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PROPOS SUR LES INNOVATIONS DE L’ACTE UNIFORME

PORTANT ORGANISATION DES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES DE


RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXÉCUTION (ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE « LA WAL » DU 08 DÉCEMBRE 2023)

Par Dr KOJOUO Christian Valdano

Propos préliminaires

I- Contexte et justification

II- Objectifs

Les grandes innovations du nouvel Acte uniforme portant organisation des


procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

I- Innovations relatives aux procédures simplifiées de recouvrement

II- Innovations relatives aux huissiers de justice et autorités chargées de


l’exécution

III- Introduction de la dématérialisation des modes d’établissement et


de signification des actes et de la tenue des registres dédiés aux procédures
d’injonction de payer

IV- Les innovations relatives à l’exécution forcée dirigée contre les


personnes morales

V- Sur la saisie des biens meubles : la révision de l’article 49 sur les


dispositions générales applicables aux saisies mobilières, et l’extension de
l’assiette mobilière

VI- Innovations relatives à la saisie immobilière


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Propos préliminaires

I- Contexte et justification

Le recouvrement de créance se présente comme l'ensemble des opérations


judiciaires ou extra-judiciaires tendant à obtenir le paiement d'une dette d'argent.
Il permet à une personne dont la créance n'a pas été payée à la date d'échéance
de pouvoir recouvrer le paiement de celle-ci auprès de la personne débitrice.

Le recouvrement de créance dans l'espace communautaire de l'Organisation pour


l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (« OHADA ») est
actuellement régi par l'Acte Uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (« AUPSRVE ») du 10
avril 1998.

L'entrée en vigueur le 10 juillet 1998 de l'Acte uniforme portant Organisation


des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution (AUPSRVE) de
l'OHADA avait suscité beaucoup d'espoir chez les opérateurs économiques, qui
y ont vu un nouvel instrument juridique de recouvrement plus rapide de leurs
créances à moindre coût, et une réelle revalorisation du titre exécutoire.
Cependant, aujourd'hui près de 25 ans après, à la pratique, force est de constater
que cet optimisme est à relativiser.

Des différentes procédures d’injonctions, aux différentes voies d’exécutions, des


voies se sont élevées sur le terrain de la pratique pour mettre en lumière les
manques de certaines dispositions, rendant ainsi difficultueux le recouvrement
des créances.

Si l'on peut, de prime abord, justifier l'abondant contentieux par les difficultés
qu'éprouvent les créanciers à se faire payer par leurs débiteurs, force est de
reconnaître que l'environnement des affaires a secrété des pratiques que

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l'AUPSRVE aujourd'hui vieux de 25 ans et qui est en cours de révision ne
parvient pas à encadrer. De la sorte, les contentieux de recouvrement se suivent
mais ne se ressemblent pas, les données et les circonstances variant sans cesse.
Par ailleurs, la situation et le statut de certains débiteurs complexifient le
recouvrement et rendent nécessaire et impérative la maîtrise de certaines
techniques auxquelles il faut recourir pour optimiser ses recouvrements.

En somme c'est toute l'efficacité du droit OHADA de recouvrement des créances


qui est mise en doute aujourd'hui. Heureusement, la révision de cet Acte
uniforme est à son terme. Quels sont les faits marquants ? Peut-on espérer avec
l’entrée en vigueur du nouvel acte que les défaillances constatées seront
résorbées ? Peut-on y voir un ouf de soulagement pour les créanciers qui
n’entendent que rentrer dans leurs droits ?

Révisé le 17 octobre 2023 à KINSHASA (RDC), soit 25 ans après l’adoption de


sa première version, le nouvel Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a été publié au
Journal Officiel de l’OHADA le 15 novembre 2023. Il entrera en vigueur 90
jours après sa publication au J.O. OHADA, soit le 16 février 2024, et ce
conformément à l’article 9 du Traité OHADA.

De très nombreuses innovations y ont été apportées, tenant en compte la


nécessité de résorption des difficultés d’application suscitées par l’ancien texte,
mais surtout, une réelle volonté de s’arrimer à la nouvelle donne technologique
en suscitant la prise en compte de l’évolution technologique, tous orientés vers
l’impératif de célérité de la procédure de recouvrement des créances, et la
correction de certaines lenteurs judiciaires observées dans le cadre de
l’application du texte initial.

Ces innovations marquent ainsi un renouveau dans les procédures civiles


d’exécutions (procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution) tant
souhaité par les professionnels du Droit.
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Plusieurs innovations sont ainsi disséminées de bout-en-bout dans le nouvel
Acte uniforme, dont certaines d’entre elles peuvent être considérées comme des
innovations majeures.

II- Objectifs

- Dresser l'état des lieux sur les dispositions du nouvel Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution en comparaison avec les anciennes ;

- D’aider les praticiens et les professionnels du recouvrement à améliorer et


harmoniser leur pratique professionnelle sur les questions soulevées, ce en
conformité avec les règles de droit OHADA ;

- Familiariser les participants aux nouvelles règles procédurales, formes d’acte


de procédure prévues par l’Acte uniforme à venir ;

- Faire une revue de jurisprudence CCJA et de certaines décisions internes en


matière de voies d’exécution, de manière à confronter la jurisprudence OHADA

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I- Innovations relatives aux procédures simplifiées de recouvrement
1- Injonction de payer
a)
Article 5 ancien : « Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît
fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une
décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe. Si le président de
la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision est
sans recours pour le créancier sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit
commun ».

Article 5 nouveau : « Le Président de la Juridiction ou le juge délégué par lui,


rend l’ordonnance dans les trois jours de la saisine. Si, au vu des documents
produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la
juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la
somme qu’il fixe. En cas de rejet en tout ou en partie de la requête, son
ordonnance, qui doit être motivée, est sans recours pour le créancier sauf à
celui-ci à procéder selon les voies de droit commun ».

Observations : L’article 5 nouveau impartit à l’égard du Président de la


juridiction compétente ou du juge délégué par lui un délai de 3 jours à compter
de sa saisine pour statuer, contre aucun délai dans le texte initial.

Le même article exige désormais qu’en cas de rejet de tout ou partie de la


requête, l’ordonnance d’injonction de payer, insusceptible de recours pour le
créancier sauf pour celui-ci à procéder selon les voies de droit commun, doit être
motivée.

D’autres innovations éparses sont également observées tout au long de la


procédure d’injonction de payer, y compris ses voies de recours.
b)

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- Introduction d’un critère de recevabilité de la requête aux fins d’injonction de
payer

Ce nouveau critère tient à l’origine de l’engagement visé à l’article 2 de l’Acte


Uniforme. Désormais, il est possible d’enclencher une telle procédure lorsque
l’engagement résulte aussi de l’endossement et de l’aval de tout effet de
commerce.

-Institution d’une action aux fins d’annulation de l’acte de signification de


l’ordonnance aux fins d’injonction de payer (article 8-1) ;

- Innovations relatives à l’opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer

Réduction des délais d’opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer


(article 10 nouveau)

Ceux-ci passent de 15 à 10 jours suivant la signification de l’ordonnance. À


propos du recours en opposition, l’opposant est désormais tenu de le signifier
aussi à l’huissier de justice ou à l’autorité chargée de la vente, en plus des parties
et du greffe de la juridiction ayant rendu l’ordonnance (article 11 révisé).

c)
Auparavant, la juridiction saisie sur opposition procédait elle-même à la
préalable tentative de conciliation entre les parties.

En vertu de l’article 12 révisé, elle désignera désormais un juge chargé d’y


procéder, en chambre de conseil, dans un délai de 15 jours à compter de sa
désignation. Si la tentative de conciliation aboutit à une issue favorable, le
procès-verbal subséquent se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer
même revêtue de la formule exécutoire.

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En revanche, en cas d’échec de cette tentative, le juge se borne à en faire le
constat et renvoie l’affaire à la plus prochaine audience. Pour ce cas précis,
l’article 12 nouveau a institué un délai de 2 mois à compter de la date de la
première audience pour statuer sur l’opposition ; le jugement à intervenir est
contradictoire, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition.

Il faut noter que cet amendement a habilité la juridiction saisie sur opposition à
se prononcer sur l’entier litige y compris les demandes incidentes et défenses au
fond.

d)

Initialement fixé à 30 jours à compter de la date de l’ordonnance, le délai d'appel


a été ramené à quinze jours à compter du prononcé de la décision si celle-ci est
contradictoire ou à compter de la signification de la décision, lorsqu’elle est
rendue par défaut.

Cet appel doit être formé par acte extrajudiciaire, signifié à l’autre partie et au
greffe de la juridiction qui a rendu la décision.
En outre, l’article 15 nouveau indique que l’appel comme le délai d’appel sont
suspensifs et que toutefois le tribunal peut assortir sa décision de l’exécution
provisoire.

À l’égard du greffier de la juridiction qui a rendu la décision et de la juridiction


d’appel respectivement, le susdit article a institué un délai de :
-10 jours à compter de la signification de l’acte d’appel pour transmettre le
dossier de la procédure accompagné de l’ensemble des pièces à la juridiction
d’appel compétente.
- deux mois à compter de la première audience (qui ne peut se tenir plus d’un
mois à compter de la réception du dossier) pour statuer.
- Institution au bénéfice du débiteur de la faculté de demander la discontinuation
des poursuites
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Ainsi que le prévoit désormais l’article 16 nouveau, le débiteur qui forme
opposition peut demander la discontinuation des poursuites à la juridiction saisie
de l’opposition lorsque la formule exécutoire est apposée en application du
présent article, alors que l’opposition peut encore être formée conformément à
l’article 10 de l’Acte uniforme. Dans ce cas, l’huissier ou l’autorité chargée de
l’exécution qui diligente l’exécution est mis en cause dans la procédure et la
juridiction saisie rend sa décision dans un délai de quinze jours à compter du
jour de la première audience.

La décision rendue sur la demande de discontinuation des poursuites n’est pas


susceptible de recours.

e) Institution au bénéfice du créancier d’une action aux fins d’apposition de la


formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer

En vertu du nouvel alinéa 3 de l’article 17, lorsque le greffier, saisi d’une


demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire dans les conditions
prévues par le présent article, oppose un refus, le demandeur, notamment le
créancier, peut saisir, par requête, le président de la juridiction compétente aux
fins d’injonction d’apposition de la formule exécutoire. Son ordonnance n’est
susceptible d’aucun recours.

2- Injonction de délivrer ou de restituer

L’Acte uniforme fait désormais obligation au président de la juridiction


compétente ou le juge délégué par lui de rendre son ordonnance dans les trois
jours de sa saisine.

Par ailleurs, relativement aux délais de délivrance ou de restitution du bien


réclamé à être spécifié dans l’acte de signification de l’ordonnance, celui-ci est
passé de 15 à 10 jours.

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Enfin, l’article 27 modifié donne au créancier la faculté de solliciter l’apposition
de la formule exécutoire sur la décision au greffe de la juridiction compétente.
Sous l’empire de l’acte uniforme originel, une telle demande devait être adressée
au président de ladite juridiction.

II- Innovations relatives aux huissiers de justice et autorités chargées de


l’exécution et au nouveau régime des nullités

1- Huissiers

L’article 1-2 nouveau habilite de façon exclusive ces acteurs à procéder dans les
États parties à l’accomplissement des mesures conservatoires ou actes
d’exécution prévus dans l’Acte Uniforme et leur donne obligation de le faire, de
sorte que le refus par eux de procéder à l’exécution sollicitée en vertu de l’Acte
Uniforme entrainerait la mise en jeu de leur responsabilité civile.

En vertu de l’article 1-3, les huissiers de justice et des autorités chargées de


l’exécution munis d’un titre exécutoire ont désormais la possibilité d’accéder à
tous renseignements utiles après y avoir été autorisés par le président de la
juridiction compétente, saisi par requête, ou le juge délégué par lui, aux fins de
demander aux administrations de l’État, aux autres personnes morales de droit
public et aux bureaux d’information sur le crédit, de lui communiquer les
renseignements utiles, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel.

Les renseignements visés à l’alinéa premier du présent article concernent la


composition du patrimoine du débiteur, son adresse, s’il y a lieu, l’identité et
l’adresse de son employeur, à l’exclusion de tout autre renseignement.

La personne désignée pour communiquer les informations peut saisir le juge


d’une demande en rétractation.

La décision de rejet de la requête ainsi que celle par laquelle le juge se prononce
sur la demande de rétractation sont insusceptibles de recours.

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2- Nouveau régime des nullités
L’Acte révisé a institué un régime de nullités pour vice de forme et pour vice de
fond, ce qui était très disparate dans l’ancienne version.
- Nullités pour vices de forme
Article 1-16 nouveau : Aucun acte de procédure prévu par le présent acte
uniforme ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité ne résulte
d’une disposition expresse dudit acte uniforme ;
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de
prouver qu’il a subi un grief du fait de l’inobservation de la formalité ou du
défaut d’une mention sur un acte ;
Nonobstant les dispositions des alinéas 1er et 2 du présent article, la nullité est
prononcée en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’une règle
d’ordre public.

- Nullités pour vices de fond


Article 28-3 nouveau : Sont sanctionnés par la nullité pour vice de fond :
- Les mesures conservatoires prises ou les voies d’exécution exercées par ou
contre une personne dépourvue de capacité d’exercice ;
- Les mesures conservatoires prises ou les voies d’exécution exercées par une
personne agissant pour le compte d’autrui alors qu’elle ne justifie pas des
pouvoirs nécessaires ;
- Les actes pris par un huissier de justice ou une autorité chargée de l’exécution
en dehors de son ressort de compétence ;
- Les actes pris par toute personne non habilitée en qualité d’huissier de justice
ou d’autorité chargée de l’exécution ;
- Les mesures d’exécution pratiquées sans titre exécutoire.
Article 28-4 nouveau : La nullité pour vice de fond est prononcée alors même
que celui qui l’invoque ne justifie d’aucun grief.
Elle peut être soulevée d’office par le juge lorsqu’elle est fondée sur la violation
d’une règle d’ordre public. Dans ce cas, le juge invite les parties à produire leurs
observations.
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Observations : Le nouvel Acte uniforme, contrairement à son devancier,
instaure un régime commun des nullités en distinguant dans des dispositions
largement séparées les nullités pour vices de forme, de celle pour vices de fond.

Tandis que les nullités pour vices de formes, pour être favorablement
accueillies, nécessitent non seulement une disposition l’invoquant (le principe
« pas de nullité sans texte ») mais aussi l’existence d’un grief (le principe « pas
de nullité sans grief »), les nullités pour vices de fond ne nécessitent
particulièrement pas l’existence d’un grief.

III- Introduction de la dématérialisation des modes d’établissement et de


signification des actes et de la tenue des registres dédiés aux procédures
d’injonction de payer

-Les actes visant la conservation ou le recouvrement des créances peuvent être


dressés (article 1-5 nouveau) ou signifiés (article 1-8 nouveau) par les huissiers
de justice et/ou les autorités chargées de la vente soit sur support papier, soit par
la voie électronique. Dans ce dernier cas, l’Acte Uniforme fait obligation aux
huissiers de justice et autorités chargées de la vente de s’assurer que les actes
concernés soient :
• équivalents aux supports papiers dans leur mode d’établissement;

• maintenus selon un procédé technique fiable qui garantit, à tout moment, leur
accessibilité, leur origine et leur intégrité au cours des traitements et
transmissions électroniques.

Les formalités de signification sont détaillées dans les articles 1-8 à 1-10.

IV- Les innovations relatives à l’exécution forcée dirigée contre les


personnes morales

Article 30 ancien : « L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont


pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution.
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Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de
droit public ou des entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la
mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines,
liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de
réciprocité.
Les dettes des personnes et entreprises visées à l’alinéa précédent ne peuvent
être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que
si elles résultent d’une reconnaissance par elles de ces dettes ou d’un titre ayant
un caractère exécutoire sur le territoire de l’État où se situent lesdites
personnes et entreprises ».

Article 30 nouveau : « Sauf renonciation expresse, il n’y a pas d’exécution


forcée, ni de mesures conservatoires contre les personnes morales de droit
public, notamment l’État, les collectivités territoriales et les Établissements
publics.
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de
droit public, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines,
liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de
réciprocité.
Les dettes des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être considérées
comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent
d’une reconnaissance par elles de ces dettes ou d’un titre ayant un caractère
exécutoire sur le territoire de l’État où se situent lesdites personnes » ;

À compléter avec les articles 30-1, 30-2 et 30-3.

Observations : Contrairement à l’ancien article 30, les articles 30 (1) et 30-3


nouveaux ont donné des précisions sur les bénéficiaires de l’immunité
d’exécution.

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Si l’ancienne formulation de l’article 30 de l’AUPSRVE était abstraite quant
aux réels bénéficiaires de l’immunité d’exécution, le nouvel article 30 a le
mérite de citer nommément lesdits bénéficiaires, même si l’adverbe
« notamment » utilisé par le législateur est de nature à ouvrir regrettablement la
liste, potentiel source de conflit.

Il est à noter que corroborant les très récentes décisions CCJA sur la question, le
nouvel article 30 de l’AUPSRVE exclut d’emblée les entreprises publiques de
ce privilège, contrairement à l’ancienne version dont l’alinéa 2 (régissant la
compensation) semblait étendre ledit privilège auxdites entreprises.

Par ailleurs, tandis qu’en vertu de l’ancienne formulation de l’article 30,


l’immunité d’exécution revêtait un caractère absolu, elle peut désormais faire
l’objet de dérogation en cas de renonciation expresse par la personne morale de
droit public concernée.

Aussi, relativement à l’exécution forcée et les mesures conservatoires dirigées


contre les personnes morales autres que celles bénéficiaires de l’immunité
d’exécution, l’article 30-2 nouveau prévoit que le juge peut, à la demande de la
personne morale intéressée ou du Ministère public, prendre toutes mesures
urgentes appropriées, en subordonnant de telles mesures à l’accomplissement,
par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

V- Les innovations relatives à la saisie des biens meubles : la révision de


l’article 49 sur les dispositions générales applicables aux saisies mobilières,
et la réglementation de nouvelles saisies immobilières particulières

Sur la révision de l’article 49


Article 49 ancien : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou
toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie
conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou
le magistrat délégué par lui.

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Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de
son prononcé.
Le délai d’appel comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un
caractère suspensif, sauf décision contraire spécialement motivée du président
de la juridiction compétente »
Article 49 nouveau : « En matière mobilière, la juridiction compétente ans
chaque État partie ou le juge délégué par lui connait de tout litige ou toute
demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire.
Il statue dans un délai de deux mois à compter de l’appel de la cause.
La décision rendue peut faire l’objet d’un recours. L’exercice du recours ainsi
que le délai pour l’exercer n’ont pas d’effet suspensif, sauf décision contraire
spécialement motivée du juge visé à l’article 1er du présent article. Le recours
est exercé suivant les règles prévues par le droit interne.
Le juge visé à l’alinéa 1er du présent article peut, même d’office, ordonner une
astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Il liquide l’astreinte en tenant
compte du comportement du débiteur de l’obligation et des difficultés qu’il a
rencontrées pour l’exécuter. »

Observations : D’un point de vue général, il n’est plus que question comme par
le passé de la juridiction compétente statuant en matière d’urgence. Le nouvel
Acte uniforme laisse désormais la possibilité aux législations internes de
désigner le juge du contentieux de l’exécution ; ce qui dans le contexte
camerounais, semble revigorer la loi du 19 Avril 2007 fixant le juge du
contentieux de l’exécution. Ainsi, les Présidents des juridictions connaitront du
contentieux de l’exécution des décisions de justices prises sous l’égide de leurs
juridictions. On est désormais loin du monopole conféré au Président du
Tribunal de Première Instance.

Aussi, il a désormais été institué à l’égard du Président de la juridiction


compétente dans chaque État partie ou du juge délégué par lui un délai de deux
mois pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure

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d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire en matière mobilière (article 49
alinéa 1er révisé). Ce délai court à compter de l’appel de la cause.

En outre, l’alinéa 2 du même article renvoie désormais aux règles de procédure


interne pour l’exercice de tous recours contre les décisions rendues par le
Président de la juridiction compétente ou du juge délégué par lui. Dans l’ancien
texte, le délai était fixé à 15 jours à compter du prononcé de ladite décision.

L’une des plus grosses nouveautés à ce niveau est qu’il est désormais possible
pour le juge d’ordonner des astreintes pour assurer l'exécution de sa décision.
L’extension de l’assiette des biens meubles susceptibles d’être saisis

 L’introduction des dispositions propres la saisie conservatoire et à la


saisie vente du bétail.

Aux termes de l’article 1-1 AUPSRVE, le bétail est défini comme un ensemble
d’animaux élevés dans une ferme ou dans le cadre d’une exploitation ou en
transhumance et, de manière générale, des animaux ayant une valeur marchande,
à l’exception des animaux de compagnie. En cas de saisie conservatoire, le
débiteur conserve l’usage du bétail rendu indisponible par la saisie. La saisie
peut être convertie en saisie vente dans les conditions fixées par les articles 73-1
à 73-10, et 152-1 à 152-15 de l’AUPSRVE

 L’introduction des dispositions relatives à la saisie conservatoire des


biens meubles corporels – y compris les sommes d’argent – placés dans
un coffre-fort appartenant à un tiers (Articles 152-16 à 152-26)

On pense par exemple ici aux coffres forts détenus dans les établissements de
crédit ou les établissements bancaires et assimilés. En cas de saisie, l’accès au
coffre – fort n’est plus possible qu’en présence de l’huissier de justice qui
a procédé à la saisie mais il y a aussi possibilité d’apposition des scellés. Les
conditions d’ouverture du coffre – fort après scellé sont précisées.

 L’extension de la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières aux


autres titres de créances négociables

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L’article 238-1 nouveau énonce que les créanciers munis d’un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible peuvent se joindre à la procédure de
saisie de titres négociables au moyen d’une opposition dans les conditions
prévues par les articles 130 à 133 de l’Acte Uniforme.

 L’extension de la saisie des créances aux créances représentant un avoir


en monnaie numérique.

L’Acte uniforme révisé définit la monnaie électronique comme une valeur


monétaire représentant une créance sur l’établissement émetteur, stockée ou
incorporée sous forme électronique, émise contre remise de fonds, qui peut être
utilisée ou qui est acceptée pour effectuer des paiements à des personnes autres
que l’émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction.
Cette extension permet notamment la saisie des sommes logées dans les comptes
de paiement dits comptes mobiles et qui constituent des créances des titulaires
de compte contre les établissements de paiement ou les établissements
de monnaie électronique teneurs de ces comptes.

L’article 153 révisé a introduit la possibilité de procéder à la saisie-attribution de


créances consistant en « avoirs en monnaie électronique dont le débiteur peut
disposer en effectuant un retrait, un paiement ou un transfert ».

 L’introduction de dispositions propres à la saisie du fonds de commerce


(articles 245-1 à 245-34)

Le fonds de commerce, meuble incorporel de nature spécifique, peut faire


désormais l’objet d’une saisie qui prend en compte sa nature particulière. Cette
saisie porte sur les éléments obligatoires du fonds de commerce tels que
énumérés par l’AUDCG (clientèle, nom commercial ou enseigne) et sur les
éléments facultatifs lorsqu’il en existe.

La saisie rend le fonds de commerce indisponible. Il ne peut dès lors être ni


aliéné, ni grevé de charges. Il en est de même pour ses différents éléments.
Toutefois, l’exploitation du fonds peut être poursuivie.

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En cas de saisie, le locataire gérant doit verser les redevances à un séquestre. La
vente sera faite ensuite à l’amiable ou aux enchères si la vente amiable
n’intervient pas dans un délai de 15 jours. Cette vente a lieu devant la juridiction
compétente du lieu d’exploitation du fonds de commerce.

VI- Innovations relatives à la saisie immobilière


L’une des très grosses innovations du nouvel Acte uniforme sur les voies
d’exécution dans sa partie consacrée aux saisies immobilières, concerne le
principe de subsidiarité de la saisie immobilière.
Ce principe voudrait notamment signifier qu’en dehors des créanciers
hypothécaires et privilégiés, la saisie ne peut être engagée que sur les biens
meubles et ce n’est qu’en cas d’insuffisance de ceux-ci (constatée par un procès-
verbal de carence), que les biens immeubles pourraient être engagés. C’est
exactement le cas dans le texte originel de l’Acte uniforme qui dispose en son
article 28 alinéa 2 que : « Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou
privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et,
en cas d’insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ».

La nouvelle version de l’Acte uniforme semble ramer à contre-courant de ce


vieux principe, puisqu’il rend désormais possible, une saisie immobilière directe
par tout créancier, fut-il non hypothécaire ou non privilégié, et c’est au débiteur
qui voudrait se départir de cette saisie, de solliciter le sursis de la procédure de
saisie immobilière, et désigner ses biens meubles disponibles et susceptibles
d’être saisis. Si le sursis est prononcé, et en cas d’insuffisance des biens
désignés par le débiteur à résorber la créance du poursuivant, les poursuites sur
l’immeubles saisis sont relancées. La nouvelle version de l’article 28 alinéa 2,
devenu 28 alinéa 4 est ainsi formulée : « Lorsque la saisie porte sur un
immeuble appartenant au débiteur, celui-ci peut, sauf lorsqu’il s’agit
d’assurer le recouvrement d’une créance hypothécaire ou privilégiée,
demander à la juridiction compétente dans l’État-partie, qu’il soit sursis à
l’exécution et que celle-ci soit poursuivie en premier lieu sur les biens

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meubles ; il en indique alors la consistance et la localisation. Lorsque le sursis
est ordonné, la continuation des poursuites ne pourra avoir lieu qu’en cas
d’insuffisance du produit de la saisie et sur l’autorisation du juge ».

Autre innovation, il est désormais institué la publicité par voie audiovisuelle ou


électronique de la vente (article 276 alinéa 2 nouveau) : la publication de
l’extrait du cahier de charges prévu à cet article peut être faite par ces voies,
outre celles déjà prévues dans l’Acte uniforme originel (insertion dans un
journal d’annonces légales et apposition de placards à la porte du domicile saisi,
de la juridiction saisi ou du notaire convenu ainsi que les lieux d’affichage de la
commune de la situation des biens concernés).

L’article 297 alinéa 2 ancien régissant le régime des nullités de certains actes de
saisie immobilière («Les formalités prévues par ces textes et par les articles
254, 267 et 277 ci-dessus ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité
a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque »), a
disparu dans la nouvelle version.

Il est aussi institué une nouvelle formulation de l’article 300 sur les voies de
recours en matière de saisie immobilière. En vertu de l’ancienne formulation de
l’article 300, les voies de recours étaient « exercées dans les conditions de droit
commun ». Cette formule suscitait alors des remous en pratique quant au réel
délai pour former appel notamment. La nouvelle formulation est plus précise,
puisqu’elle dispose que « Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la
signification. Le délai et l’exercice de l’appel dans le délai sont suspensifs ».

Précisions sur d’autres innovations prévues par le nouvel Acte uniforme

1- Innovation relatives aux titres exécutoires

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L’article 33 a indiqué que les accords de médiation revêtus de la formule
exécutoire en application de l’Acte uniforme relatif à la médiation constituent
désormais des titres exécutoires. S’agissant des PV de conciliation, ces titres
exécutoires sont désormais signés par le juge, le greffier et les parties.

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Par ailleurs, le nouvel alinéa 2 de l’article 32 précise que la disposition de
l’alinéa 1er dudit article ne s’oppose pas à ce que le juge compétent prenne des
décisions ayant pour objet les défenses à exécution provisoire ou le sursis à
exécution. D’où il s’ensuit que désormais le droit OHADA dans son dispositif
communautaire, les défenses à exécution et le sursis à exécution, et la
conséquence directe est la possible saisine de la CCJA pour les recours contre
les décisions prises dans le cadre des procédures de défenses à exécution.

2- Innovations relatives à la saisie-vente

Celles-ci tiennent notamment à l’acte de saisine à être usité aux fins de


désignation du séquestre des biens objet de la saisie. Alors que la précédente
formulation de l’article 103 énonçait que la juridiction compétente devait être
saisie par requête, il est désormais prévu que ladite juridiction doit désormais
être saisie par voie d’assignation.

En outre, l’article 106 alinéa 2 nouveau prescrit désormais qu’à compter de la


date du commandement de payer, les objets saisis sont indisponibles ; ils sont
placés sous la garde du tiers, qui ne peut ni les aliéner ni les déplacer, si ce n’est
dans le cas prévu par l’article 97 du présent acte uniforme.

Par ailleurs, l’alinéa 3 nouveau de l’article 121 donne la possibilité d’annoncer


la vente en ligne, en sus des voies médiatiques.

3- Introduction d’infractions pénales sanctionnant le non-respect de


certaines obligations mises à la charge des débiteurs saisis, tiers détenteurs,
gardiens, huissiers de justice et autorités habilitées à procéder aux ventes
aux enchères publiques (articles 335 à 335-9 nouveaux)

L’Acte uniforme nouveau a érigé en infractions pénales :


-le fait pour les débiteurs saisis et les tiers détenteurs :
➢ de ne pas se conformer aux obligations attachées à leur qualité de gardien par
l’article 36 du présent Acte uniforme, aliéner ou déplacer un bien sans justifier
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d’une cause légitime rendant nécessaire ce déplacement ou cette aliénation dans
le cas d’une saisie conservatoire,

➢ de ne pas en informer préalablement le créancier du déplacement ou de


l’aliénation du bien saisi, sauf en cas d’urgence absolue,

➢ de ne pas indiquer au créancier, en cas de déplacement, le lieu où le bien est


placé

-le fait pour les gardiens :


➢ en dehors du cas prévu par l’article 97 de l’Acte uniforme, d’aliéner ou de
déplacer un bien faisant l’objet d’une saisie-vente ;
➢dans le cadre d’une procédure de vente amiable, de déplacer, sauf en cas
d’urgence absolue, un bien avant la consignation du prix prévue à l’article 118
du présent Acte uniforme ;

- le fait pour les débiteurs d’aliéner les biens faisant l’objet de la saisie-vente
sans se conformer à la procédure prévue par les articles 115 et suivants du
présent Acte uniforme ;

- le fait pour l’autorité habilitée à procéder à la vente aux enchères publiques de


recevoir une somme au-dessus de l'enchère ;

- le fait pour le détenteur d’aliéner ou déplacer un bien faisant l’objet d’une


saisie-revendication en dehors du cas prévu par le présent Acte uniforme ;

- le fait pour le propriétaire d’un fonds de commerce faisant l’objet d’une saisie,
de céder ledit fonds ou d’y consentir un droit réel ou une charge en violation de
l’interdiction prévue par l’article 245-9 du présent Acte uniforme ;

-le fait pour le débiteur ou le tiers détenteur d’aliéner ou de déplacer un bien


faisant l’objet d’une saisie conservatoire de bétail en violation de l’article 73-1
du présent acte uniforme ;

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-le fait pour le débiteur ou le gardien d’aliéner ou déplacer, sauf pour le
pâturage, le bétail objet d’une saisie sans en avertir l’huissier de justice ou
l’autorité chargée de l’exécution en violation de l’article 152-12 du présent acte
uniforme ;

-le fait pour l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution de


détourner de leur finalité des renseignements communiqués dans les conditions
prévues par l’article 1-3 et les photographies visées à l’article 45 du présent Acte
uniforme.

Il est à noter dans ce dernier cadre, que conformément à l’article 5 alinéa 2 du


Traité OHADA, il appartiendra aux États-parties de fixer les sanctions relatives
à ces incriminations ; ce qui aboutira pour le contexte camerounais, à la révision
de la loi n°2003/008 du 10 Juillet 2003 fixant les sanctions relatives aux
incriminations prévues dans certains Actes uniformes OHADA.

CONCLUSION

Il convient de préciser qu’en l’état actuel, malgré la prise en compte des


difficultés rencontrées de l’application de son devancier, il est quasi impossible
dès à présent de faire une appréciation objective du nouvel Acte uniforme, tant il
est vrai que c’est sur le terrain de son implémentation, qu’une idée pourra être
faite.

Relativement à son entrée en vigueur, conformément à l’article 9 du Traité


OHADA, le présent Acte Uniforme entrera en vigueur le 15 janvier 2024, soit
90 jours après sa publication intervenue le 17 octobre 2023 (article 338 Acte
uniforme nouveau).

Par ailleurs, le nouvel Acte uniforme qui abroge et remplace celui adopté le 10
avril 1998, n'est applicable qu'aux procédures simplifiées de recouvrement et
aux voies d’exécution engagées après son entrée en vigueur. Quant à celles
engagées avant l’entrée en vigueur de l’AU du 10 avril 1998, elles demeurent
soumises à ce dernier texte.
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