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QUELQUES INNOVATIONS DE L'ACTE UNIFORME REVISE PSRVE

OHADA

Longtemps considéré comme un domaine trop formaliste, l’exécution forcée OHADA reste le plus
vieux des actes non révisés. Cela a engendré des difficultés quant à son application, d’où la révision
de celui-ci. 25 ans après l’adoption de l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement des créances et des voies d’exécution, un nouvel acte révisé s’apprête à entrer en
vigueur dans quelques mois. Et cela conformément aux dispositions du traité de l’OHADA du 17
octobre 1993 révisé en 2008 qui vient d’avoir 30 ans le 17 octobre dernier.
Avec une technique légistique connue, consistant à prendre en compte les acquis de la
jurisprudence. Le législateur OHADA, avec le nouvel acte révisé commence d'abord dans un
premier chapitre à mettre la lumière sur certains termes et expressions, ce qui était un puzzle
manquant à celui 1998.
Par des dispositions préliminaires, on a pu remarquer une tentative de remplacement de la notion
d’« huissier ou agent d’exécution OHADA » par la terminologie de l’« autorité en charge
d’exécution ».
Cependant, cela n’a pas été pris en compte dans la totalité de l’acte, puisque certaines dispositions
continuent d’en garder l’appellation.
Parmi les quelques innovations que nous entendons présenter, il y’a la prise en compte des
difficultés pratiques auxquelles sont confrontés les praticiens du droit, notamment dans
l’application de l’AUPRSVE de 1998. Ce qui a donné naissance à des doctrines opposées sur
certaines questions comme « le juge statuant en matière d’urgence », ou encore des positions
jurisprudentielles de la cour commune de justice et d’arbitrage très critiquées, notamment sur la
réception de la compétence de certaines juridictions nationales relatives aux défenses à exécution
OHADA, ce qui a crée une abondante jurisprudence sur l’article 32 de l’AUPRSVE.
Nous entendons présenter quelques innovations relatives aux formalités, qui ont été actées dans le
nouvel acte révisé (I) mais aussi, d’autres innovations majeures qui viennent révolutionner le droit
de l’exécution forcée OHADA (II).
I-Les innovations relatives aux formalités d’exécution forcée
Nous entendons présenter ici quelques innovations que nous remarquons sur les questions de
formalités des actes (A) et certaines relatives à la procédure (B).
A-Sur les questions de formalités
La nullité des actes de procédure- L'acte révisé consacre un chapitre spécialement dédié au droit
commun de la nullité des actes de procédures en matière d'exécution forcée OHADA.
Ce qui, une fois de plus vient clore le débat sur la nature juridique de la nullité des actes de
procédures en la matière. À titre de rappel, le principe en droit interne selon lequel il n’y a pas de
nullité sans texte et grief n'était pas pris en compte à titre principal dans le cadre de l'exécution
forcée OHADA. Car le principe du droit commun était la dérogation dans le droit communautaire
OHADA, selon une jurisprudence constante de la CCJA. Cela semble être remis en cause
désormais par la réforme, nous constatons notamment que le droit communautaire OHADA
s'aligne sur la position du droit interne (pas de nullité sans texte et sans grief art.1-7 révisé).
Cependant, la question de la nullité virtuelle reste non tranchée concernant la violation des textes
qui n’annoncent pas clairement la nullité, comme par exemple l’article relatif aux moments dans
lesquels peuvent s'effectuer la saisie (article 46 nouveau et ancien).
Sur les formalités relatives à la signification- elle peut, désormais à certaines conditions être faite
par voie électronique.
Surtout la question de la personne habilitée à recevoir cette signification, pouvant faire commencer
le décompte du délai imposé est identifiée notamment à l’article 1-6. À titre de rappel une
jurisprudence constante de la CCJA considère que la réception de la signification par le chef des
services juridiques d'une société pouvait faire commencer le décompte du délai, ce qui est
apparemment entérinée par la réforme.

B-Sur les procédures


S'agissant des conditions de procédure d'injonction de payer-l'article 2 nouveau vient ajouter
plus de précision s'agissant de la créance portant sur l'effet de commerce en employant des
termes"...l'endossement ou l'aval " des termes qui ne figuraient pas à l'article 2 ancien.
Dans une logique de célérité, l'article 5 nouveau impose un délai au président ou le juge délégué
en des termes suivants "Le Président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui rend
la décision dans les soixante-douze heures de sa saisine."
-sur l'opposition à injonction de payer, le nouvel acte uniforme mentionne la désignation d'un
juge pour procéder à une tentative de conciliation dans un délai de 15 jours, à l'article 12 nouveau
en termes suivants "Le juge désigné procède, en chambre du conseil, à une tentative de
conciliation, dans un délai de quinze jours à compter de sa désignation.". Cela était totalement
absent dans celui de 1998, car la compétence était du ressort du président de la juridiction,
désormais on parle de juge désigné qui doit se plier à une obligation de délai.
Un délai est désormais fixé pour l'appel à la décision d'opposition, il est désormais de 15 jours.
Sur l’exécution forcée et l'immunité d'exécution- La réforme a consacré la jurisprudence de la
CCJA qui, depuis un certain temps n'admet plus l'inexécution des certaines décisions de justice
contre les sociétés publiques ou parapubliques. Et cela à travers un alinéa salutaire qui fait appel
à une coordination de l'appareil judiciaire avec les finances publiques. Les termes utilisés au
premier alinéa de l'article 30-1 nouveau sont "Toute créance constatée par un titre exécutoire
ou toute créance certaine, liquide et exigible due par un établissement public ou par toute autre
personne morale de droit public peut, après mise en demeure adressée à l’organe dirigeant et
restée infructueuse pendant un mois à compter de la notification, faire l’objet d’une inscription
d’office dans les comptes de l’exercice et dans le budget de ladite personne morale, au titre des
dépenses obligatoires.".
À titre de rappel une jurisprudence récente de 2022 avait tranché la question avec l'idée selon
laquelle, une fois que L'Etat créé une société avec une des formes prévues par l'acte uniforme
révisé portant sociétés commerciales, il entende se soumettre aux règles de l'exécution forcée
OHADA et ne peut plus évoquer l'immunité d'exécution.
La simple présence d'un État ou d'une entité de droit public dans l'actionnariat d'une personne
morale ne suffit pas à lui conférer l'immunité dès lors qu'exerçant son activité sous une forme
sociétale prévue par l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales (AUSCGIE), cette personne
morale demeure inévitablement une entité de droit privé soumise comme telle aux voies
d'exécution sur ses biens propres. En faisant cela, l’on sécuriserait les investissements qui sont
nécessaires pour le développement de notre continent. (CCJA, N° 053/2022 du 03 mars 2022,
ESTAGRI Sarl c/ SNEL SA).
Cependant, la réforme donne une marge de manœuvre au juge de trouver d'autres alternatives pour
faire recouvrer la créance sans passer forcément par le nouveau moyen nécessaire lorsque cette
mesure risque d’impacter négativement la continuité du service public.
Sur les titres exécutoires- l’article 33 nouveau ajoute un nouveau titre qu’est l’accord de
médiation revêtu de la formule exécutoire en application de l’Acte uniforme relatif à la
médiation. Par ailleurs, nous pensons cela tout de même comme une redondance, car un accord
de médiation revêtu de la formule exécutoire est à notre humble avis équivalent à une décision de
justice conformément à l'acte uniforme sur la médiation.
Sur le controversé juge d'exécution de l'article 49-La réforme semble tranché le débat doctrinal
sur la désignation du juge compétent, en faisant un renvoi aux lois nationales par des termes
suivants "...est le président de la juridiction compétente de chaque État partie ou le juge délégué
par lui." Par conséquent l'expression du "juge statuant en matière d'urgence" disparaît de l'acte
révisé.
Pour les décisions de ce dernier qui feront objet d'appel, le juge d'appel se voit désormais imposé
un délai d'un mois pour se prononcer.
En outre, s’agissant de la cohabitation des procédures d’exécution des Etats parties au traité et le
droit communautaire OHADA. La réforme vient consacrer la dernière position de la CCJA sur les
défenses à exécution. A titre de rappel, avec l’arrêt époux Kanib la CCJA estimait qu’en dehors
de la CCJA les juridictions nationales ne pouvaient être compétentes sur des questions d’exécution
OHADA.
Par ailleurs, récemment dans un arrêt de la même cour, il y’a un revirement, il s’agit de l’arrêt
Total E&P contre ERTO du 24 juin 2021, la cour affirme que les alinéas 3 et 4 de l’article 14
du traité OHADA lui donnait compétence sur toutes les matières à l’exception des décisions
appliquant des sanctions pénales et des questions d’exécution non régies par l’OHADA
conformément à l’article 16 du traité. Par cet arrêt la haute cour a finalement reconnu la
compétence des juridictions nationales dans le domaine de défenses à exécution. Désormais, nous
constatons que cet arrêt a trouvé échos dans l’acte révisé à travers un nouvel alinéa, il s’agit de
l’alinéa 2 de l’article 32 qui dispose que « …cette disposition ne s’oppose pas à ce que le juge
compétent prenne des décisions ayant pour objet les défenses à exécution provisoire ou le sursis
à exécution ». Par conséquent, l’expression « défenses à exécution » n’est plus une création
prétorienne.

II-D ’autres innovations majeures


Il s’agit pour nous de présenter de façon sommaire l’entrée dans l’acte des nouvelles saisies (A) et
l’amélioration d’autres dispositions qui existaient déjà dans celui de 1998 (B).
A-Sur les nouvelles saisies
Des nouvelles catégories de saisies font leur entrée et d’autres sont aménagées.
Saisie du bétail -Si l'acte uniforme de 1998 ne faisait pas de distinction entre le bétail et les autres
biens mobiliers corporels, le nouveau semble opter pour la consécration d'une saisie spéciale sur
le bétail. Certainement pour tenir compte de nos réalités africaines, où la zone rurale domine
largement avec l'agriculture (articles 73 et 152 nouveaux).
Toutefois, il est prévu que le débiteur détient le bétail saisi lui-même. Cela certainement pour éviter
la dégradation et le manque de moyen du greffe de la juridiction compétente de garder en état des
tels biens.
En plus de cela, une précision a été consacrée concernant la vente du bétail à l'article 152-15 en
des termes suivants "La vente du bétail saisi se fait soit au lieu où sont gardés les animaux, soit
au lieu du marché public le plus proche où se trouvent les animaux."
La saisie du bétail peut aussi être effectuée entre les mains d'une tierce personne conformément
aux dispositions applicables aux tiers saisis.
Saisie des biens placés dans un coffre-fort -Une autre innovation est relative à la saisie des biens
placés dans un coffre-fort.
La réforme a consacré une saisie spéciale aux biens d'un débiteur ayant ses biens dans un coffre-
fort dont une autre personne à la propriété. Elle obéit à des procédures spéciales (article 152-16
nouveau et suivants).
Saisie du fonds de commerce
Une autre innovation majeure est la saisie du fonds de commerce qui peut être pratiquée sans
dispersion de ses éléments constitutifs, ce qui n'était pas possible au regard de l'acte uniforme de
1998. Mais avec une formalité particulière consistant à produire un cahier des charges par l'avocat
du créancier saisissant.
La réforme, à travers l'article 245-2 dispose que "La saisie porte sur les éléments du fonds de
commerce énumérés à l’article 136 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
et, s’ils existent, sur ceux qui sont visés à l’article 137 du même Acte uniforme. ".

B-L ’amélioration de certaines dispositions de l’acte de 1998


Il s’agit notamment de l’extension de la saisie-attribution et le réaménagement des dispositions
finales.
L’extension de la saisie-attribution
Désormais, il est possible pratiquer une telle saisie sur les comptes détenus par des établissements
émetteurs de monnaie électronique (article 161 nouveau). Oui, désormais on peut saisir les avoirs
dont on dispose sur nos comptes wave, moov, orange money…
En outre, nous constatons l’ajout des dispositions pénales et l’amélioration des dispositions finales.
S'agissant des dispositions pénales
L'acte uniforme de 1998 n'en prévoyait pas, mais cette réforme en mentionne de façon à accroître
le domaine du droit pénal des affaires OHADA, le législateur OHADA affirme désormais à travers
les nouvelles dispositions pénales à l'article 335 et suivants que "Commet une infraction punie
des peines prévues par la loi nationale de chaque État partie, le débiteur saisi ou le tiers
détenteur qui ne se conforme pas aux obligations attachées à sa qualité de gardien par
l’article 36 alinéa 1er du présent Acte uniforme."...
S'agissant de la reformulation des dispositions finales
Elles sont formulées ainsi :
Article 33 « Sauf dans les cas où il est renvoyé aux stipulations des conventions internationales
ou aux règles applicables dans les États parties, seules les dispositions du présent acte uniforme
sont applicables aux procédures et mesures conservatoires ou d’exécution qu’il régit.
Sous réserve des dispositions de l’article premier, le créancier qui entend poursuivre le
recouvrement forcé de sa créance ou la conservation de ses droits ne peut pratiquer entre les
mains de son débiteur que les mesures et procédures prévues par le présent acte uniforme.".
Cela semble, à notre avis clore le débat sur la réception de la contrainte par corps comme mesure
d'exécution forcée en droit malien d'exécution forcée sous l'ère OHADA.
Des telles remarques et avis ne sauront clore la pensée juridique.
Abdoulaye M Maiga
Auditeur en master droit privé fondamental
Université des sciences juridiques et politiques de Bamako
+22379786086

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