Vous êtes sur la page 1sur 7

THEME

le pouvoir interpretatif du juge

Séance n° 8
Questions

Expliquez le sens des articles 4 et 5 du Code civil.


 Art. 4 : «Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité
ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de
justice».
Cet article impose au juge l’obligation légale de juger, et cela dans tous les cas
même si la loi est « silencieuse, obscure ou insuffisante » le juge doit juger. Il va
devoir chercher le sens, en définir les conditions légales et interpréter la loi.

Art 5 : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale
et réglementaire sur les causes qui leur sont soumise »
Le juge ne peut prétendre à créer des règles de droit, en effet il ne fait qu’appliquer la loi. Sur
le principe de la séparation des pouvoirs : Il ne peut légiférer , ce qui explique l’interdiction
des arrêts de règlements.

Expliquez le sens de l’autorité de la chose jugée.

C 'est le principe désignant à la fois le fait que la remise en cause d une décision de
justice est interdite, en dehors des voies de recours prévues à cet effet, et le fait qu il
n est pas possible pour les mêmes parties de reprendre la même contestation en vue
d’obtenir le même avantage, même en invoquant de nouveaux éléments de preuve
ou de nouveaux fondements juridiques. Cette autorité cesse toutefois en cas de
circonstances nouvelles. Cette interdiction permet d 'éviter de multiplier le
renouvellement à l infini des procès, ce qui serait contraire au principe de sécurité
juridique. C' est ce qui explique que les voies de recours sont soumises à des
conditions de délai.

Comment distingue-t-on un arrêt de principe et un arrêt de règlement ?

La distinction se fonde sur le rapport obligatoire ou pas de la décision : l'arrêt de


principe ne pose qu'un principe que la Cour de cassation compte réitérer dans toutes
les affaires similaires. l'arrêt de principe ne retient qu'une solution qui pourra être
reconduite. Alors que l'arrêt de règlement adopte une règle juridique qui s'imposera
de manière générale.

Expliquez (et donnez un exemple) le caractère rétroactif d’un revirement de jurisprudence

La question du caractère rétroactif d’un revirement de jurisprudence traduit le fait


qu’une règle de droit jurisprudentielle règle des situations nées avant son adoption.
Toute décision de justice est donc rétroactive. Or cela devient délicat lorsque le juge
décide de changer son interprétation de la règle applicable. Son jugement étant
rétroactif, il impose aux parties une décision qu'elles ne pouvaient pas prévoir au
moment d'agir, et porte ainsi atteinte au principe de sécurité juridique.
On peut citer l exemple tiré d un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de
cassation du 9 octobre 2011 : dans cette affaire un médecin avait en 1974 effectué
un accouchement durant lequel l'enfant s'était présenté par le siège ; Le médecin
avait alors prévenu la mère sur les risques courants liés à ce type d accouchement
suivant en cela la règle jurisprudentielle de l 'époque Or, l 'enfant qui était né au final
handicapé a poursuivi au moment de sa majorité, le médecin en se fondant sur
une jurisprudence de la cour de cassation du 17 octobre 1998 : celle ci énonçait
désormais que les médecins devaient donner une information au patient sur tous les
risques encoures durant un accouchement par siège, même si les risques sont
exceptionnels. Dans un premier temps sa demande n a pas aboutie : les juge du
fond ; estimant qu’en 1974, les professionnels de santé n’étaient pas tenu de délivrer
une information aussi détaillée de l’accouchement par voie basse ; et que de ce fait  
la règle jurisprudentielle applicable ne peut-être que celle énoncée au moment des
faits. Or, la Cour de cassation a annulée cette décision en confirmant le principe
selon lequel « nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée. ».

Vous faites des recherches sur l’évolution de la motivation des décisions de la Cour de
cassation depuis le 1er octobre 2019

Avant le 1er octobre 2019 , il était souvent reproché aux arrêts de la Cour de
cassation le fait de ne pas être très intelligibles.Une réforme a donc été jugée
nécessaire. Depuis cette date , les arrêts de la Cour de Cassation sont rédigés dans
un style plus direct et la motivation des arrêts les plus importants est plus
développée : elle devra comprendre notamment, des explications sur la méthode d
interprétation des textes retenue par la Cour de cassation, la mention des solutions
alternatives qui n ont pas été retenues et pourquoi elles ne l ont pas été, la mention
des précédents sera également effectuée, dans les cas ou il y aurait revirement de
jurisprudence .Par ailleurs, tous les arrêts seront rédigés selon le même plan à
savoir : Faits et procédures, examen des moyens, dispositif.
Dissertation

La portée de l'interprétation réalisée par le juge est-elle suffisamment


encadrée ?

« Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des
êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. » Si cette formule
énoncée par Montesquieu (dans son ouvrage « De l’esprit des lois »),s 'entendait
parfaitement dans le contexte de l'époque, il n en est pas de même aujourd'hui  : le
développement du Droit et et le caractère parfois polysémique des lois oblige
souvent le juge (excepté, en matière pénale, dans la mesure ou le juge doit appliquer
strictement la loi) à user d'un pouvoir interprétatif. Le Droit positif, en effet, oblige ce
dernier à juger même lorsque la loi n est pas très claire ou imprécise, révélant le
caractère paradoxale de sa position : le juge est contraint de statuer même lorsque
la loi est imparfaite (c'est l’interdiction du déni de justice imposée par l’art. 4 du Code
civil) ; dans le même temps, le législateur refuse qu’il puisse prétendre à créer des
règles de droit (art. 5 du Code civil) ; d’une part on délimite strictement le rôle du juge
dans son rôle quant à l’application presque mécanique de la loi, et d’autre part, on
l’oblige à statuer, et ceci même dans les cas où la loi ne serait pas claire. C est donc
la question du pouvoir interprétatif du juge qui est questionnée : On sait bien que
toute règle juridique doit nécessairement être interprétée seulement comment l
'appliquer à une situation précise ?. En tant qu être humain, le juge peut effectuer
cette interprétation à partir de ses propres convictions, de sa compréhension propre
des mots utilisés dans le texte de loi , dès lors comment assurer les conditions d une
sécurité juridique, si l'interprétation peut être soupçonnée d 'une certaine
subjectivité ? Qu ' en est il de la situation des justiciables si l'exercice de ce pouvoir
conduit à des solutions hétéroclites ? On peut ressortir l exemple d'une jurisprudence
nouvelle qui viendrait s appliquer à des faits passés ou en cours. Un certain nombre
de règles notamment celle déjà évoquées de l 'article 5 sont venues limiter le pouvoir
d interprétation du juge mais on peut, face à ces constats, se poser la question de
savoir si la portée de l'interprétation réalisée par le juge est suffisamment encadrée ?
Les questionnements autour de ce pouvoir d interprétation peuvent en effet mettre à
mal le principe de sécurité juridique. Cependant, on va voir qu 'en réalité, que même
si le juge dispose d un pouvoir d'interprétation nécessairement important, ce pouvoir
est suffisamment encadré du fait de l 'action de la Cour de cassation et des moyens
nouveaux mis en œuvre.
Pour répondre à ces questions , on reviendra dans un premier temps sur le
fondement de ce pouvoir et les limites qui sont posées ; ce qui nous permettra dans
un second temps de démontrer, que ces limites paraissent suffisantes pour assurer
une sécurité juridique du fait de l action de la Cour de cassation et de ses moyens.
I Un pouvoir d interprétation peu limité en apparence
A l'origine, le pouvoir d interprétation du juge est nécessaire mais la complexité
croissante des Lois voit se pouvoir s’étendre largement.
A Le fondement du pouvoir d interprétation du juge
Le pouvoir interprétatif du juge trouve son origine dans l histoire du Droit ; en effet le
souvenir douloureux de la toute puissance des parlements sous l 'ancien régime et
les principe de la séparation des pouvoirs a conduit le législateur a l'évolution
actuelle : Le juge ne peut prétendre à créer des règles de droit, en effet il ne fait
qu’appliquer la loi (Art 5 : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de
disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumise »)L ; dans
le même temps, le législateur a su rester pragmatique ; Conscient du fait qu 'une loi
qui a normalement une portée générale et abstraite ne peut prévoir tous les cas d
'espèce , il a prévu les cas de « silence de la loi », c'est-à-dire les situations
particulières qui ne correspondent à aucune règle générale, mais aussi de
« l’obscurité de la loi », c'est-à-dire les cas où la loi est imprécise ou ambiguë. C'est
l'article 4 qui énonce «Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de
l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de
déni de justice». Cet article impose au juge l’obligation légale de juger, et cela dans
tous les cas même si la loi est « silencieuse, obscure ou insuffisante » le juge va
ainsi devoir chercher le sens, en définir les conditions légales et interpréter la
loi.Pour ce faire, le juge doit interpréter de manière rationnelle en se fondant sur des
bases solides : en cas d'absence de textes suffisamment précis , il peut s appuyer
sur la jurisprudence c est à dire sur les décisions de justice rendues antérieurement.
Cela a pour avantage principal de permettre de maintenir une certaine sécurité
juridique dans la mesure ou les jugements antérieurs sont connus ou du moins
accessibles.
Cependant cette sécurité peut potentiellement être mise à mal du fait des limites
mêmes de la Loi

B Un pouvoir d interprétation potentiellement large


On l ' a vu le juge est l’acteur principal de l’interprétation dans la mesure où il doit, s’il
est confronté à une règle de droit susceptible de plusieurs sens, pour ce faire, il s
'inspire (en l absence de textes suffisamment clairs) de la jurisprudence. Cependant,
on ne peut légalement imposer au juge d’être lié par ses précédents, bien plus, le
juge qui dit pour motiver son jugement qu’il statue dans un sens déterminé parce
qu’il a déjà statué dans le même sens auparavant méconnaît le principe posé par
l’article 5 du Code civil ; s'il
le faisait, sa décision serait irrémédiablement annulée.Si la jurisprudence sert de mo-
dèle , le juge ne peut pas explicitement s’appuyer sur elle pour fonder une décision.
On peut en outre rappeler qu ' en France, toute force obligatoire est refusée au pré-
cédent judiciaire, même lorsque la décision provient de la Cour de Cassation. Cela
veut donc dire que le juge peut interpréter d’une manière différente une règle de
droit déjà interprétée dans un autre cas. Les tribunaux et cours ne sont pas liés par
le précédent. Une même cour n’est pas liée par ce qu’elle a annoncé précédemment,
ce qui veut dire qu’elle peut changer d’avis. La Cour de cassation a d ailleurs confir -
mé ce principe « les juges disposent d’un pouvoir souverain pour juger de la nécessi-
té d’interpréter, c’est-à-dire d’apprécier le caractère obscur ou ambigu d’une disposi-
tion du jugement (Cour de cassation, chambre commerciale, 7 octobre 1981). Cela
pose un problème de taille pour les justiciables : le fait qu’une règle de droit jurispru-
dentielle règle des situations nées avant son adoption pose un problème de sécurité
juridique pour les justiciables. Les revirements de jurisprudence amplifient en effet la
rétroactivité : le juge va apprécier des faits antérieurs en fonction d’une nouvelle
règle de droit. Cette règle devient délicate lorsque le juge décide de changer son in-
terprétation de la règle applicable. Son jugement étant rétroactif, il impose aux par-
ties une décision qu'elles ne pouvaient pas prévoir au moment d'agir.On peut citer l
exemple tiré d un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 9 oc-
tobre 2011 : dans cette affaire un médecin avait en 1974 effectué un accouchement
durant lequel l'enfant s'était présenté par le siège ; Le médecin avait alors prévenu la
mère sur les risques courants liés à ce type d accouchement suivant en cela la règle
jurisprudentielle de l 'époque Or, l 'enfant qui était né au final handicapé a poursuivi
au moment de sa majorité, le médecin en se fondant sur une jurisprudence de la
cour de cassation du 17 octobre 1998 : celle ci énonçait désormais que les médecins
devaient donner une information au patient sur tous les risques encoures durant un
accouchement par siège, même si les risques sont exceptionnels. Dans un premier
temps sa demande n a pas aboutie : les juge du fond ; estimant qu’en 1974, les pro-
fessionnels de santé n’étaient pas tenu de délivrer une information aussi détaillée de
l’accouchement par voie basse ; et que de ce fait   la règle jurisprudentielle applicable
ne peut-être que celle énoncée au moment des faits. Or, la Cour de cassation a annu-
lée cette décision en confirmant le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir
d’un droit acquis à une jurisprudence figée. »
Par ailleurs, la remise en cause d une décision de justice est interdite, en dehors des
voies de recours prévues à cet effet. C' est le principe de l’autorité de la chose ju-
gée : concrètement, celui ci énonce qu il n est pas possible pour les mêmes parties
de reprendre la même contestation en vue d’obtenir le même avantage, même en in-
voquant de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux fondements juridiques.
Cette autorité cesse toutefois en cas de circonstances nouvelles. Cette interdiction
permet d 'éviter de multiplier le renouvellement à l infini des procès, ce qui serait
contraire au principe de sécurité juridique.
Au total, le juge apprécie les faits en fonction du sens qu’il a, à donner à la règle de
droit et éventuellement qualifie les faits pour leur appliquer la règle de droit. Ceci se
fait à propos d’une situation particulière donc d’un litige. La seule obligation qu 'il doit
respecter a trait à un certain formalisme juridique : il doit motiver sa décision c’est-à-
dire le raisonnement adoptée et notamment l’interprétation de la règle de droit rete -
nu. C est précisément sur ce point , que les limitations au pouvoir d interprétation
du juge apparaissent,on va le voir, les plus efficaces.

II Un encadrement efficace dans les faits


Pour encadrer le pouvoir d interprétation du juge susceptible d’entraîner une
hétérogénéité des décisions et donc d'amener à une certaine insécurité juridique la
Cour de cassation apparaît primordiale de par son rôle et les effets qu 'il produit
A Le rôle de la cour de cassation
La Cour de cassation assure un certain nombre de missions essentielles relatives
au pouvoir d interprétation du juge et à sa limitation. Dans un premier temps on peut
évoquer le fait qu elle entend unifier la jurisprudence. En tant que juridiction
suprême, située au sommet de la  hiérarchie judiciaire., elle vérifie que les décisions
qui lui sont soumises, prises par des juridictions civiles et pénales de degré inférieur
(tribunaux et cours d'appel) sont conformes aux règles de droit Elle a le pouvoir d'
annuler une décision des juges du fond « pour violation des formes, violation ou
fausse interprétation de la Loi, incompétence de la juridiction, excès de pouvoir,
contrariété de jugements (conflit de décisions judiciaires) » etc, mais elle ne juge
pas les faits. La Cour vérifié également que les règles sont appliquées de manière
identique sur l'ensemble du territoire. Les juges paraissent ainsi, dans une certaine
mesure, parler d une seule voix.
Par ailleurs , la Cour de cassation a également pour mission de garantir le respect dû
à la volonté du législateur, pour limiter les velléités des décisions des juges du fond
qui pourraient être hétérodoxes ou inopportunes ; mais aussi pour faire évoluer le
droit s’il s’avère obsolète ou inadapté, pour imaginer des solutions si des questions
nouvelles surgissent. Pour ce faire , elle peut par exemple poser  des arrêts de
principe , c'est à dire des arrêts par lequel le juge pose une règle de droit générale
avec l’objectif d' orienter à l’avenir les juges confrontés à des situations juridiques
similaires. Ces arrêts expriment une solution de portée générale, à laquelle pourront
se référer les juges confrontés à des cas analogues.

B Les moyens de la Cour de cassation


Pour assurer cette unification la Cour de Cassation a mise en œuvre un certain
nombre de réformes :Premièrement, la Cour de cassation a imaginé différents
dispositifs pour mettre fin aux trop grandes divergences entre les chambres qui la
composent ; ainsi par exemple, peut on évoquer les réunions solennelles d’une
chambre mixte ou d’une assemblée plénière - l’une et l’autre regroupent plusieurs
chambres, qui sont mises en place pour résoudre les contrariétés de jurisprudence
ou prévenir un risque de contrariété, sur une question de principe . Mais la mise en
œuvre de ces moyens procéduraux reste exceptionnelle et en pratique l’unification
du droit est avant tout assurée par des moyens substantiels
Deuxièmement une attention particulière portée sur la formulation de la règle, et
notamment à la manière dont le règle se détache de l’espèce (pour lui conférer toute
sa portée) ; l’élaboration de règles secondaires, d’ordre méthodologique, pour rendre
homogène l’interprétation ou la mise en œuvre de règles On peut sur ce point,
évoquer la réforme du 1er octobre 2019 : avant cette date il était souvent reproché
aux arrêts de la Cour de cassation le fait de ne pas être très intelligibles.Une réforme
a donc été jugée nécessaire. Depuis cette date , les arrêts de la Cour de Cassation
sont rédigés dans un style plus direct et la motivation des arrêts les plus importants
est plus développée : elle devra comprendre notamment, des explications sur la
méthode d interprétation des textes retenue par la Cour de cassation, la mention des
solutions alternatives qui n ont pas été retenues et pourquoi elles ne l ont pas été, la
mention des précédents sera également effectuée, dans les cas ou il y aurait
revirement de jurisprudence .Par ailleurs, tous les arrêts seront rédigés selon le
même plan à savoir : Faits et procédures, examen des moyens, dispositif.
Enfin sa situation au sommet de la hiérarchie juridictionnelle lui permet d 'imposer
aux juridictions qui lui sont inférieures ses décisions : même si ces dernières
peuvent, comme évoqués plus haut « résister » il est évident que les juridictions de
fond n ayant généralement pas intérêt à voir leurs décisions cassées par la Cour
auront tendance à se rallier aux solutions énoncées par la Cour de cassation.
D'autant plus qu' en dernier lieu, elles seront obligées de s’incliner puisque les
décisions de l’Assemblée plénière s’imposent.

Vous aimerez peut-être aussi