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Dualité des ordres

de juridiction en
France

La dualité des ordres de juridiction en


France, ou dualisme juridictionnel,
consiste en l’existence de deux ordres
juridictionnels séparés : l’ordre
administratif et l’ordre judiciaire, ayant à
leur tête respectivement le Conseil d’État
et la Cour de cassation.
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références »

En pratique : Quelles sources sont


attendues ? Comment ajouter mes
sources ?

Juridictions les plus fréquentes dans l'organisation juridictionnelle nationale française

L’existence de ces deux ordres de


juridiction distincts est en France le
produit de l’histoire, fruit de la volonté
d’empêcher le juge judiciaire de
s’immiscer dans les questions de
l’administration.

Histoire

Fondements historiques

La séparation entre les ordres de


juridiction administrative et judiciaire
résulte d’un processus historique, qui se
confond dans une certaine mesure avec
la séparation de l'activité juridictionnelle
et de l'« administration active ».

En 1641, par l'Édit de Saint-Germain,


Richelieu limite le droit de remontrance
du Parlement de Paris : « Très expresses
inhibitions et défenses » aux corps
judiciaires « de prendre à l'avenir
connaissance d'aucunes affaires qui
peuvent concerner l'État, l'administration
et le gouvernement d'icelui que nous
réservons à notre seule personne »[1].

La méfiance des révolutionnaires à


l’égard des juges les incite à rechercher
une séparation stricte entre le pouvoir
judiciaire et les autres pouvoirs,
notamment le pouvoir exécutif. À
l'occasion de son Discours sur la
réorganisation du pouvoir judiciaire[2]
prononcé devant l'Assemblée
constituante le 24 mars 1790 Jacques-
Guillaume Thouret déclarait :
Le second abus qui a dénaturé
le pouvoir judiciaire en France
était la confusion, établie entre
les mains de ses dépositaires,
des fonctions qui lui sont
propres, avec les fonctions
incompatibles et
incommunicables des autres
pouvoirs publics. Émule de la
puissance législative, il
révisait, modifiait ou rejetait
les lois : rival du pouvoir
administratif, il en troublait les
opérations, en arrêtait le
mouvement ou en inquiétait les
agents (...). Disons qu'un tel
désordre est intolérable dans
une bonne Constitution, et que
la nôtre fait disparaître, pour
l'avenir les motifs qui ont pu le
faire supporter précédemment
(...).

Cette hostilité à l'égard du pouvoir


judiciaire se traduira par l'adoption des
deux textes fondateurs du dualisme
juridictionnel : la loi des 16 et 24 août
1790, dont l'article 13 dispose : « Les
fonctions judiciaires sont distinctes et
demeureront toujours séparées des
fonctions administratives. Les juges ne
pourront, à peine de forfaiture, troubler, de
quelque manière que ce soit, les
opérations des corps administratifs, ni
citer devant eux les administrateurs pour
raison de leurs fonctions » et le décret du
16 fructidor an III, qui réitère ce principe
de séparation : « Défenses itératives sont
faites aux tribunaux de connaitre des
actes d'administration, de quelque espèce
qu'ils soient, aux peines de droit ».

Afin d'assurer le respect de ces


interdictions qui cantonnent le pouvoir
judiciaire, l'article 23 du la loi du 21
fructidor an III crée la procédure du
conflit d'attribution, qui permet à
l'autorité administrative de faire obstacle
aux empiètements de l'autorité judiciaire.
Cette procédure, aujourd'hui appelée
"conflit positif de compétence" est
désormais encadrée par l'article 13 de la
loi du 24 mai 1872[3].

Ce principe de séparation des fonctions


judiciaire et administrative conduisit les
révolutionnaires puis le Directoire à
confier à l'Administration elle-même le
soin de statuer sur les contentieux nés
de son action (litiges en matière de
voirie, de travaux publics, de
contributions directes...). La Constitution
du 22 frimaire an VIII et la loi du 28
pluviôse an VIII créent respectivement le
Conseil d'État et les conseils de
préfecture, ancêtres des Tribunaux
administratifs. Initialement, ces organes
ne se distinguaient pas de
l'Administration qu'ils étaient en charge
de juger, illustrant la formule d'Henrion
de Pansey selon laquelle « juger
l’administration, c’est encore
administrer »[4]. L'évolution du statut de
ces organes administratifs, avec
notamment le passage à une justice dite
"déléguée" et l'abandon de la théorie du
ministre-juge en 1889, permet l'apparition
d'un véritable ordre juridique
administratif. Cette consécration d'une
justice administrative indépendante de
l'Administration est ainsi celle du
dualisme juridictionnel français.
L'évolution des fondements
historiques

Aujourd'hui la méfiance à l’égard du juge


judiciaire a largement disparu et le juge
administratif ne semble plus pouvoir être
accusé d’une collusion avec
l’administration. Sa jurisprudence assure
un contrôle approfondi de l’action
administrative (sur le plan de la légalité
comme du fond). Il semble aussi que
l'objection de mauvaise indemnisation
souvent soulevée à son encontre, ne soit
pas recevable. Par exemple, en matière
de responsabilité, le succès récent de la
responsabilité pénale des personnes
publiques ne doit pas nous faire oublier
une jurisprudence qui a progressivement
multiplié les cas de responsabilité et
amélioré l’indemnisation, aboutissant à
un régime assez proche de celui
appliquée par le juge judiciaire.

Un second motif de caducité des


fondements historiques de la dualité est
la convergence des régimes de droit
public et privé, observable au sujet de la
responsabilité ou encore des contrats.
L’on observe également un
rapprochement et une interpénétration
croissante des domaines respectifs de
compétence des deux juges : le juge
judiciaire et le juge pénal ont des
compétences en matière de contrôle de
l’administration, de responsabilité, le juge
administratif intervient dans des
domaines de compétence classiquement
réservés au juge judiciaire : libertés
individuelles (à travers le référé liberté),
contrats, questions économiques.

Enfin, la querelle classique sur le juge


des libertés qui veut que le juge judiciaire
soit meilleur protecteur des libertés est à
réexaminer à la lumière de la conciliation
que le juge administratif a su opérer
entre les exigences de l’ordre public et le
respect des libertés individuelles.

La loi du 30 juin 2000 instituant le référé-


liberté, le référé-suspension et le référé-
mesures utiles a remis le juge
administratif au centre de la protection
des libertés fondamentales. Le recul de
la place du juge judiciaire quant aux
atteintes portées par l'administration aux
libertés peut se matérialiser par la
redéfinition de la voie de fait ou
l'interprétation restrictive de l'article 66
de la Constitution[5] donnant compétence
à l'autorité judiciaire pour la défense de la
liberté individuelle.
Les arguments en défaveur
du maintien de la dualité

Salle où siège le Tribunal des conflits


(Palais Royal, à Paris) qui est la
juridiction chargée de trancher les
conflits d’attribution et de décision
entre les deux ordres de juridiction.

Complexité des règles de répartition


de compétence

L’existence de deux ordres de juridiction,


entre lesquelles la répartition des
compétences ne va pas toujours de soi
pour qui n’est pas spécialiste, peut
compliquer la tâche du requérant.
Pour cette raison, la répartition de
compétences fait l’objet d’un travail
constant de clarification et de
simplification de la part du juge, par
exemple dans l’arrêt du TC Berkani (25
mars 1996)[6] qui simplifie les règles de
compétence en cas de litige entre un
agent public et son employeur.

De même, en cas de conflit négatif, c'est-


à-dire si les deux ordres de juridiction
estiment qu'ils ne sont pas compétents,
le décret 27 février 2015[7] oblige le
second juge à renvoyer
automatiquement l’affaire au Tribunal
des conflits (mécanisme de renvoi
automatique, qui peut également être
appliqué ex ante, si le premier juge saisi a
une incertitude au sujet de sa
compétence). Ce mécanisme permet
d'éviter le déni de justice.

En pratique, le Tribunal des conflits n’est


saisi chaque année que sur une
cinquantaine d’affaires, ce qui mène à
relativiser l’importance de ce problème.

Il demeure que les erreurs éventuelles,


qui rallongent la procédure et la rendent
plus coûteuse, peuvent très bien
décourager le requérant qui renoncera à
poursuivre son action.
Le mécanisme de la question
préjudicielle

La dualité de juridictions présente un


autre risque de lenteur en cas de
question préjudicielle. Ce type de
procédure ne survient que lorsque la
juridiction compétente pour statuer sur
une affaire rencontre dans son examen
une question qui n’est pas de son
ressort. Dans la pratique, ce nombre de
cas est limité : par exemple, le juge
administratif peut avoir des doutes sur la
validité d’un acte de droit privé (comme
un titre de propriété ou la nationalité
d’une personne) tandis que le juge
judiciaire peut être amené à s’interroger
sur la légalité d’un acte administratif.

Ce problème peut être relativisé pour


deux raisons.

D'abord, la théorie de l’acte clair limite


l’usage de la question préjudicielle aux
cas où il y a réellement une difficulté
sérieuse. Si la question ne pose pas de
difficulté particulière, le juge tranche lui-
même sans avoir à recourir au
mécanisme de la question préjudicielle.

Ensuite, le juge pénal, bien que juge


judiciaire, est compétent pour examiner
la légalité des actes administratifs
depuis l'entrée en vigueur de l'article 111-
5 du nouveau Code pénal en 1994. Ces
pouvoirs sont inspiré par l'arrêt du
tribunal des conflits du 5 juillet 1951
"Avranches et Desmarets" qui les
limitaient toutefois aux seuls actes
individuels[8].

Lenteur des juridictions


administratives

Initialement, les juridictions


administratives étaient si engorgées que
les justiciables étaient tentés de porter
leur affaire devant le juge judiciaire.

C'est pourquoi de nombreuses réformes


sont intervenues dans l’ordre
administratif. Il s'agit, entre autres, de la
réorganisation et le renforcement des
procédures de référé par la loi du 30 juin
2000 (qui met notamment en place la
procédure du référé-liberté qui oblige le
juge à statuer en 48 heures), et de la
création des Cours administratives
d'appel par la loi de 1987.

Divergences de jurisprudence

La coexistence des deux ordres de


juridictions fait jaillir de rares
divergences de jurisprudence sur
certaines questions. Ces divergences
nuisent à la cohérence du droit et à la
garantie de sécurité juridique.
Toutefois il est arrivé que des questions
jugées importantes fassent l'objet d'une
divergence. Ainsi le Conseil d'État et la
Cour de cassation ont longtemps été en
opposition en matière de contrôle de
conventionnalité. En effet, dès 1975
(arrêt Jacques Vabre), la Cour de
cassation a affirmé qu'il appartenait au
juge d'écarter l'application de la loi si elle
entrait en contradiction avec un
engagement international ou européen
de la France. Ce n'est qu'en 1989 (arrêt
Nicolo) que le Conseil d’État a adopté la
même position en revenant sur sa
jurisprudence antérieure (arrêt Fabricants
de semoules de France de 1968).
Il demeure que depuis la fin des années
2000, ces divergences de jurisprudence
sont de plus en plus rares.

Problèmes liés à l’indépendance et


l'impartialité

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Le Conseil d’État est la juridiction la
plus élevée de l’ordre administratif.

L'ordre administratif est né de la défiance


des révolutionnaires envers l'ordre
judiciaire : il s'est agi de protéger le
pouvoir exécutif du pouvoir judiciaire.
Ainsi, l'ordre administratif pourrait être
perçu comme destiné à protéger l'action
du pouvoir exécutif et des
Administrations.

Souvent, des inquiétudes se font jour


quant aux liens trop étroits unissant la
juridiction administrative et
l’administration, selon lesquelles le juge
administratif jugerait dans la ligne de
l’administration et ne serait pas assez
sévère.

Le juge administratif dispose


statutairement et juridiquement d’une
complète indépendance vis-à-vis de
l’administration. Les juges sont recrutés
entre autres parmi les anciens élèves de
l'ENA [9] ou parmi les fonctionnaires :
ainsi, certains d'entre eux ont été formés
à gérer une administration, et cela peut
biaiser leur analyse, dans le sens où ils
seraient plus sensibles au point de vue
de l'administration [10].

L'idée d’une collusion est infirmée, en


pratique, par l’action du juge, qui dispose
depuis la loi du 8 février 1995 des
pouvoirs d’injonction et d’astreinte à
l’égard de l’administration, et qui dans sa
jurisprudence peut s’avérer aussi
protecteur du requérant et des libertés
que le juge judiciaire.

Cependant, l’efficacité de ces pouvoirs


est à nuancer, pour plusieurs motifs :

L'économie des moyens : le juge


judiciaire doit répondre à tous les
moyens de droit soulevés par les
parties. Le juge administratif, par
contre, utilise le principe d'économie
des moyens, en sélectionnant un seul
et unique moyen permettant
l'annulation. Or, le type de moyen
choisi peut avoir des effets négatifs
pour la personne réalisant le recours.
L'inefficacité des jugements et arrêts
du juge administratif pour les actes
nouveaux futurs : le juge administratif
se limite à annuler des actes passés et
éventuellement enjoindre de modifier
des actes dans un sens déterminé.
Mais le juge administratif n'a aucun
pouvoir quant aux actes futurs qui
pourraient être illégaux de manière
prévisible. À titre d'exemple, le Conseil
d'État a dû annuler huit notes de
services illégales successives [11] ;
Dans sa décision de 2015 (no 374434
du 22 juillet 2015), le Conseil d’État
menaçait explicitement
l'administration pour le futur :
"l’administration ne saurait, sans
méconnaître l’autorité de la chose jugée
qui s’attache à la présente décision
d’annulation et aux motifs qui en sont le
soutien nécessaire" ; et pourtant, quatre
mois après la huitième du décision
Conseil d’État, l’administration prenait
la note de service no 2015-186 du 10
novembre 2015, qui à nouveau violait
la loi en édictant des critères de
priorité non prévus par la loi ; cette
nouvelle note de service était annulée
en 2017 par le Conseil d’État [12], sans
conséquence malgré "l'avertissement"
du Conseil d'État à l’administration
dans son arrêt de 2015.

Le juge administratif applique un droit,


qui est un droit protecteur de
l'administration. Or, des décisions du
Conseil d'État ont tendance, hors de tout
texte légal, à renforcer toujours ce
caractère protecteur. Par exemple, les
décisions administratives sont
"protégées" par des délais de recours
très courts : deux mois à compter de la
décision [13]. Or, ce même Code de justice
administrative précisait que ce court
délai de deux mois ne courait pas à
défaut de mention des délais et voies de
recours [14] ; ainsi, sans les dites
mentions, le recours demeurait possible.
Par son arrêt Czabaj [15], le Conseil d'État
a décidé, hors de tout texte légal, de
limiter le type de recours à un autre délai,
fort court et arbitraire, d'un an. Ce même
Conseil d'État a continué sur la même
voie en appliquant ce même délai d'un an
pour les recours par voie d'exception
contre les actes réglementaires du
moment que le moyen d'annulation était
un moyen de légalité externe [16][non
neutre].

Le juge européen pourrait apporter une


objection au respect de l’indépendance
et d’impartialité de la part du Conseil
d’État en posant la question de la
combinaison des fonctions consultatives
et contentieuses de cette juridiction[17].
C’est le débat sur l’application à la France
de l’arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme (CEDH, siégeant à
Strasbourg) Procola c/ Luxembourg (28
septembre 1995), qui concerne la
présence au contentieux de juges ayant
déjà figuré dans la procédure
consultative, ce qui signifie qu'ils
contrôlent la légalité d'un texte en ayant
participé à son élaboration[18]. La
jurisprudence de la CEDH Sacilor
Lormines c./ France affirme cependant
que les garanties statutaires des
membres du CE permet une assimilation
de ces derniers à des magistrats
indépendants. C’est également
notamment la communication aux
parties des documents concernant l’avis
du Conseil d'État sur le texte.
Néanmoins, le Conseil d'État veille à
éviter que cette situation ne se produise.

Par ailleurs, l'indépendance et


l'impartialité du Conseil d'État sont
remises en cause par la cour de
Strasbourg en raison de la présence du
Commissaire du gouvernement au
délibéré. Dans deux décisions (CEDH
Kress c./ France, 7 juin 2001 - CEDH
LOYEN c./ France, 5 juillet 2005), la cour
européenne s'oppose à la présence du
Commissaire. En réponse, la France
affirme que le commissaire du
gouvernement "assiste mais ne participe
pas à la délibération" (art. 731-7 CJA issu
du décret du 19 décembre 2005).
Néanmoins, dans l'arrêt Martinie de
2006, la CEDH reprend la jurisprudence
Kress c./ France en vue de rappeler
qu'elle prohibe tout autant la
participation du Commissaire du
Gouvernement au délibéré que sa simple
présence. De ce fait, la France adopte par
décrets du 1er août 2006 et du 7 janvier
2009 que le commissaire du
gouvernement soit désormais dénommé
le Rapporteur public et qu'il n'assiste plus
au délibéré (sauf au CE où, sauf
demande contraire d'une partie, le
Rapporteur public y assiste).

La question n'est donc pas tant


l'indépendance de la Justice
administrative, qui est à peu près
acquise, qu'au fond, sa relative partialité,
c'est-à-dire une tendance à juger en
faveur de l'Administration (à partir d'un
droit déjà protecteur), sans bien
évidemment que cela soit
caricaturalement systématique.
Un accès plus ou moins facile pour
le justiciable selon l'ordre à laquelle
la juridiction saisie appartient

Fin des années 2010 début des années


2020, il est possible pour le justiciable
français (professionnel ou non
professionnel) de saisir relativement
simplement les tribunaux administratifs.

La procédure est même harmonisée au


niveau national, puisque les particuliers
comme les avocats peuvent saisir la
justice de matière dématérialisée par la
plateforme télérecours et de suivre l'état
du contentieux.
Bien sur pouvoir saisir techniquement
une juridiction administrative ne signifie
pas que la requête sera acceptée mais
cela rend bien plus aisée la saisie du juge
administratif.

Concernant les juridictions judiciaires,


une telle saisie dématérialisée est à
l'étude mais n'est pas généralisée. Quand
elle est mise en place, elle est rarement
accessible aux particuliers. Ceux-ci
peuvent donc être handicapés, car
chaque tribunal peut avoir ses propres
pratiques que généralement seuls les
avocats du barreau concerné
connaissent.
Les arguments en faveur du
maintien de la dualité

Les avantages de la juridiction


administrative

La Cour de cassation est la juridiction


la plus élevée de l’ordre judiciaire.

L’existence distincte de la juridiction


administrative semble constituer une
plus grande cohérence et une efficacité
accrue de son activité. En effet, le
recrutement des juges de l’ordre
administratif crée des liens privilégiés
avec l’administration, ils sont formés à la
même culture administrative, par
exemple au sein de l’ENA, et le
détachement des juges du corps leur
permettent de mieux connaître la réalité
de l’administration de l’intérieur. En
principe, la nomination de fonctionnaires
au tour extérieur présente également ces
avantages. Cette liaison étroite entre
l’administration et le juge, qui se fait
également par le truchement de la
fonction consultative du Conseil d’État
peut rendre l’action du juge administratif
plus efficace car parfois plus audacieuse
et susceptible d’être suivie d’effets. En
effet, l’administration se plie sans doute
plus facilement à des règles issues de
son sein.
Comparaisons internationales

De plus, le droit administratif présente


des complexités qui rendent nécessaire
la spécialisation des juges qui
l’appliquent.

Ainsi, au niveau international, il existe


toujours soit une juridiction spécialisée,
soit dans les pays qui ont un ordre
juridique unique, une chambre
spécialisée dans le contentieux
administratif. La dualité de juridiction
n’est donc pas une exception française.

En Allemagne, en Autriche, en Finlande,


en Suède et au Portugal, pour ne citer
que des pays européens, il existe une
juridiction administrative distincte de la
juridiction judiciaire.

En Belgique, en Italie, en Grèce ou même


en Turquie, la juridiction administrative
suprême a également une compétence
consultative, comme en France. C'était
aussi le cas au Luxembourg jusqu'en
1997, mais désormais le Conseil d'État
de ce pays n'a plus que sa fonction
consultative, en réponse à l'arrêt Procola
rendu par la Cour européenne des droits
de l'homme en 1995.

Au Royaume-Uni, modèle de l’unité de


juridiction, certaines juridictions qui ont à
traiter d’affaires administratives créent
des chambres spécialisées, et le judicial
review, introduit en 1978, rappelle
fortement le recours pour excès de
pouvoir français. Globalement, la
tendance actuelle semble d’ailleurs
plutôt à la multiplication des juridictions
spécialisées.

Des problèmes plus prégnants se


situent à un autre niveau

En effet, de plus en plus l’activité du juge


repose sur l’application de normes de
source internationale et notamment
européenne. La CJUE confie ainsi aux
juridictions nationales l’application du
droit communautaire (CJCE Factortame).
Le problème majeur qui se pose aux
juridictions nationales aujourd’hui
semble donc moins horizontal (dualité
des ordres nationaux) que vertical, c’est-
à-dire celui de la dualité entre les
juridictions nationales et européennes.

Autres systèmes
envisageables
D’autres systèmes sont envisageables, et
l’exemple du Royaume-Uni prouve bien
que la dualité n’est en aucun cas
nécessaire en soi. En effet, le modèle
britannique, qui existe aussi dans
plusieurs autres pays anglo-saxons
(États-Unis, Irlande..) est fondé sur un
ordre de juridiction unique. En Angleterre,
l’administration est donc soumise à la
Common law. Ce système trouve ses
fondations dans une vision différente de
la séparation des pouvoirs voulant que
les pouvoirs puissent se contrôler pour
éviter les abus.

En Belgique, le contentieux de la légalité


est confié à une juridiction
administrative, le Conseil d'État, mais le
contentieux des droits subjectifs est
toujours de la compétence du juge
judiciaire, même lorsqu'il implique un
acte administratif. De plus, le système
belge prévoit qu'au contentieux des
droits subjectifs, l'État est soumis au
même droit que les autres justiciables.
Même si formellement le système belge
paraît proche du système français - avec
l'existence, en particulier, d'un Conseil
d'État - sur le fond, il est beaucoup plus
proche du système anglais, puisque seul
le contentieux objectif de la légalité
échappe au juge judiciaire.

Les difficultés d'une réforme

Un système établi et bien ancré

Les deux ordres de juridiction sont


caractérisés par des modes de
fonctionnement différents, à la fois en ce
qui concerne le statut des juges et les
relations entre les juridictions à l’intérieur
de chaque ordre. L’organisation d’une
fusion des deux ordres semble de ce fait
poser des problèmes considérables de
transition et de choix d’une organisation
définitive.

D’autre part, en ce qui concerne la


juridiction administrative, son statut et
son prestige, notamment auprès du
législateur, rendront sans doute toute
velléité de réforme allant dans ce sens
extrêmement difficile.

Enfin, si le souci majeur est bien de


simplifier l’accès au juge pour le
justiciable et de rendre les procédures
plus brèves. Les réformes internes à
chaque ordre, mais auxquels on peut
aussi ajouter l’amélioration des moyens
budgétaires et humains, semblent plus
efficaces qu’un bouleversement
important requérant l’apprentissage de
règles de fonctionnement entièrement
nouvelles.

Le statut constitutionnel de la
dualité

Le Conseil constitutionnel a conféré un


statut constitutionnel à la compétence
des juridictions administratives. Si la
Constitution de 1958 ne cite que le
Conseil d’État au titre de ses fonctions
consultatives, la décision du Conseil
constitutionnel du 23 janvier 1987
Conseil de la concurrence, statuant à
propos d’une loi qui confiait le
contentieux des décisions dudit Conseil
à la juridiction judiciaire, consacre « la
compétence de la juridiction
administrative pour l’annulation ou la
réformation des décisions prises, dans
l’exercice des prérogatives de puissance
publique » par les autorités publiques,
ceci « conformément à la conception
française de la séparation des pouvoirs »
et décide qu’il s’agit d’un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la
République[19]. En conséquence,
l’existence ainsi que la compétence
propre d’une juridiction administrative
ont valeur constitutionnelle. Auparavant,
dans une décision du 22 juillet 1980, le
Conseil constitutionnel avait déjà
consacré l’indépendance de la juridiction
administrative[20].

Les juges administratifs n’ont toutefois


pas le monopole du contentieux
administratif. Le principe de la
séparation des autorités n’interdit pas au
juge judiciaire de connaître de certains
aspects de l’action administrative.

S’il n’y a pas de monopole du juge


administratif dans le contentieux
administratif, il ne faut pas négliger sa
grande importance, alors même que
dans la Constitution, le juge administratif
est presque absent. Il reste le juge
naturel de l’action administrative. Ceci fut
consacré en deux temps par le Conseil
constitutionnel. Deux décisions du
Conseil constitutionnel ont fixé ses
compétences:

Dans une décision du 22 juillet 1980, le


Conseil constitutionnel a consacré un
nouveau Principe fondamental
reconnu par les lois de la République
selon lequel les juridictions
administratives sont indépendantes[20].
Il s’est fondé sur la loi du 24 mai 1872
qui accorda définitivement la
jurisprudence déléguée au Conseil
d'État. On ne peut consacrer
institutionnellement la juridiction
administrative sans la consacrer
constitutionnellement. Il faut
considérer que cette décision
consacre l’existence constitutionnelle
de l’action du Conseil d'État, et donc
elle doit être indépendante ;
Il manque encore quelque chose : il
faut donner une mission à cette
juridiction administrative. Il fallait
préciser si sa compétence était
protégée par une norme
constitutionnelle. Ceci fut résolu par la
décision du 23 janvier 1987, qui érige
en Principe fondamental reconnu par
les lois de la République une partie de
la compétence des juridictions
administratives[19]. Le Conseil
constitutionnel nous dit: « relèvent de
la compétence des juridictions
administratives l’annulation ou la
réformation des décisions prises dans
l’exercice de prérogatives de
puissances publiques par les autorités
exerçant le pouvoir exécutif, leurs
agents, les collectivités territoriales de
la République ou les organismes
publics placés sous leur autorité ou
leur contrôle ».

Il y a une définition positive qui signifie


qu’il y a des choses qui n’y entrent pas.
Le Conseil constitutionnel n’a pas voulu
les inclure dans une compétence
constitutionnellement garantie
(contentieux de la responsabilité de la
puissance publique, contentieux des
contrats, contentieux par voie
d’exception d’illégalité des décisions
administratives, le contentieux des
décisions administratives que peuvent
parfois prendre des personnes privées
chargées d’une mission de service
public).

Il faut comprendre que les juridictions


administratives sont compétentes pour
le tout, mais qu’il ne s’agit pas pour ce
tout d’une compétence constitutionnelle.
Donc ces compétences peuvent leur être
enlevées par une simple loi. Le Conseil
constitutionnel est pragmatique et il s’est
rendu compte que le contentieux de la
responsabilité de la puissance publique
pouvait relever du juge judiciaire. Si le
Conseil constitutionnel avait tout protégé
par la Constitution, cela aurait voulu dire
que toute une série de lois antérieures,
accordant pouvoir au juge judiciaire, était
devenue inconstitutionnelle.

Il faut ajouter que le Conseil


constitutionnel fait trois réserves au
transfert de compétence au juge
judiciaire :

1. Le Principe fondamental reconnu


par les lois de la République ne vaut
pas pour les matières que le Conseil
constitutionnel définit comme étant
« réservées par nature à l’autorité
judiciaire » (tradition) ;
2. Par ailleurs, le Conseil
constitutionnel admet qu’il peut y
avoir des lois qui, dans un souci de
bonne administration de la justice,
et pour créer des blocs de
compétence juridictionnelle,
transfèrent des compétences au
juge judiciaire. Cette possibilité de
transfert est réflexive ;
3. Mais les juridictions
administratives, désormais titulaires
d’une compétence partiellement
constitutionnelle, entretiennent des
rapports ambigus avec
l’administration dans la mesure où il
n’est pas toujours aisé de les en
distinguer. L’administration de la
justice administrative, comme la
notion même de juridiction
administrative, reflètent cette
relative confusion entre
l’administration et ses juges.

Notes et références
1. Isambert, Taillandier et Decrusy,
Recueil général des anciennes lois
françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la
Révolution de 1789, t. XVI, 1829 (lire
en ligne (https://books.google.fr/boo
ks?id=QYgyAAAAIAAJ&printsec=fron
tcover) [archive]), p. 529
2. Discours sur la réorganisation du
pouvoir judiciaire (https://www.justic
e.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/pji-ilp/rev4/r
ev4.pdf) [archive]
3. loi du 24 mai 1872 (https://www.legif
rance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000
000521091/) [archive]
4. Henrion de Pansey, De l'autorité
judiciaire en France, 1818
5. l'article 66 de la Constitution (https://
www.legifrance.gouv.fr/loda/article_l
c/LEGIARTI00000652755
8/) [archive]
6. Tribunal des conflits, 25 mars 1996,
Préfet de la région Rhône-Alpes c/
Conseil de prud’hommes de Lyon
(Berkani) (https://www.conseil-etat.f
r/fr/arianeweb/TC/decision/1996-03-
25/03000/) [archive], n°03000
7. Article 32 du décret n° 2015-233 du
27 février 2015 relatif au Tribunal des
conflits et aux questions
préjudicielles (https://www.legifranc
e.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI00
0037551825/2020-11-01) [archive],
tel que modifié par l'article 7 du
décret n°2018-928 du 29 octobre
2018
8. « Le Tribunal des conflits -
Décisions - Quelques grands
arrêts » (http://www.tribunal-conflits.
fr/decisions-quelques-grands-arrets.
html) [archive], sur www.tribunal-
conflits.fr (consulté le 18 mars 2022)
9. Article L. 233-2 du code de justice
administrative
10. On rappellera que le non-
commerçant peut assigner le
commerçant, au choix, devant le
tribunal d'instance ou devant le
tribunal de commerce. Il est bien
évident que bien que les magistrats
du tribunal de commerce, élus, sont
certes indépendants, ils peuvent être
soupçonnés d'adopter plus aisément
le point de vue du commerçant, par
simple déformation professionnelle
bien compréhensible. Dans les
juridictions administratives, c'est un
problème identique qui se présente :
certains de leurs juges ont été
formés pour gérer des
administrations, et cela peut influer
sur leurs analyses.
11. arrêt no 323944 du 16 décembre
2009, arrêt no 335130 du 7 mars
2012, arrêt no 355073 du 8
septembre 2014, arrêt no 374434 du
22 juillet 2015
12. arrêt n° 396115 du 29 mai 2017
13. Article R421-1 du Code de justice
administrative
14. Article R. 421-5 du code de justice
administrative
15. Conseil d'État, Assemblée,
13/07/2016, 387763
16. Conseil d'État, 18 mai 2018,
N°414583
17. « Double appartenance » permise par
l'art. R121-3 CJA.
18. CE 25 janvier 1980, N° 14260 à
14265 (http://www.legifrance.gouv.f
r/WAspad/UnDocument?base=JADE
&nod=JGXAX1980X01X000001426
0) [archive] ; CE, 11 juillet 2007, N°
302040 (http://www.legifrance.gouv.f
r/WAspad/UnDocument?base=JADE
&nod=JGXBX2007X07X0000003020
40) [archive]
19. « Décision n° 86-224 DC du 23
janvier 1987 | Conseil
constitutionnel » (https://www.conse
il-constitutionnel.fr/decision/1987/8
6224DC.htm) [archive], sur
www.conseil-constitutionnel.fr
(consulté le 24 mai 2021)
20. « Décision n° 80-119 DC du 22 juillet
1980 | Conseil constitutionnel » (htt
ps://www.conseil-constitutionnel.fr/d
ecision/1980/80119DC.ht
m) [archive], sur www.conseil-
constitutionnel.fr (consulté le
24 mai 2021)
Voir aussi

Bibliographie

Grégoire Bigot, L'autorité judiciaire et le


contentieux de l'administration.
Vicissitudes d'une ambition 1800-1872,
LGDJ, 1999
Philippe Breton, L'autorité judiciaire
gardienne des libertés essentielles et de
la propriété privée, LGDJ, coll.
« Bibliothèque de droit public », Paris,
1964, 293 p. ;
René Chapus, Responsabilité publique
et responsabilité privée : les influences
réciproques des jurisprudences
administrative et judiciaire, LGDJ, Paris,
1954, 538 p. ;
Audrey Guinchard, « [PDF] La conception
française de la séparation des
pouvoirs (http://courses.essex.ac.uk/l
w/lw107/ExtraitTheseAG.pd
f) [archive] », extrait de la thèse Les
enjeux du pouvoir de répression en
matière pénale. Du modèle judiciaire à
l’attraction d’un système unitaire,
soutenue le 21 décembre 2001 à
l’Université Jean Moulin Lyon 3;
Jean-Marc Poisson et François Julien-
Labruyère, Les droits de l'homme et les
libertés fondamentales à l'épreuve de la
dualité de juridictions, L'Harmattan, coll.
« Logiques juridiques », Paris, 2003,
458 p. (ISBN 2-7475-5438-4) ;
Desmosthène Tsevas, Le contrôle de la
légalité des actes administratifs
individuels par le juge judiciaire, LGDJ,
coll. « Bibliothèque de sciences
criminelles », Paris, 1995, 217 p.
(ISBN 2-275-00305-3);
Bertrand Seiller, Droit administratif,
Tome 1: Les sources et le juge,
2e édition, Flammarion, coll. « Champs
Université », Paris, 2004, 130 p.

Articles connexes

Séparation des pouvoirs


Organisation juridictionnelle (France)
Tribunal des conflits (France)
Ordre administratif (France)
Ordre judiciaire (France)
Conflit de juridictions

Liens externes

Association des Conseils d'État et des


Juridictions administratives suprêmes
de l'Union européenne (http://www.jura
dmin.eu/fr/home_fr.html) [archive]

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