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Université Mohammed V - Rabat

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales - Agdal

Master en Sciences Juridiques (S2)

Module : Fonds de commerce

Les éléments du fonds de commerce

Travail réalisé par :

Ibtissam SILA
Kawtar EJJENIYEH
Omar HAJOUI TAALIBI
Samy EZZOUINE
Wissal AKNAKAYE

Encadré par :

M. Chakib EL OUFIR

Année universitaire 2022/2023


1
Sommaire

Introduction……………………………………………………………………………….......3

I) La conception traditionnelle du fonds de commerce : bien meuble


incorporel...............................................................................................................3

A) Les éléments incorporels du fonds du commerce……………………………………...5

B) Les éléments corporels du fonds de commerce…………………………………….….5

C) Les éléments exclus du fonds de commerce : une lacune législative à combler……….8

II) Une approche rénovée du fonds de commerce : liberté d’affectation et


capacité d’organisation………………………………………………………...10

A) La liberté d’affectation : cas des immeubles, des dettes et des créances……………..10

B) La capacité d’organisation de l’entrepreneur…............................................................11

Conclusion………………………………………………………………………………....…13

Bibliographie…………………………………………………………………………..…….14

2
Introduction

Qu’est ce qu’un fonds de commerce ? De quoi est-il constitué ? Ces questions paraissent
simples et pourtant, elles ne cessent d’interpeller les législateurs et la doctrine, soucieux
d’offrir aux exploitants un instrument juridique adapté à leurs besoins économiques, car le
fonds de commerce, il ne faut pas l’oublier, est avant tout un outil au service d’un projet
entrepreneurial.

À l’origine, le législateur marocain ne s’intéressait au fonds de commerce que pour


réglementer sa vente et son nantissement (dahir du 14 déc. 1914). C’est ensuite qu’il a
procédé de manière systématisée en offrant au fonds de commerce une réglementation dédiée
et complète à travers le code de commerce dans le livre II qui réglemente les éléments du
fonds de commerce et les contrats portant sur le fonds de commerce.

Tranchant une incertitude jurisprudentielle, le code de commerce, en son article 79, définit le
fonds de commerce comme « un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble des biens
mobiliers affectés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales ».1

C’est un ensemble, une union de plusieurs éléments2 exploitée entre les mains du
commerçant, qui lui permet de constituer et de retenir sa clientèle qui est l’élément majeur du
fonds de commerce. L’article 80 du code de commerce le montre bien lorsqu’il affirme que
« le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’achalandage ».

Ce même article dispose ensuite que « le fonds de commerce comprend aussi, tous autres
biens nécessaires à l'exploitation du fonds tels que le nom commercial, l'enseigne, le droit au
bail, le mobilier commercial, les marchandises, le matériel et l'outillage, les brevets
d'invention, les licences, les marques de fabrique, de commerce et de service, les dessins et
modèles industriels et, généralement, tous droits de propriété industrielle, littéraire ou
artistique qui y sont attachés ».3

Cette définition permet d’avoir une vision statique du fonds de commerce, fondée sur une
nette distinction entre les biens inclus dans le fonds et ceux qui en sont exclus. Etant considéré
comme un bien meuble incorporel, les immeubles dans lesquels le fonds de commerce est
installé sont exclus de sa composition.

Dans le même sillage, étant donné que le droit marocain, à l’instar du droit français, a jusqu’à
présent refusé de reconnaître la personnalité juridique à des groupements de biens pour
réserver cette possibilité aux groupements de personnes, le fonds de commerce n’a pas de
personnalité juridique. Il s’agit d’une universalité de fait.4 La conséquence est l’exclusion des

1
Article 79 du code de commerce marocain
2
BRAUDO (S.). Dictionnaire du droit privé (En ligne). Disponible sur : https://www.dictionnaire-
juridique.com/definition/fonds-de-commerce.php
3
Article 80 du code de commerce marocain
4
Universalité de fait : le fonds de commerce n’est qu’un bien parmi d’autres dans le patrimoine du commerçant,

3
créances, des dettes et des contrats qui demeurent attachés à la personne de l’exploitant, hors
de la composition du fonds.

Reste que cette conception demeure insuffisante pour faire du fonds un instrument
véritablement attractif d’un point de vue économique. En effet, le fonds est censé présenter
plusieurs utilités pour l’exploitant : il constitue l’instrument de travail qui lui permet de
développer son activité ; il représente également la garantie essentielle qu’il peut proposer aux
établissements de crédit.5 Dans ces conditions, quelle rationalité économique pourrait justifier
l’exclusion des immeubles et des contrats ? Ces éléments contribuent-ils moins que le
matériel ou le nom commercial à la performance de l’entreprise ou à sa valorisation ?

La liste des biens entrant dans la composition du fonds de commerce doit-elle rester
figée comme un pré-requis obligatoire, ou bien ne serait-il pas plus judicieux de laisser
l’entrepreneur composer librement son fonds en fonction de ses objectifs, de ses moyens,
de son type d’activité ?

Ces quelques interrogations donnent une idée de l’intérêt qu’il y a à poursuivre une réflexion
sur le fonds de commerce malgré l’ancienneté de la notion.

En réponse à ces questions, il s’agira de traiter, en premier lieu, de la conception traditionnelle


du fonds de commerce (I) avant de s’attarder, en second lieu, sur une approche rénovée de
celui-ci, basée, d’une part, sur la liberté d’affectation au fonds de tous les biens que le
commerçant juge nécessaires à son activité et d’autre part, sur la capacité d’organisation de
l’entrepreneur en vue d’attirer la clientèle (II).

il y a donc absence d’autonomie entre le fonds de commerce et le commerçant, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de
passif propre au fonds de commerce. Si le commerçant a des dettes commerciales, il va en répondre sur tous ses
biens, y compris le fonds de commerce (bien meuble incorporel)
5 LARRIEU (J.), KRAJESKI (D.) et al. Le fonds de commerce. Une notion en évolution (En ligne). Presses de l’Université
Toulouse 1 Capitole, LGDJ - Lextenso Editions. Travaux de l’IFR : N°8. 2008. p. 231-254. Disponible sur :
https://books.openedition.org/putc/1166?lang=fr

4
I) La conception traditionnelle du fonds de commerce : bien meuble incorporel

Le fonds de commerce est traditionnellement assimilé aux éléments qui le composent : un


regroupement de biens incorporels (A) et de biens incorporels (B). Certains éléments en sont,
en revanche, exclus (C).

A) Les éléments incorporels du fonds de commerce

Ce sont les éléments qui, bien que non quantifiables, demeurent d’une importance capitale
pour le fonds de commerce. Ils se présentent comme suit :

1) La clientèle et l’achalandage : éléments obligations du fonds de commerce

La clientèle c’est l’ensemble des personnes qui s’approvisionnent habituellement chez le


commerçant. En revanche, l'achalandage c’est le client de passage qui n’a pas de lien de
fidélité avec le commerçant. C’est une opportunité de consommation due à l’emplacement.

La clientèle n’est pas un élément comme les autres du fonds de commerce, c’est l’élément
principal sans lequel il ne pourrait exister. Cependant, la clientèle n’existe pas de manière
autonome. Elle n’a pu être ralliée que grâce au regroupement des autres éléments du fonds de
commerce (emplacement, marque...).

Aussi, est-il important de noter que si le fonds de commerce ne se conçoit et ne peut exister
qu’en fonction d’une clientèle, encore faut-il préciser que cette dernière n’est pas un critère
d’existence du fonds. Elle est sa finalité. En d’autres termes, la clientèle demeure nécessaire
puisque sans elle l’activité économique perd de son intérêt, toutefois, il ne faut pas confondre
le but ou la finalité, qui est l’attraction de la clientèle, et le moyen d’y parvenir, qui est le
fonds.

La clientèle doit présenter un certain nombre de caractéristiques essentielles.

Elle doit, tout d’abord, être licite, c’est-à-dire que le client doit être rattaché à un fonds de
commerce légal, donc valide au regard de la loi, au cas contraire, la clientèle est dite illicite et
n'a donc aucune valeur juridique. Ainsi, à titre d’exemple, la clientèle d'une salle de jeu
clandestine n'est pas valide en droit.6

Elle doit, ensuite, être certaine et réelle. Une clientèle virtuelle ou potentielle ne suffit pas.
Cela implique les conséquences suivantes :

- Un fonds de commerce nouveau n’est créé que lorsqu'une clientèle est constituée.
Exemple : un local est loué pour l’exploitation d’un restaurant. Tant que l’activité n’a

6
droitdesaffairesparis4. Le fonds de commerce : notion et composition (En ligne). Droit des affaires L.E.A. Paris IV-
Sorbonne. 2021. p.1. Disponible sur : http://droitdesaffairesparis4.r.d.f.unblog.fr/files/2010/09/le-fonds-de-commerce-
expose-et-pdf.pdf

5
pas démarré, le fonds de commerce n’est pas constitué. Le locataire ne peut
bénéficier de la règlementation des baux commerciaux.

- La disparition de la clientèle entraine la disparition du fonds de commerce même si


les autres éléments subsistent (droit au bail, matériel, stock…). S’ils sont cédés, ils le
seront selon le régime de la vente de droit commun et non de la cession du fonds de
commerce.

- La vente du fonds de commerce entraine obligatoirement la cession de clientèle. Il


faut que soient cédés les éléments qui permettent d’attirer la clientèle.

Enfin, la clientèle doit être personnelle, elle doit être attachée à celui qui s’en prévaut. Or, il
n’est pas toujours facile de déterminer l’appartenance de la clientèle. Ainsi, à titre d’exemple,
pour les commerçants installés dans un centre commercial, la clientèle est la leur ou celle du
centre commercial ? La jurisprudence a tendance à considérer que l’attractivité du centre
dépasse largement celle du commerçant, ce dernier est donc dépourvu de clientèle autonome.

2) Le nom commercial

C’est le nom sous lequel le commerçant exerce le commerce. Il peut s’agit de son nom
patronymique ou d’un nom fantaisiste.

Le nom commercial est un élément du fonds de commerce qui permet d’attirer et de fidéliser
la clientèle. Il doit être obligatoirement cédé avec le fonds de commerce même s’il s’agit d’un
nom patronymique. Le nom commercial, bien que constituant un attribut de la personnalité,
va ici se détacher de la personne physique qui le portait et qui ne peut défendre à l’acquéreur
son usage. Elle peut elle-même continuer à l’utiliser à condition qu’elle prenne les précautions
nécessaires pour éviter les risques de confusion (mentionner son prénom, l’activité...)

Le nom commercial est protégé par la loi relative à la propriété industrielle. Il est protégé
contre les usurpations ou les imitations des concurrents.

3) L’enseigne

L’enseigne désigne la boutique et non l’entreprise commerciale. Elle peut être un nom ou un
sigle, un emblème.

Elle permet le ralliement de la clientèle, elle est donc cédée avec le fonds de commerce et
protégée contre les imitations.

La protection est variable en fonction de la notoriété de l’enseigne (locale, nationale,


mondiale) et de l’ère géographique où se trouve la clientèle attachée à l’enseigne.

6
4) Les droits de la propriété intellectuelle et les licences

Les droits de propriété intellectuelle sont des biens de nature incorporelle qui présentent une
valeur considérable pour l’entreprise commerciale étant donné qu’ils permettent l’attraction
de la clientèle (brevets, modèles, dessins, marques…). C’est la véritable richesse de
l’entreprise. Ils font partie du fonds de commerce.

Le fonds de commerce peut comprendre aussi des autorisations administratives et des


licences. Certaines licences sont personnelles et ne peuvent être cédées avec le fonds de
commerce (autorisation de ventes d’armes ou de produits dangereux, débit de boissons,
ouverture nocturne d’un restaurant, agrément de transport….).

5) Le droit au bail

Le droit de disposer du local commercial constitue un élément essentiel du fonds de


commerce car l’emplacement permet d’attirer la clientèle et de la fidéliser. La perte du droit
au bail peut donc anéantir l’activité commerciale, d’où la protection juridique dédiée au bail
commercial.

Le bail commercial bénéficiait d’une loi particulière avec un régime dérogatoire qui diffère de
celui applicable aux baux à usage d’habitation. (Dahir du 24 mai 1955). Ce Dahir a été
remplacé par la loi du 18 juillet 2016 relative aux baux à usage commerciaux.7

Il était, en effet, nécessaire de définir un statut particulier qui protège le locataire commercial
(droit au renouvellement du bail, rupture possible uniquement que pour des raisons sérieuses
et légitimes, versement d’une indemnité de rupture, augmentation du loyer soumise à des
limites…). Le bail commercial devient une propriété commerciale représentant une valeur
patrimoniale autonome.

Bénéficient du statut de baux commerciaux, tous les commerçants qui exploitent un fonds de
commerce, mais aussi les entreprises d’enseignement, les pharmacies, les cliniques, les
laboratoires, les cabinets de radiologie de kinésithérapie. Par contre, en sont exclus les
médecins, avocats, architectes… ainsi que les locaux situés dans des Malls et les baux
emphytéotiques (d’une durée de 18 à 99 ans).

La cession du droit au bail est à distinguer de la cession du fonds de commerce dans la mesure
où le droit au bail est un des éléments du fonds de commerce. La cession du fonds de
commerce peut ainsi être faite avec ce droit au bail. Le repreneur va pouvoir dans ce cas-là
récupérer le contrat de location du local commercial avec tous les biens y afférents (clause,
durée du bail, droits du locataire, montant du loyer …).

7
HILANI (I.). Cours de droit commercial (En ligne). Université Hassan II. Casablanca. 2019, p. 4. Disponible sur :
https://www.fdc.ma/FDC/coursdistant/supportsprof/HilaniImane/Chapitre%203.pdf

7
B) Les éléments corporels du fonds de commerce

En ce qui concerne la part corporelle des éléments qui constituent un fonds de commerce, elle
regroupe l’ensemble des moyens et des biens physiques exploités par le commerçant dans le
cadre de son activité.

1) Le mobilier commercial, le matériel et l’outillage

Selon la nature de son activité, un fonds de commerce peut comprendre à la fois du mobilier
commercial, du matériel et de l'outillage. Le fonds de commerce peut également ne
comprendre qu'un seul de ces éléments. Cela peut être représenté par la totalité des biens
matériels dont la durée de vie est supérieure à 12 mois : véhicules, ordinateurs,
photocopieuses (…) ou encore les agencements.

Ce sont des éléments réels, concrets, palpables qui constituent la pierre angulaire de
l’exploitation quotidienne et effective du fonds de commerce8 et qui sont normalement cédés
avec le fonds de commerce lorsque celui-ci est vendu.

Pour qu’ils puissent être cédés, encore faut-il que le commerçant en soit propriétaire. De plus
en plus, le matériel et l’outillage sont acquis en crédit bail, il appartient à l’organisme de
crédit et ne peut donc être cédé avec le fonds de commerce.

2) La marchandise

La marchandise n’est pas un élément permanent du fonds de commerce puisque le


commerçant achète la marchandise pour la revendre. La marchandise a donc la particularité
d’être fréquemment renouvelée.

Les marchandises peuvent être cédées si elles ont été entièrement réglées par le commerçant.

Le stock de marchandises n’entre pas dans la valeur du fonds de commerce. Il est évalué
séparément et fait l’objet d’un règlement distinct, car il est assujetti à la TVA et n’est pas
soumis au paiement des droits d’enregistrement.

C) Les éléments exclus du fonds de commerce : une lacune législative à combler

L’article 80 du Code de commerce énumère de manière claire la liste des éléments corporels
et incorporels composant le fonds de commerce. Toutefois, celle liste n’inclut pas les
immeubles (1), les créances et les dettes (2), les disponibilités (3) et les contrats (4).9 Cette
exclusion constitue, compte tenu de l’utilité et de la valeur de ces éléments, une lacune
législative qu’il est important de combler.

8
Ibid., p. 2.
9
GOUACHE Avocats. Fonds de commerce (En ligne). 2023. Disponible sur : https://www.gouache.fr/lexique-fonds-de-
commerce-avocat-gouache.html

8
1) Les immeubles

Le principal argument avancé justifiant l’exclusion de l’immeuble réside dans la nécessité


d’une publicité foncière. La vente d’un fonds de commerce étant une vente mobilière, elle
serait incompatible avec les règles de publicité en vigueur pour les immeubles. Toutefois,
cette mise à l’écart conduit à des solutions paradoxales. En effet, lorsque le commerçant n’est
que locataire des murs, le droit temporaire d’occupation de l’immeuble (bail commercial)
dont il bénéficie est transmis avec le fonds. Dès lors que le commerçant est propriétaire de
l’immeuble le droit d’usage des lieux est exclu du fonds. Alors que dans ce dernier cas
l’entrepreneur a consenti un investissement plus lourd (comprenant l’immeuble) au service de
son activité, son fonds de commerce a moins de valeur que lorsqu’il n’est que locataire.

2) Les créances et les dettes

C'est à l'inexistence d'un patrimoine autonome qu'il faut se référer pour justifier le principe
suivant lequel les créances, même nées ou relatives à l'exploitation, ne font pas partie du
fonds de commerce. Elles sont propres au commerçant, qui doit personnellement s’en
acquitter. Le fonds de commerce est un ensemble de biens, non un patrimoine indépendant : il
ne comporte donc jamais de dettes ni de créances.10

3) Les disponibilités

Elles suivent le même régime que la dette. Elles font partie du patrimoine du commerçant car
il a gagné cet argent en exerçant son activité. Selon une règle non exprimée dans la loi, mais
constante, la monnaie, les espèces monétaires, bien qu'actifs mobiliers, sont exclues du fonds
de commerce. 11

4) Les contrats

Ce sont des engagements conclus personnellement par le commerçant avec des partenaires
économiques ou avec ses propres salariés. Ce sont des engagements personnels du
commerçant qui ne peuvent être transmis à d’autres personnes. Les contrats ne se transmettent
pas avec le fonds de commerce dans la composition duquel ils n'entrent pas 12, en conséquence
de l'exclusion des dettes et créances, et pour les mêmes motifs.

L’exclusion des 4 éléments susmentionnés est qualifiée, par beaucoup d’auteurs, d’illogique
dans la mesure où des éléments affectés à un même but économique se trouvent dissociés.
Etant souvent nécessaires à l’exercice de l’activité, leur inclusion permettrait de redonner plus
de cohérence à la notion de fonds de commerce.

10
droitdesaffairesparis4. Le fonds de commerce : notion et composition (En ligne). Droit des affaires L.E.A. Paris IV-
Sorbonne. 2021. p.1. Disponible sur : http://droitdesaffairesparis4.r.d.f.unblog.fr/files/2010/09/le-fonds-de-commerce-
expose-et-pdf.pdf
11
Ibid.
12
Il existe des exceptions : le contrat de travail, le contrat de bail et le contrat d’assurance

9
D’où l’intérêt d’une approche rénovée du fonds de commerce, basé sur la liberté d’affectation
et la mise en valeur de la capacité d’organisation de l’entrepreneur.

II) Une approche rénovée du fonds de commerce : liberté d’affectation et


capacité d’organisation

Une approche rénovée du fonds de commerce, inspirée des droits italien et anglais, conduit à
la mise en place d’une nouvelle vision, basée sur deux concepts phares : d’une part, la liberté
d’affectation au fonds de commerce de l’ensemble des éléments nécessaires à l’activité (A) et
d’autre part, la capacité d’organisation de l’entrepreneur, c'est-à-dire, ses compétences et sa
capacité à attirer la clientèle (B).

A) La liberté d’affectation : cas des immeubles, des dettes et des créances

Une appréhension fonctionnelle et dynamique du fonds de commerce conduit à une nécessaire


liberté dans la composition celui-ci, c’est-à-dire la faculté pour le commerçant d’inclure ou
d’exclure tel ou tel élément selon les besoins de son activité. Cette liberté d’affectation est
débattue, notamment, pour les dettes et créances, les immeubles et les contrats. Seuls les 2
premiers éléments seront abordés dans les développements qui suivent.

Ainsi, à titre d’exemple, le droit italien autorise l’entrepreneur à introduire dans la


composition de son fonds de commerce, non seulement des biens meubles, mais aussi des
biens immeubles. Leur intégration n’est pas une obligation, mais une simple possibilité
reconnue à l’entrepreneur qui voudrait renforcer la valeur de son fonds de commerce, les
immeubles apportant une plus value dont le commerçant se sert pour obtenir des
financements. De même, la revente d’un fonds comprenant un bien immobilier générerait un
capital conséquent pour son propriétaire, très utile lors de son départ à la retraite.13

Toutefois, la loi italienne impose comme condition à leur intégration que les immeubles
soient toujours en relation avec l’exercice de l’activité.

De même, en droit italien, la cession du fonds de commerce produit l’obligation de répondre


des dettes anciennes. La cession des dettes résulte automatiquement du simple transfert. Cette
solution présente l’avantage d’assurer une garantie plus importante aux créanciers antérieurs.
En effet, le fonds de commerce continue à constituer leur gage. En revanche, l’ancien débiteur
ne sera libéré qu’avec le consentement de ses propres créanciers.

13 LARRIEU (J.), KRAJESKI (D.) et al. Le fonds de commerce. Une notion en évolution (En ligne). Presses de l’Université
Toulouse 1 Capitole, LGDJ - Lextenso Editions. Travaux de l’IFR : N°8. 2008. p. 231-254. Disponible sur :
https://books.openedition.org/putc/1166?lang=fr

10
Et puis, dès lors qu’il est admis que les dettes peuvent faire partie du fonds de commerce, plus
rien ne s’oppose à l’inclusion des créances. Le droit italien impose uniquement que lesdites
créances aient pour cause l’exploitation du fonds.

B) La capacité d’organisation de l’entrepreneur

Dans une appréhension plus utilitariste du fonds de commerce, vu non plus seulement en tant
que bien mais surtout en tant qu’instrument d’une activité valorisable, c’est la capacité
d’organisation de l’entrepreneur, c’est à dire, ses compétences, son savoir-faire et par
conséquent, sa capacité à attirer la clientèle, qui apparaissent de plus en plus comme une
composante essentielle du fonds de commerce et non pas, la clientèle en elle-même. Cette
dernière n’étant, en définitive, que la finalité, c’est-à dire le but en vue duquel le fonds est
organisé.
Ladite approche est particulièrement déployée en droit italien (1) et en droit anglais (2).

1) L’exemple italien et les notions d’ « azienda » et d' « avviamento »

Le droit Italien connaît depuis longtemps la valorisation de l’activité humaine. Le rôle de


l’entrepreneur est d’organiser les biens et les moyens nécessaires à l’exercice de l’activité
commerciale, avec pour but de produire de la richesse –une “utilité économique.

Cet ensemble de biens porte le nom d’azienda, définie comme “la synthèse de valeurs
productives (matériels, capital et travail) organisées pour la production de biens nouveaux”.
La production est donc le critère qui donne unité à cet ensemble hétérogène de biens meubles
et immeubles.

L’azienda, en tant qu’ensemble des biens organisés par l’entrepreneur pour l’exercice de son
activité” se distingue nettement de la notion de fonds de commerce. En effet, le droit
commercial italien a préféré abandonner l’idée de fonds, connue sous l’empire du Code de
Commerce de 1882, pour y substituer un concept plus moderne et plus proche de celui
d’entreprise. Cette solution s’insère dans un contexte réformateur qui remonte à la fin du
19ème siècle. À l’instar du modèle allemand, la doctrine italienne voulait réformer le droit
commercial pour le transformer en droit des organisations commerciales. L’entreprise était
devenue l’outil de référence pour l’organisation des rapports commerciaux.

Aussi, l’azienda est-elle caractérisée par une composition bien plus hétérogène que celle de
son pendant français (fonds de commerce). En particulier, la clientèle n’est pas incluse dans
cet ensemble car elle n’est que le but de l’activité d’exploitation. Elle est intimement liée aux
qualités personnelles de l’entrepreneur et donc à son intuitu personae. La doctrine italienne
affirme que la clientèle n’appartient jamais à l’entreprise, car le client est libre de choisir où
aller sans que l’entrepreneur puisse le contraindre. 14

14
Ibid.

11
À la place de la notion de clientèle, le droit italien parle d’avviamento. Ce dernier représente
la capacité de l’azienda à créer et conserver sa clientèle. La doctrine distingue, d’un côté,
l’avviamento objectif, formé par l’agencement des facteurs de production, et de l’autre,
l’avviamento subjectif, lié aux qualités personnelles de l’entrepreneur.

2) L’exemple anglais et la notion de « goodwill »

En droit anglais, le fonds de commerce en tant qu’ensemble de biens n’est doté d’aucun
régime juridique particulier et chacun des éléments le composant est régi par des règles qui lui
sont propres. Toutefois, la capacité du commerçant à réunir et agencer ces différents éléments
est reconnue à travers la notion de goodwill, définie par Lord Macnaghten dans une décision
rendue en 1901, comme étant la « force attractive qui apporte de la clientèle ».

Précédant cette définition, l’aptitude du commerçant à organiser son entreprise a été prise en
considération depuis le début du 19ème siècle. En effet, c’est à partir de cette date que les
tribunaux anglais identifièrent progressivement les quatre composantes possibles de cette
notion.

Tout d’abord, la jurisprudence a reconnue le site goodwill en considérant que la situation


géographique du lieu d’exercice de l’activité a un impact sur la réussite de l’entrepreneur. Or,
le choix d’un tel emplacement est effectué par ce dernier.

Puis, le personal goodwill, relatif aux aptitudes personnelles du commerçant à l’exercice de sa


profession et à sa capacité à entretenir des relations commerciales fructueuses, fut pris en
compte dans le succès de l’activité.

Ensuite, le name goodwill se rapporte au nom et à la réputation de l’entreprise lorsque ces


éléments permettent l’attraction de la clientèle.

Enfin, le monopoly goodwill fut le dernier à se voir consacré. Il résulte de l’absence de


concurrence dans un secteur déterminé. Toutefois, celle-ci doit être entendue dans un sens
positif, c'est-à-dire qu’elle ne doit pas résulter de la présence d’une clause de non-concurrence
par exemple, mais plutôt provenir de la détention par le commerçant d’un actif représentant
une certaine valeur et permettant d’attirer des clients, telle la détention d’un brevet ou d’une
marque.15

L’aptitude du commerçant à organiser son activité revêt une importance notamment


financière. En effet, lors de la revente de son entreprise, seront non seulement cédés les divers
biens la composant mais également le goodwill, qui fera probablement l’objet de vives
négociations en raison de la nécessaire part de subjectivité que son évaluation comporte.

15
Ibid.

12
Conclusion

En définitive, le fonds de commerce tend à se caractériser de plus en plus par la prévalence


des compétences et la capacité du commerçant à organiser des moyens matériels et humains,
c’est-à-dire un savoir-faire commercial. La valorisation de ce savoir-faire atteint son point
culminant avec le contrat de franchisage, qui a pour objet de réitérer un succès commercial, et
qui ne peut se concevoir sans transfert d’un savoir-faire.

Cette conception rénovée du fonds de commerce, valorisant les compétences déployées par le
commerçant, implique une véritable liberté d’affectation des biens qui le composent, pour
permettre l'adaptation de ses éléments constitutifs à la stratégie commerciale adoptée.

Le Maroc pourra-t-il un jour aller dans cette direction ? Telle est la question à laquelle il faudra
réfléchir et à laquelle de prochaines études pourront peut être répondre.

13
Bibliographie

➢ BRAUDO (S.). Dictionnaire du droit privé (En ligne). Disponible sur :


https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/fonds-de-commerce.php

➢ droitdesaffairesparis4. Le fonds de commerce : notion et composition (En ligne). Droit


des affaires L.E.A. Paris IV-Sorbonne. 2021. 5.p.. Disponible sur :
http://droitdesaffairesparis4.r.d.f.unblog.fr/files/2010/09/le-fonds-de-commerce-
expose-et-pdf.pdf

➢ GOUACHE Avocats. Fonds de commerce (En ligne). 2023. Disponible sur :


https://www.gouache.fr/lexique-fonds-de-commerce-avocat-gouache.html

➢ HILANI (I.). Cours de droit commercial (En ligne). Université Hassan II.
Casablanca. 2019, 14 p. Disponible sur :
https://www.fdc.ma/FDC/coursdistant/supportsprof/HilaniImane/Chapitre%203.pdf

➢ LARRIEU (J.), KRAJESKI (D.) et al. Le fonds de commerce. Une notion en


évolution (En ligne). Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, LGDJ - Lextenso
Editions. Travaux de l’IFR : N°8. 2008. p. 231-254. Disponible sur :
https://books.openedition.org/putc/1166?lang=fr

➢ Loi n° 15-95 formant code de commerce promulguée par le dahir n° 1-96-83 du 15


rabii i 1417 (1er août 1996)

14

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