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Dans sa seconde approche, Monsieur Onana Etoundi nous livre une analyse des arrêts de la
Cour. Il s’en dégage une tendance jurisprudentielle de cette juridiction en matière de règles de
compétence et de procédure.
En ce qui concerne sa compétence, l’auteur constate que la CCJA se déclare
systématiquement incompétente lorsqu’est soumise à son contrôle, la décision d’une
juridiction interne d’un Etat membre consistant en une condamnation à une sanction pénale ;
ainsi en a-t-elle décidé dans un arrêt du 12 juin 2004 : « Société Guinéenne d’Assurances
Mutuelles contre Société Nationale d’Assurances Mutuelles et autres ».
Dans le même ordre d’idées, la Haute Juridiction de l’OHADA s’est déclarée incompétente
pour statuer dans l’affaire « Nouvelle scierie Serve et autres c/ M. Vincent Pierre Lokrou » du
28 décembre 2006, au motif que les moyens soulevés devant elle par les parties n’étaient pas
relatifs à l’application d’un Acte uniforme et concernaient l’application des normes de droit
interne. En outre, la CCJA estime qu’elle ne peut être saisie que si l’incompétence de la
juridiction nationale statuant en cassation a été soulevée devant celle-ci (arrêt
n° 02412004/CCJA du 17 juin 2004 ; « Aboa Achoumou Etienne c/ La Société Générale de
Banque en Côte d’Ivoire et M. Souleymane Sangare »). Il est toutefois intéressant de noter
que même dans l’hypothèse où une Cour suprême se serait préalablement déclarée
incompétente au profit de la juridiction communautaire, cette décision ne lie pas la CCJA ;
autrement dit, cette dernière peut, elle aussi, se déclarer incompétente et renvoyer l’affaire aux
juridictions nationales.
Sur l’application des Actes uniformes dans le temps, la CCJA rappelle que ceux-ci n’ont pas
d’effet rétroactif et qu’elle ne saurait donc être compétente pour statuer sur des procédures
ayant débuté antérieurement à l’entrée en vigueur des Actes uniformes. Il s’agit là d’une
position constante de Cour depuis 2001 (cf. arrêt n° 001/2001 du 11 octobre 2001,
« Etablissements Thiam Baboye “ETB” c/ Compagnie Française Financière “CFCF” »). Il
en va de même pour les instances arbitrales : ces dernières ne peuvent se voir appliquer l’Acte
uniforme relatif au droit de l’arbitrage, qu’à condition qu’elles soient nées postérieurement à
son entrée en vigueur.
En ce qui concerne le droit des sociétés, la CCJA s’est notamment attachée à cerner la notion
de société fictive ; ainsi, les apports en nature faits à une société et utilisés par son fondateur
pour ses activités personnelles, la non-immatriculation de la société au registre du commerce
et du crédit immobilier ou encore la non-tenue d’assemblée générale depuis la création de la
société constituent autant d’éléments qui permettent de déterminer l’absence de personnalité
juridique de la société et donc, son caractère fictif, ainsi en outre qu’une confusion entre le
patrimoine de la société et celui de son fondateur.
Par ailleurs, saisie d’une requête à fin d’avis consultatif, la Haute Juridiction a rappelé que les
banques et les établissements financiers sont des sociétés commerciales qui doivent se voir de
ce fait appliquer les dispositions de l’article 449 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés
commerciales et au groupement d’intérêt économique ; dès lors, un poste de vice-président ne
saurait être institué dans les organes dirigeants des sociétés anonymes, au risque de violer les
dispositions de l’article 909 dudit Acte.
La troisième approche de l’auteur concerne les tendances jurisprudentielles de la CCJA en
matière d’application des règles de fond et de droit substantiel. Se pose notamment la question
de l’exécution provisoire des décisions de justice et des défenses à ces exécutions provisoires.
S’il est vrai que l’exécution provisoire peut apparaître comme un droit pour le créancier, elle
peut néanmoins causer de graves préjudices au débiteur, ou parfois des décisions de défense
prises à l’encontre de ces exécutions. Dans un arrêté du 11 octobre 2001, la CCJA a toutefois
posé que ces défenses à l’exécution provisoire ne seraient plus possibles dès lors que
l’exécution aurait été entamée ; face au mécontentement de la doctrine, la juridiction de
cassation de l’OHADA a précisé que seules restaient valables les défenses à l’exécution
tendant à empêcher que l’exécution forcée d’un titre exécutoire par provision ne soit engagée.
En matière de saisie-attribution, la CCJA considère qu’un tiers ne peut être saisi dès lors qu’il
existe à son encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Par ailleurs,
il demeure impossible à un créancier d’effectuer une saisie-attribution, s’il n’est pas muni
d’un titre exécutoire.
Les échanges commerciaux impliquent que des personnes morales de droit public soient
fréquemment en relation d’affaires avec des personnes de droit privé, physiques ou morales.
Se pose alors la question des immunités dont jouissent ces personnes morales de droit public
et notamment, de l’immunité d’exécution. Ainsi, si l’article 30 alinéa 1er de l’Acte uniforme
relatif aux voies d’exécution leur reconnaît une immunité face aux mesures conservatoires et à
l’exécution forcée, l’alinéa 2 du même texte y met toutefois un bémol, en indiquant la
compensation de leurs dettes certaines liquides et exigibles avec celles de leurs
cocontractants.
Bien que cette disposition restreigne la portée de l’immunité d’exécution, il n’en demeure pas
moins une certaine insécurité pour les créanciers de ces personnes morales de droit public qui,
à moins d’être également débitrices de leur cocontractant, ne disposent d’aucun recours pour
contraindre la personne publique à s’exécuter.
C’est donc dans une optique de sécurisation juridique et de relance de la compétitivité des
entreprises, que la loi togolaise du 4 décembre 1990, en son article 2, a soustrait les
entreprises publiques du régime de droit public pour les soumettre au régime du droit privé ;
la conséquence qui en découle est alors que ces personnes morales de droit public ne
bénéficient plus des immunités d’exécution et que leurs biens peuvent désormais faire l’objet
de saisie.
Nous approuvons pleinement la position de Monsieur Onana Etoundi qui regrette que la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage n’ait pas statué dans le sens de cette législation et ait
conservé, dans l’arrêt « Togo Telecom », une interprétation extensive de l’immunité
d’exécution dont jouissent les personnes morales de droit public. Néanmoins, la juridiction
communautaire se refuse à retenir cette même interprétation lorsque le bien intéressé par la
saisie est affecté à une activité commerciale. Autrement dit, l’immunité d’exécution ne
bénéficie aux personnes morales de droit public, que dans le cadre de leurs activités de service
public.
En conclusion de cette présentation, on ne peut que s’associer aux compliments formulés par
Monsieur Jacques M’Bosso, premier vice-président de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage, qui dans sa préface, déclare l’ouvrage de Félix Onana Etoundi comme présentant
un triple intérêt :
- pratique, pour les usagers et les praticiens du droit des affaires issu de l’OHADA ;
- théorique, pour les universitaires ;
- interpellant, pour les Etats parties au Traité OHADA dont la législation nationale n’a pas
encore été mise en conformité avec les dispositions dudit Traité.
Nous ajouterons qu’il s’agit là aujourd’hui d’un ouvrage de référence à lire absolument par
tous ceux qui manifestent un intérêt pour l’OHADA.
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