Vous êtes sur la page 1sur 11

Ohadata D-02-01

LE REGIME DES NULLITES DES ACTES DE PROCEDURE DEPUIS


L’ENTREE EN VIGUEUR DE L’ACTE UNIFORME PORTANT
ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE
RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION
(A la lumière de quelques décisions récentes)
PAR
Maître IPANDA
AVOCAT
B.P. 1060 Yaoundé Cameroun
( In REVUE CAMEROUNAISE DU DROIT DES AFFAIRES n°6 (Jan –Mars 2001 )

L’espoir qu’a fait naître une récente Ordonnance de référé du Tribunal de Première
Instance de Yaoundé statuant sur un problème de nullité des actes de procédure aura été de
courte durée, après la censure de cette décision par l’arrêt rapporté (1).
En effet, c’est dans une espèce banale que ce juge a choisi de rendre une décision fort
remarquable lorsqu’il a repoussé une demande de main levée de saisie fondée sur la violation
consommée d’une formalité prescrite à peine de nullité.
En l’espèce, il était reproché à l’exploit ayant opéré saisie conservatoire des comptes de
l’ONADEF, d’avoir omis de faire mention dans l’acte de saisie de la forme de cette entreprise
d’Etat, ainsi que l’exige l’article 77 al. 2 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution .
Alors que pour l’ONADEF , la nullité s’imposait légalement au juge, l’Ordonnance créée
la surprise en déboutant cette société de sa demande comme non fondée .
La Cour d’Appel du Centre, intervenant dans ce débat juridique, refuse d’accorder sa
caution à une lecture à son sens, assez hardie des dispositions de l’Acte Uniforme relatives aux
nullités (2).
Dans l’arrêt qu’elle rend le 16 Juin 2000, elle infirme l’Ordonnance du premier juge ,
après avoir rappelé que les formalités dont la violation était reprochée à l’acte étaient prescrites à
peine de nullité.
Ainsi , pour la Cour d’Appel, le Juge est dépourvu de tout pouvoir d’appréciation en
présence d’une mention dont l’irrespect est légalement sanctionné par la nullité.
En l’état, il n’y a rien à opposer à cette puissante argumentation. Le débat en la matière
semble même aujourd’hui voué à l’échec, surtout après l’avis donné en 1999 par la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) sur le régime des nullités (3).
Mais cela ne signifie pas qu’il soit inutile de revenir sur ce problème pour en faire une
analyse approfondie afin de mieux cerner sa portée pratique.

1. C.A CENTRE Arrêt n° 332/Civ du 16 Juin 2000 Aff. ONADEF C/ BELIBI Rupert.
2. J.O OHADA . n° 6 du 01/06/1998
3. Voir. WWW . OHADA . Com

On doit rappeler ici, en contemplation de l’arrêt rapporté, que le saisissant


soutenait dans ses conclusions devant les juridictions de fond que l’ONADEF étant une
société d’Etat bien connue et bien fixée à Yaoundé, la mention de sa forme ou plus
précisément l’omission d’une telle mention ne pouvait justifier la nullité de l’exploit.
Appréhendé sous sa dimension juridique, ce moyen de défense ne se bornait pas
seulement à exposer une situation de fait donnée. Son économie était plus profonde dès
lors qu’il conduisait à se demander si un exploit ou un acte de procédure peut être annulé
en l’absence d’un grief subi par la partie qui s’en prévaut.
Cette question, comme on va le constater, reste envahissante à la lecture de l’Acte
Uniforme , notamment, au regard du très grand nombre de formalités dont la violation est
sanctionnée par la nullité. Elle mérite d’être posée car depuis l’entrée en vigueur de
l’Acte Uniforme, l’automatisme des nullités, ce vestige du passé semble bien refaire
surface en procédure (I). au grand détriment des acquis du droit antérieur.
Mais à l’heure où le droit se mondialise, on doit cependant discuter de l’intérêt
qu’il y a à revenir en Afrique, à un système qui favorise le dilatoire et consacre les
solutions contraires à l’évolution du droit contemporain (II).

I – LA CONSECRATION DE L’AUTOMATISME DES NULLITES


On est tout à fait unanime à reconnaître que le législateur OHADA n’a pas eu la
main légère en édictant les sanctions des irrégularités des actes et exploits, dans les
matières que l’Acte Uniforme n° 6 organise.
Mises à part, les procédures relatives aux saisies portant sur les créances
d’aliments ou de salaires (4) et exceptés quelques formalités en matière de saisie
immobilière (5) , qui échappent aussi aux sanctions automatiques, on trouve, à côté des
causes d’irrecevabilité, de caducité et de déchéance, une multiplicité de mentions dont
l’inobservation entraîne la nullité. Ainsi, quatorze articles au moins renferment une série
de mentions de cette catégorie pour la seule saisie immobilière, et un peu plus de trente
articles contiennent des mentions identiques pour les autres différentes procédures de
recouvrement simplifiées. En somme, près de cinquante articles sur les 334 que compte
l’Acte Uniforme, sanctionnent par la nullité, la violation d’une multiplicité de mentions
dites obligatoires. C’est un nouveau droit des nullités qui vient d’être mis en place à la
fois, dans son libellé et dans son contenu.
La mention dont la Cour d’appel du Centre sanctionne l’inobservation par la
nullité dans l’espèce rapportée entrait bel et bien dans cette seconde catégorie et c’est tout
naturellement que cette Cour infirme la décision du premier juge qui se trouvait, sans
aucun doute, en porte – à – faux avec une disposition impérative de l’Acte Uniforme.

4. Titre V art. 173 et S.


5. Art. 254, 267, 277et 297 al. 1er A.U.

Sur le plan pur du droit commun processuel, l’arrêt n’innove nullement. Si l’on veut
d’ailleurs le situer dans un courant jurisprudentiel , on peut dire qu’il est à la fois, l’illustration
d’un aspect du système qui était déjà en cours dans certains textes métropolitains ou coloniaux
applicables dans certains territoires africains anciennement administrés par la France notamment
(6) , et le signe de l’implacable rigueur qu’annonce la nouvelle législation communautaire. Il
n’est donc pas inutile de se demander si par rapport au passé, ce choix permet d’atteindre les
objectifs du législateur communautaire.

A – LES ENSEIGNEMENTS DU DROIT ANTERIEUR

1. L’EVOLUTION DES NULLITES EN FRANCE

Dans une série d’arrêts rendus à l’aube du siècle qui s’achève sous l’empire de l’ancien code
de procédure civile, lui-même inspiré par l’Ordonnance de 1667, la Cour de Cassation Française
retenait déjà que lorsqu’une règle de forme est prescrite à peine de nullité , sa violation doit
automatiquement entraîner l’application de la sanction légale (7) .
Cette jurisprudence a reçu en doctrine, d’éminentes approbations. Le professeur PIERRE
HEBRAUD qui a particulièrement vanté les mérites d’un tel système dans une note publiée au
DALLOZ en 1948, a eu à relever que le caractère péremptoire des nullités devait être considéré
comme un moyen très efficace pour maintenir chez les Officiers ministériels une pratique
correcte (8) .
En 1948, le temps était d’ailleurs très favorable à la thèse de l’automatisme des nullités
textuelles, après l’échec du système Romain des origines dit des légis actiones et les abus
commis par certains parlements de l’ancien droit français dans la mise en œuvre du pouvoir
d’appréciation reconnu postérieurement au juge. Tous ces systèmes sont d’ailleurs bien connus et
remarquablement exposés en doctrine pour qu’il soit encore nécessaire de les reprendre ici. (9)
Mais, il n’en demeure pas moins qu’un autre courant doctrinal dont les chefs de file ont été,
sans aucun doute, GLASSON et TISSIER, a largement démontré le caractère inadapté de
l’automatisme des nullités.
Pour ces auteurs, il est dangereux d’annuler un acte de procédure sans démontrer
préalablement le préjudice qu'il cause à celui qui s'en prévaut. (10)
De leur côté, H. SOLUS et R. PERROT exposent que la conception légaliste des nullités
présente le grave inconvénient d’entretenir la chicane, dès lors que certains plaideurs utilisent la
nullité moins pour assurer la sauvegarde des intérêts que la formalité méconnue avait pour but de
protéger, que comme un moyen destiné, soit à retarder l’issue du procès soit à compromettre
définitivement le droit de l’adversaire si l’acte ne peut plus être refait … (11)

1. Cameroun, Gabon notamment.


2. Cass. Ch. réun. 17.7.1902 S. 1903 .1. 302, Cass. req 29 Nov. 1911 D. 1912 1. 294,
Cass. Civ. 16 Juin 1925 D..P. 1927 . 1. 31.
3. Vote D. 1948. 179.
4. Sur l’ensemble de ces systèmes. V. SOLUS et PERROT. T1. Notions fondamentales Sirey 1961. P. 363 et S., Vincent et
GUINCHARD Précis DALLOZ. 24e éd. P. 177 et S ; Vincent Procédure Civile. Précis DALLOZ. 19e éd. P. 421 et
5. GLASSON, TISSIER et MOREL, T2 n° 441 P. 340
6. SOLUS et PERROT op. cit.

Ces critiques n’ont pas manqué d’exercer leur attrait sur l’évolution du droit des nullités.
Déjà, en 1933 (12) et en 1935 (13), la règle " pas de nullité sans grief n’opère rien
" fut introduite dans l’ancien Code de procédure civile français.
Magistralement exposée par H. SOLUS et R. PERROT dans le premier livre de
leur monumental ouvrage sur le Droit judiciaire privé (14), la notion de grief se présente
en droit moderne, à la fois comme condition d’existence et comme condition de mise en
œuvre de la nullité.
Comme condition d’existence, on se place ici dans l’hypothèse où le législateur
n’a prévu lui- même aucun cas de nullité. Dans ce cas, le grief apparaît alors comme
l’unique critère d’appréciation de la nullité. (15)
Par contre, lorsque le législateur a lui- même fixé les cas de nullité, (comme dans
l’Acte Uniforme n°6 ) la règle " pas de nullité sans grief n’opère rien " n’a pas pour but
de remettre en cause, les cas de nullité édictés par la loi. Elle vise uniquement, et c’est ce
qui est important, à interdire le prononcé de la nullité lorsque celui qui s’en prévaut ne
rapporte pas la preuve du préjudice subi.
La doctrine et la pratique modernes sont alors unanimes pour dire que dans ce dernier
cas, la règle pas de nullité sans grief n’opère rien intervient d’une part, pour corriger
l’automatisme des nullités dans les cas où cette sanction est édictée par la loi ; d’autre
part, et par voie de conséquence, pour restituer, une marge d’appréciation au juge (16) .
Cet ensemble de solutions n’a pas manqué d’inspirer le législateur colonial
lorsqu’il s’est agi de doter les colonies africaines ou les pays sous tutelle, d’une
législation propre.
2 – EVOLUTION DES NULLITES EN AFRIQUE

En Afrique, la question récurrente qui s’est alors posée était de savoir si la


sanction des irrégularités de procédure devait être décidée par la loi ou laissée à la libre
appréciation du juge.
Les réponses ont naturellement variées, selon les pays destinataires et selon les
législations inspiratrices
.
Dans les pays anciennement administrés par la France, particulièrement au
Cameroun et au Gabon, deux systèmes se sont partagés les suffrages. Le système libéral
qui subordonne la nullité à l’existence d’un grief, et le système mixte qui, en plus du
grief, ajoute aussi les cas de nullités textuelles.

a- Au Gabon par exemple, avant l’entrée en vigueur de la législation OHADA, le


régime des nullités étaient presqu’ identique à celui édicté par le Code de procédure civile
français.

7. Loi. Française du 12 Janv. 1933. Art.70 décide que la nullité concernant les formalités de rédaction et de signification
des exploits et actes d’appel ne pourra être prononcée que lorsqu’elle aura eu pour effet de porter atteinte aux intérêts
de la défense.
8. D . L. du 30 Oct. 1935 (l’art. 173 relatif à l’exception de nullité déclare aucune nullité d’exploit ou d’acte de
procédure ne pourra être admise que s’il est justifié qu’elle soit aux intérêts de la partie adverse.
9. H. SOLUS et R PERROT, Droit Judiciaire Privé. T1. Introduction Notions fondamentales Sirey 12 Gl.
10. Civ. 2e 15 Avril 1981, Ga2. Pal. 1981 2.584. le juge ne peut se borner à faire état d’une atteinte aux droits du
destinataire de l’acte sans préciser en quoi résidait le préjudice à lui causé.
11. SOLUS et PERROT op. cit. Jean Chevallier D.P. 1933. P. 77 ; Yvette LOBIN, la notion de grief dans les nullités des
actes de procédures Mél. Vincent. D. 1981 P. 233 et S. Daniel TOMASIN, remarque sue la nullité des actes de
procédure Mél. HEBRAUD. P. 853 et S.

Le Code Gabonais, qui avait l’avantage de la clarté, distinguait deux catégories de


nullités : les nullités pour vice de forme et les nullités pour irrégularité de fond.
Sur le fond, ce code renferme une liste des irrégularités qui entraînent
automatiquement la nullité de l’acte sans que celui qui s’en prévaut ait à justifier d’un
préjudice et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse de la
loi. C’est essentiellement le défaut de qualité, de capacité, la violation des règles tenant à
l’organisation judiciaire, le défaut de pouvoirs .
Sur les nullités pour vice de forme, le même code retient qu’ " aucun acte de
procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas
expressément prévue par la loi… ", à moins, ajoute le texte , que la formalité soit
substantielle ou d’ordre public (17).

b- Au Cameroun, le Code de procédure civile et commerciale issu de l’arrêté du


16 Décembre 1954 (18) n’adopte pas moins le même pragmatisme malgré le laconisme
de son texte.
L’article 602 de ce code dispose en effet ce qui suit : " sauf dans les cas où les lois
ou décrets disposent autrement, les nullités d’exploits ou actes de procédure sont
facultatives pour le juge qui peut toujours les accueillir ou les rejeter " .
Sur l’interprétation de l’article 602 du Code de Procédure Civile et commerciale la
jurisprudence est curieusement rare (19).
Mais à deux ou trois occasions au moins, la chambre civile de la Cour Suprême du
Cameroun a eu à se prononcer sur le sens à donner à cette disposition.
A la lecture des décisions fort intéressantes qu’elle rend, on se demande même si
ce qui restait encore des nullités automatiques n’est pas en voie d’être supprimé par la
Cour.
En 1960 par exemple, la Cour Suprême se référant à la liberté d’appréciation des
nullités légalement reconnue au juge par l’article 602 susvisé, approuve une Cour
d’Appel d’avoir admis la validité d’une assignation servie en violation des dispositions
légales (20).
Un pas décisif est franchi vingt ans après dans l’arrêt GBETNKOM rendu sous
l’excellent rapport du conseiller OTTO PONDY lorsqu’en 1980, la même Cour rejette un
pourvoi qui reprochait aux juges du fond, d’avoir admis la validité d’une assignation
délivrée au défendeur pour une date où le Tribunal ne tenait pas d’audience (21 ).
Si l’on s’attache en effet à l’analyse des motifs de ces arrêts, spécialement celui de
1980, on découvre aisément deux ordres de préoccupations.

12. V. Encycl. Jurid. De l’Afrique Vol. 3. Nouvelles éditions africaines P. 186 et S.


13. Arrêté du 18 Déc. 1954 portant codification et réglant la procédure en matière civile et commerciale
devant les Tribunaux français du Cameroun ici Code BOUVENET et BOURDIN T2, code Minos. Édictions
1995 P 4 et S.
14. Soit du fait des pourvois, soit du fait de la Cour elle même dont la tendance est souvent de censurer les
qualités des arrêts pour violation des formalités substantielles, au grand détriments des moyens de pourvoi
proposés par le demandeur en cassation.
15. C.S.C.O. arrêt n° 42 du 21 Janv. 1960 inédit.
16. C.S. Arrêt du 14 Août 1980 Aff. BICIC c/ GBETNKOM Jean Dénis . RCD. n° 23-24 1982 P. 95 et S.

D’abord, dans le souci légitime d’éviter l’arbitraire des juges du fond, la Cour Suprême
subordonne la nullité des actes à la démonstration d’un préjudice, substituant ainsi, la notion de
grief au principe de la libre appréciation retenu par l’article 602 du Code Procédure Civile.
En cela, elle rejoint les positions prises par la doctrine et des législations modernes (22).
Ensuite, elle fait recours toujours dans l’arrêt GBETNKOM de 1980, à une autre disposition,
l’article 6 du même code, pour anéantir totalement le moyen du pourvoi, en relevant que cette
dernière disposition ne sanctionne pas non plus l’erreur de date par la nullité.
Relativement donc à ce point, on peut dire que pour la Cour d’Appel du Centre en l’an 2000
comme pour la Cour Suprême du Cameroun en 1980 ou encore la Cour de Cassation française en
1902, les nullités textuelles ont un caractère péremptoire et s’imposent légalement au juge.
Un tel raisonnement des hauts Magistrats aboutit insensiblement, mais nécessairement à
l’abandon du sens littéral de l’article 602 du Code Procédure Civile et commerciale au profit de
son esprit.
Mais dans la mesure où tous ces arrêts empruntent textuellement la rédaction de leurs
principaux attendus à l’article 602 du Code de Procédure Civile dont ils reproduisent par ailleurs
les dispositions, on doit pouvoir reconnaître que pour la haute juridiction Camerounaise, la
recherche du grief ou le recours à la libre appréciation reconnue au juge s’arrête devant les cas de
nullités textuelles.
Ce raisonnement de la Cour se vérifie aisément en matière de saisie immobilière où plusieurs
formalités sont généralement prescrites à peine de nullité.
En 1998 , dans un arrêt du 26 Novembre, (23) fidèle à sa doctrine développée par l’arrêt
GBETNKOM dix huit ans auparavant, la Cour Suprême s’incline devant un cas de nullité
textuelle en sanctionnant par la cassation , un jugement du Tribunal de Grande Instance de la
MIFI qui avait admis la validité d’un commandement à fin de saisie immobilière malgré
l’omission par l’exploit, de la reproduction intégrale du titre exécutoire en vertu duquel celui-ci
était dressé.
Cette dernière solution, très critiquable, est malheureusement strictement suivie par
l’ensemble des juridictions du fond Camerounaises qui refusent toujours d’exiger de celui qui se
prévaut d’une nullité textuelle d’exploits ou d’actes de procédure, la démonstration d’un grief .
(24)
Telle est dans l’ensemble , la position de la jurisprudence Camerounaise avant l’entrée en
vigueur de l’Acte Uniforme n°6.
D’autres systèmes juridiques africains qui se révèlent à la fois très proches et très éloignés du
système Camerounais, au regard du caractère mixte de son régime de nullité, ont réussi à réduire
au maximum, le formalisme dans le droit des nullités.

( 22) Auteurs précités note 16


(23) C.S Arrêt n° 10/CC du 26/11/1998 aff. KAMBOU DEMGHO c/ SGBC.
( 24) Jurisprudence constante et abondante. Contra C.A. ABIDJAN, Arrêt n° 84 du 11/2/1977 qui tient pour valable,
le commandement à fin de saisie immobilière qui se borne à viser le titre exécutoire ou la signification de celui-ci et
qui fait corps avec elle. (cf. YOUSSOUFA NDIAYE, Encycl. Jurid. De l’Afrique P. 279 et S.)

Ainsi dans la plupart des législations de l’Afrique de l’Ouest , notamment en Côte


d’Ivoire, au Mali et au Sénégal, bien que les codes de procédure civile prévoient la nullité
textuelle des actes, celle-ci ne peut être prononcée que si celui qui l’invoque rapporte la preuve
du préjudice que l’irrégularité lui cause. Une bonne application de cette solution est donnée par
un arrêt de la chambre d’annulation de la Cour d’Appel d’Abidjan rendue le 15 Janvier 1960 en
matière de saisie immobilière (25).
La souplesse et la simplicité des règles qui caractérisent le droit des nullités dans ces pays
ont été adoptées aussi par la République Démocratique du Congo (Ex-Zaïre) (26).
Ce Pays, anciennement administré par la Belgique n’est certes pas encore membre de
l’OHADA. Mais, à titre de droit comparé, il semble très intéressant de signaler que son code de
procédure bat le record de la simplicité en matière de nullités dès lors qu’il ne renferme qu’une
seule disposition prescrite à peine de nullité. C’est l’article 33 qui sanctionne par la nullité le
défaut de prestation de serment du témoin . Hormis ce cas, le législateur Congolais (Ex-Zaïre )
laisse au juge, le soin de décider s’il y a lieu ou non d’ordonner la nullité en cas d’irrégularité
.
Ces exemples qui ne sont pas exhaustifs, démontrent le succès croissant que la règle " pas
de nullité sans grief n’opère point " a rencontré dans le droit positif africain avant l’avènement de
l’OHADA, et ce, même dans les pays où le formalisme est partiellement consacré .
L’Acte Uniforme portant organisation des Procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution rend t-il compte d’un tel degré d’évolution du droit des nullités atteint par les
différents systèmes juridiques africains avant son entrée en vigueur ?

B – LE CHOIX DE L’ACTE UNIFORME


Pour répondre à cette question il convient de tenir compte du découpage initialement
opéré entre les systèmes dits mixtes et les systèmes libéraux .
Il est évident qu’ au Gabon et au Cameroun, l’Acte Uniforme n° 6, malgré les nouveautés
très importantes qu’il introduit en droit des nullités, notamment, l’aggravation et la multiplicité
des sanctions légales, n’est pas susceptible d’entraîner de grands bouleversements dans la
jurisprudence, compte ténu de la bonne place que tient encore dans ces systèmes, la règle " pas
de nullité sans texte " .
Dans d’autres pays africains en revanche, notamment ceux de l’ Afrique de l’Ouest
membres de l’OHADA , le nouveau droit Uniforme des nullités ne peut manquer de susciter dans
les milieux juridiques et judiciaires , la crainte de graves perturbations, compte ténu de la
brusque apparition dans ces droits, d’un formalisme excessif.
Mais très curieusement, c’est chez les juges Gabonais que la réglementation des nullités par
l’Acte Uniforme a le plus suscité émotions et réactions .

25. C.A. DAKAR, ch. D’annulation. Arrêt du 15 Janv. 1960 cité par YOUSSOUFA NDIAYE Encycl. Jurid. De
l’Afrique. Op. cit. P 295.
26. Sur l’ensemble V. décret Zaïrois du 7 Mars 1960. Et les développements de GILBERT MANGIN EMILE
LAMY et ANTOINE RUBBENS . Ici Encycl. Jurid. De l’Afrique. Vol. 4 Chap. X.
Dans une demande d’avis consultatif qui a été présentée à la CCJA en vertu de l’article 14 al.
2 du Traité, le Président du Tribunal de Première Instance de Libreville (Gabon) a voulu savoir,
si le système des nullités instituées par l’Acte Uniforme n° 6 autorisait le recours au droit
commun des nullités qui confère au juge, dans tous les cas, un pouvoir d’appréciation en
considération du préjudice que l’irrégularité est de nature à causer à celui qui l’invoque.
Une telle interpellation invitait alors la Haute Juridiction communautaire à se prononcer sur
les questions les plus actuelles du droit des nullités, notamment sur les irrégularités concernées et
sur les conditions de mise en œuvre de la sanction légale.
La CCJA lui a répondu en ces termes :
"l’ Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution a expressément prévu que l’inobservation de certaines formalités prescrites est
sanctionnée par la nullité. Toutefois, pour quelques unes de ces formalités limitativement
énumérées, cette nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet, de causer un
préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque. Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge
doit prononcer la nullité lorsqu’elle est invoquée s’il constate que la formalité prescrite n’a pas
été observée, sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice " (27).
Telle est la position très claire et très tranchée de la Cour Commune de Justice et
d’arbitrage, sur le régime des nullités d’exploit et actes de procédure.
Bien entendu, il ne s’agit là que d’un avis consultatif qui, par définition, ne lie pas le juge
. Mais s’agissant d’une technique qu’on peut sans exagération aucune qualifier d’œil de cyclone
de la CCJA indirectement dirigé sur l’activité juridictionnelle des Etats-parties indépendamment
d’un éventuel et hypothétique pourvoi, on peut penser, au regard de l’autorité qui s’y attache, que
les juges du fond seront conduits à suivre la position de la haute juridiction , s’ils veulent éviter
ultérieurement, la cassation de leurs décisions .
Compte tenu dès lors de la multiplicité et de la variété des formalités prescrites à peine de
nullité et de l’interprétation donnée à ces textes par la CCJA, on peut donc conclure que pour le
droit uniforme africain, la nullité de l’acte vicié devient la règle et le maintien de celui-ci,
l’exception. C’est donc une cure de jouvence qui est donnée en 1998 à la règle " pas de nullité
sans texte " des origines.
Cette règle a peut être encore sa raison d’être en procédure et personne n’a jamais
prétendu que le législateur soit peu qualifié pour imaginer les sanctions des actes de procédure.
Mais bien de législations modernes lui réserve aujourd’hui, une place assez modeste, compte
tenu des conséquences qu’elle produit non seulement sur l’office du juge mais également sur les
règles de droit déjà acquises.

II –LA REMISE EN CAUSE DES POUVOIRS DU JUGE


Peut–être que l’arrêt ONADEF pourra toujours prétendre, malgré le laconisme qui caractérise sa
motivation, avoir été l’un des premiers à traduire dans les faits, la politique législative de
l’OHADA, s’agissant du régime des nullités des actes de procédure.

(27) V. WWW . OHADA . Com Avis 1999.

Le praticien du droit ne peut que se réjouir d’une décision qui applique strictement une
disposition légale et dont la solution rejoint pour l’essentiel, les préoccupations de la haute
juridiction communautaire.
Le juriste regrettera cependant qu’une telle solution, aussi louable soit-elle, de même que les
textes qu’elle consacre, ne contribuent dangereusement à la réduction des pouvoirs du juge en
matière de nullités (A) et aussi parallèlement, au développement d’un contentieux artificiel (B).

A. LE RECUL DU POUVOIR D’APPRECIATION DU JUGE

C’est la première conséquence de la réglementation par l’Acte Uniforme n° 6 de la sanction


des nullités. Elle est inévitable dès lors que les sanctions des irrégularités des actes de procédures
sont automatiques (28).
En dehors de quelques irrégularités visées par l’article 297 al 1er et 2 sur les délais et les
formalités des articles 254, 267 et 277 qui subordonnent respectivement la nullité du
commandement à fin de saisie immobilière, du cahier des charges et des actes de publicité de la
vente à la démonstration du grief causé à celui qui se prévaut de leur irrégularité, le juge ne peut
apprécier l’opportunité de la nullité lorsque la sanction est expressément édictée par la loi.
On sait que les droits nationaux de la plupart des Etats- parties consacraient la solution
contraire . L’exigence du grief imposait certes au juge, une certaine démarche . Mais elle
n’entamait en rien son pouvoir d’appréciation qui était d’ ailleurs garantit par les textes.
Avec la réglementation des nullités textuelles par l’Acte Uniforme le juge se voit confiné à
un rôle marginal pour devenir en quelque sorte, un simple distributeur automatique des nullités
(D.A.N.) (29).
Se trouvent dès lors désormais sans valeur aucune, du moins relativement aux matières
réglementées par l’Acte Uniforme n°6 (30), toutes les législations africaines qui interdisaient au
juge d’annuler un acte de procédure pour vice de forme, s’il n’est préalablement établi que
l’irrégularité cause un grief à celui qui s’en prévaut.
Pour comprendre cette solution légale, il faut retracer, même schématiquement, le contexte
de la reforme des droits africains.
L’un des objectifs de l’OHADA a été d’harmoniser les règles applicables en droit des
Affaires dans les différents systèmes juridiques des Etats parties afin de lutter contre l’insécurité
juridique qui régnait en Afrique (31). On peut dire, à la lecture des différents actes uniformes, et
spécialement de celui qui nous intéresse ici, que cette préoccupation est théoriquement atteinte.

28. Voir SOLUS et PERROT. op. cit. Vincent et SERGE GUINCHARD, Procédure Civile précis. DALLOZ. 24e
éd. P. 477 et S.
29. Comp. Avec D.A.B. en droit bancaire : Distributeur automatique des billets.
30. Les textes des Etats parties relatifs aux procédures qui ne sont pas visées par l’acte Uniforme n°6 restent
en vigueur par application de l’art. 10 du Traité et 336 de l’Acte Uniforme n°6.
31. V. préambule du Traité, in Juriscope, OHADA Traité et Actes Uniformes commentés et annotés 1999. M.
Joseph YOUMSI, comprendre l’OHADA, communication donnée au séminaire GICAM/Fondation
Friedrich Ebert. Des 14, 15 et 16 Mai 1996 à Douala. P. 25 et S.

Ensuite, pour répondre à une critique traditionnellement formulée par les investisseurs de
tous bords, relativement aux lenteurs judiciaires et à l’imprévisibilité des décisions, l’OHADA
organise non seulement un système de perfectionnement des magistrats, mais aussi et surtout met
à la disposition de tous, des textes simples, modernes et suffisamment complets afin de lutter
contre l’arbitraire du juge (32).
Ainsi, s’agissant de l’Acte Uniforme n°6 et spécialement de ses dispositions relatives aux
nullités, le législateur uniforme a cru devoir imaginer lui–même, un catalogue d’irrégularités
dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité.
Il faut cependant regretter que techniquement, la sécurité juridique et judiciaire ne passent
pas nécessairement par l’effacement du juge. Et particulièrement en procédure, une telle
hypothèse entraîne une autre conséquence, aussi bien regrettable que redoutable : le
développement d’un contentieux artificiel, incompatible avec les objectifs que les pères
fondateurs de l’OHADA se sont fixés.

B. LE DEVELOPPEMENT D’UN CONTENTIEUX ARTIFICIEL


On peut prendre la mesure de ce phénomène à travers une simple consultation d’un plumitif
d’audience. Le contraste est saisissant selon qu’on se place avant 1998 ou après.
Alors que les décisions prononçant la nullité des actes ou d’exploits se faisaient de plus en
plus rares avant l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme n° 6 (33), il est devenu courant
aujourd’hui de dénombrer en quelques mois, une dizaine de décisions au moins, prononçant telle
sanction pour violation des dispositions impératives de l’Acte Uniforme.
Certaines de ces décisions bien que conforment à l’esprit de la nouvelle législation
communautaire, ne manquent pas de surprendre au regard de leur originalité négative. C’est le
cas par exemple de ce jugement qui annule pour défaut d’indication de la forme d’une entreprise,
une procédure d’injonction de payer alors qu’aucun élément extérieur de l’entreprise en cause ne
permettait au demandeur d’identifier sa forme et alors surtout que l’usage dans ce cas précis du
terme société était abusif, faute d’une constitution régulière conformément à la loi (34).
D’autres au contraire ajoutent même à la rigueur de l’Acte Uniforme lorsqu’elles considèrent
par exemple comme substantiel, le décompte par l’exploit des sommes saisies alors que telle
formalité, déjà sanctionnée par la nullité, ne tient pas à la raison d’être de l’acte et ne lui est
nullement indispensable pour remplir son objet (35).
A l’énervement de la loi, va donc nécessairement s’ajouter la dérive de la jurisprudence .
Il ne pouvait en être autrement, compte ténu, d’une part, du régime très strict de nullités
textuelles; d’autre part, de la position radicale prise par la CCJA lorsqu’elle recommande au juge
d’annuler et non d’interpréter. Aucune échappatoire ne semble être laissée non plus à la partie
adverse. Pas même le bénéfice de la régularisation ou de l’exception de nullité dont l’incidence
sur la nouvelle réglementation reste à déterminer.

28. Voir document séminaire GICAM. Op. cit.


29. En près d’un demi siècle la C.S. du Cameroun n’a rendu, à notre connaissance en matière de nullité
d’exploits ou d’actes de procédure que trois arrêts.
30. T.P.I. Ydé, Jug. du 25 Mai 2000 Aff. DACAM c/ TAG Automobile.
31. T.P.I. Ord. 27 Janv. 2000 Aff. GMC c/ Maître NGWE Gabriel Emmanuel. Sur la définition de la notion de
formalité substantielle, voir RTD Civ. 1955 P. 367 ; Cass. 3 /3/1955 JCP 56.II. 8654.

1 – L’EXCEPTION DE NULLITE EN QUESTION


Rien n’est plus ambigu que la position de la CCJA sur la mise en œuvre des nullités
édictées par l’Acte Uniforme n° 6.
A s’en tenir à l’interprétation que la haute juridiction communautaire donne dans
son avis de 1999, le juge doit prononcer la nullité lorsqu’elle est demandée, s’il constate
que la formalité prescrite n’a pas été observée ".
Doit-on retenir que pour la CCJA, la nullité s’impose quelque soit le moment
auquel elle est invoquée et quelle que soit la nature de l’irrégularité ? De même, que
signifie l’impératif catégorique qu’utilise la Cour lorsqu’elle prescrit la nullité de l’acte ?
Cette imprécision dans la pensée des hauts magistrats peut étonner . Elle présente
même le grave inconvénient de faire croire qu’en préconisant la nullité systématique,
l’OHADA dont l’une des finalités est de sécuriser à la fois le droit et la pratique judiciaire
en Afrique, a exactement fait en procédure, ce qu’elle dénonçait pour justifier la nécessité
d’une harmonisation.
Pourtant l’interprétation ne semble pas arbitraire au regard du particularisme des
procédures de recouvrements et des voies d’exécution. Elle emprunte même à l’esprit de
certaines dispositions du texte, notamment l’article 144 qui déclare que la nullité pour
vice de forme ou de fond, autre que l’insaisissabilité des biens compris dans la saisie peut
être demandée par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis.
Ce n’est tout de même pas le moindre paradoxe de la Cour que d’avoir fait
l’amalgame, au grand mépris des solutions assises en droit moderne, entre le régime des
nullités pour vices de forme et celui des nullités pour irrégularités de fond (36).
Même en admettant le particularisme de l’Acte Uniforme n° 6 par rapport au droit
commun de la procédure, l’obligation d’annuler faite au juge ne peut se comprendre que
si elle constitue une solution d’attente destinée à être complétée par les textes nationaux
des Etats - parties et les solutions traditionnelles sur le régime de l’exception de nullité.
Cette règle, qui a la vertu de lutter contre le dilatoire, sanctionne traditionnellement par
l’irrecevabilité, toute demande de nullité pour vice de forme lorsqu’elle est présentée
après une défense au fond.
Ainsi, au Cameroun par exemple, l’article 97 du Code de Procédure Civile et
Commerciale qui définit le régime des exceptions dispose :
- al. 1er " Toutes les exceptions, demandes la nullité, fins de non recevoir et tous les
déclinatoires … seront déclarés non recevables, s’ils sont présentés après qu’il aura été
conclu au fond "
- al. 4 " Toutes les autres exceptions, demandes de nullité, fins de non recevoir et tous les
autres déclinatoires doivent être proposés simultanément et aucune ne sera plus reçue
après un jugement statuant sur l’un d’eux ".

32. Sur cette règle voir notamment. VINCENT, Procédure Civile Précis DALLOZ. 19e éd. P . 545 et S.
SOLLUS et PERROT, op. cit. T1. n° 395 et S. P
PERROT, les nullités de procédure en matière civile selon le droit français. In Trav. Ass. CAPITANT T. XIV.
1961-1962 P. 731.

L’article 97 du Code de Procédure Civile est sans aucun doute, une disposition qui doit être
observée et concomitamment lue avec les textes de l’Acte Uniforme sur les nullités, s’agissant
du cas du Cameroun.
Son apport est toujours déterminant dans l’effort d’élimination du contentieux artificiel qu’
impose l’automatisme des nullités.
Qu’on en juge par l’examen des solutions du droit interne.
Dans une série d’arrêts aujourd’hui classiques, le Cour Suprême du Cameroun a eu à déclarer
solennellement qu’une demande de nullité d’exploits ou d’actes de procédure est tardive et donc
irrecevable, lorsqu’elle a été présentée après les conclusions au fond (37 ).
La même solution est réitérée en 1986 lorsque la Cour Suprême casse un arrêt de la Cour
d’Appel de Douala pour avoir accueilli une nullité d’exploit présentée pour la première fois en
appel après qu’il ait été conclu et statué au fond en premier degré (38 ).
Si le recours à l’exception de nullité est indispensable pour ôter à la réglementation de
l’OHADA relative aux nullités tout ce qu’elle a de récurrent, il faut reconnaître que sa vertu ne
s’étend pas aux irrégularités de fond (39).
Mais cela n’enlève rien à la politique d’élimination du contentieux des nullités que développe
aussi la technique de la régularisation de l’acte nul.

2.- LE SORT DE LA REGULARISATION DE L’ACTE NUL

L’Avis de la CCJA de 1999 n’étant pas non plus secourable ici, il convient de se référer au
droit commun de la procédure.
Par la technique de la régularisation, l’irrégularité qui entache la validité d’un acte ou d’un
exploit sera couverte et la nullité ne sera pas prononcée, si sa cause a disparu au moment où le
juge statue (40).
Dans un arrêt rendu en matière correctionnelle en 1996, certes relativement à une catégorie
d’actes régit par un régime particulier mais dont la solution est transposable à la nullité des
exploits et actes de procédure qui nous intéresse ici, la Cour Suprême du Cameroun fait une
heureuse application de cette solution lorsqu’elle déclare qu’un arrêt n’encourt la cassation pour
défaut de prestation de serment des témoins, que lorsqu’il ne ressort d’aucune autre de ses
dispositions, que la formalité prescrite par l’article 155 C.I.C. n’a pas été respectée (41).
On reconnaît aisément ici, la théorie des équipollents qui interdit le prononcé de la nullité
lorsque d’autres éléments d’information qui se trouvent, soit dans l’acte incriminé , soit en
dehors de cet acte, équivalent à la formalité omise ou incomplète (42 ).

(37) C.S. Arrêt n° 120/CC du 26 Mai 1983 Aff. NDOUMBE NKAKE Guillaume c/ NJOPAM MAMA RCD. 1985.
C.S. Arrêt n° 138/CC du 15 Sept. 1983. Aff. NDJEMBELE.
38. C.S. Arrêt n° 62/CC du 10 Juil. 1986 Aff. EKOTTO Yolande c/ Dame NYEMECK RCD. 1986 . n° 31-32 P
403. C.S Arrêt n° 111/P du 8 Janv. 1996. Aff. NGUEPMI Sébastien (exception de nullité présentée pour la
première fois en cassation –irrecevabilité).
39. Voir auteurs précités
40. CH. DUPRYRON, la régularisation des actes nuls. 1973. Préface P. HEBRAUD .
41. C.S. Arrêt n° 203/P du 6 Mai 1976. Bull. n° 34 P. 5001. C.S. Arrêt n° 111/P du 18 Janv. 1996 op. cit. 38.
42. Sur cette théorie, voir notamment SOLUS et PERROT op. cit. Daniel TOMASIN, op. cit. P. 853 et S.
Com. 16 Oct. 1973. Bull. V. n° 284 P. 255 LYON, 30 Mars 1978 Jép. 1978. 18963.

La même solution s’applique aussi en matière de citation ou de convocation et la


jurisprudence décide pareillement que la nullité ne peut être prononcée malgré l’irrégularité,
lorsque sans être convoqué ou cité, l’adversaire comparaît et conclu (43).
Le recours à la technique de la régularisation est encore beaucoup plus contraignante au
Gabon dès lors qu’il est accepté par la loi sous deux conditions : d’abord, qu’aucune forclusion
ou déchéance ne soit intervenue entre l’acte nul et sa régularisation ; ensuite, que la
régularisation ne laisse subsister aucun préjudice ( 44 ).
Telles sont les solutions en droit national qui sécurisent le procès et combattent à la fois le
dilatoire le développement d’un contentieux artificiel. Elles ne sont pas incompatibles avec le
régime particulier des nullités organisées par l’Acte Uniforme n° 6. Les objectifs de l’OHADA
commandent d’en tenir compte pour une vraie sécurité juridique et judiciaire des affaires.

(43) C.S. Arrêt n° 2 du 7 Oct. 1976, inédit.


(44) cf. Encycl. Jurid. De l’Afrique .186 et s.

Vous aimerez peut-être aussi