénients de la pluralité juridictionnelle, à savoir
l’éclatement du litige1379.

Section 2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le


juge administratif

182. Une extension justifiée. Pour se prononcer sur la légalité de certains actes
administratifs, le juge administratif est parfois obligé d’apprécier la validité d’actes de droit
privé1380. Dans de telles hypothèses, le renvoi préjudiciel n’est pas systématique ; à l’instar du
juge judiciaire, le juge administratif peut en effet refuser de poser une question préjudicielle
dépourvue de caractère sérieux1381. Le Conseil d’État a en outre « transposé mot pour mot » la
jurisprudence SCEA du Chéneau à l’hypothèse du renvoi préjudiciel du juge administratif
vers le juge judiciaire1382. Les juridictions administratives peuvent dès lors statuer directement
sur une question préjudicielle lorsqu’il existe une jurisprudence établie de l’ordre

1377
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
droit, n° 77.7.2, p. 1386.
1378
Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, Conseil de la concurrence : AJDA 1987, p. 345, note J.
Chevallier, Rev. dr. publ. 1987, p. 1341, note Y. Gaudemet ; RFDA 1987, p. 287, comm. B. Genevois. Sur
la possibilité pour le législateur de créer des blocs de compétences, voir : infra, n° 207 et suiv.
1379
Sur la nécessité et la possibilité de créer un bloc de compétences dans cette hypothèse, voir : infra, n°
219 et suiv.
1380
D. Labetoulle, « L’avenir du dualisme juridictionnel. Point de vue d’un juge administratif », op. cit.,
spéc. p. 1774. Voir également : J. Rivero, « Le juge administratif : gardien de la légalité administrative ou
gardien administratif de la légalité ? », op. cit., spéc. p. 701 : « Si, dans le système juridique français,
l’administration agit normalement sous l’empire du droit qui lui est propre, son action peut cependant la
mettre en contact avec les règles du droit privé ; celles-ci s’imposent alors à elle avec la même force
obligatoire que les règles du droit public, car la légalité n’est pas divisible ». Voir également la thèse
référence sur ce point : J. Waline, Recherches sur l’application du droit privé par le juge administratif,
Thèse Paris (dactyl.) 1962, 347 p.
1381
CE, 1re et 6e s.-s. r., 6 févr. 2006, n° 259385, Département de la Dordogne : Rec. p. 57 ; AJDA 2006, p.
888, concl. C. Devys. Sur ce point, voir : A. Minet, « La jurisprudence établie : les ambiguïtés d’une
notion », op. cit.
1382
CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux : Rec. p. 102 ; AJDA 2012, p. 1583,
note E. Marc ; RFDA 2012, p. 429, concl. C. Landais ; Constitutions 2012, p. 294, obs. A. Levade.

270
judiciaire 1383 . À ces exceptions conditionnées, s’ajoutent également des exceptions
systématiques, autrement dit des « îlots de plénitude de compétence » pour lesquels le juge
administratif peut trancher lui-même une question présentant une difficulté sérieuse1384. Il en
est ainsi pour l’examen des questions préalables de compétence et de recevabilité1385, pour les
moyens de défense relatifs au droit de l’Union européenne1386, pour l’appréciation des accords
collectifs dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’intervention d’un arrêté ministériel
d’extension ou d’agrément1387 ou encore pour l’appréciation de la validité des dispositions du
règlement intérieur1388.
L’obligation pour le juge administratif de poser une question préjudicielle au juge judiciaire
n’est donc pas absolue et la multiplication des exceptions au renvoi encourage la disparition
des questions préjudicielles obligatoires. Cette suppression se justifie d’ailleurs d’autant plus
qu’il n’existe aucune disposition textuelle imposant le renvoi du juge administratif vers le
juge judiciaire1389. Comme nous l’avons vu, ce renvoi s’explique seulement par des raisons
historiques et techniques 1390 . L’extension du domaine des prorogations de compétence
permettrait ainsi de lever les principales ambiguïtés tenant à la multiplication des exceptions,
sans pour autant se passer du principal intérêt des questions préjudicielles, à savoir la
collaboration technique entre les ordres1391.

183. Une extension bienvenue en droit du travail. L’extension du domaine des


prorogations de compétence s’avère particulièrement bienvenue en droit du travail compte
tenu des nombreux actes de droit privé auxquels peut être confronté le juge administratif et
qui le contraignent parfois à surseoir à statuer. Les arrêtés d’extension des conventions

1383
Pour une application, voir : CE, 3e et 8e s.-s. r., 19 nov. 2013, n° 352615, Société Credemlux
international : Rec. p. 288 ; AJDA 2014, p. 2008, note C. Vautrot-Schwarz.
1384
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
275.
1385
Ibid., p. 276.
1386
Ibid. Sur ce point, voir : CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux, op. cit.
1387
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
276. Sur ce point, voir : infra, n° 184.
1388
Voir : infra, n° 183.
1389
Aucune obligation textuelle n’existe en dehors de l’article 29, alinéa 2 du code civil qui impose le
renvoi pour les contestations relatives à la nationalité française ou étrangère des personnes physiques.
D’ailleurs, dans l’affaire Fédération Sud santé sociaux (CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, op. cit.), aucun
texte, ni principe n’est invoqué pour fonder l’obligation de renvoi. Sur ce point, voir : F. Melleray,
« Nouveau recul des questions préjudicielles », Dr. adm. 2012, comm. 56.
1390
C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ? Le point de vue du juge
administratif », op. cit., spéc. p. 84.
1391
Sur cet intérêt, voir : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité
judiciaire », op. cit., spéc. p. 275 et C. Landais, « La question préjudicielle : fonction ou pouvoir du juge ?
Le point de vue du juge administratif », op. cit., spéc. p. 85.

271
collectives sont par exemple de véritables « nids à questions préjudicielles » puisque leur
illégalité peut dépendre de la validité de certaines clauses de la convention collective1392. Le
contentieux de la reprise de l’activité d’une entité économique, employant des salariés de
droit privé, par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif peut
également être à l’origine d’un certain nombre de questions préjudicielles du juge
administratif vers le juge judiciaire1393. Saisi de la légalité du refus de la personne publique de
proposer un contrat de droit public, le juge administratif peut en effet avoir à se prononcer sur
la réunion des conditions du transfert des contrats de travail. La situation s’avère différente à
l’égard des décisions administratives de l’inspecteur du travail enjoignant à l’employeur de
modifier ou de retirer certaines clauses d’un règlement intérieur1394. Le juge administratif
dispose en effet d’une plénitude de compétence pour apprécier la validité des dispositions du
règlement intérieur lorsqu’il se prononce sur la légalité de l’injonction1395. Une telle plénitude
semble parfaitement justifiée puisque l’objet du contrôle de l’inspecteur du travail est
justement d’apprécier la validité des dispositions du règlement intérieur1396.
La suppression du caractère obligatoire des questions préjudicielles aura ainsi pour effet
d’harmoniser les règles entourant les prorogations de compétence en droit du travail.

1392
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
274, note 2. Également en ce sens : J. Rivero, « Le juge administratif : gardien de la légalité administrative
ou gardien administratif de la légalité ? », op. cit., spéc. p. 704.
1393
Des questions préjudicielles existent également en ce domaine du juge judiciaire vers le juge
administratif. Sur ce point, voir : supra, n° 180.
1394
Articles L. 1322-1 du code du travail et suivant. Le règlement intérieur doit être transmis à l’inspecteur
du travail afin qu’il procède au contrôle de la légalité de son contenu (article R. 1321-4 du code du travail).
L’inspecteur du travail peut ainsi exiger à tout moment le retrait ou la modification d’une clause contraire
au droit positif. Les recours hiérarchique ou contentieux devant le juge administratif sont prévus aux
articles L. 1322-2 et L. 1322-3 du code du travail. Sur ce contrôle, voir : A. Jeammaud, « Les contrôles de
la légalité du règlement intérieur », Dr. soc. 1983, p. 524 et G. Berthon et D. Chenu, « Le contrôle
juridictionnel de la légalité du règlement intérieur, une tentative de clarification », Dr. soc. 2007, p. 1142.
1395
CE, sect., 1er févr. 1980, n° 06361, Ministre du travail c/ Peintures Corona : Dr. soc. 1980, p. 310,
concl. A. Bacquet ; AJDA 1980, p. 408, chron. Y. Robineau et M.-A. Feffer ; RDP 1980, p. 1717, note J.-
M. Auby. Le juge administratif a ainsi été amené à se prononcer sur la validité des dispositions d’un
règlement intérieur interdisant la consommation d’alcool de manière générale dans l’entreprise (CE, 1re et
6e s.-s. r., 12 nov. 2012, n° 349365), prévoyant l’ouverture d’armoires personnelles (CE, 1re et 4e s.-s. r., 12
juin 1987, n° 72388, Sté Gantois : Dr. soc. 1987, p. 651, note J. Savatier), prévoyant la réalisation de tests
salivaires de dépistage de stupéfiants par un supérieur hiérarchique (CE, 4e et 5e ch.-réun., 5 déc. 2016, n°
394178 : Dr. soc. 2017, p. 244, ét. J. Mouly ; SSL 2016, n° 1750, p. 5, obs. F. Champeaux) ou encore
imposant le port d’un badge (CE, 1re et 4e s.-s. r., 29 déc. 1995, n° 129747, Syndicats des personnels de
l’énergie atomique du Tricastin).
1396
Pour une critique de cette prorogation de compétence, voir A. Morin-Galvin, La convergence des
jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d’État : contribution au dialogue des juges en droit
du travail, op. cit., spéc. p. 497 : « Malgré les arguments organiques avancés, la compétence du juge
administratif pour apprécier un acte de droit privé, fût-il règlementaire, laisse perplexe ».

272
Plan.
Paragraphe 1. Une extension bienvenue dans le contentieux de l’extension des
conventions collectives
Paragraphe 2. Une extension bienvenue dans le contentieux du transfert des contrats
de travail

§1. Une extension bienvenue dans le contentieux de l’extension des conventions collectives

184. La multiplication des exceptions au renvoi. Les juridictions administratives


connaissent des contestations relatives aux arrêtés d’extension des conventions collectives en
raison du caractère administratif de ces actes. Or, si certains plaideurs invoquent seulement
l’illégalité externe de l’acte et notamment le défaut de publicité, d’autres se prévalent au
contraire de l’illégalité interne de l’acte en remettant en cause la validité de l’accord
étendu1397. Dans une telle hypothèse, le juge administratif devrait normalement surseoir à
statuer puisqu’il se trouve confronté, à titre incident, à un acte de droit privé1398. La réalité est
pourtant tout autre ; les exceptions au renvoi n’ont eu de cesse de se multiplier. Le juge
administratif dispose ainsi d’une plénitude de compétence à l’égard des conventions
collectives lorsque le législateur a prévu que « les mesures prises pour l’application de la loi
seront définies par un accord collectif conclu entre les partenaires sociaux, dont l’entrée en
vigueur est subordonnée à l’intervention d’un arrêté ministériel d’extension ou
d’agrément » 1399 . L’argument avancé pour justifier cette exception est que le juge
administratif, « ‘‘juge naturel’’ des mesures d’application de la loi, se prononce sur la légalité
d’un tel accord agréé ou étendu comme il se serait prononcé, si le législateur s’en était tenu au
schéma classique de l’article 21 de la Constitution, sur le décret d’application du Premier
ministre. La fonction de l’acte l’emporte ainsi sur sa nature juridique »1400. L’étendue de cette
exception s’avère en pratique relativement encadrée1401. Sont en effet exclus du champ de la
plénitude de compétence les accords qui mettent en œuvre la loi mais dont l’entrée en vigueur

1397
D. Piveteau, « La dualité de juridictions à l’épreuve du droit du travail », op. cit., spéc. p. 416. Selon ce
dernier, les questions préjudicielles « trouvent couramment application dans le contentieux des arrêtés par
lesquels le ministre du Travail prononce l’extension d’un accord collectif de travail. Car les motifs les plus
fréquents d’illégalité d’un arrêté d’extension tiennent à l’illicéité de telle ou telle stipulation étendue ».
1398
L’arrêté d’extension ne fait pas perdre à cet acte son caractère privé. En ce sens : CE, sect., 4 mars
1960, n° 39554, Sté Le Peignage de Reims : Rec. p. 168 ; Dr. soc. 1960, p. 274, concl. P. Nicolay.
1399
CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux, op. cit.
1400
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
276.
1401
Ibid.

273
n’est pas subordonnée à leur extension1402 ou encore les accords dont l’entrée en vigueur est
conditionnée à leur extension mais qui ne sont pas nécessaires à l’application de la loi1403. La
plénitude ne s’exerce pas davantage lorsque le législateur a ouvert un champ à la négociation
collective dont les partenaires sociaux peuvent ou non se saisir1404 ou lorsque le législateur a
défini un régime dérogatoire dont il laisse aux partenaires sociaux ou au pouvoir
règlementaire le soin de définir le champ1405. La plénitude de compétence ne joue ainsi que
lorsque l’entrée en vigueur d’un accord est subordonnée à son extension et que celui-ci est
nécessaire à l’application d’un régime légal non facultatif1406. « Indépendamment de l’acte, la
plénitude de compétence s’attache également à la catégorie de moyens soulevés »1407. On vise
ici la possibilité pour le juge d’apprécier la conformité des dispositions d’une convention
collective au droit de l’Union européenne1408 et de poser, en cas de difficultés d’interprétation,
une question préjudicielle directement à la Cour de justice de l’Union européenne1409.
À ces exceptions systématiques, s’ajoutent également des exceptions conditionnées. À l’instar
du juge judiciaire, le juge administratif peut en effet repousser une question préjudicielle

1402
Sur ce point, voir : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire »,
op. cit., spéc. p. 276. Voir également la jurisprudence citée sur des accords relatifs à des retraites
complémentaires : CE, 1re et 6e s.-s. r., 17 avr. 2013, n° 352245, Confédération française de l’encadrement
– Confédération générale des cadres [CFE-CGC]. Dans cette affaire, l’absence de renvoi préjudiciel
s’explique par le fait que le moyen tiré de l’illicéité des dispositions de la convention ne soulevait aucune
contestation sérieuse.
1403
Sur ce point, voir : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire »,
op. cit., spéc. p. 276. L’auteur donne l’exemple des accords dit dérogatoires.
1404
CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux, op. cit. Sur ce point, voir
également : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit.,
spéc. p. 276.
1405
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
276. Bien que l’accord étendu soit une condition de déclenchement de l’application d’un régime légal,
l’absence de plénitude de compétence s’explique ici par le fait que le législateur n’a ouvert qu’une simple
faculté aux partenaires sociaux.
1406
Sur ce point, voir notamment : CE, 1re et 6e s.-s. r., 28 déc. 2009, n° 311421, Guillot : AJDA 2010, p.
806, act. G. Clamour, J.-C. Ricci et J. Tremeau : « Considérant que lorsqu’une contestation sérieuse s’élève
sur la validité ou l’interprétation d’un accord collectif dont, comme en l’espèce, le législateur a subordonné
l’entrée en vigueur à l’intervention préalable d’un arrêté d’extension, il appartient au juge administratif,
compétemment saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté ministériel d’extension de se
prononcer sur chacun des moyens contestant la légalité de l’accord en cause ».
1407
J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p.
276.
1408
CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux, op. cit. Le Conseil d’État reprend
ici l’exception relative au droit de l’Union européenne et posée par le Tribunal des conflits dans l’arrêt
SCEA du Chéneau. Sur ce point, voir : J. Lessi, « Les questions préjudicielles du juge administratif à
l’autorité judiciaire », op. cit., spéc. p. 277.
1409
Pour un exemple de renvoi d’une question préjudicielle par le Conseil d’État à la Cour de justice de
l’Union européenne, à l’occasion d’un recours dirigé contre un arrêté étendant un accord collectif en
matière de prévoyance complémentaire, voir : CE, 1re et 6e s.-s. r., 30 déc. 2013, n° 357115, Société
Beaudout père et fils et CE, 1re et 6e s.-s. r., 8 juill. 2016, n° 357115 : AJDA 2016, p. 2197.

274
dépourvue de caractère sérieux, autrement dit « vouée à l’échec »1410. Comme nous l’avons
vu, le juge administratif peut également accueillir une contestation sérieuse sur la validité des
dispositions d’un accord collectif en présence d’une jurisprudence établie1411. L’étude du
contentieux des conventions collectives révèle d’ailleurs que le Conseil d’État n’hésite pas à
se saisir de cette possibilité pour éviter les renvois préjudiciels inutiles1412. On peut, à ce titre,
citer une affaire dans laquelle le Conseil d’État était saisi d’une convention collective
réservant un traitement de faveur aux organisations syndicales représentatives. Le Conseil
d’État s’est appuyé sur une jurisprudence établie de la Cour de cassation, en vertu de laquelle
un accord collectif ne peut restreindre les droits syndicaux qui découlent des lois et
règlements, pour annuler l’arrêté d’extension réservant la diffusion de publications et de tracts
aux seuls syndicats représentatifs1413. Sans renvoi, le Conseil d’État a également déclaré
illégale la stipulation d’une convention collective qui fixait des barèmes salariaux différents
selon les lieux de tournage dans les professions du cinéma1414. Dans cette affaire, le Conseil

1410
CE, sect., 4 mars 1960, n° 39554, Sté Le Peignage de Reims, op. cit. Plus récemment, voir : CE, 1re et
6 s.-s. r., 1er juin 2015, n° 369914, Fédération UNSA spectacle et communication : Lexbase Hebdo éd. S
e

2015, n° 617, obs. G. Auzero. Afin d’affirmer le caractère peu sérieux d’un moyen d’illégalité, le Conseil
d’État vise parfois expressément une jurisprudence établie de l’ordre judiciaire : CE, 4e et 5e ch. réun., 15
mars 2017, n° 389559, Association des producteurs de films publicitaires : AJDA 2017, p. 1206. Dans cette
affaire, le Conseil d’État applique la jurisprudence établie de la Cour de cassation en vertu de laquelle les
différences de traitement opérées par voie de convention ou d’accord collectif entre des salariés appartenant
à des catégories professionnelles distinctes ou exerçant au sein d’une même catégorie professionnelle des
fonctions distinctes sont présumées justifiées et qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer
qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle et en vertu de laquelle les
différences de traitement entre des salariés appartenant à la même catégorie et exerçant les mêmes
fonctions doivent être justifiées par des raisons objectives dont le juge contrôle la réalité et la pertinence
(Cass. soc., 27 janvier 2015, nos 13-14.773, 13-22.179 et n° 13-25.437 : Bull. civ., V, n° 8, 9, 10 ; D. 2015,
p. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Dr. soc. 2015, p. 237, ét. A. Fabre ; RDT 2015, p. 339, obs. E. Peskine).
En l’espèce, la présomption n’était pas applicable dans la mesure où les salariés concernés appartenaient à
la même catégorie et exerçaient des fonctions similaires. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe
d’égalité n’est toutefois pas jugé sérieux car le Conseil d’État constate que les différences de traitement
reposent sur des raisons objectives et pertinentes, les salariés n’étant pas dans la même situation.
1411
Récemment, voir : CE, 4e et 5e s.-s. r., 16 oct. 2017, n° 390011. Le Conseil d’État accepte également
que le ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social s’appuie sur
une jurisprudence établie de la Cour de cassation pour réaliser des réserves à l’occasion de l’extension d’un
accord collectif, comme le lui permet l’article L. 2261-25 du code du travail. Voir : CE, 4e et 5e ch.-r., 15
mars 2017, n° 387060, Syndicat Armateurs de France : Dr. soc. 2017, p. 471, concl. F. Dieu. En l’espèce,
le Conseil d’État approuve les ministres d’avoir étendu une convention de branche « sous réserve du
respect de l’accord exprès de la partie à laquelle est proposé un renouvellement de la période d’essai », en
application d’une jurisprudence établie de la Cour de cassation sur ce point (Cass. soc., 25 nov. 2009, n°
08-43.008 : Bull. civ., V, n° 265).
1412
Voir récemment : CE, 1re et 6e s.-s. r., 17 mars 2017, n° 396835.
1413
Voir notamment : CE, 1re et 6e s.-s. r., 1er juin 2015, n° 369914, Fédération UNSA spectacle et
communication, op. cit.
1414
CE, 1re et 6e s.-s. r., 7 mai 2015, n° 375882 : CSBP 2015, p. 384, note F. Canut. Dans cette affaire, le
Conseil d’État utilise également la jurisprudence établie de la chambre sociale de la Cour de cassation sur
le temps de travail effectif pour considérer que le temps d’émargement devait être inclus dans la durée de

275
d’État applique la jurisprudence établie de la chambre sociale de la Cour de cassation sur la
justification des différences de traitement prévues dans une convention collective. Les
dispositions de la convention sont considérées contraires au principe d’égalité dans la mesure
où les différences de traitement, qui concernaient des salariés relevant de la même catégorie
professionnelle et exerçant des fonctions similaires, ne reposaient pas sur des raisons
objectives réelles et pertinentes1415. Le renvoi préjudiciel ne s’impose ainsi que lorsqu’aucune
jurisprudence établie ne permet au juge administratif de se prononcer avec certitude sur la
validité de l’acte de droit privé. Tel était notamment le cas dans l’affaire ayant amené le
Conseil d’État à reprendre la jurisprudence SCEA du Chéneau1416. Dans cette affaire, le juge
administratif renvoie une question préjudicielle sur l’appréciation de la validité d’un accord
collectif ayant fait l’objet d’un arrêté d’extension ou d’agrément car il n’existait aucune
jurisprudence établie à propos de l’application de la loi du 20 août 2008 sur la représentativité
syndicale. Comme l’a précisé le rapporteur public, dans ses conclusions, il était en effet « trop
tôt pour que la Cour de cassation ou même les cours d’appel aient eu le temps de construire
une jurisprudence »1417.

185. Un renvoi obligatoire à supprimer. L’exigence d’une jurisprudence établie


pour déroger au principe du renvoi préjudiciel semble éviter les divergences de jurisprudences
entre les deux ordres puisque le juge administratif se contente d’appliquer la jurisprudence du
juge judiciaire. Face à ce constat, la suppression d’un tel principe pourrait paraître
contestable. Ce serait en réalité oublier que ce risque existe déjà en pratique du fait des « îlots
de plénitude de compétence » précédemment exposés. L’argument d’une amplification du
risque de divergences de jurisprudences semble d’autant moins dirimant qu’il existe, comme
nous l’avons vu, un véritable dialogue des juges entre les deux ordres1418 et que le juge
administratif aura toujours la possibilité de poser une question préjudicielle au juge
judiciaire ; le renvoi deviendrait seulement facultatif. Par ailleurs, si les contradictions de
décisions peuvent être favorisées par la prorogation de compétence du juge administratif, elles
existent déjà en pratique devant le conseil de prud’hommes puisque la validité d’une

travail effectif puisque les salariés se tenaient à la disposition de l’employeur, devaient se conformer à ses
directives et ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations personnelles.
1415
CE, 1re et 6e s.-s. r., 7 mai 2015, n° 375882, op. cit.
1416
CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Fédération Sud santé sociaux, op. cit.
1417
C. Landais, « Parallélisme avec l’arrêt du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011, SCEA du
Chéneau : la compétence du juge administratif pour apprécier la validité d’une convention collective »,
RFDA 2012, p. 429, spéc. p. 438.
1418
Sur ce point, voir : supra, n° 178.

276
convention collective peut être appréciée dans au moins autant d’instances qu’il existe de
salariés dans l’entreprise. Or, l’autorité de la chose jugée est seulement relative en ce
domaine1419.
La suppression du caractère obligatoire des questions préjudicielles serait ainsi source de
clarification dans le contentieux spécifique des arrêtés d’extension des conventions
collectives. En pratique, les exceptions, qu’elles soient conditionnelles ou systématiques,
semblent d’ailleurs déjà l’avoir emporté sur le principe du renvoi préjudiciel.

§2. Une extension bienvenue dans le contentieux du transfert des contrats de travail

186. Des questions préjudicielles envisageables devant le juge administratif.


Comme nous l’avons vu, le législateur a considérablement clarifié les répartitions de
compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif lorsqu’intervient une reprise de
l’activité d’une entité économique, employant des salariés de droit privé, par une personne
publique dans le cadre d’un service public administratif1420. Malgré cette distribution de
compétences entre les deux ordres, des questions préjudicielles sont envisageables devant le
juge judiciaire mais également devant le juge administratif1421. On peut ici citer l’hypothèse
dans laquelle un salarié, licencié par son ancien employeur, demanderait à son nouvel
employeur de le réintégrer ou de lui proposer un contrat de droit public en application des
articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail. Cette situation est tout à fait envisageable
dans la mesure où la chambre sociale de la Cour de cassation considère que les licenciements
prononcés par un employeur, en violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du
travail, sont « privés d’effet »1422. Le salarié, non repris par le cessionnaire, peut alors, à son
choix, « demander au repreneur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu ou

1419
Voir : supra, n° 131.
1420
Article L. 1224-3 du code du travail. Sur la jurisprudence antérieure à cet article, voir : T. confl.,
19 janv. 2004, n° 3393, Devun c/ Commune de Saint-Chamond : Dr. soc. 2004, p. 433, obs. A. Mazeaud ;
Dr. ouvr. 2004, p. 146, note J. Duplat et Cass. soc., 18 févr. 2014, n° 13-10.356 : Bull. civ., V, n° 53 ; JCP
G 2014, act. 302 C. Lefranc-Hamoniaux. Voir également : supra, n° 26 et n° 163.
1421
Comme nous l’avons vu, si le conseil de prud’hommes connaît à titre principal des contestations
relatives à la rupture de plein droit du contrat de travail suite au refus du contrat de droit public proposé par
l’employeur public, le moyen de défense tiré de l’illégalité de ce contrat relève en revanche de la
compétence de la juridiction administrative. Sur ce point, voir : supra, n° 163.
1422
Cass. soc., 20 janv. 1998, n° 95-40.812, Guermonprez : Bull. civ., V, n° 16. Rappelons en effet que la
Cour de cassation « prive d’effet » les licenciements économiques prononcés à l’occasion du transfert de
l’entité économique dont relève le salarié sans exiger la collusion frauduleuse des employeurs successifs.
Sur ce point, voir : P. Morvan, Restructurations en droit social, 4e éd., LexisNexis 2017, coll. Droit et
professionnels, p. 187 et suiv.

277
demander à l’auteur du licenciement illégal la réparation du préjudice en résultant »1423. Or,
dans le contexte particulier d’une reprise de l’entité économique par une personne publique
gérant un service public administratif, le salarié qui souhaiterait la poursuite de son contrat de
travail a tout intérêt à saisir directement la personne publique puisque si le juge judiciaire est
compétent pour apprécier la réunion des conditions du transfert et ainsi priver d’effet le
licenciement, il ne peut enjoindre à la personne publique de réintégrer les salariés ou de leur
proposer un contrat de droit public1424. En cas de refus de la personne publique de faire droit
aux demandes du salarié, les éventuelles contestations devront être portées devant le juge
administratif dans la mesure où les actes d’une personne publique en charge de la gestion
d’un service public administratif sont des actes administratifs. C’est dans cette hypothèse
précise que pourrait être opéré un renvoi préjudiciel au juge judiciaire. La légalité de la
décision implicite ou explicite de rejet de la personne publique dépend en effet de la réunion
des conditions du transfert d’entreprise. Or, cette question relève, à titre principal, de la
compétence du juge judiciaire.
Ceci a récemment été affirmé par le Tribunal des conflits dans un arrêt du 9 janvier 20171425.
Les circonstances de l’affaire étaient particulières. Plusieurs salariés protégés avaient été
licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire d’une association après autorisation du
ministre du Travail. Suite à l’annulation de cette autorisation par la cour administrative
d’appel, les salariés avaient demandé leur intégration dans les services du département de la
Réunion qui avait repris l’activité de l’association1426. Face au silence du département, les
salariés avaient finalement saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation dirigé
contre ces refus implicites et de demandes d’injonction sur le fondement de l’article L. 1224-3
du code du travail. Confronté à une difficulté sérieuse, le tribunal administratif avait alors
saisi le Tribunal des conflits pour qu’il clarifie les répartitions de compétences sur ce point.
Cet arrêt permet au Tribunal des conflits de confirmer que, conformément au principe de la

1423
Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-41.651, Maldonado : Bull. civ., V, n° 94. Lorsque le repreneur informe
le salarié licencié, avant l’expiration du préavis, de son intention de poursuivre sans modification le contrat
de travail, le changement d’employeur s’impose toutefois au salarié qui ne peut se prévaloir des
conséquences de son licenciement auprès de son ancien employeur. En ce sens, voir : Cass. soc., 11 mars
2003, n° 01-41.842, Voisin : Bull. civ., V, n° 86.
1424
Seul le juge administratif est compétent pour statuer sur les demandes d’injonction à la personne
publique de proposer des contrats de droit public ou de réintégrer certains salariés. Sur ce point, voir : Cass.
soc., 22 sept. 2015, n° 13-26.032 : Bull. civ., V, à paraître ; Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 628, obs. Ch.
Radé ; Dr. soc. 2015, p. 1025, act. J. Mouly – Cass. soc., 1er juin 2010, n° 09-40.679 : Bull. civ., V, n° 120 ;
Lexbase Hebdo éd. S 2010, n° 400, obs. Ch. Radé.
1425
T. confl., 9 janv. 2017, n° 4073, Marie-Paule de L. et autres c/ Département de la Réunion, op. cit.
1426
La juridiction administrative avait en effet estimé que « le mandataire liquidateur n’avait pas qualité
pour engager la procédure de licenciement à l’égard des salariés dont le contrat de travail avait été transféré
au département de la Réunion ».

278
séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire ne peut faire
injonction à la personne publique de proposer des contrats de droit public. Si le Tribunal des
conflits affirme ainsi la compétence du tribunal administratif pour connaître de la légalité du
refus implicite de rejet du département de la Réunion, il réserve toutefois la compétence du
juge judiciaire « en cas de différend sur la réunion des conditions du transfert ». Dans le
contexte particulier de l’affaire, cette réserve de compétence semble porteuse d’incertitudes
dans la mesure où le juge administratif, dans des arrêts devenus définitifs, avait justement
annulé les autorisations de licenciement des salariés au motif d’un transfert des contrats de
travail au département de la Réunion. Doit-on en déduire que par cette réserve de compétence,
le Tribunal des conflits a réduit l’étendue du contrôle de l’inspecteur du travail ? Autrement
dit, doit-on considérer qu’il n’appartient plus à l’inspecteur du travail, avant d’autoriser le
licenciement d’un salarié protégé, de s’assurer qu’il n’intervient pas en violation de l’article
L. 1224-1 du code du travail ? En effet, si l’inspecteur du travail doit contrôler l’éventuel
transfert des contrats de travail avant d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé dans le
cadre d’une liquidation judiciaire sans plan de cession1427, on peut se demander pourquoi le
Tribunal des conflits n’a pas encadré la réserve de compétence du juge judiciaire1428. La
réponse réside sans doute dans les règles relatives à l’étendue de la chose jugée1429. En effet,
en droit administratif, si l’autorité de la chose jugée – relative ou absolue – s’attache au
dispositif et s’étend aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire, ces derniers ne
disposent pas d’une autorité propre. Comme le relèvent les spécialistes du contentieux
administratif, « affirmer que l’autorité de la chose jugée s’attache ou s’étend aux motifs ne
doit pas laisser penser que les motifs décisifs pourraient s’imposer indépendamment de leur
dispositif (…), ses motifs décisifs ne possèdent aucune autorité autonome »1430. Appliqué à
notre cas d’espèce, cela signifie que lorsqu’un jugement annule l’autorisation de licenciement
d’un salarié protégé (décision A) au motif que le contrat de travail du salarié en question a été

1427
Précisons qu’en l’espèce la reprise de l’entité par le département ne l’est pas dans le cadre d’un plan de
cession. La précision est importante car l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail est exclue à
l’égard des salariés dont le licenciement a été autorisé par le plan de cession. Sur ce point, voir : P. Morvan,
Restructurations en droit social, op. cit., p. 96 et suiv.
1428
L’exception à cette réserve de compétence n’aurait d’ailleurs qu’un champ d’application assez restreint
en pratique dans la mesure où la reprise de l’activité, notamment s’il s’agit d’une liquidation sans plan de
cession, peut tout à fait intervenir quelques mois après la demande d’autorisation, empêchant dès lors
l’inspecteur du travail de se prononcer sur ce point. Voir notamment : Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 13-
26.032, op. cit. Dans cette affaire, deux mois s’étaient écoulés entre la cessation d’activité et la reprise par
la commune.
1429
Il s’agit seulement ici d’une interprétation ; le Tribunal des conflits ne vise pas en effet l’autorité de la
chose jugée dans sa décision.
1430
C. Broyelle, Contentieux administratif, 5e éd., LGDJ 2017, coll. Manuel, n° 465, p. 321.

279
transféré (motif A), ce motif décisif du jugement d’annulation n’a aucune autorité propre et ne
peut s’imposer dans le cadre d’un recours dirigé contre une autre décision (décision B). Il
appartient ainsi au juge administratif, saisi d’un recours dirigé contre le refus de la personne
publique de réintégrer les salariés (décision B), de se prononcer à nouveau sur la réunion des
conditions du transfert (motif A)1431. Ceci explique certainement pourquoi le Tribunal des
conflits ne réalise en l’espèce aucune référence à la décision de la cour administrative d’appel
ayant considéré les conditions du transfert réunies. L’affaire est ainsi traitée comme un
contentieux supplémentaire sur la réintégration d’un salarié protégé dans une entreprise
cessionnaire après l’annulation de l’autorisation de licenciement. Lorsque cette autorisation
est annulée, « le contrat de travail du représentant est réputé transféré au nouvel employeur et
sa réintégration incombe exclusivement à ce dernier, sous peine de commettre un délit
d’entrave »1432. Sous bénéfice de ces observations, le renvoi préjudiciel au juge judiciaire ne
semble donc pas surprenant puisque les rapports des salariés avec l’employeur de droit public
demeurent de droit privé jusqu’à la mise en œuvre du régime de droit public1433. Cela étant
précisé, le Tribunal des conflits aurait cependant pu rappeler les exceptions au principe du
renvoi préjudiciel et plus spécifiquement celle de la jurisprudence établie. En effet, le renvoi
ne semble pas pertinent en ce domaine dans la mesure où le juge administratif est déjà amené,
en pratique, à apprécier la réunion des conditions du transfert d’un contrat de travail lorsqu’il
contrôle la légalité de la décision de l’inspecteur du travail autorisant le transfert des contrats
des salariés protégés dans le cadre d’un transfert partiel d’activité1434. L’argument d’une
incompétence technique du juge administratif semble ainsi assez peu convaincant en l’espèce.
La disparition des questions préjudicielles obligatoires permettra dès lors de supprimer les
renvois inutiles du juge administratif vers le juge judiciaire d’une part, lorsque des salariés,

1431
Pour formuler cet exemple, nous nous appuyons sur les développements plus généraux du Professeur
Camille Broyelle dans son manuel : C. Broyelle, Contentieux administratif, 5e éd., LGDJ 2017, coll.
Manuel, n° 465, p. 321 : « Prenons le même exemple : un premier jugement annule une décision A au motif
que l’acte B sur le fondement duquel elle est prise est illégal. S’agissant d’un jugement d’annulation, il est
revêtu de l’autorité absolue de la chose jugée. L’autorité dont bénéficie son motif décisif ne vaut pourtant
qu’à l’égard de son dispositif : le juge doit tenir pour illégale une décision identique à la décision A, fondée
elle aussi sur l’acte B. En revanche, le motif décisif du jugement (illégalité de l’acte B) n’a aucune autorité
propre. Un autre juge, saisi d’un recours dirigé contre une autre décision prise sur le fondement de l’acte B
ou dirigé directement contre l’acte B, doit de nouveau examiner la légalité de B. Il est autorisé, le cas
échéant, à le tenir pour légal, alors même qu’il en a été décidé autrement dans le motif décisif du premier
jugement ».
1432
P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 488, p. 309. Voir les jurisprudences citées sur
ce point : Cass. soc., 26 févr. 2003, n° 01-41.482 : Bull. civ., V, n° 68 – Cass. soc., 10 oct. 1990, n° 88-
41.347 : Bull. civ., V, n° 441.
1433
Voir : supra, n° 26.
1434
Sur ce point, voir : H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd.,
Économica 2015, coll. Droit, p. 310 et suiv.

280
licenciés à tort, se prévalent de la poursuite de leur contrat auprès de la personne publique et
d’autre part, lorsque des salariés, dont le licenciement a été annulé, demandent leur
réintégration dans l’entreprise.

281
Conclusion Titre 1

187. Un pluralisme possible entre les ordres de juridictions. Le dualisme


juridictionnel s’avère compatible avec l’émergence d’un pluralisme juridictionnel en droit du
travail. La pluralité juridictionnelle, et le dualisme juridictionnel en particulier, ne sont en
effet critiquables et ne méritent d’être remis en cause que lorsque le justiciable se trouve
directement confronté à eux, autrement dit lorsque le justiciable n’arrive pas à déterminer
facilement la juridiction compétente ou lorsqu’il se trouve contraint de saisir plusieurs
juridictions pour le règlement d’un seul litige. À l’étude, le contentieux du travail révèle que
les répartitions de compétences entre les deux ordres ont été progressivement clarifiées1435,
que les mécanismes de prévention des conflits de compétences ont permis de contrecarrer les
effets de l’incompétence et que les prorogations de compétence ont été étendues. Si ces
différentes évolutions permettent de relativiser les critiques formulées à l’encontre du
dualisme juridictionnel, la constitution d’un véritable pluralisme juridictionnel suppose
toutefois de réduire encore davantage le risque de conflits de compétences et d’éclatements
des litiges. À cette fin, il s’avère nécessaire, comme nous l’avons vu, de cantonner la
procédure d’élévation des conflits à la première instance et de rendre les renvois préjudiciels
facultatifs.

1435
En ce sens, voir : Y. Robineau, « Regard sur dix années d’activité du Tribunal des conflits [1994-
2003] », RFDA 2004, p. 1167 : « La cinquantaine d’affaires soumises au Tribunal des conflits ne peut être
regardée que comme une heureuse surprise pour tous ceux qui en sont restés à l’idée que la dualité des
ordres de juridiction impose au justiciable un inextricable parcours du combattant ».

282
Titre 2. Un pluralisme juridictionnel circonscrit

188. Une confrontation inévitable de certains justiciables au dualisme


juridictionnel. Si les adaptations précédemment proposées permettent l’émergence d’un
pluralisme juridictionnel en droit du travail, ce pluralisme ne peut qu’être circonscrit. Pour
certains litiges, les difficultés s’avèrent en effet intrinsèques à la pluralité juridictionnelle
puisque la réserve constitutionnelle de compétence du juge administratif empêche le juge
judiciaire d’annuler des actes administratifs. Le mécanisme de la question préjudicielle
permet seulement au juge judiciaire d’accueillir une contestation sérieuse sur la légalité d’un
acte administratif. Il en résulte des conséquences indemnitaires différentes pour le justiciable
selon qu’il se confronte à la pluralité juridictionnelle ou qu’il l’évite en recourant aux
techniques d’unification du contentieux. Ces difficultés expliquent sans doute les politiques
jurisprudentielles récentes qui tendent à réduire l’objet du contrôle de l’inspecteur du travail.
Cette pratique présente l’avantage de limiter le risque d’éclatement du contentieux en
réduisant le périmètre d’intervention de l’autorité administrative et par voie de conséquence
celui du juge administratif. Elle se réalise toutefois au prix d’un abandon du contrôle a priori
du respect du droit du travail opéré par l’inspecteur du travail.

189. Une confrontation légitimant la création de blocs de compétences. Compte


tenu des difficultés intrinsèques à la pluralité juridictionnelle et du contournement
actuellement discutable de celles-ci par la jurisprudence, la question de la suppression de la
pluralité juridictionnelle mérite d’être posée. Le recours à la notion de pluralisme
juridictionnel avait en effet pour intérêt d’interroger la complexité du contentieux du travail et
d’imaginer les modalités de sa transformation afin de ne pas affirmer de manière péremptoire
la nécessité de l’unité juridictionnelle. La mise en évidence du caractère circonscrit du
pluralisme juridictionnel en droit du travail relance dès lors inévitablement la question de
l’unité juridictionnelle. Il ne s’agit pas ici de souhaiter la suppression du dualisme
juridictionnel1436, mais d’envisager la disparition de la pluralité juridictionnelle dans les
hypothèses où le pluralisme juridictionnel se révèle impossible. Cette proposition pourrait, là
encore, se heurter à l’obstacle de la réserve constitutionnelle de compétence du juge
administratif ; la mise en perspective des conditions du pluralisme juridictionnel et des

1436
Sur cette suppression, voir : infra, n° 209.

283
exigences du Conseil constitutionnel, relativement à la création de blocs de compétences,
laisse pourtant entrevoir une tout autre réalité. L’absence de pluralisme juridictionnel légitime
en effet la création de blocs de compétences.

Plan.
Chapitre 1. Une confrontation inévitable aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle
Chapitre 2. Une confrontation légitimant la création de blocs de compétences

284
Chapitre 1. Une confrontation inévitable aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle

190. L’unification impossible de certains litiges. En droit du travail, les difficultés


intrinsèques au dualisme juridictionnel concernent deux types de contentieux : la rupture du
contrat de travail des salariés protégés et le licenciement des salariés intervenu dans le cadre
d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Dans ces hypothèses, le salarié est en effet fortement
incité à saisir les juridictions tant administratives que judiciaires puisque le contenu des
décisions administratives – qu’il s’agisse de l’autorisation de rupture du contrat de travail du
salarié protégé, de l’homologation du document unilatéral ou de la validation de l’accord
majoritaire – s’impose au juge judiciaire 1437 . La confrontation du salarié à la pluralité
juridictionnelle s’avère d’autant plus inévitable que l’annulation de ces actes administratifs
emporte des conséquences sur les droits des salariés différentes de celles attachées à une
simple déclaration d’illégalité. Le salarié protégé, licencié et souhaitant réintégrer l’entreprise,
ne peut, par exemple, se contenter de saisir le conseil de prud’hommes et de soulever à titre
incident l’illégalité de l’autorisation administrative. Il doit en effet rechercher l’annulation de
cette autorisation à titre principal devant la juridiction administrative, à charge pour le conseil
de prud’hommes d’en tirer par la suite les conséquences. Sans être systématique, la
confrontation du salarié à la pluralité juridictionnelle s’avère ainsi inévitable dans un certain
nombre d’hypothèses.

191. Les contournements actuellement peu satisfaisants de la confrontation.


Certainement conscients de ces inconvénients, la chambre sociale de la Cour de cassation et le
Conseil d’État semblent avoir trouvé dans l’amenuisement du contrôle de l’inspecteur du
travail une technique de contournement de l’éclatement du litige. Cette pratique s’avère
particulièrement efficace dans la mesure où tout ce qui n’a pas été contrôlé par l’autorité
administrative échappe à la compétence de la juridiction administrative 1438 . Réduire le
contrôle de l’inspecteur du travail revient ainsi à limiter l’intervention potentielle du juge

1437
L’entrée en vigueur des dispositions relatives à « la rupture conventionnelle collective », créée par
l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations
de travail devrait prochainement allonger cette liste. L’ordonnance prévoit en effet la possibilité qu’un
accord collectif détermine le contenu d’une rupture conventionnelle collective. Or, cet accord devra être
validé pour les salariés ordinaires et autorisé pour les salariés protégés.
1438
Le juge judiciaire a ainsi toujours pu se prononcer sur la régularité de la procédure postérieure à la
notification de l’autorisation de licenciement ou apprécier le degré de gravité de la faute pour les
licenciements de nature disciplinaire. Voir : infra : n° 195.

285
administratif dans le contentieux de la rupture du contrat de travail des salariés protégés et à
accroître, par voie de conséquence, les hypothèses dans lesquelles le conseil de prud’hommes
est susceptible de régler l’entier litige. Observable pour le licenciement d’un salarié protégé
pour une inaptitude provenant d’un harcèlement moral1439, pour cessation d’activité1440 ou
encore autorisé par une ordonnance du juge-commissaire1441, cette pratique s’avère assez
contestable puisque la facilitation de la contestation du licenciement se réalise au prix d’un
abaissement du contrôle a priori effectué par l’inspecteur du travail. À ce premier
contournement, s’ajoute celui consistant à supprimer l’intervention de l’autorité
administrative. Expérimentée dans le contentieux de l’inaptitude, cette technique semble en
elle-même discutable et son extension aux autres domaines de la confrontation s’avère dès
lors peu souhaitable.

Plan.
Section 1. Une confrontation de certains salariés aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle
Section 2. Les contournements actuellement discutables de la confrontation

1439
L’administration du travail n’a pas à contrôler la cause de l’inaptitude pour autoriser les licenciements
des salariés protégés. Le conseil de prud’hommes connaît, par voie de conséquence, de tous les droits
résultant de l’origine de l’inaptitude, lorsque celle-ci est attribuable à un manquement de l’employeur à ses
obligations. Voir : CE, 4e et 5e s.-s. r., 20 nov. 2013, n° 340591, Mme C : Dr. soc. 2014, p. 25, concl. G.
Dumortier ; JCP S 2014, 1129, note C. Leborgne-Ingelaere – Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-20.301: Bull.
civ., V, n° 286 ; Dr. soc. 2014, p. 32, rapp. N. Sabotier ; JCP S 2014, 1129, note C. Leborgne-Ingelaere.
Conf. : Cass. soc., 15 avr. 2015, nos 13-21.306 et 13-22.469 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2015, 1258,
note P.-Y. Verkindt.
1440
L’inspecteur du travail n’a pas à rechercher les éventuelles fautes ou la légèreté blâmable commises par
l’employeur pour autoriser un licenciement provenant d’une cessation d’activité. Le juge judiciaire est ainsi
compétent en cette matière pour statuer ensuite sur le bien-fondé du licenciement des salariés protégés.
Voir : CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, n° 348559 : AJDA 2013, p. 769, obs. M.-C. de Montecler ; RDT
2013, p. 394, concl. G. Dumortier ; RDT 2013, p. 406, chron. T. Sachs ; SSL 2013, n° 1582, p. 10, obs. F.
Champeaux. Pour une critique de cette jurisprudence voir : F. Géa, « La cause fautive du licenciement (au
miroir des jurisprudences judiciaires et administratives) », RJS 2013, p. 427. Confirmation implicite par :
CE, 4e et 5e s.-s. r., 22 mai 2015, nos 371061 et 375897 : Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 615, obs. M. Gadrat.
1441
Lorsqu’un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, le caractère
économique du licenciement comme la régularité de l’ordonnance du juge commissaire ne peuvent être
discutés devant l’administration. Voir : Cass. soc., 23 mars 2016, n° 14-22.950 : Bull. civ., V, à paraître ;
JCP S 2016, 1179, note L. Fin-Langer ; JSL 2016, n° 409, p. 11, obs. H. Tissandier ; RDT 2016, p. 263,
note A. Fabre ; Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 651, obs. M. Galy.

286
Section 1. Une confrontation de certains salariés aux difficultés de la
pluralité juridictionnelle

192. Une confrontation des salariés protégés pour la rupture de leurs contrats
de travail. Certains salariés sont « exposés » du fait de leur mandat électif ou de
représentation des salariés et bénéficient à ce titre d’une protection exorbitante de droit
commun1442. L’employeur ne peut ainsi, sans avoir obtenu une autorisation de l’inspecteur du
travail, prononcer la rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié protégé1443,
conclure une rupture conventionnelle avec un salarié protégé 1444 , licencier un salarié
protégé1445, rompre le contrat de travail d’un salarié protégé à l’amiable dans le cadre d’un
accord mobilité ou d’un accord portant rupture conventionnelle collective 1446 ou encore
transférer le contrat de travail d’un salarié protégé en cas de transfert partiel d’entreprise1447.
Ces différentes protections et l’intervention de l’autorité administrative qui en résulte peuvent

1442
L’expression « exposition » est directement inspirée d’un article du Professeur Jean-Maurice Verdier :
J.-M. Verdier, « Les représentants des salariés “protégés ou exposés” ? Liberté fondamentale et logique de
statut », in Analyse juridique et valeurs en droit social : mélanges en l’honneur de Jean Pélissier, Dalloz
2004, p. 571. Sur la consécration jurisprudentielle de ce statut protecteur, voir : Cass. ch. mixte, 21 juin
1974, n° 71-91.225, Perrier : Bull. ch. mixte, n° 3 ; Dr. soc. 1974, p. 454, concl. A. Touffait. (abandon de
la jurisprudence admettant l’action en résolution du contrat de travail par l’employeur) – CE, ass., 5 mai
1976, n° 98-647 et 98.820, Safer d’Auvergne : Rec. p. 232 ; Dr. soc. 1976, p. 346, concl. P. Dondoux
(abandon du contrôle léger du juge administratif réduit à l’erreur manifeste d’appréciation au profit d’un
contrôle lourd pour les licenciements pour motif disciplinaire) – CE, sect., 18 fév. 1977, n° 95.354,
Abellan : Rec. p. 96 ; Dr. soc. 1977, p. 166, concl. P. Dondoux (extension de la jurisprudence Safer
d’Auvergne au licenciement pour motif économique). Le statut protecteur des représentants des salariés est
désormais codifié aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail.
1443
Sur ce point, voir : H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd.,
Économica 2015, coll. Droit, n° 16.2.2, p. 290. La protection spéciale s’applique dans les situations
suivantes : « i. Rupture du contrat avant l’échéance du terme en raison d’une faute grave du salarié ; ii.
Rupture du contrat avant l’échéance du terme en cas de force majeure ; iii. Non-renouvellement du contrat
comportant une clause de report du terme ; iiii. Échéance du terme du contrat sans clause de
renouvellement ou de report de terme à son issue ; iiiii. Fin du contrat à durée déterminée sans terme
précis ».
1444
Article L. 1237-15 du code du travail.
1445
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, 1656 p.
1446
L’article 10 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la
sécurisation des relations de travail permet la rupture amiable du contrat de travail d’un salarié protégé dans
le cadre d’un congé mobilité après autorisation de l’inspecteur du travail (nouvel article L. 1237-18-4 du
code du travail. À comparer avec l’ancien article L. 1233-81 du code du travail qui ne prévoyait pas cette
possibilité). Cette ordonnance a également introduit la rupture conventionnelle collective en droit du travail
et permis aux salariés protégés d’en bénéficier à condition que la rupture soit autorisée par l’inspecteur du
travail (article L. 1237-19-2 du code du travail). Ces deux ruptures ne seront pas développées dans le corps
du texte de cette section puisque les articles précités n’entreront en vigueur qu’à la date de publication des
décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.
1447
Article L. 2414-1 du code du travail. Voir récemment : Cass. soc., 23 mars 2017, n° 15-24.005 : Bull.
civ., V, à paraître.

287
être à l’origine d’un éclatement du contentieux entre les juridictions administrative et
judiciaire. L’étude des différents moyens de défense à la disposition d’un salarié protégé pour
contester la rupture de son contrat de travail et des conséquences indemnitaires attachées à
chacun d’entre eux révèle en effet que la contestation de l’autorisation administrative de
rupture du contrat de travail devant la juridiction administrative s’avère nécessaire dans un
certain nombre d’hypothèses. Une telle confrontation à la pluralité juridictionnelle ne
concerne en réalité que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé et ne s’étend pas à
l’hypothèse du transfert du contrat de travail. La notification de la décision d’autorisation de
transfert entraîne en effet « automatiquement et immédiatement le transfert du contrat de
travail du salarié protégé »1448. S’il souhaite s’opposer au transfert et être réintégré dans
l’entreprise cédante, le salarié protégé n’a ainsi qu’à réclamer l’annulation de l’autorisation de
transfert directement devant le juge administratif et n’a pas à saisir la juridiction judiciaire1449.
On pourrait certes envisager l’hypothèse d’une opposition du salarié à son transfert et d’une
demande d’autorisation de licenciement par l’employeur cessionnaire1450. Mais dans cette
hypothèse, l’éventuel éclatement du contentieux résulterait non pas du transfert du contrat de
travail mais bel et bien de la contestation d’un licenciement autorisé par l’inspecteur du
travail, autrement dit d’une rupture du contrat de travail.

193. Une confrontation des salariés licenciés dans le cadre d’un plan de
sauvegarde de l’emploi. En confiant aux Direccte le contrôle de la régularité des grands
licenciements collectifs pour motif économique dans les entreprises d’au moins cinquante
salariés1451, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a « induit le retour du

1448
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 16.7.8.2.1.2, p. 330. Voir également la jurisprudence citée : Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-
44.006 : Bull. civ., V, n° 221 – CE, 4e et 5e s.-s. r., 27 juin 2005, n° 277.048, Association Établissement
régional Léo Lagrange de Rhône-Alpes Auvergne.
1449
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 77.2.4.2, p. 1368. L’étude du contentieux révèle que certains éclatements existent dans la
pratique. Ils ne sont en réalité que la résultante de stratégies inopérantes de salariés qui, face à l’échec de
leur action tendant à faire annuler l’autorisation devant le juge administratif, avaient pris acte de la rupture
auprès du cédant pour absence de fourniture de travail et non-paiement (Cass. soc., 26 oct. 2011, n° 10-
16.659, inédit). Or, le juge judiciaire ne pouvant, sans violer le principe de séparation des pouvoirs,
remettre en cause l’appréciation par l’autorité administrative de l’application de l’article L. 1224-1 du code
du travail, la demande de prise d’acte n’avait pu aboutir en présence d’une autorisation devenue définitive.
1450
En ce sens : H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica
2015, coll. Droit, n° 16.7.8.2.1.2, p. 330.
1451
Consulter le Dossier spécial « 24 regards sur la sécurisation de l’emploi », publié dans le n° 1592 de la
revue Semaine sociale Lamy. Voir également : M.-C. Sarrazin et A. Denis, « Plan de sauvegarde de
l’emploi : le Droit public s’invite à la table des négociations », Dr. ouvr. 2014, p. 347 – A. Lyon-Caen,
« Le retour de l’habilitation administrative », Dr. soc. 2013, p. 661 ; G. Couturier, « Un nouveau droit des

288
juge administratif sur un terrain qu’il avait pour l’essentiel quitté en 1986 »1452 et ainsi
provoqué une nouvelle confrontation des salariés à la pluralité juridictionnelle. À travers
l’homologation du document unilatéral ou la validation de l’accord majoritaire, le législateur
n’a certes pas ressuscité l’autorisation de licenciement de 19751453, mais l’éclatement n’en
demeure pas moins réel. Les salariés ont en effet intérêt à l’annulation de ces actes
administratifs et sont ainsi parfois amenés à saisir non seulement le juge administratif mais
également le juge judiciaire pour contester leur licenciement.

Plan.
Paragraphe 1. Une confrontation du salarié protégé aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle
Paragraphe 2. Une confrontation du salarié licencié dans le cadre d’un plan de
sauvegarde de l’emploi aux difficultés de la pluralité juridictionnelle

§1. Une confrontation du salarié protégé aux difficultés de la pluralité juridictionnelle

194. Une confrontation pour les seules ruptures du contrat de travail


autorisées. La confrontation du salarié protégé à la pluralité juridictionnelle n’existe qu’en
présence d’un acte administratif. Lorsque la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé

(grands) licenciements collectifs », in Dossier « Loi relative à la sécurisation de l’emploi », Dr. soc. 2013,
p. 814.
1452
Y. Struillou, « Retour vers le futur, l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
licenciement économique », in Dossier « 24 regards sur la sécurisation de l’emploi », SSL 2013, n° 1592, p.
83.
1453
Contrairement à l’autorisation introduite en 1975, l’homologation du document unilatéral ou la
validation de l’accord majoritaire n’entraîne pas de contrôle, par le Direccte, de la réalité et du sérieux du
motif économique (voir : infra, n° 198). Sur le contrôle de la cause réelle et sérieuse de licenciement par
l’administration en 1975 et les répartitions de compétences à cette époque, voir : A. Supiot, Les juridictions
du travail, op. cit., n° 308 et suiv., p. 306 – B. Desjardins, Recherche sur la dispersion du contentieux
autour du contrat de travail, op. cit., p. 101 et suiv. Voir également : Ph. Langlois, « Le labyrinthe infernal
du salarié licencié pour motif économique », Dr. soc. 1981, p. 290 – J. Savatier, « Les effets dans les
rapports entre le travailleur et l’employeur, de l’annulation d’une autorisation administrative de
licenciement pour motif économique », Dr. soc. 1980, p. 504 – P. Tillie, « Licenciements autorisés ; les
travailleurs à la recherche d’un juge… un seul (ou en finir avec une justice qui tourne à vide) », Dr. ouvr.
1982, p. 83 – Y. Gaudemet, « Nouvelles décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation sur
l’étendue du contrôle judiciaire en matière de licenciement économique », Dr. soc. 1980, p. 380 – J.-P.
Machelon, « La jurisprudence administrative relative à la police des licenciements. Essai de bilan », JCP
1975, chron. I, 11873. Sur les débats relatifs à la suppression de cette autorisation en 1986, voir : F.
Loubejac, « Sur la suppression de l’autorisation de licenciement », Dr. soc. 1986, p. 213. Certains auteurs
considèrent que cette suppression a permis « d’éradiquer les difficultés extravagantes auxquelles conduisait
l’interférence des compétences administrative et judiciaire » et d’apporter « une simplification considérable
des voies d’accès au juge en cas de licenciement pour motif économique » : A. Supiot, Les juridictions du
travail, op. cit., p. 313.

289
n’a pas été autorisée (soit parce que l’autorisation n’a pas été demandée, soit parce qu’elle a
été refusée), les éventuelles contestations relèvent seulement du conseil de prud’hommes.
Pour obtenir la nullité de son licenciement, sa réintégration dans l’entreprise1454 et l’indemnité
forfaitaire pour violation du statut protecteur1455, le salarié protégé licencié sans autorisation
n’a qu’à saisir la juridiction prud’homale. Il en va de même lorsque le salarié, qui ne demande
pas sa réintégration, souhaite obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de la violation
du statut protecteur1456, l’indemnisation du caractère illicite de son licenciement1457 ou encore

1454
Cass. soc., 17 mars 1993, n° 90-43.819, inédit : Dr. soc. 1993, p. 462. Le refus de réintégrer le salarié
protégé constitue d’ailleurs un trouble manifestement illicite : Cass. soc., 12 juin 2001, n° 00-40.480 : Bull.
civ., V, n° 220.
1455
Cass. soc., 10 déc. 1997, n° 94-45.254 : Bull. civ., V, n° 431. L’indemnité forfaitaire auquel a droit un
salarié protégé, licencié sans autorisation, est au moins égale à la rémunération qu’aurait perçue le salarié
pendant la période comprise entre l’éviction et la réintégration. Afin d’éviter l’instrumentalisation des
règles de protection à des fins indemnitaires, la Cour de cassation subordonne l’octroi de cette indemnité à
l’existence de raisons non imputables au salarié et expliquant la formulation d’une demande après la
période de protection (voir par exemple : Cass. soc., 30 nov. 1999, n° 97-41.690 : Bull. civ., V, n° 465. La
demande tardive était en l’espèce la conséquence d’un contentieux relatif à la contestation de la qualité de
salarié protégé). Cette limitation à l’indemnisation du préjudice subi se comprend puisque le salarié protégé
pourrait retarder volontairement le moment de la demande de sa réintégration pour accroître le montant de
son indemnisation (voir par exemple : Cass. soc., 26 mars 2013, n° 11-27.964 : Bull. civ., V, n° 83 ; JCP S
2013, 1254, note T. Lahalle). Cette indemnité, due au titre de la méconnaissance du statut protecteur, est
qualifiée par certains de « peine privée » en raison de son caractère forfaitaire (Ph. Waquet,
« Représentants du personnel. Rôle respectif de l’administration et du juge judiciaire dans le contrôle des
licenciements », Dr. ouvr. 2008, p. 120, spéc. p. 121). La Cour de cassation a toutefois estimé que cette
indemnité ne constituait pas une peine au sens de l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales : Cass. soc., 17 oct. 2006, n° 05-40.769, inédit.
1456
Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-43.863 : Bull. civ., V, n° 67 ; JCP S 2007, n° 27, p. 27, note B. Gauriau.
Cette indemnité est au moins égale à la rémunération qu’aurait perçue le salarié depuis la date de son
éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection. La détermination de la période de protection
servant de référence à l’octroi de l’indemnisation au titre du statut protecteur a été source d’un important
contentieux ces dernières années. Il semble désormais acquis que l’indemnisation due au titre du statut
protecteur se limite à deux ans et demi (durée minimale légale du mandat, augmentée de six mois). Sur ce
point, voir : Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-12.982 : Bull. civ., V, à paraître ; SSL 2016, n° 1735, p. 12, note
F. Champeaux ; JCP G 2016, act. 859 C. Hablot – Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-24.182 : Bull. civ., V, n°
86 ; Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 611, obs. S. Tournaux – Cass. avis, 15 déc. 2014, n° 15013. Voir
également : L. Millet, « L’indemnisation pour violation du statut protecteur : un montant bas de plafond »,
Dr. ouvr. 2016, p. 20 et J. Mouly, « L’indemnisation du médecin du travail, licencié sans autorisation
administrative », Dr. soc. 2015, p. 227.
De manière surprenante, la Cour de cassation limite également le montant de l’indemnité au préjudice subi
lorsque le salarié introduit sa demande après l’expiration de la période de protection sans justifier de motifs
qui ne lui soient pas imputables (Cass. soc., 11 juin 2013, n° 12-12.738 : Bull. civ., V, n° 150 ; RDT 2013,
p. 573, note M. Grévy ; JCP S 2013, 1388, note A. Barège ; JSL 2013, n° 348, note J.-E. Tourreil). Cet
alignement avec la situation du salarié protégé qui demande sa réintégration est surprenant puisque dans
cette hypothèse le salarié protégé ne peut instrumentaliser le montant de l’indemnité due. Les salaires sont
dus entre l’éviction et le terme de la période de protection et ce, quelle que soit la date de la demande de
réintégration.
1457
Cass. soc., 12 juin 2001, n° 99-41.695, Peccoud : Bull. civ., V, n° 219 ; D. 2001, p. 3011, obs. B.
Lardy-Pélissier ; Dr. soc. 2001, p. 899, obs. J. Savatier ; Dr. soc. 2001, p. 1053, chron. L. Millet. Cette
indemnisation est au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail – autrement dit
six mois de salaire – sans qu’il soit nécessaire de rechercher si le licenciement repose sur une cause réelle
et sérieuse (Cass. soc., 29 mars 2005, n° 03-40.768 : Bull. civ., V, n° 105). L’ordonnance n° 2017-1387 du

290
les indemnités de rupture auxquelles il a droit1458. Un constat identique s’impose à l’égard des
autres modes de rupture du contrat de travail d’un salarié protégé. Lorsque l’employeur ne
sollicite pas d’autorisation pour la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée (CDD),
pour le non-renouvellement d’un CDD ou encore pour la rupture d’un CDD pour échéance du
terme, le salarié doit seulement saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir la nullité de la
rupture et prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur1459. Il en va de même
dans l’hypothèse d’une rupture conventionnelle non autorisée1460. Le salarié n’a en effet qu’à
saisir la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de cette rupture d’un commun accord
intervenue sans autorisation de l’administration 1461 . La confrontation à la pluralité
juridictionnelle n’existe ainsi que lorsque la rupture du contrat de travail du salarié protégé a
été autorisée.

195. Une confrontation inévitable du salarié protégé, licencié après


autorisation, à la pluralité juridictionnelle. En droit administratif, les actes administratifs
bénéficient « d’une présomption de conformité au droit »1462. Le particulier est ainsi contraint
d’apporter la preuve de leur non-conformité – dans le cadre d’un recours pour excès de
pouvoir ou d’une exception d’illégalité – pour faire tomber cette présomption1463. Lorsqu’un
salarié protégé, dont le licenciement a été autorisé, souhaite contester son licenciement, il doit
dès lors rechercher l’annulation de cette autorisation ou tout du moins obtenir une déclaration

22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a réduit cette
indemnité minimale à trois mois de salaires (nouvel article L. 1235-3 du code du travail).
Pour une critique de la jurisprudence Peccoud, voir : J. Mouly, « Quelle indemnisation pour les salariés
protégés irrégulièrement licenciés ? », Dr. soc. 2009, p. 1204, spéc. p. 1215. Critiquant ce cumul
d’indemnités, ce dernier se prononce en faveur d’une indemnité unique au titre de la violation du statut
protecteur et qui correspondrait au montant des salaires que le salarié aurait touché jusqu’à la fin de la
période de protection.
1458
En raison de la nullité du licenciement, le salarié a droit aux indemnités de rupture sans que le conseil
de prud’hommes n’ait à se prononcer sur les motifs de la rupture ou l’existence d’une faute grave. Voir
notamment : Cass. soc., 23 nov. 2004, n° 02-44.262 : Bull. civ., V, n° 296.
1459
Cass. soc., 23 oct. 2012, n° 11-19.210 : Bull. civ., V, n° 270 ; JCP S 2013, 1037, note. C. Puigelier. En
ce sens, voir : M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, 13e éd.,
LGDJ 2017, coll. Traités, n° 2980, p. 1252.
1460
Contrairement aux autres salariés ordinaires, la convention de rupture ne doit pas être « homologuée »,
mais elle doit être « autorisée ». Sur l’existence d’un bloc de compétences au profit du juge judiciaire pour
les salariés ordinaires, voir : infra, n° 215 et suiv.
1461
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 17.2, p. 348.
1462
J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 446, p. 457.
1463
Ibid. Sur ce point, voir également la jurisprudence citée : R.-G. Schwarzenberg, L’autorité de chose
décidée, 1969 et M. Nihoul, Les privilèges du préalable et de l’exécution d’office, La Chartre 2002, 792 p.

291
d’illégalité de cet acte administratif 1464. À défaut, les dispositions de l’autorisation ont
« autorité de la chose décidée » et tout ce qui a été examiné par l’inspecteur du travail
s’impose au conseil de prud’hommes éventuellement saisi 1465. Ce dernier ne peut alors
remettre en cause la qualité de salarié protégé, la régularité de la procédure préalable à la
saisine de l’inspecteur du travail1466 ou le bien-fondé du licenciement1467 mais peut seulement
se prononcer sur la régularité de la procédure postérieure à la notification de l’autorisation de
licenciement1468, sur la motivation de la lettre de licenciement1469 ou encore apprécier le degré
de gravité de la faute pour les licenciements de nature disciplinaire1470. Le salarié protégé,
licencié pour faute réelle et sérieuse, à la suite d’une procédure régulière et sur la base d’une
lettre de licenciement motivée ne peut en conséquence contester son licenciement sans avoir
au préalable cherché à remettre en cause l’autorisation de licenciement1471.
L’ « autorité de la chose décidée » ne s’attache toutefois qu’aux seuls motifs constituant le
soutien nécessaire de la décision. N’ont ainsi aucune autorité les motifs d’une décision
d’autorisation d’un licenciement en vertu desquels l’inspecteur du travail constate que le
licenciement est dénué de motif économique et que les efforts de reclassement n’ont pas été

1464
Précisons que le recours contentieux n’est pas systématique. Le salarié peut en effet obtenir le retrait de
l’autorisation par un recours gracieux devant l’inspecteur auteur de la décision ou l’annulation de la
décision dans le cadre d’un recours hiérarchique devant le ministre du Travail.
1465
Les motifs du refus d’autorisation d’un licenciement s’imposent également au juge judiciaire. Le juge
judiciaire ne peut par exemple rejeter une action en résiliation du contrat de travail intentée par un salarié
au motif que son absence était injustifiée alors que l’inspecteur avait estimé le contraire. Sur ce point, voir :
Cass. soc., 8 avr. 2014, n° 13-10.969 : Bull. civ., V, n° 101 ; Dr. soc. 2014, p. 679, act. J. Mouly. Sur
l’autorité des motifs de refus, voir également : Cass. soc., 23 sept. 2015, n° 14-10.648 : Bull. civ., V, à
paraître.
1466
Voir notamment : Cass. soc., 27 mai 2015, n° 13-26.985 : Bull. civ., V, à paraître ; CSBP 2015, n° 276,
p. 382, note F. Canut – Cass. soc., 3 mars 2010, n° 08-42.526 : Bull. civ., V, n° 50 ; RDT 2010, p. 246, note
É. Serverin ; Dr. soc. 2010, p. 606, obs. Y. Struillou – Cass. soc., 30 avr. 1997, n° 94-45.418 : Bull. civ., V,
n° 149 ; Dr. soc. 1997, p. 645, obs. Ph. Waquet.
1467
Voir notamment : Cass. soc., 16 juin 2010, n° 09-42.354, inédit – Cass. soc., 7 juin 2005, n° 02-
47.374 : Bull. civ., V, n° 190 – Cass. soc., 30 avr. 1997, n° 94-45.418 : Bull. civ., V, n° 149.
1468
Il en est ainsi de la contestation de la qualité à agir du signataire de la lettre de licenciement : Cass.
soc., 4 juill. 2012, n° 10-28.799 : Bull. civ., V, n° 210 ; Procédures 2012, comm. 297 A. Bugada.
1469
Cass. soc., 5 juill. 2017, n° 15-21.389, inédit (absence de mention dans la lettre de licenciement de
l’autorisation de licenciement).
1470
La « faute d’une gravité suffisante » permettant de justifier la rupture du contrat de travail d’un salarié
protégé ne se confond pas avec la faute grave ou la faute lourde et constitue seulement une cause réelle et
sérieuse de licenciement (Cass. soc., 3 mai 2011, n° 09-71.950 : Bull. civ., V, n° 106 – Cass. soc., 18 mars
2009, n° 07-44.664, inédit : JCP S 2009, 1322, note J.-Y. Kerbourc’h). Ainsi, à moins que le licenciement
ne soit subordonné à l’existence d’une faute grave ou d’une faute lourde (le licenciement d’un salarié
protégé gréviste notamment : Cass. soc., 26 janv. 1994, n° 92-42.050 : Bull. civ., V, n° 24), le juge
judiciaire peut apprécier le degré de gravité de la faute pour statuer sur les indemnités dues au salarié. Sur
cette question, voir notamment : Ph. Waquet, « La faute justifiant le licenciement d’un salarié protégé »,
Dr. soc. 1990, p. 498.
1471
Toutefois, sur le mouvement jurisprudentiel tendant à réduire l’objet du contrôle de l’inspecteur du
travail et qui augmente en conséquence le périmètre d’intervention du juge judiciaire, voir : infra, n° 202.

292
réalisés 1472 . De tels motifs ne sauraient constituer le soutien nécessaire de la décision
puisqu’ils entrent en contradiction avec le dispositif et ne peuvent dès lors être opposés à
l’employeur dans le cadre d’un contentieux devant le juge judiciaire 1473 . Une telle
contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision administrative laisse toutefois
présager de l’illégalité de la décision administrative et rien n’empêcherait le salarié de
soulever, dans une telle hypothèse, une exception d’illégalité devant le conseil de
prud’hommes1474. Lorsque la légalité d’une autorisation de licenciement est sérieusement
contestée, le juge judiciaire peut en effet, comme nous l’avons vu, surseoir à statuer et
effectuer un renvoi en appréciation de légalité à la juridiction administrative 1475 . La
confrontation à la pluralité juridictionnelle n’est d’ailleurs pas systématique puisque le renvoi
s’avère, dans certaines hypothèses, facultatif1476. La mise en parallèle des conséquences
attachées à une déclaration d’illégalité et de celles résultant de l’annulation de l’autorisation
révèle toutefois l’intérêt pour le justiciable de se confronter à la pluralité juridictionnelle en
saisissant à titre principal la juridiction administrative. En effet, qu’elle soit prononcée par le
juge administratif ou par le juge judiciaire ayant prorogé sa compétence, l’éventuelle
déclaration d’illégalité n’entraîne pas la nullité du licenciement et permet seulement au juge
judiciaire de retrouver sa pleine compétence pour statuer sur la cause réelle et sérieuse de
licenciement1477. L’annulation de l’autorisation par le juge administratif permet au contraire
au salarié protégé d’obtenir sa réintégration dans le délai de deux mois à compter de la
notification de la décision d’annulation1478 et de percevoir une indemnité correspondant à la

1472
Cass. soc., 22 janv. 2014, n° 12-22.546 : Bull. civ., V, n° 32 ; JCP S 2014, 1256, note C. Puigelier.
1473
Ibid.
1474
À notre connaissance, la Cour n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cette question. En effet, dans
l’affaire précitée (Cass. soc., 22 janv. 2014, n° 12-22.546), l’exception d’illégalité n’avait pas été soulevée
devant les juges du fond et était donc irrecevable devant la Cour de cassation (article 74 du code de
procédure civile). Sur cette irrecevabilité, voir : Ph. Florès, « Question préjudicielle », Rép. Proc. civ. 2014,
§. 83 et Cass. civ. 1re, 22 mars 2012, n° 11-15.499, inédit – Cass. civ., 2e, 4 déc. 2002, n° 02-60.781 : Bull.
civ. II, n° 274.
1475
Cass. soc., 12 juill. 2010, n° 08-44.642 : Bull. civ., V, n° 170 – Cass. soc., 6 juill. 1994, n° 92-42.199,
inédit. Dans ces affaires, la saisine de la juridiction administrative incombait aux parties. Il s’agit
désormais, comme nous l’avons vu, d’un mécanisme de juge à juge (article 49 du code de procédure civile
tel que modifié par le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux
questions préjudicielles).
1476
Voir : supra, n° 176. Sur la proposition d’une généralisation de ce caractère facultatif, voir : supra, n°
182 et suiv.
1477
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 77.7.3, p. 1386.
1478
Article L. 2422-1 du code du travail. Comme tout justiciable, le salarié protégé dispose d’un délai de
deux mois pour contester l’autorisation de licenciement, qui est une décision administrative individuelle
(article R. 421-1 du code de justice administrative). Ce délai de recours n’est opposable qu’à la condition
d’avoir été notifié à son destinataire ou qu’il en ait eu connaissance et que les voies de recours aient été
mentionnées (article R. 421-5 du code de justice administrative). Dans cette dernière hypothèse, le Conseil

293
totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement et la
réintégration 1479. Les indemnités auxquelles un salarié protégé, qui ne demande pas sa
réintégration, peut prétendre après annulation de l’autorisation sont également plus
avantageuses que celles résultant d’une déclaration d’illégalité. Le salarié non réintégré a en
effet droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période
écoulée entre le licenciement et l’expiration du délai de deux mois pour demander la
réintégration1480 et, sous certaines conditions, à une indemnité pour licenciement sans cause
réelle est sérieuse1481. Cette dernière ne résulte pas de la seule annulation de l’autorisation et
dépend en réalité des motifs de celle-ci1482. Lorsque le juge administratif a considéré que les
faits n’étaient pas établis, qu’ils ne justifiaient pas la mesure de licenciement, ou que la
demande n’était pas sans lien avec les mandats de l’intéressé, l’absence de cause réelle et

d’État refuse toutefois qu’un justiciable puisse contester indéfiniment une décision individuelle et enferme
ce recours dans un délai raisonnable (CE, ass., 13 juillet 2016, n° 387763 : RDT 2016, p. 718, obs. L.
Crusoé). Certains auteurs, et nous les rejoignons sur ce point, estiment que le juge devra tenir compte des
éventuelles démarches réalisées par le justiciable pour contester sa décision : L. Crusoé, « Délai de recours
devant le juge administratif : l’action en justice contre une décision individuelle ne peut être exercée
perpétuellement », RDT 2016, p. 718, spéc. p. 720 : « Il est souhaitable que le juge fasse preuve de
compréhension, s’agissant, par exemple, d’un salarié protégé qui – n’ayant pas obtenu l’information prévue
aux articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative – saisit, par erreur, le conseil de
prud’hommes, pour contester son licenciement et n’obtient un jugement d’incompétence de la juridiction
sociale qu’après l’expiration d’un délai d’un an ». Cette interprétation serait en effet en accord avec la
jurisprudence administrative qui estime que la date de saisine d’une juridiction incompétente ne peut être
opposée pour déterminer le moment auquel le requérant a acquis connaissance de la décision qu’il
attaque (voir : CE, 3e et 8e s.-s. r., 25 mars 2016, Mission locale régionale de Guyane, n° 387755 : AJDA
2016, p. 636).
1479
Article L. 2422-4 du code du travail. À la différence de l’indemnité accordée au salarié protégé dont le
licenciement est intervenu sans autorisation et qui répare la méconnaissance du statut protecteur,
l’indemnité ici octroyée n’est qu’un complément de salaire entraînant la déduction des sommes perçues par
le salarié pendant la période d’éviction. Sont notamment déduits les éventuels revenus (Cass. soc., 29 oct.
2010, n° 08-43.202, inédit : JCP S 2011, 1032, note S. Brissy) ou encore les pensions de retraite (Cass.
soc., 26 sept. 2007, n° 05-42.599 : Bull. civ., V, n° 140). Le salarié peut toutefois prétendre, au titre de cette
indemnité, à l’indemnisation d’un préjudice moral, indépendamment de la réparation du préjudice matériel
couvrant la perte de salaires (Cass. soc., 12 nov. 2015, n° 14-10.640 : Bull. civ., V, à paraître, JCP S 2016,
1007, note J.-Y. Kerbourc’h). Pour une confirmation récente de l’absence d’indemnité pour
méconnaissance du statut protecteur en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement, voir
notamment : Cass. soc., 6 avr. 2016, n° 14-13.484 : Bull. civ., V, à paraître, JCP S 2016, 1190, note. F.
Dumont.
1480
Article L. 2422-4 du code du travail.
1481
Cass. soc., 26 sept. 2007, n° 05-42.599, Adij : Bull. civ., V, n° 40 ; JCP S 2007, 1987, note B. Bossu ;
Dr. ouvr. 2008, p. 120, doctr. Ph. Waquet. Sur cet arrêt, voir également : L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou,
« Le licenciement pour motif disciplinaire des salariés protégés. Une partition à quatre mains », SSL 2007,
n° 1330, p. 8. Le Professeur Jean Mouly estime que cette jurisprudence est une « survivance » de la théorie
de la nullité-responsabilité : J. Mouly, « L’indemnisation des salariés protégés irrégulièrement licenciés »,
Dr. soc. 2014, p. 729.
1482
Cass. soc., 26 sept. 2007, n° 05-42.599, Adij, op. cit.

294
sérieuse s’impose en effet au juge judiciaire1483. Lorsque l’annulation provient en revanche
d’une illégalité externe, telle que l’incompétence de l’auteur de la décision, l’irrégularité de
l’enquête contradictoire conduite par l’administration ou l’insuffisante motivation de la
décision, le juge judiciaire retrouve sa compétence pour apprécier si le licenciement repose
sur une cause réelle et sérieuse. Cette indemnisation conditionnée du licenciement pourrait
surprendre lorsqu’on la met en parallèle avec le sort des salariés non-protégés dont le
licenciement est nul 1484 . Ces derniers bénéficient en effet d’une indemnité réparant
l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six
mois de salaires du seul fait de la nullité de leur licenciement et ce, sans qu’il soit nécessaire
de prouver l’absence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement1485. Cette différence
s’avère en réalité tout à fait justifiée puisque l’annulation de l’autorisation de licenciement n’a
pas pour effet de rendre le licenciement nul ; il est seulement privé d’effet1486. La mise en
perspective des conséquences attachées à l’illégalité et à l’annulation d’une autorisation de
licenciement démontre ainsi que, sans être systématique, la confrontation à la pluralité
juridictionnelle s’avère parfois inévitable pour le salarié protégé.

196. Une confrontation inévitable pour les autres modes de ruptures. Si le


licenciement des salariés protégés est souvent pris comme exemple de l’enchevêtrement des
compétences et présenté comme « l’une des procédures où les interventions des deux ordres
de juridiction s’entrecroisent le plus tant en amont de la procédure – pour apprécier si le
salarié est ou non protégé – qu’en aval – s’agissant des droits du salarié licencié après une
autorisation confirmée ou annulée par le juge »1487, les autres modes de rupture n’en recèlent
pas moins de réelles difficultés. Concernant tout d’abord la rupture conventionnelle, aucun

1483
Cass. soc., 26 sept. 2007, n° 05-42.599, Adij, op. cit. Conf. : Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-11.424 :
Bull. civ., V, à paraître (annulation de l’autorisation de licenciement en raison du lien existant entre la
procédure de licenciement et les fonctions représentatives exercées par l’intéressé).
1484
Le Conseiller Philippe Waquet se prononce en faveur d’un alignement du régime de l’autorisation
annulée sur celui de l’absence d’autorisation : Ph. Waquet, « Représentants du personnel. Rôle respectif de
l’administration et du juge judiciaire dans le contrôle des licenciements », Dr. ouvr. 2008, p. 120., spéc. p.
125.
1485
Voir notamment : Cass. soc., 11 déc. 2015, n° 14-15.289, inédit – Cass. soc., 14 avr. 2010, n° 09-
40.486 : Bull. civ., V, n° 97 ; JCP S 2010, 1271, note A. Barège. L’ordonnance n° 2017-1387 du 22
septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a réduit cette indemnité
minimale à trois mois de salaires (nouvel article L. 1235-3 du code du travail).
1486
Sur ce point, voir : B. Gauriau, « Licenciement nul et licenciement dont l’autorisation est annulée : une
distinction toujours nécessaire », Dr. soc. 2005, p. 277, spéc. p. 282. Ce dernier considère que le
licenciement devient caduc avec l’annulation de l’autorisation.
1487
Également en ce sens : L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, « Protection des représentants du personnel,
Cour de cassation et Conseil d’État : des marches parallèles à la démarche commune », op. cit., spéc. p.
910.

295
bloc de compétences n’a en effet été prévu pour les salariés protégés ce qui les oblige à
contester l’autorisation administrative devant le juge administratif. À défaut d’une telle
demande, le contenu de la décision s’impose au juge judiciaire qui ne peut dès lors apprécier
la validité de la rupture conventionnelle et plus particulièrement le consentement du
salarié1488. Dans le contexte particulier de la rupture conventionnelle, l’éventuelle déclaration
d’illégalité de la décision d’autorisation semble en outre n’emporter aucune conséquence pour
le salarié1489. En effet, si l’illégalité de l’autorisation de licenciement permet au juge judiciaire
de recouvrir sa compétence pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement, la
situation est ici différente puisque la conclusion d’une rupture conventionnelle n’est pas
subordonnée à l’existence d’un motif justificatif. L’inspecteur du travail s’assure seulement
du respect de la procédure et de la liberté du consentement du salarié protégé. L’éventuelle
illégalité de l’autorisation ne devrait donc pas permettre au juge judiciaire d’apprécier la
cause réelle et sérieuse de la rupture1490. Pour contester la rupture conventionnelle, le salarié
protégé semble en conséquence contraint d’obtenir l’annulation de l’autorisation à titre
principal devant le juge administratif. Il pourrait alors prétendre à sa réintégration ou à une
indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l’annulation a pour
motif l’absence de consentement ou l’existence d’un lien avec l’exercice du mandat1491. Cette

1488
Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136 : Bull. civ., V, n° 91 ; RDT 2014, p. 330, chron. G. Auzero.
1489
La jurisprudence n’a, à notre connaissance, jamais eu à se prononcer sur cette question et les principaux
manuels sont silencieux sur ce point.
1490
Un salarié protégé pourrait toutefois se prévaloir de l’illégalité de l’autorisation devant le juge
administratif pour mettre en cause la responsabilité de l’État. Sur cette action particulière, voir : H. Rose et
Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll. Droit, p. 1410.
1491
Certains auteurs considèrent que l’annulation de l’autorisation de la rupture conventionnelle devrait
donner droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : M. Cohen et L. Milet, Le
droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, 13e éd., LGDJ 2017, coll. Traités, n° 2955, p.
1239. Ils critiquent à ce titre un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 17e ch.
B, 13 sept. 2012, n° 10/23292) qui a « rejeté la demande d’indemnisation d’un salarié pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse au motif que le vice de forme dont était affectée la décision de l’inspecteur du
travail jusqu’à son annulation n’était pas imputable à l’employeur ». Ces derniers établissent certainement
un parallèle avec la situation des salariés ordinaires. « À partir du moment où la convention de rupture est
annulée par le juge, l’acte juridique litigieux se trouve rétroactivement effacé. Le salarié doit dès lors
pouvoir retrouver son emploi ou un emploi équivalent. Dans les cas où la réintégration n’est pas possible
ou n’est pas souhaitable, la rupture devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou,
à tout le moins, produire les effets d’un tel licenciement » (G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du
travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis, n° 423, p. 467, spéc. p. 469).
À notre sens, la cour d’appel ne fait en réalité ici que transposer la jurisprudence relative aux conséquences
de l’annulation d’une autorisation de licenciement d’un salarié protégé. Comme nous l’avons vu,
l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne découle pas de la seule annulation et dépend
des motifs de l’annulation (voir : supra, n° 195). Cette jurisprudence ne conduit donc aucunement à traiter
plus défavorablement les salariés protégés que les salariés ordinaires mais s’explique par la particularité du
contentieux de la légalité d’un acte administratif qui offre des causes d’annulation plus importantes.
L’employeur « peut alors supporter les conséquences financières d’irrégularité qui ne lui sont pas
imputables ». En ce sens : P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1132, p. 820.

296
confrontation à la pluralité juridictionnelle est également manifeste concernant la rupture d’un
contrat à durée déterminée (CDD). La rupture anticipée d’un CDD, le non-renouvellement
d’un CDD ou la rupture d’un CDD pour échéance du terme doivent en effet être autorisés par
l’inspecteur du travail. Le justiciable est ainsi contraint de contester ces actes administratifs
devant le juge administratif à titre principal sous peine que les motifs de la décision ne
s’imposent au juge judiciaire1492. À notre connaissance, ni le législateur, ni la jurisprudence
n’ont réglé la question de l’annulation de l’autorisation. Le salarié devrait cependant pouvoir
obtenir, suite à l’annulation de l’autorisation, sa réintégration dans l’entreprise et, selon le
motif de l’annulation, une éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse.

§2. Une confrontation du salarié licencié dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi
aux difficultés de la pluralité juridictionnelle

197. Les incertitudes quant à la compétence persistante du tribunal de grande


instance. « Parce que le choix a été fait (par la loi bien plus que par l’ANI) d’attribuer à
l’administration un rôle central, la compétence de la juridiction administrative se trouve
placée au centre du contentieux des licenciements collectifs »1493. La compétence du tribunal
administratif est consacrée dans le code du travail à l’article L. 1235-7-1, alinéa 2. Qualifiée
par certains d’inutile1494, cette attribution légale s’explique par la volonté du législateur
d’exclure les recours administratifs en ce domaine, qu’il s’agisse des recours gracieux ou
hiérarchique1495, et d’éviter les contestations en cours de procédure. Les litiges relatifs au

1492
Précisons qu’en cas de refus de l’autorisation de rupture, aucun éclatement du contentieux n’est
observable puisque le contrat de travail à durée déterminée devient un contrat de travail à durée
indéterminée (Cass. soc., 20 juin 2010, n° 97-41.363 : Bull. civ., V, n° 235 ; Dr. soc. 2000, p. 135, obs. C.
Roy-Loustaunau – Cass. soc., 27 sept. 2007, n° 06-41.086 : Bull. civ., V, n° 144 ; JCP S 2008, 1139, note
F. Bousez). Seul l’employeur pourrait ici contester, devant le juge administratif, le refus d’autoriser le non-
renouvellement. Précisons en outre que le refus d’autoriser une rupture anticipée n’entraîne pas la
requalification du CDD mais seulement sa poursuite jusqu’à son terme. En ce sens, voir : M. Cohen et L.
Milet, Le droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, 13e éd., LGDJ 2017, coll. Traités, p.
1253 et RF social, Dossier « Représentation du personnel. Protection des représentants du personnel et
syndicaux », n° 131, 2013, p. 64.
1493
G. Couturier, « Un nouveau droit des (grands) licenciements collectifs », op. cit., spéc. p. 825.
1494
Ch. Froger, « Les interventions législatives après la décision Conseil de la concurrence. Que reste-t-il
du ‘‘noyau dur’’ de la compétence du juge administratif ? », op. cit., spéc. p. 118. Ce dernier constate que
« depuis une période récente, le législateur a cru bon de devoir réaffirmer la compétence d’annulation du
juge administratif à l’égard de certains actes de puissance publique » et prend l’exemple du licenciement
économique. « L’homologation et la validation du PSE étant des actes administratifs pris par une personne
publique, l’affirmation d’une telle compétence paraît inutile ».
1495
Y. Struillou, « Retour vers le futur, l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
licenciement économique », op. cit., spéc. p. 84.

297
contenu de l’accord collectif majoritaire ou du document unilatéral de l’employeur, aux
décisions prises par l’administration avant la transmission de la demande d’homologation ou
de validation et à la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent en effet
faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou
d’homologation1496. En visant la compétence du juge administratif, le législateur a, sans
doute, également cherché à marquer la disparition de l’intervention du tribunal de grande
instance dans le contentieux de la régularité des plans de sauvegarde de l’emploi 1497 .
Rappelons que la suppression en 1986 de l’autorisation administrative des licenciements pour
motif économique avait donné naissance à un contentieux judiciaire particulièrement
abondant autour de la régularité des grands licenciements collectifs pour motif économique
devant le tribunal de grande instance1498. Tout l’intérêt de la loi relative à la sécurisation de
l’emploi consistait donc à « rendre possible des modifications du PSE préalablement à sa mise
en œuvre au lieu de privilégier une contestation a posteriori »1499. À cette fin, le comité social
et économique et les syndicats peuvent, tout au long de la procédure, saisir le Direccte, lequel
peut formuler des propositions et des observations1500 et dispose d’un pouvoir d’injonction
envers l’employeur1501.

1496
Article L. 1235-7-1, alinéa 1 du code du travail.
1497
Si certains ont vu dans la réforme des plans de sauvegarde de l’emploi une défiance à l’égard du juge
judiciaire (M. Grévy et P. Henriot, « Le juge, ce gêneur… », op. cit.), d’autres saluent la réduction du
contentieux qu’elle entraîne (J.-E. Ray, « Une mue salutaire, pour que la France épouse son temps », in
Dossier « Loi relative à la sécurisation de l’emploi », Dr. soc. 2013, p. 664, spéc. p. 670). La loi relative à
la sécurisation de l’emploi n’a toutefois pas conduit à une déjudiciarisation du contentieux de la régularité
des plans de sauvegarde de l’emploi ; un éventuel contentieux peut en effet toujours être porté in fine
devant le tribunal administratif. Sur ce point : G. Couturier, « Un nouveau droit des (grands) licenciements
collectifs », op. cit., spéc. p. 826 : « L’effacement du juge (compte tenu du dédoublement du contentieux
judiciaire et du contentieux administratif) apparaît tout à fait relatif ». Toutefois, sur la prévention du
contentieux que semble avoir entraîné la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, voir :
SSL 2017, n° 1763, p. 3, entretien avec Carine Chevrier.
1498
Sur ce contentieux, voir notamment : P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1144, p.
832 et Ph. Waquet, « Le juge et l’entreprise », Dr. soc. 1996, p. 742 : « Une attitude timide du juge social
n’aurait pas été admissible en période de crise et de chômage élargi ».
1499
P. Quinqueton, « Petite histoire du ‘‘contrôle de l’emploi’’ », in Dossier « 24 regards sur la sécurisation
de l’emploi », SSL 2013, n° 1592, p. 74, spéc. p. 76.
1500
Articles L. 1233-57 et L. 1233-57-6 du code du travail.
1501
Articles L. 1233-57-5 et D. 1233-12 du code du travail. Sur ce point, voir : P. Morvan, Restructurations
en droit social, op. cit., n° 1011, p. 705 et suiv. L’employeur est d’autant plus enclin à prendre en compte
les remarques de l’administration qu’il peut craindre un refus d’homologation ou de validation. En ce sens :
G. Couturier, « Un nouveau droit des (grands) licenciements collectifs », op. cit. spéc. p. 823 : « La
perspective de la décision qui devra intervenir donne plus de force encore aux interventions, aux
observations et aux prises de position de l’administration tout au long de la procédure d’information et de
consultation ». Le Professeur Gérard Couturier rappelle d’ailleurs sur ce point que « le régime de
l’autorisation administrative préalable aux licenciements économiques, en son temps, avait, semble-t-il,
ceci de positif qu’il favorisait la poursuite entre l’employeur et l’administration d’une négociation continue
susceptible de faire évoluer non seulement les mesures envisagées au titre du plan social, mais aussi le plan
de licenciement lui-même ».

298
De nombreux auteurs refusent de voir dans cette attribution de compétence du juge
administratif un complet dessaisissement du tribunal de grande instance et affirment sa
compétence dans le domaine de la santé et de la sécurité1502. Cette juridiction demeurerait
ainsi compétente pour suspendre la mise en œuvre d’un projet de réorganisation, donnant lieu
à un plan de sauvegarde de l’emploi, mais entraînant des risques pour la santé et la sécurité
des salariés restés dans l’entreprise, autrement dit des « survivants » 1503 . L’étude de la
jurisprudence et notamment du feuilleton jurisprudentiel Airbus Group montre que le
contentieux n’est pas encore stabilisé sur ce point. Alors que le tribunal de grande instance de
Nanterre – en référé comme au fond – s’est déclaré incompétent pour connaître d’une
demande de suspension d’une réorganisation comprenant un plan de sauvegarde de
l’emploi 1504 , la cour d’appel de Versailles a, au contraire, estimé que « l’autorité
administrative ne disposait pas du pouvoir de statuer sur la possible existence de risques
psychosociaux ou, plus généralement, d’un manquement allégué de l’employeur à son
obligation de sécurité, même si un tel manquement était invoqué à l’occasion d’une procédure
avec plan de sauvegarde de l’emploi » et a en conséquence affirmé la compétence du juge
judiciaire en ce domaine1505. Le juge administratif – la cour administrative d’appel de Nancy
plus précisément – a quant à lui considéré « qu’il n’appartenait pas à l’autorité administrative
de contrôler les conséquences du plan de sauvegarde de l’emploi sur la santé et la sécurité des
salariés »1506. Si le Conseil d’État n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce point,
les arguments avancés au soutien de la compétence du tribunal de grande d’instance semblent
convaincants. « Le contrôle juridictionnel de la légalité des décisions administratives est [en
effet] le miroir des obligations mises à la charge de l’administration à qui incombe de
procéder aux vérifications »1507. Or, force est de constater que le projet de réorganisation

1502
P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1160, p. 839 – E. Lafuma, « Prévention des
risques et droit des réorganisations : dans les plis de la loi de sécurisation de l’emploi, la santé cherche son
juge », Dr. ouvr. 2015, p. 340 – S. Bernard, « Un transfert de compétences vers le juge administratif ne
saurait être implicite », SSL 2014, n° 1644, p. 10. Contra : J.-M. Buisson, « La problématique de la santé
dans les PSE est prise en compte par l’administration », SSL 2014, n° 1644, p. 11.
1503
Pour reprendre l’expression du Professeur Frédéric Géa : F. Géa, « L’homologation du PSE :
(premières) esquisses interprétatives », RDT 2014, p. 336, spéc. p. 337.
1504
TGI Nanterre, 5 févr. 2015 : Dr. ouvr. 2015, p. 340, doctr. E. Lafuma – TGI Nanterre, ord. réf., 10 sept.
2014, n° 14/02021, Syndicat CGT EADS Astrium Toulouse : Procédures 2014, comm. 301 A. Bugada.
Dans cette affaire était invoqué un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.
1505
CA Versailles, 1er déc. 2015, Syndicat CGT EADS et a. c/ SAS Airbus Défense and Space. : RDT 2016,
p. 286, chron. M. Grévy ; Dr. ouvr. 2016, p. 225, note I. Taraud.
1506
CAA Nancy, 16 oct. 2014, n° 14NC01417 (arrêt cité par Madame Emmanuelle Lafuma : E. Lafuma,
« Prévention des risques et droit des réorganisations : dans les plis de la loi de sécurisation de l’emploi, la
santé cherche son juge », op. cit., spéc. p. 344, note 11).
1507
Y. Struillou, « Retour vers le futur, l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
licenciement économique », op. cit., spéc. p. 86.

299
n’entre pas, dans son ensemble, dans le champ de contrôle du Direccte1508. Ce dernier doit en
effet seulement s’assurer de la régularité de la procédure d’information-consultation, du
respect des obligations pesant sur l’employeur dans le cadre d’un projet de fermeture d’un
établissement et de la conformité de l’accord collectif majoritaire ou du document unilatéral
aux exigences légales1509. Rien ne semble dès lors s’opposer à ce que le tribunal de grande
instance connaisse des demandes relatives à la suspension d’un projet de réorganisation
compte tenu de ses incidences sur la santé et la sécurité. Si cette interprétation était confirmée
par le Conseil d’État, devrait alors être tranchée la question de l’articulation de la procédure
d’homologation du document unilatéral ou de la validation de l’accord majoritaire avec
l’éventuelle suspension du projet de réorganisation prononcée par le tribunal de grande
instance en référé1510. À notre sens, la suspension du projet de réorganisation, obtenue en
référé avant que le Direccte n’homologue le document unilatéral ou ne valide l’accord
majoritaire, devrait également entraîner celle de la procédure d’homologation, à charge pour
l’employeur de contester l’ordonnance. Comme le rappellent certains auteurs, le contentieux
collectif de l’obligation de sécurité dans les restructurations est en effet « évaporable par
nature : le plus souvent, après que le président du tribunal de grande instance a suspendu la
décision de l’employeur, celui-ci adopte des mesures correctrices dont la cour d’appel prend
acte avant d’infirmer l’ordonnance de référé rendue en première instance »1511. La situation
s’avère en revanche différente en présence d’une décision d’homologation ou de validation.
Les licenciements peuvent en effet être immédiatement prononcés à compter de la notification
de la décision administrative ou de l’expiration du délai faisant naître la décision
administrative implicite d’acceptation et l’éventuel recours pour excès de pouvoir à l’encontre
de la décision administrative n’est pas suspensif1512. La suspension du projet ne semble donc
pas avoir une quelconque incidence. Le recours à la procédure du référé-suspension paraît en
outre exclu puisqu’elle suppose la réunion de deux conditions : l’urgence et l’existence d’un
doute sérieux quant à la légalité de la décision administrative mise en cause1513. Or, l’illégalité

1508
En ce sens : E. Lafuma, « Prévention des risques et droit des réorganisations : dans les plis de la loi de
sécurisation de l’emploi, la santé cherche son juge », op. cit., spéc. p. 341.
1509
Article L. 1233-57-2 du code du travail pour l’accord collectif majoritaire – Article L. 1233-57-3 du
code du travail pour le document unilatéral.
1510
La cour d’appel de Versailles dans l’affaire précitée (CA Versailles, 1er déc. 2015, Syndicat CGT EADS
et a. c/ SAS Airbus Défense and Space) n’a pas eu à trancher cette question puisqu’elle a considéré que les
risques psychosociaux allégués n’étaient pas établis.
1511
P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 663, p. 433 et spéc. p. 434, note 171.
1512
Articles L. 1233-9, alinéa 5 et L. 1233-57-4 du code du travail.
1513
Article L. 521-1 du code de justice administrative. Sur la possibilité de recourir au référé-suspension
pour suspendre une décision d’homologation ou de validation, voir : Y. Struillou, « Retour vers le futur,
l’intervention du juge administratif dans le contentieux du licenciement économique », op. cit., spéc. p. 86.

300
de la décision n’est pas en cause dans une telle hypothèse puisque la compétence du tribunal
de grande instance se justifie justement par l’absence de contrôle, par l’autorité
administrative, des incidences du projet sur la santé et la sécurité.
L’entrée en vigueur des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ne devrait pas remettre
en cause cette analyse. Si l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la
prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail a introduit un 6° à l’article L. 1233-24-
2 du code du travail prévoyant la possibilité pour l’accord majoritaire de porter sur les
« conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions
de travail »1514, cette nouvelle disposition semble sans effet sur la répartition actuelle des
compétences. L’article L. 1233-24-4 du code du travail relatif au contenu obligatoire du
document unilatéral n’a d’ailleurs pas été modifié sur ce point et renvoie aux éléments prévus
aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2 du code du travail, autrement dit aux modalités
d’information et de consultation du comité social et économique, à la pondération et au
périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements, au calendrier des
licenciements, au nombre de suppressions d’emploi et aux catégories professionnelles
concernées et aux modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de
reclassement 1515 . La prise en compte des « conséquences des licenciements projetés en
matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail » ne semble donc pas constituer une
condition de validité de l’accord majoritaire ou du document unilatéral. L’éventuelle
stipulation qui figurerait dans un accord collectif ne devrait donc pas remettre en cause la
possibilité de saisir le tribunal de grande instance en référé et permettrait seulement à
l’employeur de s’en prévaloir pour éviter la suspension du projet de réorganisation.
Sous bénéfice de ces observations, on peut donc affirmer la compétence persistante du
tribunal de grande instance dans le contentieux des réorganisations donnant lieu à un plan de
sauvegarde de l’emploi. Les difficultés suscitées par la pluralité juridictionnelle dans une telle

et P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1157, p. 837. Précisons que le Conseil d’État
considère que la condition d’urgence ne peut être déduite de la seule demande de suspension d’une décision
ou d’homologation, « l’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des
circonstances de l’espèce » (CE, 4e et 5e s.-s. r., 21 févr. 2014, n° 374409, Sté IPL Atlantique : RDT 2014,
p. 353, obs. C. Mayeur-Carpentier. Voir également : F. Géa, « L’homologation du PSE : (premières)
esquisses interprétatives », op. cit., spéc. p. 337. Ce dernier considère qu’au regard des faits de l’espèce, la
portée de l’arrêt ne doit pas être surestimée).
1514
Conformément à l’article 40-VI de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L.
1233-24-2 du code du travail, tel qu’il résulte de l’article 20 de l’ordonnance, ne sera applicable qu’aux
procédures de licenciement économique engagées dans les entreprises ayant mis en place un comité social
et économique.
1515
Il ne semble pas s’agir d’un oubli dans la mesure où cet article a été modifié par l’ordonnance pour
qu’apparaisse le terme « comité social et économique ».

301
hypothèse portent uniquement sur l’identification de la juridiction compétente et résultent
d’une appréhension délicate de l’objet du contrôle du Direccte. Comme nous l’avons vu, « le
contrôle juridictionnel de la légalité des décisions administratives est le miroir des obligations
mises à la charge de l’administration »1516. Or, dans cette hypothèse, le miroir s’avère quelque
peu « flou »1517. La pluralité juridictionnelle résultant de l’intervention du tribunal de grande
instance dans ce contentieux ne semble toutefois pas incompatible avec l’émergence d’un
pluralisme juridictionnel. Cette dernière suppose seulement que la réserve de compétence du
tribunal de grande instance apparaisse plus explicitement dans les textes et que soit envisagée
l’articulation entre la procédure d’homologation ou de validation et l’éventuelle suspension
du projet. Une telle compatibilité tranche avec les difficultés suscitées par la compétence
résiduelle du conseil de prud’hommes. Cette dernière provoque en effet une confrontation
inévitable du justiciable aux difficultés de la pluralité juridictionnelle.

198. Une confrontation inévitable résultant de la réserve de compétence du


conseil de prud’hommes. Si la loi relative à la sécurisation de l’emploi a sensiblement
dessaisi le tribunal de grande instance de sa compétence dans le contentieux du plan de
sauvegarde de l’emploi, elle n’a aucunement supprimé l’intervention du conseil de
prud’hommes en ce domaine 1518 . Le salarié, licencié dans le cadre d’un projet de
réorganisation soumis à plan de sauvegarde de l’emploi, peut dès lors se trouver confronté
aux difficultés de la pluralité juridictionnelle. La confrontation est, certes, davantage évitable
que dans le régime d’autorisation des licenciements économiques en vigueur entre 1975 et
19861519, puisque le Direccte n’a pas à contrôler la réalité et le sérieux du motif économique
pour homologuer le document unilatéral ou valider l’accord collectif majoritaire1520, mais elle
n’en reste pas moins plausible.

1516
Y. Struillou, « Retour vers le futur, l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
licenciement économique », op. cit.
1517
Nous paraphrasons ici le Professeur Gérard Couturier : G. Couturier, « Un nouveau droit des (grands)
licenciements collectifs », op. cit., spéc. p. 826. Le miroir s’avère également « flou » en ce qui concerne le
contentieux des salariés protégés et l’objet du contrôle de l’inspecteur du travail.
1518
Rapport réalisé par Jean-Marc Germain au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée
nationale, p. 358 : « Le tribunal administratif se substitue au tribunal de grande instance, mais ni au conseil
de prud’hommes ni au juge pénal ».
1519
Sur ce point, voir notamment : Ph. Langlois, « Le labyrinthe infernal du salarié licencié pour motif
économique », op. cit.
1520
CE, ass., 22 juill. 2015, n° 385816, Heinz : AJDA 2015, p. 1632, chron. J. Lessi et O. Dutheillet de
Lamothe ; RDT 2015, p. 514, concl. G. Dumortier ; RDT 2015, p. 528 ét. F. Géa. Si l’administration doit
s’assurer que le comité d’entreprise a été correctement informé du plan et de la situation économique de
l’entreprise, elle ne doit pas contrôler l’existence d’un motif économique justifiant les licenciements.
Lorsque l’employeur décide de modifier le secteur d’activité pour l’appréciation de la situation économique

302
Le salarié a tout intérêt à se confronter à la pluralité juridictionnelle en contestant la décision
d’homologation ou de validation dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir devant le
juge administratif. L’éventuelle annulation de ces actes administratifs, lorsqu’elle intervient
pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, entraîne en effet la nullité de la
procédure. Or, cette dernière permet au salarié d’obtenir soit la poursuite de son contrat de
travail, soit la nullité de son licenciement et l’octroi d’une indemnité ne pouvant être
inférieure aux salaires des six derniers mois1521. De telles sanctions sont, il est vrai, exclues
pour les salariés qui disposent d’une ancienneté inférieure à deux ans ou qui travaillent pour
un employeur employant habituellement moins de onze salariés ou soumis à un redressement
ou une liquidation judiciaires1522. Ceux-ci peuvent toutefois prétendre à l’indemnisation du
1523
préjudice subi du fait de l’irrégularité de leur licenciement . L’annulation de
l’homologation ou de la validation, pour un motif étranger au plan de sauvegarde de l’emploi,
permet, quant à elle, la réintégration du salarié lorsque les parties sont d’accord sur ce point et
à défaut une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois1524.

et les informations fournies au comité d’entreprise, l’administration doit seulement vérifier l’existence
d’une justification et non se prononcer sur la pertinence du secteur retenu.
Cet arrêt fait écho à l’affaire Viveo dans laquelle la Cour de cassation a affirmé l’indépendance de la
validité du plan de sauvegarde de l’emploi avec la cause du licenciement : Cass. soc., 5 mai 2012 : SSL
2012, n° 1537, p. 13, rapp. P. Bailly ; JCP S 2012, ét. F. Favennec-Héry ; Dr. soc. 2012, p. 600, note G.
Couturier ; Dr. soc. 2012, p. 606, note E. Dockès. Sur cette affaire, voir également les développements très
complets du Professeur Patrick Morvan : P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., p. 824 et
suiv.
1521
Articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail. Précisons que le contenu de ces articles, tel qu’il
résulte de l’article 40-I de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, n’est applicable qu’aux
licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. Pour ceux prononcés
antérieurement, l’indemnité ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.
Compte tenu des conséquences attachées à chaque motif d’illégalité, le Conseil d’État considère que
lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation fondé sur plusieurs motifs de nature
différente (insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et consultation irrégulière par exemple), il doit
se prononcer sur l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi même si le constat de la consultation
irrégulière pourrait permettre d’annuler la décision du Direccte (CE, 4e et 5e ch. réun., 15 mars 2017, n°
387728, Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social : RDT 2017,
p. 242, concl. F. Dieu ; AJDA 2017, p. 603, act. D. Poupeau). Il n’est donc pas fait application ici de la
jurisprudence Commune de Barcarès du Conseil d’État. En vertu de celle-ci, tous les motifs d’illégalité se
valent et le juge n’a pas besoin de contrôler l’ensemble des moyens d’illégalité lorsque le juge constate une
illégalité (CE, sect., 22 avr. 2005, n° 257877, Commune de Barcarès : RFDA 2005, p. 557, concl. J.-H.
Stahl).
1522
Articles L. 1235-10, alinéa 3 et L. 1235-14, 1° du code du travail.
1523
Sur ce point, voir : M. Gadrat, Restructurations et droit social, Thèse Bordeaux (dactyl.) 2014, spéc. n°
784, p. 1046.
1524
Article L. 1235-16 du code du travail. Il en est ainsi de l’irrégularité de la procédure d’information-
consultation des représentants du personnel, de la méconnaissance des exigences légales de l’accord sur le
plan ou encore du non-respect de l’exigence majoritaire de l’accord. Notons que l’annulation de
l’homologation ou de la validation au seul motif d’une insuffisance de motivation de la première décision
de l’autorité administrative, assortie de l’édiction d’une nouvelle décision par l’administration, ne permet
plus aux salariés de solliciter, devant le conseil de prud’hommes, leur réintégration ou le versement

303
L’étude des conséquences qu’emporte l’annulation de la décision d’homologation ou de
validation démontre donc tout l’intérêt pour le salarié de saisir la juridiction administrative.
La réduction récente du plancher de l’indemnité due en présence d’un licenciement sans cause
réelle et sérieuse, ajoutée à son plafonnement, renforcent d’ailleurs cet intérêt. Tandis que le
salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et licencié – dans une entreprise non soumise à
une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et employant habituellement plus
de onze salariés – pour un motif dépourvu de cause réelle et sérieuse ne peut désormais
prétendre qu’à une indemnité plafonnée selon son ancienneté et au moins égale aux salaires
des trois derniers mois1525, l’éventuelle annulation de l’homologation ou de la validation
permet à ce même salarié de prétendre à une indemnité non plafonnée et au moins égale aux
salaires des six derniers mois. Pour les autres salariés, l’enjeu d’une éventuelle annulation –
en comparaison avec ce qu’ils pourraient obtenir en contestant uniquement le bien-fondé du
licenciement devant le conseil de prud’hommes – semble plus limité. La confrontation à la
pluralité juridictionnelle n’en demeure pas moins utile lorsque le bien-fondé du licenciement
se révèle difficile à contester1526.
L’effet erga omnes attaché à l’annulation d’un acte administratif pourrait fragiliser notre
analyse1527. « Doté de l’autorité absolue de la chose jugée, [un jugement d’annulation peut en
effet s’imposer] dans un litige différent de celui à l’occasion duquel il a été rendu, que ce
litige implique les mêmes parties ou non (on parle, dans ce dernier cas, de l’effet erga omnes
– ‘‘à l’égard de tous’’ – du jugement) ». Sans avoir eu à se confronter aux inconvénients de la
pluralité juridictionnelle, un salarié, non partie à l’instance administrative, pourrait ainsi se
prévaloir de l’annulation de l’acte administratif directement devant le conseil de
prud’hommes pour obtenir sa réintégration ou les indemnités afférentes. Les délais de

d’indemnités réparant leur préjudice (article L. 1235-16 du code du travail tel qu’il résulte de la loi Macron
du 6 août 2015. Voir sur ce point : G. Couturier, « Le droit du licenciement dans la loi Macron », Dr. soc.
2015, p. 793).
On constatera, avec un peu d’étonnement, qu’avec la réduction des indemnités dues après l’annulation de la
décision d’homologation ou de validation pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi (l’indemnité
au moins égale aux salaires des douze derniers mois est désormais seulement au moins égale à ceux des six
derniers mois), les sanctions indemnitaires s’avèrent identiques quel que soit le motif de l’annulation.
Seules les modalités et le caractère obligatoire de la réintégration diffèrent.
1525
Se reporter au tableau figurant à l’article L. 1235-3 du code du travail. Avant les ordonnances Macron,
l’indemnité était au moins égale aux salaires des six derniers mois et n’était pas plafonnée.
1526
Il pourrait en être ainsi en présence d’un licenciement motivé par une cessation totale d’activité (sans
qu’une faute ou une légèreté blâmable ne puissent être reprochées à l’employeur) et pour lequel
l’obligation de reclassement aurait été satisfaite. Sur ce point, voir : G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès,
Droit du travail, 31e éd., Dalloz 2017, coll. Précis, n° 560, p. 694.
1527
C. Broyelle, Contentieux administratif, 5e éd., LGDJ 2017, coll. Manuel, n° 458, p. 317.

304
prescription permettent toutefois de nuancer ce contre-argument1528. Le salarié risque en effet
de se retrouver « forclos à agir » devant le conseil de prud’hommes avant qu’une annulation
définitive n’intervienne1529. Le salarié prendrait en outre le risque que les juges refusent
d’annuler la décision d’homologation ou de validation et que les délais pour exercer le recours
pour excès de pouvoir soient eux-mêmes dépassés1530. En effectuant lui-même ce recours, le
salarié se prémunit donc d’une telle déconvenue. L’existence d’un jugement rejetant le
recours en annulation du document unilatéral ou de l’annulation n’aurait d’ailleurs pas
d’incidence sur son recours ; les jugements qui rejettent un recours en annulation ne sont en
effet « revêtus que de l’autorité relative de la chose jugée »1531.
La confrontation à la pluralité juridictionnelle semble en conséquence inévitable pour le
salarié. Cette situation tranche avec ce qui avait cours antérieurement à la loi relative à la
sécurisation de l’emploi. La régularité du plan de sauvegarde de l’emploi relevait certes, à
titre principal, de la compétence du tribunal de grande instance, mais les salariés pouvaient
invoquer cette irrégularité à titre incident devant le conseil de prud’hommes et n’étaient donc
pas soumis aux inconvénients de la pluralité juridictionnelle1532.

Section 2. Les contournements actuellement discutables de la confrontation

199. Les contournements possibles, mais discutables, de la confrontation. Dans


certaines hypothèses, la confrontation aux difficultés de la pluralité juridictionnelle s’avère
inévitable et résulte de l’intervention même de l’autorité administrative. Comme nous l’avons
vu, les actes administratifs bénéficient en effet « d’une présomption de conformité au droit »,

1528
Les contestations portant sur les licenciements pour motif économique se prescrivent par douze mois à
compter de la notification du licenciement (article L. 1235-7 du code du travail). Précisons que
l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations
de travail a également encadré le délai de contestation des autres modes de rupture du contrat de travail.
Désormais, « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter
de la notification de la rupture (article L. 1471-1 du code du travail).
1529
Techniquement, une annulation définitive peut tout à fait intervenir avant l’expiration du délai de douze
mois. Le législateur a d’ailleurs encadré la durée du contentieux et prévu que le tribunal administratif
devait ainsi statuer dans un délai de trois mois et si à l’issue de ce délai il ne s’est pas prononcé, le litige est
porté devant la cour administrative d’appel qui doit également statuer dans un délai de trois mois. Cette
dernière peut également être dessaisie et le litige est alors porté devant le Conseil d’État (article L. 1235-7-
1 du code du travail). Le délai de trois mois n’ayant pas été prévu pour le Conseil d’État, certains font
toutefois remarquer que le Conseil d’État pourra tout à fait statuer « plusieurs mois, voire plusieurs années
après » : P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1152, p. 834.
1530
Le recours est enfermé dans un délai de deux mois : article L. 1235-7-1, alinéa 3 du code du travail.
1531
C. Broyelle, Contentieux administratif, 5e éd., LGDJ 2017, coll. Manuel, n° 461, p. 319.
1532
P. Morvan, Restructurations en droit social, op. cit., n° 1168, p. 842. Voir notamment : Cass. soc., 12
mars 2008, n° 07-40.308, inédit : RDT 2008, p. 311, chron. Ph. Waquet.

305
ce qui contraint le particulier à apporter la preuve contraire dans le cadre d’un recours pour
excès de pouvoir ou d’une exception d’illégalité1533. À défaut, les dispositions de l’acte
administratif ont « autorité de la chose décidée » et tout ce qui a été examiné par l’autorité
administrative s’impose au juge judiciaire éventuellement saisi. Ceci étant rappelé, nous
pressentons dès lors les deux techniques de contournement envisageables. On pourrait en effet
supprimer l’intervention de l’autorité administrative ou tout au moins réduire le champ de
contrôle de l’autorité administrative. Différentes dans leur degré, ces deux techniques ont
pour effet de limiter la compétence consécutive du juge administratif et d’augmenter en
conséquence le périmètre d’intervention du juge judiciaire dans les contentieux en cause.
L’étude approfondie des domaines dans lesquels ces deux techniques ont été expérimentées
révèle cependant les limites d’un tel contournement et laisse entrevoir l’unité juridictionnelle
comme la seule véritable alternative.

Plan.
Paragraphe 1. La suppression discutable de l’intervention de l’autorité administrative
Paragraphe 2. La réduction discutable du périmètre de contrôle de l’autorité
administrative

§1. La suppression discutable de l’intervention de l’autorité administrative

200. Une expérimentation dans le contentieux de l’inaptitude. Par dérogation à


l’interdiction de prendre en compte l’état de santé d’un salarié1534, l’employeur peut procéder
à un licenciement après avoir obtenu du médecin du travail un avis d’inaptitude et à condition
d’être dans l’impossibilité de reclasser le salarié sur un poste compatible avec ses aptitudes
physiques1535. Jusqu’à la loi dite El Khomri, le salarié, souhaitant contester son licenciement,
était parfois amené à saisir le conseil de prud’hommes et la juridiction administrative. L’avis
d’inaptitude devait en effet être contesté devant l’inspecteur du travail1536. À défaut, cet avis

1533
J. Waline, Droit administratif, 26e éd., Dalloz 2016, coll. Précis, n° 446, p. 457. Voir, supra : n° 195.
1534
Article L. 1133-3 du code du travail. Voir : M. Blatman, P.-Y. Verkindt et S. Bourgeot, L’état de santé
du salarié, 3e éd., Liaisons 2014, coll. Droit Vivant, spéc. p. 583 et suiv.
1535
Article L. 1226-2 du code du travail. Sur l’encadrement du périmètre de l’obligation de reclassement
par l’article 7 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la
sécurisation des relations de travail, à compter du 1er janvier 2018, voir : P.-Y. Verkindt, « La question de
l’inaptitude médicale dans l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 », JCP 2017, 1310, spéc. p.
45.
1536
Article L. 4624-1 du code du travail (avant sa modification par l’article 102 de la loi n° 2016-1088 du 8
août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours

306
s’imposait aux parties et au juge prud’homal éventuellement saisi de la rupture du contrat de
travail1537. Le contrôle de l’inspecteur du travail portait alors sur l’inaptitude physique du
salarié à son poste de travail antérieur, sur son aptitude physique au poste de reclassement
proposé et sur la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du
salarié1538. Cette décision, de nature administrative, était susceptible d’un recours contentieux
devant le tribunal administratif 1539. Une telle confrontation à la pluralité juridictionnelle
s’avérait particulièrement opportune puisque l’annulation de la décision de l’inspecteur du
travail confirmant l’avis d’inaptitude permettait au salarié de solliciter des dommages et
intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant le conseil de prud’hommes1540.
Cette confrontation n’était toutefois pas systématique. Le salarié pouvait en effet décider de
ne pas remettre en cause l’avis d’inaptitude du médecin du travail et d’axer sa défense sur la
contestation des décisions prises par l’employeur à la suite de l’avis. En retenant cette
stratégie contentieuse, le salarié évitait ainsi la confrontation à la pluralité juridictionnelle et
n’avait qu’à saisir le conseil de prud’hommes pour régler son litige. Les chances de succès
d’une telle stratégie n’étaient d’ailleurs pas anecdotiques puisque la chambre sociale de la
Cour de cassation s’avérait particulièrement exigeante envers l’employeur quant au respect de
l’obligation de reclassement. Pour ne prendre qu’un exemple, les éventuels avis d’inaptitude à
« tout emploi » ou les classements en invalidité de la deuxième catégorie par le tribunal du
contentieux de l’incapacité ne dispensaient pas l’employeur d’effectuer une recherche de
reclassement 1541 . Par ailleurs, même en présence d’un avis d’inaptitude, le conseil de
prud’hommes pouvait se prononcer sur le bien-fondé du licenciement lorsque celui-ci

professionnels). Certains auteurs estimaient qu’un tel recours ne pouvait s’effectuer après la rupture du
contrat de travail (P. Chaumette, « Le médecin du travail, l’employeur et l’inspecteur du travail », Dr. soc.
2003, p. 717. En sens contraire, voir : Th. Kapp, « La contestation de l’avis du médecin du travail devant
l’inspecteur du travail », Dr. soc. 2011, p. 159, spéc. p. 162). L’étude de la jurisprudence permet de
repousser une telle analyse : CE, 4e et 5e s.-s. r., 27 juin 2011, n° 334834, Ministre du travail, des relations
sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville c/ Société SEMG Veillé : Dr. soc. 2011, p. 1043, concl.
R. Keller. Voir également les jurisprudences citées par le Direccte du Grand Est Thomas Kapp dans
l’article précité et notamment : Cass. soc., 9 févr. 2005, n° 03-44.486 : Bull. civ, V, n° 50. La seule
obligation était en réalité d’exercer le recours dans un délai de deux mois suivant l’avis (ancien article R.
4624-35 du code du travail).
1537
Voir notamment : Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 13-12.277 : Bull. civ., V, n° 310 ; JCP S 2015, 1088,
note P.-Y. Verkindt.
1538
Cass. soc., 28 juin 2006, n° 04-45.600 : Bull. civ., V, n° 234 ; JCP S 2006, 1794, note P.-Y. Verkindt.
1539
Ancien article R. 4624-36 du code du travail.
1540
Le licenciement n’est pas nul mais privé de cause. En ce sens, voir notamment : Cass. soc., 26 nov.
2008, n° 07-43.598 : Bull. civ., V, n° 233 – Cass. soc., 8 avr. 2004, n° 01-45.693 : Bull. civ., V, n° 118 ;
SSL 2004, n° 1165, p. 6, obs. J. Duplat.
1541
Cass. soc., 20 sept. 2006, n° 05-40.526 : Bull. civ., V, n° 283 ; JCP S 2006, 1861, note P.-Y. Verkindt.
Voir également sur ce point : D. Jourdan, « Invalidité et inaptitude sont-elles encore indépendantes ? », SSL
suppl. 2011, n° 1504, p. 175 – M. Pierchon, « Invalidité, inaptitude et reclassement ou l’autonomie du juge
du travail vis-à-vis du juge du contentieux de l’incapacité », JCP S 2007, 1073.

307
procédait d’une faute de l’employeur. La Cour de cassation refusait en effet que les juges du
fond tiennent compte de la cause invoquée par l’employeur – l’inaptitude – pour conclure au
bien-fondé du licenciement1542.
Le risque d’une confrontation à la pluralité juridictionnelle a en réalité été supprimé en 2016.
Suite au rapport Issindou « Aptitude et médecine du travail »1543, la loi dite El Khomri a en
effet profondément transformé les règles relatives à la santé au travail1544. Au-delà des
modifications apportées au suivi médical des salariés pendant la durée du contrat de
travail 1545 , la loi a refondu la procédure d’inaptitude 1546 et unifié le contentieux de
l’inaptitude1547. À compter du 1er janvier 2017, les contestations relatives aux « éléments de
nature médicales justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par
le médecin du travail » ont ainsi dû être portées devant le conseil de prud’hommes, statuant en

1542
Le licenciement d’un salarié pour inaptitude résultant de faits de harcèlements a ainsi été déclaré sans
cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 déc. 2007, n° 06-45.818 : Bull. civ., V, n° 209). Précisons toutefois
qu’en application des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail, la sanction d’un tel licenciement
devrait être la nullité. La Cour de cassation estime en effet « qu’il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1152-
3 du code du travail que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de
subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul » (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69.444 : Bull.
civ., V, n° 168). Cette jurisprudence est à mettre en parallèle avec le refus de la Cour de cassation qu’il soit
tenu compte des conséquences d’une absence prolongée d’un salarié sur le fonctionnement de l’entreprise
pour justifier un licenciement lorsque ces absences pour cause de maladie résultent d’un manquement de
l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat. Voir : Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.082 : Bull. civ.,
V, n° 71 ; Dr. soc. 2013, p. 576, chron. S. Tournaux ; RDT 2013, p. 328, obs. B. Pélissier ; SSL 2013, n°
1582, p. 11, note V. Chandivert.
1543
Rapport M. Issindou, Ch. Ploton, S. Fantoni Quinton, A.-C. Bensadon et H. Gosselin, Aptitude et
médecin du travail, La Documentation française 2015, 112 p.
1544
Sur cette réforme, voir notamment : A. Gardin, « La réforme des règles relatives à la santé au travail :
entre ombres et lumières », RJS 2017, p. 275 – S. Fantoni, F. Héas et P.-Y. Verkindt, « La santé au travail
après la loi du 8 août 2016 », in Dossier « Loi El Khomri », Dr. soc. 2016, p. 921 – M. Ayadi et L.
Goasdoué, « La réforme tant attendue de la santé au travail », SSL 2016, n° 1743, p. 3.
1545
Ibid.
1546
Sur le passage d’une « logique d’acte à une logique d’acteurs », voir : F. Géa, « Une nouvelle théorie
juridique de l’inaptitude médicale ? », CSBP 2017, p. 211 : « Cet acte doit être compris comme un moment,
une séquence, au sein d’un processus orchestré essentiellement par le médecin du travail, et lors duquel se
construit, à proprement parler, la déclaration d’inaptitude ». Également en ce sens : S. Fantoni Quinton et
P.-Y. Verkindt, « Les chausse-trappes du nouvel encadrement de la décision d’inaptitude », SSL 2017, n°
1752, p. 7. Sur la réforme de l’inaptitude, et parmi les nombreux commentaires, voir également : M.
Ledoux et M.-A. Godefroy, « La sécurisation relative de la procédure d’inaptitude », RJS 2017, p. 91 – P.-
H. Antonmattei, F. Canut, D. Chenu, A. Derue, M. Morand, Ch. Neau-Leduc, G. Vachet et P.-Y. Verkindt,
« La réforme du constat et de la contestation de l’inaptitude en questions », SSL 2017, n° 1772, p. 4 – F.
Héas, « La réforme du régime de l’inaptitude suite à la loi du 8 août 2016 », Dr. ouvr. 2017, p. 103 et É.
Jeansen, « L’avis d’inaptitude », JCP S 2016, 1318.
1547
À en croire l’étude d’impact du projet de loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et
à la sécurisation des parcours professionnels (spéc. p. 349), l’objectif recherché était « d’unifier les
procédures contentieuses » et d’alléger les missions des services juridiques des Direccte et de la DGT. La
suppression de l’intervention de l’inspecteur du travail avait également été préconisée dans le rapport
Issindou. Le système proposé était toutefois différent. Il s’agissait de « confier ces recours à une
commission régionale comprenant trois médecins du travail, dont au moins l’un d’entre eux assure des
consultations de pathologies professionnelles » (n° 424, p. 75).

308
la forme des référés, à charge pour lui de désigner un médecin-expert, inscrit sur la liste des
experts près la cour d’appel1548. À en croire les nombreux commentateurs, l’objectif de
« précision, de clarification et de sécurisation » ne semblait pas avoir été atteint1549. Était ainsi
reproché à ce système le fait de faire naître des « incertitudes concernant le périmètre précis
de ce qui relève de la saisine de la formation de référé »1550. Dans la mesure où l’article L.
4624-7 du code du travail visait la contestation des seuls « éléments de nature médicale », la
question se posait en effet de savoir si le conseil de prud’hommes avait la possibilité, à
l’instar de l’inspecteur du travail, de se prononcer sur des éléments procéduraux ou sur les
aménagements préconisés par le médecin du travail. La possibilité d’une telle contestation
s’avérait déterminante eu égard à l’assouplissement opéré par le législateur quant à l’intensité
de l’obligation de reclassement. Lorsque le médecin du travail porte, dans l’avis d’inaptitude,
la mention expresse selon laquelle « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement
préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans
un emploi », l’employeur est en effet dispensé de l’obligation de reclassement, de
consultation des délégués du personnel et de l’information donnée par écrit au salarié
concernant les motifs empêchant son reclassement 1551. La possibilité de contester l’avis
d’inaptitude, au-delà des seules considérations médicales, s’avérait en conséquence
nécessaire. La procédure était également critiquée pour son caractère potentiellement
dissuasif. « La perspective de devoir assumer la charge des frais d’expertise [pouvait en effet]
dissuader certains salariés et employeurs de contester les avis médicaux »1552.

1548
Articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail tels qu’issus de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016
relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et
du décret 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.
1549
L. Mazon et M. Loiselet, « Réforme de l’inaptitude médicale : vers un nouvel échec de
simplification ? » SSL 2017, n° 1761, p. 6.
1550
Sur ce point, voir : S. Fantoni Quinton, « La contestation des avis du médecin du travail aux
prud’hommes. Le mystère s’épaissit et les risques s’accumulent… », SSL 2017, n° 1776, p. 7. Le
Professeur Sophie Fantoni Quinton révèle toutefois que parmi les premières ordonnances des
prud’hommes, certaines « sollicitent de l’expert une étude du poste en plus de l’examen clinique ». Sur
cette incertitude, voir également : M. Ledoux et M.-A. Godefroy, « La sécurisation relative de la procédure
d’inaptitude », op. cit., spéc. p. 94 – A. Gardin, « La réforme des règles relatives à la santé au travail : entre
ombres et lumières », op. cit., spéc. p. 281.
1551
La loi dite El Khomri a étendu le régime qu’avait instauré la loi dite Rebsamen du 17 août 2015 pour
l’inaptitude provenant d’un accident ou d’une maladie professionnelle. Désormais, quelle que soit l’origine
de l’inaptitude, l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement lorsque l’avis du médecin du
travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable
à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Précisons
également que, depuis la loi dite El Khomri, l’employeur peut également rompre le contrat de travail d’un
salarié déclaré inapte lorsqu’il refuse une proposition d’emploi conforme aux conclusions écrites du
médecin de travail sur les capacités du salarié (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du code du travail).
1552
M. Ledoux et M.-A. Godefroy, « La sécurisation relative de la procédure d’inaptitude », op. cit., spéc.
p. 93.

309
L’importance et la pertinence de ces critiques semblent avoir eu raison du dispositif.
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation
des relations de travail vient en effet de modifier le régime entourant la contestation de l’avis
d’inaptitude. Si la compétence du conseil de prud’hommes, en la forme des référés, est
maintenue, la désignation du médecin-expert près la cour d’appel est en revanche
abandonnée1553. Cette suppression est contrebalancée par la possibilité donnée au conseil de
prud’hommes de confier une mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail, voire de
consulter des tiers 1554 . L’ordonnance redéfinit en outre le périmètre des contestations
possibles. Ces dernières pourront désormais porter sur « les avis, propositions, conclusions
écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature
médicale ». Dans la mesure où les éléments de nature médicale n’apparaissent plus « comme
l’objet central, voir unique, de la demande »1555, il semble dès lors possible de contester les
avis et les conclusions du médecin « dans leur plénitude »1556.

201. Une généralisation non souhaitable de la suppression. L’exemple pris du


contentieux de l’inaptitude convainc de la nécessité d’envisager les limites des mécanismes
substituables à l’intervention de l’autorité administrative. L’opportunité d’une proposition se
mesure en effet de manière inversement proportionnelle aux difficultés qu’elle entraîne.
Souhaiter que disparaisse l’intervention de l’autorité administrative – cause de la pluralité
juridictionnelle – suppose ainsi de s’assurer de la pertinence des dispositifs alternatifs. Or, sur
ce point, l’exemple de l’inaptitude ne semble pas transposable à l’hypothèse de la rupture du
contrat de travail d’un salarié protégé ou du licenciement d’un salarié dans le cadre d’un plan
de sauvegarde de l’emploi. En effet, l’autorité administrative n’intervient pas ici comme
autorité de recours mais a, au contraire, pour mission d’autoriser, d’homologuer ou de valider
une décision de l’employeur ou un accord collectif. Pourrait malgré tout être envisagée

1553
En application de l’article 40-X de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la
prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, ces nouvelles modalités n’entreront en vigueur qu’à
la date de publication des décrets d’application et au plus tard le 1er janvier 2018.
1554
La question de la prise en charge des honoraires n’a dès lors pas disparu et explique le maintien des
dispositions relatives à cette prise en charge à l’article L. 4624-7, IV du code du travail. Nous rejoignons
toutefois les auteurs qui considèrent que le maintien de la règle relative à la prise en charge concerne les
tiers et non l’expertise réalisée par le médecin-inspecteur du travail. « Le médecin-inspecteur du travail
étant nommé en sa qualité propre de contractuel de l’État ne devrait pas pouvoir recevoir des honoraires
pour cette mission, pas plus qu’il ne recevait de rémunération spécifique lorsque l’inspecteur du travail lui
demandait son avis dans le cadre d’un recours » : P.-Y. Verkindt, « La question de l’inaptitude médicale
dans l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 », op. cit., spéc. p. 44.
1555
P.-Y. Verkindt, « La question de l’inaptitude médicale dans l’ordonnance n° 2017-1387 du 22
septembre 2017 », op. cit., spéc. p. 44.
1556
Ibid.

310
l’introduction d’une procédure d’autorisation judiciaire. C’est d’ailleurs ce dispositif qui avait
cours pour les salariés élus aux fonctions d’administrateur jusqu’en 2013 1557. Pour ces
derniers, la rupture de leur contrat de travail à l’initiative de l’employeur ne pouvait être
prononcée que par le bureau de jugement du conseil des prud’hommes statuant en la forme
des référés. La généralisation de cette autorisation judiciaire pour les deux contentieux
précités susciterait selon nous d’importants inconvénients1558. À juste titre, certains auteurs
remarquent, en effet, qu’ « il est loin d’être établi que les conseils de prud’hommes soient en
mesure de faire face à la charge de travail supplémentaire qui découlerait de cette mise en
place ». À ce premier argument pourrait s’adjoindre celui de la pertinence actuelle du contrôle
opéré par l’autorité administrative. Pour les salariés protégés notamment, l’inspecteur du
travail est en effet habitué à « régler à chaud des problèmes irritants »1559, à mener des
enquêtes contradictoires et bénéficie d’une certaine autorité morale dans les entreprises qu’il
surveille1560. Les difficultés liées à la pluralité juridictionnelle ne semblent dès lors pas
pouvoir être résolues par la suppression de l’intervention de l’autorité administrative, pas plus
d’ailleurs que par l’amenuisement de l’objet de son contrôle.

§2. La réduction discutable du périmètre de contrôle de l’autorité administrative

202. La multiplication des hypothèses d’amenuisement de l’étendue du


contrôle. Comme nous l’avons vu, la confrontation à la pluralité juridictionnelle dépend
directement de l’étendue du contrôle de l’autorité administrative puisque tout ce qui n’entre
pas dans son champ de contrôle peut être contesté devant le juge judiciaire. En d’autres
termes, plus le contrôle de l’autorité administrative s’avère étendu, plus la compétence du

1557
Article L. 225-33 du code de commerce, abrogé par l’article 9 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013
relative à la sécurisation de l’emploi.
1558
Ces difficultés ont été mises en évidence par Messieurs Hubert Rose et Yves Struillou dans leur
ouvrage consacré au droit du licenciement des salariés protégés : H. Rose et Y. Struillou, Droit du
licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll. Droit, n° 31, p. 1457.
1559
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 31, p. 1457. Ces derniers s’appuient sur les arguments avancés par le Procureur général Adolphe
Touffait dans ses conclusions sur les arrêts Perrier : « La procédure spéciale est mieux adaptée qu’une
longue procédure judiciaire pour régler à chaud des problèmes irritants ».
1560
H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll.
Droit, n° 31, p. 1457. Ces derniers s’appuient là encore sur les arguments avancés par le Procureur général
Adolphe Touffait dans ses conclusions sur les arrêts Perrier : « Les inspecteurs … sont rompus à
l’application des lois et des règlements de la législation du travail et possèdent en outre, en général, une
grande autorité morale dans les entreprises qu’ils surveillent… Ils rendent un ‘‘arbitrage social’’ car le
litige à régler est beaucoup plus un conflit social au sein d’une entreprise et qui peut mieux le régler que
l’inspecteur du travail qui connaît personnellement les parties en cause et tous les rouages de l’entreprise
intéressée ».

311
juge judiciaire se trouve limitée, et plus probable est alors la confrontation à la pluralité
juridictionnelle. À ce titre, certains auteurs estiment que « si le principe de la séparation des
pouvoirs a pris une place aussi importante en droit du travail, c’est en raison des difficultés
qu’a fait surgir l’essor du contrôle administratif dans le domaine des licenciements pour motif
économique et des licenciements des salariés protégés » 1561. C’est en effet l’interprétation
extensive des dispositions de la loi du 3 janvier 1975 par la chambre sociale de la Cour de
cassation1562 qui a donné lieu à un enchevêtrement des compétences entre les deux ordres
jusqu’en 1986 dans le contentieux des licenciements pour motif économique1563.
Compte tenu du lien existant entre le contrôle dévolu à l’administration et l’éclatement des
litiges, et dans le but de limiter les hypothèses de double saisine, on pourrait dès lors
envisager de resserrer le champ de contrôle de l’autorité administrative. C’est d’ailleurs dans
cette voie que semblent s’être engagés la chambre sociale de la Cour de cassation et le
Conseil d’État en ce qui concerne le licenciement des salariés protégés. Depuis quelques
années, les Hautes Juridictions s’entendent, en effet, pour ôter du champ de contrôle de
l’inspecteur du travail un certain nombre d’éléments1564. « Le temps n’est plus à la défense
d’un pré carré mais à la définition d’une répartition des compétences entre les juridictions
judiciaires et administratives la plus opérationnelle possible, donc la plus lisible pour les
employeurs et les salariés »1565. Cette politique jurisprudentielle est rendue possible par
l’absence de délimitation précise, que ce soit dans la loi ou dans les textes règlementaires, de
l’objet du contrôle de l’inspecteur du travail. Seul le lien avec le mandat détenu, sollicité ou
antérieurement exercé par l’intéressé est expressément visé dans les textes et constitue le

1561
A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., p. 300.
1562
Pour une critique de cette interprétation extensive, voir : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit.,
p. 301 – Ph. Langlois, « Le labyrinthe infernal du salarié licencié pour motif économique », op. cit. – P.
Tillie, « Licenciements autorisés ; les travailleurs à la recherche d’un juge… un seul (ou en finir avec une
justice qui tourne à vide) », op. cit.
1563
Sur ce point, voir : A. Supiot, Les juridictions du travail, op. cit., n° 304, p. 301. La chambre sociale de
la Cour de cassation considérait que la loi du 3 janvier 1975 avait conféré à l’Administration une plénitude
de pouvoir de contrôle et avait en conséquence estimé les juridictions judiciaires incompétentes pour se
prononcer tant sur la qualification juridique de la décision que sur son opportunité. Ce n’est que sous
l’influence de la jurisprudence du Tribunal des conflits, qui avait affirmé le caractère limité du contrôle
dévolu à l’administration et repoussé la thèse de la plénitude du pouvoir de contrôle de l’administration,
que la Cour de cassation avait finalement étendu son contrôle à toutes les questions qui n’avaient pas fait
l’objet du contrôle administratif.
1564
Le dialogue des juges est en ce domaine nécessaire. Les juridictions des deux ordres doivent en effet
retenir une délimitation identique du champ d’intervention de l’administration du travail, sous peine
d’aboutir à des dénis de justice.
1565
Y. Struillou, « Le nouveau visage de la justice du travail en France », op. cit., spéc. p. 27.

312
noyau dur du contrôle de l’inspecteur du travail1566. En dehors de celui-ci, le Conseil d’État et
la chambre sociale de la Cour de cassation bénéficient en conséquence d’une réelle marge de
manœuvre dans la délimitation des pouvoirs de contrôle de l’inspecteur du travail et peuvent
dès lors influer sur les répartitions de compétences.
Le contentieux de l’inaptitude offre une première illustration de cet amenuisement
« explicite » de l’objet du contrôle. L’administration du travail n’a plus, en effet, à contrôler
la cause de l’inaptitude pour autoriser le licenciement des salariés protégés1567 et c’est au
conseil de prud’hommes qu’il revient de connaître de tous les droits résultant de l’origine de
l’inaptitude, lorsque celle-ci est attribuable à un manquement de l’employeur à ses
obligations1568. L’exclusion de « la cause fautive » du licenciement pour inaptitude du champ
de contrôle de l’inspecteur du travail n’est toutefois pas absolue 1569. Le Conseil d’État
considère en effet que l’inspection du travail ne peut autoriser un licenciement motivé par
l’inaptitude du salarié protégé lorsqu’elle résulte d’une dégradation de l’état de santé en lien
direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives1570.
Ce manque d’uniformité dans l’appréhension des « causes fautives » de licenciement pourrait
surprendre1571. Elle s’explique en réalité par la consécration règlementaire d’un noyau dur du
contrôle de l’inspecteur du travail, précédemment évoquée et qui empêche les juges
d’amputer le contrôle de l’administration sur ce point. Si cette jurisprudence s’avère justifiée

1566
Articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail : « L’inspecteur du travail et, en cas de recours
hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec
le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé ».
1567
CE, 4e et 5e s.-s. r., 20 nov. 2013, n° 340591, Mme C : Dr. soc. 2014, p. 25, concl. G. Dumortier ; JCP
S 2014, 1129, note C. Leborgne-Ingelaere – Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-20.301: Bull. civ., V, n° 286 ;
Dr. soc. 2014, p. 32, rapp. N. Sabotier ; JCP S 2014, 1129, note C. Leborgne-Ingelaere. Conf. : Cass. soc.,
15 avr. 2015, nos 13-21.306 et 13-22.469 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2015, 1258, note P.-Y. Verkindt
(contra : Cass. soc., 17 janv. 2013, n° 11-24.696, inédit).
Sur ces décisions, voir notamment : Y. Struillou, « Le dialogue des juges en matière d’inaptitude physique
du salarié protégé », RJS 2014, p. 71 – Th. Kapp, « Le licenciement d’un salarié protégé inapte dans un
contexte de harcèlement moral », SSL 2014, n° 1614, p. 6 – Ch. Radé, « Le sort du salarié protégé inapte à
la suite d’un harcèlement », Dr. soc. 2014, p. 24 – J. Mouly, « Le licenciement d’un salarié protégé fondé
sur une inaptitude physique consécutive à un harcèlement – Une “cause” à revoir », Dr. soc. 2014, p. 129.
1568
Précisons qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve d’un tel manquement pour pouvoir se
prévaloir des droits résultant de l’origine de l’inaptitude. Tel n’est pas le cas d’une salariée qui invoquait un
harcèlement moral alors même qu’elle avait toujours affirmé que l’origine de l’inaptitude était strictement
physique : Cass. soc., 18 févr. 2016, n° 14-26.706 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1175, note C.
Leborgne-Ingelaere.
1569
Expression empruntée au Professeur Frédéric Géa : F. Géa, « La cause fautive de licenciement (au
miroir des jurisprudences judiciaire et administrative) », op. cit.
1570
CE, avis, 21 sept. 2016, Plessis, n° 396887 : Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 671, obs. Ch. Radé.
1571
En ce sens : Ch. Radé, « Autorisation de licenciement du salarié protégé inapte : deux poids, deux
mesures ! », Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 671. Celui-ci évoque une hiérarchisation des atteintes aux droits
des salariés protégés : « si l’inaptitude prime le harcèlement (arrêt de 2013), l’atteinte au mandat prime
l’inaptitude (cet avis), et avec un peu de malice, on pourrait ajouter que l’atteinte au mandat prime donc le
harcèlement ».

313
au regard des textes, elle n’en demeure pas moins créatrice d’incertitudes pour le justiciable.
L’ajout d’exceptions aux exceptions brouille la lisibilité des répartitions de compétences. En
présence d’une autorisation de licenciement, silencieuse sur un motif d’illégalité, le salarié
pourrait alors hésiter, à juste titre, entre contester la légalité de l’autorisation devant la
juridiction administrative ou saisir la juridiction judiciaire pour qu’elle se prononce sur le
motif non contrôlé par l’inspecteur du travail. Au-delà du risque d’éclatements des litiges,
c’est ainsi le risque de conflits de compétences qui réapparaît ici1572.
Le licenciement pour motif économique d’un salarié protégé fournit également deux autres
illustrations de la limitation du champ de contrôle de l’inspecteur du travail1573. Le Conseil
d’État a en effet estimé que l’inspecteur du travail n’avait pas à rechercher les éventuelles
faute ou légèreté blâmable commises par l’employeur pour autoriser le licenciement d’un
salarié protégé provenant d’une cessation d’activité1574. Le juge judiciaire, compétent pour se
prononcer sur l’existence de cette faute ou légèreté blâmable, semble dès lors pouvoir statuer
sur le bien-fondé du licenciement, comme pour les salariés ordinaires 1575 . Lorsque le
licenciement pour motif économique d’un salarié protégé intervient après autorisation du juge
commissaire dans le cadre d’un redressement judiciaire, la chambre sociale de la Cour de

1572
Nous avions précédemment souligné que l’identification de la compétence de la juridiction
administrative pour le contentieux des salariés protégés n’était pas délicate compte tenu de la nature
administrative des autorisations de licenciements de l’inspecteur du travail (voir : supra, n° 162). Il ne
s’agit pas ici de remettre en cause une telle analyse mais de démontrer que l’absence de délimitation
précise du champ de contrôle de l’inspecteur du travail peut brouiller la lisibilité des répartitions de
compétences entre les deux ordres.
1573
Précisons qu’avant la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, l’inspecteur du travail
n’avait pas davantage à apprécier la validité du plan de sauvegarde de l’emploi pour autoriser le
licenciement économique d’un salarié protégé. Le contentieux relevait dès lors du juge judiciaire (voir
notamment : Cass. soc., 25 juin 2003, nos 01-43.717 et 01-44.722 : Bull. civ., V, n° 207 ; D. 2004, p. 179,
obs. B. Reynès). Le Conseil d’État et la Cour de cassation viennent récemment de confirmer cette
répartition des compétences dans des affaires où les faits étaient justement antérieurs à la loi du 14 juin
2013 précitée : CE, 4e et 5e s.-s. r., 25 févr. 2015, n° 375590 : SSL 2015, n° 1670, p. 10, obs. Th. Kapp ;
JCP S 2015, 1301, note J.-Y. Kerbourc’h et Cass. soc., 29 sept. 2015, n° 14-12.157, inédit. Le contrôle de
la validité du plan de sauvegarde de l’emploi relève désormais des Direccte, sous le contrôle du juge
administratif. Voir : supra, n° 193 et n° 197 et suiv.
1574
CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, n° 348559 : AJDA 2013, p. 769, obs. M.-C. de Montecler ; RDT 2013,
p. 394, concl. G. Dumortier ; RDT 2013, p. 406, chron. T. Sachs ; SSL 2013, n° 1582, p. 10, obs. F.
Champeaux. Pour une critique de cette jurisprudence voir : F. Géa, « La cause fautive du licenciement (au
miroir des jurisprudences judiciaires et administratives) », op. cit. Confirmation implicite par : CE, 4e et 5e
s.-s. r., 22 mai 2015, nos 371061 et 375897 : AJDA 2016, p. 1513, note M. Pestka ; Lexbase Hebdo éd. S
2015, n° 615, obs. M. Gadrat. Sur ce point, voir également : M. Gadrat, « Le contrôle administratif du
licenciement d’un salarié protégé fondé sur la cessation d’activité », Dr. soc. 2015, p. 602.
1575
Le licenciement des salariés ordinaires dans une telle hypothèse est en effet privé de cause réelle et
sérieuse. Cass. soc., 16 janv. 2001, n° 98-44.647 : Bull. civ., V, n° 10. Sur cet arrêt voir : J. Savatier, « La
cessation d’activité de l’entreprise, motif économique de licenciement », Dr. soc. 2001, p. 413.
Certains estiment d’ailleurs que le licenciement d’un salarié protégé résultant de telles fautes est nul. En ce
sens, voir : M. Gadrat, « Le contrôle administratif du licenciement d’un salarié protégé fondé sur la
cessation d’activité », Dr. soc. 2015, p. 602, spéc. p. 610.

314
cassation a également admis la compétence du conseil de prud’hommes pour apprécier la
régularité de l’ordonnance du juge commissaire 1576 . Revenant sur sa jurisprudence
antérieure1577, elle a considéré que l’appréciation de la régularité de l’ordonnance du juge
commissaire entrait dans la compétence du juge judiciaire puisque le Conseil d’État avait
estimé que l’administration n’avait pas à discuter du caractère économique du licenciement ni
de la régularité de l’ordonnance du juge commissaire dans le cadre de son contrôle1578. À
l’instar des salariés ordinaires, les salariés protégés n’ont dès lors qu’à saisir le conseil de
prud’hommes lorsqu’ils souhaitent contester le bien-fondé de leur licenciement en se fondant
sur l’irrégularité de l’ordonnance du juge commissaire1579.
La question du contrôle, par l’inspecteur du travail, de l’existence d’un coemploi n’a, en
revanche, pas été définitivement tranchée. La Cour de cassation a, certes, considéré que la
juridiction prud’homale était compétente pour connaître de la demande relative à l’existence
d’un coemploi par un salarié protégé 1580, mais elle ne semble pas lui avoir reconnu une
compétence exclusive sur ce point1581. Les faits de l’espèce étaient en effet particuliers
puisque l’autorité administrative ne s’était pas prononcée sur l’existence d’un coemploi. Il
paraît dès lors plus prudent d’attendre que le Conseil d’État se positionne expressément avant
d’affirmer l’amenuisement du contrôle administratif en ce domaine1582. La réponse à une telle
question est d’autant plus délicate qu’elle semble liée à la conception que l’on retient du
coemploi. Or, sur ce point, force est de constater que la doctrine est loin d’être unanime
lorsqu’il s’agit de caractériser un coemploi sans démontrer un quelconque lien de

1576
Cass. soc., 23 mars 2016, n° 14-22.950 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP S 2016, 1179, note L. Fin-
Langer ; JSL 2016, n° 409, p. 11, obs. H. Tissandier ; RDT 2016, p. 263, note A. Fabre ; Lexbase Hebdo éd.
S 2016, n° 651, obs. M. Galy.
1577
Cass. soc., 14 févr. 2007, n° 05-40.213 : Bull. civ. V, n° 23 ; Dr. soc. 2007, p. 557, rapp. P. Bailly ; Dr.
soc. 2007, p. 561, note P.-Y. Verkindt ; JCP S 2007, 1319, note L. Dauxerre.
1578
CE, 4e et 5e s.-s. r., 3 juill. 2013, n° 361066 : RDT 2013, p. 551, concl. G. Dumortier. Conf. : CE, 4e et
e
5 s.-s. r., 21 oct. 2015, n° 382633 : SSL 2016, n° 1712, p. 11, obs. S. Dumas et G. Charent.
1579
Cass. soc., 5 oct. 2004, n° 02-42.111 : Bull. civ., V, n° 244 – Cass. soc., 12 juin 2007, n° 05-45.669,
inédit : RDT 2007, p. 522, note Ph. Waquet.
1580
Cass. soc., 30 sept. 2015, n° 13-27.872 : Bull. civ., V, à paraître ; JCP E 2015, 1559, note Y. Pagnerre ;
JCP S 2015, 1414, note G. Loiseau.
1581
Également en ce sens : G. Loiseau, « Le coemploi : une compétence réservée du juge judiciaire », JCP
S 2015, 1414, spéc. p. 41 : « Le motif de cassation laisse entendre que, si la question avait été réglée dans la
décision administrative, l’autorité judiciaire n’aurait pas été compétente pour apprécier la demande relative
à l’existence d’un coemployeur ».
1582
Affirmant toutefois la compétence exclusive du conseil de prud’hommes pour statuer sur l’existence
d’un coemploi, voir toutefois : Y. Pagnerre, « Le coemploi à l’épreuve du droit des contrats et du droit
processuel : de l’incompétence de l’Administration à reconnaître un coemploi », op. cit., spéc. p. 26 : « La
nature du coemploi en tant que technique juridique permettant de déterminer si le contrat de travail est
multilatéral et les obligations solidaires ou conjointes justifie que la compétence, en cas de contentieux
relève exclusivement du conseil de prud’hommes ». Plus récemment, voir : Y. Pagnerre, « Reconnaissance
du coemploi et autorisation administrative de licenciement », JCP E 2015, 1559.

315
subordination entre le supposé coemployeur et les salariés. Les auteurs se divisent tant sur les
critères du coemploi que sur ses effets. Alors que certains estiment qu’il faudrait cantonner le
coemploi à « l’abus de la personnalité morale »1583, autrement dit aux seules hypothèses de
fictivité de la personne morale employeur1584, d’autres considèrent que le coemploi n’est ni
réductible à la fictivité ni nécessairement fautif et qu’il peut être reconnu en cas de fictivité,
de confusion des patrimoines mais également d’immixtion dans la relation contractuelle d’un
autre employeur révélant une confusion de directions1585. Sur les effets ensuite, d’aucuns
confèrent au coemploi une nature contractuelle 1586 , tandis que d’autres présentent le
coemployeur comme « un employeur de fait non contractuel » 1587. Pour ces derniers, si le
coemploi permet d’identifier un nouveau débiteur « des obligations que la loi attache à la
qualité d’employeur et comptables, à l’égard des salariés, des conséquences de leur
inexécution »1588, le coemployeur ne peut en revanche être tenu des obligations liées à
l’exécution du lien contractuel de travail1589. De telles divergences doctrinales n’ont en réalité
qu’une faible incidence sur la question qui nous préoccupe actuellement puisque les auteurs
semblent s’accorder sur l’imputation au coemployeur des obligations légales de

1583
G. Auzero, « Le coemploi sous le regard du juge administratif », SSL 2016, n° 1744, p. 10, spéc. p. 13.
Plus largement sur cette question, voir : G. Auzero, « Coemploi : en finir avec les approximations », op. cit.
et G. Auzero, « La nature juridique du lien de coemploi », SSL 2013, n° 1600, p. 8.
1584
En dehors de cette hypothèse, ce sont les critères du lien de subordination qui doivent être remplis : G.
Auzero, « Coemploi : en finir avec les approximations », op. cit., spéc. p. 30.
1585
Y. Pagnerre, « De la fictivité comme critère du coemploi : ‘‘certes mais pas que…’’ », op. cit. Dans cet
article, l’auteur vise également l’hypothèse de l’immixtion dans la relation contractuelle d’un autre
employeur révélant un double lien de subordination. Mais dans ce cas, il s’agit d’envisager le coemploi
traditionnel, fondé sur la démonstration d’un lien de subordination.
1586
G. Auzero, « Coemploi : en finir avec les approximations », op. cit., spéc. p. 28 et Y. Pagnerre,
« Coemployeur : tiers ou partie au contrat de travail ? », op. cit. Si les Professeurs Gilles Auzero et Yannick
Pagnerre s’accordent sur la nature contractuelle du coemploi, ils s’opposent toutefois sur d’autres points.
Alors que pour le premier, le coemployeur devient l’unique employeur (« la personne morale initialement
partie au contrat de travail se trouve écartée de la scène juridique, que ce soit en conséquence de sa nullité
ou de son inopposabilité » : G. Auzero, « Le coemploi sous le regard du juge administratif », op. cit. spéc.
p. 13 – G. Auzero, « Les effets avérés et à venir du coemploi », JCP S 2013, 1440), pour le second le
coemploi donne lieu à « la reconnaissance d’un contrat multilatéral contenant des obligations plurales à
sujets multiples, conjointes ou solidaires » (Y. Pagnerre, « Le coemploi à l’épreuve du droit des contrats et
du droit processuel : de l’incompétence de l’Administration à reconnaître un coemploi », op. cit.).
1587
La théorie contractuelle du coemploi est vivement critiquée par le Professeur Grégoire Loiseau. Voir
entre autres : G. Loiseau, « Le coemploi : une compétence réservée du juge judiciaire ? », op. cit. – G.
Loiseau, « L’identification des effets du coemploi », JCP S 2013, 1439 – G. Loiseau « Coemploi et groupes
de sociétés », JCP S 2011, 1528.
1588
G. Loiseau, « Le coemploi : une compétence réservée du juge judiciaire ? », op. cit., spéc. p. 42.
1589
G. Loiseau, « L’identification des effets du coemploi », op. cit., spéc. p. 23. Seul l’employeur de droit
demeure le débiteur de ces obligations. Dès lors, on ne saurait par exemple demander à l’employeur de fait
non contractuel le paiement des salaires, la fourniture d’un travail ou encore le bénéfice de sa convention
collective.

316
l’employeur 1590. Dès lors, même si le contentieux a été jusqu’à présent essentiellement
indemnitaire et qu’il s’agissait surtout de trouver un débiteur solvable qui supporterait les
conséquences financières du licenciement, il n’est pas exclu d’envisager la possibilité
d’invoquer un coemploi avant la rupture du contrat de travail, à titre préventif. Nous
rejoignons ainsi les auteurs qui considèrent que l’existence d’un coemploi devrait pouvoir être
discutée devant l’autorité administrative que ce soit d’ailleurs pour le licenciement du salarié
protégé ou pour la régularité du plan de sauvegarde de l’emploi1591.
Cette analyse ne semble toutefois pas partagée par le Conseil d’État qui a « récemment sonné
le glas de la notion de coemploi dans les affaires sur les plans de sauvegarde de l’emploi »1592.
Il a, sur ce point, suivi la position du rapporteur public qui considérait qu’en amont des
licenciements, il n’était pas question de savoir s’il existait deux coemployeurs, mais si la
personne morale qui avait établi le plan de sauvegarde de l’emploi n’était pas fictive et s’il
s’agissait bien de la bonne entité1593. Désormais, dans le cadre de son contrôle, le Direccte
doit dès lors s’assurer que la personne morale employeur n’est pas transparente, sans avoir à
recourir à la notion de coemploi1594. Cette jurisprudence témoigne en réalité de la souscription
du Conseil d’État à une certaine conception du coemploi : celle de la pluralité des
employeurs 1595. Or, comme nous l’avons vu, cette interprétation n’est pas partagée par
l’ensemble de la doctrine1596. Si l’on considère en effet que le coemploi est la sanction de la
fictivité, les notions de personne morale transparente et de coemploi renvoient à la même
chose puisqu’il s’agit de révéler « le véritable employeur »1597. Resterait alors à déterminer
dans une telle hypothèse la compétence résiduelle du juge judiciaire. Une telle question se

1590
Il en résulte notamment que le motif de licenciement, la régularité du plan de sauvegarde de l’emploi
ou encore le respect de l’obligation de reclassement doivent être appréciés en tenant également compte de
la situation du coemployeur.
1591
G. Auzero, « Le coemploi sous le regard du juge administratif », SSL 2016, n° 1744, p. 10, spéc. p. 13 –
G. Loiseau, « Le coemploi : une compétence réservée du juge judiciaire ? », op. cit. Contra : Y. Pagnerre,
« Reconnaissance du coemploi et autorisation administrative de licenciement », op. cit., spéc. p. 55. En ce
sens également : R. Vatinet, « Sur le devenir des contentieux des PSE », JCP S 2013, 1210, spéc. p. 71.
1592
Pour reprendre les propos de Madame Françoise Champeaux (SSL 2016, n° 1744, p. 5). CE, 4e et 5e ch.
réun., 17 oct. 2016, n° 386306, Sté G. Participations : SSL 2016, n° 1744, p. 6, concl. S.-J. Lieber ; SSL
2016, n° 1744, p. 10, note G. Auzero ; BJS 2017, p. 45, note G. Dedessus-Le-Moustier.
1593
Conclusions du rapporteur public Sophie-Justine Lieber, reproduites dans : SSL 2016, n° 1744, p. 6,
spéc. p. 7. Plus largement sur recours à la technique de l’association « transparente » par le Conseil d’État,
voir : M. Carius, « Personnes publiques et coemploi », Dr. soc. 2017, p. 57.
1594
Conclusions du rapporteur public Sophie-Justine Lieber, reproduites dans SSL 2016, n° 1744, p. 6,
spéc. p. 7. Pour une critique du recours à une énième notion, voir : P. Morvan, Restructurations en droit
social, op. cit., note 129, p. 1092.
1595
Comme nous l’avons vu, cette vision est partagée par les Professeurs Grégoire Loiseau et Yannick
Pagnerre. Toutefois, tandis que le premier voit dans le coemployeur un employeur de fait non contractuel,
le second le considère comme un employeur contractuel.
1596
Comme nous l’avons vu, cette vision est défendue par le Professeur Gilles Auzero.
1597
En ce sens : G. Auzero, « Le coemploi sous le regard du juge administratif », op. cit., spéc. p. 13.

317
pose en réalité dès à présent. En effet, si l’on considère que le coemploi n’est pas réductible à
l’hypothèse de la fictivité, il n’y est toutefois pas étranger et les notions de coemploi et de
personne morale transparente peuvent avoir des points de contact. Dès lors, sauf à envisager
que la Cour de cassation renonce à la notion de coemploi1598, il lui reviendra de préciser
l’articulation de ces interventions. Dans le but de clarifier les répartitions de compétences
entre les deux ordres, on peut penser que la technique d’amenuisement du contrôle de
l’autorité administrative sera, peut-être, encore une fois, privilégiée par les deux Hautes
Juridictions1599.

203. Les inconvénients de l’amenuisement du champ de contrôle. La


clarification des compétences résultant de l’amenuisement du champ de contrôle de l’autorité
administrative se réalise en réalité au prix d’un certain nombre d’inconvénients.
Cette réduction peut en effet conduire l’inspecteur du travail à autoriser un licenciement
injustifié ou frappé de nullité en application du code du travail1600. Rappelons en effet que le
licenciement d’un salarié dont l’inaptitude proviendrait d’un manquement de l’employeur à
ses obligations1601, le licenciement économique d’un salarié pour cessation d’activité résultant
d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur ou encore le licenciement économique
d’un salarié autorisé par une ordonnance du juge commissaire irrégulière sont privés de cause
réelle et sérieuse1602.

1598
G. Loiseau, « Le coemploi mort ou vif », op. cit. Ce dernier souhaite « revenir à une définition
restrictive du coemploi, ce qui implique de remettre au cœur de cette notion l’existence d’un lien de
subordination entre le salarié et ses deux coemployeurs ». Dans les hypothèses d’abus de domination
économique dans les relations intra-groupe et compte tenu de la menace d’instabilité qu’entraîne le
coemploi « contemporain », il semble préférable de recourir à la technique de la responsabilité civile pour
faute.
1599
En multipliant les moyens de contestation relevant du juge judiciaire, on limite d’autant les hypothèses
dans lesquelles le salarié se trouve contraint de saisir la juridiction administrative.
1600
En ce sens, voir : Ch. Radé, « Le sort du salarié protégé inapte à la suite d’un harcèlement », op. cit. ;
G. Dumortier, « L’administration doit-elle vérifier que l’inaptitude du salarié protégé n’a pas été causée par
un harcèlement ? – Conclusions (contraires) du rapporteur public », Dr. soc. 2014, p. 25 ; J. Mouly, « Le
licenciement d’un salarié protégé fondé sur une inaptitude physique consécutive à un harcèlement – Une
“cause” à revoir », op. cit., spéc. p. 132 ; F. Géa, « La cause fautive du licenciement (au miroir des
jurisprudences judiciaires et administratives) », op. cit., spéc. p. 437.
1601
Le licenciement d’un salarié pour inaptitude résultant de faits de harcèlement a été déclaré sans cause
réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 déc. 2007, n° 06-45.818 : Bull. civ., V, n° 209). Précisons toutefois qu’en
application des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail, la sanction d’un tel licenciement devrait
être la nullité. La Cour de cassation estime en effet « qu’il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du
code du travail que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des
agissements répétés de harcèlement moral est nul » (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69.444 : Bull. civ., V,
n° 168).
1602
Comme nous l’avons vu, la question du contrôle par l’autorité administrative de l’existence d’un
coemploi, n’a pas été définitivement tranchée, que ce soit pour le salarié protégé ou pour le plan de
sauvegarde de l’emploi. Pour le premier, le juge administratif ne s’est, à notre connaissance, jamais

318
Certains auteurs se sont en outre inquiétés des conséquences indemnitaires de l’amputation du
contrôle pour le salarié 1603 . Si l’on prend l’exemple de l’inaptitude provenant d’un
harcèlement moral, on pourrait en effet craindre qu’en déconnectant la cause du licenciement
de l’éventuelle faute commise par l’employeur1604, le salarié ne puisse – à la différence des
salariés ordinaires – obtenir la réparation du préjudice né du licenciement injustifié et n’ait
droit qu’à la réparation du seul préjudice né du harcèlement moral1605. De telles inquiétudes
méritent en réalité d’être apaisées dans la mesure où la Cour de cassation, en réponse au refus
par le Conseil d’État de contrôler la cause de l’inaptitude, a admis que le salarié puisse faire
valoir « l’ensemble des droits découlant de l’origine de l’inaptitude ». Au-delà de la
réparation du préjudice résultant du harcèlement moral1606, le salarié semble dès lors pouvoir
obtenir la nullité de son licenciement en application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du
code du travail1607 et, à l’instar des autres salariés victimes d’un licenciement nul, une
indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et
au moins égale à l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 al 2 du code du travail1608. Seul
l’octroi de l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur semble exclu puisque
celle-ci n’est due qu’au salarié protégé licencié sans autorisation ou dont la demande de

prononcé. Pour le second, l’exclusion récente du recours à la notion de coemploi par le Conseil d’État
n’implique pas nécessairement un amenuisement du contrôle de l’autorité administrative sur ce point. Il
n’est pas, en effet, à exclure que les deux notions renvoient en réalité à la même chose. En revanche, si le
coemploi devait être définitivement ôté du champ de contrôle de l’autorité administrative, les
développements ultérieurs pourraient s’appliquer au coemploi.
1603
J. Mouly, « Le licenciement d’un salarié protégé fondé sur une inaptitude physique consécutive à un
harcèlement – Une “cause” à revoir », op. cit., spéc. p. 135 – Th. Kapp, « Le licenciement d’un salarié
protégé inapte dans un contexte de harcèlement moral », op. cit.
1604
Le Professeur Frédéric Géa estime à ce titre que la « notion de cause fautive [est] dépecée » : F. Géa,
« La cause fautive du licenciement (au miroir des jurisprudences judiciaires et administratives) », op. cit.,
spéc. p. 438.
1605
Cet argument était notamment avancé par le rapporteur public Gaëlle Dumortier : G. Dumortier,
« L’administration doit-elle vérifier que l’inaptitude du salarié protégé n’a pas été causée par un
harcèlement ? – Conclusions (contraires) du rapporteur public », op. cit., spéc. p. 27.
1606
Sur la recevabilité d’une telle demande, voir : Cass. soc. 15 nov. 2011, n° 10-10.687 : Bull. civ., V, n°
259 : Dr. soc. 2012, p. 103, obs. Ch. Radé ; JCP S 2011, act. 474 S. Miara. La demande en nullité du
licenciement avait au contraire été repoussée le même jour par la Cour de cassation : Cass. soc., 15 nov
2011, n° 10-18.417 : Bull. civ., V, n° 260 ; Dr. soc. 2012, p. 103, obs. Ch. Radé ; JCP S 2011, act. 473 S.
Miara.
1607
En ce sens : Y. Struillou, « Le dialogue des juges en matière d’inaptitude physique du salarié protégé »,
op. cit., spéc. p. 72. Dans cette hypothèse, la nullité prendrait certainement, selon lui, une forme
indemnitaire en lieu et place de la réintégration devenue impossible. À notre connaissance, la sanction de la
nullité ne semble pas avoir été déjà prononcée par la juridiction judiciaire. Sur ce point et parmi les
jurisprudences les plus récentes, voir notamment : Cass. soc., 29 juin 2017, n° 15-15.775 : Bull. civ., V, à
paraître – Cass. soc., 15 avr. 2015, nos 13-21.306 et 13-22.469, publié : JCP S 2015, 1258, note P.-Y.
Verkindt ; RDT 2015, p. 541, obs. M. Kocher ; Dr. soc. 2015, p. 559, obs. J. Mouly.
1608
Cass. soc., 27 juin 2000, n° 98-43.439, Renou : Bull. civ., V, n° 250.

319
résiliation judiciaire ou la prise d’acte ont été considérées comme justifiées 1609. Si les
conséquences indemnitaires pour le salarié semblent finalement assez similaires, une
différence, et non des moindres, réside toutefois dans la possibilité pour le salarié de
poursuivre son contrat de travail. L’amenuisement du contrôle de l’inspecteur du travail
empêche en effet ce dernier de s’opposer au prononcé du licenciement des salariés protégés
dans de telles hypothèses. Rappelons en outre que l’annulation de l’éventuelle autorisation de
licenciement aurait également permis au salarié protégé de réintégrer l’entreprise et d’obtenir
ainsi la poursuite de son contrat de travail1610.
Si les inconvénients de l’amenuisement du contrôle viennent d’être mis en évidence, ils
méritent cependant d’être mis en perspective avec ceux induits par la position inverse. Retenir
une vision extensive de l’objet du contrôle de l’inspection du travail aurait en effet pour
conséquence d’accroître un peu plus les hypothèses de confrontation du salarié à la pluralité
juridictionnelle1611. Le contrôle systématique, par l’inspecteur du travail, de l’ensemble des
manquements de l’employeur (voire du coemployeur) à ses obligations se serait en outre
avéré techniquement impossible, ce qui aurait multiplié encore davantage les hypothèses de
confrontation. Il n’est, par ailleurs, pas certain que le salarié soit toujours en mesure de se
prévaloir de certains manquements ou de l’existence d’un coemploi dès la phase d’enquête
contradictoire.

204. L’impasse du contrôle « variable ». Face aux inconvénients respectifs du


contrôle extensif et du contrôle amputé, on pourrait reprendre à notre compte une proposition
formulée par le rapporteur public du Conseil d’État dans ses conclusions de l’affaire sur le
contrôle de la cause fautive du licenciement d’un salarié inapte1612. Celui-ci avait en effet
préconisé de faire dépendre le contrôle de l’inspecteur du travail du comportement du salarié
pendant la phase d’enquête contradictoire préalable à la décision administrative 1613. On
pourrait, sur cette base, envisager que lorsque le salarié impute l’inaptitude à des faits de
harcèlement ou de discrimination, invoque l’irrégularité de l’ordonnance du juge
commissaire, se prévaut de l’existence d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur

1609
Sur ces indemnités, voir : supra, n° 194.
1610
Voir : supra, n° 195.
1611
En faisant entrer expressément un élément dans le champ du contrôle de l’inspecteur du travail, on
oblige en effet le salarié à saisir la juridiction administrative en cas de contestation.
1612
G. Dumortier, « L’administration doit-elle vérifier que l’inaptitude du salarié protégé n’a pas été causée
par un harcèlement ? – Conclusions (contraires) du rapporteur public », op. cit. Également en faveur de ce
contrôle « variable », voir : Ch. Radé, « Autorisation de licenciement du salarié protégé inapte : deux poids,
deux mesures ! », op. cit.
1613
Article R. 2421-4 du code du travail.

320
à l’origine de la cessation d’activité ou encore argue de l’existence d’un coemploi,
l’inspecteur doit prendre en compte ces allégations dans son contrôle. À l’inverse, lorsque le
salarié protégé n’invoque aucun de ces éléments durant la phase d’enquête contradictoire, il
doit pouvoir les contester directement devant le juge judiciaire en même temps que la
contestation du licenciement autorisé1614. En d’autres termes, il est ici proposé que le noyau
dur du contrôle dévolu à l’inspecteur du travail – l’existence d’un lien avec le mandat détenu,
sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé – persiste, mais qu’au-delà, le champ du
contrôle puisse varier en fonction des éléments invoqués par le salarié durant la phase
d’enquête.
Une telle proposition pourrait tout à fait être transposée à l’hypothèse de l’homologation du
document unilatéral ou de la validation de l’accord majoritaire. Si l’existence d’un coemploi
n’entre pas expressément dans l’objet du contrôle dévolu au Direccte, elle devrait selon nous
être contrôlée par ce dernier lorsque les syndicats, le comité d’entreprise ou les salariés l’en
informent en cours de procédure1615. On pourrait, sur ce point, nous opposer l’argument des
délais, qualifiés par certains de « draconiens »1616, qui empêcheraient l’autorité administrative
de procéder à un tel contrôle. Ce serait toutefois oublier que l’instruction ministérielle n°
2013-10 du 26 juin 2013 invite l’administration à engager le dialogue avec les entreprises dès
la notification de l’ouverture d’une négociation ou du projet de licenciement1617. Il serait dès
lors exagéré de considérer que l’administration dispose d’un délai seulement compris entre
quatre et vingt et un jours pour se prononcer sur le projet de restructuration1618.
Ce contrôle « variable » présente donc l’avantage de clarifier les répartitions de compétences
entre les deux ordres et de limiter le risque de conflits de compétences. Au-delà du noyau dur
de contrôle, délimité par la loi ou le pouvoir règlementaire, le contrôle dépendrait en effet des
moyens invoqués par les parties et ne serait dès lors pas aléatoire. Un tel contrôle ne
solutionnerait toutefois pas le risque d’éclatements des litiges. Pour s’en convaincre, peut être
pris l’exemple d’un salarié protégé, déclaré inapte et qui déciderait d’invoquer, directement
devant l’autorité administrative, l’existence d’un harcèlement moral à l’origine de
1614
Également en ce sens : Ch. Radé, « Autorisation de licenciement du salarié protégé inapte : deux poids,
deux mesures ! », op. cit.
1615
Sous réserve que la Cour de cassation n’abandonne pas le recours à la notion de coemploi ! Sur les
débats doctrinaux relatifs au coemploi, voir : supra, n° 202.
1616
C. Taillandier, « Il était une fois… », op. cit.
1617
Instruction DGEFP n° 2013-10 du 26 juin 2013 relative aux orientations pour l’exercice des nouvelles
responsabilités des Direccte dans les procédures de licenciement économique collectif, p. 2. Sur ce point,
voir également : G. Couturier, « Le droit du licenciement dans la loi Macron », op. cit., spéc. p. 823.
1618
D’ailleurs, en pratique il incombe déjà au Direccte de s’assurer que l’employeur n’est pas une
« personne morale transparente » depuis l’arrêt du Conseil d’État : CE, 4e et 5e ch. réun., 17 oct. 2016, n°
386306, Sté G. Participations, op. cit. Voir : supra, n° 202.

321
l’inaptitude. Dans l’hypothèse où l’autorisation de licenciement serait malgré tout délivrée, le
salarié serait en effet contraint de saisir la juridiction administrative, préalablement au conseil
de prud’hommes, pour contester le bien-fondé de son licenciement. Avec le contrôle
« variable », la confrontation à la pluralité juridictionnelle ne disparaîtrait donc aucunement.
Face à ce risque d’éclatement du litige, certains justiciables pourraient en outre être incités à
ne pas invoquer ce moyen devant l’autorité administrative, pour n’avoir qu’à saisir une seule
juridiction par la suite. Certains auteurs ont en effet mis en évidence de quelle manière les
répartitions de compétences pouvaient entrainer une modification « des comportements
procéduraux »1619.

205. Le recours nécessaire à un bloc de compétences. Les différentes impasses


auxquelles conduisent les précédentes propositions ne sont en réalité que le révélateur des
difficultés intrinsèques à la pluralité juridictionnelle et confirment l’émergence impossible
d’un pluralisme juridictionnel en ce domaine. Face à ce constat, la voie unitaire semble
s’imposer1620. La constitution de blocs de compétences au profit du juge judiciaire, que ce soit
pour le contentieux des salariés protégés ou celui des plans de sauvegarde de l’emploi1621,
permettrait en effet de consacrer le contrôle « variable » précédemment évoqué, sans risque
que les salariés ne soient influencés par la crainte d’être exposés à la pluralité juridictionnelle.

1619
C. Bléry, « La notion de spécialisation », op. cit., spéc. p. 22. Cette dernière critique la spécialisation
géographique en ce qu’elle éloigne la justice du justiciable et qu’elle peut contribuer à une modification
« des comportements procéduraux ». Elle cite notamment le cas d’un plaideur et de son avocat qui, suite à
la spécialisation de l’action en contrefaçon à Rennes, pourraient être tentés d’agir dans le cadre d’une
action en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Caen.
1620
Certains auteurs se sont d’ailleurs déjà prononcés en faveur de la constitution d’un bloc de compétences
que ce soit pour le contentieux des salariés protégés (H. Rose et Y. Struillou, Droit du licenciement des
salariés protégés, 5e éd., Économica 2015, coll. Droit, n° 34, p. 1459) ou pour celui du plan de sauvegarde
de l’emploi (C. Taillandier, « Il était une fois… », op. cit., spéc. p. 88). La création d’un bloc de
compétences en matière économique était également souhaitée par le président de la chambre sociale de la
Cour de cassation : « on peut regretter que l’occasion n’ait pas été saisie de réorganiser le contentieux
judiciaire des plans sociaux par un regroupement et une spécialisation des juridictions civiles appelées à se
prononcer sur les licenciements économiques collectifs » (extrait de la contribution annexée au rapport de
la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, p. 183).
1621
La création d’un bloc de compétences n’est envisagée dans les développements qu’à l’égard des seuls
contentieux de la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé, de l’homologation du document
unilatéral et de la validation d’un accord majoritaire. L’entrée en vigueur des dispositions relatives à « la
rupture conventionnelle collective », créée par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à
la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, nécessitera certainement de créer également un
bloc de compétences en ce domaine. L’ordonnance prévoit en effet la possibilité qu’un accord collectif
détermine le contenu d’une rupture conventionnelle collective. Or, cet accord devra être validé par
l’autorité administrative dans les mêmes conditions que l’accord collectif majoritaire contenant le plan de
sauvegarde de l’emploi et autorisé pour les salariés protégés. Les développements relatifs à la création d’un
bloc de compétences pour le plan de sauvegarde de l’emploi et pour les salariés protégés semblent dès lors
tout à fait transposables.

322
Une telle proposition suppose toutefois de s’assurer que l’absence de pluralisme
juridictionnel, au sens où nous l’entendons, corresponde bien aux critères posés par le Conseil
constitutionnel pour déroger aux répartitions constitutionnelles de compétences. La
constitution de blocs de compétences entre les ordres juridictionnels est en effet soumise à un
certain nombre de conditions.

323
Chapitre 2. Une confrontation légitimant la création de blocs de
compétences

206. Le défaut de pluralisme comme justificatif de l’unité juridictionnelle. La


mise en évidence des difficultés inhérentes à la pluralité de juridictions révèle le caractère
circonscrit du pluralisme juridictionnel entre les ordres et la nécessité d’envisager la création
de blocs de compétences. Il ne s’agit pas ici de procéder à de simples aménagements à
l’accessoire – en autorisant notamment des prorogations de compétences – mais d’opérer de
véritables transferts de compétences au principal. Or, sur ce point, la latitude du législateur
s’avère encadrée. Le Conseil constitutionnel a en effet découvert un principe fondamental
reconnu par les lois de la République, selon lequel « l’annulation et la réformation des
décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique relèvent de la
juridiction administrative », et n’a autorisé le législateur à y déroger qu’à certaines
conditions1622. Avant de proposer l’unité contentieuse, il convient dès lors de s’assurer de
l’adéquation des critères de constitution des blocs de compétences avec les critères négatifs
du pluralisme juridictionnel. Une telle étude se révèlera particulièrement fructueuse ; les
conditions du pluralisme apparaissent en effet plus restrictives que celles attachées au
qualificatif de « bonne administration de la justice » auquel le conseil constitutionnel se réfère
pour autoriser la création de blocs de compétences. L’absence de pluralisme semble en
conséquence pouvoir légitimer l’unification contentieuse au sein du dualisme juridictionnel.

Plan
Section 1. Une création soumise à conditions dans le dualisme juridictionnel
Section 2. Une création justifiée par l’absence de pluralisme juridictionnel

1622
Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, Conseil de la concurrence : AJDA 1987, p. 345, note J.
Chevallier, Rev. dr. publ. 1987, p. 1341, note Y. Gaudemet ; RFDA 1987, p. 287, comm. B. Genevois. Sur
ce PFRLR, voir notamment : G. Vedel, « La loi des 16-24 août 1790 : Texte ? Prétexte ? Contexte ? »,
RFDA 1990, p. 698. Certains reprochent au Conseil constitutionnel de ne pas s’être fondé dans cette
décision sur des dispositions constitutionnelles, figurant dans les Constitutions de 1791 et de l’an III, et qui
allaient dans le même sens : J.-L. Mestre « A propos du fondement constitutionnel de la compétence de la
juridiction administrative », RFDA 2012, p. 339.

325
Section 1. Une création soumise à conditions dans le dualisme juridictionnel

207. Les blocs de compétences : une création soumise à conditions.


L’interprétation à donner à la décision Conseil de la Concurrence divise la doctrine : certains
y voient une consécration de « l’existence constitutionnelle de la dualité de juridictions »1623,
quand d’autres considèrent que la décision n’empêche aucunement la suppression du
dualisme juridictionnel1624. Revenir sur cette opposition doctrinale s’avère essentiel pour
déterminer dans quelle mesure la découverte du principe général du droit précité constitue un
obstacle à la création de blocs de compétences entre les ordres. Cette étude permettra de
démontrer la réalité de l’obstacle, tout en révélant les dérogations admises par le Conseil
constitutionnel.

Plan
Paragraphe 1. L’obstacle de la réserve constitutionnelle de compétence
Paragraphe 2. Des dérogations admises par le Conseil constitutionnel

§1. L’obstacle de la réserve constitutionnelle de compétence

208. Un obstacle lié à l’existence de la juridiction administrative. Si la décision


Conseil de la concurrence est souvent présentée comme ayant consacré le dualisme
juridictionnel 1625 , cette analyse n’est pas partagée par l’ensemble des auteurs. Certains
contestent, en effet, les conséquences généralement tirées de cette décision et démontrent que
la suppression du dualisme juridictionnel, voire plus largement de la juridiction administrative

1623
N. Jacquinot, « La spécialisation en contentieux administratif, remarques sur les juridictions
administrative spécialisées », op. cit., p. 95. L’auteure considère d’ailleurs qu’une décision antérieure, qui
avait reconnu l’indépendance de la juridiction administrative comme un PFRLR, avait déjà consacré
constitutionnellement la dualité de juridictions : Cons. const., 22 juillet 1980, n° 80-119 DC, Loi portant
validation d’actes administratifs.
1624
D. Truchet, « Plaidoyer pour une cause perdue : la fin du dualisme juridictionnel », in Dossier « Débat
sur l’avenir du dualisme juridictionnel », op. cit. – D. Truchet, « Mauvaises et bonnes raisons de mettre fin
au dualisme juridictionnel », op. cit.
1625
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit. Également en ce sens : F. Julien-Laferrière, « La dualité
de juridiction, un principe fonctionnel ? », op. cit., spéc. p. 425 : « L’unité de juridiction se heurte
maintenant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et elle ne pourrait être réalisée que par une
révision de la Constitution, ce qui paraît la rendre illusoire, au moins à terme prévisible ». Le Conseil
d’État lui-même avait dans son rapport sur l’avenir des juridictions sociales repoussé la création d’un ordre
juridictionnel social et d’une juridiction sociale dans l’ordre judiciaire en raison de l’obstacle juridique de
la réserve de compétence du juge administratif : Rapport du Conseil d’État, L’avenir des juridictions
spécialisées dans le domaine social, op. cit., p. 54.

326
est envisageable 1626 . Selon eux, « nulle part ne figure l’affirmation qu’une norme
constitutionnelle exigerait un ordre juridictionnel administratif séparé »1627. Dans leur analyse,
les commentateurs de la décision Conseil de la concurrence passeraient ainsi un peu vite « de
la compétence à l’existence » et la décision mériterait d’être lue de la manière suivante :
« aussi longtemps qu’existent des juridictions administratives distinctes, la constitution exige
qu’une compétence d’annulation ou de réformation des actes concernés leur soit réservée ».
Les auteurs passeraient également un peu vite « de l’existence des juridictions administratives
à leur érection en ordre juridictionnel ‘‘autonome’’ » puisque la suppression du dualisme
juridictionnel n’implique aucunement la disparition des juridictions administratives mais
seulement leur réunion aux juridictions judiciaires »1628. Il ne serait en conséquence pas
interdit au législateur, compétent pour créer de nouveaux ordres de juridictions en vertu de
l’article 34 de la constitution, de réunir les deux ordres de juridictions, en préservant des
juridictions administratives au sein du nouvel ordre et à la condition que le niveau de
protection des administrés ne soit en rien amoindri1629. En d’autres termes, si l’administration
a toujours besoin d’un juge spécial, elle n’aurait pas nécessairement besoin qu’il constitue un
ordre propre1630.
L’étude de ces arguments s’avère particulièrement instructive lorsque l’on essaye d’identifier
les obstacles à la création de blocs de compétences. En effet, si les auteurs estiment que la
juridiction administrative pourrait dans l’absolu être supprimée, ils reconnaissent que tant
qu’elle existe, la compétence du juge administratif se trouve en partie constitutionnellement
protégée. En conséquence, soit on supprime le dualisme, ce qui prive dans le même temps la
question des blocs de compétences de sa raison d’être, soit on le maintient et dans cette
hypothèse, la réserve constitutionnelle représente un obstacle à la constitution de blocs de
compétences. La réelle question n’est dès lors plus celle de la possibilité de supprimer le
dualisme juridictionnel1631, mais celle de son opportunité1632.

1626
D. Truchet, « Mauvaises et bonnes raisons de mettre fin au dualisme juridictionnel », op. cit.
1627
Ibid.
1628
Ibid.
1629
Ibid.
1630
Ibid., spéc. p. 62.
1631
Sans souscrire à l’interprétation du Professeur Didier Truchet, le dualisme pourrait dans tous les cas
être supprimé par une réforme de la constitution en application de l’article 89 de la Constitution.
1632
Sur ce débat : M. Jorat, « Supprimer la juridiction administrative ? Deux siècles de débat », RFDA
2008, p. 456. Se prononçant en faveur de cette suppression, voir notamment : B. Louvel, « Pour l’unité
juridictionnelle », op. cit. – J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., LGDJ 2015, coll. Précis
Domat, spéc. note 163, p. 413 – P. Léger, « Le dualisme juridictionnel a-t-il encore une raison d’être ? »,
op. cit. – R. Drago et M.-A. Frison-Roche, « Mystères et mirages des dualités des ordres de juridiction et de
la justice administrative », op. cit. – A. Van Lang, Juge judiciaire et droit administratif, op. cit., spéc. p.
327 – D. Truchet, « Fusionner les juridictions administrative et judiciaire ? », op. cit.

327
209. La suppression discutable du dualisme et de la juridiction administrative.
Les tenants de la suppression du dualisme juridictionnel se prévalent parfois du brouillage des
frontières entre le droit privé et le droit public et du rapprochement des procédures
administratives et judiciaires 1633 . Si ce mouvement, directement influencé par le droit
européen1634, ne peut être nié1635, il serait excessif de conclure à la disparition de « la summa
divisio droit public – droit privé »1636. Il convient en outre de relever la spécificité de ce
« contentieux à part » qu’est le contentieux administratif et qui nécessite, comme le rappellent
les spécialistes, une formation, une connaissance et une méthode propres1637. Des auteurs
soulignent en outre que la force du dualisme en France n’est pas seulement « à chercher dans
le sort réservé au contentieux administratif mais tient au statut du Conseil d’État qui est un
organe chargé tout à la fois de participer à la production de la fonction administrative et de
contribuer au jugement des pratiques juridiques de l’administration1638. Or, une telle identité
ne pourrait pas être maintenue dans le cadre d’un ordre juridictionnel réunifié. L’actuelle
dialectique entre les fonctions juridictionnelle et consultative ne pourrait s’y reproduire »1639.
On pourrait opposer à cet argument la question des droits fondamentaux du procès. Certains
auteurs estiment en effet que le dualisme est « menacé par les contraintes du droit processuel
1633
Entretien avec B. Louvel, JCP G 2015, act. 1122, spéc. p. 1908 (ce dernier considère que les trois
ordres juridictionnels – constitutionnel, judiciaire et administratif – sont ordonnés autour de la même
finalité, la défense des libertés du citoyen et que cela crée « une certaine complexité qu’on a de plus en plus
de mal à justifier aux yeux du public ». Il évoque une « confusion des rôles avec un recul de la défense de
l’intérêt général par le juge administratif et une promotion de la défense des libertés ». Le Conseil
constitutionnel devient quant à lui le « juge des limites que le législateur peut apporter aux droits et
libertés »). Sur ce rapprochement, voir : J.-B. Auby et M. Freedland (dir.), La distinction du droit public et
du droit privé : regards français et britanniques, éd. Panthéon-Assas 2004, coll. Colloques, 250 p. et
spécialement sur le rapprochement des procédures entre le droit public et le droit privé : Ph. Théry, « Droit
public et droit privé : l’évolution du droit processuel », in J.-B Auby et M. Freedland (dir.), La distinction
du droit public et du droit privé : regards français et britanniques, éd. Panthéon-Assas 2004, coll.
Colloques, p. 39.
1634
Sur ce point, voir : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. p. 8 :
« Les cours de Luxembourg et de Strasbourg ne font, en principe, aucune distinction entre un agent de droit
public et un salarié du secteur privé, pas plus qu’elles ne font de distinction entre une entreprise publique et
une entreprise privée. Le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne contribue aussi à faire
converger les droits privé et administratif, d’un point de vue tant substantiel que procédural ». Également
en ce sens : S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit., spéc. p. 229 – J. Caillosse, « Justice
administrative », in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice, PUF 2004, p. 724.
1635
Pour une analyse de ce mouvement : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op.
cit., spéc. p. 8.
1636
Ibid. Lire également : B. Bonnet et P. Deumier (dir.), De l’intérêt de la summa divisio droit public-
droit privé ? », Dalloz 2010, coll. Thèmes et commentaires, 298 p.
1637
B. Pacteau, « Aux sources de la juridiction administrative, ni du mépris, ni de la méprise », in Mélanges
en l’honneur du Professeur Jean Hauser, Dalloz, LexisNexis 2012, p. 975, spéc. p. 981. Également en ce
sens : J.-M. Sauvé, « Dialogue entre les deux ordres de juridiction », op. cit., spéc. p. 8 : « On a besoin de
juges différents pour traiter des affaires publiques qui requièrent des méthodes, des compétences et le
maniement d’un droit différent ».
1638
J. Caillosse, « Les justifications du maintien actuel du dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 1786.
1639
Ibid.

328
fondamental »1640. Lorsqu’on observe la jurisprudence européenne, on s’aperçoit toutefois que
le dualisme juridictionnel n’est pas condamné en tant que tel par la Cour européenne des
droits de l’homme. La Cour s’assure seulement que la pluralité juridictionnelle ne constitue
pas un obstacle à la mise en œuvre des garanties qu’elle est censée protéger et elle condamne
seulement les excès de complication procédurale et « les risques de contrariété de solutions au
fond »1641. Or, c’est justement tout l’intérêt du pluralisme juridictionnel que de chercher à
supprimer les difficultés provenant de la pluralité juridictionnelle. Il a d’ailleurs été
précédemment démontré qu’un pluralisme juridictionnel pouvait émerger en droit du travail
pour une part non négligeable du dualisme juridictionnel et que les difficultés inhérentes à la
pluralité juridictionnelle n’existaient que pour certains contentieux seulement.
Il résulte de ce qui précède qu’aucun argument convaincant ne plaide véritablement en faveur
de la suppression du dualisme juridictionnel et que seules certaines unifications mériteraient
d’être opérées à la marge. Compte tenu du lien précédemment établi entre l’existence de la
juridiction administrative et les obstacles à la constitution de blocs de compétences, maintenir
le dualisme revient ainsi à conserver l’obstacle de la réserve constitutionnelle de compétence
de la juridiction administrative. Un tel obstacle s’avère en réalité partiel puisque des
dérogations sont admises par le Conseil constitutionnel.

§2. Les dérogations admises par le Conseil constitutionnel

210. Les dérogations admises. Tout en protégeant constitutionnellement une partie


de la compétence du juge administratif1642, le Conseil constitutionnel a autorisé le législateur à
unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre principalement intéressé
lorsque « l’intérêt d’une bonne administration de la justice » l’impose 1643. Précisons ici que la
« bonne administration de la justice » ne saurait en elle-même exiger du législateur qu’il crée
un bloc de compétences1644. Les objectifs à valeur constitutionnelle, dont fait partie la bonne
administration de la justice, n’ont en effet d’autres finalités que de « protéger et de rendre

1640
S. Guinchard, « Rapport de synthèse », op. cit., spéc. p. 226.
1641
Ibid., spéc. p. 228 et les jurisprudences citées : CEDH, 13 juill. 2004, Beneficio Cappelle Paolini c/
Saint-Marin – CEDH, 2 août 2000, Santonnet c/France – CEDH, 21 févr. 1997, Guillemin c/France –
CEDH, 4 déc. 1995, n° 333-B, Bellet c/ France.
1642
Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, Conseil de la concurrence, op. cit.
1643
Ibid., spéc. cons. n° 16. Le juge constitutionnel permet ainsi la création de blocs de compétences tant au
sein de l’ordre judiciaire qu’au sein de l’ordre administratif. Sur ce point : H. Apchain, « Retour sur la
notion de bonne administration de la justice », AJDA 2012, p. 587.
1644
Cons. const., 26 nov. 2010, n° 2010-71, Mlle Danielle S.

329
effectifs des droits et libertés constitutionnels » 1645. En conséquence, lorsque le législateur
n’est pas intervenu, la bonne administration de la justice ne peut permettre d’exiger une
nouvelle répartition des compétences aussi perfectible soit-elle1646. Le législateur dispose en
ce domaine d’une réelle liberté. Certains encouragent à ce titre la création de blocs de
compétences et considèrent que pour atteindre « la simplicité et la stabilité des règles de
compétence », il faudrait que le législateur, « dans les limites que lui a imposées le conseil
constitutionnel, mette davantage en œuvre la méthode des blocs de compétences pour éviter
les trop nombreuses partie de ping-pong entre les deux ordres de juridiction »1647. Pour
pouvoir se positionner sur une telle affirmation, il s’avère nécessaire d’identifier de telles
limites, autrement dit de s’intéresser aux conditions de création des blocs de compétences.
L’étude de la jurisprudence constitutionnelle révèle qu’en ce domaine, les conditions se
dédoublent : elles sont d’une part relative à la nécessité du bloc de compétences et d’autre part
au choix de l’ordre compétent. La latitude du législateur n’en demeure pas moins réelle
puisque les critères utilisés et l’interprétation qui en est faite par le Conseil constitutionnel
s’avèrent réellement permissifs1648. L’étude des blocs de compétences créés en droit du travail
ne peut venir contredire cette analyse puisqu’à l’instar d’autres contentieux1649, ces créations
n’ont jamais été déférées au contrôle du Conseil constitutionnel. Ces blocs semblent toutefois
être en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle.

1645
Cons. const., 26 nov. 2010, op. cit., spéc. cons. n° 37.
1646
Ibid.
1647
F. Julien-Laferrière, « La dualité de juridiction, un principe fonctionnel ? », op. cit., spéc. p. 426. Pour
une démonstration de la faible utilisation de cette possibilité par le législateur, voir : Ch. Froger, « Les
interventions législatives après la décision conseil de la concurrence. Que reste-t-il du ‘‘noyau dur’’ de la
compétence du juge administratif ? », op. cit.
1648
Également en ce sens : F. Melleray, « En relisant la décision conseil de la concurrence », in Dossier
« Les 30 ans de la Décision Conseil de la concurrence », AJDA 2017, p. 91. Selon l’auteur, le Conseil
constitutionnel a posé un « cadre constitutionnel marqué par une grande souplesse ». Précisons en outre que
la réserve constitutionnelle de compétence de la juridiction administrative est en elle-même circonscrite.
Elle ne vise en effet que le contentieux de l’annulation et de la réformation et exclue ainsi le contentieux de
pleine juridiction, celui de l’appréciation de légalité et celui de l’interprétation. Elle ne concerne en outre
que les « décisions prises, dans l’exercice de sa puissance publique », excluant ainsi les actes de gestion et
de contrat. Pour davantage de précisions, voir : L. Favoreu et alii, Droit constitutionnel, 19e éd., Dalloz
2017, coll. Précis, spéc. n° 900.
1649
Voir notamment le bloc de compétences créé en matière d’hospitalisation d’office par la loi n° 2011-
803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Sur ce point : C. Castaing, « La volonté des
personnes admises en soins psychiatriques sans consentement. Quel droit pour quel juge ? », AJDA 2013, p.
153.

330
Plan.
A. L’encadrement relatif des blocs de compétences
B. Des blocs de compétences non encore contrôlés en droit du travail

A. L’encadrement relatif des blocs de compétences

211. Un contrôle dual. Malgré l’existence d’un principe fondamental reconnu par
les lois de la République selon lequel « l’annulation et la réformation des décisions prises
dans l’exercice des prérogatives de puissance publique relèvent de la juridiction
administrative », le Conseil constitutionnel autorise le législateur à unifier les règles de
compétence juridictionnelle à certaines conditions1650. Certains auteurs identifient à ce titre
trois critères de constitution des blocs de compétences : le premier critère concernerait la
bonne administration de la justice que la création du bloc de compétences devrait poursuivre ;
le deuxième critère attrairait au contenu des aménagements proposés qui se devraient d’être
limités et précis ; le dernier critère consisterait à déterminer l’ordre juridictionnel adéquat
auquel serait confié le bloc de compétences1651. De tels critères ressortent de l’étude des
quelques décisions constitutionnelles sur la question1652 et, même si cela n’apparaît jamais de
manière aussi nette dans les décisions du Conseil constitutionnel, ce dernier semble procéder
en deux temps. Il statue tout d’abord sur la nécessité du bloc de compétences et contrôle
ensuite le choix de l’ordre juridictionnel.

212. Le contrôle de la nécessité du bloc de compétences1653. La création d’un bloc


de compétences est tout d’abord subordonnée à sa nécessité et c’est à ce stade qu’intervient la
notion de « bonne administration de la justice » 1654 . Ce concept, relativement flou et

1650
Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, Conseil de la concurrence, op. cit.
1651
Sur ces critères : A. Meynaud, « La bonne administration de la justice et le juge administratif », RFDA
2013, p. 1029.
1652
Cons. const., 27 nov. 2001, n° 2001-451 DC, Loi portant amélioration de la couverture des non-
salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles : D. 2002, p. 1950, obs.
D. Ribes – Cons. const., 23 juill. 1996, n° 96-378 DC, Loi de règlementation des télécommunications –
Cons. const., 28 juill. 1989, n° 89-261 DC, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers
en France : D. 1990, p. 161, note X. Prétot ; RFDA 1989, p. 691, note B. Genevois ; AJDA 1989, p. 619,
note J. Chevallier.
1653
G. Vedel, « La loi des 16-24 août 1790 : Texte ? Prétexte ? Contexte ? », op. cit. : « La possibilité
reconnue au législateur de déroger aux règles constitutionnelles de partage des compétences
juridictionnelles dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice en recourant au système des blocs
de compétences n’est ouverte que si une nécessité objective la justifie et c’est au juge constitutionnel de
contrôler le bon usage de cette faculté de dérogation ».
1654
Cons. const. 23 janv. 1987, op. cit., cons. n° 18.

331
renvoyant à des éléments différents selon les matières1655, s’avère peu restrictif dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce dernier se contente en effet de préciser depuis
1987, et dans chacune des décisions qui suivront, que la création d’un bloc de compétences
est réservée à des cas dans lesquels « l’application d’une législation ou d’une réglementation
spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses » si elles se
répartissaient entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire selon les règles
habituelles de compétence. Certains en déduisent qu’il doit être démontré que « l’application
des textes entraînerait trop de complexités dans le partage des compétences entre les deux
ordres de juridictions »1656. La formule nous semble sujette à interprétation. Elle paraît au
minimum renvoyer à la pluralité juridictionnelle, ce qui, on en conviendra, se révèle peu
contraignant. Reste alors à déterminer si c’est le contentieux ou le justiciable qui doit se
trouver au centre « de ces contestations contentieuses diverses ». À cette question, le Conseil
constitutionnel n’apporte pas de réponse explicite ce qui laisse envisager une conception de la
bonne administration de la justice englobant ces deux acceptions. Pourrait conforter cette
interprétation l’étude de la décision Conseil de la concurrence dans laquelle le Conseil
constitutionnel invoque la nécessité d’éviter, en matière de concurrence, « des contrariétés
éventuelles de jurisprudence entre juge administratif et juge pénal »1657. Il ne s’agit dès lors
pas nécessairement de tenir compte de la situation du justiciable mais bien ici d’assurer la
cohérence du droit.
En réalité, le critère sur lequel le Conseil constitutionnel semble véritablement exercer un
contrôle est celui du caractère précis et limité du bloc de compétences nouvellement créé. La
bonne administration de la justice doit en effet être mise en balance avec cette exigence. Dans
toutes les décisions déférées, on s’aperçoit que le Conseil constitutionnel s’assure que le bloc
de compétences débouche sur « un aménagement précis et limité des règles de compétence
juridictionnelle »1658. C’est cette exigence qui semble notamment avoir plaidé pour la censure
du bloc de compétences créé en 2001 dans le domaine de la sécurité sociale1659. En l’espèce,
le législateur avait confié tout le contentieux de la branche accidents du travail des exploitants
agricoles aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale et y avait inclus les

1655
Pour s’en convaincre : H. Apchain, « Retour sur la notion de bonne administration de la justice », op.
cit. – A. Meynaud, « La bonne administration de la justice et le juge administratif », op. cit.
1656
B. Stirn, « Quelques réflexions sur le dualisme juridictionnel », op. cit., spéc. p. 45.
1657
Cons. const., 23 janv. 1987, op. cit., spéc. cons. n° 17. Sur ce point : J. Chevallier, « Les autorités
administratives indépendantes et la régulation des marchés », Justices 1995, p. 81, spéc. p. 88.
1658
Cons. const., 23 janv. 1987, op. cit., spéc. cons. n° 18.
1659
Cons. const., 27 nov. 2001, op. cit., spéc. cons. n° 46. Sur ce point, voir : commentaire de la décision n°
2001-451 DC du 27 novembre 2001, Les cahiers du Conseil constitutionnel, cahier n°12, p. 8, n° 11.

332
actes administratifs mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique, notamment les
décrets d’application de la loi, ainsi que les décisions du ministre de l’Agriculture et de
l’Alimentation accordant, refusant ou retirant une autorisation à un organisme d’assurance. Le
recensement méticuleux par le Conseil constitutionnel de l’ensemble de ces décisions ayant
été transférées au juge judiciaire semble ainsi démontrer que c’est le caractère trop extensif du
bloc créé qui a été ici censuré. On peut ainsi en déduire que la possibilité du législateur de
déroger, pour une bonne administration de la justice, au principe fondamental reconnu par les
lois de la République précité1660 n’est pas sans limite. Davantage que la bonne administration
de la justice, c’est le caractère précis et limité du bloc créé qui semble permettre d’en
apprécier la nécessité.

213. Le contrôle du choix de l’ordre. Après avoir contrôlé la nécessité d’un bloc
de compétences, le Conseil constitutionnel s’assure que l’ordre retenu est principalement
intéressé. Là encore, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne brille pas par sa précision.
Certains auteurs considèrent qu’il faudrait se fonder sur le critère du volume contentieux pour
déterminer l’ordre compétent1661. Si ce critère ne ressort pas explicitement de la jurisprudence
du Conseil constitutionnel, il semble tout de même apparaître entre les lignes de la décision
Conseil de la concurrence. Le Conseil constitutionnel énumère en effet les compétences
respectives des deux ordres pour ensuite déterminer l’ordre principalement intéressé1662. On
pourrait en outre se référer à la décision du Conseil constitutionnel de 1989 sur les arrêtés de
reconduite à la frontière. Le Conseil constitutionnel y censure la création d’un bloc de
compétences au motif que les « litiges liés à ces situations ne sont pas d’une nature ou d’une
fréquence telle qu’ils puissent entrainer une dérogation aux règles normales de la

1660
Sur ce point : D. Ribes, « Sécurité sociale et droit de la concurrence », D. 2002, p. 1950.
1661
C. Castaing, « La volonté des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement. Quel droit
pour quel juge ? », op. cit. L’auteure critique à ce titre le bloc de compétences créé en matière
d’hospitalisation d’office par la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, qui n’a jamais été
contrôlé par le Conseil constitutionnel, et qui a été confié au juge judiciaire.
1662
Cons. const., 23 janv. 1987, op. cit., spéc. cons. n° 17 : « Considérant que, si le conseil de la
concurrence, organisme administratif, est appelé à jouer un rôle important dans l’application de certaines
règles relatives au droit de la concurrence, il n’en demeure pas moins que le juge pénal participe également
à la répression des pratiques anticoncurrentielles sans préjudice de celle d’autres infractions intéressant le
droit de la concurrence ; qu’à des titres divers le juge civil ou commercial est appelé à connaître d’actions
en responsabilité ou en nullité fondées sur le droit de la concurrence ». Certains auteurs considèrent
toutefois que le choix de l’ordre a été justifié « par des considérations techniques, le juge judiciaire
apparaissant le mieux armé pour statuer sur des litiges touchant à la vie des entreprises » : J. Chevallier,
« Les autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés », op. cit., spéc. p. 88.

333
compétence »1663. Dans cette affaire, la prudence est toutefois de mise, on peine en effet à
savoir si le Conseil constitutionnel se réfère à la fréquence du contentieux pour se prononcer
sur la nécessité de la création du bloc ou sur l’ordre principalement compétent. Dans les
décisions ultérieures, la question du volume contentieux n’apparaît pas et l’unification des
règles de compétence est présentée comme devant « être opérée tant en fonction de l’autorité
dont les décisions sont contestées, qu’au regard de la matière concernée »1664. C’est d’ailleurs
un critère matériel, celle de la nature du contentieux, et non un critère quantitatif, qui semble
avoir justifié dans cette affaire la compétence du juge judiciaire1665.
En définitive, l’étude de ces décisions constitutionnelles révèle que la liberté du législateur
n’est pas absolue – des blocs ont été censurés – mais qu’elle n’en est pas moins réelle compte
tenu de la souplesse du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel.

B. Des blocs de compétences constitués en droit du travail

214. La constitution de blocs de compétences en droit du travail. La création de


blocs de compétences est pour l’instant intervenue à deux reprises en droit du travail. D’abord
avec la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail dans le contentieux de
la rupture conventionnelle1666 et, plus tard, avec la loi dite Macron du 6 août 2015 dans le
contentieux des élections professionnelles1667. L’étude de ces deux contentieux ne fournit
aucun élément supplémentaire quant aux conditions de création des blocs de compétences
dans la mesure où le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la constitutionnalité de la loi
de 2008 et, bien qu’il ait été saisi pour la loi de 2015, il n’a pas été amené à se prononcer sur
le bloc créé dans le contentieux des élections professionnelles1668. L’étude de ces deux
contentieux n’en demeure pas moins intéressante en ce qu’elle permet de dévoiler ce qui a
encouragé la création de tels blocs en droit du travail. Ce sera également l’occasion de les
confronter aux critères précédemment évoqués.

1663
Cons. const., 28 juill. 1989, op. cit., cons. n° 28. C’est d’ailleurs sur ce fondement qu’intervient la
censure.
1664
Cons. const., 23 juill. 1996, n° 96-378 DC, Loi de règlementation des télécommunications.
1665
En ce sens : commentaire de la décision n° 96-378 DC du 23 Juillet 1996, Loi de réglementation des
télécommunications, Les cahiers du conseil constitutionnel, n° 2, p. 2 et 3.
1666
Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.
1667
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
1668
Cons. const. 5 août 2015, n° 2015-715 DC : AJDA 2015, p. 1570.

334
1. L’unification du contentieux de la rupture conventionnelle des salariés ordinaires

215. Une création saluée. L’homologation de la rupture conventionnelle par


l’autorité administrative aurait pu donner lieu à un éclatement du contentieux si la loi n°
2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail n’avait pas constitué un
bloc de compétences en ce domaine. Ce risque d’éclatement du contentieux avait été mis en
évidence et dénoncé par certains auteurs peu après la conclusion de l’ANI du 23 janvier de la
même année1669. C’était en effet à l’occasion de cet accord interprofessionnel qu’était apparue
la volonté de confier à l’administration un rôle dans la procédure de la rupture
conventionnelle. Or, le risque d’aboutir à un contentieux complexe, scindé entre les deux
ordres, contrevenait à l’objectif recherché de sécurisation et de simplification de la rupture
amiable du contrat de travail1670.
Ce bloc de compétences figure désormais à l’article L. 1237-14, alinéa 4 du code du travail
qui dispose, d’une part, que « l’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui
relatif à la convention » et d’autre part que « tout litige concernant la convention,
l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des
prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif »1671. À notre
connaissance, cette création a été plutôt saluée par les commentateurs. Elle permet en effet
d’éviter les écueils habituels tels que le découragement du justiciable, une perte inutile de
temps et d’argent au détriment de la bonne administration de la justice1672 en privilégiant « la
simplicité sur l’orthodoxie du partage habituel des compétences civile et administrative »1673.
Ces quelques éloges mises à part, il faut cependant noter que l’intérêt suscité par la création
de ce bloc de compétences s’avère limité en comparaison de l’attention portée par les

1669
X. Prétot, « L’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative : quelques
réflexions », Dr. soc., 2008, p. 316.
1670
En ce sens : Rapport Jacques Attali pour la libération de la croissance française, décision
fondamentale n° 17 : « sécuriser la rupture amiable du contrat de travail ».
1671
La circulaire DGT n° 2008-11 du 2 juillet 2008 relative à l’examen de la demande d’homologation
d’une rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée est venue préciser qu’en matière de litige
concernant une rupture conventionnelle (hors salariés protégés) la compétence appartenait exclusivement
au conseil des prud’hommes (p. 7).
1672
En ce sens : V. Orif, « Les nouveaux blocs de compétences », Dr. soc. 2017, p. 618 (citant lui-même :
L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 2e éd., PUF 2013, spéc. p. 425.
Également en ce sens : G. Couturier et É. Serverin, « Quel contentieux pour la rupture conventionnelle du
contrat de travail à durée indéterminée ? », RDT 2009, p. 205.
1673
G.-P. Quétant, « Homologation de la rupture conventionnelle devant le conseil des prud’hommes »,
JSL 2009, n° 247, p. 4. Également en ce sens : L. Pécaut-Rivolier, « Le paradoxe d’un contentieux éclaté »,
op. cit., spéc. p. 392 : « Le législateur a su dépasser les clivages pour favoriser un système fonctionnel ».

335
commentateurs aux objectifs, à l’effectivité ou encore à la mise en place de la rupture
conventionnelle en tant que nouvel objet juridique1674.

216. Une création peu discutée. La question de ce bloc de compétences est


réapparue récemment à l’occasion d’un contentieux dans lequel étaient en cause les pouvoirs
de la juridiction prud’homale. Certains conseils de prud’hommes s’étaient en effet octroyés le
pouvoir d’homologuer une convention de rupture après avoir annulé une décision
administrative de refus1675. Cette pratique, contraire à une circulaire de 2009 relative à la
rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée 1676, a été définitivement écartée
par la chambre sociale de la Cour de cassation et il est désormais acquis que le conseil de
prud’hommes ne peut homologuer lui-même une rupture conventionnelle1677. La Cour de
cassation encadre ainsi les pouvoirs du juge prud’homal pour conserver ceux de l’autorité
administrative, seule à-même d’accorder l’homologation ou de revenir sur une décision de
refus d’homologation1678.
Ce litige fut l’occasion pour certains commentateurs de soulever la question de la conformité
du bloc de compétences avec la jurisprudence constitutionnelle. Selon ces derniers, il semble
en effet « y avoir place pour une question prioritaire de constitutionnalité qui pourrait remettre

1674
Voir notamment : G. Loiseau, « Rupture du troisième type : la rupture conventionnelle du contrat de
travail », Dr. soc. 2010, p. 297.
1675
G.-P. Quétant, « Homologation de la rupture conventionnelle devant le conseil des prud’hommes », op.
cit. Voir la jurisprudence citée : CPH Valence, sect. ind., 14 oct. 2008 n° 08/00501 et CPH Valence, sect.
com., 6 nov. 2008, n° 08/00642.
1676
En ce sens : Circ. DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009 relative à la rupture conventionnelle d’un contrat à
durée indéterminée, article 6 : « En aucun cas le conseil des prud’hommes n’est compétent pour accorder
l’homologation de la rupture conventionnelle ». La jurisprudence ne s’est, à notre connaissance, jamais
prononcée sur ce point.
1677
Cass. soc., 14 janv. 2016, n° 14-26.220 : Bull. civ., V, à paraître ; Dr. soc. 2016, p. 291, act. J. Mouly.
Le Direccte, à nouveau saisi, semble toutefois être tenu par l’autorité de la chose jugée du jugement du
conseil de prud’hommes sur ce point. En ce sens : Circ. DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009 relative à la
rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée, art. 6 : l’annulation contentieuse d’un refus
d’homologation a pour effet de « ressaisir, dans les conditions de droit commun, l’autorité compétente à qui
il appartient de statuer en tenant compte de l’autorité de la chose jugée ». La jurisprudence ne s’est, à notre
connaissance, jamais prononcée sur ce point.
1678
La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la validité de l’homologation d’une rupture
conventionnelle, faisant suite à un refus d’homologation finalement retiré par l’administration. Après avoir
estimé que la décision de refus d’homologation d’une rupture conventionnelle ne crée pas de droit acquis
au profit des parties ou des tiers, la Cour a appliqué les conditions du retrait d’une décision non
réglementaire et non créatrice de droit et a validé l’homologation : Cass. soc., 12 mai 2017, n° 15-24.220 :
Bull. civ., V, à paraître ; SSL 2017, n° 1770, p. 13, obs. F. Champeaux et M. El Yacoubi ; Dr. soc. 2017, p.
680, act. J. Mouly. Depuis le 1er juin 2016, la situation est réglée par les articles L. 243-3 et L. 242-1 du
code des relations entre le public et l’administration.

336
en cause le système imaginé par le législateur en 2008 »1679. Deux remarques méritent ici
d’être formulées. Le principe fondamental reconnu par les lois de la République, découvert
dans la décision Conseil de la concurrence, semble effectivement en cause puisqu’il s’est agi
d’ôter de la compétence du juge administratif l’annulation d’un acte administratif pour la
confier au juge judiciaire. Un tel bloc nous paraît en revanche parfaitement répondre aux
critères dégagés par le Conseil constitutionnel1680. Il s’avère en effet nécessaire puisqu’il
participe de la bonne administration de la justice en évitant que des justiciables ne soient
contraints de saisir plusieurs juridictions et apparaît précis et limité1681. En effet, il n’est pas
question ici de constituer un bloc de compétences pour l’ensemble du contentieux du travail
mais uniquement pour la rupture conventionnelle. L’ordre judiciaire semble en outre
principalement compétent dans le contentieux de la rupture conventionnelle puisque l’objet
du litige est contractuel et que les demandes envisageables relèvent quantitativement
davantage du juge judiciaire. Si cette disposition devait faire l’objet d’une question prioritaire
de constitutionnalité, la Cour de cassation n’aurait dès lors pas à transmettre cette question au
Conseil constitutionnel, celle-ci ne présentant pas un caractère sérieux1682.

2. L’unification du contentieux des élections professionnelles

217. Une unification attendue. L’enchevêtrement des compétences dans le


contentieux des élections professionnelles a toujours été plus ou moins dénoncé1683. On
pourrait à ce titre citer un article des années soixante-dix dans lequel le contentieux des
élections professionnelles était déjà pris en exemple pour illustrer la complexité du
contentieux du travail1684. Plus récemment, c’est le rapport Lacabarats qui regrettait cette
complexité et proposait l’unification du contentieux entre les mains d’un seul juge1685.

1679
J. Mouly, « Refus d’homologation d’une rupture conventionnelle : le juge judiciaire ne peut se
substituer à l’autorité administrative », Dr. soc. 2016, p. 291. Déjà en ce sens : Ch. Radé, « Question
prioritaire de constitutionnalité : quelques spéculations pratiques », Constitutions 2010, p. 271.
1680
Voir : supra, n° 211 et suiv.
1681
Il n’est pas question ici de constituer un bloc de compétences pour l’ensemble du contentieux du travail
mais uniquement pour la rupture conventionnelle.
1682
Contra : Ch. Radé, « Question prioritaire de constitutionnalité : quelques spéculations pratiques », op.
cit.
1683
Voir notamment : Y. Struillou, « Les interventions de l’administration du travail et leurs incidences
contentieuses », Dr. soc. 2013, p. 509 – L. Pécaut-Rivolier et Y. Struillou, « Protection des représentants du
personnel, Cour de cassation et Conseil d’État : des marches parallèles à la démarche commune », in
Dossier « Les juges et le droit social : questions d’actualité », op. cit.
1684
R. De Lestang, « L’organisation judiciaire française et les conflits du travail », op. cit., spéc. S 23.
1685
Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIe siècle,
op. cit., spéc. p. 53.

337
Le législateur semble avoir été sensible à ces critiques puisque, comme nous l’avons vu, un
bloc de compétences a été créé en 2015 dans le contentieux des élections professionnelles1686.
Relèvent ainsi de la compétence du juge judiciaire, et non plus de celle de la juridiction
administrative, la contestation des décisions de l’autorité administrative relatives à l’octroi de
dérogations aux conditions d’ancienneté pour l’éligibilité et l’électorat, à la répartition du
personnel dans les collèges électoraux, à la répartition des sièges entre les différentes
catégories de personnel et à la détermination des établissements distincts1687.

218. Une création justifiée. L’objectif ici poursuivi par le législateur est de limiter
l’enchevêtrement des voies de recours et l’allongement du processus électoral résultant des
nombreux sursis à statuer 1688 et de simplifier les démarches tant pour les organisations
syndicales que pour les employeurs1689. Cette création permet en outre de limiter le risque de
contradictions de décisions qui existaient dans le système antérieur. Dans la mesure en effet
où la compétence de l’autorité administrative – pour la reconnaissance d’un établissement
distinct ou la répartition du personnel entre les différents collèges – est subordonnée à
l’absence d’un protocole d’accord préélectoral valide, la question de la validité de cet accord
peut se poser devant l’autorité administrative. Or, si la chambre sociale de la Cour de
cassation réservait l’appréciation de la validité du protocole d’accord préélectoral à la seule
compétence du tribunal d’instance et obligeait l’autorité administrative à surseoir à statuer1690,
il arrivait en pratique que celle-ci se prononce malgré tout sur la validité d’un tel accord, avec
recours possible devant la juridiction administrative1691. Désormais, le tribunal d’instance
pourra statuer sur la validité du protocole et éventuellement annuler la décision de l’autorité
administrative dans le cadre de la même décision. Le risque de contradictions de décisions
entre les juridictions administrative et judiciaire provenant de ces interventions parallèles
disparaît ainsi.

1686
Article 267 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances
économiques. Il avait été évoqué, durant les débats législatifs, l’idée de supprimer l’intervention de
l’inspecteur du travail. S’est alors posée la question de savoir si l’autorité judiciaire était véritablement
l’institution adéquate pour remplacer l’inspecteur du travail et si la justice judiciaire pourrait absorber cette
surcharge. Sur ce point : F. Petit, « La Loi ‘‘Macron’’ » au service du dialogue social dans l’entreprise »,
Dr. Soc. 2015, p. 815.
1687
Pour une étude plus approfondie de ce bloc de compétences, voir : supra, n° 73.
1688
V. Orif., « Les nouveaux blocs de compétences », op. cit.
1689
F. Petit, « La Loi ‘‘Macron’’ au service du dialogue social dans l’entreprise », op. cit.
1690
Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-60.483 : Bull. civ., V, n° 67.
1691
Pour un exemple éclairant sur l’imbrication antérieure à la mise en place du bloc de compétences, voir :
Cass. soc., 4 juillet 2012, nos 11-60.229, 11-60.230 et 11-60.232 : Bull. civ., V, n° 214 ; Lexbase Hebdo éd.
S 2012, n° 494, obs. G. Auzero.

338
À l’étude, ce bloc de compétences paraît là encore conforme aux critères dégagés par le
Conseil constitutionnel. Il participe en effet de la bonne administration de la justice d’une part
en évitant que des justiciables ne soient contraints de saisir plusieurs juridictions pour le
règlement d’un seul litige et d’autre part en contribuant à réduire le risque de contradictions
de décisions1692. Ceci ajouté au caractère précis et limité du bloc de compétences créé1693, le
critère de la nécessité du bloc de compétences semble parfaitement satisfait. L’ordre judiciaire
apparaît en outre principalement compétent puisque le contentieux électoral est unifié autour
de la compétence du tribunal d’instance1694. Là encore, si cette disposition devait faire l’objet
d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation n’aurait pas à transmettre
cette question au Conseil constitutionnel, celle-ci ne présentant pas un caractère sérieux.

Section 2. Une création justifiée par l’absence de pluralisme juridictionnel

219. La corrélation entre défaut de pluralisme juridictionnel et justification


constitutionnelle d’un bloc de compétences. L’étude des conditions de création des blocs de
compétences, venant déroger aux répartitions constitutionnelles, avait pour enjeu d’établir
l’éventuelle concordance entre la justification de ces blocs et l’impossibilité du pluralisme
juridictionnel. La démarche s’est avérée fructueuse puisqu’un lien paraît envisageable entre
les deux. Dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la création de tels blocs n’est en
effet autorisée qu’à la condition que soit poursuivi un objectif de bonne administration de la
justice (lui-même caractérisé par la recherche d’un amenuisement des « contestations
contentieuses diverses » et des contrariétés de jurisprudences) et qu’il soit procédé à cette fin
à des aménagements « précis et limités ». Le pluralisme juridictionnel consiste quant à lui à
proposer un aménagement de la pluralité juridictionnelle pour en limiter les difficultés et à
n’envisager sa suppression qu’à l’égard des seuls contentieux pour lesquels les difficultés
s’avèrent intrinsèques à la pluralité juridictionnelle et pour lesquels les alternatives se révèlent
discutables. Le défaut de pluralisme juridictionnel semble ainsi répondre aux critères
constitutionnels de création des blocs de compétences en permettant de réserver l’unité
juridictionnelle à des cas précis et limités.
Une telle étude menée en droit du travail permet d’identifier deux hypothèses de
confrontation inévitable du justiciable à la pluralité juridictionnelle : le contentieux des
1692
Cons. const. 23 janvier 1987, op. cit., spéc. cons. n° 17.
1693
Il n’est pas question ici de constituer un bloc de compétences pour l’ensemble du contentieux du travail
mais uniquement pour le contentieux des élections professionnelles.
1694
Voir : supra, n° 72.

339
salariés protégés et celui du plan de sauvegarde de l’emploi1695. Dans ces deux contentieux,
les alternatives consistant à renoncer à l’intervention de l’autorité administrative ou à réduire
cette intervention en amenuisant l’objet de son contrôle se sont en outre révélées
contestables1696. Au regard du lien établi entre le défaut de pluralisme juridictionnel et la
justification constitutionnelle d’un bloc de compétences, de tels blocs pourraient en
conséquence être constitués dans ces deux contentieux au seul motif que le pluralisme
juridictionnel s’est révélé impossible à leur égard.

220. Le défaut de pluralisme juridictionnel, une notion plus opérante ? La mise


en parallèle des critères constitutionnels de création des blocs de compétences avec ceux
permettant de conclure à l’impossibilité d’un pluralisme juridictionnel révèle le caractère plus
exigeant de la seconde notion. Contrairement à la bonne administration de la justice, telle
qu’elle ressort de la jurisprudence constitutionnelle, le pluralisme juridictionnel se focalise sur
la situation du justiciable. Il s’agit d’apprécier la lisibilité du contentieux et d’identifier les
confrontations inévitables du justiciable à l’éclatement du contentieux. Sans éluder totalement
cette question, la bonne administration de la justice renvoie plus largement à la cohérence du
droit. Le Conseil constitutionnel s’intéresse en effet à l’incidence que peuvent avoir les blocs
de compétences sur la réduction des contrariétés jurisprudentielles. Cette attention portée au
risque de divergences de jurisprudences semble discutable. Comme il a été précédemment
démontré, seules les véritables inconciliabilités de décisions méritent d’être combattues1697 et
les divergences de jurisprudences peuvent quant à elle se résoudre par le dialogue des
juges1698 et sous l’influence de la doctrine1699. En ne prenant en compte que le justiciable, la
notion de pluralisme s’avère ainsi plus exigeante et plus légitime à justifier les dérogations
aux répartitions constitutionnelles de compétences.
La force du pluralisme pourrait également se révéler lorsque vient la question de la
détermination de l’ordre compétent. Les critères oscillent actuellement entre le volume
contentieux, la fonction de l’autorité dont les décisions sont contestées ou encore la matière
concernée. En centrant l’analyse sur le justiciable et en limitant les blocs de compétences aux
hypothèses de confrontation inévitable à l’éclatement du contentieux, seul le critère du

1695
Avec l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la rupture conventionnelle collective, une
troisième hypothèse devrait prochainement pouvoir être identifiée. Sur ce point, voir : supra, note 1445, n°
192.
1696
Sur cette démonstration, voir : supra, n° 199 et suiv.
1697
Voir : supra, n° 144 et suiv.
1698
Voir : supra, n° 148.
1699
Voir : supra, n° 151.

340
volume contentieux devient véritablement opérant. La connaissance du contentieux qu’exige
toute recherche menée sur le pluralisme juridictionnel permet d’établir quantitativement les
décisions relevant de chaque ordre et de déterminer ensuite l’ordre principalement compétent.
En droit du travail, il semble que l’équation se résoudra toujours au profit de l’ordre
judiciaire. Que les spécialistes du contentieux administratif ne nous en tiennent pas rigueur, il
vient justement d’être démontré que le recours au pluralisme permet de réserver l’unité à des
hypothèses résiduelles.

341
Conclusion Titre 2

221. Le périmètre limité du pluralisme juridictionnel entre les ordres


juridictionnels. Le pluralisme juridictionnel s’est révélé circonscrit entre les ordres de
juridictions. En effet, si la proposition d’une extension du domaine des prorogations de
compétence permet d’éviter la confrontation du justiciable à la pluralité juridictionnelle, de
telles prorogations emportent toutefois, dans certaines hypothèses, des conséquences
différentes de celles qui découleraient d’une éventuelle confrontation du justiciable à la
pluralité juridictionnelle. Cette différence s’explique par la réserve constitutionnelle de
compétence du juge administratif qui empêche le juge judiciaire d’annuler un acte
administratif, que ce soit à titre principal ou à titre incident. Or, pour certains contentieux – la
rupture du contrat de travail des salariés protégés, le licenciement des salariés dans le cadre
d’un plan de sauvegarde de l’emploi et prochainement la rupture conventionnelle collective –
l’annulation de l’acte administratif s’avère plus intéressante qu’une simple déclaration
d’illégalité. Sans y être contraint, le justiciable est dès lors fortement incité à saisir les
juridictions des deux ordres pour le règlement de son litige puisque l’étendue de ses droits,
notamment indemnitaires, dépend de cette double saisine. Dans ces hypothèses,
l’impossibilité de mettre en place un pluralisme juridictionnel semblait plaider pour la
substitution de l’unité juridictionnelle à la pluralité juridictionnelle. Une telle proposition a
toutefois nécessité d’étudier les critères de constitution des blocs de compétences venant
déroger au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel
« l’annulation et la réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de
puissance publique relèvent de la juridiction administrative ». Cette recherche a révélé que le
défaut de pluralisme juridictionnel pouvait correspondre aux critères constitutionnels de
création des blocs de compétences et s’avérait d’ailleurs plus restrictif. Dans les contentieux
où le pluralisme juridictionnel s’était révélé impossible, il a ainsi été préconisé de procéder à
la création de blocs de compétences et à l’abandon de la pluralité juridictionnelle.

342
Conclusion Partie 2

222. Un pluralisme partiellement réalisable entre les ordres de juridictions.


L’étude du dualisme juridictionnel en droit du travail a permis de démontrer qu’un pluralisme
juridictionnel était envisageable entre les ordres de juridictions mais qu’il supposait de
poursuivre la limitation actuelle des risques de conflits de compétences et d’éclatements des
litiges. Concernant le premier risque, l’étude du contentieux du travail a révélé que les
répartitions de compétences entre les ordres avaient été progressivement clarifiées et qu’il ne
persistait à l’heure actuelle que des difficultés résultant du caractère incertain du champ de
contrôle de l’autorité administrative. Il s’est en conséquence agi de procéder à une
redéfinition de ce champ de contrôle pour rendre plus lisible la distribution de compétences
entre les ordres. Compte tenu du lien existant entre le risque d’impunité de l’incompétence et
celui de conflits de compétences, le régime entourant la sanction de l’incompétence a
également dû être perfectionné. Il a, à ce titre, été proposé d’encadrer la procédure d’élévation
d’un conflit à la disposition du préfet en la cantonnant au stade de la première instance. Par la
suite et dans le but de limiter le risque d’éclatements des litiges, il a en outre été envisagé de
poursuivre l’extension du périmètre des prorogations de compétence entre les ordres
juridictionnels en rendant le renvoi préjudiciel totalement facultatif.
De telles propositions, à même d’assurer l’émergence d’un pluralisme juridictionnel entre les
ordres, n’ont toutefois permis d’aboutir qu’à un pluralisme circonscrit. Pour certains litiges,
les difficultés se sont en effet révélées intrinsèques à la pluralité juridictionnelle. Leur
suppression ne pouvait en conséquence être envisagée sans que la pluralité ne disparaisse
également. Après s’être assuré que le défaut de pluralisme répondait bien aux critères de
constitution des blocs de compétences entre les ordres, la substitution de l’unité
juridictionnelle à la pluralité juridictionnelle a ainsi pu être suggérée à l’égard de ces litiges.

343
Conclusion générale

223. Une recherche fructueuse. En suivant les pas du Professeur Alain Supiot,
nous avions décidé de nous « lancer » à notre tour dans l’aventure que constitue la réforme
des juridictions du travail 1700 . Cette entreprise ne s’est finalement pas révélée aussi
« périlleuse » qu’on pouvait le craindre. Le recours à la notion de « pluralisme juridictionnel »
a en effet permis de se détacher des discours simplificateurs, de ne pas céder à la tentation
unitaire et d’envisager au contraire une transformation de la pluralité juridictionnelle en droit
du travail. À cette fin, le contentieux du travail a dû être analysé au regard des difficultés que
pouvait susciter dans l’absolu la pluralité juridictionnelle, à savoir le risque de conflits de
compétences et le risque d’éclatements des litiges. Toute la recherche a ainsi consisté à
mesurer la réalité de ces difficultés pour pouvoir par la suite envisager les aménagements
nécessaires à l’émergence d’un pluralisme juridictionnel.
Concernant la limitation du risque de conflits de compétences, il s’est tout d’abord agi de
parachever la clarification des répartitions de compétences observable depuis quelques années
dans le contentieux du travail. L’interprétation compréhensive des critères d’attribution du
conseil de prud’hommes par la jurisprudence permet désormais à cette juridiction de connaître
pratiquement de l’ensemble des litiges pouvant exister entre un salarié et son employeur. Les
difficultés persistantes tiennent alors seulement à l’appréhension délicate des critères du
contrat de travail et au manque de visibilité des exceptions à la compétence prud’homale. Il a
ainsi été proposé qu’une section du code du travail soit consacrée aux juridictions du travail et
à leurs attributions respectives pour que soient davantage mises en évidence ces exceptions.
L’étude des compétences respectives des autres juridictions de l’ordre judiciaire confirme
cette entreprise de clarification. Les incertitudes n’existent qu’en raison du défaut
d’attribution de certains litiges et supposent qu’une ligne de répartition des compétences entre
les tribunaux d’instance et de grande instance soit à nouveau dessinée. La clarification des
compétences a en outre pu être observée entre les ordres de juridictions. Si les auteurs
s’accordent sur le caractère complexe des répartitions de compétences et peinent à identifier
le critère de la compétence administrative, les répartitions en droit du travail apparaissent en
revanche plus lisibles. Sous l’action du dialogue des juges et du législateur, le contentieux des
1700
A. Supiot, « L’impossible réforme des juridictions sociales », op. cit. : « Les projets de réformes de la
juridiction sociale en France font penser à ces preux chevaliers, qui doivent vaincre d’insurmontables
obstacles pour obtenir la main d’une désirable princesse : leurs cadavres s’empilent en grand nombre
devant la porte du château, où la belle continue de se morfondre, privée d’amour et d’enfants. Aussi peut-
on hésiter avant de se lancer à son tour dans une si périlleuse aventure ».

345
compétences entre les ordres juridictionnels s’est en effet peu à peu stabilisé et désormais les
difficultés résultent seulement des incertitudes relatives au champ de contrôle de l’autorité
administrative. Comme nous l’avons vu, « le contrôle juridictionnel de la légalité des
décisions administratives est le miroir des obligations mises à la charge de
l’administration » 1701 . Les incertitudes relatives au contrôle de l’autorité administrative
rejaillissent ainsi sur la détermination de la juridiction compétente. Sur ce point, il a été
proposé de conserver le noyau dur du contrôle dévolu à l’autorité administrative et de le faire
varier, au-delà, en fonction des éléments invoqués par les salariés, les syndicats et les
institutions représentatives du personnel.
La recherche d’une limitation du risque de conflits de compétences a ensuite nécessité
d’aménager le régime entourant la sanction de l’incompétence. Au sein de l’ordre judiciaire,
l’équilibre retenu par le droit positif s’est révélé satisfaisant puisqu’il permet de sanctionner
l’incompétence, tout en contenant le risque de conflits de compétences. Entre les deux ordres,
une sanction plus stricte de l’incompétence a pu être observée mais elle s’est avérée
contrebalancée en pratique par l’existence d’une procédure de prévention des conflits de
compétences au sein du Tribunal des conflits. Seule la procédure d’élévation d’un conflit à la
disposition du préfet nous a semblé devoir être encadrée et cantonnée au stade de la première
instance. Sous réserve de ces aménagements, une limitation du risque de conflits de
compétences pourrait ainsi être assurée tant dans l’ordre judiciaire qu’entre les ordres de
juridictions.
L’entreprise s’est avérée plus délicate lorsqu’il s’est agi d’envisager la limitation du risque
d’éclatements des litiges. Ce sont d’ailleurs ces difficultés qui expliquent la dichotomie
retenue dans la présente thèse entre le pluralisme pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire
et le pluralisme partiellement réalisable entre les ordres de juridictions. Dans l’ordre
judiciaire, des obstacles empêchaient effectivement les prorogations de compétences et
rendaient impossible l’unification de certains litiges mais une solution a été trouvée dans
l’extension de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes et dans l’introduction
de dérogations à sa compétence exclusive. Entre les ordres, la généralisation du caractère
facultatif des renvois préjudiciels pourrait également permettre d’assurer l’unification des
litiges. À l’égard de certains litiges, cette unification n’emporterait néanmoins pas les mêmes
conséquences pour le justiciable qu’une confrontation à la pluralité juridictionnelle. Signe du
caractère circonscrit du pluralisme juridictionnel en droit du travail, cet éclatement inéluctable

1701
Y. Struillou, « Retour vers le futur, l’intervention du juge administratif dans le contentieux du
licenciement économique », op. cit.

346
de certains litiges a ainsi justifié que soit envisagée la voie unitaire. Un détour par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel a permis de révéler que le défaut de pluralisme
remplissait les critères constitutionnels de création des blocs de compétences entre les ordres
juridictionnels. La constitution de tels blocs, dans les contentieux où le pluralisme s’était
révélé impossible, a ainsi pu être envisagée.
Davantage fructueuse que « périlleuse », la recherche menée sur la dispersion du contentieux,
à l’aune du pluralisme juridictionnel, a ainsi permis de démontrer que la pluralité
juridictionnelle pouvait être maintenue en droit du travail et que l’unité ne se justifiait qu’à
l’égard de certains litiges.

224. Une recherche fertile. La recherche sur le pluralisme juridictionnel en droit du


travail s’est également révélée fertile au regard des points qu’elle n’a pas permis d’embrasser.
Tout travail de recherche implique nécessairement une délimitation et suppose ainsi de laisser
de côté un certain nombre de problématiques, en marge du sujet, mais qui n’en demeurent pas
moins intéressantes. Celles-ci mettent d’ailleurs en exergue les nombreux champs de
recherche qui restent encore à explorer. On pourrait ainsi, en retenant la même acception du
pluralisme juridictionnel, élargir la recherche aux relations de travail dans leur ensemble. La
présente thèse, en se focalisant sur la relation de travail salarié, n’a en effet permis d’entrevoir
que succinctement la complexité du contentieux résultant des profondes mutations
intervenues dans la gestion des services publics nationaux1702. La cohabitation, dans certaines
entreprises, de fonctionnaires, d’agents de droit public, d’agents statutaires de droit privé et
d’agents de droit privé non statutaires1703, ajoutée à l’émergence de dispositions législatives
communes à l’ensemble de ces travailleurs, notamment dans le domaine de la représentation,
contribue en effet à brouiller les frontières entre le droit public et le droit privé. Le recours à
la notion de pluralisme juridictionnel permettrait ainsi de mettre à l’épreuve cette impression
de complexité et d’envisager les correctifs nécessaires à l’émergence d’un pluralisme en ce
domaine.

1702
L’exemple de France Télécom illustre parfaitement ce mouvement en ce que cet ancien service public
administratif géré en régie par l’État, puis transformé successivement en Établissement public, en Société
anonyme à capitaux public et en Société d’économie mixte, est désormais privatisé.
1703
Par dérogation, la loi permet ainsi que des fonctionnaires soient employés dans une entreprise du
secteur privé dépourvue d’une mission de service public ou que des salariés de droit privé soient employés
par un organisme public pour exercer des tâches se rattachant à une mission de service public administratif.
Voir : Cons. const., 12 oct. 2012, n° 2012-281 QPC et Cons. const., 24 oct. 2012, n° 2012-656 QPC pour la
validation de telles dérogations par le Conseil constitutionnel.

347
Le pluralisme juridictionnel pourrait en outre être envisagé dans sa polysémie. Si l’acception
ici retenue se justifiait au regard d’un objet de recherche centré sur la confrontation du
justiciable à la dispersion du contentieux, retenir une autre acception pourrait s’avérer
pertinente si celui-ci était élargi aux autres juridictions amenées à intervenir en droit du
travail, à savoir le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’hommes et la
Cour de justice de l’Union européenne. La première acception du pluralisme paraîtrait sur ce
point particulièrement adaptée puisque serait en cause la question de la coexistence de
plusieurs ordres juridictionnels non réductibles les uns aux autres et dont il s’agirait
d’apprécier les relations.
À l’annonce de ces quelques pistes de recherche, on mesure ainsi à quel point le pluralisme
juridictionnel est loin d’avoir livré tous ses secrets !

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A. Cerf-Hollender, « Droit pénal du travail », Rép. trav., Dalloz 2010.

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G. Chabot, « Incompétence », Rép. proc. civ., Dalloz 2016.

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Cabinet Bredin-Pra et C. Gaillard, « Conseil de prud’hommes », Rép. trav., Dalloz 2017.
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protecteur) », Rép. trav., Dalloz 2013.

PÉTEL-TEYSSIÉ (I.)
I. Pétel-Teyssié, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir », Rép. proc. civ., Dalloz 2013.

RICHEVAUX (M.)
M. Richevaux, « Logement de fonction », J.-Cl. Travail 2010, fasc. 18-28.

TIRVAUDEY-BOURDIN (C.)
C. Tirvaudey-Bourdin, « Compétence – Exceptions de litispendance et de connexité », J.-Cl.
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SEILLER (B.)
B. Seiller, « Questions préjudicielles », Rép. cont. adm., Dalloz 2014.

IV. Articles et contributions à des ouvrages collectifs

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J.-F. Akandji-Kombé, « Propos introductifs », in L. Fontaine (dir.), Droit et pluralisme,
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ALLARD (J.)
J. Allard, « Le dialogue des juges dans la mondialisation », in Le dialogue des juges – Actes
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S. Amrani Mekki, « Le socle commun procédural de l’action de groupe de la loi de
modernisation de la justice du XXIe siècle », JCP G 2016, 1340.
S. Amrani-Mekki, « L’action de groupe du XXIe siècle. Un modèle réduit et réducteur ? »,
JCP G 2015, 1196.

ANTONMATTEI (P.-H.)
P.-H. Antonmattei, F. Canut, D. Chenu, A. Derue, M. Morand, Ch. Neau-Leduc, G. Vachet et
P.-Y. Verkindt, « La réforme du constat et de la contestation de l’inaptitude en questions »,
SSL 2017, n° 1772, p. 4.

APCHAIN (H.)
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587.

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ARRIGHI (J.)
J. Arrighi de Casanova et J.-H. Stahl, « Tribunal des conflits : l’âge de la maturité », AJDA
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ARVIS (B.)
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de la pratique : Mélanges en l’honneur du Professeur Paul Le Cannu, Dalloz 2014, p. 655
G. Auzero, « Action en concurrence déloyale et violation d’une obligation de non-
concurrence », Lexbase Hebdo éd. S 2013, n° 530.
G. Auzero, « La nature juridique du lien de coemploi », SSL 2013, n° 1600, p. 8.
G. Auzero, « Les effets avérés et à venir du coemploi », JCP S 2013, 1440.
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400
V. Conclusions, notes, observations, chroniques, commentaires
sous arrêts

ADAM (P.)
Chron. sous Cass. com., 10 févr. 2015, RDT 2015, p. 191.
Note sous Cass. ass. plén., 25 juin 2014, RDT 2014, p. 607.

AMRANI MEKKI (S.)


Obs. sous Cass. com., 20 févr. 2007, Dr. et patr. 2008, p. 98.

ANANE (S.)
Obs sous Cass. crim. 17 déc. 2014, D. act. 5 févr. 2015.

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Note sous CE, sect., 1er févr. 1980, RDP 1980, p. 1717.
Note sous T. confl., 5 juill. 1951, Avranches et Desmarets, S. 1952, p. 1.

AUZERO (G.)
Note sous CE, 4e et 5e ch. réun., 17 oct. 2016, SSL 2016, n° 1744, p. 10.
Note sous CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, Lee Cooper, Lexbase Hebdo éd. S 2016, n°
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Obs. sous CE, 1re et 6e s.-s. r., 1er juin 2015, Fédération UNSA spectacle et communication,
Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 617.
Chron. sous Cass. soc., 26 mars 2014, RDT 2014, p. 330.
Note sous Cass. soc., 30 janv. 2013, BJS 2013, p. 256.
Obs. sous Cass. soc., 31 janv. 2012, Lexbase Hebdo éd. S 2012, n° 473.
Obs. sous Cass. soc., 4 juillet 2012, Lexbase Hebdo éd. S 2012, n° 494.
Obs. sous Cass. soc., 3 juin 2009, L’île de la tentation, RDT 2009, p. 507.

AZIBERT (M.)
Chron. sous CE, ass., 1er juill. 1988, Billard et Volle, AJDA 1988, p. 592.

BABIN (M.)
Note sous Cass. soc., 11 déc. 2013, JCP S 2014, 1231.

BACQUET (A.)
Concl. sous CE, sect., 1er févr. 1980, Ministre du travail c/ Peintures Corona, Dr. soc. 1980,
p. 310.

BAILLY (P.)
Obs. sous Cass. soc., 5 déc. 2012, D. 2013, p. 121.
Rapp. sous Cass. soc., 5 mai 2012, SSL 2012, n° 1537, p. 13.
Rapp. sous Cass. soc., 14 févr. 2007, Dr. soc. 2007, p. 557.
Note sous Cass. soc., 3 mars 1998, D. 1998, p. 418.
Note sous Cass. soc., 5 mars 1997, D. 1997, p. 522.
Note sous Cass. soc., 9 juill. 1996, D. 1997, p. 60.

401
BARBIÈRI (J.-F.)
Note sous Cass. soc., 16 sept. 2008, RDSS 2009, p. 102.

BARÈGE (A.)
Note sous Cass. soc., 11 juin 2013, JCP S 2013, 1388.
Note sous Cass. soc., 14 avr. 2010, JCP S 2010, 1271.

BARRIÈRE (C.)
Act. sous Cass. com., 10 févr. 2015, JCP G 2015, 226.

BASIC (A.)
Note sous TGI Lyon, réf., 6 déc. 2012, CGT TCL et a. c/ Kéolis, Dr. ouvr. 2013, p. 404.

BATTEN (P.)
Note sous Cass. soc., 20 sept. 2006, Dr. ouvr. 2007, p. 96.

BÉGUIN (J.)
Obs. sous Cass. soc., 28 juin 2005, JCP G 2005, 179.

BLAISE (H.)
Obs. sous Cass. soc., 10 juill. 1996, Le Berre, Dr. soc. 1996, p. 976, obs. H. Blaise.

BLANC-JOUVAN (G.)
Note sous Cass. avis, 19 mars 2007, JCP S 2007, 1458.

BOISSARD (S.)
Concl. sous CE, ass., 29 juin 2001, Berton, Dr. soc. 2001, p. 948.

BONNECHÈRE (M.)
Note sous CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, Lee Cooper, Dr. ouvr. 2016, p. 778.

BOSSU (B.)
Note sous Cass. soc., 26 sept. 2007, Adij, JCP S 2007, 1987.
Note sous Cass. soc., 12 juin 2007, JCP S 2007, 1878.

BOTTEGHI (D.)
Chron. sous T. confl, 15 déc. 2008, Kim c/ Établissement français du sang et Voisin c/ RATP,
AJDA 2009, p. 365.

BOUBLI (B.)
Note sous Cass. soc., 28 févr. 2006, JCP S 2006, 1394.
Note sous Cass. soc. 21 juin 2005, n° 02-45.479, JCP S 2005, 1183.
Note sous Cass. soc., 5 avr. 2005, JCP S 2005, 1041.
Comm. sous Cass. soc., 1er oct. 2002, TPS 2003, 49.
Obs. sous Cass. soc., 16 févr. 1999, TPS 1999, 214.
Comm. sous Cass. soc., 6 mai 1998, TPS 1998, 377.
Comm. sous Cass. soc., 30 avr. 1997, TPS 1997, 271.

402
BOULMIER (D.)
Note sous CA Paris, (Pôle 6, ch. 9), 1er avr. 2015, E. et FNIC CGT contre SA Cryopal venant
aux droits de la société Air liquide France Industrie (ALFI), Dr. ouvr. 2016, p. 79.
Note sous Cass. soc., 26 mars 2013, JCP S 2013, 1252.
Obs. sous Cass. soc., 5 déc. 2012, Dr. soc. 2013, p. 178.

BOULOC (B.)
Obs. sous Cass. crim. 17 déc. 2014, RTD com. 2015, p. 170.

BOURDOISEAU (J.)
Obs. sous Cass. soc., 6 oct. 2015, Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 630.

BOURDON (P.)
Chron. sous Cass. crim, 8 avr. 2014, RDT 2014, p. 630.

BOUSEZ (F.)
Obs. sous Cass. soc., 31 oct. 2012, JCP S 2013, 1043.
Note sous Cass. soc., 27 sept. 2007, JCP S 2008, 1139.

BRISSY (S.)
Note sous Cass. soc., 15 avr. 2015, JCP S 2015, 1261.
Comm. sous Cass. soc., 12 févr. 2014, JCP E 2014, 1476.
Cass. crim., 16 avr. 2013, JCP E 2013, 1525.
Note sous Cass. soc., 8 févr. 2012, JCP S 2012, 1172.
Obs sous Cass. soc., 30 nov. 2011, JCP S 2012, 1049.
Note sous Cass. soc., 26 oct. 2011, JCP S 2012, 1026.
Note sous Cass. soc., 23 mars 2011, JCP S 2011, 1263.
Note sous Cass. soc., 5 janv. 2011, JCP S 2011, 1115.
Note sous Cass. soc., 29 oct. 2010, JCP S 2011, 1032.
Note sous Cass. com., 26 oct. 2010, JCP S 2010, 1561.

BUGADA (A.)
Comm. sous Cass. soc., 26 oct. 2016, Procédures 2016, 368.
Comm. sous Cass. soc., 15 avr. 2015, Procédures 2015, 229.
Comm. sous Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, Procédures 2015, 85.
Comm. sous Cass. soc., 25 sept. 2013, Procédures 2014, 15.
Comm. sous TGI Nanterre, ord. réf., 10 sept. 2014, Syndicat CGT EADS Astrium Toulouse,
Procédures 2014, 301.
Comm. sous Cass. soc., 10 juill. 2013, Procédures 2013, 286.
Comm. sous Cass. soc., 11 juin 2013, Procédures 2013, 292.
Comm. sous Cass. soc., 21 nov. 2012, Procédures 2013, 153.
Comm sous Cass. soc., 4 juill. 2012, Procédures 2012, 297.
Comm. sous Cass. soc., 30 sept. 2010, Procédures 2010, 377.
Note sous Cons. const., 18 juin 2010, JCP E 2010, 1090.
Note sous Cass. com., 6 mai 2003, D. 2004, 1154.

CABANNES (J.)
Concl. sous Cass. ass. plén., 4 mars 1983, D. 1983, p. 381.

403
CANUT (F.)
Note sous Cass. soc., 27 mai 2015, CSBP 2015, n° 276, p. 382.

CASAUX-LABRUNÈE (L.)
Obs. sous Cass. soc., 23 mars 2011, Lexbase Hebdo éd. S 2011, n° 435.

CERF (A.)
Note sous Cass. crim., 1er juill. 1997, RCS 1998, p. 342.

CHACORNAC (J.)
Note sous Cass. com., 7 juin 2016, JCP G 2016, 957.

CHAGNY (Y.)
Note sous Cass. soc., 14 nov. 2007, Bull, RDT 2008, p. 103.

CHAMPEAUX (F.)
Obs. sous Cass. soc., 12 mai 2017, SSL 2017, n° 1770, p. 13.
Obs. sous CE, 4e et 5e ch.-réun., 5 déc. 2016, SSL 2016, n° 1750, p. 5.
Note sous Cass. soc., 30 juin 2016, SSL 2016, n° 1735, p. 12.
Obs. sous Cons. const., 27 nov. 2015, SSL 2015, n° 1701, p. 4.
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, SSL 2013, n° 1582, p. 10.

CHANDIVERT (V.)
Note sous Cass. soc., 13 mars 2013, SSL 2013, n° 1582, p. 11.

CHARENT (G.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 21 oct. 2015, SSL 2016, n° 1712, p. 11.

CHAUMETTE (P.)
Obs. sous Cass. soc., 8 oct. 2014, SNCM c/ Syndicat CGT des marins de Marseille, DMF
2015, n° 766, p 131.
Note sous Cass. soc., 12 févr. 2014, Dr. soc. 2014, p. 389.
Obs. sous CA Aix, 17 déc. 2013, DMF 2014, p. 214.
Obs sous Cass. soc., 25 janvier 2012, Dr. soc. 2012, p. 433.
Obs. sous TI Marseille, 5 nov. 2009, DMF 2010, n° 715, p. 497.
Obs. sous Cass. soc. 3 mai 2006, Dr. soc. 2006, p. 805.

CHASTAGNOL (G.)
Note sous Cass. crim, 8 avr. 2014, JCP E 2014, 1558.

CHAUVAUX (D.)
Chron. sous T. confl., 25 mars 1996, AJDA 1996, p. 355.

CHAVENT-LECLÈRE (A.-S.)
Comm. sous Cass. crim., 16 nov. 2010, Procédures 2011, 66.

CHEVALLIER (J.)
Note sous Cons. const., 28 juill. 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des
étrangers en France, AJDA 1989, p. 619.
Note sous Cons. const., 23 janv. 1987, Conseil de la concurrence, AJDA 1987, p. 345.

404
CHEVRIER (E.)
Obs. sous Cass. com., 27 mars 2001, D. 2001, p. 1617.

CHISS (R.)
Note sous Cass. soc., 16 nov. 2010, JCP S 2011, 1053.

CLAMOUR (G.)
Act. sous CE, 1re et 6e s.-s. r., 28 déc. 2009, Guillot, AJDA 2010, p. 806.

CLAY (Th.)
Obs. sous Cass. soc., 28 juin 2005, D. 2005, panor. 3052.

COEURET (A.)
Note sous T. com. Orléans, 1er juin 2012, n° 2010-11170, A. et a. c/ Mme D. et Sté Aurelius
AG, JCP E 2012, 1494.
Note sous T. com. Marseille, réf., 7 nov. 2001, Comité d’entreprise de la société anonyme
Gemplus c/ SA Gemplus, Droit 21, article disponible sur http://www.droit21.com.

COLLIN (P.)
Chron. sous CE, ass., 29 juin 2001, Berton, AJDA 2001, p. 648.

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COSTA (Y.)
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COTTIN (J.-B.)
Note sous Cass. soc., 12 févr. 2013, JCP S 2013, 1398.

COURSIER (Ph.)
Note sous Cass. soc., 16 févr. 1999, JCP E 1999, 1685.

COUTURIER (G.)
Note sous Cass. soc., 5 mai 2012, Dr. soc. 2012, p. 600.
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CROZE (H.)
Note sous Cass. com., 6 mai 2003, Procédures 2003, n° 258.

CRUSOÉ (L.)
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CUTAJAR (C.)
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DARDALHON (L.)
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DAUXERRE (L.)
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Note sous Cass. soc., 13 mai 2015, JCP S 2015, 1264.
Note sous Cass. soc., 2 déc. 2008, JCP S 2009, 1098.
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DE BOISDEFFRE (M.)
Chron. sous CE, ass., 1er juill. 1988, Billard et Volle, AJDA 1988, p. 592.

DE MONTECLER (M.-C.)
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AJDA 2017, p. 85.
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, AJDA 2013, p. 769.
Act. sous T. confl., 17 oct. 2011, Comité d’établissement de Pôle emploi Île de France c/ Pôle
emploi, AJDA 2011, p. 2042.

DE SANGA (A.)
Note sous Cass. soc., 12 juin 2007, Dr. ouvr. 2008, p. 86.

DEDESSUS-LE-MOUSTIER (G.)
Note sous CE, 4e et 5e ch. réun., 17 oct. 2016, Sté G. Participations, BJS 2017, p. 45.

DELGADO (F.)
Note sous Cass. soc., 8 juill. 2009, Dr. ouvr. 2010, p. 53.

DELIANCOURT (S.)
Note sous T. confl., 11 janv. 2016, Comité d’établissement de l’unité clients et fournisseurs
Île-de-France des sociétés ERDF et GRDF, Dr. ouvr. 2016, p. 381.

DELPECH (X.)
Obs. sous Cass. soc., 6 mai 2015, D. 2015, 1105.

DESRUES (M.)
Note sous Cass. soc., 5 janv. 2011, Pôle emploi Région Île de France c/ comité
d’établissement , Dr. ouvr. 2011, p. 183.

DÉTRAZ (S.)
Note sous Cass. crim., 19 juin 2013, JCP G 2013, 933.

DEVYS (C.)
Concl. sous CE, 1re et 6e s.-s. r., 6 févr. 2006, Département de la Dordogne, AJDA 2006, p.
888.

406
DIEU (F.)
Concl. sous CE, 4e et 5e ch.-r., 15 mars 2017, Syndicat Armateurs de France, Dr. soc. 2017, p.
471.

DOCKÈS (E.)
Note sous Cass. soc., 5 mai 2012, Dr. soc. 2012, p. 606.
Obs. sous. Cass. soc. 13 janv. 2010, Dr. soc. 2011, p. 715.

DOMINO (X.)
Chron. sous T. confl., 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau et T. confl., 12 déc. 2011, Société
Green Yellow », AJDA 2012, p. 27.

DONDERO (B.)
Note sous Cass. com., 4 déc. 2012, JCP E 2013, 1000.
Note sous T. com. Orléans, 1er juin 2012, n° 2010-11170, A. et a. c/ Mme D. et Sté Aurelius
AG, JCP E 2012, 1494.

DONDOUX (P.)
Concl. sous CE, sect., 6 févr. 1981, Delle Baudet, AJDA 1981, p. 489.
Concl. sous CE, sect., 18 fév. 1977, Abellan, Dr. soc. 1977, p. 166.
Concl sous. CE, ass., 5 mai 1976, Safer d’Auvergne, Dr. soc. 1976, p. 346.

DONNAT (F.)
Note sous T. confl., 17 oct. 2011, D. 2011, p. 3046.

DRAI (L.)
Note sous Cass. soc., 27 nov. 2013, JCP S 2014, 1273.

DUCHANGE (G.)
Note sous Cass. soc., 10 janv. 2017, JCP S 2017, 1981.

DUFAU (J.)
Note sous CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau, JCP G 1957, II, 9987.

DUMAS (S.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 21 oct. 2015, SSL 2016, n° 1712, p. 11.

DUMONT (F.)
Note sous Cass. soc., 6 avr. 2016, JCP S 2016, 1190.
Note sous Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, JCP E 2015, 888.
Note sous Cass. soc., 14 nov. 2007, JCP S 2008, 1081.

DUMORTIER (G.)
Concl. sous CE, ass., 22 juill. 2015, Heinz, RDT 2015, p. 514.
Concl. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 20 nov. 2013, Mme C, Dr. soc. 2014, p. 25.
Concl. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 3 juill. 2013, RDT 2013, p. 551.
Concl. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, RDT 2013, p. 394.

DUPEYROUX (J.-J.)
Obs. sous Cass. soc., 3 juin 2009, L’île de la tentation, Dr. soc. 2009, p. 791.

407
DUPLAT (J.)
Avis sous Cass. soc., 11 mai 2010, Dr. soc. 2010, p. 839.
Obs. sous Cass. soc., 8 avr. 2004, SSL 2004, n° 1165, p. 6.
Note sous T. confl., 19 janv. 2004, Dr. ouvr. 2004, p. 146.

DUPRÉ DE BOULOIS (X.)


Ét. sous Cass. soc., 18 déc. 2007, RFDA 2008, p. 499.

DUQUESNE (F.)
Note sous Cass. com., 7 juin 2016, JCP S 2016, 1087.

DUTHEILLER DE LAMOTHE (O.)


CE, ass., 22 juill. 2015, Heinz, AJDA 2015, p. 1632.

EL YACOUBI (M.)
Obs. sous Cass. soc., 12 mai 2017, SSL 2017, n° 1770, p. 13.

FABRE (A.)
Obs. sous CA Amiens, ch. soc. 5, 28 juin 2016, Lee Cooper, CSBP 2016, n° 289, p. 473.
Note sous Cass. soc., 23 mars 2016, RDT 2016, p. 263.
Ét. Cass. soc., 27 janvier 2015, Dr. soc. 2015, p. 237.

FAVENNEC-HÉRY (F.)
Ét. Cass. soc., 5 mai 2012, JCP S 2012.

FEFFER (M.-A.)
Chron. sous CE, sect., 1er févr. 1980, Ministre du travail c/ Peintures Corona, AJDA 1980, p.
408.

FIN-LANGER (L.)
Note sous Cass. soc., 23 mars 2016, JCP S 2016, 1179.
Note sous Cass. soc., 15 juin 2011, JCP S 2011, 1390.

FORTIER (C.)
Obs. sous T. confl., 18 juin 2001, Lelaidier c/ Ville de Strasbourg, AJFP 2001, p. 5.

FORTIS (É)
Note sous Cass. crim. 17 déc. 2014, RSC 2015, p. 642.

FOURNIER (J.)
Chron. sous CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau, AJDA 1957, p. 184.
Chron. sous CE, Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques,
AJDA 1956, II, p. 489.

FRANÇOIS (G.)
Obs. sous Cass. soc., 5 déc. 2012, JCP S 2013, 1075.

FRICERO (N.)
Obs. sous T. confl., 17 oct. 2011, D. 2012, p. 244.

408
Obs. sous Cass. ass. plén., 13 mars 2009, D. 2009, p. 169.

GADRAT (M.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 22 mai 2015, Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 615.

GAHDOUN (P.-Y.)
Note sous Cons. const., 14 mai 2012, Association Temps de vie, Dr. ouvr. 2012, p. 621.

GARDES (D.)
Chron. sous Cass. soc., 25 juin 2013, Mister France et Koh Lanta, RDT 2013, p. 622.

GAUDEMET (Y.)
Note sous Cons. const., 23 janv. 1987, Rev. dr. publ. 1987, p. 1341.

GAURIAU (B.)
Obs. sous Cass. soc., 30 nov. 2011, Dr. soc. 2012, p. 309.
Ét. sous Cass. soc., 8 juill. 2009, JCP 2009, 1416.
Note sous Cass. soc., 3 mai 2007, JCP S 2007, n° 27, p. 27.

GÉA (F.)
Ét. CE, ass., 22 juill. 2015, Heinz, RDT 2015, p. 528.

GENEVOIS (B.)
Note sous Cons. const., 28 juill. 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des
étrangers en France, RFDA 1989, p. 691.
Comm. Sous Cons. const., 23 janv. 1987, RFDA 1987, p. 287.

GOSSELIN (X.)
Note sous T. confl., 15 déc. 2008, Voisin c/ RATP, Dr. ouvr. 2009, p. 512.

GRANIER (Th.)
Note sous Cass. soc., 30 janv. 2013, RDS 2013, p. 707.

GRÉVY (M.)
Chron. sous CA Versailles, 1er déc. 2015, Syndicat CGT EADS et a. c/ SAS Airbus Défense
and Space, RDT 2016, p. 286.
Obs. sous Cass. soc., 3 mars 2015, RDT 2015, p. 477.
Note sous Cass. soc., 11 juin 2013, RDT 2013, p. 573.

GRUMBACH (T.)
Ét. sous CA Versailles, 31 oct. 2011, RDT 2012, p. 49.
Ét. sous CPH Mulhouse, 28 juin 2010, Superba, RDT 2010, p. 529.
Ét. sous CA Chambéry, 5 janv. 2010, et Cass. soc., 28 sept. 2010, Eurodec, RDT 2010, p.
529.
Note sous TGI Péronne, 18 août 2009, Flodor, RDT 2009, p. 693.
Obs. sous Cass. soc. 12 mars 2008, RDT 2008, p. 326.

GUIOMARD (F.)
Obs. sous Cass. civ. 2e, 4 avr. 2012, Dr. ouvr. 2012, p. 681.
Obs. sous Cons. const., 18 juin 2010, Dr. ouvr. 2010, p. 612.

409
GUYOMAR (M.)
Chron. sous T. confl., 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau et T. confl., 12 déc. 2011, Société
Green Yellow », AJDA 2012, p. 27.
Chron. sous CE, ass., 29 juin 2001, Berton, AJDA 2001, p. 648.

HABLOT (C.)
Act. sous Cass. soc., 30 juin 2016, JCP G 2016, 859.

HAURIOU (M.)
Note sous T. confl., 16 juin 1923, Septfonds, S. 1923, III, p. 49.

HAUSER (J.)
Obs. sous Cass. civ. 1re, 3 avr. 2001, RTD civ. 2001, p. 578.

HAUTEFORT (M.)
Note sous CE, 1re ch., 31 mars 2017, JSL 2017, p. 17.

HÉBRAUD (P.)
Obs. sous Cass., ass. plén., 26 mai 1967, RTD civ. 1967, p. 697.
Obs. sous Cass. soc., 16 juin 1961, RTD civ. 1962, p. 165.

INES (B.)
Obs. sous Cass. soc., 16 déc. 2014, D. act. 21 janv. 2015.
Obs. sous Cass. soc., 5 déc. 2012, D. act., 8 janv. 2013.

JEAMMAUD (A.)
Note sous Cass. soc., 4 déc. 2001, Dr. soc. 2002, p. 158.
Note sous Cass. soc., 19 déc. 2000, Labanne, Dr. soc. 2001, p. 227.

JEULAND (É.)
Obs. sous Cass. com., 7 avr. 2009, JCP G 2009, 369.

JOURDAIN (P.)
Obs. Cass. soc., 11 mai 2010, RTD civ. 2010, p. 564.

KAPP (Th.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 25 févr. 2015, SSL 2015, n° 1670, p. 10.
Note sous Cass. soc., 19 mars 2014, JCP S 2014, 1306.

KEBIR (M.)
Obs. sous Cass. soc., 9 juin 2017, Dalloz act. 23 juin 2017.
Obs. sous Cass. soc., 17 déc. 2013, D. act., 27 janvier 2014.

KEIM-BAGOT (M.)
Act. sous Cass. soc., 6 oct. 2015, Dr. soc. 2015, p. 1043.

KELLER (M.)
Note sous Cass. soc., 25 sept. 2013, Dr. ouvr. 2014, p. 41.
Ét. sous TGI Lille, 1re ch., 24 nov. 2011, Dr. ouvr. 2012, p. 471.

410
KELLER (R.)
Concl. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 27 juin 2011, Ministre du travail, des relations sociales, de la
famille, de la solidarité et de la ville c/ Société SEMG Veillé, Dr. soc. 2011, p. 1043.
KENFACK (H.)
Obs. sous Cass. soc., 28 juin 2005, D. 2007, Panor. 118.

KERBOURC’H (J.-Y.)
Note sous Cass. soc., 12 nov. 2015, JCP S 2016, 1007.
Note sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 25 févr. 2015, JCP S 2015, 1301.
Obs. sous Cass. soc., 6 oct. 2011, JCP S 2012, 1125.
Note sous Cass. soc., 18 nov. 2009, JCP S 2009, 1584.
Note sous Cass. soc., 18 mars 2009, JCP S 2009, 1322.
Note sous Cass. soc., 5 mars 2008, JCP S 2008, 1309.
Note sous Cass. soc., 23 janv. 2008, JCP S 2008, 1277.

KOCHER (M.)
Obs. sous Cass. soc., 15 avr. 2015, RDT 2015, p. 541.

KOVAC (J.)
Note sous Cass. soc., 16 sept. 2008, JCP S 2009, 1044.

LABBÉ (J.-E.)
Note sous Cass. civ., 14 août 1882, S. 1883, 1, p. 145.

LACHAUME (J.-F.)
Ét. CE, ass., 1er juill. 1988, Billard et Volle, Dr. soc. 1989, p. 512.
Ét. Cass. soc., 10 juill. 1984, SNCF c/ Grostin, Dr. soc. 1985, p. 122.

LAFUMA (E.)
Doctr. TGI Nanterre, 5 févr. 2015, Dr. ouvr. 2015, p. 340.

LAHALLE (T.)
Note sous Cass. soc., 13 avr. 2016, JCP S 2016, 1228.
Note sous Cass. soc., 24 juin 2014, JCP S 2014, 1440.
Note sous Cass. soc., 26 mars 2013, JCP S 2013, 1254.
Note sous Cass. soc., 21 nov. 2012, JCP S 2013, 1094.
Obs. sous Cass. soc., 7 déc. 2011, JCP S 2012, 1095.
Note sous Cass. soc., 18 mars 2008, JCP S 2008, 1327.
Obs. sous Cass. soc., 13 juin 2007, JCP S 2007, 1832.

LANDAIS (C.)
Concl. sous CE, sect., 23 mars 2012, RFDA 2012, p. 429.

LANGLOIS (Ph.)
Obs sous Cass. soc., 19 janv. 1999, Dr. soc. 1999, p. 315.

LARDY-PÉLISSIER (B.)
Obs. sous Cass. soc., 13 mars 2013, RDT 2013, p. 328.
Obs. sous Cass. soc., 12 juin 2001, Peccoud, D. 2001, p. 3011.

411
LAZERGES (Ch.)
Note sous Cass. crim., 5 déc. 1989, RSC 1990, p. 591.

LE BARS (Th.)
Note sous Cass. ass. plén., 29 nov. 1996, JCP G 1997, II, 22807.

LEBORGNE-INGELAERE (C.)
Note sous Cass. soc., 18 févr. 2016, JCP S 2016, 1175.
Note sous Cass. soc., 27 nov. 2013, JCP S 2014, 1129.
Note sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 20 nov. 2013, Mme C, JCP S 2014, 1129.

LEDOUX (M.)
Note sous Cass. soc., 25 sept. 2013, JCP S 2013, 1459.

LEFRANC-HARMONIAUX (C.)
Act. sous. Cass. soc., 18 févr. 2014, JCP G 2014, 302.

LÉGER (N.)
Act. sous Cass. soc., 9 avr. 2015, JCP S 2015, 186.
Note sous Cass. soc., 16 sept. 2008, JCP S 2008.

LESSI (J.)
CE, ass., 22 juill. 2015, Heinz, AJDA 2015, p. 1632.

LEVADE (A.)
Obs. sous CE, sect., 23 mars 2012, Constitutions 2012, p. 294.

LEVALLOIS (P.)
Note sous T. confl., 11 janv. 2016, Comité d’établissement de l’unité clients et fournisseurs
Île-de-France des sociétés ERDF et GRDF, JCP A 2016, 2334.

LÉVY (A.)
Note sous T. confl., 15 déc. 2008, Voisin c/ RATP, Dr. ouvr. 2009, p. 512.

LIEBER (S.-J.)
Concl. sous CE, 4e et 5e ch. réun., 17 oct. 2016, n° 386306, Sté G. Participations, SSL 2016,
n° 1744, p. 6.
Chron. sous T. confl, 15 déc. 2008, Kim c/ Établissement français du sang et Voisin c/ RATP,
AJDA 2009, p. 365.

LIENHARD (A.)
Obs. sous Cass. com., 2 juin 2015, Dalloz act. 4 juin 2015.

LIPSKI (J.-S.)
Note sous Cass. soc., 14 nov. 2013, JCP S 2014, 1087.

LOISEAU (G.)
Note sous Cass. soc., 30 sept. 2015, JCP S 2015, 1414.
Note sous Cass. com., 2 juin 2015, Bank of Scotland, JCP S 2015, 1278.

412
LOKIEC (P.)
Obs. sous Cass. soc., 27 janvier 2015, D. 2015, p. 829.
Note sous Cass. soc., 18 oct. 2007, D. 2008, p. 262.

MARC (E.)
Note sous CE, sect., 23 mars 2012, Fédération Sud santé sociaux, AJDA 2012, p. 1583.

MARTINON (A.)
Note sous Cass. soc., 12 févr. 2013, JCP S 2013, 1398.

MARY (S.)
Note sous Cass. civ. 2e, 16 oct. 2003, D. 2004, p. 454.

MATHIOT (A.)
Chron. sous CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau, D. 1957, p. 43.

MAYER (L.)
Note sous Cass. civ. 2e, 22 mai 2014, Gaz. Pal. 2014, n° 252.

MAYEUR-CARPENTIER (C.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 21 févr. 2014, Sté IPL Atlantique, RDT 2014, p. 353.

MAZEAUD (A.)
Obs. sous T. confl., 19 janv. 2004, Devun c/ Commune de Saint-Chamond, Dr. soc. 2004,
p. 433.
Obs. sous Cass. soc., 21 nov. 2000, Dr. soc. 2001, p. 318.

MAZIÈRE (A.)
Note sous Cass. soc., 25 juin 2013, Mister France, Dr. ouvr. 2014, p. 101.
Note sous Cass. soc., 6 févr. 2013, Dr. ouvr. 2013, p. 549.
Note sous CA Toulouse, 4e ch., sect. 1, 21 sept 2011, Dr. ouvr. 2012, p. 39.

MERCAT-BRUNS (M.)
Chron. sous Cass. soc., 30 sept. 2013, RDT 2014, p. 45.

MEYER (F.)
Note sous Cass. soc., 30 sept. 2010, Dr. ouvr. 2010, p. 662.

MIARA (S.)
Act. sous Cass. soc. 15 nov. 2011, JCP S 2011, 474.

MILLET (L.)
Chron. sous Cass. soc., 12 juin 2001, Dr. soc. 2001, p. 1053.

MINÉ (M.)
Obs. sous Cass. soc., 14 févr. 2001, Dr. soc. 2001, p. 573.

MOLLA (S.)
Note sous Cass. soc., 28 mai 2014, JCP S 2014, 1394.

413
MONTANIER (P.)
Note sous Cass. soc., 16 sept. 2008, JCP S 2009, 1044.

MOREAU (M.-A.)
Cass. soc., 16 févr. 1999, Dr. soc. 1999, p. 632.

MORIN (J.)
Chron. sous Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, RDT 2015, p. 345.

MOUDOUDOU (P.)
Note sous T. confl., 25 mars 1996, Berkani, JCP 1996, II, 22664.

MOULY (J.)
Act. sous Cass. soc., 12 mai 2017, Dr. soc. 2017, p. 680.
Ét. Cass. soc., 20 avr. 2017, Dr. soc. 2017, p. 665.
Act. sous Cass. soc., 1er févr. 2017, Dr. soc. 2017, p. 375.
Act. sous. Cass. soc., 10 janv. 2017, Dr. soc. 2017, p. 375.
Act. sous Cass. soc., 8 déc. 2016, Dr. soc. 2017, p. 79.
Note sous CE, 4e et 5e ch.-réun., 5 déc. 2016, Dr. soc. 2017, p. 244.
Obs. sous Cass. civ. 2e, 7 juill. 2016, Dr. soc. 2016, p. 859.
Act. sous Cass. soc., 14 janv. 2016, Dr. soc. 2016, p. 291.
Ét. Cass. ass. plén., 23 oct. 2015, Dr. soc. 2016, p. 27.
Act. sous Cass. soc., 22 sept. 2015, Dr. soc. 2015, p. 1025.
Act. sous Cass. soc., 16 sept. 2015, Dr. soc. 2015, p. 937.
Obs. sous Cass. soc., 15 avr. 2015, Dr. soc. 2015, p. 559.
Ét. Cass. ass. plén., 25 juin 2014, Baby Loup, Dr. soc. 2014, p. 811.
Act. sous Cass. soc., 8 avr. 2014, Dr. soc. 2014, p. 679.
Obs. sous Cass. soc., 15 janv. 2014, Dr. soc. 2014, p. 286.
Obs. sous Cass. com., 14 mai 2013, Gemo Interim 3 (sté) c/ SDL Intérim (Sté), Dr. soc. 2013,
p. 649.

MOUSSY
Note sous Cass. soc., 10 juill. 1996, Le Berre, Dr. ouvr. 1996, p. 457.

MRAOUAHI (S.)
Note sous Cass. soc., 8 mars 2017, RDT 2017, p. 347, note S. Mraouahi.

NAUD (F.)
Note sous T. confl., 29 déc. 2004, Époux Blanckeman, Dr. adm. 2005, p. 32.

NÉAU-LEDUC (C.)
Note sous Cass. soc., 18 oct. 2007, Bull. Joly 2008, p. 119.

NICOLAY (P.)
Concl. sous CE, sect., 4 mars 1960, Sté Le Peignage de Reims, Dr. soc. 1960, p. 274.

NORMAND (J.)
Obs. sous Cass., ass. plén., 26 mai 1967, RTD civ. 1986, p. 410.
Obs. sous Cass. soc., 21 avr. 1977, RTD civ. 1978, p. 415.

414
Obs. sous Cass. soc., 22 janv. 1975, RTD civ. 1976, p. 192.

ODOUL-ASOREY (I.)
Chron. sous Cass. soc., 14 nov. 2013, RDT 2014, p. 276.

ORBEC-BARTHE (S.)
Note sous Cass. soc., 9 juill. 2014, JCP S 2014, 1428.

ORIF (V.)
Obs. sous Cass. soc., 29 mai 2013, Dr. soc. 2013, p. 764.

PAGANI (K.)
Note sous Cass. soc., 26 oct. 2016, JCP S 2016, 1412.

PAGNERRE (Y.)
Note sous Cass. soc., 30 sept. 2015, JCP E 2015, 1559.

PASTOR (J.-M.)
Obs. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 30 déc. 2015, Confédération générale du travail Force ouvrière
(CGT-FO), AJDA 2016, p. 11.

PELLISSIER (M.)
Note sous Cass. soc., 26 oct. 2016, JCP S 2016, 1412.

PERRIN (J.-J.)
Note sous Cass. soc., 8 mars 2017, JCP E 2017, 1339, note J.-J. Perrin.

PERRIN (L.)
Obs. sous Cass. soc., 30 nov. 2011, D. act., 3 janv. 2012.

PERROT (R.)
Comm. sous Cass. soc., 8 févr. 2012, Procédures 2012, 105.
Comm. sous Cass. com., 13 avr. 2010, Procédures 2010, 222.
Obs. sous Cass. civ 2e, 1er oct. 2009, RDT civ. 2010, p. 153.
Comm. sous Cass. ass. plén., 13 mars 2009, Procédures 2009, 131.
Comm. sous Cass. com., 20 févr. 2007, Procédures 2007, 128.
Comm. sous Cass. soc., 5 déc. 2006, Procédures 2007, 59.
Comm. sous Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, Procédures 2006, 201.
Obs. sous Cass. civ. 3e, 22 mars 2006, Procédures 2006, n° 93.
Obs. sous Cass. civ. 2e, 16 oct. 2003, Procédures 2003, n° 148.

PESKINE (E.)
Obs. sous Cass. soc., 27 janvier 2015, RDT 2015, p. 339.

PESTKA (M.)
Note sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 22 mai 2015, AJDA 2016, p. 1513.

PÉTEL-TEYSSIÉ (I.)
Obs. sous Cass. soc., 17 déc. 2013, JCP S 2014, 1101.

415
PETIT (F.)
Obs. sous Cass. soc., 17 déc. 2014, Dr. soc. 2015, p. 284.
Obs. sous Cass. soc., 26 sept. 2012, JCP S 2012, 1478.
Obs. sous Cass. soc.,13 janv. 2010, Dr. soc. 2010, p. 595.

PLESSIX (B.)
Note sous T. confl., 17 oct. 2011, JCP G 2011, 1423.

PORTA (J.)
Obs. sous Cass. soc., 27 janvier 2015, D. 2015, p. 829.

POUMARÈDE (M.)
Ét. sous Cass. com., 14 mai 2013, Dr. soc. 2013, p. 622.

POUPEAU (D.)
Act. sous CE, 4e et 5e ch. réun., 15 mars 2017, Ministre du travail, de l’emploi, de la
formation professionnelle et du dialogue social, AJDA 2017, p. 603.
Note sous CE, 2e et 7e s.-s. r., 26 sept. 2014, Syndicat CFE-CGC/UNSA France Télécom-
Orange, AJDA 2014, p. 1855.
Note sous T. confl., 17 juin 2013, Mme Olteanu c/ Ville de Saint-Etienne, AJDA 2013, p.
1251.

PRÉTOT (X.)
Note sous T. confl., 25 mars 1996, Berkani, Dr. soc. 1996, p. 735.
Note sous Cons. const., 28 juill. 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des
étrangers en France, D. 1990, p. 161.

PUIGELIER (C.)
Note sous Cass. soc., 22 janv. 2014, JCP S 2014, 1256.
Note sous Cass. soc., 23 oct. 2012, JCP S 2013, 1037.

QUINQUIS (F.)
Note sous Cass. soc., 25 sept. 2013, JCP S 2013, 1459.

RADÉ (Ch.)
Obs. sous Cass. soc., 21 sept. 2017, Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 714.
Obs. sous CE, avis, 21 sept. 2016, Plessis, Lexbase Hebdo éd. S 2016, n° 671.
Obs. sous Cass. soc., 22 sept. 2015, Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 628.
Obs. sous CE, 1er et 6e s.-s. r., 17 juin 2014, Lexbase Hebdo éd. S 2014, n° 577.
Obs. sous Cass. soc., 25 juin 2013, Koh Lanta, Dr. soc. 2009, p. 930.
Chron. sous Cons. const., 14 mai 2012, Constitutions 2012, 459.
Obs. sous Cass. soc. 15 nov. 2011, Dr. soc. 2012, p. 103.
Obs. sous Cass. soc., 1er juin 2010, Lexbase Hebdo éd. S 2010.
Obs.sous Cass. soc., 2 déc. 2008, Dr. soc. 2009, p. 240.
Obs. sous Cass. soc., 18 déc. 2007, Dr. soc. 2008, p. 246.
Note sous Cass. soc., 28 oct. 1997, D. 1998, p. 219.

RENNES (P.)
Note sous TGI Dax, réf., 15 avr. 2008, Syndicat CFDT multi départemental des transports
routiers Aquitaine Atlantique c/ SAS GT Logistics.01, Dr. ouvr. 2008, p. 611.

416
REYNÈS (B.)
Obs. sous Cass. soc., 25 juin 2003, D. 2004, p. 179.

RIBES (D.)
Obs. sous Cons. const., 27 nov. 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non-
salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, D. 2002, p.
1950.

RICHARD (E.)
Note sous Cass. soc., 24 févr. 2009, Dr. ouvr. 2009, p. 229.

ROBERT (J.-H.)
Obs. sous Cass. crim., 1er juill. 1997, Dr. pén. 1998, 9.

ROBINEAU (Y.)
CE, sect., 1er févr. 1980, Ministre du travail c/ Peintures Corona, AJDA 1980, p. 408.

ROBLOT-TROIZIER (A.)
Note sous T. confl., 17 oct. 2011, RFDA 2011, p. 1136.

ROY-LOUSTAUNAU (C.)
Obs. sous Cass. soc., 20 juin 2010, Dr. soc. 2000, p. 135.

SABOTIER (N.)
Rapp. sous Cass. soc., 27 nov. 2013, Dr. soc. 2014, p. 32.

SACHS (T.)
Chron. sous CE, 4e et 5e s.-s. r., 8 avr. 2013, RDT 2013, p. 406.

SAINT-JOURS (Y.)
Note sous Cass. soc., 17 juill. 2001, Dr. ouvr. 2001, p. 20.
Note sous Cass. soc., 10 juill. 1996, Le Berre, JCP 1997, II, 22768.
Note sous T. confl., 25 mars 1996, Berkani, D. 1996, p. 598.

SAINTOURENS (B.)
Note sous Cass. soc., 29 sept. 2004, Rev. Sociétés 2005, p. 396.

SANSY (U.)
Note sous Cass. crim, 8 avr. 2014, JCP E 2014, 1558.

SARAMITO (F.)
Note sous Cass. civ. 1ère, 28 juin 2005, Dr. ouvr. 2005, p. 551.
Note sous Cass. soc., 26 sept. 1990, Dr. ouvr. 1990, p. 457.

SARCELET (J.-D.)
Concl. sous T. confl., 17 oct. 2011, RFDA 2011, p. 1122.

SARGOS (P.)
Rapp. sous Cass. civ. 1re, 19 juin 1985, D. 1985, p. 426.

417
SAUTY
Note sous T. confl., 6 nov. 1967, Préfet du Loir-et-Cher : JCP 1968, II, 15448.

SAVATIER (J.)
Obs. sous Cass. soc., 28 févr. 2006, Dr. soc. 2006, p. 680.
Obs. sous Cass. soc., 2 juin 2004, Dr. soc. 2004, p. 913.
Note sous Cass. soc., 12 juin 2001, Peccoud, Dr. soc. 2001, p. 899.
Note sous CE, 1re et 4e s.-s. r., 12 juin 1987, Dr. soc. 1987, p. 651.
Note sous Cass. soc, 3 mars 1983, Dr. soc. 1983, p. 638.
Obs. sous Cass. soc., 20 oct. 1977, Dr. soc. 1978, p. 127.

SEILLER (B.)
Note sous T. confl., 17 oct. 2011, RFDA 2011, p. 1129.

SERINET (Y.-M.)
Note sous Cass. ass. plén., 13 mars 2009, JCP 2009, II, 10077.

SERRA (Y.)
Note sous Cass. soc., 21 avr. 1977, D. 1978, p. 9.
Note sous Cass. soc., 15 mai 1974, D. 1974, p. 702.

SERRET (J.-J.)
Note sous Cass. soc., 21 févr. 1996, JCP E 1996, II, 862.

SERVERIN (É)
Obs sous Cass. soc., 5 déc. 2012, RDT 2013, p. 124.
Chron. sous TGI Nanterre, 2e ch., 12 sept. 2013, RG n° 11/12781, RDT 2013, p. 642.
Ét. sous CA Versailles, 31 oct. 2011, RDT 2012, p. 49.
Note sous Cass. soc., 3 mars 2010, RDT 2010, p. 246.
Ét. sous CPH Mulhouse, 28 juin 2010, Superba, RDT 2010, p. 529.
Ét. sous CA Chambéry, 5 janv. 2010 et Cass. soc., 28 sept. 2010, Eurodec, RDT 2010, p. 529.
Note sous TGI Péronne, 18 août 2009, Flodor, RDT 2009, p. 693.

SEUROT (L.)
Comm. sous CE, 1re et 6e s.-s. r., 17 juin 2014, AJDA 2014, p. 1963.

SIRO (J.)
Obs. sous Cass. soc., 7 déc. 2011, D. act., 21 déc. 2011.

STAHL (J.-H.)
Concl. sous CE, sect., 22 avr. 2005, Commune de Barcarès, RFDA 2005, p. 557.
Chron. sous T. confl., 25 mars 1996, Berkani, AJDA 1996, p. 355.

STRICKLER (Y.)
Comm. sous Cass. civ. 1re, 12 mai 2016, Procédures 2016, 223.

STRUILLOU (Y.)
Note sous T. Confl. 16 juin 2014, Mme Semavoine c/ Communauté d’agglomération de la
Rochelle, AJDA 2014, p. 1658.

418
Chron. sous Cass. soc., 6 oct. 2011, RJS 2012, p. 9.
Obs. sous Cass. soc., 3 mars 2010, Dr. soc. 2010, p. 606.

TAQUET (F.)
Note sous Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, JCP E 2015, 1081.
Obs. sous Cass. soc., 18 févr. 2004, Rev. proc. coll. 2004, p. 254.
Note sous Cass. soc., 7 juin 1995, JCP E 1995, II, 764.

TARAUD (I.)
Note sous CA Versailles, 1er déc. 2015, Syndicat CGT EADS et a. c/ SAS Airbus Défense and
Space, Dr. ouvr. 2016, p. 225.

TAURAN (Th.)
Note sous Cass. civ. 1re, 9 déc. 2015, RDR 2016, n° 441, p. 44.

THÉRY (Ph.)
Obs. sous Cass. com., 7 avr. 2009, RTD civ. 2009, p. 775.
Obs. sous Cass. civ. 2e, 18 oct. 2007, RTD civ. 2008, p. 150.
Obs. sous Cass. civ. 2e, 24 mai 2007, RTD civ. 2007, p. 630.

TISSANDIER (H.)
Obs. sous Cass. soc., 23 mars 2016, JSL 2016, p. 11.

TOUFFAIT (A.)
Concl. sous Cass. ch. mixte, 21 juin 1974, Perrier, Dr. soc. 1974, p. 454.

TOURNAUX (S.)
Note sous Cass. soc., 8 mars 2017, RDT 2017, p. 415.
Ét. sous Cass. crim., 15 déc. 2015, Dr. soc. 2016, p. 650.
Obs. sous Cass. soc., 15 avr. 2015, Lexbase Hebdo éd. S 2015, n° 611.
Chron. sous Cass. soc., 13 mars 2013, Dr. soc. 2013, p. 576.
Obs. sous Cass. soc., 23 janv. 2007, Lexbase Hebdo éd. S 2007, n° 247.

TOURREIL (J.-E.)
Note sous Cass. soc., 11 juin 2013, JSL 2013, n° 348.
Note sous Cass. avis, 19 mars 2007, JSL 2007, n° 211.

VACHET (G.)
Note sous Cass. soc., 6 oct. 2015, JCP S 2016, 1018.
Note sous Cass. soc., 23 oct. 2013, JCP S 2014, 1070.
Note sous Cass. soc., 25 sept. 2013, JCP E 2014, 1170.
Note sous Cass. soc., 30 sept. 2010, JCP S 2010, 1503.
Note sous Cons. const., 18 juin 2010, JCP S 2010, 1361.
Note sous Cass. soc., 17 mai 2006, JCP S 2006, 1538.

VATINET (R.)
Note sous T. com. Marseille, réf., 7 nov. 2001, Comité d’entreprise de la société anonyme
Gemplus c/ SA Gemplus : Rev. soc. 2002, p. 57.
Obs. sous Cass. soc., 3 mars 1998, Dr. soc. 1998, p. 508.

419
VAUTROT-SCHWARZ (C.)
Note sous CE, 3e et 8e s.-s. r., 19 nov. 2013, Société Credemlux international, AJDA 2014, p.
2008.

VERDIER (J.-M.)
Note sous Cass. soc., 9 déc. 1960, D. 1961, jur., p. 143.
Note sous Cass. crim., 7 oct. 1959, D. 1960, J. p. 294.

VERKINT (P.-Y.)
Note sous Cass. soc., 15 avr. 2015, JCP S 2015, 1258.
Note sous Cass. soc., 17 déc. 2014, JCP S 2015, 1088.
Note sous Cass. soc., 14 févr. 2007, Dr. soc. 2007, p. 561.
Note sous Cass. soc., 20 sept. 2006, JCP S 2006, 1861.

WAQUET (Ph.)
Chron. Cass. soc., 12 mars 2008, RDT 2008, p. 311.
Doctr. Cass. soc., 26 sept. 2007, Adij, Dr. ouvr. 2008, p. 120.
Chron. sous Cass. soc., 12 juin 2007, RDT 2007, p. 524.
Obs. sous Cass. soc., 30 avr. 1997, Dr. soc. 1997, p. 645.

WIEDERKEHR (G.)
Note sous Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, JCP 2007, II, 10070.

WILLMANN (Ch.)
Obs. sous Cass. soc., 21 sept. 2017, Lexbase Hebdo éd. S 2017, n° 714, obs. Ch. Willmann.

VI. Rapports et documents institutionnels

ASTIER (I.)
I. Astier et J.-F. Laé, Aller ou non aux prud’hommes ? Un accès difficile à la justice du
travail, Rapport pour la Mission de recherche Droit et justice 2009, 93 p.

ATTALI (J.)
Rapport Jacques Attali pour la libération de la croissance française, 242 p.

BARTHÉLÉMY (J.)
Rapport J. Barthélémy et G. Cette, Refondation du droit social : concilier protection des
travailleurs et efficacité économique, Rapport au Conseil d’Analyse Économique, 2010, 199
p.

CONSEIL D’ÉTAT
Rapport du Conseil d’État, L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, La
Documentation française 2003, 74 p.

COUR DE CASSATION
Fiche méthodologique, L’effet dévolutif de l’appel et l’évocation, Bulletin d’information
n° 620 du 01/06/2005,
https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bull
etins_information_2005_1877/n_620_1936/, [en ligne] (consulté le 1er juin 2017)

420
DELMAS-GOYON (P.)
P. Delmas-Goyon, Le juge du XXIème siècle. Un citoyen acteur, une équipe de justice, La
Documentation Française 2013, 128 p.

GARAPON (A.)
Rapport de l’Institut des Hautes Études de la Justice, A. Garapon et alii., La prudence et
l’autorité : l’office du juge au XXIème siècle, La Documentation Française 2013, 218 p.

GUILLONNEAU (M.)
M. Guillonneau et É. Serverin, L’activité des conseils de prud’hommes de 2004 à 2012 :
continuité et changements, ministère de la Justice, direction des Affaires civiles et du Sceau,
Pôle évaluations de la justice civile, 2013, 33 p.

GUINCHARD (S.)
Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française
2008, 344 p.

ISSINDOU (M.)
Rapport M. Issindou, Ch. Ploton, S. Fantoni Quinton, A.-C. Bensadon et H. Gosselin,
Aptitude et médecin du travail, La Documentation française 2015, 112 p.

KLÈS (V.)
Rapport V. Klès et Y. Détraigne, Pour une réforme pragmatique de la justice de première
instance, Rapport d’information n° 54 (2013-2014) fait au nom de la commission des lois,
déposé le 9 octobre 2013, 98 p.

LACABARATS (A.)
Rapport Lacabarats, L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du
XXIe siècle, rapport remis à la garde des Sceaux, ministre de la Justice 2014, 105 p.

MARSHALL (D.)
Rapport Marshall, Les juridictions du XXIème siècle, une institution qui, en améliorant qualité
et proximité, s’adapte à l’attente des citoyens, et aux métiers de la justice, rapport remis à la
garde des Sceaux, ministre de la Justice, 2013, 476 p.

MUNOZ-PEREZ (B.)
B. Munoz-Perez et É. Serverin, Le droit du travail en perspective contentieuse 1993 à 2004,
Ministère de la Justice, Direction des affaires civiles et du Sceau, Cellule études et recherches,
2005, 133 p.

NADAL (J.-L.)
J.-L. Nadal, Refonder le ministère public, La Documentation Française 2013, 124 p.

PÉCAUT-RIVOLIER (L.)
L. Pécaut-Rivolier et D. Pons, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif,
Ministère du droit des femmes 2013, 165 p.

421
ROBILIARD (D.)
D. Robiliard, Rapport fait au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition
de loi relative aux pouvoirs de l’Inspection du travail, n° 1942, 2014, 109 p.

ROSTAND (Ch.)
Rapport Rostand, Mission de soutien et d’accompagnement à la réforme de la justice
prud’homale, rapport remis à Monsieur le Premier Ministre 2017, 16 p.

SCHMIDT (I.)
I. Schmidt, La Cour fédérale du travail, Erfurt 2014, 36 p. [En ligne] (consulté sur le site
suivant : http://www.bundesarbeitsgericht.de/franzoesisch/franzoesische_version.pdf.)

422
Index thématique des notions
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphe)

A Autorité de la chose jugée


- autorité absolue
198
Acte administratif - autorité relative
- acte administratif individuel 131, 198
162 - autorité négative
- acte administratif règlementaire 130
161 - autorité positive
Action collective 131 et suiv., 134
121 - primauté du criminel sur le civil
Action de groupe 132 et suiv.
122 Arrêtés d’extension
Action en responsabilité dirigée contre 184 et suiv.
un tiers au contrat de travail Association pour la gestion du régime de
114, 118 garanties des créances des salariés
Action syndicale (AGS)
- action en substitution 18 et suiv., 36
116
- action dans l’intérêt de la B
profession
116, 121 Blocs de compétences
- intervention - critères
116 211 et suiv., 219 et suiv.
Actionnariat salarié - élections professionnelles
31, 108 73, 217 et suiv.
Accident du travail - rupture conventionnelle
(maladie professionnelle) 215 et suiv.
- compétence exclusive du Tass
43 et suiv. C
Accords de maintien de l’emploi
67 Cause fautive de licenciement
Appel - inaptitude
- conditions 202
84 - licenciement économique pour
- effet dévolutif cessation d’activité
96 202
- évocation Clause de non-concurrence
97 108, 115
Autorité de la chose décidée Coemploi
195 114, 118, 202

423
Compétence - incidente
- exclusive 112 et suiv.
101, 105, 108 et suiv. Dialogue des juges
- incident de – 148, 178
89 et suiv. Discriminations
- contredit - voir : action de groupe
91, 97 Divergence de jurisprudences
- déclinatoire de – 123, 125, 146
92, 167 Doctrine
- voir : prorogation de compétence 151
Conflit de compétences Dualisme juridictionnel
- conflit négatif de compétences - constitutionnalisation
168 et suiv. 208
- conflit positif de compétences - suppression
168 et suiv. 209
Connexité
140 et suiv. E
Conseil des prud’hommes
- critique Effet dévolutif de l’appel
1, 3 voir : appel
- réforme Élections professionnelles
3 voir : tribunal d’instance
- compétence exclusive Embauche
108 28
- compétence matérielle Entreprises à statut
16 et suiv. 161, 179
- départage Évocation
60 voir : appel
- exclusion de compétence Exception d’incompétence
42 et suiv. 89 et suiv., 166
- référé
37 et suiv. G
Contradiction de décisions
126 et suiv. Gérant de succursales
Contrat de travail 35
- critères Grands licenciements économiques
22 et suiv. voir : plan de sauvegarde de l’emploi
- contrat de droit privé Grève
25 et suiv., 163 33, 40, 41, 55, 62
- contrat de droit public
25 et suiv., 163
- voir : transfert I
Cour supérieure d’arbitrage
2, 32 Inaptitude
200 et suiv.
D Incompétence
voir : Compétence
Demande Inconciliabilité de décisions
- connexes 138 et suiv., 144
142

424
Invention - plan de sauvegarde de l’emploi
58, 109, 113 198
Indivisibilité des demandes
142 et suiv. O

J Ordre juridictionnel
- voir : dualisme juridictionnel
Jonction d’instances - ordre juridictionnel social
voir : connexité 3
Juridictions
- juridictions pénales P
n° 80 et suiv.
voir : Participation
- conseil de prud’hommes 59
- tribunal de commerce Pénalisation du droit du travail
- tribunal de grande instance - dépénalisation
- tribunal d’instance 81
Plan de sauvegarde de l’emploi
- compétence du juge administratif
L 197 et suiv.
- création nécessaire d’un bloc de
Licenciement compétences
- voir : salariés protégés 219
- voir : plan de sauvegarde de Pôle emploi
l’emploi 116
- voir : inaptitude Pourvoi dans l’intérêt de la loi
150
Litige Principes généraux du droit
- collectif 179
32 et suiv. Prorogation de compétence
- individuel - obstacles à la –
32 et suiv. 101 et suiv.
- mixte - plénitude de compétence du juge
114 pénal
106, 173
M - proposition d’extension du champ
Marins des prorogations de compétence
voir : tribunal d’instance 116 et suiv., 170 et suiv.
Mesure d’administration judiciaire - tacite
9, 83, 141 89
Modes alternatifs de règlement des Pluralisme
litiges (MARL) - différentes acceptions
3 3, 4 et 5
- pluralisme juridique
N 5-1, 5-2-1
- pluralisme juridictionnel
Nullité du licenciement 6, 7
- salarié protégé
195 et suiv.

425
Q Stock-options
31
Question préjudicielle Statut du personnel
- générale / spéciale voir : entreprises à statut
104 Syndicats
- renvoi obligatoire voir : actions syndicales
171, 182, 185
- renvoi facultatif T
172, 176 et suiv. Taux de ressort
- modalités de calcul
84
R Transfert d’entreprise (reprise d’un
SPA par une personne publique)
Référé - nature du contrat de travail
- cas d’ouverture 26, 163
38 et suiv. - prorogation de compétence du juge
- référés spéciaux administratif
63 et suiv. 186
Repos dominical - prorogation de compétence du juge
62 et suiv., 128, 161 judiciaire
Renvoi préjudiciel 180
voir : questions préjudicielles Tribunal de commerce
Représentants du personnel - compétence en droit du travail
voir : salariés protégés 78 et suiv.
Rupture conventionnelle Tribunal de grande instance
- autorisation - compétence d’attribution
196 53 et suiv.
- blocs de compétences - compétence du président du
215 et suiv. tribunal de grande instance
61 et suiv.
S - compétence résiduelle du TGI dans
le cadre d’un projet de
Salariés protégés réorganisation
- autorisation administrative de 197
licenciement Tribunal d’instance
! absence d’autorisation - capitaines et marins
194 70, 71
! annulation de l’autorisation - élections professionnelles
195 72 et suiv.
- autorisation de la rupture d’un - désignations professionnelles
contrat à durée déterminée 76 et suiv.
196 - incertitude pour le contentieux de
- autorisation du transfert du contrat l’UES
de travail 57
192 Tribunal des conflits
Service public - prévention des conflits négatifs
- distinction SPIC/SPA 168 et suiv.
25 - règlement des conflits
- personnels travaillant pour un – 168
25, 164

426
- règlement au fond du litige
167

Ubérisation
23
Unité économique et sociale
57, 10

427
Table des matières

Remerciements ........................................................................................................................... 5!
Sommaire ................................................................................................................................... 7!
Principales abréviations ............................................................................................................. 9!
Introduction .............................................................................................................................. 15!
Partie 1. Un pluralisme juridictionnel pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire .............. 43!
Titre 1. La limitation du risque de conflits de compétences ................................................ 45!
Chapitre 1. La clarification des répartitions de compétences .......................................... 47!
Section 1. La recherche d’une lisibilité en première instance ..................................... 48!
§1. La recherche d’une lisibilité entre les juridictions civiles ................................. 49!
A. Le perfectionnement de la lisibilité pour le conseil de prud’hommes ............ 50!
1. La clarification des critères de la compétence d’attribution ........................ 52!
a. Une compétence étendue pour les litiges opposant employeur et salarié 53!
i. Le critère déterminant du contrat de travail de droit privé ................... 54!
ii. L’interprétation « compréhensive » des autres critères ....................... 62!
b. Une compétence délimitée pour les autres attributions ........................... 70!
c. Des pouvoirs précisés pour la formation de référé................................... 73!
2. La clarification des limites de la compétence .............................................. 77!
a. Une clarification progressive pour le contentieux des ATMP ................. 77!
b. Une clarification nécessaire des autres exclusions de compétence ......... 81!
B. Le perfectionnement de la lisibilité pour les autres juridictions ..................... 83!
1. La clarification des répartitions de compétences entre les tribunaux
d’instance et de grande instance ...................................................................... 85!
a. La clarification de la compétence du tribunal de grande instance ........... 85!
i. La clarification de la compétence de la juridiction ............................... 85!
ii. La clarification de la compétence du président du TGI ....................... 95!
b. La clarification de la compétence du tribunal d’instance ...................... 102!
i.! La clarification nécessaire de la compétence du tribunal d’instance
pour les litiges des marins et des capitaines........................................... 103!
ii.! La clarification progressive de la compétence du tribunal d’instance
pour les élections professionnelles......................................................... 106!

429
iii.! La clarification nécessaire de la compétence du tribunal d’instance
pour les désignations professionnelles ................................................... 112!
2. Le maintien de la lisibilité de la compétence du tribunal de commerce .... 114!
§2. Le maintien de la lisibilité au sein des juridictions répressives ....................... 116!
Section 2. L’existence d’une lisibilité au niveau supérieur ....................................... 121!
§1. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de l’appel ...... 122!
§2. L’identification de la juridiction compétente facilitée au stade de la cassation126!
Chapitre 2. Le maintien des effets limités de l’incompétence ....................................... 129!
Section 1. La mise en œuvre de l’exception de procédure ........................................ 130!
§1. Un encadrement strict du moment pour soulever l’incompétence................... 131!
§2. Une limitation du nombre de personnes pouvant soulever l’incompétence .... 133!
Section 2. La neutralisation des effets de l’incompétence au stade de l’appel .......... 135!
§1. L’incompétence « purgée » par l’effet dévolutif de l’appel ............................ 136!
§2. L’incompétence « purgée » par le mécanisme de l’évocation ......................... 137!
Conclusion Titre 1.............................................................................................................. 139!
Titre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges .................................................. 141!
Chapitre 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence ......................... 145!
Section 1. La réalité des obstacles ............................................................................. 146!
§1. Des obstacles limités pour les moyens de défense........................................... 147!
A. La plénitude de compétence du juge pénal ................................................... 148!
B. Le périmètre limité des compétences exclusives en droit du travail ............. 149!
§2. De véritables obstacles pour les demandes incidentes ..................................... 158!
Section 2. La levée des obstacles ............................................................................... 165!
§1. L’extension de la compétence d’attribution du conseil de prud’hommes ....... 169!
§2. L’introduction d’exceptions à la compétence exclusive du conseil de
prud’hommes ......................................................................................................... 173!
Chapitre 2. Le risque mesuré d’une amplification de l’incohérence ............................. 179!
Section 1. Un risque mesuré pour les contradictions de décisions ............................ 182!
§1. Un risque limité à l’ordre judiciaire privé........................................................ 185!
A. Une prévention restreinte dans l’ordre judiciaire privé ................................ 186!
B. Une prévention renforcée entre le pénal et le civil........................................ 189!
1. L’existence d’une autorité positive du criminel sur le civil ....................... 191!
2. L’existence de brèches dans la prévention de l’incohérence ..................... 193!
§2. Un risque contenu dans l’ordre judiciaire privé ............................................... 196!

430
A. La prévention des contradictions provenant des contentieux dits « sériels » 197!
B. La suppression des éventuelles inconciliabilités ........................................... 203!
Section 2. Un risque mesuré pour les divergences de jurisprudences ....................... 207!
§1. La prévention des divergences de jurisprudences par le dialogue des juges ... 209!
§2. Le rôle joué par la doctrine dans la prévention des divergences de
jurisprudences ........................................................................................................ 213!
Conclusion Titre 2.............................................................................................................. 215!
Conclusion Partie 1 ................................................................................................................ 217!
Partie 2. Un pluralisme juridictionnel partiellement réalisable entre les ordres de juridictions
................................................................................................................................................ 219!
Titre 1. Un pluralisme juridictionnel possible ................................................................... 223!
Chapitre 1. La limitation du risque de conflits de compétences .................................... 225!
Section 1. Une clarification progressive des répartitions de compétences ................ 229!
§1. Une identification des actes administratifs facilitée en droit du travail ........... 230!
§2. Une identification des contrats de travail administratifs facilitée en droit du
travail ..................................................................................................................... 238!
Section 2. Un perfectionnement du régime entourant la sanction de l’incompétence 241!
§1. L’encadrement des effets de l’incompétence ................................................... 242!
§2. Le maintien des mécanismes de prévention des conflits de compétences ....... 244!
Chapitre 2. La limitation du risque d’éclatements des litiges ........................................ 247!
Section 1. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge
judiciaire .................................................................................................................... 249!
§1. Le maintien de la plénitude de compétence du juge judiciaire répressif ......... 250!
§2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge judiciaire
non répressif ........................................................................................................... 253!
A. Une extension justifiée .................................................................................. 254!
B. Une extension bienvenue en droit du travail ................................................. 263!
Section 2. L’extension du domaine des prorogations de compétence pour le juge
administratif ............................................................................................................... 270!
§1. Une extension bienvenue dans le contentieux de l’extension des conventions
collectives .............................................................................................................. 273!
§2. Une extension bienvenue dans le contentieux du transfert des contrats de travail
................................................................................................................................ 277!
Conclusion Titre 1.............................................................................................................. 282!

431
Titre 2. Un pluralisme juridictionnel circonscrit................................................................ 283!
Chapitre 1. Une confrontation inévitable aux difficultés de la pluralité juridictionnelle
........................................................................................................................................ 285!
Section 1. Une confrontation de certains salariés aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle ........................................................................................................... 287!
§1. Une confrontation du salarié protégé aux difficultés de la pluralité
juridictionnelle ....................................................................................................... 289!
§2. Une confrontation du salarié licencié dans le cadre d’un plan de sauvegarde de
l’emploi aux difficultés de la pluralité juridictionnelle.......................................... 297!
Section 2. Les contournements actuellement discutables de la confrontation ........... 305!
§1. La suppression discutable de l’intervention de l’autorité administrative ........ 306!
§2. La réduction discutable du périmètre de contrôle de l’autorité administrative 311!
Chapitre 2. Une confrontation légitimant la création de blocs de compétences ............ 325!
Section 1. Une création soumise à conditions dans le dualisme juridictionnel ......... 326!
§1. L’obstacle de la réserve constitutionnelle de compétence ............................... 326!
§2. Les dérogations admises par le Conseil constitutionnel .................................. 329!
A. L’encadrement relatif des blocs de compétences .......................................... 331!
B. Des blocs de compétences constitués en droit du travail .............................. 334!
1. L’unification du contentieux de la rupture conventionnelle des salariés
ordinaires........................................................................................................ 335!
2. L’unification du contentieux des élections professionnelles ..................... 337!
Section 2. Une création justifiée par l’absence de pluralisme juridictionnel ............. 339!
Conclusion Titre 2.............................................................................................................. 342!
Conclusion Partie 2 ................................................................................................................ 343!
Conclusion générale ............................................................................................................... 345!
Bibliographie.......................................................................................................................... 349!
I. Ouvrages généraux, traités, manuels et dictionnaires..................................................... 349!
II. Ouvrages spéciaux, ouvrages collectifs, thèses, mélanges............................................ 352!
III. Études encyclopédiques ............................................................................................... 363!
IV. Articles et contributions à des ouvrages collectifs ...................................................... 364!
V. Conclusions, notes, observations, chroniques, commentaires sous arrêts .................... 401!
VI. Rapports et documents institutionnels ......................................................................... 420!
Index thématique des notions................................................................................................. 423!
Table des matières.................................................................................................................. 429!

432
Titre : Le pluralisme juridictionnel en droit du travail

Résumé : La dispersion du contentieux du travail en première instance est souvent décriée. La thèse
propose d’examiner cette complexité et de dépasser le présupposé selon lequel l’unique solution
résiderait dans l’unité juridictionnelle, en recourant à la notion de pluralisme juridictionnel. Entendu
comme la proposition d’un ordonnancement de la pluralité juridictionnelle plus respectueux des droits
des justiciables, le pluralisme suppose en effet de limiter le risque de conflits de compétences et
d’unifier le règlement des litiges actuellement éclaté entre plusieurs juridictions. La confrontation du
contentieux du travail à ces exigences révèle qu’un pluralisme juridictionnel est envisageable en droit
du travail mais qu’il ne peut qu’être circonscrit. Pleinement réalisable dans l’ordre judiciaire, sa mise
en place semble plus délicate au sein du dualisme juridictionnel. L’unité juridictionnelle devra dès lors
être recherchée à l’égard des litiges pour lesquels le pluralisme s’avère impossible.

Mots clés : Juridictions du travail – Dispersion du contentieux du travail – Pluralité juridictionnelle –


Dualisme juridictionnel – Blocs de compétences

Title: Jurisdictional pluralism in Labour Law

Abstract: The scattering of labour litigation in France between different first degree jurisdictions is
often subject to criticism. The present thesis examines this complexity and goes beyond the
preconception according to which the only solution resides in the unity of jurisdiction. That is
achieved by using the notion of jurisdictional pluralism. That notion is therefore envisaged in a way
that better respects the rights of the citizen. Indeed, pluralism implies limiting the chances of seeing
conflicts of jurisdiction arise while simultaneously unifying litigation resolution that is presently split
between different jurisdictions. Confronting labour litigation as it exists today to such requirements
reveals that jurisdictional pluralism, even though possible in labour law, has to be restricted. Albeit
fully applicable in the judicial order its implementation appears to be more difficult within the
jurisdictional dualism. Therefore, unity of jurisdiction will need to be sought in litigations where
applying pluralism appears impossible.

Keywords : Labour jurisdictions – Scattering of labour litigation – Jurisdictional pluralism –


Jurisdictional dualism – Jurisdictional competence

Unité de recherche
COMPTRASEC - UMR 5114 – CNRS
16, avenue Léon Duguit, CS 50057- 33608 Pessac

433
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