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PLAN DU COURS

INTRODUCTION
En Droit, on opère une distinction entre les règles matérielles et les règles procédurales. Ces
dernières ont pour objet de veiller à la matérialisation des premières. L’expression « droit
matériel » ou « substantiel » vise l’ensemble des règles de fond (par exemple, les règles du
droit des contrats) ; elle s’oppose à l’expression « droit procédural » qui regroupe les règles de
procédure (dont la raison d’être est d’assurer la mise en œuvre des droits subjectifs) (Y.
Strickler, Procédure civile, Paradigme, 2010, p.2, note de bas de page 5).
Eu égard au fait que nul ne doit se faire justice à soi-même, le recours au juge, tiers impartial
s’avère nécessaire.
C’est ainsi que le droit des individus consacrés par les lois civiles, commerciales et sociales 1
seraient dépourvus de toute efficacité si leurs exercices dépendaient du bon vouloir des autres
personnes (Selon M.-A. Frison-Roche, nous ne sommes pas dans l’ordre du respect spontané
des lois ; M.-A. Frison-Roche, « L’impartialité du juge », Dalloz, 1999, Doctrine., p.53). Il
devient indispensable de permettre aux particuliers de recourir à l’autorité publique pour en
obtenir le respect.
Le rôle de la procédure est précisément d’organiser l’intervention de l’autorité publique en
vue de la constatation, de la réalisation concrète ou du respect des droits.
Cependant, il faut noter que le recours à une autorité publique pour exiger le respect de ces
droits n’est pas obligatoire car on peut faire usage des modes alternatifs de règlements de
différends tels que l’arbitrage, la conciliation (chef de quartier, un sage. Dans ce cas, elle est
extrajudiciaire)2, la médiation et la transaction qui se particularise par l’exigence de
concessions réciproques3. C’est dire donc que l’Etat n’a pas le monopole de la justice.
De même, la réalisation des droits peut se faire sans ou avec intervention du juge. Seule la
deuxième forme d’intervention nous intéresse.
Va-t-on parler de procédure civile ou de droit judiciaire privé ? La procédure civile est
l’ensemble des formalités qui doivent être accomplies et suivies devant les juridictions de
1
V. Article 1er du CPC

2
En matière civile, sauf dans le cadre d’un divorce contentieux (article 169 Code de la famille), la tentative de
conciliation est loin d’être obligatoire (article 7, 30 code de procédure civile contrairement à la matière
commerciale (le caractère obligatoire de la conciliation est prévu aux articles 5, 22 de la loi n°2017-24 du 28
juin 2017 modifiée par la loi n°2020-14. V. Désormais, l’article 22-2 de cette nouvelle loi).

3
V. Article 756 COCC

8
l’ordre judiciaire en matière civile, commerciale et sociale ( Cette définition tirée du droit
français mérite d’être complétée). Il s’agit d’un contentieux (possibilité de contestation)
autour des droits subjectifs. C’est pourquoi, elle se distingue en principe de la procédure
pénale ( En effet, la procédure pénale de même que celle administrative est inquisitoire (le
juge mène activement l’enquête4). Pour G. de LEVAL, néanmoins, la procédure pénale peut
étendre son domaine aux droits subjectifs civils, p.9) ou administrative.
Mais force est de constater que certains auteurs défendent une conception large de la
procédure civile. C’est le cas de Georges de LEVAL pour qui, la procédure civile est
l’ensemble des principes et des règles relatifs à la solution juridictionnelle des litiges mettant
en œuvre des droits subjectifs et à l’exécution des jugements et autres titres exécutoires 5.
C’est l’exemple d’Yves Strickler (Procédure civile, op.cit., p.3) qui écrit que s’interroger sur
la marche à suivre suppose une vision globale de la procédure. C’est pourquoi, il faut prendre
en considération les autorités chargées de rendre la justice, les règles de compétence, l’action
en justice et l’exécution effective de la sentence rendue (voies d’exécution).
Ainsi, le droit judiciaire privé désigne l’ensemble des règles relatives à la procédure civile, à
l’organisation judiciaire et aux voies d’exécution 6. Il s’avère donc plus vaste que la procédure
civile.
La procédure civile a mauvaise presse. C’est pourquoi certains qualifient ceux qui jouent de la
forme au détriment du fond de procéduriers. Pourtant, c’est l’occasion de préciser qu’à ce
qualificatif péjoratif est entrain de se substituer l’expression processualiste 7. De même, c’est
une matière réputée technique et difficile. Mais comme l’écrit un auteur (Y. Strickler,
Procédure civile, op.cit., p.1, n°1) : « A quoi cela sert-il d’être titulaire d’un droit si l’on
ignore pouvoir le faire reconnaître en justice ? ».
Toujours est-il qu’une nouvelle dénomination a fait son entrée en procédure. Il s’agit du droit
processuel qui vise à dégager les principes communs aux divers contentieux, tant internes que
comparés. Son objet est, fondamentalement, de tracer la voie vers le concept de procès
équitable (Y. Strickler, Procédure civile, op.cit., p.4)
4
V. E. JEULAND, Droit processuel, L.G.D.J, 2007, p.33, n°20.

5
G. de LEVAL, Eléments de procédure civile, Larcier, 2e édition, 2005, collection de la Faculté de Droit de
l’Université de Liège, p.9

6
V. S. P.-MAURICE, Leçons de procédure civile, Ellipses, 2011, p.7, pour qui le droit judiciaire privé intègre à son
champ d’étude non seulement les procédures civiles mais également les procédures commerciales ou
prud’homales, les modes alternatifs de règlement des différends, les voies d’exécution

7
Y. Strickler, Procédure civile, Paradigme, 2010, p.1, n°1.

8
Dans le cadre de ce cours, nous verrons successivement :
-Des caractères, sources de la procédure civile et modes alternatifs (chapitre préliminaire)
-L’action en justice [chapitre 1]
-L’instance [Chapitre 2]
-La juridiction [chapitre 3] (Décision) : elle est prise par une juridiction/

L’ESSENTIEL A RETENIR
-L’importance de toute procédure
-L’Etat n’a pas le monopole de la justice puisque l’on peut avoir recours aux modes alternatifs
de règlement des différends
-Il existe deux sortes de réalisation des droits : non contentieuse et contentieuse.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Bibliographie indicative
C. ROBIN, Droit judiciaire privé, Vuibert, 2005, 284, p.
LOIC CADIET, Théorie générale du procès, PUF
O. STAES, Droit judiciaire privé, Ellipses, 2006, 256, p.
Y. STRICKLER, Procédure civile, Paradigme, 2010, 294, p.
B. ROLLAND, Procédure civile, 2e édition, Studyrama, 2007, 446, p.
F. VINCKEL, Droit de l’exécution forcée, Gualino, 2008, p. 458.
E.JEULAND, Droit processuel, L.G.D.J, 2003, 239, p.
N. CAYROL, « La procédure civile, droit professionnel : à propos du formalisme du
dispositif des conclusions d’appel », RTD Civ. 2021 p.479
LAYER RUDY, « La médiation de recouvrement », La semaine du droit, n°30-34, 26
juillet 2021, pp.1495-1502
ARNAUD DE SAINT REMY, Filmer l’audience : transparence ou justice-
spectacle ? », La semaine du droit, n°30-34, pp.1464-1467
AMRANI-MEKKI SORAYA , « Le droit processuel de la responsabilité civile »,
Liber Amicorum
VAJOU Emmanuelle, « Le procès n’est pas un long fleuve tranquille », La semaine du
droit, édition générale, n°38-20 septembre 2021, pp.1695-1699
ROBIN-SABARD Olivia, « La charge de la procédure, une notion nouvelle au régime
juridique esquissé », Recueil Dalloz, 2021, p.1691
LAFFLY Romain, « Communication simultanée des pièces et des conclusions : en
avant la musique », La semaine juridique, Edition générale, n°26-4 juillet 2022,
pp.1302-1304
Arrêt CCJA 1e chambre du 5 février 2009, n°3, cabinet CAEC, ohadata J-09-276
comment rédiger une requête en cassation ? , pp.448-453
DICTIONNAIRES, ENCYCLOPEDIES

8
D. ALLAND, S. RIALS (Dir), Dictionnaire de la culture juridique, Lamy, PUF,
2003, 2007.
L. CADIET (Dir), Dictionnaire de la justice, 1e édition, PUF, 2004, 1362.
R. PERROT, PH. THERY, Procédures civiles d’exécution, Dalloz, 2005, 879, p.
S. GUINCHARD, G. DRAGO, « Droit constitutionnel et procédure civile », Octobre
2018, Répertoire de procédure civile

CHAPITRE PRELIMINAIRE LES CARACTERES, SOURCES DE LA PROCEDURE


CIVILE ET LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES DIFFERENDS
Nous traiterons successivement des caractères, des sources de la procédure civile (SECTION
1) et des modes alternatifs de règlement des différends (SECTION 2).
SECTION 1 LES CARACTERES ET SOURCES DE LA PROCEDURE CIVILE
Nous étudierons tour à tour les caractères (Paragraphe 1) et sources de la procédure civile
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 LES CARACTERES DE LA PROCEDURE CIVILE
La procédure civile est un droit sanctionnateur en ce sens qu’il sert le droit substantiel. C’est
un droit autonome que l’on retrouve dans un Code à savoir le Code de procédure civile,
formaliste (imposition de délais pour agir 8, demande en justice), impératif (les règles de
l’organisation judiciaire9, de compétence d’attribution10, application dans le temps et
l’espace). En effet, il faut remarquer qu’à défaut de dispositions transitoires, les lois de
procédure s’appliquent immédiatement aux instances futures et même en cours. La survie de
la loi ancienne s’apprécie lorsqu’au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la
juridiction saisie a déjà rendu une décision au fond ou lorsque la loi nouvelle met en cause le
fond du droit (S. PIERRE.-MAURICE, Leçons de procédure civile, op.cit., p.10). Comme
exemple de règles de procédure, nous avons les lois d’organisation judiciaire, de compétence,
d’administration de la preuve, de voies de recours11.
Une autre caractéristique de la procédure civile demeure son utilité et sa noblesse en raison de
l’apparition du droit processuel12. Ce faisant, la procédure civile accède au statut de science du

8
V. Article 1-1 issu du Décret 2001-1151 du 31 2001 modifiant le code de procédure civile (cet article consacre
le principe dispositif qui se décline en trois éléments : introduction, conduite et fin de l’instance.)

9
V. Loi 2014 fixant l’organisation judiciaire

10
Décret 2015 relatif à l’organisation et à la compétence des Cours d’Appel, des TGI et des TI

11
V. H. CROZE et alii, Procédure civile, Manuel pédagogique et pratique, LITEC, 2001, p.16, n°30.

12
V. Frison-Roche, « Pour un droit processuel », D. 1993.9

8
procès13. Enfin, on assiste à un accroissement du rôle du juge. On passe donc d’un juge passif
à un juge actif14, outre la montée en puissance des quasi-juridictions, autorités
administratives15.

PARAGRAPHE 2 LES SOURCES DE LA PROCEDURE CIVILE


Comme toutes branches du droit, la procédure civile a un certain nombre de sources. Nous
avons des sources internes (A) et des sources internationales (B).
A-LES SOURCES NATIONALES OU INTERNES
Concernant les sources nationales, nous pouvons citer principalement :
- Le décret n°64 – 572 du 30 juillet 1964 portant sur code de procédure civile16 ;
- le décret 2001 – 1151 du 31 décembre 2001 portant sur les récentes
modifications apportées au code de procédure civile et de nouvelles procédures de
mise en état.
Les innovations apportées par ce Décret sont mentionnées dans le rapport de
présentation de celui-ci. Il s’agit des principes directeurs (l’introduction de l’instance
par les parties), de l’institution du juge de la mise en état (mettre fins aux lenteurs et à
l’encombrement des juridictions. Le législateur n’a pas manqué de préciser que le juge
de la mise en état a des pouvoirs de régulation, juridiction et instruction), l’exécution
provisoire, l’exception d’incompétence, la péremption d’instance et du référé.
- Le décret 2013-1071 du 6 août 2013 modifiant le décret n°64 – 572 du 30
juillet 1964 portant sur code de procédure civile
A l’instar de ce qui a été fait dans le Décret 2001, dans celui de 2013, les principales
innovations sont contenues dans le rapport de présentation. Il s’agit de l’institution du
rôle d’attente (y sont inscrites les affaires qui ne peuvent être instruites
immédiatement), de la rationalisation des rôles, la célérité (réduction des délais
d’appel), la sanction des procédures dilatoires ou abusives, implication plus active des
parties dans l’instruction (interpellation réciproque directe, interrogation des témoins).

13
S. PIERRE-MAURICE, op.cit., p.9

14
V. Rapport de présentation du Décret 2001-1151 du 31 Décembre 2001

15
C’est l’exemple de la Commission nationale de la concurrence, de l’Agence de Régulation des
Télécommunications et des Postes. V. Article 1er de la loi organique 2017 portant sur Cour suprême

16
Ce code, à l’image de l’ancien code de procédure civile français, ne comportait pas de principes directeurs

8
Cette nature réglementaire ne doit pas occulter les nombreuses lois qui viennent
compléter les règles de la procédure civile. Il s’agit principalement de la loi 84 – 19 du
2 février 1984 fixant l’organisation judiciaire au Sénégal modifiée par la loi n°2014-26
du 3 novembre 2014, de la loi organique 2008 – 35 du 07 août 2008 sur la cour
suprême ( Avec cette loi on a assisté à une fusion du Conseil d’Etat et de la Cour de
cassation). Elle a été abrogée par la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017
abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour
suprême (les objectifs de cette loi organique sont : la maîtrise des délais de traitement
des affaires, la simplification des procédures et l’utilisation rationnelle des ressources
humaines)17 et loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel
modifiée par loi n°2020-14 du 8 avril 2020 ;
-Décret 2015-1145 du 03 Août 2015 fixant la composition et la compétence des cours
d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance ;
-la Constitution18.

B-LES SOURCES SUPRANATIONALES


Concernant les sources internationales, nous pouvons citer la Charte africaine des droits de
l’homme et des Peuples et au niveau communautaire, le Règlement de procédure de la CCJA
(Cour Commune de justice et d’arbitrage) , le Règlement d’arbitrage de la CCJA , le Traité de
l’OHADA (Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique) , l’AUPSRVE
(Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution), l’AUA (Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage), l’AUM (Acte uniforme
relatif à la médiation) adopté le 23 novembre 2017 et enfin, le Règlement N°05/CM/UEMOA
relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA
(25 Septembre 2014)
SECTION 2 LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES DIFFERENDS
Nous étudierons d’abord les modes non juridictionnels (Paragraphe 1) et les modes
juridictionnels (Paragraphe 2).
17
Loi n°2022-16 du 23 mai 2022 modifiant loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant
la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême

18
Aux termes de l’article 9 de la Constitution, la défense est un droit absolu dans tous les Etats et à tous les
degrés de la procédure.

8
Paragraphe 1 -Les modes non juridictionnels
Il s’agit de la médiation (A) et de la transaction (B) ; la conciliation n’ayant pas été citée en
raison de la conception large de la médiation.
A-La médiation
Avait-on besoin d’un Acte uniforme relatif à la médiation sachant que ce mode extra-
judiciaire demeure encré dans la culture africaine ? Le constat est que dès l’origine, seul
l’arbitrage était prévu19. Ainsi, pour combler cette lacune, certains Etats ont édicté des
normes. C’est l’exemple du Sénégal20, de la Côte d’Ivoire et du Burkina. Cet oubli est
désormais réparé par l’adoption le 23 novembre 2017 d’un Acte uniforme sur la médiation ;
lequel est entré en vigueur le 15 mars 201821.
L’Acte uniforme relatif à la médiation s’est inspiré de la Loi type de la CNUDCI de 2002 sur
la conciliation commerciale internationale et adopte une conception large de la médiation à
savoir tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un
tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou
d’un désaccord (ci-après le différend ») découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre
ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités
publiques ou des Etats (article 1er). On remarque que dans cette définition, plusieurs vocables
sont utilisés : conflit, différend. En droit judiciaire privé, d’un point de vue conceptuel, le
conflit est une opposition de points de vue, là où le différend est une opposition portant sur un
point du droit certes, mais les personnes opposées n’ont pas encore saisi le juge. Si tel était le
cas, on parlerait de litige. La médiation peut être conventionnelle lorsqu’elle est mise en
œuvre par les parties, judiciaire, sur demande ou invitation d’une juridiction étatique. Elle
peut également être ad hoc ou institutionnelle notamment lorsque les parties recourent à une
institution de médiation. Ce recours emporte adhésion par les parties au règlement de
médiation de ladite institution.

19
V. Article 148 de l’Ancien Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage

20
Décret n°2014-1653 relatif à la médiation et à la conciliation

21
O. CUPERLIER, « L’Acte uniforme du 23 Novembre 2017 relatif à la médiation dans l’espace OHADA », Cahiers
de l’arbitrage, n°2, p.241. Selon l’auteur, la médiation permet la prise en compte du conflit dans toutes ses
dimensions y compris humaine, sociale, économique et culturelle (n°3).

8
Remarquons qu’après la définition de la médiation, le législateur de l’OHADA s’intéresse à
sa procédure, ses principes directeurs et enfin à l’exécution de l’accord de médiation. A ne pas
oublier que le législateur a parlé du début de la procédure22.
Les principes directeurs de la médiation sont la liberté (article 7 de l’AUM dispose que les
parties sont libres de convenir (…) de la manière dont la médiation doit être conduite),
l’indépendance et l’impartialité du médiateur, la confidentialité et l’efficacité du processus de
médiation (article 8 AUM). Concernant l’exécution, il faut remarquer que si à l’issue de la
médiation, les parties concluent un accord, celui-ci devient obligatoire et les lie. L’accord issu
de la médiation est susceptible d’exécution forcée. Les parties peuvent, par requête conjointe,
déposer celui-ci au rang des minutes d’un notaire avec reconnaissance d’écritures et de
signatures. A la requête de la partie intéressée, le notaire délivre une grosse ou une copie
exécutoire. En outre, l’accord de médiation peut être homologué ou exequaturé par la
juridiction compétente, à la requête conjointe des parties ou, à défaut, à la requête de la partie
la plus diligente. Le juge statue par ordonnance et ne peut modifier les termes de l’accord. Le
seul contrôle qu’il opère demeure celui de l’authenticité de l’accord de médiation. Il doit y
faire droit dans les quinze jours à compter du dépôt de la demande. Cette décision n’est pas
susceptible de recours.
Si l’accord de médiation est contraire à l’ordre public, l’homologation ou l’exequatur peut
être refusé. Cette décision de refus peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant la
CCJA qui doit statuer dans un délai maximum de 6 mois.
Si une décision n’intervient pas dans les 15 jours après vérification de l’accord de médiation,
il bénéficie automatiquement de l’homologation ou de l’exequatur. La partie la plus diligente
saisit le Greffier en chef ou l’organe compétent qui appose la formule exécutoire. Si la partie
adverse estime que l’accord est contraire à l’ordre public, elle saisit la CCJA d’un recours
contre l’acte d’homologation ou d’exequatur automatique dans un délai de 15 jours à compter
de la notification de l’accord revêtu de la formule exécutoire. Dans un délai maximum de 6
mois, la CCJA statue.
NB/ Les autres modes de résolution amiable des conflits sont la négociation et la procédure
participative. Ce dernier mécanisme n’est pas consacré en droit sénégalais.
Quels sont les problèmes d’interprétation posés par l’AUM ? La nature des différends
(d’ordre contractuel ou délictuel ? Pour le législateur Burkinabé, seul le différend d’ordre
22
Article 4 AUM (mise en œuvre par la partie la plus diligente de la convention de médiation écrite ou nom. Si
15 jours après réception de l’invitation, il y a absence de réponse, celle-ci est perçue comme rejet de
l’invitation à la médiation

8
contractuel est visé. Un différend d’ordre civil ou commercial ? Une médiation en matière
sociale et familiale ?23
Dans son article réservé à l’AUM, Madame Sophie Diagne Ndir évoque à la fois les silences
du législateur et l’assimilation de la conciliation à la médiation 24. Les silences concernent
l’ordre public (quelles questions relèvent de l’ordre public, quelles sont celles qui peuvent
faire l’objet de négociation). Toujours au rang des incomplétudes, nous avons la question de
la récusation et responsabilité du médiateur.
Relativement à l’assimilation médiation et conciliation, l’auteure exprime ses réserves car
pour elle, la médiation équivaut à l’accompagnement des parties alors que la conciliation
permet aux parties de rapprocher autour de la question qui les divise par des concessions
réciproques (N’est-ce pas une confusion d’avec la transaction ? Quant à l’ordre public, il est
visé dans deux dispositions : article 825, 1626 )
B-La transaction
Elle est définie à l’article 756 COCC comme le contrat par lequel les parties mettent fin à une
contestation par les concessions réciproques. Au-delà de la définition, nous examinerons les
conditions de validité de la transaction, sa preuve, son caractère inattaquable et ses effets.
Aux termes de l’article 757 du même Code, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer
des droits compris dans la transaction (ces droits doivent être dans le commerce juridique).
La transaction doit être prouvée par écrit et ce, quelle que soit l’importance du litige.
Lorsqu’elles transigent, les parties ne peuvent plus se prévaloir des prétentions qu’elles
avaient formulées. La transaction a un effet extinctif de l’action en justice relativement au
droit litigieux. De même, elle n’est pas constitutive mais déclarative de droits antérieurement
contestés.
Paragraphe 2-L’arbitrage
Trois idées seront examinées : les caractéristiques (A), le fondement (B) et la coopération
entre le juge et l’arbitre (C).
A.Les caractéristiques de l’arbitrage
23
Pour O. CUPERLIER, il faut appliquer l’adage selon lequel le spécial déroge au général. En outre, tout type de
différend devrait être pris en compte pourvu que les parties aient la libre disposition de leurs droits

24
S. D. NDIR, « Acte uniforme relatif à la médiation : regards constructif et critique »,
https://www.actualitesdudroit.fr/browse/afrique/ohada/11576/acte-uniforme-relatif-a-la-mediation-regards-
constructif-et-critique, consulté le 01-12-2018, à 16 h 05 mn.

25
La médiation doit certes refléter la volonté des parties, mais ne pas contrevenir à l’ordre public

26
Refus d’homologation et d’exequatur

8
L’arbitrage est une justice privée, dont la source se trouve dans la volonté des parties (PH.
MALAURIE et alii, Droit des contrats spéciaux, L.G.D.J, 8e édition, 2016, p.659).
Conventionnel de par sa source, l’arbitrage est en effet juridictionnel dans son objet et ses
effets27.
Il a sa source dans le Traité de l’OHADA (article 21 qui parle de « différend d’ordre
contractuel »), le Règlement d’arbitrage de la CCJA en application de l’article 21 du Traité
précité et dans l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
En raison de l’expression « tout arbitrage » visé à l’article premier de l’AUA, il a été jugé
que cet Acte uniforme s’applique tant à l’arbitrage ad hoc qu’institutionnel.
B-Le fondement de l’arbitrage
Il est prévu à l’article 3 AUA révisé en vertu duquel, l’arbitrage peut être fondé sur une
convention d’arbitrage ou sur un instrument relatif aux investissements, notamment un code
des investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements.
C-La coopération entre le juge étatique et l’arbitre
En principe, l’insertion d’une clause compromissoire ou la conclusion d’un compromis exclut
toute compétence du juge. Mais, lorsque la convention est manifestement nulle ou
inapplicable à l’espèce, ce dernier demeure compétent.
De même, le législateur sénégalais a adopté le Décret n°2016-1192 du 3 Août 2016 portant
désignation de la juridiction nationale compétente en matière de coopération étatique dans le
cadre de l’arbitrage pris en application de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage. Ainsi,
le juge compétent pour la composition du tribunal arbitral (article 5), sa récusation (article 7),
la prorogation de la mission de l’arbitre (article 12), et pour statuer sur une convention
manifestement nulle (Article 12 AUA) est le président du tribunal de grande instance dans le
ressort duquel se déroule la procédure d’arbitrage. Dans toutes ces hypothèses, la procédure à
respecter demeure celle visée par les articles 247 et s issus du Décret 2001-1151 du 31
Décembre 2001 ou l’article 820-1 CPC. Le Président du TGI est compétent pour exequaturer
la sentence arbitrale28. Le recours en annulation relève quant à lui de la compétence de la Cour
d’Appel dans le ressort de laquelle se déroule la procédure d’arbitrage. En effet, en matière
d’arbitrage, les seules voies de recours ouvertes sont le recours en annulation, le pourvoi en
cassation devant la CCJA, la tierce opposition. Aux termes de l’article 26 AUA, le recours en
27
L. WEILLER, « Retour sur la liberté de choix des parties à l’épreuve de l’office de l’arbitre », Cahiers de
l’arbitrage n°2, p.205.

28
Il faudra apporter la preuve de l’existence de la sentence arbitrale. Pour l’article 31 AUA, le juge est saisi par
requête

8
annulation n’est recevable que si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une
convention nulle ou expirée
On pourrait également citer le Décret n°2016-1447 du 27 septembre 2016 portant désignation
de l’autorité nationale chargée d’apposer la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA et les
sentences exequaturés par la Cour ou son Président. Au Sénégal, c’est l’administrateur du
greffe de la Cour suprême qui jouit de cette prérogative29.
CHAPITRE I : L’ACTION EN JUSTICE

Contrairement au Droit français où l’action en justice a fait l’objet d’une définition «


expressis verbis30 », en droit sénégalais, toute personne qui s’intéresse à la procédure civile
n’a pas ce privilège. Le législateur règlementaire se contente simplement d’énoncer les
conditions requises pour pouvoir saisir le juge. Pour rappel, l’action en justice revêt deux
caractères : le caractère facultatif car personne n’est obligée d’agir en justice (désistement,
acquiescement) et le caractère libre vu que le fait d’agir en justice ou de perdre un procès
n’est pas une faute.
TAF : annoncer les sections
SECTION 1 : LA THEORIE DE L’ACTION EN JUSTICE
Seront examinées tour à tour la nature (Paragraphe 1) et l’autonomie (Paragraphe 2) de
l’action en justice.
Paragraphe 1 : La nature de l’action en justice
L’action en justice est non seulement une liberté (A), mais également un droit fondamental
(B).
A- L’action en justice, une liberté
Dire de l’action en justice qu’elle est une liberté signifie qu’agir en justice n’est pas une faute
en tant que tel. Il en est de même de la perte d’un procès. Cependant aucun abus n’est toléré 31.

29
Sur le statut de l’administrateur du greffe, V. Décret n°2011-509 MFPE/DGFP/DELC/DEL du 12 avril 2011
portant statut particulier des fonctionnaires de la justice. Ces fonctionnaires sont de la hiérarchie A 1 (ils
exercent les fonctions d’administration, d’encadrement et de gestion du budget, des ressources humaines,
conservent les minutes des décisions, délivrent les grosses et expéditions), là où les greffiers relèvent de la
hiérarchie B 2. Les greffiers tiennent la plume à l’audience, assistent le juge dans les actes de sa juridiction,
authentifient les actes juridictionnels

30
Voir article 30 CPC français : « L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond
de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée ».

31
Au Sénégal, les critères de l’abus de droit sont prévus à l’article 122 du COCC. On peut y déceler l’intention de
nuire d’une part et le détournement du droit de son objectif.

8
Ainsi, l’abus du droit d’ester en justice est sanctionné. En France, traditionnellement, on
exigeait une faute intentionnelle ou grossière, mais aujourd’hui, même si la faute est quasi
délictuelle, elle est retenue. Les sanctions prévues à cet effet sont l’amende civile et les
dommages et intérêts32 (Article 49 de la loi organique n°2017-09 sur la cour suprême)
B- L’action en justice, un droit fondamental
En droit une distinction est parfois opérée entre les libertés fondamentales, les libertés
publiques, les droits de l’homme et les droits fondamentaux, certains allant même jusqu’à
dire que le concept de droits fondamentaux demeure plus approprié que celui de droits de
l’homme33. Quoiqu’il en soit, un droit est dit fondamental en raison de sa consécration par un
texte bien placé dans la hiérarchie des normes et de la valeur protégée. L’action en justice est
fondamentale parce que consacrée par les textes internationaux de protection des droits de
l’homme auxquels le Sénégal fait référence dans le Préambule de sa Constitution 34, partie
intégrante de celle-ci.
Paragraphe 2 : L’autonomie de l’action en justice
L’action en justice demeure autonome de la demande en justice (A) et du droit substantiel (B).
A- L’action en justice et la demande en justice
Tandis que l’action en justice est le droit de saisir le juge, la demande en justice quant à elle
est l’acte de procédure (l’article 1-1 issu du Décret 2001 dispose que les parties accomplissent
les actes de procédure dans les formes et les délais. En droit français, la demande initiale est
définie comme celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au
juge ses prétentions. Elle a un auteur, un destinataire, un contenu, une date, une forme
déterminée35 Donc la différence se situe au niveau de la recevabilité qui concerne l’action en
justice et de la validité relativement à la demande, acte juridique) par lequel s’exerce ce droit.
Il peut s’agir d’une assignation, d’une requête simple ou conjointe, d’une conclusion ou d’une
déclaration au greffe. Faisons remarquer que la requête conjointe et l’assignation valent

32
Voir l’article 278 CPC en cas d’appel abusif ou dilatoire et l’article 49 de la loi organique n°2017-09 portant
Cour suprême. V. Egalement l’article 24 CPC(l’appelant principal qui succombe peut être condamné à une
amende qui ne pourra excéder 20.000)
33
Lesquels ?

34
Nous faisons allusion à la Constitution du 22 janvier 2001 modifiée en 2016 par la loi constitutionnelle.

35
V. N. CAYROL, Action en justice, Mars 2013, Actualisation, Octobre 2018, n°73.

8
conclusion36 (article 33 issu du Décret 2001-1151 modifiant le code de procédure civile). V.
Géraldine MAUGAIN, « Actes de procédure », in Répertoire de procédure, Janvier 2018,
Actualisation Mars 2018 (selon cet auteur, l’acte de procédure est un acte juridique, n°2. Il est
défini comme l’expression d’une volonté destinée à faire avancer la procédure, n°3, acte du
juge et des parties en vertu du principe de coopération 37. De plus, aux termes de l’article 54
issu du décret 2001-1151, le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou de l’autre partie, par
la remise au secrétariat du greffe, au plus tard l’avant-veille de l’audience, du second original
de l’assignation ou d’une copie de la requête.
Remarquons qu’une fois l’acte élaboré, il doit être notifié 38. Enfin, les actes doivent être
accomplis dans les délais. Il s’agit des délais d’action ou temps accordé pour réaliser une
formalité ou exercer une voie de recours d’une part et de délai d’attente tels que les délais de
comparution).
Les conclusions sont des actes de procédure par lesquels le demandeur doit exposer ses chefs
de demande et le défendeur ses moyens de défense39.
L’action en justice peut exister sans demande en justice. C’est le cas lorsque la demande est
irrégulière ou lorsqu’on choisit tout simplement de ne pas saisir un juge. Cette irrégularité
n’entame en rien l’action en justice. Toutefois, l’efficacité de la demande en justice dépend
dans certaines circonstances de l’existence d’une action en justice.
Ainsi, on peut lire à l’article 129 bis issu du Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 que
lorsque la demande est déclarée irrecevable, le juge ne peut pas examiner la prétention au
fond.
En tout état de cause, c’est pouvoir distinguer la manifestation de volonté de son objet
notamment le contenu de l’acte.
La demande, en tant qu’acte de procédure obéit à des conditions de fond et de forme.

B- L’action en justice et le droit substantiel

36
Article 33 issu du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001.

37
V. E. JEULAND, Droit processuel, L.G.D.J, 2007, p.359, n°410

38
V. Article 821et s CPC. Au-delà, notons que l’article 822 du même Code dispose que tous les exploits
d’huissier sont signifiés à personne ou à domicile.

39
L’article 280 bis issu du Décret 2001-1151 du 31 Décembre 2001 précise le contenu des conclusions.

8
Il s’agit d’une question controversée entre ceux qui estiment que l’action en justice et le droit
substantiel sont identiques ; c’est la « théorie unilatéraliste ou unitaire 40 » et ceux qui pensent
le contraire ; c’est la « théorie dualiste ».
A l’examen, on aura remarqué que c’est la théorie dualiste qui est la plus conforme à la
réalité.
En effet, il peut y avoir action en justice sans droit personnel. C’est le cas lorsque le Ministère
public agit en justice et saisit le juge pour défendre un droit prévu par la loi41.
Il peut également y avoir un droit sans action. C’est l’exemple de l’obligation naturelle : une
personne à qui on a promis de donner gracieusement une somme d’argent ne peut saisir le
juge pour réclamer son dû42.
Tout compte fait, il faut distinguer la recevabilité d’une action de son bien-fondé. La
recevabilité d’une demande en justice est le caractère d’une demande rendant possible son
examen au fond par la juridiction saisie43. Le bien-fondé est la conformité d’une demande en
justice aux règles de droit qui sont applicables44 .

L’ESSENTIEL A RETENIR
-La nature de l’action en justice
-Il existe deux thèses qui s’affrontent quant à la distinction entre l’action en justice et le droit
substantiel
Sur les droits fondamentaux
Sur l’abus de droit
SECTION 2 : LES CONDITIONS DE L’ACTION EN JUSTICE
40
C’est la doctrine classique. A ce propos, on peut citer Demolombe selon qui : « l’action, enfin, c’est le droit
lui-même mis en mouvement ».

41
Par exemple introduire une demande de déclaration de présomption d’absence dès que la réception des
dernières nouvelles remonte à plus d’un an. Le TGI est saisi par simple requête (V. Article 17 du code de la
famille). De même, le Ministère public peut, du vivant des époux, exercer l’action en nullité absolue du
mariage lorsqu’il a été contracté par exemple sans le consentement de l’un des époux ou lorsque les conjoints
ne sont pas de sexe différent (article 141, 142 du code de la famille).

42
V. Article 192 et s COCC

43
S. Guinchard et alii, Procédure civile, Dalloz, 3e édition, 2013, collection Hypercours, p.58.

44
S. Guinchard et alii, Procédure civile, Dalloz, 3e édition, 2013, collection Hypercours, p.57

8
Il s’agit des conditions d’existence (Paragraphe 1) 45 et d’exercice (Paragraphe 2) de l’action
en justice.
Paragraphe 1 : Les conditions d’existence ou de recevabilité de l’action en justice
Il s’agit de l’intérêt et de la qualité à agir. Ces conditions sont qualifiées de conditions
subjectives. Elles sont exigées aussi bien du côté du demandeur que du défendeur 46. On
pourrait y ajouter les conditions objectives (C).
A- L’intérêt à agir

L’intérêt à agir est l’avantage que l’on espère avoir en saisissant le juge. C’est le profit ou
l’utilité que l’action est susceptible de procurer au plaideur 47 . Cet avantage peut être matériel,
moral48. L’intérêt doit revêtir certains caractères : il doit être né et actuel (pas de prétentions
tardives), légitime (s’opposer aux prétentions immorales ou illicites), personnel (ne pas
défendre les prétentions d’autrui), sérieux (éviter les prétentions dérisoires, extravagantes).
Donc on peut chercher à contrôler l’objet des prétentions (conditions matérielles ; d’où
l’exclusion des prétentions illogiques, dérisoires ou illicites), il faudrait agir dans le temps
d’où le rejet des prétentions prématurées ou tardives (chose jugée) et défendre ses intérêts
personnels (conditions personnelles).

1°)- L’intérêt né et actuel


C’est celui qui n’est ni hypothétique ni éventuel. Cela signifie qu’une personne ne peut saisir
le juge pour un dommage qui ne s’est pas encore produit. C’est au jour de l’introduction de la
demande que l’intérêt est apprécié. Ainsi, les actions préventives, telles que l’action
interrogatoire qui a pour objet de contraindre une personne disposant d’un délai pour lever
l’option à se déclarer immédiatement49, l’action provocatoire ou de jactance, qui tend à
contraindre celui qui prétend avoir un droit à prouver ses prétentions en justice sinon à se
45
V. R. BERNARD-MENORET, Fiches de procédure civile, 4e édition, 2016, p.23 selon qui l’intérêt à agir, la
qualité et la capacité sont des conditions de recevabilité ; les deux premières de l’action, la dernière consiste en
une capacité juridique de saisir la juridiction.

46
Mélina Douchy-OUDOT, Procédure civile, 3e édition, 2008, collection « Manuels »P.104, n°121.

47
S. Guinchard et alii, op.cit., p.40.

48
Voir l’article 11 du code de la famille qui dispose qu’un intérêt même purement moral peut permettre de
déclencher l’action en réclamation ou en interdiction d’usage.

49
En matière de succession, l’héritier qui accepte sous bénéfice d’inventaire a deux mois pour le faire sauf
prorogation par le juge compétent.

8
taire, l’action déclaratoire qui a pour objet de faire constater l’existence ou l’étendue d’une
situation juridique sont interdites.
Seulement il y a des hypothèses où la loi permet à un possesseur d’exercer l’action en
dénonciation de nouvel œuvre. C’est une action possessoire ouverte en présence d’un trouble
éventuel50. Pour rappel la possession suppose deux éléments constitutifs : le corpus, élément
matériel et l’animus élément psychologique51. On peut également citer l’article 248 issu du
décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 qui dispose que même en présence d’une contestation
sérieuse, le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état qui
s’imposent pour prévenir un dommage imminent.

2°)- L’intérêt légitime

Il s’oppose à l’intérêt immoral ou illicite. L’intérêt est légitime lorsqu’il est protégé ou
reconnu par la loi. Ainsi, lorsqu’une situation juridique n’est pas prévue par le législateur, la
personne concernée par celle-ci ne peut demander au juge de la faire respecter.

Exemple : un concubin ou une concubine ne peut saisir une juridiction sénégalaise pour une
réparation d’un préjudice moral suite au décès par accident de son partenaire.

La question s’était posée avant en 1970 en France où le juge a opposé une fin de non-
recevoir à l’action engagée par une concubine privée de son compagnon décédé des suites
d’un accident52 . Celle-ci demandait réparation d’un préjudice matériel et moral subi 53 . Mais
aussi bien en droit français qu’en droit sénégalais, la notion d’intérêt légitime a été
consacrée54 (Selon GUINCHARD, il faut distinguer bien fondé et recevabilité ; ADDE S.

50
Voir Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière. Dans l’exposé des motifs de
cette loi, le législateur sénégalais précise que l’objectif est d’octroyer un titre foncier définitif et inattaquable.
51
Le possesseur se distingue du détenteur précaire qui certes a le corpus, mais pas l’animus.

52
Cour de cassation, civ., 27 juillet 1937.

53
Mais il y a eu un revirement le 27 février 1970, V. D.1970.201, note R. Combaldieu ; JCP 1970.II.16305,
concl.J. Lindon. Cet arrêt des chambres mixtes a condamné la jurisprudence des chambres civiles. Pour le juge,
il n’est pas nécessaire d’exciper un lien entre le défunt et la victime n’est pas nécessaire.
54
Cette situation n’est pas pour plaire a tout le monde. Pour S. Guinchard, op.cit., p.43, il y a une confusion faite
entre la légitimité ou le bien fondé et le droit d’action. Il en est de même de la jurisprudence [Civ.2e, 6 mai 2001,
Bull.civ. II, n 205] pour qui : « l’intérêt à agir n’est pas subordonne à la démonstration préalable du bien-fondé
de l’action, et l’existence du préjudice invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de
l’action mais de son succès ».

8
Pierre Maurice, Leçons de procédure civile, Ellipses, 2011, p.37. Depuis l’arrêt Dangereux de
1970, l’action de la concubine a été admise).

A côté de ces conditions, il y a celles qui sont objectives. Ainsi, lorsqu’on agit en justice, la
prétention ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs car comme le dit si
bien l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». C’est pourquoi, après le
prononcé de la nullité d’une convention contraire à la morale et aux bonnes mœurs, il n’y aura
guère de restitution. De plus, il ne doit pas y avoir autorité de la chose jugée sous peine de
sanction notamment la fin de non-recevoir (il est vrai que l’article 129 bis alinéa 3 issu du
Décret 2001-1151 utilise l’expression « extinction du droit d’agir »). On peut citer aussi
l’exemple d’une prétention sans objet, illogique, contradictoire, le non-respect de l’ordre de
présentation des demandes en justice.

Il y a également comme condition objective les délais d’action notamment les délais de
prescription et de forclusion ou prefix. Le terme délai signifie « différer ». Dans les
développements suivants, nous reviendrons sur ces éléments un peu plus loin. (à enlever
normalement parce que traités au C)

3°)- L’intérêt personnel


Il traduit l’idée selon laquelle chaque personne doit défendre en justice ses propres droits et
non ceux d’autrui. C’est d’abord la traduction de l’adage selon lequel « nul ne plaide par
procureur »55. Le terme « procureur » est dérivé de celui de « procuration » qui renvoie à
l’idée de mandat.
Mais aussi bien pour les personnes physiques que pour les personnes morales notamment les
syndicats et les associations qui peuvent avoir un intérêt personnel à défendre, l’idée de
représentation a été consacrée. En effet, en Droit judiciaire privé, on distingue la
représentation ad agendum, c’est-à-dire agir à la place d’autrui et la représentation ad litem.
Pour cette dernière catégorie de représentation, nous pouvons citer loi 2009-25 du 8 juillet
2009 portant modification de la loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l’Ordre des
avocats notamment l’article 5 qui donne pouvoir ou qualité aux avocats de plaider, postuler,
assister et représenter les parties en toutes matières. Mais non seulement une personne peut se
défendre elle-même, mais également défendre ses cohéritiers, ses parents et alliés sans
exception en ligne directe et jusqu’au second degré inclusivement en ligne collatérale. En
outre le mari peut plaider et postuler pour sa femme et vice-versa, l’administrateur provisoire
55
Article 29 du code de procédure civile

8
ou le curateur d’office pour les personnes physiques qu’il représente, le tuteur pour ses
pupilles. Ce faisant, les représentants légaux précités ne doivent justifier d’un mandat. Il faut
également signaler que devant le Tribunal d’instance, le ministère d’avocat n’est pas
obligatoire. Mais l’article 4 de la loi 2009-25 précise que les personnes morales de droit privé
ne peuvent intervenir en justice, tant en demande qu’en défense, que par un avocat inscrit au
Barreau56. Un autre texte qui parle de la profession d’avocat, c’est le Règlement
n°05.CM.UEMOA relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat.

Ensuite, l’intérêt personnel signifie qu’aucune personne n’est habilitée à agir pour défendre
l’intérêt général car le Ministère public assure bien ce rôle surtout en matière familiale.

L’adage nul ne plaide par procureur a aujourd’hui une autre signification, qui est celle
d’imposer aux représentants en justice d’une personne de faire figurer dans les actes de
procédure le nom de celle-ci. C’est une manière de monter que l’action n’appartient qu’au
requérant, même s’il devient effectif grâce à un représentant.

Au final, la question de l’intérêt renvoie à ce point de vue de certains auteurs : « N'importe


qui n'a pas le droit de demander n'importe quoi, n'importe quand à un juge 57 ». (à mettre à la
fin)

B- La qualité pour agir

Au-delà de l’intérêt à agir, il y a la qualité qui peut être définie comme étant le titre juridique
en vertu duquel une personne est habilitée à saisir le juge. Il convient ici de distinguer la
défense d’un intérêt personnel du demandeur (action banale et attitrée) de celle d’un intérêt
autre que personnel (l’intérêt général, l’intérêt collectif 58 et l’intérêt d’autrui). (V. Y.-M.
SERINET, « La qualité du défendeur », RTDCiv. 2003, p.203 selon qui la qualité doit être
appréciée tant du côté du demandeur que de celui du défendeur)

1°)- La défense d’un intérêt personnel du demandeur


56
Règlement n°05 (article 5)

57
Il s’agit de G. CORNU et de J. FOYER cités par CAYROL Nicolas, « Action en justice », Répertoire de
droit civil, Marrs 2013 (actualisation : janvier 2016).

58
Voir également l’article 139 du code de la famille qui traitent de l’action en nullité du mariage

8
En principe, il y a un cumul de l’intérêt et de la qualité. Autrement dit celui qui a intérêt à
agir, a aussi la qualité pour le faire. On parle dans ce cas d’ « action banale ». L’article 1-2
issu du Décret 2001-1151 dispose que tous ceux qui justifient d’un intérêt légitime peuvent…

Toutefois, la loi réserve cette qualité à certaines personnes : Il s’agit des actions attitrées ou
réservées (Exemple les dirigeants de la société et non les actionnaires majoritaires, expertise
de gestion ne peut être demandée que par les associés représentant au moins un dixième du
capital). On peut citer l’exemple de l’action en divorce qui est réservée aux seuls époux ou de
l’action oblique.

NB. Pour J.FOYER et CORNU, « dans l’action attitrée, l’intérêt corrobore, le cas échéant, la
qualité, dans l’action banale, la qualité découle de l’intérêt » (Procédure civile, 3e édition,
1996, PUF, coll. « Thémis droit privé », n°78, p.340)

2°)- La défense d’un intérêt autre que personnel

Il s’agit de l’intérêt général (a), de l’intérêt collectif (b) et de l’intérêt d’autrui (c)

a) La défense de l’intérêt général

L’intérêt général est défendu par le Ministère public. C’est le cas, en matière de nationalité où
il peut revêtir tant la qualité de demandeur que défendeur. Cet intérêt met en évidence
l’intervention du Ministère public dans le procès civil. A ce propos, il le fait à titre principal
ou comme partie jointe et dans ce cas, les causes lui sont communiquées pour avis. En droit
français comme en droit sénégalais, le Ministère public peut former un pourvoi dans l’intérêt
de la loi59. Le Ministère public peut agir comme partie principale notamment comme le
prévoient l’article 422 CPCF et l’article 142 du Code de la famille, et demander la nullité d’un
mariage.

b) L’intérêt collectif

C’est un intérêt qui n’est ni personnel, ni général. Il n’intéresse qu’une collectivité identifiable
dont la protection de l’intérêt suppose que la loi donne à une personne déterminée qualifiée
pour agir pour leur défense60. C’est l’exemple de l’action des groupements notamment les

59
V. Article 423 CPCF. Pour le cas du Sénégal, voir l’article 57 de la loi organique sur la Cour suprême.

60
O. STAES, Droit judiciaire privé, Ellipses, 2006, P.50, n°81.

8
syndicats et les associations. L’intérêt collectif est celui pour quoi la personne morale a été
constituée.

En la matière, il existe une différence entre la situation des syndicats et celle des associations.
En effet, les syndicats professionnels ont un pouvoir général d’agir prévu à l’article L15 CTS
(l’impression qui se dégage de l’examen de cette disposition est que l’action en justice ne
s’apprécie qu’en matière pénale puisque l’expression « juridiction répressive » est utilisée.
Dans tous les cas, il faut une atteinte à la profession et à l’intérêt collectif), pendant de
l’article L411-11 CTF, lorsqu’il y a une atteinte à la profession. Si le Code du travail permet
aux syndicats d’agir en justice pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs
membres, tel n’est pas le cas des associations où aucun texte de portée générale ne leur
octroie ce droit61. En la matière, les textes sont épars (condition pour agir tenant à l’objet
social. Il faut donc une habilitation spéciale ou créer l’action en représentation
conjointe(l’association doit être représentative sur le plan national, obtenir mandat d’au moins
deux consommateurs), consacrer la class action62 comme en France. Dans le code de
l’environnement, le législateur sénégalais permet aux associations de défense de
l’environnement et de la nature de saisir les tribunaux administratifs ou de droit commun
lorsqu’elles sont agréées par l’Etat pour faire cesser le trouble cause à l’environnement
(L107). Au-delà des personnes morales, une personne physique peut défendre un intérêt
collectif. C’est le cas du syndic qui représente les créanciers dans la masse. Il agit dans
l’intérêt collectif de celle-ci.

c-La défense de l’intérêt d’autrui

En principe, un syndicat ne peut défendre l’intérêt personnel d’un de ses membres, mais la loi
lui permet de mettre en mouvement l’action en substitution prévue à l’article L98 du CTS
(Code du Travail Sénégalais). C’est ainsi que les syndicats des travailleurs peuvent agir en
justice pour défendre un intérêt personnel d’un travailleur qui a été licencié par exemple,
pourvu que cette action soit prévue dans le cadre d’une convention collective ou d’un accord
d’entreprise et d’établissement, que l’intéressé soit averti et ne s’y oppose pas. Le législateur
sénégalais s’est inspiré de la loi française du 2 août 1989 en vertu de laquelle le salarié ne doit
61
L’association jouit de la personnalité juridique une fois ses statuts régulièrement déposés auprès de l’autorité
compétente et la déclaration enregistrée (article 819 COCC)

62
La class action est prévue à l’article L 423-1 et suivants du Code de la consommation.

8
pas s’y opposer. Remarquons que l’avertissement doit permettre au salarié de s’opposer ou
pas à l’action du syndicat. Selon la Cour de cassation française, l’action de substitution est
une action personnelle du syndicat et non en représentation63.

L’action de substitution existe également en droit des sociétés commerciales à travers l’action
ut singuli exercée par des actionnaires d’une société en lieu et place de celle-ci contre les
dirigeants coupables de fautes de gestion.

Le législateur sénégalais n’a prévu ni l’action en représentation conjointe, ni l’action de


groupe ou class action.

En droit français, l’action en représentation conjointe est prévue à l’article L. 422-1 du code
de la consommation. Selon cette disposition : « lorsque plusieurs consommateurs, personnes
physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un
même professionnel, et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue
représentative sur le plan national en application des dispositions du titre I peut, si elle a été
mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation devant toute
juridiction au nom de ces consommateurs ».

Le législateur sénégalais n’a pas non plus pris en compte la class action qui admet toute
possibilité d’action en justice pour la défense des intérêts d’autrui sans avoir reçu de mandat 64.

En France, c’est avec la loi n o 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite
« loi Hamon » que l’action de groupe a fait son entrée dans l’arsenal juridique (JO n o 0065 du
18 mars 2014, p. 5400. C’est également le cas au Cameroun avec la loi-cadre n°2011/012/ du
06 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun.

C- LES CONDITIONS OBJECTIVES D’EXISTENCE DE L’ACTION EN JUSTICE

Il s’agit de l’absence de perte de l’action, de la non-contrariété de la prétention à l’ordre


public ou aux bonnes mœurs65, de la prétention illogique, contradictoire, du non-respect de
l’ordre de présentation des demandes en justice. L’accent sera mis sur la première condition.

63
Référence ?

64
Même le projet de loi sur les prix et la protection du consommateur n’a pas consacré une telle action.

65
Ici l’adage nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude s’applique.

8
Il existe plusieurs modalités de perte de l’action : les modes volontaires et involontaires. Elles
sont visées à l’article 1-2 issu du Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001.

NB/ Une corrélation doit être faite entre l’article 129 bis issu du Décret 2001-1151 du 31
décembre et l’article 1-2 du même texte.

1- Les modes volontaires d’extinction de l’action

Les modes volontaires d’extinction de l’action sont la transaction (si la contestation est
terminée, il n’y a plus d’action ou d’instance) prévue à l’article 756 COCC, l’acquiescement
et le désistement d’action.

L’acquiescement à la demande signifie que l’on 66 reconnaît le bien-fondé des prétentions de


son adversaire et que l’on renonce à l’action67. Quant à l’acquiescement au jugement, il
signifie renonciation aux voies de recours68. Dans les deux cas, il faut avoir la libre disposition
de ses droits. En droit sénégalais, l’acquiescement est prévu à l’article 56 ter CPC (il appert de
l’examen de cette disposition que c’est la partie adverse qui acquiesce)69

Le désistement d’action signifie que le demandeur abandonne au profit de son adversaire les
prétentions qu'il avait sur le droit objet du litige 70 (cette définition de la chambre sociale n’est
pas celle retenue dans l’encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 4, p.206 qui bilatéralise le
désistement. C’est un acte unilatéral et son auteur doit être apte à disposer des droits litigieux
et capable. Il diffère du désistement d’instance qui certes, met fin à celle-ci mais n’éteint pas
le droit d’agir. Il n’a pas non plus besoin d’être accepté 71, sauf si le défendeur a formé des

66
Dans l’Encyclopédie Juridique de l’Afrique, Tome 4, c’est le défendeur qui est visé. Contra Y. Strickler, op.cit.,
p.157 qui utilise l’expression « plaideur » ; R. BERNARD-MENORET, qui écrit : « reconnaissance du bien-fondé
des prétentions de l’autre » ; H. CROZE et alii, Procédure civile, Manuel pédagogique et pratique, Litec 2001,
p.236, n°744.

67
Cette définition peut résulter de l’examen de l’article 408 du Code de procédure civile français. En droit
sénégalais, aucune définition ne transparaît de l’examen de l’article 1-2 alinéa 2 issu de l’ordonnance du décret
2001-1151 du 31 Décembre 2001 modifiant le Code de procédure civile.

68
Par exemple l’appel ou l’opposition.

69
Il s’agit du défendeur

70
(Soc. 5 nov. 1980, Bull. civ. V, no 799).

71
V. Pour l’acceptation du désistement d’instance, l’article 395 CPC français

8
demandes reconventionnelles. L’article 44 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA
prévoit cette possibilité pour le demandeur certes, mais, pour mettre fin à l’instance, encore
faut-il que le défendeur y consente ou qu’il ne présente aucune demande reconventionnelle
(est-ce une émanation du désistement de sa part 72 ? Dans l’encyclopédie juridique de
l’Afrique précitée, il est précisé que l’accord du défendeur n’est pas nécessaire tant qu’il n’a
pas conclu) ou fin de non-recevoir. Exemple de désistement d’instance : le demandeur se rend
compte qu’il a saisi un tribunal incompétent, veut se procurer d’autres moyens de preuves,
découvre des irrégularités de procédure (V. Encyclopédie Juridique de l’Afrique, op.cit.,
p.206

Le désistement d’action peut résulter des déclarations des parties ou de leurs mandataires faite
à l’audience (consignation dans le plumitif) ou fait et accepté par l’autre partie (simple acte
signé par les parties et signifié d’avocat à avocat). Seuls les effets de ce dernier désistement
sont prévus. Ainsi, dans ce cas, il y a un effet rétroactif. Son fondement textuel c’est l’article
245 CPC (cette disposition concerne-t-elle toutes les formes de désistement ?).

Une dernière catégorie de désistement est prévue en droit français : le désistement d’acte de
procédure par lequel on renonce à se prévaloir d’un acte de procédure fait. Par exemple une
expertise (l’accord de l’adversaire n’est pas nécessaire)

2- Les modes involontaires d’extinction de l’action

Il s’agit de la prescription, de l’autorité de la chose jugée et de l’intransmissibilité des actions.

a) La prescription

Le temps est consubstantiel au procès. En effet, lorsque l’on dit que la procédure civile est
formaliste, on y inclut la notion de délai. Le délai est un « laps de temps fixé par la loi, le juge
ou la convention soit pour interdire, soit pour imposer d'agir avant l'expiration de ce temps 73 ».

Les différents délais pour agir ou délai d’action. Prescription et forclusion. Dans le délai
de prescription, on sanctionne l’inaction du bénéficiaire du droit, ou le non usage de celui-ci.
Le délai de prescription est un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Il s’agit donc

72
V. R. BERNARD-MENORET, op.cit., p.123.

73
CORNU, MALINVAUD, GORÉ et LEQUETTE, Vocabulaire juridique, 10e éd., 2014, PUF.

8
de la négligence du plaideur que l’on sanctionne. Ce délai peut être suspendu ou interrompu.
Pour en apprécier le régime juridique, renvoi est fait à l’article 218 COCC ou à l’article 16 et
s de l’AUDCG (Acte uniforme portant sur droit commercial général). C’est pourquoi E.
JEULAND a écrit que la notion de prescription se situe à l’intersection du droit des
obligations, matière où elle est généralement étudiée, et du droit processuel 74.

Nous avons aussi le délai de forclusion ou de déchéance qui est un délai dans lequel, on
cherche à éviter qu’une situation conflictuelle ne s’éternise. Ce délai touche le fond du droit..
Ce qui est éteint en l’espèce, ce n’est pas l’action en justice, mais le droit 75. Il faut faire
remarquer que la forclusion est une échéance fixée par la loi 76. Le législateur de l’OHADA, à
l’article 17 AUDCG instaure un critère de distinction tenant à la computation (à compter de
l’événement que la loi détermine pour la forclusion et à compter du jour où le titulaire du droit
d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action. Un autre
critère demeure la suspension, la renonciation par le débiteur puisque le délai de prescription
comme de forclusion peut être interrompu par un acte d’exécution forcée).

La remarque qui s’impose c’est qu’il y a une difficulté à dissocier en droit français comme
sénégalais, ces deux délais.

Délai de procédure et délai de prescription. On a tenté de distinguer le délai de procédure


du délai de prescription considéré à mi-chemin du droit substantiel et du droit des
procédures77. Les délais de procédure représentent le temps accordé par la loi pour accomplir
un acte ou pour décider d’une option ouverte. Tantôt on impose un délai pour contraindre les
parties à agir dans un temps donné, ce sont les délais d’action ; tantôt on impose aux parties
d’attendre un certain délai avant d’agir, ce sont les délais d’attente (Y. STRICKLER,
74
Droit processuel, L.G.D.J, 2007, p.294, n°334

75
Voir Mélina Douchy-Oudot, Procédure civile, op.cit., p.106, n°125.

76
V. L’article 17 AUDCG qui parle de « durée fixée par la loi ». Le délai préfix est selon Alain Héraud et André
Maurin, un délai de rigueur qui s’impose à tous et qui ne peut être modifié ; (HERAUD Alain, MAURIN André, La
justice, Dalloz, Aide-mémoire, 1996 p.133. Tel n’est pas le cas en droit OHADA car un acte d’exécution forcée
peut interrompre un délai de forclusion (article 24 AUDCG)

77
Y. STRICKLER, Délai, Septembre 2014 (actualisation : avril 2015)

8
Procédure civile, op.cit., p.147 L’auteur constate la rareté des délais légaux. C’est ainsi que le
plus souvent, ils sont fixés par le juge, V. Article 54-6 issu du Décret 2001-1151 du 31
Décembre 2001). Dans l’étude des délais de procédure, on s’intéresse à la computation, à leur
modification ou à leur fonction et à la sanction.

La computation des délais renvoie à leur décompte. Ainsi, on distingue le point de départ
(dies a quo), du point d’arrivée (dies ad quem). Le dies a quo correspondant au jour de
réalisation de l’événement qui fait courir le délai (notification, remise de l’acte)

Le délai de procédure peut être modifié par la loi pour prendre en compte la distance (délais
de distance. Il est de 2 mois 78, 3 mois79 et 4 mois en fonction de l’éloignement géographique)
ou pour retarder l’exécution d’une obligation80 . Dans ce dernier cas, on parle de moratoires.
Lorsque c’est le juge qui modifie le délai de paiement pour accorder un délai, on parlera de
délai de grâce81. Cette possibilité de modification des délais par le juge est consacrée aux
articles 54-6 issu du décret 2001-1151 et 42 CPC aussi.

Les délais de procédure ont deux principales fonctions : préserver les droits du défendeur
(accorder un temps de réflexion. On donne l’exemple du délai de comparution et de
l’exception dilatoire. La sanction est que l’acte qui serait fait dans ce délai est nul et la
procédure serait entachée d’irrégularité) et contraindre à l’action avec les délais d’action
(éviter la négligence ou le retard coupable. La déchéance ou forclusion est la sanction du délai
d’action. Il peut aussi s’agir de la péremption si on doit accomplir des actes de procédure, les
délais de recours ordinaires ou extraordinaires)

La sanction du défaut d'accomplissement des actes de la procédure dans les délais requis
réside dans le rejet des pièces tardives (art. 135)82 ou encore, l'irrecevabilité des conclusions et

78
Europe, Asie, Madagascar, Réunion.

79
Amérique

80
Article 173 COCC.

81
Article 39 Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution.

82
Code de procédure civile français

8
pièces qui est prononcée d'office dès l'ordonnance de clôture (art. 783)83 ; s'ajoute la radiation
de l'affaire du rôle84 (cette ordonnance n’est pas susceptible de voie de recours).

Les délais de procédure peuvent avoir des sources conventionnelles. C’est l’exemple des
calendriers de procédure institués par le décret 2013-1071. Il faut dire qu’en principe, c’est le
juge de la mise en état qui fixe les délais d’instruction. Les critères de cette fixation sont
fonction de la nature, de l’urgence et de la complexité de l’affaire et ce, après avis des parties.
Le juge de la mise en état peut également, en accord avec les parties ou leurs représentants,
fixer un calendrier de la mise en état. Le calendrier de la mise en état comporte les éléments
suivants : nombre prévisible de renvois, date d’échange des conclusions, de clôture et de
renvoi devant une juridiction de jugement.

b) L’autorité de la chose jugée

L’autorité de la chose jugée constitue une présomption de vérité attachée à la décision rendue.
Elle ne signifie pas impossibilité de remise en cause de celle-ci. Elle signifie plutôt que les
mêmes parties ne peuvent pas revenir devant le même juge pour le même objet et la même
cause. L’autorité de la chose jugée est relative puisque non seulement elle ne vise que les
parties au procès, mais également ne concerne que le dispositif de la décision.

Ainsi, en présence d’une autorité de la chose jugée, on peut soulever une fin de non
recevoir85.

La question à se poser est celle de savoir quelle terminologie utiliser : autorité de la chose
jugée, de force de chose jugée, de force exécutoire, de force de vérité légale, de force
probante, d'irrévocabilité de la chose jugée (épuisement et fermeture des voies de recours), ou
encore d'efficacité du jugement pour s'en convaincre 86. Dans tous les cas, pour Serge
GUINCHARD, l’autorité de la chose jugée est à ranger dans la catégorie de la cohérence de
l’action87

83
V. Egalement, Article 54-25 issu du Décret 2001-1151

84
Article 54-22 issu du décret 2001-1151

85
Article 129 bis alinéa 3 du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001.

86
V. C. BOUTY, « Chose jugée », Juin 2012 (actualisation : avril 2015), Répertoire de procédure civile.

87
GUINCHARD Serge et alii, Procédure civile, Dalloz, 4e édition, Hypercours, 2015, p.53, n°106

8
c) Le décès pour les actions intransmissibles

Le décès d’une partie pour les actions intransmissibles met fin à l’action. La question à se
poser est celle de savoir quelles sont les actions que l’on peut qualifier d’intransmissibles ?
On peut citer l’exemple de la jurisprudence française selon qui « le droit d'agir pour le
respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce
droit88 ». Il s’agit donc de droits intrinsèquement liés à la personne (V. D.1990, p.182). V. Les
actions en divorce, séparation de corps, l’action en révocation d’adoption ou l’action en
recherche de paternité.

Les héritiers peuvent néanmoins continuer l’action du défunt, mais pas mettre en œuvre une
action attachée à la personne de celui-ci89.

Paragraphe 2 : Les conditions d’exercice de l’action en justice


Il s’agit de la capacité d’exercice et du pouvoir de représentation.
A- La capacité d’exercice
« En réalité, écrit H. MOTULSKY, la capacité ne commande pas le droit d'action. En effet, la
capacité de jouissance est nécessaire pour ouvrir l'accès à la justice, elle est donc logiquement
antérieure au droit d'action et même à la régularité : l'accès aux tribunaux précède et couvre la
trilogie procédurale […]. Quant à la capacité d'exercice, celle d'accomplir des actes
processuels en tant que partie, elle ressortit à la régularité de la procédure, et non au droit
d'action90 ». La capacité qui est visée à l’article 1-3 issu du Décret 2001-1151 est celle
d’exercice. C’est dire que pour agir en justice, il faut être capable et par conséquent, les
mineurs non émancipés et les majeurs incapables ne peuvent ester en justice que par personne
interposée.
Faut-il inclure la capacité de jouissance dans les conditions d’exercice ?
Que faire lorsqu’un groupement dépourvu de la personnalité juridique saisit le juge ? En Droit
français, les avis sont partagés entre les différentes chambres de la Cour de cassation
88
RTD civ. 2000. 291, obs. Hauser ; RTD civ. 2000. 342, obs. Jourdain. - Civ. 2e, 8 juill. 2004, no 03-
13.260 ,D. 2004. IR 2088 ; RTD civ. 2004. 714, obs. Hauser
89
RTD Civ, 1994, p.165, RTD Civ 1995, p.684)

90
Droit processuel, op. cit., p. 65. - En ce sens, V. S. GUINCHARD, FERRAND et
o o
CHAINAIS, op. cit., n 124. - CORNU et FOYER, op. cit.,p. 497. - CADIET et JEULAND, op. cit., n 326)

8
relativement à la nature de la sanction. Pour la deuxième chambre civile de la Cour de
cassation, au visa des articles 32 et 117 du code de procédure civile : « L'irrégularité d'une
procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de
fond qui ne peut faire l'objet d'une régularisation91 ».
Mais pour la chambre commerciale, la sanction appropriée est la fin de non-recevoir « Est
irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; cette
situation n'est pas susceptible d'être régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre
une personne dépourvue de personnalité juridique92 ». Nous optons pour cette seconde
solution.
A l’article 1-3 issu de la loi 2001-1151, il n’est pas précisé si la nullité pour vice de fond doit
être subordonnée à la preuve d’un grief ou soulevée à toute hauteur de la procédure comme en
droit français. Sous ce rapport, nous pensons qu’elle doit être soulevée in limine litis.
B- Le pouvoir de représentation

Il est prévu à l’article 1-3 issu du Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001. A lire cette
disposition, l’impression qui se dégage est que seule la représentation ad agendum est prévue
et ce, eu égard à l’expression « représentation en justice du titulaire du droit d’agir ». En effet,
la personne représentée peut être une personne physique ou une personne morale.

Toujours est-il que le défaut de capacité et de pouvoir sont sanctionnés par la nullité pour
irrégularité de fond93.

Paragraphe 3 : La matérialisation de l’action en justice

La matérialisation de l’action en justice s’apprécie par l’accomplissement d’un certain


nombre d’actes de procédure d’une part (A), d’autre part par l’existence de moyens de

91
Civ. 2e, 11 sept. 2003, no 01-14.493 , Bull. civ. II, no 253. - Civ. 2e, 27 sept. 2012, no 11-22.278 , Rev. sociétés
2013. 30
92
(Com. 20 juin 2006, no 03-15.957 , Bull. civ. IV, no 146 ; Dr. et proc. 2006, no 5, p. 299 ; Rev. sociétés 2007.
65 note Barbièri. - Civ. 2e, 20 mars 1989, no 88-11.585 , Bull. civ. II, no 76 ;RTD com. 1990. 601, obs.

Alfandari et Jeantin ).

93
Sur les difficultés à distinguer défaut de pouvoir, de capacité et d’action, (V. ATIAS, L'étrange position
procédure de la personne morale en cas de défaut de pouvoir de son représentant, D. 2008. 2241)

8
défense mis à la disposition du défendeur (B). En somme, l’action se matérialise par la
demande et la défense en justice.

A- La demande en justice

La demande en justice est l’acte juridique par lequel une personne soumet une prétention au
juge.

Elle peut prendre la forme d’une assignation, d’une requête simple ou conjointe ou d’une
déclaration au greffe.

Deux séries de questions seront envisagées : les différentes catégories de demandes et les
effets de la demande.

1°)- Les différentes catégories de demandes

En procédure civile, on distingue deux types de demandes : la demande initiale (a) et les
demandes incidentes (b).

a°)- La demande initiale

Elle est celle qui débute le procès. L’article 53 CPCF en donne une définition 94. On l’appelle
également demande introductive d’instance parce qu’elle marque le point de départ de
l’ouverture du procès. Elle entraîne comme résultat l’établissement pour la première fois d’un
lien juridique d’instance. Comment est-elle formée ? Par assignation, requête conjointe ou
simple, déclaration au greffe95.

b°)- Les demandes incidentes

Elles sont introduites au cours d’un procès déjà engagé. Ainsi, le principe d’immutabilité du
litige s’en trouve remis en cause. On parle d’élargissement d’instance certes, mais pas de
nouveau procès.

Parmi celles-ci, on peut retrouver la demande additionnelle, la demande reconventionnelle et


la demande en intervention.

94
C’est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions.

95
L’article 54-

8
La demande additionnelle est celle par laquelle toute partie au procès ajoute à son
argumentaire d’origine d’autres éléments. Ce faisant, la demande initiale est modifiée par
augmentation, substitution ou restriction. C’est parce que la partie est mieux avertie de la
portée de ses droits. Il existe cependant des conditions de recevabilité de la demande
additionnelle. D’abord, elle doit avoir un lien de connexité avec la demande initiale. Le
législateur sénégalais, à l’article 1-4 du décret 2001-1151 emploie l’expression « lien
suffisant ». Ensuite, la demande additionnelle ne doit pas porter atteinte aux règles de
compétence intéressant l’ordre public96.

La demande reconventionnelle correspond à la situation dans laquelle le défendeur, loin de se


complaire dans le simple rejet de la prétention du demandeur, essaie de renverser la situation
à son profit. Il va donc former une demande à son tour et se défendre en attaquant97.

Exemple : Une femme qui attrait son mari devant le juge pour séparation de corps peut se
retrouver dans une situation inconfortable si ce dernier demande au juge de prononcer le
divorce pour injures graves rendant intolérable le maintien de lien matrimonial. C’est
également le cas du locataire qui demande le paiement de dommages et intérêts pour trouble
de jouissance en réaction à une demande de paiement de loyers.

Il y a trois conditions de recevabilité de la demande reconventionnelle.

D’abord, elle doit tendre à écarter la demande de l’adversaire, ensuite à obtenir la


compensation judiciaire ; enfin, la demande reconventionnelle doit avoir un lien suffisant avec
la demande initiale. Elle est considérée comme une défense au fond par certains auteurs ; ce
qui signifie que sa nature est controversée. En France, elle est admise en première instance ou
en appel. En cassation, seule l’intervention volontaire est admise.

L’intervention est la situation dans laquelle un tiers prend part volontairement ou de façon
forcée à un litige qui est en cours. Il y a deux sortes d’intervention volontaire : principale et
accessoire. L’intervention est principale ou agressive, lorsque le tiers veut que son droit soit
reconnu. Sa prétention est différente de celles dont la juridiction est déjà saisie.

96
Il faudrait certainement comprendre par là, les règles de compétence matérielle.

97
Aux termes de l’article 12 du Décret n°2015-1145 du 3 Août 2015 fixant la composition et la compétence des
Cours d’Appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, les Tribunaux d’instance sont
compétents pour les demandes reconventionnelles qui sont dans les limites de leur compétence eu égard à
leur nature ou montant.

8
L’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. L’intervention
forcée ou appel en garantie ou mise en cause est celle qui demeure une contrainte pour le
tiers. Par exemple, un conducteur condamné suite à un accident causé par lui, appelle en
garantie son assureur. Ou bien une personne intente une action en responsabilité contre une
autre, puis se rend compte qu’elle n’est pas la seule fautive ; un défendeur qui considère qu’il
n’est pas le seul débiteur98.

L’intervention en justice vient remettre en cause le principe de l’effet relatif de la décision de


justice. Il s’agit d’une modification du cadre subjectif du procès.

2°)- Les effets de la demande en justice.

Les effets s’apprécient à l’égard du juge et des parties99.

A l’égard du juge, les effets de la demande entraînent pour conséquence le fait que le juge
doive se prononcer sur l’affaire sous peine de déni de justice. Dans ce cas, il peut se déclarer
incompétent ou déclarer la demande irrecevable ou la procédure irrégulière. En outre, le juge
ne doit statuer que sur ce qui lui a été demandé.

A l’égard des parties, la demande interrompt la prescription ; en plus, elle vaut mise en
demeure au même titre que la sommation 100. Dans le COCC, c’est à l’article 8 qu’on parle de
la mise en demeure, mais pour les obligations de sommes d’argent. Ici, on parle de dommages
et intérêts moratoires.

La demande crée un lien juridique d’instance entre les parties.

Il existe à côté de la demande initiale et incidente, une demande subsidiaire. C’est une
demande qui présente une prétention accessoire au cas où la demande en première ligne ou
principale ne serait pas accueillie. Selon Emmanuel PUTMAN, la demande subsidiaire est

98
Voir pour le droit français, les articles 334 à 338 CPC.

99
La question s’est posée de savoir quand né le procès : est lors de la remise de l’assignation ou de sa remise au
greffe ? Pour la Cour de cassation, c’est lors de la remise de l’assignation (civ 1 er 20 octobre 1998), Procédures,
1998, P.26. Pour la deuxième chambre civile de ladite Cour, (civ, 2e , 26 juin 2003, Bull.civ, II, n°211), s’il n’y a
pas de remise de l’assignation en divorce, le juge n’est pas saisie.
100
V. A cet effet l’article 218 COCC et s.

8
une demande que le demandeur forme de crainte que la fortune ne sourit pas à l’audace de la
demande principale101.

Il faut également faire cas de la forme des demandes incidentes. Ainsi, celles-ci peuvent être
introduites à tout moment, et ce, jusqu'à la clôture de l’instruction et au renvoi de l’affaire à
l’audience de jugement. Un simple acte du Palais suffit, c’est-à-dire échanges entre avocats 102
sauf si la demande incidente est dirigée contre un tiers ou une partie défaillante (A l’article
193 CPC, le législateur précise que l’une des parties n’a pas constitué avocat). Dans ce cas, il
faut soit une assignation, une requête conjointe, une requête simple, soit une déclaration au
secrétariat de la juridiction. Toutes les demandes incidentes sont formées en même temps.

A titre de rappel, les effets procéduraux de la demande sont la création du lien d’instance, la
saisine du juge et le fait que la demande doive être chiffrée (calcul, pluralités des demandes).
En outre, les éléments de la demande sont l’objet (sur quoi porte la prétention ?) et la cause
(fondement de la prétention ou son pourquoi).

B- La défense en justice

La loi a mis à la disposition du défendeur des moyens de défense qui sont au nombre de 03. Il
s’agit de :

- la défense au fond ;
- des exceptions de procédure ;
- et de la fin de non recevoir .

En l’espèce, on distingue l’irrégularité, l’irrecevabilité et la demande mal fondée.

1°)- La défense au fond

C’est un moyen de défense qui tend à détruire le bien fondé de la prétention du demandeur ou
à réduire la portée de son droit. Exemple : un débiteur à qui un créancier ou prétendu tel,
réclame le paiement de la somme de 100 000 FCFA peut lui opposer le caractère non fondé de
la demande au motif qu’il lui a déjà remboursé ce montant ou que la dette n’a jamais existé 103.

101
PUTMAN Emmanuel, « Remarques sur la demande subsidiaire », JCP G, 1991, 1 ; 3493

102
V. article 193 CPC à 196 CPC.

103
Voir article 9 COCC

8
Le régime procédural de la défense au fond met en évidence l’idée que celle-ci peut être
invoquée en tout état de cause, c’est-à-dire en première instance, en appel et en cassation 104.

2°)- Les exceptions de procédure

Les exceptions de procédure105 ont pour objet de déclarer celle-ci irrégulière (exception de
nullité), éteinte (péremption d’instance) ou tendent à en suspendre le cours (exception
d’incompétence, de litispendance, de connexité, exceptions dilatoires). En soulevant une
exception, le défendeur n’accepte pas le débat au fond. Les exceptions de procédure sont
prévues aux articles 110 et suivants CPC. On peut les ranger en trois catégories : celles qui
sont soulevées in limine litis, à toute hauteur de la procédure et celles soulevées en respectant
un ordre.

Nous allons en étudier quelques unes.

- l’exception de litispendance c’est la situation dans laquelle une même affaire, ayant le
même objet, la même cause et les mêmes parties est pendante devant deux (02)
juridictions compétentes. Si les juridictions saisies sont de même degré, celle saisie en
second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre, à la demande d’une partie ou d’office.

Si les deux juridictions sont de degré différent, le renvoi est demandé à la juridiction de
degré inferieur. C’est l’article 116-10 du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 qui
réglemente la question.

- l’exception de connexité est la situation dans laquelle deux (02) affaires différentes
sont pendantes devant 02 juridictions distinctes certes, mais ont un lien de telle sorte
qu’il soit indispensable pour une bonne administration de la justice de les regrouper et
les faire traiter par un seul juge. Si les juridictions sont de degré différent, le renvoi est
nécessairement demandé à la juridiction de degré inférieur. Dans l’hypothèse où les
juridictions sont de même degré, il s’agit d’une faculté accordée au juge.
- L’exception d’incompétence est celle qui tend à dénier à un juge toute compétence
pour se prononcer sur une affaire. En effet, le tribunal peut être incompétent en raison
104
Mais en la matière, il y a un principe car interdiction de présenter des moyens nouveaux.

105
Exception en droit des obligations est une véritable défense au fond. Mais lorsqu’on dit que le juge de l’action
est le juge de l’exception, cette dernière notion signifie moyens de défense tout court.

8
de la matière et de la situation géographique 106. Dans le premier cas, le renvoi peut être
demandé en tout état de cause et si tel n’est pas le cas, le juge est tenu de renvoyer
devant la juridiction compétente.
Lorsque l’exception d’incompétence est soulevée, le tribunal peut se déclarer
compétent ou incompétent. Si l’affaire est en état, c’est-à-dire lorsque la plaidoirie est
commencée et que le juge saisi d’une exception d’incompétence se déclare compétent,
il statue par un seul et même jugement sur la compétence et le fond de l’affaire.
- L’exception de nullité est celle par laquelle le défendeur estime par exemple que les
actes de procédure ne contiennent pas toutes les mentions obligatoires. Il s’agit de la
nullité pour vice de forme. On peut également soulever l’exception de nullité pour
défaut de capacité ou de pouvoir. Il s’agira d’une nullité pour vice de fond107.
Dans le cadre de la nullité des actes de procédure, il existe deux principes : pas de
nullité sans texte et pas de nullité sans grief (démontrer, prouver que tel acte existe).
Une précision s’impose néanmoins : il ne s’agit que des actes de procédure n’ayant
aucun lien avec les voies d’exécution qui sont concernés par ces deux principes. Dans
le cadre des actes de procédure y relatifs, on applique la règle de l’automatisme des
nullités qui bien sûr n’est pas absolue au regard de l’attitude de la Cour commune de
justice et d’arbitrage.
L’exception de non versement de la cautio judicatum solvi est une exception soulevée par un
défendeur sénégalais contre un demandeur non citoyen de l’Etat du Sénégal ayant pour objet
de lui demander de fournir une caution. La raison d’être de la fourniture de cette caution c’est
le recouvrement des dépens au cas où le demandeur perdrait le procès. Faisons remarquer que
le juge ordonne la caution et fixe la somme. Cette somme est consignée. Cependant, si les
immeubles du demandeur sont suffisants pour en répondre, il est dispensé de fournir une
caution. En France, depuis 1975, l’exception de cautio a été supprimée de l’ordonnancement
juridique. Il en est de même de l’exception de communication de pièces.

La sévérité du régime des exceptions est prévue à l’article 129 CPC. Ainsi, toutes les
exceptions, demande en nullité, fins de non-recevoir purement formelles (expiration des délais
de procédure) doivent être soulevées in limine litis, sauf l’exception d’incompétence rationae
materiae et l’exception de communication des pièces.

106
Voir les articles 34 et suivants du CPC sénégalais.

107
Article 826 CPC

8
Il y a un ordre à respecter lorsque l’on soulève plusieurs exceptions. Ainsi, la première des
exceptions à présenter c’est l’exception de caution, ensuite l’exception d’incompétence
relative108, enfin toutes les autres exceptions, qui, il faut le rappeler doivent l’être
simultanément.

3°)- Les fins de non-recevoir

La fin de non-recevoir est un moyen de défense qui tend à déclarer une demande irrecevable
sans examen au fond pour défaut de qualité, d’intérêt, ou pour extinction du droit d’agir (non
respect de délai de prescription ; Voir pour les causes d’extinction du droit d’agir l’article 1-2
issu du Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001).

Il y a 02 sortes de fin de non recevoir :

- Une fin de non recevoir de fond qui peut être soulevée à toute hauteur de la
procédure. Seulement, le juge peut condamner à verser des dommages et intérêts celui
qui se serait abstenu, dans un but dilatoire, de la soulever plutôt. On n’a pas à justifier
de l’existence d’un grief. En outre, le juge peut soulever d’office une fin de non-
recevoir basée sur le défaut de qualité et d’intérêt ou du doit d’agir. Mais il doit
soulever d’office celle ayant un caractère d’ordre public. Les fins de non-recevoir de
fond peuvent être régularisées puisqu’elles suivent le même sort que les défenses au
fond109 ;
- et une fin de non recevoir de forme qui doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire au
début du procès pour être recevable.

La fin de non-recevoir est un obstacle définitif à l’action en justice. Cela la distingue de


l’exception de procédure qui est un obstacle temporaire à la procédure. De ce point de vue,
elle se rapproche de la défense au fond. Mais le rapprochement avec l’exception de procédure,
c’est que la fin de non recevoir paralyse la demande sans examen au fond de l’affaire.
L’article 129 bis issu du décret 2001-1151 n’est pas limitatif puisqu’il utilise l’expression
« notamment ».

L’ESSENTIEL A RETENIR

108
A lire l’article 113 CPC, on se rend compte qu’il s’agit d’une compétence territoriale. D’ailleurs, l’article 114
du même Code le confirme.
109
Voir article 129 CPC.

8
-Avec l’intérêt à agir, on vérifie le sérieux de l’action.

-Les caractères de l’intérêt à agir

-Il y a des actions attitrées

-L’action en justice des groupements

-La perte de l’action

-La matérialisation de l’action en justice : demande et défense en justice

-Les éléments constitutifs de la demande : l’objet et la cause

-Les différentes sortes de demandes : initiale et incidente

-Les effets de la demande : à l’égard du juge et des parties

-Deux sortes de fins de non-recevoir

-Le fond de l’affaire peut ne pas être examiné à cause des moyens de défense

PISTES DE REFLEXION

-La règle pas de nullité sans texte et sans grief

-La prise en compte du temps et de la cohérence à travers les exceptions de procédure

-Les obstacles à l’action en justice

SECTION 3 : LA CLASSIFICATION DES ACTIONS EN JUSTICE

La classification varie selon la nature du droit invoqué (est-ce un droit réel ou personnel,
mixte) et le but de l’action ou l’objet du droit (cherche-t-on à protéger un bien meuble ou
immeuble ?). Suivant cette distinction, nous pouvons dire que nous avons d’une part les
actions réelles et personnelles (Paragraphe 1) et d’autre part les actions mobilières et
immobilières (Paragraphe 2)110.

Paragraphe 1 : La classification en fonction de la nature du droit

110
Sur l’absence d’intérêt de cette classification, V. CAYROL Nicolas, « La nature de l’action en liquidation d’une
astreinte », La semaine du droit, n°38.20 Septembre 2021, pp.1670-1673. Pour cet auteur, c’est un
euphémisme de dire que ces classifications ne sont pas entièrement satisfaisantes.

8
Nous allons étudier l’action personnelle et réelle (A), l’action mixte (B). Avant de mettre
l’accent sur l’intérêt de la distinction (C).

A-L’ACTION PERSONNELLE ET REELLE

L’action personnelle est celle qu’une personne intente à l’égard d’une autre pour réclamer
l’exécution d’une obligation. On peut citer l’exemple de l’action en responsabilité ou en
exécution forcée d’une obligation111.

L’action réelle est celle qu’une personne intente à l’égard d’une autre pour réclamer la
propriété ou revendiquer le respect de la possession d’un bien. Elle vise la réalisation d’un
droit réel112, la reconnaissance et la protection d’un droit réel113.

Il existe une catégorie intermédiaire d’action dénommée « action mixte »

B-L’ACTION MIXTE

L’action mixte est celle qui est à la fois personnelle et réelle. Par exemple l’action en
résolution d’une vente d’immeuble pour défaut de paiement du prix ou le fait qu’un acquéreur
d’un bien immobilier agisse en justice pour exiger l’exécution du contrat, de même que la
délivrance du bien. En la matière, le défendeur est assigné devant le tribunal du lieu de
situation de l’immeuble ou devant le juge du domicile du défendeur. Il s’agit donc d’une
option de compétence.

Dans une décision de justice, le juge français considère que « les actions mixtes (…)
emportent tout à la fois contestation sur un droit personnel et sur un droit réel, de telle sorte
que la décision qu’elles ont pour objet de provoquer en ce qui concerne l’existence du droit
personnel aura pour effet virtuel de résoudre la question de l’existence du droit réel 114 ». On
peut citer l’exemple d’un créancier qui réclame l’exécution d’une obligation de délivrance.

C-L’INTERET DE LA DISTINCTION ACTION PERSONNELLE ET ACTION


RELLE

111
Article 6, article 194 alinéa 1 et 3 et s COCC

112
Action en revendication d’immeubles (article 26, 30 de la loi de 2011 relative à la propriété foncière)

113
BERGEAUD WETTERWALD Aurélie, Procédure civile, cujas, 2017-2018, p.58, n°109

114
Cass. Civ., 6 juillet 1925 : DP 1926, 1, p.25, note CREMIEU.

8
L’intérêt de la distinction réside dans le fait que la juridiction territorialement compétente est
le tribunal du lieu de situation de l’immeuble, s’il s’agit d’une action réelle immobilière 115 et
le tribunal du domicile du défendeur pour l’action personnelle et l’action réelle mobilière.
Donc, il faut dissocier la compétence d’attribution de la compétence territoriale. Pour la
compétence d’attribution, en matière mobilière et personnelle, il y a une compétence de
principe et des compétences exclusives notamment en matière d’état des personnes,
d’obligation alimentaire. Voir également article 202 du code de la famille, 236 du même
Code.

Le deuxième intérêt tient à la qualité de qui peut agir (titulaire de l’action). Dans l’action
personnelle c’est le titulaire de la créance tandis que dans l’action réelle, c’est toute personne
qui se prétend titulaire d’un droit réel qui peut intenter une action en justice. La raison est que
le droit réel est opposable à tous.

Mais les actions personnelles sont plus nombreuses que les actions réelles. L’explication c’est
qu’en fait de meubles possession vaut titre sauf si le possesseur est de mauvaise foi.

En matière mobilière et personnelle, la règle selon laquelle le tribunal compétent est celui du
domicile116 du défendeur souffre d’exception dans certains cas.

Ainsi, en matière de pension alimentaire, le demandeur peut porter l’affaire devant le tribunal
de son domicile. C’est également le cas en matière de succession où le tribunal compétent est
celui du lieu d’ouverture de la succession notamment le dernier domicile du défunt ou « de
cujus117 »

En outre, le législateur a prévu des options de compétence en matière commerciale où le


demandeur peut assigner à son choix le défendeur :

- Devant le tribunal du domicile du défendeur ;


- Devant celui dans le ressort duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée ;

115
Article 34 code de procédure civile. Cet article est une exception à la règle actor sequitur forum rei c’est-à-
dire que le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Ici donc , on désigne un tribunal déterminé.
C’est le cas de l’article 167 du code de la famille, en matière successorale, de société commerciale. Dans
d’autres cas, il y a des options de compétence notamment en cas d’élection de domicile, en matière mixte et de
pension alimentaire.
116
A défaut de domicile, il faut se référer à la résidence.

117
Article 397 du Code de la famille.

8
- Devant celui dans le ressort duquel le paiement devait être exécuté.

Enfin, il y a des compétences exclusives (article 95, 202, 306 du Code de la famille)

A titre de rappel, les règles de compétence d’attribution sont prévues dans le décret 2015-
1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la compétence des cours d’appel, tribunal de
grande instance et du tribunal d’instance, tandis que les règles de compétence territoriale le
sont aux articles 34 à 35 du Code de procédure civile.

On peut citer la loi n°2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et


fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel 118. En
premier ressort, ces tribunaux sont compétents si le taux du litige est supérieur à 10 millions
ou est indéterminé ; en premier et dernier ressort si le taux n’excède pas 10 millions.

Paragraphe 2 : La classification en fonction de l’objet du droit

Ici on qualifie la chose en litige. Nous examinerons d’abord les actions mobilières et
immobilières (A), ensuite l’intérêt de la distinction (B).

A-LES ACTIONS MOBILIERES ET IMMOBILIERES

L’action mobilière a pour but de protéger un droit portant sur un bien meuble contrairement à
l’action immobilière dont l’objet est la protection d’un droit portant sur un bien immeuble. Au
sein des actions réelles immobilières, il y a l’action pétitoire et l’action possessoire.

L’action pétitoire est une action qui tend à sanctionner un droit réel immobilier (il s’agit d’un
droit réel immobilier ou droit substantiel). Elle conduit le juge à déterminer l’existence et ou
le titulaire du droit réel invoqué. Il s’agit de l’action en revendication de propriété, de l’action
confessoire qui protège un droit réel démembré ou accessoire notamment la reconnaissance
d’un droit de servitude (elle appartient au propriétaire du fonds dominant), d’usufruit ou
d’usage, de l’action négatoire qui tend à établir qu’un fonds n’est pas grevé d’un droit
d’usufruit, d’une servitude ou d’un droit d’usage (elle appartient au propriétaire du fonds
servant). Donc ce que l’on cherche à protéger dans l’action pétitoire c’est le droit de propriété
ou ses démembrements. A la différence de l’action pétitoire, l’action possessoire tend
simplement à protéger la possession ou la détention d’un bien. (En l’espèce, on cherche à
mettre fin à un trouble et le juge ne se prononce pas sur le droit matériel).

118
Elle a été modifiée par la loi 2020-14 du 08 avril 2020

8
L’action possessoire est prévue à l’article 2282 du code civil 119. Elle vise la protection d’une
situation de fait notamment la possession ou la détention. Pour certains auteurs, protéger le
possesseur c’est protéger indirectement le droit de propriété120.

Pour protéger le détenteur ou le possesseur, il faut que celui-ci détienne ou possède


paisiblement le bien, donc toute violence est exclue. En outre, le trouble possessoire peut être
actuel (trouble qui affecte) ou futur (trouble qui menace). Pour les conditions de procédure, il
faut se référer aux articles 1264 CPCF.

Il y a 03 catégories d’actions possessoires :

- La complainte est une action ouverte à toute personne dont la possession ou la


détention est troublée par un tiers et qui souhaite obtenir la cessation du trouble. En
effet, le trouble en question est actuel. Exemple, venir chercher du sable sur le terrain
d’autrui.
- la dénonciation de nouvel œuvre est une action qui a pour objet de prévenir un trouble
éventuel. Exemple : Prévenir l’atteinte à une servitude de vue.
- Et enfin la réintégrande qui est une action ayant pour objet de faire cesser un acte de
violence ou une voie de fait (une situation grossière).

Ces actions bénéficient tant au possesseur qu’au détenteur.

B-L’INTERET DE LA DISTINCTION

L’intérêt de la distinction réside dans la compétence juridictionnelle. Ainsi, en matière


mobilière le défendeur est assigné devant le tribunal de son domicile tandis qu’en matière
immobilière, l’affaire est portée devant le tribunal de la situation de l’immeuble litigieux ou
de l’un d’eux si plusieurs immeubles sont en cause.

L’autre intérêt de la distinction réside dans la capacité d’ester en justice. Si l’action


immobilière est considérée comme un acte de disposition121, tel n’est pas le cas de l’action
mobilière, vue comme un acte d’administration.

119
La possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l’affecte ou la menace. Le
détenteur peut bénéficier également de cette protection.
120
Ihering, cité par F.Terre et Ph. Simler.

121
Voir article 300 AUPSRVE

8
Pour engager un procès, plusieurs vérifications méritent d’être effectuées: l’intérêt, la qualité,
la capacité et les délais. Il faut également savoir que la loi a prévu des moyens de défense au
profit du défendeur et se diriger vers le juge compétent qui dans le cadre des actes qu’il
possède, ne fait pas toujours œuvre juridictionnelle.

NB. Il y a des actions mobilières personnelles (action en paiement d’une somme d’argent) et
des actions mobilières réelles (revendication d’un meuble volé). Cette classification vaut
également en matière d’actions immobilières.

L’ESSENTIEL A RETENIR

-La classification des actions varie selon la nature du droit et le but de l’action.

-L’action peut être à la fois réelle et personnelle.

-L’option de compétence.

-Les sources des règles de compétence ne sont pas les mêmes.

-Les actions possessoires.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

N. CAYROL, « Action en justice », Répertoire de procédure civile, Mars 2013, Actualisé en


Octobre 2018.

L’ESSENTIEL A RETENIR

-La loi de 1984 portant organisation judiciaire a fait l’objet d’une révision.

-Changement de dénomination au niveau des tribunaux

-Existence de plus de Cours d’appel.

CHAPITRE 2: L’INSTANCE

8
Le déclenchement de l’instance relève de la compétence des parties. Ce sont elles qui
l’animent, même si le juge n’est pas en reste. Une fois déclenchée, l’instance se déroule sur la
base d’un certain nombre de principes.

Avant de faire un examen approfondi des différentes phases de l’instance, il convient de


déterminer la nature, la cause, l’objet et les parties à l’instance.

Il a existé un débat sur la nature de l’instance. Ainsi, on s’est posé la question de savoir si le
rapport juridique d’instance est un rapport contractuel 122 ou légal (quasi-contrat). Il est vrai
que les parties au procès peuvent aménager celui-ci à leur convenance, dans certaines
situations123 mais, on ne peut occulter que le rapport d’instance est d’ordre légal puisque c’est
d’abord la loi qui fixe le moment de sa naissance, ensuite, une fois le procès né, les parties ont
des obligations à respecter notamment l’accomplissement d’actes de procédure et le respect
des délais de procédure.

La question s’est également posée de savoir à qui doit-on reconnaitre la qualité de partie au
procès. Selon un auteur, une partie est une personne juridique qui agit en justice dans le but de
faire valoir un droit124. Il y a eu égard à cette définition, deux éléments constitutifs de la
qualité de partie : la personnalité juridique d’une part, la saisine du juge et la défense d’un
droit d’autre part. En effet, pour être une partie au procès, il faut exister, être capable (il s’agit
aussi bien d’une capacité de jouissance que d’exercice), avoir pouvoir pour agir.

Il faut distinguer selon que l’on est en matière contentieuse ou gracieuse. Dans le premier cas,
c’est le demandeur et le défendeur qui sont les parties au procès. Dans le second cas, c’est le
requérant125. Faisons remarquer qu’il y a des instances où il n’existe qu’un seul demandeur.
C’est l’exemple de la procédure par défaut et de celle d’ordonnance sur pied de requête.

Au delà de la qualité de partie, il y a la notion de matière litigieuse qui renvoie aux éléments
objectifs de l’instance à savoir l’objet et la cause de la demande. L’objet de la demande

122
En droit romain, l’expression « plaideur », vient de plaid qui signifie accord conclu entre les parties devant le
juge.
123
Le désistement d’instance doit être accepté par l’autre partie

124
B. Kornsprobst, La notion de partie et le recours pour excès de pouvoir, Paris, 1959, L.G.D.J, P.12.

125
Voir Le Procès complexe, in Dictionnaire de la justice.

8
renvoie à la prétention, à ce qui est soutenu devant le juge. Il peut s’agir de l’annulation ou de
l’exécution d’un contrat, de l’engagement de la responsabilité d’un cocontractant ou d’un
tiers. L’objet est fixé par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. On en
revient au principe d’immutabilité du litige et à son exception.

La cause de la demande est le fondement de la matière litigieuse. C’est une notion


controversée. Pour certains, la cause doit être située sur le terrain du droit. C’est donc la règle
de droit invoquée à l’appui de la prétention. Pour d’autres, il faut se situer sur le terrain des
faits. Elle est différente des moyens qui sont des motifs de fait ou de droit formulés à l’appui
de la demande.

Quand prend naissance le lien d’instance ? Il faut dissocier d’avec la naissance du litige, c’est-
à-dire lorsque le juge est officiellement saisi. Et selon l’article 54 du décret 2001-1151, le
tribunal est saisi par la remise au greffe, au plus tard l’avant-veille de l’audience, du deuxième
original de l’assignation ou d’une copie de la requête. Cette question n’a pas été résolue par le
législateur.

SECTION 1 : LE DECLENCHEMENT DE L’INSTANCE

Les parties ont un rôle à jouer dans l’instance certes, mais elles ne sont pas les seules.

Paragraphe 1 : Le rôle des parties dans le procès civil ou la relative maîtrise du procès
par les parties

Les parties jouent un rôle très important dans le procès civil. Elles introduisent l’instance et
fixent le périmètre contentieux. Il s’agit du principe dispositif qui signifie que les parties sont
maîtresses de l’instance étant donné que la procédure civile régit un contentieux subjectif.

Deux notions nous intéressent : l’impulsion de l’instance (A) et la délimitation de la matière


litigieuse (B).

A- L’impulsion de l’instance

L’impulsion de l’instance signifie que les parties introduisent, conduisent et mettent fin à
l’instance.

8
+Aux termes de l’article 1-1 issu du Décret 2001-1151, les parties introduisent l’instance. Ce
principe ne souffre d’exception que parce que la loi le prévoit 126. C’est l’exemple de la saisine
d’office du juge.

Faisons remarquer que la naissance du procès correspond à l’introduction de l’instance qui se


fait par l’accomplissement d’actes de procédure tels que l’assignation, la requête, la
déclaration au greffe et la requête conjointe. Comme nous l’avons précisé, se trouve exclue en
principe la saisine d’office du juge.

+La conduite de l’instance se manifeste par le recours à tel ou tel mode de preuve par
exemple127. Néanmoins les parties doivent accomplir les actes de procédure dans le respect
des délais et formes requis. C’est ainsi que lorsqu’un acte de procédure n’a pas été accompli
dans le délai requis, le juge de la mise en état, régulateur de l’instance, peut demander sa
radiation du rôle ou le renvoi de l’affaire devant le tribunal et la clôture de l’instruction. Ces
deux mesures sont décidées d’office par le juge de la mise en état ou sur saisine d’une partie.
C’est dire qu’il a la latitude de ne pas donner suite à cette demande par ordonnance motivée
non susceptible de recours.

En outre, les parties doivent non seulement alléguer des faits, mais également apporter les
preuves de ce qu’elles avancent. Il s’agit des faits concluants c’est-à-dire pertinents.
Interdiction est faite au juge d’introduire dans le débat des faits qui ne résultent pas des
conclusions des parties. A lire l’article 1-5 issu du décret 2001-1151, on se rend compte de ce
que les faits sont l’apanage des parties. C’est une obligation pour elles de fonder leurs
prétentions sur des faits. Si ceux-ci sont contestés, elles doivent en apporter la preuve,
conformément à la loi. Un renvoi donc est fait aux différentes règles qui traitent de la preuve.
Nous pensons principalement au Code des obligations civiles et commerciales.

+En principe l’instance prend fin par un jugement ou dans les cas prévus par la loi ( on peut
penser ici au cas d’extinction volontaires ou involontaires de l’action en justice). Cependant,
rien n’empêche les parties d’y mettre fin par un désistement ou un acquiescement.

Ainsi, l’instance peut prendre fin par un désistement d’action (les parties renoncent à leur
pouvoir d’agir. Le désistement se produit en cours d’instance. C’est l’action par laquelle le
126
Le législateur sénégalais précise bien que c’est sous réserve des cas où la loi en dispose autrement.

127
Dans le COCC, nous avons des conventions sur la preuve. Si celles relatives à la charge de la preuve se
trouvent interdites, tel n’est pas le cas de celles afférentes aux modes de preuve.

8
demandeur principal ou le défendeur qui a formé une demande reconventionnelle déclare
abandonner ses prétentions à l’encontre de son adversaire. Il faut avoir la capacité et le
pouvoir de disposer du droit litigieux128), un acquiescement (le plaideur reconnait que les
prétentions de son adversaire sont fondées. Il y a deux sortes d’acquiescement : à la demande
et au jugement. Il se produit en cours d’instance), une transaction, prescription, décès d’une
partie pour les actions non transmissibles (actions en divorce par exemple). Il s’agit des
modes non volontaires d’extinction de l’instance. C’est également le cas en matière de
caducité.

B-La délimitation de la matière litigieuse

C’est la fixation du cadre du litige. Elle est expressément mentionnée à l’article 1-4 issu du
Décret 2001-1151 qui dispose que les parties fixent l’objet du litige par l’acte introductif
d’instance et par les conclusions en défense.

+Une fois l’instance liée par les parties, celles-ci ne peuvent modifier les éléments du débat
par des demandes nouvelles à moins que celles-ci aient un lien suffisant avec la demande
initiale. C’est la consécration du principe de l’immutabilité du litige. Ce principe posé
s’inscrit dans la recherche de la cohérence du procès.

Pour le juge, le principe d’immutabilité du litige signifie qu’il ne peut statuer ni sur des choses
non demandées, ni omettre de statuer sur des choses demandées, ni adjuger plus qu’il n’a été
demandé (Pour Serges GUINCHARD, il s’agit plutôt de l’indisponibilité de l’objet du litige).

+Seulement, le juge n’est pas neutre en matière de faits. C’est pourquoi, il doit qualifier ou
restituer aux faits leur qualification129. De plus, il peut inviter les parties à lui fournir les
explications de fait nécessaires à la solution du litige. Enfin, le juge peut ordonner des
mesures d’instruction130 (il s’agit d’une compétence exclusive) . Le juge peut également prêter
128
Le désistement d’instance est également concerné. Il diffère du désistement d’actes de procédure (renoncer
aux effets d’un acte accompli) et du désistement d’action (renoncer au droit en jeu).

129
L’une des raisons est que de la qualification des faits, découle un régime juridique applicable.

130
Voir article 54-13 issu du décret 2001-1151. Cette disposition a été remaniée avec le décret 2013-1071 qui
donne pouvoir au juge de la mise en état de rendre une décision lorsqu’il constate une irrecevabilité manifeste de

8
son concours à la manifestation de la vérité. C’est pourquoi, depuis le Décret 2013-1071,
lorsqu’une partie, un témoin ou un tiers détient des documents ou un élément de preuve
pertinent, le juge de la mise en état ou la juridiction de jugement peut ordonner la production
de celui-ci dans un délai raisonnable131. A travers cette disposition, on perçoit qu’en filigrane,
le législateur opère une distinction entre la communication et la production des pièces. Si cette
dernière notion renvoie au rapport entre partie, tiers, témoin et juge, la première,
manifestation du principe du contradictoire, a trait aux rapports entre parties.

Le juge, malgré le fait que le procès soit l’affaire des parties, n’est pas laissé en rade. Il est
impliqué dans la marche du procès.

Paragraphe 2 : L’implication du juge dans la conduite du procès

L’implication du juge dans la conduite du procès est variable. En effet, on est passé d’un juge
passif avant le décret 2001-1151 du 31 décembre 2001, à un juge actif, à compter de
publication dudit décret.

A- Les pouvoirs généraux du juge

Une fois l’affaire remise à la chambre par le Président du tribunal, celle-ci juge les affaires qui
lui paraissent prêtes à l’être. Dans ce cas, l’affaire est en état, c’est-à-dire au regard de l’article
198 CPC lorsque les plaidoiries sont commencées. Mais, ce jugement ne peut intervenir
qu’après explications des avocats, examen des conclusions et communication des pièces du
dossier. En outre, la chambre juge les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparaît pas à
condition qu’elles soient en état. La chambre juge également les affaires urgentes. En effet,
par affaires urgentes, on entend les oppositions à injonctions de payer, les affaires relatives
aux criées, aux procédures d’expulsion, d’attribution préférentielle, de défense préférentielle
et de défense à exécution provisoire132. Nous sommes ici dans ce que l’on appelle le circuit
court.

la demande.

131
Article 126 issu du Décret 2013-1071.

132
Article 270 issu du Décret 2013-1071.

8
+Au final, eu égard à l’article 54-1 issu du Décret 2013-1071, la chambre saisie juge les
affaires en état, ordonne la réassignation, juge les affaires urgentes, peut renvoyer une affaire
ou impartir des délais.

Avant 2001, le juge avait un pouvoir d’instruction. Il s’agit du pouvoir d’ordonner la preuve
par enquêtes, de descendre sur les lieux, expertise, comparution personnelle.

L’enquête n’est possible que si les parties sont contraires en faits de nature à être établis par
témoins. De même, le tribunal doit trouver que la vérification des faits est pertinente et
admissible. En tout état de cause, l’enquête est diligentée sur saisine d’office du juge ou par
les parties.

La descente sur les lieux suppose que le juge se transporte sur ceux-ci. Quant au recours à
l’expertise, elle suppose des connaissances étrangères au juge et ne peut porter que sur des
questions purement techniques.

Le juge peut concilier les parties même si la règle en la matière est que le préliminaire du
contradictoire n’est pas obligatoire133. Le juge contrôle la marche de la procédure en veillant à
ce que les parties se notifient les conclusions ou se communiquent les pièces du dossier134.

L’omnipotence des parties dans la conduite du procès ne doit pas occulter le pouvoir de
régulation accordée au juge de la mise en état. De ce fait, elle est relative.

B-Les pouvoirs du juge de la mise en état

« Père de vérité, [il peut même] sursoi[r], délaye[r], et diff[érer] le jugement afin que le procès
bien ventilé, grabelé et débattu vieigne par succession de temps à sa maturité » … il faudra
simplement que le juge évite la manière terminale par laquelle le juge Brid'oye, chez Rabelais,
rend justice : « je donne sentence, duquel la chance livrée par le sort des dés135 » !

133
Aux termes de l’article 30 du CPC, toutes les instances sont dispensées du préliminaire de conciliation sauf
dans les cas où la loi dispose autrement. C’est l’exemple de la procédure de divorce prévue dans le Code de la
famille.
134
Aux termes de l’article 48 CPC, la notification des conclusions ainsi que la communication des pièces du
dossier doit se faire dans le délai de trois mois à compter de la mise au rôle général.

135
RABELAIS, Gargantua, Livre 2, chap. 10.

8
Cette citation de Rabelais est un exemple du rôle que doit jouer le juge de la mise en état. Il
est désigné lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugé 136. Dans cette hypothèse, on parle de
circuit long. Aux termes de l’article 54-2 issu du Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001, si
les affaires ne peuvent être jugées sur le siège, elles sont renvoyées à l’audience du juge de la
mise en état. Le renvoi se fait à date fixe, pour éviter des pertes de temps. Le juge de la mise
en état veille au déroulement loyal de la procédure. Il s’agit de la ponctualité de l’échange des
conclusions, de la communication des pièces ; il peut statuer sur les exceptions de procédure,
allouer une provision pour le procès. Ces deux dernières prérogatives renvoient aux pouvoirs
de juridiction du juge de la mise en état. Pour avoir une idée précise desdites prérogatives, il
faut se référer à l’article 54-13 issu du Décret 2001-1151. En guise de précision, il faut faire
remarquer que le 5° de l’article précité traite des pouvoirs d’instruction du juge de la mise en
état.

Il a été soutenu au sein de la doctrine que la procédure civile se rapproche de plus en plus de
la procédure pénale vu que le juge de la mise en état a de prérogatives inquisitoriales.

Seulement, lorsqu’on examine le rapport de présentation du décret 2001-1151 du 31


décembre 2001, on se rend compte que l’institution du juge de mise en état répond plutôt à un
besoin de lutte contre les lenteurs de la procédure par une coopération plus active avec les
parties et les avocats.

+Au final, faisons remarquer que la délimitation des pouvoirs du juge et des parties dans le
procès civil se manifeste par l’adage donne moi les faits, je te donne le droit. Cet adage est
remis en cause puisque le JME peut inviter les parties à s’expliquer sur les faits et le droit
nécessaire à la solution du litige. Le principe est énuméré à l’article 1-6 du décret 2001-1151:
le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui sont applicables. Mais le
juge doit restituer aux faits leur qualification.

Ainsi, le juge contrôle les règles de procédure notamment veiller à ce que les parties
accomplissent les actes de procédure dans les formes et les délais requis, respectent le
contradictoire. Le juge de la mise en état régule l’instance. Ce faisant, il peut entendre les
avocats, leur adresser des injonctions, leur faire toute communication utile, fixer les délais
nécessaires à l’instruction en prenant pour critères la nature de l’affaire, l’urgence et la

136
Article 54-2 issu du Décret 2001-1151 du 31 Décembre 2001 modifiant le Code de procédure civile.

8
complexité de l’affaire ; le tout, après avoir provoqué l’avis des parties. Le juge de la mise en
état peut proroger les délais.

Après la phase d’impulsion de l’instance, il y a celle de son déroulement.

L’ESSENTIEL A RETENIR

-L’instance se déroule sur la base de principes directeurs.

-On est passé d’un juge passif à un juge actif avec le JME.

SECTION 2 : LE DEROULEMENT DE L’INSTANCE

L’instance peut se dérouler sans(Paragraphe 1) ou avec des incidents (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le déroulement sans incidents

Le déroulement sans incidents de l’instance se manifeste à travers la contradiction, la


procédure par défaut et la procédure gracieuse. L’accent sera mis sur la contradiction (A), la
célérité (B) et la procédure par défaut (C).

A- La contradiction

Le principe du contradictoire est un des principes directeurs les plus importants de la


procédure civile (1). Seulement, malgré cette importance, il convient de faire remarquer que
toutes les procédures ne sont pas contradictoires (2).

1°)- Les procédures contradictoires

Le principe du contradictoire signifie qu’une partie ne peut être jugée sans qu’on puisse
l’entendre. Ce faisant, elle doit être avertie de l’introduction d’une procédure à son encontre et
être en mesure de discuter les prétentions de son adversaire. Ces dernières situations sont
envisageables en cas de communication des pièces du dossier et de notification des actes de
procédure.

Pour ce qui concerne la notification, il faudra se référer aux articles 822 et s du CPC. En effet,
la notification signifie porter à la connaissance d’une personne l’existence d’un acte de
procédure. Lorsqu’elle est faite par huissier, on parle de signification.

8
Elle est faite par exploit d’huissier à personne ou à domicile. A qui remet-on la copie dans ce
dernier cas ? A la personne directement concernée, à défaut, à un parent, allié ou serviteur. Si
aucune des personnes précitées n’est trouvée, l’acte est remis à un voisin.

Que faire dans l’hypothèse où la personne interpellée refuse de prendre l’acte ou ne peut être
dûment identifiée ? L’huissier remet la copie au maire ou à son adjoint.

Pour protéger la vie privée du défendeur, lorsque l’acte est remis à une autre personne que lui,
l’huissier délivre une enveloppe sous plis fermée où est mentionnée d’un coté le nom, prénom
et adresse de ce dernier et de l’autre le cachet de l’huissier.

Le juge est tenu de respecter le principe du contradictoire. Comme le précise l’article 1-6 issu
du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 : « il doit, après avoir provoqué les explications
des parties, soulever d’office les moyens de purs droit, quelque soit le fondement juridique
invoqué par celles-ci ». Il en est de même du Ministère public surtout lorsqu’il est partie
principale137.

+Communication des pièces du dossier

Les pièces du dossier renvoient aux éléments probants ou venant corroborer les allégations
des parties. Il peut s’agir des contrats, des procès-verbaux, des actes de désignation. Dans tous
les cas, les faits sur lesquels se base le juge doivent être probants ou pertinents. C’est la raison
pour laquelle, l’assignation doit être accompagnée d’un bordereau des pièces à peine de
nullité.

2°)- Les procédures non contradictoires

Les procédures non contradictoires sont la matière gracieuse et la procédure d’ordonnance sur
pied de requête. Nous nous focaliserons sur la deuxième catégorie de procédures non
contradictoires.

Le caractère non contradictoire d’une procédure est expressément prévu par la loi. Il faudra se
référer aux articles 820-1 du Code de procédure civile qui précisent que le Président du
Tribunal d’instance ou du Tribunal de grande instance est saisi par requête pour les mesures
urgentes qui ne nécessitent pas qu’une partie soit appelée. Cette possibilité est également
137
RTDCiv 1993. 630, RTDCIV 1996.1028

8
envisageable devant le premier président de la Cour d’appel. Dans ce cas, on parle de
contentieux inversé.

-Sursis à exécution

B- La célérité

La célérité138, en procédure civile est matérialisée par des procédures bien déterminées telles
que la procédure de référé (1) et les procédures d’injonction (2). L’expression « célérité »
n’est visée que par l’article 251 issu du Décret 2001-1151 du 31 Décembre 2001.

1°)- La procédure de référé

Le principe de célérité suppose que le procès doit se dérouler dans un délai raisonnable 139.
Pour dire d’un procès qu’il s’est déroulé de façon raisonnable, trois critères sont utilisés par la
Cour Européenne des droits de l’homme : la complexité de l’affaire, le comportement du juge
et celui des parties notamment de leurs avocats. La jurisprudence française qualifie le
manquement au délai raisonnable de faute lourde, déni de justice qui pourrait justifier que l’on
condamne l’Etat pour fonctionnement défectueux de la justice.

C’est ainsi que certaines procédures ont été instituées pour prendre en compte l’idée de
célérité ou de rapidité. C’est l’exemple de la procédure d’ordonnance sur pied de requête que
nous avons citée ci-dessus et de la procédure de référé.

Si la procédure d’ordonnance sur pied de requête n’est pas contradictoire, du moins, lors de la
première phase, tel n’est pas le cas de la procédure de référé introduite devant le juge par
assignation ou par ordonnance.

Il y a plusieurs catégories de référé :

- Le référé urgence : C’est une procédure en vertu de laquelle le Président du tribunal


est saisi d’une affaire urgente dépourvue de toute contestation sérieuse ou que justifie
l’existence d’un différend ;

138
Différentes significations de la célérité selon S.A.MEKKI, « Le principe de célérité », RFAP/1, n°125, pp.43-53 :
extrême urgence, délai raisonnable de la procédure. Mener une procédure sans perte de temps, efficacité.
Cependant, pour l’auteur la célérité n’est pas un principe car venant derrière l’exigence de qualité de la justice.

139
V. Contra S.A.MEKKI, op.cit.,

8
- Le référé-conservatoire : en vertu duquel le juge peut prescrire des mesures
conservatoires ou de remise en état et ce, même en cas de contestation sérieuse soit
pour prévenir un dommage imminent140 soit pour faire cesser un trouble
manifestement illicite. Ici, l’urgence n’a pas à être démontrée car elle est présumée141.
- Le référé-provision : c’est la procédure par laquelle le demandeur, lorsque l’obligation
du défendeur n’est pas sérieusement contestable, peut solliciter du juge l’allocation
d’une provision ou somme d’argent avant que le fond de l’affaire ne soit vidé. Ici,
également et comme dans le référé-conservatoire, l’urgence n’a pas à être démontrée.
- Le référé-injonction : Le juge peut ordonner l’exécution de l’obligation, même de
faire.
- le référé sur difficulté : c’est une procédure enclenchée lorsque le défendeur éprouve
des difficultés à exécuter une décision de justice ou un autre titre exécutoire. Ce
faisant, il va saisir le Président du Tribunal.

Comment le juge des référés est-il saisi ? Par assignation adressée au Président du tribunal ou
à son remplaçant. Mais on peut assigner à l’audience, à l’hôtel, à l’heure indiquée et les jours
de fête. C’est le référé d’heure à heure.

L’ordonnance du juge des référés comporte des effets qui fondent son efficacité. Ainsi,
l’ordonnance du juge des référés n’a pas l’autorité de la chose jugée au principal, elle est
exécutoire par provision. Elle peut être exécutoire sur minute.

Les voies de recours. La seule voie de recours admise c’est l’appel qui est de 15 jours à
compter de la signification de l’ordonnance.

D’autres mécanismes symbolisant la célérité peuvent être utilisés. C’est le cas de celle
consistant pour le juge de se prononcer sur les affaires pour lesquelles le défendeur ne
comparaît pas si elles sont en état d’être jugées sur le fond, de l’assignation à jour fixe( une
partie invite une autre à se présenter devant le juge en cas d’urgence aux jour, heure et lieu
fixés par elle ), de la technique de la passerelle prévue à l’article 248 issu du décret 2013-
1071 modifiant le Code de procédure civile. Par cette technique, le juge des référés saisi d’une
demande excédant ses pouvoirs renvoie l’affaire à une audience dont il fixe la date pour que

140
C’est un dommage qui certes ne s’est pas encore produit, mais se produira certainement si la situation
perdure. V. Cass.com., 13 avril 2010, n°09-14386

141
Cass, 3e civ 22 mars 1983

8
l’on s’y prononce sur le fond. Ce faisant on évite que le demandeur dont la demande est jugée
irrecevable de saisir le juge du fond. A preuve, à l’alinéa in fine, il est précisé que
l’ordonnance emporte saisine du tribunal.

2°)- Les procédures d’injonction

Il s’agit de la procédure d’injonction de payer, et/ou délivrer ou restituer que l’on peut
retrouver dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et voies d’exécution.

C-La procédure par défaut

Il peut arriver que le défendeur ne soit pas cité à personne et qu’au jour mentionné dans
l’assignation, il ne comparaisse pas, ni personne pour lui. De même, le défaut s’apprécie
lorsque l’une des parties est dûment convoquée et ne se présente pas, ni personne pour la
représenter, sans motif légitime. Dans cette dernière hypothèse, on parle de procédure réputé
contradictoire. C’est dire que le défendeur est jugé comme s’il était présent, c’est-à-dire
comme si le principe du contradictoire a été respecté à moins que le demandeur ne consente à
un ajournement ou que le juge n’ordonne sa réassignation ou le renvoi à une date ultérieure.
Cette dernière hypothèse concerne uniquement le demandeur.

V. Article 54-1 issu du décret 2013-1071

Paragraphe 2 : Le déroulement avec incidents

Les incidents de procédure sont nombreux. Certains ont déjà été étudiés notamment les
exceptions de procédure (dilatoires142), les demandes incidentes (demandes additionnelles,
reconventionnelles et intervention). L’étude de certains incidents est plus appropriée dans le
cadre d’un cours de droit processuel ou théorie générale du procès. Il s’agit des incidents
relatifs au personnel judiciaire (renvoi, récusation). D’autres encore sont relatifs à la jonction,
disjonction, à l’interruption et à la suspension de l’instance et à l’extinction d’instance
(désistement d’instance, d’un acte de procédure143, d’action, péremption d’instance, caducité
142
Son objectif est d’obtenir un délai. Ils sont prévus à l’article 117 CPC. On présente les exceptions dilatoires
conjointement et avant toute défense au fond. C’est l’exemple de l’héritier qui dispose d’un délai pour accepter
une succession, lorsque le défendeur bénéficie d’un délai d’attente. On peut également citer le cas de l’appel en
garantie notamment dans les situations tripartites où nous avons un créancier, un débiteur et son garant.
143
En la matière, la procédure n’est pas éteinte. De même, un acte unilatéral suffit et l’avocat n’a pas besoin de
pouvoir spécial. C’est l’exemple du désistement d’une procédure incidente, de conclusions additionnelles ou

8
de la citation et acquiescement), aux documents et pièces (la production forcée des pièces 144,
la vérification d’écriture145 et la procédure d’inscription de faux146)

Si la jonction, la disjonction, l’interruption et la suspension affectent provisoirement


l’instance, tel ne pas le cas de la péremption, du désistement et de l’acquiescement à
l’instance.

A- La péremption

La péremption d’instance est prévue à l’article 240 issu du décret 2001-1151du 31 Décembre
2001. Aux termes de cette disposition, l’instance est périmée si aucune des parties
n’accomplit des diligences pendant deux ans. Aux discontinuations des poursuites, s’est
substituée la notion de « diligences ». De même, le délai n’est plus trois ans, mais deux ans.
En la matière, le législateur s’est largement inspiré de son homologue français et s’inscrit dans
une démarche de réduction des pertes de temps.

La péremption d’instance peut être demandée par n’importe quelle partie au procès c’est-dire
donc en demande ou en défense147. A peine d’irrecevabilité, elle doit être demandée ou
opposée avant tout autre moyen. Le législateur sénégalais précise que la péremption peut être
soulevée d’office par le juge. La raison est que la péremption est de droit.

En cause d’appel ou d’opposition, la péremption d’instance confère force de chose jugée au


jugement.

La péremption d’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un
acte après l’expiration du délai de péremption. De même, elle n’éteint pas l’action, mais plutôt
l’instance.
reconventionnelles.

144
Elle est prévue à l’article 126 issu du Décret 2013-1071. Aux termes de cette disposition, le document ou tout
élément de preuve pertinent peut être détenu par un tiers, un témoin ou une partie. En guise de précision, faisons
observer que la production des documents ou éléments de preuve peut être l’apanage du juge de la mise en état
ou de la juridiction de jugement. Le juge saisi à la requête de l’une des parties.
145
Elle concerne les actes sous seing privé.

146
Elle est relative à l’acte authentique. Voir par exemple l’article 18 du COCC. On peut également consulter
avec intérêt les articles 130 à 131 du Code de procédure civile. La remarque est qu’en matière de faux relatif à
un acte sous seing privé, celui qui veut se prévaloir de l’acte doit être la sincérité de celui-ci contesté. Tout le
contraire est pour le faux relatif à un acte public ou authentique.

147
Dans ce cas, la partie doit accomplir l’acte après l’expiration du délai de péremption.

8
B- Le désistement

C’est une renonciation du demandeur à une instance ou à une action.

Dans le premier cas, le demandeur fait une offre au défendeur d’arrêter l’instance sans
attendre qu’un jugement ne soit rendu.

On peut avoir affaire à deux formes de désistement : celui qui est fait et accepté et celui qui
émane d’une déclaration des parties ou de leurs mandataires à l’audience. Dans ce dernier cas,
le désistement est consigné dans le plumitif. Le désistement qui est fait et accepté peut
prendre la forme de simples actes signés par les parties ou leurs mandataires qui doivent être
munis d’un pouvoir spécial. Il peut également être signifié par acte d’avocat à avocat. Le
législateur sénégalais n’a pas fait comme en France où il est dit de façon expresse que la
validité du désistement d’instance en première instance est subordonnée à l’acceptation du
défendeur. C’est dire que le désistement d’appel, d’opposition ou du pourvoi en cassation peut
être unilatéral sous réserve des exceptions prévues par la loi148.

Seulement, en droit OHADA, l’article 44 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA


dispose que le désistement d’instance entraîne son extinction si le défendeur y consent ou s’il
n’a présenté aucune demande reconventionnelle ou une fin de non recevoir.

Les effets du désistement sont prévus à l’article 246 CPC. Ainsi, lorsqu’il a été fait et accepté,
le désistement comporte consentement de remettre les choses à l’état où elles étaient avant la
demande et paiement des frais par la partie qui s’est désisté. L’impression qui se dégage de la
lecture de l’article 246 CPC c’est que seul le désistement fait et accepté a un effet rétroactif.
L’imprécision du législateur sénégalais s’apprécie également dans le fait que l’on ne sait pas
si en parlant du désistement tout court dans le CPC, il ne vise que le désistement d’instance ou
d’acte de procédure seulement ou les deux. Si le désistement d’action est exclu de cette
énumération, c’est parce qu’il est cité à l’article 1-2 issu du décret 2001-1151.

Ce qui demeure certain c’est que le désistement d’action porte sur le droit lui-même. C’est
pourquoi la capacité de disposer du droit litigieux est requise.

C- L’acquiescement

148
V. Par exemple article 401 CPCF.

8
Ici, un plaideur se soumet à la demande de l’autre. Il y a un acquiescement à la demande ou au
jugement.

Dans le premier cas, on reconnait le bien fondé des prétentions avancées par l’adversaire.
Dans le second cas, on renonce à l’exercice de toutes les voies de recours, qu’elles soient
ordinaires ou extraordinaires149.

Paragraphe 3 : La gestion de l’instance

Les parties peuvent gérer l’instance en la modulant à leur guise (A). De même, la loi
encourage de plus en plus une gestion consensuelle de l’instance entre les parties et le juge.

A- Les relations entre les parties

Aux termes de l’article 114-2 issu du décret 2001-1151, les parties peuvent valablement
modifier les règles de compétence territoriale. Nous sommes ici en présence d’une clause
attributive de compétence qui n’existe qu’en présence d’une compétence territoriale et ce, de
façon non absolue, vu que la disposition précitée l’exclut concernant les règles ayant pour
source l’organisation des voies de recours.

Faisons remarquer que rien n’empêche les parties à un procès de mettre fin à celui-ci de façon
conventionnelle. C’est l’exemple de la transaction prévue à l’article 756 COCC, contrat par
lequel les parties mettent fin à une contestation au moyen de concessions réciproques.

De même, on peut passer d’une procédure judiciaire à celle arbitrale. Au regard de l’article 29
de l’Acte uniforme portant droit commercial général, la durée du délai de prescription peut
être abrégée ou allongée à condition toutefois de ne pas être inférieur à un an ou supérieur à
dix ans.

Contrairement au droit français, le législateur sénégalais n’a pas prévu la procédure


participative assistée par avocat. L'article 2062 du code civil définit ainsi l'acte fondateur de
la procédure participative : c'est la « convention par laquelle les parties à un différend n'ayant
pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement
et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend » ; plus précisément, en matière
familiale, l'article 2067 du code civil ajoute qu'une convention de procédure participative

149
Voir pour l’appel, les articles 56 ter et 256 CPC.

8
« peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière
de divorce ou de séparation de corps150 ».

B- Les relations entre les parties et le juge

Avec la réforme du Code de procédure civile issu du Décret 2013-1071 modifiant le Code de
procédure civile, les contrats de procédure ont été institués. Seulement, la remarque que l’on
peut faire c’est que le législateur n’a prévu que les calendriers de procédure et non les
protocoles de procédure accords passés entre les juridictions et les auxiliaires de justice.
Toujours avec le décret 2013-1071 du 6 août 2013, on opte pour une collaboration dans la
manifestation de la vérité avec la consécration de la production forcée des moyens de preuve.

L’ESSENTIEL A RETENIR

-L’instance peut se dérouler sans ou avec des incidents

-Avec la réforme de 2013, on remarque plus de coopération entre les parties et entre celles-ci
et le juge.

CHAPITRE 3 : LA JURIDICTION

L’intérêt d’étudier ce chapitre, c’est de pouvoir savoir quels sont parmi les actes que pose le
juge ou les décisions, ceux qui méritent d’être qualifiés de juridictionnels. Comme on dit, tout
ce qui est judiciaire n’est pas juridictionnel (SECTION 1). En outre, la compétence du juge
mérite examen (Section 2).

SECTION 1 : L’ACTIVITE DU JUGE

Nous verrons d’abord l’acte juridictionnel (Paragraphe 1), ensuite l’acte non juridictionnel
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’acte juridictionnel

V. Nathalie Fricero, Procédure participative assistée par avocat, Répertoire de procédure civile, 2013,
150

Actualisé en 2016.

8
L’intérêt c’est de distinguer la décision juridictionnelle de celle simplement administrative.
Nous verrons d’abord les différents critères proposés (A) ; ensuite les effets de l’acte
juridictionnel (B).

A- Les critères de l’acte juridictionnel

Il existe plusieurs critères de l’acte juridictionnel dont le critère formel (1) et le critère
matériel (2).

1°)- Les critères formels

Trois critères sont dégagés en l’espèce : le critère organique, procédural et l’autorité de la


chose jugée.

a°)- Le critère organique

Dans ce critère, on s’attache à l’autorité dont émane la décision, donc à l’auteur de l’acte qui
est un organe hiérarchisé, spécialisé, indépendant et impartial. Si la décision émane d’un
organe répondant à cette définition, l’acte est juridictionnel. On a objecté à cette définition
proposée par Carré de MALBERT qu’il y a des autorités administratives indépendantes qui
rendent des décisions juridictionnelles sans pour autant être des organes juridictionnels. De
même, les juges d’examen prononcent des décisions sans caractère juridictionnel.

b°)- Le critère procédural

Dans ce critère, on considère comme juridictionnel, un acte élaboré selon une procédure
particulière donnant des garanties aux plaideurs. On a rétorqué qu’il y a des décisions telles
que celles du Conseil de l’ordre qui respectent une certaine procédure sans être
juridictionnelles.

c° )- Le critère relatif à l’autorité de la chose jugée

Dans ce critère, un acte est juridictionnel lorsqu’il a l’autorité de la chose jugée.

On a objecté à cette proposition, que la nature d’un acte ne se détermine pas par ses effets.

En conclusion est prise en compte :

-La qualité de l’auteur de l’acte

8
-La procédure suivie (le respect des droits de la défense)

-L’autorité de la chose jugée

2°)- Les critères matériels

En l’espèce, nous avons un critère structurel et un critère téléologique tenant au but de l’acte.

a°)- Le critère structurel

Dans le premier cas, on considère qu’est juridictionnel, un acte qui comporte une prétention,
une contestation et une décision.

Pour le critère de la contestation, c’est-à-dire opposition de prétentions antagonistes, l’acte


est juridictionnel lorsqu’il y a un litige à trancher.

b°)- Le critère téléologique ou tenant au but de l’acte.

Le critère téléologique s’intéresse au but ou à la finalité de l’acte.

B- Les effets de l’acte juridictionnel

Il s’agit des effets substantiels (1) et processuels (2).

1°)- Les effets substantiels

L’acte juridictionnel comporte des effets substantiels notamment la force obligatoire, c’est-à-
dire que les décisions ont force exécutoire ou force de loi entre les parties au procès.

2°)- Les effets processuels

Concernant les effets processuels notamment l’autorité de la chose jugée, elle signifie une
présomption de vérité légale. Donc, il demeure interdit d’engager une nouvelle instance sur la
même affaire. On dit dans ce cas que l’autorité de la chose jugée revêt une dimension positive
et négative. Le jugement a force de chose jugée lorsqu’il n’est plus susceptible d’aucun
recours suspensif d’exécution tel que l’appel ou l’opposition. Il devient irrévocable lorsque les
délais de voies de recours extraordinaires sont expirés ou ont été déjà exercés.

Pour connaitre les conditions de mise en œuvre de l’autorité de la chose jugée, il faut
consulter l’article 1351 du Code civil. Ce faisant, il doit y avoir identité d’objet, de la

8
demande, que cette demande ait la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties,
formée par elles et contre elles en la même qualité.

L’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’au seul dispositif explicite de la décision.

L’autre effet processuel de l’acte juridictionnel, c’est le dessaisissement du juge qui signifie
que le juge ne peut plus revenir sur sa décision même avec l’accord des parties. Ce principe
souffre d’exception puisque les jugements provisoires et gracieux ne sont pas concernés. De
plus, le juge peut rétracter, interpréter et rectifier sa décision.

Paragraphe 2 : L’acte non juridictionnel

Les actes non juridictionnels sont les mesures d’administration judiciaire et les décisions
gracieuses.

A- Les mesures d’administration judiciaire

Pour les mesures d’administration judiciaire, il y a celles par laquelle le Président du tribunal
désigne le juge de la mise en état (JME)151, distribue les affaires entre les chambres de la
manière qu’il trouve la plus convenable. Comme mesure d’administration judiciaire, il y a
l’hypothèse où le JME procède aux jonctions (elle se fait à la demande des parties ou d’office
lorsque plusieurs affaires sont pendantes devant le juge et s’il existe un lien entre elles de telle
sorte qu’il soit de l’intérêt de la justice de les instruire ou les juger ensemble) et disjonctions
d’instance.

B- Les mesures gracieuses

Les décisions gracieuses sont-elles des décisions juridictionnelles ? Il y a tout un débat sur la
question. Les critères d’existence d’une décision gracieuse c’est l’absence de litige, la
nécessite du contrôle par le juge de la demande. Dans la loi organique de 2017 portant sur
Cour suprême modifiée par la loi organique n°2022-16 du 23 mai 2022, l’article 72-4 spécifie
ceci : « en matière gracieuse, le pourvoi est recevable, même en l’absence d’adversaire ».

L’ESSENTIEL A RETENIR

-L’acte juridictionnel : critère et effets

151
Article 54-3 du décret 2013-1071

8
-Les actes non juridictionnels : les mesures d’administration judiciaire et les mesures
gracieuses.

SECTION 2 : LA COMPETENCE DU JUGE

C’est l’aptitude du juge à se prononcer sur un litige 152. Sa détermination met en évidence la
distinction entre l’ordre153, le degré154 et la nature des juridictions155.

Dans cette section, l’accent sera mis sur la compétence matérielle (Paragraphe 1) et la
compétence territoriale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La compétence matérielle

Les critères de compétence matérielle sont fonction de la matière (il s’agit de la matière civile
et commerciale et les actions sont des actions personnelles ou mobilières comme le précisent
les articles 6, 19 du Décret n°2015-1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la
compétence des Cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance),
du montant de la demande et de la qualité des parties au procès. Cette compétence est prévue
dans le Décret n°2015-1145 du 03 Août 2015 fixant la composition et la compétence des
cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance.

A- Le tribunal d’instance

1°)- La composition du tribunal d’instance

Le Tribunal d’instance est composé du Président (c’est lui qui répartit les affaires selon les
besoins du service), du juge d’instruction désigné par arrêté du Ministre de la Justice (les
attributions de ce juge sont fixées par le Code de procédure pénale), d’un délégué du

152
V. Mélina DOUCHY-OUDOT, « Compétence », Répertoire de procédure civile, Décembre 2014.

153
Est-ce l’ordre judiciaire, administratif ? Est-ce une juridiction civile, répressive ?

154
Juridiction d’appel ou de premier degré

155
Juridiction civile, commerciale ou sociale

8
Procureur156, et au besoin plusieurs adjoints (ils seront tous soumis à l’autorité du Procureur
de la République près le TGI dans le ressort duquel est situé le siège du T.I)

Dans la loi 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire, l’article 9 dispose
que le tribunal d’instance statue en formation collégiale et en nombre impair 157.

2°)- La compétence du tribunal d’instance

Le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015 fixant la composition et la compétence des cours


d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance est venu abroger celui
de 1984158.

Le Tribunal d’instance est compétent en matière pénale 159, civile et commerciale. En matière
civile et commerciale, le Tribunal d’instance est compétent pour les actions personnelles ou
mobilières :

-En dernier ressort jusqu’au montant de trois cent mille (300.000) ;

-A charge d’appel jusqu’au montant de deux millions (2.000.000) ;

-En premier ressort, pour les actions relatives au contrat de louage d’immeuble à usage
d’habitation et ce, quelque soit l’objet du litige ;

-En premier ressort, pour les actions relatives au contrat de bail à usage professionnel lorsque
le montant mensuel du loyer est inférieur ou égal à cent mille francs (100.000) 160. La

156
L’expression « peut » prévue à l’article 3 du Décret 2015, permet de douter de la présence obligatoire du
délégué du Procureur au niveau du Tribunal d’instance. La preuve en est qu’il peut exister des tribunaux
d’instance où il n’a pas de ministère public.
157
Il en va ainsi de la Cour suprême, des Cours d’appel et des tribunaux de grande instance.

158
Décret n° 84-1194 du 22 octobre 1984 fixant la composition et la compétence des cours d’appel, des
tribunaux régionaux et des tribunaux départementaux.

159
En matière de contravention et de délit. Dans ce dernier cas, la compétence est subordonnée à la prévision
légale. En tout état de cause, que ce soit en matière de contravention ou de délit, lorsque la compétence du
Tribunal d’instance est avérée, on ne tient pas compte du montant de la demande.
160
Pour avoir une idée exacte de la définition du bail à usage professionnel, il faudra se référer à l’article 101 de
l’Acte uniforme portant droit commercial général révisé en 2010.

8
compétence du tribunal d’instance n’est en principe plus d’actualité en raison de l’institution
des tribunaux de commerce.

A travers cette délimitation de la compétence, on se rend compte que le législateur mêle taux
de compétence et taux de ressort.

Les autres compétences du T.I s’apprécient en matière : demande reconventionnelle, en


compensation, pluralité de demandes (article 12), interprétation et appréciation de la légalité
des décisions des autorités administratives, de saisie lorsque les causes de celle-ci sont dans
les limites de leur compétence.

Enfin, après avoir ordonné toutes les mesures provisoires ou urgentes nécessitées par la cause,
et avant de statuer sur le fond, les tribunaux d’instance peuvent consulter les cadis dans les
matières relevant du Code de la famille.

B- Le tribunal de grande instance

1°)- La composition du tribunal de grande instance

Le Tribunal de grande instance est composé du Président, du ou des juges d’instruction. Le


Tribunal de grande instance statue toujours en formation collégiale composée de trois juges.
Si ce nombre n’est pas atteint, le président peut par ordonnance motivée, demander à un juge
d’instruction ou un juge du tribunal d’instance d’en compléter la formation.

2°)- La compétence du tribunal de grande instance

Il statue comme juge d’appel des jugements rendus par le Tribunal d’instance en matière
civile, commerciale, de statut personnel ou de simple police161.

En premier ressort, il connaît des délits qui relèvent de sa compétence. Lorsque des personnes
sont renvoyées devant lui par ordonnance du juge d’instruction ou arrêt de la chambre
d’accusation pour crimes ou infractions connexes, le Tribunal est habilité à se prononcer en
premier ressort.

Le tribunal de Grande instance se prononce en matière civile et commerciale pour toutes les
affaires lorsque celles-ci ne relèvent pas de la compétence du Tribunal d’instance. Il connaît
de l’ensemble du contentieux administratif de pleine juridiction et du contentieux fiscal.
161
C’est dire que c’est la Cour d’appel qui connaît de l’appel des jugements rendus par le Tribunal d’instance en
matière correctionnelle.

8
L’appel en matière civile et commerciale, de statut personnel des jugements rendus par les
tribunaux d’instance est porté devant le TGI162. (REDONDANCE ?)

C- La cour d’appel

On devrait dire « les cours d’appel163 » tant leur nombre s’est agrandi avec la réforme de
l’organisation judiciaire. Désormais, nous avons au Sénégal six (6) Cours d’appel ; celles de
Dakar, Saint-Louis, Kaolack et Ziguinchor étant érigées à côté de celles de Thiès et
Tambacounda.

Les cours d’appel ont des chambres qui siègent obligatoirement en formation collégiale et en
nombre impair. Et chaque chambre a un président. C’est dire donc qu’au niveau des cours
d’appel, il y a un premier président ((C’est lui qui établit le roulement des conseillers dans les
différentes chambres, répartit les services des différentes chambres entre les différents
présidents) . On y note également la présence du Procureur général, des avocats généraux et
substituts généraux.

Parmi les chambres des cours d’appel, nous avons la chambre d’accusation, les chambres
spécialisées en matière civile, commerciale et pénale et la chambre criminelle.

Les cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus, en premier ressort 164, par le
Tribunal de grande instance en matière civile, commerciale, correctionnelle, administrative et
fiscale. Il en est des jugements rendus en premier ressort par le Tribunal du Travail.

D- La cour suprême

Elle connaît des arrêts rendus en toute matière par la Cour d’appel. Mais également des
jugements rendus en dernier ressort (V. Article 23 du Décret 2015-1145).

La Cour suprême est née de la fusion en 2008 du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation. Il
s’agit de la loi organique 2008-35 du 7 août 2008 portant création de la Cour suprême. Cette
loi est abrogée par la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la

162
V. Article 39 de la loi sur les tribunaux de commerce

163
C’est d’ailleurs l’intitulé retenu dans le Décret 2015

164
L’impression qui se dégage de l’examen de l’article 20 du Décret 2015 est que le Tribunal de Grande instance
statue toujours en premier ressort pour les matières relevant de sa compétence.

8
loi organique n°2008-35 du 08 Août 2008 sur la Cour suprême ; elle-même modifiée par la
loi organique n°2022-16 du 23 mai 2022.

Au début des indépendances, on avait une Cour suprême qui jouait le rôle de conseil
constitutionnel, de Cour de cassation et de Conseil d’Etat. En 1992, cette Cour a éclaté pour
donner naissance à trois juridictions suprêmes que sont le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation
et le Conseil Constitutionnel. Depuis la loi organique 2008-35 du 7 août 2008 portant création
de la Cour suprême165, il y a une fusion du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation. Il existe
8 chambres au niveau de la Cour suprême : deux chambre civiles et commerciales, deux
chambres sociales, deux chambres pénales et deux chambres administratives.

Nous verrons d’abord la nature des pourvois portés devant la Cour suprême, ensuite les autres
compétentes de la Cour suprême et enfin, les cas d’ouverture à cassation.

1.La nature des pourvois portés devant la Cour suprême

-Les jugements et arrêts rendus en dernier ressort par toutes les juridictions ;

-les décisions définitives des organismes administratifs à caractère juridictionnel ;

-les décisions émanant des conseils d’arbitrage des conflits du travail ;

-les décisions du président du tribunal d’instance relatives au contentieux des inscriptions sur
les listes électorales

2.Les autres compétences (V.Article 2 de la loi organique)

Les autres compétences sont : demandes en révision (décision pénale définitive), de renvoi
d’une juridiction à une autre pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique 166, le
règlement des juges entre juridictions n’ayant au-dessus d’elles aucune juridiction supérieure
commune autre que la Cour suprême, la prise à partie contre une juridiction entière,
contrariété de jugements ou arrêts rendus en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les
mêmes moyens entre différentes juridictions, les exceptions d’inconstitutionnalité dans les
conditions prévues à l’article 91.

165
JORS n°6420 du 8 août 2008, pp.755-773.

166
Article 87 de la loi organique 2008-35 portant sur la Cour suprême.

8
3.Les cas d’ouverture à cassation

IL faut les retrouver dans les articles 53 de la loi organique n°2017 alinéa 2 Loi organique
n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la organique n° 2008-35 du 08 août
2008 sur la Cour suprême . Il s’agit de :

-l’incompétence ;

- pour violation de la loi ou de la coutume,

- par lesquels les juges excèdent leurs pouvoirs, notamment par erreur de droit, fausse
application de la loi ou erreur manifeste dans la qualification juridique des faits (article 58
alinéa.

Les cas d’ouverture dans cette loi sont visés à l’article 53 (incompétence, violation de la loi ou
de la coutume) et 58 (excès de pouvoir. Le législateur précise que l’excès de pouvoir c’est
erreur de droit, la fausse application de la loi, l’erreur manifeste dans la qualification juridique
des faits) A toiletter

L’OHADA a prévu à l’article 28 bis (nouveau) des cas d’ouverture à cassation (Règlement
n°01/2014/CM/OHADA modifiant et complétant le Règlement de procédure de la CCJA.

-Cassation disciplinaire ou sanction de la méconnaissance des règles de procédure : excès de


pouvoir (le juge empiète sur le domaine de compétence du législateur ou de l’exécutif, le juge
est allé au-delà de ses attributions, le juge ne remplit pas toutes ses attributions), dénaturation,
manque de base légale (motifs imprécis ou incomplets de sorte que la Cour suprême ne peut
exercer son contrôle), incompétence , motivation insuffisante, contrariété de jugement,
violation des formes (inobservation des formes prescrites à peine de nullité dans les actes de
procédure et dans les jugements)

-Cassation au fond : refus d’application de la loi, fausse application ou interprétation de la loi

Ainsi, à l’article 28 bis nouveau du RPCCJA (Règlement de procédure de la CCJA), le


législateur de l’OHADA vise :

-la perte du fondement juridique (l’arrêt était parfaitement légal au jour du prononcé, mais sa
base légale devenue inapplicable en raison d’un fait postérieur à l’arrêt par exemple

8
promulgation d’une loi nouvelle, annulation d’une décision sur laquelle se fondait l’arrêt.
Cependant, l’événement doit intervenir avant que la décision devienne irrévocable) ;

-défaut, insuffisance ou contrariété de motifs (décisions non motivées, contradiction de


motifs ou entre les motifs et le dispositif) ;

-la dénaturation des faits de la cause (ici, il faut par exemple respecter l’article 96 COCC et
éviter de dénaturer des clauses claires et précises du contrat et surtout les articles 100 et 101
COCC) ou des pièces de la procédure

-la violation de la loi ;

-l’incompétence et l’excès de pouvoir ;

-violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ;

-dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure ;

-le manque de base légale ;

-le fait de statuer sur une chose non demandée ou d’attribuer une chose au-delà de ce qui a été
demandé.

Dans la loi organique n°2017 sur la Cour suprême et en guise de comparaison, l’article 5
prévoit la contrariété de jugement (article 2. La fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la
chose jugée a été en vain opposée devant les juges de fond. Le pourvoi est dirigé contre le
second jugement)

V. Babacar DIALLO, J.A. NDIAYE, « Le contrôle normatif et le contrôle disciplinaire », in


Les Mardi de la Cour suprême, 28 mai 2013, Bulletin d’information de la Cour suprême,
2014, n°5-6, pp.10 et s, www.coursupreme.sn

En France, tout comme au Sénégal, le pourvoi en cassation est composé de moyens divisés
en branches. La Cour de cassation n’est pas juge de fait mais juge de droit et ce, en atteste
l’article 604 Code de Procédure Civile : « le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la
Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque aux règles de droit ».

8
La Cour de cassation est composée de chambres civiles (3), d’une chambre commerciale,
sociale et d’une chambre criminelle. En somme, il y a 6 chambres.

Les décisions susceptibles de pourvoi sont celles qui sont rendues en dernier ressort. En outre,
il y a des cas d’ouverture à cassation notamment la violation de la loi parce que le demandeur
au pourvoi estime que le juge a mal appliqué la règle de droit, pour griefs de fond notamment
l’incompétence de la juridiction du fond, excès de pouvoir, perte de fondement juridique,
défaut ou manque de base légale, pour inobservation des formes du jugement notamment pour
absence ou insuffisance de motifs, défaut de réponse à conclusions.

En somme, la Cour de cassation contrôle le choix de la loi applicable, son interprétation et la


motivation des décisions de justice.

E.Les tribunaux de commerce et les chambres commerciales d’appel

Ils ont été institués par la loi n°2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’Appel modifiée
par la loi n°2020-14

a-L’organisation des tribunaux de commerce

Les tribunaux de commerce comprennent des juges professionnels appelés juges et des juges
non professionnels appelés juges consulaires.

La liste d’aptitude aux fonctions de juges consulaires titulaires et juges consulaires suppléants
est établie par la Chambre consulaire. Leur mandat est de trois renouvelables.

Aux termes de l’article 14 de la loi 2017-24, les tribunaux de commerce sont composés :

-d’un président ;

-d’un ou de plusieurs vice-présidents ;

-de juges ;

-de juges consulaires.

Le tribunal de commerce comporte un greffier composé d’un administrateur de greffe ou d’un


greffier en chef et de greffiers qui assistent la juridiction. Il y a également un personnel
administratif.

8
b-La compétence des tribunaux de commerce

Elle est prévue par les articles 7 et 8 de la loi 2017. Ainsi, l’article 7 dispose que le s tribunaux
de commerce connaissent :

- des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de


l’Acte uniforme relatif au droit commercial général ;

- des contestations entre associés d’une société commerciale ou d’un groupement d’intérêt
économique ;

- des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l’Acte
uniforme relatif au droit commercial général. Toutefois, dans les actes mixtes, la partie non
commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ;

- des procédures collectives d’apurement du passif ;

- plus généralement, des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les
commerçants à l’occasion de leur commerce et de l’ensemble de leurs contestations
commerciales comportant même un objet civil ;

- des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les juridictions de
commerce.

Ils connaissent également des instances relatives à l’exécution fondée sur une décision de
justice d’une juridiction commerciale ou un acte notarié constituant une garantie en matière
commerciale, dont la saisie immobilière.
Quant à l’article 8, il précise que :

Les tribunaux de commerce statuent :


- en premier ressort, sur toutes les demandes dont le taux du litige est supérieur à 10.000.000
de francs CFA ou est indéterminé167 ;

167
Loi n°2020-14 du 08 avril 2020

8
- en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont le taux du litige n’excède pas
10.000.000 millions de francs CFA.

G.La prorogation de compétence

La compétence du juge peut faire l’objet d’une prorogation légale ou conventionnelle. En


effet, on part du principe selon lequel la compétence du juge est fixée d’avance dans la
demande initiale ; mais cette vision n’est pas exhaustive dans la mesure où le juge peut voir
ses pouvoirs étendus. En outre, en fonction de la nature des règles légales de compétence, on
saura si les parties peuvent les modifier ou non.

a-La prorogation légale

La prorogation légale c’est lorsque le juge compétent pour la demande introductive peut
connaître des moyens de défense, des incidents d’instance, des demandes

Deux idées seront développées : le juge de l’action est celui de l’exception ; le juge de l’action
est celui de la régularité ;

Dans le cadre de l’extension de compétence, on peut citer l’adage « le juge de l’action est
celui de l’exception » prévu à l’article 49 du CPC français. Aux termes de cette disposition,
« toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent
l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent
une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ». C'est dire que
toute juridiction, pourvu qu'elle soit compétente pour connaître de la demande initiale, est
apte à trancher des questions juridiques opposées en moyens de défense, même si celles-ci
auraient pu, prises distinctement, ne pas relever de sa compétence 168. En somme, le juge saisi
d’une demande initiale est apte à trancher toutes les questions incidentes.

Les limites à cette règle sont les questions préjudicielles (c’est lorsqu’un moyen de défense
relève de la compétence exclusive d’une juridiction autre que celle qui est saisie ; dans le cas
contraire, on serait en présence d’une question préalable (V. H. CROZE et alii, p.256)

On peut également citer une autre règle : le juge de l’action est celui de la régularité de la
procédure169. Cette règle est prévue en droit français à l’article 50 du Code de procédure

168
Mélina DOUCHY-OUDOT, op.cit., n°110.

169
Expression empruntée à Mélina DOUCHY-OUDOT, op.cit., n°120.

8
civile : « « les incidents d'instance sont tranchés par la juridiction devant laquelle se déroule
l'instance qu'ils affectent ».

Pour les demandes incidentes, la solution est prévue à l’article 63 du Code de procédure
civile français :« le tribunal de grande instance connaît de toutes les demandes incidentes qui
ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Les autres juridictions ne
connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution ».

b La prorogation conventionnelle

Ici, les parties soumettent à un tribunal une affaire alors que dans les normes, il n’est pas
compétent.

Ici, la nature de la demande ne peut être modifiée (c’est le cas également de l’ordre et du
degré), sauf le montant de la demande. Elle est consacrée à l’article 41 CPC français qui
dispose que « le litige né, les parties peuvent toujours convenir que leur différend sera jugé
par une juridiction bien que celle-ci soit incompétente en raison du montant de la demande ».

Paragraphe 2 : La compétence territoriale

On ne peut subir le procès et en même temps la distance dit un auteur. La compétence


territoriale consiste à localiser géographiquement la juridiction apte à connaître du litige170.
Cette localisation ne concerne que les juridictions de premier degré. En l’espèce, le législateur
pose des critères de rattachement. Ainsi, on aura remarqué qu’en matière mobilière et
personnelle, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. C’est cela le principe.
Cependant, il y a des difficultés d’application de ce dernier.

A-Les difficultés d’application du principe

1-Situation du défendeur n’ayant ni domicile ni résidence connus ou ayant plusieurs


défendeurs

Il y a des hypothèses où le défendeur n’a ni domicile, ni résidence connue et où il y a


également plusieurs défendeurs. La première hypothèse n’a pas reçu de consécration

170
Mélina DOUCHY-OUDOT, op.cit, n°35.

8
législative (L’habitation peut-elle servir de suppléance ?)171 contrairement à la seconde, mais
de façon restrictive. Ainsi, aux termes de l’article 34 alinéa 3 du Code de procédure civile
sénégalais, s’il y a plusieurs défendeurs à la demande en pension alimentaire, ils pourront être
cités devant le tribunal du domicile de l’un d’eux au choix du demandeur. Est-ce-à dire que le
demandeur de la pension alimentaire pourrait saisir le tribunal de son domicile comme le lui
permet l’alinéa 2 de l’article 34 lorsque l’action est intentée contre un seul débiteur ? Rien ne
semble s’y opposer.

En droit français, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur ou


celle de son choix si ce dernier réside à l’étranger (V. Article 42 CPCS). Cette ignorance doit
être justifiée.

2-Défendeurs ayant plusieurs domiciles

L’hypothèse d’un défendeur ayant plusieurs domiciles n’a pas été prévue par le législateur. Il
faudrait peut-être adopter la solution du juge français qui décide que le défendeur serait
assigné au lieu de son domicile apparent172.

Pour rappel, le domicile est le lieu du principal établissement comme le précise l’article 12 du
Code de la famille. Il devient siège social lorsque l’on parle d’une personne morale. Aux
termes de l’article 34 alinéa 7 du code de procédure civile, en matière de société, tant qu’elle
existe, devant le juge du lieu où est établi son siège social. Le siège social ne doit pas être
fictif173 ; et selon le juge français, c’est le lieu où se trouvent concentrées l'administration, la
direction et l'activité commerciale 174. Au-delà du critère du siège social, on pourrait penser à
invoquer la jurisprudence des gares principales selon laquelle, le défendeur qui se trouve être
une société commerciale peut être assigné au siège de sa succursale.

B.Les exceptions à la règle le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur

171
Faudrait-il peut-être se référer à l’article 14 du Code de la famille qui dispose que l’absence de domicile et de
résidence, l’habitation en tient lieu.
172
(Req. 26 avr. 1921, S. 1921. 1. 313, note Esmein. - Soc. 24 mars 1949, D. 1949. 303. - Civ. 1re, 31 janv. 1968,
Bull. civ. I, no 41)
173
Dans un souci de protection des créanciers sociaux, le législateur de l’OHADA, à l’article 26 de l’Acte
uniforme relatif au droit des sociétés commerciales révisé précise que ceux-ci peuvent se prévaloir du siège
social statutaire ou du siège social réel.
174
(Com. 29 nov. 1950, Gaz. Pal. 1951. 1. 86. - Civ. 15 juill. 1970, D. 1971. Somm. 12).

8
Les exceptions au principe actor sequitur forum rei sont nombreuses. Certaines ont été
abordées dans la partie réservée à la classification des actions en justice (c’est le cas des
options de compétence). D’autres, le seront dans ce paragraphe. C’est l’exemple de l’élection
de domicile, de la matière successorale et de la prorogation de compétence territoriale ou
clause attributive de compétence territoriale

1.L’élection de domicile

Dans cette occurrence, le tribunal compétent est celui du domicile élu ou celui du domicile
réel du défendeur. Pour en avoir une idée précise, il faut consulter l’article 15 du Code de la
Famille. NB/ L’article 34 du code de procédure civile renvoie à l’article 15 du code de la
famille.

2.En cas d’ouverture d’une succession

L’autre exception existe en matière de succession où c’est le tribunal du lieu où la succession


est ouverte qui demeure compétent :

-sur les demandes entre héritiers, jusqu’au partage inclusivement ;

-sur les demandes qui seraient intentées par des créanciers du défunt avant partage ;

-sur les demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort, jusqu’au jugement
définitif175. Ces différentes exceptions consacrent une compétence exclusive. Le caractère de
la compétence exclusive est que seule la juridiction qui en est investie, indépendamment de sa
qualité de juridiction de droit commun ou de juridiction d'exception, peut se prononcer sur les
questions auxquelles cette compétence s'applique176, sauf dérogation légale expresse.

3.La clause attributive de compétence territoriale

Elle est prévue à l’article 114-1 et 114-2 issus du Décret 2001-1151 du 31 Décembre 2001.

NB/ Les sanctions des règles de compétence sont : la litispendance, la connexité, le contredit,
l’évocation, exception d’incompétence.

175
Nous sommes ici en présence de testament ou donations qui produiront des effets en cas de décès du
disposant.

176
Mélina DOUCHY-OUDOT, op.cit; V. Egalement VINCENT, Quelques réflexions sur la compétence
exclusive des juridictions civiles, in Mélanges Hébraud, 1981, p. 917. - SINAY, La compétence exclusive,
JCP 1958. I. 1451)

8
SECTION 3 LE JUGEMENT OU LE DENOUEMENT DE L’INSTANCE

Par jugement on entend toute décision rendue par une autorité judiciaire dans ses rapports
avec le justiciable. Il s’agit d’une conception large (F. EUDIER, Jugement, Répertoire de
procédure civile, Juin 2016). Dans l’Encyclopédie juridique de l’Afrique, le jugement a été
défini comme toute décision émanant d’une autorité judiciaire quelconque (p.155)

L’instance se dénoue ou prend fin par une décision de justice (Paragraphe 1) qui une fois
rendue peut faire l’objet de voie de recours (Paragraphe 2). Comme le dit un auteur, si le
jugement est l’issue normale de l’instance, il peut tout de même y avoir des prolongements à
la décision rendue, liés à l’existence de voies de recours (Y. STRICKLER, Procédure civile,
op.cit., p.239)

Paragraphe 1 : La décision de justice

Il demeure important de procéder à un rappel des différentes décisions de justice (A), avant de
nous adonner à une classification des jugements (B).

A- Rappel des différentes formes de décisions de justice

Il existe plusieurs catégories de décisions de justice. Il peut donc s’agir d’une décision rendue
par un tribunal, une Cour ou un juge unique. Dans le premier cas, on parle de jugement, dans
le second et dernier cas respectivement d’arrêt et d’ordonnance.

B- La classification des jugements

Parmi les jugements, nous avons :

Les jugements contentieux. Il s’agit d’un jugement qui met en cause deux ou plusieurs
parties et qui prononce ( ???). En l’espèce, il y a une contestation.

Les jugements gracieux. En vertu desquels, il y a absence de litige certes, mais un contrôle
opéré par le juge. Exemple, décision prononçant une émancipation ou une adoption. Le
jugement gracieux n’a pas l’autorité de la chose jugée et le juge n’est pas dessaisi.

Les jugements contradictoires lors desquels, les parties comparaissent en personne ou par
mandataire. Ici, les parties ont débattu de la question litigieuse.

8
Les jugements réputés contradictoires. C’est un jugement rendu lorsque le défendeur est
assigné à personne et ne comparait pas, ni personne pour lui et ce, sans motif légitime. C’est
également le cas lorsque le demandeur ne comparait pas sans motif légitime. Dans les deux
cas, respectivement le demandeur peut demander l’ajournement du procès, le juge la
réassignation et renvoyer l’affaire à une date ultérieure. A défaut de présentation ou de
constitution d’avocats de deux ou plusieurs parties assignées, les parties sont réassignées, à
l’expiration des délais d’ajournement.

Les jugements par défaut. Il s’agit d’un jugement rendu pour défaut de comparution du
défendeur, ni personne pour lui, au jour indiqué dans l’assignation [article 96 du décret 2013-
1071]. Faisons remarquer qu’il y a également un défaut pour non accomplissement des actes
de procédure dans les délais impartis. Dans ce cas, le JME peut d’office rendre une
ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours.

Les jugements provisoires. Ce sont ceux qui n’ont pas autorité de la chose jugée au
principal, mais au provisoire. On peut citer l’exemple des ordonnances de référé et les
ordonnances sur pied de requête

Les jugements définitifs. C’est le jugement par lequel le juge se prononce sur tout ou partie du
principal, une exception de procédure, une fin de non-recevoir V. article 480 alinéa 1 CPCF.
Parfois, on qualifie ainsi les décisions qui ne sont pas ou plus susceptibles de recours. Mais le
terme décisions irrévocables est préférable. Le jugement définitif a l’autorité de la chose jugée
au principal.

Il s’oppose au jugement avant dire droit qui n’a pas l’autorité de la chose jugée [article 482
CPCF, le juge ne se dessaisit pas]. Le jugement avant dire droit est celui qui, dans son
dispositif, ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.

Le jugement mixte est celui qui dans son dispositif tranche une partie du principal d’une part
et ordonne une mesure d’instruction d’autre part.

Le jugement de donné acte : C’est un jugement dans lequel le juge constate l’accord des
parties et l’authentifie [on soumet un accord au juge pour qu’il le constate]. Dans ce cas c’est
un contrat judiciaire. Le jugement de donné acte n’a pas l’autorité de la chose jugée.

Il diffère en cela du jugement d’expédient ou jugement convenu dans lequel les parties
dissimulent leur accord au tiers et poursuivent une instance alors qu’elles ont trouvé un terrain

8
d’entente. L’essentiel pour elles c’est d’obtenir une véritable décision de justice. On peut citer
l’exemple de l’homologation du divorce par consentement mutuel. Le jugement d’expédient
diffère du jugement ordinaire qui met fin à un litige.

On peut également citer le jugement en premier et dernier ressort qui n’est pas susceptible
d’appel mais d’un pourvoi en cassation, le jugement en premier ressort dans lequel l’appel est
envisageable.

Le jugement provisoire est celui qui ordonne une mesure provisoire, le jugement préparatoire
ou interlocutoire ordonne une mesure d’instruction177.

Jugement constitutif créée une situation nouvelle (c’est l’exemple d‘un jugement qui
prononce la résolution d’un contrat. Il prend effet au jour du jugement ) alors que le jugement
déclaratif se contente de déclarer un état. A titre d’exemple nous pouvons citer le jugement
qui reconnaît la paternité d’une personne (ce jugement rétroagit au jour de la naissance du
droit). Pour tous ces développements, V. Y. STRICKLER, Procédure civile, op.cit., p.242,
n°453)

C-L ’élaboration, le prononcé et les effets du jugement

1.De l’élaboration à la notification

Cet intitulé est emprunté à Y. Strickler (V. Procédure civile, op.cit., p.242). Nous traiterons
quatre aspects : la réflexion ou délibéré (a), la rédaction (b), le prononcé du jugement (c) et la
notification du jugement (d).

a-La réflexion ou délibéré

Une fois les débats clôturés, le tribunal délibère, c’est-à-dire réfléchit à la solution à donner à
l’affaire. Il existe plusieurs sortes de délibération : sur le siège, c’est-à-dire sans attendre,
après renvoi à une audience ultérieure dont la date sera indiquée ou se retirer momentanément
à la chambre du conseil, délibérer puis revenir à la salle d’audience prononcer le jugement
(V.O. STAES, Droit judiciaire privé, op.cit., p.187. Le principe du secret des délibérations est
toujours d’actualité même s’il subit quelques retouches avec la notion d’opinions dissidentes.

b-La rédaction

177
V. Article 261 CPC

8
Le contenu du jugement est prévu à l’article 73 CPC. Aux termes de cette disposition, « Les
jugements mentionnent outre le nom des magistrats qui les ont rendus et des assesseurs s’il
échet, celui des membres du ministère public qui ont requis et celui du greffier, les noms,
professions, domiciles des parties, l’acte introductif d’instance et le dispositif des conclusions,
les motifs et le dispositif. Il y est indiqué si les parties se sont présentées en personne ou si
elles étaient représentées. Dans le cas prévu à l’article 52 paragraphe 1er, il doit en outre être
précisé si la partie a assisté au prononcé du jugement ».

c-Le prononcé du jugement

Le jugement contentieux est prononcé en audience publique tandis que les décisions
gracieuses en chambre du Conseil (L’article 698 CPC dispose qu’en matière gracieuse, le
tribunal rend son jugement en chambre du conseil, s’il n’en est autrement ordonné par la loi).

d-La notification du jugement

. Une fois la décision rendue, elle doit être notifiée aux parties et plus particulièrement à la
partie adverse ou à un tiers non seulement pour prendre effet, mais également pour que l’on
puisse fixer le point de départ du délai d’exercice des voies de recours ou permettre
l’exécution forcée du jugement.

2.Les effets du jugement

Il s’agit du dessaisissement (a), de l’autorité de la chose jugée (b) et de la force


exécutoire (c).

a-Le dessaissement du juge

L’office du juge se termine dès l’instant où la décision est rendue. En principe, le juge
doit statuer de manière ferme, définitive sauf en présence d’un jugement avant-dire
droit et gracieux. De même, le juge peut rétracter sa décision

b-L’autorité de la chose jugée

Nous traiterons des conditions, de la portée de l’autorité de la chose jugée ainsi que des effets.
Les conditions de l’autorité de la chose jugée tiennent à la nature du jugement et au fait que
seul le dispositif est concerné par l’autorité de la chose jugée.

8
Concernant la nature du jugement, force est de relever qu’il faudrait que l’on soit en présence
d’un jugement contentieux178 (le cas des décisions gracieuses est discuté) et définitif (Il y a
trois stades : d’abord, il y a autorité de la chose jugée dès que le jugement est rendu, ensuite,
le jugement doit passer en force de chose jugée notamment lorsque les voies de recours
suspensives sont épuisées, enfin le jugement devient irrévocable lorsqu’il n’est plus
susceptible d’un pourvoi en cassation179).

La portée de l’autorité de la chose jugée signifie que tout demande nouvelle est irrecevable
(pas de demande nouvelle V.Article 273 CPC, triple condition de l’autorité de la chose jugée)

Les effets de l’autorité de la chose jugée renvoient par exemple au fait que l’autorité de la
chose jugée constitue une fin de non-recevoir.

Paragraphe 2 : Les voies de recours

Ce sont des procédures mises à la disposition des plaideurs ou tiers pour obtenir un nouvel
examen de l’affaire. Elles sont dirigées contre un jugement. Il peut s’agir d’un arrêt pour les
décisions rendues par une cour d’appel ou de cassation ou d’un jugement pour celles rendues
par les tribunaux. La décision rendue par un juge unique qui ne constitue pas une juridiction
est une ordonnance. Il existe 02 catégories de voies de recours :

- Les voies de réformation

- Les voies de recours de rétractation

A- Les voies de réformation

Il s’agit de l’appel et du pourvoi en cassation. C’est une voie de recours exercée devant une
juridiction supérieure pour infirmation.

1°)- L’appel

Trois idées seront développées : les juges compétents en matière d’appel (a), les
différentes sortes d’appel (b) et les effets de l’appel (c).
178
V. Néanmoins L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5e édition, 2004, n°726 pour un point de
vue contraire.

179
Uniquement ?

8
a-Les juges compétents en matière d’appel

Il relève de la compétence de la Cour d’appel sauf pour la décision rendue par le tribunal
d’instance. C’est la traduction du principe de double degré de juridiction. Les jugements
susceptibles d’appel sont ceux qui sont rendus en premier ressort par le tribunal de grande
instance180 ou qualifiés à tort en dernier ressort181.

b Les différentes sortes d’appel

On distingue l’appel principal qui émane de l’appelant, de l’appel incident qui émane de
l’intimé sur un point où il a succombé et de l’appel provoqué.

Aux termes de l’article 256 CPC : « l’intimé peut néanmoins interjeter incidemment appel
contre l’appelant principal et ses cointimés en tout état de cause ».

Dans le cadre de l’appel provoqué, l’appel est dirigé contre une personne non intimée mais
partie à la première instance. Par exemple, l’entrepreneur contre lequel le maître de l’ouvrage
a interjeté appel en garantie en première instance et que le maître d’ouvrage n’a pas intimé en
appel.

En principe, le délai pour interjeter appel est de 01 mois sous réserve de la prise en compte du
lieu de situation du plaideur selon qu’il est hors du territoire ou domicilié au Sénégal certes,
mais en est temporairement éloigné pour cause reconnue légitime182.

c-Les effets de l’appel

Les effets de l’appel. L’appel a un effet suspensif sauf lorsque le juge ordonne l’exécution
provisoire. Mais, il peut y avoir défense à exécution provisoire dans les conditions ci-après
[article 270 du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001] : si l’exécution provisoire est
interdite par la loi, n’a pas été ordonnée conformément aux articles 86 et s du CPC, si elle
risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives ou difficilement réparables.

L’appel a un effet dévolutif, c’est-à-dire que la Cour d’appel est habilitée à rejuger l’affaire
tant en droit qu’en fait.

180
254 CPC

181
264 CPC

182
Article 255 issu du Décret 2013-1071

8
Les juridictions d’appel ont également un pouvoir d’évocation notamment en se prononçant
sur des points non tranchés en première instance. L’évocation remet en cause l’adage « Il
n’est dévolu qu’autant qu’il est appelé » (Seuls les chefs des jugements critiqués doivent être
connus du juge d’appel. De même, la Cour d’appel ne peut être saisi au-delà de ce qui a été
jugé en première instance) et le principe du double degré de juridiction

Le délai d’appel court pour les jugements contradictoires du jour du jugement si les parties
sont représentées par un avocat ou si elles sont présentes.

2°)- Le pourvoi en cassation

Qui est compétent ? Il doit être introduit devant la Cour suprême instituée par la loi organique
n°2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2008-35 du 8 août
2008 sur la Cour suprême modifiée par la loi n°2022-16 du 23 mai 2022 . La Cour suprême
comprend 08 chambres, qui, au besoin, peuvent être divisées en sections :

- pénale, civile et commerciale, sociale et administrative.

Quels sont les décisions concernées ? Les décisions susceptibles de recours en cassation sont
celles rendues en dernier ressort ou en premier et dernier ressort.

Le pourvoi peut émaner d’une des parties, du Procureur183. Il peut être principal ou incident.

Avec l’avènement de l’OHADA, la Cour suprême est concurrencée d’autant qu’elle n’est plus
la seule juridiction suprême au Sénégal. Il y a également la CCJA qui est compétente pour
connaître du pourvoi en cassation, des décisions des juridictions d’appel rendues en dernier
ressort dans le cadre du contentieux de l’application des Actes uniformes.

Depuis la publication du Règlement de procédure de la CCJA, il y a des cas d’ouverture de


cassation. Il s’agit aux termes de l’article 28 nouveau du RPCCJA, entre autres de la
violation de la loi, de l’incompétence et de l’excès de pouvoir. De plus, l’article 24 nouveau
prévoit la signification des actes de procédure par courrier électronique.

B- Les voies de rétractation

183
C’est le pourvoi dans l’intérêt de la loi (article 58 loi sur la Cour suprême) contre un arrêt ou jugement contre
lequel aucune des parties n’a réclamé dans le délai ou qui a été exécuté.

8
Elles sont introduites devant la juridiction qui a rendu la décision pour la modifier. Il s’agit de
l’opposition, de la requête civile et de la tierce opposition

1°)- L’opposition

Elle concerne le jugement rendu par défaut, c’est-à-dire lorsque l’une des parties ne se
présente pas à l’audience au jour fixé par l’assignation ni personne pour elle. L’opposition est
recevable 15 jours à compter de la signification à personne de la décision. Là également il est
tenu compte du lieu de la situation géographique du plaideur.

L’opposition a un effet suspensif au même titre que l’appel sauf si l’exécution provisoire est
ordonnée. Elle a également un effet dévolutif

L’opposition n’est pas obligatoire c’est-à-dire que l’on peut interjeter appel d’un jugement
rendu par défaut.

2°)- La tierce-opposition

La tierce opposition est une voie de recours introduite par un tiers lorsqu’un jugement
préjudicie à ses droits et lorsqu’au jour où celui-ci est rendu, ni elle, ni ceux qu’elle représente
n’ont été appelés. Au regard de l’article 282 CPC, on se rend compte qu’il y a une tierce-
opposition formée par action principale (elle est portée au tribunal qui a rendu le jugement
attaqué) et une tierce-opposition incidente à une contestation dont un tribunal est saisi (celle-
ci n’est possible que si le tribunal saisi est supérieur ou égal à celui qui a rendu le jugement.
Dans le cas contraire, la tierce opposition incidente sera portée devant le tribunal qui a rendu
le jugement par action principale)

L’affaire est portée devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Son rejet entraine
une sanction pécuniaire allant de 1 250 F à 5 000 F sans préjudice de dommages et intérêts
s’il y a lieu.

3°)- La requête civile

Quelles sont les décisions concernées ? La requête civile vise à rétracter les décisions
contradictoires rendues en dernier ressort et celles rendues par défaut en dernier ressort et qui
ne sont pas susceptibles d’opposition. Le Code de procédure civile a prévu 11 causes de
requêtes civiles.

8
Il s’agit entre autres du fait pour le juge de se prononcer sur les choses non demandées,
d’adjuger plus qu’il n’a été demandé, d’omettre de se prononcer sur un des chefs de
demandes. C’est le cas également si, dans un même jugement, il y a des dispositions
contraires.

Le délai d’introduction de la requête civile est de 06 mois à compter de la date du jugement


attaqué. La requête civile est portée au même tribunal où le jugement attaqué a été rendu, il
peut y être statué par les mêmes juges. Si le jugement rejette la requête civile, il condamne le
demandeur à l’amende et aux dommages et intérêts.

BIBLIGRAPHIE INDICATIVE

Qu'est-ce qu'une juridiction ? La question a-t-elle encore une utilité ? – Laure Milano – RFDA
2014. 1119 ;

O. Gohin, « Qu'est-ce qu'une juridiction pour le juge français ? », Droits 1989, n° 9.93 ; P.
Klaousen, « Réflexions sur la définition de la notion de juridiction dans la jurisprudence du
Conseil d'État », LPA, 30 juill. 1993, p. 22.

ANNEXES

TABLE DES MATIERES

Introduction

CHAPITRE I : L’ACTION EN JUSTICE

8
SECTION 1 : LA THEORIE DE L’ACTION EN JUSTICE

Paragraphe 1 : La nature de l’action en justice

A- L’action en justice, une liberté

B- L’action en justice, un droit fondamental

Paragraphe 2 : L’autonomie de l’action en justice

A- L’action en justice et la demande en justice

B- L’action en justice et le droit substantiel

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE L’ACTION EN JUSTICE

Paragraphe 1 : Les conditions d’existence de l’action en justice

A- L’intérêt à agir

1. L’intérêt né et actuel

2. L’intérêt légitime

3. L’intérêt personnel

B.La qualité à agir

1. La défense d’un intérêt personnel du demandeur

2. La défense d’un intérêt autre que personnel

a-La défense de l’intérêt général

b-L’intérêt collectif

3. La défense de l’intérêt d’autrui

C.L’absence de perte de l’action

1. Les modes volontaires d’extinction de l’action

-La transaction

8
-L’acquiescement

-Le désistement

2.Les modes involontaires d’extinction de l’action

-La prescription

-L’autorité de la chose jugée

-Le décès pour les actions intransmissibles

Paragraphe 2 Les conditions d’exercice de l’action en justice

A.La capacité d’exercice

B.Le pouvoir de représentation

Paragraphe 3 La matérialisation de l’action en justice

A.La demande en justice

1.Les différentes catégories de demandes

a-La demande initiale

b-Les demandes incidentes

-La demande additionnelle

-La demande reconventionnelle

-L’intervention

2. Les effets de la demande

B.La défense en justice

1. La défense au fond

2. Les exceptions de procédure

3. Les fins de non-recevoir

8
Section 3 La classification des actions en justice

Paragraphe 1 La classification en fonction de la nature du droit

A. L’action personnelle et réelle

L’action mixte

L’intérêt de la distinction action personnelle et action réelle

Paragraphe 2 La classification en fonction de l’objet du droit

A. Les actions mobilières et immobilières

B.L’intérêt de la distinction

CHAPITRE 2 LA JURIDICTION

Section 1 L’activité du juge

Paragraphe 1 L’acte juridictionnel

A.Les critères de l’acte juridictionnel

1.Les critères formels

a-Le critère organique

b-Le critère procédural

c-Le critère relatif à l’autorité de la chose jugée

2.Les critères matériels

a-Le critère structurel

b-Le critère téléologique ou tenant au but de l’acte

B.Les effets de l’acte juridictionnel

1.Les effets substantiels

2.Les effets processuels

8
Paragraphe 2 L’acte non juridictionnel

A.Les mesures d’administration judiciaire

B.Les mesures gracieuses

Section 2 La compétence du juge

Paragraphe 1 La compétence matérielle

A.Le tribunal d’instance

1.La composition du tribunal d’instance

2.La compétence du tribunal d’instance

B.Le tribunal de grande instance

1.La composition du tribunal de grande instance

2.La compétence du tribunal de grande instance

C.La Cour d’appel

D.La Cour suprême

Paragraphe 2 La compétence territoriale

Chapitre 3 L’instance

Section 1 L’impulsion de l’instance

Paragraphe 1 Le rôle des parties dans le procès civil

A.Le déclenchement de l’instance

B.La délimitation de la matière litigieuse

Paragraphe 2 L’implication du juge dans la conduite du procès

A.Les pouvoirs généraux du juge

B.Les pouvoirs du juge de la mise en état

8
Section 2 Le déroulement de l’instance

Paragraphe 1 Le déroulement sans incidents

A.La contradiction

1.Les procédures contradictoires

2.Les procédures non contradictoires

B.La célérité

1.La procédure de référé

2.Les procédures d’injonction

C.La procédure par défaut

Paragraphe 2 Le déroulement avec incidents

A.La péremption d’instance

B.Le désistement

C.L’acquiescement

Paragraphe 3 La gestion de l’instance

A.Les relations entre les parties

B.Les relations entre les parties et le juge

Section 3 Le dénouement d’instance

Paragraphe 1 La décision de justice

A.Rappel des différentes formes de décision de justice

B.La classification des jugements

Paragraphe 2 Les voies de recours

A.Les voies de réformation

8
1.L’appel

2.Le pourvoi en cassation

B.Les voies de rétractation

1.L’opposition

2.La tierce-opposition

3.La requête civile

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