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OBJECTIF BARREAU

Préparation intensive au CRFPA 2023

Droit international et européen – Sujet n° 1

Thèmes abordés : Articulation des sources – Compétence internationale en matière civile


et commerciale – Conflits de lois – Conflits mobiles – Reconnaissance et exécution

Pourquoi ce sujet ? Ce sujet transversal permettait de revenir sur le champ d’applicabilité du


droit international privé et sur ses sources. Il imposait en effet d’interroger l’applicabilité de
plusieurs conventions internationales telles que la Convention de Vienne de 1980, la
Convention de La Haye de 1955, la Convention de Lugano de 2007 et la convention de La Haye
du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile
ou commerciale et de les articuler avec les règlements européens. Le sujet proposait
également d’aborder différentes problématiques du DIP comme les conflits mobiles,
l’exécution des jugements dans l’Union européenne, la compétence internationale et la loi
applicable.

INTRODUCTION
Rappels des faits. Un ressortissant suisse exerçant les fonctions de maire a conclu un contrat,
lors d’un séminaire professionnel en France, avec un ressortissant français résidant à Paris. Le
contrat visait la réalisation et la livraison d’un buste en impression 3D. La livraison a été
effectuée en Suisse mais ne correspond pas aux attentes de l’acheteur. Ce dernier a donc saisi
les juridictions françaises d’une action indemnitaire. Quelques mois après la saisine, le
vendeur a déménagé en Belgique.
Problématique. Les juridictions françaises saisies sont-elles compétentes pour statuer sur une
action indemnitaire intentée par un acheteur de nationalité suisse et résidant en Suisse contre
un vendeur non professionnel de nationalité française et résidant en France ? Quelle loi est
applicable à ce litige ? Le déménagement en cours de procès peut-il influencer la solution ?
Quelles en seront les conséquences pour la reconnaissance et l’exécution de la décision ?
Annonce de plan. Afin de répondre à ces problématiques, nous procéderons en cinq étapes.
D’abord, il convient de vérifier que la situation entre dans le champ d’application du droit
international privé, eu égard notamment à la fonction du demandeur (I). Il conviendra ensuite
de s’interroger sur la compétence internationale des juridictions françaises (II), avant de
déterminer la loi applicable au litige (III). La question se posera ensuite du changement de
domicile en cours de litige (IV) et de la potentielle exécution de la décision en Belgique (V).

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 1


Remarque méthodologique : Les protagonistes des faits étant les mêmes, vous pouviez traiter
les questions à la suite dans un seul cas, ou les traiter dans deux cas pratiques distincts.

I- L’applicabilité du droit international privé (0,5 points)

Le droit international privé est applicable lorsque deux éléments sont réunis. Il faut d’abord un
élément d’extranéité, autrement dit un élément qui rattache la situation à un ordre juridique
différent de celui du juge saisi. La Cour de justice évoque à ce titre les litiges ayant une
incidence transfrontière (CJUE 5 déc. 2013, aff. C-413/12, pt 46). Spécialement en matière de
contrats internationaux, la situation est internationale lorsque le contrat a des facteurs de
rattachement pertinents avec au moins deux États (Civ. 19 février 1930, Mardelé et 27 janvier
1931, Dambricourt ; Rapport explicatif de la Convention de La Haye de 1955 à la vente
internationale d’objets mobiliers corporels ; Article 1-1 de la Convention de Vienne sur les
contrats de vente internationale). Le litige doit également avoir un caractère privé. Sur la
détermination du caractère privé du litige, la Cour de justice se réfère à la matière civile et
commerciale, laquelle ne doit pas impliquer de personne publique exerçant ses prérogatives
de puissance publique (CJCE 14 octobre 1976, LTU c/ Eurocontrol, C- 29/76. Confirmation
CJUE, 7 mai 2020, Rina, C-641/18).

En l’espèce, l’internationalité du litige ne pose aucune difficulté particulière, elle se vérifie par
la nationalité du demandeur, la résidence des deux parties au contrat et par le lieu de livraison
de l’achat. Le caractère privé du litige ne pose pas non plus de difficultés. Il s’agit d’un contrat
entre deux personnes physiques de droit privé, car bien que l’acheteur exerce des fonctions
de maire et que l’achat a eu lieu durant un déplacement professionnel, il est évident qu’il n’a
pas exercé ses prérogatives de puissance publique.
Il est possible de conclure à l’application des règles de droit international privé.

II- La compétence internationale (7,5 points)

À titre liminaire, il faut rappeler qu’en droit international privé français, la qualification s’opère
lege fori c’est-à-dire selon les conceptions du droit français (Civ. 22 juin 1955, Caraslanis). En
l’espèce, il s’agit d’une action indemnitaire dans le cadre d’une relation contractuelle entre
deux non-professionnels. Les juridictions françaises ont été saisies. Nous cherchons à vérifier
leur compétence internationale (B), après avoir déterminer la règle applicable (A).

A- Détermination de la règle applicable

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 2


Hiérarchie des normes. Pour vérifier la compétence internationale des juridictions françaises,
encore faut-il savoir quel texte appliquer. Par application de la hiérarchie des normes, il
convient de se référer prioritairement aux conventions internationales et règlements de
l’Union (articles 55 et 88§1 de la Constitution et CJCE, Costa c/ Enel, 15 juillet 1964). Ce n’est
que si aucune convention internationale ou règlement ne s’applique que le droit commun
trouvera à s’appliquer. Le litige entretenant des liens avec la Suisse, deux textes paraissent a
priori applicables (le règlement Bruxelles I refondu et la convention de Lugano de 2007).

Exclusion de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007. Le litige entretient également des


liens avec la Suisse, le demandeur étant de nationalité suisse et résidant en Suisse, la
Convention de Lugano pourrait trouver à s’appliquer. L’article 64 de la Convention précise
toutefois que la Convention a vocation à s’appliquer dès lors que le défendeur est domicilié
dans un État partie à la Convention mais non membre de l’Union européenne. Or, en l’espèce,
le défendeur est domicilié dans un État membre – la France. La Convention n’a donc pas
vocation à s’appliquer en l’espèce.

Applicabilité du règlement Bruxelles I refondu. Il reste alors à s’interroger sur l’applicabilité


du Règlement Bruxelles I refondu. Le règlement Bruxelles I bis a vocation à s’appliquer si le
litige relève de son champ d’application matériel, spatial et temporel. Il faut donc vérifier que
le litige relève, en l’espèce, de ces différentes conditions d’applicabilité.

- L’article 1er du règlement précise son champ d’application matériel. Le règlement a


vocation à s’appliquer en « matière civile et commerciale ». La Cour de justice a précisé qu’il
s’agissait d’une notion autonome (CJCE, 14 octobre 1976, Eurocontrol, aff. 29-76). L’article
1er liste également un certain nombre de matières exclues du champ d’application du
règlement. En l’espèce, l’applicabilité matérielle du règlement n’est pas problématique, le
litige ne relève d’aucune des exclusions mentionnées à l’article 1 et concerne la matière civile
et commerciale, s’agissant de se prononcer sur l’exécution d’un contrat de vente d’un objet
en impression 3D.

- L’article 66-1 du règlement précise ensuite le champ d’application temporel du


règlement. Il prévoit qu’il « n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées [...] à compter
du 10 janvier 2015 ». En l’espèce, les actions ont été intentées en 2023, soit après le 10 janvier
2015. Le règlement est donc applicable ratione temporis.

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 3


- Pour que le règlement soit applicable spatialement, il faut vérifier en premier
l’existence d’un contrat à partie faible, d’une clause attributive de juridiction ou d’une
compétence exclusive qui commandent l’intervention de critères spatiaux strictement
hiérarchisés. À défaut, les articles 5 et 6 imposent que le domicile du défendeur soit situé sur
le territoire d’un État membre de l’Union européenne. L’article 62-1 précise que le domicile
d’une personne physique est à déterminer selon la loi du for. En l’espèce, la qualification de
consommateur doit être écartée, le contrat ayant été conclu entre non professionnels (CJCE,
19 janv. 1993, C-89/91, Shearson Lehman Hutton). Le défendeur a sa résidence en France. Le
critère ratione loci est rempli.

B- Application du règlement Bruxelles I refondu

Le règlement Bruxelles I refondu étant applicable, il convient de l’appliquer afin de vérifier la


compétence internationale des juridictions françaises. En l’absence d’un contrat à partie
faible, d’une clause attributive de juridiction ou d’une compétence exclusive, le règlement
prévoit un chef de compétence générale (article 4) et des chefs de compétence spéciale
(articles 7).

Chef de compétence générale. L’article 4 du règlement retient la compétence de la juridiction


du lieu du domicile du défendeur. En l’espèce, le défendeur est domicilié en France. Les
juridictions françaises sont donc compétentes sur le fondement de l’article 4.

Chef de compétence spéciale. L’article 7 du règlement prévoit des chefs de compétence


spéciale en distinguant notamment la matière contractuelle de la matière délictuelle. Il
convient donc d’abord de définir la matière contractuelle (1) avant d’identifier la nature du
contrat en cause (2).

1) La matière contractuelle est une notion autonome du droit de l’Union européenne (CJCE, 22
mars 1983, Martin Peters, aff. C-34/82). Elle a été définie par la Cour de justice comme « tout
engagement librement assumé d’une partie envers l’autre » (CJCE, Jakob Handte, 17 juin 1992,
aff. C-26/91, point 15). Cette définition a été précisée par la Cour dans ses récentes décisions.
Elle considère, en effet, que la matière contractuelle vise « l’existence d’une obligation
juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde
l’action du demandeur » sans qu’il ne soit nécessaire que les parties soient liées par un contrat
(voir not. CJUE, 4 octobre 2018, Feniks, aff. C-337/17). En l’espèce, il existe bien un
engagement librement assumé entre l’acheteur et le vendeur. Le litige relève de la matière
contractuelle.

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2) L’article 7-1 c) précise l’ordre dans lequel cet article doit être appliqué. Il dispose, en effet,
que l’article 7-1 a) ne s’applique que lorsque l’article 7-1 b) ne s’applique pas. Il convient donc
de déterminer, en premier lieu, si l’article 7-1b) est applicable.

Selon l’article 7-1 b), sont compétentes en matière de vente de marchandises, les juridictions
de l’État membre du lieu de livraison des marchandises et, en matière de fourniture de
services, les juridictions de l’État membre du lieu de fourniture des services. Pour que l’article
7-1b) soit applicable, le contrat litigieux doit donc pouvoir être qualifié de vente de
marchandises ou de fourniture de services. Selon la Cour de justice, la notion de services
implique que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une
rémunération. Deux critères de caractérisation de la prestation de services en ressortent :
l’existence d’une activité déterminée, d’une part, et l’existence d’une rémunération en
contrepartie (CJCE, 23 avr. 2009, Falco, C-533/07). Dans le cas d’un contrat qui comprend à la
fois la transformation de la matière première et la livraison de la marchandise, la Cour de
justice a considéré qu’en l’absence de fourniture de matériaux par l’acheteur, il existe un indice
fort pour que le contrat soit qualifié de contrat de vente de marchandises (CJUE, 25 févr. 2010,
Car trim, C-381/08).

En l’espèce, le contrat a pour objet la transformation de la matière première (plaques de PVC)


en un objet et la livraison de cet objet. La matière première n’a pas été fournie par l’acheteur.
L’acheteur a simplement versé un prix contre le transfert de propriété d’une chose. En
conclusion, le contrat d’espèce doit être qualifié de contrat de livraison de marchandises.

Les juridictions compétentes sont donc celles du lieu de livraison des marchandises. En
l’espèce, le buste a été livré en Suisse, les juridictions suisses sont donc compétentes sur le
fondement de l’article 7-1 b.

En conclusion, si les juridictions suisses sont compétentes sur le fondement de l’article 7-1 b)
du règlement, les juridictions françaises demeurent compétentes sur le fondement de l’article
4.

III – La loi applicable (7 points)

À titre liminaire, il convient de vérifier si le juge à l’obligation de mettre en œuvre la règle de


conflit de lois. Depuis les arrêts Mutuelles du Mans et Belaïd (Civ. 1e, 26 mai 1999), le juge a
l’obligation de soulever d’office la règle de conflit de lois en présence de droits indisponibles.
Il en a la simple faculté lorsque les droits litigieux sont disponibles. La Cour de cassation a

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récemment précisé que le juge avait encore l’obligation de soulever d’office les règles de conflit
de lois européennes impératives (Civ. 1e, 26 mai 2021, 19-15.102). En l’espèce, le litige relève
de la matière contractuelle, il porte sur des droits disponibles, le juge n’a donc qu’une simple
faculté de relever d’office la règle de conflit de lois dans le silence des parties.
Pour les besoins du cas pratique, nous conviendrons qu’il relèvera, au besoin d’office,
l’existence du conflit de lois.

Enfin, selon une jurisprudence constante, « il incombe au juge français qui reconnaît applicable
un droit étranger d’en rechercher, soit d’office, soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la
teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu » (Com., 28 juin 2005,
Itraco, n°02-14686 ; Civ. 1e, 28 juin 2005, Aubin, n° 00-15734).

En l’espèce, si un droit étranger est jugé applicable, la charge d’en prouver le contenu
incombera donc au juge avec le concours des parties.

Ces précisions faites, il convient d’identifier la règle de conflit applicable (A) pour conclure sur
la loi compétente (B).

A- Détermination de la règle applicable

Hiérarchie des normes. Pour identifier la loi applicable à l’action, encore faut-il savoir quel
texte appliquer. Par application de la hiérarchie des normes, il convient de se référer
prioritairement aux conventions internationales et règlements de l’Union (articles 55 et 88§1
de la Constitution et CJCE, Costa c/ Enel, 15 juillet 1964). Ce n’est que si aucune convention
internationale ou règlement ne s’applique que le droit commun trouvera à s’appliquer. En
l’espèce, le litige porte sur un contrat de vente de marchandises à dimension internationale.
Plusieurs textes paraissent applicables : La Convention de Vienne sur la vente internationale
de marchandises de 1980 ; la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux
ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels ; le règlement Rome I du 17 juin
2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Exclusion de la Convention de Vienne. La Convention de Vienne contient des règles


substantielles uniformes applicables aux contrats de vente internationale de marchandise. Son
applicabilité doit donc être vérifiée en priorité sur les règles de conflit. Elle a été ratifiée en
France en 1982 et en Suisse en 1990. L’article 2 exclut de son champ d’application les
marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique. En l’espèce, le

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contrat a été conclu pour un usage strictement personnel. La Convention de Vienne n’est donc
matériellement pas applicable.

Applicabilité de la Convention de La Haye de 1955. La convention est susceptible de


s’appliquer si le litige relève du champ d’application matériel, spatial et temporel de la
convention. Il faut donc vérifier que le litige relève bien, en l’espèce, de ces différentes
conditions d’applicabilité.

- L’article 1er.1 prévoit que la convention est applicable aux ventes à caractère international
d'objets mobiliers corporels. Sans prévoir de définition, le paragraphe 3 précise néanmoins
que « sont assimilés aux ventes les contrats de livraison d'objets mobiliers corporels à fabriquer
ou à produire, lorsque la partie qui s'oblige à livrer doit fournir les matières premières
nécessaires à la fabrication ou à la production ». En l’espèce, bien que le buste en impression
3D soit un objet à fabriquer, le vendeur a fourni lui-même les matières premières. Ainsi, il s’agit
bien d’un contrat de vente à caractère international d’objets mobiliers corporels. Le critère
ratione materiae est rempli.

- La convention n’a été ratifiée que par huit États qui inclut la France. Selon son article 10, elle
intègre les ordres juridiques nationaux et s’applique sans condition de réciprocité. Il suffit donc
que le juge saisi soit celui d’un Etat signataire pour que la convention s’applique. Il est à noter
cependant que la Suisse a également ratifié la Convention. L’article 1.1 précise que la
convention est applicable aux ventes de marchandises qui ont un caractère international.
Selon le rapport explicatif, une vente de marchandises doit être qualifiée d’internationale
lorsqu’elle soulève un conflit de lois. Cela embrasse les hypothèses dans lesquelles le contrat
a des facteurs de rattachement pertinent avec au moins deux États. En l’espèce, le juge est
saisi et le contrat présente un lien de rattachement pertinent avec la France et la Suisse. Le
critère ratione loci est rempli.

- En France, la convention est entrée en vigueur à partir du 1er septembre 1964. Elle s’applique
donc au contrat de vente d’objets mobiliers corporels conclu après cette date. Eu égard à la
temporalité des faits, le critère ratione tempori est rempli.

Remarque : La Convention du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère
international d'objets mobiliers corporels, en vigueur en France depuis 1964, est un traité
d'unification des règles de conflit ratifié par une dizaine de pays, essentiellement européens.
Le Royaume-Uni, toutefois, ne l'a pas ratifiée.

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 7


Il existe une autre convention de La Haye, plus récente (1986) sur la loi applicable aux contrats
de ventes internationales de marchandises, mais cette Convention n'est pas entrée en vigueur,
faute d'un nombre suffisant de signatures.

La Convention de La Haye de 1955 est applicable. Il convient néanmoins également de vérifier


l’applicabilité du règlement Rome I avant d’articuler les textes.

Applicabilité du règlement Rome I. Le règlement s’applique si le litige relève du champ


d’application matériel, spatial et temporel du Règlement. Il faut donc vérifier que le litige
relève bien, en l’espèce, de ces différentes conditions d’applicabilité.

- L’article 1-1 du Règlement précise qu’il s’applique « dans des situations comportant un conflit
de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale ».
Deux principales exigences se dégagent de cet article : la situation doit comporter un conflit
de lois et doit impliquer des obligations contractuelles relevant de la matière civile et
commerciale. La première exigence est, en l’espèce, remplie, l’existence d’éléments
d’extranéité ayant été précédemment démontrée.
Concernant l’exigence d’une situation comportant une obligation non contractuelle relevant
de la matière civile et commerciale le considérant 7 du préambule du Règlement prescrit une
interprétation cohérente des règlements Bruxelles I, Rome I et Rome II. Les définitions données
par la Cour de justice sur le fondement du Règlement Bruxelles I bis sont donc a priori
transposables sur le terrain du conflit de lois. Or, sur le fondement du Règlement Bruxelles I
bis la Cour de justice a donné une définition de la matière contractuelle. La matière
contractuelle désigne « tout engagement librement assumé d’une partie envers l’autre » (CJCE,
Jakob Handte, 17 juin 1992, aff. C-26/91, point 15). Cette définition a été précisée par la Cour
dans ses récentes décisions. Elle considère, en effet, que la matière contractuelle vise «
l’existence d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une
autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur » sans qu’il ne soit nécessaire que les
parties soient liées par un contrat (voir not. CJUE, 4 octobre 2018, Feniks, aff. C-337/17).
En l’espèce, la nature contractuelle du contrat a déjà été démontrée lors du développement
sur la compétence internationale. Le critère ratione materiae est donc rempli.

Remarque : Un renvoi au développement précédemment fait en conflit de juridictions sur la


qualification de la matière contractuelle pouvait être envisagé.

Applicabilité spatiale. Le règlement est applicable dès lors que le juge d’un État membre, sauf
le Danemark, est saisi. Il est d’application universelle (article 2), il s’applique donc que la loi

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désignée par la règle de conflit de lois soit une loi d’un État membre ou d’un État tiers. En
l’espèce, le juge saisi est le juge français, le règlement est donc applicable spatialement.

Applicabilité temporelle. L’article 28 du règlement prévoit qu’il s’applique « aux contrats


conclus après le 17 décembre 2009 ». Eu égard à la temporalité des faits, le critère ratione
tempori est rempli.

La Convention de la Haye de 1955 et le règlement Rome I étant tous les deux applicables, il
convient de régler le conflit de textes.

Articulation des textes. L’article 25 du règlement Rome I prévoit qu’il ne préjuge pas de
l’application des conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont
parties, à condition que la convention ne soit pas conclue exclusivement entre États membres.
La Convention de 1955 ayant été ratifiée par la France et par la Suisse, elle a vocation à primer
sur le règlement Rome I. Il conviendra de l’appliquer à l’espèce pour déterminer la loi
applicable.

B- Application de la Convention de La Haye de 1955

L’article 2 prévoit la possibilité d’un choix de loi par les parties. En l’espèce, aucun choix de loi
n’a été fait par les parties. Il convient d’écarter cette possibilité.

L’article 3 prévoit l’application de la loi de la résidence du vendeur. L’article 3.2 de la convention


prévoit un rattachement correcteur du principe fondé sur le principe de proximité. L’article 3
se réfère à la loi interne de l’État donc il exclut le renvoi. En l’espèce, le vendeur a son domicile
en France et la commande a été passée en France, le principe de proximité n’a donc pas
d’intérêt. En conclusion, la loi française est applicable à l’action intentée par l’acheteur devant
les juridictions françaises.

IV- Le changement de résidence en cours de litige (2 points)

Le vendeur déménage pour des raisons professionnelles en Belgique en cours d’instance. La


question se pose des effets de ce déménagement sur la compétence internationale des
juridictions françaises (A) et de la loi applicable (B).

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 9


A- Sur la compétence internationale des juridictions françaises

En application du règlement Bruxelles I refondu, applicable à l’espèce, les juridictions


françaises sont compétentes du fait du domicile du défendeur en France. Le règlement ne
définit pas directement la notion de domicile des personnes physiques, au contraire de celle
du domicile des personnes morales, considérée comme une notion autonome (cons. 14 et
article 63). Il ne précise pas non plus le moment de son identification. L’article 62 renvoie à la
loi du for. L’article 102 du code civil prévoit que « Le domicile de tout Français, quant à
l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». L’article 54 du
code de procédure prévoit la détermination du domicile au moment de la saisine. En l’espèce,
le vendeur était domicilié en France au moment de la saisine du juge. Son déménagement en
cours d’instance n’a donc aucun effet sur la détermination de la compétence du juge.

B- Sur la loi applicable

En application de la Convention de la Haye de 1955, applicable à l’espèce, la loi applicable est


celle de la résidence habituelle du vendeur. La Convention ne définit pas la résidence
habituelle. Il s’agit d’une notion autonome de l’Union européenne dont il est possible de
s’inspirer. La Cour de justice définit ainsi la notion par la réunion de deux éléments : la volonté
de la personne concernée de fixer le centre habituel de sa vie dans un lieu déterminé, et une
présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné
(CJUE, 25 novembre 2021, affaire C-289/20). L’article 3.3 de la Convention de 1955 précise
que la résidence habituelle du vendeur s’apprécie au moment où il reçoit la commande. En
l’espèce, le vendeur est muté en Belgique. Il est ainsi possible de conclure à un changement
de résidence habituelle incluant une intention de modifier le lieu du centre habituel de sa vie
et un déménagement effectif. Ce changement importe néanmoins peu car il résidait en France
au moment de la commande, sans intention connue de déménager. Le changement de
résidence en cours d’instance n’a donc aucun effet sur la détermination de la loi applicable.

V- L’exécution de la décision (3 points)

Du fait du changement de résidence en cours d’instance, la question se pose légitimement de


la reconnaissance et l’exécution de la décision du juge français en Belgique. Pour répondre à
cette question, il convient de déterminer le texte applicable (A) avant de l’appliquer (B).

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 10


A- Détermination du texte applicable

Hiérarchie des normes. Pour vérifier la compétence internationale des juridictions françaises,
encore faut-il savoir quel texte appliquer. Par application de la hiérarchie des normes, il
convient de se référer prioritairement aux conventions internationales et règlements de
l’Union (articles 55 et 88§1 de la Constitution et CJCE, Costa c/ Enel, 15 juillet 1964). Ce n’est
que si aucune convention internationale ou règlement ne s’applique que le droit commun
trouvera à s’appliquer. Deux textes sont a priori applicables : La convention de La Haye du 2
juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou
commerciale et le règlement Bruxelles I refondu.

Exclusion de la Convention de 2019. L’article 23 de la convention prévoit qu’elle n’affecte pas


l’application d’un règlement européen applicable pour la reconnaissance et l’exécution d’une
décision rendue par un Etat membre dans un autre Etat membre si le règlement a été conclu
avant la convention. En l’espèce, la décision française doit être exécutée en Belgique. S’agissant
de deux États membres, la convention semble devoir s’effacer devant le règlement Bruxelles I
refondu.

Applicabilité du règlement Bruxelles I refondu. Il reste alors à s’interroger sur l’applicabilité


du Règlement Bruxelles I refondu pour la reconnaissance et l’exécution d’une décision. Le
règlement Bruxelles I bis a vocation à s’appliquer si le litige relève de son champ d’application
matériel, spatial et temporel. Il faut donc vérifier que le litige relève, en l’espèce, de ces
différentes conditions d’applicabilité.

- Le critère matériel a déjà été défini précédemment comme s’adressant à la matière civile et
commerciale. Il convient cependant d’ajouter que conformément au chapitre III, le règlement
s’applique à l’exécution des décisions. Le critère ratione matériae est rempli.

- Le critère spatial est défini par l’article 39 lequel soumet l’application du règlement à
l’exécution d’une décision d’un Etat membre dans un autre Etat membre. En l’espèce, il s’agit
d’une décision française devant être potentiellement exécutée en Belgique, c’est-à-dire dans
un autre Etat membre. Le critère spatial est rempli.

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- L’article 66 du règlement soumet son application aux décisions rendues après le 10 janvier
2015. En l’espèce, le délibéré étant prévu pour le 30 novembre 2023, le critère ratione tempori
est rempli.

Le règlement Bruxelles I refondu est applicable.

B- Application du règlement Bruxelles I refondu

L’article 36 du règlement prévoit que les décisions rendues dans un État membre sont
reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit ne nécessaire de recourir à aucune
procédure. L’article 39 du règlement prévoit qu’une décision rendue par les juridictions d’un
Etat membre et qui est exécutoire dans cet Etat membre bénéficie de la force exécutoire dans
les autres États membres sans qu’il ne soit nécessaire d’obtenir une déclaration.
En l’espèce, dans le cas d’une décision accordant le remboursement de l’achat, la décision
française sera automatiquement reconnue en Belgique. La décision exécutoire en France le
sera également en Belgique.

Objectif Barreau - Droit international et européen - Sujet 1 12

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