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2022-2023
PLAN
INTRODUCTION
CONCLUSION
INTRODUCTION
JEAN BODIN affirmait que « la loi sans l’équité est un corps sans âme ». En effet, on
ne pourrait concevoir une justice sans équité. D’où l’intérêt pour nous de porter notre travail
sur l’équité en procédure civile. Selon le lexique des termes juridiques, l’équité est la
réalisation suprême de la justice allant parfois au-delà de ce que prescrit la loi. En droit positif,
l’invocation de l’équité conduit soit à faire prévaloir l’égalité dans les rapports d’échange, soit
à écarter ou à assouplir la règle applicable à l’espèce. En procédure civile, le jugement est
rendu en équité lorsque le juge statue en amiable compositeur au vu des particularités de
l’espèce et de son sentiment du juste et du bon indépendamment des règles de droit applicable.
Le code de procédure civile reconnait à toute juridiction de l’ordre judiciaire le pouvoir de
trancher en équité lorsqu’il s’agit de droit dont les parties ont la libre disposition et qu’un
accord exprès des plaideurs a délié le juge de l’obligation de statuer en droit. Tandis que la
procédure civile désigne l’ensemble des règles encadrant l’organisation et le fonctionnement
de la justice dans le but d’assurer le respect ainsi que la sanction des droits privés des
personnes. À partir du XIIème siècle, les canonistes s’inspirent des écrits de certains
philosophes, l’équité étant entendue comme source de charité ou de miséricorde. Quelques
siècles plus tard, l’équité avait soulevé de nombreuses controverses. Quelles sont les
implications de l’équité en procédure civile ? Est-ce que l’équité est permis en procédure
civile ? Si oui, quelle serait sa place ?
Dans la suite de notre travail, nous verrons d’une part, l’usage de l’équité en procédure
civile (I) et d’autre part, nous aborderons les enjeux de l’équité dans la procédure civile (II).
L’équité intervient dans le raisonnement du juge, soit parce qu’elle a été prévue
et autorisée par la loi (A), soit naturellement et spontanément, dans le silence de la loi
(B).
L'"équité" est le principe modérateur du droit objectif (lois, règlements administratifs) selon
lequel chacun peut prétendre à un traitement juste, égalitaire et raisonnable. Dans certains cas
limités, la loi fait une place à la notion d'équité en laissant au juge le soin de se déterminer "ex
aequo et bono" (selon ce qui est équitable et bon) c'est à dire, en écartant les règles légales
lorsqu'il estime que leur application stricte aurait des conséquences inégalitaires ou
déraisonnables. Dans ces cas, la loi aspire elle-même à établir une solution
Selon l’article 29 alinéa 1 du code de procédure civile, « le juge est tenu de trancher le litige
conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » 1. Cet article sous-entend effet que
le juge ne doit statuer qu’en droit lorsqu’un litige lui est soumis. Le juge ne doit donc pas
s’écarter la loi en invoquant l’équité, même si la règle est inéquitable à l’occasion de son
application à un litige. La cour de cassation française 2 dans le même sens, censure toute
argumentation limitée à une « simple référence à l’équité » ou à la recherche d’une solution «
1 Loi 22-99 AN du 18 mai 1999 portant code de procédure civile
2 Cour de cassation, civile, chambre civile 1, 1 juillet 2009, 08-17.721, Inédit.
équitable » et affirme qu’une référence à l’équité ne peut constituer une « source de droit ».
Michelle CUMYN écrivait à ce propos que « l’équité et la loi s’oppose » 3. Cependant, et
c’est là le paradoxe, l’équité est loin d’être absente des décisions rendues. Elle peut même
jouer un rôle prépondérant dans le jugement. Même si les cas où le législateur permet au juge
d’invoquer l’équité sont rares, sa suggestion est parfois implicite. La présence de l’équité est
acceptée par le législateur mais elle peut aussi être sollicitée par les parties.
Lorsque le législateur prévoit une référence à l’équité, le juge bénéficie d’une base légale du
jugement d’équité et sa mission se limite à une application de la règle autorisant le renvoi
exprès à de telles considérations. En effet, lorsqu’en droit des contrats, le législateur permet
au juge de juger de l’équilibre des droits ou des obligations dans un contrat, il octroie au juge
une marge de manœuvre qui laisse place à une certaine équité. En plus, la référence à l’équité
est aussi présente dans les condamnations civiles où le législateur la plupart du temps prescrit
des peines comprises dans un intervalle. Il permet donc au juge de décider selon son sens du
juste et du bon. Dans certains cas, la loi permet aux parties en litige de confier au juge la
mission de statuer en amiable compositeur. Lorsque le juge est investi de la mission de statuer
en amiable compositeur, il reçoit le droit de rendre sa décision en équité et sans observer les
règles ordinaires de la procédure. Ainsi, en droit de l’arbitrage, il est permis que l’arbitre ou
les arbitres statuent en amiable compositeur. Ainsi, en droit OHADA, selon l’article 15 alinéa
2 de l’Acte Uniforme relatif au droit de l’Arbitrage, le tribunal arbitral peut « statuer en
amiable compositeur lorsque les parties lui ont conférer le pouvoir. » L’autorisation de
recourir à l’équité est cependant implicite, lorsque la loi contient des notions générales,
appelées souvent « notions à contenu variable » ou « notions cadres ». Ces notions sont
largement indéterminées. Chacun saurait comprendre des notions telles que celle de « bonne
foi », ou encore de « bon père de famille » devenue « personne raisonnable ». Or, il n’est pas
dit que chacun mettra dans cette catégorie le même contenu. La part d’appréciation du juge et
donc, ses considérations d’équité – sont ainsi très importantes dans ce cas. De plus,
l’autorisation de recourir à l’équité peut être considérée comme étant explicite face au silence
de la loi ou face à un texte obscur ou lacunaire.
3 M.CUMYN, La validité du contrat suivant le droit strict ou l’équité : étude historique et comparée des nullités
contractuelles, LGDJ, 2002, p.58
syllogisme ». Ainsi, si le syllogisme juridique part de la règle de droit, règle abstraite, et
l’applique aux faits concrets, il est naturel et spontané que le raisonnement du juge reste «
inductif et pragmatique ». En suivant un syllogisme régressif, je juge part donc plutôt des
faits, et de ces faits, il souhaitera dans son for intérieur parvenir à une décision déterminée. Le
juge tentera ainsi de trouver à sa solution souhaitée l’habillage juridique convenable. Il ne
s’agit pas ici de violer la loi. Il s’agit simplement de manier les règles de droit pour parvenir à
la solution qu’il estime souhaitable et équitable. Par exemple, le juge peut avoir recours à une
interprétation extensive ou par analogie des textes. Il va à titre d’exemple s’interroger sur le
but poursuivi par la loi, afin de sanctionner des hypothèses qui n’ont pas été prévues
spécifiquement par la loi. Le juge ira parfois plus loin, et plutôt que de piocher dans les règles
de droit déjà existantes, en créera de nouvelles. Les tribunaux ont déjà dégagé des règles et
principes généraux du droit qui ont vocation à corriger des injustices. C’est le cas notamment
du principe d’abus de droit. C’est également le cas de la notion d’ordre public international,
ou de l’état de nécessité (cause d’exonération de la responsabilité pénale, aujourd’hui codifié
dans le Code Pénal). Enfin, le juge peut également parfois se délier de la loi, lorsque son
application viole les droits de l’homme. Le recours à l’équité est souvent rendu discret, et vêtu
d’un habillage juridique toujours dans l’esprit de la loi.
4 Loi 22-99 AN du 18 mai 1999 portant code de procédure civile (promulguée par le décret 99-244 du 9 juillet
1999)
5 Yves Letartre, ADEKWA Avocat Lille « Le juge et l’équité : mythe ou réalité »
Jean Bodin affirme que « la loi sans l’équité est un corps sans âme ». L’équité revêt donc une
importance croissante en procédure civile. Il permet au juge de suppléer la loi dans des cas où
elle est imprécise ou inexistante et surtout de ne pas tomber dans un cas de déni de justice.
Notons qu’en procédure civile, les parties elles-mêmes peuvent passer par des mécanismes ou
l’équité sera de taille, le cas de l’arbitrage par exemple. Cependant la mise en œuvre de
l’équité n’est pas toujours aisée.
L’équité engendre parfois un risque de rendre une décision injuste. Le juge devant
rendre la décision en écartant les règles de droit, sa subjectivité peut être mise à rude épreuve.
En effet la notion même d’équité est une notion subjective dans la mesure où l’équité
peut être propre à chacun. L’équité pour une partie peut ne pas être la même pour la partie
adverse. Ainsi l’équité ressort des considérations intérieures propre à chaque en ce sens que
tout individu peut avoir une conception propre à lui de la notion de l’équité.
Le concept d’équité dans la procédure civile a souvent fait l’objet d’une certaine
méfiance. Un juriste du siècle des lumière nommé Aguesseau pense que le recours à l’équité
est même assimilé à un « dangereux instrument de la puissance du juge ». L’équité dans la
procédure civile est de plus en plus mise en cause. La cour de cassation française a même
condamné de manière systématique les décisions des juges qui font une référence expresse à
l’équité6. Également, depuis 1804, le code civil s’opposait farouchement aux jugements en
équité dans le droit civil7. L’équité est souvent un frein à l’égalité de tous devant la loi étant
donné qu’en l’absence de règle légale, chaque juge rendra une décision qui ne sera pas
forcement équitable pour tous dans les mêmes circonstances.
Du point de vue du droit objectif, l’équité suppose au préalable le silence de la loi afin
de pouvoir compléter, suppléer, ou corriger la règle de droit. Mais il convient de dire que toute
règle de droit n’est pas forcement équitable pour les parties à un procès en raison de la
difficulté même d’appréhender la notion d’équité or l’article 29 alinéa 1 du code de procédure
civile dispose que « le juge est tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit en
vigueur ». Cependant qu’en est-il si cette règle de droit en vigueur n’aboutis pas à une
solution équitable pour les parties au procès ?
6 Ibidem
En définitive, il ressort que l’usage de l’équité en procédure civile est autorisé par la loi et
sous silence de la loi. L’équité est inhérente à la procédure civile qu’elle se fait une place
évidente. L’équité revêt une double fonctionnalité. D’une part, la notion d’équité peut être un
instrument qui va permettre l’adaptation du droit à la réalité. D’autre part, l’équité est
l’essence même de la procédure civile. Il faut noter que l’application de l’équité se heurte à
certains obstacles majeurs, surtout ce qui concerne la subjectivité.
BIBLIOGRAPHIE
1. Législation nationale
-Loi 22-99 AN du 18 mai 1999 portant code de procédure civile (promulguée par le décret
99244 du 9 juillet 1999)
2. Source jurisprudentielle
3. Ouvrages
-M. CUMYN, La validité du contrat suivant le droit strict ou l’équité : étude historique et
comparée des nullités contractuelles, LGDJ, 2002, p.58
4. Référence électronique