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DISCUSSION

1. L’ASSIGNATION EN RÉFÉRÉ RÉTRACTATION EST IRRECEVABLE

Elles expliquent, en premier lieu, que la requête de l’article 1441 du code de procédure civile
correspond en réalité à un « cas spécifié par la loi » au sens de l’alinéa 1er de l’article 812 du code de
procédure civile. Cette nouvelle qualification n’est pas neutre puisqu’elle conduit nécessairement à
l’abandon de leur motif de rétractation fondé sur l’absence de justification du contradictoire. En effet,
l’exclusion du contradictoire n’a pas à être justifiée pour cette catégorie de requêtes dès lors qu’il est
admis que la loi a elle-même justifié cette exclusion en prévoyant explicitement le recours à une
requête non contradictoire1.

L'artificialité de cette distinction peut d’ailleurs être prouvée avec un parallèle avec le droit d’accès aux
documents administratifs : la « communication » d’un document administratif est une notion qui
englobe en fait toutes modalités d’accès au document, comme le confirment aussi bien la lettre de
l’article L. 311-9 du Code des relations entre le public et l’administration que les avis de la CADA.

Tel est ainsi le cas dans l’hypothèse où la solution légale s’applique de plein droit, et ce par exemple
lorsque la Cour de cassation déclare incompétente les juridictions étatiques françaises, par égard pour
une clause compromissoire (Com., 12 février 198, n° 93-14.282 : Bull. IV, n° 53).

1.1 Le recours en référé-rétractation est irrecevable

À titre d’exemple, la deuxième chambre de la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 1er
septembre 2016 publié au Bulletin, qu’une procédure sur requête pouvait tout à la fois être prévue par
une disposition légale spéciale sans pour autant (i) donner lieu à une décision susceptible d’être
qualifiée d’« ordonnance sur requête » au sens du premier alinéa de l’article 812 du Code de
procédure civile et, dès lors, (ii) ouvrir la voie du référé-rétractation prévue par l’article 496 du Code de
procédure civile au profit de celui qui aurait des velléités à la remettre en cause.

Par ailleurs, il est admis que la règle de la non-rétroactivité est un principe d’ordre public qui peut être
invoqué par les parties ou retenu d’office par les juges en tout état de la procédure (Cass 3ème Civ.,
21 janvier 1971 : Bull. III, n° 44).

Il est ainsi jugé que « si, en principe, une loi est immédiatement exécutoire, même au cas où elle
prévoit des actes réglementaires relatifs à son exécution, dès l’instant qu’elle n’a pas spécifié que son
application serait subordonnée à la publicité desdits actes, cette subordination peut être implicite et
doit différer la mise en vigueur de la loi quand le texte de celle-ci, ne se suffisant pas à lui-même, a
besoin d’être complété » (Com. 28 décembre 1949, D. 1950. 159 ; v. dans le même sens : 1ère civ.,
12 mai 2016, n° 15-12.120 : Bull. I, n° 1305).

Il a été jugé en effet dans cet arrêt que :

« l’ordonnance donnant force exécutoire à une transaction rendue suite au dépôt d’une requête
par l’une des parties à un accord […] qui n’est pas une ordonnance sur requête au sens de
l’article 812, alinéa 1er, du code de procédure civile, ne peut faire l’objet d’aucun recours »2.

1
Voir notamment CA Paris, 5 février 2015, n°13/19500
2
Cass, 1 septembre 2016, 15-22.915, F-P+B
À ce titre, la jurisprudence citée par les Demanderesses pour justifier leur recours en référé-
rétractation énonçant, selon leurs termes, « que les décisions rendues sur requête au sens de l’article
812 al. 1er du code de procédure civile sont soumises aux recours prévus par l’article 496 du même
code, à savoir, pour un tiers, au référé-rétractation »3, n’est pas pertinente dès lors que sa portée n’est
pas opérante ici.

Le référé-rétractation prévu à l’article 496 du Code de procédure civile résulte des caractéristiques
propres au régime applicable aux ordonnances sur requête de droit commun auxquelles il est
réservé4.

Ces caractéristiques ressortent de :

- l’alinéa premier de l’article 58 du Code de procédure civile qui définit la requête comme :
« L’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été
préalablement informé. » ; et,

- l’alinéa premier de l’article 493 du Code de procédure civile qui définit l’ordonnance comme :
« une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est
fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

- d’abord, l’article 812 du Code de procédure civile limite son usage aux cas où la loi autorise
expressément cette dérogation (article 812 alinéa 1er), ainsi qu’à ceux autorisés par le juge
lorsque les circonstances exigent que des mesures urgentes soient prises non contradictoirement
(article 812 alinéa 2) ;

- ensuite, l’article 496 du Code de procédure civile prévoit que « tout intéressé » peut former un
référé-rétractation à l’encontre de l’ordonnance sur requête devant le juge qui l’a prononcée sans
qu’il ne soit appelé. Ce recours vise à réintroduire le contradictoire qui, par hypothèse, n’a pas pu
avoir lieu avant, au bénéfice de la personne qui a été écartée des débats. A cet égard, la Cour de
cassation a rappelé en 2005 que : « le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de
recours mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction qui
commande qu'une partie, à l'insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer
d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief »5.

La Cour de cassation explique ainsi que « l'instance en rétractation [a] pour seul objet de soumettre à
un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de
son adversaire, [de sorte que] la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet »6. Mais
encore convient-il que ce dernier manifeste nettement sa volonté en ce sens (Cass. civ. 7 juin 1901, DP
1902).

A cette question, la Cour de cassation a répondu:

« qu'aux termes de l'article 496 précité, l'appel d'une ordonnance qui rejette une requête est
formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse ; que ce texte, qui est général, est
applicable quelle que soit la nature de l'ordonnance rendue et notamment lorsqu'elle relève,
comme en l'espèce, de la juridiction contentieuse ; que le moyen est donc sans fondement » 7.

3
Cass. 2e civ. 24-5-2007, n° 06-11.259
4
V., par ex., impl., Cass. 2ème 24 mai 2007, n° 06-11.259
5
Cour de cassation, 1ère civ., 13 juillet 2005, n°05-10.519 et n°05-10.521 ; Cour de cassation, Com., 6 février 2019, n°16-13.636
6
Cass. 2ème civ., 27 sept. 2018, n° 17-20.127 ; Cass. 23 juin 2016, n° 15-20.893
7
Cass. 1e civ. 11-10-1988, n°86-18.347

2/8
En outre, la Cour de cassation elle-même rencontre des difficultés à distinguer clairement les matières
contentieuse et gracieuse, pouvant juger d’une part qu’une procédure peut être gracieuse malgré la
présence d’une contestation8 et, d’autre part, contentieuse même en l’absence de litige9.

À cet égard, la jurisprudence a pu retenir que l’audition du conseil de la partie écartée des débats
avant le prononcé de l’ordonnance litigieuse rendait irrecevable le recours en référé-rétraction formé
par cette partie à son encontre10.

1.2 Le défaut de qualité à agir des Demanderesses

Or, le Conseil constitutionnel a également considéré que de telles pratiques étaient


inconstitutionnelles en constatant « que l'article 111 de la loi de finances rectificative pour 2005 a pour
principal objet, par la condition qu'il pose, de priver d'effet, pour la période antérieure au 1er janvier
2001, l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes ainsi que la décision
précitée du Conseil d'Etat ; qu'il porte dès lors atteinte au principe de séparation des pouvoirs et à la
garantie des droits »11.

Cela ressort de multiples arrêts de la Cour:


● un système judiciaire marqué par la possibilité de remises en cause et d'annulations répétées
de jugements définitifs méconnait l’article 6 § 112 ;
● En effet, l’article 6 s’oppose à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la
justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire d’une procédure pendante à laquelle
les pouvoirs publics sont parties13.

En effet, une personne qui a obtenu un jugement contre l’État n’a normalement pas à recourir à un
procédé d’exécution forcée : la mise en œuvre de cette décision revient, au premier chef, aux
instances de l’État, lesquelles doivent user de toutes les voies ouvertes en droit national pour
accélérer l’exécution et ainsi empêcher que la Convention ne soit méconnue14.

Jusqu’à des récents arrêts de la Cour de justice de l’UE 15, les juridictions françaises effectuaient une
balance des intérêts entre la liberté d’expression et le droit d’auteur. La pratique nous vient en
particulier d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris par laquelle la Cour a refusé l’application de l’article
10 de la CEDH (CA Paris, 18 sept. 2013, n° 12/02480). En droit, le juge a l’obligation de ne pas
dénaturer l’écrit qui lui est soumis.

2. LES GRIEFS DES DEMANDERESSES SONT INJUSTIFIÉS

2.1. Les arguments des Demanderesses relèvent du contentieux de l’exécution

Il sera rappelé que la demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ne tend qu’au
rétablissement du principe de la contradiction. La jurisprudence est très claire en la matière :

8
Cass, Civ, 1ère, 19 mars 2008, n°05-21.924 : « l’opposition des enfants ne modifie pas la nature gracieuse de la procédure
d’homologation de changement de régime matrimonial »
9
Cass, Civ, 1ère, 9 nov. 2016, n°15-26.911 : dont il ressort que le jugement prononçant un divorce par consentement mutuel
possède un caractère contentieux
10
Cour de cassation, civ.1, 7 novembre 1979, n° 78-13.968
11
Conseil constitutionnel, Décision n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005.
12
CEDH, Cour (Quatrième Section), 25 juill. 2002, n° 48553/99, Sovtransavto Holding c. Ukraine, §§ 74, 77 et 82.
13
CEDH, 10 avr. 1995, n° 24846/94 et CEDH, Cour (Grande Chambre), 29 mars 2006, n° 36813/97, Scordino c. Italie (n° 1)
[GC], § 126.
14
CEDH, Cour (Première Section), 27 mai 2004, n° 8415/02, Metaxas c. Grèce.
15
CJUE, Cour, 29 juill. 2019, C-516/17.

3/8
« Mais attendu que l’instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen
d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en
l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet
objet »16.

La Cour de cassation juge en effet de manière constante que viole l’article 496 du Code de procédure
civile une Cour d’appel qui statuerait sur le fondement d’arguments relevant de l’exécution de
l’ordonnance rendue, « alors que le contentieux de l’exécution […] qui n’affecte pas la décision ayant
ordonnée cette mesure ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation »17.

a) Le principe de publicité des décisions de justice.

L’impératif de transparence du processus juridictionnel, indispensable dans un État de droit reposant


sur la confiance dans le travail de la justice18, induit un principe de publicité des décisions de justice.

Ce principe figurait déjà dans la loi sur l’organisation judiciaire des 16 et 24 août 1790, toujours en
vigueur, qui prévoit dans son Article 14, Titre II « Des juges en général », que : « En toute matière
civile ou criminelle, les plaidoyers, rapports et jugements seront publics ; et tout citoyen aura le droit
de défendre lui-même sa cause, soit verbalement, soit par écrit. », consacrant ainsi un principe
essentiel de notre droit.

Le principe de la publicité des jugements a également été reconnu par la Cour européenne des droits
de l’homme sur le fondement de l’article 6 § 1 de sa Convention.

Ce principe découle directement du principe général du droit consacrant la publicité des débats
judiciaires. Ce principe de publicité de la justice a été reconnu comme principe constitutionnel par le
Conseil constitutionnel français le 21 mars 201919. À l’occasion d’une saisine sur la Loi de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil a en effet dégagé des articles 6 et
16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « un principe de publicité des
audiences devant les juridictions civiles et administratives ». Ce principe de publicité des audiences
avait déjà été reconnu pour les juridictions pénales en 200420. Le Conseil prévoit également
explicitement un principe de publicité des jugements comme conséquence logique de la publicité des
audiences21, principes auxquels il est précisé que le législateur peut apporter des limitations « liées à
d’autres exigences constitutionnelles, justifiées par l’intérêt général ou tenant à la nature de l’instance
ou aux spécificités de la procédure, à condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au
regard de l’objectif poursuivi ».

b) Le droit à un procès équitable.

À ce titre, le Conseil constitutionnel a consacré l’objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et


d'intelligibilité de la loi, fondé sur les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 dont le but est de
« prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque
d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des

16
Cass., Civ 2e, 9 septembre 2010, n°09-69.936 ; voir également Cass. Civ 2e, 7 juillet 2016, n°15-21.579
17
Cass. 2e civ., 17 mars 2016, n° 15-12.456, Bull. d'information 2016 n° 846, II, n° 1051 ; Cass. 2e civ., 8 févr. 2006, n° 05-
14.198, Bull. 2006 II N° 44 p. 37.
18
CEDH, Pretto et autres contre Italie, 8 décembre 1983, n°7984/77, §21
19
Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC.
20
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492 DC.
21
Le Conseil d’Etat a également jugé que la publicité des débats judiciaires avait pour corollaire la publicité des jugements :
« Considérant qu’il résulte nécessairement de la publicité des audiences des tribunaux administratifs, édictée, à la date de la
décision attaquée, par les articles R.165 et R.170 du code des tribunaux administratifs, que les tiers ont le droit d’obtenir une
copie simple des jugements rendus en audience publique par ces juridictions » (CE, 2 / 6 ss-sect. réunies, 1er déc. 1993, n°
95048, Lebon T.)

4/8
règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi »22. L'accessibilité se
rapportant à la possibilité de trouver physiquement le droit applicable, l’accès de tous à la
jurisprudence est donc également une exigence constitutionnelle, car le citoyen doit pouvoir disposer
de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques
applicables à un cas donné et « en s’entourant de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir à
un degré raisonnable, dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un
acte déterminé » 23.

c) La liberté d'expression et le droit d’accès à l’information

Il convient de noter que, depuis quelques années, la Cour interprète de manière plus extensive la
liberté de recevoir des informations et a finalement reconnu un droit d’accès à l’information. Plus
encore, elle a jugé qu’un refus d’accès à des documents détenus par les autorités avait porté atteinte
aux droits des requérants garantis par l’article 10.

Très récemment, la CEDH a d’ailleurs noté que « rien ne l’empêche d’interpréter l’article 10 § 1 de la
Convention comme incluant un droit d’accès à l’information » et qu’« un tel droit ou une telle
obligation peuvent naître, premièrement, lorsque la divulgation des informations a été imposée par
une décision judiciaire devenue exécutoire (situation qui ne concerne pas le cas d’espèce) et,
deuxièmement, lorsque l’accès à l’information est déterminant pour l’exercice par l’individu de son
droit à la liberté d’expression, en particulier « la liberté de recevoir et de communiquer des
informations », et que refuser cet accès constitue une ingérence dans l’exercice de ce droit »24.

d) La libre réutilisation des informations publiques et l’open data

À cela, il faut ajouter que les récents mouvements d’ouverture des données publiques ont conduit à la
reconnaissance par le Conseil d’État du caractère de liberté publique du droit d’accès aux données
publiques25 et à l’élargissement du concept de donnée publique au secteur judiciaire par la directive
2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003, dite « PSI », transposée en
droit national par le décret n°2005-1755 du 30 décembre 2005, qui dispose que :

« Article 4 Exigences applicables au traitement des demandes de réutilisation


1. Les organismes du secteur public traitent les demandes de réutilisation et mettent le
document à la disposition du demandeur en vue de la réutilisation, si possible et s'il y a lieu
sous forme électronique, ou, si une licence est nécessaire, présentent au demandeur l'offre
de licence définitive dans un délai raisonnable qui correspond au délai de réponse applicable
aux demandes d'accès aux documents. » 26.

En droit français, on retrouve notamment l’expression de ce droit de réutilisation des données


publiques aux articles L. 321-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration27.

Ce droit à la libre réutilisation des données publiques induit nécessairement la mise à disposition des
décisions de justice.
22
Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 ; Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 ; Décision n° 2005-514 DC du 28
avril 2005
23
CEDH, AFFAIRE MALONE c. ROYAUME-UNI, 2 août 1984, 8691/79
24
CEDH, Cour (Grande Chambre), Affaire Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, 8 nov. 2016, n° 18030/11.
25
CE, 7e/5e ss-sect. réunies, 29 avr. 2002, n° 228830, Lebon.
26
Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations
du secteur public, dite « PSI », Considérant n°16
27
Article L. 321-1 du Code des relations entre le public et l’administration : « Les informations publiques figurant dans des
documents communiqués ou publiés par les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 300-2 peuvent
être utilisées par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de
laquelle les documents ont été produits ou reçus.
Les limites et conditions de cette réutilisation sont régies par le présent titre ».

5/8
A ce titre :

- La CADA, dans un avis du 27 juillet 2010, a notamment relevé que : « la commission rappelle
qu'en vertu de cet article 10 [de la loi du 17 juillet 1978, remplacé par les articles L.321-1 et
L.321-2 du Code des relations entre le public et l'administration], constituent des informations
publiques les informations contenues dans des documents dont l'accès constitue un droit pour
toute personne en vertu d'une disposition législative, qui n'ont pas été produits dans le cadre
d'un service public à caractère industriel et commercial et sur lesquels aucun tiers ne détient
des droits de propriété intellectuelle » avant d’en déduire que « l'accès à ces jugements
constitue un droit pour toute personne et que ces derniers sont donc constitués d'informations
publiques au sens de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1978.»

- Les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République


numérique précisent que : « les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le
public et l’administration sont également applicables à la réutilisation des informations
publiques figurant dans ces jugements ».

e) La mise en œuvre de ces principes

Il ressort de la lecture combinée de ces textes que la communication des décisions de justice aux tiers
repose sur :

- le principe selon lequel les tiers sont en droit d’accéder aux décisions de justice rendues
publiquement.

Ce droit résulte des articles 11-3 de la Loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 et L. 111-13 du Code de
l’organisation judiciaire. La notion de tiers est ici entendue par opposition à la notion de partie à la
procédure ayant donné lieu à une décision de justice.

- les deux modes prévus par les textes afin de garantir l’accès effectif aux décisions de justice
rendues publiquement :

o le premier mode d’accès découle de la mise à disposition du public de ces décisions, à


titre gratuit, au sens des dispositions de l’article L.111-13 du Code de l’organisation
judiciaire. L’accès des tiers par ce premier mode doit se faire dans le respect de la vie
privée et des règles de protection des données personnelles (cf. infra 2.2).

o le second mode d’accès découle de la possibilité pour tout tiers de requérir la délivrance
de copies de décisions de justice directement auprès des greffes selon la procédure
prévue aux articles 1440 et 1441 du Code de procédure civile.

On retrouve notamment cette absence de considération pour la finalité dans le cadre de la réutilisation
des informations figurant dans les documents publics, incluant les décisions de justice, institué
notamment par l’article L. 321-1 du Code des relations entre le public et l’administration 28. Cet article
transpose la Directive PSI, dont l’article 3 précise que les documents auxquels l’accès est autorisé
doivent pouvoir « être réutilisés à des fins commerciales ou non commerciales ».

28
L. 321-1 du Code des relations entre le public et l’administration : « Les informations publiques figurant dans des documents
communiqués ou publiés par les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 300-2 peuvent être utilisées par
toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les
documents ont été produits ou reçus.
Les limites et conditions de cette réutilisation sont régies par le présent titre ».

6/8
À ce titre, le Conseil d’État a encore récemment jugé que « les préjudices qui résultent du retard mis à
prendre, au-delà d’un délai raisonnable, un décret nécessaire à l’application d’une loi sont, en
principe, de nature à ouvrir droit à réparation »29.

Considération de dispositions légales spéciales et ne peuvent donc constituer des arrêts de principe30.

Plus encore, la Cour de cassation considère également qu’une disposition légale se suffisant à elle-
même est applicable à sa date d’entrée en vigueur sans attendre la publication de son décret
d’application31.

La Cour a ensuite précisé qu’une disposition se suffit à elle-même lorsqu’elle est suffisamment précise
et qu’elle n’indique pas que son entrée en vigueur est subordonnée à la publication du décret en
Conseil d’État dont elle prévoit l’adoption aux fins de préciser ses modalités d’application32.

Ainsi, l’entrée en vigueur d’une disposition légale ne peut être subordonnée à la publication de son
décret d’application dès lors qu’elle ne dépend pas, pour la mise en œuvre de ses principes, de celui-
ci33.

La protection des données à caractère personnel n’étant pas absolue34, la CNIL a relevé qu’il s’agit en
la matière de rechercher un « juste équilibre » entre « le caractère public d'une décision de justice et
les droits et libertés des personnes concernées »35.

C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la condamnation de l’État pour faute
pour une telle publication36, et que le Tribunal de grande instance de Béthune a écarté la
responsabilité d’un réutilisateur qui avait republié des données mal anonymisées par Légifrance 37.
Compte tenu de la qualité de son logiciel détaillée supra, il est ainsi probable que l’anonymisation
proposée par le Requérant soit plus protectrice de la vie privée et des données personnelles des
personnes concernées que celle de la puissance publique.

L’ingérence dans la vie privée des justiciables peut être justifiée dans la mesure où elle poursuit un
principe tout aussi important, à savoir le principe de publicité et d’accès aux décisions de justice. Ce
principe est consacré conventionnellement par l’article 6 § 1 de la CEDH et reste historiquement
reconnu et protégé par la CEDH, notamment dans l’arrêt Pretto contre Italie.

De son côté, la CNIL a relevé qu’il s’agit en la matière de rechercher un « juste équilibre » entre « le
caractère public d'une décision de justice et les droits et libertés des personnes concernées »38.

29
CE, 5e / 4e ss-sect. réunies, 22 oct. 2014, n° 361464, Lebon
30
Cass. 2e civ. 7-10-2004, n° 02-50.049 : « Mais attendu qu’en l’absence du décret fixant les modalités de constitution de la
liste sur laquelle est désigné l’administrateur ad hoc, les dispositions de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre
1945, modifié par la loi du 4 mars 2002, relatives à la désignation d’un administrateur ad hoc aux mineurs non accompagnés
d’un représentant légal, ne pouvaient recevoir application ; »
Cass. soc. 5-11-1981, n° 79-42.515. « Mais attendu, d’une part, que si une loi est immédiatement applicable, il n’en est pas
ainsi lorsque sa mise en application est subordonnée a la publication d’un acte règlementaire ultérieur ; que les conditions de
délivrance des autorisations de licenciement pour motif économique et les autorités administratives compétentes pour les
délivrer ont été définies par le décret n° 75-326 du 5 mai 1975 et ne pouvaient s’appliquer »
Cass. soc. 22-3-1989, n° 85-13.496. « Mais attendu que, comme le soutient le pourvoi à titre principal, les dispositions de la loi
du 4 janvier 1978 mettant à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie les seuls frais de soins, à l'exclusion de ceux
d'hébergement, n'ont pu, en l'absence de décrets d'application, fixant la tarification de ces deux éléments, recevoir application »
31
Cass, civ. 3, 2 décembre 1981, 80-14.325, Publié au bulletin
32
Cass, civ. 1, 12 mai 2016, 15-12.120, Publié au bulletin
33
Cass, civ. 1, 3 juin 2015, 14-16.424, Publié au bulletin
34
CEDH, Cour (Grande Chambre), 8 nov. 2016, n° 18030/11
35
CNIL, Délibération n°01-057 du 29 novembre 2001
36
CAA Paris, 1re ch., 4 mai 2018, n° 17PA01825.
37
TGI Béthune, 5 déc. 2017.
38
CNIL, Délibération n°01-057 du 29 novembre 2001

7/8
La CEDH a d’ailleurs consacré la constitution « d’archives numériques qui contribuent grandement à
améliorer l’accès du public à l’information et à sa diffusion » et validé la mise en ligne de la
transcription d’un procès pénal à ce titre, considérant ainsi que l’ingérence dans la vie privée des
prévenus était justifiée par le droit d’accès à l’information39.

C’est donc avant tout au travers de sa finalité que cette notion héritée du droit administratif est
appréhendée. À cet égard, le juge ou le législateur qui y recourent lui confèrent notamment une utilité
fonctionnelle40 : la notion est fréquemment utilisée « pour fonder une mesure particulière destinée à
garantir au justiciable, un fonctionnement du service public de la justice à la fois plus équitable et plus
efficient ».

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a par ailleurs eu l’occasion de rappeler
ce principe de publicité à maintes occasions, et se réfère expressément à l’adage selon lequel (CEDH,
17 janvier 1970, n° 2689/65, Delcourt c. Belgique, § 31) :

Les décisions citées par la partie adverse ne disent d’ailleurs pas le contraire (CEDH, 17 janvier 2008,
n° 14810/02, Ryakib Biryoukov c. Russie, § 30) :

« La Cour rappelle que la publicité de la procédure judiciaire protège les justiciables contre une
justice secrète échappant au contrôle du public ; elle constitue aussi l’un des moyens de
préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu’elle donne à
l’administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l’article 6 § 1 : le procès équitable,
dont la garantie compte parmi les principes fondamentaux de toute société démocratique au
sens de la Convention (Axen c. Allemagne, 8 décembre 1983, § 25, série A no 72). »

C’est précisément ce que prévoient les articles 1440 et 1441 du Code de procédure civile, dont les
conditions d’application ont été rappelées par la Cour européenne des droits de l’homme en des
termes qui laissent peu de place à l’interprétation (CEDH, 10 octobre 2006, n° 7508/02, L.L. c.
France) :

« en application des articles 1440 et 1441 du nouveau code de procédure civile relatifs à la délivrance
de copies d’actes et de registres, toute personne peut, sans devoir justifier d’un intérêt quelconque,
former une demande de copie d’une décision de justice (arrêt, jugement ou ordonnance) en matière
civile, sociale ou commerciale, auprès du greffe de la juridiction concernée, lequel est tenu d’en
délivrer copie ou extrait ».

39
CEDH, Affaire M.L. et W.W. c. Allemagne, 28 juin 2018, 60798/10;65599/10.
40
Ibid.

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