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SOMMAIRE
INTRODUCTION
I – La compétence exclusive de la CCJA
A – La nécessité d’une harmonisation de l’application et de l’interprétation des Actes
Uniformes
B – L’application et l’interprétation des Actes Uniformes, critère de compétence de la
CCJA
1°- Les domaines de compétences de la CCJA
2°- Les modes de saisine de la CCJA
a) La saisine par les parties
b) La saisine par les juges suprêmes nationaux
II – La compétence partagée entre la CCJA et les juridictions nationales de cassation
A – L’application des Actes Uniformes combinés avec des matières non harmonisées
1°- Le renvoi à la CCJA pour les Actes Uniformes
2°- La réaffirmation de la compétence de la Cour suprême pour les matières
non harmonisées
B – La portée de la mise en œuvre de la combinaison des Actes Uniformes avec les
matières non harmonisées.
ANNEXE – Arrêt de la Cour suprême du Niger du 16 août 2001.
2
INTRODUCTION
Entre ces deux techniques juridiques, il existe une différence sur le plan de
leurs résultats dans la mesure où si l’harmonisation s’accommode de multiples
disparités juridiques, à l’inverse, l’uniformisation ne laisse place à aucune diversité.
Dans la présente espèce, si l’on se réfère aux faits tels qu’ils sont relatés par la
Cour suprême, il s’agissait d’une assemblée générale (A.G.) tenue courant décembre
1999 qui décidait de la recapitalisation de la Société Nigérienne d’Assurance et de
Réassurance Leyma (SNAR Leyma) par l’émission de 70.000 actions nouvelles.
1
Cf. Joseph ISSA-SAYEGH, L’intégration juridique des Etats africains de la zone franc, Penant,
1997, n° 823, p. 5 et suiv. et n° 824, p. 125 et suiv.
2
Cf. article 1er alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général (AUDCG). Adde
article 1er alinéa 3 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (AUDSC GIE).
3
Cour suprême du Niger (Chambre judiciaire). Arrêt n° 01-158/C DU 16/08/01. Arrêt inédit à notre
connaissance.
3
Ces faits ayant engendré un litige, les parties ont décidé de porter l’affaire en
justice.
Trois jours après, le juge donne une satisfaction à sa requête par l’ordonnance
n° 0352/PTR/NY en date du 23 avril 2001 qui désigne le même notaire comme
mandataire judiciaire.
4
OHADA : Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique signé à Port Louis le 17
octobre 1993 par les Etats suivants : Bénin, Cameroun, Comores, Burkina Faso, Centrafrique, Congo,
Côte d’Ivoire, Guinée Equatoriale, Niger, Gabon, Mali, Sénégal, Tchad et Togo.
5
Mais, cet argument du défendeur sera rejeté par la Cour suprême du Niger au
motif que cette thèse ne peut être admise que lorsque le pourvoi est basé uniquement
sur l’application des Actes Uniformes.
Or, en l’espèce, cela n’avait pas été le cas dans la mesure où, non seulement
des dispositions du Code de Procédure civile, du Code civil et du Code CIMA6 étaient
invoquées, mais encore et surtout, le moyen mis en exergue était la violation de la
procédure du référé.
Sur ce point, la réponse de la Cour suprême paraît d’autant plus fondée que
les juridictions nationales de Cassation sont des juges du droit7. De ce fait, elles ne
sauraient examiner ni des moyens mélangés de fait et de droit, ni, comme c’était le cas
en l’espèce, des moyens dépourvus de valeurs juridiques.
5
En abréviation C.C.J.A. ou Cour Commune : Doct. Cf. Etienne NSIE, La Cour Commune de Justice
et d’Arbitrage, Penant, sept-décembre 1998, p. 308.
6
CIMA : Code des Assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des marchés
d’assurance.
7
En droit français, Cf. Marie Noëlle JOBARD-BACHELLIER et Xavier BACHELLIER, La
technique de Cassation, Pourvois et arrêts en matière civile, 2e éd., Dalloz 1991, p. 37 et s.
6
Procédure civile disposant que « les ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice
au principal ».
Or, dans le cas d’espèce, le Président du Tribunal n’avait pas respecté cette
procédure contradictoire lorsqu’il avait décidé de désigner un mandataire judiciaire par
une ordonnance sur requête.
8
En droit français, Cf. Mimin, Moyens d’ordre public et office du juge, J.C.P. 1946.I., p. 452.
7
Ceci étant, dans le cadre de nos observations, nous avons choisi d’axer nos
réflexions uniquement sur la problématique de la juridiction compétente pour statuer
sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort en application des
Actes Uniformes.
A ce sujet, la Cour suprême du Niger décide, d’une part que la CCJA n’est
compétente que pour l’application des Actes Uniformes et que d’autre part, lorsque le
pourvoi n’est pas fondé uniquement sur les Actes Uniformes, la Cour suprême a la
possibilité de ne pas renvoyer l’affaire auprès de la CCJA.
Dans notre cas d’espèce, la Cour suprême du Niger fait une application de
toutes ces règles de compétence et de saisine de la Cour Commune. Dans cette
optique, il convient de cerner, d’une part, la justification de cette exclusivité de
compétence dévolue à la CCJA à travers l’analyse de la nécessité d’une harmonisation
de l’application et de l’interprétation des Actes Uniformes (A) et, d’autre part,
l’application et l’interprétation des Actes Uniformes, comme critère de compétence de
la CCJA (B).
9
Cf. article 15 du Traité de l’OHADA.
9
Cette exclusivité est d’autant plus admissible que des divergences peuvent
exister entre plusieurs juridictions nationales de fond chargées d’appliquer les Actes
Uniformes.
10
Cf. article 13 du Traité de l’OHADA.
11
Cf. article 14 alinéa 1 du Traité de l’OHADA.
10
Tout compte fait, ce bouleversement s’impose car il est dicté par un impératif
qui se résume à l’argument décisif selon lequel « un droit uniforme appelle une
interprétation uniforme »15.
12
Cf. Benjamin BOUMAKANI, Le juge interne et le « Droit OHADA », Penant n° 839, avril/juin
2002, pp. 133 à 154.
En effet, selon l’auteur : « la multiplicité des juges internes qui sont appelés à appliquer dans les Etats
membres le « droit OHADA » dans les litiges où celui-ci est invoqué au même titre que leur droit
national est, sans doute, un gage d’efficacité dans son application tout comme elle peut conduire à des
interprétations multiples et divergentes. Dans ce dernier cas, le contenu du droit OHADA risque de
devenir propre à chaque Etat. Il faut dès lors que les juges internes soient encadrés par une Cour
régulatrice ».
13
Cf. article 20 du Traité de l’OHADA.
14
En effet, dans les ordres juridiques internes des Etats, la cassation sans renvoi constitue l’exception
auprès des juridictions de cassation en matière civile et commerciale.
15
Selon l’expression partagée de Tristan Gervais de LAFOND, dans son article Le Traité relatif à
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, Gaz. Pal. 1995, 20-21 sept. 1995, Doct. p. 2. Au
surplus, M. BOUMAKANI fait observer, dans son article précité, qu’il serait illogique et néfaste pour
la cohésion juridique de l’OHADA qu’à partir d’une même disposition du droit OHADA, les
justiciables soient jugés différemment à Abidjan, Dakar ou Brazzaville…
11
Par ailleurs, il faut préciser que la CCJA ne disposant pas de pouvoir d’auto-
saisine, elle ne saurait se prononcer qu’à la demande des parties ou des juridictions
nationales des Etats ou bien encore des Etats membres du Traité.
D’abord, les Actes Uniformes sont pris en application du Traité qui leur
confère une force contraignante16.
Il résulte donc des observations qui précèdent que l’examen des domaines de
compétence de la CCJA peut être fait au-delà du cadre tracé par la Cour suprême du
Niger.
16
Cf. article 10 Traité OHADA : « Les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires
dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.
17
Cf. E. NSIE, op. cit., p. 315. Cf. les attributions non juridictionnelles de la CCJA.
18
Cf. article 5 combiné avec l’article 2 du Traité de l’OHADA.
13
Dans notre cas d’espèce, l’Acte Uniforme visé tacitement par le pourvoi
introduit auprès de la Cour suprême du Niger concernait le droit des Sociétés
Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique dans la mesure où le litige
était consécutif à l’augmentation de capital d’une Société commerciale.
Ce sera notamment le cas de certains litiges de faible valeur qui sont jugés en
premier et dernier ressort20.
19
Cf. art. 14 al. 4 du Traité de l’OHADA.
20
Par exemple au Sénégal, en matière de bail à usage d’habitation, le Tribunal départemental se
prononce en dernier ressort lorsque le taux du loyer est inférieur ou égal à 25.000 francs CFA. Encore
que le Tribunal départemental ne soit pas le tribunal de droit commun en matière commerciale, cette
juridiction bénéficie, au Sénégal, de compétences spéciales qui auraient pu être dévolues au Tribunal
régional qui est la juridiction de droit commun au Sénégal.
Egalement, il faut préciser que l’exemple choisi a pour objet d’illustrer la notion de litiges de faible
valeur qui sont dévolus généralement à une juridiction de proximité, comme le Tribunal
départemental.
14
En outre, il convient de préciser que les Actes Uniformes peuvent inclure des
dispositions d’incrimination pénale qui feront alors partie intégrante du domaine de
compétence de la CCJA.
Compte tenu de l’importance et des incidences que peuvent revêtir les avis de
la Cour Commune, nous estimons utile de formuler des observations sur cette
question. Au demeurant, ce constat peut être illustré par l’avis de la CCJA n° 2/2000
du 26 avril 200023.
21
Cf. art. 4 du Traité de l’OHADA.
22
Cf. article 56 du Traité de l’OHADA.
23
Cet avis est publié dans l’hebdomadaire d’informations juridiques et d’annonces légales Africajuris
n° 19 du 6 au 12 juin 2002, p. 4. Il est également publié à la Revue Penant n° 837, septembre à
décembre 2001, p. 342 à 344 et Penant n° 839, avril/juin 2002, pp. 223 à 225.
On peut tout de même rappeler que d’autres avis importants ont été donnés par la CCJA. A titre
d’exemples, on peut citer :
- CCJA (26 avril 2000) : Avis sur la portée de l’article 449 de l’AUDSCGIE, à savoir s’il
s’applique aux banques et établissements financiers ? Cf. Penant n° 837 précité, pp. 342 et
343.
15
L’interprétation de cet avis a connu une fortune diverse dans la doctrine qui
semble divisée sur cette question.
D’abord, dans ses observations sur l’avis sur le site w.w.w. de l’internet, M.
Joseph ISSA-SAYEGH estime que « le refus de considérer comme possible la création
d’un poste de vice-président (…) ne peut être approuvé qu’avec réserve ».
- CCJA, Avis n° 002/99/EP, 13 octobre 1999, Cf. Penant n° 839, avril/juin 2002, pp. 221 à
223.
- CCJA, Avis n° 01/2001/EP, 30 avril 2001, Penant n° 839 précité, pp. 225 à 230.
24
En effet, il résulte de l’article 909 de l’AUSCGIE que : « la mise en harmonie a pour objet
d’abroger, de modifier et de remplacer, le cas échéant, les dispositions statutaires contraires aux
dispositions impératives du présent Acte Uniforme et de leur apporter les compléments que le présent
Acte Uniforme rend obligatoires ».
16
D’abord, ils observent que, en droit des affaires, c’est la liberté qui doit être la
règle, et l’interdiction, l’exception. Or, selon eux, l’avis de la CCJA aboutit à inverser
le principe puisqu’il considère que la création d’un poste de vice-président n’étant pas
prévue par la Loi Uniforme, ne saurait être admise. Ils en déduisent que la règle serait
que tout ce qui n’est pas expressément permis est défendu.
Ensuite, ils font remarquer que, au moment où il est admis que les décisions
des investisseurs sont, au moins partiellement, déterminées par le libéralisme et la
souplesse des règles du droit de l’Etat d’accueil, le droit lui-même devient un
instrument de concurrence27.
Au surplus, ils précisent que les législateurs nationaux souvent relayés par
leurs juges se lancent dans un mouvement de contractualisation de leur droit des
sociétés, non seulement pour attirer les investisseurs, mais aussi pour ne pas pénaliser
25
L’opinion de M. ISSA-SAYEGH est reproduite intégralement dans le magazine juridique
Africajuris précité qui se réfère à ses observations sous l’avis sur le site w.w.w..ohada.com.
26
Cf. Mohamed M.O. SALAH et Abdoullah CISSE, Droit des sociétés, Droit des sûretés et Droit
bancaire. Quelle place pour les vice-présidents dans les sociétés anonymes ? (Avis de la CCJA n°
2/2000/EP du 26 avril 2000), Africajuris, op. cit. p. 4..
27
M. M.O. SALAH et A. CISSE, op. cit. p. 5.
17
les opérateurs économiques par rapport à leurs concurrents étrangers qui ont un droit
plus souple.
Selon nous, l’avis rendu par la CCJA adopte une conception assez rigide de la
notion d’ordre public sociétaire, qui, au demeurant, est en contradiction avec
l’évolution du recul de la notion d’ordre public économique dans un contexte
économique où il est essentiel que ce droit soit appliqué avec diligence, dans les
conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de
favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager l’investissement28.
Il s’y ajoute que cet avis aura une portée considérable sur la représentation des
organes et l’organigramme des banques et établissements financiers où les
gouvernements africains avaient déjà institué le poste de vice-président de Conseil
d’administration dans certaines banques29.
28
Cf. Préambule du Traité de l’OHADA. Sur l’ordre public économique, cf. notre Thèse « L’ordre
public économique dans un pays en développement : l’exemple du Sénégal », Thèse pour le Doctorat
d’Etat en Droit (Dakar, UCAD, F.S.J.P., 27 février 1998).
29
C’est notamment le cas du gouvernement sénégalais qui était, du reste, l’auteur de la question
adressée au CCJA.
18
D’après la Cour suprême du Niger, la CCJA peut être saisie par les parties
dans deux situations.
De façon générale, on peut faire observer enfin que la saisine de la CCJA par
les parties risque de se heurter à des difficultés matérielles et financières puisque le
30
Cf. article 15 du Traité de l’OHADA.
19
Encore que cette critique soit largement fondée pour des plaideurs à faible
revenu, il convient toutefois de la relativiser dans la mesure où il y a impérativement
un prix à payer pour prétendre aux bienfaits et avantages d’une harmonisation du droit
des affaires que les opérateurs économiques privés nationaux et internationaux
appellent de tous leurs vœux.
31
Cf. article 18 al.1er du Traité de l’OHADA.
32
Cf. article 19 du Traité de l’OHADA.
20
faculté de « saisir la Cour Commune lorsqu’elle estime que la cause à elle soumise
relève de la compétence de cette Cour ».
Il faut enfin observer que lorsqu’une Cour suprême nationale méconnaît les
règles de répartition des compétences entre la Cour Commune et elle, l’une des parties
pourra élever le conflit au niveau de la Cour Commune. Et si cette dernière décide que
cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette
juridiction sera réputée nulle et non avenue33.
33
Cf. article 18 al. 3 du Traité de l’OHADA.
21
Toutefois, sur cette question, la Cour suprême du Niger adopte une position
particulière en ce sens qu’elle ne fait pas du renvoi des Actes Uniformes auprès de la
CCJA une exigence absolue.
Il s’agit, d’abord, du renvoi à la CCJA pour les Actes Uniformes (1) et,
ensuite, de la réaffirmation de la compétence des Cours de Cassation nationales pour
les matières non harmonisées (2).
22
34
Cf. les articles 14 alinéa 3, 15 et 18 du Traité de l’OHADA.
35
Il convient de préciser qu’il existe d’autres modalités de l’augmentation du capital d’une Société
commerciale. Ex. Incorporation des bénéfices dans le capital social ; la transformation d’obligations
en actions ou de la valeur nominale des actions, etc.
36
Texte de l’article 15 du Traité de l’OHADA : « les pourvois en cassation prévus à l’article 14 sont
portés devant la CCJA, soit directement par l’une des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une
juridiction nationale statuant en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à
l’application des Actes Uniformes ».
23
Tout d’abord, l’application des Actes Uniformes doit être prépondérante pour
la prise de la décision attaquée. On en déduit a contrario que lorsque l’application des
Actes Uniformes n’est pas déterminante, voire décisive, le juge national de Cassation
peut faire l’économie du renvoi auprès de la CCJA et statuer sur l’affaire en entier.
Ensuite, selon la Cour suprême du Niger, le pourvoi doit être surtout basé sur
ces Actes Uniformes.
A vrai dire, nous pensons que cette seconde condition n’en est pas
véritablement une car elle ne fait que préciser la première par une redondance.
37
Contra J. ISSA-SAYEGH, Penant 1997, parag. 122, op. cit. En effet, l’auteur fait observer qu’un
lien de connexité entre les matières harmonisées et les matières non harmonisées pourrait entraîner
l’élargissement des compétences de la CCJA au droit non harmonisé.
38
Code CIMA : Code des Assurances des Etats africains précité.
24
Toutefois, il convient d’observer que cet argument n’a pas été jugé dirimant
par la Cour suprême du Niger.
Enfin, s’agissant du Code CIMA, son invocation se justifie ici par le fait que
l’une des sociétés partie au pourvoi, en particulier le demandeur, est une société
d’assurance et de réassurances régies, par conséquent, par les dispositions du Code
CIMA applicable au Niger.
Néanmoins, l’on soulignera que cet argument non plus n’a pas été d’un poids
significatif aux yeux de la Cour suprême pour accueillir favorablement l’exception
d’incompétence soulevée par le défendeur au pourvoi.
Cependant, dans notre cas d’espèce, l’on se rendra compte que la mise en
œuvre de cette combinaison pourra déboucher sur des difficultés juridiques au sujet
39
Cf. article 96 du Code des Obligations civiles et commerciales du Sénégal (C.O.C.C.) : Force
obligatoire du contrat. « Le contrat légalement formé crée entre les parties un lien irrévocable ».
Comp. Art. 1134 al . 1 du Code civil français « Les conventions légalement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites ».
25
desquelles la Cour suprême du Niger apportera des réponses qui ne seront pas
pleinement satisfaisantes. D’où l’étude de la portée de la mise en œuvre de la
combinaison des Actes Uniformes avec les matières non harmonisées.
Dès lors, il en résulte des difficultés dans la répartition des compétences entre
la CCJA et les juges nationaux de Cassation dans la mesure où ces derniers pourraient
connaître incidemment du contentieux de l’application et de l’appréciation des Actes
Uniformes. Ceci paraît d’autant plus probable que les juridictions nationales de
cassation ont en outre une mission d’interprétation de la règle de droit40.
Pour toutes ces raisons, on en déduit que la solution rendue par la Cour
suprême du Niger est essentiellement critiquable sur ce point dans la mesure où elle est
contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 14 alinéa 1er du Traité de l’OHADA qui
donne une compétence exclusive à la CCJA en matière d’interprétation des Actes
Uniformes41.
40
En droit français, cf. M.N. J.-B. et X. BACHELLIER, op. cit. p. 38.
41
Cf. supra. 1ère partie.
26
Pour notre part, nous pensons que ce nouveau principe dégagé, à notre
connaissance, pour la première fois par l’arrêt de la Cour suprême du Niger, constitue
une manifestation de taille qui confirme et renforce à la fois un mouvement de
résistance amorcé par certains juges nationaux à propos de l’application et
l’interprétation des règles communautaires en Afrique42
42
Cf. Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique : la résistance des juges nationaux. Note sous
Tribunal Régional de Dakar, Ordonnance de référé du 23 juillet 2001, SCAT-URBAM c/ NDIR, Rev.
27
ANNEXE
La Cour suprême, Chambre Judiciaire statuant pour les affaires civiles en son audience
du jeudi seize août deux mille un, tenue au Palais de ladite Cour a rendu l’arrêt dont la
teneur suit :
Entre :
SNAR LEYMA, Société Nigérienne d’Assurance et de Réassurances Leyma,
représentée par son Directeur Général, assisté de Maîtres Manou KIMBA et Souley
OUMAROU, avocats à la Cour, Niamey ;
D’ UNE PART
ET
D’AUTRE PART
Inter. Dt. Afric., EDJA n° 50, trimestriel juil.-août-sept. 2001, pp. 75à 77.
28
Le pourvoi étant intervenu dans les forme et délai prévus par la loi, il y a lieu de le
déclarer recevable ;
Attendu que le Groupe Hima Souley assisté de Maître CISSE Ibrahim, avocat à la
Cour, défendeur au pourvoi, invoque l’incompétence de la Chambre Judiciaire de la
Cour suprême, en s’appuyant sur les dispositions de l’article 14 alinéa 3 du Traité
relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
30
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéa 3 du Traité susvisé : « saisie par la voie
du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les
juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions
relatives à l’application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent
Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales » ;
Mais attendu d’une part qu’il résulte aussi bien de l’article 14, que de l’article 15 du
Traité créant l’OHADA, qu’il appartient aux parties demanderesses au pourvoi de
saisir la Cour Commune ;
Que si cela n’a pas été fait, la Cour suprême saisie, peut elle-même saisir la Cour
Commune lorsqu’elle estime que la cause à elle soumise relève de la compétence de
cette Cour ;
Attendu d’autre part qu’aux termes de l’article 18 du Traité créant l’OHADA : « Toute
partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en
cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la
compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière
dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée » ;
Attendu que l’examen de cet article permet de se rendre compte que la compétence de
la Cour Commune n’est pas exclusive de la compétence des juridictions nationales des
Etats parties au Traité ; sauf la possibilité de recours ouverte à la partie ou aux parties
ayant soulevé l’incompétence dans le délai prévu à l’article 18 du Traité précité ;
Attendu enfin, qu’il résulte de la combinaison des articles précités que la Cour
Commune n’est compétente que pour l’application des Actes Uniformes, qu’ainsi
lorsque le pourvoi n’est pas exclusivement fondé sur les Actes Uniformes, comme
c’est le cas en l’espèce où des dispositions du Code de Procédure Civile, du Code Civil
31
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter cette exception et
de se déclarer compétente ;
Attendu que ce moyen est inopérant car non étayé par des moyens juridiques ; qu’il y a
lieu également de le rejeter ;
AU FOND
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche aux juges d’appel d’avoir reconnu la
qualité d’actionnaire au Groupe Hima SOULEY, et ainsi d’avoir outrepassé leurs
pouvoirs de juges des référés ;
Attendu que les mesures susceptibles d’être ordonnées en référé sont des dispositions
provisoires de nature à remédier à un état de crise conflictuelle sans pour autant
trancher au fond le litige, ni fixer les droits des parties ; qu’ainsi les mesures prises en
32
référé ne doivent pas avoir un caractère irréversible qui serait incompatible avec la
nature provisoire du référé ;
Sur le moyen relevé d’office tiré du non respect de la procédure de référé pour la
désignation du mandataire judiciaire
Attendu que l’article 516 de l’Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés
Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique invoqué par le Groupe « Hima
Souley » pour obtenir la désignation du mandataire judiciaire spécifie que cette
désignation ne peut intervenir que selon la procédure du bref délai et en cas
d’urgence ;
Attendu que le recours à ces notions de « bref délai »et « d’urgence » suffisent
amplement à démontrer que seule la voie de référé, procédure contradictoire, est
ouverte pour la désignation de ce mandataire ; que cette procédure contradictoire a
l’avantage d’une part de permettre au Président du Tribunal de s’assurer que toutes les
conditions posées par le texte sont réunies et d’autre part qu’il y a urgence nécessitant
son intervention ;
Mais attendu en l’espèce que le Président du Tribunal a statué par simple ordonnance
sur requête ; qu’en ne censurant pas une telle décision, l’arrêt de la Cour d’Appel a lui-
même violé la loi ; qu’il encourt cassation de ce chef ;
33
Attendu, et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, qu’il y
a lieu de casser et annuler l’arrêt n° 81 du 23 mai 2001 de la Cour d’Appel de
Niamey ;
Attendu que cette cassation ne laissant rien à juger, il y a lieu de dire qu’elle sera faite
sans renvoi, les parties demeurant à la situation antérieure à la désignation du
mandataire judiciaire ;
En la forme :
- Reçoit le pourvoi de SNAR-Leyma ;
- Rejette l’exception d’incompétence et de fin de non-recevoir ;
Au fond :
- Casse et annule l’arrêt n° 81 du 23 mai 2001 de la Cour d’Appel de
Niamey ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu à renvoi, les parties demeurant à la situation
antérieure à la désignation du mandataire judiciaire ;
- Condamne le « Groupe Hima SOULEY » aux dépens ;
34
Ainsi, fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour suprême, Chambre Judiciaire,
les jour, mois et an que dessus ;