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KF/AE AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 15 JANVIER 2015
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
-------------------
COUR D’APPEL D’ABIDJAN
--------------- Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son
TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN audience publique ordinaire du quinze janvier de l’an
--------------- deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à
RG N° 1973/14
laquelle siégeaient :
-------------
JUGEMENT CONTRADICTOIRE
du 15/01/2015 Docteur François KOMOIN, Président du
----------------- Tribunal ;

Affaire :
Madame TIENDAGA Gisèle, Messieurs KACOU
Monsieur TANOH THIERRY
Bredoumou Florent, Ignace FOLOU, N’GUESSAN
(SCPA ADJE - ASSI et METAN et SCPA LEX Gilbert, AMEMATEKPO Jacob et WADJA Eugène,
WAYS) Assesseurs,

Contre Avec l’assistance de Maître KONE Songui


1- Société PUBLIC INVESTMENT
Adama, Greffier,
CORPORATION dite PIC
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la
2- Monsieur MATJILA DANIEL cause entre :
(Me Jean François CHAUVEAU)

3- ECOBANK TRANSNATIONAL
MONSIEUR TANOH THIERRY, né le 20 avril 1962 à
INCORPORATED dite ETI Nogent sur Marne en France, Expert-comptable, de
(SCPA DOGUE-ABBE Yao et Associés) nationalité ivoirienne, anciennement employé à
----------------- ECOBANK TRANSNATIONAL INCORPORATED dit
DECISION :
ETI, domicilié à Abidjan, République de Côte d’Ivoire ;
------
Contradictoire
------- Demandeur représenté par ses conseils, les SCPA
ADJE - ASSI et METAN et LEX WAYS, Avocats près
Rejette l’exception d’incompétence et se déclare la Cour d’Appel d’Abidjan ;
compétent ;

Reçoit Monsieur TANOH Thierry en son action ; d’une part,

Constate la non-conciliation des parties ;


Et
L’y dit partiellement fondé ;
1- LA SOCIETE PUBLIC INVESTMENT
Condamne solidairement Monsieur MATJILA Daniel
CORPORATION dite PIC, Société anonyme dont le
et les sociétés Public Investment Corporation dite
PIC et Ecobank Transnational Incorpored dite ETI à siège social est à Menlo Park, Pretoria, Afrique du
lui payer la somme de sept milliards cinq cent Sud, Tél. : + 27 12 742 3400, fax : + 27 12 346 3276,
millions (7.500.000.000) de francs CFA à titre de
dommages-intérêts ;
prise en la personne de son représentant légal,
Monsieur Elias MASILELA, demeurant es-qualité audit
siège social ;

2- MONSIEUR MATJILA DANIEL, Administrateur de


PUBLIC INVESTMENT CORPORATION dite PIC,

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Ordonne la publication de la présente décision dans Société anonyme dont le siège social est à Menlo
tous les organes de presse et site internet ayant
reçu ou fait état de la correspondance du 1er mars
Park, Pretoria, Afrique du Sud, Tél. : + 27 12 742 3400,
2014 aux frais des défendeurs sous astreinte fax : + 27 12 346 3276 ;
comminatoire de deux cent millions (200.000.000)
de francs CFA par jour de retard à compter de la
signification de la présente décision ;
Défendeurs représentés par leur conseil, Maître Jean
François CHAUVEAU, Avocat près la Cour d’Appel
Ordonne l’exécution provisoire de la présente d’Abidjan ;
décision nonobstant toutes voies de recours ;

Condamne les défendeurs aux dépens distraits au 3- LA SOCIETE TRANSNATIONAL INCORPORATED


profit des SCPA ADJE-ASSI-METAN et LEX WAYS, dite ETI, Société Anonyme dont le siège social est à
Avocats aux offres de droit.
Lomé (TOGO), 20, Avenue Sylvanus Olympio, P. O.
box 3302 Lomé-Togo, Tél. : (228) 22.21.72.14, Fax :
(228) 22.21.42.37, prise en la personne de son
représentant légal, Monsieur Albert ESSIEN, son
Directeur Général, demeurant es-qualité audit siège
social ;

Défenderesse représentée par son conseil, la SCPA


DOGUE-ABBE Yao et Associés, Avocats près la Cour
d’Appel d’Abidjan ;

d’autre part,

Enrôlée pour l’audience du 17 juillet 2014, l’affaire a


été appelée et renvoyée successivement au 24 juillet
2014, 31 juillet 2014 et 02 octobre 2014 pour poursuite
de la conciliation qui s’est soldée par un échec ;

Une mise en état a alors été ordonnée, confiée au juge


KOMOIN François, en qualité de juge rapporteur, et la
cause renvoyée à l’audience publique du 18 décembre
2014 ;

Cette mise en état a fait l’objet d’une ordonnance de


clôture n° 1078 du 17 décembre 2014 ;

A la date de renvoi, l’affaire a été mise en délibéré


pour jugement être rendu le 15 janvier 2015 ;

Advenue cette date, le tribunal a vidé son délibéré


comme suit :

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LE TRIBUNAL

Vu les pièces du dossier ;

Vu l’échec de la tentative de conciliation ;

Ouï les parties en leurs fins, demandes et


conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES


PARTIES

Par exploit d’huissier en date du 12 mai 2014,


Monsieur TANOH Thierry a assigné la Société
Public Investment Corporation dite PIC, Monsieur
MATJILA Daniel et la Société Transnational
Incorporated dite ETI à comparaître le 17 juillet 2014
devant le Tribunal de ce siège pour s’entendre :

- condamner solidairement à lui payer la somme


de trente millions (30.000.000) de dollars au
coût de cinq cent (500) francs CFA soit la
somme de quinze milliards (15.000.000.000) de
francs CFA ;

- assortir la décision à intervenir de l’exécution


provisoire pour sa totalité ;

- ordonner la publication de la décision à


intervenir dans tous les organes de presse et
site internet ayant reçu ou ayant fait état de la
correspondance en date du 1er mars 2014 aux
frais des défendeurs, sous astreinte
comminatoire de cinq millions (5.000.000) de
dollars au coût de cinq cent (500) francs CFA
soit la somme de deux milliards cinq cent
millions (2.500.000.000) de francs CFA, par jour
de retard à compter de la signification de la
décision à intervenir ;

- condamner aux dépens dont distraction au profit


des SCPA ADJE-ASSI-METAN et LEX WAYS,
Avocats aux offres de droit.

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A l’appui de son action, il expose que par


correspondance du 1er mars 2014, la société PUBLIC
INVESTMENT CORPORATION dite PIC a, sous la
signature de Monsieur MATJILA Daniel, son Directeur
chargé des investissements, écrit dans les termes
suivants, à son sujet, alors Directeur Général
d’ECOBANK TRANSNATIONAL INCORPORATION
dite ETI : « Il manque d’aptitude au plan technique et moral
pour diriger une institution comme Ecobank qui exige la
confiance et le respect, le sens élevé de l’éthique et de la
morale, l’excellence, le professionnalisme ainsi que
l’expertise technique dans le secteur bancaire. Sa première
action a été de vouloir tromper l’ancien président à apporter
des modifications à son contrat aux fins d’accroître ses
avantages tout en réduisant les mesures de rendement, et
en s’attribuant de façon frauduleuse plus d’un million de
dollars de bonus sans l’approbation du Conseil, plante le
décor quant à ce qui est devenu sa marque déposée de
manipulation, réduisant ainsi l’excellente réputation d’une
institution africaine aussi fière de l’être à un tel niveau de
recul.

Il a jeté le discrédit sur le nom de la Banque ainsi que le


Conseil. Il a mis en place de nouveaux systèmes et valeurs
en permettant aux politiciens de s’ingérer dans les affaires
de la Banque afin de demeurer à son poste de Président
Directeur Général du Groupe.

Il a délibérément semé la division au sein du Conseil


d’Administration, des actionnaires, du personnel, et des
responsables chargés de la règlementation. Il a rejeté les
avis critiques des membres fondateurs, des administrateurs,
des actionnaires et du personnel et continue de poser des
actes au détriment de la Banque.

Il a manqué de respect envers le Conseil et des


responsables chargés de la règlementation en ce qu’il a de
façon constante agi sans leur avis.

Il a contribué à la baisse du moral du personnel, provoquant


ainsi la peur chez eux, en les amenant à vivre constamment
en victimes craignant de poser des actes à l’encontre des
désirs du Président Directeur Général du Groupe. Il
continue d’utiliser les ressources d’Ecobank (financière et
autres) à des fins personnelles.

Il a manqué de mobiliser des capitaux, chose qui constitue


le gage vital pour une banque, depuis sa prise de fonction
en qualité de Président Directeur Général du Groupe.

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Plusieurs filiales d’Ecobank ont un besoin urgent de


capitaux pour conduire leurs activités, alors que le Président
Directeur Général du Groupe continue dans la manipulation
politique, affaiblissant ainsi la compétitivité de la banque.

Il trompe constamment les administrateurs, les actionnaires


et les chargés de la règlementation afin de les manipuler
aux fins de bénéficier de leur soutien.

Il continue de propager délibérément de fausses allégations


tendant à faire croire que la Société d’Investissement Public
(PIC) et/ou les actionnaires Sud-africains veulent reprendre
la Banque.

Il continue à induire en erreur le Conseil sur les questions


de legs auxquelles Ecobank Nigeria est confronté… Il
profère des allégations mensongères volontaires en
soutenant qu’il a découvert des problèmes au Nigeria
lorsque tous les concernés lui ont fait parvenir l’information
de façon volontaire… Le Président Directeur Général du
Groupe, dans son incompétence notoire à gérer le Groupe
en ayant recours, comme à ses habitudes, de façon
ostentatoire, à des actes de défiance tout en continuant à
profiter et à utiliser de façon abusive des réalisations
positives de ses prédécesseurs.

Le Président Directeur Général du Groupe, aidé de son


Président, ont écrit une lettre au SEC afin de détourner son
attention en n’enquêtant pas sur les accusations formées
contre lui par Madame le Président Exécutif chargé des
finances et des risques. Interrogé par le Conseil
d’Administration au sujet de la lettre remise à la SEC et des
réunions tenues avec la SEC, il a fermement nié, alléguant
que leurs rencontres avec la SEC ont porté sur des sujets à
titre personnel et non sur des affaires liées à Ecobank,
proférant ainsi ouvertement des propos mensongers sur le
Conseil avec preuve à l’appui.

Il continue de dissimuler délibérément des informations


essentielles au Conseil d’Administration et ne les a
exhibées que lorsque le Conseil lui a demandé de présenter
les correspondances échangées avec la SEC et la Banque
Centrale du Nigeria.

Il a manqué d’assumer ses fonctions avec diligence,


compétence et attention. Nous faisons remarquer que cette
année, aucun dividende ne pourra être versé pour la
première fois après une longue période à Ecobank.

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Il a fait preuve d’incompétence, d’immaturité, de manque


d’expérience de gestion aux plans technique et humain. Il
manque de sérieux et de posture pour exercer les fonctions
de Président Directeur Général d’Ecobank réputé pour être
une institution internationale de renom… » ;

Que cette correspondance a été adressée aux douze


(12) membres du Conseil d’Administration de la
Société ECOBANK TRANSNATIONAL
INCORPORATED dite ETI ;

Que les jours suivants, les termes de ladite


correspondance se sont retrouvés dans les colonnes
de plusieurs organes de presse de diffusion
internationale ;

Que c’est tout d’abord le journal FINANCIAL TIMES


qui, le premier faisait état du contenu des
correspondances en cause, en écrivant que : « Dans un
courrier très ferme, le PIC avec 190 milliards de dollars,
représentant 18.95 pour cent des parts d’Ecobank accuse
Monsieur Thierry TANOH d’être incapable aux plan
technique et moral de diriger la banque… » ;

Que c’est aussi le site en ligne BLOOMBERG NEWS


qui, se faisant l’écho de la correspondance en cause,
écrivait, aussi dans les termes suivants : « Tanoh a
manqué de se concentrer sur les activités de la Banque et
le Conseil, a permis l’ingérence politique, a divisé le Conseil
d’Administration, les actionnaires, le personnel et les
organismes de la règlementation, a induit les
Administrateurs, les actionnaires et les organismes de la
règlementation en erreur, et n’a pas réussi à porter le
capital de la banque à la hausse, a déclaré MATJILA dans
sa lettre qui faisait allusion à 15 plaintes directes contre
Tanoh. » ;

Que cette caricature n’est pas la sienne, lui qui a reçu


une solide formation et s’est taillé une solide réputation
professionnelle ; ayant fait ses études en Côte d’Ivoire
où il a obtenu en 1980 son baccalauréat série C au
Lycée Scientifique de Yamoussoukro ; intégré ensuite
la célèbre Ecole Supérieure de Commerce d’Abidjan
dite ESCA d’où il est sorti major de sa promotion en
1985 ; obtenu en 1992, après plusieurs années
d’études en cours du soir et cours par correspondance,
le diplôme français d’Expertise Comptable ; il ajoute

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qu’il est entré en juin 1992 à la Havard Business


School d’où il est sorti en 1994 avec le diplôme de
Master in Business Administration (MBA) ;

Que cette formation de base lui vaudra par la suite une


brillante carrière professionnelle ;

Qu’ainsi il est recruté en 1985 par le cabinet


international Coopers and Lybrand en France et
devient, à force de talent, le premier africain à atteindre
le grade de manager dans l’un des « big eigth » en
France en 1988 ;

Que par souci d’apporter sa contribution à la


construction de l’Afrique, il a rejoint en 1990 la toute
nouvelle Commission Bancaire de l’UEMOA en qualité
d’Inspecteur ; Qu’il est, après une année passée à
l’UEMOA, appelé à intégrer la célèbre Direction et
Contrôle des Grands Travaux de Côte d’Ivoire en 1991
et devient Conseiller à la Primature ;

Qu’en 1994 il est appelé à intégrer le groupe de la


Banque Mondiale et plus particulièrement la Société
Financière Internationale (SFI) ou (IFC) dans le
programme très sélectif des jeunes professionnels.

Que là-bas, il a gravi tous les échelons et est devenu


vice-président en charge de l’Afrique, de l’Amérique
Latine, des Caraïbes et de l’Europe de l’Ouest ; et est
ainsi devenu le premier Vice-président noir à la SFI ou
IFC et l’un de ses plus jeunes Vice-présidents
opérationnels ; Que dans le cadre de ses fonctions, il a
géré environ 50 % du portefeuille des investissements
de la SFI ou IFC, et était responsable d’un niveau
d’investissements annuels de plus de dix milliards
(10.000.000.000) de dollars US ;

Que sous son leadership, le volume des


investissements de la région Afrique de la SFI est
passé de US$ 140 millions en 2003 à environ US$ 3.8
milliards en juin 2012 ;

Que sous sa direction, la région Afrique de la SFI est


passée de la région la moins profitable à la 2ème région
la plus profitable après l’Amérique latine ;

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Que sous sa direction, la présence de la SFI en


Afrique a plus que doublé avec moins de cinq (05)
bureaux dans la région à plus de 20 bureaux en juin
2012 ;

Qu’il a été tout au long de sa carrière un grand


défenseur de la diversité et a reçu dans ce contexte le
prix du groupe de la Banque Mondiale du leadership et
de la diversité ;

Qu’il a aussi été distingué pour son travail en faveur du


développement de l’Afrique :

Chevalier de l’ordre du Lion par le


gouvernement de la République du Sénégal ;

Officier de l’ordre du Mérite National par le


gouvernement de la République de Côte
d’Ivoire ;

Commandeur de l’ordre du Mérite National par


le gouvernement de la République du Burkina
Faso ;

Qu’au cours de l’année 2011, la société ETI l’a


contacté par le canal du cabinet de recrutement
international Korn Ferry ; Qu’à la suite d’une procédure
rigoureuse de recrutement au niveau international,
incluant des tests, ce cabinet a recommandé au
Conseil d’Administration de la société ETI de le
recruter ; qu’il a été ainsi recruté et a signé son contrat
en décembre 2011 ;

Qu’une fois à la tête de la société ETI, il a introduit les


règles de bonne gouvernance en prenant les mesures
idoines, qui ont permis à la société de mettre un frein à
la gestion opaque qu’elle connaissait ;

Que son impact à la tête d’ECOBANK


TRANSNATIONAL INCORPORATED s’est nettement
fait sentir par les actions suivantes :

la confiance des investisseurs est revenue,


traduite par l’augmentation du cours de l’action
de la banque cotée à la Bourse qui est passé de
trente-deux (32) francs CFA à sa prise de

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fonction, après quelques mois de présence, à


soixante-quinze (75) francs CFA ;

les performances du groupe se sont améliorées


avec notamment l’une des croissances
organiques les plus fortes de l’histoire du
groupe en matière de revenus ; la mise en place
d’un programme de réduction des coûts sur
revenus et donc de la profitabilité de la banque ;

la mise en place de procédures d’appel d’offres


à la société ETI. C’est ainsi que notamment il a
sélectionné le cabinet de conseil McKinsey dans
le cadre de l’appui à l’amélioration de l’efficacité,
du service client et de la mise en place de
règles et procédures pour la gestion des
ressources humaines et sélectionné des
partenaires stratégiques pour l’activité de
banque-assurance ;

la révélation, et, ce, pour la première fois, au


conseil d’administration de la société ETI
d’actes posés lors de la gestion passée en
désaccord avec les principes de bonne
gouvernance et ayant une implication matérielle
sur les états financiers du groupe ETI ;

Que le changement dans le mode de gestion de la


banque par rapport à la gestion précédente semble
avoir incommodé bien des personnes, notamment la
société PIC sous la signature de Monsieur MATJILA
Daniel qui ont décidé de ruiner sa réputation ;

Qu’aussi, a-t-il décidé de demander des comptes aux


mis en cause devant le Tribunal de Commerce
d’Abidjan ;

Que le tribunal de commerce d’Abidjan est compétent


pour connaître des faits qu’il reproche aux défendeurs
pour les raisons suivantes :

ceux-ci n’ayant en Côte d’Ivoire ni domicile, ni


résidence, le tribunal compétent est celui du
domicile du demandeur, en application de
l’article 11 alinéa 4 du code de procédure civile,
commerciale et administrative ;

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en tout état de cause, en sa qualité d’ivoirien,


l’article 14 du code civil habilite le demandeur à
traduire les défendeurs devant les juridictions
ivoiriennes ;

le demandeur non commerçant peut attraire les


personnes commerçantes devant le tribunal de
commerce (article 7 de la Décision N° 01/PR du
11 janvier 2012 sur les tribunaux de
commerce) ;

Qu’il est constant que le 1er mars 2014 la société PIC,


sous la signature de Monsieur MATJILA Daniel, l’a
traité, dans une correspondance adressée aux
administrateurs, et publiée dans la presse à diffusion
internationale de :

- immature,
- incompétent,
- menteur, manipulateur,
- délinquant d'abus de biens sociaux,
- fraudeur,
- sans éthique,
- inapte professionnellement et moralement à exercer
sa profession de banquier ;

Que la réparation du préjudice qu’il subit de ce fait est


recherchée sur le fondement des textes ci-après :

Article 1382 du Code Civil : « Tout fait


quelconque de l'homme qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer. »

Article 1383 du Code Civil : « Chacun est


responsable du dommage qu'il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence. »

Que ces textes appellent la démonstration d'une faute


commise, d'un préjudice qui en est résulté, et du lien
de causalité entre la faute et le préjudice.

Que s’agissant de la faute, si elle ne fait pas l'objet


d'une définition légale à proprement dit, c'est au
pouvoir prétorien des juges qu'est revenu le soin de

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définir les faits et attitudes qui peuvent constituer une


faute au plan civil, résultant d’un délit où d’un quasi-
délit ;

Que la jurisprudence et la doctrine estiment en effet


que « La faute consiste en la violation d'un devoir ou
d'une obligation préexistante. Il peut s'agir d'une norme
générale et abstraite imposant en toutes circonstances
de se conduire loyalement et avec prudence » ; « la
faute peut consister dans la violation d'une règle légale
indiquant avec précision ce qu'il faut faire ou ne pas
faire ; c'est alors l'acte illicite proprement dit ». « Elle
peut aussi consister dans un écart de conduite,
témoignant de la malhonnêteté de l'auteur de l'acte, ou
son défaut d'habileté au point de vue physique ou
intellectuel. Elle peut enfin consister dans l'imprudence
avec laquelle on crée une situation susceptible de
nuire aux tiers. » ;

Que « La faute s'apprécie normalement in abstracto,


par référence à l'attitude qu'aurait eue, à la place de
l'agent le "bon père de famille" » ;

Qu’«il s'agit de faire une comparaison entre deux


attitudes ; celle qu'a eue l'auteur du dommage et celle
qu'il aurait dû avoir. Est en faute, celui qui ne s'est pas
comporté comme il aurait dû le faire » ;

Que dans le cas d'espèce, il s'agit de vérifier si les mis


en cause ont agi avec prudence, s'ils se sont
comportés comme ils auraient dû le faire, en "Bon père
de famille" ;

Que s’agissant de Monsieur MATJILA Daniel, il a


commis une faute par action, celle d'avoir posé un acte
positif, car il est constant qu’il a, d'une plume
particulièrement virulente, écrit dans une
er
correspondance en date du 1 Mars 2014, au sujet de
Monsieur TANOH Thierry, ce qui suit :

« Il a fait preuve d'incompétence, d'immaturité, de


manque d'expérience de gestion aux plans techniques
et humain. Il manque de sérieux et de posture pour
exercer les fonctions de PDG. » ;

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Que Monsieur TANOH Thierry est traité dans la même


correspondance de manipulateur, fraudeur, délinquant
d'abus de biens sociaux, de personne sans éthique,
qui trempe constamment dans la tromperie ;

Qu’il est aussi constant que ces graves affirmations ont


été éventées et portées à la connaissance de plusieurs
organes de presse de diffusion internationale, tels
FINANCIAL TIMES et BLOOMBERG NEWS ;

Qu’il rappelle que, sauf preuve contraire rapportée par


Monsieur MATJILA Daniel, il a plutôt eu une formation
solide, pour être sorti des plus célèbres Universités,
dont la prestigieuse HAVARD, et un parcours
professionnel exemplaire l'ayant amené à exercer les
plus hautes fonctions au plan international et à gravir
tous les échelons pour devenir Vice-Président en
charge de l'Afrique, de l'Amérique Latine, des Caraïbes
et de l'Europe de l'Ouest, et le premier Vice-Président
noir de la (SFI) ou (IFC), et l'un de ses plus jeunes
Vice-Présidents opérationnels ;

Qu’il est aussi établi que son action à la tête de la


société ETI a eu un impact important sur les résultats
de cette société, en ce que la valeur de l'action de la
banque est passée de trente-deux (32) F CFA à son
arrivée à soixante-quinze (75) F CFA, soit une
augmentation de plus de 134 % ;

Qu’il est encore établi qu'il a amélioré les


performances financières du groupe avec notamment
l'une des croissances organiques les plus fortes de
l'histoire du groupe en matière de revenus ; mis en
place un programme de réduction des coûts qui s'est
traduit par une amélioration du ratio coûts sur revenus,
et donc de la profitabilité de la banque ;

Qu’il est de surcroit établi qu'il a mis en place des


procédures d'appel d'offres à la société ETI dans
l'optique de la transparence et de la bonne
gouvernance ; et dans ce cadre a sélectionné :

le Cabinet de Conseil Me Kinsey pour l'appui à


l'amélioration de l'efficacité du service client et
la mise en place de règles de procédures pour
la gestion des ressources humaines ;

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des partenaires stratégiques pour l'activité de


banque assurance.

Que de même, il est établi que, sous sa direction, et ce


pour la première fois, des actes posés lors de la
gestion passée en désaccord avec les principes de
bonne gouvernance et ayant une implication matérielle
sur les états financiers du groupe ETI ont été révélés
au Conseil d'Administration ;

Que c'est donc gratuitement, avec une intention de


nuire, que Monsieur MATJILA Daniel s'en est pris à sa
personne en le traitant d'incompétent, d'immature, de
personne manquant de sérieux et de posture, de
manipulateur, de fraudeur, de délinquant d'abus de
biens sociaux, sans éthique, sans aptitude à exercer
sa profession de banquier.

Que manifestement, Monsieur MATJILA Daniel a nui à


sa personne en le traitant, par écrit de cette façon, et
en transmettant ou laissant transmettre copie de sa
correspondance aux rédactions les plus lues dans le
monde. En conséquence, il a eu une attitude qu'il
n'aurait pas dû avoir et, par cela, a commis une faute
en nuisant à sa réputation, à son honorabilité, à son
crédit, en un mot à sa personne, lui, l'ancien Vice-
Président de la SFI ;

Que la société PIC en a fait autant ;

Qu’en effet il est constant que la correspondance écrite


par Monsieur MATJILA Daniel l'a été sur papier en-tête
de la société PIC qui n'a élevé aucune protestation, de
sorte qu'elle a endossé les propos de Monsieur
MATJILA Daniel, dans les termes qu'il les a tenus.
Qu’il sera donc jugé que la responsabilité de la
personne morale (PIC) est engagée directement du fait
de son préposé, Monsieur MATJILA Daniel. Que dans
un arrêt de la Cour de Cassation en date du 15 janvier
1872, le principe est acquis dans les termes suivants :
« Attendu que la société défenderesse était tenue,
comme obligée directe et personnelle, de toutes les
conséquences dommageables du fait de son gérant
dans des opérations sociales. »

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Il ajoute que la société ETI a, elle aussi, commis une


faute par inaction, pour avoir laissé faire cette
situation ;

Qu’en effet il est constant que la correspondance écrite


par Monsieur MATJILA Daniel sur papier en-tête de la
société PIC qui est l'un des principaux administrateurs
de ETI, a été portée à sa connaissance. Que la société
ETI n'a émis ni réserve, ni entrepris par ses organes, la
moindre action pour s'en désolidariser, épousant de
fait les termes de ladite correspondance. Que la
jurisprudence considère que la responsabilité de la
personne morale, la société ETI en l'espèce, devrait
être engagée en ce que la personne morale répond
des fautes dont elle s'est rendue coupable par ses
organes, et en doit réparation à la victime sur la base
de l'article 1382 du Code Civil. Qu’il a été en effet ainsi
jugé : « Attendu que la personne morale répond des
fautes dont elle s'est rendue coupable par ses organes
et en doit réparation à la victime, sans que celle-ci soit
obligée de mettre en cause, sur le fondement de
l'article 1384 alinéa 5 du code civil, lesdits organes pris
comme préposés. » : Civ. 2è 17 juillet 1967, GAZ,
PAL, 1967, II, 235.) ;

Que « s'agissant d'une responsabilité directe, la


victime n'a bien entendu pas à mettre en cause
l'organe pour que la personne morale soit déclarée
responsable ; la solution est d'ailleurs la même lorsque
la personne morale est prise en sa qualité de
commettant et condamnée à répondre des fautes de
ses préposés ; elle s'imposait donc a fortiori lorsque
le groupement est responsable à titre personnel » ;

Que c'est gratuitement, avec une intention de nuire,


que la société ETI a laissé, sans réaction, son
administrateur PIC s'en prendre à sa personne en le
traitant, sous la signature de Monsieur MATJILA
Daniel, d'incompétent, d'immature, de personne
manquant de sérieux et de posture, de manipulateur,
de menteur, de fraudeur, de délinquant d'abus de
biens sociaux, dans une correspondance virulente
qu'elle a transmise, ou laissé transmettre aux
rédactions les plus lues dans le monde. Que
manifestement la société ETI est responsable des
dommages ainsi causés à sa personne, et qu’en

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conséquence, elle a eu une attitude qu'elle n'aurait pas


dû avoir et, par cela, a commis une faute en nuisant à
sa réputation, à son honorabilité, à son crédit, en un
mot à la personne de l'ancien Vice-Président de la SFI
qu’il est.

Monsieur TANOH Thierry précise qu’au total, il est


constant que Monsieur MATJILA Daniel et les sociétés
PIC et ETI, pris séparément et/ ou collectivement, ont
commis une faute particulièrement intentionnelle, ayant
nui gratuitement à sa réputation, à son crédit et à son
prestige, lui qui fut le plus jeune et le tout premier noir
à avoir occupé le poste de Vice-Président de la SFI.

Qu’après un dénigrement aussi odieux, il est clair que


sa stature est atteinte, que sa respectabilité est
écorchée, que son crédit est touché dans un secteur
aussi sensible que celui de la Finance Internationale,
après une si longue carrière à des postes aussi
prestigieux que respectables, fruit d'une formation
solide, d'une correction et d'une droiture dans l'éthique
et la bonne gouvernance ;

Que cette perte de prestige, qu'il ne recouvrera


certainement plus, en raison du rayon de diffusion de
la correspondance en cause, distribuée à toutes les
rédactions les plus lues dans le monde, est une tache
indélébile définitivement portée à sa réputation, à son
honorabilité et à son crédit ;

Que la réparation d'un tel dommage est acquise en


droit, et consolidée par la jurisprudence et la doctrine
qui estiment clairement qu’il s'agit toujours d'une
« souffrance », « d'un droit à l'honneur », « les
hommes ne réagissent pas toujours de la même façon
à ce qui attente à leur honneur… la douleur est
insusceptible de preuve, le degré d’intensité qu’elle
atteint, insusceptible de mesure » ;

Que lui, l'ancien Vice-Président de la SFI a souffert et


continue de souffrir de la tache portée à sa réputation,
à son honorabilité et à son crédit, fruit d'énormes
efforts, dans le travail, la droiture et la dignité ;

Que ce à quoi il a été porté atteinte n'a aucun prix ; et


comme la réparation de tout dommage se résoud par

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le paiement de numéraires, la condamnation des


défendeurs au paiement de la somme de Trente
millions (30.000.000) de Dollars, au taux de cinq cent
(500) F CFA, qu’il sollicite est parfaitement justifiée ;

Que cette réparation est d'autant due que le lien de


causalité est plus qu'évident ; Qu’en effet si Monsieur
MATJILA Daniel et les sociétés PIC et ETI ne l'avaient
pas traité d'incompétent, d'immature, de menteur, de
manipulateur, de fraudeur, de délinquant d'abus de
biens sociaux, de pas sérieux, manquant de posture,
avec une amplification sans précédent dans les
rédactions les plus lues dans le monde, il n'aurait pas
tant souffert, de sorte que le préjudice subi par lui est
donc foncièrement lié à l'attitude des défendeurs ;

Qu’en conséquence, la condition du lien de causalité


est parfaitement satisfaite.

Qu’au regard de l'extrême dommage qui lui a été


causé, il sollicite que la décision à intervenir soit
assortie des mesures suivantes :

l'exécution provisoire, en ce qu'elle est acquise


dans tous les cas d'extrême urgence, la
réparation de la grave atteinte qui lui a été
portée présentant ce caractère d'extrême
urgence, au regard de sa réputation.

la publication de la décision à intervenir car la


faute commise a été amplifiée dans plusieurs
organes de presse et reprise sur des sites
internet.

Les défendeurs s’opposent à cette demande.

Ils soulèvent in limine litis l’incompétence des


juridictions ivoiriennes pour connaître de cette
demande. Ils avancent pour cela :

- premièrement, que l’article 7 de la loi organique N°


2014-424 du 1er juillet 2014 portant création,
organisation et fonctionnement des juridictions de
commerce ne permet pas au tribunal de retenir cette
affaire, car elle ne concerne ni des engagements entre
commerçants au sens de l’acte uniforme portant sur le

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droit commercial général, la lettre litigieuse émanant


d’un administrateur qui n’a pas qualité de commerçant
et portant une appréciation sur la gouvernance de la
société et l’action d’un directeur général, Monsieur
TANOH Thierry qui n’est pas commerçant ; le litige
n’est ni une contestation entre associés d’une société
commerciale ou d’un groupement d’intérêt économique
ni des procédures collectives d’apurement du passif ni
un acte de commerce. Ils précisent, à cet égard, que
Monsieur MATJILA Daniel et Monsieur TANOH Thierry
n’ont pas agi lors de la commission des faits allégués
en qualité de commerçant, de même que la société
PIC que Monsieur MATJILA Daniel représente au sein
du conseil d’administration de la société ETI qui, outre
le fait d’être un organe public de gestion notamment
des fonds de retraite de l’Etat Sud-Africain, agit au sein
de la société ETI comme administrateur ; et que les
faits allégués ne constituent ni un acte de commerce ni
un acte de société au sens des articles 2 et 3 de l’acte
uniforme portant sur le droit commercial général ;

- deuxièmement que les articles 164 et 170 de l’acte


uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et
du groupement d’intérêt économique ne peuvent
fonder la compétence du tribunal de commerce
d’Abidjan, car ces articles traitent de l’action
individuelle, action en responsabilité contre les
dirigeants sociaux, et donne expressément
compétence à la juridiction dans le ressort de laquelle
est situé le siège de la société pour en connaître, et
donc à la juridiction de LOME où la société ETI a son
siège social ;

- troisièmement que dans le contrat du 15 décembre


2011 conclu par Monsieur TANOH Thierry avec la
société ETI existe une clause attributive de juridiction
exclusive au profit des juridictions anglaises et une
clause compromissoire, de sorte que la contestation
actuelle qui est relative à l’exécution de ce contrat, ne
peut être connue par le tribunal de commerce
d’Abidjan ;

- quatrièmement que les articles 11 alinéa 4 du code


de procédure civile, commerciale et administrative et
14 du code civil sur lesquels Monsieur TANOH Thierry
fonde la compétence du tribunal de commerce

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d’Abidjan ne peuvent s’appliquer en l’espèce.


S’agissant de l’article 11 alinéa 4 du code de
procédure civile, commerciale et administrative, ils font
valoir qu’à la date de l’introduction de l’instance,
Monsieur TANOH Thierry a affirmé être domicilié à
LOME, ainsi qu’il l’a déclaré dans le litige social qui
l’oppose à la société ETI à Lomé, et à Washington
D.C, ainsi qu’il est mentionné dans son contrat de
travail ; ville où il a d’ailleurs demandé à la société
AGS d’effectuer le déménagement de ses effets
personnels, et a également demandé à la société ETI
de lui faire délivrer un billet d’avion en business class
sur Washington. Ils précisent que l’article 11 alinéa 4
susindiqué ne permet pas, comme c’est le cas en
l’espèce, qu’un ressortissant ivoirien sollicite, du seul
fait de sa nationalité, la compétence de la juridiction
ivoirienne dès lors qu’il est établi qu’à la date de
l’introduction de l’instance, il était objectivement et
incontestablement domicilié à l’étranger. S’agissant de
l’article 14 du code civil, ils indiquent que, de pratique
et de jurisprudence constante de tous les Etats
civilistes de tradition juridique comme avec la Côte
d’Ivoire, l’application de cet article n’est possible que
lorsqu’aucun critère ordinaire de compétence
territoriale n’est réalisé ; ce qui n’est pas le cas en
l’espèce, d’autres critères de compétence territoriale
s’appliquant ;

Pour tout cela, ils sollicitent que le tribunal de


commerce se déclarent incompétent au profit soit des
tribunaux togolais soit des tribunaux anglais soit du
tribunal arbitral désigné par le contrat du 15 décembre
2011 ;

Subsidiairement au fond, ils concluent au mal fondé de


l’action. Ils font valoir à cet égard que le litige ne porte
pas sur les faits qui ont motivé la lettre litigieuse, mais
sur la terminologie de celle-ci. Ils expliquent que cette
lettre n’a été que l’expression de l’indignation de
Monsieur MATJILA Daniel, représentant de la société
PIC, face au report cavalier par Monsieur TANOH
Thierry du conseil d’administration du 25 février 2014,
qui revêtait une importance stratégique vitale pour le
groupe ECOBANK ; car il devait être l’occasion de
régler les problèmes de gouvernance ; ce qui a fait
accroître la suspicion de la société PIC à l’égard de la

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gestion du demandeur. Ils ajoutent qu’aucune preuve


n’est rapportée par Monsieur TANOH Thierry que c’est
bien Monsieur MATJILA Daniel qui a transmis la lettre
litigieuse aux organes de presse. Ils précisent que
cette lettre n’a été transmise qu’aux administrateurs de
la société ETI, et que s’il est vrai que des extraits de
cette lettre se sont retrouvés dans la presse, rien ne
permet d’affirmer que cette fuite provient de Monsieur
MATJILA Daniel et/ou de la société PIC. Ils attirent
l’attention du tribunal sur le fait que le Président et le
Directeur général de la société ETI qu’était le
demandeur avaient eux-mêmes pris l’initiative de saisir
la presse et notamment le Journal FINANCIAL TIMES
pour communiquer sur la gouvernance de la société, et
qu’en tout état de cause, Monsieur MATJILA Daniel et
la société PIC nient catégoriquement être les auteurs
de la fuite, et précisent que Monsieur TANOH Thierry
ne rapporte aucune preuve contraire pour les
contredire. Ils font, en outre, valoir que la lettre écrite
par Monsieur MATJILA Daniel ne révèle aucune
intention de nuire, d’une part parce que les
administrateurs au sein du conseil d’administration ont
la liberté d’expression écrite ou verbale à laquelle
aucun texte ne fait obstacle, et qu’aucune règle
juridique ou déontologique n’impose à ceux-ci une
obligation de réserve qui les astreindrait, par exemple,
à une forme de courtoisie ; ce qui explique selon eux
que la conduite du conseil d’administration puisse
fréquemment amener à la manifestation d’oppositions
franches voire violentes, encore que la lettre litigieuse
a été adressée par la société PIC à l’ensemble des
administrateurs dans le seul but d’exposer la
perception de Monsieur MATJILA Daniel de la situation
de la société ETI et de son management, et
rassembler une majorité favorable à la révocation de
Monsieur TANOH Thierry ; ce qui relève bien de son
droit et de ses compétences d’administrateur ; d’autre
part parce que Monsieur MATJILA Daniel avait
l’obligation statutaire de dénoncer les faits contenus
dans la lettre incriminée car la société PIC est une
entreprise publique régie par des statuts et des règles
de bonne gouvernance et de transparence, qui font
obligation de dénoncer tout fait qui semble anormal ou
suspect dans la gestion des entreprises qui bénéficient
de ses placements, a fortiori s’ils sont de nature à en
affecter la rentabilité et/ou la pérennité. Ils rappellent

19
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qu’en l’espèce la société PIC a investi deux cent


cinquante millions (250.000.000) de dollars dans le
capital de la société ETI dont elle était à l’époque des
faits le principal actionnaire et, donc pour cela, ne
pouvait se soustraire à sa responsabilité d’actionnaire
de référence. En adressant la lettre litigieuse, le but
poursuivi par Monsieur MATJILA Daniel n’était autre
que la protection des investissements de la société
PIC.

Ils précisent que cela n’est pas constitutif de faute, car


la lettre incriminée est en concordance avec la pratique
des affaires.

Ils font par ailleurs valoir que Monsieur TANOH Thierry


ne rapporte en aucune façon la preuve du préjudice
dont il se prévaut, et que, malgré les faits de la cause,
l’opinion favorable des milieux politiques et d’affaires à
l’égard de celui-ci est demeurée intacte ; qu’à preuve, il
a été nommé le 12 septembre 2014, secrétaire général
de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire
avec rang de Ministre, et que ces nouvelles fonctions
prouvent plus que tout que son désaccord avec les
administrateurs de la société ETI notamment la société
PIC ne lui a causé aucun préjudice.

Ils sollicitent donc qu’il soit débouté au fond de son


action.

S’agissant de l’exécution provisoire sollicitée par le


demandeur, ils concluent à son rejet, les conditions
légales n’en étant pas selon eux réunies en l’espèce.

La société ETI ajoute aux moyens de la société PIC et


de Monsieur MATJILA Daniel qu’en ce qui la concerne,
elle ne peut répondre de la faute d’un administrateur,
surtout qu’elle ne disposait d’aucun moyen pour
empêcher un administrateur d’exercer ses fonctions,
pas plus qu’elle n’avait d’intérêt particulier à s’opposer
à la démarche de Monsieur MATJILA Daniel, conforme
à la loi et à la pratique du droit des sociétés. Elle fait
également valoir que la preuve de l’intention de nuire
n’a pas été rapportée par Monsieur TANOH Thierry,
prenant à son compte tous les autres moyens opposés
par les deux autres défendeurs à l’action de Monsieur
TANOH Thierry.

20
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Monsieur TANOH Thierry a répliqué à ces arguments.


Sur les exceptions d’incompétence territoriale et
matérielle il fait valoir que celles-ci sont irrecevables.
D’abord, par application de l’article 115 du code de
procédure civile, commerciale et administrative qui
exige que la partie qui soulève cette exception, indique
la juridiction qui selon elle est compétente ; et qu’à cet
égard les défendeurs ont indiqué trois juridictions à
savoir les tribunaux togolais, anglais et le tribunal
arbitral. Il estime que cette indication alternative de la
juridiction compétente viole l’article 115 susindiqué.
Ensuite, par application combinée des articles 125 du
code de procédure civile, commerciale et
administrative et 22 de la loi organique N° 2014-424 du
14 juillet de 2014 relative aux juridictions de commerce
en ce que l’exception d’incompétence a été soulevée
après les défenses au fond, alors qu’elle aurait dû
l’être à l’audience de conciliation, qu’il considère
comme étant le « seuil du procès ».

Très subsidiairement, il estime que les exceptions


tenant à la matière sont mal fondées et doivent être
rejetées, car s’il est exact que les termes injurieux
contenus dans la lettre litigieuse du 1er mars 2014
n’ont pas été tenus dans l’exercice de ses fonctions
d’administrateur par Monsieur MATJILA Daniel, ils l’ont
été à l’occasion de celles-ci, et que du seul fait de la
présence de la société ETI, société commerciale par la
forme dans la procédure aux côtés des autres
défendeurs, le tribunal de commerce est parfaitement
compétent pour connaître de la présente cause, la
qualité de non commerçant des autres parties étant
totalement indifférente, et les développements sur les
dirigeants sociaux faits par les défendeurs sans aucun
intérêt. Les faits ayant été commis à l’occasion de
l’activité commerciale de la société ETI, ils sont bien
justiciables du tribunal de commerce par application de
la théorie de l’accessoire. Il poursuit que les articles
164 et 170 de l’acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique évoqués par les défendeurs sont sans
application en l’espèce, car ils sont relatifs à l’action
individuelle qui ne concerne que les faits commis par
les dirigeants sociaux dans l’exercice de leurs
fonctions ; alors que les faits qu’il reproche à Monsieur
MATJILA Daniel, qui l’a traité d’immature,

21
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d’incompétent, de menteur, manipulateur, fraudeur et


de sans éthique, sont sortis du cadre de l’exercice des
fonctions d’administrateur de sorte que ces faits sont
détachables de ces fonctions.

Il estime l’exception d’incompétence fondée sur les


clauses de son contrat de travail également
inapplicable, car l’action engagée par lui n’est pas
relative aux clauses de ce contrat ni à la critique d’une
délibération du conseil d’administration, mais à
l’aventure individuelle d’un administrateur en dehors de
ses fonctions qui lui a causé un dommage. Il estime
par ailleurs que l’exception d’incompétence fondée sur
l’article 14 du code civil doit être aussi rejetée, car les
défendeurs qui considèrent que les termes de cet
article n’ont pas indiqué le caractère subsidiaire qui
leur est attribué, introduisent une distinction dans cet
article non prévu par celui-ci, en violation du principe
général selon lequel « il n’y a pas à distinguer là où la
loi ne distingue pas. ».

Au total, selon Monsieur TANOH Thierry, les


exceptions d’incompétence doivent être rejetées par le
tribunal de céans, qui est parfaitement compétent pour
connaître des faits qu’il allègue.

Sur le fond, il réaffirme le bien-fondé de ses


prétentions, car les défendeurs ont été incapables de
justifier qu’il est immature, incompétent, menteur et
manipulateur, fraudeur, sans éthique, inapte
professionnellement et moralement à exercer sa
fonction de banquier, propos injurieux et infâmants qui
ont fait et continuent de lui faire le plus grand mal. Il
ajoute que, puisque les défendeurs ont mis en avant la
bonne gouvernance pour justifier la lettre litigieuse, il
sollicite la production du rapport du Cabinet Ernst et
Young sur la période de 2005 à 2013, qui contredit les
vertus de bonne gouvernance dont ils parent la société
ETI.

Il réitère qu’une faute délictuelle a bien été commise à


son égard, résultant de la lettre litigieuse et de sa
publication par les défendeurs dans la presse
financière internationale la plus prestigieuse.
Relativement au préjudice, il rappelle qu’il a fait le
choix de faire carrière dans la finance internationale, et

22
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que les faits commis à son égard par les défendeurs


compromettent sérieusement la poursuite de cette
carrière. Il ajoute qu’aussi prestigieuse que soit la
fonction que le Président de la République de Côte
d’Ivoire lui a confiée, elle reste en deçà de ce qu’il
aurait pu normalement espérer, s’il était resté dans le
monde de la finance internationale ; et que, sauf à
verser dans l’ironie et le mépris, les défendeurs ne
peuvent prétendre que leur lettre accusatrice et
injurieuse du 1er mars 2014 contre lui, lui a ouvert des
opportunités meilleures.

En seconde réplique, la société PIC et Monsieur


MATJILA Daniel font valoir que l’exception
d’incompétence qu’ils ont soulevée est parfaitement
recevable au regard de l’article 115 du code de
procédure civile, commerciale et administrative, car
tant dans sa lettre que dans l’esprit du législateur, le
défendeur qui évoque un moyen d’incompétence, doit
le motiver en fait et en droit, et surtout indiquer la ou
les juridictions compétentes devant lesquelles l’affaire
devrait être portée.

Ils expliquent que cet article 115 ne sanctionne en


réalité que le défaut d’indication d’une juridiction
compétente, de sorte que l’indication de deux ou
plusieurs juridictions concurremment compétentes ne
saurait être une cause d’irrecevabilité de l’exception ;
et que la doctrine et la jurisprudence admettent « qu’en
cas d’option légale de compétence le défendeur doit
pouvoir, ou bien ne citer qu’une des juridictions
compétentes, ou bien les citer toutes, même s’il s’agit
de juridictions étrangères ». Relativement au moyen
que Monsieur TANOH Thierry oppose à leur exception
d’incompétence tirée des articles 125 du code de
procédure civile, commerciale et administrative et 22
de la loi organique N° 2014-424 du 14 juillet 2014
relative aux juridictions de commerce, ils considèrent
qu’ils ont soulevé toutes les exceptions ensemble et
bien avant toute défense au fond, car la phase de
conciliation, préalable à la phase contentieuse, qui vise
à rechercher une conciliation préalable obligatoire,
diffère les débats de fond, pour permettre si possible
un accord entre les parties, sans confrontation ; de
sorte que le demandeur ne peut valablement leur
reprocher de ne pas avoir présenté leurs exceptions

23
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pendant cette phase ; surtout que certaines de ces


exceptions notamment celles relatives à la
compétence d’attribution sont d’ordre public. Monsieur
MATJILA Daniel et la société PIC réitèrent ensuite le
bien-fondé de leurs exceptions fondées sur les articles
7 de la loi organique N° 2014-424 du 14 juillet 2014
relative aux juridictions de commerce, 164 et 170 de
l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique,
11 alinéa 4 du code de procédure civile, commerciale
et administrative et 14 du code civil. Sur le fond du
litige, ils font valoir qu’ils n’ont commis aucune faute
car la lettre litigieuse a été écrite par Monsieur
MATJILA Daniel dans l’exercice normal de ses
fonctions de membre de conseil d’administration, en
application des statuts de la société ETI et de l’acte
uniforme susindiqué.

Ils ajoutent que cette lettre est une lettre adressée par
un administrateur à d’autres administrateurs et qu’
« elle n’a pas vocation dans ses termes et son contenu
à être justifiée. De ce fait elle n’est ni justifiable ni
injustifiable ». Ils précisent que la juridiction
commerciale ne peut être le censeur moral du
caractère convenable ou non des propos ou des écrits
échangés par les administrateurs entre eux dans le
cadre de leurs travaux au sein des organes délibérants
de la société qu’ils administrent ; et que le
fonctionnement des sociétés commerciales sera rendu
impossible si l’on devait soumettre à la sanction de la
juridiction commerciale la bienséance des débats de
leurs organes délibérants ; et encore que si le
demandeur estime que les propos tenus sont injurieux
ou diffamants à son égard, il lui appartient de saisir la
juridiction compétente qui ne saurait en l’état actuel
des dispositions légales et de la pratique des affaires,
être la juridiction commerciale. S’agissant de la
production du rapport du Cabinet Ernst et Young, ils
indiquent que cette demande de communication du
demandeur ne leur est pas adressée, et donc ne les
concerne pas. Concernant la publication de la lettre
dans la presse, ils réaffirment que la preuve n’est pas
rapportée que cela est de leur fait, surtout qu’une telle
diffusion nuit à leurs propres intérêts en qualité de
principal actionnaire de la société ETI. Ils s’étonnent en
outre que le demandeur n’ait pas sur le fondement de

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la loi sur la presse engagé la responsabilité des


organes de presse considérés. Relativement au
préjudice, ils soutiennent qu’il n’existe pas car d’une
part le demandeur ne rapporte pas la preuve des
propositions d’embauche qui n’ont pu se concrétiser à
cause de la lettre litigieuse, et d’autre part sa
nomination à la Présidence de la République de Côte
d’Ivoire prouve que, même si son expérience chez la
société ETI n’a pas répondu à ses attentes ni à celle
de ses mandants, cela n’a en aucune façon affecté la
perception par ses pairs de ses compétences ni
l’accomplissement de sa destinée personnelle et
professionnelle. Ils demandent donc que le tribunal
rejette la demande en paiement de dommages-intérêts
de Monsieur TANOH Thierry.

La société ETI, quant à elle, reprend en d’autres


termes les arguments de Monsieur MATJILA Daniel et
de la société PIC quant à la recevabilité et au bien-
fondé de leurs exceptions d’incompétence. Au fond,
elle rappelle le contexte de la lettre litigieuse, qui a été
écrite suite à de nombreuses interpellations des
autorités de régulation sur la gouvernance de la
société telle que conduite par Monsieur TANOH
Thierry, et qu’aucune faute ne peut lui être reprochée,
le demandeur ayant été incapable de prouver son
abstention par un fait positif qu’elle aurait dû accomplir
en vertu d’une obligation légale, réglementaire ou
conventionnelle ou d’une information objective.
Concernant la publication de la lettre, elle affirme que
le journaliste William WALLIS a écrit ceci, parlant de
Monsieur TANOH Thierry : « … qu’il avait 500 millions de
Dollars comme nouveaux investissements en attente ;
toutefois, il fallait que quelques problèmes internes
(certainement les mêmes qui ont présidé à la réprobation de
la SEC et repris par PIC) soient résolus au préalable » ;
que cela désigne clairement l’auteur des fuites dans la
presse, les fuites dans le FINANCIAL TIMES ayant
débuté avec l’arrivée de Monsieur TANOH Thierry à la
tête de la société ETI ; ce pourquoi le conseil
d’administration l’a mandaté pour régler définitivement
le problème. Concernant le préjudice, comme les
autres défendeurs, elle l’estime non prouvé car
Monsieur TANOH Thierry, aux lieu et place de
justification objective, réelle et précise du préjudice
subi, se plait à faire revisiter son parcours

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professionnel, sans s’expliquer sur les opportunités


réelles manquées par lui du fait de cette publication ; et
que le fait de rester sept (07) mois en attente n’induit
pas forcément un préjudice.

Pour tout cela, elle conclut aussi au débouté de


Monsieur TANOH Thierry de sa demande.

Les parties ont produit des pièces pour justifier leurs


prétentions respectives.

SUR CE

En la forme

Sur le caractère de la décision

Les défendeurs ayant été représentés et conclu, il y a


lieu de statuer par décision contradictoire
conformément à l’article 144 alinéa 1 du code de
procédure civile, commerciale et administrative qui
dispose que : « Sont contradictoires les décisions
rendues contre les parties qui ont eu connaissance de
la procédure soit parce que l’acte introductif d’instance
leur a été signifié ou notifié à personne, soit parce
qu’elles ont comparu en cours de procédure, soit elles-
mêmes soit par leurs représentants ou mandataires,
soit parce qu’elles ont fait valoir à un moment
quelconque de la procédure leurs moyens ».

Sur le taux de ressort

L’article 8 de la loi organique n°2014-424 du 14 juillet


2014 portant création, organisation et fonctionnement
des juridictions de commerce dispose : « Les
Tribunaux de commerce statuent :

- en premier ressort, sur toutes les demandes dont


l’intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs
CFA ou est indéterminée ;

- en premier et dernier ressort, sur toutes les


demandes dont l’intérêt du litige n’excède pas un
milliard de francs CFA ».

En l’espèce, Monsieur TANOH Thierry sollicite la


condamnation des défendeurs à lui payer la somme de

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trente millions (30.000.000) de dollars au taux de cinq


cent (500) francs CFA soit la somme de quinze
milliards (15.000.000.000) de francs CFA. Cette
somme excédant un milliard (1.000.000.000) de francs
CFA, il y a lieu de statuer en premier ressort.

Sur la compétence du tribunal de commerce


d’Abidjan

Les défendeurs la déclinent aussi bien territorialement


que matériellement au profit des tribunaux de Lomé,
de Londres et de la juridiction arbitrale.

Monsieur TANOH Thierry soulève l’irrecevabilité de


l’exception d’incompétence à lui opposée par les
défendeurs d’une part parce qu’elle est intervenue
tardivement pour n’avoir pas été présentée en tout
début d’audience de conciliation et donc avant toute
défense au fond comme le prescrit l’article 115 du
code de procédure civile, commerciale et
administrative ; et d’autre part parce que ceux-ci ont
indiqué trois juridictions compétentes au lieu d’une
seule comme l’exige cet article.

Le tribunal rappelle, avant d’examiner la pertinence


des moyens opposés ainsi par Monsieur TANOH
Thierry à l’exception d’incompétence soulevée par les
défendeurs, ce qu’est cette exception de procédure.

L’article 115 du code de procédure civile, commerciale


et administrative qui la prévoit dispose : « L’exception
d’incompétence a pour but le renvoi de l’affaire devant la
juridiction compétente.

La partie qui la soulève doit à peine d’irrecevabilité, indiquer


la juridiction qui selon elle est compétente pour connaître du
litige ». Du point de vue du droit processuel, les
conditions dans lesquelles une partie au procès peut
soulever cette exception sont au nombre de deux :

- la première condition concerne le moment auquel le


moyen tiré de l’incompétence doit être invoqué. Et là
c’est l’article 125 du code de procédure civile,
commerciale et administrative qui exige que l’exception
d’incompétence, tout comme les autres exceptions de
procédure, soit présentée en tout début de procès en

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ces termes : « Les exceptions dès lors qu’elles ne sont pas


d’ordre public, ne sont recevables que si elles sont
présentées simultanément avant toutes défendes au fond et
aucune ne sera reçue après qu’il aura été statué sur l’une
d’elles.

Il en est de même des fins de non-recevoir lorsque celles-ci


ne constituent pas par elles-mêmes de véritables défenses
au fond ».

- la seconde condition concerne la motivation de


l’exception d’incompétence. En effet, il ne suffit pas de
contester la juridiction à laquelle le demandeur a
entendu soumettre l’affaire ; il faut que le demandeur
adopte une attitude positive en indiquant la juridiction
qui selon lui est compétente pour connaître de l’affaire.

Le tribunal rappelle que ces deux exigences


conditionnent la recevabilité même de l’exception
d’incompétence ; ce qui signifie que si elles ne sont
pas remplies, le juge n’a même pas à statuer sur la
pertinence de cette exception.

Tout ceci rappelé, il y a lieu de voir ce qu’il en est en


l’espèce.

Monsieur TANOH Thierry considère que l’exception


d’incompétence soulevée par les défendeurs est
irrecevable d’abord parce qu’elle aurait dû l’être au
seuil du procès ; c’est-à-dire au tout début de
l’audience de conciliation devant le tribunal de ce
siège.

La tentative de conciliation est prévue par l’article 5 de


la loi organique N° 2014-424 du 1er juillet 2014 portant
création, organisation et fonctionnement des
juridictions de commerce en ces termes : « La tentative
de conciliation est obligatoire devant le tribunal de
commerce et se tient à huis clos.

Le huis clos peut être également ordonné à toutes les


autres étapes de la procédure si l’ordre public, les bonnes
mœurs et le secret des affaires l’exigent. » ;

L’article 22 de cette loi précise : « Au jour fixé pour


l’audience, si les parties comparaissent ou sont
régulièrement représentées, le tribunal de commerce

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procède obligatoirement à une tentative de conciliation.

En cas d’accord, le président dresse un procès-verbal de


conciliation signé par les parties, dont une expédition est
revêtue de la formule exécutoire.

En cas de non-conciliation, et si l’affaire est en état d’être


jugée, le tribunal délibère, dans les meilleurs délais, sur
rapport de ses membres.

Ce délai ne saurait excéder quinze jours.

Si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal la


renvoie à une prochaine audience et confie à l’un de ses
membres le soin de l’instruire en qualité de juge
rapporteur. » ;

Il en résulte que la phase de la conciliation obligatoire


précède la phase contentieuse, qui, elle, s’ouvre après
le constat de la non-conciliation.

Le tribunal rappelle que l’objectif de cette phase n’est


pas tant de discuter du bien-fondé des prétentions des
parties, que de les amener à trouver une issue
pacifique à leurs différends au moyen d’une solution
négociée.

La défense des prétentions respectives et notamment


la contestation directe par les défendeurs du bien-
fondé des réclamations du demandeur n’ayant lieu
qu’après constat de l’échec de la tentative de
conciliation, Monsieur TANOH Thierry est mal venu à
reprocher aux défendeurs de n’avoir pas dès l’amorce
de la tentative de conciliation dénié au tribunal de
commerce toute compétence pour connaître de la
présente cause. Il y a lieu dès lors de rejeter ce
moyen.

Relativement au second moyen, Monsieur TANOH


Thierry considère que l’exception d’incompétence
soulevée par les défendeurs est irrecevable parce que
ceux-ci n’ont pas indiqué la juridiction compétente
selon eux pour connaître du litige, mais en ont indiqué
trois (3) au mépris de l’article 115 du code de
procédure civile, commerciale et administrative.

29
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Il est constant que les défendeurs ont désigné trois


juridictions différentes qu’ils estiment compétentes
pour connaître de la présente affaire que sont, à titre
de rappel, les tribunaux de Lomé et de Londres, et la
juridiction arbitrale. Ils estiment que la doctrine et la
juridiction les y autorisent.

Toutefois, la lecture attentive de l’article 115 sus


énoncé révèle que le législateur ivoirien met à la
charge de celui qui se prévaut d’une exception
d’incompétence l’obligation de désigner selon lui LA
juridiction compétente pour connaître du litige.

Les dictionnaires des termes juridiques ne donnant pas


la définition du mot « LA » utilisé par le législateur
ivoirien, c’est à ceux de la langue française qu’il faut se
référer à cet effet. Et ces dictionnaires disent que ce
mot est un article défini féminin singulier. Il ne peut être
contesté par personne que l’article défini, en
grammaire, est un mot qui se rapporte à un être ou à
un objet déterminé comme « le, la, les » ; au contraire
de l’article indéfini qui se rapporte à un être ou à un
objet indéfini comme « un, une, des ». L’article défini
peut dans son genre être masculin (le) ou féminin (la)
et en nombre être singulier ou pluriel. Cet article est
singulier lorsqu’il désigne une catégorie qui s’exprime
à l’unité (le ou la) et pluriel lorsqu’il désigne une
catégorie dont le nombre est supérieur à l’unité (les).

De ces précisions grammaticales rendues nécessaires


pour une interprétation juste de l’article 115 du code de
procédure civile, commerciale et administrative, le
tribunal juge qu’en utilisant l’article défini « LA », le
législateur ivoirien fait obligation à celui qui se prévaut
d’une exception d’incompétence d’indiquer CELLE qui
selon lui EST compétente pour connaître du litige, et
non pas CELLES qui selon lui SONT compétentes
pour connaître du litige. Les défendeurs en désignant
plusieurs juridictions compétentes dont deux
juridictions étatiques et une juridiction arbitrale n’ont
pas satisfait à cette obligation, de sorte que l’exception
d’incompétence qu’ils ont soulevée doit être rejetée.

Il pourrait être avancé que tout tribunal doit, avant de


statuer, vérifier sa compétence, et que le législateur
ivoirien a donné au tribunal de commerce une

30
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compétence d’attribution qui est d’ordre public de sorte


que ce tribunal doit lui-même soulever cette exception
d’incompétence. Toutefois en l’espèce, il n’y avait pas
lieu pour le Tribunal à soulever d’office l’exception
d’incompétence.

En effet, ce que Monsieur TANOH Thierry reproche


aux défendeurs dont l’un, Monsieur MATJILA Daniel,
est administrateur et donc a la qualité de dirigeant
social, et les deux autres, les sociétés ETI et PIC, qui
sont des sociétés anonymes, sociétés commerciales
par la forme, c’est la commission de fautes issues de
faits se rattachant par un lien direct à la gestion de la
société ETI, fautes qui lui ont causé un préjudice. La
connaissance de ces faits ne peut que relever de la
compétence de la juridiction commerciale s’il n’est pas,
comme c’est le cas en l’espèce, allégué devant le
tribunal de commerce le caractère infractionnel de ces
faits et que le demandeur ne s’est pas porté partie
civile devant une juridiction pénale.

Par ailleurs, du point de vue de la compétence


territoriale, le tribunal de commerce est bien compétent
pour connaître de l’action du demandeur car l’action
initiée par Monsieur TANOH Thierry n’est pas,
contrairement à ce que soutiennent les défendeurs,
une action individuelle à engager devant la juridiction
du siège de la société ETI, fondée sur les articles 161
et suivants de l’acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique. En effet l’article 162 dudit acte uniforme
qui définit cette action, dispose : « L’action individuelle
est l’action en réparation du dommage subi par un tiers ou
par un associé, lorsque celui-ci subit un dommage distinct
du dommage que pourrait subir la société, du fait de la faute
commise individuellement ou collectivement par les
dirigeants sociaux dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette action est intentée par celui qui subit le dommage. ».

Il résulte de ce texte que l’action individuelle ne


concerne que les faits fautifs commis par les dirigeants
sociaux dans l’exercice de leurs fonctions. Or,
Monsieur Thierry TANOH reproche aux défendeurs
une faute détachable des fonctions, c’est-à-dire une
faute intentionnelle particulièrement grave incompatible
avec l’exercice des fonctions sociales, sur le

31
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fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.

En outre, il est constant qu’en droit processuel, c’est


au moment de l’assignation que les vérifications de
forme doivent être opérées par le tribunal. Et au 12 mai
2014, Monsieur TANOH Thierry a indiqué dans son
acte d’assignation être un ancien employé de la
société ETI et domicilié à Abidjan, République de Côte
d’Ivoire.

Le tribunal rappelle que le principe en matière de


domicile n’est pas celui de la fixité, les personnes
physiques ou morales pouvant, au gré de leurs
intérêts, changer de domicile. Même si dans le contrat
de Monsieur TANOH Thierry existe une clause de
domicile dans laquelle est indiquée la ville de
Washington comme étant ce domicile, même si dans
l’instance sociale engagée devant le tribunal de travail
de Lomé suite à la rupture qu’il considère abusive de
son contrat, celui-ci a déclaré être domicilié à Lomé, le
tribunal relève que ces indications sont bien
antérieures à sa saisine. Et au moment de celle-ci,
Monsieur TANOH Thierry a indiqué être domicilié à
Abidjan, et expliqué dans ses conclusions du 21
octobre 2014 qu’une fois révoqué de ses fonctions et
revenu dans son pays d’origine, il a fait aussi élection
de domicile dans deux sociétés d’avocats.

Le tribunal note de cela que ce qui est mis en avant


par Monsieur TANOH Thierry n’est pas seulement
l’élection de domicile, mais aussi le fait que, révoqué
de ses fonctions à Lomé, il est revenu dans son pays
d’origine qu’est la Côte d’Ivoire. Il appartient dans ces
conditions aux défendeurs d’en apporter la preuve
contraire, c’est-à-dire de démontrer au tribunal que
nonobstant cette indication contenue dans
l’assignation, Monsieur TANOH Thierry, au moment où
il les assignait devant le tribunal de commerce, était
domicilié à l’étranger, non pas en brandissant la clause
de domicile du contrat de travail ou l’acte d’assignation
devant le tribunal de travail de Lomé, tous deux,
comme susindiqué, antérieurs à la saisine du tribunal
de ce siège et inaptes à faire échec au droit qu’à toute
personne de changer de domicile. Monsieur TANOH
Thierry était donc domicilié à Abidjan au moment où il
introduisait son action devant le tribunal de commerce

32
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d’Abidjan, jusqu’à preuve contraire, non rapportée par


les défendeurs ; et ceux-ci résidant tous en dehors de
la Côte d’Ivoire où ils n’ont ni domicile ni résidence, le
tribunal compétent est dans ce cas celui du
demandeur notamment le tribunal de ce siège en
application des dispositions pertinentes de l’article 11
alinéa 4 du code de procédure civile, commerciale et
administrative qui dispose : « Si le défendeur est un
ivoirien établi à l’étranger, ou un étranger n’ayant en Côte
d’Ivoire ni domicile, ni résidence, le tribunal compétent est
celui du domicile du demandeur. ».

Au total, le tribunal retient sa compétence dans la


présente cause.

Sur la recevabilité de l’action de Monsieur TANOH


Thierry

Monsieur TANOH Thierry a introduit son action en


paiement de dommages-intérêts dans les conditions
légales de forme et de délai. Pour cela, cette action
doit être déclarée recevable.

Au fond

Sur le bien-fondé de la demande en paiement de


dommages-intérêts

Monsieur TANOH Thierry sollicite la condamnation des


défendeurs à lui payer la somme de quinze milliards
(15.000.000.000) de francs CFA en réparation du
préjudice qu’ils lui ont causé. L’accueil favorable de
cette demande par le tribunal nécessite d’une part la
réunion des conditions des articles 1382 et 1383 du
code civil sur lequel le demandeur fonde son action, et
d’autre part la justification du montant réclamé en
guise de réparation.

* Sur la réunion des conditions des articles 1382 et


1383 du code civil

L’article 1382 du code civil dispose : « Tout fait


quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ».

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Quant à l’article 1383 du code civil, il dispose :


« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou
par son imprudence ».

Ces articles, considérés comme les articles angulaires


de la responsabilité civile délictuelle et quasi-
délictuelle, nécessitent l’existence d’une faute, d’un
préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le
préjudice.

Sur la faute reprochée aux défendeurs

Monsieur TANOH Thierry trouve cette faute des


défendeurs dans les termes de la lettre du 1er mars
2014 écrite par Monsieur Daniel MATJILA et dans la
publicité sans égale qui en a été faite.

Le tribunal relève que les adjectifs qualificatifs utilisés


par Monsieur MATJILA Daniel et attribués par lui à
Monsieur TANOH Thierry sont les suivants :
« immature, incompétent, menteur et manipulateur,
fraudeur, sans éthique, inapte professionnellement et
moralement à exercer sa profession de banquier ».

Le sens commun donné à ces termes est le suivant :

immature : qui n’a pas encore atteint la maturité


intellectuelle, affective, c’est-à-dire qui n’est pas
arrivé à maturité, au plein développement
physique, affectif et intellectuel, qui n’a pas de
sureté de jugement.

incompétent : qui manque de compétence, de


connaissances pour faire quelque chose, c’est-à-
dire qui n’a pas l’aptitude et l’expérience
nécessaires pour faire quelque chose.

menteur : qui ment, qui a l’habitude de mentir,


c’est-à-dire de donner pour vrai ce que l’on sait
être faux ou nier ce que l’on sait être vrai ou
encore tromper par de fausses apparences.

fraudeur : qui fraude, c’est-à-dire qui commet des


actes malhonnêtes qui vont à l’encontre de la loi
ou des règlements, et qui nuit au droit d’autrui.

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manipulateur : qui manipule autrui, c’est-à-dire qui


amène insidieusement (en trompant) autrui à tel
ou tel comportement, qui le dirige ainsi à sa guise.

sans éthique : qui est sans principes moraux

inapte professionnellement et moralement à


exercer sa profession de banquier : qui n’a pas les
dispositions professionnelles et morales pour
exercer la profession de banquier.

Monsieur MATJILA Daniel ne conteste pas avoir utilisé


ces termes dans sa lettre du 1er mars 2014, termes
réprouvés avec véhémence par Monsieur TANOH
Thierry qui les considère comme insultants, c’est-à-dire
outrageants, blessant sa dignité et son honneur ; et
infamants c’est-à-dire déshonorants et nuisibles pour
sa réputation.

Dans ces conditions, il revient à Monsieur MATJILA


Daniel d’apporter la preuve des faits qui l’ont autorisé à
attribuer ces épithètes au demandeur et qui justifient
que tel est effectivement Monsieur TANOH Thierry.

Il est produit au dossier à cet égard différentes pièces


principalement une lettre du 12 décembre 2014
adressée au Président du Tribunal de ce siège dans
laquelle Monsieur MATJILA Daniel apporte les raisons
qui fondent son appréciation sur Monsieur TANOH
Thierry.

Concernant le qualificatif « immature », le tribunal


constate que Monsieur Daniel MATJILA dans sa lettre
du 12 décembre 2014 adressée au Président du
tribunal de ce siège n’en parle pas. Le tribunal relève
que lors de son audition au cours de la mise en état
par le juge rapporteur, Monsieur MATJILA Daniel a
justifié ce qualificatif par le fait que Monsieur TANOH
Thierry a pleuré durant un conseil d’administration et
précisé que les réunions du conseil d’administration ne
sont pas la maternelle. Le tribunal rappelle que
« Pleurer », c’est-à-dire verser des larmes, gouttes de
liquide salé produit par les glandes lacrymales situées
sous les paupières, qui s’échappent parfois au dehors
et coulent sur les joues, peut bien se voir chez des
êtres humains matures c’est-à-dire au développement

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physique, affectif et intellectuel parfaitement achevé ;


lorsqu’ils sont mus par des sentiments de joie, de
douleur ou de tristesse. Pour cela, le tribunal considère
sur ce point que Monsieur MATJILA Daniel n’a pas
rapporté la preuve de ses allégations, à savoir que
Monsieur TANOH Thierry a pleuré parce qu’il est
immature.

Concernant le qualificatif « incompétent », Monsieur


MATJILA Daniel dans sa lettre du 12 décembre 2014
le justifie par le fait que Monsieur TANOH Thierry n’a
pas été capable en tant que directeur général de
mesurer la gravité de la crise créée au sein de la
société ETI suite au courrier du 08 avril 2013 de la
Banque Centrale du Nigeria dénonçant la légitimité de
l’ancien Président du conseil d’administration Monsieur
KOLAPO Lawson à présider ce conseil et sa
publication dans le journal FINANCIAL TIMES ; et de
n’avoir pas su ou voulu prendre les moyens appropriés
pour y faire face ; d’être à l’origine de pratique de
mauvaise gouvernance de la société ETI, notamment
d’être à l’origine de la rupture de la confiance au sein
de l’équipe dirigeante, de la nomination du contrôleur
interne comme son assistant alors que celui-ci doit
jouir d’une totale indépendance vis-à-vis de lui, d’avoir
manqué de respect envers le conseil d’administration
et l’autorité de régulation en licenciant la directrice des
Finances et des Risques Madame DO REGO, malgré
l’opposition de ceux-ci ; et d’avoir empêché par des
manœuvres publiques et judiciaires la tenue du conseil
d’administration du 25 février 2014. Certes, il produit
des pièces ; mais à l’examen attentif de chacune
d’elles, le tribunal se rend compte qu’elles ne justifient
pas le qualificatif « incompétent » attribué à Monsieur
TANOH Thierry, le demandeur ; ce d’autant moins qu’il
n’est pas contesté par les défendeurs qu’il a été choisi
pour diriger le groupe ETI parmi bien d’autres
candidats desquels il était le meilleur, et que les
défendeurs ne contestent pas l’augmentation de la
valeur des actions de la société ETI obtenue sous sa
direction. Or la valeur des actions d’une société
anonyme cotée à la Bourse comme c’est le cas pour la
société ETI reflète, sans conteste, la santé financière
et les performances économiques de celle-ci.

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Le tribunal note par ailleurs que Monsieur TANOH


Thierry a prétendu qu’en réalité c’est parce qu’il avait
mis lui-même en exergue les problèmes de mauvaise
gouvernance au sein du groupe ETI que son éviction a
été orchestrée par les défendeurs, et a sollicité la
production du rapport du cabinet Ernst et Young pour
confirmer ces allégations.

Le tribunal note également qu’il a lui-même demandé


aussi la production au dossier de ce rapport pour
apprécier par lui-même la question de la gouvernance
au sein du groupe ETI, et que le conseil
d’administration de cette société a finalement refusé
d’y satisfaire.

Il ressort aussi du procès-verbal d’audition des parties


établi par le juge rapporteur que Monsieur MATJILA
Daniel n’a pas contesté que le rapport du cabinet Ernst
et Young que le conseil d’administration du groupe ETI
a refusé de communiquer au tribunal, a révélé des
graves problèmes de gouvernance au sein de ce
groupe ; et que Monsieur MATJILA Daniel a déclaré et
confirmé que si la société PIC qu’il représente au sein
du groupe ETI l’avait su, elle n’aurait pas investi dans
le capital de ce groupe. Il est par ailleurs constant
qu’un administrateur de la société ETI a démissionné
de son poste d’administrateur pour ne pas être
comptable de la mauvaise gouvernance observée
dans cette société. Tout ceci ajoute grand crédit aux
déclarations de Monsieur TANOH Thierry selon
lesquelles, à titre de rappel, la lettre du 1er mars 2014 a
été écrite parce qu’il avait mis en exergue la mal
gouvernance dans la société ETI.

Concernant le qualificatif « menteur », le tribunal relève


qu’il n’est nulle part prouvé par Monsieur MATJILA
Daniel dans sa lettre du 12 décembre 2014 censée
justifier les faits évoqués dans la lettre du 1er mars
2014 ni dans aucune autre pièce versée par lui au
dossier.

Concernant le qualificatif « fraudeur », Monsieur


MATJILA Daniel le justifie par le fait que Monsieur
TANOH Thierry a de manière frauduleuse obtenu la
modification de son contrat de recrutement avec la
complicité du Président du conseil d’administration,

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sans que ce conseil en soit informé alors que c’est lui


qui est compétent en la matière selon l’article 31 des
statuts de la société ETI ; et que dans le nouveau
contrat, il s’est vu octroyer des avantages
supplémentaires tout en réduisant les critères de
performance qui lui ont été fixés. Il revient à Monsieur
MATJILA Daniel de prouver au tribunal l’existence de
cette collusion frauduleuse entre Monsieur TANOH
Thierry et le Président du conseil d’administration. Le
tribunal constate qu’une telle collusion n’est pas
prouvée en l’espèce par Monsieur MATJILA Daniel ;
de même qu’il n’a pas été prouvé par les défendeurs
que Monsieur TANOH Thierry, en sollicitant la
modification de son contrat de travail, avait entendu
contourner le conseil d’administration dont il avait du
reste saisi le président, auquel il appartenait sans
doute possible de réunir ce conseil. Son inaction ne
peut donc être mise à la charge de Monsieur TANOH
Thierry. Le tribunal considère ce point comme non
prouvé.

Concernant le qualificatif « manipulateur », Monsieur


MATJILA Daniel ne produit au dossier aucune pièce de
nature à prouver que Monsieur TANOH Thierry a
manipulé le conseil d’administration de la société ETI,
se contentant de simples allégations. Il avait, en outre,
avancé lors de la mise en état que Monsieur TANOH
Thierry avait fait intervenir des autorités politiques dans
le fonctionnement de la société ETI, ce que celui-ci
conteste. Alors qu’il lui revenait de prouver cette
allégation devant le tribunal, il se contente de décrire
dans sa lettre du 12 décembre 2014 censée justifier
ses propos ceci : « ce point ne mérite pas amples
développements, Monsieur TANOH n’ayant pas pu
apporter des éléments de contradiction à mes
déclarations lors de la dernière audition des parties ».
Le tribunal tient donc ce point également pour non
prouvé.

Concernant le qualificatif « sans éthique », Monsieur


MATJILA Daniel le justifie dans sa lettre du 12
décembre 2014 par trois faits à savoir la réclamation
indue de bonus au titre de l’exercice 2012, l’achat non
autorisé de véhicule de luxe et l’utilisation abusive du
jet de la société. Le bonus au titre de l’exercice 2012,
Monsieur MATJILA Daniel le trouve non éthique parce

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qu’en violation de son contrat de recrutement qui fixait


ce bonus à 25 % de son salaire annuel, Monsieur
TANOH Thierry a réclamé et obtenu un bonus de 40 %
de la prime annuelle du directeur général sortant, sans
que cette question, qui constitue une modification du
contrat de recrutement, ait été préalablement soumise
à l’approbation du conseil d’administration. Le tribunal
note que Monsieur MATJILA Daniel écrit lui-même que
c’est le Président du conseil d’administration, Monsieur
KOLAPO Lawson, qui a donné son accord pour cela.
Comme il a été susindiqué pour les avantages que,
selon Monsieur MATJILA Daniel, le demandeur s’est
octroyé avec la complicité de Monsieur KOLAPO
Lawson, Monsieur TANOH Thierry ayant saisi ce
dernier en sa qualité de Président du conseil
d’administration de la société ETI, il lui appartenait de
soumettre cette question au conseil d’administration
qu’il préside. Sauf à prouver la collusion frauduleuse à
l’origine de cette opération, ce que Monsieur MATJILA
Daniel n’a pu faire, le tribunal considère que c’est à tort
que Monsieur MATJILA Daniel écrit cela au compte
des actes non éthiques du demandeur. Il en va de
même pour ce qu’il considère comme des « achats
non autorisés de véhicules de luxe », achats pourtant
dûment autorisés par le Président du conseil
d’administration. Là non plus, la preuve de la collusion
frauduleuse entre ce dernier et Monsieur TANOH
Thierry pour contourner les procédures n’est pas
rapportée. Quant à l’utilisation du jet de la société ETI,
Monsieur MATJILA Daniel considère que celle-ci a été
abusive car lors de son court passage à la tête de la
société ETI, Monsieur TANOH Thierry a laissé, à cet
égard, des factures de deux milliards deux cent
quarante-trois millions trois cent vingt-neuf mille neuf
cent trente-cinq (2.423.329.935) francs CFA, et qu’une
lecture attentive de l’état d’utilisation du jet à Abidjan
prouve également qu’il s’est agi d’une utilisation à des
fins personnelles, sinon étrangères aux fonctions de
directeur général de Monsieur TANOH Thierry. Les
pièces qu’il produit à cet égard ne sont que des
récapitulatifs des voyages effectués et ne prouvent
nullement que ces voyages n’étaient pas nécessaires
et/ou avaient des buts autres que professionnels. Lors
de la mise en état, Monsieur MATJILA Daniel a même
prétendu que Monsieur TANOH Thierry a utilisé le jet
pour aller jouer au tennis ; ce qu’il a été bien en peine

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de justifier par la suite tant devant le juge rapporteur


que devant le tribunal.

Concernant le qualificatif « inapte professionnellement


et moralement à exercer sa profession de banquier »,
Monsieur MATJILA Daniel le déduit de tous les faits,
du reste non prouvés, qu’il a reprochés à Monsieur
TANOH Thierry, dont il ne conteste paradoxalement
pas les performances à la société financière
internationale. Il a même déclaré devant le juge
rapporteur lors de son audition avoir du respect pour
Monsieur TANOH Thierry à qui pourtant il n’a pas
hésité à attribuer des qualificatifs peu flatteurs.

Au regard de tout ce qui précède, le tribunal considère


que Monsieur MATJILA Daniel à qui il incombait
d’apporter la preuve des faits à l’origine des
qualificatifs qu’il a attribués à Monsieur TANOH Thierry
n’a pu le faire en l’espèce. Ces qualificatifs portant
atteinte à l’honneur et à la considération, c’est à juste
titre que Monsieur TANOH Thierry lui reproche une
faute délictuelle à son égard.

Monsieur MATJILA Daniel dans sa lettre du 12


décembre 2014 écrit ce qui suit : « Comme déjà
amplement développé dans les précédentes écritures, il était du
devoir et de la responsabilité des administrateurs signataires de la
Lettre Litigieuse, et notamment de moi-même, de dénoncer ces
manœuvres, eu égard :

(i) à l'objet et au statut d'institution financière publique en


charge de la gestion des retraites des travailleurs sud-
africains, l'actionnaire dont j'ai le devoir de défendre les
intérêts,

(ii) au fait que cet actionnaire était, alors, le principal actionnaire


d'ETI, et donc son actionnaire de référence, de ce fait,
potentiellement, garant de la solvabilité du Groupe, et

(iii) à la responsabilité légale et statutaire des administrateurs


signataires, garants de la bonne gouvernance de la Société,
et ne pouvant, à ce titre, être complices des dérèglements
managériaux soulignés en synthèse dans la présente lettre.

II est également important de rappeler avec insistance qu'au


regard des principes et des règles régissant les sociétés
commerciales aussi bien dans l'environnement juridique sud-
africain que dans celui de l'OHADA, les administrateurs disposent
d'une totale liberté de parole, d'expression et donc d'écriture pour
faire valoir les intérêts qu'ils représentent.

La Lettre Litigieuse, quels qu'en soient les termes ou le ton,


adressée à un Conseil d'Administration, ne saurait donc être

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constitutive d'une faute au sens des différents Actes Uniformes


régissant les sociétés commerciales et le droit commercial, ni
même au sens des dispositions de l'article 1382 du code civil. ».

Les conseils de Monsieur MATJILA Daniel dans leurs


écritures ont longuement mis en avant cette liberté
totale de parole, d’expression écrite et orale dont des
administrateurs jouissent pour faire valoir les intérêts
qu’ils représentent, en prétendant même que le juge
commercial ne saurait être le censeur des propos
tenus par ceux-ci dans le cadre de l’accomplissement
de leur mission.

Le tribunal rappelle que l’exercice du mandat confié à


un administrateur n’est pas un îlot dépourvu de règles
juridiques et que le statut d’administrateur d’une
société commerciale ne confère à leur titulaire ni
immunité ni privilège. S’il est vrai que les
administrateurs bénéficient de cette liberté de parole et
d’écrit, l’exercice de cette liberté doit néanmoins être
conforme à l’obligation générale de prudence imposée
à toutes personnes quelles qu’elles soient par l’article
1382 du code civil en ces termes : « Tout fait quelconque
de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ».

Tout dirigeant social dans l’exercice de ses fonctions


doit agir avec prudence aussi bien dans les
informations qu’il donne, dans les décisions qu’il prend
que dans les propos qu’il tient. En l’espèce, Monsieur
MATJILA Daniel a manqué cruellement à cette
prudence ; il a abusé de sa liberté d’expression, et
commet par là une faute. Cette faute intentionnelle
d’une particulière gravité doit être considérée comme
détachable de sa fonction d’administrateur, car
incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions
d’administrateur, qui n’inclut nullement le droit de tenir
des propos portant atteinte à l’honneur et à la
considération des tiers, notamment du directeur
général de la société.

Monsieur TANOH Thierry trouve également la faute


des défendeurs dans la publicité sans égale qui a été
faite de la lettre litigieuse du 1er mars 2014.

Il est constant que cette lettre s’est retrouvée dans les


journaux tels que FINANCIAL TIMES et BLOOMBERG

41
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NEWS.

Monsieur MATJILA Daniel conteste être à l’origine de


cette publication, et dans sa défense suggère même
que Monsieur TANOH Thierry pourrait bien en être lui-
même l’auteur ; sauf qu’il ne prouve pas cela, se
contentant d’allégations et de raisonnement non
étayés par des éléments de preuve. Pourtant dans
l’article intitulé « Public Investment Corp. (la société
d’investissement public) demande la démission du
PDG TANOH d’Ecobank » écrit par le journaliste
Renée BONORCHIS dans le Bloomberg News, le 1 er
mars 2014, le jour même de la rédaction de la lettre, il
apparaît clairement ceci : « MATJILA a transmis le
courrier à Bloomberg après un entretien téléphonique
aujourd’hui ». Monsieur MATJILA Daniel n’a pu
apporter au tribunal des éléments de preuve contraire.
De même concernant le journal FINANCIAL TIMES, il
n’a pu justifier avoir protesté contre la publication de la
lettre litigieuse, qu’il n’avait selon lui destinée qu’aux
seuls administrateurs de la société ETI ;

Le tribunal tient donc aussi ce point allégué par


Monsieur TANOH Thierry à la charge de Monsieur
MATJILA Daniel pour acquis en l’espèce.

Au regard de tout ce qui précède, le tribunal juge qu’en


l’espèce, Monsieur MATJILA Daniel, en écrivant aux
administrateurs de la société ETI la lettre du 1er mars
2014 contenant des termes portant atteinte à l’honneur
et à la considération de Monsieur TANOH Thierry et en
divulguant cette lettre dans la presse, a commis une
faute détachable de ses fonctions d’administrateur qui
engage sa responsabilité personnelle en tant
qu’administrateur.

Il est constant que Monsieur MATJILA Daniel siège au


conseil d’administration de la société ETI en tant que
représentant de la société PIC, qui occupe un siège
d’administrateur au sein de ce conseil. Il a ainsi agi
pour le compte de la société PIC et dans l’intérêt de
celle-ci en vue, comme il l’a répété à l’envi, de protéger
les investissements de cette société, qu’il dit être
l’actionnaire principal de la société ETI. La faute qu’il a
commise à l’égard de Monsieur TANOH Thierry
engage donc la responsabilité solidaire de la société

42
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PIC, qu’il convient de retenir.

Concernant la société ETI, il est constant que l’action


de Monsieur MATJILA Daniel a été accomplie par
celui-ci en tant qu’administrateur de cette société et
dans l’intérêt aussi de celle-ci, dont il se considérait du
reste garant de la bonne gouvernance. Il est
également constant qu’à aucun moment la société ETI
ne s’est désolidarisée des propos tenus par Monsieur
MATJILA Daniel ; bien au contraire elle a durant tout le
procès tant dans ses déclarations orales qu’écrites,
tenté de justifier ces propos ainsi que le droit qu’à son
auteur de les tenir, et même précisé n’avoir aucun
intérêt particulier à réprouver ces propos où à les
empêcher. Dans ces conditions, la faute commise par
Monsieur MATJILA Daniel engage aussi sa
responsabilité solidaire, qu’il convient également de
retenir.

Sur le préjudice

Il est constant que le contenu de la lettre litigieuse du


1er mars 2014 porte atteinte à l’honneur et à la
considération de Monsieur TANOH Thierry. Il est
également constant que la publication de cette lettre
dans la presse internationale notamment dans les
journaux FINANCIAL TIMES, quotidien centenaire
d’informations économiques et boursières destinée à la
haute sphère financière internationale et
BLOOMBERG NEWS, site d’informations spécialisé
dans l’économie et la finance, journaux à large
diffusion et à grande audience, porte gravement
atteinte à sa réputation. Il y a là incontestablement un
préjudice dont le demandeur est fondé à demander
réparation ; sans qu’il y ait lieu à prêter la moindre
attention à l’argument des défendeurs tiré de la
nomination de Monsieur TANOH Thierry à la
Présidence de la République de Côte d’Ivoire. Cela
n’ayant pas pour conséquence d’effacer l’humiliation
que la lettre litigieuse lui inflige à la face de la
communauté financière internationale et de toutes les
personnes qui ont vu et lu les articles contenant les
faits incriminés ; et la Présidence de la République
n’étant pas une banque prestigieuse de dimension
internationale où le destine normalement la renommée
qu’il s’est patiemment bâtie.

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Sur le lien de causalité

De tout ce qui précède, ce lien apparaît avec une


évidence telle qu’elle dispense le tribunal de longs
développements à cet égard, le préjudice subi par le
demandeur résultant directement, sans contestation
possible, de la faute commise par les défendeurs.

Au total, le tribunal juge qu’en l’espèce, les conditions


des articles 1382 et 1383 du code civil sont bien
réunies, et accueille pour cela favorablement la
demande en paiement de dommages-intérêts de
Monsieur TANOH Thierry contre Monsieur MATJILA
Daniel et les sociétés ETI et PIC.

* Sur la réparation

Monsieur TANOH Thierry sollicite la condamnation des


défendeurs à lui payer la somme de quinze milliards
(15.000.000.000) de francs CFA. Ceux-ci s’y opposent
au motif qu’il ne justifie pas ce montant.

Le tribunal rappelle que le droit à l’honneur et à la


considération fait partie des droits de la personnalité et
est garanti par les alinéas 1, 2 et 3 de l’article 2 de la
Constitution ivoirienne du 1er août 2000 en ces termes
« La personne humaine est sacrée.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux devant la


loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont le droit à la
vie, à la liberté, à l’épanouissement de leur personnalité et
au respect de leur dignité.

Les droits de la personne humaine sont inviolables. Les


Autorités publiques ont l’obligation d’en assurer le respect,
la protection et la promotion. ».

Le tribunal rappelle également que l’article 12 de la


Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948 à laquelle le Peuple de Côte d’Ivoire
dans le préambule de la Constitution a proclamé son
adhésion dispose que : « nul ne peut faire l’objet
d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son
domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur
et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de
la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ».

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Le tribunal rappelle en outre qu’en matière


d’indemnisation, le principe est celui de la réparation
intégrale selon lequel ce qui doit être réparé par le
juge, c’est le dommage, tout le dommage et rien que le
dommage.

Il est constant que Monsieur TANOH Thierry évolue


dans la sphère de la finance internationale. Il est
également constant que les prétendants à ces
fonctions doivent justifier d’une réputation sans tâche
pour ce qui concerne l’intégrité et l’éthique et d’un bon
prestige professionnel. Il ne peut être non plus
contesté que la faute commise par les défendeurs
ruine le crédit de Monsieur TANOH Thierry dans ce
milieu et compromet sérieusement ses chances de
retrouver la considération que lui vouaient ses pairs
avant la faute dont il a été victime, faute qui ternit sa
renommée et est de nature à forger dans l’opinion
financière internationale des faux jugements quant à
son intégrité morale et à son prestige professionnel ;
étant du reste précisé que tant la réputation au niveau
de l’entreprise est considérée comme son actif
stratégique le plus important sur le plan de la création
de la valeur, tant au niveau des individus la réputation
joue un rôle capital pour qui veut établir et sauvegarder
sa valeur morale et professionnelle auprès de ses
semblables et des personnes physiques ou morales
susceptibles de l’employer.

Toutefois le tribunal considère que la somme sollicitée


est excessive, et en tenant compte de l’ensemble des
éléments de la cause, fixe le montant de la réparation
à la somme de quinze millions (15.000.000) de dollars
au taux de cinq cent (500) francs CFA soit sept
milliards cinq cent millions (7.500.000.000) de francs
CFA au paiement de laquelle il condamne les
défendeurs.

Sur la publication de la présente décision

Monsieur TANOH Thierry la sollicite. Elle se justifie en


matière de violation des droits de la personnalité
comme moyen accessoire de réparation, la publication
de la décision contribuant à redonner au demandeur
l’honneur et la considération dont il a été privé par la
faute qu’il a subie, et à le rétablir dans l’estime des

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tiers particulièrement de la communauté de la finance


internationale dont il est issu. Il y a lieu d’y faire droit et
d’encourager les défendeurs à y satisfaire, sous
astreinte comminatoire, dont le montant doit cependant
être réduit à deux cent millions (200.000.000) de francs
CFA par jour de retard à compter de la signification de
la présente décision.

Sur l’exécution provisoire

L’article 146 du code de procédure civile, commerciale


et administrative l’autorise en cas d’extrême urgence.
Tel est bien le cas en l’espèce, la réputation de
Monsieur TANOH Thierry injustement bafouée et ternie
par les défendeurs devant sans délai être compensée
par la réparation par équivalent et la publication
décidées par le tribunal. Il y a lieu de l’ordonner
nonobstant toutes voies de recours.

Sur les dépens

Puisque les défendeurs succombent en la cause, ils


doivent les supporter conformément à l’article 149 du
code de procédure civile, commerciale et
administrative qui dispose : « Toute partie qui succombe
est condamnée aux dépens, sauf au Tribunal à laisser la
totalité ou une fraction de ceux-ci à la charge d’une autre
partie, par décision spéciale et motivée. ».

Ces dépens doivent être distraits au profit des SCPA


ADJE-ASSI-METAN et LEX WAYS en application de
l’article 152 alinéa 1 du code de procédure civile,
commerciale et administrative qui dispose que : « Les
avocats pourront demander la distraction des dépens à leur
profit, en affirmant, lors de la prononciation du jugement,
qu’ils ont fait la plus grande partie des avances. ».

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en


premier ressort ;

Rejette l’exception d’incompétence et se déclare


compétent ;

Reçoit Monsieur TANOH Thierry en son action ;

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Constate la non-conciliation des parties ;

L’y dit partiellement fondé ;

Condamne solidairement Monsieur MATJILA Daniel et


les sociétés Public Investment Corporation dite PIC et
Ecobank Transnational Incorpored dite ETI à lui payer
la somme de sept milliards cinq cent millions
(7.500.000.000) de francs CFA à titre de dommages-
intérêts ;

Ordonne la publication de la présente décision dans


tous les organes de presse et site internet ayant reçu
ou fait état de la correspondance du 1er mars 2014 aux
frais des défendeurs sous astreinte comminatoire de
deux cent millions (200.000.000) de francs CFA par
jour de retard à compter de la signification de la
présente décision ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision


nonobstant toutes voies de recours ;

Condamne les défendeurs aux dépens distraits au


profit des SCPA ADJE-ASSI-METAN et LEX WAYS,
Avocats aux offres de droit.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois


et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

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