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4 juillet 2019

CONSEILS PRATIQUES SUR LA


RÉDACTION DES CONCLUSIONS
D’APPEL
Martine Roy-Zenati
Aliénor Kamara-Cavarroc
Propos liminaire : la déclaration d’appel

La déclaration d’appel doit comporter, en cas d’appel


« réformation » et à peine de nullité (ce qui s’ajoute aux
mentions prescrites jusqu’alors par l’article 901 du code
de procédure civile), la liste des chefs de jugement
critiqués, sauf si l’objet du litige est indivisible (art. 901-
4° CPC pour les procédures d’appel avec représentation
obligatoire et art. 933 CPC pour les procédures d’appel
sans représentation obligatoire).
Dans l’hypothèse où le dispositif contiendrait un simple « débouté », il sera préférable
de détailler les chefs de prétentions de première instance (ex : Il est demandé à la Cour
d’infirmer le jugement du… déféré, qui a débouté… des chefs de :
- xx,
- yy…).

Il est nécessaire de se reporter aux écritures de première instance lors de la déclaration


d’appel de manière à formuler, le cas échéant, comme chef de critique, une omission de
statuer et un éventuel « infra petita » qui n’apparaîtraient pas, par définition, dans le
dispositif du jugement.

Il ne faut pas oublier de viser tant la condamnation au visa de l’article 700 du code de
procédure civile que celle aux dépens dans les chefs de critique du jugement, au risque
de se voir jugé irrecevable sur cette question dans les conclusions d’appel, ce qui
pourrait engendrer de graves conséquences lorsque, par exemple, une expertise a été
ordonnée.
En quoi la structuration des
écritures d’appel est-elle
fondamentale et pas
uniquement cosmétique ?
L’article 913 du code de procédure civile autorise le conseiller
de la mise en état à enjoindre aux avocats de mettre leurs
conclusions en conformité avec les dispositions des articles
954 et 961 du code de procédure civile.
Cour de cassation, 2ème civ., 31 janvier 2019, n° de pourvoi : 18-10983

Attendu que la société Itinéraire d'Afrique fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, comme non
constitutives de conclusions d'appelant, les conclusions déposées le 27 juin 2016, non conformes
aux exigences des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile et portant atteinte au
principe du contradictoire, de déclarer irrecevables, comme hors délai, les conclusions
rectificatives déposées le 11 octobre 2016, inopérantes pour venir se substituer aux précédentes,
et, en conséquence, de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société
Itinéraire d'Afrique […]
Que la cour d'appel a constaté que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par
l'article 908 comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'infirmation, totale ou partielle, du
jugement déféré ;
Que de ces constatations et énonciations, qui faisaient ressortir que ces conclusions d'appelant
ne déterminaient pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel, c'est à bon droit que celle-ci,
abstraction faite des motifs, erronées mais surabondants, pris de l'irrecevabilité de ces
conclusions, a constaté la caducité de la déclaration d'appel ;
I. Définition des conclusions d’appel
Article 910-1 du code de procédure
« Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles,
adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais
prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige. »

Ne sont donc pas considérées comme répondant aux prescriptions de ces


articles les conclusions d’incident, quel que soit l’objet de l’incident, en
particulier ceux qui mettent fin à l’instance. La solution avait été dégagée par la
Cour de cassation dans un avis du 21 janvier 2013 (Cass. Avis, 130004) ; elle a
été étendue à l’ensemble des incidents par le nouveau décret.
Article 954 du code de procédure civile
« Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler
expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces
prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur
numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de
jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les
prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués
au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces
prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment
présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés
et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans
pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement
est réputée s'en approprier les motifs. »
Distinction entre moyens et prétentions
- Prétentions = demandes ; c’est ce qui figure dans le
dispositif et qui va être exécuté
- Moyens = outils factuels ou juridiques qui servent à
démontrer au juge que les éléments requis par les
textes pour qu’il soit fait droit à la prétention sont
remplis : ce sont les éléments qui constituent la
démonstration dans le syllogisme dont la conclusion
est la prétention ; ils ne doivent en aucun cas figurer
dans le dispositif
Le raisonnement juridique procède d’un syllogisme :
◊ le texte énonce que : … (citer le texte puis énoncer ce qu’il
signifie et ce qu’il convient donc de prouver)
◊ le cas échéant, la Cour de cassation a jugé que ce texte
signifiait que : … ou en a tiré : ... (éventuellement compléter
par la JP de la cour concernée et par la doctrine)
Ø moyens juridiques
◊ en l’espèce, les faits sont les suivants : …
Ø moyens factuels
◊ le tribunal jugera donc que… et condamnera…
Ø prétention, seule reprise dans le dispositif
Article 542 du code de procédure civile
« L'appel tend, par la critique du jugement rendu par
une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à
son annulation par la cour d'appel. »
Article 566 du code de procédure civile
« Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions
soumises au premier juge que les demandes qui en
sont l'accessoire, la conséquence ou le complément
nécessaire. »
L’appel n’est donc pas un nouveau procès, dans
lequel on forme des demandes de condamnation,
de résolution, d’exécution… mais c’est un degré de
l’instance dans lequel on part du jugement déféré
pour demander, soit son infirmation des chefs
critiqués puis la condamnation, la résolution,
l’exécution…, soit sa confirmation.
II. Structuration des conclusions d’appel
A. Le chapeau
Il doit désormais comporter les mentions prévues à l’article 960, alinéa 2, du code de
procédure civile et ce, à peine d’irrecevabilité régularisable jusqu’à la clôture ou, hors mise
en état, jusqu’à l’ouverture des débats (art. 954, al. 1er, et art. 961, al. 1er, CPC).

Article 960 du code de procédure civile


« La constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours
d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
Cet acte indique :
a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile,
nationalité, date et lieu de naissance ;
b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe
qui la représente légalement. »
B. Le corps
Ø Quelques généralités

Les conclusions doivent comporter un premier chapitre « Faits et procédure » et un second « Discussion ».

La chapitre sur les faits et la procédure doit être conclu par un paragraphe distinct indiquant clairement les chefs
du jugement critiqués.

Le chapitre sur la discussion doit impérativement contenir les moyens au soutien des prétentions : si jamais les
moyens figurent dans le chapitre relatif aux faits et à la procédure, ils ne seront pas examinés (art. 954, al. 3,
CPC).

Lors des échanges successifs d’écritures, les nouveaux moyens doivent être signalés (art. 954, al. 2, CPC) : ils
peuvent, soit être inclus dans un nouveau paragraphe, distinct, mentionnant qu’ils sont nouveaux dans les
conclusions du (date), soit être signalés d’un trait vertical dans la marge.

Les pièces doivent être visées avec leur numérotation et leur intitulé au fil des écritures et figurer sur un
bordereau récapitulatif annexé à ces écritures.
1. Le chapitre « Faits et procédure »

Ø Quels faits doivent y figurer ?

§ Les faits constants = faits non débattus, neutres


§ Les faits pertinents = faits utiles au débat

A contrario, les faits qui ne sont sans lien avec le dossier ne doivent pas être relatés, même si le
client y tient particulièrement, sauf à les insérer dans une ou deux phrases contextuelles en tête du
chapitre.

Les faits débattus, et qui seront précisément les moyens factuels, ne doivent pas non plus figurer
dans ce chapitre car ils ne seront pas utilisés par la juridiction en tant que moyens : dès qu’un
débat ou une appréciation est formulé(e) sur un fait, il faut le descendre dans le chapitre
« Discussion ».
Ø Quels éléments de la procédure doivent y figurer ?

Le jugement, naturellement, mais également tout élément procédural


présentant un intérêt pour le litige concerné.

Exemples :
• mention de la décision de 1ère instance, de sa date, de son dispositif,
• mention de l'auteur et de la date de l'appel,
• mention des modalités d'assignation des intimés non constitués ou,
s'agissant des procédures orales, non présents ou représentés,
• pour la procédure écrite : mention des dates des dernières écritures.
2. Le chapitre « Discussion »

Ø On commence par introduire le plan, qui doit nécessairement comporter les termes
de confirmation ou d’infirmation (le cas échéant d’annulation) dans chacun des
titres.

Ø C’est le chapitre dans lequel on critique le jugement donc le syllogisme devra partir
du jugement.

Exemple pour l’appelant / l’appelant incident :


« Par jugement du…, le tribunal a condamné (ordonné, débouté…) xx à… en se fondant
sur / en retenant à tort que (analyse incorrecte du droit ou des faits).
Il est demandé à la cour d’infirmer le jugement de ce chef car, en effet, contrairement à
l’analyse du tribunal, … (démarrer ici le syllogisme classique).
En conséquence de ce qui précède, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu’il a…
et, statuant à nouveau, (former les demandes/prétentions). »
Exemple pour l’intimé :
« Par jugement du…, le tribunal a condamné (ordonné, débouté…) xx à… en
se fondant sur / en retenant que (énoncé des chefs du jugement).
Par conclusions du…, xx a demandé à la cour d’infirmer ce jugement aux
motifs que le tribunal aurait mal… (reprendre ici, en les résumant, les
moyens développés par la partie adverse).
Cette demande sera rejetée par la cour et le jugement entrepris sera
confirmé car, en effet, c’est à juste titre que le tribunal a jugé que…
puisque… (démarrer ici le syllogisme classique).
En conséquence de ce qui précède, la cour confirmera le jugement entrepris
en ce qu’il a… »
C. Le dispositif
Ø Le dispositif ne doit contenir, conformément aux prescriptions de l'article 954 du code
de procédure civile, que les prétentions (demandes).
§ Les moyens ne doivent pas être repris dans le dispositif.

§ Le dispositif ne doit pas contenir de visas de pièces ou de décisions de


jurisprudence. En revanche, les textes fondant la demande peuvent être évoqués (à
l’exception des articles 699 et 700).
§ Toutes les demandes indemnitaires doivent être déterminées et chiffrées.
§ En cas de demandes multiples, il est utile de numéroter les demandes.
§ La distraction des dépens (art. 699 CPC) ne peut être demandée que dans les
procédures avec représentation obligatoire.
Ø L’ordre du dispositif
Dans les affaires appelées en circuit court (art. 905 CPC) et à jour fixe, doivent être soulevées dans
l’ordre : les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir, les demandes au fond. Dans les autres
procédures doivent être soulevées dans l’ordre, le cas échéant la question sur la compétence, puis les
fins de non-recevoir et les prétentions des parties.
Confirmation ou infirmation : le terme infirmation doit être préféré à celui de réformation au regard
des dispositions de l'article 954, en son avant-dernier alinéa, et 973, 3ème alinéa, du code de procédure
civile ; le terme annulation doit être réservé aux seuls cas où des moyens d'annulation de la décision
déférée sont invoqués.

Il convient de faire apparaître « ajoutant au jugement » en cas d'actualisation des demandes de


première instance.

Enfin, les demandes doivent apparaître dans l'ordre et être qualifiées de « principales » ou
« subsidiaires » (petite piqûre de rappel : le subsidiaire n’affaiblit pas le principal).
ATTENTION : Toute demande/prétention non reprise dans le dispositif ne sera pas examinée (art. 954,
al. 3, CPC) : il s’agit de la solution qui était dégagée de la jurisprudence (Cass. Civ. 3ème, 2 juillet 2014,
n° 13-13.738).
Ø Ce qu’il ne faut pas faire :

§ demander une amende civile (art. 32-1 CPC) s'agissant d'une disposition qui ne peut être
mise en œuvre qu'à l'initiative de la juridiction ; une telle demande émanant d'une partie
est irrecevable : il convient de fonder sa demande d'indemnisation pour appel abusif sur
l'ancien article 1382 du code civil ou le nouvel article 1240 du même code ;

§ demander l'exécution provisoire en l'absence de voie de recours suspensive d'exécution,


hors le cas d’un arrêt susceptible d’être rendu par défaut et ouvrant la voie à une
opposition ;

§ demander la restitution des sommes auxquelles une partie a été condamnée en première
instance, la décision d'infirmation emportant de plein droit obligation de restituer ;

§ former des prétentions non soumise au tribunal sauf à ce qu’elles en soient l'accessoire, la
conséquence ou le complément nécessaire.
Ø Ce qu’il faut bannir :

§ les expressions « constater » (hors les cas où les textes prévoient ce


terme ou s’il s’agit d’un fait, comme le constat d’un accord ou de
l’acquisition d’une clause résolutoire ou encore de la péremption ou de la
caducité), « dire et juger » et « donner acte » qui ne constituent pas des
prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et qui
conduisent certaines juridictions à ne plus examiner les demandes
commençant par ces termes figurant dans les dispositifs de conclusions ;
§ l’expression en deniers ou quittances (écrire : « selon décompte arrêté
au… et dernier versement du… ») ;
§ la formule « sous toutes réserves », les dernières conclusions étant
récapitulatives.
D. Concentration des prétentions

Article 910-4 du code de procédure civile


« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les
conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs
prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie
contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables,


dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à
répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées,
postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la
survenance ou de la révélation d'un fait. »
Le nouveau texte instaure une concentration des
demandes / prétentions dans les premières écritures
d’appel, à peine d’irrecevabilité de ces demandes /
prétentions pouvant être soulevée d’office ou par la
partie qui se voit opposer, ultérieurement, de nouvelles
prétentions. Ici, l’irrecevabilité encourue n’est pas celle
des conclusions, mais celle des demandes, ce qui signifie
que c’est dans les écritures au fond, devant la cour, que
cette irrecevabilité devra être soulevée, comme toutes
les autres fins de non-recevoir.
Le principe de concentration des prétentions est atténué par la possibilité qui
demeure, dans les écritures suivantes (réplique ou duplique), de développer de
nouvelles prétentions :
• destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses,
• destinées à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières
prétentions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation
d’un fait (art 564 CPC).

Les demandes reconventionnelles restent recevables à condition qu’elles se


rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant (art. 567 et 70 CPC).

A NOTER : Les conclusions portant sur les loyers, arrérages, intérêts, autres
accessoires échus et débours sont toujours recevables, y compris après l’ordonnance
de clôture, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse (art.
783, al. 2, CPC).
E. Précisions concernant les pièces
Les travaux issus en 2016 d’un groupe de travail sur la rédaction des écritures entre le barreau
de Paris et la cour d’appel de Paris, et qui ont vocation à être intégrés dans un protocole à
venir entre le barreau de Paris et les juridictions parisiennes, ont permis de faire ressortir
l’importance des éléments suivants :

§ les pièces doivent être numérotées dans l’ordre où elles sont invoquées dans les conclusions
§ le libellé de la pièce doit être précis
§ lorsqu’un rapport d’expertise est déposé, il doit être paginé avec le détail de ses annexes
§ seules des pièces complètes, lisibles et exploitables, notamment les éléments graphiques et
photographiques, doivent être déposées
§ elles doivent être visées dans les conclusions en précisant leur numéro et leur intitulé
§ chaque fois que cela est possible la numérotation de première instance doit être conservée ou, à tout le
moins, éviter par une surcharge, toute ambiguïté sur le numéro de la pièce
§ quand une pièce est composée de plusieurs pages, le nombre de pages doit être précisé dans le bordereau
§ toutes les pièces qui sont communiquées, y compris celles qui ne sont pas évoquées dans les écritures,
doivent être mentionnées sur le bordereau de communication de pièces avec leur date de communication
À NOTER : les pièces en langue étrangère seront, de préférence, traduites. en effet,
si seules les pièces de procédure doivent être traduites en français en application de
l’article 111 de l’ordonnance de Villers Cotterêts d’août 1539 (Cass. crim., 31 mai
2006, n° 04-87350 ; 14 juin 2001, n° 99-30207 ; Cass. 1ère civ., 24 mai 2011, n° 10-
18608), la Cour de cassation a néanmoins jugé que le juge pouvait écarter les pièces
non traduites en français : « … si l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 ne
vise que les actes de procédure, le juge, sans violer l’article 6 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est fondé, dans
l’exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un
document écrit en langue étrangère, faute de production d’une traduction en langue
française » (Cass. 1ère civ., 27 novembre 2012, n° 11-17185).

En pratique, l’avocat qui produit une pièce en langue étrangère fournira soit une
traduction jurée soit, tout aussi valablement, une traduction libre et si la partie
adverse n’est pas satisfaite de la traduction, ce sera à elle de fournir une traduction
jurée.
Résumé des éléments à faire figurer dans les écritures
Le fond La forme
- exposer clairement et synthétiquement - au fur et à mesure du déroulement des
les faits constants ; distinguer les faits conclusions, indiquer clairement la référence
objectifs, nécessaires au litige, des autres aux pièces, bien cotées, avec des références
précises, cotation initiale et nouvelle cotation
faits, inutiles,
(le cas échéant),
- former ses demandes de confirmation, - répondre aux conclusions adverses dans le
infirmation, annulation et critiquer, développement même des écritures,
positivement ou négativement, le
- prévoir une numérotation des parties et des
jugement titres dans l’hypothèse où il y a plusieurs
- poser clairement la (les) question(s) de demandes et introduire les plans de chaque
droit, partie,

- faire apparaître le fondement juridique, - faire ressortir principal et subsidiaire,


- présenter dans l’ordre qui sera repris dans le
- structurer le raisonnement,
dispositif : les exceptions, les fins de non-
recevoir puis les défenses au fond.
III. Quelques outils utiles (pas que pour les conclusions
d’appel J)

Dans les instances relatives à la responsabilité, il est important dans


le dispositif de déclarer responsable puis de condamner.

Sur la solidarité, lorsqu’il y a un assureur seulement pour une partie,


le dispositif doit péciser « condamner A in solidum avec B, ce dernier
in solidum avec C, son assureur ».

Sur la caution, il faut préciser la demande de condamnation en


indiquant le montant.
Sur les intérêts, les demandes de condamnations
pécuniaires portant intérêts doivent préciser la
nature de ces intérêts : au taux légal ou au taux
conventionnel, le taux en question si c'est un taux
conventionnel, le point de départ et l'assiette.

La mention « intérêts de droit » est à éviter, la


mention exacte étant celle d'intérêts au taux légal.
Sur l’astreinte, il est déconseillé de demander d'assortir une obligation de
payer d'une astreinte.
Lorsque la demande de condamnation porte sur une obligation de faire ou
de ne pas faire, il faut préciser :
• la nature exacte de l’obligation ou de l’interdiction (afin d'éviter toute
discussion ultérieure sur la consistance ou l'étendue de l'obligation),
• la nature de l'astreinte, à savoir provisoire ou définitive, étant précisé
qu'une astreinte ne peut être initialement que provisoire,
• le montant de l'astreinte et sa périodicité,
• la durée sur laquelle il est souhaité de voir courir l'astreinte,
• le point de départ de l'astreinte,
• la mention éventuelle relative à la juridiction qui liquidera l’astreinte
(celle qui l’a ordonnée ou le JEX).
En cas de demande de délais de paiement sur le fondement de l'article
1343-5 du code civil ou en application des textes sur les expulsions, il
convient de préciser :
• la nature du délai, soit fractionnement du paiement soit report de
paiement,
• la durée,
• la périodicité des paiements en cas de fractionnement,
• la clause de déchéance du terme (dans les conclusions du créancier).

En application de l'article 511 du code de procédure civile, le délai court


du jour du jugement lorsque celui-ci est contradictoire et ne court, dans
les autres cas, que du jour de la notification du jugement.
Ø Vocabulaire

Toujours pour exprimer un doute sur ce que la partie adverse soutient ou une critique sur ce qui a été
jugé, il faut utiliser un vocabulaire adapté tel que les verbes « soutenir », « prétendre » par opposition à
« dire » ou « confirmer » et les expressions « à tort », « de manière erronée » par opposition à « à juste
titre », « à bon droit », « justement »… Il faut également penser à utiliser le conditionnel lorsque l’on
évoque la position de la partie adverse, pour insinuer un doute sur la véracité de ses propos : « M. Éric
Dupond soutient qu’il aurait parfaitement respecté les termes du contrat » ; il en est de même lorsque
l’on critique une décision : « le tribunal a jugé que la société Metropolitanus se serait livrée à des
manœuvres anticoncurrentielles en ce qu’elle aurait… ».

Par opposition, lorsque l’on exprime la position de son client ou lorsque l’on souhaite voir une décision
confirmée, l’on utilise l’indicatif : « M. Éric Dupond a parfaitement respecté les termes du contrat en ce
qu’il a… » ou « le tribunal a, à juste titre, jugé que la société Metropolitanus avait commis des
manœuvres anticoncurrentielles lorsqu’elle a… ».

Enfin, l’on demande à une juridiction de juger « irrecevable » une partie lorsque l’on a développé une fin
de non-recevoir, mais de la débouter ou de rejeter ses demandes lorsque l’on a développé des moyens
de pur fond : l’on ne peut pas solliciter de la juridiction qu’elle juge irrecevable ou recevable une partie
lorsque ne figurent nulle part dans les écritures de fins de non-recevoir.
Ø Typologie
Lorsqu’un doute existe sur la manière correcte d’écrire certains mots ou formules, il convient de se reporter aux arrêts
de la Cour de cassation ou aux codes.

Voici, cependant, quelques conseils, en rappelant que la typologie doit être uniforme au sein des jeux d’écritures et
que l’on ne peut pas écrire, alternativement, dans les mêmes écritures, par exemple « M. Dupond » et « Monsieur
Dupond » puis « Eric Dupond » ou encore « la société Metropolitanus » puis « Metropolitanus sa » et «
MetRoPolitanus » : il faut choisir une version et la conserver tout au long des écritures.

■ Monsieur, Madame ou M., Mme ?


Lorsque l’on rédige des écritures, il faut toujours faire précéder, pour les personnes vivantes, leurs nom et prénom de :
M., Mme ou Mlle (jusqu’à 18 ans, après c’est Mme pour éviter les discriminations, quand bien même la personne en
cause ne serait pas mariée) et, au pluriel, MM., Mmes, Mlles.

La seule hypothèse où l’on écrit Monsieur, Madame, Mademoiselle, Messieurs, Mesdames et Mesdemoiselles est
lorsque l’on s’adresse à la ou aux personne(s), et non lorsque l’on parle d’elle(s) : c’est le cas sur une enveloppe ou en
tête d’une lettre (par exemple : « cher Monsieur » ou « Monsieur Éric Dupond » avant de préciser son adresse).

Il faut également retenir que, lorsque l’on parle d’un défunt, l’on ne fait pas précéder son nom ni de M., ni de Mme, ni
de Mlle.
■ Majuscules ou minuscules ?

◊ Pour les institutions :


Les institutions ne s’écrivent avec une majuscule que lorsqu’elles sont uniques : La Cour de
cassation, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État (État prend toujours une majuscule
lorsque le terme est utilisé au sens d’étatique), la Cour européenne des droits de l’homme.
Mais la cour d’appel de (ville), le tribunal de grande instance de (ville), le tribunal de
commerce de (ville), le tribunal d’instance de (ville)…, sauf lorsque l’on s’adresse à
l’institution, auquel cas l’on peut utiliser des majuscules : « il est demandé à la Cour de ».

◊ Pour les titres :


On n’utilise jamais de majuscule pour désigner une autorité judiciaire : le procureur de la
République, le procureur général près…, le premier président, le président, le juge… sauf
lorsque l’on s’adresse à la personne concernée, soit dans des écritures, soit dans une lettre,
auxquels cas l’on peut utiliser des majuscules : « il est demandé au Premier Président de »
ou « Monsieur le Procureur Général ».
◊ Pourles textes :
Les codes, lois, décrets ne s’écrivent jamais avec une majuscule, mais, comme pour les institutions, les
textes s’écrivent avec une majuscule lorsqu’ils sont uniques comme la constitution, la convention
européenne des droits de l’homme ou encore la Déclaration universelle des droits de l’homme.

◊ Pour les noms propres :


Les noms propres s’écrivent avec une seule majuscule, au début du mot, et non intégralement en
majuscule.

◊ Pour les sociétés :


La « société » ne reçoit pas de majuscule, sauf si le mot fait partie de son intitulé : « la société nationale
des chemins de fer français ». Tout comme les noms propres, le nom des sociétés s’écrit avec une seule
majuscule au début du mot.

◊ Pour les nationalités, les régions et les villes :


Le substantif prend une majuscule : les Français, les Normands, les Bordelais, mais l’adjectif s’écrit en
minuscules : les décrets français, les juges britanniques, les sociétés normandes, les avocats parisiens.

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