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Licence 1 Droit Institutions juridictionnelles Cours de Fortune NGUEMA

Plan du Cours
INTRODUCTION

Etudier les Institutions juridictionnelles nécessite quelques clari cations pour tenter de mettre en
évidence un premier problème qui est celui de la dé nition de la notion de justice. Mais qu’est-ce
donc que la justice? Voilà bien la première dif culté de la justice qui n’est pour l’instant que
sommaire. Proclamée partout : « Ministère de la Justice », « Palais de Justice », « Rendre la
justice », « Il faut lutter contre les injustices »; la justice n’est nulle part dé nie de façon
satisfaisante. Ce que Saint-Augustin a dit au sujet de la dé nition du temps peut très bien
s’appliquer à la justice : « si personne ne me le demande, je le sais ! Mais dès qu’on me le
demande, je ne le sais plus. »

Il en est ainsi parce que la justice semble d’abord relever de la subjectivité variant en fonction de
la morale de chaque personne. En ce sens, la justice relève du simple sentiment d’équité.
D’ailleurs de ce point de vue, la justice est appréhendée au travers de sa négation : « l’injustice ».
Les expressions et récriminations suivantes nous sont coutumières : « partage injuste »,
« punition injuste », etc. C’est de la volonté de rétablir ce déséquilibre créant des frustrations que
naît la justice a n de donner à chacun son bien, selon son mérite « suum cuique tribuere » (selon la
formule du jurisconsulte romain Ulpien, in Digeste). La justice naît donc de la médiation du
con it entre le bien et le mal pour se situer à juste distance des intérêts des protagonistes.

Pourtant la justice est capable d’objectivation au travers de la fonction de juger qui est celle de
dire le droit lors d’une contestation. Le juge rend la justice. C’est une prérogative souveraine qui
appartient à l’Etat. On a une nécessité d’avoir un juge qui intervient. Nul ne peut se faire justice
à soi-même. Puisque c’est l’Etat qui a la responsabilité de l’ordre public, la justice s’avère alors un
devoir de l’Etat. Au monopole de la violence légitime intuitionnée par Thomas Hobbes dans sa
théorie du contrat social, correspond le monopole de la justice comme fonction essentielle de
l’Etat. En conséquence, l’Etat doit organiser la manière de gérer les litiges, trancher les
prétentions respectives des parties quand elles estiment que leurs droits ont été bafoués.

A ce principe de la justice comme monopole de l’Etat, il existe des modes alternatifs de règlement
des litiges au sein de l’Etat. Dans une optique libérale, l’Etat admet que certains litiges puissent
être tranchés par les particuliers eux-mêmes en contractualisant l’exercice du pouvoir de juger
par un tiers. C’est ce que l’on appelle l’arbitrage. L’arbitrage permet de faire appel à un juge non
étatique choisi par les parties dans une convention. C’est un mode juridictionnel car la décision
est imposée par un juge non étatique, tiers impartial, qui tranche en droit ou en équité. La
décision qu’il rend, la sentence arbitrale, est assortie de l’autorité de la chose jugée. Elle pourra
donc faire l’objet de voie de recours si les parties ont pensé à cette éventualité. Cet arbitrage est
une dérogation seulement partielle de l’emprise de l’État sur la justice. Il va être recherché par les
parties car il présente certains avantages : on n’a pas à assumer la lenteur des tribunaux ; il
permet une certaine discrétion de la décision : empêche la publicité de la décision, par exemple
dans le cas d’un litige entre une entreprise et un particulier.

En pratique ce sont les entreprises, les commerçants et de manière générale le monde des affaires
qui recourent souvent à l’arbitrage pour contourner la lourdeur et la durée des procédures
judiciaires et ainsi régler les problèmes spéci ques de leur milieu.

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Les parties, dans le contrat par lequel elles se soumettent à l’arbitrage, acceptent par avance la
solution apportée par le juge chargé de l’arbitrage, décision assortie de l’autorité de la chose
jugée. Les parties décident de régler cela avant le litige par une clause compromissoire dans
laquelle elles énoncent que tels types de litiges seront réglés par l’arbitrage.

Cette dérogation au monopole de l’Etat sur la justice n’est que partielle dans la mesure où la
qualité de juge est attribuée à une personne privée n’ayant pas le statut de juge, de magistrat.
C’est un juge privé choisi par les parties. De plus, en se soumettant à l’arbitrage, les parties
renoncent aux principes qui régissent le procès, qui sont autant de garanties pour les justiciables.
Les garanties procédurales régissant l’arbitrage sont plus souples que celles régissant la justice
étatique. En n, l’arbitre peut trancher le litige en droit, mais les parties peuvent lui demander de
statuer en amiable compositeur, c'est-à-dire de statuer en équité. Notons par ailleurs que les
arbitres ne sont nullement tenus par les sentences arbitrales précédentes même si les affaires en
cause présentent le même objet.

Dans certains cas, c’est la loi qui permet de recourir à l’arbitrage. La loi dé nit le domaine de la
clause compromissoire. Ce domaine est dé ni selon les époques de manière plus ou moins
favorable. Il est actuellement dé ni par l’article 2061 du code civil, modi é en 2001 : « Sous
réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les
contrats conclus à raison d'une activité professionnelle. » La sentence arbitrale revêt l’autorité de
la chose jugée, mais pas force exécutoire. Pour une sentence arbitrale, soit elle est appliquée
spontanément, soit les parties sont réticentes et il faut demander à un juge étatique de donner
force exécutoire à la sentence en vertu de la procédure d’exequatur. Seul le juge le peut car il
dispose seul de l’imperium et de la jurisdictio. Il s’agit d’un « Ordre d'exécution, donné par
l'autorité judiciaire, d'une sentence rendue par une justice privée, exemple : exequatur des
sentences arbitrales. »

De manière générale, la justice désigne donc l’ensemble des institutions, des organes et des
personnes au moyen desquelles la fonction de juger est exercée selon diverses procédures et des
règles de droit pour trancher des litiges qui opposent une ou plusieurs personnes entre elles ou
contre les collectivités publiques. Cette fonction de juger est assurée par un service public, car la
justice sert à satisfaire un intérêt général. Il est donc nécessaire qu’une personne impartiale, qui
tire de la loi ses pouvoirs, vienne se prononcer sur les prétentions respectives des parties : la
jurisdictio. Cela renvoie à l’imperium, le fait que l’État puisse imposer le respect d’une décision :
la décision est assortie d’un titre exécutoire. L’article 4 du code civil sanctionne le juge qui se
soustrairait à son devoir de juger : interdiction du déni de justice. « Le juge qui refusera de juger,
sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuf sance de la loi, pourra être poursuivi comme
coupable de déni de justice. »

Par principe, la justice apparaît ainsi, indissociablement, dans sa double dimension éthique et
juridique, morale et légale, justice avec un grand J, justice avec petit j. Élément fondamental du
pacte social, elle se révèle sans doute à travers les juges et les tribunaux, les justiciables et leurs
conseils, les demandes et les jugements, c’est bien ce que l'on nomme l'institution judiciaire.

On aurait cependant tort de n'y voir que cette architecture juridictionnelle et cette mécanique
processuelle. Le service public de la justice n'a de sens qu'au service de la Justice qui est d'abord
« une idée et une chaleur de l'âme », selon la belle expression de Camus. Et le juriste Gérard
Cornu d'ajouter : « Ce qui est positivement juste », c'est-à-dire « ce à quoi chacun peut
légitimement prétendre (en vertu du droit) », doit tendre vers « ce qui est idéalement juste »,
c'est-à-dire « ce qui est conforme aux exigences de l'équité et de la raison ». Car, à trop séparer
ces deux sens de la justice, on court un double risque. Celui, d'abord, de ne plus voir dans
l'administration de la justice qu'une administration comme une autre, sommée, au nom de la
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concurrence, de répondre à des exigences d'ef cacité et de rentabilité, bref un objet de marché
comme un autre. Celui, aussi, de réduire la justice à une vertu personnelle, une pratique solitaire,
bref à une simple question d'éthique individuelle.

La justice c’est donc ces deux choses à la fois : l’idéal et la réalité de l’institution. D’ailleurs,
l’emblème de la justice est une déesse grecque « de la justice, de la loi et de l’équité » : Thémis.
Cette mécanique est le fruit d’une évolution historique.

Le contexte actuel de l’architecture juridictionnelle en vigueur dans notre pays est le résultat
principalement de cinq textes (Loi n°10/70 du 17 décembre 1970 sur le règlement des con its
d’attribution entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative; Loi n°033/2018 du 11
juin 2019 portant rati cation de l’ordonnance n°0026/PR/2018 du 11 août 2018 xant la
composition, la compétence et le fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif; Loi
organique n°009/2019 du 05 juillet 2019 portant organisation de la justice en République
Gabonaise; Loi organique n°008/2019 du 05 juillet 2019 xant la composition, la compétence et
le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire ; Loi organique n°007/2019 du 05 juillet
2019 xant la composition, la compétence, les règles de fonctionnement et la procédure
applicable devant la Cour de Justice de la République), elle tire sa source dans le droit français
de l’ancien régime et des évolutions post-révolutionnaires de 1789.

Dans l’ancien régime en France, il existait principalement deux ou trois formes de justice :

- Tout d’abord la justice retenue, qui est celle exercée par le roi lui-même ou par ses agents
directs ; c'est l'une de ses principales prérogatives. Le roi peut exercer cette justice retenue soit
en son conseil, soit par des décisions purement personnelles, soit grâce à des commissaires
spéciaux constitués en chambres de justice ou encore par l'intermédiaire de ses intendants ;
- Ensuite la justice déléguée, qui est rendue au nom du roi par des juges nommés par lui, qui
sont ses of ciers permanents ; c'est une justice rendue par délégation. On distinguait de ce
point de vue, une justice déléguée de droit commun rendue par des tribunaux, et une justice
déléguée d'exception (ou d'attribution) qui est rendue par des juridictions administratives
spécialisées ;
- En n, la justice qui est rendue par une autorité qui n'est pas royale : seigneurs hauts ou bas
justiciers et corps de ville, qui détiennent la justice concédée. Par l'expression qui désigne cette
justice non royale, les historiens rappellent qu'en théorie elle a été concédée ou transférée en
principe au-delà de la vie humaine de son détenteur par le roi à ceux qui l'exercent. Il ne s'agit
donc pas (en théorie toujours) d'une justice usurpée.

L'histoire de cette justice est l'histoire de la construction du pouvoir du roi. Ainsi, dès le Moyen
Âge, le Roi entend exercer un large pouvoir sur la justice a n d'asseoir sa souveraineté sur tout
le Royaume. Elle est exercée au nom du roi par des magistrats professionnels (prévôts, baillis,
sénéchaux). Sous l'Ancien régime, cette justice comprenait les prévôts et au-dessus d'eux, les
baillis (nord de la France) et les sénéchaux (sud de la France). La justice retenue fut un
instrument de propagande royale puisqu'elle cristallisait dans l'imagerie populaire la gure du
roi-justicier, soit un pouvoir monarchique solide et bien établi car ef cace et obéi. Aucune
autorité, même et surtout judiciaire, ne put résister au pouvoir souverain du roi. Ce dernier est
fontaine de justice. Cependant le souverain ne peut juger en pratique que quelques affaires,
choisies en fonction de son intérêt personnel ou politique. Le Roi peut alors faire ce qu'il veut en
matière judiciaire. Il pourra choisir de rendre lui-même la justice sur une affaire déléguée à une
autre juridiction. Il peut retenir l'affaire sans aucune justi cation. De plus, il peut intervenir lors
d'un procès. Il pourra amnistier ou gracier un condamné qu'il considère comme innocent. Le Roi
a la possibilité de procéder à un déni de justice. Et il peut en sens contraire, augmenter la peine

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d'un individu de façon arbitraire.Ce pouvoir royal et notamment avec ses lettres de cachet, sera
très critiqué.

En sorte qu’avec la révolution française et l’instauration de la République qui implique l’égalité


des citoyens devant la loi, vont être développés les théories de la séparation des pouvoirs (article
16 de la DDHC), de l’indépendance de la justice par rapport aux pouvoirs politiques (exécutif et
législatif), d’impartialité, d’égalité, de permanence, de gratuité, de liberté d’action, de garanties de
droit au procès équitable, etc, le visage de la justice a changé. Ces principes se trouvent donc très
logiquement contenus dans l’ordonnancement juridique gabonais puisqu’ils y sont intégrés entre
autres dans le bloc de constitutionnalité et inspirent les textes d’organisation et de
fonctionnement des institutions juridictionnelles gabonaises.

Le Cours sur les Institutions juridictionnelles renvoie donc à l’étude de deux choses : les
principes structurant la trame de la justice (première partie) d’une part. D’autre part, les organes
et acteurs au de la scène juridictionnelle (deuxième partie).

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Première partie :
Les principes de structuration de la trame juridictionnelle

La justice apparaît comme un théâtre immense où des drames humains se jouent. Il convient
donc de la structurer et l’encadrer avec certains principes qui participent du bon fonctionnement
du système (Chapitre 1) en les distinguant des principes qui en assurent l’organisation et les
rapports (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Les principes fonctionnels et organiques du système juridictionnel

L’organisation et le fonctionnement des institutions juridictionnelles doivent répondre à un


certain nombre de conditions et de principes généraux qui sont des garanties fondamentales de la
procédure et constituent la preuve de la qualité d’une bonne justice dans un Etat.

En effet le droit à un bon juge suppose une ré exion sur l’exigence d’indépendance et
d’impartialité de ce juge établi par la loi, ce qui postule la séparation des pouvoirs édictés dans le
but de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux deux autres pouvoirs sur
lesquels il n’a aucun droit d’empiéter. D’un point de vue fonctionnel la qualité d’une bonne
justice requière, la séparation en matière de procédure de certaines fonctions juridictionnelles,
l’égalité des justiciables qui doivent béné cier des mêmes juges et des mêmes procédures, la
même exigence d’ef cacité en terme de célérité, le même principe de double degré de juridiction.
Il s’agit là de principes et règles d’organisation de la justice qui sont communs à toutes les
institutions juridictionnelles (section 1). Une fois passés en revue ces principes, il convient
d’examiner les règles de compétence gouvernant, grâce au principe de la hiérarchie,
l’intervention des juridictions au sein de chaque ordre (section 2).

Section 1 : l’organisation et les rapports au sein des ordres de juridiction

Deux grands principes gouvernent cette organisation, celui de la dualité juridictionnelle avec ses
synergies et complémentarité (§1) et celui des compétences et leur répartition au sein de chaque
ordre (§2). Il y a donc une communauté d’objectifs entre les ordres de juridiction agissant
chacun dans son champ de compétence constitutionnellement garanti pour renforcer l’Etat de
droit.

§1/ La dualité juridictionnelle : synergies et complémentarité

Le dualisme juridictionnel est le fruit d’une longue histoire politique et administrative dont il est
aujourd’hui dif cile de se départir et dont il serait téméraire de vouloir s’affranchir, tant cet
héritage donne au système juridique actuel sa force, par les complémentarités qu’il engendre,
mais aussi son ef cacité dans le contrôle de l’administration, indispensable dans un État de droit.
Fruit d’une longue période de mé ance, je n’ose dire de dé ance, entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire, incarné par les Parlements d’Ancien régime, la juridiction administrative est
née du vide qu’une conception radicale du principe de séparation des pouvoirs avait engendré.

Souhaitant éviter les intrusions du juge dans le domaine exécutif, il a ainsi été formellement
interdit au pouvoir judiciaire de « troubler de quelque manière que ce soit, les opérations des
corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction » et « de
connaître des actes d’administration ». Cette séparation radicale des pouvoirs exécutif et
judiciaire laissait toutefois en suspens la question de la soumission de l’administration au droit. A
cette épineuse question, l’administration a répondu par un mécanisme de recours hiérarchique
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dit du « ministre-juge » : elle a décidé qu’elle se jugerait elle-même et connaîtrait directement des
plaintes dirigées à son encontre. A partir de ce système, s’est construite, par étapes successives, et
parfois radicales, la justice administrative. La création du Conseil d’État par la Constitution de
l’an VIII, le passage à la justice déléguée en 1872 et l’abandon dé nitif de la théorie du ministre-
juge en 1889 ont marqué l’af rmation progressive de l’indépendance du Conseil d’État statuant
au contentieux. Il existe depuis lors, en France transposé ainsi au Gabon au moment de la
décolonisation puis des indépendances, un ordre juridictionnel judiciaire et un ordre
juridictionnel administratif chargé d’assurer une « tutelle contentieuse » sur les activités des
autorités administratives.

Produit de l’histoire, le dualisme juridictionnel, qui a d’ailleurs été expressément inscrit dans la
Constitution ne saurait en effet être regardé que comme les deux faces d’une même pièce : deux
ordres de juridiction rendant la justice « au nom du peuple gabonais » représenté dans un seul
État et dans un ordre juridique unique. Répondre aux attentes croissantes, et parfois pressantes,
des justiciables et dispenser un service public de la justice de qualité sont des objectifs partagés,
pour ne pas dire communs, des juridictions judiciaires et administratives. Assurer le contrôle de
la légalité de l’action administrative est l’apanage de la juridiction administrative, mais sans que le
juge judiciaire en soit totalement exclu compte tenu de ses compétences spéci ques dans les
matières qui lui sont « réservées par nature ».

En effet, à la summa divisio de notre droit, privé et public, ne s’ajuste qu’imparfaitement le partage
de notre justice en deux ordres de juridiction, soit que le juge judiciaire interprète ou apprécie la
légalité des actes administratifs, soit que le juge administratif connaisse d’actes de droit privé. Il
serait sans doute simpliste de ne pas reconnaître que la dualité juridictionnelle peut, dans
certaines hypothèses, créer des dif cultés : pour le justiciable qui peine à identi er le juge
compétent, mais aussi pour la société compte tenu de l’allongement des procédures que cette
dualité est susceptible d’induire, notamment lorsque des questions préjudicielles doivent être
posées. Des dif cultés peuvent certes se présenter, mais la détermination de « blocs » de
compétences et le dialogue entre les ordres de juridictions ont largement contribué à simpli er
ces questions, devenues résiduelles et marginales. Les juridictions administratives et judiciaires
ne sont en réalité pas seulement complémentaires, traitant de litiges dont ne peut connaître
l’autre en vertu des principes de répartition des compétences ; elles se renforcent mutuellement
par un travail d’observation réciproque et surtout elles contribuent conjointement à
l’approfondissement de l’État de droit caractérisé par une justice ef cace et de qualité au service
des justiciables.

A – Fondements et valeurs du principe de dualité des ordres de juridiction

Les lois des 16 et 24 août 1790 précisent que les fonctions judiciaires sont séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront troubler le fonctionnement de l’administration sous peine
de forfaiture, ni même en citer des membres devant eux, complétées par le Décret du 16
Fructidor An III. Montesquieu et Locke précisent le principe de séparation des pouvoirs :
« L’homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il en va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Il
faut, par la disposition des choses, que le pouvoir arrête le pouvoir. » Cette idée de séparation des
ordres découle en France de l’interprétation du principe de séparation des pouvoirs. Cette
interprétation n’a pas nécessairement été la même dans d’autres pays.

L’explication est donc en réalité en partie historique. On est amené à remonter à l’Ancien Régime
: le roi avait été amené à poser la règle de l’interdiction des parlements (judiciaires) de connaître
des actes de l’administration car on avait constaté une in uence des parlements sur l’exécutif.
Cette interdiction a été interprétée en deux temps. Cela se traduisait au 19ème siècle par le fait
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que quand un particulier contestait la validité d’un acte administratif, il fallait qu’il se tourne vers
l’administration, qui pratiquait alors à une sorte de « justice retenue », elle constatait
souverainement qu’un acte était légal ou non. En 1872 cela évolue, on transforme alors les
fonctions du CE, qui devient alors une véritable juridiction qui exerce une justice déléguée à qui
l’on soumet la question de la légalité des actes de l’administration. Cela mis n à la théorie du
ministre-juge : le ministre qui juge lui même de la légalité de ses actes.

La spécialisation des ordres juridictionnels, dans des domaines spéci ques évite que le juge ne se
trouve « démuni sur un terrain qui n’est pas le sien ». L’évolution des lignes de partage procède
ainsi de l’idée selon laquelle chaque domaine du droit, privé ou public, obéit à des règles
spéci ques et des logiques différentes. Au juge administratif, il revient d’appliquer aux litiges nés
de l’action de l’administration, les règles du droit public, sauf lorsque l’administration agit comme
une personne privée et qu’elle se voit alors appliquer les règles du droit privé par le juge
judiciaire. A la puissance publique et aux services publics (administratifs), qui traduisent la
nalité d’intérêt général de l’action administrative, correspondent les règles du droit public et la
compétence du juge administratif. Mais ce fondement, à la fois principiel et technique, justi e
aussi que le contentieux des atteintes au droit de la propriété intellectuelle et artistique
ressortisse traditionnellement à la compétence du juge judiciaire, y compris lorsqu’est en cause
un contrat public. Les théories jurisprudentielles de la voie de fait et de l’emprise l’illustrent
également : juge de la liberté individuelle et de la privation de la propriété, le juge judiciaire est
tout désigné, en cas d’empiètement particulièrement manifeste et grave sur ces droits, pour faire
cesser les effets de ces atteintes et en réparer les conséquences.

A l’inverse, c’est aussi la raison pour laquelle le contrôle de la légalité des actes administratifs est
une compétence propre du juge administratif. Le contrôle, parmi ces actes, des mesures de police
administrative, prises pour prévenir les atteintes à l’ordre public et, le cas échéant, limiter les
libertés l’est également.

Les missions de la police judiciaire qui visent, quant à elles, à réprimer les infractions commises
relèvent pour leur part du juge judiciaire. C’est sur le fondement de cette distinction que le
contentieux des mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955 relève du juge
administratif, comme ont toujours relevé de ce juge les mesures prises par l’autorité
administrative pour prévenir les atteintes à l’ordre public, notamment avant, pendant et après la
Première guerre mondiale ou les mesures prises sous l’état de siège.

Le dualisme juridictionnel et la conception française de la séparation des pouvoirs ne résultent


dès lors pas d’un prurit révolutionnaire hostile aux parlements ou d’un caprice de l’histoire. Ainsi
que le résumait parfaitement Jean Rivero : « Bien plus que la mythologie de la séparation des
pouvoirs, c’est l’idée que deux droits, différents par leurs règles, leur technique, leur esprit,
seront mieux appliqués par deux ordres de juridiction dont chacun se consacre à l’un de ces
droits qui donne aujourd'hui sa justi cation à la dualité des juridictions ». La spécialisation des
ordres de juridiction participe avec force de l’exercice d’un contrôle crédible et effectif de
l’administration dans le respect de ses prérogatives et des droits des administrés et des citoyens.
Mais, même dans les États qui ont fait le choix d’un ordre juridictionnel unique, il existe un
certain degré de spécialisation. Dans un pays de common law comme le Royaume-Uni, qui est
caractérisé par une organisation juridictionnelle parfaitement unitaire, l’essor du contrôle de
l’administration – le « judicial review » - a abouti à la spécialisation de certaines chambres au sein
de la High Court traduisant la spéci cité de ce contrôle et la nécessité d’avoir des magistrats
spécialisés.

En af rmant la spéci cité de l’action administrative, l’existence d’un droit public autonome,
appliqué par des juges spécialisés, permet en réalité l’approfondissement du contrôle de
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l’administration au pro t d’une meilleure protection des droits des citoyens. Cette remarque vaut
pour tout pays ayant un juge administratif spécialisé : l’existence de ce juge, c’est une évidence
partout où il existe, a favorisé l’intensité du contrôle de légalité des actes administratifs et la mise
en cause de la responsabilité des personnes publiques.

Le dualisme juridictionnel est ainsi fondé sur une spécialisation fonctionnelle : on a besoin de
juges différents pour traiter des affaires publiques qui requièrent des méthodes, des compétences
et le maniement d’un droit différent, même si ce dualisme n’est pas totalement dépourvu de liens
avec une tradition historique reposant sur « deux systèmes de représentation » du monde.

B – Dualité juridictionnelle et renforcement de l’Etat de droit

Complémentaires par leurs champs de compétences précisément délimités, les deux ordres de
juridiction contribuent à garantir l’unité du système juridique en assurant, par leur spécialisation
et l’utilisation des techniques juridiques qui leur sont propres, le contrôle de l’action
administrative.

Au-delà de cette complémentarité ordonnée, les juridictions judiciaires et administratives


concourent ensemble, par une observation réciproque et un renforcement mutuel, à
l’approfondissement de l’État de droit.

En effet, soucieuses de dépasser une simple coexistence, elles se sont engagées dans un processus
d’observation et de renforcement mutuel au-delà de leurs différences initiales. Ainsi, les deux
ordres de juridiction se livrent d’abord à une observation attentive de leurs jurisprudences
réciproques particulièrement visible dans les matières partagées entre le juge judiciaire et le juge
administratif.

Par leurs actions conjointes, les juridictions judiciaires et administratives contribuent aussi à une
meilleure administration de la justice et au renforcement des libertés et, en cela, à un
approfondissement de l’État de droit.

Ainsi le Juge administratif est-il devenu comme le Juge judiciaire le gardien des libertés
collectives avec sa jurisprudence sur l’Etat d’urgence. Comme le disait un auteur : « (…) les
juridictions administratives et judiciaires ne peuvent se contenter de coexister. Elles veulent aussi
collaborer, confronter leurs expériences, leurs méthodes et leurs projets. Nos objectifs sont
communs, répondre de manière ef cace et rapide à une demande de justice en croissance
constante. ». La dualité juridictionnelle n’est pas une source de complexité. Elle est un facteur de
richesse, de complémentarité, et de synergies. En effet, l’objectif est le même : il est d’élever la
qualité, l’ef cacité et l’ef cience du service public de la justice pour répondre à une demande de
justice qui ne cesse de croître en quantité mais aussi en exigences qualitatives, dans le contexte
de la comparaison permanente, pour ne pas dire le « parangonnage », des performances des
systèmes nationaux de justice à l’échelle mondiale.

Ces objectifs communs ne pourront être atteints qu’en développant des synergies entre les ordres
juridictionnels et en insistant sur leur complémentarité. Aucun ordre juridictionnel, ni le
judiciaire, ni l’administratif, ne peut considérer qu’il a accompli sa mission qui est d’assurer, à son
échelle, un service public de la justice de qualité, sans le concours actif et la collaboration de
l’autre ordre. La justice forme un tout. Aucun ordre de juridiction ne peut par conséquent
concevoir, ni construire son avenir dans l’indifférence à l’autre ordre. Aucun ne peut prétendre
faire seul son salut ou incarner à lui seul, sinon la réussite ou la perfection, du moins la qualité de
la justice. Les ordres sont condamnés à réussir ensemble ou à échouer ensemble ; car si l’un des
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deux ordres est à la peine, c’est le système de justice tout entier qui se trouve en dif culté. La
justice ne sera donc forte et respectée que si les deux ordres, et pas un seul, parviennent à se
hisser ensemble et durablement à la hauteur des missions constitutionnelles qui leur incombent.
C’est pourquoi leurs différences sont un atout, car elles peuvent et doivent conduire à un
enrichissement, une complémentarité, voire une émulation réciproques, elles ne doivent en aucun
cas conduire à l’indifférence, la rivalité, pire encore à l’hostilité. Dans ce contexte d’un destin
commun qu’ils doivent bâtir ensemble, il faut poursuivre et approfondir le dialogue et évoluer
vers une véritable coopération. Une telle coopération n’est pas décorative, elle n’est pas
seulement utile ou judicieuse ; elle est impérative et d’intérêt général, si nous voulons que notre
justice soit reconnue à la place qui doit être la sienne dans une société démocratique fondée sur la
séparation des pouvoirs.

La règle de séparation en deux ordres est critiquée par certaines personnes qui estiment qu’il
s'agit d’un privilège de l’administration, qui est la seule à s’être dotée de son propre juge.
L’existence d’un tel juge est tout de même plus protectrice de l’intérêt des administrés et re ète
mieux ce qu’est un État de droit. Cela provoque néanmoins des con its de compétence, des
ralentissements dans la bonne marche de la justice. Dans certains cas, il est dif cile de
déterminer de quel ordre relève un litige. S’il est susceptible de poser des dif cultés de
répartition des compétences, il n’aurait pu se maintenir sans l’intervention du tiers régulateur
qu’est le Tribunal des con its.

§2/ Le rôle du tribunal des con its pour assurer l’effectivité du dualisme juridictionnel

Le Tribunal des con its est le garant de la cohérence, de la clarté et de la simplicité de la


répartition des compétences il régule dans la durée les rapports entre les ordres de juridiction.

Le « Tribunal des con its » a été institué par la loi n°10/70 du 17 décembre 1970 portant
règlement des con its d’attribution entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative.
Placé en dehors de la hiérarchie des deux ordres, il est composé paritairement de 3 membres de
la Cour de cassation et 3 membres du Conseil d’Etat et présidé par le premier président de la
cour de cassation ou le magistrat le plus ancien dans le grade le plus élevé au sein de ladite cour.

Le principe selon lequel le juge du principal est le juge de l’exception et reste donc compétent
pour répondre à toutes les questions qui viendraient à se poser dans le règlement du litige trouve
sa limite dans la détermination des champs de compétences des deux ordres de juridiction. A
condition que la question soit sérieuse et nécessaire à la résolution du litige, il appartient au juge,
saisi au principal, d’inviter les parties à se pourvoir devant le juge administratif pour répondre à
la question soulevée par voie d’exception de la légalité d’un acte administratif. De la même
manière, le juge administratif doit renvoyer au juge judiciaire une question préjudicielle relative à
la propriété d’un immeuble a n de déterminer ensuite son appartenance au domaine public ou
privé d’une collectivité. Tel est le rôle du Tribunal des con its qui est de favoriser les rapports
entre les ordres juridictionnels et une meilleure administration de la justice.

Le Tribunal des con its a également vocation à simpli er la répartition des compétences, tout en
assurant sa cohérence. Son fonctionnement paritaire permet d’assurer, dans un véritable esprit de
coopération juridictionnelle, une régulation harmonieuse de la répartition des compétences qui
permet d’éviter les logiques d’affrontement et de défense de « prés carrés juridictionnels »,
comme en témoigne notamment la rareté des cas de partage. En cas de désaccord, les juges des
deux ordres sont invités à approfondir leur dialogue.

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Les ordres de juridiction doivent par ailleurs avoir le souci de faire un usage constructif de la
procédure de saisine du Tribunal des con its. Le souci de la simplicité pour le justiciable et pour
les juridictions est une source d’inspiration constante pour le Tribunal des con its et c’est sur ce
fondement que, par exemple, l’arrêt Berkani a rassemblé au sein de la juridiction administrative
les litiges relatifs aux agents non statutaires d’un service public administratif, quelle que soit la
nature précise de leurs fonctions, ce qui a permis de mettre n à des raf nements jurisprudentiels
devenus ésotériques.

Le Tribunal des con its a aussi af rmé la compétence du juge administratif pour connaître des
actes relatifs à l’organisation du service public de la justice, à l’exception de ceux touchant à
l’exercice de la fonction juridictionnelle. Récemment, il a tiré les conséquences des évolutions
procédurales devant la juridiction administrative et il a simpli é la répartition des compétences,
en resserrant la dé nition de la voie de fait. Désormais, pour que cette quali cation soit retenue,
l’administration, lorsqu’elle procède irrégulièrement à l’exécution forcée d’une décision ou prend
une décision sans y être manifestement autorisée, doit soit porter atteinte à la « liberté
individuelle » - et non à plus une liberté fondamentale ou personnelle -, soit conduire à
« l’extinction du droit de propriété » et non plus seulement porter une atteinte grave à ce droit.

Le Tribunal des con its a aussi transposé les principes de cette jurisprudence en matière
d’emprise, en jugeant que « dans le cas d’une décision administrative portant atteinte à la
propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d’une
telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l’administration, l’est également
pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette
décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété ».
Guidé par le souci de simplicité et de bonne administration de la justice, le Tribunal des con its
contribue ainsi, par sa jurisprudence, à clari er les contours des compétences juridictionnelles, à
réguler les relations entre les deux ordres de juridiction et, par conséquent, « à faire régner
l’harmonie entre les composantes de notre droit ».

L’intervention d’un tiers régulateur pour faire régner l’harmonie entre les juridictions n’est
d’ailleurs pas le signe d’un dysfonctionnement ou d’une complexité inutile. La spécialisation des
juges, justi ée notamment par la technicité des affaires, est toujours susceptible de susciter des
interrogations quant au juge compétent au sein d’un même ordre de juridiction. L’ordre judiciaire
connaît bien ces dif cultés que la grande spécialisation et la diversité des juridictions judiciaires
engendrent. Le règlement des juges, la procédure d’exception d’incompétence, à la demande des
parties ou d’of ce, et le contredit sont autant de procédures qui visent à résoudre les con its
susceptibles d’émerger au sein même de cet ordre à propos des litiges économiques, sociaux,
concurrentiels ou de propriété intellectuelle complexes. Au regard de ces dif cultés, le Tribunal
des con its, qui procède avec une relative simplicité et selon des règles et des principes clairs à la
répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, ne présente pas de degré de
complexité supplémentaire.

Section 2 : la hiérarchie et la répartition des compétences au sein de chaque ordre

Le principe de la hiérarchie juridictionnelle se concilie avec celui de l’autonomie juridictionnelle


liée à la fonction de juger. En effet, chaque juridiction, quel que soit son niveau, est souveraine
pour trancher un litige, dans les limites de sa compétence. Cela se re ète par le fait que chaque
décision est assortie de l’autorité de la chose jugée, des recours étant généralement envisageables
dans la mesure où, bien que revêtant l’autorité de la chose jugée, la décision ne soit pas
nécessairement exacte. Pour appréhender ce lien il faut présenter successivement le principe du

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double degré de juridiction (§1) avant celui d’ordre public de la répartition des compétences par
matière et par territoire (§2).

§1/ Le principe du double degré de juridiction

Ce principe concerne le traitement au fond des litiges par des juridictions de droit commun. Il
implique qu’une justice bien administrée doit jugée une affaire deux fois. Une première fois par le
Tribunal de première instance appréciant le litige en droit et en fait. Et une seconde fois par une
Cour d’Appel, si l’une des parties au premier procès n’est pas satisfaite, statuant elle aussi en fait
en droit.

Historiquement le principe du double degré de juridiction a été fait pour favoriser dans l’ancien
régime français, l’attraction des procès dans la sphère royale dans le cadre de la justice déléguée
et la justice concédée. Nombre d’affaires considérée comme mal jugée devaient faire l’objet d’un
ré-examen par le roi ou ceux qu’ils désignaient à cet effet. Aujourd’hui, l’existence de la voie
d’appel est un moyen de garantir une bonne justice. Cela permettra aussi de simpli er les
recours. Cela permettra de soumettre l’interprétation des faits ou du droit retenue par le premier
degré à une nouvelle juridiction qui permettra de déterminer le bien fondé du jugement. On parle
du caractère dévolutif de l’appel : toute l’affaire, en fait et en droit, est réexaminée par un
nouveau juge.

Il s’agit d’un principe général qui est l’une des garanties du droit à un procès équitable. Il
concerne autant les juridictions judiciaires qu’administratives.

Quelle en est la valeur?

L’appel est un principe général d’ordre public, notamment car la renonciation à l’appel ne peut
pas se faire avant que le litige soit né (une personne ne peut pas renoncer par avance à cela par
contrat). Pourtant, malgré son caractère général, on déroge parfois à ce principe pour faire
prévaloir d’autres considérations d’intérêt général. Le Conseil constitutionnel français a du reste
rappelé que le double degré de juridiction n’est pas un principe à valeur constitutionnelle ce qui
implique la possibilité pour le législateur d’y déroger. Il arrive donc que certains jugements ne
relèvent pas de la possibilité d’un appel : rendu en premier et dernier ressort (par exemple:
l’action en responsabilité administrative dirigée contre l’Etat ou l’un de ses établissements publics
est, sauf clause compromissoire contractuelle, jugée en premier et dernier ressort par le Conseil
d’Etat sans que les parties béné cient d’une voie de recours). C’est également le cas par exemple
aussi dans le droit des procédures collectives. On estime que le droit d’appel n’est pas justi é,
pour des impératifs de rapidité s’agissant des jugements du Tribunal de commerce en matière de
liquidation ou de redressement judiciaires. Par exemple, le jugement d’ouverture d’une telle
procédure ou la nomination d’un administrateur judiciaire n’est pas susceptible d’appel. Bien
entendu dans ce cas de gure, il faut qu’une loi précise spéci quement l’exclusion de l’appel.

Il faut néanmoins distinguer la question de l’appel de celle du pourvoi en cassation. La cour de


cassation n’est en effet pas un troisième degré de juridiction. L’appel permet de juger à nouveau
une affaire en droit et en fait, tandis que le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire qui
permet de véri er que les Juges du fond (c’est-à-dire ceux qui appliquent les règles pertinentes
aux faits pertinents) n’ont pas violé la loi par défaut d’application ou mauvaise interprétation,
n’ont pas outrepasser leurs compétences, n’ont pas dénaturé les faits, etc. Du reste si la cour de
cassation considère que le Juge a violé l’un de ces cas d’ouverture, elle casse l’arrête qui a été
rendu par les Juges du fond et renvoie la cause et les parties pour être fait droit devant une autre
cour d’appel.

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§2/ Les règles de compétence territoriale et d’attribution

Il existe vous le savez une pluralité de juridictions au Gabon qui rendent la justice dans
différentes parties du territoire. Par exemple, il y a un TPI à Libreville, à Franceville, à
Koulamoutou, bref dans chaque chef lieu de province. Ces juridictions ont par ailleurs des
compétences qui leur sont attribuées par matière. Par exemple, Le Tribunal de Commerce de
Libreville ne peut pas statuer sur l’état et la capacité des personnes ni pour les litiges de
successions ou de divorce. Sa compétence spécialisée que lui reconnait la loi qui l’a instituée est
de régler les litiges qui concernent les commerçants au sujet des actes de commerce, le
recouvrement de créances, le droit des sociétés, le droit des procédures collectives. De même, le
Tribunal du Travail de Libreville est spécialisé pour trancher les litiges relevant des contrats de
travail entre employés et employeurs.

On distinguera donc pour la présentation, la répartition des compétences d’attribution (A) qui
renvoie à l’objet, la matière sur laquelle porte le litige traité, des compétences territoriales (B) qui
déterminent la juridiction compétente en fonction des lieu où le litige est né.

A – La compétence d’attribution ou le principe de spécialité.

Principe de spécialité : suppose de distinguer les juridictions de droit commun et celles


d’exceptions. Les juridictions de droit commun renvoient à des juridictions types dans chaque
ordre : tribunal administratif en matière administrative, TPI en matière civile par exemple. Ces
juridictions constituent les juges naturels dans ces affaires, la loi n’a pas besoin de leur attribuer
cette compétence, dès lors que les textes ne donnent pas compétence à une juridiction spécialisée,
ce sont ces juridictions qui agissent. On parle de compétence résiduelle et générale.

Quand on parle de juridiction d’exception, ou spécialisée, ce sont des juridictions qui ne seront
compétentes que dans la mesure où la loi leur attribue une compétence : la compétence
d’attribution, dé nie le plus souvent en fonction de la qualité du litige (plus rarement sur la
qualité des parties), et leur domaine de compétence est dé ni par la loi de manière stricte.

Ces juridictions spécialisées ont été créées en raison de la technicité de certains litiges, aux
spéci cités de chaque matière. On avance que cela est un gage d’ef cacité de la justice (faire
juger un litige commercial par des commerçants qui connaissent la matière permet d’aller plus
vite et est plus ef cace), c’est aussi une garantie de bonne justice puisqu’elle prend en compte les
contingences propres à chaque matière.

Notons que ces juridictions multiples ne se trouvent qu’au premier degré de juridiction, les cours
d’appel ont une compétence générale. Le droit est alors réuni é, puis encore plus par le passage
devant la Cour de Cassation ou le Conseil d’État.

B – La compétence territoriale, conséquence de la déconcentration administrative

Le principe est que chaque juridiction n’exerce son pouvoir de trancher les litiges que sur son
ressort territorial. Le juge ne peut statuer au-delà. Le ressort des tribunaux est calqué sur les
circonscriptions administratives. Il s’agit en quelque sorte du respect de l’exigence de proximité
des justiciables et des juges.

A l’exception donc des juridictions suprêmes (Cour de Cassation, Conseil d’Etat, Cour des
comptes) qui ont leur siège à Libreville, les autres juridictions sont réparties, comme les autres
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services publics dans l’arrière pays avec pour ressort, la capitale provinciale. En matière
commerciale et du travail cette répartition est envisagée différemment étant entendu que
l’autonomie des tribunaux du travail et de commerce n’est effective qu’à Libreville, à l’intérieur
du pays, ce sont les tribunaux de première instance qui ont la compétence d’attribution dans ces
matières traitées au sein des chambres.

Ces règles sont envisagée de la manière suivante :

• En matière civile : la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur à l’action. C’est
celui qui initie l’action qui supporte la charge des frais. Néanmoins, il existe un certain nombre
de dérogations liées aux exigences propres à chaque matière. En matière immobilière, par
exemple, la juridiction compétente est celle du lieu de situation de l’immeuble. En matière
contractuelle, il existe un aménagement : la juridiction du lieu du domicile du défendeur est
compétente, mais aussi celle du lieu d’exécution du contrat. Parfois ces aménagements vont
traduire le souci de protéger l’une des parties. Ainsi, en matière de responsabilité civile (1382),
la victime d’un accident peut saisir la juridiction du lieu de l’accident. En matière d’assurance,
le tribunal compétent sera toujours celui du domicile de l’assuré (prise en compte du caractère
inégalitaire de la relation assuré/assurant)

• En matière pénale : La juridiction compétente est en général celle du lieu de l’infraction, c’est
elle qui sera le plus à même de procéder à l’instruction de l’affaire. Il existe parfois des
nuances, notamment en matière correctionnelle où il est admis que l’on puisse saisir la
juridiction du lieu de l’infraction ou le tribunal du lieu de domicile du prévenu, ou encore celui
du lieu d’arrestation du prévenu. Le choix appartient ici au parquet.

• En matière administrative : Le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel la décision
administrative a été prise. Cela concentre un nombre important de contentieux à Paris. Il
existe là aussi des aménagements, notamment en matière contractuelle, inspirée par
l’aménagement prévu en matière civile.

Notez que les règles de compétence d’attribution et territoriale sont d’ordre public. Autrement
dit, en principe les parties ne peuvent pas y déroger par des clauses contraires. Toutefois, il est
possible d’aménager ces dernières

C – Les aménagements conventionnels aux règles de compétence

Peut-on aménager ces règles de compétence ? La réponse est oui, mais… Aujourd’hui, on a
tendance à considérer ces règles comme étant d’ordre public, ce qui a été conforté par le fait que
quand une certaine marge de manœuvre était laissée aux justiciables cela avait engendré un
certain nombre d’abus. Exemple : consommateur qui se fait avoir par un contrat qui détermine
(clause de compétence) comme tribunal compétent un tribunal éloigné de son lieu de résidence :
coûts importants, dissuasion en découle.

La validité de ces clauses de compétences est en principe exclue sur le fondement de l’article 6 C.
civ. (« On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre
public ou les bonnes mœurs »). Certaines dérogations sont toutefois encore admises. Il est
possible sous des conditions très strictes, d’insérer au contrat une clause de compétence
territoriale. Mais elle n’est possible qu’entre commerçants, la clause qui aménage les règles de
compétence territoriale ne sera de plus admise que si elle apparaît en caractères apparents au
sein de l’acte. Si la clause ne respecte pas ces conditions, elle sera réputée non écrite. On retombe
alors sur les compétences de principe déjà énoncées.

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Pour ce qui est de la compétence d’attribution, on n’admet en principe pas que les conventions
des parties les aménageant. Elles seront censurées sur le fondement de l’article 6 du code civil.
Par exemple, on ne saurait donner validité à une clause de compétence qui attribuerait le
traitement d’un litige à une juridiction de l’ordre administratif, tandis qu’il relève de l’ordre
judiciaire. C’est aisément compréhensible dans la mesure où cela rompt le principe de répartition
entre ordre judiciaire et administratif.

Dans les litiges internationaux, la souplesse est plus grande et on admet plus facilement la
validité de principe de ces clauses de compétence.

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Chapitre 2 : Les principes communs de fonctionnement des institutions juridictionnelles

La communautarisation de ces principes ressortit du fait qu’ils sont pour partie, communs aux
deux ordres. Certains de ces principes épousent leur logique de fonctionnement de la conception
du service public (section 1) dans la mesure où la justice est, elle-même un service public. En
cette qualité, le justiciable a un droit de créance à la justice opposable à l’État. D’autres
principes, communs eux aussi aux deux ordres, sont spéci ques à la justice (section 2)

Section 1 : les principes de fonctionnement d’un service public

Le service public de la justice est organisé selon les règles que l’on retrouve dans d’autres
services publics. Ces principes sont appelés les « lois du service public » ou « lois de Rolland »
(qui feront l’objet de développements pour vous l’année prochaine dans le cadre du cours de
droit administratif et notamment le chapitre concernant l’étude du service public). Par lois du
service public il faut entendre, non pas la loi votée par le Parlement, mais des principes
applicables à tous les services publics.

L’existence de ces lois est justi ée par les exigences de l’intérêt général et des prescriptions de la
légalité. Elles et sont au nombre de trois : le principe d’égalité (§1), de la gratuité (§2) et de la
continuité (§3).

§1/ Le principe d’égalité

A – La signi cation historique de l’égalité

Ce principe fut proclamé par les Révolutionnaires au travers des lois des 16 et 24 août 1790. Il a
naturellement été consacré pour les services de la justice, en réaction contre les tribunaux de
l’Ancien Régime, et notamment contre la multiplicité des juridictions d’exception, qui faisait
craindre une justice de classe.

Cette égalité s’est peu à peu af rmée comme une conséquence de l’égalité devant la loi. Il était
alors question de faire découler cette égalité en matière de justice de l’égalité devant la loi : la loi
doit être appliquée de manière identique vis-à-vis de tous et sur tout le territoire. Tous les
justiciables qui se trouvent dans une situation identique doivent être jugés selon les mêmes règles
de procédure et selon les mêmes règles de fond. Cette exigence est garantie par la Cour de
Cassation et par le Conseil d’État.

B – Les traductions fonctionnelles et organisationnelles de l’égalité

Deux choses : d’une part, les procédés qui permettent de garantir l’interprétation uniforme de la
règle de droit : hiérarchie des juridictions, avec au sommet une juridiction qui prévaut et assure
l’uniformité de l’interprétation du droit. Cour de Cassation et Conseil d’État comme juridictions
suprêmes garantissant l’uniformité de l’interprétation du droit.

D’autre part, Il faut aussi que la procédure applicable devant les tribunaux respecte l’égalité des
armes entre défendeur et demandeur (cas d’une entreprise contre un salarié : pas les mêmes
connaissances du droit ni les mêmes moyens.) Il faut que chacun puisse faire valoir ses
prétentions à égalité. Cela impose une attitude particulière au juge : il doit faire en sorte que les
parties soient également informées de l’argumentation de l’une et de l’autre, et qu’elles soient en
mesure de se défendre également l’une et l’autre.
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C – Une égalité en droit, des inégalités de fait.

Les moyens nanciers des parties ne sont pas toujours les mêmes ; la partie faible au procès sera
parfois victime de manœuvres dilatoires.
Il existe différentes manières de rééquilibrer les rapports de force dans les procès. Ainsi donne-t-
on un rôle aux syndicats en leur permettant d’aider les salariés en procès face à l’entreprise. On
peut aussi garantir un accès facile à la justice : exemple des maisons du droit (il y en a une
derrière le Palais de Justice de Libreville).

§2/ Le principe de gratuité

Commençons par noter que la gratuité n’est pas un principe général en tant que tel dans tous les
services publics. Par exemple même dans l’enseignement public, la gratuité n’a pas une valeur
absolue puisqu’on paie ses droits d’inscription. Ici, la gratuité renvoie au fait que les parties ne
payent pas directement leur juge, les frais de justice étant couverts par l’impôt.

Sous l’Ancien Régime, les juges étaient directement payés par les justiciables : on appelait cela les
épices. Ce système ne permettait pas d’assurer l’indépendance du juge vis-à-vis du justiciable.
C’est pourquoi on a souhaité poser le principe de la gratuité de la justice : les justiciables ne
rémunèrent pas leur juge, et ils n’assument presque plus les frais d’enregistrement lorsqu’ils
lancent une action en justice. Le fait qu’ils soient payés par l’État est un gage de leur
indépendance, de leur impartialité. Conformément au Code pénal, une rémunération que
percevrait le juge de la part d’un justiciable serait un délit de concussion.

Cependant, le coût d’un procès ne se limite pas à la rémunération du Juge. Il existe beaucoup
d’autres frais (frais d’assistance de l’avocat, frais d’expertise, paiement des huissiers, dépens et
autres frais irrépétibles et donc ce principe de gratuité est à relativiser dans bien des cas.

En matière administrative : les frais de justice sont en général moins importants car bien souvent
on peut se dispenser d’un avocat. Frais engendrés par l’instruction. Le juge peut les faire assumer
à la partie perdante, en prenant en compte l’équité, donc il peut en décider autrement.

En matière pénale : la plupart des frais de justice sont à la charge de l’État, sans recours contre la
personne condamnée : frais de poursuite, frais d’expertise, de citation, indemnités versées aux
témoins, etc. Restent les frais d’assistance par un avocat. Mais la personne poursuivie peut ne pas
les assumer, et en matière criminelle on peut lui commettre d’of ce un avocat. Lorsque la partie
civile (victime) décide d’engager une action, elle devra payer l’avocat et devra verser une
consignation, qui se répercutera en cas d’éventuelle action abusive.

§3/ Le principe de continuité de la justice

Il signi e que le fonctionnement du service doit être assuré de manière régulière et constante.
Conséquence, la justice est rendue toute l’année, sans interruption y compris pendant les
vacances judiciaires où le système fonctionne au ralenti.

Toutefois, ce principe s’accommode des interruptions fondées sur des textes, l’intérêt général ou
la nature des choses. Par exemple ce principe a des conséquences sur le droit de grève. La grève
est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications d’ordre
professionnel. Naguère, le principe de continuité faisait obstacle d’une manière générale et
absolue à la grève dans les services publics. Mais aujourd’hui, le droit de grève est reconnu parmi
les principes du bloc de constitutionnalité et s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent.
Ainsi et contrairement à la France où les magistrats de l’ordre judiciaire n’ont pas le droit de
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grève car prohibée par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, tous les magistrats au
Gabon ont le droit de grève.

Section 2 : Les principes de fonctionnement propres aux institutions juridictionnelles

Il s’agit du droit d’agir en justice (§1), de la publicité (§2), la collégialité (§3), l’impartialité (§4)
et le respect des droits de la défense (§5).

§1/ Le droit d’agir en justice et ses implications

Il s’agit d’une liberté fondatrice laissée aux justiciable et qui fait partie des exigences de bonne
justice. C’est le traduction pratique du droit de recours au juge. Il appartient au justiciable de
choisir s’il souhaite agir ou non. Cependant, le ministère public exerce en matière pénale
certaines actions portant atteinte à l’ordre public. Le cas échéant, le ministère public décide de
l’opportunité des poursuites. Il reste la possibilité pour la victime d’une infraction de demander la
réparation du préjudice souffert du fait de cette infraction. Dans cette con guration, la victime
est à l’origine de l’action pour surmonter l’inertie du ministère public qui hésitait à lancer l’action.

Mais la liberté d’agir en justice peut dégénérer en abus de droit en cas d’action vexatoire,
malicieuse, téméraire et intempestive du demandeur avec la volonté de nuire à une personne. Un
tel abus de droit ouvre droit dans le chef du défendeur à une demande reconventionnelle de
compensation en somme d’argent et même en droit pénal sous la prévention de d’énonciation
calomnieuse.

§2/ La publicité du procès

Consacré par l’article 10 de la DUDH de 1948, la publicité de l’audience est un principe à valeur
constitutionnelle qui signi e le droit de chaque citoyen, justiciable, de rentrer en salle d’audience
pour exercer un contrôle, au moins virtuel, sur le bon déroulement du procès, sur le fait que la
justice est transparente. Il s’agit de l’un des critères d’une bonne justice.

Mais la publicité est un principe qui souffre d’exceptions. En effet, le procès ne se limite pas à
l’audience qui n’est qu’une phase. Il existe d’autres étapes en phase d’instruction et de mise en
état de l’affaire qui requière le secret.

• La mise en état du procès : le secret de l’instruction. De manière général, chaque partie


organise sa défense, réunit les éléments de preuve. On peut dire que la publicité ne s’impose
pas, et pourrait même être contre-productive. C’est la règle en matière civile et en matière
administrative. On élabore le dossier et les stratégies et lors de cette phase on n’a pas besoin
de publicité. Du reste, au pénal, le secret de l’instruction est une règle intangible soumettant
les avocats et les magistrats. En sorte que la violation de ce secret d’instruction donne lieu à
des sanctions pénales pour manquement au secret professionnel. Dans l’intérêt de la poursuite,
il est préférable de préserver le secret pour réunir les éléments de preuve. Le secret de
l’instruction se justi e aussi dans l’intérêt du suspect pour préserver le principe de la
présomption d’innocence qui se trouverait violé si l’affaire était dévoilée aux médias
s’empressant d’en faire état à leurs téléspectateurs sans en maîtriser les contours.

• La publicité de l’audience et ses dérogations. Dominée par la publicité, l’audience est le théâtre
par excellence du débat contradictoire, des plaidoiries : explication des parties entre elles et
avec le juge. Cette publicité est consacrée par les textes en matière civile, administrative et
pénale.
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Il existe certaines exceptions car les textes consacrent la possibilité d’ordonner un huis clos, soit
pour ramener de l’ordre ou la sérénité des débats, soit pour préserver la dignité de la personne
poursuivie, ou de la victime (affaires d’atteintes sexuelles parfois) ou alors pour préserver des
intérêts des tiers.

• Le secret du délibéré. Il s’agit aussi d’une phase entourée du sceau du secret absolu pour
permettre la décision la plus juste, tant et si bien que rien ne doit percer des opinions
particulières des juges pour que les juges ne soient pas l’objet de pressions

• La phase de lecture du jugement. Traditionnellement les jugements sont lus en audience


publique, après la phase d’audience de plaidoirie pour se donner le temps de la rédaction du
jugement.

§3/ La collégialité

On peut dire que le caractère collégial de la formation de jugement est une problématique de
l’organisation judiciaire que l’on rencontre dans tous les États. Il y a deux façons de concevoir la
collégialité à travers le monde. Il y a la collégialité telle que pratiquée dans les systèmes
juridiques francophones où la décision est prise par le collège sans qu’on ait à connaître les
opinions divergentes dudit collège. Mais il y a aussi le modèle de la pluralité des juges. Le collège
des juges prend une décision, après chaque juge a le droit de joindre à la décision sa propre
opinion soit dissidente (s’il est contre la décision rendue) pour expliquer son opposition, soit s’il
est globalement en accord avec la décision prise et souhaite expliquer pourquoi elle est justi ée
tout en nuançant avec certaines interprétations, il joint une opinion individuelle. C’est le cas dans
les pays de la common law et dans les juridictions internationales comme la Cour internationale
de justice.

La collégialité est regardée comme constituant une garantie de la bonne administration de la


justice en ce qu’elle permet de prendre une décision mieux éclairée car rendue plusieurs juges
avec chacun sa manière d’aborder le dossier. La décision prise par un collège assure une plus
grande neutralité. Cela donne tout son sens au rôle de la doctrine. Comme elle commente la
décision de plusieurs juges elle ne critique que la décision et non la vision d’un juge esseulé. Il
faut aussi citer comme avantage le fait qu’il s’agisse d’une manière de parfaire la formation des
juges. On peut nommer dans les collèges le juge rapporteur, parmi les trois juges, qui réglera le
jugement. Il risque ainsi d’in uencer la décision de ses collègues. L’idée est en réalité d’accélérer
le travail des juges.

§4/ L’impartialité

C’est une qualité essentielle que l’on attend d’un juge. L’impartialité renvoie à l’éthique
personnelle du juge qui doit être très forte. Et l’indépendance est une condition préalable de cette
impartialité. Cette indépendance est garantie par le statut des magistrats. En matière pénale par
exemple, les différentes phases de la procédure (décision de poursuivre, instruction et jugement)
sont menées par différents magistrats indépendants les uns des autres, ce pour garantir
l’impartialité de la procédure.

Il existe d’ailleurs des garanties procédurales de l’impartialité. C’est d’abord le cas quand le
magistrat lui-même, évoquant un con it l’interêts s’abstient de statuer. C’est ensuite le cas, quand
une partie au litige met en doute l’impartialité d’un juge et le récuse, c’est-à-dire demande son
exclusion de la procédure. C’est en n le cas, quand une partie demande l’exclusion de toute la
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formation de jugement et sollicite le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction dans un autre
ressort territorial; c’est ce que l’on appelle le dépaysement de l’affaire.

§5/ Le respect des droits de la défense : le contradictoire

Il s’agit d’un principe général du droit de la conduite de la procédure dont le juge est le garant.
L’idée est simple et implique que tout acte de procédure initié par une partie au litige doit être
portée à la connaissance de l’autre partie. C’est la consécration de l’adage audi alteram partem
« écoutez l’autre partie ». Que l’on soit dans la procédure accusatoire ou dans la procédure
accusatoire (procédure civile : la procédure civile est accusatoire puisque l’instance est introduite
par les parties. Ce sont aussi les parties qui délimitent l’objet du litige, qui xent les points de
droit ou de fait qui sont soumis au juge. Le juge ne peut pas statuer au-delà de ce qui lui a été
demandé sinon il statuerait ultra petita, le petitum de l’affaire étant xé par les parties elles-
mêmes).

Reste la problématique des procédures par défaut. En effet, comment faire pour mettre en place
une confrontation des points de vue quand l’une des parties ne vient pas ?

Les parties font défaut quand elles ne répondent pas dans les délais xés. La manière de traiter
ces situations diffère selon les types de procès. On pourrait envisager de recourir à la force pour
forcer la personne du défendeur à se rendre au procès. C’est le cas en procédure pénale car
l’intérêt général est en jeu. On pourrait envisager qu’il se désiste dans le procès (si c’est le
demandeur) ou qu’il acquiesce concernant ses torts (défendeur.) On pourrait dire : affaire jugée
par défaut dans un premier temps, quitte à rétablir dans un second temps le principe du
contradictoire, notamment si la personne est de bonne foi (a n d’éviter les manœuvres
dilatoires.)

Dans la procédure civile, pour qu’il y ait procès par défaut on véri e d’abord que le demandeur a
régulièrement informé la personne du défendeur. Si c’est le cas, on admet que le juge civil puisse
trancher le litige par défaut, au vu des seules thèses avancées par l’autre partie. Mais le jugement
par défaut ne correspond pas à un acquiescement du demandeur. Est censurée de manière
systématique, une motivation du juge qui laisserait entendre que le défaut de présentation du
défendeur donne raison au demandeur. Il peut arriver que l’une des parties ne se soit pas rendue
de bonne foi au procès. Dans une telle hypothèse, le jugement par défaut est révoqué et le juge
qui a rendu la première décision est invité à un réexamen de l’affaire au vu des thèses qui lui sont
alors présentées.

Dans la procédure administrative contentieuse, si l’une des parties ne produit pas son mémoire
dans le temps qui lui est imparti, on considère qu’il y a désistement si c’est le fait du demandeur,
et acquiescement si c’est le fait du défendeur. En toutes hypothèses, il n’y a pas de possibilité de
rétablir le contradictoire.

En matière pénale, puisque les libertés individuelles sont en jeu, on utilise le recours au système
de la prise de corps. La prise de corps est un mécanisme qui permet au juge d’instruction de
délivrer un mandat d’arrêt ou un mandat d’amener à l’encontre de l’auteur de l’infraction
poursuivie. Si l’infraction poursuivie est un crime, et qu’on ne parvient pas à arrêter l’auteur
poursuivi, il est admis un jugement par défaut qu’on appelle jugement par contumace.
Cependant, si l’on parvient ultérieurement à arrêter la personne déjà jugée, la condamnation
devient caduque et l’accusé est jugé à nouveau.

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Deuxième partie :
Les organes et acteurs de la scène juridictionnelle

Le droit au Juge est un droit de l'Homme consacré par de nombreuses dispositions


internationales et internes, comme nous l’avons souligné dans la première partie. Tout État de
droit est donc contraint de mettre en place des organes dont la mission est de trancher les
contestations que lui soumettent les citoyens, quelle qu'en soit la nature : contentieux privé,
contentieux pénal ou contentieux administratif. Si la première partie du cours avait pour objet,
l’étude des principes fondamentaux qui garantissent une justice de qualité dans le respect des
droits essentiels des justiciables, il paraît tout à fait logique d’en consacrer la seconde partie aux
différents organes au travers desquels la justice est rendue et aux acteurs qui animent lesdites
institutions. D’où que nous traiterons successivement des organes au service de la justice
(Chapitre 1) et des gens de justice qui sont les acteurs jouant dans la scène (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Les organes au service de la justice

L’architecture juridictionnelle gabonaise est d’une présentation malaisée dans un chapitre


ramassé en raison de ce que la création d’un certain nombre d’organes obéit davantage à une
logique politique que juridique. Dans ce fourre-tout, il est cependant possible d’opérer des
regroupements méthodologiques à partir de la distinction qui nous semble pertinente entre les
juridictions à compétence spéciale (section 1) et les juridictions ayant une compétence générale
d’attribution (section 2).

Soulignons que nous envisageons la présentation de ces différentes juridictions seulement du


point de vue du droit interne à l’exclusion du droit international et même d’un droit
communautarisé comme celui de l’OHADA.

Section 1 : Les juridictions à compétence spéciale

§1/ Les juridictions à compétence spéciale permanente

A - La Cour constitutionnelle

Instituée en 1991, la Cour constitutionnelle est, au terme de l’article 5 de la loi portant


organisation de la justice en République gabonaise, « la haute juridiction de l’Etat en matière
constitutionnelle ». Il s’agissait d’une petite innovation car, l’idée l’idée d’un juge constitutionnel
fût retenue au Gabon dès le début de l’indépendance. C’est ainsi que la Cour suprême instituée
par la toute première Loi fondamentale du pays, la Constitution du 21 février 1961, comprenait
parmi les quatre chambres dont elle était constituée, une chambre constitutionnelle. Il reste
qu’avec l’adoption de la constitution de 1991, la Cour constitutionnelle devient une juridiction à
part entière qui est dehors des deux ordres de juridiction et dont les décisions s’imposent aux
pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les
personnes physiques et morales ».

Conformément aux dispositions de l’article 93, alinéa 2 de la constitution, les règles


d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie
devant elle, sont déterminées par une loi organique.

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1 - Composition

La Cour constitutionnelle est composée de neuf membres nommés pour un mandat de 9 ans non
renouvelable à raison de trois par le Président de la République, trois par le président du Sénat
et trois autres par le président de l’Assemblée nationale. Six de ces 9 membres doivent être
choisis parmi les professions juridiques.

2 - Compétences

Il faut distinguer ici, les attributions principales des attributions annexes

Les attributions principales :

La Cour constitutionnelle est juge obligatoirement de :


– la constitutionnalité des lois organiques, des autres catégories de lois, des ordonnances et des
actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et
aux libertés publiques ;
– la conformité à la Constitution des règlements des chambres du Parlement, du Conseil national
de la communication et du Conseil économique et social avant leur mise en application, ainsi que
des traités, des accords internationaux et des accords de coopération et d’association avant leur
rati cation ;
– la conformité à la constitution d’une loi après sa promulgation, d’une ordonnance ou d’un acte
réglementaire qui n’aurait pas été soumis à la Cour constitutionnelle et qui méconnaîtrait les
droits fondamentaux de tout justiciable. La Cour peut être, saisie à l’occasion d’un procès devant
toute juridiction.

• Les attributions annexes :


La Cour constitutionnelle statue également sur :
– les con its d’attribution entre les institutions de l’État et tout con it opposant le Conseil
national de la communication à un autre organisme public ;
– l’interprétation de la Constitution en cas de doute ou de lacune ;
– la régularité des élections présidentielle, législatives et des opérations de référendum dont elle
proclame les résultats.

La Cour constitutionnelle émet des avis dans les cas prévus par la Constitution et la loi organique
sur ladite Cour. Ces cas concernent respectivement l’exercice des pouvoirs exceptionnels par le
président de la République, la révision de la Constitution, l’organisation des opérations de
référendum ainsi que la conformité à la Constitution de la question posée aux citoyens.

La Cour émet également des avis dans tous les cas où son intervention est prévue par des
dispositions législatives ou réglementaires.
Par ailleurs, dans le cadre de ses missions générales, la Cour constitutionnelle peut :
– appeler l’attention des pouvoirs publics sur la portée de ses décisions en matière législative et
réglementaire ;
– être appelée à donner son avis et à faire des suggestions sur toutes questions relatives à la
protection et à la promotion des droits de l’homme. Dans ce même cadre, elle assure directement
la surveillance du recensement général de la population.

En n, il est saisi pour constater que le président de la république est empêché et qu’il faut
organiser de nouvelles élections ou un intérim.

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• Nature du contrôle : Elle effectue aussi bien le contrôle a priori que le contrôle a posteriori. Le
contrôle a priori concerne les lois organiques, les autres catégories de lois, les ordonnances et
les actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne
humaine et aux libertés publiques ainsi que les règlements des chambres du Parlement, du
Conseil national de la communication et du Conseil économique et social. Le contrôle a
posteriori concerne les lois, les ordonnances et les actes réglementaires qui n’auraient pas été
soumis à la Cour et qui méconnaîtraient les droits fondamentaux de tout justiciable.

3 - Saisine de la Cour constitutionnelle

Elle peut être saisie aussi bien par les personnes physiques et morales que par les autorités
publiques.

• La saisine par les personnes physiques et morales


La saisine par les personnes physiques et morales est facultative. Elle porte sur les lois, les
ordonnances et les actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la
personne humaine et aux libertés publiques, sur les lois, ordonnances et actes réglementaires qui
n’auraient pas été soumis à la Cour et qui méconnaîtraient également les droits fondamentaux de
tout justiciable ainsi que sur le contrôle de la régularité des élections. Il faut préciser, s’agissant
de ce dernier contrôle, que la saisine est réservée à tout candidat, à tout parti ou groupement
politique qui a présenté des candidats à une élections, et à tout électeur, mais uniquement pour
les opérations électorales ou les opérations de référendum de son bureau de vote.

• La saisine par les autorités politiques


La saisine par les autorités publiques est, selon la nature des actes, obligatoire ou facultative.
- La saisine obligatoire
Elle concerne : les lois organiques ; les règlements intérieurs des chambres du Parlement, du
Conseil national de la communication et du Conseil économique et social, les engagements
internationaux. S’agissant des lois organiques, la saisine est exclusivement réservée au Premier
ministre. S’agissant des Règlements intérieurs des chambres du Parlement, du Conseil national
de la communication et du Conseil économique et social, la saisine est réservée aux président
desdites institutions. En n, s’agissant des engagements internationaux, la saisine est réservé au
président de la République, au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et a un
dixième des députés.

- La saisine facultative
Elle concerne : Les lois ordinaires, les ordonnances et les actes réglementaires censés porter
atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ; les con its
d’attribution entre les institutions de l’État, tout con it opposant le Conseil national de la
communication à un autre organisme public ; le contrôle de régularité des élections
présidentielle, législatives et des opérations de référendum, l’interprétation de la Constitution ; les
avis relatifs aux actes posés conformément à l’article 28 de la Constitution, les projets ou
propositions de révision de la Constitution et les autres avis.
S’agissant des lois ordinaires, des ordonnances et des actes réglementaires censés porter atteinte
aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques, la saisine est réservée
au président de la République, au Premier ministre, aux présidents des chambres du Parlement,
aux présidents des Cours judiciaire, administrative et des comptes et à un dixième des membres
de chaque chambre du Parlement.
S’agissant d’un con it opposant le Conseil national de la Communication à un autre organisme
public, la saisine est réservée au président de ladite institution et à l’organisme public en con it
avec elle.
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S’agissant du contrôle de la régularité des élections présidentielle, législatives et des opérations


de référendum, la saisine est réservée au délégué du Gouvernement : ministre chargé de
l’Intérieur, ministre chargé de la Justice, gouverneur de province. Les deux premiers, en ce qui
concerne les résultats de l’ensemble du territoire national et le dernier, en ce qui concerne les
résultats de sa province. Mais aussi aux candidats ayant participé à l’élection.
S’agissant de l’interprétation de la Constitution, la saisine est réservée au président de la
République, au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et à un dixième des
députés.
S’agissant des actes posés conformément à la Constitution, la saisine est réservée exclusivement
au président de la République.
S’agissant d’un projet ou d’une proposition de révision de la Constitution, la saisine est réservée
au président de la République et à un tiers au moins des députés. En n, s’agissant des autres
avis, la saisine est réservée au président de la République, au Premier ministre et au président de
l’Assemblée nationale.

B - La Cour des comptes et chambres régionales des comptes

1/ La Cour des comptes

Elle a son siège à Libreville et s’inspire de celle créée par Napoléon en France en 1807. Elle juge
la régularité des comptes des comptables publics. Il y a un premier président, des conseillers
maîtres, des conseillers référendaires, des juges rapporteurs. Le ministère public y est incarné en
la personne du procureur général et celle d’avocats généraux.

La cour des comptes au côté du gouvernement et du parlement est là pour servir les pouvoirs
exécutifs et législatifs a n de veiller au respect de la loi de nance. Elle contrôle les comptes des
entreprises de l’État, des organismes de sécurité sociale et un certain nombre d’organismes qui
reçoivent les deniers publics. Elle certi e les comptes ce qui aboutit à un rapport public. Une fois
celui-ci délivré cela peut conduire à émettre certaines réserves et à lancer des enquêtes. Elle
produit un rapport annuel dans lequel elle récapitule les anomalies constatées et propose des
réformes. Ses attributions vont faire d’elle une juridiction tantôt du premier degré, tantôt d’appel.

Elle est un juge de premier degré, de droit commun, des comptes et des comptables publics. Le
but est de véri er que les comptables publics ont bien fait leur travail. Si c’est le cas, elle rendra
un arrêt de quitus traduisant qu’il n’y a pas d’irrégularités. Au cas inverse, la cour des comptes
rendra un arrêt de débet, qui signale l’irrégularité dont les comptables publics auront à répondre.
En effet, ils doivent rembourser de leur poche la différence entre ce qui devrait être et ce qui est
constaté. Elle a un pouvoir d’injonction pour contrôler la régularité des comptes, notamment
pour obtenir la délivrance de pièces que les comptables publics ne voudraient pas lui transmettre.
Pour faire appel cela passe devant le conseil d’État parce qu’il s’agit d’une juridiction
administrative spéciale. Elle est une juridiction d’appel pour les collectivités territoriales et les
entreprises qui y sont rattachées.

2/ Les chambres régionales des comptes

Ce sont les lois de décentralisation qui ont institué ces cours. Cela permet de décharger les
comptes. Elles contrôlent les comptes des collectivités territoriales. L’idée étant de véri er que les
deniers publics ont été dépensés conformément aux instructions de l’État. Ces cours régionales
des comptes rendent des avis et peuvent octroyer des crédits en plus. L’idée est ici qu’elles vont
contrôler les comptes au niveau local, l’activité des comptables publics. Elles rendent, elles aussi,

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des arrêts de quitus et de débets. Ces arrêts pourront donc susciter un appel porté devant la cour
des comptes dans un délai de deux mois.

§2/ Les juridictions à compétence spéciale non permanente

A- La Haute Cour de Justice

Il s’agit d’une juridiction d’exception non permanente qui ne peut juger que le Président de la
République s’il est exclusivement poursuivi pour violation du serment ou pour haute trahison. Le
principe est celui de l’irresponsabilité du président pour les faits accomplis dans l’exercice de ses
fonctions et ne peut être soumis aux juridictions pénales pendant le mandat. Mais en en cas de
manquement du président à ses devoirs, le président peut être destitué par la haute cour. On ne
quali e pas la haute cour de juridiction composée de parlementaires. Cela dit, il n’existe pas de
procédure qui renvoie à procédure pénale classique ; il n’y a pas vraiment de responsabilité
pénale du président qui n’ira pas jusqu’à nommer les Juges susceptibles de le poursuivre. Il ne
s’agit donc pas d’une vraie juridiction.

B - La Cour de justice de la République

Instituée par la Loi organique n°007/2019 du 05 juillet 2019, la Cour de justice de la République
est une juridiction d’exception non permanente qui juge le Vice-président de la République, les
Présidents et Vice-présidents des Institutions Constitutionnelles, les membres du Gouvernement,
les membres de la Cour Constitutionnelle et les chefs des Hautes Cours, pour les actes accomplis
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et quali és de crimes ou délits au
moment où ils ont été commis, ainsi que leurs complices et co-auteurs en cas d'atteinte à la sûreté
de l'Etat. A la cessation de leurs fonctions, les personnalités citées à l'alinéa ci-dessus perdent le
privilège de juridiction de la Cour de Justice de la République et répondent des actes celles-ci
devant les juridictions de droit commun.

• Composition et fonctionnement : La Cour de Justice de la République comprend treize juges


dont sept magistrats professionnels de grade hors hiérarchie et six députés et sénateurs élus
par le Parlement en son sein, à raison de trois par l'Assemblée Nationale et trois par le Sénat,
au prorata des effectifs des groupes parlementaires. Le Conseil Supérieur de la Magistrature
désigne en sa séance ordinaire annuelle les sept magistrats professionnels appelés à siéger, en
cas de besoin, à la Cour de Justice de la République au cours de l’année judiciaire. Le
Parlement désigne en début de législature de la chambre concernée les parlementaires appelés
à siéger, en cas de besoin, à la Cour de Justice de la République.
• Procédure : La Cour de Justice de la République est saisie, soit par le Président de la
République, soit par le Procureur Général près la Cour de Cassation agissant d'of ce ou sur
saisine de toute personne lésée par un crime ou un délit commis dans l'exercice ou à l'occasion
de l'exercice de ses fonctions par l'une des personnalités citées à l'article 2, alinéa 2 de la loi
organique y relative.

Section 2 : Les juridictions à compétence d’attribution générale

§1/ Les juges de l’action administrative


A - Compétences d’attribution

Le domaine de compétences des juridictions administratives est dominé par le principe de


séparation des autorités administratives et judiciaires (traduction concrète des lois des 16 et 24
août 1790 complétées par le décret du 16 fructidor an III).
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Selon les critères généraux de partage, la distinction générale se situe entre la gestion publique et
la gestion privée. En effet, l’administration peut prendre deux types d’actes. Le premier type est
représenté par des actes qui se rattachent à la gestion ou à la puissance publique. Le second type
d’actes regroupe les actes qui se rattachent à la gestion privée. Les premiers ressortissent à la
compétence des juridictions administratives. Les seconds à celle du juge judiciaire.

Le domaine de compétence de la juridiction administrative selon le critère de la gestion ou de la


puissance publique :

- le contentieux des décisions administratives


- le contentieux des contrats administratifs
- le contentieux du domaine public
- le contentieux de la police administrative
- le contentieux des services publics administratifs. Un litige engendré par le fonctionnement
d’un service public administratif ou né à l’occasion de son fonctionnement ou de sa gestion
relève du juge administratif. Il importe peu que le litige mette aux prises l’administration avec
une personne privée ou une autre personne publique.
Par dérogation, le juge administratif est compétent pour le contentieux des particuliers. C’est le
cas du contentieux de vente d’immeubles du domaine privé de l’Etat. Il en est de même du
contentieux de l’organisation du service public de la justice judiciaire.

Dans tous les cas, le Conseil d’Etat, les CAA et les TA sont organisés et se prononcent
conformément au Code des juridictions administratives.

B- Répartition

1 - Les Tribunaux administratifs

Ils résultent des anciennes sections administratives des TPI telles que prévues dans la loi n°17/84
portant code des juridictions administratives. Ce sont des juridictions administratives de droit
commun compétentes en premier ressort. Autrement dit, c’est en principe à eux que le requérant
soit s’adresser en premier lieu. Ils sont techniquement au nombre de 9. En général il est supposé
y en avoir un par province. En principe, le tribunal administratif territorialement compétent est
celui dans le ressort duquel a son siège l’autorité administrative qui a pris la décision à l’origine
du litige.

Sa formation collégiale classique comprend 3 membres (magistrats de l'ordre administratif.)


Quelquefois, on statue à juge unique. C'est le président qui statue en procédure d’urgence.

Les TA sont composés par les juges du siège et les commissaires à la loi représentant le ministère
public. Ces commissaires présentent les litiges comme porte-paroles de l’administration et dans
l’interêt de la loi. Il donnent leurs avis mais ils ne participent pas aux délibérés. Ce TA possède
aussi un greffe, il doit diffuser les décisions, suivre les affaires, etc.

Du point de vue de sa compétence, elle est résiduelle et renvoie à deux types de contentieux : le
contentieux de l’excès de pouvoir s’agissant des décisions prises par une autorité administrative
du ressort territorial où siège ladite autorité administrative. Mais aussi celui du plein contentieux
si le litige ne concerne pas l’Etat ou ses établissements publics.

En n, les TA sont compétents s’agissant des contestations résultant des élections locales (mairies
et conseils départementaux).

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2 - Les cours administratives d’appel

Elles ont pour but de désengorger le conseil d’État. A l'heure actuelle, il y a deux CAA qui ont
un ressort très étendu : Libreville et Franceville. Ces CAA sont divisées en chambres et
comportent un président. Ce président se voit attribuer les procédures en référé. Devant la CAA,
le commissaire du gouvernement intervient. Il évoque les faits et le droit du litige. Il donne sa
position sur la solution. Les CAA connaissent en appel de tous les litiges jugés en première
instance par les TA. La compétence en appel peut être réservée directement au CE ou alors dans
d’autres juridictions d'exception de l'ordre administratif.

3 - Le Conseil d’Etat

Organe suprême de l’ordre administratif, le Conseil d’Etat a remplacé sur le plan institutionnel
l’ancienne chambre administrative de la Cour suprême.

• Du point de vue de son organisation, le Conseil d’Etat comprend le siège, le Ministère Public,
le Secrétaire Général, le Service de la Documentation et des Etudes et la Commission de suivi
de l’exécution des décisions juridictionnelles. Le siège est organisé en chambres consultatives
et contentieuse. Chaque chambre peut-être divisée en sections et comprend un Président de
chambre et des Conseillers. La section comprend un Président et des Conseillers désignés par
ordonnance du Président du Conseil d’Etat. Les présidents de section sont choisis parmi les
Conseillers les plus anciens. Le Greffe du Conseil d’Etat est dirigé par un Gref er en Chef,
assisté d’un Gref er en Chef Adjoint et de Gref ers nommés par arrêté du Ministre chargé de
la Justice. Les Gref ers sont nommés dans les mêmes formes permis les Gref ers Principaux
et les Gref ers. Le Ministère Public est organisé en un service unique placé sous la direction
d’un Commissaire Général à la loi. Les principes de l’unicité et de l’indivisibilité du Ministère
Public s’appliquent à celui du Conseil d’Etat. Le Secrétariat du Ministère Public est dirigé par
un Secrétaire en Chef, assisté d’un Secrétaire en Chef Adjoint et de Secrétaires nommés par
arrêté du Ministre chargé de la Justice. Il existe aussi un secrétaire général dirigé par un
Secrétaire Général nommé en Conseil Supérieur de la Magistrature parmi les magistrats du
Conseil d’Etat ou de l’administration centrale du Ministère de la Justice de grade équivalent.
Le Secrétaire Général assiste le Président du Conseil d’Etat dans l’administration et le
fonctionnement de la juridiction.

• Du point de vue de sa composition le siège est composé du Président du Conseil d’Etat appelé
Premier Président, de présidents de chambre et de Conseillers. Le Ministère Public du
Conseil d’Etat est composé d’un Commissaire Général à la loi, de Commissaires Généraux
Adjoints et de Commissaires à la loi. Le Premier Président du Conseil d’Etat et le
Commissaire Général à la loi sont choisis parmi les magistrats de l’ordre administratif du
grade hors hiérarchie, exerçant ou ayant exercé effectivement les fonctions de Président de
Chambre, de Commissaire Général Adjoint, de Secrétaire Général au Conseil d’Etat, de
Secrétaire Général de la Chancellerie ou d’Inspecteur Général des Services Judiciaires. Les
présidents de Chambre, les Commissaires Généraux Adjoints et le Secrétaire Général sont
choisis parmi les Conseillers d’Etat exerçant ou ayant exercé effectivement lesdites fonctions
au conseil d’Etat. Les Conseillers et les Commissaires à la loi sont choisis parmi les magistrats
hors hiérarchie des Cours d’Appel Administratives. Les Conseillers et les Commissaires à la
loi peuvent également être choisis parmi les fonctionnaires titulaires d’au moins une maîtrise
ou d’un diplôme équivalent, âgé au moins de 40 ans et totalisant au moins quinze ans
d’exercice effectif de leur profession. Le nombre de Conseillers et de Commissaires à la loi
issus de l’Administration ne peut dépasser le dixième du nombre total des Conseillers et
Commissaires. Les nominations sont prononcées par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

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• Du point de vue de ses compétences, elles sont d’une part consultatives et d’autre part,
contentieuses. Dans ses missions consultatives de Conseiller juridique du Gouvernement, le
Conseil d’Etat est saisi, conformément aux dispositions de l’article 30 de la constitution, pour
donner son avis sur tous les projets de loi, d’ordonnance et décret réglementaire. À cet effet, il
propose les modi cations de forme et de fond qu’il juge nécessaires. Le Conseil d’Etat donne
également son avis sur toutes les questions pour lesquelles son intervention est prévue par les
textes en vigueur sur le plan contentieux.

Le conseil d’Etat connaît en premier et dernier ressort: des recours pour excès de pouvoirs
formés contre les actes individuels des autorités administratives à compétence nationale ; des
recours contre les actes administratifs unilatéraux et individuels dont le champ d’application
s’étend au-delà du ressort d’une cour d’Appel Administrative ; des recours en annulation dirigés
contre les décisions administratives et disciplinaires prises par les organismes collégiaux à
compétence nationale et les ordres professionnels, conformément aux textes en vigueur ; des
actions en responsabilité dirigées contre l’Etat ou ses établissements publics, conformément aux
textes en vigueur ; des recours en matière d’élections autres que les élections politiques et les
opérations de référendum ; des recours en matière scale conformément aux lois et règlements
régissant cette matière.

Le Conseil d’Etat connaît en cassation des pourvois formés contre les décisions des Cours
d’Appel statuant en matière administrative et des autres matières pour lesquelles la loi lui
attribue cette compétence.

§2/ Les juridictions de l’ordre judiciaire

A - Les juridictions de première instance

1 - Généralités sur les tribunaux de première instance

Les tribunaux judiciaires sont les juridictions du premier degré de l’ordre judiciaire. Ils sont
composés des tribunaux de première instance compétents en matière civile et pénale, les
tribunaux de commerce et les tribunaux du travail. Le siège de ces tribunaux est le chef lieu et
leur ressort territorial couvre toute la province du lieu dudit siège.

• Composition

Du point de vue de son organisation, le TPI se compose du siège, du parquet, du greffe et du


secrétariat du parquet.

Le siège se compose du président, du premier vice-président, des vice-présidents, des juges, du


premier juge d’instruction, des juges d’instruction et des gref ers.

Quant au parquet, il se compose : du Procureur de la République, des procureurs adjoints, des


substituts du procureur et des secrétaires de parquet. Le Procureur de la République, représenté
en personne ou par ses adjoints ou substituts, exerce le Ministère Public près le tribunal de
première instance.

Le greffe du tribunal de première instance est dirigé par un gref er en chef, assisté de gref ers
en chef adjoints et de gref ers, tous nommés par arrêté du Ministre chargé de la Justice.

• Compétence et fonctionnement

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Le Tribunal de Première Instance connaît de toutes les affaires civiles et pénales, sous réserve de
la compétence spécialement attribuée au Tribunal de Première Instance de Libreville en
application de l’article 198 de la loi organique n°008/2019 du 05 juillet 2019 xant la
composition, la compétence et le fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire.

Du point de vue de son fonctionnement, Le Tribunal de Première Instance comprend plusieurs


chambres qui peuvent être subdivisées en sections. Le nombre de chambres et de sections ainsi
que la répartition des matières en leur sein sont arrêtés par ordonnance du Président du Tribunal
de Première Instance, après avis de l'assemblée générale. L'affectation des magistrats dans les
chambres et les sections ainsi que dans les cabinets d'instruction est effectuée par ordonnance du
Président du Tribunal de Première Instance. Les chambres du Tribunal de Première Instance
sont présidées par le président ou les vice- présidents dudit tribunal.

Chaque chambre ou section du tribunal de première instance se compose : d'un président ; de


juges ; d'un ou de plusieurs gref ers.

Chaque président de chambre ou de section préside en personne les audiences de sa chambre ou


de sa section. Il peut déléguer, le cas échéant, ce pouvoir au membre de la chambre ou de la
section le plus ancien dans le grade le plus élevé. Mais, lorsqu’il l’estime nécessaire, le président
du TPI peut présider toute chambre ou section du tribunal. Les chambres ou sections délibèrent
sur les affaires relevant des matières de leur compétence.

Quant au Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance, il répartit auprès


des différentes chambres ou sections du tribunal les procureurs adjoints et les substituts qui
requièrent en son nom. Il peut, quand il l'estime nécessaire, requérir en personne à toute
audience de ces chambres ou sections.

• La formation spécialisée du TPI de Libreville. Il est institué au Tribunal de Première Instance


de Libreville une formation spécialisée compétente, dans les conditions prévues au présent
chapitre, pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement des
infractions spécialement énumérées au Code de Procédure Pénale dans les domaines ci-après :
des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ; du terrorisme ; des attentats contre des
installations ou des biens publics ou privés ; de la fausse monnaie ; de crimes contre l'humanité
et de crimes de guerre ; de la traite des êtres humains ; des arrestations et séquestrations
arbitraires et de la piraterie ; des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données ;
de la cybercriminalité ; des atteintes à la bonne gouvernance publique ; du blanchiment des
capitaux ; du tra c de l'ivoire et du braconnage organisé ; de l'exploitation illicite de ressources
halieutiques ; du tra c de matières premières et autres substances minérales.

Cette formation spécialisée a compétence nationale. Elle est seule compétente pour juger les
délits relatifs aux domaines ci-dessus. Cette compétence s’étend aux infractions connexes. Du
reste, le Procureur de la République près un Tribunal de Première Instance autre que celui de
Libreville doit, pour les infractions relevant de la compétence de la formation spécialisée du
Tribunal de Première Instance de Libreville, se dessaisir sans délai au pro t du Procureur de la
République dudit Tribunal de Libreville.

2 - Les juridictions d’exception de premier degré

a) Le tribunal de commerce

lI est créé dans chaque chef-lieu de province un tribunal de commerce. Mais son installation
effective est décidée par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le ressort territorial du
tribunal de commerce recouvre celui de la province où il a son siège.
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• Composition et organisation

Le tribunal de commerce se compose de magistrats de l’ordre judiciaire et de juges consulaires.


Les magistrats sont nommés en Conseil Supérieur de la Magistrature, conformément aux
dispositions des textes en vigueur. Les juges consulaires quant à eux sont issus du collège des
opérateurs économiques. Ils sont élus par leurs pairs conformément aux modalités et conditions
xées par arrêté conjoint des Ministres chargés de la Justice et du Commerce.

Il se compose du siège et du greffe. Le siège comprend : un président ; des vice-présidents ; des


juges et des gref ers. Le président et les vice-présidents sont nommés en Conseil Supérieur de la
Magistrature parmi les magistrats du premier grade. Le Ministère Public est présent ou
représenté devant le tribunal de commerce par les magistrats du parquet du tribunal de première
instance du ressort. Le greffe du tribunal de commerce est dirigé par un gref er en chef, assisté
de gref ers en chef adjoints et de gref ers, tous nommés par arrêté du Ministre chargé de la
Justice.

• Compétence et fonctionnement

Le Tribunal de commerce est compétent notamment pour connaître : des contestations relatives
aux engagements entre commerçants et établissements de crédits ; des contestations relatives aux
sociétés commerciales, notamment des différends entre associés ; des contestations relatives aux
actes de commerce entre toutes personnes ; des litiges entre entreprises, y compris, en droit
boursier et nancier notamment en matière de commerce et de concurrence ; des litiges relatifs
aux effets de commerce et autres moyens de paiement ; des litiges opposant des particuliers à des
commerçants ou à des sociétés commerciales dans l’exercice de leurs activités ; des dif cultés des
entreprises et sociétés commerciales, notamment en matière de procédures collectives
d’apurement du passif.

Le tribunal de commerce connaît également de toutes autres matières pour lesquelles la loi et les
actes uniformes OHADA lui attribuent expressément compétence. Toutefois, les parties peuvent,
au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ou litiges
énumérés aux quatre premiers tirets ci-dessus.

Quant à son fonctionnement, le Tribunal de commerce statue, en premier et dernier ressort,


lorsque la valeur du litige ne dépasse pas cinq millions de francs CFA. Le jugement doit être
rendu dans un délai, de trois mois à compter de l’évocation de l’affaire au fond. Ce délai est
prorogeable d’un mois sur décision motivée du président du tribunal. Pour les litiges dont la
valeur est comprise entre cinq millions de francs CFA et cinquante millions de francs CFA, le
tribunal statue, en premier ressort, dans le délai de trois mois. Ce délai peut être prorogé de trois
mois, par décision motivée du président du tribunal. Quant aux litiges dont la valeur est
supérieure à cinquante millions de francs CFA, le tribunal statue, en premier ressort, dans un
délai de six mois. Ce délai, peut être prorogé de trois mois.

b) Le tribunal du travail

Il est créé dans chaque chef-lieu de province un tribunal du travail. L’installation effective du
tribunal du travail est décidée par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le ressort territorial
du tribunal du travail recouvre celui de la province où il a son siège.

• Composition et organisation

Le tribunal du travail se compose de membres issus de trois collèges : le collège de magistrats de


l’ordre judiciaire ; le collège des membres issus des organisations professionnelles représentant
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les employeurs ; le collège des membres issus des organisations professionnelles représentant les
salariés. Les membres autres que les magistrats sont dénommés assesseurs non professionnels.
Les magistrats sont nommés en Conseil Supérieur de la Magistrature, conformément aux
dispositions des textes en vigueur. Les assesseurs non professionnels sont élus par leurs pairs
selon les modalités et conditions xées par arrêté conjoint des Ministres chargés de la Justice et
du Travail.

Il se compose : du siège et du greffe. Le siège comprend : un président ; des vice-présidents ; des


juges et des assesseurs non professionnels et des gref ers. Le président et les vice-présidents
sont choisis parmi les magistrats du premier grade. Le greffe du tribunal du travail est dirigé par
un gref er en chef, assisté de gref ers en chef adjoints et de gref ers, tous nommés par arrêté du
Ministre chargé de la Justice.

• Compétence et fonctionnement

Le Tribunal du travail est compétent pour connaître : de tout con it individuel né, à l’occasion de
la conclusion, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail ; des différends individuels
relatifs aux conventions collectives et aux textes règlementaires en tenant lieu ; des différends nés
à l'occasion du travail, lorsque ceux- ci ont un lien avec l'exécution du contrat de travail ; des
différends entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés, apprentis ou stagiaires
qu’ils emploient, accueillent ou reçoivent ainsi que du contentieux du régime de sécurité sociale.

Dans l'exercice de ses compétences, le tribunal du travail statue en premier et dernier ressort
lorsque la valeur du litige n'excède pas un million de francs CFA. Cependant, le tribunal du
travail doit préalablement procéder à la conciliation des parties, nonobstant celle déjà observée
devant l'Inspection du Travail. En cas de conciliation, les juges dressent procès- verbal signé des
parties et du président. Ce procès-verbal est classé au rang des minutes du tribunal et vaut titre
exécutoire. En cas d'échec de la tentative de conciliation, la juridiction saisie procède à
l'instruction du dossier pour décision être rendue sur le fond. Dans tous les cas, il doit être fait
mention de l'observation de la formalité de conciliation préalable dans la décision. Le tribunal du
travail territorialement compétent est celui du lieu de l'exécution du contrat de travail ou celui du
lieu de résidence du salarié, apprenti ou stagiaire. Les décisions du tribunal du travail sont
rendues par les sections suivant les matières de leurs compétences respectives.

3 - La justice pénale du premier degré

Le procès pénal comporte trois phases : la phase de poursuite, celle d’instruction et la phase de
jugement.

a) Les juridictions de poursuite et d’instruction

Le ministère public : il est composé par les magistrats du parquet qui représentent les intérêts de
la société et lancent des poursuites à l’encontre des auteurs d’infraction en réclamant que leur soit
appliqué des sanctions (Cf. dans le chapitre ci-dessous pour de plus amples développements sur
le ministère public).

S’agissant du juge d’instruction, sa mission principale est de rassembler les éléments de preuve et
d’apprécier si les charges sont suf santes pour traduire le prévenu devant une juridiction de
jugement. Il a aussi un rôle en amont, dans la constitution du dossier (instruction souvent
décisive dans la suite.) Il peut s’avérer nécessaire de mettre le prévenu en détention provisoire.
L’instruction n’existe quasiment pas en matière correctionnelle où elle se fait à la barre le jour de
l’audience. Mais elle est obligatoire pour les crimes. Pour les mineurs, il y a une phase
d’instruction obligatoire. Qui peut toutefois être dispensée lorsqu’il s’agit de délits et si la
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culpabilité est évidente : agrant délit ou s’il plaide coupable. Pour les contraventions,
l’instruction est aussi très rare.

Les missions du juge d’instruction sont doubles.

- Il fait des actes d’information ; à savoir, il rassemble les preuves. Il instruit à charge et à
décharge, il doit envisager les 2 aspects de la poursuite. Pas de parti pris dans la recherche des
preuves. Il est garant de la présomption d’innocence. Procédure inquisitoire et écrite. Il
procède aux interrogatoires, auditionne le prévenu et la partie civile, il peut ordonner des
perquisitions, procéder à des saisies, se rendre personnellement sur les lieux ou délivrer des
commissions rogatoires.

- Il a aussi un rôle juridictionnel puisque c’est à lui qu’il appartient de statuer sur la question de
la suf sance des charges pour poursuivre. A cet effet, il rend des ordonnances de clôture, de
règlement, de non lieu (quand les charges sont insuf santes pour poursuivre). Quand elles
sont importantes, il rend une ordonnance de renvoi devant l’organe de jugement. Il statue
en n sur le placement en détention provisoire pour éviter d’éventuels troubles à l’ordre et
garder des éléments de preuve.

b) La juridiction de jugement

Elle est composée des juges du siège qui statuent sur la culpabilité ou l’innocence du prévenu. Le
tribunal correctionnel territorialement compétent en matière de délit est celui du lieu de
commission du délit, lieu où la personne poursuivie a été arrêtée ou lieu de domicile du prévenu.
Il rend les sanctions suivantes : amendes et peines de prison ferme ou avec sursis. Il peut être
saisi par comparution volontaire des parties, citation directe du parquet, ordonnance de renvoi
du juge d’instruction.

B - Les cours d’appel judiciaire

1 - Généralités sur la Cour d’Appel judiciaire

La Cour d'Appel Judiciaire est la juridiction du second degré de l'ordre judiciaire. Il en est
institué une dans chaque chef-lieu de province. Le ressort territorial de la Cour d’Appel recouvre
celui de la province où elle a son siège. A titre exceptionnel, et sur décision du Conseil Supérieur
de la Magistrature, le ressort territorial d'une Cour d’Appel peut recouvrir plusieurs provinces.
La Cour d’Appel statue en dernier ressort sur le fond des affaires. Elle statue en premier et
dernier ressort en matière criminelle.

• Organisation et composition

La Cour d’Appel est organisée en siège et en parquet général. Elle comprend également le greffe
et le secrétariat du parquet général.

Le siège est composé : du président de la Cour d’Appel, appelé Premier Président ; des
présidents de chambre ; des conseillers ; d'un gref er en chef ; des gref ers en chef adjoints et
des gref ers simples.

Le parquet général est composé : du Procureur Général ; des avocats généraux ; des substituts
généraux ; du secrétaire en chef ; des secrétaires en chef adjoints et des secrétaires de parquet
général. Le Procureur Général, les avocats généraux et les substituts généraux exercent les
fonctions du Ministère Public près la Cour d'Appel. Le Président de la Cour d'Appel et le
Procureur Général près la Cour d'Appel sont choisis parmi les magistrats hors hiérarchie. Ils

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sont responsables de l'administration de la justice dans leur ressort. A cet effet, ils procèdent à
l'inspection des juridictions de leur ressort et s'assurent, chacun en ce qui le concerne, du
traitement normal des affaires.

Le greffe de la Cour d’Appel est dirigé par un Gref er en Chef, assisté d'un ou de plusieurs
gref ers en chef adjoints et de gref ers.

Le secrétariat du Parquet Général est dirigé par un Secrétaire en Chef, assisté de secrétaires en
chef adjoints et de secrétaires de parquet.

• Compétences

La Cour d’appel connaît, en appel des décisions rendues par les tribunaux de premier degré de
son ressort en matière civile, commerciale, sociale et pénale. Toutefois, outre ces matières, la
Cour d’Appel de Libreville a seule compétence pour connaître, en appel dans ses formations
spécialisées, des infractions visées à l’article 198 de la loi organique portant sur l’organisation de
la justice judiciaire. Le jugement en appel des infractions correctionnelles qui, en relèvent est
exclusivement de la compétence de la Chambre correctionnelle spécialisée de la Cour d’Appel de
Libreville. Les formations spécialisées de la Cour d'Appel Judiciaire de Libreville sont
composées de magistrats du siège et du parquet nommés en Conseil Supérieur de la Magistrature
pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois et de gref ers spécialement affectés.

La Cour d'Appel est seule compétente pour statuer sur les contestations relatives à la nationalité.

La chambre d'accusation est la formation de la cour d'appel qui exerce la fonction de juridiction
d'instruction du second degré. Elle connaît des appels formés contre les ordonnances
juridictionnelles du juge d'instruction ainsi que des ordonnances de renvoi devant la cour
criminelle ordinaire. Pour ce qui concerne la Cour d'Appel de Libreville, elle comprend, outre la
chambre d'accusation ordinaire, une chambre d'accusation spécialisée qui connaît des appels
formés contre les ordonnances juridictionnelles des juges chargés de l'instruction des crimes et
délits prévus à l'article 198 précité ainsi que des ordonnances de renvoi devant la Cour criminelle
spécialisée en charge du jugement de ces infractions. C’est cette chambre d’accusation qui est
compétente pour saisir la cour criminelle. La Cour Criminelle est la formation de la cour d'appel
qui juge les infractions quali ées crimes.

• Fonctionnement

La Cour d’appel est divisée en chambre statuant dans les matières de leurs compétences
respectives.

Les chambres de la Cour d'Appel peuvent être subdivisées en sections de jugement. Ces
chambres et les sections sont créées par ordonnance du Président de la Cour d’Appel. Le
Président de la Cour d'Appel décide par ordonnance de l'affectation des causes à chacune des
chambres selon la compétence qui lui a été attribuée. Chaque chambre, chaque section de la
Cour d'Appel est composée : d'un président ; de conseillers ; d'un ou de plusieurs gref ers. Les
chambres délibèrent sur les affaires relevant de leur compétence. Chaque président de chambre
préside en personne les audiences de sa chambre. Il peut déléguer, le cas échéant, ce pouvoir au
membre de la chambre le plus ancien dans le grade le plus élevé.

Le Président de la Cour d’Appel peut, lorsqu’il le juge utile, présider toute Chambre de la Cour
d’Appel. Le Président de la Cour d’Appel a compétence exclusive en matière de défense à
exécution d’une décision d’exécution provisoire ordonnée, par le Premier Juge, conformément
au Code de Procédure Civile.
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Le Procureur Général répartit auprès des différentes chambres de la Cour d'Appel, les avocats
généraux et les substituts généraux qui requièrent en son nom. Il peut, quand il l'estime utile,
requérir en personne à l'audience de toute chambre.

2 - Le cas à part en matière répressive des cours criminelles

La cour criminelle est compétente pour connaître des infractions quali ées de crimes. Pour le
jugement de ces infractions, la cour criminelle connaît, dans sa formation ordinaire commune à
toutes les cours d'appel, des crimes commis sur les personnes et les biens et, dans sa formation
spécialisée exclusive à la Cour d'Appel de Libreville, des infractions quali ées crimes prévues à
l'article 198 de la loi organique n°008/2019 du 05 juillet 2019 xant la composition, la
compétence et le fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire

a) La cour criminelle ordinaire

• Composition

La cour criminelle ordinaire est partie intégrante de la cour d'appel judiciaire. Elle est composée
des magistrats et des gref ers de la cour d'appel judiciaire ainsi que des jurés. La formation de
jugement comprend trois magistrats, quatre jurés et un gref er. Chaque formation de jugement
est composée : d'un président ayant le rang de président de chambre de cour d’appel ; de deux
assesseurs, magistrats de cour d’appel ; de quatre jurés et d'un gref er.
Les jurés sont tirés au sort sur une liste établie, en début de chaque année judiciaire par le
Procureur Général. Le gref er en chef de la Cour d’Appel ou le gref er désigné par lui assiste la
cour criminelle ordinaire. Le Ministère Public est représenté par le procureur général près la
cour d'appel judiciaire ou par l'un de ses avocats généraux ou l'un de ses substituts généraux.

• Fonctionnement et compétences

La cour criminelle ordinaire connaît des infractions punies des peines criminelles non prévues à
l’article 198 de la loi organique ainsi que des délits connexes à ces crimes. La cour criminelle
ordinaire a plénitude de juridiction pour juger les personnes renvoyées devant elle par la décision
de mise en accusation. Elle est aussi saisie sur renvoi de la chambre d’accusation ou sur renvoi
après cassation ou encore par le Procureur Général près la Cour d'Appel en cas de crime
agrant. La cour criminelle ordinaire tient ses assises au sein de la Cour d'Appel dont elle relève.

Lorsque les circonstances l'exigent, elle peut se transporter au siège d'un tribunal du ressort de la
Cour d'Appel en audience foraine. La cour criminelle ordinaire siège en session tous les trois
mois de l'année judiciaire suivant un calendrier arrêté conjointement par le Président de la Cour
d'Appel Judiciaire et le Procureur Général près ladite Cour. En cas de nécessité, elle peut siéger
en session extraordinaire.

Le Président de la Cour d’Appel Judiciaire désigne par ordonnance le président de la session


criminelle parmi les présidents de chambre de la Cour d'Appel. Il désigne dans les mêmes formes
les membres des formations de jugement, lesquelles sont présidées par les présidents de chambre,
assistés de deux autres magistrats de Cour d'Appel, ou à défaut, par des juges du tribunal du
ressort. Il peut lui même, lorsqu’il l’estime nécessaire, présider toute audience de la session
criminelle. Les formations de jugement sont complétées par quatre jurés tirés au sort. Deux jurés
suppléants sont en même temps tirés au sort. La date d'ouverture de la session criminelle est xée
par ordonnance du Président de la Cour d'Appel Judiciaire sur proposition du Procureur
Général près ladite Cour.

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La procédure préparatoire à l’examen de chacune des affaires xées au rôle de la session de la
cour criminelle et les modalités de tirage au sort des jurés appelés à participer au jugement et leur
serment sont prévus par le Code de Procédure Pénale. Le président, les assesseurs et les jurés
délibèrent sur les affaires qui leur sont soumises, tant sur la culpabilité de l'accusé que sur
l’application de la peine et les dommages-intérêts, hors la présence du Ministère Public et du
gref er.

Les magistrats et les jurés de la cour criminelle ordinaire perçoivent des indemnités d'audience
dont le taux est xé par voie réglementaire. Les fonds nécessaires au paiement de ces indemnités
sont prévus et évalués dans les lois de nances.

b) La cour criminelle spécialisée

• Composition

La cour criminelle spécialisée est la formation de la Cour d'Appel Judiciaire de Libreville


chargée de juger les crimes prévus à l’article 198 précité de la loi organique y relative. La cour
criminelle spécialisée de la Cour d'Appel Judiciaire de Libreville est composée de magistrats
nommés en Conseil Supérieur de la Magistrature et de gref ers de la Cour d'Appel Judiciaire de
Libreville ainsi que de jurés gurant sur une liste établie par le Procureur de la République. La
liste des jurés de la cour criminelle spécialisée est dressée en début de chaque année judiciaire.

La formation de jugement comprend cinq magistrats, quatre jurés ayant voix délibérative et un
gref er. Chaque formation de jugement est composée d'un président ayant le rang de président
de chambre de Cour d’Appel, de quatre magistrats de Cour d’Appel, de quatre jurés et d'un
gref er.

Le Ministère Public est représenté par le Procureur Général près la Cour d'Appel Judiciaire de
Libreville ou par l'un de ses avocats généraux, ou l'un de ses substituts généraux.

• Compétences et fonctionnement

La cour criminelle spécialisé de la cour d’appel judiciaire de Libreville connaît en premier et


dernier ressort des crimes visés à l’article 198 précité et le ressort territorial de sa compétence est
national. Elle peut requérir le concours de toute personne quali ée ou de tout expert pour
éclairer sa religion. Les personnes quali ées et les experts prêtent devant la Cour, avant
l'accomplissement de leur mission, le serment d’apporter leur concours à la Justice en leur
honneur et leur conscience.

Saisie le plus souvent sur renvoi de la chambre d’accusation spécialisée, elle peut aussi être saisie
sur renvoi après cassation. Ses assises se tiennent au sein de la Cour d’Appel judiciaire de
Libreville et siège chaque fois que nécessaire. La date d’ouverture de chaque session criminelle
est xée par ordonnance du Président de la Cour d’Appel Judiciaire de Libreville après avis du
Procureur Général près ladite Cour. Le Président de la Cour d'Appel Judiciaire de Libreville
établit un calendrier des audiences en fonction des affaires en état d’être jugées. Il désigne par
ordonnance les formations de jugement appelées à connaître des affaires inscrites au rôle.

La procédure préparatoire à l’examen de chacune des affaires xées au rôle de la session de la


cour criminelle spécialisée et les modalités du tirage au sort des jurés appelés à participer au
jugement et leur serment sont prévus par le Code de Procédure Pénale. Le président, les
assesseurs et les jurés délibèrent sur les affaires qui leur sont soumises, tant sur la culpabilité de
l'accusé que sur l’application de la peine et les dommages-intérêts, hors la présence du Ministère

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Public et du gref er. Les magistrats statuent seuls sur les questions de compétence, les incidents
de droit et de procédure.

La décision est prise à la majorité des voix et est prononcée en audience publique. Les magistrats
et les jurés de la cour criminelle spécialisée de la Cour d’Appel Judiciaire de Libreville
perçoivent des indemnités d'audience dont le taux est xé par voie réglementaire. Les fonds
nécessaires au paiement de ces indemnités sont prévus et évalués dans les lois de nances.

C - La cour de cassation

C’est l’organe suprême de l'ordre judiciaire. Gardienne du droit, elle veille au respect du droit
par les juridictions inférieures. Son rôle est de véri er que les Cours d’Appel et toutes autres
juridictions appliquent et interprètent les normes juridiques conformément à ce qu’elle a xé.
Elle intervient donc comme le gardien de la norme puisque c’est à elle qu’il appartient de xer
l’interprétation à retenir de telle ou telle norme.

1 - le rôle de la cour de cassation

Le rôle traditionnel et essentiel de la cour de cassation est juridictionnel puisque sa formation


administrative ne lui permet aux cours d’assemblées générales que de s’intéresser aux questions
relatives à son organisation interne.

La cour de cassation est juge du droit et non du fait. Elle se limite à véri er l'interprétation de la
règle de droit par les juridictions inférieures. Elle doit véri er que les juridictions inférieures ont
bien motivé leurs décisions. En revanche, elle n'apprécie pas les faits.

Ses pouvoirs juridictionnels sont plus limités que les juridictions de premier degré. Quand la
Cour de cassation opère une censure elle droit renvoyer l'affaire devant la CA puisqu'elle n'a pas
le droit de traiter les faits. Par exemple, un arrêt de cassation : il censure la décision d'appel.
Quand il y a cassation il y a renvoi de l'affaire devant une juridiction de renvoi. Cette juridiction
de renvoi est souveraine quand il y a eu cassation. Elle peut statuer différemment par rapport à la
cour de cassation. Si elle s’y soumet, alors la décision est dé nitive. Si elle ne se soumet pas, les
parties peuvent renvoyer encore l’affaire devant la cour de cassation. Cette fois-ci, la cour de
cassation statuera en assemblée plénière et pourra le faire différemment que la première fois. La
cour de cassation renvoie devant une seconde juridiction de renvoi qui, là, ne peut pas juger
autrement que ce qu'a dit la cour de cassation.

Dans certaines hypothèses, la cour de cassation peut casser sans renvoi. Elle ne peut le faire que
si la réponse au litige découle directement de la réponse qu'elle a prise de la question de droit.

2 - La compétence

La Cour de Cassation statue sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements
rendus en dernier ressort par les Cours d’Appel, les Tribunaux Judiciaires ainsi que certaines
Juridictions d’exception. Peuvent également lui être déférés, les pourvois en cassation dirigés
contre les décisions en dernier ressort des mêmes juridictions, rendues en matière de référé,
d’exequatur et de mise en liberté provisoire.

Chaque chambre de la Cour de Cassation délibère séparément selon son chef de compétence.
Sauf exceptions consacrées par les textes en vigueur, la Cour de Cassation ne connaît pas du
fond des affaires. Par dérogation aux dispositions de l'alinéa ci- dessus, la Cour de Cassation
connaît en premier et dernier ressort des demandes d'indemnisation en raison d'une détention
préventive, dans les conditions xées par les textes en vigueur.
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Dans les matières relevant du droit de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires, en abrégé OHADA, la requête aux ns de sursis à exécution n’est recevable que sur
présentation de la preuve du pourvoi formé devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
Le Président de la Cour de Cassation ou le Président de Chambre qu’il délègue, connaît, à juge
unique, des requêtes aux ns de sursis à exécution.

A peine de déchéance, le demandeur au pourvoi est tenu de consigner, lors du dépôt du mémoire
ampliatif, une somme dont le montant est xé par voie réglementaire. Il doit être justi é de toute
somme consignée par la production du récépissé du versement au Trésor public.

3 - Organisation et fonctionnement

La cour de cassation obéit à des règles de fonctionnement qui lui sont propres. Elle est située au
sommet de la hiérarchie des juridictions judiciaires. Cette juridiction, elle-même hiérarchisée, se
compose au siège : du Président, appelé Premier président ; des Présidents de chambre et des
Conseillers. Au parquet : du Procureur Général; des Procureurs Généraux Adjoints et des
Avocats Généraux, du Secrétaire en Chef du Parquet, des secrétaires en chef adjoints, des
secrétaires de parquet. Et au Greffe : du Gref er en Chef, des Gref ers en Chef adjoints et des
gref ers simples.

Le Premier président de la Cour de cassation est le magistrat le plus gradé de l’ordre judiciaire.
Il intervient chaque fois qu'il y a une formation solennelle de la cour de cassation (assemblée
plénière ou chambres mixtes.) Le premier président répartit les conseillers dans les chambres. Il
répartit les affaires entre les chambres. On compte quatre chambres en son sein : 2 chambres
civiles, 1 chambre sociale et 1 chambre criminelle. Chacune de ces chambres comprend 1
président de chambre. Il participe au bureau de la cour de cassation (les présidents de chambre
et le premier président réunis.)

Le parquet assure devant la cour de cassation son rôle normal de porte-parole de la loi, il est bien
sûr dirigé par le Procureur Général assisté de ses adjoints et des avocats généraux. Quant au
Greffe, il diffuse les décisions et gère les pourvois.

• Les formations juridictionnelles de la Cour de cassation


- La chambre ordinaire
Le président de chambre peut, après avis du Président de la Cour de Cassation, organiser le
travail de la chambre en sections. Une section siège avec trois magistrats. Le président de
chambre préside les audiences des sections de la chambre qu’il dirige. Il peut déléguer ce pouvoir
au doyen de la chambre ou, à défaut, au membre de la chambre le plus ancien.

Chaque président de chambre présente, deux mois avant les vacances judiciaires, un rapport
annuel au Président de la Cour de Cassation sur l'évolution des procédures et leur exécution.

Le Président de la Cour de Cassation peut, lorsqu’il l’estime utile, présider l’une quelconque des
chambres de la Cour. Il procède à la répartition des causes entre les chambres selon les matières
de leur compétence. En cas de modi cation des attributions des chambres, les affaires réparties
antérieurement à cette modi cation sont transmises aux chambres désormais compétentes. Il est
alors procédé, s'il y a lieu, à la désignation de nouveaux rapporteurs.

- Chambres mixtes

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Lorsqu'une affaire pose une question de droit relevant des compétences d’attribution de deux ou
plusieurs chambres, l’affaire peut être renvoyée devant une chambre mixte.

Le renvoi est décidé soit, avant l'ouverture des débats, par ordonnance du Président de la Cour
de Cassation, soit par arrêt non motivé de la chambre saisie. Le renvoi est de droit lorsque le
Procureur Général le requiert avant l'ouverture des débats.

- L’assemblée plénière
L'assemblée plénière est la formation juridictionnelle la plus solennelle de la Cour de Cassation.
Elle se réunit en costume d'audience solennelle. Le Président de la Cour de Cassation préside les
chambres mixtes et l'assemblée plénière. Il peut désigner le doyen des présidents de chambre ou
tout autre président de chambre pour le remplacer.

Elle est composée : du premier président de la Cour de cassation, les présidents de chaque
chambre, 2 conseillers dans chaque chambre de la cour, le Procureur général et le plus ancien des
procureurs généraux adjoints.

Une affaire peut être renvoyée devant l’assemblée plénière de la Cour, à la demande du Président
de la Cour de Cassation, d’un président de chambre ou du Procureur Général près la Cour de
Cassation, lorsque l'affaire pose une question de principe, notamment s'il existe des solutions
divergentes soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de Cassation.

Lorsque, après cassation d’un premier arrêt ou jugement rendu en dernier ressort, le deuxième
arrêt ou jugement rendu dans la même affaire entre les mêmes parties, procédant en la même
qualité, est attaqué par les mêmes moyens, le Président de la Cour de Cassation renvoie l’affaire
devant l’assemblée plénière et désigne un rapporteur n’appartenant pas à la chambre qui a statué
sur le premier pourvoi.

Si le deuxième arrêt ou jugement rendu encourt la cassation pour les mêmes motifs que le
premier, la Cour, toutes Chambres réunies peut, si les éléments du dossier le permettent, statuer
au fond, sauf s’il s’agit de se prononcer sur l’action publique.

Lorsque le renvoi est ordonné, la juridiction saisie doit se conformer à la décision des Chambres
réunies sur les points de droit jugés par cette formation.

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Chapitre 2 : Les acteurs institutionnels de la justice

Si les justiciables sont les acteurs principaux de la scène juridictionnelle puisqu’il ne saurait y
avoir de justice, de procès sans parties, les autres acteurs, tous aussi importants sont les
magistrats qui disent le droit (section 1) et les auxiliaires de justice (section 2) qui participent
dans un même concert à faire en sorte que la justice soit rendue dans des circonstances
acceptables sur le plan social.

Section 1 : Les magistrats

Ils ont un statut et des responsabilités. Magistrat veut dire celui qui commande, qui est doté de
l’imperium. Il en existe deux catégories : les magistrats du siège et les magistrats du parquet. Les
premiers sont qui jugent, qui tranchent les litiges, ils siègent assis. Les magistrats du parquet (le
ministère public) jouent un rôle pour déclencher les poursuites, et jouent des fois le rôle de partie
dans les procès civils. C’est cette distinction qu’on exposera d’abord pour caractériser les
missions du ministère public (§1), avant de parler de leur statut, l’accès à la profession, les
principes garantissant théoriquement leur indépendance et impartialité ainsi que leur
responsabilité (§2).

§1/ Le rôle propre des magistrats du ministère public

Les juridictions sont composées des juges assis (juges du siège) et des juges debout magistrats du
parquet dont la fonction est de garantir le respect de l'ordre public et de la légalité. Ces Juges
debout sont placés sous l'autorité du Garde des Sceaux. Le statut du ministère public est
différent de celui des magistrats du siège, ce statut est subordonné au Garde des Sceaux qui est
au sommet de la hiérarchie. La spéci cité du ministère public s'explique car le parquet est
indivisible et que les magistrats du parquet sont indépendants de ceux du siège.

En effet, le Garde des Sceaux conduit la politique répressive de l'État ; c’est pourquoi la
subordination du parquet s'explique. Le Garde des Sceaux peut donner un ordre aux magistrats
du parquet (exemple, l’ordre de poursuivre un individu). Il donne aussi des directives de
politique répressive générale tant aux procureurs de la République qu’aux procureurs généraux
des Cours d’appel et de la cour de cassation. Il a aussi la faculté de donner des instructions
individuelles. Ce sont des instructions dans un dossier donné. Cette subordination justi e que les
membres du parquet ne soient pas inamovibles (étant soumis aux ordres, ils peuvent être
déplacés par le Garde des Sceaux.)

Les membres du parquet sont indépendants par rapport aux magistrat du siège. Cette
indépendance se traduit en matière pénale par la séparation des phases du procès pénal.
Effectivement, le rôle du ministère public dans le procès pénal est important puisqu'il décide si
des poursuites doivent être engagées. Ils sont aussi indépendants par rapport aux parties.
Autrement dit, le ministère public est libre de déclencher l'action pénale même si les parties
retirent leur plainte ou que les parties n’ont pas porté plainte.

Bien entendu ce rôle diffère selon que l’on est dans l’ordre judiciaire (A) ou dans l’ordre
administratif (B).

A - Le ministère public auprès des juridictions de l’ordre judiciaire

Devant les juridictions judiciaires de droit commun, le parquet obéit à une organisation
hiérarchisée avec des attributions en matière civile et en matière pénale.

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Au premier degré, le parquet est présent auprès de tous les TPI. Il y est représenté par un
procureur de la république qui a un ou plusieurs adjoints et des substituts selon l’importance
numérique du ressort. Devant le tribunal correctionnel c'est le parquet du TPI qui intervient
pour déclencher les poursuites ou pour faire appel.

Pour la Cour criminelle ordinaire ou spéciale, c’est le parquet général qui s’en charge. Pour la
cassation, on a un procureur général, c'est le chef du parquet juste après le Garde des Sceaux. Ce
procureur est assisté de plusieurs avocats généraux qui peuvent prendre la parole devant les
différentes chambres de la cour de cassation.

Les attributions du parquet concernent tant la matière civile que la matière pénale.

• En matière civile : le parquet y a d’abord des attributions extra-judiciaires. Il surveille les


greffes et les of ciers ministériels. Il véri e les registres d'état civil. Le parquet a aussi un rôle
judiciaire en matière civile, ce rôle peut se traduire de deux manières différentes : suivant si le
parquet est partie jointe ou partie principale au procès civil. D’une part, le ministère public
peut intervenir comme partie jointe : il n'est ni demandeur ni défendeur à l'action. Il a
simplement pour mission de faire connaître son opinion sur une affaire. Le ministère public,
quand il agit ainsi, prend ce que l’on nomme des réquisitions. En cette matière civile, les
conclusions du ministère public ne sont pas obligatoires. Il est seulement des cas comme en
matière de faillites où les textes imposeront des conclusions obligatoires. Ces réquisitions se
justi ent quand se pose une question de principe, le ministère public dans sa neutralité va
élever le débat a n de prendre la meilleure décision. Le ministère public peut intervenir dans
toute affaire s'il estime que son intervention est utile. Dans certains cas l'intervention
deviendra obligatoire (imposée en matière de liation par exemple.) Le rôle du ministère
public, dans le cas où il est partie jointe, est de donner la position du parquet en toute
indépendance. D’autre part, il peut intervenir comme partie principale : il devient partie au
procès et pourra déclencher des actions. Comme il est partie au procès il peut défendre les
intérêts de la collectivité qui sont parfois supérieurs aux intérêts individuels. Il se fait alors le
défenseur de l'ordre public.

• En matière pénale : le ministère public exerce l'action publique. Il est l'avocat de la société en
général. Pour certaines infractions, certaines administrations disposent du pouvoir de
déclencher l'action publique (douanes, sc.) Le ministère public peut décider de ne pas
poursuivre une affaire au nom de l'opportunité des poursuites. Il peut procéder à un
classement sans suite conditionnelle. Par exemple, le ministère public propose de ne pas
poursuivre le contrevenant à la condition que la victime soit indemnisée. Le ministère public ne
se contente pas de déclencher l'action, il possède l'action publique. C'est lui qui interjette appel,
il peut prendre des réquisitions tout au long du procès. Dans le cadre d'une infraction pénale
c'est lui qui propose une peine.

B - Le ministère public auprès des juridictions de l’ordre administratif

Le ministère public devant les juridictions de l'ordre administratif est incarné par la personne du
commissaire à la loi. Ce dernier défend la légalité et l'ordre public et donne sa position en toute
indépendance sur une affaire soumise aux tribunaux administratifs. Ils ne sont pas soumis
comme en matière judiciaire à une structure hiérarchisée.

§2/ L’exercice de la fonction de juger par les magistrats

Cet exercice concerne tant les modalités de leur recrutement (A), leur statut (B) ainsi que la
déontologie et la discipline (C) dont ils doivent faire preuve.

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A - Les modalités de recrutement des magistrats

Il existe un principe d’unicité de recrutement des magistrats tant pour l’ordre judiciaire que pour
l’ordre administratif. Tous exercent leurs fonctions de manière permanente suite à deux années
d’étude et de stage au sein de l’Ecole nationale de Magistrature où l'entrée a lieu par concours.
Suite à cette formation, ils doivent faire un stage d'au moins 6 mois chez un avocat, un notaire,
dans une entreprise, dans une juridiction, a n de que les magistrats se familiarisent avec les
autres professions du droit. C’est à l'issue de ce stage qu’ils obtiendront leur premier poste.

Une fois leur formation achevée, ils sont nommés magistrats par décret du président de la
République et prêtent serment.

B - Le statut, garant de l’indépendance et impartialité du magistrat

L’indépendance et l’impartialité ne vont pas de soi. C’est la raison pour laquelle on reconnaît au
magistrat dans le déroulement de sa carrière un certain nombre de choses qui garantissent cette
indépendance et impartialité : le principe d’inamovibilité (1) et le régime de son avancement (2).

1 - Le principe de l’inamovibilité

L'inamovibilité présente une garantie forte contre les pressions potentielles pouvant provenir du
pouvoir législatif ou exécutif. Le magistrat ne peut pas être déplacé. Le magistrat ne peut pas
faire l'objet d'un avancement sans son consentement. Cette garantie ne s’applique qu'aux
magistrats du siège. Les magistrats du parquet ne béné cient pas de cette garantie, ils dépendent
du Garde des Sceaux.

2 - Le régime de l’avancement

L'avancement se fait au choix parmi les candidats à un poste. C'est un avancement au mérite.
Celui-ci est évalué de la façon la plus objective et impartiale, le mérite permettant de garantir une
justice de qualité. Ainsi il faut être inscrit au tableau d’avancement. Pour occuper tel poste, il faut
avoir atteint tel grade dans la magistrature.

Une commission d'avancement véri e chaque année les magistrats. Elle s'appuie sur les
conditions d'ancienneté pour les postes ainsi que les tableaux d'avancement des magistrats. Ces
tableaux sont portés par le président de la CA pour les magistrats. Cette commission est
composée de magistrats mais aussi de l'inspecteur général des services judiciaires. Les conditions
d'élaboration des tableaux d'avancement doivent se faire de manière transparente. La
commission prend chaque dossier et se base sur l'évaluation de chaque magistrat par le président
de la CA a n de déterminer l'avancement. Si un avancement est décidé, il faudra un décret du
président de la République pour le valider lors du Conseil supérieur de la magistrature.

C - Déontologie et discipline des magistrats

1 - La déontologie

Il y a des interdictions et devoirs de réserve : les interdictions privent le magistrat d'un certain
nombre de droits. De plus, les magistrats doivent faire preuve de réserve.

• Incompatibilités : celles-ci garantissent leur liberté d'esprit et empêchent qu'ils soient soumis à
une subordination extérieure. De fait, les magistrats ne peuvent exercer d'autres fonctions
publiques ou de fonctions de salarié. La fonction de juge est incompatible avec celle d'arbitre.
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La fonction de juge, en revanche, n'interdit pas aux juges de participer à certains travaux
scienti ques ou encore à exercer des activités d’enseignement.
• Incapacités : un magistrat ne peut juger lorsqu'il existe un lien de parenté ou d'alliance avec un
autre magistrat de la même juridiction. Ces 2 magistrats ne peuvent siéger dans la même
formation collégiale. De même, lorsqu'il existe un lien de parenté entre un magistrat et l’un des
avocats présents au procès, il y a une incapacité de juger.
• La responsabilité du magistrat : un magistrat peut engager sa responsabilité pénale s'il commet
durant ses fonctions de juge une infraction pénale. Il peut aussi voir sa responsabilité civile
engagée. La responsabilité civile, qui fait suite à une faute civile, relève de la procédure civile et
est mise devant un TPI. La sanction sera des dommages et intérêts si le justiciable a subit un
préjudice. Cette justice est rendue au nom de l'État. Pour préserver une pérennité des juges, il
faut que ceux-ci soient protégés des actions en responsabilité a n de pouvoir juger. L'État n'est
responsable que de ses fautes lourdes parce que la fonction de juger est complexe et que le juge
doit être assez libre. Le juge ne répond donc que de ses fautes personnelles. L'action en
responsabilité est dirigée contre l'État par le justiciable dans un premier temps, ça n'est que
dans un second temps que l'État peut se retourner contre le juge par le biais d’une action de in
rem verso.

2 - La responsabilité disciplinaire

Cette responsabilité disciplinaire est une garantie d’indépendance et d’impartialité dans la mesure
où, jugé par ses collègues dans le cadre d’une instance neutre, le magistrat échappe
théoriquement aux pressions politiques du pouvoir exécutif agissant d’un point de vue
hiérarchique. C'est le conseil de discipline du CSM qui gère les fautes. Sa composition varie
selon le juge qui est traduit devant cette juridiction disciplinaire. Les particuliers ne peuvent
saisir le CSM. Le Garde des Sceaux peut le saisir. Les décisions du conseil de discipline sont
contrôlées par le Conseil d’Etat. Le conseil de discipline rend un avis, et la sanction est prise, si
c'est un magistrat du parquet, par le Garde des Sceaux en personne. Ce conseil de discipline doit
se soumettre à la procédure contradictoire.

La faute disciplinaire est un manquement du juge à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité. La


faute disciplinaire peut renvoyer en particulier à la partialité du juge, au manque de diligence
professionnelle. La responsabilité disciplinaire ne s'arrête pas à la pratique purement
juridictionnelle. Ainsi, une mauvaise interprétation d'un texte ne fait pas partie de responsabilité
disciplinaire puisqu'il doit avoir une marge de manœuvre. En revanche, la faute disciplinaire
peut s'étendre à certains faits de la vie privée ayant une possibilité de ressurgir sur le devant de la
scène de la justice. Le droit de réserve doit aussi être de mise dans la vie privée.

Section 2 : Les auxiliaires de justice

§1/ Les avocats

La loi n° 13/2014 du 7 janvier 2015 xant le cadre d’exercice de la profession d’avocat en


République gabonaise, dé nit l’avocat comme une profession libérale et indépendante dotée
d’une organisation interne autour d’un ordre dont l’accès est réglementé.

A - L’accès à la profession

Il existe un certain nombre de conditions requises. Il faut être titulaire d’une maîtrise ou un
diplôme équivalent en droit. En l’absence d’une école pour former et préparer les avocats à
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l’exercice de la profession, il faut avoir accompli une période de stage théorique de postulation
pour une période variable qui ne peut être inférieure à 2 ans chez un avocat, puis une seconde
période de 3 ans après la prestation de serment à l’issue de la première période.

La profession d’avocat est organisée autour d’un ordre qui va comprendre plusieurs organes :

Le barreau : c’est une personne morale qui représente les avocats qui y sont inscrits. Il comprend
3 organes indispensables à son fonctionnement :

- L’assemblée générale du barreau : elle est réunie chaque fois qu’une question intéresse tous les
avocats du barreau. Elle est composée des avocats inscrits au tableau ainsi que des avocats
honoraires. L’assemblée générale a pour mission d’élire le conseil de l’ordre et le bâtonnier, ce
dernier étant la personne physique représentant le barreau vis-à-vis des tiers.
- Le conseil de l’ordre. C’est un organe collectif élu pour la durée du mandat du bâtonnier.
L’ordre va traiter de toutes les questions qui intéressent les avocats collectivement. Il veille à
ce que les avocats respectent leurs devoirs et à ce que les droits soient respectés. Il va arrêter
le règlement intérieur du barreau. Le conseil de l’ordre doit respecter l’exigence de formation
continue des avocats.
- Le bâtonnier : il sera consulté par les pouvoirs publics chaque fois qu’une question intéresse la
profession des avocats. Il présidera les assemblées générales et le conseil de l’ordre pendant
deux ans. Il va gérer les plaintes qui peuvent être formulées contre les avocats. Il a aussi un
rôle d’arbitre : il règle les différends pouvant s’élever entre avocats ou entre avocats et clients,
relatifs notamment à la xation des honoraires.

B - Le statut de l’avocat et sa responsabilité

L’avocat est un professionnel indépendant. Cette notion d’indépendance va entraîner certains


droits et certaines obligations.

• Prérogatives de l’avocat : l’avocat a le droit de refuser de plaider une affaire ou de recevoir un


dossier. Pour exercer sa profession en toute indépendance, il jouit d’une inviolabilité de ses
correspondances qu’il échange avec son client. De même, aucune perquisition ne peut avoir
lieu au cabinet d’un avocat. S’il s’agit de poursuites dirigées contre l’avocat lui-même, la
perquisition de son cabinet ne peut avoir lieu qu’en présence du bâtonnier. L’avocat jouit d’une
immunité de la parole et des écrits lorsqu’il assure la défense de son client.

• Obligations de l’avocat : s’il accepte un dossier, l’avocat doit le mener à son terme. La diligence
de l’avocat doit le conduire à se comporter en auxiliaire de justice loyal tant vis-à-vis de son
client que de son adversaire : ne pas entrer en contact avec la partie adverse, restituer les
pièces adverses, etc. Il est tenu de respecter le secret professionnel : s’il révélait des éléments, il
encourrait une responsabilité disciplinaire, voire pénale. De plus, il est interdit à l’avocat
d’exercer une fonction publique, une activité commerciale ou salariée.

• La diversité de ses missions :


- L’assistance : l’avocat défend la cause et les intérêts de son client devant le tribunal lors de la
plaidoirie. Cela conduit l’avocat à développer des moyens de fait et de droit pour défendre la
personne de son client.
- La mission de représentation : elle consiste à accomplir les actes de procédure nécessaires tout
au long du procès.
- Le conseil : l’avocat peut intervenir pour conseiller ses clients lors de la réalisation d’un contrat
civil ou commercial. Il peut délivrer des conseils sur des questions juridiques aux entreprises.

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• Responsabilité de l’avocat : On distingue plusieurs types de responsabilités : responsabilité
civile devant les tribunaux civils, responsabilité disciplinaire vis-à-vis de ses pairs,
responsabilité pénale. Pour engager la responsabilité civile, on distingue différents critères :
une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
- Faute de diligence : c’est un manquement à l’obligation d’information. Et sur ce chef, la
responsabilité de l’avocat est engagée si son client subit un préjudice. Le cas échéant, il est
tenu de le réparer intégralement. Ce peut être aussi un préjudice particulier que l’on nomme
« la perte de chances » : lorsque, à cause de cette faute, on a perdu une chance de gagner le
procès alors qu’il y avait des chances sérieuses de gagner le procès.
- La responsabilité pénale de l’avocat est engagée en cas de violation du secret professionnel.
- La responsabilité disciplinaire : l’avocat a une responsabilité vis-à-vis de ses pairs. Ainsi sa
responsabilité peut être engagée pour manquement à ses obligations déontologiques. Des
sanctions disciplinaires peuvent être prononcées. Il peut s’agir d’un avertissement, d’une
suspension pouvant aller jusqu’à trois ans et en n de la radiation du barreau.

§2/ Les autres professions au service de la justice

A - Les Huissiers

Ils sont régis par la loi 11/70 du 17 décembre 1970 qui dé nit leur rôle et leur statut. Leur rôle
est de signi er les décisions judiciaires et de procéder à l’exécution forcée des jugements. Ils
procèdent aussi au recouvrement des créances si les conditions d’un titre exécutoire sont
remplies. Les huissiers sont tenus au respect du secret professionnel.

B - Les experts judiciaires

Le magistrat a parfois besoin, pour pouvoir trancher un litige, d’être éclairé sur des questions
techniques : il recourt alors à l’expert judiciaire. L’expert n’a jamais vocation à dire le droit. Il
n’interviendra que si les éléments de fait suscitent des dif cultés. L’expert est utile pour apprécier
l’existence d’une faute ou pour établir l’existence d’un préjudice. Le titre d’expert judiciaire est
un titre honori que et n’est pas une profession en soi : on a recours à l’expert que parce qu’il a
une expérience autre qui lui donne une aptitude particulière.

Le juge est libre de suivre ou non les conclusions de l’expert : le juge conserve toute latitude
d’appréciation. L’expert judiciaire doit respecter le principe du contradictoire. Ce dernier
implique que l’expert convoque les parties aux opérations d’expertise. Un expert peut être récusé
pour les mêmes causes qu’un juge. L’expert n’est pas censé déléguer ses fonctions. Les experts
sollicitent leur inscription sur une liste qui est établie par la Cour d’Appel.

C - Les Conseils juridiques/administrateurs judiciaires

Il peut arriver qu’il soit nécessaire de con er à un tiers d’assurer la gestion, la liquidation de
certains biens. Ces biens nécessitent une exploitation. Il peut être utile d’en con er l’exploitation
ou d’en faire assurer la liquidation par un tiers Le statut de cette profession a été encadré par la
loi.

L’administrateur judiciaire assure la gestion provisoire d’une société civile ou commerciale, d’une
association, d’un patrimoine, etc.

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Le mandataire judiciaire est chargé par décision de justice de représenter les créanciers dans les
procédures collectives de redressement et de liquidation judiciaires et de procéder
éventuellement à la liquidation des entreprises.

L’accès à la profession est réglementé, ceci a n de leur donner une certaine crédibilité et pour
garantir aux justiciables certaines garanties d’indépendance et de compétence. Les conditions
d’accès sont strictes en ce qui concerne les aptitudes des candidats. Ces fonctions sont
incompatibles avec l’exercice d’une activité commerciale pour éviter les con its d’intérêts. Les
listes sont établies par la commission nationale qui s’assure que les conditions requises sont
remplies. Une fois inscrit sur la liste, le tribunal a pleine liberté pour choisir l’administrateur ou
le mandataire judiciaire. Le juge pourrait éventuellement désigner quelqu’un d’extérieur à la liste
mais il devra pour cela motiver sa décision.

Modalités d’exercice : lorsqu’un mandataire ou un administrateur judiciaire est désigné par le


juge, il est tenu d’exercer personnellement sa mission. Ils ne peuvent pas sous-traiter les tâches
qu’ils ont à accomplir.

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