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Sem.

/Fiche Les sources non-écrites du droit administratif : les principes


1/2 généraux du droit

BIBLIOGRAPHIE
- Bruno Genevois, « Les principes généraux du droit » : Rép. Contentieux administratif Dalloz.
- Ne pas confondre principe général du droit et adage : Colloque RFDA 2014/3, p. 1 et suiv., Les
adages en droit public.

Cf. GAJA : CE Sect. 5 mai 1944 Dame veuve Trompier-Gravier ; CE Ass. 25 juin 1948 Sté du journal L’Aurore ; CE
Ass. 17 février 1950 Dame Lamotte ; CE Sect. 9 mars 1951 Sté des concerts du conservatoire ; CE Ass. 22 juin 1951 ;
Daudignac CE Ass. 8 décembre 1978 G.I.S.T.I ; CE Ass. 3 juillet 1996 Koné ; CE Ass. 24 mars 2006, Société KPMG et
autres.

DOCUMENTS REPRODUITS
Document n° 1 : CE Ass., 26 octobre 1945, Aramu : Rec., p. 213 ;
Document n° 2 : CE Ass., 22 janvier 1982, Ah Won et Butin ;
Document n° 3 : CE Ass., 2 juillet 1993, Milhaud ;
Document n° 4 : CE Ass., 1er juill. 1988, Billard et Volle c/ SNCF : Rec., p. 268 ;
Document n° 5 : CE, 9 mai 2001, Entreprise Freymuth : Europe, août-sept. 2001, comm. E. Saulnier n° 248 ;
Document n° 6 : CE, 30 décembre 1998, Entreprise Chagnaud.
Document n° 7 : CE, Sect. 30 janv. 2009, ANPE, CMP 2009, n° 1422, note Zimmer.
Document n° 8 : CE, 14 nov. 2011, N° 345258
Document n° 9 : CE 1er févr. 2019, n° 421694

Document 1 : CE Ass. 26 octobre 1945 Aramu.

Vu la requête présentée pour le sieur Aramu (Gaston), précédemment commissaire de police à Bordj-
Bou-Arréridj..., tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler le décret du Comité français de la libération
nationale, en date du 4 mai 1944, par lequel le requérant a été révoqué de ses fonctions sans pension ni
indemnité ; Vu les ordonnances des 3 juin et 6 déc. 1943 et 31 juill. 1945 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Cons. qu'en disposant que les sanctions énoncées dans l'ordonnance du 6 déc. 1943 susvisée peuvent
être prises « nonobstant toutes dispositions législatives, réglementaires, statutaires ou contractuelles »,
l’art. 6 de cette ordonnance a entendu dispenser en principe les autorités qui prennent de telles décisions
de l'accomplissement des formalités préalables aux sanctions ordinaires ; que ladite ordonnance a prévu
la comparution des intéressés devant une commission spéciale, dont elle détermine la composition et la
procédure ; que, parmi les formalités comprises dans cette procédure, ne figure pas l'obligation pour

Université de Versailles-Paris-Saclay / Année universitaire 2023-2024


Droit administratif général / Cours : Pr. J.-P. Markus
Chargés de TD : M. Ouzounova, M. Fouché, M. Goupil
l'autorité qualifiée de donner à l'agent intéressé communication de son dossier ;

Mais cons. qu'aux termes de l'art. 2, alin. 5, de cette ordonnance, la commission d'épuration « entend les
personnes qui lui sont déférées », qu'elle peut du reste « valablement déléguer à cet effet ses pouvoirs à
l'un de ses membres, ou donner commission rogatoire à des officiers de police judiciaire ou à des
magistrats choisis sur une liste dressée par arrêté du commissaire à la Justice » ; que « ces magistrats,
ainsi que les membres de la commission, peuvent être assistés de greffiers désignés de la même façon »;
qu'il résulte de ces prescriptions, ainsi d'ailleurs que des principes généraux du droit applicables même
en l'absence de texte, qu’une sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l'intéressé
ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense ; qu'il doit, par suite, au préalable, recevoir
connaissance, sinon du texte même du rapport établi ou de la plainte déposée contre lui, du moins de
l'essentiel des griefs qui y sont contenus, de manière à être en état de formuler à ce sujet toutes
observations qu'il juge nécessaires, soit devant la commission elle-même, soit devant le délégué de celle-
ci ;

Cons. qu'il est constant que le décret contesté a été pris sans que les faits reprochés au sieur Aramu aient
été portés au préalable à sa connaissance et sans qu'il ait été ainsi mis à même de saisir l'autorité
compétente de ses observations sur leur exactitude et sur leur portée ; qu'ayant appris par ses propres
moyens que la commission d'épuration avait fait procéder sur son compte à une enquête et soumis à
l'autorité compétente des propositions de sanction, le requérant a vainement, le 25 avr. 1944, demandé
du gouverneur général de l'Algérie et au commissaire à l'Intérieur de régulariser la procédure quant aux
droits de la défense : qu'il est fondé à soutenir que la privation de ces garanties a entaché d'excès de
pouvoir le décret attaqué ;...

(Décret annulé).

Document 2 : CE Ass., 22 janvier 1982, Ah Won et Butin

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 juin 1981, présentée pour
M. Ah Won René, actuellement détenu à Faaa, Tahiti (Polynésie française), agissant en exécution d'un
jugement de la Cour criminelle de la Polynésie française en date du 27 mai 1981, et tendant à ce que le
Conseil d'Etat apprécie la légalité du décret du 21 novembre 1933 portant réorganisation judiciaire et
fixant les règles de procédure en Océanie, en ce qu'il détermine la composition de la Cour criminelle de
la Polynésie française;

Considérant que la juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement
peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était resté
légalement en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application; qu'il en est ainsi, soit que l'exception
d'illégalité relève du juge de l'action, soit qu'elle ait fait l'objet d'une question préjudicielle; qu'il
appartient dès lors au Conseil d'Etat, saisi sur renvoi de la cour criminelle de Polynésie française, de
l'exception d'illégalité soulevée devant cette juridiction par M. Ah Won, de décider si les dispositions
du décret du 21 novembre 1933 relatives à la désignation des assesseurs pouvaient être légalement
appliquées à la date à laquelle a été dressée, pour 1981, la liste annuelle prévue par l'article 54 de ce
décret;

Considérant qu'aucune nécessité propre au territoire de la Polynésie française n'autorisait, depuis


l'institution, outre-mer, d'un nouveau régime juridique par la Constitution du 27 octobre 1946, le
maintien en vigueur, dans ce territoire, de dispositions réglementaires qui dérogent aux principes
généraux d'égalité devant la loi et d'égal accès aux fonctions publiques; que, par suite, sans qu'il soit
besoin d'examiner les autres moyens, M. Ah Won est fondé à soutenir que l'article 54 du décret du 21
novembre 1933, en tant qu'il réserve aux seuls "notables" le droit de figurer sur la liste des assesseurs
de la cour criminelle, et l'article 56 du même décret, en tant qu'il exclut de cette liste "les domestiques"
et "les serviteurs à gage", avaient cessé d'être légalement applicables à la date à laquelle a été dressée la
liste des assesseurs appelés à siéger au cours de l'année 1981.

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DECIDE Article 1er - Il est déclaré que l'article 54 du décret du 21 novembre 1933, en tant qu'il réserve
aux seuls "notables" le droit de figurer sur la liste des assesseurs de la cour criminelle de la Polynésie
française, et l'article 56 du même décret, en tant qu'il exclut de cette liste "les domestiques" et "les
serviteurs à gage", ne pouvaient être légalement appliqués à la date à laquelle a été dressée la liste des
assesseurs appelés à siéger au cours de l'année 1981.

Document 3 : CE Ass., 2 juillet 1993, Milhaud

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée


pour M. Alain Milhaud, demeurant 106, rue Camille Desmoulins à Amiens (80000) ; M. Milhaud
demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 23 janvier 1991 par laquelle la section
disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la
décision du 14 juin 1988 par laquelle le conseil régional de l'ordre des médecins de Picardie lui a infligé
la sanction du blâme ;

Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été rendue en audience non publique :

Considérant, d'une part, que M. Milhaud ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par la
section disciplinaire des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, par la décision attaquée, la section n'a pas
statué en matière pénale ni tranché de contestation sur des droits et obligations de caractère civil ; que,
d'autre part, aucun principe général du droit n'impose la publicité des débats dans le cas où une
juridiction statue en matière disciplinaire ; qu'ainsi, M. Milhaud n'est pas fondé à soutenir que la
décision de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins, prise après que les
débats ont eu lieu, conformément à l'article 26 du décret du 26 octobre 1948 dans sa rédaction alors en
vigueur, en audience non publique, serait intervenue dans des conditions irrégulières ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant que, pour confirmer le blâme infligé au Dr Milhaud par le conseil régional de l'ordre des
médecins de Picardie, la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins a estimé que
l'expérimentation effectuée par le requérant constituait une violation des articles 2, 7 et 19 du décret
susvisé du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 dudit code "le médecin au service de l'individu et de la santé
publique exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine" ; qu'aux termes de
l'article 7 du même texte "la volonté du malade doit toujours être respectée dans toute la mesure du
possible. Lorsque le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, ses proches doivent, sauf urgence ou
impossibilité être prévenus et informés" ; qu'enfin aux termes de l'article 19 "l'emploi sur un malade
d'une thérapeutique nouvelle ne peut être envisagé qu'après les études biologiques adéquates sous une
surveillance stricte et seulement si cette thérapeutique peut présenter pour la personne un intérêt direct"
; que les juges du fond ont estimé ces dispositions applicables au cas de M. Milhaud, qui avait pratiqué
une expérimentation sur un sujet maintenu en survie somatique, bien que ledit sujet fût en état de mort
cérébrale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'état du patient dont il
s'agit avait fait l'objet d'un ensemble d'examens pratiqués par des médecins autres que le docteur
Milhaud, qui avaient procédé à deux artériographies les 1er et 2 février 1988 et à deux
électroencéphalogrammes les 31 janvier et 4 février 1988 ; que ces procédés, reconnus valables par le
ministre chargé de la santé en application de l'article 21 du décret du 31 mars 1978 susvisé, constituent
des modes de preuve dont les résultats concordants permettaient de conclure à la mort de l'intéressé ;
que, par suite, en estimant que M. Milhaud avait méconnu les dispositions précitées des articles 2, 7 et

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19 du code de déontologie, qui ne peuvent s'appliquer qu'à des personnes vivantes, la section
disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Mais considérant que les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne
humaine, qui s'imposent au médecin dans ses rapports avec son patient ne cessent pas de s'appliquer
avec la mort de celui-ci ; qu'en particulier, ces principes font obstacle à ce que, en dehors des
prélèvements d'organes opérés dans le cadre de la loi du 22 décembre 1976, et régis par celle-ci, il soit
procédé à une expérimentation sur un sujet après sa mort, alors que, d'une part, la mort n'a pas été
constatée dans des conditions analogues à celles qui sont définies par les articles 20 à 22 du décret du
31 mars 1978 ; que, d'autre part, ladite expérimentation ne répond pas à une nécessité scientifique
reconnue, et qu'enfin, l'intéressé n'a pas donné son consentement de son vivant ou que l'accord de ses
proches, s'il en existe, n'a pas été obtenu ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis à la section disciplinaire que M. Milhaud a
procédé à des expérimentations, comme l'ont relevé les juges du fond, sans que toutes ces conditions
aient été remplies ; que les faits ainsi retenus à l'encontre de M. Milhaud constituaient un manquement
aux principes ci-dessus rappelés et étaient de nature à justifier légalement l'application d'une sanction
disciplinaire ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée
;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Milhaud est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Milhaud, au conseil national de l'Ordre des médecins
et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.

NB : Code de déontologie médicale réformé en 1995 :

Document 4 : CE Ass., 1er juill. 1988, Billard et Volle c/ SNCF : Rec., p. 268

Vu le jugement en date du 17 octobre 1984 par lequel le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne a


sursis à statuer sur les demandes présentées par M. BILLARD (Jean), demeurant à Beaux, rue Couenne,
Yssingeaux (43200) et par M. VOLLE (Robert), demeurant à Bel Air, Saint-Romain-Lachalm, Sainte-
Sigolène (43600), et tendant à l'annulation de la sanction pécuniaire qui leur a été infligée par la Société
nationale des chemins de fer français, jusqu'à la décision de la juridiction administrative sur la légalité
des dispositions du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la Société nationale des chemins
de fer français et son personnel, qui prévoient des sanctions pécuniaires ;

Vu l'ordonnance en date du 4 février 1985 par laquelle le président du tribunal administratif de Lyon
a, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs, transmis au Conseil d'Etat le
jugement susvisé du Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne et l'ensemble des pièces jointes à ce
jugement ;

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Considérant que, par un jugement du 17 octobre 1984, le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne a
sursis à statuer sur les demandes de MM. BILLARD et VOLLE tendant à l'annulation des sanctions
disciplinaires qui leur ont été infligées, les 31 août et 1er octobre 1982, jusqu'à la décision de la
juridiction administrative sur l'exception d'illégalité invoquée par les demandeurs à l'encontre des
dispositions du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la société nationale des chemins de
fer français et son personnel qui prévoient l'existence de sanctions pécuniaires ;

Considérant que la circonstance que les retenues opérées sur la prime de fin d'année des requérants
leur aient été remboursées ne dispense pas le juge administratif, saisi par voie de question préjudicielle
par le juge judiciaire, de se prononcer sur la légalité des dispositions réglementaires soumises à son
appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.122-42 du code du travail, dans la rédaction que lui a donnée
la loi du 4 août 1982 : "Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition
ou stipulation contraire est réputée non écrite" ; qu'en édictant cette interdiction, le législateur a énoncé
un principe général du droit du travail applicable aux entreprises publiques dont le personnel est doté
d'un statut réglementaire et qui n'est pas incompatible avec les nécessités de la mission de service public
confiée à la Société nationale des chemins de fer français ; que, par suite, les dispositions du chapitre
9 du statut des relations collectives entre la Société Nationale des Chemins de fer Français et son
personnel en vigueur à la date des sanctions infligées à MM. BILLARD et VOLLE et prévoyant, en
méconnaissance du principe ci-dessus rappelé, des sanctions pécuniaires, sont entachées d'illégalité ;

DECIDE :

Article 1er : Il est déclaré que les dispositions du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la
Société nationale des chemins de fer français et son personnel, en tant qu'elles prévoient des sanctions
pécuniaires, sont entachées d'illégalité.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. Jean BILLARD et Robert VOLLE, à la Société
nationale des chemins de fer français et au ministre des transports.

Document 5 : CE, 9 mai 2001, Entreprise Freymuth : Europe, août-sept. 2001,


comm. E. Saulnier n° 248 (Refus de consacrer un principe général du doit)

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au secrétariat du contentieux du


Conseil d'Etat les 27 juillet, 29 novembre et 16 décembre 1999, présentés pour l'ENTREPRISE
PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH, représentée par M. Patrick FREYMUTH
demeurant 38, rue du Trou du Lièvre à Metz cedex (57070) ; l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE
TRANSPORTS FREYMUTH demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur
recours du ministre de l'environnement, a annulé l'article 2 du jugement du 8 décembre 1994 du tribunal
administratif de Strasbourg déclarant l'Etat responsable du préjudice que lui a causé l'entrée en vigueur
du décret n° 92-798 du 18 août 1992 et les articles 1 et 3 du jugement du 13 mai 1996 du même tribunal
fixant à 5,8 millions de francs le montant de l'indemnité qui lui est due ;

2°) statuant au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 millions de francs augmentée
des intérêts au taux légal à compter de la demande formulée auprès de l'administration, ces intérêts étant
capitalisés à la date du 27 juillet 1999, pour produire eux-mêmes intérêts ;

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3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 F au titre des frais exposés et non compris
dans les dépens ;

Sur le moyen tiré d'une fausse application du principe de la confiance légitime :

Considérant que l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH, dont l'activité


consistait dans l'importation à partir de l'Allemagne de déchets ménagers destinés à être mis en décharge
ou incinérés, a demandé à l'Etat réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'intervention du décret
du 18 août 1992 interdisant l'importation de tels déchets en invoquant un moyen tiré de la
méconnaissance du principe de confiance légitime ;

Considérant que ce principe qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve
à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître
le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce
dès lors, d'une part, que le décret du 18 août 1992 n'a pas été pris pour la mise en œuvre du droit
communautaire et, d'autre part, qu'il a été pris antérieurement à l'intervention du règlement n° 259/93
(CE) du Conseil du 1er février 1993 ; que, par suite, en rejetant la demande de l'ENTREPRISE
PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH au motif que les conditions d'application du
principe de confiance légitime n'étaient pas réunies, alors qu'il était en réalité inapplicable, la cour
administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le motif tiré du caractère inopérant
du moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime qui a été soulevé devant la cour
administrative d'appel par le ministre de l'environnement, qui n'implique l'appréciation par le juge de
cassation d'aucune circonstance de fait et justifie légalement la solution adoptée par la cour, doit être
substitué à celui que celle-ci a retenu ;

Sur le moyen tiré d'une fausse application des principes de la responsabilité pour faute :

Considérant que, pour juger que l'Etat n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité à
l'égard de l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH, la cour administrative
d'appel a relevé, d'une part, que le décret du 18 août 1992 qui interdit en principe l'importation en vue
de leur mise en décharge de certaines catégories de déchets, a été pris pour l'application de la loi du 15
juillet 1975 modifiée, laquelle est conforme aux objectifs de la directive (CEE) du Conseil du même
jour, et que l'entreprise ne pouvait raisonnablement se prévaloir d'une atteinte qui aurait été portée à
une promesse de maintien de la réglementation antérieure autorisant l'importation de certains déchets
et, d'autre part, que les autorités françaises n'avaient pas l'obligation d'adopter des mesures transitoires
; qu'en l'état de ces constatations, qui sont exemptes de dénaturation, la cour a légalement justifié sa
décision ;

Sur le moyen tiré d'une fausse application du principe d'égalité devant les charges publiques :

Considérant que la loi du 15 juillet 1975 modifiée, sur le fondement de laquelle a été pris le décret du
18 août 1992, a eu pour objet d'organiser l'élimination des déchets et la récupération des matériaux en
vue de protéger l'environnement ; qu'en estimant qu'en l'absence de dispositions législatives en
disposant autrement, et eu égard à l'objet en vue duquel a été établie la législation sur l'élimination des
déchets, les règlements légalement pris en application de cette loi ne sauraient engager la responsabilité
de l'Etat, sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques, la cour n'a pas entaché
son arrêt d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE


TRANSPORTS FREYMUTH n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt, régulier en la forme,
de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 17 juin 1999 ;

Sur les conclusions de l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH et de


l'Etat tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

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Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à
ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à
l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH la somme qu'elle demande au titre
des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances
de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'ENTREPRISE PERSONNELLE
DE TRANSPORTS FREYMUTH à payer à l'Etat la somme que le ministre demande au titre des frais
de même nature qu'il a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'ENTREPRISE PERSONNELLE DE TRANSPORTS FREYMUTH est


rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement tendant à
l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Document 6 : CE, 30 décembre 1998, Entreprise Chagnaud

Vu la requête enregistrée le 30 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée


pour la société Entreprise CHAGNAUD SA dont le siège est 202 quai de Clichy à Clichy (92110) ; la
société CHAGNAUD demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie et des
finances du 31 mai 1997, étendant aux marchés publics dont la procédure de passation a été lancée
avant le 19 décembre 1993, le régime des intérêts moratoires dus en application du code des marchés
publics pour les marchés passés après le 19 décembre 1993 et de condamner l'Etat à lui verser la somme
de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie :

Considérant que l'entreprise CHAGNAUD demande l'annulation de l'arrêté du 31 mai 1997 relatif aux
intérêts moratoires dûs au titre des marchés publics ;

Considérant qu'en application de l'article 182 du code des marchés publics, les taux et les modalités
de calcul des intérêts moratoires prévus aux articles 178, 178 bis, 185 et 185 quater dudit code sont
fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé du
budget ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué, qui est signé par ces
deux ministres, serait entaché d'incompétence faute d'avoir été également signé par le ministre de
l'intérieur et par le ministre de l'équipement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 : "Le
taux des intérêts moratoires applicable aux marchés régis par le code des marchés publics dont la
procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 est fixé par voie réglementaire, en tenant
compte de l'évolution moyenne des taux d'intérêts applicables de façon usuelle pour le financement à
court terme des entreprises. La présente disposition s'applique aux intérêts moratoires non encore
mandatés à la date d'entrée en vigueur de la présente loi" ;

Considérant qu'il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions de la loi du 30 décembre 1996
ont entendu conférer un caractère rétroactif au texte réglementaire dont elles ont prévu l'intervention ;
que dès lors, l'arrêté attaqué a légalement pu fixer au 1er janvier 1997, date d'entrée en vigueur de ladite
loi, la date à partir de laquelle les intérêts moratoires relatifs aux marchés publics dont la procédure de
passation est antérieure au 19 décembre 1993, seraient calculés par référence aux taux d'intérêts
applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises ; que, par suite, la société
requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué contrevient au principe de non-rétroactivité
des actes administratifs ;

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Considérant que la société requérante ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir utilement d'un
moyen tiré de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique dès lors
que l'arrêté attaqué n'est pas au nombre des actes pris par le gouvernement français pour la mise en
oeuvre du droit communautaire ; Considérant qu'il ressort des dispositions susvisées de l'article 50 de
la loi du 30 décembre 1996 que la différence de traitement entre les titulaires de marchés dont les
intérêts moratoires ont été mandatés avant le 1er janvier 1997 et ceux dont les intérêts moratoires ont
été mandatés après cette date résulte de la volonté du législateur ; que, dès lors, la société requérantene
saurait utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991
:

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante
dans la présente instance soit condamné à verser à la société CHAGNAUD la somme que celle-ci
demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CHAGNAUD est rejetée.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société CHAGNAUD et au ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.

Document n° 7 : CE, Sect. 30 janv. 2009, ANPE, CMP 2009

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 14 juin 2006 au


secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI,
dont le siège est 4, rue Galilée à Noisy-le-Grand Cedex (93198) ; l'AGENCE NATIONALE POUR
L'EMPLOI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le
jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 juillet 2003 rejetant la demande de l'association
Pacte (Promotion-Action-Transculturalité-Emploi) tendant à l'annulation des décisions du directeur régional
d'Ile de France de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI rejetant ses demandes d'habilitation pour la
réalisation de prestations en faveur de l'emploi, et a annulé ces décisions ;

2°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de l'association Pacte au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics dans sa version issue du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;
Vu le décret n° 2001-806 du 7 septembre 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;

Considérant que, par des décisions en date du 22 novembre 2002, le directeur régional Ile de France de
l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE) a rejeté les demandes d'habilitation pour la réalisation
de prestations en faveur de l'emploi dans la région Ile de France, que l'association Pacte (Promotion-Action-
Transculturalité-Emploi) avait présentées dans le cadre de la procédure d'appel à la concurrence engagée par

8
l'ANPE sur le fondement de l'article 30 du code des marchés publics alors en vigueur ; que l'ANPE se pourvoit
en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du
tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui avait rejeté la demande de l'association Pacte tendant à
l'annulation de ces décisions, et a fait droit à cette demande ;

Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes
qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique et qui sont rappelés par le deuxième alinéa
du I de l'article 1er de ce code dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001, applicable en l'espèce, selon
lequel : Quel que soit leur montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la
commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures... ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 du même code des marchés publics : Les marchés publics qui ont
pour objet : (...) 4° (...) des services de qualification et d'insertion professionnelles, sont soumis, en ce qui
concerne leur passation, aux seules obligations relatives à la définition des prestations par référence à des
normes, lorsqu'elles existent, ainsi qu'à l'envoi d'un avis d'attribution. (...) ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que
les marchés de service passés par l'ANPE selon la procédure de l'article 30 du code des marchés publics
étaient soumis, malgré leurs spécificités, aux dispositions générales de l'article 1er de ce code, comme tous
les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci ;

Considérant que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité
de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les
critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du
marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats
; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information
appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ;
qu'il appartient au pourvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de
leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché
concerné ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, par un
arrêt suffisamment motivé, que l'ANPE avait méconnu les principes rappelés à l'article 1er du code des
marchés publics, faute d'avoir, dès l'engagement de la procédure, porté à la connaissance des candidats les
critères d'attribution des marchés qu'elle se proposait de conclure et les conditions de leur mise en oeuvre,
selon des modalités appropriées à leur objet, leurs caractéristiques et leurs montants ;

Considérant que la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier, estimer que l'ANPE n'avait pas fait
connaître aux candidats les critères d'attribution du marché, dès lors que les cahiers des charges spécifiques
à chacune des prestations objets de l'appel à la concurrence ne pouvaient être regardés comme suffisants pour
assurer cette information ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ANPE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt
attaqué ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE:

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--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'institution prévue à l'article L. 5312-1 du code du travail
venue aux droits de l'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI et à l'association Pacte.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministre
du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Document n° 8 : Conseil d’État 14 nov. 2011, N° 345258


Un exemple de principe général du droit spécialisé

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2010 et 14 février 2011
au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Eyup A, demeurant ... ; M. A demande au
Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 1er septembre 2009 accordant son extradition
aux autorités turques ;

Considérant que le décret attaqué du 1er septembre 2009 a accordé l’extradition de M. Eyup A aux autorités
turques pour l’exécution d’un reliquat de 5 ans et 13 jours d’emprisonnement restant à purger sur une peine
de 7 ans d’emprisonnement prononcée le 10 novembre 2005 par la haute cour pénale de Seydisehir pour des
faits d’homicide et blessures involontaires ;

Considérant qu’il résulte du second alinéa de l’article 1er des réserves émises par la France lors de la
ratification de la convention européenne d’extradition et des principes généraux du droit applicables à
l’extradition que l’extradition d’un étranger peut être refusée si elle est susceptible d’avoir des
conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge
ou de son état de santé ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A présente des troubles psychiatriques graves, qualifiés
par les médecins de schizophrénie paranoïde, qui nécessitent un suivi sans interruption et ne sont pas
compatibles avec un maintien en détention sans surveillance médicale adaptée ; que si les autorités françaises
ont recherché auprès des autorités turques des garanties permettant d’assurer que l’intéressé ne serait pas
exposé à des risques exceptionnels eu égard à son état de santé, les autorités turques se sont bornées à
communiquer aux autorités françaises des informations générales sur le suivi médical des détenus en Turquie
; que les éléments ainsi apportés ne sont pas assez précis pour donner l’assurance que M. A serait traité, en
détention, de manière compatible avec son état de santé ; que dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir
que le décret est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la
requête, M. A est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 1er septembre 2009
accordant son extradition aux autorités turques ;

DECIDE:
Article 1er : Le décret du 1er septembre 2009 accordant l’extradition de M. Eyup A aux autorités turques
est annulé.

Document n° 9 : CE 1er févr. 2019, n° 42169.

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Un exemple de principe général du droit spécialisé dans le droit de la fonction publique

Vu la procédure suivante :

M. B...C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-
1 du code de justice administrative, de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle, d'ordonner la
suspension de l'exécution de la décision implicite du ministre des armées refusant de lui accorder la protection
fonctionnelle jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, et d'enjoindre au ministre des
armées de réexaminer sa demande dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'ordonnance du tribunal
administratif, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1807369 du 7 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a admis M.
A...à l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 22 juin, 24 juillet, 18 octobre et 20 novembre 2018 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux demandes qu'il a présentées devant le juge des référés du tribunal
administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision
administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés,
saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de
ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un
doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

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2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M.A..., ressortissant afghan, a exercé entre les
mois de septembre 2011 et septembre 2012 les fonctions d'interprète auprès des forces armées françaises alors
déployées en Afghanistan. Les autorités françaises ont annoncé au mois de mai 2012 le retrait des forces
françaises dans ce pays à partir du mois de juillet. M. A...a sollicité auprès des autorités consulaires françaises le
15 juillet 2015 la délivrance d'un visa de long séjour dans le cadre du dispositif de réinstallation des personnels
civils de recrutement local (PCRL) employés par l'armée française en Afghanistan. Sa demande a été rejetée par
une décision notifiée le 8 octobre 2015. La commission de recours contre les décisions de refus de visa en France
a implicitement rejeté le recours qu'il a formé contre cette décision. Par un jugement n° 1602689 du 27 juin 2018,
le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la
situation administrative de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. Il ne ressort
pas des pièces du dossier que l'administration s'est conformée à cette injonction.

3. Par une lettre du 22 septembre 2017, M.A..., qui séjourne en France depuis mai 2017 sans titre de séjour, a
demandé à la ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle, sous la forme notamment de la
délivrance d'un titre de séjour. Cette demande étant restée sans réponse, il a demandé, par des lettres du 1er
décembre 2017 et du 21 février 2018, la communication des motifs de la décision implicite de rejet qui lui a été
opposée. Il a ensuite formé un recours contre ce refus de protection fonctionnelle devant le tribunal administratif
de Paris. Il a parallèlement demandé au juge des référés de ce tribunal, sur le fondement de l'article L. 521-1 du
code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution. Par une ordonnance du 7 juin 2018, le juge des référés
a rejeté cette demande. M. A...se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

Sur le pourvoi :

4. Il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses
fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre
lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa
protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins
qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures,
diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend aux agents non-titulaires de l'Etat
recrutés à l'étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local. La juridiction administrative est
compétente pour connaître des recours contre les décisions des autorités de l'Etat refusant aux intéressés le
bénéfice de cette protection.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le contrat conclu pour une durée d'un an à
compter du 1er septembre 2011 entre le ministre de la défense et M. A...ne précise pas le droit qui lui est
applicable et se borne à renvoyer à " l'arrangement technique militaire entre la Force internationale d'assistance
à la sécurité (FIAS) et l'administration intérimaire d'Afghanistan, ratifié le 2 janvier 2002 et amendé par les lettres
du 22 novembre 2004 ". Le point 14 de l'annexe A de cet arrangement prévoit que la FIAS, dont faisait partie
l'armée française, peut recruter du personnel local qui demeure soumis aux lois et règlements locaux. Par suite,
le contrat de M. A...est soumis au droit afghan. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la juridiction
administrative française est compétente pour connaître du recours de l'intéressé contre la décision de la ministre
des armées refusant de lui octroyer la protection fonctionnelle.

6. Lorsqu'il s'agit, compte tenu de circonstances très particulières, du moyen le plus approprié pour assurer la
sécurité d'un agent étranger employé par l'Etat, la protection fonctionnelle peut exceptionnellement conduire à

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la délivrance d'un visa ou d'un titre de séjour à l'intéressé et à sa famille. Par suite, en jugeant qu'eu égard à
l'indépendance des législations, la décision de la ministre des armées refusant d'octroyer la protection
fonctionnelle à M. A...était sans lien avec l'examen de la possibilité d'octroyer un titre de séjour en France au
requérant, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. M. A... est dès lors
fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en
application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

8. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte
atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux
intérêts qu'il entend défendre.

9. Il résulte de l'instruction que M. A...a servi en qualité d'interprète auprès des forces françaises au sein d'un
groupement tactique inter-armes dans la province de Kapisa, de septembre 2011 à septembre 2012. Il ressort de
ses fiches de paie qu'il a perçu notamment en janvier, en mars et en août 2012, des indemnités d'activité
opérationnelle. Il fait valoir qu'il a fait l'objet de menaces en raison de sa qualité d'ancien auxiliaire de l'armée
française, qui l'ont obligé à quitter l'Afghanistan, où l'armée et la police afghanes, mobilisées par la lutte contre
différents groupes insurgés, ne sont pas en capacité de lui apporter une protection, et que faisant l'objet d'un
arrêté de transfert, il risque d'être renvoyé vers son pays, dans la mesure où sa demande d'asile a été rejetée par
les Pays-Bas.

10. Les risques dont fait état M. A...paraissent de nature à porter une atteinte grave et immédiate à sa situation.
Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des éléments produits par la ministre des armées, que la
préfecture de la Marne a délivré le 9 janvier 2019 une attestation de demande d'asile à M.A.... La délivrance de
cette attestation, qui traduit l'exercice par la France de la faculté prévue par les dispositions de l'article 17,
paragraphe 1 du règlement (UE) du 26 juin 2013, d'examiner sa demande de protection internationale, même si
cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, fait obstacle à ce que l'arrêté du 6
septembre 2017 transférant l'intéressé aux autorités néerlandaises soit exécuté, la France étant désormais l'Etat
membre responsable au sens de ce règlement. En application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le dépôt d'une demande auprès de l'Office français de
protection des réfugiés et apatrides donne à l'intéressé le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la
notification de la décision de l'office et s'il forme un recours contre cette décision jusqu'à la date de la lecture en
audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, à la date à laquelle le
Conseil d'Etat se prononce, et en l'état de l'instruction, la condition d'urgence doit être regardée comme n'étant
pas remplie.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer,
en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, que M. A...n'est pas fondé
à demander la suspension de l'exécution de la décision implicite de la ministre des armées refusant de lui accorder
la protection fonctionnelle. Par suite, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et à l'application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

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DECIDE:
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 7 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ainsi que
ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...C...A...et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, au ministre de l'action et des comptes
publics et au ministre de l'intérieur.

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