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Document n°1 : Conseil d’État, 16 juin 2003, Cavaciuti

Faits et procédures : Le Haut-commissariat des Nations Unis pour les réfugiés-délégation pour la
France (HCR) a engagé l'intéressé en qualité de juge assesseur afin de le représenter aux travaux de
la commission de recours des réfugiés et a mis fin à cet engagement au motif qu'il n'avait pas respecté
ses obligations relatives aux notes de séances. L'intéressé se prévalait d'un contrat de travail et
contestait la légalité de la rupture.

Moyens : Devant le conseil d’état, Mr CAVACUITI alléguait que le décret de publication de la


Convention de 1946 relative aux privilèges et immunités des NU était illégal, dès lors que la
ratification de cette convention n’avait pas été réalisée régulièrement, faute d’avoir donné lieu à
l’adoption d’une loi d’autorisation, de sorte que l’accord devait être écarté. Le HCR ne bénéficiait
pas, en France, de l’immunité conférée par ce traité inapplicable.

Problème juridique : Le Conseil d’état, dans sa décision du 16 juin 2003, devait se prononcer sur la
violation par le décret du 26 avril 1947 relatif à l'exécution de la convention sur les privilèges et
immunités des Nations Unies des dispositions de l’article 27 de la constitution de 1946 et donc sur
l’irrégularité de la procédure de ratification de la convention.

Motifs :
Refus de se prononcer sur la question des immunités accordées au HCR, car sinon il risque de juger
ultra petita, le juge du renvoi étant lié par les questions posées exclusivement par la question
préjudicielle) posée ( je ne préjuge pas du fond de l’affaire).
« Les requérants ne sont pas recevables à faire trancher, à l’occasion d’un renvoi préjudiciel ordonné
par un tribunal judiciaire, des questions autres que celles renvoyées par ledit tribunal »; « la seule
question préjudicielle renvoyée par l’arrêt en date du 21 décembre 2000, par lequel la chambre
sociale de la cour d’appel de Paris a décidé de surseoir à statuer sur le litige opposant M. X et la
délégation pour la France du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, est celle de
savoir si le décret du 26 avril 1947 relatif à l’exécution de la convention sur les privilèges et
immunités des Nations Unies est entaché d’illégalité ; que, par suite, les conclusions sus analysées
ne sont pas recevables » ;
En ce qui concerne les modalités du contrôle du respect de l’article 53, le juge FR a posé que ce
contrôle ne s’exerçait pas d’office ! En revanche il peut être soumis au JA par différentes voies :
Par voie d’action, par l’intermédiaire d’un REP contre le décret de publication (Toute personne qui
justifie d’un intérêt pour agir peut demander dans les deux mois qui suivent sa publication
l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte réglementaire. Dans le cadre d’un tel recours, le
juge contrôle la compétence de l’auteur de l’acte, les conditions de forme et de procédure dans
lesquelles il a été édicté, l’existence d’un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales
et impersonnelles qu’il énonce. Le délai de recours expiré, la contestation par la voie de l’action n’est
plus possible.)
Par voie d’exception d’illégalité, dans le cadre d’un litige, il est désormais possible pour un requérant
de soulever par la voie de l'exception, l'irrégularité d'un décret ratifiant un traité ou un accord
international à l'occasion d'un litige.
« qu’eu égard aux effets qui lui étaient attachés en droit interne, la publication d’un traité ou accord
entrant dans les prévisions de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946 ne pouvait intervenir
légalement que si la ratification ou l’approbation de ce traité ou accord avait été autorisée en vertu
d’une loi ;que, d’une part, eu égard à son objet même et à ses effets, la convention du 13 février 1946
est relative à l’organisation internationale et engage les finances de l’Etat ; que d’autre part, elle
déroge aux dispositions du code pénal et aux règles de procédure pénale ainsi qu’aux dispositions
des lois fiscales et des lois relatives au service national, en vigueur à la date de sa publication en
droit interne et modifie donc les lois internes françaises »; « sa ratification doit donc être autorisée
par la loi en vertu de l’article 27 de la Constitution du 27 octobre 1946 »

Le Conseil d'État a estimé que ce décret était illégal au motif que la ratification de ladite convention
aurait dû faire l'objet d'une loi, en application de l'article 27 de la Constitution de la IVe
République, dans la mesure où elle engageait les finances de l'État et modifiait la législation.
La solution à ce problème est trouvée dans la loi du 31 décembre 2003 qui autorise l’approbation de
l’accord sur les privilèges et immunités de la CPI. Dans son Article deux elle valide rétroactivement
la convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies dont l’irrégularité des
modalités de ratification venait d’être constatée par le Conseil d’Etat.

Cour d’appel de Paris, 18ème Chambre A, 7 novembre 2006, Cavaciuti

Faits : Le Haut-commissariat des Nations Unis pour les réfugiés-délégation pour la France (HCR) a
engagé l'intéressé en qualité de juge assesseur afin de le représenter aux travaux de la commission de
recours des réfugiés et mis fin à cet engagement au motif qu'il n'avait pas respecté ses obligations
relatives aux notes de séances. L'intéressé se prévaut d'un contrat de travail et conteste la légalité de
la rupture.

Procédures : Saisine du conseil des prudhommes en 1998 par CAVACUITI , qui rejette l’exception
d’immunité du HCR fondée sur la charte des Nations Unies et la convention de 1946 relative aux
privilèges et immunités, car elle n’a pas été ratifiée. Le conseil a retenu sa compétence en l’espèce
de sorte qu’un contredit est formé par le ministère public qui va donner lieu à un arrêt du Conseil
d’état saisi par une question préjudicielle soulevée par la cour d’appel. Le Conseil d’Etat va conclure
à l’irrégularité de la ratification de la convention. Le conseil des prud’hommes devant qui l’affaire
est renvoyée , estimera que le contrat conclu n’était pas un contrat de travail, au fond, et déboutera
CAVACUITI. Il décide donc d’interjeter appel de cette décision devant la cour d’appel de paris.

Problème juridique soulevé : Articulation entre l’article 6 de la CEDH (accès au juge) et la


Convention de 1946 accordant une immunité aux organes constitutifs de l’ONU. Quid de la
conciliation entre ces deux conventions internationales, imposant des obligations a priori
différentes à la France ?

Motifs :
La juridiction fait la distinction entre les exceptions de recevabilité(qui déterminent l’aptitude de la
juridiction à exercer son pouvoir de juge), dont relève la question des immunités, et les exceptions de
compétence( qui renvoient à ce qui relèvent ou non du domaine de compétence du juge). Il n’y a pas
de renonciation tacite à cette immunité en raison de la comparution devant un juge national ou en
raison de l’existence d’une clause compromissoire ( établissant la compétence telle qu’acceptée par
les parties en litige).
Aucune voie ne lui était valablement offerte pour que sa prétention puisse être reçue devant le prétoire
d’un juge, conformément aux exigences de l’article 6 de la CEDH qui lie la France. Le juge en déduit
l’impossibilité d’exercer un droit qui relève « de l’ordre public français ». Partant, il décide de retenir
la compétence du juge Français en se fondant notamment sur un accord de siège conclu entre le HCR
et la France qui prévoyait la soumission des organes de l’institution aux lois françaises. Il retient enfin
l’existence d’un contrat de travail et d’un licenciement illicite car intervenu sans motif valable.

Portée :
Les immunités garanties aux OI par les accords conclus avec leurs Etats membres peuvent poser des
problèmes d’articulation avec le droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la convection
EDH. Le problème c’est que ces immunités qui empêchent de poursuivre les OI devant les tribunaux
nationaux ont pu être considérées comme portant une atteinte excessive à l’article 6 Convention
Européenne des droits de l’homme. Dans cette hypothèse, lorsqu’un employé d’une OI intente une
action devant les tribunaux de la France contre l’organisation, ces derniers se trouvent confrontés a
priori à un dilemme :
Soit ils appliquent la convention conclue avec l’OI qui garantit à celle-ci une immunité devant les
tribunaux et alors ils violent l’article 6 CEDH ;
Soit ils refusent de reconnaître l’immunité à l’OI respecte l’article 6 de la CEDH en violant ainsi la
convention qui garantissait l’immunité à l’organisation internationale
Concrètement il faut toutefois relever que les tribunaux internes évitent de présenter de telles affaires
comme soulevant des conflits entre traités internationaux. En effet, lorsqu’ils sont saisis d’une action
contre une OI et qu’elle n’offre pas de recours alternatif au requérant dans son système interne,
le juge français écarte l’immunité de l’organisation et accepte de la juger pour éviter un déni
de justice.
Document n°3 : Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 11 décembre 2015

Lorsque l'administration prend une décision qui vous est défavorable, vous pouvez lui demander de
revoir sa décision par un recours administratif. Le recours peut être gracieux (il s'adresse directement
à la personne qui a pris la décision) ou hiérarchique (il s'adresse au supérieur hiérarchique de la
personne qui a pris la décision).

Faits et procédures : Le requérant avait été recruté par la délégation pour la France du Haut-
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en qualité de juge assesseur auprès de la
Commission de recours des réfugiés par un contrat conclu le 6 août 1990, a été licencié le 13 mars
1998. La cour d’appel de Paris a condamné, en 2006, la délégation du HCR à verser à M. B...la
somme de 16 766 euros au titre de ses congés payés, d’une indemnité de licenciement et d’une
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 3 000 euros en
application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La délégation du HCR a refusé
d’exécuter cet arrêt, en invoquant l’immunité prévue par la section 2 de l’article 2 de la convention
internationale du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies, à laquelle
renvoie le 8°) de l’accord conclu le 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-
Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en vue de l’installation en France et du
fonctionnement en France de la délégation du Haut-Commissariat.

Suit à ce refus, M. B...a, le 5 janvier 2009, présenté au ministre des affaires étrangères une demande,
tendant à obtenir la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi en raison de l’immunité
d’exécution dont bénéficient en France les organes des Nations Unies et du refus d’exécution
par le HCR de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 novembre 2006 ;

Par un jugement du 1er décembre 2011, le tribunal administratif de Paris a jugé que la responsabilité
de l’État français était engagée et a condamné celui-ci à verser à M. B...la somme totale de 19 766
euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et par un arrêt du 19 juin
2014, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel du ministre des affaires étrangères et du
développement international contre ce jugement. Ce dernier se pourvoit donc en cassation contre cet
arrêt.

Motifs :
« Considérant que la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée, sur le fondement de
l’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de
conventions conclues par la France avec d’autres Etats ou avec des organisations internationales et
incorporées régulièrement dans l’ordre juridique interne, à la condition, d’une part, que ni la
convention elle-même ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification ne puissent être
interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et, d’autre part, que le préjudice dont
il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé
comme une charge incombant normalement aux intéressés ; »

Lorsque l’on a rompu l’illégalité, une personne a subi un préjudice et en cela il y a une rupture
d’égalité. On va trouver la rupture de l’égalité devant les charges publiques essentiellement dans les
cas où des normes peuvent causer des préjudices.

EX : Une loi interdisait la fabrication de tous produits susceptibles de remplacer la crème naturelle et
ne provenant pas du lait, ce qui semblait ne toucher qu’une société fabriquant un substitut. Seulement,
dans le silence du législateur, on ne pouvait savoir si l’indemnisation était permise.
L’indemnisation n’est possible que si des conditions sont remplies :
Le dommage ne doit tout d’abord pas être le résultat d’une loi qui l’a prévu afin d’atteindre un but
d’intérêt général bien précis ( exemple, dispositions de santé publique, telles que l'interdiction de
l'emploi d'amidon, de fécules ou encore de farines dans les préparations de crème glacée. Dispositions
de la moralité publique, telles que les réglementations de l'exportation de l'alcool des îles de Saint-
Pierre-et-Miquelon. ).
Le préjudice doit être spécial, c’est-à-dire ne concerner qu’un groupe de citoyens particuliers, ce
qui résulte de l’arrêt Bovero de 1963 du Conseil d'État.
Ce n’est pas le cas pour une loi visant des propriétaires touchés par l’interdiction d’expulser en hiver,
tel que cela a pu être jugé dans une autre affaire à la même période. Le préjudice doit également être
anormalement grave. Le Conseil d'État a ainsi jugé que le préjudice ne revêt un caractère
anormal qu'au-delà de l'aléa inhérent.

PB : Le requérant pouvait-il, devant l’impossibilité d’obtenir l’exécution, demander une


indemnisation pour rupture d’égalité devant les charges ?

« la cour administrative d’appel de Paris a jugé qu’était en tout état de cause sans incidence la
circonstance que l’intéressé aurait pu exercer une autre voie de droit que celle qui avait donné lieu
à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 novembre 2006 ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si,
ainsi que le soutenait le ministre devant elle, une autre voie de droit, notamment celle de l’arbitrage,
pouvait être exercée par M. B...et lui offrir une chance raisonnable de recouvrer sa créance, la
cour a commis une erreur de droit » ;

On voit que les requérants ne disposent pas toujours de la possibilité de compenser l’absence
d’exécution par la possibilité d’engager la responsabilité de l’État français.

Ce raisonnement manque de pertinence aussi, car devant le juge administratif était réclamé la
réparation du dommage subi du fait de l’immunité d’exécution dont bénéficie le HCR, qui n’a pas
permis à l’individu d’obtenir la réparation octroyée par l’arrêt de 2006. Ce n’est pas la possibilité
de juger le HCR condamné à réparer le préjudice de Mr Cavacuiti, en l’espèce qui pose
problème, (pas une question d’immunité de juridiction), mais bien l’impossibilité d’obtenir
l’exécution de la condamnation prononcée en 2006.

En quoi l’exercice d’un autre recours devant un tribunal arbitral pourrait permettre de
remédier aux difficultés posées par l’exécution en France de la décision ?

Document n°4 : CAA Paris, 10ème chambre, 7 février 2017

Renvoi de l’affaire précité devant la cour administrative d’appel qui en 2017 revient à de meilleurs
sentiments en estimant notamment que « Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à supposer
même qu’à l’issue de la recherche d’une solution amiable au litige, M. C... ait pu, grâce à une
procédure d’arbitrage, bénéficier d’une voie de recours, celle-ci ne lui offrait pas une chance
raisonnable de faire valoir ses droits effectifs à indemnisation ; que d’ailleurs la Cour d’appel de
Paris a relevé dans son arrêt du 7 novembre 2006 mentionné au point 1 qu’” il n’est pas établi qu’à
l’époque de la rupture, intervenue en février 1998, ce dernier [M. C…] disposait au sein de
l’Organisation Internationale, d’un tribunal ayant compétence pour statuer sur des litiges de cette
nature et par conséquent d’une voie autre que la saisine des juridictions nationales pour faire
valoir ses droits » .

Document n°5 : Cour de cassation, Chambre civile 1 , 25 mai 2016

Faits et procédures :
Accord entre le gouvernement de la République Française et la Banque des États de l'Afrique Centrale
(BEAC) relatif à l'établissement à Paris d'un bureau de la BEAC et à ses privilèges et immunités sur
le territoire français, du 20 avril 1988.
Un conseil de prud'hommes a condamné la BEAC à payer à son ancien salarié, M. X..., une certaine
somme à titre de rappels de salaires et de dommages-intérêts ; que ce dernier a fait pratiquer une
saisie-attribution, le 20 avril 2010, sur le compte BNP Paribas de la BEAC ; que celle-ci a assigné M.
X... devant un juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure, en se prévalant de son
immunité d'exécution.
Motifs :
Pour rejeter la demande de mainlevée et décider que la mesure produirait ses effets, l'arrêt retient
que le caractère absolu de l'immunité d'exécution restreint le droit d'accès à la justice de M.
X... et que l'atteinte grave, rédhibitoire et définitive portée à son droit à un procès équitable
pour l'exécution d'une décision de justice, alors qu'aucun recours effectif ne lui est offert, justifie
que l'immunité d'exécution opposée par la BEAC soit écartée.

Qu'en statuant ainsi alors que le justiciable, qui se voit opposer le caractère absolu de l'immu-
nité d'exécution d'une organisation internationale, dispose, par la mise en oeuvre de la respon-
sabilité de l'Etat, d'une voie de droit propre à rendre effectif son droit d'accès à un tribunal, de
sorte que le seul fait de ne pouvoir saisir les fonds de la BEAC, en France, ne constituait pas,
au préjudice de M. X..., une restriction disproportionnée à ce droit, au regard du but légitime
poursuivi par l'accord garantissant une immunité d'exécution à cette banque centrale pour fa-
ciliter l'accomplissement de ses missions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

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