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UNIVERSITÉ PARIS-PANTHÉON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2023-2024

TRAVAUX DIRIGÉS – 1ère année Licence Droit


DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
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Distribution : semaine du 9 octobre 2023

TROISIÈME SÉANCE

L’ORGANISATION JUDICIAIRE

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I. Présentation – Ayant pour objet de régir la vie en société, la règle de droit, dont il a déjà été question
la semaine précédente, doit permettre de régler les contestations qui s’élèvent entre les particuliers,
ou entre l’État et les particuliers. Encore faut-il, évidemment, que soient prévus des mécanismes aptes
à assurer son respect et sa mise en œuvre. Dans les sociétés dites développées – et démocratiques –,
le respect de la règle de droit est assuré par l’État, qui assume et organise la fonction de juger. Les
tribunaux participent ainsi du service public de la justice. Le droit moderne voit aussi se développer
des institutions concurrentes à la justice étatique : vous effectuerez une recherche rapide au sujet des
modes alternatifs de règlement des litiges (quels sont les modes alternatifs de règlement des litiges
reconnus en droit français ? Pourquoi l’État cherche-t-il à les développer ?). En plus de ces modes
alternatifs de règlement des litiges, on constate la multiplication des juridictions non-étatiques,
qu’elles soient privées ou publiques.

A. Envisagée ici en termes d’organisation, la justice regroupe un certain nombre d’institutions et de


personnels. Ces institutions doivent être ordonnées et structurées. Pour que soient garantis le respect
de la règle de droit et sa bonne application au cas litigieux, le justiciable bénéficie d’un double degré
de juridiction. Il a un droit à ce que sa cause soit entendue à deux reprises par des juridictions
distinctes. Ce principe commande ainsi l’existence de juridictions qui se situent à des degrés différents
dans la hiérarchie judiciaire : pour cette raison, on distingue les juridictions dites du premier degré
appelées à connaître pour la première fois du litige et les juridictions du second degré, qui en
connaitront pour le cas où l’une des parties, insatisfaite du premier jugement rendu, souhaiterait voir
le litige être jugé à nouveau. Encore faut-il préciser que tous les litiges ne peuvent faire l’objet d’un

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double degré de juridiction, c’est-à-dire ne peuvent être jugés en première instance puis en appel.
Certains jugements, rendus à propos de litiges de faible importance, ne sont pas susceptibles d’appel :
dans ce cas, la juridiction ayant statué en première instance aura jugé en premier et dernier ressort.

Pour que soit garantie une unité dans l’application de la règle de droit, sur tout le territoire, il convient
qu’une juridiction unique, placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, puisse remplir cette mission :
c’est le rôle de la Cour de cassation. Celle-ci ne constitue pas, il convient de ne jamais l’oublier, un
troisième degré de juridiction : elle ne doit pas juger l’affaire à nouveau. Différemment, elle a pour
mission d’apprécier la décision rendue antérieurement (qui doit l’avoir été, par hypothèse, en dernier
ressort – il faut donc qu’il y ait eu appel, si celui-ci était possible). Elle n’a pas à apprécier à nouveau
les faits du litige, qu’elle ne peut plus discuter. Elle doit uniquement juger de la bonne ou mauvaise
application de la règle de droit par les juges ayant statué au préalable, que l’on nomme également les
juges du fond. Elle doit uniquement juger en droit – et non en fait et en droit.

C’est parce qu’elle est unique et que ses arrêts ont une autorité parfois décisive, que les décisions
qu’elle rend ont vocation, en certaines hypothèses, à influer sur ce qui sera à nouveau jugé dans des
hypothèses semblables et similaires. Les arrêts de la Cour de cassation ont, en ce sens, vocation à faire
jurisprudence. C’est là une question de fond, non sans liens avec l’organisation judiciaire, que l’on
évoquera plus tard dans le semestre (cf. séance n°6). Comme elle ne juge pas les faits et n’a donc pas
pour objet de résoudre le litige à l’origine du procès, elle est logiquement démunie pour mettre un
terme à ce litige d’un point de vue pratique. Aussi, lorsqu’elle estime que le jugement ou l’arrêt dont
elle a eu à connaître a été mal rendu, elle doit renvoyer l’affaire devant une nouvelle juridiction : on
dit qu’elle casse et renvoie (cf. document n°2).

B. Cette organisation, qui vient d’être ainsi envisagée verticalement (premier degré, second degré,
Cour de cassation), est également structurée horizontalement. Il n’est en effet pas possible, à un
particulier qui se plaint de la violation de la règle de droit et entend voir son litige tranché par un juge,
de saisir n’importe quelle juridiction. Il existe, sur ce point, des règles de compétence qui déterminent
d’une part, les cas dans lesquels il convient de saisir un tribunal de proximité, un tribunal judiciaire,
un tribunal de commerce, un Conseil de prud’hommes (ce sont les règles de compétence matérielle)
et d’autre part, lequel est compétent territorialement (ce sont les règles de compétence territoriale).

S’agissant de ce que l’on nomme la compétence territoriale, le principe est posé par un adage
latin « actor sequitur forum rei » : sauf disposition contraire, la juridiction compétente est celle du
lieu où demeure le défendeur (cf. article 42 CPC). Cette règle est assortie d’exceptions. Par exemple,
pour les litiges relatifs à un immeuble, le Code de procédure civile consacre, pour des raisons
pratiques, la compétence du tribunal du lieu où il est situé (cf. article 44 CPC). S’agissant des règles
de compétence matérielle, elles sont complexes et feront notamment l’objet du cours de procédure
civile en troisième année de licence. À ce stade, l’on se contentera de retenir que le tribunal judiciaire
constitue la juridiction de droit commun en matière civile, et que ce dernier est compétent tant qu’un
texte particulier n’a pas confié la connaissance d’une certaine catégorie de litige à une juridiction
d’exception : tribunal de proximité, tribunal de commerce, conseil de prud’homme etc. (cf. articles
L. 211-3 et R. 211-3 COJ).

Document n°1 : Schéma de l’organisation judiciaire en droit privé (tableau).

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II. Premier thème de la séance : le déroulement du procès et l’organisation judiciaire – Pour
comprendre, concrètement, comment se mettent en œuvre les principes décrits ci-dessus de façon
sommaire et la manière dont se déroule un procès, les étudiants analyseront les décisions rendues par
les différentes juridictions ayant eu à statuer dans la célèbre affaire Clément-Bayard. L’essentiel est
de comprendre ici la distinction du fait et du droit, la répartition des rôles entre les juges du fond et la
Cour de cassation et, enfin, le mécanisme du pourvoi.

Document n°2 : Schéma du pourvoi à travers ses différentes phases.

Document n°3 : Tribunal civ. Compiègne, 19 février 1913, D. 1913.2.181 ; Amiens, 12 novembre
1913, D., 1917.1.179 ; Req., 3 août 1915, D. 1917.1.79.

III. Deuxième thème de la séance : les bouleversements de la Cour de cassation – Depuis une
dizaine d’années, la Cour de cassation a multiplié les groupes de travail afin d’envisager comment
faire évoluer ses décisions, ses méthodes de travail, la publication de ses décisions, etc. Un
brainstorming généralisé. Il s’agit pour elle de réduire son encombrement, d’accroître l’accessibilité
de ses décisions et de renforcer l’influence de sa jurisprudence, non sans espérer une plus grande
cohérence de celle-ci.

Il faut dire que tout n’est pas parfait sans le fonctionnement de la justice – c’est un euphémisme. On
parle par exemple de la lenteur de la justice. Ce dernier n’est d’ailleurs pas sans conséquence, sur le
fond : l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme affirme le droit de tout
justiciable d’être jugé dans un délai raisonnable.

Le problème préoccupe logiquement les esprits et invite à imaginer divers remèdes. Par exemple,
comment ne pas encombrer la Cour de cassation avec trop de pourvois, faire en sorte qu’il y ait plus
de temps alloué aux affaires importantes qu’à celles qui ne présentent pas ou peu d’intérêt, etc. Ce ne
sont pas de petites questions : elles déterminent aussi la qualité des décisions et le bon fonctionnement
de l’institution.

A. La sélection des pourvois devant la Cour de cassation

Toutefois, compte tenu des résultats de la réforme, jugés insuffisants, des réflexions sont actuellement
menées, au sein même de la Haute juridiction, afin que soit notamment mis en œuvre un filtrage plus
rigoureux des pourvois, sur le modèle de certains droits étrangers.

Dans cette perspective, une réflexion avait été initiée en vue d’instaurer un tel filtrage des pourvois
afin de réduire le nombre de décisions à rendre par la Cour de cassation chaque année. Mais c’est une
autre voie qui a été empruntée : le traitement différencié des pourvois.

Document n°4 : Rapport du groupe de travail « Méthode de travail » (extraits relatifs à l’instauration
de trois circuits différenciés de traitement des pourvois), juin 2020.

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B. La modernisation de la forme des arrêts de la Cour de cassation

Depuis maintenant une dizaine d’années la Cour de cassation réfléchit également à la manière de faire
évoluer la forme de ses décisions – celle-ci étant jugée désuète et peu accessible au justiciable. A la
suite du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a donc, elle aussi, modifié
la forme de rédaction de ses arrêts à des fins didactiques et de simplification. Deux changements
majeurs sont intervenus : l’adoption d’une motivation dite « enrichie » pour certains arrêts et le
recours à une formulation simplifiée dans la rédaction des arrêts.

Pour mesurer cette évolution, les étudiants se reporteront aux documents n°2 (Ass. plén., 29 octobre
2004) et n°3 (Civ. 1ère, 16 décembre 2020) de la fiche de TD n° 2. Cette lecture comparée vous
permettra d’identifier précisément les différences entre la forme ancienne – classique - et la forme
nouvelle – moderne - de rédaction.

Document n°5 : Dossier de presse « Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation change »
(extraits), 5 avril 2019.

IV. Troisième thème de la séance : la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Depuis


le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d’une instance judiciaire, invoquer
l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, au moyen d’une question prioritaire de
constitutionnalité. La question prioritaire de constitutionnalité a été instaurée par la réforme
constitutionnelle du 23 juillet 2008. Sa procédure résulte non seulement de la Constitution elle-même,
mais aussi d’une loi organique et de dispositions du Code de procédure civile. Il est essentiel de
comprendre comment cette nouvelle procédure prend place dans le procès civil.

Document n°6 : Extraits des textes applicables à la QPC

V. Exercice 1 – Les étudiants devront tout d’abord faire un effort pour maitriser le vocabulaire
important et nouveau qui permet d’évoquer le déroulement du procès et l’organisation judiciaire : la
différence entre les jugements et les arrêts, le taux du ressort, statuer en premier et dernier ressort,
casser, rejeter, débouter, infirmer, confirmer, interjeter appel, se pourvoir en cassation, un moyen, les
motifs, le visa, etc.

Ils rechercheront des données en ligne sur la durée des procédures judiciaires en France.

Ils devront ensuite définir la « qualification » et réfléchir à la question suivante : la cour de cassation,
juge du droit et non du fait, peut-elle contrôler la qualification retenue par les juges du fond ?

VI. Exercice 2 – Ayant entrepris depuis la semaine dernière un important effort de méthode pour lire
et analyser les décisions, ils établiront à nouveau la fiche d’arrêt des trois décisions reproduites dans
le document n°3.

VII. Exercice 3 – Ils répondront aux questions suivantes :


- A quel moment du procès une QPC peut-elle être soulevée ?

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- Comment les juges de l’ordre judiciaire sont-ils associées au mécanisme de la QPC ?
- Quel est l’objet d’une QPC ?
- Quelles critiques peut-on adresser à la protection des justiciables par le biais de la QPC ?

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Document n°1 : Schéma de l’organisation judiciaire en droit privé (tableau).

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Document n°4 : Rapport du groupe de travail « Méthode de travail » (extraits relatifs à
l’instauration de trois circuits différenciés de traitement des pourvois), juin 2020.

L’instauration de trois circuits différenciés de regard de la portée de la décision rendue : le RNSM ou


traitement des pourvois la NA serait ainsi systématisé pour les décisions de rejet
dont la portée ne dépasse pas celle du cas d’espèce ;
La Cour de cassation est confrontée à un flux important
de pourvois, qui induit deux conséquences : d’une part, - les cassations disciplinaires simples (en matière civile,
le temps de travail des conseillers est, pour une part cassations pour violation des articles 4, 16 ou encore 455
importante, consacré à des dossiers ne présentant pas du code de procédure civile et, en matière pénale,
d’intérêt normatif, ce qui se fait au détriment des affaires cassation motivée par le fait que le prévenu n’a pas été
les plus importantes ; d’autre part, il devient difficile de informé de son droit de se taire ou n’a pas eu la parole
se repérer dans la jurisprudence de la Cour de cassation, en dernier...) ;
abondante et composée d’arrêts ne présentant d’intérêt
que pour les parties au litige. - les cassations simples et évidentes résultant de
l’application directe d’un texte ou d’une jurisprudence
L’instauration d’un mode de traitement différencié des constante de la Cour de cassation.
pourvois pourrait constituer un remède à ces deux
écueils. Ainsi que l’exprimait la commission de L’introduction de ces types de cassation dans le circuit
réflexion sur la réforme de la Cour de cassation dans son court permettrait de traiter plus rapidement les pourvois
rapport d’avril 2017, « il s’agit d’aboutir à un système qui, même donnant lieu à une censure, ne posent aucune
de gestion des pourvois intégrant une étape préalable de difficulté particulière et ne présentent aucun intérêt
repérage, de tri et de pré-orientation qui permet de traiter normatif, parallèlement à ce qui justifie le recours au
rapidement et en mode simplifié les affaires les plus RNSM en cas de rejet du pourvoi. Il en résulterait non
simples, afin de consacrer le temps et les moyens seulement un gain de temps pour les conseillers
nécessaires aux affaires estimées les plus importantes, et rapporteurs, qui ne seraient plus tenus d’examiner
toujours garantir leur haut niveau de qualité » (p. 39) l’ensemble des moyens du pourvoi lorsqu’une cassation
paraît s’imposer sur un moyen préalable, ce qui est
Le groupe de travail propose en conséquence la création conforme à l’objectif recherché de recentrer le travail
de trois circuits de traitement des affaires : un circuit des conseillers sur les dossiers à portée normative, mais
court, un circuit approfondi et un circuit intermédiaire. également pour les parties, qui pourraient ainsi saisir
rapidement la juridiction de renvoi.
a) le circuit court avec création d’un président ou son
délégué statuant à juge unique Les affaires orientées vers ce circuit feraient l’objet d’un
rapport très succinct, limité à l’essentiel et contenant
Il s’agirait de juger des pourvois dont la solution l’avis du rapporteur sur la solution du litige. (…)
s’impose selon un processus qui partirait d’un rapport
simplifié établi par un conseiller-rapporteur pour aboutir b) le circuit approfondi
à une ordonnance rendue par le président de la chambre
ou par son délégué sur la base de ce rapport. Seraient orientées vers ce circuit : les affaires posant une
question de droit nouvelle (notamment application d’une
Seraient orientées vers ce circuit : loi nouvelle), une question d’actualité jurisprudentielle,
une question se posant de façon récurrente, une question
- les décisions de rejet non spécialement motivées ayant un impact important pour les juridictions du fond
(RNSM), prévues à l’article 1014 du code de procédure ou une question susceptible d’entraîner un revirement de
civile, et les décisions de non-admission (NA), prévues jurisprudence.
à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, dont le
recours serait rendu systématique dans un certain Le fait que soit invoquée une méconnaissance de droits
nombre de cas. Le critère du « moyen manifestement pas fondamentaux ou que soit sollicitée la transmission
de nature à entraîner la cassation » ou celui de l’absence d’une question préjudicielle n’impliquerait pas une
de « moyen sérieux de cassation » doit, afin de permettre orientation systématique vers le circuit approfondi. (…).
une appréhension uniforme du choix de cet outil par
l’ensemble des conseillers de la Cour, être apprécié au

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En principe, sauf décision contraire du président de la c) le circuit intermédiaire
chambre, ces affaires donneraient lieu à une séance
d’instruction (voir infra) réunissant le président, le Seraient orientées vers ce circuit toutes les affaires ne
doyen, le conseiller-rapporteur, les 6 spécialistes de la relevant ni du circuit court, ni du circuit approfondi : il
question concernée par le pourvoi, ainsi que, en principe, s’agirait en quelque sorte du circuit par défaut (sans que
sauf décision contraire du président de la chambre, cela signifie naturellement qu’il ait vocation à traiter la
l’avocat général. majorité des affaires).

Les affaires orientées vers le circuit approfondi feraient Devraient y être orientées les affaires qui, sans relever
l’objet, comme actuellement, d’un rapport communiqué du circuit approfondi, conduisent à rendre une décision
aux parties et d’un avis confidentiel. Le rapporteur dont la portée dépasse le seul cas d’espèce considéré. A
pourrait en outre rédiger un rapport complémentaire, soit titre d’exemples : les décisions apportant une précision
au vu des conclusions de l’avocat général ou des quant à la portée d’une jurisprudence existante
observations des parties, soit après réponse de ceux-ci ; les décisions réaffirmant une solution ancienne ou
dans l’hypothèse où leur seraient posées des questions. rarement énoncée.

Les arrêts statuant sur les pourvois orientés vers ce Les dossiers relevant de ce circuit ne justifieraient pas
circuit devraient être rédigés en motivation enrichie. nécessairement la désignation ab initio systématique
d’un avocat général. Cependant, la faculté, sur demande
Le principe étant, s’agissant des arrêts de rejet, de ne du rapporteur, de procéder à la désignation parallèle de
plus rédiger d’arrêt motivé sans portée normative, ceci l’avocat général serait possible.
suppose de permettre une réorientation à tous les stades
de la procédure, et donc même au stade de l’audience, Les affaires orientées vers le circuit intermédiaire
vers le circuit court. A défaut, la cohérence du système feraient l’objet, comme actuellement, d’un rapport
s’en trouverait altérée. communiqué aux parties et d’un avis confidentiel. Les
dossiers du circuit intermédiaire auraient vocation à être
En cas de réorientation à la demande de la conférence examinés en formation restreinte ou en formation de
vers le circuit court, il serait demandé au rapporteur de section.
rédiger un « rapport-avis » complémentaire qui, afin
d’assurer le principe de la contradiction, serait Là encore, la réorientation des affaires vers le circuit
communiqué aux parties et à l’avocat général, court ou vers le circuit approfondi resterait possible à
permettant ensuite au président (ou à son délégué) de tous les stades de la procédure jusqu’à l’audience.
statuer par ordonnance

Document n°5 : Dossier de presse « Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation
change » (extraits), 5 avril 2019.

HISTORIQUE
La motivation en forme développée des arrêts qui le
2014 : Une démarche collective, large, très ouverte, a été nécessitent doit permettre un accès au droit plus précis
engagée par et à la Cour de cassation en vue de réfléchir et plus informé. Elle est porteuse d’une dimension à la
aux évolutions possibles et souhaitables en matière de fois explicative, pédagogique (permettre à chacun de
motivation de ses décisions. Mars 2017 : Une mieux comprendre la décision en mettant davantage en
commission a été chargée de proposer des choix précis, évidence la progression du raisonnement qui a conduit à
argumentés, et d’élaborer, en fonction, un projet de la solution retenue) et persuasive (conduire les parties à
dispositif opérationnel. Elle a achevé ses travaux à la mi- mieux accepter la décision). Rendre une décision plus
décembre 2018. Février - juin 2019 : Des solutions aisément intelligible, c’est aussi se placer du point de
concrètes ont été formalisées pour servir de règles vue de son lecteur. La motivation en forme développée
rédactionnelles. est un gage de sécurité juridique (la lisibilité de la
décision participe fortement de la prévisibilité du droit).
OBJECTIFS DE LA RÉFORME Enfin, une jurisprudence constituée de décisions plus

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explicites, à la traçabilité plus nette, contribuera – un rôle conséquent dans le choix de la solution retenue).
notamment en en facilitant la traduction - à la diffusion En cas de cassation partielle avec renvoi devant une
du droit français dans le champ juridique international. juridiction du fond, donner dans les motifs mêmes de
Un arrêt peut être regardé comme bien motivé dès l’arrêt toutes précisions utiles sur ce qui reste à juger.
l’instant où sa seule lecture suffit à tout juriste pour en
saisir le sens et la portée. CHAMP D’APPLICATION

La motivation en forme développée n’a pas vocation à


SON CONTENU s’appliquer à toutes les décisions mais à enrichir celles
qui le justifient plus particulièrement. Elle concerne au
Expliquer, lorsqu’il y a lieu, la méthode d’interprétation, premier chef les arrêts qui :
retenue par la Cour, des textes pertinents. Faire mention • opèrent un revirement de jurisprudence ;
des solutions alternatives non retenues lorsque celles-ci • tranchent une question de principe ou présentent un
ont été sérieusement discutées au cours du délibéré, en intérêt marqué pour le développement du droit ;
mettant en évidence les raisons pour lesquelles elles ont • procèdent à l’interprétation d’un texte nouveau ;
été écartées. Quand il y a lieu, en particulier en cas de • présentent un intérêt pour l’unité de la jurisprudence ;
revirement de jurisprudence, citer les ‘précédents’ pour • mettent en jeu la garantie d’un droit fondamental ;
donner une traçabilité à l’arrêt au sein de la • tranchent une demande de renvoi préjudiciel à la Cour
jurisprudence de la Cour. Faire état des études de justice de l’Union européenne ou une demande d’avis
d’incidences (lorsqu’elles existent et qu’elles ont rempli consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme.

Document n°6 : Extraits des textes applicables à la QPC

Constitution – Extraits

ARTICLE 61-1 ARTICLE 62

Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le
juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni
porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution mise en application.
garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette
question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le
cassation qui se prononce dans un délai déterminé. fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la
publication de la décision du Conseil constitutionnel ou
Une loi organique détermine les conditions d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil
d’application du présent article. constitutionnel détermine les conditions et limites dans
lesquelles les effets que la disposition a produits sont
susceptibles d’être remis en cause.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont


susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives
et juridictionnelles.

Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil


Constitutionnel

Chapitre II bis : De la question prioritaire de Section 1 : Dispositions applicables devant les


constitutionnalité juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour
de cassation

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Article 23-1 - Devant les juridictions relevant du prendre les mesures provisoires ou conservatoires
Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré nécessaires.
de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux (al.2) Toutefois, il n’est sursis à statuer ni lorsqu’une
droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine personne est privée de liberté à raison de l’instance, ni
d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure
Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en privative de liberté. (al.3) La juridiction peut également
cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office. statuer sans attendre la décision relative à la question
(al.2) Devant une juridiction relevant de la Cour de prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement
cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à prévoit qu’elle statue dans un délai déterminé ou en
l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le urgence. Si la juridiction de première instance statue
moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son sans attendre et s’il est formé appel de sa décision, la
avis. juridiction d’appel sursoit à statuer. Elle peut toutefois
(al.3) Si le moyen est soulevé au cours de l’instruction ne pas surseoir si elle est elle-même tenue de se
pénale, la juridiction d’instruction du second degré en est prononcer dans un délai déterminé ou en urgence. (al.4)
saisie. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner
(al.4) Le moyen ne peut être soulevé devant la cour des conséquences irrémédiables ou manifestement
d’assises. En cas d’appel d’un arrêt rendu par la cour excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui
d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un décide de transmettre la question peut statuer sur les
écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est points qui doivent être immédiatement tranchés. (al.5) Si
immédiatement transmis à la Cour de cassation. un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges
du fond se sont prononcés sans attendre la décision du
Article 23-2 - La juridiction statue sans délai par une Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été
décision motivée sur la transmission de la question saisi, celle du Conseil constitutionnel, il est sursis à toute
prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la décision sur le pourvoi tant qu’il n’a pas été statué sur la
Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si question prioritaire de constitutionnalité. Il en va
les conditions suivantes sont remplies : autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de
la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; cassation statue dans un délai déterminé.
2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d’une Section 2 : Dispositions applicables devant le Conseil
décision du Conseil constitutionnel, sauf changement d’État et la Cour de cassation
des circonstances ;
3° La question n’est pas dépourvue de caractère Article 23-4 - Dans un délai de trois mois à compter de
sérieux. la réception de la transmission prévue à l’article 23-2 ou
(al.5) En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle au dernier alinéa de l’article 23-1, le Conseil d’État ou la
est saisie de moyens contestant la conformité d’une Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la
disposition législative d’une part aux droits et libertés question prioritaire de constitutionnalité au Conseil
garantis par la Constitution et d’autre part aux constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les
engagements internationaux de la France, se prononcer conditions prévues aux 1° et 2° de l’article 23-2 sont
par priorité sur la transmission de la question de remplies et que la question est nouvelle ou présente un
constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de caractère sérieux.
cassation.
(al.6) La décision de transmettre la question est adressée Article 23-5 - Le moyen tiré de ce qu’une disposition
au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit législative porte atteinte aux droits et libertés garantis
jours de son prononcé avec les mémoires ou les par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la
conclusions des parties. Elle n’est susceptible d’aucun première fois en cassation, à l’occasion d’une instance
recours. Le refus de transmettre la question ne peut être devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le
contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision moyen est présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un
réglant tout ou partie du litige. mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé
d’office.
(al.2) En tout état de cause, le Conseil d’État ou la Cour
Article 23-3 - Lorsque la question est transmise, la de cassation doit, lorsqu’il est saisi de moyens contestant
juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la la conformité d’une disposition législative d’une part
décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, aux droits et libertés garantis par la Constitution et
s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de d’autre part aux engagements internationaux de la
l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut

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France, se prononcer par priorité sur le renvoi de la (al.4) Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le
question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Conseil d’État ou la Cour de cassation sursoit à statuer
(al.3) Le Conseil d’État ou la Cour de cassation dispose jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement
d’un délai de trois mois à compter de la présentation du quand l’intéressé est privé de liberté à raison de
moyen pour rendre sa décision. Le Conseil l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation
constitutionnel est saisi de la question prioritaire de statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d’État ou la
constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il
1° et 2° de l’article 23-2 sont remplies et que la question peut n’être pas sursis à statuer.
est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Code de procédure civile - Extraits

Chapitre Ier : La transmission par le juge de la constitutionnalité, le ministère public avisé et les
question prioritaire de constitutionnalité à la Cour parties entendues ou appelées.
de cassation
Ceux-ci sont avisés par tout moyen de la date à
Article 126-1 - La transmission d’une question laquelle la décision sera rendue. Les parties sont en
prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation outre avisées qu’elles devront, le cas échéant, se
obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 conformer aux dispositions de l’article 126-9.
de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et Article 126-5 - Le juge n’est pas tenu de transmettre
aux dispositions prévues par le présent chapitre. une question prioritaire de constitutionnalité mettant
en cause, par les mêmes motifs, une disposition
Article 126-2 - A peine d’irrecevabilité, la partie qui législative dont la Cour de cassation ou le Conseil
soutient qu’une disposition législative porte atteinte constitutionnel est déjà saisi. En cas d’absence de
aux droits et libertés garantis par la Constitution transmission pour cette raison, il sursoit à statuer sur
présente ce moyen dans un écrit distinct et motivé, y le fond, jusqu’à ce qu’il soit informé de la décision de
compris à l’occasion d’un recours contre une décision la Cour de cassation ou, le cas échéant, du Conseil
réglant tout ou partie du litige dans une instance ayant constitutionnel.
donné lieu à un refus de transmettre la question
prioritaire de constitutionnalité. Article 126-6 - Le refus de transmettre la question
dessaisit la juridiction du moyen tiré de la question
Le juge doit relever d’office l’irrecevabilité du moyen prioritaire de constitutionnalité.
qui n’est pas présenté dans un écrit distinct et motivé.
Toutefois, lorsque ce refus a été exclusivement
Les autres observations des parties sur la question motivé par la constatation que la disposition
prioritaire de constitutionnalité doivent, si elles sont législative contestée n’était pas applicable au litige ou
présentées par écrit, être contenues dans un écrit à la procédure en cause, la juridiction peut, si elle
distinct et motivé. A défaut, elles ne peuvent être entend à l’occasion de l’examen de l’affaire faire
jointes à la décision transmettant la question à la Cour application de cette disposition, rétracter ce refus et
de cassation. transmettre la question.
Article 126-3 - Le juge qui statue sur la transmission […]
de la question prioritaire de constitutionnalité est celui
qui connaît de l’instance au cours de laquelle cette Chapitre II : Le renvoi par la Cour de cassation de
question est soulevée, sous réserve des alinéas qui la question prioritaire de constitutionnalité au
suivent. Conseil constitutionnel
[…] Article 126-8 - Le renvoi par la Cour de cassation
Article 126-4 - Le juge statue sans délai, selon les d’une question prioritaire de constitutionnalité au
règles de procédure qui lui sont applicables, sur la Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par
transmission de la question prioritaire de les articles 23-4 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067

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du 7 novembre 1958 précitée et aux dispositions
prévues par le présent chapitre.

Article 126-9 - Les parties disposent d’un délai d’un


mois à compter de la décision de transmission pour
faire connaître leurs éventuelles observations. Celles-
ci sont signées par un avocat au Conseil d’Etat et à la
Cour de cassation, dans les matières où la
représentation est obligatoire devant la Cour de
cassation.
[…]

Article 126-12 - La Cour de cassation n’est pas tenue


de renvoyer au Conseil constitutionnel une question
prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par
les mêmes motifs, une disposition législative dont le
Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas
d’absence de transmission pour cette raison, elle
diffère sa décision jusqu’à l’intervention de la
décision du Conseil constitutionnel.

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