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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

Laurence Badel, Stanislas Jeannesson


Dans Monde(s) 2014/1 (N° 5), pages 6 à 26
Éditions Armand Colin
ISSN 2261-6268
ISBN 9782200928971
DOI 10.3917/mond.141.0006
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Diplomaties
sous la direction de Laurence Badel et Stanislas
Jeannesson

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Introduction
Une histoire globale de la diplomatie ?
Laurence Badel Stanislas Jeannesson
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Université de Nantes, CRHIA

L a multiplication des ouvrages sur la diplo-


matie et les diplomates depuis les années
1990 ne doit pas dissimuler le long désinté-
assimilation à un objet, l’histoire diplomatique,
avec laquelle Pierre Renouvin, le père fondateur
de l’histoire des relations internationales, avait
rêt pour un objet auquel était assimilée une voulu rompre.
forme de désuétude. L’ère nouvelle ouverte par
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la chute du Mur de Berlin a vu se perpétuer, Un demi-siècle plus tard, il est temps de pas-
sous une autre forme, les jugements négatifs ser outre ces préventions et de présenter la
sur une activité « en crise » ou « en déclin ». jeunesse comme la richesse d’un domaine de
Dans le champ de la recherche historique, l’his- recherche au cœur de l’histoire des relations
toire diplomatique est une discipline qui a pâti internationales : celui des pratiques diploma-
d’une image archaïque qui a rejailli sur l’his- tiques. Le « tournant culturel » est passé par
toire de la diplomatie elle-même. Dans les pays là. Il a battu en brèche une définition étroite
anglo-saxons, les diplomatic historians ont souf- de la diplomatie, imposée par un prisme west-
fert d’être réduits au rôle de hewers-of-wood phalien qui en avait fait l’art de la conduite des
(coupeurs de bois) et de drawers-of-waters (por- relations entre les États, une institution emblé-
teurs d’eau) par les politologues1 . Plus que dans matique du système de l’État moderne, née en
d’autres pays sans doute, les historiens fran- Italie au XVe siècle. À la lumière des perspec-
çais s’en sont tenus éloignés, à de rares excep- tives ouvertes par l’histoire globale, qui font
tions près, tant ils paraissaient redouter, de écho aux écrits plus anciens des politologues de
manière plus ou moins consciente, une nouvelle l’École anglaise des relations internationales, le
présent numéro souhaite inciter les historiens
1 Michael H. Hunt, “The Long crisis in U.S. Diplomatic
History: Coming to closure”, Diplomatic History, vol. 16 contemporanéistes à avancer encore plus avant
(1992), p. 115-116. dans la voie d’un renouvellement des approches,

rticle on line monde(s), n° 5, mai 2014, p. 7-26

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déjà bien foulée par leurs collègues médiévistes Le « tournant culturel » de l’histoire de la
et modernistes. diplomatie
Ce dossier entend mettre au jour la diversité des La constitution des pratiques diplomatiques,
recherches actuelles en insistant autant sur les leur normalisation comme leur transformation
approches fonctionnelles classiques de la diplo- ont fait l’objet d’approches très diversifiées à
matie2 que sur les approches culturelles impli- commencer par celle des praticiens eux-mêmes
quant l’étude comparée des pratiques : la diplo- qui, depuis la fin du Moyen Âge occidental, ont
matie comme « expérience de l’Autre », pour commencé par dresser le portrait moral de l’am-
reprendre le titre du livre de Christian Windler bassadeur idéal avant d’analyser les aspects
retenu pour le « débat autour d’un livre »3 de concrets du métier de diplomate. Encore fallait-
ce dossier. Si l’on admet que les structures et les il que le mot émergeât. En rappelant l’étymo-
valeurs de la diplomatie occidentale ont long- logie grecque du diplôma romain4 – diploûn,
temps ordonné les pratiques contemporaines, forme neutre de l’adjectif grec diploûs qui signi-
on ne peut ignorer l’existence d’autres systèmes fie double – le diplomate et homme de lettres
diplomatiques à prétention également univer- britannique Harold Nicolson, a insisté sur la
selle. Dans le contexte ouvert par une phase maîtrise de l’écrit comme acte fondateur de
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nouvelle de la mondialisation, peut-on postuler l’activité diplomatique5 . De fait, la lettre trans-
la globalisation progressive de ces pratiques, mise au roi étranger dans l’Antiquité tardive
des années 1960 à nos jours, s’exprimant tant a d’abord valeur d’accréditation, et n’a pas de
dans les enceintes internationales qu’en réac- vocation informative. Les données de la négo-
tion aux mouvements d’opinion et conduisant à ciation ne sont confiées qu’à la seule mémoire
reconsidérer la distinction trop tranchée entre des agents6 . Pour conserver les textes des trai-
acteurs privés et acteurs publics ?
4 Cf. Maria Milagros Cárcel Ortí (dir.), Vocabulaire internatio-
nal de la diplomatique, Valencia, Conselleria de Cultura,
Universitat de Valencia, 1994, p. 95, § 386.
5 “That word is derived from the Greek verb ‘diploun’ mea-
ning ‘to fold’. In the days of the Roman Empire all pas-
sports, passes along imperial roads and way-bills were
2 Lucien Bély, « Représentation, négociation et informa- stamped on double metal plates, folded and sewn toge-
tion dans l’étude des relations internationales à l’époque ther in a particular manner. These metal passes were cal-
moderne », in Serge Berstein, Pierre Milza (dir.), Axes et led ‘diplomas”’, extrait de Harold Nicolson, Diplomacy
méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998, p. 213- (Washington, Institute for the Study of Diplomacy,
229. Georgetown University, 1988–1st ed. 1939), p. 11.
3 Christian Windler, La diplomatie comme expérience de 6 Bruno Dumézil, « L’ambassadeur barbare au VIe siècle
l’Autre. Consuls français au Maghreb (1700-1840), Genève, d’après les échanges épistolaires », in Audrey Becker,
Droz, 2002. Nicolas Drocourt (dir.), Ambassadeurs et ambassades

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tés ou ceux conférant l’immunité, il fallut spé- intérêts respectifs »9 . En Angleterre, le terme
cialiser des lieux et des hommes pour classer, aurait été employé pour la première fois en
décrypter, interpréter. C’est ainsi que naquit la 1796 par le philosophe Edmund Burke si l’on
diplomatique (res diplomatica), avant le diplo- suit la notice rédigée par l’historien anglais
mate, et en lien avec l’organisation précoce de Walter Alison Phillips (1864-1950), titulaire
services destinés à préserver les « archives » : de la première chaire d’histoire moderne au
les actes issus des négociations. Les historiens Trinity College d’Oxford, auteur de l’article
ont longtemps attribué au publiciste français “Diplomacy” de l’Encyclopædia Britannica de
Simon-Nicolas-Henri Linguet le premier emploi 1910. Il sera très vite adopté dans les autres pays
du mot dans les Annales politiques, civiles et litté- européens : diplomacia (espagnol), diploma-
raires du dix-huitième siècle de l’Académie fran- zia (italien), Diplomatie (allemand) concurrent
çaise en 1791. Mais il semble aujourd’hui que avec Gesandtschaftswesen (tout ce qui concerne
le terme soit déjà apparu le 2 avril 1790 dans les Gesandten ou envoyés)10 . Que recouvre-t-il
une adresse à l’Assemblée nationale, publiée alors ?
dans le journal Le Moniteur 7 . Le Dictionnaire
« Science des rapports, des intérêts de
de l’Académie l’intègre en 17988 . Quant au mot
Puissance à Puissance », selon l’Académie
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« diplomate », il aurait été employé pour la pre-
en 1798, dans la 5e édition du Dictionnaire ;
mière fois par Robespierre en 1792, se sub-
« [L]a diplomatie est la science de la
stituant à celui de « négociateur ». En 1801,
constitution sociale et politique des États et
Louis-Sébastien Mercier en fait encore un néo-
l’art d’en concilier les devoirs, les droits et
logisme dans son livre dédié à la Néologie ou
les intérêts », précisent en 1877 Théophile
Vocabulaire des mots nouveaux : « Diplomate –
Funck-Brentano et Albert Sorel11 . Pour Walter
Ce mot est presque synonyme de celui d’am-
A. Philipps, elle est “the art of conducting
bassadeur : il signifie un agent nommé par une
international negotiations”12 . La définition
puissance pour traiter avec une autre sur leurs
ne sera plus remise en cause avant quelques
décennies. Le Guide to Diplomatic Practice
du diplomate-linguiste Ernest Satow paru en
au cœur des relations diplomatiques. Rome-Occident
médiéval-Byzance (VIIIe s. avant J.-C.-XIIe s. après J.-C.),
Metz, Université de Lorraine, 2012, p. 244-245. 9 Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux : à renouveler,
7 Cité dans l’introduction d’Audrey Becker, Nicolas Drocourt ou pris dans des acceptions nouvelles, Paris, Moussard et
(dir.), Ambassadeurs et ambassades, op. cit., p. 1 (cf. note Maradan, 1801, p. 189.
6). 10 Johannes Paulmann, « Diplomatie », in Jost Dülffer,
8 Cf. Amédée Outrey, « Histoire et principes de l’administra- Wilfried Loth (dir.), Dimensionen internationaler Geschichte,
tion française des Affaires étrangères (I) », Revue française München, Oldenbourg Verlag, 2012, p. 47-64.
de science politique, vol. 3, 1953/2, p. 298-318, ici p. 298- 11 Précis du droit des gens, Paris, Plon, 1877, p. 74.
300. 12 “Diplomacy”, Encyclopaedia Britannica, 1910.

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1917, la reprend : “Diplomacy is the application poraine, marquées par l’école positiviste, ont
of intelligence and tact to the conduct of été conduites dans le dernier quart du XIXe siècle
official relations between the governments of au moment où l’histoire diplomatique était à
independent states, extending sometimes also son zénith et où l’activité diplomatique achevait
to their relations with vassal states”13 . Harold de se professionnaliser15 . En 1887 fut ainsi fon-
Nicolson s’y tient également ; se fondant dée en France la Société d’histoire diplomatique
sur l’Oxford English Dictionnary, il pose que : qui fit le lien entre praticiens et historiens : elle
“Diplomacy is the management of international devint l’éditrice de la Revue d’histoire diploma-
relations by negociation; the methods by which tique16 .
these relations are adjusted and managed by
Les praticiens savaient pourtant, depuis tou-
ambassadors and envoys; the business or art of
jours, parler de l’exercice de leur métier en des
the diplomatist”14 .
termes qui soulignaient que celui-ci dépassait le
Le regard des chercheurs a longtemps pâti de cadre strict des missions imparties par les États
cette vision qui apparaît aujourd’hui restric- – représenter le Souverain, l’informer, négocier
tive, mais qui était représentative, de fait, de en son nom –, et souligner leur rôle de médiateur
la culture politique de l’Europe, des traités de entre deux points de vue, deux intérêts, deux
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Westphalie à la fin de la Seconde Guerre mon- cultures. Très récemment, la relecture anthro-
diale. Si elle paraît inadaptée non seulement pologique qui a pu être faite par des formateurs
pour saisir les réalités des XXe -XXIe siècles, mais à la négociation en entreprise ou en adminis-
aussi pour penser, sur la durée, les inflexions des tration des œuvres de Hotman de Villiers, de
pratiques diplomatiques, elle a reflété un monde Callières, de Wiquefort ou de Pecquet, a souli-
dont la vision avait été modelée en partie par gné l’actualité de ces traités des XVIe -XVIIIe siècle
les juristes et les historiens, les premiers à avoir pour un début de XXIe siècle encore sous le
essayé d’en repérer un certain nombre de lois coup du « choc des civilisations » et en quête de
et de caractères évolutifs. Ces deux professions, clefs pour bien mener des négociations « inter-
très engagées dans la construction d’un savoir
et d’une mémoire d’État, ont pensé jusqu’au
début du XXe siècle la diplomatie comme un outil
au service du Prince, comme l’instrument par 15 Une synthèse des travaux de cette première période est
excellence des relations interétatiques. Les pre- présentée in Fritz Ernst, « Über Gesandtschaftswesen und
Diplomatie an der Wende vom Mittelalter zur Neuzeit »,
mières études scientifiques de l’époque contem- Archiv für Kulturgeschichte, vol. 33, 1950, p. 64-95, part.
p. 68-70.
13 Guide to Diplomatic Practice (London: Longmans, Green 16 Isabelle Dasque, « Aux origines de la Société d’histoire
and Co, 1917), p. 1. diplomatique et de la Revue d’histoire diplomatique »,
14 Harold Nicolson, Diplomacy, op. cit., p. 4-5 (cf. note 5). Revue d’histoire diplomatique, 2012/1, p. 7-21.

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culturelles » à l’OMC ou ailleurs17 . La floraison majorité des études historiques rédigées au XXe
de livres, d’articles et de papers sur ce thème siècle et que s’inscrivent encore, par exemple,
est significative de l’urgence ressentie à com- le livre de Garett Mattingly sur la diplomatie
prendre et à prendre en compte la culture de de la Renaissance, voire celui, beaucoup plus
l’Autre et ses modes de communication, l’irra- récent, de Matthew Anderson18 . Une « opposi-
tionnel sévissant dans la négociation comme tion téléologique » entre diplomatie médiévale
dans toute relation humaine. et diplomatie moderne, pour reprendre l’ex-
pression de Stéphane Péquignot19 , imprègne
Les études scientifiques sur la diplomatie se
donc, non pas tous, mais bien la majorité des
sont construites dans cette tension entre le poli-
travaux et fonde l’approche historique classique
tique et le culturel, et, jusqu’à aujourd’hui, en
de la diplomatie. Des inflexions fortes se mani-
fonction des sensibilités nationales comme des
festent toutefois dans les travaux publiés après
mutations de la scène internationale, ce prisme
la Seconde Guerre mondiale : à l’analyse des
dual marque les analyses. Au XIXe siècle, le fait
contenus (traités, alliances) se superpose alors
que les entités politiques médiévales ne dispo-
celle des formes de la diplomatie (modes de
saient pas de structures spécialisées pour la
négociation, techniques de communication) –
définition et la conduite des affaires extérieures
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François-Louis Ganshof, auquel Pierre Renouvin
entraîna un désintérêt relatif pour les pratiques
confie la partie médiévale de son Histoire des
diplomatiques antérieures au XVe siècle à l’heure
relations internationales éditée en 1953, incarne
où seule la naissance des États-nations cap-
cette tendance de l’historiographie.
tivait l’attention : le regard des historiens se
concentra sur l’apparition des ambassades per- Les années 1990 sont néanmoins celles à partir
manentes en Italie et sur l’extension de cette desquelles s’expriment la diversification des
sédentarisation à l’ensemble de l’Europe occi- champs de recherche et la remise en cause de
dentale et de l’Europe du Nord. Les travaux clas- l’opposition tranchée entre diplomatie médié-
siques des historiens allemands Otto Krauske vale et diplomatie moderne. La sédentarisation
et Adolf Schaube sur l’Italie en témoignent dans des ambassadeurs ne peut occulter le maintien
les années 1880 et leur esprit va se perpé-
tuer jusque dans les années 1930-1940 : c’est 18 Garett Mattingly, Renaissance Diplomacy (Boston:
dans cette continuité, empreinte de téléologie, Houghton Miflin Company, 1955); Matthew S. Anderson,
centrée sur le développement et le perfection- The Rise of Modern Diplomacy (1450-1919) (London:
Longman, 1993).
nement de l’État moderne que se fondent la 19 Stéphane Péquignot, « Les diplomaties occidentales, XIIIe -
XVe siècle », in Société des historiens médiévistes de l’En-
17 Voir les rééditions de ces textes conduites par Alain Pekar- seignement supérieur public, Les relations diplomatiques
Lempereur au début des années 2000, au sein d’IRENE- au Moyen Âge. Formes et enjeux, Paris, Publications de
ESSEC. la Sorbonne, 2011, p. 52.

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des missions itinérantes ; à côté des États, de « passeur » entre deux cultures est au
d’autres acteurs tiennent un rôle central dans centre des recherches entreprises comme
les relations internationales comme les villes, en témoigne l’influence du livre de Christian
les ordres militaires (Teutoniques, Templiers, Windler, La diplomatie comme expérience de
Hospitaliers) et les condottieri italiens. La l’Autre, y compris sur de jeunes chercheurs
frontière marquant l’émergence de pratiques antiquisants et médiévistes.
diplomatiques cohérentes est repoussée du
Les historiens contemporanéistes sont loin,
milieu du XVe aux Xe -XIe siècles, attestant
dans ces années 1990, d’avoir accompli la
« la persistance de certains usages dans une
même démarche. Ils continuent aux États-Unis
très longue durée »20 . Les définitions de la
et au Royaume-Uni à faire du diplomate le bras
diplomatie témoignent de cet élargissement.
armé de l’homme d’État en concentrant leurs
Pour Stéphane Péquignot, la diplomatie est
recherches sur le sommet de la hiérarchie admi-
« l’ensemble des activités de représentation,
nistrative et politique et sur les relations entre
d’échanges et de négociations politiques,
le gouvernement et sa haute administration.
menées au nom d’un pouvoir auprès d’autres
C’est bien ce qu’illustre la confusion suscitée
pouvoirs »21 . Promue par Lucien Bély au rang
par le titre du livre célèbre d’Henry Kissinger,
d’« art de la paix »22 , elle suscite, une attention
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Diplomacy, paru en 1994, qui parle essentiel-
nouvelle pour ses pratiques et les conceptions
lement des hommes d’État et qui réduit les
politiques qui les sous-tendent, ses réseaux et
diplomates au rôle de courroie de transmission
ses représentations23 . Depuis les années 1990,
(ce qu’ils sont peut-être devenus par ailleurs
le rôle d’acteur interculturel du diplomate,
pendant la Guerre froide). Ce fut aussi le cas
20 Ibid., p. 65. dans un pays comme la France, qui est restée
21 Ibid., p. 47. On trouvera par ailleurs dans l’appareil critique longtemps soumise à un prisme réaliste très
de cet article les références quasi-exhaustives relatives au fort et qui a réduit la diplomatie à la dimen-
renouvellement de l’historiographie médiévale des années
1990-2010. sion d’outil des politiques extérieures24 . Dans ce
22 Lucien Bély, L’art de la paix en Europe. Naissance de la cadre, les administrations en charge des affaires
diplomatie moderne XVIe -XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2007. étrangères ont fait l’objet d’une attention pri-
23 Marc Belissa, Fraternité universelle et intérêt national
(1713-1795). Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris,
vilégiée. À la suite de Jean-Baptiste Duroselle,
Éditions Kimé, 1998 ; Lucien Bély (dir.), L’invention de
la diplomatie (en collaboration avec Isabelle Richefort), historischen Wandel, Köln - Weimar - Wien, Böhlau Verlag,
Paris, PUF, 1998 ; id. (dir.), L’Europe des traités de 2010.
Westphalie. Esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, 24 La somme récente, dirigée par Jean-Claude Allain et al.,
Paris, PUF, 2000 ; Lucien Bély, Géraud Poumarède (dir.), Histoire de la diplomatie française, Paris, Perrin, 2005, est
L’incident diplomatique, XVIe -XVIIIe siècle, Paris, Pedone, représentative, pour sa partie contemporaine, de la per-
2010 ; Hillard von Thiessen, Christian Windler, Akteure sistance d’une analyse politico-stratégique de la politique
der Außenbeziehungen. Netzwerke und Interkulturalität im extérieure.

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Jean-Claude Allain a développé une réflexion Isabelle Dasque ou Marion Aballea29 . Jusqu’aux
sur l’appareil diplomatique français s’attachant années 1990, toute approche culturaliste reste
à évaluer son importance au sein de l’admi- absente des analyses. Les historiens privilégient
nistration française, réflexion qui rejoignait une approche nationale et centrée sur l’État
celle de ses confrères étrangers25 . Élisabeth du même si elle peut s’effectuer dans un cadre com-
Réau et Georges-Henri Soutou ont examiné la paratif30 . Ce prisme réaliste n’est pas propre aux
fonction d’informateur du diplomate à l’aune historiens français. Les historiens britanniques,
des dysfonctionnements de la machine mili- américains, italiens, autrichiens ont eu, majo-
taire dans les années 1930 ou de l’évolution ritairement, une perspective similaire qui est
des systèmes de sécurisation de la transmis- encore celle, en Allemagne, de l’ouvrage paru
sion de l’information au sortir de la Seconde en 2010 sur l’évolution sociale et politique de
Guerre mondiale26 . Longtemps centrée sur l’ana- l’Auswärtiges Amt depuis 187131 .
lyse des organigrammes et de leur évolution
en fonction des inflexions des politiques exté-
et les arcanes de la diplomatie britannique, Paris,
rieures, cette histoire s’est ensuite ouverte à une Publications de la Sorbonne, 2011 ; Yves Dénéchère (dir.),
approche de type prosopographique initiée par Femmes et diplomatie. France-XXe siècle, Bruxelles-Berne-
Berlin, PIE- Peter Lang, 2004.
Jean-Baptiste Duroselle27 , poursuivie et enri-
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29 Isabelle Dasque, « À la recherche de M. de Norpois : les
chie par une nouvelle génération d’historiens, diplomates de la République (1870-1914) », thèse soute-
qui puisent aux sources de l’histoire sociale, nue sous la direction de Jean-Pierre Chaline, Université de
comme Sabine Dullin, Claire Sanderson28 , puis Paris IV, 2005 ; Marion Aballea, « Un exercice de diploma-
tie chez “l’ennemi” : L’ambassade de France à Berlin entre
1871 et 1933 », thèse en préparation sous la direction de
25 Jean-Claude Allain, « L’appareil diplomatique », in Robert Sylvain Schirmann, Université de Strasbourg et Matthias
Frank (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Schulz, Université de Genève.
Paris, PUF, 2012. Le chapitre a été partiellement mis à jour 30 Georges-Henri Soutou, « Les élites diplomatiques fran-
par Laurence Badel. çaises et allemandes au XXe siècle », in Rainer Hudemann,
26 Élisabeth du Réau, « L’information du décideur et l’éla- Georges-Henri Soutou (dir.), Eliten in Deutschland und
boration de la décision diplomatique dans les dernières Frankreich im 19. und 20. Jahrhundert: Strukturen und
années de la Troisième République », Relations interna- Beziehungen / Elites en France et en Allemagne aux XIXe
tionales, n° 32, 1982, p. 525-541 ; Georges-Henri Soutou, et XXe siècles : structures et relations, vol. 1, München,
« La mécanisation du chiffre au Quai d’Orsay ou les aléas Oldenbourg, 1994, p. 303-314.
d’un système technique (1948-1958) », in Michèle Merger, 31 Eckart Conze et al. (dir.), Das Amt und die Vergangenheit.
Dominique Barjot (dir.), Les entreprises et leurs réseaux : Deutsche Diplomaten im Dritten Reich und in der
hommes, capitaux, techniques et pouvoirs, XIXe -XXe siècle, Bundesrepublik, München, Blessing Verlag, 2010. Cf.
Paris, PUPS, 1998. aussi Enrico Serra, La diplomazia in Italia, Milano,
27 Jean-Baptiste Duroselle, La Décadence, 1932-1939, Paris, F. Angeli, 1984 ; Rudolf Agstner, Gertrude Enderle-
Imprimerie nationale, 1979. Burcel, Michaela Follner, Biografisches Handbuch der
28 Sabine Dullin, Des hommes d’influences. Les ambassa- Diplomaten des Höheren Auswärtigen Dienstes 1918–
deurs de Staline en Europe, 1930-1939, Paris, Payot, 1959. Österreichs Diplomaten zwischen Kaiser und Kreisky,
2001 ; Claire Sanderson, Perfide Albion ? L’affaire Soames Wien, Fassbaender, 2009.

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Ce prisme a enfin longtemps été, également, auteur de Power Politics, dont la toute première
celui des politologues internationalistes. version parut en 1946 sous les auspices de cet
L’approche de la diplomatie a été tributaire institut, est le père fondateur de cette approche.
de l’évolution de la discipline International Mais pour lui, le système international reste
Relations (IR) telle qu’elle s’est développée dans encore conçu essentiellement comme un
les pays anglo-saxons à la fin de la Première système interétatique35 . À sa suite, une
Guerre mondiale. La diplomatie ne fait pas deuxième génération, représentée par Hedley
l’objet d’une théorisation particulière de la Bull et Adam Watson, approfondit la réflexion.
part des réalistes ; elle est, pour eux aussi, un H. Bull insiste sur la notion de « culture
outil au service de la politique extérieure, une diplomatique » pour définir l’existence d’une
technique de régulation de la scène internatio- « société internationale » donnée. En valorisant
nale, complémentaire de la guerre32 . Un avatar la fonction essentielle de « communication »
récent de cette approche en France en fait de la diplomatie, Adam Watson prend, quant à
même une branche des politiques publiques33 . lui, ses distances avec cette vision centrée sur
En fait, il faut attendre la constitution de les États et explique que la souveraineté n’est
l’École anglaise des relations internationales34 , pas une condition constitutive de la diplomatie.
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soit les années 1959-1966, autour de Martin La société internationale est caractérisée
Wight et Herbert Butterfield pour que se par « un jeu de règles et d’institutions »
diffuse une réflexion nouvelle, centrée sur le et présentée comme « une superstructure,
concept de « société internationale », et que la consciemment mise en place pour modifier le
diplomatie apparaisse dorénavant comme l’un travail mécanique du système »36 . La troisième
de ses éléments fondamentaux. Martin Wight génération de chercheurs se rattachant à
(1913-1972), jeune collègue d’Arnold Toynbee l’École anglaise a inversé les termes de l’analyse
au Royal Institute of International Affairs, et en défendant l’idée que ce n’était pas ses
structures concrètes (ambassades, sommets,
32 Hans J. Morgenthau, Politics among Nations: the Struggle
etc.) qui définissaient la diplomatie mais
for Power and Peace (New York: Alfred A. Knopf, 1966 [3rd que c’était la diplomatie qui permettait à un
ed.]), p. 139 : “The conduct of a nations’s foreign affairs by système international de se (re)constituer
its diplomats is for national power in peace what military
strategy and tactics by its military leaders are for national
en tenant un rôle de médiation essentiel
power in war”. entre des entités politiques en conflit ou en
33 Marie-Christine Kessler, Les Ambassadeurs, Paris, Presses
de Sciences-Po, 2013.
34 Iver B. Neumann, “The English School on Diplomacy”, 35 Martin Wight, Power Politics (New York: Holmes and Meier,
Discussion Paper in Diplomacy, n° 79 (The Hague: 1978), ici réédition de 1986, p. 113.
Netherlands Institute of International Relations 36 Adam Watson, The Evolution of International Society
‘Cligendael’), 2002, p. 7. (London, New York: Routledge, 1992), p. 311.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

voie d’éloignement (ce qu’exprime la notion du ministère norvégien des Affaires étrangères
d’estrangement au cœur de l’analyse de James (1997-2003). Il en retira un certain nombre
Der Derian37 ). D’autre part, la diplomatie est de réflexions fondées sur le constat suivant :
appréhendée comme une pratique sociale qui “Very little seems to be known about the
doit être abordée, non pas tant par l’étude des standart operational procedures and everyday
événements internationaux et des relations routines of diplomacy [...]. [Diplomats] are an
entre les grands hommes mais « par le bas », elite awaiting its ethnography”40 . La même
par l’examen des rituels et de la mise en scène démarche a d’ailleurs également animé
des pouvoirs qui la font exister. C’est dans cette récemment des chercheurs et sociologues
continuité que se situent les réflexions les français41 . Ces travaux ont pour dénominateur
plus récentes développées par Iver Neumann, commun de se concentrer sur le comportement
Christer Jönsson et Martin Hall. En reprenant le spécifique du diplomate et comme tels, ils
postulat que la diplomatie est une institution mobilisent une approche anthropologique qui
fondatrice d’une société internationale donnée, a, parallèlement, considérablement renouvelé
qui structure les relations entre des entités les travaux des historiens.
politiques38 , ces deux derniers chercheurs
L’anthropologie a nourri principalement
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estiment qu’elle se définit par ses normes,
les historiens antiquisants et médiévistes
ses règles et ses codes de conduite que
qui, par nature, raisonnent sur des relations
sont tenus de respecter ses agents. Christer
internationales hors du cadre westphalien.
Jönsson et Martin Hall se sont ensuite
Pour eux, la diplomatie est un « moyen
concentrés sur la recherche des caractères
pacifique et ponctuel de résoudre des conflits
essentiels fondant l’acte diplomatique par-delà
ou des tensions entre des acteurs politiques, et
l’ordre westphalien : la communication,
ce quels que soient leurs statuts (monarchie,
la représentation et la reproduction de la
cité, empire, groupe s’appuyant sur une force
société internationale39 . D’autres chercheurs
appliquent une grille de lecture de type
mi-sociologique, mi-ethnographique, en 40 Iver B. Neumann, At home with the Diplomats. Inside
mettant l’accent sur le caractère quotidien de European Foreign Ministry (Ithaca and London: Cornell
University Press, 2012), p. 5.
cette activité. C’est le cas d’Iver Neumann qui
41 Françoise Piotet, Marc Loriol, David Delfolie, Splendeurs et
s’immergea pendant trois ans et demi au sein misères du travail des diplomates, Paris, Hermann, 2013 ;
Johanna Edelbloude, « Écrivains et diplomates : des outsi-
37 James Der Derian, On Diplomacy: A Genealogy of Western ders dans la Carrière ? Lecture sociologique des logiques
Estrangement (Oxford : Basil Blackwell, 1987), p. 106. de nomination », in Laurence Badel, Gilles Ferragu,
38 Christer Jönsson, Martin Hall, Essence of Diplomacy Stanislas Jeannesson, Renaud Meltz (dir.), Écrivains et
(Houndsmills: Macmillan, 2005), p. 31. diplomates. L’invention d’une tradition, XIXe -XXIe siècle,
39 Ibid., p. 4. Paris, Armand Colin, 2012.

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armée) »42 . Les spécialistes de la Grèce antique Les historiens contemporanéistes s’y sont éga-
ont été parmi les premiers à renouer avec lement ouverts sous l’influence exercée par
une approche des pratiques diplomatiques43 , le « tournant culturel » sur l’histoire des rela-
suivis plus récemment par les historiens de tions internationales46 , et les analyses dévelop-
Rome44 , pratiques romaines dont Byzance pées par des historiens comme Akira Iriye47
fut l’héritière. Mobilisant en particulier les ou Ursula Lehmkuhl48 , comme l’attestent les
travaux de l’anthropologue Fredrik Barth travaux de Christian Windler sur les relations
qui critiquaient ceux de Clifford Geertz, et consulaires entre l’Empire ottoman et la France,
les recherches de l’historien italien Giovanni déjà mentionnés49 , de Johannes Paulman sur
Levi, les antiquisants ont développé une les rencontres de souverains au XIXe siècle ou
étude des pratiques diplomatiques, des codes encore ceux de Suzanne Schattenberg50 . Celle-
partagés par les protagonistes, des rituels ci soutient l’idée que la communication diplo-
diplomatiques et des acteurs intervenant dans matique consiste en un dialogue interculturel
les négociations, rompant avec une approche entre des États ou des entités politiques dis-
juridique du fait diplomatique, centrée sur les posant d’un code culturel propre. Elle prend
traités. Ces approches font de la diplomatie pour exemple les négociations de paix qui
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un mode singulier d’exercice du pouvoir eurent lieu après la guerre russo-japonaise,
et un espace d’échanges, d’interactions et en août 1905, à Portsmouth, aux États-Unis.
de négociations multiples, une forme de Pour elle, la manière dont le négociateur russe
communication politique et symbolique que Sergei Witte a su jouer des codes diploma-
les historiens modernistes apprécient aussi45 .
46 Markus Mosslang, Torstan Riotte (dir.), The
42 Audrey Becker, Nicolas Drocourt (dir.), Ambassadeurs et Diplomats’World: The Cultural History of Diplomacy,
ambassades, op. cit., p. 1 (cf. note 6). 1815-1914 (Oxford: Oxford University Press, 2008).
43 Derek J. Mosley a été l’un de ces pionniers avec son livre : 47 Akira Iriye, “Culture”, The Journal of American History, vol.
Envoys and Diplomacy in Ancient Greece, Wiesbaden, 77 (1990/1), p. 99-107.
Steiner, 1973. 48 Ursula Lehmkuhl, « Entscheidungsprozesse in derin-
44 Claudine Auliard, La diplomatie romaine. L’autre instrument ternationalen Geschichte. Möglichkeiten und Grenzen
de la conquête. De la fondation à la fin des guerres sam- einer kulturwissenschaftlichen Fundierung außenpoliti-
nites (753-290 av. J.-C.), Rennes, PUR, 2006 ; Emmanuèle scher Entscheidungsmodelle », in Jürgen Osterhammel,
Caire, Sylvie Pittia, Guerre et diplomatie romaines. IVe -IIIe Wilfried Loth (dir.), Internationale Geschichte. Themen,
siècles av. J.-C., Aix-en-Provence, Université de Provence, Ergebnisse, Aussichten, München, R. Oldenbourg Verlag,
2006 ; Claude Eilers, ed., Diplomats and Diplomacy in the 2000, p. 187-207.
Roman World (Leiden: Brill, 2009). 49 Christian Windler, La diplomatie comme expérience de
45 Diana Carrió-Invernizzi, “Gift and Diplomacy in the l’Autre, op. cit. (cf. note 3).
Seventeenth Century Spanish Italy”, The historical H- 50 Susanne Schattenberg, « Die Sprache der Diplomatie
Journal, vol. 51 (2008/4), p. 881-899; Christian Windler, oder Das Wunder von Portsmouth. Überlegungen zu
“Tributes and presents in Franco-Tunisian diplomacy”, einer Kulturgeschichte der Aussenpolitik », Jahrbücher
Journal of Early Modern History (2000/4), p. 168-199. für Geschichte Osteuropas, vol. 56, 2008, p. 3-26.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

tiques auprès de l’opinion publique américaine, Entre diplomaties-mondes et


explique que la Russie, qui a perdu la guerre, mondialisation de la diplomatie
gagne, dans une certaine mesure, la paix en
évitant de payer des réparations de guerre au Faut-il dès lors établir que la diplomatie est
Japon. Paradoxalement, les contraventions de devenue, à l’orée du XXIe siècle, globale et mon-
Witte au protocole classique imposé par les dialisée52 ? Trois traits déterminants semblent
Européens, la décontraction dont il témoigne aujourd’hui la caractériser. Elle apparaît d’abord
en arrivant à Boston, le rendent sympathique à comme une diplomatie continue (dans l’es-
l’opinion américaine alors que l’adhésion par- pace) et permanente (dans le temps) véhicu-
faite de son homologue japonais Komura Jutaro lant l’image idéale d’un monde connecté, en
aux codes occidentaux, en le conduisant à igno- totale relation et en perpétuelle négociation.
rer la presse, et donc l’opinion publique, joue en Comme le remarque Hubert Védrine, « la ges-
sa défaveur. Plus récemment enfin, l’entrée dans tion du monde est devenue une sorte de réunion
une phase identifiée comme « nouvelle » de la de copropriétaires qui serait sans fin »53 . Cette
mondialisation ne pouvait manquer de soulever diplomatie mondialisée a ses lieux privilégiés,
la question d’une globalisation des pratiques des villes où siègent les principales organisa-
tions internationales jusqu’aux tables rondes
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diplomatiques et de la constitution d’un milieu
diplomatique transnational dont les codes se autour desquelles prennent place les négo-
seraient uniformisés du fait de la socialisation ciateurs ; elle a ses réseaux : la densité du
effectuée au sein des organisations internatio- maillage diplomatique et consulaire continue
nales51 . d’être revendiquée comme un atout, notam-
ment par la France, fière de rappeler qu’elle
se situe en ce domaine en troisième position
immédiatement après les États-Unis et désor-
mais la Chine ; elle a fait d’internet son princi-
pal vecteur de communication, tant de manière
interne, ce qui pose des problèmes nouveaux de
51 Karen Gram-Skjoldager, “Never Talk to Strangers? On stockage et d’archivage des correspondances54 ,
Historians, Political Scientists and the Study of Diplomacy
in the European Community/European Union”, Diplomacy 52 Laurence Badel, Stanislas Jeannesson (dir.), Diplomaties
& Statecraft, vol. 22 (2011/4), p. 696-714; Paul Sharp, en renouvellement, Les Cahiers IRICE, 2009/3.
Geoffrey Wiseman, eds., The Diplomatic Corps as an ins- 53 Hubert Védrine, « Négocier au nom de la France hier et
titution of international society (Houndsmills, Basingstoke: aujourd’hui », in Alain Pekar Lempereur, Aurélien Colson
Palgrave Macmillan, 2007), p. 223-245. Pour une synthèse (dir.), Négociations européennes, d’Henri IV à l’Europe des
à jour, cf. Keith Hamilton, Richard Langhorne, The Practice 27, Paris, A2C médias, 2008, p. 262.
of Diplomacy. Its Evolution, Theory and Administration 54 Benoit d’Aboville, « Le négociateur face à l’historien »,
(London: Routledge, 2011–1st ed. 1995). Revue d’histoire diplomatique, 2012/1, p. 42-53.

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que vis-à-vis du monde extérieur, la diplomatie matiques se sont adaptés à ces mutations qui
d’influence recourant désormais de plus en plus viennent bouleverser en profondeur les struc-
aux services du numérique (sites web, réseaux tures mêmes de l’ordre international : les États-
sociaux, blogs). Unis se sont ainsi dotés en 1994 d’un Under
Secretary of State for Democracy and Global
Il s’agit ensuite d’une diplomatie essentielle-
Affairs, tandis que le Quai d’Orsay a mis en
ment multilatérale, qui implique des acteurs
place en 2009 au sein de son organigramme
multiples – publics et privés, individuels et
une direction générale de la Mondialisation. Ces
collectifs, politiques, économiques, culturels et
pratiques n’ont toutefois pas mis un terme à
sociétaux –, et qui se décline selon des échelles
des formes plus classiques de négociations : on
multiples – transfrontalières, régionales ou
négocie toujours dans un cadre bilatéral, bien
interrégionales. Le développement du multilaté-
que profondément renouvelé, y compris au sein
ralisme n’a pas seulement introduit de nouvelles
de l’Union européenne, ce qu’illustre également
techniques de négociation et participé à la démo-
la relance de diplomaties commerciales actives
cratisation des relations internationales ; il a
dans les années 1960, puis 199056 .
aussi favorisé l’émergence de nouveaux acteurs
issus de la société civile – experts, ONG – qui sont Le mouvement qui conduit d’une diplomatie
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venus grossir les rangs des délégations. Quant internationalisée, c’est-à-dire essentiellement
aux opinions publiques, elles ne se contentent pensée en termes de relations, à une diplomatie
plus d’influencer, avec plus ou moins de bon- mondialisée, c’est-à-dire essentiellement pen-
heur, la définition des politiques étrangères des sée en termes d’espaces, ne peut être étudié,
différents pays ; elles sont devenues actrices nous semble-t-il, qu’en usant des approches
à part entière d’une scène mondiale où elles propres à l’histoire globale. Si l’on postule la glo-
trouvent de plus en plus à s’exprimer55 . balisation des pratiques diplomatiques, il faut
tenter une histoire globale de la diplomatie sur
Depuis la fin du XIXe siècle, enfin, cette diploma-
le temps long57 . La déconstruction des défini-
tie a progressivement étendu son champ d’ac-
tions habituelles restreignant la conception et
tion, des domaines économiques, financiers et
l’exercice de la diplomatie au cadre interéta-
culturels à des questions transnationales, telles
tique implique pour l’historien des relations
que les droits de l’Homme, la santé, le climat ou
le développement durable. Les appareils diplo- 56 Huub Ruël, Commercial Diplomacy and International
Business: A Conceptual and Empirical Exploration (New
55 « Organisations internationales et ONG : coopération, riva- York: Emerald Group Publishing Ltd., 2012); Laurence
lité, complémentarité de 1919 à nos jours », Relations Badel, Diplomatie et grands contrats, Paris, Publications
internationales, n° 151, 2012/3 et n° 152, 2012/4. Cf. aussi de la Sorbonne, 2010.
Bertrand Badie, Le diplomate et l’intrus. L’entrée des socié- 57 Jeremy Black, A History of diplomacy (London: Reaktion
tés dans l’arène internationale, Paris, Fayard, 2008. Books, 2011), introduction.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

internationales une quadruple démarche qui une certaine unité organique »59 . L’existence à
doit l’amener à fréquenter des territoires et l’époque moderne et contemporaine – qui reste
des disciplines dont il n’est pas naturellement à prouver – d’une « diplomatie européenne »,
coutumier. Contentons-nous ici d’en esquisser c’est-à-dire comportant des caractéristiques
les contours, du reste pour certains déjà bien communes à l’ensemble des États constituant
balisés par l’historiographie récente. le continent européen, ne saurait conduire, par
analogie, à parler d’une « diplomatie africaine »
Cette démarche passe, en premier lieu, par
ou d’une « diplomatie asiatique », notamment
la nécessité de se défaire de toute vision
pour la période précoloniale.
européocentrée de l’histoire de la diplomatie.
L’Amérique, l’Asie ou l’Afrique ne s’ouvrent pas Cela conduit à sortir du cadre dit « westpha-
à la diplomatie, pas plus qu’elles n’acquièrent lien » dans lequel la diplomatie s’est épanouie
une existence internationale, au moment où et s’est enfermée depuis le XVIIe siècle et qui
elles entrent en contact avec l’Europe. Les continue à servir de soubassement à toute
diplomaties et les relations diplomatiques une conception « réaliste » du système inter-
extra-européennes doivent donc être considé- national, fondée sur les notions de souverai-
rées pour elles-mêmes, avec leurs structures, neté, de puissance et d’équilibre. La diplo-
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leurs codes et leurs pratiques spécifiques. matie « westphalienne » ne sous-entend pas
Notons d’ailleurs qu’en ce domaine comme seulement un système, elle dessine également
en d’autres, l’échelle continentale n’est guère une chronologie dont il convient de s’affran-
pertinente, les continents étant précisément chir : la diplomatie ne naît pas au tournant
une invention européenne58 ; on préférera des XVe et XVIe siècles, avec la naissance en
donc la notion d’« espaces diplomatiques » ou Europe des États modernes, la création des
de « diplomaties-mondes » pour paraphraser premières ambassades permanentes et celle
Fernand Braudel et caractériser tout système des premières structures gouvernementales
relationnel entre entités politiques au sein chargées de la conduite de la politique exté-
d’un espace donné, « autonome, capable pour rieure. Il a existé, dans l’Antiquité comme au
l’essentiel de se suffire à lui-même et auquel ses Moyen Âge, des relations diplomatiques « pré-
liaisons et ses échanges intérieurs confèrent westphaliennes », avec leurs acteurs, leurs pra-
tiques et leurs logiques, d’ailleurs très variables

58 Christian Grataloup, L’invention des continents. Comment


les Européens ont découpé le monde, Paris, Larousse, 59 Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capi-
2009 ; voir aussi le n° 3 de Monde(s). Histoire, espaces, talisme, XVe -XVIIIe siècle, t. III, Le temps du monde, Paris,
relations, consacré à cette question (mai 2013). Armand Colin, 1979, p. 12.

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en fonction des lieux et des moments60 . La défi- étrangers62 . Si l’on retient la définition,
nition classique de la diplomatie est ainsi non remarquable de concision, que le géographe
seulement inadaptée à ce qu’est devenue la Jacques Lévy propose de la mondialisation
diplomatie actuelle, mais aussi à ce qu’elle a – « émergence du monde comme espace
toujours été et n’a jamais cessé d’être. pertinent »63 – on comprend tout l’intérêt de
procéder à une histoire croisée des diplomaties
Diplomatie et mondialisation sont indis-
et des mondialisations, du XVe siècle, voire
sociables. La construction des réseaux
avant, à nos jours. Aborder l’histoire des
diplomatiques et consulaires peut en effet être
diplomaties par celles des circulations et des
considérée à la fois comme un produit de la
réseaux, comme le font depuis quelques années
mondialisation – le diplomate suit de près le
les historiens modernistes64 , essentiellement,
conquérant et le marchand – et comme l’un
il est vrai, dans un cadre européanisé, permet
de ses principaux vecteurs – la prolifération
ainsi de mieux appréhender les processus
des organisations internationales depuis la fin
de construction et d’expansion d’un espace
de la Première Guerre mondiale en fournit la
diplomatique dont les limites tendent à
manifestation la plus visible61 . À ce titre, de
s’identifier progressivement à celles du monde.
nombreux travaux ont insisté, pour la période
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antérieure au XXe siècle, sur l’ambivalence Plus généralement, c’est l’ensemble de la
de la fonction consulaire, à la fois d’ordre diplomatie, en tant qu’objet d’étude, qu’il
diplomatique et commercial, voire culturel, les
consulats constituant dès l’époque moderne de 62 Quelques références parmi d’autres : Anne Mézin, Les
précieuses sources d’information et d’efficaces consuls de France au siècle des Lumières (1715-1792),
Paris, Ministère des Affaires étrangères, 1997 ; Jörg Ulbert,
points d’appui à l’expansion du commerce Gérard Le Bouëdec (dir.), La fonction consulaire à l’époque
des nations européennes, notamment hors du moderne, Rennes, PUR, 2006 ; Nadal Jesús Pradells,
continent, tout en jouant le rôle d’intermédiaire Diplomacia y comercio : la expansión consular española en
el siglo XVIII, Alicante, Instituto decultura Juan Gil Albert,
privilégié entre des mondes encore largement 1992 ; Leos Müller, Consuls, Corsairs, and Commerce. The
Swedish Consular Service and Long-distance Shipping,
1720-1815, Studia Historica Upsaliensa 213, Uppsala,
2004.
60 Les relations diplomatiques au Moyen Âge. Formes et 63 Jacques Lévy, Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la
enjeux, op. cit. (cf. note 19) ; Audrey Becker, Nicolas géographie, Paris, Belin, 2013 [2e éd.], p. 690-694.
Drocourt (dir.), Ambassadeurs et ambassades, op. cit, 64 Daniel Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des
part. p. 1-5 (cf. note 6) ; Le relazioni internazionali nell’alto hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003 ;
medioevo, Settimane di Studio della Fondazione Centro Lucien Bély, L’art de la paix en Europe, op cit. (cf. note 22) ;
Italiano di Studi sull’Alto Medioevo, n° 58, Spoleto, 2011. Stéphane Bégaud, Marc Bélissa, Joseph Visser (dir.), Aux
61 Akira Iriye, Global Community: The Role of International origines d’une alliance improbable : le réseau consulaire
Organizations in the Making of the Contemporary World français aux États-Unis (1776-1815), Bruxelles, PIE-Peter
(Berkeley: University of California Press, 2004). Lang, 2005.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

conviendrait de repenser en termes d’espace, encadré par toute une série de conventions,
en usant des outils conceptuels forgés par protocoles et cérémoniaux, mais également
les géographes65 . La diplomatie a ses lieux, son espace identifié, approprié et revendiqué,
officiels ou non, publics ou privés, permanents « le territoire du diplomate », sur lequel il ne
ou temporaires, physiques ou dématérialisés : fait pas toujours bon pour un intrus, pour un
ministères, ambassades et consulats, sièges étranger à la « Carrière », de s’aventurer...
des organisations internationales, mais aussi
tous les lieux de conférences, de rencontres Au cœur de ces problématiques figure l’étude
ou d’échanges, aussi incongrus soient-ils, des interactions que ces espaces diplomatiques
diplomatie de corridor ou de hall d’hôtel. Elle a entretiennent entre eux et des formes qu’elles
ses hauts lieux (New York, Bruxelles...), ses lieux peuvent adopter : « interface », lorsqu’il y a
saints (que l’on songe à Genève et la mystique contact entre deux espaces (aires ou réseaux) –
forgée dans l’entre-deux-guerres autour de c’est le cas le plus courant, celui où le diplomate
la SDN), ses lieux de mémoire (par exemple joue tout son rôle de passeur et d’intermédiaire ;
Münster, Utrecht, Vienne ou Bandung et, dans « cospatialité », lorsqu’il y a, sur une même ques-
le registre négatif, Munich). La diplomatie a ses tion donnée, mise en relation de deux diploma-
ties parallèles, par exemple publique et privée,
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espaces constitués de l’ensemble de ces lieux et
de leurs relations à une échelle pertinente – une celle des ministères et celle des ONG ; « emboîte-
échelle qui tend à devenir celle du monde. La ment », lorsque plusieurs formes de diplomatie
difficulté consiste précisément à établir où se sont imbriquées et interagissent à chaque fois
situe cette pertinence : l’Europe, par exemple, qu’intervient un saut d’échelle, par exemple
fournit-elle un cadre cohérent pour rendre lorsqu’on considère les liens qu’entretiennent
compte de la diplomatie dans cet espace au entre elles les diplomaties infra-étatiques (celle
XIXe siècle ? Peut-on parler, pour cette période des villes ou des régions), transfrontalières, éta-
d’une « diplomatie européenne » comme d’un tiques et supra-étatiques (celle d’organisations
tout ? La diplomatie a aussi son territoire, internationales disposant d’une capacité en
c’est-à-dire son espace délimité, contrôlé, matière de politique extérieure, comme l’Union
et au sens métaphorique du terme, codifié, européenne).

Ces démarches conjointes conduisent à poser


65 Voir notamment les définitions de « lieu », « espace » et
« territoire », ainsi que la notion d’interspatialité et ses
un certain nombre de questions fondamentales,
différentes formes, in Jacques Lévy, Michel Lussault (dir.), d’ailleurs liées, qui interrogent l’essence même
Dictionnaire de la géographie, op. cit. (cf. note 13) ; pour de la diplomatie et amènent à en repenser la
une conception plus classique, Roger Brunet (dir.), Les
mots de la géographie. Dictionnaire critique, Paris, La définition – questions qui demeurent en grande
Documentation française, 1992. partie ouvertes...

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Laurence Badel – Stanislas Jeannesson

La première est celle du polycentrisme originel plus de son statut que de sa fonction, est de
de la diplomatie, qui présuppose la coexistence représenter : pour cela, il ne lui est pas néces-
d’espaces diplomatiques autonomes, voire tota- saire d’agir, il lui suffit d’être. De ce statut résulte
lement isolés les uns des autres à certaines l’immunité qui s’attache à sa personne – s’en
époques de l’histoire, et au sein desquels se prendre à l’ambassadeur revient à s’attaquer
sont développés des codes, des pratiques et au souverain qu’il incarne – et qui, bien avant
des réseaux spécifiques. Peut-on identifier des d’être inscrite dans un quelconque droit interna-
« invariants diplomatiques », c’est-à-dire des tional, figure comme l’une des règles fondamen-
éléments communs à l’ensemble de ces espaces tales globalement admises par l’ensemble des
avant même qu’ils n’entrent en contact, qui com- sociétés. Le non-respect de l’immunité diplo-
poseraient une sorte de socle constitutif de l’es- matique, qui vaut quasiment déclaration de
sence de la diplomatie, propre à l’ensemble des guerre et qui intervient lorsqu’un souverain
sociétés humaines, et sur lequel, de façon plus souhaite, en toute connaissance de cause, pro-
ou moins consciente, se seraient appuyés les voquer un incident, renforce d’ailleurs a contra-
premiers contacts entre civilisations jusqu’alors rio son caractère normatif67 . Dans un autre
étrangères les unes aux autres ? Il ne peut y avoir domaine, l’approche anthropologique évoquée
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de rencontre un tant soit peu constructive, ni plus haut a également permis de mettre en
de négociation, aussi modeste soit-elle, sans un lumière les enjeux et les significations souvent
minimum de langage commun, de codes ou de ambivalentes des présents échangés entre sou-
valeurs partagés. L’existence même de l’activité verains : du roi de Babylone Burraburias II, qui
diplomatique, avérée dans toutes les sociétés envoyait au pharaon Aménophis IV, au XIVe siècle
depuis les temps les plus anciens, implique en avant notre ère, des cadeaux de piètre valeur
réalité celle de ces invariants. pour lui reprocher de ne pas s’être enquis de
sa santé alors qu’il le savait malade68 , jusqu’au
Parmi ceux-ci, le premier réside dans la pratique
consistant à désigner une personne chargée de
représenter un souverain – ou quel que soit est dérivé du gaulois ambactos : « celui qui est autour »,
i. e. serviteur, envoyé.
le nom qu’on lui donne – pour transmettre un
67 Linda S. Frey, Marsha L. Frey, The History of Diplomatic
message ou parler en son nom auprès d’un Immunity (Colombus: Ohio State University Press,
autre souverain. L’ambassadeur – l’ambactus 1999); J. Craig Barker, The Protection of diplomatic
des Romains – a existé bien avant que le mot Personnel (Aldershot: Ashgate, 2006); Nicolas Drocourt,
« L’ambassadeur maltraité. Autour de quelques cas de
n’apparaisse66 et sa mission première, qui relève non-respect de l’immunité diplomatique entre Byzance et
ses voisins (VIIe -XIe siècle) », Les relations diplomatiques
66 Le terme « ambassadeur » apparaît dans la langue fran- au Moyen Âge, op. cit., p. 87-98 (cf. note 19).
çaise à la fin du XIIIe siècle (Dictionnaire étymologique et 68 Cet exemple est évoqué par Audrey Becker dans ce
historique du français, Paris, Larousse, 2011). Ambactus numéro de Monde(s). Histoire, espaces, relations.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

plan Marshall en 1947, les usages du don dans la Chine et du Japon et de leur insertion dans
les relations « internationales » sont multiples la société internationale des années 1840 à la
et en disent souvent moins sur la générosité du création de la SDN sont à cet égard particulière-
donateur que sur ce que ce dernier attend du ment éclairants69 . La période voit la Chine se
bénéficiaire. Quoi qu’il en soit, il semble bien que défaire progressivement, de la première guerre
nous soyons là en présence d’une pratique uni- de l’opium à la révolution de 1911, et sous la
verselle. Certaines logiques propres à la négo- pression des puissances occidentales (Europe
ciation et rapportées à la diplomatie, comme le et États-Unis, voire Japon dans les dernières
marchandage, le linkage ou la médiation, pour- années70 ), de la vision millénaire du monde qui
raient également, dans cette perspective, faire était la sienne – l’« Empire du Milieu » est au
l’objet d’études approfondies. centre du tianxia, le Monde Sous-le-Ciel, et les
autres terres sont occupées par des barbares
Autre question fondamentale : celle, qu’il faut – et de la conception de la diplomatie qui en
bel et bien poser, d’une européanisation pro- résultait – fondée sur des rapports de domina-
gressive des pratiques et des codes de la diplo- tion, à la fois politique et morale, sur l’ensemble
matie, dans un vaste mouvement qui parti- des pays étrangers, proches et lointains, que
rait du XVe siècle et de ce qu’il est convenu
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les Qing continuent jusqu’en 1911 à considérer,
d’appeler, de façon commode, les « Grandes théoriquement, comme tributaires71 . À la suite,
Découvertes », pour aboutir à leur inscription notamment, du traité de Tianjin et du protocole
dans le droit international et, in fine, à la signa- des Boxers de 1901, les Occidentaux imposent à
ture des conventions de Vienne de 1961 sur les la Chine de se doter des instruments nécessaires
relations diplomatiques et de 1963 sur les rela- à l’établissement de relations diplomatiques
tions consulaires, qui figurent parmi les textes
internationaux les plus ratifiés au monde. C’est 69 Shogo Suzuki, Civilization and Empire: China and
Japan’s Encounter with the European International Society
plus généralement la question de l’exportation (London: Routledge, 2009); Odd Arne Westad, Restless
du système européen, par le truchement de l’ex- Empire: China and the World since 1750 (New York: Basic
Books, 2012); Li Hongtu, « De “Sous-le-Ciel” (tianxia) à
pansion économique, de la colonisation formelle
“Outre-océan” (yang). L’évolution de la représentation du
et informelle et des différents visages qu’adopte monde extérieur chez les Chinois », Monde(s). Histoire,
l’impérialisme des puissances occidentales, qui espaces, relations, 2013/3, p. 91-112.
est ainsi posée. C’est aussi celle de l’entrée des 70 Les États-Unis et le Japon participent – et très activement
pour ce dernier – à l’alliance des huit puissances qui
mondes extra-européens sur une scène interna- entrent en guerre contre la Chine en 1900-1901, à la
tionale dominée depuis l’époque moderne par suite de la révolte des Boxers et du siège des légations
les États du « Vieux Continent », et des proces- diplomatiques de Pékin.
71 Charlotte von Verschuer, Les relations officielles du Japon
sus de socialisation, variés et complexes, qui avec la Chine aux VIIIe et IXe siècles, Genève/Paris, Droz,
lui sont attachés. Les exemples comparés de 1985, part. chapitre 1.

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institutionnalisées (création d’un ministère des dans ce statut durant tout l’entre-deux-guerres
Affaires étrangères et de représentations per- lui permet surtout d’en faire une zone tampon et
manentes à l’extérieur, ouverture à Pékin d’un de mieux y imposer sa présence – tout en créant
quartier réservé aux légations étrangères) et les conditions d’un affrontement durable entre
d’adopter les usages et les codes reconnus en Pékin et ce que la Chine ne considère désormais
Europe (révision complète du cérémonial, spé- plus que comme l’une de ses provinces. On peut
cialement en présence de l’empereur, interdic- pousser la critique encore plus loin et s’interro-
tion de qualifier les Occidentaux de « barbares » ger sur la pertinence même de l’européanisation
[yi] dans les actes officiels, etc.). des normes et des pratiques diplomatiques, en
insistant sur les apports du continent américain
L’européanisation, à marche forcée, de l’ordre
à la diplomatie mondialisée d’aujourd’hui – le
international a toutefois conduit à exclure du
recours à l’arbitrage, fréquent aux Amériques au
système certaines formes de relations diplo-
XIXe siècle, mais qui ne s’impose, et difficilement,
matiques trop complexes ou trop excentriques
en Europe et à l’échelle mondiale qu’à partir des
pour se fondre dans le moule imposé par le colo-
conférences de La Haye (1899 et 1907), la dif-
nisateur. Ainsi, lorsqu’elle intervient en Asie cen-
fusion des notions de diplomatie ouverte (open
trale à la fin du XIXe siècle, la Grande-Bretagne
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diplomacy) et de diplomatie publique (public
ne comprend pas – ou feint de ne pas com-
diplomacy) à la suite des appels du président
prendre – la nature subtile du lien qui unit
Wilson. Il faudrait enfin s’interroger, plus qu’on
depuis plusieurs siècles la Chine au Tibet, fondé
ne l’a fait jusqu’à présent, sur les apports des
sur un rapport « religieux/protecteur », le Tibet
diplomaties propres aux espaces asiatiques et
acceptant la protection militaire de son puissant
africains dans leurs interactions avec les puis-
voisin tandis que celui-ci reconnaît la primauté
sances européennes, et ce à toutes les échelles,
spirituelle du bouddhisme tibétain72 . En éva-
y compris les plus locales73 .
cuant totalement cette seconde dimension et en
affirmant la suzeraineté nominale de la Chine La troisième question essentielle sur laquelle
sur le Tibet, la Grande-Bretagne se conforme à nous voulons insister est celle – déjà rapide-
un droit qui ignore la complexité des rapports ment abordée – des acteurs non-étatiques. Si
asymétriques et réduit les relations internatio- l’État reste un acteur diplomatique de premier
nales aux seuls acteurs étatiques – ce qui par plan, cela ne doit pas empêcher de considérer
ailleurs ne l’empêche pas d’exclure les Qing du l’existence d’autres diplomaties : pré-étatiques
traité de Lhassa de 1904. Le maintien du Tibet (entre d’autres formes politiques comme les
tribus ou les cités) et post-étatiques (impli-
72 Carole McGranahan, “From Simla to Rongbatsa: The
British and the ‘Modern’ Boundaries of Tibet”, The Tibet 73 Ce que fait Camille Lefebvre dans ce numéro de Monde(s).
Journal (2003/4), p. 39-60. Histoire, espaces, relations.

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Introduction. Une histoire globale de la diplomatie ?

quant une multiplicité d’acteurs notamment pri- cadre d’un empire, aux liens unissant le centre
vés), infra-étatiques (à l’échelon local ou régio- aux périphéries, qu’il s’agisse d’empires formels
nal) et supra-étatiques (à l’échelon des orga- ou informels, dynastiques ou coloniaux : peut-
nisations internationales, voire d’une société- on parler de diplomatie lorsque ces relations
monde en devenir). Les choses se compliquent sont, du moins en théorie, entièrement fondées
lorsqu’au sein d’un même espace se côtoient sur des rapports de force et de domination ?
et interagissent des entités politiques relevant Comment, dans ce contexte, une diplomatie qui
de logiques différentes, comme par exemple au « ne [serait] plus affaire d’hégémonie mais de
sein du « Quartet » pour le Moyen-Orient, fondé négociations »75 peut-elle trouver à s’affirmer ?
en 2002, qui réunit les États-Unis, la Russie, La question revêt des réponses multiples et se
l’Union européenne et les Nations unies ; ou pose dans le cadre de l’empire romain (entre
lorsque – autre cas de figure – on a affaire à Rome et les royaumes barbares) comme, près
des États non reconnus (Taiwan, Kosovo, État de deux mille ans plus tard, dans celui de l’Em-
palestinien), à des organisations indépendan- pire britannique (entre la Grande-Bretagne, ses
tistes (FNL) ou à des gouvernements en exil Dominions et ses colonies). Elle se pose même
(Tibet, OLP), qui reprennent les schémas de la pour les relations, en réalité très complexes
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diplomatie traditionnelle, ceux qui leur permet- et à double sens, tissées du temps de la Guerre
traient précisément de s’affirmer comme des froide entre l’URSS et les démocraties populaires,
États à part entière et de s’insérer dans la société pourtant, juridiquement parlant, des États au
internationale, mais en usant d’autres moyens sens plein du terme.
d’expression, souvent très efficaces et origi-
Quant aux acteurs privés, de plus en plus nom-
naux, tout en posant la question de l’articulation
breux et variés, ils doivent moins être considérés
entre État et souveraineté74 . Il faudrait égale-
pour eux-mêmes qu’en fonction des rapports
ment interroger, dans le même ordre d’idées, les
qu’ils entretiennent avec les États et les orga-
relations dissymétriques qui président, dans le
nisations interétatiques. Les rapports, notam-
ment, entre ONG et structures gouvernementales
74 Voir par exemple Matthew Connelly, A Diplomatic sont parfois tendus, lorsque les ministères ont
Revolution. Algeria’s Fight for Independence and the
Origins of the Post-Cold War Era (New York: Oxford
tendance, comme cela a longtemps été le cas du
University Press, 2002) [trad. fr. : L’arme secrète du FLN. Quai d’Orsay, à considérer les ONG comme des
Comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, Paris, entreprises de lobbying cherchant à empiéter
Payot, 2011] ; Fiona McConnell, “De facto, displaced, tacit:
The sovereign articulations of the Tibetan Government- sur les prérogatives des diplomates profession-
in-Exile”, Political Geography, vol. 28 (2009), p. 343–352.
Sur la diplomatie de Taiwan, voir la contribution de Gilles 75 Audrey Becker, Nicolas Drocourt (dir.), Ambassadeurs et
Guiheux dans ce numéro de Mondes(s). Histoire, espaces, ambassades au cœur des relations diplomatiques, op. cit.,
relations. p. 2 (cf. note 6).

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Laurence Badel – Stanislas Jeannesson

nels ; ils sont plus complémentaires lorsque les Les articles qui constituent ce dossier se font
gouvernements font appel à leur expertise et ainsi l’écho des profonds renouvellements que
les invitent à intégrer les délégations officielles connaît depuis quelques décennies l’historio-
– le Canada et les pays scandinaves ont été des graphie de la diplomatie, nourrie des apports
précurseurs en ce domaine – ou lorsqu’elles de la science politique, du droit, de la sociolo-
viennent pallier les insuffisances de la diploma- gie ou de l’anthropologie. Ils contribuent – du
tie étatique dans certaines régions où elle a dif- moins l’espérons-nous – à dessiner les contours
ficilement accès, comme dans les failed States76 . d’une nouvelle définition de la diplomatie, qui
C’est toute la question de la privatisation de la échappe définitivement au cadre géographique,
diplomatie qui se pose alors. chronologique et conceptuel dans lequel elle est
demeurée trop longtemps confinée.
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76 Philippe Ryfman, Les ONG, Paris, La Découverte, 2009 ;
Marie Balas, « Sant’Egidio, de la protestation militante à la
médiation internationale. Sociologie d’un acteur émergent
de la diplomatie informelle », thèse sous la direction de
Danièle Hervieu-Léger, EHESS, 2012.

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