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De prime à bord il n’existe pas de procès sans but.

En effet, toutes les formalités


processuelles auxquelles le justiciable consent à se soumettre à partir de l’acte introductif
d’instance jusqu’à la décision juridictionnelle vise la réparation soit matérielle, soit financière,
soit psychologique d’un préjudice causé. Aussi, la compensation du dommage est au cœur du
droit processuel. Déjà dans l’antiquité, la loi du talion plastronnait. L’adage œil pour œil, dent
pour dent traduisait une idée d’égalité dans la réparation du préjudice. Le dommage réparé devait
être l’équivalent du dommage causé.

Même si aujourd’hui, l’offense reçue appelle une compensation plus forte (la réparation
des dommages et des intérêts), il demeure que la justice recherchée dans les tribunaux repose sur
l’égalité des Hommes. Celle-ci étant généralement représentée par une balance équilibrée.

La destruction de cet équilibre provoque le plus souvent un sentiment d’injustice. En


outre :

« L’inexécution d’une décision de justice génère pour la partie qui l’a emporté, un
sentiment d’injustice d’autant plus exacerbée qu’elle n’aura parfois obtenue cette
décision qu’à la suite d’un procès long et onéreux »

Dans cette logique, est perçu comme injuste celui qui crée le déséquilibre, viole les lois
établies et méconnait son égalité avec les autres. Pour l’exprimer, un auteur inscrit dans la
philosophie du droit a écrit :

« Examinons donc combien de sens divers peut prendre le mot injuste. Or, on appelle
ainsi l’homme qui viole les lois, celui qui est ambitieux, et qui méconnait l’égalité entre
les citoyens »

Dans cette perspective, le recours à une juridiction judiciaire ou arbitrale apparait souvent
comme la tentative de rétablissement d’un équilibre brisé. Pour cette raison, la décision de justice
est comme une concrétisation de cette tentative. Aussi, le refus d’exécution de l’acte
juridictionnel entretient, transforme et parfois empire le déséquilibre qui a conduit au procès.
Ledit déséquilibre remonte souvent à un malentendu lié au non respect d’une convention
particulière. Cette convention lie parfois un particulier à une personne publique.

Celle-ci, il est vrai n’est pas toujours sur le même pied d’égalité que la personne privée.
Ceci parce qu’elle est une émanation de l’Etat interventionniste et jouit de certains privilèges.
Mais, il existe des circonstances dans lesquelles elle prend des engagements vis-à-vis des
personnes privées et leur donne l’impression qu’elle s’est inclinée à leur niveau et a de ce fait
renoncé à certains de ses privilèges. Pourtant, l’immunité d’exécution reste l’apanage de la
personne publique. Celle-ci ne peut pas subir l’exécution forcée, l’Etat ne peut pas saisir, de
force, à travers l’officier de police judiciaire ses propres biens.

D’après un auteur, cette réalité est depuis longtemps posée par le code civil de 1804 en
ces termes :

« Les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être
aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières ».

Elle remonte selon le même auteur à la révolution française des années 1789, 1790 et
1791. A cet, il a affirmé :

« Dès la période de la révolution, des textes interdisent expressément de saisir les biens
et les derniers de l’Etat et des communes. Il s’agit de la loi des 22 novembre et 1 er
décembre 1790 ; du décret du 22 août 1791 ; titre XII, art 9 ; des instructions
ministérielles du 17 messidor an VIII ; de l’arrêté du 19 ventouses au X (…) En outre,
l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 interdit aux juges de « troubler de quelque
manière que ce soit les dispositions des corps administratifs. Ces différentes dispositions
établissant la séparation des autorités administratives et judiciaires ne se rapporte pas
seulement à l’incompétence des juridictions judiciaires en matière administrative, mais
déterminent des solutions de fond. Elles s’opposent à des voies d’exécution qui, dirigées
contre l’administration ont évidemment pour objet et pour effet de troubler d’une
manière ou d’une autre ses opérations »

En plus du déséquilibre causé par l’immunité d’exécution, il convient de remarquer que


cet attribut de la personnalité publique porte atteinte à un droit fondamental : Le droit à la justice
ou à un tribunal impartial.

En effet, le droit à un tribunal impartial met en exergue 4 éléments constitutifs : l’accès


au juge, la participation au procès, l’obtention de la décision de justice et son exécution. Par
ailleurs, s’il est vrai que tout Homme a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal
impartial, il ne demeure pas moins vrai que la partie gagnante du procès a le droit d’obtenir
l’exécution de la sentence juridictionnelle. Celle-ci fait partie intégrante du procès. En d’autres
mots, le procès demeure inachevé tant que la sentence n’est pas exécutée. Ceci parce que la
procédure serait vaine et totalement théorique si elle se soldait uniquement par la décision du
juge privé ou public. L’inachèvement du procès viole donc le droit à la justice, droit fondamental
qui est érigé en liberté publique par bon nombre de constitutions africaines. Dans le préambule
de la loi fondamentale du Cameroun par exemple il est dit que : La loi assure à tous les Hommes
le droit de se faire rendre justice. Ce droit ne se limite pas à l’accès au juge, il va au-delà et
aboutit à l’exécution de la décision juridictionnelle.

Par ailleurs, l’immunité d’exécution présente plusieurs autres incidents sur l’entreprise et
le secteur privé. En outre :

« Relativement aux voies d’exécution, l’immunité de saisie a des conséquences fâcheuses


pour les créanciers de ces personnes publiques et dramatiques pour le développement du

secteur privé ».

Aussi, elle peut entraîner la faillite de ces structures, le gonflement de la dette intérieure
et l’asphyxie du secteur privé. A cet effet, le docteur NAHM-TCHOUGLI affirme :

« D’une part, en ce qui concerne les créanciers des entreprises publiques, l’immunité
d’exécution est susceptible d’entrainer la faillite de nombre de sociétés privées en
relation avec les entreprises nationales (…) Mais à court terme, l’immunité d’exécution
entraîne un gonflement de la dette intérieure qui est susceptible d’hypothéquer les
relations des sociétés créancières avec les institutions financières nationales et
internationales. D’autre part, en corrélation avec le premier point, l’immunité

d’exécution peut hypothéquer l’éclosion d’un secteur privé dynamique ».

Aussi, même si elle vise la protection de la personne et des biens publics, l’immunité
d’exécution présente quelques dangers pour les entreprises et le secteur privée. Dans un contexte
où la sécurité juridique et judiciaire est une préoccupation importante des entrepreneurs, il est
nécessaire de s’intéresser de prêt à ce concept

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