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Sem.

/Fiche
1/4 Principe de légalité : sources européennes et internationales
BIBLIOGRAPHIE
- RFDA 2012/4, Dossier intitulé « Constitutionnalité et conventionnalité, et notamment :
- R. Tinière, Constitutionnalité et conventionalité, RFDA 2012. 621 ;
- S. Platon, Les interférences entre l'office du juge ordinaire et celui du Conseil Constitutionnel
: « malaise dans le contentieux constitutionnel » ?, RFDA 2012.639

Cf. GAJA : Nicolo, 20 octobre 1989 ; GISTI, 29 juin 1990; Perreux, 30 oct. 2010 ; Alitalia, 3 février 1989 ; Société
Arcelor Atlantique, 8 févr. 2007.
Voir aussi :
Conseil constitutionnel : C.C déc. N° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de
grossesse, Rec. p. 19 ;
Cour de cassation : Société des cafés J. Vabre, 24 mai 1975 ; Fraisse, 2 juin 2000, n° 99-60.274 ;
Cour de justice de l’Union européenne : CJCE, 15 juillet 1964, Costa c./ Enel, aff. 6/64; CJCE, 5 février 1963, Van
Gend en Loos , aff. 26/62 ; CJCE, 11 janvier 2000, Tanja Kreil , aff. 285/98.

DOCUMENTS

A/ Juge administratif et droit international (lire articles 53 et s. Constitution)

Document n° 1 : CE, 18 décembre 1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim et SCI « Haselaecker »,
n°181249, Rec. p. 483, concl. Bachelier.
Document n° 2 : CE ass., 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales
catholiques, Rec. p. 368, concl. Stirn.
Document n° 3 : CE 10 févr. 2014, Mme B…
Document n° 4 : CE Ass. 23 déc. 2011, Kandyrine de Brito Paiva

B/ Le juge administratif et le droit de l’Union européenne (lire article 88-1 Constitution)


Voir : CE Sect., 1 mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France, n° 62814, CE, 24 septembre
1990, Boisdet, Rec. p. 251, n° 58657 ; CE ass., 28 février 1992, Rothmans international France, n° 56776.
Document n° 5 : CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, (DA, 2002, n°
55, note P. Cassia ; Europe, avril 2002, chr. 5, obs. A. Rigaux, D. Simon) ;
Document n° 6 : C.C. déc. N° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie
numérique
Document n° 7 : CE ass., 6 février 1998, Tête, Rec. p. 30 (JCP, 1998, II, 10109, note P. Cassia) ;
Document n° 8 : CE Sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux et autres (AJDA, 2008, p. 1085,
chron. Boucher et Bourgeois-Machureau, DA, 2008, p. 83, note Gautier).
Document n° 9 : CE, 6 déc. 2012, Sté Air Algérie
Document n° 10 : CE ass.19 nov. 2020, Cne de Grande-Synthe, n° 427301

Université de Versailles-Paris-Saclay / Année universitaire 2023-2024


Droit administratif général / Cours : Pr. J.-P. Markus

Chargés de TD : M. Ouzounova, M. Fouché, M. Goupil


Document n° 1

CE, 18 décembre 1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim


et SCI « Haselaecker »

Vu la requête enregistrée le 12 juillet 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée


pour la SARL du parc d'activités de Blotzheim et pour la SCI "Haselaecker" dont les sièges sociaux
sont 20, rue de l'Artisanat à Blotzheim (68730) ; la SARL du parc d'activités de Blotzheim et la SCI
"Haselaecker" demandent que le Conseil d'Etat : 1°) annule le décret n° 96-399 du 13 mai 1996
portant publication de l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse, signées à Berne les 12 et 29 février 1996,
concernant l'établissement d'un avenant au cahier des charges annexé à la convention franco-suisse
du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse ; 2°)
condamne l'Etat à payer à chacune des requérantes la somme de 50 000 F au titre de l'article 75-I
de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 27 octobre 1946 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la convention
franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-
Mulhouse à Blotzheim ; Vu la loi n° 50-889 du 1er août 1950 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet
1991 ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et
la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; […]

Considérant que l'article 1er de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la


construction et à l'exploitation de l'aéroport Bâle-Mulhouse à Blotzheim stipule que : "le Conseil
fédéral suisse et le Gouvernement français conviennent de construire et d'exploiter en commun un
aéroport commercial ... Il sera constitué à cet effet un établissement public qui prendra le nom
d'aéroport de Bâle-Mulhouse ... Ledit établissement sera, dans la suite du texte, désigné par
l'expression l'Aéroport. L'Aéroport est régi par les statuts et le cahier des charges ciannexés et par
la loi française dans la mesure où il n'y est pas dérogé par la présente convention et ses annexes" ;
qu'aux termes de l'article 2 de la convention : " ... 2. Le Gouvernement français met à la disposition
de l'Aéroport les installations qu'il a déjà réalisées. Il s'engage à acquérir, classer dans le domaine
public et mettre également à sa disposition les terrains nécessaires à l'aéroport, à ses installations et
au raccordement avec les réseaux routiers et ferrés ..." ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention,
l'établissement public dénommé l'aéroport de Bâle-Mulhouse est "géré par un conseil
d'administration" ; que l'article 19 de la convention stipule que "la révision des statuts et du cahier
des charges, provoquée par une décision du conseil d'administration prise à la majorité des deux
tiers des membres en exercice, pourra être effectuée d'entente entre les deux gouvernements" ; que
selon l'article 3 du cahier des charges annexé à la convention, relatif à l'extension et à l'amélioration
de l'aéroport, les nouveaux terrains nécessaires à l'exploitation doivent être acquis par le
Gouvernement français ; qu'aux termes de l'article 9 du même cahier des charges : "Si, l'état
descriptif et estimatif étant entièrement réalisé, les ouvrages ou installations se révèlent insuffisants,
les conditions d'établissement et de mise en service d'ouvrages ou installations supplémentaires
seront déterminées par un avenant au présent cahier des charges, établi dans les conditions prévues
à l'article 19 de la Convention" ; que l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gouvernement
de la République française et le Conseil fédéral suisse, signées à Berne les 12 et 29 février 1996,
donne effet à la proposition d'extension del'aéroport de Bâle-Mulhouse formulée, le 25 janvier 1996,
par le conseil d'administration sur le fondement des stipulations précitées de l'article 19 de la
convention et de l'article 9 du cahier des charges annexé à cette dernière ; que cet accord a
notamment pour objet de porter l'emprise maximale de l'aéroport de 536 hectares à environ 850
hectares, en vue de permettre la construction d'une nouvelle piste ; qu'il prévoit qu'il appartient à

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l'établissement public d'apporter les fonds nécessaires à la réalisation de l'opération, sous réserve
des stipulations de l'article 2 2 de la convention ; que la requête de la SARL du parc d'activités de
Blotzheim et de la SCI "Haselaecker" tend à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 mai
1996 du Président de la République, portant, en application de l'article 55 de la Constitution du 4
octobre 1958, publication de cet accord ;

Sur le moyen tiré de l'article 53 de la Constitution :

Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la Constitution : "Les traités de paix, les traités de
commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les
finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à
l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent
être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ..." ; qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution
: "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre
partie" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de
l'article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l'approbation est intervenue sans avoir été
autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de
l'article 55 précité ; qu'eu égard aux effets qui lui sont attachés en droit interne, la publication d'un
traité ou accord relevant de l'article 53 de la Constitution ne peut intervenir légalement que si la
ratification ou l'approbation de ce traité ou accord a été autorisée en vertu d'une loi ; qu'il appartient
au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d'un moyen soulevé devant lui et tiré de la
méconnaissance, par l'acte de publication d'un traité ou accord, des dispositions de l'article 53 de la
Constitution ; que, par suite, contrairement à ce que soutient, à titre principal, le ministre des affaires
étrangères, le moyen tiré par les sociétés requérantes de ce que le décret attaqué serait illégal au
motif que l'approbation de l'accord qu'il publie n'a pas été autorisée par la loi n'est pas inopérant ;

Considérant qu'en vertu des stipulations de l'accord signé à Berne les 12 et 29 février 1996, lequel
se réfère au 2 de l'article 2 de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 et à l'article 3 du cahier
des charges précité, il incombe au Gouvernement français d'acquérir les terrains nécessaires à
l'extension projetée de l'emprise de l'aéroport ; que, par suite, les sociétés soutiennent à bon droit
que cet accord engage les finances de l'Etat au sens de l'article 53 de la Constitution ;

Considérant toutefois qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 19 de la convention du 4


juillet 1949 et de l'article 9 du cahier des charges annexé à cette dernière que le Gouvernement de
la République française et le Conseil fédéral suisse ont prévu, dès l'origine, la possibilité d'une
extension des installations de l'aéroport ; qu'en vertu de l'article 27 de la Constitution du 27 octobre
1946 dont les dispositions relatives aux traités engageant les finances de l'Etat sont reprises par
l'article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958, le Parlement, par la loi n° 50-889 du 1er août 1950,
a autorisé le Président de la République à ratifier ladite convention, et notamment son article 19,
ainsi que ses annexes et, notamment, l'article 9 du cahier des charges ; qu'eu égard à l'objet des
stipulations de ces articles, le Parlement doit être regardé comme ayant autorisé par cette loi les
dépenses liées à l'établissement et à la mise en service d'ouvrages ou d'installations supplémentaires,
destinés à répondre à l'insuffisance des ouvrages ou des installations existants ; qu'ainsi le moyen
tiré de l'article 53 de la Constitution doit être écarté ;
Sur les autres moyens :

Considérant que si les sociétés requérantes soutiennent que l'accord des 12 et 29 février 1996 aurait
un objet plus large que le seul établissement d'un avenant au cahier des charges annexé à la
convention du 4 juillet 1949 et qu'en conséquence, il ne pouvait être conclu sous la forme simplifiée
prévue à l'article 19 de ladite convention, le choix du mode de conclusion des traités et accords

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internationaux n'est pas détachable de la conduite des relations diplomatiques et, par suite, n'est pas
susceptible d'être discuté par la voie contentieuse devant le juge administratif ;

Considérant qu'il n'appartient pas davantage au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de contrôler
l'appréciation portée par le Gouvernement français et le Conseil fédéral suisse sur le respect de la
condition d'entière réalisation de l'état descriptif et estimatif, énoncée par l'article 9 du cahier des
charges annexé à ladite convention et sur la nécessité de procéder à l'extension de l'aéroport de
Bâle-Mulhouse ;

Considérant, enfin, que si les sociétés requérantes critiquent le contenu de l'échange de notes
publiées par le décret attaqué au regard des stipulations de la convention du 4 juillet 1949, il
n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, de se prononcer sur la validité d'un
engagement international au regard d'autres engagements internationaux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander
l'annulation du décret attaqué ;

Document n° 2
CE ass., 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques

Vu 1°) sous le n° 105 743, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au


secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 10 mars 1989 et 6 juillet 1989, présentés pour
la Confédération nationale des associations familiales catholiques (C.N.A.F.C.), dont le siège
est ... (9ème) et représentée par son président en exercice ; la confédération demande au Conseil
d'Etat :
d'annuler l'arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale en date du
28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la
spécialité Mifégyne 200 mg et en outre qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
[…]
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la déclaration universelle des droits de l'homme publiée le 9 février 1949 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la France a adhéré par la loi du
25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
ratifiée en vertu de la loi 73-1227 du 31 décembre 173 et publiée par décret du 3 mai 1974 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi 75-17 du 17 janvier 1975 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la
loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
[...]

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Sur les moyens tirés du défaut de base légale de la décision attaquée et de l'incompétence
du ministre de la santé :
Considérant que le ministre de la santé tenait des dispositions de l'article L. 601 du code de la
santé publique, le pouvoir de soumettre la distribution, la dispensation et l'administration de la
Mifégyne dénommée RU 486 à des conditions adéquates ; que, sur le fondement de ces
dispositions législatives, le ministre de la santé a pu édicter, en cette matière, des mesures
analogues à celles qu'édictent les articles L. 626, R. 5149, R. 5176 et R. 5189 du code de la
santé publique, relatifs aux substances vénéneuses ayant la propriété d'être des stupéfiants ou
d'être fabriquées à partir de stupéfiants, sans que cette référence au régime juridique d'une autre
catégorie de produits pharmaceutiques entache sa décision d'incompétence ou d'erreur de droit
;
Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise à la suite d'une procédure
irrégulière :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté attaqué a pour base légale non l'article L. 626
du code de la santé publique mais l'article L. 601 de ce même code ; que ni ce dernier article ni
les articles réglementaires du code pris pour son application n'imposent de soumettre les textes
relatifs à la distribution, la dispensation et l'administration d'une spécialité pharmaceutique à
l'avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ; que si
l'article R. 5207 du code de la santé publique soumet à l'avis de l'ordre intéressé la décision du
directeur départemental de la santé fixant la provision de certains produits que peuvent détenir
les médecins pour les soins urgents et prévoit que le pharmacien choisi par le médecin pour lui
délivrer ces produits doit être signalé par lui au conseil départemental de l'ordre dont il dépend,
cet article ne concerne que les provisions de médicaments contenant des stupéfiants ; que la
Mifégyne n'étant pas un médicament contenant un stupéfiant, le moyen tiré de la violation des
règles de procédure fixées par l'article R. 5207 du code de la santé publique, est inopérant ;
Sur le moyen tiré de ce que le ministre n'aurait pu légalement réglementer la distribution
d'une spécialité pharmaceutique qui n'avait pas encore fait l'objet d'une autorisation de
mise sur le marché régulièrement prise et préalablement publiée :
Considérant que l'existence d'un acte administratif n'est pas subordonnée à sa publication ou à
sa notification ; que si l'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique ne
peut recevoir application qu'à compter de sa notification au fabricant auteur de la demande
d'autorisation, cette autorisation n'en est pas moins accordée à la date à laquelle le ministre
prend sa décision ; que, par suite, la circonstance que l'autorisation de mise sur le marché
accordée le 28 décembre 1988 à la Mifégyne n'ait été notifiée qu'ultérieurement au laboratoire
Roussel-Uclaf n'empêchait pas le ministre chargé de la santé de prendre, le même jour, un arrêté
réglementant la distribution et la dispensation de ce médicament, qui ne pouvait lui-même
prendre effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de l'autorisation de mise sur le marché
;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'autorisation de mise sur le marché :
Considérant que par une décision rendue le même jour sous le n° 111 417, le Conseil d'Etat
statuant au contentieux a rejeté le pourvoi tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de
l'arrêté du 28 décembre 1988 autorisant la mise sur le marché de la Mifégyne ; que, par suite,
le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de
l'annulation dudit arrêté d'autorisation de mise sur le marché ne saurait être accueilli ;
Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 17 janvier 1975, du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 et de traités internationaux :

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Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que
son emploi est, dès lors soumis, de plein droit, aux règles posées en la matière par les articles
L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31
décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que l'arrêté attaqué n'édicte
aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce
domaine, par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption de grossesse ; que
la circonstance que cette référence à ces conditions figure non dans le corps de l'autorisation de
mise sur le marché mais dans une annexe à cette décision, est sans incidence sur la légalité de
l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'en invoquant la violation de principes ou textes de valeurs constitutionnelle ou
internationale, les requérants mettent, en réalité, en cause non la légalité de l'arrêté attaqué, mais
la compatibilité des articles ci-dessus rappelés du code de la santé publique issus des lois des
17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 avec les principes et actes dont ils invoquent la violation
;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur
la conformité de la loi avec des principes posés par le préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 ;
Considérant, s'agissant du moyen tiré de la violation de traités internationaux, que la seule
publication faite au Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de la déclaration universelle des
droits de l'homme ne permet pas de ranger cette dernière au nombre des traités ou accords
internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution
du 4 octobre 1958, "une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l'autre partie" ;
Considérant, s'agissant de l'incompatibilité des dispositions législatives ci-dessus rappelées
avec les autres actes invoqués par les requérants, que l'article 2-4 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi du
31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974, stipule que "le droit de toute personne
à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement" et
que, selon l'article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques auquel le législateur
français a autorisé l'adhésion par la loi du 25 juin 1980, et dont le texte a été annexé au décret
du 29 janvier 1981 publié le 1er février 1981 "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine.
Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975 : "La loi garantit le respect
de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe
qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limites définies par la présente loi" ; qu'eu égard
aux conditions ainsi posées par le législateur, les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975
et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse, prises dans leur
ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et du pacte international sur les droits civils et politiques
;
[…]
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la confédération nationale des associations
familiales catholiques […] [n’est] pas [fondée] à demander l'annulation de l'arrêté du 28
décembre 1988 par lequel le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale a
réglementé la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la Mifégyne 200
mg ;

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REJET.

Document n° 3 Conflit entre deux conventions internationales

CE Ass. 23 déc. 2011, Kandyrine de Brito Paiva

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars et 13 juin 2007


au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Eduardo José A,demeurant
Evenida Rovisco Pais 16-3° Esq 1000-268 à Lisbonne (Portugal demeurant ... ; M. A demande
au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 03PA04248 du 18 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel
de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 juin 2003 du tribunal
administratif de Paris rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du
17 mai 1999 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant son recours
hiérarchique dirigé contre la décision du 15 décembre 1998 du trésorier principal du 8ème
arrondissement de Paris lui refusant l'enregistrement d'une déclaration de créances en
application du décret du 3 juillet 1998 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration
d'enregistrer sa déclaration de créances ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu les pièces dont il résulte que le pourvoi a été communiqué au ministre de l'économie, de
l'industrie et de l'emploi, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu les accords des 26 novembre 1996 et 27 mai 1997 entre la République française et la
Fédération de Russie ;
Vu la loi nº 98-546 du 2 juillet 1998, notamment son article 73 ;
Vu le décret n° 98-552 du 3 juillet 1998, notamment son article 6 ;
Vu le code de justice administrative ;

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Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissant
portugais, a demandé au trésorier principal du 8ème arrondissement de Paris d'enregistrer les
obligations et actions russes au porteur dont il est devenu propriétaire à l'issue de la succession
de son grand-oncle, qui était ressortissant français, afin de bénéficier d'une indemnisation au
titre de l'accord du 27 mai 1997 conclu entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques
financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945 ; que, par une décision du 17 mai
1999 rendue sur recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie a confirmé la décision du 15 décembre 1998 du trésorier principal du 8ème
arrondissement de Paris refusant l'enregistrement de ces créances, en raison de l'absence de
nationalité française de l'intéressé ; que le recours pour excès de pouvoir introduit par M. A à
l'encontre de la décision ministérielle a été rejeté par un jugement du 20 juin 2003 du tribunal
administratif de Paris ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt du 18 octobre 2006 de la
cour administrative d'appel de Paris, contre lequel l'intéressé se pourvoit en cassation ;
Considérant que l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 entre la France et la Russie stipule que
les créances dont il prévoit le règlement concernent : " A. - Les revendications relatives à tous
emprunts et obligations émis ou garantis avant le 7 novembre 1917 par le Gouvernement de
l'Empire de Russie ou par des autorités qui administraient une partie quelconque de l'Empire de
Russie, et appartenant au Gouvernement de la République française ou à des personnes
physiques ou morales françaises (...) " ; qu'en vertu de l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : " Les opérations de recensement
des personnes titulaires des créances mentionnées à l'article 1er de l'accord du 27 mai 1997 (...)
se dérouleront selon des modalités fixées par décret. / A défaut d'avoir déclaré leurs créances
dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur du décret prévu à l'alinéa précédent,
ces créanciers ne seront plus admis au bénéfice des opérations de recensement et ne pourront
prétendre à une indemnisation au titre de l'accord précité. (...) " ; qu'en application de cette loi,
le décret du 3 juillet 1998 fixant les conditions de recensement des personnes titulaires de
créances mentionnées à l'article 73 de la loi a prévu, en son article 3, que " les valeurs
représentatives de créances, telles que les titres et certificats d'emprunts ou de rentes, les
obligations, les bons, les lettres de gage et les actions sont déclarées et déposées aux guichets
du Trésor public " et, en son article 6, que " pour les personnes physiques détentrices des valeurs
visées à l'article 3, l'identité et la qualité de porteur français du déclarant sont établies par la
présentation de la carte nationale d'identité ou du passeport " ;
Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi d'un recours dirigé contre un acte portant
publication d'un traité ou d'un accord international, il ne lui appartient pas de se prononcer sur
la validité de ce traité ou de cet accord au regard d'autres engagements internationaux souscrits
par la France ; qu'en revanche, sous réserve des cas où serait en cause l'ordre juridique intégré
que constitue l'Union européenne, peut être utilement invoqué, à l'appui de conclusions dirigées
contre une décision administrative qui fait application des stipulations inconditionnelles d'un
traité ou d'un accord international, un moyen tiré de l'incompatibilité des stipulations, dont il a
été fait application par la décision en cause, avec celles d'un autre traité ou accord international
; qu'il incombe dans ce cas au juge administratif, après avoir vérifié que les stipulations de cet
autre traité ou accord sont entrées en vigueur dans l'ordre juridique interne et sont invocables
devant lui, de définir, conformément aux principes du droit coutumier relatifs à la combinaison
entre elles des conventions internationales, les modalités d'application respectives des normes
internationales en débat conformément à leurs stipulations, de manière à assurer leur
conciliation, en les interprétant, le cas échéant, au regard des règles et principes à valeur
constitutionnelle et des principes d'ordre public ; que dans l'hypothèse où, au terme de cet
examen, il n'apparaît possible ni d'assurer la conciliation de ces stipulations entre elles, ni de

8
déterminer lesquelles doivent dans le cas d'espèce être écartées, il appartient au juge
administratif de faire application de la norme internationale dans le champ de laquelle la
décision administrative contestée a entendu se placer et pour l'application de laquelle cette
décision a été prise et d'écarter, en conséquence, le moyen tiré de son incompatibilité avec
l'autre norme internationale invoquée, sans préjudice des conséquences qui pourraient en être
tirées en matière d'engagement de la responsabilité de l'Etat tant dans l'ordre international que
dans l'ordre interne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en écartant le moyen tiré de la contrariété avec la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de
la condition de nationalité prévue par le décret du 3 juillet 1998 en application de l'accord du
27 mai 1997 présenté devant elle par M. A, au seul motif qu'il n'appartient pas au juge
administratif de se prononcer sur la validité des stipulations d'un engagement international au
regard d'autres engagements internationaux souscrits par la France, sans rechercher, après s'être
assuré que cette convention était entrée en vigueur dans l'ordre juridique interne et était
invocable devant lui, s'il était possible de regarder comme conciliables les stipulations de cette
convention et celles de l'accord susmentionné du 27 mai 1997, la cour administrative d'appel
de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt du 18 octobre 2006 doit être
annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en
application de l'article L. 821 - 2 du code de justice administrative ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'accord du 27 mai 1997 par les
dispositions de l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 et celles de l'article 6 du décret du 3 juillet
1998 :
Considérant d'une part, qu'il résulte des dispositions précédemment citées de la loi du 2 juillet
1998, éclairées par les débats parlementaires, dont l'article 6 du décret du 3 juillet 1998 a fait
une juste application, que s'agissant des titres relevant du § A de l'article 1er de l'accord du 27
mai 1997 signé entre la France et la Russie, auquel la loi renvoie, seuls les ressortissants de
nationalité française peuvent déposer leurs titres à fin de recensement ; que, d'autre part, l'accord
du 27 mai 1997 tend à permettre le règlement définitif des créances réciproques, financières et
réelles, apparues antérieurement au 9 mai 1945 entre la France et la Russie ; que l'article 1er de
cet accord réserve la possibilité d'enregistrement des créances aux personnes disposant de la
nationalité française ; qu'il résulte tant de l'objet que des termes des stipulations de l'accord
conclu entre la France et la Russie que ce dernier a entendu apurer un contentieux financier
entre ces deux Etats, le règlement des litiges liés aux créances entre les particuliers et chacun
de ces Etats demeurant exclusivement de la compétence nationale ; qu'ainsi ces stipulations ne
produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers ; que le requérant ne peut par conséquent
utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision
administrative contestée, un moyen tiré de la méconnaissance par la loi du 2 juillet 1998 et le
décret du 3 juillet 1998 des stipulations de l'accord du 27 mai 1997 signé entre la France et la
Russie ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits


de l'homme et des libertés fondamentales :

9
Considérant que M. A soutient que les dispositions précitées de la loi du 2 juillet 1998 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier, ainsi que celles du décret du 3 juillet
1998 qui subordonnent l'enregistrement des créances des porteurs de valeurs mobilières à la
justification de leur nationalité française lors de cet enregistrement sont incompatibles avec les
stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette
convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :
" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de
sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les
principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte
au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour
réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des
impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette
convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
Considérant que les dispositions critiquées prévoient les modalités d'indemnisation des porteurs
de titres russes au titre de l'accord du 27 mai 1997 ; que, ainsi qu'il a été dit, M. A est propriétaire
de titres entrant dans le champ de l'indemnisation prévue ; que, dès lors, le requérant peut se
prévaloir d'un droit patrimonial, qui doit être regardé comme un bien au sens des stipulations
précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut demander au juge
d'écarter l'application des dispositions de l'article 73 de la loi du 2 juillet 1998 et de l'article 6
du décret du 3 juillet 1998 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14
de la convention ;
Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue ne peut
être regardée comme discriminatoire, au sens de ces stipulations, que si elle n'est pas assortie
de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité
publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les
buts de la disposition applicable ; qu'en l'espèce en signant avec la Fédération de Russie l'accord
du 27 mai 1997, la France a mis un terme à un contentieux entre États ; qu'il était matériellement
impossible de déterminer, pour l'ensemble des titres indemnisés, la nationalité de leurs porteurs
à la date où est intervenue la dépossession ; que la France a obtenu le versement d'une
indemnisation au profit des ressortissants français porteurs de titres d'emprunts russes en
échange de l'abandon de sa protection diplomatique au soutien de la revendication de ces
créances ; qu'eu égard à l'objet de cet accord, à la contrepartie qu'il comporte, aux modalités
pratiques de sa mise en oeuvre et à l'impossibilité d'identifier les porteurs de titres à la date de
leur dépossession, la limitation de l'indemnisation aux seuls ressortissants français par l'article
1er de l'accord du 27 mai 1997 n'est, en tout état de cause, pas incompatible avec les stipulations
de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir à l'appui de ses
conclusions tendant à l'annulation de la décision du trésorier du 8ème arrondissement de Paris,
que les dispositions du décret du 3 juillet 1998, ainsi que celles de la loi du 2 juillet 1998 pour
l'application de laquelle elles ont été prises, qui imposent la preuve de la nationalité française
des porteurs de titres et sur le fondement desquelles a été prise la décision contestée, auraient

10
méconnu le principe d'égalité, garanti notamment par l'article 14 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que ne peut être regardée que comme sans incidence la circonstance que les titres
litigieux auraient été acquis avant le 7 novembre 1917 par un ressortissant français dont M. A
est l'ayant droit ; que, du fait de sa qualité de porteur des titres litigieux, M. A ne pouvait
davantage prétendre à leur recensement comme ayant droit d'un ressortissant français spolié ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à
tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que,
par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées devant la cour
administrative d'appel de Paris doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est
pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A des sommes qu'il demande
au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE:
--------------
Article 1er : L'arrêt du 18 octobre 2006 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris ainsi
que ses conclusions présentées devant le Conseil d'État au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eduardo José A et au ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie. Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat,
ministre des affaires étrangères et européennes.

Analyse
Abstrats : 01-01-02-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. DIFFÉRENTES
CATÉGORIES D'ACTES. ACCORDS INTERNATIONAUX. APPLICABILITÉ. - 1) A)
APPLICABILITÉ EN DROIT INTERNE SUBORDONNÉE À UNE RATIFICATION OU À
UNE APPROBATION RÉGULIÈRE - CONTRÔLE DU JUGE - CARACTÈRE RÉGULIER
DE LA PROCÉDURE D'INTRODUCTION - VICES PROPRES DU DÉCRET - RESPECT
PAR LE TRAITÉ OU L'ACCORD D'AUTRES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX -
ABSENCE [RJ1] - B) CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE UNE DÉCISION
ADMINISTRATIVE FAISANT APPLICATION DE STIPULATIONS
INCONDITIONNELLES D'UN TRAITÉ OU ACCORD INTERNATIONAL - MOYEN TIRÉ
DE L'INCOMPATIBILITÉ DE CES STIPULATIONS AVEC D'AUTRES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX DE LA FRANCE - MOYEN RECEVABLE ET OPÉRANT, RÉSERVE
FAITE DES CAS OÙ SERAIT EN CAUSE LE DROIT DE L'UE [RJ2] - 2) OFFICE DU JUGE
SAISI D'UN TEL MOYEN - A) DÉFINITION, CONFORMÉMENT AUX PRINCIPES DU
DROIT COUTUMIER RELATIFS À LA COMBINAISON ENTRE ELLES DES
CONVENTIONS INTERNATIONALES, DES MODALITÉS D'APPLICATION

11
RESPECTIVES DES NORMES INTERNATIONALES [RJ3] - INTERPRÉTATION, LE
CAS ÉCHÉANT, AU REGARD DES RÈGLES ET PRINCIPES À VALEUR
CONSTITUTIONNELLE ET DES PRINCIPES D'ORDRE PUBLIC, EN VUE DE LES
CONCILIER [RJ4] - B) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LA CONCILIATION EST
IMPOSSIBLE - APPLICATION PAR LE JUGE DE LA NORME INTERNATIONALE
DANS LE CHAMP DE LAQUELLE LA DÉCISION ADMINISTRATIVE CONTESTÉE A
ENTENDU SE PLACER.
01-04-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES
ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT. TRAITÉS ET
DROIT DÉRIVÉ. - 1) A) APPLICABILITÉ EN DROIT INTERNE SUBORDONNÉE À UNE
RATIFICATION OU À UNE APPROBATION RÉGULIÈRE - CONTRÔLE DU JUGE -
CARACTÈRE RÉGULIER DE LA PROCÉDURE D'INTRODUCTION - VICES PROPRES
DU DÉCRET - RESPECT PAR LE TRAITÉ OU L'ACCORD D'AUTRES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX - ABSENCE [RJ1] - B) CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE UNE
DÉCISION ADMINISTRATIVE FAISANT APPLICATION DE STIPULATIONS
INCONDITIONNELLES D'UN TRAITÉ OU ACCORD INTERNATIONAL - MOYEN TIRÉ
DE L'INCOMPATIBILITÉ DE CES STIPULATIONS AVEC D'AUTRES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX DE LA FRANCE - MOYEN RECEVABLE ET OPÉRANT, RÉSERVE
FAITE DES CAS OÙ SERAIT EN CAUSE LE DROIT DE L'UE [RJ2] - 2) OFFICE DU JUGE
SAISI D'UN TEL MOYEN - A) DÉFINITION, CONFORMÉMENT AUX PRINCIPES DU
DROIT COUTUMIER RELATIFS À LA COMBINAISON ENTRE ELLES DES
CONVENTIONS INTERNATIONALES, DES MODALITÉS D'APPLICATION
RESPECTIVES DES NORMES INTERNATIONALES - INTERPRÉTATION, LE CAS
ÉCHÉANT, AU REGARD DES RÈGLES ET PRINCIPES À VALEUR
CONSTITUTIONNELLE ET DES PRINCIPES D'ORDRE PUBLIC, EN VUE DE LES
CONCILIER [RJ3] - B) HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LA CONCILIATION EST
IMPOSSIBLE - APPLICATION PAR LE JUGE DE LA NORME INTERNATIONALE
DANS LE CHAMP DE LAQUELLE LA DÉCISION ADMINISTRATIVE CONTESTÉE A
ENTENDU SE PLACER.
54-07-01-04 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS
GÉNÉRALES. MOYENS. - MOYEN TIRÉ DE L'INCOMPATIBILITÉ DES
STIPULATIONS D'UN TRAITÉ OU ACCORD INTERNATIONAL AVEC CELLES D'UN
AUTRE TRAITÉ OU ACCORD - 1) A) CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE L'ACTE
D'INTRODUCTION DE CE TRAITÉ OU ACCORD INTERNATIONAL EN DROIT
INTERNE - VICES PROPRES DU DÉCRET - RESPECT PAR LE TRAITÉ OU L'ACCORD
D'AUTRES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX - ABSENCE [RJ1] - B)
CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE FAISANT
APPLICATION DE STIPULATIONS INCONDITIONNELLES D'UN TRAITÉ OU
ACCORD INTERNATIONAL - MOYEN TIRÉ DE L'INCOMPATIBILITÉ DE CES
STIPULATIONS AVEC D'AUTRES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA
FRANCE - MOYEN RECEVABLE ET OPÉRANT, RÉSERVE FAITE DES CAS OÙ
SERAIT EN CAUSE LE DROIT DE L'UE [RJ2] - 2) OFFICE DU JUGE SAISI D'UN TEL
MOYEN - A) DÉFINITION, CONFORMÉMENT AUX PRINCIPES DU DROIT
COUTUMIER RELATIFS À LA COMBINAISON ENTRE ELLES DES CONVENTIONS
INTERNATIONALES, DES MODALITÉS D'APPLICATION RESPECTIVES DES
NORMES INTERNATIONALES - INTERPRÉTATION, LE CAS ÉCHÉANT, AU REGARD
DES RÈGLES ET PRINCIPES À VALEUR CONSTITUTIONNELLE ET DES PRINCIPES
D'ORDRE PUBLIC, EN VUE DE LES CONCILIER [RJ3] - B) HYPOTHÈSE DANS
LAQUELLE LA CONCILIATION EST IMPOSSIBLE - APPLICATION PAR LE JUGE DE

12
LA NORME INTERNATIONALE DANS LE CHAMP DE LAQUELLE LA DÉCISION
ADMINISTRATIVE CONTESTÉE A ENTENDU SE PLACER.

Résumé : 01-01-02-01 1) a) Lorsque le juge administratif est saisi d'un recours dirigé contre un
acte portant publication d'un traité ou d'un accord international, il ne lui appartient pas de se
prononcer sur la validité de ce traité ou de cet accord au regard d'autres engagements
internationaux souscrits par la France. b) En revanche, sous réserve des cas où serait en cause
l'ordre juridique intégré que constitue l'Union européenne (UE), peut être utilement invoqué, à
l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative qui fait application des
stipulations inconditionnelles d'un traité ou d'un accord international, un moyen tiré de
l'incompatibilité des stipulations dont il a été fait application par la décision en cause, avec
celles d'un autre traité ou accord international.,,2) a) Il incombe au juge administratif, saisi d'un
tel moyen, après avoir vérifié que les stipulations de cet autre traité ou accord sont entrées en
vigueur dans l'ordre juridique interne et sont invocables devant lui, de définir, conformément
aux principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions
internationales, les modalités d'application respectives des normes internationales en débat
conformément à leurs stipulations, de manière à assurer leur conciliation, en les interprétant, le
cas échéant, au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle et des principes d'ordre
public.... ...b) Dans l'hypothèse où, au terme de cet examen, il n'apparaît possible ni d'assurer la
conciliation de ces stipulations entre elles, ni de déterminer lesquelles doivent dans le cas
d'espèce être écartées, il appartient au juge administratif de faire application de la norme
internationale dans le champ de laquelle la décision administrative contestée a entendu se placer
et pour l'application de laquelle cette décision a été prise et d'écarter, en conséquence, le moyen
tiré de son incompatibilité avec l'autre norme internationale invoquée, sans préjudice des
conséquences qui pourraient en être tirées en matière d'engagement de la responsabilité de l'Etat
tant dans l'ordre international que dans l'ordre interne.

[RJ1] Cf. CE, Assemblée, 18 décembre 1998, S.A.R.L du parc d'activités de Blotzheim et S.C.I
Haselaecker, n° 181249, p. 483 ; CE, Assemblée, 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre
pensée (FNLP), n° 327663, à publier au Recueil., ,[RJ2] Ab. jur., sur cette question, CE, 30
juillet 2003, Association Gurekin et coordination des comités de soutien aux prisonniers
politiques basques, n° 237649, T. pp. 614-619.,,[RJ3] Cf. CE, 21 avril 2000, Zaidi, n° 206902,
p.159.,,[RJ4]Cf. CE, Assemblée, 3 juillet 1996, Kone, n°169219, p. 255.:

Document n° 4 : illustration des critères d’applicabilité des stipulations internationales


CE 10 févr. 2014, Mme B…

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et 30 juillet


2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant... ;
M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 janvier 2012 par laquelle la Commission
paritaire nationale des chambres de métiers et de l'artisanat instituée par la loi n° 52-1311 du 10
décembre 1952 a modifié le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;

13
2°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail
à l'initiative de l'employeur ;
Vu la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996, notamment son article 24 ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 64-1362 du 30 décembre 1964 ;
Vu le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;
..

Sur la procédure :

Sur l'article 1er de la décision attaquée :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 13ème alinéa de l'article 8 bis du décret du
30 décembre 1964 relatif aux chambres de métiers et de l'artisanat : " Les services de la chambre
de métiers et de l'artisanat de région sont dirigés par un secrétaire général nommé par le
président, après accord du bureau, et placé sous son autorité... " ; qu'aux termes du 14ème alinéa
du même article : " En cas de vacance, si le remplacement ne peut être immédiat, un agent est
désigné à titre intérimaire par le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de région.
La nomination du secrétaire général doit alors intervenir dans le délai d'un an à compter de la
vacance du poste " ; que l'article 1er de la décision attaquée, qui permet à l'agent occupant des
fonctions de secrétaire général d'une chambre de métiers de cumuler, pour une durée
déterminée, des fonctions de secrétaire général dans une autre chambre de métiers sur décisions
des assemblées générales des établissements concernés votées dans les mêmes termes, a un
objet distinct des dispositions précitées de l'article 8 bis du décret du 30 décembre 1964 ; qu'en
effet, cet article 1er ne concerne pas les conditions de nomination des secrétaires généraux,
lesquelles sont fixées par l'article 8 du décret du 30 décembre 1964, mais permet à un même
secrétaire général de cumuler ses fonctions dans deux chambres de métiers ; que, dès lors, le
moyen tiré de la méconnaissance par l'article 1er de la décision du 10 janvier 2012, modifiant
le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat, des dispositions
de l'article 8 du décret du 30 décembre 1964 ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que le requérant ne peut utilement invoquer, pour contester la
légalité de l'article 1er de la décision contestée, les dispositions de la loi du 13 juillet 1983
portant droit et obligations des fonctionnaires et de ses décrets d'applications, notamment le
décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de
droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ; qu'en effet, ces textes ne
sont pas applicables aux agents des chambres de métiers, lesquels sont exclusivement régis par
les textes pris en application de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire
d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des métiers ;

14
qu'enfin, M. B...ne saurait utilement invoquer un " principe général de non-cumul des emplois
publics " ;

Sur les articles 7 et 15 de la décision contestée :


4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations de l'article 2 de la convention
internationale du travail n° 158 de l'Organisation internationale du travail que les Etats
signataires disposent de la faculté d'exclure du champ d'application de la convention certaines
catégories de travailleurs soumis à un régime spécial ; qu'il ressort des pièces du dossier, et
notamment des documents produits par le ministère des affaires étrangères, que la France a fait
usage de cette faculté, à l'occasion de la remise de son premier rapport d'application de la
convention en octobre 1991, en excluant du champ d'application de la convention les salariés
du secteur public relevant " d'un statut spécifique d'origine réglementaire ou législative " ; que,
dès lors, les agents des chambres de métiers étant soumis à un tel statut spécifique arrêté par les
textes d'application de la loi du 10 décembre 1952, M. B... ne peut utilement contester la légalité
des dispositions des articles 7 et 15 de la décision attaquée en ce qu'elles autorisent le
licenciement d'un secrétaire général pour perte de confiance, en invoquant la méconnaissance
des stipulations de cette convention ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la charte sociale européenne : "
En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties
s'engagent à reconnaître : / a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable
lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de
l'établissement ou du service ; / b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une
indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. / A cette fin les Parties s'engagent à
assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif
valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial " ; que ces
stipulations, dont l'objet n'est pas de régir exclusivement les relations entre les Etats et
qui ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à
l'égard des particuliers, peuvent être invoquées utilement par M. B...pour contester la
légalité des articles 7 et 15 de la décision contestée en ce qu'ils permettent le licenciement
d'un secrétaire général d'une chambre de métiers pour " perte de confiance mettant en cause le
bon fonctionnement de l'établissement " ; qu'eu égard aux responsabilités exercées par le
secrétaire général d'une chambre de métiers, aux relations de confiance qu'il doit
nécessairement entretenir avec les élus de la chambre et leur président, afin que le bon
fonctionnement de l'établissement public puisse être assuré, le motif de licenciement pour perte
de confiance prévu par les dispositions contestées constitue, sous le contrôle du juge, un " motif
valable " au sens des stipulations précitées de l'article 24 de la charte sociale européenne ;
Sur l'article 11 de la décision :

6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 11 de la décision attaquée


relatives à la procédure de licenciement pour abandon de poste ne méconnaissent pas le principe
constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce qu'elles prévoient l'envoi préalable
d'une mise en demeure par l'établissement, au seul motif qu'elles ne préciseraient pas l'autorité
chargée d'adresser cette mise en demeure ;
7. Considérant, en second lieu, que l'article 7 de la convention n° 158 de l'Organisation
internationale du travail ne peut être utilement invoqué à l'encontre de l'article 11 de la décision
attaquée, pour les raisons exposées ci-dessus ;

15
8. Considérant que le moyen tiré de ce que l'article 45 du statut, dans sa rédaction issue de la
décision attaquée, méconnaîtrait la loi du 17 décembre 2008 relative au financement de la
sécurité sociale pour 2009 ainsi que la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité
sociale pour 2008, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non
recevoir soulevée en défense, que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la
décision de la Commission paritaire nationale des chambres de métiers et de l'artisanat du 10
janvier 2012 ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font
obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente
instance, la partie perdante ;

DECIDE:
--------------
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de l'artisanat, du
commerce et du tourisme.

Document n° 5
CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique

Vu 1°), sous le n° 226514, la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du


contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE
PHARMACEUTIQUE, dont le siège est ... (75782), représenté par son président en exercice ;
le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à
l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour
2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du
10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en
application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la
compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de
primauté du droit communautaire et du droit à un procès équitable et les articles 10, 12 et 43 du
traité instituant la Communauté européenne ;
[…]
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000
ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
[…]

16
Sur la légalité du décret du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article
30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour
2000 :

[…]
Sur la légalité interne :

Considérant que les dispositions du III de l’article 12 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier


1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l’équilibre financier de la
sécurité sociale ont institué une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises
pharmaceutiques, dont l’assiette était constituée par leur chiffre d’affaires hors taxes réalisé en
1995 dont étaient retranchées les charges comptabilisées au titre des dépenses afférentes aux
opérations de recherche réalisées en France ; que ces dispositions ont été annulées le 15 octobre
1999 par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux, qui a tiré les conséquences
d’un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 8 juillet 1999 par
lequel la cour, saisie d’une question préjudicielle, a jugé incompatible avec le traité instituant
la Communauté européenne une législation telle celle définissant l’assiette de la contribution
en tant qu’elle ne permettait de déduire que les dépenses de recherche réalisées en France, à
l’exclusion de celles réalisées dans les autres Etats de la Communauté européenne ;

Considérant qu’à la suite de cette décision du Conseil d’Etat, les entreprises assujetties à la
contribution ont été remboursées des sommes qu’elles avaient versées ; que, toutefois, pour
compenser le manque à gagner subi par la caisse nationale de l’assurance maladie des
travailleurs salariés, l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de
la sécurité sociale pour 2000 a institué au profit de la même caisse une contribution
exceptionnelle mise à la charge des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques
remboursables et des médicaments agréés à l’usage des collectivités, assise sur le chiffre
d’affaires hors taxes réalisé en 1999 à ce titre ; que ne sont plus déductibles de cette assiette les
dépenses de recherche ; que sont en revanche exemptées de la contribution, les entreprises dont
le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en 1999 est inférieur à 100 millions de F, sauf si elles sont
filiales à 50 pour 100 au moins d’une entreprise ou d’un groupe dont le chiffre d’affaires
consolidé réalisé en France au titre de ces mêmes spécialités dépasse cette limite ; qu’en
application de ces dispositions, qui renvoyaient à un décret la fixation du taux de la contribution
à un niveau compris entre 1,2 et 1,3 % du chiffre d’affaires considéré, le gouvernement, par le
décret attaqué, a fixé ce taux à 1,2 % ;

Considérant que s’il n’est pas contesté que cette contribution a été instaurée, comme il vient
d’être dit, afin de compenser intégralement les conséquences financières pour la gestion de la
branche assurance maladie de la sécurité sociale de l’annulation et du remboursement corrélatif
aux entreprises concernées, de la contribution exceptionnelle instituée en 1996 sur le chiffre
d’affaires réalisé en 1995, la nouvelle contribution ne concerne cependant pas les mêmes
assujettis, retient une assiette différente, en particulier en ne permettant plus de déduire les
dépenses de recherche, et ne prévoit pas les mêmes exonérations que la précédente ;

Considérant par suite qu’il n’y a pas en raison de l’intervention de l’article 30 de la loi précitée,
dont le décret attaqué fait application, d’atteinte à la chose jugée par l’arrêt rendu le 8 juillet
1999 par la Cour de justice des communautés européennes, ni davantage de méconnaissance de
la chose jugée par le Conseil d’Etat statuant au contentieux dont la décision d’annulation du 15
octobre 1999 concernait une autre imposition ; que dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin

17
de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle,
l’argumentation des requêtes qui s’efforce de rattacher la prétendue atteinte à la chose jugée par
le juge communautaire et par le juge national à la violation de traités régulièrement introduits
dans l’ordre juridique interne ne peut qu’être écartée ; qu’ainsi, les requérants ne peuvent
utilement se prévaloir d’une incompatibilité de la loi servant de support au décret attaqué, d’une
part, avec les stipulations des engagements internationaux qu’ils invoquent, qu’il s’agisse de
l’article 10 du traité instituant la Communauté européenne qui fait obligation aux Etats
membres d’assurer l’exécution des obligations découlant du traité, de l’article 6-1 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
relatif au droit à un procès équitable, de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette
convention relatif au droit de propriété et, d’autre part, avec des principes généraux de l’ordre
juridique communautaire déduits du traité instituant la Communauté européenne et ayant la
même valeur juridique que ce dernier, qu’il s’agisse du principe de la confiance légitime et du
principe de la sécurité juridique applicables aux situations régies par le droit communautaire,
du principe de loyauté qui se confond d’ailleurs avec le respect de l’article 10 du traité CE ou
encore du principe de primauté, lequel au demeurant ne saurait conduire, dans l’ordre interne,
à remettre en cause la suprématie de la Constitution ;

Considérant par ailleurs que la circonstance que certaines entreprises pharmaceutiques auraient
bénéficié du gain représenté par la différence entre le montant des sommes remboursées par
l’assurance maladie en exécution de la décision précitée du Conseil d’Etat et le montant des
sommes payées au titre de la contribution créée par les dispositions contestées ne saurait
conduire à faire regarder celles-ci comme constitutives d’une aide d’Etat irrégulière faute
d’avoir été notifiée à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l’article 88
du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant enfin que l’assiette de la contribution a été définie en fonction de critères objectifs
au regard de la finalité consistant à faire contribuer les entreprises exploitant des spécialités
pharmaceutiques au financement de la protection sociale et à l’équilibre financier des
organismes qui y concourent ; qu’en particulier, ces critères sont liés à la part prise par ces
entreprises dans les dépenses d’assurance maladie des régimes obligatoires de base de sécurité
sociale ; qu’à supposer qu’en raison de l’exemption des entreprises ayant un chiffre d’affaires
inférieur à 100 millions de F, cette contribution frapperait davantage les filiales des laboratoires
des autres Etats membres de la Communauté européenne que les laboratoires français, cette
circonstance résulterait de l’application de critères objectifs, dépourvus de tout caractère
discriminatoire en fonction de la nationalité des entreprises assujetties ; que, par suite, et sans
qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes de questions
préjudicielles, les moyens tirés de ce que l’article 30 de la loi précitée serait incompatible avec
la prohibition de toute discrimination en raison de la nationalité des ressortissants des Etats
membres énoncée à l’article 12 du traité instituant la Communauté européenne et avec le
principe de la liberté d’établissement institué par l’article 43 du même traité doivent être écartés
; qu’il en va de même du moyen tiré de l’incompatibilité avec le principe de non-discrimination
posé par l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DE


L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE et les autres requérants ne sont pas fondés à demander
l’annulation du décret du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de
la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;

18
[…]

Décide :

Article 1er : Les interventions du laboratoire Genévrier SA, de la société Pharmafarm SA, du
laboratoire Astra France SA, de la SARL Fujisawa et de la société Glaxosmithkline sont
admises.

Article 2 : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE


PHARMACEUTIQUE, de la SA LABORATOIRES BYK FRANCE, du LABORATOIRE
SCHWARZ PHARMA SA, de la SOCIETE GR NENTHAL, de la SOCIETE
LABORATOIRES LEO, du LABORATOIRE THERAMEX, de la SOCIETE MERCK
GENERIQUES, de la SOCIETE SCHERING-PLOUGH, du LABORATOIRE BAYER
PHARMA, de la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA, de la SOCIETE SCHERING
SA et de la SOCIETE LUNDBECK SA sont rejetées.

Document n° 6.
C.C. déc. N° 2004-496 DC du 10 juin 2004,
Loi pour la confiance dans l'économie numérique
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le Traité sur l'Union européenne ;
Vu la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à
certains aspects juridiques des
services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché
intérieur (" directive sur le
commerce électronique ") ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse ;

- SUR LA RESPONSABILITÉ DES HÉBERGEURS :

5. Considérant que le 2 du I de l'article 6 de la loi déférée dispose : " Les personnes physiques
ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services
de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de
messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur
responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande
d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur
caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment
où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en
rendre l'accès impossible... " ; qu'aux termes du 3 du I du même article : " Les personnes visées
au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la
demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de
l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles
ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible... " ;

19
6. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions seraient entachées d'incompétence
négative et porteraient atteinte à la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la
Déclaration de 1789, à l'article 66 de la Constitution, aux droits de la défense, ainsi qu'au droit
à un procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe


aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi
librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs
compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire
résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en
raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle
disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de
contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les
traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ;

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 14 de la directive du 8 juin 2000 susvisée pour la


transposition de laquelle est prise la loi déférée : " Les États membres veillent à ce que, en cas
de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations
fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations
stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : - a) le prestataire n'ait pas
effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une
demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon
lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente - ou b) le prestataire, dès le moment où
il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès
à celles-ci impossible " ;

9. Considérant que les 2 et 3 du I de l'article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d'écarter
la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu'ils envisagent ;
que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui
n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas
manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ; que, sous cette
réserve, les 2 et 3 du I de l'article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des
dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l'article 14 de la directive susvisée sur
lesquelles il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer ; que, par suite, les
griefs invoqués par les requérants ne peuvent être utilement présentés devant lui ;

[…]

Document n° 7
CE ass., 6 février 1998, Tête

Vu 1°/, sous le n° 138777, la requête, enregistrée le 29 juin 1992 au secrétariat du Contentieux


du Conseil d’Etat, présentée par M. Etienne X... demeurant ... et Cuire (69300) ; M. X...
demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 16 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté

20
sa demande tendant à l’annulation de la délibération n° 91-2314 du 18 juillet 1991 par laquelle
le conseil de la communauté urbaine de Lyon a décidé de réaliser le tronçon nord du boulevard
périphérique de l’agglomération lyonnaise, approuvé les conditions dans lesquelles seraient
assurées la couverture des charges d’exploitation et d’entretien ainsi que la rémunération et
l’amortissement des capitaux investis par le concessionnaire de ce travail public, approuvé les
dispositions de la convention de concession pour le financement, la conception, la construction,
l’entretien et l’exploitation de l’ouvrage d’art complexe relatif au boulevard périphérique de
Lyon - tronçon nord - ainsi que le cahier des charges de ladite concession, fixé les tarifs de la
redevance et les modalités de leur application, autorisé le président de la communauté urbaine
à signer tous actes, documents, conventions, ainsi qu’à initier et conduire toutes actions
destinées à obtenir les autorisations administratives nécessaires à l’institution d’une redevance
et à la concession de l’ouvrage projeté, et rapporté la délibération n° 91-2147 du 3 juin 1991 en
ce qu’elle a de contraire à la délibération attaquée ;
2°) d’annuler ladite délibération ;
3°) d’annuler la décision prise par le président de la communauté urbaine de Lyon de signer la
convention précitée ;
4°) d’annuler la convention elle-même ;
Vu 2°/, sous le n° 147424, la requête enregistrée le 26 avril 1993 au secrétariat du Contentieux
du Conseil d’Etat, présentée par M. Etienne X..., demeurant ... et Cuire (69300) ; M. X...
demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 février 1993
autorisant l’institution d’une redevance sur un ouvrage d’art à comprendre dans le domaine
public routier communal dit “boulevard périphérique nord de Lyon” ;
Vu 3°/, sous le n° 147425, la requête enregistrée le 26 avril 1993 au secrétariat du Contentieux
du Conseil d’Etat, présentée par l’association de sauvegarde de l’ouest lyonnais, sise ... et Cuire
(69300) ; elle demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 février
1993 autorisant l’institution d’une redevance sur un ouvrage d’art à comprendre dans le
domaine public routier communal dit “boulevard périphérique nord de Lyon” ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu la directive n° 71-305 CEE du Conseil des Communautés européennes ensemble la directive
du 18 juillet 1989 qui l’a modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la
loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la communauté urbaine de Lyon,
- et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société concessionnaire du boulevard
périphérique nord de Lyon,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du conseil de la communauté urbaine


de Lyon du 18 juillet 1991 et la décision de son président de signer le 19 juillet 1991 la
convention de concession :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête n° 138777 :
Considérant que, par délibération du 18 juillet 1991, le conseil de la communauté urbaine de
Lyon a décidé la réalisation de l’ouvrage dit “périphérique de Lyon tronçon nord”, approuvé
les conditions dans lesquelles sera assurée la couverture des charges d’exploitation et

21
d’entretien ainsi que les dispositions de la convention de concession et du cahier des charges
entre le concessionnaire et la communauté urbaine, fixé les tarifs de la redevance et les
modalités de leur application et autorisé le président à poursuivre la procédure ;
Considérant qu’en vertu de l’article 12 de la directive n° 71-305 CEE du 26 juillet 1971 du
Conseil des Communautés européennes, modifiée par la directive n° 89-440 CEE du 18 juillet
1989 portant coordination des procédures de passation de marchés publics de travaux, les
pouvoirs adjudicateurs font connaître au moyen d’un avis indicatif, les caractéristiques
essentielles des marchés de travaux qu’ils entendent passer et dont les montants égalent ou
dépassent un certain seuil ; qu’aux termes de l’article 1er de la même directive : “Dans le cas
où les pouvoirs adjudicateurs concluent un contrat de concession de travaux, les règles de
publicité définies à l’article 12 3, 6, 7 et 9 à 13 ainsi qu’à l’article 15 bis sont applicables à ce
contrat lorsque sa valeur égale ou dépasse 5 000 000 d’écus” ; qu’en vertu de l’article 3 de la
directive du 18 juillet 1989 susvisée, les Etats membres devaient mettre en vigueur les mesures
nécessaires pour se conformer aux stipulations de ladite directive au plus tard un an après la
date de sa notification intervenue le 20 juillet 1989 ;
Considérant que la société concessionnaire ne saurait utilement se prévaloir des dispositions
transitoires de l’article 6-1 du titre I du décret du 31 mars 1992, issues du décret du 21 février
1994 qui ne sont pas applicables aux contrats signés avant son entrée en vigueur ;
Considérant que les règles nationales applicables à la date de la délibération attaquée à la
passation des contrats de concession de travaux publics, ne prévoyaient pas de mesures de
publicité et n’étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juillet 1989 ;
qu’elles ne peuvent, dès lors, donner de base légale à la délibération attaquée qui, prise sans
que la communauté urbaine de Lyon ait assuré une publicité de ses intentions de passer ce
contrat de concession compatible avec les objectifs de la directive du 18 juillet 1989, a été
adoptée dans des conditions irrégulières ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c’est à tort
que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre
la délibération du 18 juillet 1991 du conseil de la communauté urbaine de Lyon et la décision
de son président de signer le 19 juillet 1991 sur le fondement de cette délibération la convention
de concession ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du contrat de concession :


Considérant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevables les conclusions
de M. X... dirigées contre “la convention de concession pour le financement, la conception, la
construction, l’entretien et l’exploitation de l’ouvrage d’art complexe relatif au boulevard
périphérique nord de Lyon” ; que M. X... ne conteste pas l’irrecevabilité qui lui a été opposée
par les premiers juges ; que, par suite, les moyens qu’il soulève à l’appui de ses conclusions
dirigées contre ladite convention ne peuvent être accueillis ;

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 23 février 1993 autorisant l’institution
d’une redevance sur un ouvrage d’art à comprendre dans le domaine public routier
communal dit “boulevard périphérique nord de Lyon” :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 153-5 du code de la voirie routière : “l’institution
d’une redevance sur un ouvrage d’art à comprendre dans le domaine public routier communal
est décidée par une délibération du conseil municipal qui doit satisfaire aux dispositions des
articles L. 153-3 et L. 153-4. Elle est autorisée par décret en Conseil d’Etat” ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret susvisé du 23 février 1993 : “Est autorisée
l’institution de la redevance décidée par délibération du conseil de la communauté urbaine de
Lyon du 18 juillet 1991 sur l’usage de l’ouvrage du boulevard périphérique nord de Lyon ...
selon les tarifs régis par l’article 22 du cahier des charges annexé à la convention de concession

22
et dont les éléments de base figurent à l’annexe du présent décret” ;
Considérant que, par suite de l’annulation de la délibération du 18 juillet 1991, le décret susvisé
du 23 février 1993 doit être annulé ;


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 16 avril 1992 est annulé
en tant qu’il a rejeté la demande de M. X... tendant à l’annulation de la délibération susvisée du
18 juillet 1991 du conseil de la communauté urbaine de Lyon et de la décision susvisée de son
président de signer le 19 juillet 1991 la convention de concession.
Article 2 : La délibération susvisée du 18 juillet 1991 du conseil de la communauté urbaine de
Lyon et la décision susvisée de son président de signer le 19 juillet 1991 la convention de
concession sont annulées.
Article 3 : Le décret susvisé du 23 février 1993 est annulé.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 138777 de M. X... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la communauté urbaine de Lyon et de la société concessionnaire
du boulevard périphérique nord de Lyon tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10
juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Etienne X..., à la société concessionnaire du
boulevard périphérique nord de Lyon, à la communauté urbaine de Lyon, à l’association de
sauvegarde de l’ouest lyonnais, au ministre de l’équipement, des transports et du logement et
au ministre de l’intérieur.

Document n° 8
CE Sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux et autres

N° 296845

Vu 1°), sous le n° 296845, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les


25 août et 21 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, dont le siège est 22, rue de Londres à Paris
(75009), la CONFERENCE DES BATONNIERS DE FRANCE ET D'OUTRE-MER, dont le
siège est 12, place Dauphine à Paris (75001), l'ORDRE DES AVOCATS AU CONSEIL
D'ETAT ET A LA COUR DE CASSATION, dont le siège est 5, quai de l'Horloge à Paris
(75001) et l'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS, dont le siège est 11, place Dauphine à Paris
(75001) ; le CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et autres demandent au Conseil d'Etat
d'annuler pour excès de pouvoir trois dispositions du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et modifiant le code monétaire et financier, codifiées aux
articles R. 562-2, R. 563-3 et R. 563-4 de ce même code ;

Vu 2°), sous le n° 296907, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les


28 août et 28 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le
CONSEIL DES BARREAUX EUROPEENS, dont le siège est 1-5, avenue de la Joyeuse Entrée
à Bruxelles (1040), Belgique ; le CONSEIL DES BARREAUX EUROPEENS demande au
Conseil d'Etat :

23
1°) d'annuler pour excès de pouvoir deux dispositions du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et modifiant le code monétaire et financier, codifiées aux
articles R. 562-2 et R. 563-4 de ce même code ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales


;

Vu le Traité sur l'Union européenne ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991 modifiée par la directive 2001/97/CE du 4


décembre 2001 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu l'arrêt du 15 octobre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes, Limburgs


Vinyl Maatschappig ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 juin 2007, Ordre des
barreaux francophones et germanophones et autres ;

Sur les textes applicables :

Considérant que la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre


2001 a modifié la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la prévention de
l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux afin, notamment,
d'étendre les obligations qu'elle édicte en matière d'identification des clients, de conservation
des enregistrements et de déclaration des transactions suspectes à certaines activités et
professions ; qu'elle a inclus dans son champ d'application les notaires et les membres des
professions juridiques indépendantes lorsqu'ils participent à certaines transactions ; qu'à cette
fin, elle a introduit dans la directive du 10 juin 1991 un article 2bis, aux termes duquel les Etats
membres veillent à ce que les obligations prévues par la présente directive soient imposées aux
établissements suivants : (...) 5° notaires et autres membres de professions juridiques
indépendantes lorsqu'ils participent, a) en assistant leur client dans la préparation ou la
réalisation de transactions concernant : i) l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises
commerciales ; ii) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client ; iii)
l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles ; iv)
l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés
; v) la constitution, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires
; b) ou en agissant au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction
financière ou immobilière ; qu'aux termes de l'article 6 de la directive, dans sa nouvelle
rédaction : 1. Les Etats membres veillent à ce que les établissements et les personnes relevant
de la présente directive, ainsi que leurs dirigeants et employés, coopèrent pleinement avec les

24
autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux : a) en informant, de leur
propre initiative, ces autorités de tout fait qui pourrait être l'indice d'un blanchiment de capitaux
; b) en fournissant à ces autorités, à leur demande, toutes les informations nécessaires
conformément aux procédures prévues par la législation applicable (...) ; 3. (...) Les Etats
membres ne sont pas tenus d'imposer les obligations prévues au paragraphe I aux notaires, aux
membres des professions juridiques indépendantes, aux commissaires aux comptes, aux
experts-comptables externes et aux conseillers fiscaux pour ce qui concerne les informations
reçues d'un de leurs clients, lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client ou dans
l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure
judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la
manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues
avant, pendant ou après cette procédure ; enfin, qu'aux termes du considérant n° 17 de la
directive : (...) Il y a lieu d'exonérer de toute obligation de déclaration les informations obtenues
avant, pendant et après une procédure judiciaire ou lors de l'évaluation de la situation juridique
d'un client. Par conséquent, la consultation juridique demeure soumise à l'obligation de secret
professionnel, sauf si le conseiller juridique prend part à des activités de blanchiment de
capitaux, si la consultation juridique est fournie aux fins du blanchiment de capitaux ou si
l'avocat sait que son client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins du blanchiment de
capitaux ;

Considérant que la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires
ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en
ventes aux enchères publiques, avait notamment pour objet de transposer la directive du 4
décembre 2001 ; que les dispositions contestées du décret du 26 juin 2006 ont pour objet de
préciser les conditions dans lesquelles doivent satisfaire aux obligations en matière de lutte
contre le blanchiment de capitaux les membres des professions que la directive du 4 décembre
2001 et la loi du 11 février 2004 prise pour sa transposition ont incluses dans le champ
d'application du dispositif ;

Sur le cadre juridique du litige : standard annoncé

Conflit de normes internationales, principe : Considérant que les requérants soutiennent que la
directive du 4 décembre 2001 et la loi du 11 février 2004 prise pour sa transposition
méconnaîtraient les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des principes généraux du droit
communautaire ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte tant de l'article 6 § 2 du Traité sur l'Union européenne
que de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment de
son arrêt du 15 octobre 2002, que, dans l'ordre juridique communautaire, les droits
fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire
;

25
- qu'il appartient en conséquence au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la
méconnaissance par une directive des stipulations de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- de rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis
par ces stipulations ;
- qu'il lui revient,
o en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué,
o ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés
européennes d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par
l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en second lieu,

- que lorsque est invoqué devant le juge administratif un moyen tiré de ce qu'une loi
transposant une directive serait elle-même incompatible avec un droit fondamental
garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et protégé en tant que principe général du droit
communautaire,
- il appartient au juge administratif de s'assurer d'abord que la loi procède à une
exacte transposition des dispositions de la directive ;
- que si tel est le cas, le moyen tiré de la méconnaissance de ce droit fondamental par
la loi de transposition ne peut être apprécié que selon la procédure de contrôle de
la directive elle-même décrite ci-dessus ;

Sur les moyens mettant en cause la validité de la directive du 4 décembre 2001 (par rapport
à Cour européenne des droits de l’homme) :

Considérant qu'il résulte de l'interprétation de la directive du 4 décembre 2001 qui a été donnée
par l'arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophones et autres , de la
Cour de justice des Communautés européennes, saisie d'une question préjudicielle par la Cour
d'arbitrage de Belgique, que les dispositions de son article 6 qui, ainsi qu'il a été dit, permettent,
dans certains cas, aux Etats membres de ne pas imposer aux avocats les obligations
d'information et de coopération qu'il prévoit, doivent être regardées, à la lumière du considérant
n° 17 de la directive, et afin de donner une interprétation du texte compatible avec les droits
fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, comme excluant que de telles obligations puissent, dans les cas ainsi
mentionnés, leur être imposées ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qu'a jugé la Cour de justice des Communautés
européennes que la directive, ainsi interprétée, ne méconnaît pas les exigences liées au droit à
un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle impose que soient exclues du champ
des obligations d'information et de coopération les informations reçues ou obtenues par les
avocats à l'occasion de leurs activités juridictionnelles ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la Cour de justice des Communautés européennes, qui
n'était saisie que de la question de la validité de la directive au regard de l'article 6 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne
s'est pas explicitement prononcée en ce qui concerne les informations reçues ou obtenues par
un avocat lors de l'évaluation de la situation juridique d'un client, il résulte de l'interprétation

26
qu'elle a donnée de la directive que celles-ci doivent également, à la lumière du considérant n°
17, être exclues du champ des obligations d'information et de coopération à l'égard d'autorités
publiques, sous les seules réserves des cas où le conseiller juridique prend part à des activités
de blanchiment de capitaux, où la consultation juridique est fournie à des fins de blanchiment
de capitaux et où l'avocat sait que son client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de
blanchiment de capitaux ; que dans ces conditions, et eu égard à l'intérêt général qui s'attache à
la lutte contre le blanchiment des capitaux, doit être écarté le moyen tiré de ce que la directive,
ainsi interprétée en ce qu'elle concerne les activités d'évaluation par les avocats de la situation
juridique de leur client, porterait une atteinte excessive au droit fondamental du secret
professionnel protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, lequel prévoit qu'il peut y avoir ingérence de l'autorité
publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale, notamment lorsqu'une
telle mesure est nécessaire à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des
infractions pénales ;

Considérant enfin que le moyen tiré de ce que la directive laisserait aux Etats membres le soin
de déterminer eux-mêmes le niveau de protection à assurer aux informations détenues par les
avocats ne peut, compte tenu de l'interprétation qu'il convient de donner à ce texte, qu'être écarté
; que la circonstance que la directive ne définit pas la notion de procédure judiciaire ne saurait
être regardée comme entraînant une méconnaissance du principe de sécurité juridique, dès lors
que la directive a eu recours, comme il lui appartenait de le faire, à une notion susceptible de
s'appliquer aux différents systèmes juridiques des Etats membres ; qu'enfin, les requérants ne
sauraient utilement invoquer la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, laquelle
est dépourvue, en l'état applicable du droit, de force juridique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice
des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que les moyens mettant en cause
la validité de la directive du 4 décembre 2001 ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les moyens relatifs à la loi du 11 février 2004 (contestée sur la base des dispositions
internationales : jurisprudence Nicolo) :

Considérant, en premier lieu, que la loi du 11 février 2004 a introduit dans le code monétaire et
financier un article L. 562-2-1 relatif aux modalités d'application de l'obligation de déclaration
de soupçon aux personnes mentionnées au 12 de l'article L. 562-1, c'est-à-dire aux notaires,
huissiers de justice, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à la liquidation des
entreprises ainsi qu'aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, aux avocats et aux
avoués près les cours d'appel ; qu'aux termes de l'article L. 562-2-1, ces personnes sont tenues
de procéder à la déclaration de soupçon prévue à l'article L. 562-2 lorsque, dans le cadre de leur
activité professionnelle, elles réalisent au nom et pour le compte de leur client toute transaction
financière ou immobilière ou lorsqu'elles participent en assistant leur client à la préparation ou
à la réalisation des transactions concernant : 1° L'achat et la vente de biens immeubles ou de
fonds de commerce ; 2° La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ; 3°
L'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ; 4° L'organisation des apports
nécessaires à la création de sociétés ; 5° La constitution, la gestion ou la direction des sociétés
; 6° La constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre
structure similaire ; que, toutefois, aux termes du même article, ces personnes ne sont pas tenues
de procéder à la déclaration de soupçon lorsque les informations ont été reçues d'un de leurs

27
clients ou obtenues sur l'un d'eux, soit dans le cadre d'une consultation juridique sauf si celle-ci
est fournie aux fins de blanchiment de capitaux ou si ces personnes y procèdent en sachant que
leur client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux, soit
dans l'exercice de leur activité dans l'intérêt de ce client lorsque cette activité se rattache à une
procédure juridictionnelle, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou
après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou
d'éviter une telle procédure ; qu'enfin, l'article L. 562-2 prévoit que la déclaration de soupçon,
par dérogation au régime de droit commun, est communiquée par l'avocat au Conseil d'Etat et
à la Cour de cassation, l'avocat ou l'avoué près la cour d'appel, selon le cas, au président de
l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au bâtonnier de l'ordre auprès
duquel l'avocat est inscrit ou au président de la compagnie dont relève l'avoué, à charge pour
ces autorités de transmettre à la cellule dite TRACFIN la déclaration qui leur a été remise, sauf
si elles considèrent qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux ; qu'en tous ces
points, la loi du 11 février 2004 a fait une exacte transposition des dispositions de la directive
du 4 décembre 2001 ;

Considérant, en second lieu, que pour définir le champ d'application du chapitre III du titre VI
du livre V du code monétaire et financier relatif aux obligations de vigilance, la loi renvoie aux
personnes mentionnées à l'article L. 562-1 du même code ; que les dispositions du 12 de cet
article font mention des notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires et mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises ainsi que des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour
de cassation, des avocats et des avoués près les cours d'appel, dans les conditions prévues à
l'article L. 562-2-1 ; qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions législatives
applicables que les personnes mentionnées au 12 de l'article L. 562-1 ne sont soumises aux
obligations de vigilance prévues au chapitre III que dans les limites et conditions posées à
l'article L. 562-2-1 rappelées ci-dessus, qui réservent les seuls cas où la personne concernée
prend part à des activités de blanchiment de capitaux, où la consultation juridique est fournie
aux fins de blanchiment de capitaux et où la personne qui y procède sait que son client souhaite
obtenir des conseils à cette fin ; que, dans ces conditions, la loi a procédé, s'agissant des
obligations de vigilance, à une exacte transposition des dispositions de la directive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la loi du 11 février
2004 serait incompatible avec les droits fondamentaux garantis par les stipulations des articles
6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les moyens dirigés contre le décret du 26 juin 2006 :

En ce qui concerne l'article R. 562-2 du code monétaire et financier :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 562-2 du code monétaire et


financier, dans sa rédaction issue du décret attaqué : Sous réserve des dispositions du deuxième
alinéa de l'article R. 562-2-2, les commissaires aux comptes, les notaires, les huissiers de justice,
les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, les avocats au Conseil d'Etat et à la
Cour de cassation, les avocats et les avoués près les cours d'appel et les commissaires-priseurs
judiciaires sont chargés, à titre individuel, de répondre aux demandes de la cellule TRACFIN
et de recevoir les accusés de réception, quelles que soient les modalités de leur exercice
professionnel ; que, toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 562-1 telles

28
qu'interprétées ci-dessus que les personnes mentionnées au 12 de cet article ne sont soumises
aux obligations de déclaration de soupçon et aux autres obligations de vigilance que dans les
conditions posées aux huitième et neuvième alinéas de l'article L. 562-2-1, qui prévoient, pour
la communication entre les intéressés et la cellule TRACFIN, un dispositif de filtre, selon les
cas, du président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du bâtonnier
de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou du président de la compagnie dont relève l'avoué
; qu'il en résulte que les requérants sont fondés à soutenir qu'en imposant une relation directe
entre les intéressés et la cellule TRACFIN dans les cas où ils répondent aux demandes de cette
dernière, le décret attaqué a méconnu les dispositions de la loi et doit, dans cette mesure, être
annulé ;

En ce qui concerne l'article R. 563-3 du code monétaire et financier :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 563-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction
issue du décret attaqué, il appartient aux organismes financiers et aux personnes mentionnés à
l'article L. 562-1 d'adopter des procédures internes destinées à mettre en oeuvre les obligations
de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi qu'un dispositif
de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures ; que si le deuxième alinéa du
même article prévoit que ces procédures sont définies le cas échéant soit par arrêté du ministre
compétent, soit par des règlements professionnels homologués par le ministre compétent, soit
par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers , ces dispositions n'ont eu pour
objet et ne pouvaient avoir légalement pour effet que de soumettre l'adoption des procédures en
cause aux règles définies par les dispositions législatives qui déterminent l'organisation générale
de la profession concernée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article R. 563-3 donnerait
compétence au ministre pour homologuer les procédures internes dont doivent se doter les
avocats en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
doit être écarté ;

En ce qui concerne l'article R. 563-4 du code monétaire et financier :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 563-4 du code monétaire et financier : Les personnes
mentionnées au 12 de l'article L. 562-1 n'appliquent les dispositions du présent chapitre que
lorsque, dans le cadre de leur activité non juridictionnelle, elles réalisent au nom et pour le
compte de leur client toute transaction financière ou immobilière ou lorsqu'elles participent en
assistant leur client à la préparation ou à la réalisation des transactions concernant : 1° L'achat
et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ; 2° La gestion de fonds, titres ou
autres actifs appartenant au client ; 3° L'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres
; 4° L'organisation des apports nécessaires à la création de sociétés ; 5° La constitution, la
gestion ou la direction de sociétés ; 6° La constitution, la gestion ou la direction de fiducies de
droit étranger ou de toute autre structure similaire ;

Considérant que les requérants soutiennent qu'en s'abstenant de prévoir une dérogation aux
obligations fixées par le chapitre III, pour les personnes mentionnées au 12 de l'article L. 562-
1, en ce qui concerne les informations qu'elles détiennent ou reçoivent dans le cadre d'une

29
consultation juridique, et sous réserve des seuls cas où la personne concernée prend part à des
activités de blanchiment de capitaux, où la consultation juridique est fournie aux fins de
blanchiment de capitaux et où la personne qui y procède sait que son client souhaite obtenir des
conseils à cette fin, l'article R. 563-4, introduit par le III de l'article 2 du décret attaqué, est
entaché d'illégalité ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la loi n'a soumis aux obligations de vigilance
définies par le chapitre III les personnes visées au 12 de l'article L. 562-1 que dans les limites
posées par l'article L. 562-2-1 citées ci-dessus ; qu'en se bornant à rappeler les dérogations
propres aux procédures juridictionnelles, sans mentionner celles correspondant aux
consultations juridiques, l'article R. 563-4 a méconnu le champ d'application de la loi ; que les
requérants sont fondés à en demander, dans cette mesure, l'annulation ;

DECIDE:

Article 1er : L'intervention de la Chambre nationale des avoués près les cours d'appel au soutien
de la requête n° 296845 est admise.

Article 2 : L'article 1er du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et modifiant le code monétaire et financier est annulé en tant qu'il introduit, au
troisième alinéa de l'article R. 562-2 du code monétaire et financier, des dispositions qui
prévoient une relation directe entre les personnes mentionnées au 12 de l'article L. 562-1 et la
cellule TRACFIN dans les cas où ces personnes répondent aux demandes de cette dernière.

Article 3 : Le III de l'article 2 du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment
de capitaux et modifiant le code monétaire et financier, qui introduit un article R. 563-4
rappelant les obligations imposées par le chapitre III au personnes mentionnées au 12 de l'article
L. 562-1, est annulé en tant qu'il n'a pas assorti ce rappel des réserves relatives aux informations
que ces personnes détiennent ou reçoivent dans le cadre d'une consultation juridique.

Article 4 : L'Etat versera au Conseil des barreaux européens une somme de 4 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30
Document n° 9
CE, 6 déc. 2012, Sté Air Algérie

EXERCICE : Résumez l’arrêt ci-dessus par points de droit, en les énumérant après les avoir
classés.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1° sous le n° 347870, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les


25 mars et 15 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la
société Air Algérie, dont le siège est au 1, place Maurice Audin à Alger (16000), Algérie ; la
société Air Algérie demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'écologie, du
développement durable, des transports et du logement du 26 janvier 2011 relatif à l'intégration
des activités aériennes d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, de constater qu'il existe un doute sérieux quant à la validité de
la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008, d'autre part, de renvoyer à la Cour de justice
de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la validité de la directive
2008/101/CE au regard de l'ensemble des engagements internationaux et règles de droit
communautaire invoqués dans la requête et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice
de l'Union européenne se soit prononcée sur la question et, enfin, d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 347871, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les


25 mars et 15 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la
société Air Algérie, dont le siège est au 1, place Maurice Audin à Alger (16000), Algérie ; la
société Air Algérie demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-90 du 24 janvier 2011
portant intégration des activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas
d'émission de gaz à effet de serre ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, de constater qu'il existe un doute sérieux quant à la validité de
la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008, d'autre part, de renvoyer à la Cour de justice
de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la validité de la directive
2008/101/CE au regard de l'ensemble des engagements internationaux et règles de droit
communautaire invoqués dans la requête et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice
de l'Union européenne se soit prononcée sur la question et, enfin, d'annuler le décret attaqué ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative ;

31
....................................................................................

Vu la Constitution ;

Vu la convention relative à l'aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944


;

Vu la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et le
protocole signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ;

Vu l'accord franco-algérien du 16 février 2006 relatif aux services de transport aérien ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu le traité sur la Communauté européenne, devenu le traité sur le fonctionnement de l'Union


européenne ;

Vu la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 ;

Vu la directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 ;

Vu l'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 ;

Vu la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011 ;

Vu l'arrêt C-366/10 du 21 décembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance n° 345190 du 29 avril 2011 du Conseil d'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Sur les textes applicables et le cadre juridique du litige :

3. Considérant qu'afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la directive
2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 a établi un système
d'échange de quotas d'émission dans l'Union européenne ; que cette directive a été transposée
par l'ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004, qui a ajouté au chapitre IX du titre II du livre
II du code de l'environnement une section 2 intitulée " Quotas d'émission de gaz à effet de serre
" et composée des articles L. 229-5 à L. 229-19 ;

4. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, depuis le 1er janvier 2005, toute installation
réalisant l'une des activités mentionnées à l'annexe I de la directive 2003/87/CE et rejetant dans

32
l'atmosphère certains gaz à effet de serre lorsqu'elle exerce cette activité doit posséder une
autorisation délivrée à cet effet par les autorités compétentes ; que les autorités accordent
l'autorisation si elles considèrent que l'exploitant de l'installation est en mesure de surveiller et
de déclarer les émissions ; que l'autorisation contient notamment l'obligation de restituer, au
cours des quatre premiers mois de chaque année, les quotas correspondant aux émissions totales
de l'année précédente ; qu'au début de chaque période, les Etats affectent un volume donné de
quotas aux exploitants des installations ; qu'à la fin de chaque période, les exploitants doivent
restituer le nombre de quotas correspondant à leurs émissions de dioxyde de carbone ; que les
quotas sont transférables et négociables ; que les États membres mettent aux enchères
l'intégralité des quotas qui ne sont pas délivrés à titre gratuit ;

5. Considérant que la directive 2008/101/CE du 29 novembre 2008 a modifié la directive


2003/87/CE afin d'intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de
quotas d'émission de gaz à effet de serre, en créant à cette fin un chapitre II, intitulé " aviation
", qui se compose des articles 3 bis à 3 octies ; que les dispositions de ce chapitre s'appliquent
à l'allocation et à la délivrance de quotas pour les activités aériennes ; que, selon l'annexe I de
la directive modifiée, constituent des activités aériennes au sens de la directive et soumises au
système qu'elle institue à compter du 1er janvier 2012 les " vols au départ ou à l'arrivée d'un
aérodrome situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité ", à
l'exclusion de certains vols tels que les vols militaires effectués par les avions militaires et les
vols effectués exclusivement aux fins de travaux de recherche scientifique ;

6. Considérant que l'ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation


au droit de l'Union européenne en matière d'environnement a procédé à la transposition en droit
interne de celles des dispositions de la directive du 29 novembre 2008 qui relèvent du domaine
de la loi ; qu'elle a, à cet effet, modifié plusieurs articles de la section " Quotas d'émission de
gaz à effet de serre " du chapitre IX du titre II du livre II de la partie législative du code de
l'environnement ; que le décret du 24 janvier 2011 portant intégration des activités aériennes
dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre a précisé
les modalités d'application des dispositions des articles L. 229-5 à L. 229-18 du code de
l'environnement, modifiées par l'ordonnance du 21 octobre 2010, spécifiques aux activités
aériennes ; qu'il a, à cet effet, créé une sous-section relative au " Système d'échange de quotas
d'émission de gaz à effet de serre appliqué aux exploitants d'aéronef " au sein de la section 2 du
chapitre IX du titre II du livre II de la partie réglementaire du code de l'environnement, sous-
section composée des articles R. 229-37-1 à D. 229-37-10 ;

7. Considérant que la société Air Algérie demande l'annulation du décret du 24 janvier 2011
portant intégration des activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas
d'émission de gaz à effet de serre ainsi que de l'arrêté ministériel du 26 janvier 2011 relatif à
l'intégration des activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas
d'émission de gaz à effet de serre pris pour l'application de l'article L. 229-6 du code de
l'environnement ;

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 24 janvier 2011 :

En ce qui concerne l'annulation par voie de conséquence :

33
8. Considérant que l'ordonnance du 21 octobre 2010 a été ratifiée par l'article 1er de la loi du 5
janvier 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union
européenne et que, par une ordonnance en date du 29 avril 2011, le Conseil d'Etat statuant au
contentieux a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête tendant à son annulation
; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret du 24 janvier 2011 devrait être annulé par voie
de conséquence de l'annulation de l'ordonnance du 21 octobre 2010 ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance (par la directive UE) de principes constitutionnels :

9. Considérant que la société Air Algérie soutient que la directive 2008/101/CE et les actes qui
la transposent méconnaissent les principes à valeur constitutionnelle du droit de propriété et de
la liberté d'entreprendre, au motif que l'inclusion des entreprises du secteur aérien dans le
système des quotas d'émission de gaz à effet de serre aurait une incidence financière importante
sur les compagnies et que les sanctions encourues sont lourdes, pouvant aller jusqu'à
l'interdiction de toute activité dans le ciel de l'Union européenne ;

10. Considérant que, s'il appartient au juge administratif, saisi, à l'encontre d'un décret assurant
directement la transposition de dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, d'un
moyen tiré de la méconnaissance d'une disposition ou d'un principe à valeur constitutionnelle,
de rechercher, le cas échéant, s'il existe une règle ou un principe général de droit communautaire
qui, eu égard à sa nature et sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la jurisprudence
du juge communautaire, garantit par son application l'effectivité du respect d'un principe
constitutionnel, et, dans l'affirmative, afin de s'assurer de la constitutionnalité du décret, de
rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe
général de droit constitutionnel, les motifs d'inconstitutionnalité allégués en l'espèce concernent
non des dispositions réglementaires assurant directement la transposition de la directive de
2008, mais des dispositions réglementaires qui se bornent à réitérer les dispositions législatives
transposant cette directive, mettant ainsi directement en cause la conformité à la Constitution
de ces dispositions législatives ; que la conformité de dispositions législatives à des principes
constitutionnels ne saurait être contestée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en
dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution ; que s'il appartient également
au juge administratif de vérifier que les mesures prises pour l'application de la loi de
transposition n'ont pas elles-mêmes méconnu ces principes, la requérante ne critique aucune
disposition du décret qui ne se serait pas bornée à réitérer une règle définie par les dispositions
législatives précitées ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de principes constitutionnels
doit être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance (par la loi appliquant la directive) de l'accord franco-


algérien du 16 février 2006 :

11. Considérant que la société Air Algérie soutient que les dispositions législatives issues de
l'ordonnance du 21 octobre 2010 et sur le fondement desquelles a été pris le décret attaqué
méconnaissent les stipulations des articles 3, 6 et 10 de l'accord relatif aux services de transport
aérien entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République
algérienne démocratique et populaire, signé le 16 février 2006 ;

34
12. Considérant, en premier lieu, que l'article 3 de cet accord stipule que : " 1. Chaque Partie
contractante a le droit de désigner par écrit à l'autre Partie contractante un ou plusieurs
transporteurs aériens aux fins d'exploitation des services agréés sur les routes spécifiées. Ces
désignations sont faites par la voie diplomatique ; / 2. Dès réception d'une désignation effectuée
par l'une des Parties contractantes conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent
article et sur demande du transporteur aérien désigné présentée dans la forme et selon les
modalités prescrites, les autorités aéronautiques de l'autre Partie contractante accordent dans les
délais les plus brefs les autorisations d'exploitation appropriées, à condition : (...) / c) Que le
transporteur aérien désigné soit à même de satisfaire aux conditions prescrites au titre des lois
et règlements normalement et raisonnablement applicables en matière de transport aérien
international par la Partie contractante qui examine la ou les demandes conformément aux
dispositions de la Convention (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 du même
accord : " Les lois, règlements et procédures d'une Partie contractante relatifs à l'entrée sur son
territoire ou à la sortie de son territoire des aéronefs assurant des services aériens internationaux,
ou à l'exploitation et à la navigation de ces aéronefs durant leur séjour sur son territoire,
s'appliquent aux aéronefs du ou des transporteurs aériens désignés de l'autre Partie contractante
et sont appliqués à ces aéronefs à l'entrée sur le territoire, à la sortie du territoire ou pendant le
séjour sur le territoire de la première Partie contractante " ; qu'eu égard à l'intention exprimée
des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à leur contenu et à leurs termes,
ces stipulations n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent
l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers ;
qu'elles doivent, par suite, être reconnues d'effet direct ;

13. Considérant que la société Air Algérie soutient que les dispositions de l'article L. 229-5 du
code de l'environnement incluant dans le champ d'application du système d'échange de quotas
d'émission de gaz à effet de serre les exploitants d'aéronefs rejetant un gaz à effet de serre dans
l'atmosphère au cours de tout vol à l'arrivée ou au départ d'un aérodrome situé sur le territoire
d'un Etat membre de l'Union européenne méconnaissent les stipulations précitées des articles 3
et 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elles imposent les charges et obligations découlant
du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre au-delà du territoire français
; que, cependant, les dispositions législatives contestées sont destinées à assurer la transposition
de la directive 2008/101/CE du 29 novembre 2008 procédant à l'intégration des activités
aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de
serre, qui fait partie des lois et procédures applicables en France ; que ces dispositions n'ont pas
pour effet de s'appliquer en tant que telles à des vols internationaux empruntant, en survol, le
territoire des Etats membres de l'Union ou celui d'Etats tiers, lorsque de tels vols ne sont pas à
l'arrivée ou départ d'un aérodrome situé sur le territoire d'un Etat membre ; que seuls les
exploitants d'aéronefs exploitant une ligne aérienne commerciale à l'arrivée ou au départ
d'aérodromes situés sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne sont soumis au
système d'échange de quotas ; que, dès lors, en prévoyant leur application aux exploitants
d'aéronefs immatriculés dans un Etat membre ou dans un Etat tiers lorsque ces aéronefs
effectuent un vol au départ ou à l'arrivée d'un aérodrome situé sur le territoire de l'un des Etats
membres, les dispositions législatives en cause n'ont, en tout état de cause, pas méconnu le
principe de la territorialité de l'application des règles de droit énoncé par les stipulations
précitées des articles 3 et 6 de l'accord franco-algérien du 16 février 2006 ;

14. Considérant, en second lieu, que l'article 10 du même accord stipule que : " 1. A l'entrée sur
le territoire d'une Partie contractante, les aéronefs exploités aux fins de services aériens
internationaux par le ou les transporteurs aériens désignés de l'autre Partie contractante, leur
équipement normal, leurs carburants et lubrifiants, (...) sont, à titre temporaire, en attente de

35
leur réexportation et sur la base de la réciprocité, admis en exemption de tous droits de douane,
restrictions à l'importation, impôts réels, taxes sur le capital, droits d'inspection, droits d'accise
et droits ou redevances analogues perçus par les autorités nationales ou locales, à condition que
ces équipements et fournitures restent à bord de l'aéronef. / 2. Sont également exemptés, sur la
base de la réciprocité, des impôts, droits, frais d'inspection et redevances mentionnés au
paragraphe 1 du présent article, à l'exception des redevances basées sur le coût des services
rendus : / (...) c) Les carburants (...) introduits ou fournis sur le territoire d'une Partie
contractante pour être utilisés à bord d'un aéronef d'un transporteur aérien désigné d'une Partie
contractante assurant des services aériens internationaux, même si ces fournitures sont destinées
à être utilisées sur une partie du trajet effectuée au-dessus du territoire de la Partie contractante
dans laquelle ils sont pris à bord " ; qu'eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie
générale du traité invoqué, ainsi qu'à leur contenu et à leurs termes, ces stipulations doivent
elles aussi être reconnues d'effet direct ;

15. Considérant que la société Air Algérie soutient que l'obligation imposée aux transporteurs
aériens algériens désignés d'acquitter le prix des quotas nécessaires à leur approvisionnement
en carburant est incompatible avec l'exemption garantie par les stipulations de l'article 10 de
l'accord franco-algérien ; que, toutefois, si, selon l'article L. 229-7 du code de l'environnement,
les exploitants d'aéronefs doivent restituer un nombre de quotas égal au total de leurs émissions
de l'année civile précédente, lesquelles sont calculées en fonction de leur consommation de
carburant pour tous leurs vols relevant du champ d'application de la directive 2008/101/CE ainsi
que d'un facteur d'émission, il n'existe pas, pour autant, de lien direct entre la quantité de
carburant détenue ou consommée par un aéronef et la charge pécuniaire incombant à l'exploitant
d'un tel aéronef dans le cadre du fonctionnement du système d'échange de quotas institué par
les dispositions législatives en cause ; que le coût incombant à cet exploitant et résultant de la
quantité de quotas à restituer, laquelle est calculée notamment sur la base de la consommation
de carburant, dépend non pas directement du nombre de quotas qui doivent être restitués, mais
du nombre de quotas initialement alloués à cet exploitant ainsi que de leur prix sur le marché
lorsque l'acquisition de quotas supplémentaires s'avère nécessaire pour couvrir les émissions de
cet exploitant ; qu'il suit de là que, à la différence d'un droit, d'une taxe ou d'une redevance
frappant la consommation de carburant, le système mis en oeuvre ne permet nullement d'arrêter,
sur la base d'une assiette et d'un taux définis à l'avance, un montant devant être dû par tonne de
carburant consommé pour l'ensemble des vols réalisés sur une année civile ; que, par suite, les
dispositions législatives en cause n'instituent pas une forme de prélèvement obligatoire pouvant
être regardée comme constituant un droit de douane, une taxe ou une redevance sur le carburant
détenu ou consommé par les exploitants d'aéronefs ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces
dispositions législatives méconnaîtraient les stipulations précitées de l'article 10 de l'accord
franco-algérien du 16 février 2006 doit, en tout état de cause, être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance (par la loi appliquant la directive) de la convention de


Chicago :

16. Considérant que la société Air Algérie soutient que les dispositions législatives issues de
l'ordonnance du 21 octobre 2010 méconnaissent les stipulations de la convention relative à
l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 qui énoncent le principe de
la souveraineté complète et exclusive de chaque Etat contractant sur son propre espace aérien ;

36
17. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de cette convention à laquelle
l'Union européenne n'est pas partie : " Les États contractants reconnaissent que chaque État a
la souveraineté complète et exclusive sur l'espace aérien au-dessus de son territoire " ; que selon
son article 11 : " Sous réserve des dispositions de la présente Convention, les lois et règlements
d'un État contractant relatifs à l'entrée et à la sortie de son territoire des aéronefs employés à la
navigation aérienne internationale, ou relatifs à l'exploitation et à la navigation desdits aéronefs
à l'intérieur de son territoire, s'appliquent, sans distinction de nationalité, aux aéronefs de tous
les Etats contractants et lesdits aéronefs doivent s'y conformer à l'entrée, à la sortie et à
l'intérieur du territoire de cet Etat " ;

18. Considérant que les stipulations précitées de l'article 1er de la convention de Chicago sont
dépourvues d'effet direct dès lors qu'elles ont pour objet exclusif de régir les relations entre
Etats ; qu'en revanche, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du
traité, ainsi qu'à leur contenu et à leurs termes, les stipulations précitées de l'article 11 de cette
convention, qui n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent
l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers,
sont d'effet direct ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que l'assujettissement au système
de quotas d'émission de l'ensemble des compagnies aériennes dont les aéronefs circulent sur le
territoire de l'Union européenne, y compris pour les parties de vols se situant en dehors du
territoire de l'Union européenne, méconnaît le principe de la souveraineté des Etats sur leur
espace aérien garanti par les stipulations citées ci-dessus des articles 1er et 11 de la convention
de Chicago ; que, cependant, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 18 que les
stipulations de l'article 1er de cette convention ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de
la requête, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 13, que les dispositions législatives dont
l'incompatibilité avec la convention est dénoncée ne contiennent aucune règle extraterritoriale
et ne portent pas atteinte à la souveraineté des Etats tiers sur leur espace aérien ; qu'il est constant
que le système d'échange de quotas d'émission respecte l'interdiction des discriminations à
l'encontre d'aéronefs en raison de leur Etat d'appartenance, posée par les stipulations de l'article
11 de la convention ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives en cause
méconnaîtraient les stipulations des articles 1er et 11 de la convention de Chicago doit, en tout
état de cause, être écarté ;

20. Considérant, en troisième lieu, que l'association " International Air Transport Association "
soutient, dans son intervention, que les dispositions législatives issues de l'ordonnance du 21
octobre 2010 méconnaissent également les stipulations des articles 15 et 24 de la convention de
Chicago, qui prohibent respectivement les taxes de transit et les redevances sur le carburant ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la convention de Chicago, relatif aux "
Redevances d'aéroport et droits similaires " : " Tout aéroport situé dans un Etat contractant et
ouvert aux aéronefs de cet Etat aux fins d'usage public est (...) également ouvert dans des
conditions uniformes aux aéronefs de tous les autres Etats contractants. (...) / Les taxes qu'un
Etat contractant peut imposer ou permettre d'imposer pour l'utilisation desdits aéroports et
facilités pour la navigation aérienne par les aéronefs de tout autre Etat contractant ne doivent
pas être plus élevées : / a) Pour ce qui est des aéronefs qui ne sont pas employés à des services
aériens internationaux réguliers, que les droits acquittés par ses aéronefs nationaux de même
classe assurant des services similaires ; / b) Pour ce qui est des aéronefs employés à des services
aériens internationaux réguliers, que les droits acquittés par ses aéronefs nationaux employés à
des services internationaux similaires. / (...) Aucun Etat contractant n'imposera de droits, frais

37
ou autres taxes uniquement en raison du droit de transit ou d'entrée, au-dessus du territoire ou
sur celui-ci, ou de sortie hors de celui-ci d'un aéronef quelconque d'un Etat contractant, ou des
personnes ou biens se trouvant à bord " ;

22. Considérant que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du
traité, ainsi qu'à leur contenu et à leurs termes, ces stipulations sont d'effet direct ; que, toutefois,
s'il est soutenu que l'achat de quotas d'émission ne correspond à aucun service rendu par les
services aéroportuaires et doit être regardé comme une taxe de transit prohibée par les
stipulations précitées, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'aucun transporteur aérien n'aura
à payer de droits uniquement pour l'entrée, la sortie ou le transit sur le territoire de l'Union
européenne ;

23. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la convention de Chicago, relatif aux " Droits
de douane " : " a) Tout aéronef effectuant un voyage à destination ou en provenance du territoire
d'un autre Etat contractant, ou à travers ledit territoire, est temporairement admis en franchise
de droits, dans les conditions prévues par les règlements douaniers de cet Etat. Les carburants
(...) se trouvant à bord d'un aéronef d'un Etat contractant, à son arrivée sur le territoire d'un autre
Etat contractant et se trouvant encore à bord dudit aéronef lors de son départ de ce territoire,
sont exonérés des droits de douane, frais de visite ou autres droits et taxes similaires imposés
par l'Etat ou les autorités locales (...) " ;

24. Considérant que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du
traité, ainsi qu'à leur contenu et à leurs termes, ces stipulations sont elles aussi d'effet direct ;
que, toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de ce qui a été dit au point 15 que
les dispositions législatives en cause n'instituent nullement une forme de prélèvement
obligatoire pouvant être regardée comme un droit de douane, une taxe ou une redevance sur le
carburant détenu ou consommé par les exploitants d'aéronefs ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions
législatives en cause méconnaîtraient les stipulations précitées des articles 15 et 24 de la
convention de Chicago doit, en tout état de cause, être écarté ;

En ce qui concerne (par la directive) la méconnaissance de la convention-cadre des Nations


unies sur les changements climatiques et du protocole de Kyoto :

26. Considérant que la société Air Algérie soutient que la directive 2008/101/CE, transposée
par l'ordonnance du 21 octobre 2010 et le décret attaqué, méconnaîtrait les stipulations de la
convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et du
protocole à cette convention signé à Kyoto le 11 décembre 1997, qui posent le principe d'une
action concertée des parties contractantes et de la prise en compte des spécificités des pays en
voie de développement et renvoient au cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale
la mise en oeuvre et l'extension d'un système de quotas d'émission de gaz à effet de serre au
secteur du transport aérien ;

27. Considérant, d'une part, que l'Union européenne - et avant elle la Communauté
économique européenne - est partie à la convention-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques et au protocole de Kyoto ; qu'en vertu de l'article 216 du traité sur
le fonctionnement de l'Union européenne, lorsque des accords internationaux sont conclus par

38
l'Union, les institutions de l'Union sont liées par de tels accords et, par conséquent, ceux-ci
priment les actes de l'Union ; qu'il s'ensuit que la validité d'un acte de l'Union peut être affectée
par l'incompatibilité de cet acte avec de telles règles du droit international ; que les stipulations
d'un traité international ne peuvent toutefois être utilement invoquées aux fins de l'examen de
la validité de l'acte du droit de l'Union que si, d'une part, la nature et l'économie de la convention
en question n'y font pas obstacle et si, d'autre part, elles apparaissent, du point de vue de leur
contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, dès lors qu'elles comportent une obligation
claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention
d'aucun acte ultérieur ;

28. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la
méconnaissance par une directive d'un accord international conclu par l'Union, de
rechercher si la directive est compatible avec ces stipulations ; que si, afin d'assurer une
interprétation uniforme du droit de l'Union, la Cour de Justice de l'Union européenne dispose
d'une compétence exclusive pour déterminer si les stipulations d'une convention internationale
par laquelle l'Union est liée ont un contenu inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir
être invoquées en justice, cette compétence doit s'entendre sous réserve que la question posée
soit déterminante pour la solution du litige que la juridiction nationale doit trancher et qu'elle
présente une difficulté sérieuse ; qu'en l'absence de difficulté sérieuse sur ce point, il appartient
donc au Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un moyen mettant en cause la validité
d'un acte de l'Union au regard d'une convention internationale à laquelle l'Union est partie,
d'apprécier lui-même l'effet direct des stipulations en cause ; que, dans le cas contraire, il lui
appartient de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dans
les conditions prévues par l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
qu'enfin, dans l'hypothèse où il reconnaît lui-même que les stipulations invoquées sont d'effet
direct, il revient au juge administratif, en l'absence de doute sérieux sur la validité de la
directive, d'écarter le moyen invoqué, ou, au contraire, en cas de doute sérieux, de saisir la Cour
de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle afin qu'elle se prononce sur la
validité de cette directive ;

29. Considérant, en premier lieu, que la société requérante invoque le paragraphe 2 de l'article
2 du protocole de Kyoto aux termes duquel : " Les Parties visées à l'annexe I cherchent à limiter
ou réduire les émissions de gaz à effet de serre non réglementés par le Protocole de Montréal
provenant des combustibles de soute utilisés dans les transports aériens (...), en passant par
l'intermédiaire de l'Organisation de l'aviation civile internationale (...) " ; que, cependant, ainsi
que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur la question préjudicielle qui
lui avait été soumise par la décision du 22 juillet 2010 de la High Court of Justice of England
and Wales, par l'arrêt C-366/10 du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America et
autres, ces stipulations ne sauraient être considérées comme revêtant un caractère
inconditionnel et suffisamment précis de manière à engendrer pour le justiciable le droit de s'en
prévaloir en justice en vue de contester la validité de la directive 2008/101/CE ;

30. Considérant, en second lieu, que la société requérante invoque le paragraphe 2 de l'article 3
de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, relatif aux principes
à appliquer par les parties à la convention, qui stipule que : " Il convient de tenir pleinement
compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en développement Parties,
notamment de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements
climatiques, ainsi que des Parties, notamment des pays en développement Parties, auxquelles
la Convention imposerait une charge disproportionnée ou anormale " ; qu'elle invoque
également le paragraphe 4 du même article, aux termes duquel : " Il convient que les politiques

39
et mesures destinées à protéger le système climatique contre les changements provoqués par
l'homme soient adaptées à la situation propre de chaque Partie ", et le paragraphe 1 de l'article
4 de cette convention relatif aux engagements des parties, qui mentionne les " responsabilités
communes mais différenciées " des parties à la convention ; que, cependant, il résulte clairement
de ces stipulations qu'eu égard à leur contenu, qui n'édicte aucune obligation claire et précise et
qui nécessite des mesures d'application, elles ne sauraient, sans qu'il soit besoin de poser, en
l'absence de toute difficulté sérieuse sur ce point, une question préjudicielle à la Cour de justice
de l'Union européenne, être regardées comme revêtant un caractère inconditionnel et
suffisamment précis de manière à engendrer pour le justiciable le droit de s'en prévaloir en
justice en vue de contester la validité de la directive 2008/101/CE ;

31. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Air Algérie ne peut utilement
soutenir que la directive 2008/101/CE méconnaîtrait les stipulations précitées de la convention-
cadre des Nations unies sur les changements climatiques et du protocole à cette convention
signé à Kyoto le 11 décembre 1997 ;

En ce qui concerne la méconnaissance (par la directive UE) de principes généraux du droit


de l'Union européenne :

32. Considérant que la société Air Algérie soutient que la directive 2008/101/CE et les actes
qui la transposent méconnaissent plusieurs des principes généraux du droit de l'Union
européenne ; qu'elle se prévaut, en particulier, de la méconnaissance des principes de confiance
légitime, d'égalité, de libre concurrence et de proportionnalité ;

33. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen tiré de la
méconnaissance par une directive de principes généraux du droit de l'Union européenne, de
rechercher si la directive est conforme à ces principes ; qu'il lui revient, en l'absence de doute
sérieux sur la validité de la directive, d'écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de
saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle afin qu'elle se
prononce sur la validité de la directive ;

34. Considérant, en premier lieu, que, dans sa communication du 27 septembre 2005 relative à
la réduction de l'impact de l'aviation sur le changement climatique, la Commission européenne
a préconisé l'intégration de l'aviation au système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet
de serre ; que le Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 s'est déclaré favorable à cette
solution et s'est félicité que la Commission ait l'intention de présenter, avant la fin de 2006, une
proposition législative en ce sens ; que la Commission a rendu publique sa proposition de
directive le 29 novembre 2006 ; que la directive 2008/101/CE a été adoptée le 19 novembre
2008 ; que celle-ci a prévu que les obligations pesant sur le secteur aérien entreraient en vigueur
le 1er janvier 2012 ; qu'au regard de la procédure suivie pour adopter la directive 2008/101/CE
et à la date d'entrée en vigueur des obligations qu'elle fixe pour le secteur aérien, la société Air
Algérie ne peut sérieusement soutenir que les institutions de l'Union européenne auraient fait
naître chez...; que, par suite, le moyen tiré de ce que la directive 2008/101/CE méconnaîtrait le
principe de confiance légitime doit être écarté ;

35. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la directive
2008/101/CE n'institue pas de différence de traitement entre les compagnies aériennes placées
dans une situation comparable, toutes les compagnies qui assurent des vols au départ ou à

40
destination de l'Union européenne étant soumises au même traitement ; que la circonstance que
la directive pèse davantage sur les compagnies qui exercent l'essentiel de leur activité sur le
territoire de l'Union européenne ne saurait être regardée comme l'institution d'une différence de
traitement de situations comparables ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la directive
méconnaîtrait le principe d'égalité ou porterait atteinte à la libre concurrence doit être écarté ;

36. Considérant, enfin, que le principe de proportionnalité figurant au nombre des principes
généraux du droit de l'Union européenne et affirmé par l'article 5 du traité sur l'Union
européenne exige que les moyens mis en oeuvre par une disposition du droit de l'Union soient
aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n'aillent
pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre ; qu'il n'appartient pas au juge chargé
d'apprécier le respect de ce principe de déterminer si la mesure arrêtée dans tel domaine était la
seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par
rapport à l'objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la
légalité de cette mesure ; qu'en l'espèce, la société Air Algérie n'est pas fondée à soutenir que
l'inclusion du secteur aérien dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de
serre selon les modalités définies par la directive va manifestement au-delà de ce qui est
nécessaire pour atteindre l'objectif de protection de l'environnement poursuivi ; que, par suite,
doit être écarté le moyen tiré de ce que la directive 2008/101/CE méconnaîtrait le principe de
proportionnalité ;

37. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de
justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que les moyens mettant en cause la
validité de la directive 2008/101/CE au regard des principes généraux du droit de l'Union
européenne ne peuvent qu'être écartés ;

38. Considérant, par suite, que les conclusions de la société Air Algérie dirigées contre le décret
du 24 janvier 2011 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 janvier 2011 :

39. Considérant, en premier lieu, que dès lors que la présente décision rejette sa requête dirigée
contre le décret du 24 janvier 2011, la société Air Algérie n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté
du 26 janvier 2011 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de ce décret ; qu'elle
ne l'est pas davantage, pour les motifs déjà énoncés au point 8, à soutenir que cet arrêté doit être
annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'ordonnance du 21 octobre 2010 ;

40. Considérant, en second lieu, que les autres moyens de la requête de la société Air Algérie
dirigée contre l'arrêté du 26 janvier 2011 sont sans incidence sur sa légalité dès lors que les
dispositions contestées de cet arrêté, qui s'appliquent aux obligations particulières des
exploitants d'aéronef mentionnés à l'article L. 229-5 du code de l'environnement en matière de
surveillance, de déclaration et de vérification de leurs émissions de gaz à effet de serre ou de
leurs données d'activité en termes de tonnes-kilomètres et se bornent pour l'essentiel à renvoyer
aux dispositions pertinentes de la décision 2009/339/CE de la Commission européenne du 16
avril 2009, modifiant la décision 2007/589/CE du 18 juillet 2007 en vue d'ajouter des lignes
directrices pour la surveillance et la déclaration des émissions et des données relatives aux
tonnes-kilomètres liées aux activités aériennes, ne reprennent pas les dispositions critiquées par

41
ces moyens de la directive 2008/101/CE, de l'ordonnance du 21 octobre 2010 et du décret du
24 janvier 2011 ;

41. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Air Algérie n'est pas non plus
fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

DECIDE:

--------------

Article 1 : L'intervention de l'" International Air Transport Association " est admise.

Article 2 : Les requêtes de la société Air Algérie sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'" International Air Transport Association " présentées au titre
des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Air Algérie, à l' " International Air
Transport Association ", au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement
durable et de l'énergie.

Analyse

Abstrats : 01-04-005 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES


ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT.
CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE. - MOYEN TIRÉ
DE LA MÉCONNAISSANCE DE PRINCIPES ET DISPOSITIONS À VALEUR
CONSTITUTIONNELLE PAR DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES RÉITÉRANT
DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES TRANSPOSANT UNE DIRECTIVE - OPÉRANCE
- ABSENCE [RJ1] - 2) MOYEN TIRÉ DE L'INCONSTITUTIONNALITÉ DES MESURES
D'APPLICATION DE LA LOI DE TRANSPOSITION NE SE BORNANT PAS À LA
RÉITÉRER - OPÉRANCE - EXISTENCE [RJ2].

01-04-01-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES


ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT. TRAITÉS ET
DROIT DÉRIVÉ. DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE (VOIR AUSSI : COMMUNAUTÉS
EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE). - DIRECTIVE - 1) TRANSPOSITION PAR
UNE LOI - MOYEN TIRÉ DE L'INCONSTITUTIONNALITÉ DE SES DISPOSITIONS
RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION - OPÉRANCE - A) DISPOSITIONS
RÉGLEMENTAIRES RÉITÉRANT LA LOI - ABSENCE [RJ1] - B) DISPOSITIONS
RÉGLEMENTAIRES NE SE BORNANT PAS À RÉITÉRER LA LOI - EXISTENCE [RJ2] -
2) MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE PAR LA DIRECTIVE D'UN ACCORD
INTERNATIONAL CONCLU PAR L'UNION - A) OPÉRANCE - EXISTENCE - B)
MODALITÉS DE CONTRÔLE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - I) APPRÉCIATION DE
L'EFFET DIRECT DE LA STIPULATION INVOQUÉE - CRITÈRES DE L'EFFET DIRECT
- CONTENU INCONDITIONNEL ET SUFFISAMMENT PRÉCIS (CRITÈRES DE LA

42
CJUE) - COMPÉTENCE POUR L'APPRÉCIER - COMPÉTENCE DU JUGE NATIONAL,
SAUF DIFFICULTÉ SÉRIEUSE [RJ3] - II) APPRÉCIATION DE LA COMPATIBILITÉ DE
LA DIRECTIVE AVEC CETTE STIPULATION - COMPÉTENCE DU JUGE NATIONAL,
SAUF DOUTE SÉRIEUX SUR LA VALIDITÉ DE LA DIRECTIVE [RJ4].

15-03-02-01 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE.


APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE
ADMINISTRATIF FRANÇAIS. RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE. -
MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE PAR UNE DIRECTIVE D'UN ACCORD
INTERNATIONAL CONCLU PAR L'UNION - APPRÉCIATION DE L'EFFET DIRECT DE
LA STIPULATION INVOQUÉE - CRITÈRES DE L'EFFET DIRECT - CONTENU
INCONDITIONNEL ET SUFFISAMMENT PRÉCIS (CRITÈRES DE LA CJUE) -
COMPÉTENCE POUR L'APPRÉCIER - 1) EN L'ABSENCE DE DIFFICULTÉ SÉRIEUSE,
COMPÉTENCE DU JUGE NATIONAL - 2) EN CAS DE DIFFICULTÉ SÉRIEUSE, CJUE
DANS LE CADRE D'UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE [RJ3].

[RJ1] Comp., dans le cas où les dispositions réglementaires contestées transposent directement
la directive, CE, Assemblée, 8 février 2007, Société ARCELOR Atlantique et Lorraine et
autres, n° 287110, p. 55.,,[RJ2] Cf., sur la limitation de la portée de l'écran législatif aux seules
dispositions d'application de la loi se bornant à la réitérer, CE, 27 octobre 2011, Confédération
française démocratique du travail et autres, n°s 343943 343973 343974, T. pp. 743-1096.,
,[RJ3] Cf. CJCE, 6 octobre 1982, CILFIT, n° 283/81.,,[RJ4] Cf. CJCE, 22 octobre 1987,
Fotofrost, n° 314-85, Recueil p. 4199.

Document n° 10
CE ass.19 nov. 2020, Cne de Grande-Synthe, n° 427301 (affaire du siècle)

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 janvier et 21 décembre 2019
et 30 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Grande-Synthe et M. B... A...
demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le Président de
la République, le Premier ministre et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, sur leurs
demandes tendant, d'une part, à ce que soient prises toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des
émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national de manière à respecter a minima les
engagements consentis par la France au niveau international et national, d'autre part, à ce que soient mises en
oeuvre des mesures immédiates d'adaptation au changement climatique de la France, et enfin, à ce que soient
prises toutes dispositions d'initiatives législatives et réglementaires afin de " rendre obligatoire la priorité
climatique " et interdire toute mesure susceptible d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, de
prendre les mesures et dispositions susvisées dans un délai maximum de six mois ;

43
3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles
portant sur l'interprétation :
- des stipulations des articles 2, 3, et 4 de l'accord de Paris, afin de déterminer si elles constituent des dispositions
d'effet direct dont les particuliers sont fondés à se prévaloir ;
- des dispositions de l'article 3 de la décision n° 406/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril
2009 relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de
respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 ;
- des dispositions combinées du a) du paragraphe 1er de l'article 2 de l'accord de Paris et de la décision n°
406/2009/CE du 23 avril 2009 précitée ;
- des dispositions des directives 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à
l'efficacité énergétique et 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la
promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution et son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et son protocole signé à
Kyoto le 11 décembre 1997 ;
- l'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 ;
- la décision 94/69/CE du Conseil du 15 décembre 1993 ;
- la décision 406/2009/CE du Parlement Européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;
- la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;
- la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 ;
- le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;
- le décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 ;
- le décret n° 2019-439 du 14 mai 2019 ;
- le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 ;
- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Par trois courriers du 19 novembre 2018, la commune de Grande-Synthe, représentée par son maire en
exercice, M. A..., agissant également en son nom personnel en sa qualité de maire et de citoyen, a demandé
respectivement au Président de la République, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de la transition
écologique et solidaire, d'une part, de prendre toute mesure utile permettant d'infléchir la courbe des émissions
de gaz à effet de serre produites sur le territoire national de manière à respecter les obligations consenties par la
France voire à aller au-delà, d'autre part, de prendre toutes dispositions d'initiatives législative ou réglementaire
pour " rendre obligatoire la priorité climatique " et pour interdire toute mesure susceptible d'augmenter les

44
émissions de gaz à effet de serre, et enfin, de mettre en oeuvre des mesures immédiates d'adaptation au
changement climatique de la France. Il a été accusé réception de ces demandes les 20 et 21 novembre 2018. La
commune de Grande-Synthe et M. A... demandent l'annulation pour excès de pouvoir des décisions de refus
implicite nées du silence gardé pendant plus de deux mois sur ces demandes.

Sur la requête en tant qu'elle conclut à l'annulation des décisions implicites portant refus de prendre des
dispositions à caractère législatif :

2. La requête présentée par la commune de Grande-Synthe et autre tend en partie à l'annulation des décisions
implicites de refus nées du silence gardé par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre
d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire sur leurs demandes tendant à ce que soient adoptées, donc
soumises au Parlement, toutes dispositions législatives afin de " rendre obligatoire la priorité climatique " et
interdire toute mesure susceptible d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le fait, pour le
pouvoir exécutif, de s'abstenir de soumettre un projet de loi au Parlement, touche aux rapports entre les pouvoirs
publics constitutionnels et échappe, par là-même, à la compétence de la juridiction administrative. Par suite, les
conclusions de la requête, en tant qu'elles sont dirigées contre les refus implicites de leurs demandes tendant à
ce que soient adoptées des dispositions législatives, doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions de la requête :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la transition écologique et solidaire :

3. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des données publiées par l'Observatoire national sur les effets
du réchauffement climatique, que le secteur du dunkerquois est identifié comme relevant d'un indice d'exposition
aux risques climatiques qualifié de très fort. A cet égard, la commune de Grande-Synthe fait valoir sans être
sérieusement contestée sur ce point qu'en raison de sa proximité immédiate avec le littoral et des caractéristiques
physiques de son territoire, elle est exposée à moyenne échéance à des risques accrus et élevés d'inondations, à
une amplification des épisodes de fortes sécheresses avec pour incidence non seulement une diminution et une
dégradation de la ressource en eau douce mais aussi des dégâts significatifs sur les espaces bâtis compte tenu des
caractéristiques géologiques du sol. Si ces conséquences concrètes du changement climatique ne sont
susceptibles de déployer tous leurs effets sur le territoire de la commune qu'à l'horizon 2030 ou 2040, leur
caractère inéluctable, en l'absence de mesures efficaces prises rapidement pour en prévenir les causes et eu égard
à l'horizon d'action des politiques publiques en la matière, est de nature à justifier la nécessité d'agir sans délai à
cette fin. Par suite, la commune de Grande-Synthe, eu égard à son niveau d'exposition aux risques découlant du
phénomène de changement climatique et à leur incidence directe et certaine sur sa situation et les intérêts
propres dont elle a la charge, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des décisions
implicites attaquées, la circonstance, invoquée par la ministre à l'appui de sa fin de non-recevoir, que ces effets
du changement climatique sont susceptibles d'affecter les intérêts d'un nombre important de communes n'étant
pas de nature à remettre en cause cet intérêt.

4. En revanche, M. A... qui se borne, d'une part, à soutenir que sa résidence actuelle se trouve dans une zone
susceptible d'être soumise à des inondations à l'horizon de 2040, d'autre part, à se prévaloir de sa qualité de
citoyen, ne justifie pas d'un tel intérêt.

En ce qui concerne les interventions :

5. En premier lieu, la région parisienne comme l'agglomération grenobloise sont identifiées par l'Observatoire
national sur les effets du réchauffement climatique comme relevant d'un indice d'exposition aux risques
climatiques qualifié de très fort. A cet égard, la Ville de Paris comme celle de Grenoble font notamment valoir,
sans être contestées, que le phénomène du réchauffement climatique va conduire à une augmentation
importante des pics de chaleur constatés sur leur territoire tant dans leur intensité que dans leur durée, ainsi qu'à
une augmentation significative des pluies hivernales renforçant le risque de crue d'ampleur et d'inondations

45
subséquentes. Dans ces conditions, ces deux collectivités justifient d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien
de la demande d'annulation des décisions attaquées.

6. En second lieu, les associations Oxfam France, Greenpeace France et Notre Affaire A Tous, et la Fondation pour
la Nature et l'Homme, qui ont notamment pour objet de lutter contre les atteintes anthropiques à
l'environnement dont l'une des manifestations réside dans la contribution au phénomène du changement
climatique, justifient également d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la demande d'annulation des
décisions attaquées.

7. Il résulte de ce qui précède que les interventions de la ville de Paris, de la ville de Grenoble, des associations
Oxfam France, Greenpeace France et Notre Affaire A Tous, et de la Fondation pour la Nature et l'Homme sont
recevables.

En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :

8. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande de la commune requérante
de prendre toute mesure utile permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur
le territoire national, de prendre toute mesure de nature réglementaire tendant à " rendre obligatoire la priorité
climatique " et de mettre en oeuvre des mesures d'adaptation immédiate au changement climatique, réside dans
l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice
administrative, pour l'autorité compétente, de prendre les mesures jugées nécessaires. Il s'ensuit que lorsqu'il est
saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa
légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

9. D'une part, au niveau mondial, l'article 2 de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC) du 9 mai 1992 stipule que : " L'objectif ultime de la présente Convention et de tous
instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser, conformément
aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un
niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. (...). ". A cet égard, le
paragraphe 1 de l'article 3 de la convention prévoit notamment que : " Il incombe aux Parties de préserver le
système climatique dans l'intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l'équité et en fonction de
leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en
conséquence, aux pays développés parties d'être à l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques
et leurs effets néfastes. " Par ailleurs, aux termes de l'article 2 de l'accord de Paris du 12 décembre 2015, conclu
dans le cadre de la conférence des parties mentionnée à l'article 7 de la convention : " 1. Le présent Accord, en
contribuant à la mise en oeuvre de la Convention, notamment de son objectif, vise à renforcer la riposte mondiale
à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la
pauvreté, notamment en : / a) Contenant l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en
dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation
de la température à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement
les risques et les effets des changements climatiques; b) Renforçant les capacités d'adaptation aux effets néfastes
des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible
émission de gaz à effet de serre, d'une manière qui ne menace pas la production alimentaire ; / (...). / 2. Le présent
Accord sera appliqué conformément à l'équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et
des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales. " Aux termes des stipulations du
paragraphe 1 de l'article 4 de cet accord : " En vue d'atteindre l'objectif de température à long terme énoncé à
l'article 2, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans
les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour les pays en
développement Parties, et à opérer des réductions rapidement par la suite conformément aux meilleures données
scientifiques disponibles de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les
absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, sur la base
de l'équité, et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté. " Aux termes du

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paragraphe 2 du même article : " Chaque partie communique et actualise les contributions déterminées au niveau
national successives qu'elle prévoit de réaliser. Les Parties prennent des mesures internes pour l'atténuation en
vue de réaliser les objectifs desdites contributions. " Enfin, aux termes de son paragraphe 3 : " La contribution
déterminée au niveau national suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la
contribution déterminée au niveau national antérieure et correspondra à son niveau d'ambition le plus élevé
possible, compte tenu de ses responsabilités communes mais différenciées et de ses capacités respectives, eu
égard aux différentes situations nationales. "

10. D'autre part, au niveau européen, par la décision 94/69/CE du 15 décembre 1993 concernant la conclusion de
la CCNUCC, le Conseil a approuvé la convention au nom de la Communauté européenne, devenue l'Union
européenne. Notamment aux fins de mise en oeuvre des stipulations précitées, l'Union européenne a adopté un
premier " Paquet Energie Climat 2020 ", composé en particulier de la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009
relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de
respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020, ayant
notamment pour objectif une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Aux
termes de l'annexe II de la décision du 23 avril 2009, une limite d'émission de gaz à effet de serre de - 14 % par
rapport aux niveaux d'émission de 2005 a été fixée à la France pour 2020. Par la suite, l'Union européenne, qui a
adhéré à l'accord de Paris, a notifié à la Conférence des Etats parties à la CCNUCC, en application des stipulations
de l'article 4 de cet accord, une " contribution déterminée au niveau national " (CDN) pour l'Union et ses Etats
membres correspondant à une réduction minimum de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par
rapport à leur niveau de 1990. Elle a alors adopté un second " Paquet Energie Climat " reposant notamment sur
le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz
à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les
engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris, qui, aux termes de son article 1er, " établit pour les États
membres des obligations relatives à leurs contributions minimales pour la période 2021-2030, en vue d'atteindre
l'objectif de l'Union de réduire, d'ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux
de 2005 dans les secteurs relevant de l'article 2 du présent règlement, et contribue à la réalisation des objectifs
de l'accord de Paris. ". L'annexe I du règlement, prévu par son article 4, fixe pour chaque Etat membre le niveau
de cette contribution minimale et a assigné à la France une obligation de réduction des émissions de gaz à effet
de serre de - 37 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2005.

11. Enfin, au niveau national, les dispositions de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, dans leur rédaction issue
de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, précisent que : " I. - Pour répondre à l'urgence
écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs : / 1° De réduire les émissions de gaz
à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les
émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans
les budgets carbone mentionnés à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement. Pour l'application du présent
1°, la neutralité carbone est entendue comme un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions
anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, tel que
mentionné à l'article 4 de l'accord de Paris ratifié le 5 octobre 2016. La comptabilisation de ces émissions et
absorptions est réalisée selon les mêmes modalités que celles applicables aux inventaires nationaux de gaz à effet
de serre notifiés à la Commission européenne et dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques, sans tenir compte des crédits internationaux de compensation carbone ; / (...) ". En vue
d'atteindre cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'article L. 222-1 A du code de
l'environnement prévoit que : " Pour la période 2015-2018, puis pour chaque période consécutive de cinq ans, un
plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé " budget carbone " est fixé par décret. " et l'article
L. 222-1 B du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 8 novembre 2019 précitée, notamment que : " I. -
La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée " stratégie bas-carbone ", fixée
par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique d'atténuation des émissions de gaz à effet de
serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes (...) / II. - Le décret fixant
la stratégie bas-carbone répartit le budget carbone de chacune des périodes mentionnées à l'article L. 222-1 A
par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou

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internationaux, par secteur d'activité ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre. La répartition par période
prend en compte l'effet cumulatif des émissions considérées au regard des caractéristiques de chaque type de
gaz, notamment de la durée de son séjour dans la haute atmosphère. (...) / Il répartit également les budgets
carbone en tranches indicatives d'émissions annuelles. / III. - L'Etat, les collectivités territoriales et leurs
établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de
planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre. /
Dans le cadre de la stratégie bas-carbone, le niveau de soutien financier des projets publics intègre,
systématiquement et parmi d'autres critères, le critère de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet
de serre. Les principes et modalités de calcul des émissions de gaz à effet de serre des projets publics sont définis
par décret. " Aux termes de l'article D. 222-1-A du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret du
18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone : " I. - Les
émissions de gaz à effet de serre comptabilisées au titre des budgets carbone fixés en application de l'article L.
222 1 A sont celles que la France notifie à la Commission européenne et dans le cadre de la convention-cadre des
Nations unies sur les changements climatiques. / (...) " Aux termes de l'article D. 222-1-B du même code : " I. - Le
respect des budgets carbone est évalué sur la base des inventaires annuels transmis à la Commission européenne
ou dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques les plus à jour. " Enfin,
en vertu de l'article 2 de ce décret du 18 novembre 2015 : " Les budgets carbone des périodes 2015-2018, 2019-
2023 et 2024-2028 sont fixés respectivement à 442, 399 et 358 Mt de CO2eq par an, à comparer à des émissions
annuelles en 1990, 2005 et 2013 de, respectivement, 551, 556 et 492 Mt de CO2eq. "

12. Il résulte de ces stipulations et dispositions que l'Union européenne et la France, signataires de la CCNUCC et
de l'accord de Paris, se sont engagées à lutter contre les effets nocifs du changement climatique induit notamment
par l'augmentation, au cours de l'ère industrielle, des émissions de gaz à effet de serre imputables aux activités
humaines, en menant des politiques visant à réduire, par étapes successives, le niveau de ces émissions, afin
d'assumer, suivant le principe d'une contribution équitable de l'ensemble des Etats parties à l'objectif de
réduction des émissions de gaz à effet de serre, leurs responsabilités communes mais différenciées en fonction
de leur participation aux émissions acquises et de leurs capacités et moyens à les réduire à l'avenir au regard de
leur niveau de développement économique et social. Si les stipulations de la CCNUCC et de l'accord de Paris
citées au point 9 requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des
particuliers et sont, par suite, dépourvues d'effet direct, elles doivent néanmoins être prises en considération
dans l'interprétation des dispositions de droit national, notamment celles citées au point 11, qui, se référant
aux objectifs qu'elles fixent, ont précisément pour objet de les mettre en oeuvre.

13. A cet égard, l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 fixé à
l'article L. 100-4 du code de l'énergie, qui mentionne désormais expressément la convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques ainsi que l'accord de Paris, a pour objet d'assurer, pour ce qui concerne la
France, la mise en oeuvre effective des principes posés par cette convention et cet accord. A cet égard, afin
d'atteindre effectivement cet objectif de réduction, les dispositions de l'article L. 222-1-A du code de
l'environnement confient à un décret le soin de fixer un plafond national des émissions de gaz à effet de serre
pour la période 2015-2018 puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Dans ce cadre, l'article 2 du décret
du 18 novembre 2015 cité au point 11 a fixé pour la période 2015-2018, correspondant au premier budget carbone
et à la seule période achevée au jour de la présente décision, une valeur limite de 442 Mt de CO2eq par an.

S'agissant du refus implicite de prendre toute mesure utile permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz
à effet de serre produites sur le territoire national :

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment des données communément admises en matière d'émissions de
gaz à effet de serre, que, au terme de la période 2015-2018, la France a substantiellement dépassé le premier
budget carbone qu'elle s'était assignée, d'environ 62 Mt de CO2eq par an, réalisant une baisse moyenne de ses
émissions de 1 % par an alors que le budget fixé imposait une réduction de l'ordre de 2,2 % par an. Les années
2015, 2016 et 2017 ont ainsi donné lieu à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et l'année 2018,
malgré un retour à une diminution de ces émissions, a conduit à un dépassement de 4,5 % de la part annuelle

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fixée par ce premier budget carbone, l'ensemble des secteurs d'activité affichant un dépassement de leurs
objectifs pour cette même année. A cet égard, dans ses deux premiers rapports annuels publiés en juin 2019 et
juillet 2020, le Haut conseil pour le climat, organe indépendant créé par le décret du 14 mai 2019 afin d'émettre
des avis et recommandations sur la mise en oeuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre de la France, a souligné les insuffisances des politiques menées pour atteindre les objectifs
fixés.

15. Toutefois, le décret du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas
carbone a sensiblement modifié le 2ème budget carbone (correspondant à la période 2019-2023) prévu par le
décret du 18 novembre 2015, en relevant de 399 Mt de CO2eq à 422 Mt de CO2eq par an le plafond des émissions
pour cette période. Il a, en revanche, maintenu l'objectif assigné au 3ème budget carbone (correspondant à la
période 2024-2028), en le passant de 358 Mt de CO2eq par an prévu par le même décret du 18 novembre 2015 à
359 Mt de CO2eq, et fixé le 4ème budget carbone (correspondant à la période 2029-2033) à 300 Mt de CO2eq
par an. Ce 4ème budget carbone est de nature à permettre d'atteindre l'objectif final de réduction des émissions
de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990, fixé à l'article L. 100-4 du code de
l'énergie, et de 37 % par rapport à leurs niveaux de 2005, assigné à la France par l'annexe I du règlement (UE)
2018/842 du 30 mai 2018. Toutefois, les modifications apportées par le décret du 21 avril 2020 par rapport à ce
qui avait été envisagé en 2015, revoient à la baisse l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet au terme
de la période 2019-2023, correspondant au 2ème budget carbone, et prévoient ce faisant un décalage de la
trajectoire de réduction des émissions qui conduit à reporter l'essentiel de l'effort après 2020, selon une
trajectoire qui n'a jamais été atteinte jusqu'ici. Au demeurant, les données scientifiques les plus récentes,
notamment les rapports publiés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC),
mettent au contraire en évidence une aggravation des risques climatiques à augmentation de température
constante, de sorte que, dans une communication récente, la Commission européenne envisage de proposer
d'augmenter l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne pour 2030 en
notifiant à la Conférence des Etats parties à la CCNUCC une nouvelle CDN de - 55 % par rapport au niveau
d'émission de 1990.

16. Par suite, il ne peut être statué sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du refus implicite de
prendre toute mesure utile permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le
territoire national en l'état du dossier, ce dernier ne faisant notamment pas ressortir les éléments et motifs
permettant d'établir la compatibilité du refus opposé avec la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet
de serre telle qu'elle résulte du décret du 21 avril 2020 permettant d'atteindre l'objectif de réduction du niveau
des émissions de gaz à effet de serre produites par la France fixé par l'article L. 100-4 du code de l'énergie et par
l'annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018. Il y a donc lieu d'ordonner un supplément d'instruction
tendant à la production de ces éléments.

S'agissant du refus implicite de prendre toute mesure d'initiative réglementaire tendant à " rendre obligatoire la
priorité climatique " :

17. Le moyen tiré de ce que le refus implicite de prendre toute mesure d'initiative réglementaire tendant à "
rendre obligatoire la priorité climatique " serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti des
précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

S'agissant du refus implicite de mettre en oeuvre des mesures d'adaptation immédiate au changement climatique
:

18. Si la commune de Grande-Synthe soutient que la décision qu'elle attaque méconnaît les stipulations de l'article
2 de l'accord de Paris cité au point 9, ces stipulations, ainsi qu'il a été dit au point 12, sont dépourvues d'effet
direct. Dès lors, leur seule méconnaissance ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision attaquée.

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En ce qui concerne les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 en tant qu'elle concerne
M. A... :

19. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-
1 en tant qu'elles concernent M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE:
--------------
Article 1er : Les conclusions de la requête de la commune de Grande-Synthe et autre dirigées contre le refus
implicite de prendre toute mesure d'initiative législative tendant à " rendre obligatoire la priorité climatique "
sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
sont rejetées en tant qu'elles concernent M. A....
Article 3 : Les interventions de la Ville de Paris, de la ville de Grenoble, des associations Oxfam France, Greenpeace
France et Notre Affaire A Tous et de la Fondation pour la Nature et l'Homme sont admises dans la limite de la
recevabilité de la requête de la commune de Grande-Synthe.

Article 4 : Les conclusions de la requête de la commune de Grande-Synthe tendant à l'annulation pour excès de
pouvoir des refus implicites de prendre toute mesure d'initiative réglementaire tendant à " rendre obligatoire la
priorité climatique " et de mettre en oeuvre des mesures d'adaptation immédiate au changement climatique sont
rejetées.
Article 5 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la commune de Grande-Synthe, il sera
procédé à un supplément d'instruction tendant à la production par les parties des éléments au point 16 de la
présente décision.
Article 6 : Ces éléments devront parvenir au secrétariat de la section du contentieux dans un délai de trois mois à
compter de la notification de la présente décision.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la commune de Grande-Synthe, première requérante dénommée,
à la Ville de Paris, la ville de Grenoble, aux associations Oxfam France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous
et à la Fondation pour la Nature et l'Homme, au Président de la République, au Premier ministre et à la ministre
de la transition écologique.

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